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ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 2007 - 2008
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Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale Annexe au procès-verbal
le 2 juillet 2008 de la séance du 2 juillet 2008
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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
________________________
sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap
Par Mme Bérengère Poletti
Députée
__________ __________
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Claude BIRRAUX, par M. Henri REVOL,
Président de l'Office Premier Vice-Président de l'Office
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SOMMAIRE
I. – Le besoin d’aides techniques est massif et croissant avec le vieillissement de la population. 9
II.– Un secteur mal connu 12
III.– Des progrès techniques majeurs vont survenir à très brève échéance 14
1. Le handicap moteur 15
2. Le handicap mental et cognitif 15
3. Les handicaps sensoriels 15
4. Les troubles de certaines fonctions 16
IV.– La diffusion rapide du progrès technique se heurte à des obstacles majeurs 17
PREMIERE PARTIE LES ESPOIRS SUSCITÉS PAR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES 19
Chapitre i - Un apport multiforme des technologies de l’information
et de la communication à la lutte contre le handicap 21
Section 1 – L’électronique accapare l’environnement des personnes handicapées 21
A.- La domotique 21
B.- La robotique 23
Section 2 – L’amélioration de l’interface entre l’homme et la machine
constitue une vraie révolution pour les handicaps les plus lourds. 27
A.-Le contrôle direct d’une machine par le cerveau 27
B.- L’ordinateur est aussi une prothèse 28
C.- Le téléphone est amené à jouer un rôle important comme aide technique 30
D.- La lutte contre les effets invalidants facilitée 31
Section 3 – Calendrier de mise en œuvre des nouvelles technologies 33
Chapitre II - Les handicaps sensoriels vaincus ? 39
Section 1 – La cécité ira en diminuant mais la malvoyance s’accroîtra
avec le vieillissement de la population 39
A.- Un problème massif très largement lié à l’âge 39
B.- Les nouveaux moyens de lutte contre la cécité 40
Section 2 – Les Nouvelles Technologies pour l’Intégration des Handicapés Visuels 46
A.- Une grande variété d’aides 47
B.- L’utilisation d’autres sens en substitution de la vue 50
Section 3 – La surdité profonde vaincue ? 52
A.- Un problème massif très largement lié à l’âge 52
B.- Des prothèses insuffisamment portées 53
C.- Les raisons d’une trop faible diffusion 55
D.- La surdité profonde : Les résultats spectaculaires des implants cochléaires 57
Chapitre III - une amélioration importante des aides techniques est en cours
pour Les handicaps moteurs 59
Section 1 – L’importance de l’âge dans le handicap moteur 59
Section 2 – L’amélioration des matériels existant est très importante 61
A.- Les fauteuils roulants 61
B.- Les déambulateurs 63
C.- La rééducation 64
Section 3 – Les outils révolutionnaires 64
A.- Les prothèses de nouvelle génération 65
B.- Les exosquelettes 67
C.- L’électro-stimulation aura des résultats limités 69
Chapitre IV - Le handicap mental nouveau domaine des aides techniques 71
Section 1 – L’importance de l’âge dans le handicap mental 71
Section 2 – L'impact de l'utilisation des aides techniques sur la dépendance
des personnes atteintes d’un handicap mental 72
Chapitre V - L'apport fondamental des aides techniques à l'insertion
des personnes handicapées 77
Section 1 – Une impérieuse obligation : l'accessibilité 77
A.- Les obligations issues de la loi du 11 février 2005 77
B.- Un obstacle à l'application de la loi de 2005 : l'attitude des architectes des bâtiments de France (ABF) 79
C.- La réalisation des obligations législatives imposera un recours accru aux aides techniques 79
Section 2 – Les aides techniques permettant l'accès à la culture 81
A.- Le plan handicap visuel 2008-2011 fait une large place à l’accès aux biens culturels 82
B.- L'intégration scolaire des handicapés visuels 83
DEUXIÈME PARTIE LE PROGRÈS TECHNIQUE POUR TOUS ? 85
Chapitre I De la recherche au patient 87
Section 1 – Des faiblesses structurelles au niveau de la recherche académique 87
A.- Le Champ de la recherche 88
B.- Les moyens existants 89
C.- La dispersion des moyens 90
Section 2 – Des efforts réels pour remédier à cette situation 94
Section 3.– le handicap, reflet fidèle des forces et des faiblesses de la recherche française 95
A.- La déconnection entre recherche fondamentale et recherche appliquée 95
B.- Des liens trop distendus avec l’industrie 96
Chapitre II Le fonctionnement insatisfaisant du marché 99
Section 1 – Des mécanismes régulateurs contradictoires 99
A.- Un constat : des prix dont nous ne comprenons pas toujours le mode de fixation 99
B.- Une trop grande complexité de la prise en charge sociale 101
C.- Cette complexité entraîne des difficultés indéniables pour les industriels 105
Section 2 – Les voies pour remédier aux déficiences du marché 106
A.- L’amélioration de l’information 106
B.- La normalisation 111
C.- La location doit être développée 112
Chapitre III Les obstacles sociétaux 115
Section 1 – un effort financier insuffisant de la collectivité qui génère un coût trop important
pour le patient 115
A.- L’insuffisance du remboursement 116
Section 2 – Un dispositif récent améliore la situation mais il conviendra de l’évaluer 120
Section 3 – Les difficultés culturelles illustrées par les implants cochléaires 123
A.- Les inquiétudes des associations de sourds et l’avis du Comité Consultatif
National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé. 123
B.- L’avis de la Rapporteure 128
CONCLUSION 131
RECOMMANDATIONS 133
ADOPTION DU RAPPORT PAR L’OFFICE 135
ANNEXES 141
Annexe 1 – Liste des personnalités rencontrées 141
Annexe 2 – Compte rendu de l’audition du jeudi 19 juin 2008 157
Le thème de l’homme, qui par des prothèses de haute technologie, arrive à atteindre des performances hors du commun, a toujours fasciné le public et constitué le sujet d’œuvres cinématographiques. Ce fantasme risque bientôt de ne plus relever de la science fiction, comme l’illustre aujourd’hui le cas d’Oscar Pistorius, cet athlète handicapé, amputé des deux jambes, éliminé des sélections olympiques, au motif que les lames de ses prothèses lui donneraient un avantage par rapport aux compétiteurs valides, avant d’être « repêché ».
Durant de longues années, le sort réservé aux personnes handicapées a constitué un motif de « honte » pour notre pays. Érigée au rang des grands chantiers du Président de la République, Jacques Chirac, l’intensification de la lutte contre le handicap, a conduit à la loi du 11 février 2005 qui traduit cette prise de conscience.
La création, en avril 2007, de « l’Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap », issu de cette loi, illustre la prise en considération par les pouvoirs publics de l’importance majeure des aides techniques pour améliorer la prise en charge du handicap, et le rôle clé de ces dernières, dans les années à venir, pour faire face aux conséquences du vieillissement de la population, qui conduira à une augmentation de 50% du nombre de personnes âgées dépendantes en 20401.
Le présent rapport essaie d’analyser les questions posées et les perspectives offertes par le développement des nouvelles aides au handicap, sans chercher à en dresser un inventaire exhaustif qui impliquerait d’analyser des dizaines de milliers de dispositifs.
Les problématiques liées aux aides techniques au handicap ne concernent pas les seules personnes handicapées mais, par bien des aspects, et la société toute entière. En cherchant à inventer un appareil pour aider sa mère qui était sourde, Graham Bell découvrit le téléphone. De nombreux produits, aujourd'hui entrés dans la vie courante, tels que les télécommandes des téléviseurs ou les brosses à dents électriques, ont été à l’origine conçus comme aides techniques pour les handicapées.
Les recherches sur les moyens techniques d’aider les personnes handicapées ne sont pas dénuées d’intérêt pour les valides. L’expérience montre que les produits conçus peuvent améliorer la vie de tous et que des politiques, telles que l’accessibilité dans les transports publics, ne sont pas appréciées des seules personnes atteintes d’un handicap, mais aussi, par exemple, des mères de famille accompagnées de jeunes enfants.
Aussi, votre rapporteure a-t-elle tenté de concevoir ce travail non pas comme un simple recensement, mais également comme une analyse de l’impact des nouvelles technologies destinées aux personnes handicapées sur la vie de la Cité.
Trop longtemps celles-ci ont été marginalisées et abusivement perçues comme une charge pour la société ; à travers les problématiques technologiques développées dans ce rapport, nous pourrons mesurer que la lutte contre le handicap peut constituer également un moteur de développement économique et technologique dont notre pays aurait tort de se priver.
Et, il était logique que la commission des affaires culturelles familiales et sociales de l’Assemblée Nationale saisisse l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques d’une demande d’évaluation sur « les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap » car, les évolutions scientifiques exigeront rapidement l’intervention de décisions politiques pour financer et rendre accessibles aux personnes handicapées les technologies qui vont transformer profondément leur qualité de vie.
LE HANDICAP : UNE RÉALITÉ MULTIPLE
L’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.) analyse de la façon suivante les relations entre maladie et handicap :
1) Les maladies sont à l’origine de la chaîne ; ce terme doit être compris dans un sens large, incluant les accidents et les autres traumatismes moraux ou physiques, ainsi que les conséquences des complications de grossesse ou d’accouchement, et les malformations congénitales.
2) Les déficiences sont les pertes (amputations, scléroses…) ou dysfonctionnements des diverses parties du corps ou du cerveau. Elles résultent en général d’une maladie (au sens large précédent). Une notion voisine plus couramment utilisée est celle d’invalidité.
3) Les incapacités sont les difficultés ou impossibilités de réaliser des actes élémentaires comme se tenir debout, s’habiller, parler… Elles résultent en général d’une ou plusieurs déficiences ;
4) Les désavantages désignent les difficultés ou impossibilités que rencontre une personne à remplir les rôles sociaux auxquels elle peut aspirer, ou que la société attend d’elle.
Le handicap regroupe les trois derniers domaines.
Dans chacun d’entre eux, l’atteinte peut être minime ou conséquente, voire rédhibitoire. Evaluer le nombre des personnes handicapées exige qu’on fixe un seuil minimal d’atteinte, décision arbitraire, susceptible de points de vue divers. Il n’y a donc pas de réponse unique à la question : “Combien y a-t-il de personnes handicapées en France ?”
I. – Le besoin d’aides techniques est massif et croissant avec le vieillissement de la population.
En effet, si les aides techniques ne remplaceront jamais l’assistance humaine, et la chaleur qui l’accompagne, elles offrent l’avantage d’une disponibilité totale, 24 heures sur 24.
Bien qu’il existe un certain flou statistique, 2 300 000 personnes sont administrativement reconnues comme handicapées en France, dont 60 % sont atteintes de déficience motrice.
Il existe entre le handicap ressenti par la population, tel qu’il est évalué par les enquêtes,et la reconnaissance administrative de ce dernier, un rapport qui, pour certains handicaps, va de un à dix, ceci explique, en partie, que les chiffres le plus souvent avancés pour évaluer le nombre de personnes handicapées en France se situent entre 3 300 000 et 5 millions de personnes.
Ce nombre s’accroît chaque année, 730 000 personnes environ déposent un dossier de reconnaissance de leur handicap auprès des COTOREP.
Les crédits liés aux handicaps représentent en France 6,1% de l’ensemble des dépenses à caractère social2 soit 25,6 milliards d’euros en 2001. 135 000 familles sont bénéficiaires de l’allocation d’éducation spéciale au titre de leur enfant handicapé. Au 31 décembre 2002, 752 900 personnes étaient titulaires de l’allocation aux adultes handicapés et 450 000 d’une pension d’invalidité.
Près de 5,7 millions de personnes utilisent à leur domicile une aide technique (y compris du mobilier adapté).
Leur champ d’utilisation est très vaste. La dénomination « aide techniques » recouvre une diversité de matériels ou d’équipements ; elle se distingue des aides humaines ou des aides animalières, le chien guide aveugle par exemple.
Les aides techniques sont généralement définies comme les moyens destinés à permettre à la personne de retrouver une autonomie pour lui permettre de se maintenir dans son cadre de vie, ou de compenser une partie des conséquences de son handicap.
La norme ISO 9999 définit les aides techniques comme « tout produit, instrument, équipement ou système technique utilisé par une personne atteinte d'un handicap ou d'un désavantage social, fabriqué spécialement ou existant sur le marché, destiné à prévenir, compenser, soulager ou neutraliser la déficience, l’incapacité ou le handicap».
Pour certains types de handicaps, par exemple les handicaps moteurs, les aides techniques sont primordiales ; pour d’autres, par exemple les handicaps mentaux, les besoins en aides techniques semblent moins importants et les besoins en aides humaines paraissent prioritaires. Ce constat, qui m’avait dans un premier temps conduit à exclure le handicap mental du champ de cette étude, n’est pas figé et devra être considérablement nuancé dans les années à venir. J’ai pu, au cours de mes investigations, mesurer à quel point des technologies aujourd’hui courantes, comme le téléphone portable, pouvaient modifier la vie des handicapés mentaux (en particulier ceux qui sont atteints par la maladie d’Alzheimer). Aussi, suis-je convaincue qu’il serait inopportun de restreindre le champ de l’étude aux seuls handicaps physiques.
DÉFINITION JURIDIQUE DU HANDICAP
Loi du 11 février 2005
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicapé ou d’un trouble de santé invalidant ».
La détermination du taux d’incapacité s’appuie sur une analyse de cinq interactions entre trois dimensions :
Déficience : toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique. La déficience correspond à l’aspect lésionnel et équivaut dans la définition du handicap, à la notion d’altération de fonction.
Incapacité : toute réduction résultant d’une déficience, partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain. La capacité correspond à l’aspect fonctionnel dans toutes ses composantes physiques psychiques et équivaut, dans la définition du handicap, à la notion de limitation d’activité,
Désavantage : toute limitation de la possibilité d’accomplir un rôle social…les limitations «voire la possibilité » de l’accomplissement d’un rôle social normal en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels. Le désavantage (et donc la situation concrète de handicap) résulte de l’interaction entre la personne porteuse de déficience et/ou d’incapacité et son environnement.
Le guide – barème comprend huit chapitres correspondant chacun à un type de déficience :
Déficience intellectuelle et difficulté de comportement.
Déficience du psychisme.
Déficience de l’audition.
Déficience du langage et de la parole.
Déficience de la vision.
Déficience viscérale générale.
Déficience de l’appareil locomoteur.
Déficience esthétique.
Les aides techniques sont principalement de deux types : collectives, lorsqu’elles favorisent une démarche d’accessibilité ou individuelles lorsqu’elles viennent compenser une déficience. Elles englobent donc des appareillages restituant l’intégrité physique de la personne (prothèses et orthèses externes), des matériels consommables par la personne et des produits d’équipement ou d’aménagement du logement. C’est pour cela que dans les années 80, on a remplacé les termes « aides techniques » par « produits d’aide à la vie ».
Quelques chiffres permettent de saisir l’ampleur des besoins d’aides au handicap : 5 millions de personnes (7,9 % de la population française) devrait porter des prothèses auditives, 1,8 million de personnes utilisent un fauteuil roulant à leur domicile…
Les tableaux qui suivent illustrent l’étendue des besoins.
IMPORTANCE DE LA POPULATION CONCERNÉE
PAR LES AIDES TECHNIQUES (CNSA)
- 1 500 000 de personnes malvoyantes
- 60 000 personnes aveugles
- 3 500 000 personnes malentendantes
- 450 000 atteintes de déficience auditive sévère ou profonde
- 1 000 000 personnes souffrant d'un handicap mental
- 850 000 personnes souffrant d'un handicap moteur isolé
- 1 400 000 personnes atteintes d'un handicap moteur associé à d'autres déficiences.
Le rapport Charzat estime à 600 000 les personnes atteintes d'un handicap psychique.
Il ressort de l'enquête HID (handicaps -Incapacités- Dépendance) que :
- 5,4 millions de personnes déclarent utiliser des aides techniques dont :
- 400 000 personnes en institution,
- 5 millions de personnes à domicile.
- 1,2 million de personnes déclarent être appareillées au moyen d'une prothèse
DIVERSES APPROCHES DU HANDICAP SELON L'ÂGE
En %
Femmes |
Hommes |
Ensemble | ||||
– de 60 ans |
+ de 60 ans |
– de 60 ans |
+ de 60 ans |
– de 60 ans |
+ de 60 ans | |
Recourir à des aides techniques |
4,5 |
38,2 |
4,8 |
32,0 |
4,6 |
35,6 |
Etre titulaire d'un taux d'incapacité(1) |
3,0 |
10,6 |
6,2 |
16,5 |
4,6 |
13,1 |
Rencontrer ou avoir rencontré un problème d'emploi(2) |
15,5 |
11,7 |
14,5 |
12,4 |
15,0 |
12,0 |
Avoir d'une déficience(3) |
31,1 |
76,9 |
29,9 |
72,6 |
30,5 |
75,1 |
Recevoir une allocation |
2,3 |
5,0 |
4,5 |
10,8 |
3,4 |
7,5 |
Etre confiné au lit |
0,7 |
9,4 |
1,0 |
7,5 |
0,9 |
8,6 |
Etre aidé pour sortir(4) |
0,7 |
6,7 |
0,5 |
2,4 |
0,6 |
4,9 |
Recourir à une aide humaine |
4,4 |
32,7 |
3,4 |
21,4 |
3,9 |
27,9 |
Source : Insee, enquête Handicap-incapacités-dépendance 1998 et 1999.
Note : Ce tableau concerne les personnes à domicile et celles résidant en institution socio-sanitaire ou psychiatrique, sauf la ligne "recours à une aide humaine" qui concerne uniquement les personnes à domicile.
(1) Proportion de personnes déclarant un taux officiel d'incapacité.
(2) Parmi les 20 ans et plus : personnes inaptes à l'emploi, ou ayant dû l'abandonner, ou devant avoir un emploi aménagé pour raison de santé.
(3) Les déficiences sont les pertes (amputations,scléroses,…) ou dysfonctionnements des diverses parties du corps ou du cerveau.
(4) Sont regroupées dans cette catégorie les personnes ni confinées au lit, ni ayant besoin d'aide pour la toilette et l'habillage.
II.– Un secteur mal connu
La mise en œuvre de la loi de 2005 sur le handicap, ainsi que la croissance des pathologies liées au vieillissement confrontent les pouvoirs publics à des thématiques nombreuses et complexes. Or, ces derniers manquent d’informations de qualité. Il est symptomatique que malgré la publication régulière des rapports sur les aides techniques au handicap il ait fallu attendre le mois d’avril 2007 pour voir la mise en place d’un observatoire de la recherche sur le handicap.
De 1985 à 1995 quatre rapports centrés sur les aides techniques soulignaient déjà :
- le manque de données épidémiologiques,
- le manque d’information sur les besoins des personnes en situation de handicap,
- l’absence de fiabilité des matériels,
- l’absence de conseils compétents, faute de connaissances et de recensement des produits,
- la nécessité d’une approche globale et d’une évaluation personnalisée des besoins de chaque personne,
- l’influence du remboursement sur le choix des matériels,
- la compétence variable des revendeurs et l’absence de structuration de la distribution,
- l’absence d’essais effectifs du matériel,
- le financement dispersé, éclaté, hétérogène et trop compliqué des produits,
- la nécessité d’une évaluation du suivi des préconisations.
De 1995 à 2001 cinq rapports ont traité de la problématique générale des aides techniques et de la prise en charge ; ils soulignent :
- l’inadaptation des tarifs de prise en charge des aides techniques,
- la nécessité d’un guichet unique pour faciliter les démarches en vue du financement des aides techniques,
- la nécessité d’abandonner la référence à l’âge qui est à l’origine de la déficience,
- la nécessité de prendre en compte la personne dans sa globalité en fonction de son environnement, son choix de vie et d’instaurer un droit à compensation.
Si l’État, les collectivités locales et l’assurance maladie assurent en grande partie la solvabilité de ce marché, ils ne disposent pas encore des outils de pilotage qui leur permettraient d’acquérir l’information nécessaire à la prise des décisions, en particulier dans le domaine essentiel de la détermination des tarifs de remboursement des appareillages par l’assurance maladie.
Faute d’avoir défini une politique globale, la France est plutôt sous équipée en aides techniques au handicap, par rapport à d’autres pays comme les Pays-Bas. Au moment où le développement de l’informatique, l’émergence des nanotechnologies, le déploiement de la domotique, donnent le jour à des matériels étonnants, capables de compenser des déficits moteurs, mais également sensoriels, voire mentaux, il convient de s’interroger sur cette situation. Les nouvelles technologies de la communication bouleversent l’insertion sociale des handicapés, y compris les plus lourds. Si l’accès à Internet leur autorise une communication avec l’extérieur, l’ordinateur n’est toujours pas considéré comme une aide au handicap...
Les analyses que j’ai pu conduire illustrent aussi les travers bien connus de la recherche française, solide au niveau de la recherche fondamentale, mais peu performante lorsqu’il s’agit de passer au stade de la recherche appliquée, en particulier faute de PME suffisamment importantes, puisque le marché des aides techniques au handicap est souvent un marché de niches qui implique, pour être compétitif, de disposer d’une capacité exportatrice.
III.– Des progrès techniques majeurs vont survenir à très brève échéance
Le Professeur Philippe Thoumié, dans un rapport au Ministre de la santé de 2003, note que les innovations techniques majeures dont ont bénéficié les personnes handicapées durant les dernières décennies ont été produites à travers des appareils dont la finalité n’était pas de réduire le handicap.
Ce fait implique prudence et modestie dans la prévision puisque les recherches expressément dédiées à la lutte contre le handicap ne débouchent pas nécessairement sur les innovations les plus remarquables.
Les logiciels de lecture d’écran pour les malvoyants ont été rendus possibles par les progrès de la synthèse de parole. Les machines qui permettent de faire lire les pages d’un livre sont une combinaison des techniques de numérisation, de reconnaissance des formes et de synthèse de parole.
La synthèse de la parole, couplée à l’informatique, redonne la possibilité de s’exprimer à des gens que la maladie et la déficience motrice cantonnaient autrefois dans l’isolement. Aucune de ces techniques n’avait été développée à l’origine pour ce genre d’application.
Les bras articulés pour les personnes handicapées motrices reposent sur les résultats de recherche en robotique, électronique, mécanique, et en intelligence artificielle.
La miniaturisation des techniques de laser permet aujourd’hui de compléter de manière très intéressante la canne blanche et de pousser un peu plus loin les limites de la perception de l’environnement.
Les implants cochléaires ont fait des progrès considérables ces dernières années, grâce à la miniaturisation électronique et aux progrès de la théorie du signal.
L’intelligence artificielle permet de concevoir des aides à la communication pour des personnes handicapées intellectuelles.
Il est toutefois possible d’identifier des aides qui devraient connaître des progrès sensibles à brève échéance.
J’ai pu voir aux États-Unis des prototypes de bras artificiels commandés directement par le cerveau. J’ai vu des soldats amputés d’une jambe escalader un mur, grâce à de nouvelles prothèses.
J’ai vu au Japon des nouveaux concepts de fauteuils roulants aux performances étonnantes.
J’ai vu des exosquelettes permettant d’améliorer considérablement la marche.
La stimulation électrique profonde étudiée par les chercheurs de l’INRIA, du CNRS et de l’Université de Montpellier, pourra déboucher sur des progrès spectaculaires chez les très grands handicapés, tel que la récupération de la fonction de pince de la main.
La domotique qui n’est pas développée spécifiquement pour les personnes handicapées est en train de faire des progrès extrêmement importants qui faciliteront le maintien à domicile des personnes handicapées motrices, en particulier des personnes âgées.
Tous les progrès qui se profilent ne relèvent pas de la haute technologie. Des améliorations portées à de simples déambulateurs peuvent transformer la vie des personnes handicapées.
2. Le handicap mental et cognitif3
Le développement de robots, prenant la forme d’animaux, permet de compléter les thérapies comportementales mises en oeuvre.
Des téléphones portables simplifiés, mis au point pour les enfants, peuvent permettre de redonner une autonomie à des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Beaucoup de chercheurs pensent que l’utilisation de techniques de réalité virtuelle permettrait d’aider à la rééducation de certains troubles psychiatriques de la perception de l’espace.
• La vue est l’un des domaines où les progrès seront les plus spectaculaires et où la technologie est la plus riche.
Des lunettes d’un nouveau type permettront de réduire considérablement les handicaps liés à la dégénérescence maculaire.
Des rétines artificielles, déjà implantées sur quelques patients, permettront à des aveugles de retrouver une certaine vision.
Les aides au déplacement, telles que les cannes blanches en intégrant des dispositifs tels que le GPS, faciliteront grandement l’insertion des malvoyants.
• Le handicap auditif
Les progrès de l’informatique et de la miniaturisation devraient permettre une amélioration très importante des prothèses auditives.
D’ores et déjà, les implants cochléaires ont permis d’éviter des surdités profondes et des enfants bénéficiant de ces techniques, qui jadis étaient condamnés à vivre en établissement, ont pu mener une vie normale. Dans ce domaine, nous pouvons dire que les aides techniques ont vaincu le handicap.
Nous pouvons espérer, dans un futur proche, la conception de ventilateurs à peine plus grands et plus lourds qu’un téléphone portable, qui pourront aider les patients atteints de troubles respiratoires à retrouver une mobilité plus importante. A terme, les ventilateurs devraient connaître la même évolution technologique que celle des pacemakers cardiaques.
D’ores et déjà, il existe des neuroprothèses pour stimuler les muscles de la respiration et ainsi « libérer » le patient, l’espace de quelques heures, du poumon artificiel, véritable carcan.
La pratique de l’électrostimulation implantable permettra de disposer d’outils contre d’autres troubles fonctionnels, en particulier d’origine neurologique, par exemple les douleurs chroniques de certains amputés.
Cette liste des progrès attendus dans les années à venir n’est pas limitative. Cette évaluation à laquelle nous allons nous livrer est extrêmement importante, car l’appréciation des futurs besoins en structures dédiées aux personnes dépendantes doit désormais intégrer l’apport de la science et de la technologie qui permettront à un nombre plus important de personnes de rester à leur domicile. Ces aides n’effacent pas le handicap mais peuvent en limiter les conséquences, en particulier pour les handicaps liés au vieillissement, sous réserve toutefois d’être largement diffusées.
IV.– La diffusion rapide du progrès technique se heurte à des obstacles majeurs
Les personnes handicapées souffrent et les pouvoirs publics doivent les aider, plus qu’un devoir il s’agit d’une ardente obligation. Or, les aides techniques au handicap sont plus faiblement diffusées en France que dans d’autres pays. Aussi est-il nécessaire de comprendre cette situation.
Toutes les personnes rencontrées s'accordent sur la nécessité de placer la personne handicapée au centre du dispositif, d'analyser ses besoins et d'évaluer l'apport des aides techniques qui doivent s'inscrire dans le cadre d'un projet de vie car, chaque personne handicapée à des besoins spécifiques, en particulier en matière d’insertion sociale.
La première difficulté pour le patient et ses soignants est d’identifier l’aide technique optimale eu égard aux besoins. Il est particulièrement difficile aujourd'hui pour une personne, de trouver le réseau de compétence ou le dispositif d'action lui permettant de disposer d’une offre structurée et cohérente dans le domaine des aides techniques. Ceci est particulièrement vrai en milieu rural. La mise en place des maisons départementales du handicap4 constitue sans doute une première réponse qu’il conviendra d’évaluer.
Le recours à Internet offre un intérêt limité car il n’est guère possible de procéder à des achats en ligne de matériels sans essai préalable, cela est vrai pour à peu près tous les types de prothèses.
Selon les interlocuteurs que j’ai pu rencontrer, de nombreux patients n’ont pas connaissance des aides techniques qui pourraient faciliter leur insertion.
Après l’identification du besoin, vient la question du financement : si la mise en place de la caisse nationale pour l’autonomie a permis d’enregistrer des progrès certains, la question du financement des aides techniques est encore loin d’être réglée aujourd’hui. Il existe une distorsion très importante entre ceux dont les conséquences du handicap sont pris en charge par les assurances (par exemple les victimes d’accidents de la route) et ceux dont la réparation du handicap repose sur la solidarité nationale. Cette étude examinera, bien évidemment, cette question, car la mise au point d’aides techniques performantes pour les personnes handicapées n’a de sens que si elles font l’objet d’une large diffusion.
En conclusion, ce rapport ne se veut pas un recensement exhaustif de l’ensemble des aides techniques, tâche à peu près impossible, mais un « coup de projecteur » sur les procédés qui, demain, transformeront la vie des handicapées, ainsi qu’une réflexion sur les moyens susceptibles d’être mis en oeuvre pour que la vie de ces personnes puisse, à terme, être transformée par ces magnifiques prototypes en cours d’expérimentation.
PREMIERE PARTIE
LES ESPOIRS SUSCITÉS PAR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Il n’est pas très utile de s’étendre sur les progrès fabuleux de l’informatique et des nouveaux moyens de communication. Leur développement a ouvert, dans le domaine de la compensation du handicap, des perspectives qui n’étaient même pas envisageables il y a une vingtaine d’années. Leur venue a bouleversé la donne dans bien des domaines et suscite aujourd’hui de grands espoirs.
La technologie permet d’envisager dès maintenant la disparition de la plupart des cas de surdité profonde et à relativement brève échéance de la cécité totale. Si cela ne signifie pas pour autant que les personnes handicapées par la perte de ces sens, retrouveront une ouïe ou une vision équivalente à celle d’un valide, l’amélioration sera suffisante pour transformer complètement leur vie. Curieusement, mais celà est le lot de toutes les révolutions technologiques, cela ne va pas sans résistance.
De même, s’agissant du handicap moteur, des progrès sont en cours, tels que la stimulation électro sensorielle, qui permettront de compenser certains handicaps beaucoup mieux qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Phénomène plus nouveau, les nouvelles possibilités offertes par la robotique et l’informatique permettent d’aider les handicapés mentaux, aussi bien que moteurs, alors que jusqu’à présent la seule aide qui leur était proposée était humaine.
CHAPITRE I
UN APPORT MULTIFORME DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION À LA LUTTE CONTRE LE HANDICAP
L’augmentation de puissance de l’informatique et sa miniaturisation viennent bouleverser le champ d’application et la conception des outils de lutte contre le handicap, aussi bien pour des handicaps relativement légers que pour les grands accidentés de la vie.
Cet apport de l’électronique se manifeste dans une multitude de domaines. Si les télécommandes des téléviseurs ont été au départ conçues pour aider les personnes handicapées, aujourd’hui nul ne peut s’en passer ; en sens inverse, les téléphones portables, qui n’ont pas été pensés à l'origine pour les personnes handicapées, sont aujourd’hui un outil très important dans la lutte contre le handicap.
SECTION 1 – L’ÉLECTRONIQUE ACCAPARE L’ENVIRONNEMENT DES PERSONNES HANDICAPÉES
Le développement de l’électronique, et plus spécialement de l’informatique, accompagne une évolution importante. Jusqu'à présent, la politique conduite visait à maintenir à leur domicile les personnes handicapées en reconstituant à leur domicile des facilités ressemblant à ce qu’elles pouvaient trouver à l'hôpital. Cela demeure exact avec la domotique. Mais aujourd’hui, les progrès de la technologie permettent d'aller au-delà et d’offrir une approche plus dynamique visant à mener la vie la plus normale possible, y compris en termes de mobilité.
Très concrètement, l'apport des nouvelles technologies modifie l'environnement des personnes handicapées à travers deux approches:
- la création de produits dédiés aux handicapés bénéficiant des derniers progrès en matière d’informatique et de miniaturisation,
- l’utilisation des produits destinés au grand public qui s’avèrent être des aides au handicap remarquables.
Cette dualité se retrouve dans toute la domotique.
Importantes pour le confort des personnes handicapées, mais également utiles pour les valides, les technologies innovantes, regroupées sous le terme de domotique, sont appelées à bouleverser le schéma classique en matière de téléphone, de sécurité, d’audio, de vidéo, d’informatique et de confort domestique.
L'informatique, appliquée au domaine de l'habitation, permet aux personnes valides d’améliorer leur confort ou leur sécurité, et constitue un outil supplémentaire intéressant pour la personne handicapée qui peut ainsi contrôler son environnement : il lui est possible d'actionner à distance, y compris par la voix, des appareils qu'il serait impossible ou difficile de manœuvrer, tels que les appareils hi-fi ou vidéo, régler le chauffage, ouvrir ou fermer les volets.
EXEMPLES D’INSTALLATIONS DOMOTIQUES
Confort domestique :
Motorisation de la fermeture des volets et des rideaux
Contrôle à distance des éclairages et des appareils ménagers
Des détecteurs assurent la sécurité dans les pièces à risque : cuisine, chaufferie,
Des tableaux électroniques peuvent indiquer les tâches à accomplir.
Sécurité des personnes :
Les visiteurs sont facilement identifiables par l'interphone ou le portier vidéo
Un médaillon ou autre système portable permet d'alerter les services d'urgence
Informatique - Internet
Un serveur permet d'évoluer et d'utiliser les périphériques modernes tels que caméras IP, home-cinéma, ...
Ces équipements, venus de l’industrie, ne sont pas réservés aux seuls logements pour handicapés, ils équipent de plus en plus les logements de standing et leur expansion donne à penser qu'ils seront présents, d’ici quelques années, dans la majorité des constructions.
Avec le vieillissement grandissant de la population, la domotique est appelée à se développer et commence d’ailleurs à être utilisée dans des résidences pour personnes âgées. Un des services qui se répand le plus actuellement est le dispositif d'alerte à distance.
Ce serait une erreur de penser que ces systèmes seront réservés à une catégorie de la population ; ils seront amenés sans nul doute à se généraliser. Mais, ils constituent une partie de la réponse pour les personnes dépendantes. Les appartements que j’ai visités permettent à des personnes lourdement handicapées de rester à leur domicile en commandant la plupart des fonctions par des logiciels adaptés à leur handicap.
Les progrès en matière d’interface permettent à de grands handicapés de commander ces équipements par l’intermédiaire d’un ordinateur en faisant varier, par exemple, la position de leur tête.
Toutefois ces équipements ne sont pas réservés aux grands handicapés moteurs mais sont utiles pour la plupart des personnes handicapées, en particulier celles qui connaissent les premiers stades de la dépendance.
Il existe différents degrés d’équipements pour ces appartements. Ils permettent à des personnes atteintes d’un handicap mental, par exemple des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, de bénéficier de dispositifs simples tels que des écrans vidéo leur rappelant les tâches qu’ils doivent accomplir. Tous les équipements utiles ne relèvent pas de l’informatique et des aménagements peu coûteux, du type marquage sur le sol, permettant aux malades désorientés de se repérer, sont extrêmement utiles.
La généralisation de la domotique va considérablement faciliter la vie des personnes atteintes de déficiences quel qu’en soit le degré. D'où la nécessité d'avoir une approche très pragmatique de la domotique en veillant à ce que les industriels n’essayent pas de « vendre » leurs produits à des prix prohibitifs sous prétexte qu’ils seraient destinés aux personnes handicapées.
Un chiffre, communiqué par des chercheurs, a frappé votre Rapporteure : si nous concevons un environnement domotique dédié aux personnes handicapées le coût de revient de l’installation se situe à 30 000 € si nous sommes capables d'utiliser les produits du commerce, le coût de revient pour des prestations identiques s’élève à 8 000 €. Il serait sans doute utile que le Conseil de la concurrence étudie cette question.
Il faut se garder de réinventer la roue car de très nombreux produits, présents sur le marché, peuvent être utilisés par les personnes handicapées.
Ce n’est pas le cas de la robotique qui fait appel à des produits plus spécifiques.
La robotique est le domaine scientifique et technologique qui étudie les mécanismes, les capteurs, les actionneurs, les méthodes de commande et le traitement de l'information nécessaires à la conception et à l'utilisation des robots, y compris leurs déplacements.5
La nécessité de disposer d’aides pour des populations vieillissantes a conduit un pays comme le Japon, où 40% de la population aura plus de 60 ans en 2040 et qui ne veut pas recourir à l’immigration, à compléter la domotique par d’importantes recherches en robotique destinées à suppléer cette carence prévisible en main d’oeuvre.
LA DÉMOGRAPHIE JAPONAISE : LE PLUS VIEUX PAYS DU MONDE
Quelque 27,4 millions de personnes ont plus de 65 ans, dont 12,7 millions plus de 75 ans, sur une population totale de quelque 127 millions d'habitants.
La part des plus de 65 ans pourrait grimper à 40,5% d'ici 2055 au rythme actuel, ce qui signifierait une moyenne de 1,3 actif pour chaque retraité, contre 3,3 actifs pour chaque retraité en 2005.
Un livre blanc remis fin avril au Premier ministre Yasuo Fukuda a prévenu que la population active japonaise allait fondre de 36% d'ici 2050. La population active japonaise pourrait ainsi s'établir à seulement 42,3 millions d'individus en 2050, contre 66,6 millions en 2006.
Cette démarche reflète une culture différente. Les Japonais ont un rapport au robot très particulier. Ils le considèrent plus comme l'équivalent d'un animal domestique qu’un simple objet, les notions d’âme et d’esprit étant très sensiblement différentes dans leur culture. Je doute que les pays européens puissent accorder une place aussi importante au robot, mais les nécessités liées au vieillissement de la population pourraient nous amener aux mêmes conclusions.
L’apport d’une présence humaine et l’échange qui s’effectue à cette occasion sont irremplaçables. Il serait naïf de tout attendre de la domotique et de la robotique. L’avantage du robot sur l’humain est qu’il est disponible sans délai, vingt quatre heures sur vingt quatre. Il peut donc remplir des fonctions complémentaires à l’assistance humaine, pour réaliser des actes simples de la vie courante, tels que boire ou cuisiner. Sa présence est très importante pour les aidants qui sont soulagés de certaines tâches (par exemple lever une personne du lit).
La miniaturisation des ordinateurs a rendu possible l’émergence de prototypes de robots humanoïdes étonnants. Au-delà de leur côté spectaculaire, les robots humanoïdes présentent l’avantage de pouvoir escalader des marches, mais leur utilisation ne me paraît pas relever d’un futur proche ne serait-ce qu’à cause de leur faible autonomie et du poids des batteries électriques.
Lors de ma visite aux Pays–Bas ou à la plateforme « nouvelles technologies » de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches, j'ai pu mesurer l'apport de l'informatique dans l’assistance aux grands handicapés moteurs. J'ai vu fonctionner des bras-robots qui peuvent être commandés à distance, des machines destinées à nourrir les personnes lourdement handicapées qui leur permettent de décider du moment où ils veulent manger. J'ai vu des personnes lourdement handicapées, tétraplégiques, pouvoir, depuis leur lit, commander l'ensemble des fonctions d'une pièce, de l'ouverture des stores jusqu’à l'accès à l'ordinateur.
Le 22 novembre 2007, j’ai visité le village « het Dorp », situé à proximité d’Arnhem, consacré aux personnes handicapées. « Het dorp » est né après un appel de fonds, lancé en 1962, pendant 24 heures, à la télévision néerlandaise, en vue de créer une structure originale dédiée à l’accueil et au traitement de personnes lourdement handicapées.
Ce concept, qui n’est pas sans risques, car il peut conduire à la stigmatisation et à l'isolement des malades, a toutefois favorisé le développement et l'utilisation des nouvelles technologies par la mutualisation des ressources. Aujourd'hui, les logements libérés sont spécialisés selon une pathologie et équipés en conséquence. Les réalisations domotiques y sont spectaculaires. Des personnes handicapées peuvent commander avec une souris dirigée par l’iris des tâches aussi diverses que l'éclairage, la fermeture des rideaux ou la commande d'un ordinateur, qui leur permet à la fois de se distraire, par exemple en utilisant des jeux vidéo, et de rester en contact avec le monde extérieur tel Internet. Ce centre permet aux fabricants de faire des essais sur leurs nouveaux produits, tels que des bras robotisés aidant les personnes handicapées à manger.
Machine à manger
Ces outils apportent une plus-value car ils donnent aux patients le sentiment d'avoir plus d'autonomie et dispensent de requérir une présence humaine permanente.
Le prix de ces matériels demeure extrêmement coûteux : la machine à manger coûte 5000€, le bras robotisé 25 000 €.
Bras robotisé
(Conçu par le CEA et commercialisé par une société néerlandaise)
Il convient bien entendu d’encourager ces recherches car ces matériels améliorent grandement la vie des personnes handicapées, mais les chercheurs doivent réfléchir au coût des produits qu’ils mettent au point, afin que ces derniers soient accessibles au plus grand nombre.
En dehors de la gestion du cadre de vie, des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine de l'interface entre l'homme et la machine. Ces progrès complètent ceux enregistrés en domotique et en robotique et constituent une vraie révolution pour les handicaps les plus lourds.
SECTION 2 – L’AMÉLIORATION DE L’INTERFACE ENTRE L’HOMME ET LA MACHINE CONSTITUE UNE VRAIE RÉVOLUTION POUR LES HANDICAPS LES PLUS LOURDS.
La possibilité de commander un ordinateur par des mouvements de la tête, voire de l’iris , constitue un progrès formidable pour les personnes le plus lourdement handicapées. Car l’ordinateur commande les fonctions domotiques ou robotiques dont ils ont besoin.
Cela a été rendu possible par une avancée scientifique importante en génie logiciel et en intelligence artificielle qui a conduit au développement d’interfaces homme-machine, capables de "s'adapter" au profil de l'utilisateur et à son évolution durant la tâche demandée.
Selon la nature de l'application, cette adaptation peut porter sur :
- le profil cognitif et moteur de l’utilisateur,
- les connaissances de l'utilisateur et leur évolution avec l'apprentissage,
- les préférences de l’utilisateur et leurs fluctuations au cours du temps,
- ses intentions et ses buts courants, détectables automatiquement à partir de ses actions (logiciels d'assistance à l'activité et d'aide en ligne contextuelle),
- le profil comportemental de l’utilisateur.
On ne peut qu’être très impressionné par la possibilité, qui se fait jour aujourd’hui, de disposer de machines directement commandées par le cerveau.
A.-Le contrôle direct d’une machine par le cerveau
Les progrès considérables, accomplis dans le domaine de l'interface entre l'homme et la machine, permettent d’envisager la mise au point dans les deux ans qui viennent de bras artificiels commandés directement par le cerveau, comme en témoignent les travaux conduits dans ce sens aux États-Unis par la DARPA (agence de recherche de l’armée américaine)6.
Il y a sept ans, l’armée américaine a créé un programme de recherche au sein de la DARPA pour étudier les conditions dans lesquelles le cerveau pourrait contrôler un bras artificiel.
Pour y parvenir, les chercheurs ont implanté 12 électrodes dans le cerveau d'un singe, qui présente de grandes similitudes avec l’homme, afin d’examiner les problèmes de rejet et d’enregistrer les zones activées chaque fois que l'animal bouge le bras.
Un programme étalé sur quatre ans pour la mise au point d’un bras fonctionnel contrôlé par le cerveau a été initié. Le bras en question ne devrait peser que 3,5 kg et pouvoir fonctionner quatre heures sans être rechargé. Le programme suivant permettra d'améliorer cette prothèse qui devra correspondre à la position des articulations et à la température du corps humain pour ressembler à un bras et pouvoir fonctionner 24 heures sans être rechargé.
Ces recherches impliquent la mise au point d’une interface entre le nerf et les neurones ; pour cela les chercheurs ont mis au point une électrode qui faisant le tour du nerf et recouverte d’un gel évitant la fibrose.
Un prototype fonctionne déjà avec un singe et les chercheurs américains espèrent disposer d’un matériel utilisable par l’homme d’ici deux ans.
La possibilité de commander directement par le cerveau des fonctions disparues ouvre des perspectives fabuleuses pour ceux qui ont perdu un membre, mais l’extension aux personnes tétraplégiques de ces dispositifs sera certainement beaucoup plus complexe car il faudra intégrer des paramètres tels que la sensibilité de la peau aux escarres ou leur faiblesse musculaire.
Au-delà de la mise au point des prothèses, la possibilité de commande d’outils par la pensée constitue un horizon crédible à environ 7-8 ans qui révolutionnera le sort des personnes tétraplégiques.
B.- L’ordinateur est aussi une prothèse
L’une des conséquences les plus pénibles du handicap est le sentiment d'isolement. Cela est particulièrement vrai pour les déficients sensoriels, sourds ou malvoyants, qui sont isolés du monde. Les nouvelles technologies de la communication leur permettent, par l'accès à Internet, de rompre cet isolement. Ce faisant, leurs conditions de vie en sont bouleversées, et leur intégration sociale facilitée.
Cela est exact également pour les grands handicapés moteurs, qui ne peuvent pas sortir de chez eux, la possibilité de communiquer avec les autres par courrier électronique est devenue tout à fait fondamentale. J'ai été très marquée lors de ma visite à l'hôpital de Garches de voir que des personnes tétraplégiques pouvaient manipuler un ordinateur grâce à une pastille d'aluminium posée sur leur front.
L’accès à l’ordinateur constitue un apport essentiel à la qualité de vie des personnes handicapées. Or, le matériel dédié à celles-ci n’existe qu’en petit nombre et l’assurance maladie ne rembourse aucun accès aux ordinateurs.
À mes yeux, l’impossibilité de communiquer avec les autres constitue bien un handicap et, lorsque la communication n’est possible que par l’intermédiaire d’un ordinateur, ce dernier doit être assimilé à une prothèse. La notion d’aide technique dédiée spécifiquement au handicap est en train de devenir de plus en plus floue et un objet auquel nous ne pensons pas peut être un dispositif d’aide, par exemple le système de télé péage des autoroutes pour les personnes de petites tailles, qui ont du mal à accéder aux bornes de péage, ou les téléphones portables pour les pathologies mentales. Internet présente un apport fondamental car il rompt l’isolement dont souffraient beaucoup les personnes handicapées.
Le coût de ces matériels devrait rapidement diminuer.
Des démarches intéressantes sont conduites actuellement en France. Par exemple, Handicom, émanation de l'Institut Télécoms, essaye de sélectionner des produits disponibles pour le grand public sur le marché et de les enrichir pour d'autres usages au profit des personnes handicapées. Cette démarche présente l'avantage de réduire de façon significative le coût des produits dédiés au handicap.
Lors de ma visite à la plate-forme « nouvelles technologies » de l’hôpital de Garches7, il m’a été indiqué que la frappe d’un texte avec un clavier adapté peut être obtenue par des moyens simples et peu coûteux, par exemple, un clavier souple ; il existe différents « joysticks », et les chercheurs ont développé un clavier virtuel à partir d’un logiciel gratuit téléchargé sur Internet.
Malgré cela il existe un problème de coût pour les systèmes les plus sophistiqués, un système de commande d’ordinateur avec les yeux revient à un prix situé entre 8 000 et 23 000 € pour chaque produit.
Parmi les applications les plus prometteuses basées sur des ordinateurs de poche, nous pouvons en identifier certaines destinées à permettre aux personnes dépendantes de retrouver une capacité d'action et de mouvements, par exemple le bras robotisé Magnus8 pourrait être commandé à distance.
Nous commençons aujourd’hui à tout juste mesurer l’intérêt, en termes d’autonomie, des moyens les plus répandus des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) pour les personnes atteintes de handicaps mentaux. Outre le cas évident des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, pour lesquelles l’usage de téléphones portables simplifiés leur évite de s’égarer. Les NTIC sont très précieuses, non seulement à des fins de surveillance, mais également dans les projets thérapeutiques comportementaux que le Gouvernement entend promouvoir avec le plan de lutte contre l’autisme.
En Suède et au Japon, m’ont été présentés des écrans électroniques affichant les tâches qu’une personne doit accomplir, lui rappellant par exemple de prendre ses médicaments. Les moyens modernes de communication de type Webcam permettent en outre aux proches d’une personne d’être en permanence en contact visuel avec cette dernière et vice versa.
Les améliorations sont particulièrement sensibles dans le domaine du handicap sensoriel. Pour favoriser l’accès à l’information d’utilisateurs atteints d’un handicap visuel, des recherches sont engagées pour contribuer à la mise en place de recommandations et d’outils destinés à leur fournir la possibilité d’explorer des sites Web, de rechercher des informations, de communiquer quel que soit le mode d’accès. On mesure aisément l’intérêt qu’il peut y avoir à accéder aux moyens de communication informatique pour rompre l’isolement de personnes aveugles.
C.- Le téléphone est amené à jouer un rôle important comme aide technique
La téléphonie mobile est une nouvelle façon de communiquer particulièrement adaptée aux personnes handicapées car elles peuvent non seulement utiliser la voix mais également les SMS ou la visiophonie.
Elle constitue également un moyen d'alerte et d'assistance incomparable. Dans un avenir proche, de nouvelles fonctions comme le GPS intégré au téléphone portable seront certainement très précieuses pour un certain nombre de personnes handicapées.
À la suite du rapport de M. Philippe Balin9, les opérateurs de téléphonie ont conclu une charte et engagé une démarche volontaire pour proposer une offre particulière aux personnes handicapées.
Parallèlement, les pouvoirs publics, à travers l'autorité de régulation des télécommunications, ont engagé une action réglementaire destinée à consolider ce mouvement (décret n°2006-268 du 7 mars 2006). Les opérateurs ont aujourd'hui l'obligation de déposer un rapport chaque année sur les actions qu'ils ont engagées pour aider leurs clients handicapés.
Sur le marché, des terminaux sont disponibles, permettant une lecture vocale des SMS ou compatibles avec les prothèses auditives.
Il convient de noter que France Télécom, dans le cadre du service universel, doit installer des publiphones adaptés aux personnes handicapées.
En outre, le téléphone mobile permet à des patients en traitement de pouvoir se déplacer plus facilement, grâce à des services tels que le suivi thérapeutique à distance des personnes diabétiques leur permettant d’envoyer leurs données de glycémie à leur médecin via un téléphone mobile.
L’exemple du téléphone est intéressant car ce produit destiné au grand public peut constituer une aide technique pour les personnes handicapées.
D.- La lutte contre les effets invalidants facilitée
Les progrès en cours permettront également d’alléger les contraintes médicales pesant sur les patients, par exemple dans les domaines du diabète ou du suivi des dialyses rénales. En France, 30 000 personnes sont actuellement victimes d’insuffisance rénale chronique. Avec 6000 nouveaux cas répertoriés chaque année, on estime le coût total de l’insuffisance rénale à 2 % des dépenses nationales de santé. Une équipe travaillant à Sophia-Antipolis essaie de mettre au point un système de diagnostic basé sur le relevé des données issues des différents capteurs, afin de limiter la fréquence des dialyses à ce qui est nécessaire.
L’électro-stimulation suscite également beaucoup d’espoirs. À Montpellier, des équipes de chercheurs de l’INRIA du CNRS et de l’Université travaillent au rétablissement progressif de la marche chez les personnes atteintes de paraplégie par la stimulation électrique.
J’ai pu voir au Japon des personnes paralysées d’une jambe marcher à nouveau avec ce système et une personne paralysée des deux jambes se mouvoir à l’aide d’un déambulateur.
Restaurer la marche est particulièrement difficile, étant donné le nombre important de muscles à contrôler et la complexité du système d’activation des muscles en lui-même.
Une façon de restaurer le mouvement de membres paralysés est la stimulation électrique fonctionnelle. Cette voie de recherche consiste à délivrer une électro-stimulation des muscles via un système de coordination artificielle. Ces systèmes sont distribués en courant qui déclencheront artificiellement une contraction naturelle du bon muscle, au bon endroit, au bon moment.
Les premiers résultats obtenus par les équipes rencontrées, en France comme au Japon, permettent à une personne paraplégique soutenue par un déambulateur de contracter ses muscles alors que la commande volontaire de ces derniers n’est plus possible. À moyen terme, l’objectif est d’obtenir la bonne séquence de stimulation, afin de synthétiser un mouvement de plus en plus fin. Sur le long terme, il semble nécessaire de mener des observations pointues dans le but de comprendre l’ensemble des phénomènes physiques et physiologiques, et d’adapter une stratégie de contrôle permettant de corriger les limitations du mouvement (dégradation dans le temps de la performance, à cause de la fatigue par exemple) ou d’améliorer la position debout en régulant les pertes d’équilibre.
L’électro-stimulation n’est pas uniquement réservée aux cas les plus lourds mais elle peut dès aujourd’hui soulager des personnes victimes de troubles invalidants.
Sur une population de 150 000 malades parkinsoniens, on estime que chaque année 1000 patients, gravement atteints seraient « éligibles » à un traitement par stimulation cérébrale profonde dont les résultats sont extrêmement spectaculaires.
Les films visionnés par votre Rapporteure l’attestent. Mais, nous ne pouvons qu’être chagrinée de constater que ces techniques mises au point par des équipes françaises sont aujourd’hui commercialisées par des entreprises étrangères.
L’incontinence représente un handicap sévère pour la qualité de vie. Elle entraîne une désocialisation progressive.
L’incontinence urinaire concerne une population de 3 à 5 millions de patients en France. Il s'agit d'une évaluation, puisque ces patients sont bien souvent en marge du système de soins.
Selon les informations recueillies, la stimulation par neuro-modulation est appliquée à 900 patients en France, alors qu'on estime à 400 000 le nombre de patients directement indiqués. Soit 1 pour 450 environ. Il paraît important que ce procédé soit évalué afin que son efficacité soit validé et qu’il soit pris en compte par l’assurance maladie.
L’incontinence peut représenter un handicap désocialisant et constitue probablement une des causes de placement en institution des personnes âgées. Les tabous sont tels qu'il est difficile de définir clairement les populations.
SECTION 3 – CALENDRIER DE MISE EN œUVRE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Dans une étude prospective des technologies pour la santé et l’autonomie d’octobre 2007, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a tenté d’établir un calendrier de la mise en œuvre effective des technologies que nous venons de décrire. Le tableau synoptique qui suit s’en inspire.
BESOIN IDENTIFIÉ : MAINTIEN À DOMICILE
Nature du trouble |
Description de l’aide |
Technologies proposées |
Limites |
Horizon de diffusion |
Troubles cognitifs (Alzheimer, Parkinson et démences séniles) |
Géolocalisation |
Bracelet GPS |
Déjà commercialisé | |
Surveillance de paramètres vitaux |
Actimètres |
Déjà commercialisé | ||
Détecteur de chute |
Accéléromètres (capteur d'accélération embarqué sur la personne permettant de détecter une chute) |
Déjà commercialisé | ||
Dalle au sol |
2 à 3 ans | |||
Robot d’aide à l’alimentation |
Handy 1 (Royaume-Uni) (système lumineux pour le choix de la nourriture sur un plateau, couplé d’un bras mécanique amenant la cuillère à la bouche) |
Fonctionnalités limitées ; Acceptabilité : le repas est un moment de sociabilité (ne pas le résumer à un tête-à-tête avec un robot) |
Déjà sur le marché | |
Bras fixé sur le fauteuil pour attraper des objets |
Bras articulé MANUS (1ère génération) |
Pilotage par la personne via joystick ; Pas d'autonomie du mouvement |
Déjà sur le marché | |
Robot d'assistance à la manipulation |
2ème génération MANUS |
Projet AVISO, recherche et développement pour simplifier le pilotage du bras articulé |
Phase de développement quasiment achevée (commercialisation possible) | |
3ème génération MANUS |
Axe d'amélioration: intelligence supplémentaire du système, capable de deviner la finalité de l'objet saisi (ex: bouteille d'eau) et de réaliser l’action voulue (porter à la bouche) ; besoin de fiabilité et de standardisation du robot |
Horizon mise sur le marché : 5 à 10 ans | ||
Contrôle de l'environnement |
Télécommande universelle paramétrée selon les habitudes de vie de la personne et fonctionnant en interaction avec les autres appareils du domicile |
> 10 ans | ||
Concept de « robot assistant » |
Projet ANSO, base mobile avec bras articulé embarqué. Navigation autonome |
Coût (70 000€, dont 40 000€ de base mobile) |
Déjà industrialisable mais plutôt perçu aujourd'hui comme une base (« rajout d'intelligence » prévu) Mise sur le marché > 10 ans | |
Concept de « robot assistant » |
Robot AZIMO (Japon), dont le comportement est entièrement anthropomorphe. Marche sur les 2 jambes et peut monter les escaliers |
Question de l’acceptabilité culturelle en UE des robots assistants. |
> 10 ans | |
Robot infirmière RI-MAN (Japon), |
Fonctionnalités: porter personne du lit au fauteuil/toilettes |
Monté sur roulettes et muni de capteurs aux bras |
> 10 ans |
BESOIN IDENTIFIÉ : LIEN SOCIAL ET COMMUNICATION
Nature du trouble |
Description de l’aide |
Technologies proposées |
Limites |
Horizon de diffusion |
Handicaps sensoriels |
Traitement automatique du langage |
Logiciel Medialexie |
Simplifier l’accessibilité |
Déjà commercialisé |
Troubles auditifs |
Aides techniques spécifiques au handicap auditif |
Prothèses auditives, implants cochléaires |
Nécessaire amélioration de l’intelligibilité des messages. Question du prix d’accès |
Déjà commercialisé |
Handicaps sensoriels et moteurs |
Technologies favorisant la communication |
Numéro Vert et téléalarme, visiophonie |
Phase de commercialisation | |
Déficients visuels |
Technologies de l’Information et de la Communication |
Manipulation de l’ordinateur en mains libres : donner des ordres à l’ordinateur, accès à l’écran facilité par un loupe |
Commercialisation prévue pour juin 2007 | |
Handicap auditif |
Aides techniques compatibles avec le matériel de téléphonie |
Liaisons infrarouges ; conversion de phonèmes en visèmes labiaux avec compléments par clés gestuelles |
2 à 3 ans | |
Handicaps sensoriels |
Interactivité des systèmes de communication |
Technologie intelligente paramétrée avec des listes de mots, capable de proposer des mots liés au contexte de la conversation |
Incapacité du système actuel à identifier des synonymes, les différents registres de langue |
5 à 10 ans |
Handicap auditif |
Dispositif permettant la transformation du discours oral en discours écrit en temps réel |
Rendre accessibles les réunions, émissions de télévision et conversations téléphoniques |
5 à 10 ans | |
Handicaps sensoriels |
Interfaces haptiques (qui donnent des sensations par le toucher) |
« Brain Computer Interface » : pilotage de l’ordinateur par des électrodes placées sur le cerveau |
Système existant peu fiable et invasif (casque/électrodes) |
> 10 ans |
BESOIN IDENTIFIÉ : MOBILITÉ ET AUTONOMIE
DANS LES DÉPLACEMENTS
Nature du trouble |
Description de l’aide |
Technologies proposées |
Limites |
Horizon de diffusion |
Déficience visuelle Déficience visuelle (suite) |
« Fauteuil intelligent » |
Fauteuil électrique capable d’éviter les obstacles |
Autonomie énergétique et poids |
Phase de développement mais qui se heurte à un manque de transfert de technologie en raison du sous-équipement de la France en fauteuils électriques |
Aides techniques spécifiques au handicap visuel |
Canne blanche à ultrasons |
Prix, fonctionnalités limitées et fiabilité à améliorer |
Lancement en 1991 | |
« Laser Cane » : aides à la locomotion basées sur l’utilisation du laser/infrarouge |
Prix, fonctionnalités limitées et fiabilité à améliorer |
Déjà commercialisé | ||
Cannes parlantes [talking cane] |
Prototypes : lancement potentiel à horizon de moins de 2 ans | |||
Aide au déplacement dans les transports basée sur des balises |
Projet Blueeyes (utilisation de la technologie Bluetooth) |
Nécessité d’équiper toutes les stations de balises et de rendre les systèmes inter opérables entre eux |
2 à 3 ans | |
Aide au déplacement basée sur une technologie embarquée |
Déambulateur intelligent (centrale inertielle qui cartographie l’environnement de la personne) |
Prototype fonctionnel ; commercialisation dans un horizon de 5 à 10 ans | ||
Aide au déplacement basée sur une technologie de caméra embarquée |
Traitement de l’image par la caméra |
> 10 ans |
BESOIN IDENTIFIÉ : STIMULATION DES CAPACITÉS COGNITIVES
ET MOTRICES
Nature du trouble |
Description de l’aide |
Technologies proposées |
Limites |
Horizon de diffusion |
Troubles cognitifs et moteurs |
Technologies relationnelles (retrouver une capacité d’échanges) |
Bébé phoque paro (japon) |
Prix (200 à 300€) et son |
2 à 3 ans |
Outils de réalité virtuelle |
Conception d’une salle interactive d’entraînement cognitif et moteur |
Investissement du praticien |
5 à 10 ans | |
Projet elhit (évaluation des performances cognitives de la personne) |
Expérimentation en cours en Israël, Espagne, Italie, aux États-Unis ainsi qu’en France (caen) Horizon de mise sur le marché : > 10 ans |
BESOIN IDENTIFIÉ : TRAVAIL ET FORMATION
Nature du trouble |
Description de l’aide |
Technologies proposées |
Limites |
Horizon de diffusion |
Handicap chez les jeunes : étudiants, jeunes actifs |
Assistance à la manipulation d’objets dans une station de travail |
Station afmaster développée par le CEA |
Améliorer l’interface homme/machine |
Echec de ommercialisation |
BESOIN IDENTIFIÉ : ACCESSIBILITÉ
Nature du trouble |
Description de l’aide |
Technologies proposées |
Limites |
Horizon de diffusion |
Handicaps sensoriels et moteurs |
Conception de bâtiments accessibles à tous |
Domotique : télécommande pour volets roulants par exemple |
Améliorer l’interface homme/machine |
Déjà commercialisé |
Définition d’un standard commun dans la conception des bâtiments publics (et privés) permettant une accessibilité universelle |
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CHAPITRE II
LES HANDICAPS SENSORIELS VAINCUS ?
Les plus grands progrès en cours touchent les deux principaux handicaps sensoriels : la surdité et la cécité. Il est dès à présent possible de permettre aux sourds profonds d’entendre et de nouveaux procédés permettent d’envisager de redonner la vue aux aveugles. Il s’agit de progrès extraordinaires qui vont bouleverser la vie des patients.
SECTION 1 – LA CÉCITÉ IRA EN DIMINUANT MAIS LA MALVOYANCE S’ACCROÎTRA AVEC LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
Les progrès de la chirurgie ophtalmologique entraînent d’ores et déjà une diminution sensible du nombre de personnes aveugles. Mais, elle est encore impuissante devant certaines maladies pour lesquelles le recours à des aides techniques est la seule solution.
A.- Un problème massif très largement lié à l’âge
Les principales données sur le handicap visuel sont les suivantes :
La déficience visuelle touche 1,7 million de personnes aujourd’hui en France, soit près de 3 Français sur 100,
61% des déficients visuels sont des personnes âgées de plus de 60 ans,
207 000 personnes sont des malvoyants profonds (aveugles ou distinguant seulement les silhouettes), environ 61 000 aveugles complets.
30% des déficients visuels souffrent d’un polyhandicap,
39% des déficients visuels sont âgés de plus de 75 ans.
Près de 20% des personnes âgées de 85 à 89 ans connaissent une déficience visuelle grave.
La prévalence de la déficience visuelle est de 29 pour 1 000 habitants.
Les personnes qui lisent le braille représentent 1% des malvoyants profonds, soit 2000 personnes.
Le vieillissement de la population conduit mécaniquement à l’augmentation du nombre des malvoyants du fait d’affections comme la dégénérescence maculaire ou le glaucome.
Le tableau qui suit illustre bien cette situation :
La dégénérescence maculaire liée à l'âge est devenue la première cause de cécité. Elle touche un quart des plus de 65 ans. La rétinite pigmentaire, qui rend aveugle vers 40 ans, touche une personne sur 4000.
Les solutions thérapeutiques demeurent limitées voire inexistantes d’où une piste de recherche particulièrement prometteuse: la rétine artificielle, avancée, d’autant plus importante, qu’elle remet en cause l’idée de l’augmentation inéluctable du nombre des malvoyants, parallèlement au vieillissement de la population.
B.- Les nouveaux moyens de lutte contre la cécité
Il est aujourd’hui envisageable d’estimer qu’à un horizon de l’ordre de dix ans, une partie significative des personnes ayant perdu la vue retrouvera une certaine autonomie grâce à des prothèses fixées sur la rétine.
1 - La rétine artificielle
Restaurer une vision suffisamment précise pour que des patients aveugles puissent se déplacer et lire à nouveau constitue un défi passionnant qui ne relève pas de la science-fiction mais d’un avenir de moyen terme.
a) Le procédé et ses limites
La rétine artificielle permettra aux personnes aveugles de recouvrer une vision partielle, si le nerf optique n'est pas atteint (ce qui exclut par exemple la plupart des aveugles de naissance).
Il a été indiqué à votre Rapporteure lors de sa mission aux Etats-Unis que six patients avaient été implantés, et que ce système leur permettait de voir à nouveau des ombres. En France des patients commencent à bénéficier de ce nouveau procédé qui est en est encore au stade expérimental.
Le concept consiste à remplacer les photos récepteurs de l’œil détruits par un micro implant, capable de transformer la lumière en courant électrique. Cette puce électronique posée au centre de la rétine stimule le réseau neuronal pour rétablir une perception visuelle. L’implant est lui-même relié à une micro caméra fixée sur une paire de lunettes.
Cette puce stimulera électriquement les neurones rétiniens qui persistent après la dégénérescence. Les photos récepteurs transmettent ainsi à nouveau les signaux au cerveau.
L’ŒIL HUMAIN
Si ce procédé nécessite une intervention chirurgicale pour déposer l’implant, il n’existe pas de contre-indications. En cas de problèmes de santé rencontrés par le patient, il suffit d’enlever la prothèse pour revenir à la situation antérieure. Ce fait raccourcit considérablement la durée des essais par rapport à un médicament et favorisera la commercialisation du procédé.
Les personnes qui ont déjà été implantées ont pu récupérer certaines sensations, telles que la différence entre le jour et la nuit ou la perception d’ombres. Ces expériences permettent donc de valider le concept, qui est perfectible et doit être encore amélioré sur certains points. Le Professeur Sahel décrit ainsi les premiers résultats obtenus avec ce procédé.
La rétine remplit beaucoup de fonctions : elle détecte les seuils lumineux, voit les contrastes, etc… Une prothèse essaie donc de rendre une partie de ces informations. Plusieurs approches sont possibles : une sur la rétine elle-même, une sur le nerf optique et une sur le cerveau.
On implante aujourd’hui à la surface de la rétine, un type de prothèse de première génération avec 16 électrodes.
Nous avons deux essais cliniques en cours. On a implanté nos premiers patients cette année. Ce sont des interventions chirurgicales très lourdes.
Les premiers résultats disponibles montrent qu’un patient implanté est capable de dire où est la fenêtre, où est la porte et de reconnaître un objet sur une table.
C’est un progrès par rapport à l’absence de vision. Les patients implantés sont très reconnaissants de pouvoir s’orienter dans un couloir.
Par nos développement, nous essayons d’augmenter la résolution. Il faut avoir une résolution de 600 pixels pour avoir une bonne amélioration de la vision.
Quelqu’un qui ne pouvait pas lire et qui bénéficierait d’une amélioration de 600 pixels pourrait arriver à lire avec une rééducation.
Les ORL nous ont montré le chemin : en 1981, les implants cochléaires permettaient de connaître un pourcentage de phrases et de mots bien inférieur à ce qu’il est aujourd’hui.
Un consortium vient d’être financé par le gouvernement et vise à apporter une approche globale de la basse vision.
b) Les améliorations en cours
De nombreux problèmes restent à régler comme l’origine de l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’implant et le fait de savoir si on peut arriver à intégrer la caméra sur l’implant ou si elle doit être reportée sur une paire de lunettes.
Les Japonais développent une solution qui paraît intéressante : ils essayent de mettre au point une communication sans fil entre la rétine et le récepteur, par exemple une caméra. Une expérience animale est en cours sur le lapin et le professeur Tanaka estime que deux à trois ans seront nécessaires à la réalisation d’un prototype de puce en 3D de nouvelle génération susceptible d’autoriser une meilleure vision, par exemple la lecture.
Les rétines artificielles actuelles ne comportent que 16 à 20 électrodes, la seconde génération de rétine artificielle sur laquelle travaillent des chercheurs, en particulier japonais, devrait grâce à une puce en 3D déboucher sur des rétines d'une épaisseur inférieure à 2/10 de millimètres et surtout atteindre 1000 pixels, seuil pour l'identification des visages. Un prototype de ce nouveau type de rétine artificielle (qui ne fait que 16 pixels) a déjà été réalisé au Japon pour tester les solutions de fabrication.
Les études sur la question du rejet de l’implant doivent être poursuivies. Les chercheurs étudient en liaison avec des médecins de nouveaux matériaux bio- compatibles, tels que des cristaux de diamants10 ; le recours à ces derniers éviterait la réaction de l’organisme contre l’implant. En effet, lorsque l’organisme perçoit un corps étranger dans cette zone, des cellules se fixent sur la prothèse et forment une couche isolante qui contrarie le passage des signaux.
Un point mérite également d’être souligné : la rétine artificielle permettra lorsqu’elle sera mise au point de passer de la réparation à l’amélioration des performances de l’être humain. Il suffira pour cela de substituer à la caméra installée actuellement une caméra à vision infra rouge pour voir la nuit, ou dotée d’un téléobjectif pour améliorer la distance de vision. Il est évident que les militaires s’intéressent à ce produit ; mais n’est-ce pas le cas de beaucoup d’innovations?
Les responsables américains du projet de rétine artificielle estiment que l'impact le plus important pour la société de la diffusion de la rétine artificielle viendra de l’allègement de la souffrance et de l’amélioration de la qualité de la vie humaine, mais également de la réduction des coûts de santé, dédiés à l’aide aux aveugles. Ils estiment que si seulement 20 000 patients aveugles étaient aidés sur une période de 20 ans, 4 milliards de dollars seraient économisés pour l’Etat fédéral. Les prothèses sensorimotrices pourraient accélérer la réadaptation, réduire l'incapacité et empêcher des complications dans 590 000 cas et aider 11 000 personnes tous les ans aux Etats-Unis.
Nous n’avons pas de données chiffrées pour la France. Il est clair qu’en aidant à développer ce procédé, l’assurance maladie et les départements pourraient réaliser des économies substantielles.
c) Les perspectives d’amélioration des aides pour les malvoyants.
Plus de 50 millions de personnes sont affectées d’une vision basse ou très basse en Europe et aux Etats-Unis.
La dégénérescence de la macula concerne 30 millions de patients ; les rétinopathies diabétiques 20 millions de patients, le glaucome 6 millions de patients et les maladies rétiniennes orphelines 2 millions de patients dans le monde.
Malgré les recherches en cours, il n'existe pas de traitement permettant de guérir ces maladies. D’où l’idée d’essayer d’amplifier le peu de vision qui reste au patient pour lui permettre de retrouver ou de garder son autonomie.
Les illustrations ci-dessous ont été communiquées par le Professeur Sahel et donnent un aperçu des différentes solutions possibles, telles que les lunettes à vision augmentée pour malvoyants qui offrent des perspectives très prometteuses. Ces progrès annoncés à un horizon inférieur à cinq ans bouleverseront la vie de plusieurs centaines de milliers de personnes âgées ou handicapées dans notre pays.
Les planches qui suivent, fournies par l’Institut de la vision, illustrent l’apport des lunettes à réalité augmentée pour malvoyants.
Le tableau suivant précise les recherches qui doivent encore être menées pour que ce nouveau type de lunettes arrive sur le marché. Nous pouvons raisonnablement miser sur un horizon à cinq ans. La mise à la disposition du public pourrait être très rapide car les procédures de mise sur le marché sont beaucoup plus rapides que pour un médicament qui exige des études longues et complexes pour analyser sa nocivité.
Les technologies que nous venons d’examiner sont extrêmement spectaculaires. Elles portent l’espoir d’une amélioration sensible de la condition des personnes aveugles et malvoyantes dont l’autonomie pourra s’améliorer. Il serait pour autant naïf de penser que tous les problèmes de cécité pourront être réglés rapidement par ces nouveaux procédés. D’autre part, redonner une perception des ombres n’implique pas de pouvoir lire et d’accomplir sans aide l’ensemble des actes de la vie courante. Aussi, parallèlement à cet effort devons-nous conduire une politique visant à encourager l’ensemble des aides aux malvoyants.
SECTION 2 – LES NOUVELLES TECHNOLOGIES POUR L’INTÉGRATION DES HANDICAPÉS VISUELS
Si les aides techniques que nous venons d’examiner ont pour but de restituer au patient une vision, la meilleure possible, il existe également une multitude d’outils permettant aux déficients visuels de limiter l’impact de leur handicap. L’informatique et les nouveaux moyens de communication sont est en train de révolutionner ce secteur.
En effet, le développement de l'informatique et des techniques numériques ouvre des possibilités nouvelles pour que les personnes handicapées visuelles puissent accéder, grâce à des équipements adaptés, aux mêmes sources d'information écrites que les valides (livres, journaux, magazines) et communiquent par l’Internet, ou par des téléphones portables capables de lire à haute voix les SMS.
A.- Une grande variété d’aides
Le tableau qui suit illustre la vaste panoplie des aides les plus généralement utilisées.
Une gamme de produits très variée
1 - L’accès à l’Internet des malvoyants
Un certain nombre de logiciels permettent aux non voyants d'accéder à l'informatique.
Les lecteurs d'écrans sont des logiciels permettant de vocaliser l'interface graphique d'un système d'exploitation (Windows, MacOS, Linux). Ils autorisent une utilisation sonore d'un ordinateur, sans aucun support visuel. Pour certains lecteurs d'écran, la vocalisation peut être remplacée ou dupliquée par une plage braille éphémère.
Les loupes logicielles permettent le grossissement de la totalité ou d'une partie de l'écran d'un ordinateur : les multiples réglages que proposent ces logiciels conviennent aux personnes présentant des problèmes de vision. Il est également possible grâce à une synthèse vocale de vocaliser les textes des interfaces graphiques.
Les logiciels spécifiques, offrent une prise en main spécialement conçue pour les personnes déficientes visuelles et peuvent souvent être trouvés gratuitement sur internet.
Le tableau qui suit illustre l’évolution des besoins et l’informatisation très rapide de l’environnement des malvoyants, qui trouvent ainsi un moyen privilégié de communication.
ÉVOLUTION DES BESOINS : L’EXEMPLE DE L’ACCÈS À LA LECTURE
L’utilisation des afficheurs en braille ou des outils de synthèse vocale présente une difficulté pour les non-voyants dans la consultation des documents informatiques. Le document original est lu séquentiellement et par fragments. Il en résulte que l’utilisateur doit effectuer une restructuration mentale de la page impliquant un travail important. Des équipes de recherche essayent de mettre au point un moteur de recherche qui élimine ces difficultés et tente de régler le problème des sites inaccessibles aux déficients visuels par la présence, par exemple, d’animations ou d’une trop grande densité d’images.
Mais, pour que ces logiciels fonctionnent, encore faut-il que les sites suivent quelques standards de lisibilité11. Or, à ce jour, leur respect dépend de la seule bonne volonté des acteurs du Net. C’est pourquoi le "Plan handicap visuel" présenté lundi 2 juin 2008 par le Gouvernement, annonce la publication d'un décret en juillet qui fixera les normes à respecter en France et les modalités de contrôle. Attendu depuis trois ans, ce décret doit rendre opposable la loi "pour l'égalité des droits et des chances" du 11 février 2005, qui prévoit l'accessibilité des sites publics aux handicapés.
Le prix du matériel demeure élevé: 5 000 euros pour une plage braille, 1500 euros pour un logiciel de lecture d'écran. Avec 1,5 million de déficients visuels dont 200 000 aveugles, et l'arrivée de seniors sur le marché, ces outils devraient se développer et l'accessibilité devenir, plus que jamais, un enjeu de société.
B.- L’utilisation d’autres sens en substitution de la vue
La planche qui suit, illustre la variété des aides qui permettent à des non voyants de compenser leur handicap.
REALITE VIRTUELLE
Une des pistes de recherches les plus prometteuses est celle liée à l’utilisation du GPS. Une localisation fine dans l’espace constitue un apport inestimable pour un non voyant.
Lors de ma visite dans les laboratoires du CEA, j’ai pu voir des modèles de cannes couplées à un GPS permettant à un aveugle de se repérer dans l’espace.
Les progrès de la géo localisation par GPS vont considérablement aider les malvoyants dans leurs déplacements pour peu qu’ils puissent avoir accès à ces aides.
D’autres pistes sont également intéressantes : des chercheurs du CNRS, ont conçu une canne blanche électronique équipée d’un ingénieux système de sons pour qu’un non-voyant en mouvement puisse différencier les obstacles et évaluer leur distance pour mieux les appréhender.
Les nouvelles technologies permettent également de développer des interfaces tactiles qui permettent grâce à des capteurs de mieux renseigner la personne.
Les malvoyants et aveugles constituent certainement une des catégories de personnes handicapées pour lesquelles les améliorations des aides techniques auront un effet très sensible sur la qualité de vie.
Toutefois beaucoup ont du mal à acquérir les aides techniques les plus sophistiquées. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), estime que moins de 20 % des personnes bénéficient en France d'un accompagnement approprié.
Cette situation est certainement très regrettable et doit être impérativement améliorée.
SECTION 3 – LA SURDITÉ PROFONDE VAINCUE ?
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 278 millions de personnes dans le monde souffrent d'une déficience auditive. Le quart de ces déficiences débutent dès l'enfance.
Les nouvelles techniques de lutte contre la surdité, en particulier les implants cochléaires, permettent de supprimer la surdité profonde et les prothèses acoustiques, grâce à l’amélioration des techniques numériques, sont en train d’accomplir des progrès remarquables.
Certes, ces aides ne redonnent pas pour autant une audition normale, mais elles permettent une bonne intégration dans la cité. La surdité constitue de prime abord l’un des handicaps les plus difficiles à vivre, peut être parce qu’il n’est pas perceptible.
A.- Un problème massif très largement lié à l’âge
En France, 89 personnes sur mille sont déficientes auditives, soit 5 182 000 personnes. 303 000 sont affectées d’une déficience auditive profonde ou totale.12 Environ les deux tiers sont des personnes âgées (63 %). Sur le total général, 53 % seraient atteintes de surdité légère, 33 % de surdité moyenne, 9 % de surdité sévère, 3 % de surdité profonde. 95 % des déficients auditifs vivent à domicile.
La surdité est dite légère lorsque la perte se situe entre 20 et 40 décibels (dB), moyenne entre 40 à 70 dB ou sévère 70 à 90 dB. Lorsque la perte auditive est supérieure à 90 dB, la surdité est totale.
Comparativement à ces chiffres, environ 119 000 personnes utiliseraient la langue des signes en France métropolitaine.
Très faible dans l’enfance (environ 0,2 % chez les moins de 10 ans), la prévalence reste modérée chez l’adulte jeune (environ 2 % entre 10 ans et 40 ans), puis augmente progressivement à partir de la quarantaine et de façon plus marquée au-delà de 75 ans.
Parmi les personnes âgées de 60 à 74 ans, un peu plus d’une personne sur cinq (22 %) déclarent une déficience auditive. Elles sont environ deux sur cinq (43 %) parmi les 75 ans et plus. La déficience auditive est donc très massivement une pathologie liée à l’âge .
Prévalence de la déficience auditive selon l'âge et le degré de sévérité
En effet, à partir de la soixantaine, le vieillissement affecte les organes de l'audition : les tympans se fragilisent, les osselets perdent de leur souplesse et les cellules ciliées de la cochlée peuvent même disparaître.
Chaque année, les oreilles perçoivent un décibel de moins et une surdité de perception bilatérale et symétrique apparaît peu à peu : c'est la presbyacousie. D'abord manifeste dans les fréquences aiguës, la perte auditive atteint peu à peu l'ensemble des fréquences sonores utilisées dans la vie quotidienne.
Souvent mal comprise et mal acceptée, la déficience auditive bouleverse la vie de la personne atteinte. C'est pourquoi les troubles de l'audition imposent un dépistage précoce et une prise en charge adaptée. Cette dernière est d'ailleurs cruciale pour les personnes âgées car leur surdité les isole peu à peu de leur entourage.
B.- Des prothèses insuffisamment portées
Les aides techniques destinées à compenser ce handicap semblent peu et mal utilisées en France. Or, si les prothèses auditives ont longtemps été d’une efficacité toute relative, pour les surdités sévères, leurs performances s’améliorent en passant de la technique analogique au numérique.
1 - Un constat clair
Il suffit généralement d'une prothèse auditive pour remédier à une déficience auditive. Plus l'appareillage est précoce, meilleure sera la correction. Pourtant, la part des personnes appareillées en France est très inférieure à la prévalence du déficit auditif : seules 730 000 personnes portent une prothèse auditive soit 14 % des déficients auditifs.
Les professionnels estiment d'ailleurs que seuls les deux tiers d'entre elles utilisent réellement leur aide auditive. La méconnaissance importante des possibilités d'appareillage et de leurs résultats, leur coût et les réticences psychologiques des patients expliquent le manque d'appareillage de la population française.
Les tableaux qui suivent montrent que la proportion d’utilisateurs d’aides acoustiques est sensiblement inférieure aux besoins.
USAGES ET BESOINS D'AIDES AUDITIVES13 | ||||
Usage déclaré |
Besoin déclaré |
Usage Besoin |
Taux de satisfaction | |
Aide pour entendre |
668 000 12,9 % |
1015 000 19,6 % |
1 683 000 32,5 % |
40 % |
Matériel audiovisuel |
117 000 2,3 % |
161 000 3,1 % |
278 000 5,4 % |
42 % |
USAGE DES AIDES POUR ENTENDRE | |||
Type de surdité |
Profonde |
Moyenne |
Légère |
Pourcentage |
19 % |
18 % |
10 % |
14 % des déficients auditifs ont recours à l'usage d'un appareillage auditif, dont 16 % des plus de 60 ans. 13 % des déficients auditifs ont recours à l'usage d'aides pour entendre (comme les boucles magnétiques). Leur usage est plus important dans le cadre d'une surdité profonde ou totale (19 %) que dans le cadre d'une surdité moyenne à sévère (18 %) et plus encore que dans le cadre d'une surdité légère à moyenne (10 %).
C.- Les raisons d’une trop faible diffusion
L’efficacité des prothèses est débattue.
Des doutes sont exprimés sur l’efficacité des prothèses. Ces affirmations sont certainement excessives car, les prothèses sont efficaces dans un grand nombre de cas. Par contre, elles sont inadaptées pour des surdités qui deviennent sévères, en particulier avec le grand âge. Il est vrai que les praticiens hésitent à proposer des solutions impliquant des opérations chez les patients âgés, qui demeurent appareillés avec des prothèses inadaptées donnant un résultat médiocre.
Il convient de s’interroger sur l’impact du mauvais remboursement des prothèses auditives sur la santé des personnes âgées. Votre Rapporteure est convaincue qu’un nombre significatif de personnes âgées renoncent pour des raisons de coût aux aides qui leur permettraient d’entendre. C’est un facteur important de dé- socialisation qui hâte ainsi le passage vers la dépendance et qui génère in fine un coût non négligeable pour l’assurance maladie, qui devrait engager une étude sur cette question.
Des prothèses plus performantes sont en train de voir le jour.
Une nouvelle génération de prothèses auditives est en train de voir le jour. Invisibles et performantes elles sont compatibles avec toutes les activités sportives. Elles permettent de régler le problème le plus épineux des prothèses actuelles, celui du microphone, nécessaire pour capter les sons sensibles à l’humidité et mal adapté aux ambiances bruyantes, en le supprimant.
Avec ce système, l’oreille joue son rôle de microphone naturel. Un système d’amplification est intégré à l’intérieur du corps du patient. Cette prothèse court-circuite les osselets par un système qui utilise la technique piézoélectrique. Certains matériaux comme le quartz présentent en effet la particularité de vibrer lorsqu’ils sont soumis à un courant électrique. Un premier capteur piézoélectrique enregistre les vibrations du tympan et des deux premiers osselets pour les transformer en signal électriqu,e puis les transmet à un petit boîtier électronique implanté au-dessus de l’oreille du patient, qui amplifie le signal puis l’envoie à un second dispositif qui convertit le courant électrique en vibrations mécaniques pour les transmettre au troisième osselet.
Cette prothèse extrêmement performante équipe déjà 130 personnes dans le monde. Elle suppose cependant quatre heures d’opération de très haute technicité effectuée sous anesthésie générale par des professionnels formés à cet effet.
Elle est en conséquence extrêmement coûteuse et ne peut constituer qu’une niche particulière pour les 420 000 personnes acquièrent une prothèse auditive chaque année en France.
Par ailleurs, le passage de la prothèse auditive analogique à la prothèse numérique, a entraîné chez certains fabricants la disparition de la fabrication des prothèses analogiques ce qui a conduit le Comité national d’éthique dans son avis sur les implants cochélaires à recommander que :
« Le maintien de la production d'appareils analogiques puisse être assuré durant toutes les années où le passage de l'analogique au numérique posera encore des problèmes d'adaptation. Les instances sanitaires et les fabricants de prothèses doivent assurer, pendant la durée nécessaire, le suivi et la maintenance des appareils anciens lors de la mise sur le marché de produits issus de technologies nouvelles et incompatibles avec ceux de la génération précédente. »
Des dysfonctionnements existent au niveau de leur commercialisation
Le marché est très segmenté et vaste, du fait de la demande potentielle émanant des personnes âgées, mais extrêmement peu transparent. Il existe une question fondamentale qui est celle de l'information. Or, les audioprothésistes vendent également du matériel. De ce fait, ils sont à la fois conseillers et vendeurs : position ambiguë qui peut faire douter de leur indépendance. D'où la nécessité d’engager une réflexion sur la chaîne, de la prescription à la délivrance de la prothèse, en repensant les rôles respectifs des médecins O.R.L. et des audio prothésistes, en reconnaissant et définissant mieux les fonctions de chacun, pour clarifier, mais également prendre en charge l’activité de conseil.
Un travail en ce sens est en cours à la Haute autorité de santé publique pour définir le service qui doit accompagner la vente de la prothèse, afin que le client ne soit pas un utilisateur isolé.
Le fait qu'en matière de prothèses auditives, il n'existe que quatre groupes d'envergure internationale, dont aucun français, complique bien entendu la situation. Ces difficultés ont été mises en évidence par une étude de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Les associations de personnes mal entendantes expriment sur cette question des revendications précises évoquées dans le tableau ci-dessous.
UNION NATIONALE POUR L’INSERTION SOCIALE DES DÉFICIENTS AUDITIFS (UNISDA)
« La compensation des conséquences de la surdité reste une attente forte de nos adhérents. Si la nouvelle prestation de compensation (PCH) proposée par les maisons départementales des personnes handicapées (MDHP) présente un intérêt certain, elle reste insuffisante et ne permet pas aujourd’hui une réelle prise en charge, par exemple, des appareils de correction auditive ou de l’ensemble des aides à la communication qui nous sont nécessaires dans notre vie quotidienne. Aussi, la perspective d’un nouveau champ de la protection sociale dédié à l’autonomie va dans le sens de cette attente. Mais en attendant cette évolution, il faut sans tarder envisager d’éventuels ajustements à certaines pratiques ou recommandations administratives : les modalités d’accès au forfait « participation à la vie sociale » destiné aux personnes sourdes sont susceptibles d’induire certains effets pervers et ne sont pas identiques sur l’ensemble du territoire ; la prise en charge des aides techniques, prévue aujourd’hui de façon incomplète par les textes, est réalisée de manière très disparate ; la formation des intervenants – tant en matière d’accueil accessible que d’évaluation fine des besoins des personnes - des maisons départementales au regard des spécificités de la surdité reste à prévoir ; l’accessibilité de l’accueil des MDPH reste anecdotique, et comme pour l’ensemble des publics, les délais de traitement des demandes ou autres dysfonctionnements observés ici ou là mettent certaines usagers dans des situations difficilement acceptables. Nous savons la CNSA soucieuse de ces attentes. »
PROPOSITIONS DE MESURES (EXTRAIT)
PCH volet aides techniques : l’arrêté doit être complété (ne sont aujourd’hui absolument pas évoqués : les système de transmission HF, les dépenses relatives aux différents implants – cochléaire, d’oreille moyenne, du tronc cérébral, notamment les piles, batteries, réparation, et l’implant cochléaire lui-même puisqu’il va prochainement être inscrit à la LPP).
PCH volet aides techniques : compte tenu des délais de traitement des dossiers, prise en charge de matériels déjà acquis sur présentation des factures et non des seuls devis ; il n’est pas possible de demander aux personnes de différer de 6 mois l’achat de leurs prothèses auditives.
LPP : revalorisation substantielle de la prise en charge de l’appareil de correction auditive. Son montant (65% de 199 euros, soit environ 130 euros, pour un coût moyen aujourd’hui situé entre 1.500 et 2.200 euros) n’a pas été revalorisé depuis 1973, alors même que le prix des appareillages a considérablement évolué.
Dans le cadre de l’inscription de l’implant cochléaire à la LPP :
• pas de différence de prise en charge des adultes par rapport aux enfants ;
• instauration d’un contrôle de qualité et labellisation des centres d’implantation.
TVA à 5.5% sur l’ensemble des appareils et équipements destinés aux publics sourds ou malentendants.
PCH enfants : examen précis de l’impact de la transition entre l’ancien et le nouveau dispositif, notamment en ce qui concerne les compléments qui étaient destinés au financement de services d’accessibilité scolaire (codeurs LPC notamment, lorsqu’il s’agit d’emplois associatifs).
Lancement d’une réflexion sur les aides techniques en direction du multi-handicap – notamment à la fois auditif et visuel - pour lequel très peu d’aides techniques sont adaptées.
D.- La surdité profonde : Les résultats spectaculaires des implants cochléaires
Les résultats spectaculaires des implants cochléaires dans la lutte contre la surdité profonde donnent à penser que la plupart des enfants qui naissent sourds aujourd’hui pourront entendre. Il s’agit d’un résultat extraordinaire lié à un dépistage précoce de la surdité.
Composé d’un porte-électrode implanté dans l’oreille interne, d’un stimulateur et d’une antenne sous le cuir chevelu, l’implant cochléaire permet de capter les sons, de les analyser et de les transmettre au nerf auditif. L’efficacité du dispositif s’est améliorée et continue de s'améliorer au cours de ces dernières années grâce à sa miniaturisation et à une augmentation de la qualité du traitement du son.
Il se compose d’une partie externe amovible et d’une partie interne implantée chirurgicalement :
- La partie externe comprend un microprocesseur et un micro-aimant. Le microphone amplifie, filtre, et compresse les informations. Le microprocesseur assure la transduction analogique des sons fournis par le microphone, et transforme les informations sonores en impulsions électriques. L’antenne, maintenue par un aimant sur le cuir chevelu, permet le passage transcutané des informations vers la partie implantée.
- La partie interne est composée d’un microprocesseur-récepteur-stimulateur et d’un porte électrodes. Les informations sont transmises au nerf auditif par le biais des cellules du ganglion spiral.
Les progrès ont été tellement spectaculaires que des enfants diagnostiqués comme sourds profonds peuvent aujourd’hui mener une scolarité et une vie tout à fait normales. Cette situation a suscité l’émotion d’associations de sourds qui craignent une stigmatisation et ont saisi le comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé14.
CHAPITRE III
UNE AMÉLIORATION IMPORTANTE DES AIDES TECHNIQUES EST EN COURS POUR LES HANDICAPS MOTEURS
Il est symptomatique que le pictogramme symbolisant le handicap soit un fauteuil roulant car les déficiences motrices représentent l'image même du handicap dans l'imaginaire collectif.
En France, environ trois enfants sur 1 000 souffrent de déficiences motrices assez sévères. Près d'un tiers d'entre eux sont des Infirmes moteurs cérébraux (IMC).
Pour les adultes, on estime généralement que 1,5 % de la population globale souffre de troubles moteurs isolés. Le trouble moteur associé à d'autres déficiences fait monter cette estimation à 4 %.
SECTION 1 – L’IMPORTANCE DE L’ÂGE DANS LE HANDICAP MOTEUR
Le handicap moteur isolé croît fortement avec l'âge.
Avant 19 ans, il touche moins de 2 personnes pour mille dans la population française. Ce chiffre dépasse 13 pour mille entre 20 et 59 ans, pour culminer à près de 32 pour mille après 60 ans.
Cela s'explique par l'origine et la nature des déficiences. Le handicap moteur peut être dû à une malformation ou une maladie acquise in utero ou dans les premières années de la vie. Il peut survenir à la suite d'une maladie acquise plus tard ou de différentes formes de traumatismes. D'autre part, un certain nombre des maladies sont évolutives, comme la sclérose en plaque. Et même lorsque la maladie est stable en elle-même, ses conséquences en termes de handicap peuvent s'accroître au cours de la vie par des déformations pendant la croissance ou des difficultés majorées par le vieillissement.
Il existe quatre grandes causes de handicap moteur :
1. Les lésions de la moelle épinière provoquent la paralysie des membres inférieurs (paraplégie) ou des quatre membres (tétraplégie). Elles surviennent essentiellement chez l'enfant et l'adulte jeune et touchent environ 30 000 personnes en France. Elles proviennent souvent d’accidents de la route, du sport ou du travail. Il est important de mentionner cette origine car ces malades bénéficient très souvent d’une prise en charge par une assurance qui doit couvrir intégralement leur préjudice. Cette situation leur facilite beaucoup l’accès aux aides techniques les plus sophistiquées car leur prise en charge ne repose pas sur la solidarité nationale (l’assurance maladie) mais sur les mécanismes de la responsabilité civile.
2. L'infirmité motrice cérébrale (IMC) résulte de lésions cérébrales non évolutives intervenues avant ou autour de la naissance. Elle touche 3 enfants sur 5 000 naissances. L'atteinte du système nerveux en pleine maturation a des conséquences motrices qui apparaîtront au cours du développement mais, l'atteinte motrice est rarement isolée et les troubles du regard ou de l'organisation du mouvement, par exemple, peuvent gêner considérablement les acquisitions scolaires. Des rééducations neurophysiologiques très spécialisées peuvent atténuer ce handicap. L'atteinte motrice est variable. Certaines personnes atteintes d’une IMC sont tétraplégiques, d'autres acquièrent une marche rendue précaire par des troubles de la commande et de la coordination des mouvements volontaires.
3. Les myopathies sont des maladies neuromusculaires d'origine génétique. Certaines débutent dans la petite enfance, d'autres à l'adolescence ou à l'âge adulte.
- La dystrophie musculaire de Duchenne touche un garçon sur 3 500 à la naissance, elle débute vers 3 ans. La perte de la marche intervient autour de 9 ou 10 ans. Le déséquilibre des forces entre les muscles plus ou moins touchés provoque des déformations que la kinésithérapie ne peut que partiellement retarder. La fonte des muscles respiratoires oblige vers 25 ans à mettre en place une ventilation assistée. À cette étape, et malgré le progrès constant des soins dont ils bénéficient, ces jeunes très fragiles ont une espérance de vie réduite.
- La dystrophie myotonique de Steinert est la plus fréquente des maladies neuromusculaires de l'adulte. Elle touche 5 personnes sur 100 000 autour de 25 ans. De progression lente, elle est d'autant plus grave qu'elle débute précocement. La perte de la marche intervient après 15 ou 20 ans d'évolution.
4. Il convient également de mentionner les conséquences des accidents vasculaires cérébraux qui laissent souvent à leurs victimes des séquelles, souvent très graves, en termes de motricité.
Le handicap moteur peut être partiellement compensé par une série d'aides techniques. Les ordinateurs qui obéissent à la voix ou peuvent être pilotés par le regard, les dispositifs domotiques et les fauteuils électriques permettent à des personnes très lourdement handicapées de vivre dans une relative indépendance, avec une aide à domicile quelques heures par jour.
Le fauteuil roulant constitue l’outil de base de compensation du handicap moteur, or la situation française mériterait d’être améliorée.
SECTION 2 – L’AMÉLIORATION DES MATÉRIELS EXISTANT EST TRÈS IMPORTANTE
Avant de nous pencher sur des concepts d’aides techniques « révolutionnaires », nous allons d’abord examiner les améliorations très considérables apportées aux aides techniques classiques et à la plus connue d’entre elles, le fauteuil roulant.
La faible proportion de fauteuils roulants motorisés en France et leur esthétique quelque peu archaïque par rapport aux Pays-Bas sont a priori surprenants. Or, le fait pour une personne handicapée de se déplacer dans un fauteuil électrique bien dessiné et rehaussé, afin qu’il ne soit pas contraint de lever la tête pour s’adresser aux autres, améliore la qualité de vie de la personne handicapée et contribue à une meilleure perception du handicap.
Un coût excessif et pas toujours justifié
Il se vend environ 100 000 fauteuils chaque année, pour un stock évalué à 500 000 fauteuils. Ce chiffre est considérable mais le marché est plus étroit qu’il n’y paraît. Une visite de la plate forme « nouvelles technologies » de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches permet de mesurer le nombre de modèles disponibles (environ 150), et la nécessité d’adapter les fauteuils aux besoins de chacun, ce qui se traduit par une nombre important de modèles. Cela explique que les fabrications soient réalisées en petites séries qui rendent difficile le développement de produits innovants, faute de perspectives de rentabilité.
Cet argument qui est réel n’est pas entièrement convaincant, car des petites séries à l’échelon français ne le sont pas nécessairement à l’échelle mondiale.
Aussi la première des pistes de recherche à privilégier est-elle la réduction du coût de ces matériels. Le prix des fauteuils varie entre 2 700 à 4 000 € pour des modèles de base, il peut atteindre 8 à 10 000 € pour des modèles évolués, voire 30 000€ pour des fauteuils de myopathes.
Au vu des analyses communiquées, en particulier celle de l’Association française de lutte contre les myopathies, il apparaît que beaucoup de produits sont vendus plus du double de leur prix de revient et qu’en initiant une démarche « zéro usinage », c'est-à-dire en concevant des produits utilisant les pièces disponibles sur le marché, un fauteuil sophistiqué pourrait voir son coût ramené de 32 00€ à 15 000€. Un prototype élaboré, sur cette base, en collaboration entre l’AFM et un industriel, serait dans sa phase terminale de mise au point.
La France importe une grande partie de ses fauteuils et il a été signalé à votre Rapporteure que nous pouvions trouver sur le marché français des fauteuils vendus à 8 000 € dont le prix est de 2 000€ aux États-Unis.
Il est évident qu’une partie des fabricants n’établissent pas le prix de vente en fonction du coût de revient, mais en fonction du niveau de remboursement par la collectivité publique. Cette situation se retrouve pour d’autres aides au handicap, et n’est pas acceptable. Des solutions doivent donc être proposées.
Les chercheurs français sont conscients du problème : Un partenariat entre l’hôpital de Garches et Valeo a été conclu pour adapter à la conception et à la réalisation des fauteuils des systèmes issus de la grande série automobile, en liaison avec l’Université de Versailles et l’INSERM, et la fondation Garches essaye de nouer des partenariats avec les écoles d’ingénieurs.
La baisse du prix de ces équipements viendra de ce type de démarche et permettra aux handicapés de bénéficier de produits plus sophistiqués améliorant leur qualité de vie.
Les recherches les plus prometteuses
Les personnes atteintes des plus lourds handicaps moteurs, en particulier celles qui ne peuvent pas utiliser leurs bras, bénéficient des progrès des interfaces. Pour les tétraplégiques qui ne peuvent pas utiliser leurs mains, la problématique de l’interface homme machine demeure au centre des recherches avec, par exemple, des recherches sur le pilotage par la pensée.
On peut estimer que dans un avenir proche, le fauteuil destiné aux personnes les plus lourdement handicapées sera conçu comme une véritable centrale permettant à la personne de retrouver une plus grande autonomie en lui donnant la possibilité de se déplacer mais, également en bénéficiant d’un bras robotisé fixé sur son fauteuil pour accomplir un certain nombre de tâches, par exemple, boire, geste simple pour les valides, plus difficile quand il requiert la présence d’une personne qui n’est pas toujours disponible.
Les matériels sont en phase de mise au point. La difficulté réside dans l’industrialisation et le coût pour les finances publiques auquel il convient de sensibiliser les chercheurs.
Il serait en effet regrettable que ces matériels soient réservés à ceux dont les frais inhérents à la compensation du handicap sont pris en charge par des assurances privées, par exemple les victimes non responsables d’accidents de la route.
Pour les personnes moins lourdement handicapées, la recherche s’oriente vers un allègement du poids des fauteuils, actuellement de 10 à 11 kg pour les fauteuils les plus légers. Mais, cette direction de recherche se heurte également à un problème de coûts, lié au prix de matériaux comme le carbone, et au désintérêt des constructeurs.
D’autres axes de recherche développés en France essayent de doter les fauteuils de nouvelles fonctions, par exemple la fondation Garches étudie actuellement un « fauteuil monte escaliers ».
À côté de l’allègement, un des principaux axes de recherche est l’amélioration de la mobilité des fauteuils. Il existe au Japon des prototypes extrêmement innovants qui remettent en cause la conception actuelle des fauteuils.
À l’Université de Tokyo, ont été réalisés des prototypes de fauteuils pouvant escalader des marches grâce à une assistance électrique et des roues plus grandes couplées à un détecteur d’obstacles permettant de traiter l’information et de donner au moteur les instructions nécessaires.
De même, ont été mis au point des équipements dotés de capteurs d’inclinaison et de petits moteurs électriques incorporés dans le fauteuil qui réduisent de 40% la force nécessaire pour manipuler un fauteuil. Ils renforcent la sécurité en intégrant une fonction automatique de blocage des roues permettant ainsi à la personne handicapée de pousser un objet.
Un modèle de fauteuil verticalisateur particulièrement intéressant est en train d’être commercialisé. Il s’agit d’un fauteuil qui permet à son utilisateur d’être maintenu grâce à des sangles en position verticale. Il évite ainsi la position allongée ou assise permanente qui peuvent entraîner des troubles à long terme et d’autre part, offre à la personne handicapée la possibilité de se mettre debout et de recouvrer une fonction qui avait disparu, ce qui psychologiquement est positif.
La question du conseil est par ailleurs essentielle. La fondation Garches, dispose d’un centre permettant aux patients d’essayer les fauteuils. Les vendeurs ne disposant souvent ni du temps, ni du matériel nécessaire aux démonstrations. Cette activité de conseil est essentielle mais n’est pas reconnue par l’assurance maladie, il s’agit d’un chaînon manquant dans la prise en charge.
Cet appareil, que l’on croit généralement sommaire, peut non seulement apporter de grands services, mais être d’une haute technologie.
Un prototype réalisé au Japon est particulièrement intéressant : il s’agit d’un déambulateur monté sur un plateau, dont les roues sont actionnées par l’utilisateur et qui lui permet de se déplacer beaucoup plus vite qu’il ne le ferait en marchant.
Ce système incite la personne à effecteur un effort physique et lui permet d’aller à une vitesse normale lors de ses déplacements à pied.
Persiste en France une image vieillotte du déambulateur, ne correspondant pas aux engins dotés d’un design et de fonctionnalités multiples utilisés dans des pays comme la Suède mais peu en France.
Aux États-Unis, 7 millions de personnes ont été victimes d'un accident vasculaire cérébral et cette affection concerne 700 000 personnes par an, les accidents de la moelle épinière concernant 11 000 personnes chaque année. Aussi, des programmes ont-ils été développés pour favoriser la récupération, la force musculaire et les facultés de locomotion.
L’université du Delaware a mis au point un exosquelette (c’est à dire un bras articulé extérieur sur lequel est fixé le membre) de la jambe droite, qui utilise la gravité et ne comporte pas de moteurs mais des ressorts.
En matière de rééducation, les résultats des exosquelettes sont efficaces et les experts américains rencontrés au cours de la mission estiment que des séances de 45 minutes permettent véritablement de changer la démarche des patients, en particulier de ceux victimes d’accidents vasculaires cérébraux.
Des projets sont en cours également pour mettre au point des appareils aidant les personnes atteintes à la cheville à se lever. D’autres projets sont destinés à aider les enfants en bas âge.
Les recherches vont dans deux directions : la mise au point de technologies robotiques actives mais également passives, qui ont l'avantage de présenter un coût raisonnable et de ne pas avoir besoin d'alimentation en énergie.
Un appareil destiné à soutenir le patient en cours de rééducation est utilisé dans un hôpital militaire américain : durant sa marche, il l’aide à rétablir son équilibre et facilite ainsi le réapprentissage de la marche.
SECTION 3 – LES OUTILS RÉVOLUTIONNAIRES
Il existe aujourd’hui une réflexion sur la robotique et la manière de l'utiliser pour améliorer la qualité de vie des handicapés qui conduit à la mise au point de projets étonnants.
A.- Les prothèses de nouvelle génération
Comme souvent, les guerres dopent la recherche. À la date du 30 septembre 2007, 30 035 soldats avaient été blessés en Irak et en Afghanistan.
20 % des militaires amputés peuvent, grâce à leurs prothèses, reprendre le service actif et cinq personnes amputées victimes d'attaques en Irak, sont déjà reparties dans ce pays et servent dans les services médicaux (secouristes).Les prothèses mises au point permettent à une personne amputée d’une jambe d’escalader un mur.
Entre 2001 et 2007, 725 militaires américains ont perdu un membre, ce qui explique l’importance des efforts consentis qui se sont traduits par la mise au point de prothèses révolutionnaires.
Les prothèses de jambes sont relativement faciles à concevoir. Elles sont relativement simples au niveau de l'articulation ; elles permettent d’avancer ou de reculer. Ces prothèses sont disponibles actuellement.
S'agissant du bras, la prothèse est beaucoup plus difficile à concevoir à cause de la complexité de la main. Actuellement, les prothèses utilisent un contrôle électrique pour simuler 27 muscles de la main. La difficulté est d'actionner tous les muscles en même temps, ce qui implique un appareil très important en taille.
Les problèmes d'ingénierie pour la prothèse du bras sont très difficiles à régler car il faut créer un bras qui ait de la force, de la dextérité, de la longévité et soit résistant à l’eau (batterie) qui doit en plus ressembler à un bras et pèse au maximum huit livres.
Un projet en cours vise à contrôler le bras et obtenir une dextérité manuelle par un contrôle direct du cerveau.
Il y a sept ans, un programme a été créé au sein de la DARPA pour étudier comment le cerveau pouvait contrôler un bras. Des contrats ont été conclus à cet effet. Ils ont permis d'implanter 12 électrodes dans le cerveau d'un singe pour examiner les problèmes de rejet et pour enregistrer les zones activées chaque fois que l'animal bouge le bras.
Au-delà des personnes amputées, ces recherches pouvent avoir un intérêt pour les personnes atteintes de trouvles de la moelle épinière ou victime d'un accident vasculaire cérébral. Les électrodes sont plus fines qu'un cheveu et il suffit de trouver une zone du cerveau qui commande les fonctions désirées, y compris la force, 12 électrodes suffisant alors. Un des problèmes à régler concerne la température générée par ses électrodes qui peut être source de douleurs.
Ce programme comporte deux volets :
Un premier volet, qui devait aboutir en avril 2008, permettrait de confier diverses fonctions à une prothèse commandée par les nerfs (on utilise les nerfs restant dans les muscles pour reprendre leurs signaux électriques et faire fonctionner la prothèse). Les prothèses les plus récentes disposent de doigts indépendants.
Cette recherche comportait un jalon obligatoire destiné à inventer une aide, une interface entre le nerf et les neurones, pour cela les chercheurs ont mis au point une électrode qui fait le tour du nerf.
Il est prévu qu'il n'y ait pas d'engrenages ni de poulies mais des microprocesseurs et de l'hydraulique miniaturisée et que le bras mis au point puisse soulever 30 kilos. Ces procédés correspondent à une nouvelle approche technique. Ces bras ont été créés. Ils fonctionnent actuellement avec une commande intuitive liée à la position du buste (avec un gyroscope).
Le prix du prototype s'élève actuellement entre 150 000 et 175 000 dollars. Le plan de commercialisation devrait comporter un partenaire autrichien (Ortobach) qui est le plus grand fabricant de prothèses de bras et de jambes. A partir du prototype numéro trois, les Américains espèrent pouvoir lancer une fabrication en quantité qui permettrait de limiter le coût de la prothèse à 45 000 $.
Le bras en question serait utilisable d'une personne à l'autre et modulaire (il pourrait correspondre au bras entier ou à une partie seulement). L'enveloppe de chaque bras serait personnalisée grâce à des techniques lasers pour correspondre exactement à l'autre bras.
Toutefois le Président d’une société commerciale américaine m’a indiqué que depuis le 12 juillet 2007, son entreprise commercialisait le bras électrique commandé par les nerfs.
Sa société est en train d'élaborer une nouvelle commande qui permet de bouger le bras de façon indépendante avec une commande très performante. Deux possibilités existent : indirectement, en captant les mouvements du corps pour activer un muscle qui donne le signal ; ou plus directement, à partir du nerf qui reste dans le bras et la commande capte le signal. Ce produit devait être commercialisé aux États-Unis le 1er avril 2008. Il était expérimenté sur 12 patients. L'objectif commercial était d'atteindre un prix de 50 000 $.
Le deuxième volet des recherches militaires consiste en un programme étalé sur quatre ans pour la mise au point d’un bras fonctionnel contrôlé par le cerveau. Le bras en question ne devrait peser que 7 livres, avec une autonomie fonctionnelle de quatre heures.
La DARPA aura investi 100 millions de dollars dans l'ensemble du programme.
Une fois la recherche effectuée, le transfert de la technologie vers les sociétés privées est effectué sans que l'État américain n’exige une participation financière en retour.
La guerre est bien sûr la motivation première de cet engagement financier dans un conflit armé, 600 militaires ayant perdu un bras.
Les prothèses réalisées dans le milieu militaire reviennent à 35 000 $, le coût pour le monde civil varie plutôt entre 50 000 et 75 000 $, ce qui posera le problème de la prise en charge collective. Elles intègrent de plus en plus de technologies ; de passives elles deviennent actives en intégrant des moteurs électriques et des microprocesseurs qui permettent une miniaturisation accrue.
Sur le plan commercial « le marché » demeure restreint au niveau mondial La prothèse de bras constitue un marché de niches ne permettant pas à un industriel d’investir 100 millions de $ en frais de recherche comme a pu le faire l’armée américaine. Dans ce domaine, les recherches civiles et militaires sont complètement imbriquées et que les universitaires rencontrés trouvent tout à fait normal de travailler en symbiose avec les militaires.
Le marché américain de la prothèse
Le marché américain s'élève à 2,5 milliards de dollars avec une croissance de 2 à 3 % par an. Il existe peu de fabricants, ce secteur industriel est surtout occupé par des petites et moyennes entreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre 1 et 3 millions de dollars. Les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions de dollars représente 25 % du marché. La société Hanger est le plus grand fabricant. Les prothèses sont financées pour moitié par l'État, pour 25 % par les assureurs. Aux Etats-Unis, le marché des prothèses ne représente que 50 cents par mois, sur un total de 200 $ de dépenses de maladies.
La mise en vente libre de ces appareils est encouragée en espérant que cela conduira à une diminution des coûts.
Pour les entrepreneurs rencontrés, l'avenir du secteur implique de passer de l'atelier à des installations modernes de production.
Les exosquelettes sont des bras articulés fixés sur les membres et actionnant ces derniers. Ils sont, comme nous l’avons vu précédemment, utilisés principalement en rééducation mais, ils pourraient constituer une solution d’avenir intéressante pour certaines formes de paralysie.
L’agence Nationale pour la Recherche (ANR) a lancé un appel d’offres en ce sens qui permettra de stimuler en France un domaine scientifique délaissé.
Les exosquelettes constituent une piste de recherche extrêmement prometteuse pour les patients qui ont gardé une partie de leurs fonctions. Par exemple, si une personne est paralysée d’une jambe, il est tout à fait envisageable que la jambe valide commande l’autre jambe soutenue par un exosquelette.
Ce système pourrait à terme remplacer également le déambulateur pour les personnes dont la motricité est réduite. Il également être utilisé pour les membres supérieurs.
Deux obstacles doivent être surmontés : l’insuffisante autonomie des batteries et une difficulté esthétique et pratique.
Il semble qu’il soit plus difficile de proposer cette solution à des tétraplégiques du fait de la fragilité de leur peau.
Dresser un état des lieux des recherches concernant les exosquelettes est malaisé, car il s’agit d’une technologie duale qui intéresse au plus haut point les militaires. Nous pouvons imaginer sans peine l’intérêt qu’il pourrait y avoir à disposer de combattants aux performances considérablement améliorées.
Le scepticisme des chercheurs français rencontrés ne semble pas justifié. Lorsque ces techniques seront au point, elles pourront certainement apporter une réponse crédible à certaines situations de handicap.
C.- L’électro-stimulation aura des résultats limités
À la différence du constat dressé précédemment, la France tient dans ce domaine un rang extrêmement honorable. L’électrostimulation est connue depuis fort longtemps dans son principe. Elle consiste à contracter des muscles grâce à des impulsions électriques.
Les recherches ont débouché sur des solutions efficaces (cf.chapitre I). En matière de handicap moteur, les espoirs suscités par cette technique sont considérables. Il s’agit ni plus ni moins que de faire marcher des paralytiques, en commandant leurs muscles par des impulsions électriques.
À l’Université de Sendaï, les chercheurs ont permis à un paralytique de commander des mouvements du coude et du bras grâce à des électrodes activant quinze muscles. La réalisation d’un mouvement simple implique au moins dix muscles.
Des recherches intéressantes sont menées dans cette université pour que le patient puisse commander sa jambe avec un membre valide.
La réalisation de ces systèmes bute régulièrement sur la question de la fatigue musculaire et des difficultés techniques, telles que la définition de l’angle d’ouverture d’une jambe.
Le secteur du handicap moteur est complexe et le tissu industriel français n’est pas très riche, ce qui pose un réel problème car, s’il existe d’excellentes études dans les laboratoires, nos chercheurs ne trouvent pas d’industriels français pour commercialiser leurs résultats de recherche. En outre, la France n’a pas assez investi dans l’interface cérébrale qui s’est développée aux USA et au Japon. Or, la valeur ajoutée des aides techniques se reposera de plus en plus sur ce domaine de recherche.
En outre, les recherches sur les interactions multimodales impliquent des compétences qui ne se limitent pas au seul secteur sanitaire et exigent la constitution d’équipes pulridisciplinaires.
CHAPITRE IV
LE HANDICAP MENTAL NOUVEAU DOMAINE DES AIDES TECHNIQUES
On estime qu’aujourd'hui à 650 000 personnes sont en situation de handicap mental en France.
SECTION 1 – L’IMPORTANCE DE L’ÂGE DANS LE HANDICAP MENTAL
Le handicap mental est la conséquence sociale d'une déficience intellectuelle.
Tous les ans, près de 6 000 enfants naissent avec un handicap mental. On constate une augmentation de la prévalence des « troubles envahissants du développement » (TED).
Les études épidémiologiques manquent en France , mais les données les plus récentes recueillies dans les autres pays développés indiquent une prévalence comprise entre 0,6% et 1%, dont un tiers environ de formes sévères d’autisme. De même, plusieurs dizaines de milliers de personnes âgées entrent en dépendance pour ce motif.
Concrètement, une personne en situation de handicap mental peut, du fait de sa déficience, avoir des difficultés pour :
• mémoriser les informations orales et sonores ;
• fixer son attention ;
• apprécier l'importance relative des informations à disposition ;
• évaluer l'écoulement du temps ;
• se repérer dans l'espace (difficulté à utiliser les plans ou cartes) ;
• mobiliser ou remobiliser son énergie ;
• connaître : l'environnement immédiat ou élargi ; les conventions tacites qui régissent l'échange d'informations ; les modes d'utilisation des appareillages, dispositifs et automates mis à disposition ; les règles de communication et de vocabulaire.
Cela peut se traduire aussi par une maîtrise insuffisante de la lecture et/ou de l'écriture même si la personne handicapée a acquis les savoirs de base : des mots (difficulté à déchiffrer les logos par exemple) ; des chiffres (difficulté en calcul et raisonnement logique) ; de l'heure (notamment sous forme numérique).
SECTION 2 – L'IMPACT DE L'UTILISATION DES AIDES TECHNIQUES SUR LA DÉPENDANCE DES PERSONNES ATTEINTES D’UN HANDICAP MENTAL
Traditionnellement le handicap mental implique surtout le recours à des aides humaines, le recours à des thérapies médicamenteuses, ou comportementales par l'intervention de psychothérapeutes, mais fait peu intervenir les aides techniques.
Cette conception s'avère parfois étroite, par exemple en matière d'autisme, il a fallu attendre 2008 pour que le Gouvernement annonce la prise en compte à travers le « plan autisme » de thérapeutiques comportementales, faisant appel à des aides techniques, mises en place à l'étranger parfois depuis plusieurs dizaines d'années et qui ont fait leurs preuves.
QUE SONT CES « TECHNOLOGIES » COMPORTEMENTALES ?
APPORT DE LA SCIENCE (ET DE LA TECHNOLOGIE) À LA COMPENSATION DANS LE HANDICAP MENTAL
Dr. Vinca RIVIERE, Unité de Recherches sur l’évolution des comportements et Apprentissage. Université Lille III (EA-1059)
Les traitements comportementaux, provenant de la recherche en analyse du comportement (Behavior Analysis) sont maintenant connus depuis les années 1950. Ces techniques et technologies comportementales n’ont pas été aussi bien développées en France. Un seul laboratoire développant ces technologies existe en France : l’Unité de Recherches sur l’évolution des comportements et Apprentissage (URECA, EA-1059). De ce fait, on ne retrouve aucune analyse scientifique de ces pratiques ce qui est bien sûr à déplorer. Par exemple, dans le rapport sur « Interventions éducatives, pédagogiques et thérapeutiques dans l’autisme, les auteurs s’étonnent qu’aucune étude scientifique n’existe en France sur l’efficacité des traitements proposés en pratique. Dans notre pays, les traitements appliqués pour le handicap mental ne sont jamais scientifiquement validés alors qu’il existe un nombre important de recherches internationales permettant de démontrer l’efficacité de certains traitements, notamment les traitements comportementaux. L’absence de culture scientifique concernant le handicap mental est flagrant et il serait important de mettre en place des formations scientifiques qui existent sur la scène internationale. On parle alors d’Analyse du Comportement ou de Science du Comportement. Je vous expose quelques chiffres : en mettant en traitement un enfant avec autisme avant l’âge de 4 ans, il a entre 60 et 70% de chance d’accéder à une vie totalement autonome sans suivi ultérieur. Ces résultats sont ignorés en France. Pourtant, nous les retrouvons dans différentes études internationales (Pays scandinaves, USA, Canada, etc.) et les différents rapports gouvernementaux vont dans ce sens.
Nous avons aujourd’hui un recul suffisant dans la littérature scientifique pour affirmer qu’il est possible de doter la personne d’un moyen de communication. Dans certains pays, les recommandations vont même plus loin en pointant la priorité dans la prise en charge. Sans moyen de communication il est démontré que les troubles du comportement, qui sont fréquents pour ces personnes, sont croissants ce qui oblige souvent les équipes à médicaliser la prise en charge alors que le problème est un manque de connaissance des équipes sur la mise en place des techniques de communication et les techniques d’apprentissage.
La prévalence pour l’autisme est considérable. On indique dans la littérature un enfant sur cent soixante cinq atteint d’autisme. Cette augmentation ne cesse de croître et nous allons nous retrouver face à un problème de santé publique « dramatique » comme l’a indiqué le comité consultatif national d’éthique dans son avis n°102. Sans formation spécialisée des équipes à ces technologies comportementales, nous allons devoir pallier à des problèmes plus importants à l’âge adulte alors qu’il est possible de traiter efficacement ces personnes en leur offrant une qualité de vie la plus adaptée possible. En mettant en place des traitements comportementaux le plus tôt possible, il est évident que les économies en santé sont alors considérables. La prise en charge d’une personne avec troubles du développement tout au long de sa vie est extrêmement coûteuse alors que ce coût pourrait être réduit de manière drastique. Certains pays comme l’Angleterre ont pointé en mettant la priorité sur l’action chez l’enfant en bas âge, par exemple, 30 centres de moins de 6 ans sur toute l’Angleterre.
Les aides techniques peuvent en effet, en matière de handicap mental, intervenir à plusieurs niveaux :
* L'apprentissage: les personnes victimes de déficiences mentales mettent plus de temps que les autres pour acquérir les connaissances; il existe pour elles des logiciels adaptés qui constituent un apport précieux.
* La surveillance du patient: dans ce cas, elles soulagent considérablement les aidants;
* La thérapie proprement dite, mais les aides techniques sont peu utilisées ;
* L'aide à l'autonomie, en évitant ou en retardant le placement en institution.
Dans ces quatre domaines l'aide humaine continue et continuera à être très largement privilégiée mais nous ne devons pas ignorer l'apport des aides techniques.
Cette méconnaissance s'explique par deux raisons essentielles: l'absence d'informations sur les aides disponibles et un coût non négligeable, qui bien souvent n'est pas pris en charge par la collectivité, l'outil en question n'étant pas considéré comme relevant de la nomenclature médicale. Cela est vrai par exemple pour des téléphones portables dotés du GPS ou l'aménagement d'un appartement avec des agendas électroniques muraux, l'achat de logiciels ou d'ouvrages comportant des exercices de stimulation de l'activité cérébrale.
En matière d'éducation, les études dont nous pouvons disposer15 soulignent l'effet positif d'un apprentissage assisté par ordinateur sur le langage et les interactions sociales d'enfants autistes. Les résultats montrent une augmentation du discours spontané, une diminution du langage inapproprié ainsi que l'augmentation des commentaires spontanés.
Sur le plan de la surveillance, il convient bien entendu de distinguer le déficient mental lourd de celui qui est moins atteint.
Entre le malade qui doit être placé en chambre d'isolement et le déficient léger nous retrouvons une très large palette d'outils adaptés:
* Par exemple, un projet conduit par une société canadienne vise à mettre au point un bracelet qui détecte automatiquement tout déplacement au-delà d'une zone sécurisée, préalablement définie, et déclenche une alerte en cas de franchissement des limites fixées.
* Il existe aujourd'hui des solutions intégrées, proposées par des assureurs, qui comprennent la technologie et le service d'assistance: un boîtier fixe (récepteur- transmetteur) est branché sur la ligne téléphonique de l'utilisateur, permettant la liaison à distance avec le service médicalisé d'assistance et un petit boîtier étanche (émetteur) porté en bracelet ou pendentif permet de déclencher le transmetteur à distance; ce service permet aux utilisateurs d'appeler 24 heures sur 24 en cas d'accident, et de sécuriser ainsi les malades d'Alzheimer.
Une thérapeutique nouvelle émerge, la « robothérapie ». Des outils intéressants, à base d'« animal robotique », se sont développés pour pallier l'angoisse des personnes. Ils imitent un animal domestique (chat robot thérapeutique, petit chien AIBO) ou non (robot bébé phoque Paro) mais, tout en ayant un aspect proche de l'animal et en imitant ses réactions, ils présentent l'avantage de ne jamais avoir l'imprévisibilité d'une véritable bête.
Pour les tenants de cette thérapie, rencontrés en Suède et au Japon, ces outils sont capables de répondre à des stimuli oraux très utiles pour des malades atteints de démence sévère et, dans les cas plus légers les expérimentations conduites dans des maisons de retraite japonaises ont conduit, selon les chercheurs, à une amélioration sensible et durable de l’état psychologique des patients.
Ces robots sont également utilisés dans les thérapies comportementales mises en oeuvre pour aider les autistes, lesquels commencent à se diffuser avec beaucoup de retard dans notre pays.
Robot Paros
Les psychiatres, interrogés par votre Rapporteure, reconnaissent qu'ils n'ont pas toujours le réflexe de penser aux aides techniques. Dans le même temps ils soulignent le manque criant dans notre pays d'appartements thérapeutiques permettant à des schizophrènes ou à des déficients mentaux de retrouver une certaine autonomie. Or, ces structures ont du mal à se développer du fait d'une exigence considérable en main d'ouvre, car elles impliquent une surveillance permanente.
Le recours à des systèmes de surveillance peu onéreux, de type Webcam, rendrait possible, si le handicap le permet, la démultiplication des possibilités d'intervention du personnel soignant, qui pourrait garder un contact visuel avec le patient, sans être nécessairement physiquement présent. La même analyse vaut pour les familles.
Le téléphone est également un formidable outil d'autonomie qui nécessite peu de moyens : c’est le cas, par exemple, des téléphones bas de gamme qui comportent peu de touches et permettent d'alerter les proches.
Aussi, votre Rapporteure souhaite-t-elle qu'une réflexion soit engagée sur les possibilités de développement des aides techniques en matière de déficience mentale, afin que soit élaboré et diffusé très largement un guide recensant les possibilités offertes par la technique.
Les besoins d'aide dans ce domaine vont être de plus en plus considérables et il est indispensable de soulager les aidants, le personnel des institutions comme les familles. Des études récentes ont montré que la durée de vie du conjoint d'un malade atteint par la maladie d'Alzheimer était substantiellement abrégée par l'épuisement qu'impliquait cet accompagnement. Le recours à la technique ne règlera pas, bien entendu, tous les problèmes, mais la connaissance et la diffusion des possibilités offertes par la technologie sera d'un grand secours pour ceux qui se dévouent pour leurs proches. De plus, la machine présente l'intérêt d'un rapport objectivé et neutre que la personne handicapée peut apprécier.
L'APPORT FONDAMENTAL DES AIDES TECHNIQUES À L'INSERTION DES PERSONNES HANDICAPÉES
L'insertion des personnes handicapées dans la cité implique un recours accru aux aides techniques qui doivent, si nous ne voulons pas que leur coût soit prohibitif, être intégrées dès leur conception dans les politiques publiques.
Il faut combattre une vision selon laquelle les aménagements de la ville profiteraient aux seules personnes handicapées. Par exemple, les gestionnaires du réseau des transports en commun d'agglomérations ayant conduit une politique d'accessibilité globale (c'est-à-dire prenant en compte toutes les formes de handicap, moteur ou sensoriel), se sont aperçus que beaucoup d'usagers étaient satisfaits de cette politique. Ils ont également pu mesurer que la sonorisation des bus aide considérablement les touristes.
SECTION 1 – UNE IMPÉRIEUSE OBLIGATION : L'ACCESSIBILITÉ
Le développement des aides techniques passe par une politique extrêmement volontariste en matière d'accessibilité de l'espace public mais également privé. Cette politique a été engagée et est effectivement mise en oeuvre.
A.- Les obligations issues de la loi du 11 février 2005
La loi « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » du 11 février 2005 apporte des évolutions fondamentales pour répondre aux attentes des personnes handicapées.
Ce texte repose sur l'adoption de trois principes forts :
• L'accessibilité généralisée pour tous les domaines de la vie sociale (éducation, emploi, cadre bâti, transports...),
• Le droit à compensation des conséquences du handicap,
• La participation et la proximité, mis en oeuvre par la création des Maisons départementales des personnes handicapées.
La loi réaffirme que les locaux d'habitation, les établissements accueillant du public, les lieux de travail notamment, doivent être accessibles aux personnes handicapées ? Quels que soient les handicaps considérés (signalétiques sonores, visuelles).
L'un des objectifs de la loi est de permettre aux personnes handicapées de pouvoir disposer d'un logement adapté : pour cela il est nécessaire d'élargir le parc immobilier accessible.
Aussi, les bâtiments d'habitation collectifs neufs doivent-ils être accessibles, afin d’autoriser une adaptation ultérieure plus facile des logements. Des exigences proches s'imposent également aux maisons individuelles neuves destinées à la location. Les bâtiments d'habitation collectifs existants doivent être rendus accessibles en cas de réhabilitation importante.
Trois ans après l'adoption de la loi du 11 février 2005 qui a fixé le cadre général, tous les décrets ne sont pas encore parus. En 2007, les normes d'accessibilité dans les immeubles d'habitation et les maisons individuelles ont été renforcées : accès aux bâtiments, portes, circulation dans les parties communes et accès aux locaux collectifs (celliers, caves). Les changements concernent aussi l'aménagement intérieur des appartements. Au moins une chambre doit permettre la circulation d'un fauteuil roulant. Ces nouvelles normes s'imposent aussi aux travaux réalisés sur des bâtiments existants.
Une deuxième étape a été franchie le 1er janvier 2008. Dans les immeubles comme dans les maisons, les balcons ou terrasses doivent désormais être accessibles aux handicapés. Les ascenseurs doivent desservir tous les logements. En 2010, l'installation d'une douche adaptée sera obligatoire.
Ces normes ont contraint promoteurs et bailleurs à revoir la conception des logements et entraînent une augmentation de la surface moyenne des appartements de 3 m².
Elles sont sanctionnées juridiquement.
La loi prévoit que les établissements publics et privés recevant du public doivent être aménagés de manière à ce que toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées, dans les espaces ouverts au public.
L'accès et l'accueil doivent être possibles pour toutes les catégories de personnes handicapées, dans les établissements neufs recevant du public. La mise en accessibilité des établissements existants doit intervenir dans un délai de 10 ans. Les préfectures et universités doivent être accessibles dans un délai de 5 ans.
L'application de ces nouvelles normes, qu'il s'agisse de constructions neuves ou de réhabilitation, représente un chantier colossal évalué à 15 milliards d'euros d'ici à 2015.
La loi introduit, pour les transports, le principe de « chaîne de déplacement » (cadre bâti, voirie, espaces publics, système de transports).
Dans un délai de 10 ans, les transports collectifs devront être accessibles à tous. En cas d'impossibilité technique avérée de mise en accessibilité d'un système de transport, les transports collectifs auront 3 ans pour la mise à disposition de moyens de substitution accessibles au même tarif que les transports collectifs.
La totalité des programmes des chaînes audiovisuelles, dont l'audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % de l'audience totale des services de télévision, devra être sous-titrée dans un délai maximum de cinq ans. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et le Gouvernement consultent chaque année le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sur le contenu des obligations de sous-titrage et de recours à la langue des signes française.
B.- Un obstacle à l'application de la loi de 2005 : l'attitude des architectes des bâtiments de France (ABF)
Des problèmes demeurent, en particulier avec des Architectes des Bâtiments de France, s'agissant de l'accessibilité des monuments historiques. Par exemple, la place ducale de Charleville Mézières, qui est une des plus belles places royales de France a été rénovée il y a quelques années en intégrant les desideratas de l'Architecte des Bâtiments de France, le résultat est splendide mais le pavage imitant celui du XVIIème siècle rend cette place inhospitalière pour les handicapés aussi bien que pour les personnes âgées.
De nombreuses personnes se sont plaintes des difficultés qu'ils avaient à obtenir l'installation d'ascenseur dans des bâtiments historiques et il m'a été indiqué qu'il n'est pas possible actuellement d'aménager un accès pour les handicapés à l'église de la Madeleine à Paris, bien que les crédits soient disponibles, du fait des exigences de l'ABF.
Votre Rapporteure s'interroge aujourd'hui sur l'opportunité d'intégrer dans la loi, un dispositif obligeant les ABF à faire primer les obligations résultant de la loi du 11 février 2005 sur les considérations esthétiques.
Il est en tous cas indispensable qu'un effort de pédagogie soit conduit vis-à-vis de cette profession pour que la politique d'accessibilité des bâtiments ne soit pas entravée et, que ses membres ne développent pas des exigences dont le coût serait prohibitif.
C.- La réalisation des obligations législatives imposera un recours accru aux aides techniques
* La nécessité d'élaborer des concepts innovants.
Les obligations qui pèsent sur les réseaux de transports en commun sont lourdes et imposeront à terme le recours à des concepts innovants, en particulier en milieu rural.
L’usage d’un véhicule individuel adapté offre des possibilités nouvelles. J'ai été ainsi très intéressée par le projet que m'a présenté au Japon le Professeur Hironao Kawashima qui travaille à la mise au point de véhicules électriques, ne transportant qu'une personne, suffisamment étroits pour entrer dans un lieu public, par exemple un supermarché. Il s'agirait, en outre de véhicules intelligents et à commandes vocales. C’est un projet à dix ans, financé par l'Etat et cinq entreprises qui comportent également la mise au point de chariots entièrement automatisés pour apporter les repas à domicile.
Cette observation met l'accent sur une lacune de la politique du handicap : l'accessibilité aux transports publics ne peut exister que s'il existe des transports publics. Or, la France est le pays le plus vaste d'Europe occidentale et un grand nombre de personnes âgées ont du mal à se déplacer en milieu rural.
Cette question relève certes de la compétence des départements, mais il est du devoir de l'Etat d'engager des recherches. Les militaires ont aujourd'hui développé avec les drones une capacité de recherche sur la télécommande de véhicules à grande distance; ne pourrions-nous pas établir un programme public de recherche sur le thème de la mise au point de véhicules pouvant être conduits à distance ou programmés pour effectuer un parcours ?
Ce type de véhicules n'intéresserait pas seulement les personnes handicapées, mais également une large partie des automobilistes qui voient dans la voiture un objet utilitaire. Il pourrait, en outre, apporter une contribution décisive à la réduction du nombre d'accidents de la route.
De même, le marquage au sol, qui n'est pas assez répandu, aide les personnes atteintes d’un handicap visuel à se déplacer. Les marques sont actuellement passives. Mais des prototypes de fauteuils ou de déambulateurs « intelligents » pouvant réagir à des signaux intégrés dans la marquage16 ont été réalsés.
Cela peut être utile à l'extérieur mais, également à l'intérieur d'un bâtiment de type maison de retraite pour aider des personnes désorientées et leur permettre une autonomie plus grande.
Par ailleurs, en matière d'accès aux bâtiments publics, des solutions innovantes ont été mises au point. À la Mairie de Bordeaux, a été installé le procédé « Actitam » qui est un petit boîtier permettant de disposer, de façon discrète, des informations nécessaires au guidage et à l’accès à l'information. Il permet, en appuyant sur une touche, d'activer l'émission radio d'une borne (balise) et de diffuser sur son haut-parleur (ou son oreillette) un message transmis sous forme numérique, sans occasionner de gène pour l'entourage. Ce message provient d'une balise située dans un bâtiment. Il permet à une personne déficiente visuelle, de disposer d'informations de tout type (guidage, heures d'ouverture, évènementielle), d'identifier un bâtiment, d'en repérer l'entrée et de disposer des informations le concernant (services disponibles par exemple), ainsi que de se guider à l'intérieur de celui-ci. Il est également possible de diffuser des annonces habituellement présentées sous formes visuelles (promotions dans un magasin, offres exceptionnelles, menu d'un restaurant, etc.), d'apporter des informations plus personnalisées comme un changement de salle de cours pour un étudiant ou le trajet pour atteindre sa chambre d’hôtel, de repérer une station de tramway, un arrêt de bus ou un quai de gare et de disposer des horaires en fonction de la destination, de demander, dans les lieux ayant validé l'option, une assistance humaine par un simple appui sur une touche.
Il peut également être raccordé à un panneau d'affichage et transmettre les informations affichées automatiquement et en temps réel.
La politique conduite par la France depuis 2005 est confortée par le Livre Vert de la Commission européenne pour des transports urbains accessibles, qui souligne que l'accessibilité concerne en premier lieu les personnes à mobilité réduite et les personnes handicapées.
SECTION 2 – LES AIDES TECHNIQUES PERMETTANT L'ACCÈS À LA CULTURE
L'insertion dans la cité implique aujourd'hui l'accès à la culture. Si les problèmes d'accessibilité physique aux bâtiments relèvent de la problématique générale d'accès, il existe des spécificités fortes dans le domaine culturel.
La télévision n'est probablement pas une nouvelle technologie, mais elle permet de rompre l'isolement. Or, si la loi prévoit le sous-titrage, il n'est pas réalisé pour les débats en direct bien que la technologie existe et soit opérationnelle, par exemple en Grande-Bretagne. Il en est de même pour les DVD. Dans certains pays, le sous-titrage est systématiquement proposé, cela n'est pas le cas en France.
En ce qui concerne les non voyants la révolution informatique a bouleversé leurs possibilités de se cultiver mais encore faut-il disposer des outils adaptés17.
Les « livres électroniques » sont des plates-formes informatiques sur lesquelles il est possible de télécharger et de consulter des ouvrages numériques. Elles offrent toutes les garanties techniques permettant le respect des droits d'auteurs. L'existence d'un livre électronique accessible à des aveugles et des malvoyants, venant en complément des autres mesures proposées, permettrait l'accès un dispositif standard à l'ensemble des ressources numériques accessibles, de façon à répondre à la demande très diversifiée des jeunes handicapés visuels.
L'exemple de la bibliothèque numérique de la ville de Boulogne Billancourt me paraît très intéressant. Cette commune a développé une politique d'aide en créant une bibliothèque numérique pour le handicap.
Le Gouvernement , conscient de cet impératif, vient de lancer un plan pour aider les handicapés visuels, qui fait une large place aux aides techniques.
A.- Le plan handicap visuel 2008-2011 fait une large place à l’accès aux biens culturels
Aujourd'hui, 1,7 million de personnes sont déficientes visuelles, dont 207 000 personnes aveugles ou distinguant seulement les silhouettes. Les nouvelles technologies sont en train de révolutionner l'accès à la culture pour les déficients visuels et le Gouvernement essaye d'amplifier ce mouvement avec le plan handicap visuel 2008-2011, présenté le 2 juin dernier.
D'un coût global de 18 millions d'euros, il ambitionne d'améliorer la dignité, l'autonomie et l'intégration sociale des aveugles et malvoyants. En rendant plus accessibles les innovations technologiques.
Le plan est issu d'un rapport remis au Gouvernement en janvier 2008 par Gilbert Montagné. Il s'articulera autour de cinq mesures :
* Développer l'édition adaptée et, de manière particulièrement urgente ; proposer des manuels scolaires en braille dès la rentrée 2010,
* Améliorer l'accès à l'emploi avec l'adaptation des postes de travail et le suivi personnalisé de la personne handicapée visuelle,
* Permettre de vivre de façon totalement autonome en développant l'accessibilité des lieux publics et l'accompagnement,
* Développer la vocalisation des appareils de la vie courante (électroménager, ordinateurs, téléphones),
* Accroître l'offre d'audio description de programmes télévisuels et de films en salles.
Une « campagne nationale d'information sur le handicap visuel » sera lancée en 2009 et une nouvelle « norme européenne d'étiquetage » pour les produits de consommation courante (en braille ou gros caractères) sera proposée.
Sur les 18 millions d'euros consacrés à ce plan, 16 millions proviendront de ressources publiques et 2 millions du Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et du Fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
Il est bien sûr prématuré de porter un jugement sur l'efficacité de ces mesures mais l’annonce de ce plan prouve l’importance accordée par le Gouvernement à cette question et susceptible de mobiliser chercheurs et industriels.
B.- L'intégration scolaire des handicapés visuels
Le plan gouvernemental ne fait qu'acter la révolution technologique en cours, qui permettra de développer un potentiel considérable pour l'intégration scolaire des aveugles et des malvoyants.
À partir des travaux menés dans le cadre du projet BrailleNet18, il apparaît que des actions doivent être conduites dans plusieurs domaines:
1- Rendre les sites Web éducatifs accessibles à tous :
Un site Web doit respecter quelques règles de conception simples sur la base des recommandations aujourd'hui reconnues internationalement concernent l'accessibilité par différentes catégories de personnes handicapées,
Rendre les sites éducatifs, à commencer par les sites de l'Education Nationale, accessibles à tous permettrait de faire un pas significatif dans le sens de l'intégration en donnant accès à de nombreux supports d'enseignement.
2- Réalisation de livres électroniques :
En France, plusieurs projets peuvent concourir à la réalisation d'un cartable électronique pour des élèves ou étudiants handicapés visuels :
* projet RNRT-Web-Visi,
* matériels braille produits par plusieurs fabricants
* livre électronique Cybook,
* prototype de cartable électronique, en cours d'expérimentation,
Votre Rapporteure apporte son entier soutien aux recommandations élaborées dans le cadre du projet BrailleNet et souhaite que les pouvoirs publics les mettent en ouvre le plus rapidement, ce qui apparaît en bonne voie avec le plan gouvernemental qui vient d'être annoncé.
DEUXIÈME PARTIE
LE PROGRÈS TECHNIQUE POUR TOUS ?
Les aides techniques, loin de constituer des « gadgets », permettaient d’améliorer considérablement la situation des personnes en situation de handicap.
Or, la situation n’est pas satisfaisante en matière de diffusion du progrès technique et il nous faut essayer de comprendre pourquoi.
Les raisons en sont multiples et complexes.
Il ne faut pas sous-estimer les données culturelles, par exemple une image négative est associée en France au fauteuil roulant. Par ailleurs, quelques associations ont parfois une tendance identitaire excessive.
L'appropriation des aides techniques demande souvent un accompagnement qui est rarement pris en compte par les politiques sociales.
Beaucoup de produits récents ne sont pas intégrés dans la politique de remboursement. Par exemple, les aides à la communication se situent hors du champ de l'assurance maladie.
Les industriels ne déposent pas toujours des dossiers d’admission au remboursement devant la Haute autorité de santé publique pour éviter les contraintes liées au remboursement par l'assurance maladie, dont les décisions sont adossées à l'analyse du comité économique des produits de santé, et l'assurance-maladie a traditionnellement une politique rigoureuse sur les tarifs des prothèses.
La répartition des rôles entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et l'assurance-maladie n'est pas toujours claire. Les maisons du handicap en sont à leur première année de fonctionnement, aussi faut-il être prudent lorsque nous analysons leur rôle, en outre, nous ne disposons pas d’un système d'information homogène sur ces dernières.
Les études prospectives montrent qu'il faut raisonner par segments technologiques, en fonction de l'objectif recherché, et dans ce domaine l’appui à la recherche est insuffisant.
CHAPITRE I
DE LA RECHERCHE AU PATIENT
Nous retrouvons, dans le domaine de la compensation du handicap, les forces et les faiblesses traditionnelles de la recherche française, mais également des spécificités qui impliquent que, dans un secteur qui est d’abord fait de recherche appliquée, l’État joue un rôle d’impulsion mais également de direction.
SECTION 1 – DES FAIBLESSES STRUCTURELLES AU NIVEAU DE LA RECHERCHE ACADÉMIQUE
Depuis plus d’une vingtaine d’années, la structuration de la recherche dans le domaine du handicap est une question récurrente. De nombreux rapports ont été rédigés sur ce thème19, ils dénoncent essentiellement la faiblesse des moyens, l’absence d’organisation et la trop faible visibilité de ce secteur.
Les raisons de cette faiblesse sont plurielles trois paraissent essentielles ;
- La très faible place accordée aux problèmes du handicap dans l’enseignement en général, y compris dans les domaines de la santé et des sciences médicales.
- L’absence d’affichage du handicap comme priorité par les organismes de recherche, mais cette situation est en train d’évoluer dans un sens favorable.
- L’absence d’accord sur le périmètre des recherches en question, entre le secteur des sciences humaines et sociales, des sciences de l’éducation, de la recherche biomédicale, et des techniques de rééducation, de matériels automatisés ou de la robotique. Le découpage primaire qui prévaut dans les universités est probablement inadapté à la recherche sur le handicap qui est, dans une grande majorité des cas, une recherche transversale.
Les nombreux chercheurs que j’ai rencontrés dans le cadre de cette étude, insistent sur le caractère transversal des recherches sur le handicap et la nécessité de partir des besoins du patient. Souvent, ils vont jusqu’à préconiser une conception large, très extensive, intègrant la recherche en sociologie, en psychologie ou en épidémiologie.
A l’opposé, est parfois prônée une conception étroite, centrée sur l’appareillage et la mise au point d’aides techniques pour réduire les incapacités.
Il semble, selon le professeur Fardeau, qu’un consensus se soit opéré, ces dernières années, en faveur d’une conception opérationnelle qui inclut toutes les recherches centrées sur les fonctions de la personne handicapée, c’est-à-dire la réduction ou la compensation des incapacités et des limitations à la participation sociale de la personne handicapée. Dans cette perspective, cette recherche est d’abord une recherche appliquée devant s’appuyer sur la recherche fondamentale, mais ayant également un caractère pluridisciplinaire.
Il est en effet impossible d’écarter a priori tel ou tel secteur de la recherche de la conception d’un produit. L’acceptabilité sociale d’une prothèse est un élément extrêmement important à prendre en compte.
Ce caractère interdisciplinaire de la recherche cadre parfois mal avec les clivages académiques dans lesquels nous aimons raisonner.
Force est de reconnaître que le découpage en disciplines des universités médicales s’articule mal avec certaines recherches, par exemple celles sur les neuro-prothèses : il est regrettable qu’il n’existe pas, semble-t-il, d’école biomédicale dans les facultés de médecine et que l’ingeniering ne bénéficie d’aucune reconnaissance académique.
Il a été indiqué à votre Rapporteure que la survie des recherches dans le secteur des neuroprothèses avait été menacée en 1992. Il est intéressant de souligner que la France a pu garder une expertise dans ce domaine grâce à sa participation à des projets de recherche européen qui ont permis de maintenir les équipes.
Dans la tradition universitaire médicale française reste prégnante, l’idée que les axes de recherches les plus nobles sont la chirurgie et les recherches sur le médicament l’ingénieur est encore trop souvent perçu comme un acteur subordonné au médecin, très concrètement, cette perception se traduit par le fait, qu’il est impensable dans notre pays qu’un non-médecin puisse être chef d’un service à orientation très technologique.
La difficulté d’intégrer cet enseignement dans les facultés de médecine et la faiblesse des enseignements sur les outils de réparation du handicap est certainement un frein au développement de la recherche française dédiée au handicap.
Les rapports récents traitant du problème du handicap, ont généralement jugée cette recherche faible, dispersé et peu visible20, voire mal coordonnée. Si ce dernier reproche est probablement justifié, ceux qui précèdent doivent être relativisés.
Il n’existe pas d’inventaire exhaustif des équipes de recherches travaillant dans le domaine du handicap. L’évaluation de l’effort de recherche dans ce domaine est donc malaisée. Soit nous regardons les équipes de recherches entièrement dédiées au handicap et nous en trouvons fort peu, soit nous prenons en compte toutes les équipes dont une partie de l’activité concerne le handicap et le nombre devient considérable.
Pour ces raisons, il est très difficile d’apprécier le volume des crédits engagés dans ce domaine.
L’INSERM dispose d’un pôle de recherche multidisciplinaire dans le domaine du handicap, avec le réseau fédératif de recherche sur le handicap. Nous pouvons considérer qu’un quart des formations de l’INSERM sont concernées par une recherche sur le handicap, de près ou de loin. Mais, cette approche est trop large car elle intègre des personnes qui effectuent de la recherche fondamentale sur des maladies invalidantes ; nous sommes donc loin du secteur des aides techniques au handicap. L’INSERM considère que l’ensemble des moyens directs impliqués dans le secteur handicap représente, en 2003, 2,6 % du budget de l’organisme.
Cette difficulté d’identification se retrouve au CNRS qui, en réponse à la Cour des Comptes, a indiqué que « l’isolement des projets concernant très directement le handicap de leur contexte scientifique est artificiel »21
Le CNRS estime que son effort dans ce domaine représente environ 4 % de son budget, mais il retient également une définition extrêmement large.
Il n’existe aucune évaluation permettant de déterminer l’effort de recherche des universités.
Une conclusion s’impose toutefois : les budgets engagés dans le domaine considéré se révèlent modestes.
BILAN DES FINANCEMENTS PUBLICS -
RECHERCHES SUR LE HANDICAP (COUR DES COMPTES 2003)
(en milliers d'euros)
Année |
Montants | |
Ministère chargé de la recherche* Ministère chargé de la santé (PHRC) |
2001 2001 |
627 3 761 |
Inserm Estimation 1 (cadre Ministère) Estimation 2 (cadre Inserm) CNRS (Centre national de la recherche scientifique) INRP (Institut national de recherche pédagogique) |
2000 2000 2001 2001 |
3 845 18 270 97 625 92 |
Total estimation 1 Total estimation 2 |
105 950 |
Sources : Organismes de recherche et ministère chargé de la recherche * Seuls les financements directs sont pris en compte (soutien à la recherche hors salaires : actions incitatives ou fédératives, programmes, équipes universitaires). Dans le cas des organismes de recherche sont pris en compte les salaires et le soutien à la recherche.
Il est clair que la recherche sur le handicap n’était pas jusqu’en 2005 une priorité des pouvoirs publics et que cette situation s’est traduite dans le volume modeste des moyens dédiés à cette recherche.
L’effort de recherche ne se limite pas à quelques établissements de recherche ou aux structures universitaires, il faut intégrer également les hôpitaux, les établissements de recherche tels que l’INRIA, les industriels et les grandes associations, telles que l’Association française de lutte contre les myopathies (A.F.M.).
Pour tenter de structurer ces recherches, quelques réseaux se sont créés et ont reçu un support institutionnel.
Au niveau de l’INSERM, s’est créé un Institut fédératif de recherche sur le handicap en 1995.
Le Réseau Fédératif de Recherche sur le Handicap est l'un des Instituts Fédératifs de Recherche thématique en Sciences de la vie du Programme national IFR qui associe, sous la direction des Ministères de la Recherche et de la Santé, les établissements de recherche et les universités. Le RFRH est une fédération de 24 équipes de recherche implantées dans 8 Régions différentes. L'Institut Garches est l'un de ces partenaires et l'Hôpital Raymond Poincaré un des pôles d'activité du Réseau…
L'IFR.25 - RFRH est structuré en trois axes de recherche et de développement :
- Un axe " Recherches en Santé publique et Sciences Humaines et Sociales " qui associe des équipes travaillant sur la thématique générale du handicap, dans des disciplines ressortant principalement des sciences humaines, telles, l'épidémiologie, la démographie, la psychologie, la sociologie et l'économie de la santé.
- Un axe " Recherche clinique et Sciences de la Réadaptation qui soutient des recherches visant à développer une analyse multifactorielle, physiologique, métrologique et écologique, des déficiences et incapacités, et à harmoniser les méthodes et techniques de rééducation et réadaptation.
- Un axe " Recherches Technologiques et Systèmes de compensation " dont l'activité de recherche est centrée sur l'appareillage et les aides techniques, en particulier robotiques et informatiques, ainsi que sur l'étude des systèmes d'interface homme-machine et l'évaluation des matériels et systèmes de compensation. L' Institut Garches, qui développe des supports et des services d'assistance technique au profit des personnes handicapées, est situé sur ce troisième axe de recherche du RFRH. Cet axe bénéficie d'allocations d'aide aux études destinées à de jeunes chercheurs sur des projets de recherche cliniques concernant les patients de l'hôpital Raymond Poincaré. Il offre également une plate-forme d'expression par le moyen des " Entretiens de Garches " au milieu de la recherche sur le handicap.
(source Fondation Garches)
Le Réseau fédératif de recherche sur le handicap reflète et tente de pallier la complexité de la structure de la recherche en France apparaît lorsque nous regardons. Ses unités constituantes sont implantées dans huit régions, relèvent de 3 EPST, de 16 universités, du CNAM, de l’Institut de Garches….
Le dispositif français de recherche sur le handicap apparaît ainsi complexe et non ordonné, bien qu’une petite structure y soit expressément dédiée : le Centre technique national d’études et de recherches sur le handicap et les inadaptations (CTNERHI).
Cette structure, créée en 1975 sous forme associative, constitue un dispositif original conçu par les pouvoirs publics pour « éclairer le ministre des affaires sociales, notamment sur les besoins des enfants et adultes handicapés ou inadaptés, les méthodes de prévention et d'observation en matière de handicap ou d'inadaptation, l'efficacité des politiques publiques ». A cet effet, le Centre « entreprend ou suscite, soit à la demande du ministre, soit à la demande de personnes publiques ou privées, soit à sa propre initiative, toutes les enquêtes ou travaux nécessaires ».
Le Centre rassemble, diffuse et tient à jour une documentation française et étrangère concernant les études et les diverses politiques en direction des personnes handicapées.
Malgré l’existence de cette structure ancienne, le 17 avril 2007 a été crée un Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap.
Dans son intervention M. Phillippe Bas, alors Secrétaire d’État aux personnes handicapées, formulait plusieurs observations.
« Notre pays souffre aujourd’hui d’un déficit d’information sur toutes les questions touchant au handicap.
« Nous avons ainsi fourni un effort important dans le domaine de l’autisme et des troubles envahissants du développement. J’ai installé …le Comité de réflexion et de propositions sur l’autisme et les troubles envahissants du développement. Il contribuera, dans ce domaine où beaucoup reste à découvrir, à améliorer notre connaissance de ce handicap.
« La Direction de la recherche, des études et des statistiques permet bien sûr de recenser des informations utiles, d’établir des diagnostics circonstanciés sur différents domaines. Mais il faut aller plus loin.
« Les données sur la recherche, les innovations, quelles qu’elles soient, thérapeutiques, techniques, psycho-motrices, les aides animalières, toutes les initiatives des associations qui mériteraient d’être connues et étendues pour que tous puissent y avoir accès : ce sont autant d’informations essentielles qu’il nous faut mieux centraliser, faire partager et utiliser. Trop souvent, en effet, telle ou telle association mène des projets prometteurs dont beaucoup pourraient bénéficier. Trop souvent, c’est la méconnaissance qui les laisse dans l’ombre ».
Pour répondre au manque d’informations sur les aides techniques au handicap, l’État a préféré créer une nouvelle structure, plutôt que réorganiser le dispositif existant.
Il convient également d’indiquer que le Ministère de la Défense dispose de sa propre structure de recherche sur les aides techniques, le Centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH), dont votre Rapporteure a auditionné le responsable. Cet organisme joue un rôle extrêmement important dans les recherches sur les prothèses et les fauteuils roulants.
Rattaché au Ministère de la Défense pour des raisons historiques, il devrait logiquement être mis à la disposition du Ministère de la santé. Toutefois, ce service fonctionne correctement, et une réorganisation administrative ne semble donc pas s’imposer, car elle risquerait d’être contreproductive.
En conclusion, le constat est contrasté :
• Les moyens consacrés à la recherche sur les aides techniques au handicap sont limités, mais il existe une prise de conscience indéniable de l’importance de ces questions, grâce au rôle « d’aiguillon » du délégué interministériel aux handicapés et à l’action de la CNSA, et les projets ne manquent pas.
• La complexité des organigrammes et la dispersion de la recherche publique est indéniable, mais ce secteur devrait profiter des efforts de restructuration de la recherche engagés par le Gouvernement.
• L’Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap et les travaux de la CNSA sont en train d’améliorer grandement la visibilité de la recherche et favoriseront, à terme, la mise en œuvre des synergies qui font actuellement défaut.
MISSIONS DE L’OBSERVATOIRE NATIONAL SUR LA FORMATION,
LA RECHERCHE ET L’INNOVATION SUR LE HANDICAP.
(Extrait du discours de M Philippe Bas, Secrétaire d’État aux personnes handicapées, lors de l’installation de l’observatoire, le 17 avril 2007)
• Tout d’abord, le groupe sur la recherche et l’innovation.
Vous aurez pour mission d’apprécier la prise en compte du handicap dans les différents programmes de recherche ; de promouvoir la recherche sur le handicap et de recenser tous les programmes qui existent déjà dans ce domaine. En tenant compte des résultats que vous aurez obtenus, vous pourrez émettre des propositions afin de répondre aux besoins exprimés par les acteurs professionnels et sociaux.
• Le deuxième groupe se penchera sur la prévention.
C’est essentiel. Car nous le savons, bien des déficiences visuelles ou auditives, par exemple, peuvent être limitées ou évitées quand le handicap est détecté plus tôt chez le jeune enfant, et compensé plus tôt.
• Le troisième groupe sera en charge de la formation.
Il devra recenser et analyser les formations déjà existantes dans le champ du handicap, qui permettent aux professionnels d’acquérir des compétences. Bien sûr, il étudiera également les autres formations qui contiennent des modules de sensibilisation au handicap. Il devra ainsi proposer des pistes d’actions concrètes pour sensibiliser davantage à la question du handicap.
SECTION 2 – DES EFFORTS RÉELS POUR REMÉDIER À CETTE SITUATION
Après avoir mis en avant les contours variés de la notion de handicap, la Cour des Comptes22 a pointé du doigt l’absence du handicap dans les priorités de la recherche. Elle a souligné que dans différents pays étrangers, les États-Unis par exemple, les « disability studies » (études sur les incapacités) sont constituées en champ de recherche autonome. Force est de constater que ce n’est pas le cas en France, où les recherches sur le handicap sont disséminées entre de multiples disciplines.
A.- LA SITUATION DANS LES AUTRES PAYS DÉVELOPPÉS
Au Royaume-Uni et en Scandinavie, plusieurs grandes universités affichent le thème du handicap comme symbole de leur excellence.
En Suède, l’Institut suédois du handicap a été mis en place dès 1968 ; il dispose d’un budget annuel de 10 millions de dollars et d’une équipe de 90 personnes.
Cet institut qu’a visité votre Rapporteure exerce une mission importante de prospective et d’orientation de la recherche mais il n’effectue pas de recherche fondamentale. Il constitue probablement un échelon d’orientation qui manque à la recherche française.
Pour promouvoir une recherche de niveau international, l’Allemagne a mis en place en 1996, au niveau fédéral, un système national en coopération avec les différents régimes de retraite qui a permis le développement de huit réseaux régionaux de compétences couvrant tout le territoire. Ces données sont destinées à établir une coopération étroite entre les centres de réhabilitation et les universités. Leurs compétences s’étendent à toutes les conséquences médicales, psychologiques, occupationnelles et sociales des maladies chroniques, qu’elles soient motrices, viscérales, sensorielles ou psychiques.
Ces quelques exemples illustrent l’intérêt et l’importance de ce champ de recherche dans les pays européens comparables aux nôtres.
B.- QUELLE STRUCTURE POUR DYNAMISER LA RECHERCHE ?
Il est nécessaire de faire émerger en France un champ de recherche dédiée au problème du handicap, comme cela a été fait dans les pays scandinaves, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. La constitution de réseaux et d’un observatoire du handicap constitue une première réponse qui doit être considérablement amplifiée.
L’Agence Nationale de la Recherche a lancé un appel d’offres sur des technologies relatives au handicap ; il s’agit d’un premier pas, qu’il nous faut souligner, en direction d’un effort d’une ampleur significative.
Le rapport Fardeau propose de créer un institut dédié à ce domaine de recherche. L’Institut serait conçu comme une tête de réseaux sur le modèle des instituts sans murs mis en place par l’INSERM et qui aurait la capacité d’instruire les dossiers de candidature aux projets de recherche européen. En effet, faute de personnels disponibles pour instruire les dossiers de candidature aux projets européens, la recherche française ne retire pas tout ce qu’elle pourrait des efforts de l’Union européenne.
La relation entre la CNSA et les chercheurs doit être probablement aménagée ; peut-être faudrait-il que la Caisse nationale se dote d’un institut de recherche orienté vers la recherche appliquée et l’industrialisation des produits car il est du devoir et de l’intérêt de la CNSA de peser sur le prix des produits mis en vente et les marges excessives de certains industriels et distributeurs.
Il est probablement nécessaire de repenser la formation des différents acteurs dans le champ du handicap, en particulier des médecins, qui au cours de leurs études ne consacrent sans doute pas assez de temps à l’apprentissage des outils permettant de limiter l’ampleur du handicap.
Le cloisonnement entre nos centres de recherche et nos facultés demeure très important et il est sans doute plus facile à des établissements publics de recherche où il n’existe pas de sections disciplinaires, comme l’INRIA de pratiquer la pluridisciplinarité, qui est particulièrement adaptée à ces recherches.
SECTION 3.– LE HANDICAP, REFLET FIDÈLE DES FORCES ET DES FAIBLESSES DE LA RECHERCHE FRANÇAISE
Dans la recherche sur le handicap, il existe une dimension philanthropique non négligeable dont il convient de se féliciter. Elle témoigne d’un état d’esprit qui fait honneur au service public. Mais il convient de déplorer que trop souvent le résultat de recherches fondamentales françaises soit développé par des entreprises étrangères.
A.- La déconnection entre recherche fondamentale et recherche appliquée
La recherche appliquée, qui est la base de la recherche dans le domaine du handicap, est traditionnellement moins « noble » que la recherche fondamentale. Le fait qu’il n’existe pas au sein du Conseil National des Universités (CNU) de section consacrée aux biotechnologies est symptomatique de cet état d’esprit, propre à la France, qui constitue une faiblesse identifiée de longue date ; l’état de la recherche sur le handicap ne constitue que l’illustration de cette situation.
Elle est aggravée par le fait que, dans un assez grand nombre de domaines, les compétences nécessaires à la mise au point des aides techniques ne se trouvent pas au sein du milieu médical, par exemple pour les recherches sur les interactions multimodales.
L’avenir repose sur des structures mixtes rassemblant chercheurs et industriels. La politique des pôles de compétitivité dont plusieurs traitent de thématiques liées au handicap constitue sans doute une approche prometteuse, même s’il est trop tôt pour en tirer un bilan.
Des obstacles pourraient également être levés par l’État, tels que l’impossibilité pour un établissement public de recherche d’exploiter un brevet détenu par un autre établissement public de recherche. L’Etat devrait sur ce point établir des règles afin que les chercheurs de ces établissements puissent utiliser l’ensemble des brevets disponibles. Peut-être faudrait-il confier à l’Agence nationale de la recherche cette fonction de mutualisation des brevets.
B.- Des liens trop distendus avec l’industrie
S’il existe d’excellents prototypes dans les laboratoires, ils ne trouvent pas d’industriels français capables de les commercialiser. Les exemples de produits conçus par nos chercheurs et commercialisés par des entreprises étrangères sont légions, bras articulé Magnus, implants cochléaires, etc.
Cette situation s’explique d’abord parce que le secteur du handicap est lourd et complexe et que le tissu industriel français n’est pas très riche, dans ce domaine.
Ce marché est constitué de niches adaptées à de grosses PME ayant une capacité de recherche. Or, les difficultés structurelles de l’industrie française s’expliquent, lorsque nous faisons une comparaison avec l’Allemagne, par un nombre insuffisant de sociétés de cette taille.
D’où, une difficulté importante pour nos chercheurs qui ne disposent pas de relais industriels.
D’autre part, le mécanisme d’aide aux entreprises est performant pour la recherche mais pas pour les débuts de la commercialisation d’un produit. Or le lancement d’un nouveau produit ne génère des revenus qu’au terme de sa commercialisation.
Beaucoup de recherches sont réalisées mais peu d’innovations sont commercialisées. Les entreprises privées sont peu nombreuses et considèrent souvent le marché comme trop petit pour leur permettre un amortissement rapide des sommes à investir.
L’initiative privée est défaillante, malgré un apport important de financements publics ; l’élaboration d’une politique industrielle reposant sur l’État est donc une nécessité.
CHAPITRE II
LE FONCTIONNEMENT INSATISFAISANT DU MARCHÉ
Lors de l’audition publique que j’ai organisée le 19 juin dernier, j’ai été frappée par la demande d’information des patients et les difficultés d’orientation vers l’aide adaptée. Le parcours d’une patiente ayant eu des problèmes d’audition réglés grâce à la pose d’implants cochléaires est symptomatique de cette situation.
Difficultés d’information, mais également prix élevés liés à une situation oligopolistique : tous les ingrédients sont réunis pour que le mauvais fonctionnement du marché entrave l’accès aux aides techniques.
SECTION 1 – DES MÉCANISMES RÉGULATEURS CONTRADICTOIRES
Le marché des aides techniques au handicap représente 19 milliards d’euros, soit 12% de la consommation des biens médicaux, et plus de 60 000 produits différents.
Il pose de vrais problèmes : il existe très peu de constructeurs en France et l'étroitesse du marché interdit la mise en oeuvre d'une réelle concurrence. De ce fait, les prix sont très élevés, ce qui pèse sur le niveau réel du remboursement.
Le marché est large (dispositifs médicaux, véhicules, logement, aides pédagogiques, etc.) mais difficile à cerner.
A.- Un constat : des prix dont nous ne comprenons pas toujours le mode de fixation
Dans plusieurs secteurs importants d’aide technique au handicap les marges bénéficiaires constatées sont équivalentes au domaine du luxe. Dès lors qu’une partie du financement de ces produits repose sur la solidarité nationale ? Il est évident que cette situation pose problème.
Selon l’étude INEUM23, les marges des fabricants et des distributeurs de prothèses auditives sont très importantes :
39% du prix public pour les fabricants et monteurs, 61% pour les distributeurs et centrales d’achat. Une enseigne très connue revend les produits avec un coefficient de 1 à 4 par rapport au prix d’achat. »
Le tableau qui suit, établi par l’association française des myopathies à partir de ses observations, est à la fois édifiant et scandaleux. Il illustre les dysfonctionnements caricaturaux du marché qui n’en est pas un.
• Le prix de Jaws version standard aux USA chez le fabriquant : 895 $ soit environ 600 €
• Le prix de Jaws en France version standard : 1500 €
• Une plage braille : PAC Mate 40 Portable Braille Display : 3200 $ soit environ 2050 € chez le fabriquant au USA.
• Une plage braille : PAC Mate 40 Portable Braille Display en france chez ceciaa : 8990 €.
• Télé-agrandisseur Topaz 17" chez le fabriquant aux USA : 2095 $ soit 1400 €
• Télé-agrandisseur Topaz 17" chez Ceciaa en france : 3350 €
• produit de poursuite oculaire ERICA aux USA chez le fabricant = 7900$ soit 5530 €
• produit de poursuite oculaire ERICA en France = 12 500 €
• Fauteuil roulant électrique Invacare Storm aux USA (site du fabricant) = 6600 $ soit 4710 €
• Fauteuil roulant électrique Invacare Storm en France (site du fabriacnt) = 10 080 €
Source AFM audition publique OPECST du 19 juin 2008
Cette situation s’explique d’abord par une structure de fonctionnement extrêmement complexe, avec une partie du marché pris en charge par la collectivité, une autre dont les dépenses sont à la charge du consommateur.
Les aides techniques peuvent être des dispositifs médicaux couvrant des produits inscrits dans la L.P.P. (par exemple, un fauteuil roulant, une prothèse auditive), mais aussi des produits non éligibles au remboursement par l’assurance maladie (plage braille, barre de sûreté).
Les produits remboursés par l’assurance maladie ne représentent qu’une faible partie du total, 3, 097 milliards d’euros sur 19.
LA DÉPENSE DE L’ASSURANCE MALADIE ( LPP) EN 2006,
PAR GRANDE CLASSE TECHNICO-THÉRAPEUTIQUE
|
Montant remboursé |
Pourcentage |
APPAREIL LOCOMOTEUR |
624,6 |
20,2% |
VOIES DIGESTIVES ET METABOLISME |
531,6 |
17,2% |
RESPIRATOIRE |
439,0 |
14,2% |
MAINTIEN A DOMICILE (lits, matelas, perfusions) |
339,3 |
11,0% |
DERMATOLOGIE |
282,9 |
9,1% |
CARDIOLOGIE ET VASCULAIRE |
223,9 |
7,2% |
GENITO-URINAIRES |
205,5 |
6,6% |
ORGANES DES SENS ET SPHERE ORL |
201,9 |
6,5% |
AIDES A LA VIE ET FAUTEUILS ROULANTS |
177,4 |
5,7% |
ABDOMEN |
43,3 |
1,4% |
PROTHESES NON ORTHOPEDIQUES A VISEE ESTHETIQUE |
13,6 |
0,4% |
DIVERS |
8,0 |
0,3% |
NEUROLOGIE |
6,8 |
0,2% |
TOTAL |
3 097,7 |
100% |
Source CNAMTS Données Régime général hors SLM
B.- Une trop grande complexité de la prise en charge sociale
La procédure de prise en charge est la suivante : « certains produits ou prestations dits "aides techniques" nécessaires aux personnes handicapées sont pris en charge par les organismes de sécurité sociale, pour certains d'entre eux, un prix de vente (PLV) au public a été fixé, égal au tarif de remboursement, afin d'éviter au patient un reste à charge. Toutefois, l'inscription de nouveaux dispositifs sur la liste des produits et prestations (LPP) dépend des fabricants desdits produits à qui il revient de solliciter ou non l'inscription de leur produit sur cette liste et en en faisant la demande auprès de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de la ministre de la santé. Le dossier de demande d'inscription sur la LPP est examiné par la commission d'évaluation des produits et prestations (CEPP) qui rend un avis médico-technique au vu duquel, si le service rendu (SA) a été reconnu par elle "suffisant", ce dossier est ensuite soumis au Comité économique des produits de santé (CEPS) pour tarification. De plus, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 a créé la "prestation de compensation du handicap" (PCH) pouvant être utilisée pour l'acquisition d'aides techniques, qu'elles soient inscrites ou non sur la LPP remboursable prévue à l’article L 165 du code de la sécurité sociale pour les patients éligibles à cette prestation. »24
La question du remboursement des produits est centrale pour les industriels. Or, le remboursement est très inégalement réparti. Certaines aides sont correctement prises en charge par l’assurance maladie, par exemple les fauteuils roulants manuels, d’autre ne sont pas du tout remboursées (aides à la lecture via un ordinateur) ou de manière insignifiante par rapport à la dépense (prothèses auditives).
À ce remboursement, en général partiel par l’assurance maladie, s’ajoute une première articulation complexe : la prestation de compensation du handicap qui vient en complément de l’assurance maladie quand il s’agit d’une aide technique remboursable par l’assurance maladie, ou couvre complètement une aide technique non remboursée.
Autre niveau de complexité,25 la prestation de compensation du handicap a ses propres limites, car elle intervient elle-même à l’intérieur de tarifs fixés.
Du coup, il y a des aides techniques que la PCH ne pourra pas couvrir intégralement.
Troisième niveau d’emboîtement possible : il existe au sein de chaque MDPH un fonds de compensation. Il fonctionne avec une logique très liée à la tradition de l’aide sociale, au vu du reste à charge de la personne, il peut venir en complément de la PCH.
Par exemple, pour un fauteuil roulant très coûteux : il est possible de se retourner vers le fonds de compensation pour améliorer la prise en charge de la compensation de la personne.
Dernier niveau de complexité souligné par tous les intervenants : nous « jonglons » entre la compensation individuelle du handicap et l'accessibilité. Or une même technique peut relever des deux. Un enfant qui va a l’école a besoin de certaines aides techniques pour pouvoir suivre les cours, un travailleur peut avoir besoin d’aides techniques pour son travail, mais on peut retrouver la même aide technique pour permettre cette accessibilité à l’école ou au travail et pour la compensation individuelle de la personne. Il faut donc répartir les aides entre ce qui sera pris en charge au titre de l'accessibilité et au titre de la compensation individuelle de la personne.
La définition même des aides techniques pose problème. Les nouvelles technologies peuvent dans certaines conditions être remboursées, mais de nouvelles technologies communes, par exemple le MP3 ou le DVD, sont des outils d'insertion qui ne sont ni remboursés ni remboursables. Or, l'exclusion des moyens de communication modernes du champ du remboursement est un obstacle à l’insertion des handicapés.
Enfin, la loi de 2005, concerne exclusivement les personnes handicapées et non les personnes âgées qui deviennent dépendantes. Ces dernières relèvent d’autres dispositifs : la personne âgée sera beaucoup moins couverte qu’une personne handicapée dont le handicap est reconnu avant 60 ans et qui pourra bénéficier de la PCH, mais elle bénéficiera en général d’une meilleure couverture par les organismes complémentaires.
Le choix des aides techniques est très lié à l’origine du handicap (accident, maladies).
Si le handicap provient d’un accident causé par un tiers, les assurances prennent toutes les dépenses en charge ; le choix des matériels de compensation devient beaucoup plus large.
Si l’origine est une maladie, le patient devra assurer, le plus souvent, la prise en charge financière des matériels et l’adaptation du logement nécessaire. La préconisation des techniques sera alors limitée au minimum nécessaire. Il existe de ce fait une grande inégalité de traitement d’une personne à l’autre.
Les personnes qui ont des ressources propres n’obtiennent pas ou plus difficilement des financements extralégaux, ce qui remet en cause le principe même du droit à compensation.
L’hétérogénéité du financement des aides techniques rend très complexe la création d’un marché et elle peut être source de dysfonctionnements lorsque les industriels déterminent leurs prix à partir du niveau de remboursement, et non de leurs prix de revient. Le prix de vente est alors celui du remboursement, mais le produit sera fabriqué dans un pays à bas coûts salariaux pour maximiser les profits…
La lettre de la mère de la petite Ambre, 8 ans, venue témoigner de l’apport des implants cochléaires lors de l’audition du 19 juin illustre parfaitement les dysfonctionnements auxquels peut conduire la complexité de la prise en charge des aides techniques.
Madame la Députée,
L’intervention de ma fille Ambre à l’audition sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap m’a tellement émue que je n’ai pas été en mesure de présenter clairement notre situation.
Il y a presque sept ans, à la découverte de la surdité profonde bilatérale d’Ambre, j’étais bien loin de m’imaginer qu’elle puisse un jour intervenir avec tant d’aisance à une audition de l’Assemblée Nationale. Cette matinée a marqué pour nous une belle récompense à tous ces moments de doutes et de sacrifices que nous avons vécus.
En septembre 2002, l’annonce de la surdité d’Ambre fut brutale et douloureuse : un premier médecin ORL décréta qu’Ambre entendait fort bien, que c’était moi qui devait me faire soigner et que de toute façon rien ne pouvait être fait pour les enfants sourds avant qu’ils aient trois ans. Le doute persistant, je suis allée consulter un autre ORL qui lui a fait passer le test permettant de prouver la surdité d’Ambre. Ayant deux garçons parfaitement entendant et aucun sourd dans nos familles, mon mari et moi étions peu préparés à ce diagnostique. A aucun moment après le dépistage, nous avons été pris en charge par une structure afin de nous aider psychologiquement ainsi que pour les démarches administratives.
Ambre a été appareillée à dix mois avec des prothèses classiques et commencé l’orthophonie à raison de trois séances par semaine. Les prothèses ne lui apportant rien, nous avons été mis en contact avec le Professeur Bébéar. Dès le premier rendez-vous, nous avons trouvé le soutien, l’aide que nous cherchions et commencé le protocole afin de faire implanter Ambre.
J’ai cessé de travailler jusqu’à ses quatre ans afin de pouvoir m’impliquer activement dans sa rééducation et être le plus disponible pour elle, j’ai repris depuis mon poste de professeur des écoles à mi-temps depuis 2004. Pendant ces années, j’ai dépensé beaucoup de temps à faire diverses démarches, recherches et courriers afin d’obtenir les aides auxquelles nous avions droit et dû faire appel fréquemment, les frais liés au handicap d’Ambre (perte de salaire, entretien de ses appareils…) n’étant pas toujours pris en compte.
Je ne regrette aucun des sacrifices faits pour aider Ambre, je déplore juste l’absence de soutien lié à l’éducation d’un enfant handicapé et les lourdeurs administratives. Le temps passé à la rééducation de son enfant est très précieux et est souvent pollué par la nécessité d’effectuer des démarches très coûteuses en temps.
En février 2007, l’équipe du Professeur Bébéar nous a présenté le « dernier-né » des processeurs vocaux pour implant cochléaire et a jugé utile qu’Ambre en soit dotée, afin de changer le processeur qu’elle avait depuis cinq ans qui n’était plus adapté pour elle : le processeur était sous forme d’un boitier qui se portait avec un harnais dans le dos. Ambre en était très complexée et le nouveau processeur assurait une meilleure restitution du son en plus d’être miniaturisée. Nous avons rapidement commencé les démarches administratives (dossier MDPH, mutuelles….) afin d’obtenir le financement, le devis étant de près de 10 000€. Les implants cochléaires n’étant pas pris en charge par la Sécurité Sociale, les démarches ont été très laborieuses. Monsieur Bébéar est intervenu personnellement auprès du constructeur afin de faire baisser le prix du processeur et nous avons dû menacer la MDPH de prendre un avocat et confier cette affaire au tribunal administratif afin de faire avancer la procédure.
Le 14 février 2008, soit un an après le début des démarches, Ambre a finalement eu son nouveau processeur qu’elle est maintenant très fière de montrer. Ma petite fille a été émerveillée par sa matinée à l’Assemblée Nationale, même si elle n’a pas compris tous les enjeux, cela représente une formidable récompense à sa volonté et sa réussite face au handicap et je vous en remercie vivement.
Veuillez agréer, Madame la Députée, l'expression de mes sentiments distingués.
Marie-Gaëlle Rambault
C.- Cette complexité entraîne des difficultés indéniables pour les industriels
C’est un secteur dans lequel l’entrepreneur n’est pas aussi présent qu’il devrait l’être, mais à la décharge des industriels, il faut reconnaître que ce marché n’est pas facile et que l’État a une part importante de responsabilités.
Les critiques des industriels formulées lors de l’audition publique du 19 juin 2008 découlent très largement du constat dressé au paragraphe précédent.
« On observe que trop de patients sont exclus des thérapies nouvelles auxquelles ils pourraient avoir accès ? car notre système de santé est orienté vers les produits et non pas les thérapies, or une aide technique nécessaire à une personne handicapée n’est pas obligatoirement un produit de santé. »
« Même si un produit est tarifé par les instances réglementaires. il n’existe pas nécessairement l’organisation des soins qui permette de l’utiliser, par exemple la stimulation électrique profonde pour les victimes de la maladie de Parkinson. »
Il existe une trop grande méconnaissance des spécificités du domaine des aides techniques :
• Le dispositif médical est un monde très différent : secteur d’activité jeune, très varié. Le cycle de vie des produits est très court, environ 18 mois.
• Chaque retard à la diffusion des technologies est une perte de chance pour les patients. Or, à la différence du médicament, le risque d’effets secondaires est très faible et il suffit d’abandonner l’aide pour que ces effets disparaissent (sous réserve qu’une intervention chirurgicale lourde ne soit pas nécessaire). Les excès du principe de précaution peuvent conduire à une perte de chance pour les patients ou à un allongement de la durée de leurs souffrances.
Aussi, les industriels formulent-ils deux demandes qui me paraissent raisonnables :
Modifier la méthode d’évaluation des produits de santé, qui est trop inspirée du médicament, pour favoriser une mise sur le marché rapide. Les industriels proposent de concevoir une étape intermédiaire entre mise sur le marché et prise en charge élargie qui permettrait de valider définitivement les résultats des études cliniques.
Mettre en place un guichet unique, pouvant rassembler les intervenants. « En effet, les délais s’accumulent du fait de la complexité du système. Mais l’innovation technologique est souvent indissociable d’un acte médico-chirurgical. Plusieurs innovations majeures se retrouvent bloquées faute d’évaluation rapide. Ces délais sont incompatibles avec la notion d’innovation. L’insuffisance de coordination entre les différentes instances augmente ces délais. Ce guichet unique jouera le rôle d’arbitre pour la coordination des acteurs.
Ce guichet ne se contenterait pas de valider mais accompagnerait des innovations, en mettant en place un financement attractif pour les acteurs. Il garantirait la logique de la notion de service public en observant un bénéfice et en s’assurant que l’information soit donnée. »
En outre, les industriels souhaitent le respect des délais réglementaires (18 mois), et nous ne pouvons qu’approuver cette demande.
Par contre, si le marché est en permanence bousculé par des évolutions technologiques, soutenues par l’idée que l’amélioration technologique crée une aspiration à aller toujours plus loin dans le mieux être, il existe souvent une fascination pour la haute technologie alors que des procédés relativement simples permettent d’arriver aux mêmes résultats.
« Notre frustration aujourd’hui, c’est que nous sommes dans des domaines qui peuvent aller très vite, qui peuvent apporter énormément au domaine du handicap, il y a énormément d’idées. La frustration, c’est que le système ne suit pas. Celui qui en pâtit le plus, ce n’est pas tant la société, ce sont les patients qui ont besoin de ces technologies. Et notre système ne suit pas la rapidité de l’évolution technologique.
« C’est très frustrant, d’autant plus que nous voyons ce qui se passe autour de nous, et certains pays ont compris l’importance de donner un accès plus rapide aux nouvelles technologies.
« J’ai la chance d’être dans une société multinationale, donc ce qu’on ne fait pas en France, on le fait autre part, mais c’est très dommage. »
Je partage cette frustration, mais nous ne devons pas pour autant penser que la technologie peut tout régler ni nous dispenser d’un bilan coûts avantages pour identifier le meilleur rapport qualité prix.
SECTION 2 – LES VOIES POUR REMÉDIER AUX DÉFICIENCES DU MARCHÉ
A.- L’amélioration de l’information
Les patients devenant, en quelque sorte, des consommateurs, nous constatons que de nouvelles exigences naissent, telles que le développement du maintien dans le réseau familial et social, l’accompagnement à domicile avec une meilleure articulation entre les soins hospitaliers et les soins de ville, une augmentation des structures de soins de proximité, des réponses plus rapides et des aides financières en matière d’aides techniques, l’aménagement du domicile et le bénéfice d’aides humaines, l’accessibilité accrue des lieux publics.
L’évolution de l’offre de soin qui doit permettre au système de santé de prendre en charge de façon adaptée la grande diversité des usagers et de leurs besoins doit conduire à développer des dispositifs spécifiques d’accompagnement de certaines populations parmi les plus fragiles, avec des problématiques de santé complexes : il s’agit notamment de solidifier le lien entre le médical et le social au niveau des prises en charge.
Au cours de mes investigations, j’ai pu constater que la difficulté d’accès à l’information constituait une plainte récurrente de tous les intervenants. Deux regrets ont été principalement formulés un rôle insuffisant des CICAT et une méconnaissance de l’apport des ergothérapeutes.
Les centres d’information et de conseils sur les aides techniques (CICAT) sont des associations loi 1901 sans but lucratif dont la vocation est d’offrir toutes informations et conseils sur les moyens techniques de prévention et de compensation des situations de handicap.
Il peut s’agir des aides techniques à la vie quotidienne (matériel d’aide à la vie quotidienne), des aménagements de l’environnement (domicile, lieu de travail), et plus largement de toute solution destinée à favoriser l’accessibilité de l’environnement (espaces publics et établissements recevant du public).
Ils s’adressent en priorité aux personnes confrontées à des incapacités dont l’origine est une déficience motrice, sensorielle ou psychique quelle qu’en soit l’origine sans exclusive quant à la pathologie ou l’âge.
Ils sont également destinés à apporter toute information ou élément d’aide à la décision aux institutions en charge de la compensation et aux professionnels de la réadaptation ou de l’évaluation
Les CICAT sont totalement indépendants de toute démarche commerciale.
Ils emploient des professionnels de la réadaptation (techniciens du handicap) formés et des documentalistes.
LES ACTIVITÉS DES CICAT
• L’information et la documentation à caractère technique, normatif, législatif et social depuis l’information ponctuelle jusqu’au dossier documentaire.
• Le conseil personnalisé aux usagers, fondé sur une analyse individualisée de la situation, des besoins et des attentes. Il s’effectue au centre ou à domicile.
• L’exposition des matériels : aides techniques, technologiques et équipements du logement souvent mis en situation dans un logement ou des pièces témoins.
• La démonstration et l’organisation d’essais de matériel (au centre ou à domicile) pour permettre un choix éclairé entre plusieurs solutions et vérifier leur acceptabilité. Dans certains cas, l’essai peut se prolonger par un prêt de courte durée.
• L’accompagnement : aide à l’apprentissage de l’usage des matériels, l’information des proches, l’information et la sensibilisation des intervenants au domicile (ponctuels ou réguliers).
• La formation des professionnels à la connaissance des aides techniques, des technologies de compensation, à l’accessibilité et la facilité d’usage de l’environnement bâti, à l’usage des aides techniques pour les professionnels du maintien à domicile.
• La sensibilisation des professionnels en relation ponctuelle avec des personnes en situation de handicap ou professionnels appelés à intervenir sur leur environnement.
• Le conseil et l'audit relatifs à l'accessibilité des logements, des bâtiments et espaces publics.
Il convient probablement de donner plus de moyens aux CICAT, car la situation est extrêmement contrastée dans le pays, et il faudrait les associer à une réflexion sur l’élargissement de leurs possibilités de prêt de matériels à titre d’essais
Cette réflexion est en cours et Mme Valérie Létard, Secrétaire d’État aux solidarités, a indiqué le 19 juin dernier que « s’agissant des aides techniques, nous devons porter une attention particulière au développement d’un vivier de spécialistes qui soient indépendants des constructeurs et fournisseurs, pour que les personnes handicapées aient l’assurance de recevoir le conseil le plus pertinent et le mieux adapté.
« Je suis pour ma part très favorable au développement de centres ressources sur les aides techniques qui apportent une information validée et puissent procéder à des essais comparatifs, prêter au besoin du matériel pour le tester, et servir de bourse d’achat pour du matériel d’occasion.
« Je sais que la fédération nationale de centres d’information et de conseil sur les aides techniques et la CNSA travaillent actuellement à la mise en place des réseaux régionaux liés par convention avec les MDPH : je soutiens totalement cette initiative ».
Le recours à Internet permettra d’améliorer l'accès à l’information sur les aides techniques. En 2006, des bases de données ont été créées et un travail est en cours afin de mettre en place un portail pouvant rassembler l'information sur ce sujet à partir de trois bases de données principalement ACCAVI (SICAT de Lille), Garches pour les fauteuils, le CERA dépendant du ministère de la défense qui a surtout une approche technicienne.
L'idée qui a présidé à ce travail, est qu'une personne puisse trouver tous les renseignements dont elle a besoin sur des bases de données publiques, repérage des produits, prix... La CNSA qui pilote cette opération se heurte à un certain nombre de difficultés car elle essaie de couvrir l'ensemble des prothèses, or pour certaines – par exemple les prothèses auditives –, les fournisseurs refusent de communiquer leurs tarifs.
Le rôle des ergothérapeutes doit être affirmé. Ces personnels de la santé interviennent en tant que membres d’une équipe pluri professionnelle ; ils sont incontournables dans le processus de réadaptation, d’adaptation et d’intégration sociale des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie.
Ils définissent des plans d’aide individualisés visant la compensation des situations de handicap dans le respect des habitudes de vie de la personne et de son projet personnel.
6 553 ergothérapeutes exerçaient en France au 1er janvier 2008. On compte désormais 400 nouveaux diplômés tous les ans. En 2008, la densité des ergothérapeutes a atteint 11 professionnels pour 100 000 personnes.
En 2008, seulement 280 ergothérapeutes exerçaient en libéral (soit 3,5 % des effectifs) ; ceux exerçant dans un Établissement public représentant 36,8 % des effectifs. Avec la diversification des populations prises en charges, les ergothérapeutes sont amenés à intervenir dans des secteurs et lieux différents (ex. hôpitaux de jour, centres pénitentiaires, services de soins à domicile).
Aussi, une réflexion sur le rôle de cette profession ainsi que les conditions d’exercice en mode libéral doit-elle être engagée.
Il semble à votre Rapporteure qu’une meilleure information des patients permettra aux intervenants de mieux cerner leurs besoins et, à partir de là évitera des gaspillages car, trop souvent, des aides se révèlent inadaptées et inutilisables par leurs propriétaires.
LES DEMANDES DES ERGOTHÉRAPEUTES
document remis à la Rapporteur par L’Association nationale française des ergothérapeutes (ANFE)
Malgré l’intérêt porté aux aides techniques, il est à noter que les « choses évoluent lentement ».
Aux termes de la norme ISO 9999 est considérée comme « aides techniques » : « tout produit, instrument, équipement ou système technique utilisé par une personne handicapée, fabriqué spécialement ou existant sur le marché, destinés à prévenir, compenser, soulager ou neutraliser la déficience, l’incapacité ou le handicap qu’il soit temporaire ou définitif ». Le préconisateur évalue si l’usage de l’objet permet de compenser une incapacité afin de lever une situation de handicap : l’évaluation est donc relative ; il faut la replacer dans un contexte d’utilisation. Toutefois, certaines aides techniques reconnues comme des dispositifs médicaux font l’objet d’une inscription sur la Liste des Produits et Prestations Remboursables (LPPR) de l’Assurance Maladie et ne peuvent être délivrées que sur prescription (médicale et sur délégation à certains professionnels paramédicaux).
L’aide technique pour être utilisée de manière efficiente doit faire l’objet d’une démarche d’évaluation, de conseil et d’accompagnement. Le choix d’une aide technique repose donc sur une étude des besoins de la personne dans son milieu ordinaire de vie et de l’entourage familial et professionnel afin de définir des priorités liées à la particularité de chacun.
Bien que certaines aides techniques fassent partie de la liste LPPR, beaucoup d’autres en sont exclues ; la loi du 11 février 2005 a introduit un autre biais d’accès aux aides techniques que le remboursement : il s’agit de la Prestation de Compensation du Handicap. Cependant la prestation ne couvre pas l’ensemble de la population puisqu’elle en exclut une grande partie non éligible à la PCH.
La place du préconisateur est centrale : du point de vue de la prise en charge financière, il devient le garant du fait qu’un objet est bien une aide technique et s’il sera utile dans la situation précise de l’utilisateur. Les ergothérapeutes sont les professionnels qualifiés, l’évaluation des situations de handicap et la recherche de compensation étant leur cœur de métier. Du point de vue du financeur, le préconisateur doit jouer le rôle de garant de l’adéquation entre le résultat attendu en termes de compensation et le choix de l’aide au meilleur rapport qualité/prix. Les pays nordiques ont placé l’ergothérapeute au cœur de ce système depuis très longtemps, en leur reconnaissant une autonomie, mais aussi une responsabilité en la matière.
Les ergothérapeutes ne sont pas assez présents dans le réseau à la suite d’un aménagement ou de l’acquisition d’une aide technique. Le plus souvent leur mission s’arrête à la préconisation.
D’autre part, le rôle des ergothérapeutes au niveau de la recherche et de l’innovation dans le secteur industriel est indispensable : penser la mobilité et l’accessibilité pour tous impose une réflexion bien plus large que le simple point de vue technique et les ergothérapeutes ont une formation initiale qui les prépare à ces réflexions systémiques.
Le manque d’efficience concernant l’utilisation et l’accès aux aides techniques ont conduit le Sénateur Paul Blanc dans son rapport d’information sur la loi du 11février 2005 à déplorer le faible nombre d’ergothérapeutes et la nécessité d’en embaucher, dans les Maisons Départementales du Handicap notamment.
La diminution du nombre de médecins généralistes doit conduire à une délégation des tâches aux professions paramédicales : si les masseurs kinésithérapeutes ainsi que les opticiens et infirmiers peuvent désormais prescrire certains matériels médicaux, les ergothérapeutes sont pour leur part restés à l’écart de cette dynamique et attendent les mêmes droits que les autres paramédicaux. Au-delà d’une prescription déléguée, les ergothérapeutes désirent aujourd’hui assumer pleinement la responsabilité des préconisations qu’ils font, en demandant l’obligation d’une évaluation ergothérapique pour toute compensation matérielle des situations de handicap et une autorisation de prescrire pleine et entière.
L’ANFE souligne que l’ergothérapie est un soin de premier recours : tous ceux qui pourraient en avoir besoin devant pouvoir y accéder. Cet objectif se heurte principalement à l’impossibilité d’exercer en libéral : dans une organisation territorialisée, l’accès aux services d’ergothérapie doit être développé en reconnaissant l’activité libérale et en créant un mode de rémunération à l’activité.
Enfin, les ergothérapeutes doivent pouvoir, au même titre que les infirmiers ou les masseurs kinésithérapeutes, jouer pleinement leur rôle de préconisateurs (par la prescription des certaines dispositifs).
Conclusions :
Les ergothérapeutes « attendent des parlementaires un soutien à leurs revendications en demandant des amendements à la future loi « Patients-Santé-Territoire » ». Notamment :
- une qualification suffisante des évaluteurs dans les dispositifs MDPH, APA, Mouvement PACT-ARIM, CICAT… en introduisant une obligation de posséder ces compétences au niveau de leurs effectifs (Diplôme d’Etat d’Ergothérapeute),
- l’obligation d’une évaluation ergothérapique pour toute délivrance d’aides techniques,
- l’autorisation de prescrire certains dispositifs médicaux,
- l’obligation d’avoir recours à des ergothérapeutes dans le processus de distribution de matériel pour garantir la qualité, la sécurité et l’hygiène au même titre que les infirmiers et les masseurs kinésithérapeutes,
- la reconnaissance législative de l’exercice libéral de l’ergothérapie,
- le développement de mode de prise en charge de l’exercice libéral,
- le développement de la recherche en matière d’aides techniques en termes de financement et de structure.
Le premier impératif pour réduire les prix est de penser le plus possible au handicap dès la conception du produit.
Cette approche devrait être intégrée, par exemple, dans les normes de construction automobile ou d’équipement électroménager. Cette situation est la meilleure car elle fait disparaître les surcoûts liés à la compensation du handicap.
Nous devons toutefois aller au-delà et promouvoir la mise en place de normes sur les matériels les plus utiles pour les handicapés.
L'ordinateur est pour les personnes aveugles le moyen essentiel de communication, un travail doit être effectué avec l'ensemble des fabricants. Il existe au sein de l'AFNOR un groupe de travail qui n'a pas encore engagé les travaux d'approche pour définir des normes au niveau européen sur le clavier d'ordinateur.
Un travail sur les questions de recherche, d'innovation et de développement a été réalisé par France télécoms et les opérateurs de téléphonie mobile, qui ont conclu une charte d'accès à la téléphonie mobile.
Malgré ces initiatives, la situation n’est pas satisfaisante. Les insuffisances de la France ont été soulignées lors du débat du 19 juin dernier par M Eric Padieu, Directeur du Centre d’appareillage des handicapés du ministère de la défense. La France par rapport aux autres pays manque de cohérence en matière de recherche et de développement. On ne peut que constater que les pays où le handicap est correctement pris en charge, sont des pays qui investissent énormément dans le domaine de la normalisation. Au sein des groupes ISO des aides techniques sur la vingtaine de participants, beaucoup venaient de Finlande, Danemark, Norvège. La France, était représentée par un petit établissement de l’administration, mais les industriels étaient absents.
Des normes émergent pour assurer la compatibilité des aides technologiques. « Si les industriels ne suivent pas les systèmes de normalisation internationaux, ils ne pourront pas faire valoir leurs systèmes. »
« Je voudrais signaler qu’il y a un groupe de travail piloté par le ministère du Travail, c’est le groupe interministériel de normalisation, qui pleure à longueur d’année parce que les pouvoirs publics français et les industriels français n’investissent pas assez, et qu’on se fait « doubler » par nos voisins, cousins, concurrents… C’est bien dommage. »
L’absence d’investissement des pouvoirs publics français et des industriels constitue une des faiblesses structurelles de notre économie, nous la retrouvons également dans le domaine du handicap.
C.- La location doit être développée
Les enfants grandissent ou la maladie évolue. Or, bien souvent il n'est pas possible de louer le matériel nécessaire qu’il faut acheter. Il y a là une question importante qui, si elle était réglée, permettrait probablement une diffusion plus large des aides techniques.
Au-delà de la connaissance des techniques, se pose la question de leur compatibilité. Aujourd’hui, une profusion d’équipements sont basés sur des technologies différentes (infrarouge, HF, etc.). Ces solutions ne sont pas toujours compatibles entre elles, si bien que pour pouvoir valider les produits proposés, il faut pouvoir les tester.
Par exemple, certains modèles de boucles magnétiques peuvent se révéler inefficaces dans certaines salles de réunion et il est difficile de préconiser un tel investissement si le fabricant ne peut pas certifier l’efficacité du produit qu’il vend.
Nous pourrions multiplier les exemples, la difficulté la plus importante réside dans la personnalisation des produits, par exemple des fauteuils, qui rend difficile la location de produits très sophistiqués.
Lors de ma visite en Suède, j’ai pu visiter la filiale d’une société française, concessionnaire d’un service public de fourniture de produits pour les handicapés qui assurait ce travail de location et de conditionnement. Cette action était conduite au niveau du département. Peut-être faudrait-il déléguer à ceux-ciune mission d’information et de mise à disposition des aides techniques pour les handicapés.
Il est frappant de constater qu’en Suède, 80 % des fauteuils diffusés sont issus de la réutilisation. La location facilitant la réutilisation permet de réduire les coûts or, notre système de remboursement est orienté vers l’achat. Il serait probablement pertinent de privilégier, lorsque cela est possible, et économiquement justifié, la location de matériels.
Votre Rapporteure partage globalement l’analyse de l’AFM 26 et trouve pertinent de poser la question de la création d’un institut national. Nous sentons bien qu’il manque une pierre à l’édifice : un organisme disposant de moyens pour impulser la recherche, éviter les doublons, coordonner les travaux, orienter et mettre à disposition une capacité d’expertise. En même temps, je répugne à proposer la création d’un organisme public supplémentaire destiné à pallier la lourdeur des procédures administratives, et les insuffisances de la tutelle. C’est pourquoi, il me semble qu’il serait intéressant de créer une fondation qui pourrait recueillir également des contributions des assureurs (qui ont intérêt à obtenir une diminution du prix des aides techniques). Cette fondation pourrait sélectionner des projets et les aider y compris dans la phase de commercialisation où l’initiative publique est défaillante.
Il faut également souligner que la dimension européenne est tout à fait fondamentale et les problèmes que nous évoquons ne trouveront de solutions satisfaisantes que dans le cadre de l’Union européenne.
CHAPITRE III
LES OBSTACLES SOCIÉTAUX
L’insuffisante diffusion des aides techniques résulte en grande partie de problèmes de société. La loi du 11 février 2005 va au-delà de l’amélioration des mécaniques institutionnelles et financières, elle vise à changer le regard sur le handicap, domaine où il reste beaucoup d’actions à entreprendre.
M. Gohet, délégué interministeriel aux handicapés résume parfaitement le problème qui se pose aujourd’hui à la société française :
« La loi du 11 février 2005, est un moteur pour passer d’une époque à une autre. Pendant une trentaine d’années, et c’était d’ailleurs un progrès… Que s’est-il passé pendant trente ans ? On remplissait un dossier, soigneusement, et des experts décidaient collégialement ce qui était bon pour la personne : l’orientation adéquate, la compensation qu’il fallait, etc.
« Aujourd’hui, on essaie de bâtir un système d’une autre nature : un système dans lequel la personne handicapée, et ce n’est pas un gros mot, c’est un mot normal, est tenue pour être citoyenne, c’est-à-dire actrice de sa propre destinée. C’est pourquoi elle est invitée à exprimer son projet de vie, à participer à l’élaboration de son plan de compensation. Il faut aussi qu’il y ait un intervenant qui, en quelque sorte, mette de l’objectivité dans tout ça. Il faut que ce soit la rencontre entre l’expression d’aspirations, de reconnaissance de besoins, et l’élaboration d’un plan sur plusieurs années, qu’on adaptera progressivement. »
SECTION 1 – UN EFFORT FINANCIER INSUFFISANT DE LA COLLECTIVITÉ QUI GÉNÈRE UN COÛT TROP IMPORTANT POUR LE PATIENT
Les aides techniques constituent une aide pour le patient mais également les soignants et la famille ; donnée importante car avec l’allongement de la durée de vie, les enfants peuvent être amenés à s’occuper de leurs parents à des âges très avancés.
Or, la trop faible diffusion des aides techniques s’explique d’abord par un reste à charge des familles trop important lié à un effort de solidarité insuffisant de la collectivité nationale.
Il serait facile de stigmatiser la pingrerie de l’assurance maladie ? mais cela serait injuste car les tarifs de remboursement sont fixés par le comité économique des produits de santé, où l’assurance maladie ne dispose que de 2 voix sur 14. Il est clair que l’effort pouvant être accompli dépend très largement de la situation financière de l’assurance maladie et que, dans le contexte actuel, les marges de manœuvre sont étroites.
A.- L’insuffisance du remboursement
Le niveau des remboursements est très variable selon les aides concernées car il va de 100% à 0%. En outre, les délais pour bénéficier de ces prestations sont excessifs.
a) Les fauteuils roulants
Il est juste de souligner que la mise en place de la loi de 2005 a considérablement amélioré la prise en charge des fauteuils roulants.
La prise en charge est intégrale pour les fauteuils manuels. Ou, plus exactement il existe un large consensus pour considérer qu’il est possible de trouver au tarif de remboursement des fauteuils manuels d’une qualité convenable.
La difficulté que nous avons pu relever concerne les fauteuils particuliers pour certains usages, tels que ceux destinés au sport pour lesquels il n’y a pas de prise en charge. Nous pouvons considérer comme important que les handicapés fassent du sport, mais il est difficile de demander la prise en charge pour un même patient de plusieurs fauteuils par l’assurance maladie.
Le taux de remboursement normal des fauteuils, au titre de l’assurance maladie, varie entre 65% et 100%.
Le niveau des remboursements est par contre insuffisant pour les fauteuils électriques qui présentent l’avantage d’éviter des pathologies de type luxation de l’épaule. Leur prise en charge est encadrée puisqu’il faut une prescription par un médecin de médecine physique ou de réadaptation ou par un centre spécialisé.
Aujourd’hui le reste à charge de la personne handicapée (toutes aides comprises) se situe entre 500 et 3 000€, ce qui est anormal et excessif.
Le tableau qui suit indique le détail des remboursements :
L'IMPACT DE LA PCH SUR LE RESTE À CHARGE
Aide technique |
Prix d’achat TTC |
Tarif PCH |
Tarif LPPR |
Taux de rembousement par l’assurance maladie |
Montant remboursé par l’assurance maladie |
Montant attribuable au titre de la PCH par la MDPH |
Reste à charge de la personne handicapée |
Fauteuil roulant manuel manœuvré par un accompagnateur |
471,56 € |
535,41€ |
356,94 € |
65% |
232,01 € = 0,65x356,94 |
239,55 € = 471,56-232,01 |
0,00 € |
100% |
356,94 € |
114,62 € =471,56-356,94 |
0,00 € | ||||
Aide technique |
Prix d'achat TTC |
Tarif PCH |
Tarif LPPR |
Taux de remboursement par l'assurance maladie |
Montant remboursé par l'assurancemaladie |
Montant attribuable au titre de la PCH par la MDPH* |
Reste à charge de la personne handicapée |
Fauteuil roulant électrique assise adaptée, dossier réglable et platines crantées |
8 741,25 € |
6 975,90 € |
3 487,95 € |
100% |
3 487,95 € |
3 487,95 € hors plafond = 6 975,90 -3 487,95 |
1 765,35 € |
- Le coût d'achat des fauteuils roulants manuels est couvert en grande partie par la part de remboursement assurance maladie et a été complété de façon marginal par la PCH
- Le reste à charge des fauteuils électriques a été fortement diminué par l'apport de la PCH.
Cette différence dans les remboursements explique la faible part en volume des fauteuils électriques (10%), or j’ai été frappée de la diffusion beaucoup plus large de ce type de fauteuil dans des pays comme les Pays-Bas.
Il est évident, qu’un effort doit être fait en faveur d’une meilleure prise en charge des fauteuils électriques et innovants, mais non aux tarifs proposés par les fabricants.
Une nouvelle nomenclature est en cours d'élaboration pour les fauteuils roulants afin d'intégrer les fauteuils verticalisateurs.
INTERVENTION DE MME VALÉRIE LÉTARD, SECRÉTAIRE D’ETAT
DEVANT L’OPECST (19 06 08)
L’élément « aides techniques » de la PCH peut ainsi faire l’objet de versements ponctuels. Le montant maximum accordé est normalement de 3 960 € sur trois ans, ce qui est déjà considérable, et il est de plus systématiquement déplafonné pour les aides les plus coûteuses.
Cette disposition, qui a été mise en place notamment pour répondre à la question aiguë du coût particulièrement important des fauteuils roulants électriques, permet d’attribuer un montant supérieur au plafond pour ces aides techniques onéreuses, tout en conservant une enveloppe intacte pour prendre en compte d’autres aides techniques.
Pour m’en tenir à l’exemple des fauteuils roulants électriques, le passage à la PCH a permis de multiplier par deux les sommes prises en charge pour cet équipement.
Pour un fauteuil roulant électrique, l’aide apportée par la PCH peut ainsi aller jusqu’à 10 000 €. Même si je n’ignore pas qu’il subsiste encore fréquemment un reste à charge, la PCH couvre le financement des aides techniques lourdes de manière beaucoup plus satisfaisante qu’auparavant.
Les premiers chiffres sur l’évolution de la PCH attestent, s’il en était besoin, que la prestation répond à un réel besoin : au total, en 2007, les aides techniques représentent en volume 20% des volets de la PCH attribués et 15% en valeur, et le montant moyen accordé par personne pour les frais d’aide technique s’élève à 970 euros.
b) Les prothèses auditives
La pose des implants cochléaires implique une opération. De ce fait, elle est actuellement intégralement prise en charge par l’assurance maladie, à travers les budgets hospitaliers.
La part des personnes disposant d’une prothèse auditive correspond à environ 12% de la population des malentendants, alors que cela se justifierait pour 50 à 60% de cette population.
L’assurance maladie prend en charge 65 % de 199,71 €, soit environ 129 € pour un coût réel variant de 1 500 € à 3 000 €, pour un produit d’une durée de vie limitée (de l’ordre de 5 à 7 ans).
Le prix de ces produits s’explique selon la CNSA d’abord par les marges bénéficiaires des fabricants et distributeurs ; dans une étude communiquée à votre Rapporteure, il est fait état de résultats opérationnels de 24 % chez des fabricants et des rations de 1 à 4 entre le prix d’achat par les distributeurs et le prix de vente.
Quatre grands groupes détiennent 85 % du marché mondial et, si le marché est vaste, du fait des personnes âgées, il est extrêmement peu transparent.
Cette situation est inquiétante. Il est à craindre qu’une amélioration du remboursement des prothèses auditives, qui relève de l’évidence, tant les tarifs de remboursement sont bas, ne conduise plus à une amélioration des marges qu’à une diminution de la somme à la charge des assurés sociaux.
D’autre part, les piles qui peuvent être extrêmement coûteuses et les matériaux d’entretien ne sont pas remboursés.
Or, les personnes âgées sont les plus concernées par la presbyacoustie, la surdité qui est un handicap qui les isole, souvent difficile à vivre car, invisible, il n’appelle pas à la compassion. Cette situation se traduit probablement par un accroissement des pathologies liées au vieillissement, ou une venue plus rapide de ces dernières, et in fine par une dépendance et une admission en établissement plus précoce.
Il existe toutefois un « bémol » à l’analyse qui précède. Une partie des coûts liés au conseil et au suivi, en particulier à l’adaptation des prothèses ;n’apparaît pas dans la facturation or, le temps consacré au conseil est important et mériterait d’être rémunéré en tant que tel.
c) Les aides visuelles
Nous ne nous étendrons pas sur le faible niveau de remboursement des lunettes par l’assurance maladie, le problème est très ancien et parfaitement connu et, dans cette étude nous nous intéressons aux personnes dont le niveau de déficience est constitutif d’un handicap.
La principale difficulté réside dans l’absence de prise en compte par l’assurance maladie d’outils tels que l’informatique qui, avec des logiciels adaptés apportent de réelles solutions dans l’accès à la lecture.
Cela est illustré par les tableaux ci-après.
ÉVOLUTION DES BESOINS : L'EXEMPLE DE L'ACCÈS À LA LECTURE
Comme l’illustre le tableau ci-dessous, même lorsque le remboursement existe, il est insuffisant.
La base de remboursement PCH représente au maximum le niveau de prix le plus bas pratiqué sur le marché
REPRÉSENTATION DES ÉCARTS DE PRIX DE MARCHÉ ET DU TARIF DE REMBOURSEMENT PCH ENTRE DIFFÉRENTES AIDES À LA COMMUNICATION
A cette question des tarifs de remboursement s’ajoute la question de l’information et de la formation. L’information est complexe et la formation à ces aides n’est souvent pas remboursée.
SECTION 2 – UN DISPOSITIF RÉCENT AMÉLIORE LA SITUATION MAIS IL CONVIENDRA DE L’ÉVALUER
La loi de 2005 a amélioré la prise en charge des outils nécessaires à la compensation du handicap et la situation s’améliore effectivement, mais des progrès sont à faire en particulier avec les maisons départementales du handicap dont le fonctionnement est très variable selon les départements.
La loi de 2005 a affecté trois rôles à la CNSA :
• Elle doit financer la perte d'autonomie (en particulier par l'octroi de crédits aux conseils généraux) ; elle doit veiller à ce que la loi soit appliquée avec équité ;
• Elle a une mission d'expertise sur les aides humaines et les aides techniques. Ces missions sont contenues dans la loi et la convention conclue avec l'État.
• Son rôle est important et novateur car elle intervient en complément de l'assurance-maladie. Elle contribue avec l'État à la définition des tarifs des appareillages.
Ses responsables se sont aperçus qu’ils connaissaient mal le marché, ce qui explique qu'un réajustement des tarifs de remboursement des aides techniques ait été effectué (parfois un doublement), mais il est intervenu de manière empirique.
La caisse intervient beaucoup hors du champ de l'assurance maladie (par exemple sur les aides à la communication, les aides à la toilette, l'aménagement du véhicule).
S’agissant des personnes âgées, la prestation d'autonomie est plus complète que l'ancienne prestation compensatrice. Toutefois l’APA couvre très peu les aides techniques du fait de son plafonnement.
Il existe une très grande difficulté pour établir le tarif de remboursement des aides techniques. La règle est de couvrir 75 % du prix réel dans la limite de 3000 €. Si la couverture est trop généreuse, elle entraîne une augmentation des prix. Il est donc nécessaire de trouver le juste milieu mais, dans ce domaine, le marché ne fonctionne pas de manière satisfaisante
En Europe, les prises en charge entre les différents pays se situent à des niveaux très différents et il semble que les industriels se calent sur le niveau des remboursements
Les maisons départementales du handicap
L’avancée que constitue la PCH n’empêche pas de constater que sa mise en place au sein des MDPH ne s’est pas faite sans difficultés.
Mme Valérie Létard, Secrétaire d’État aux personnes handicapées a dressé devant l’OPECST le 19 juin dernier un premier bilan de l’application de la loi de 2005 :
« On constate tout d’abord des difficultés autour de l’évaluation des besoins en aides techniques. Il se pose clairement un problème de compétence des professionnels des équipes pluridisciplinaires.
« Toutes les MDPH ne peuvent pas disposer en permanence de toute la palette des professionnels nécessaires, tels que les ergonomes. Il faut se poser la question de la mutualisation de certaines compétences et s’interroger également sur les formations à mettre en œuvre pour utiliser au mieux les outils d’évaluation ou de tarification.
« Il existe également des difficultés liées au financement du reste à charge. Cette question pose la problématique du recours aux fonds départementaux de compensation.
« Quel est leur objectif ?
« La loi 2005 les a instaurés pour pouvoir continuer de mobiliser les acteurs qui finançaient jusque-là, de façon extralégale, des aides techniques – CAF, CNAV, Fonds d’action sociale de provenances diverses. Dans l’esprit du législateur, la création de la PCH ne devait se substituer aux financements existants. C’est pourquoi, il fallait un lieu où ces financeurs pouvaient se retrouver.
« L'État, lui, a joué le jeu : il a intégralement maintenu les financements qu’il mobilisait auparavant dans le cadre des sites pour la vie autonome (42 millions d’euros depuis 2006, date de la réalisation des fonds départementaux de compensation). Il est ainsi le seul à y participer systématiquement, et son apport constitue à lui seul la moitié des moyens mobilisables par les fonds.
« Mais tous les acteurs ne sont pas mobilisés de la même manière :
« - certains départements ont tardé à mettre en place leur fonds de compensation : fin 2007, il en manquait encore quelques-uns (six très exactement).
« - les financeurs extralégaux autres que l'État et les conseils généraux ont progressivement réduit leur participation : dans plus de la moitié des cas, les organismes qui participaient aux sites pour la vie autonome se sont retirés du fonds.
« Face à ces disparités, certains ont tôt fait de condamner les fonds et de demander l’élargissement systématique de la PCH. Or, malgré leurs imperfections, les fonds de compensation constituent l’outil précieux et souple pour prendre en compte l’émergence de nouvelles aides, en matière de technologie en particulier.
« Il nous faut conserver cette souplesse car les innovations ont besoin d’être évaluées, leur pertinence par rapport aux besoins bien établie et leur coût stabilisé, avant de pouvoir être, le cas échéant, intégrées à la nomenclature de la PCH. »
« Comment mieux prendre en charge les aides techniques ?
« A travers la PCH, la loi de 2005 a permis des progrès considérables pour la solvabilisation des besoins d’aide technique, qui va désormais bien plus loin que ce qui était pris en charge par l’assurance maladie dans le cadre de la liste des produits et prestations remboursables.
« Mais pour fixer un juste tarif de prise en charge, nous devons nous assurer d’un juste prix de vente de ces aides techniques. Pour cela, nous avons des progrès à faire pour mieux connaître le marché des aides techniques et mieux appréhender les mécanismes de formation des prix des aides techniques au regard du service rendu, de l’intégration, de l’innovation, de la distinction des coûts de fabrication, de transport et de services.
« L’argent de la solidarité nationale doit être utilisé au mieux, les dysfonctionnements actuels sont évidents et nul ne les conteste, il faut espérer que l’effort entrepris portera ses fruits mais il convient de demeurer lucides, avec le vieillissement de la population un effort financier considérable devra être engagé pour améliorer la prise en charge des aides techniques et le rôle de chaque intervenant devra être clarifié. Notre « empilement » de structures n’est guère satisfaisant et se traduit trop souvent par des délais d’attente inadmissibles pour les usagers. »
SECTION 3 – LES DIFFICULTÉS CULTURELLES ILLUSTRÉES PAR LES IMPLANTS COCHLÉAIRES
Parmi les freins à la diffusion des aides techniques il ne faut pas sous-estimer les données culturelles.
Le débat sur les aides techniques peut prendre parfois un angle particulier lorsque le progrès et la disparition du handicap sont perçus comme de nature à remettre en cause une culture. C’est le cas des implants cochléaires qui suscitent des réactions difficilement compréhensibles pour ceux qui entendent. Je me suis efforcée de comprendre cette situation en me rendant en particulier à l’Institut national des jeunes sourds de Bordeaux.
A.- Les inquiétudes des associations de sourds et l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé.
« Dans les familles sans antécédent, un enfant sur 1 000 naît sourd. Dans les familles à haut risque, 15 enfants sur 1 000 sont affectés d'une surdité dès la naissance. De plus, la Direction générale de la Santé estime que la prévalence de la surdité permanente néonatale est de 3/1 000. Selon le rapport Gillot, il y aurait ainsi en France 450 000 sourds et malentendants d'âge préscolaire et scolaire (0 à 18 ans).
« La clé de l’efficacité du traitement réside dans le diagnostic le plus précoce possible. L'absence de perception auditive chez le nourrisson entraîne un déficit de maturation des voies nerveuses structurant la perception sonore au niveau cérébral. Sans correction rapide, ces dernières ne se développeront pas.
« C’est pourquoi les autorités sanitaires françaises ont souhaité voir organisé un dépistage précoce de la surdité qui s’est heurté à des réticences, voire à une hostilité de certaines associations de sourds.
« Le Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé a rendu un avis 27 sur « Ethique et surdité de l’enfant : éléments de réflexion à propos de l'information sur le dépistage systématique néonatal et la prise en charge des enfants sourds »
Cet avis nuancé, peut-être trop, a entraîné des réactions d’incompréhension de médecins, qui considèrent que l’intérêt de l’enfant, tel qu’ils le perçoivent, doit primer avant toute autre considération, et a été critiqué par les associations de sourds pour lesquelles il ne prend pas assez en compte le fait que la langue des signes est aujourd’hui une langue reconnue à part entière.
a) La position des associations, telle que résumée par le Comité national d’éthique
« Il serait notamment regrettable que les avancées accomplies dans le dépistage précoce et l’audiophonologie ne contribuent indirectement à réactiver d’anciens préjugés sur la surdité longtemps perçue comme un handicap mental. De tels préjugés pourraient être propagés involontairement par le choix de politiques de dépistage et de suivi trop contraignants pour les parents et les enfants sourds, avec le risque que les progrès réalisés dans la sophistication des techniques de dépistage et de l’aide acoustique donnent lieu à une politique sanitaire standardisée, trop médicalisée et indifférente aux aspects humains des déficits auditifs.
« La perception négative des déficits auditifs au sein de la société peut fragiliser le respect du principe d’autonomie du choix des parents. En effet, si la surdité est perçue comme un handicap sévère qui nécessite un diagnostic ultra-précoce destiné à hâter sa prise en charge, les parents ont-ils d’autre choix que de consentir à l’offre médicale? Tandis que les innovations scientifiques et technologiques sont généralement saluées comme des progrès par l’opinion, une partie de la population sourde s’inquiète d‘une éventuelle remise en cause du choix des parents en cas d’application trop directive du dépistage précoce des déficits auditifs.
« Elles rappellent à cet égard que les personnes sourdes de naissance ne se sentent ni «handicapées» ni exclues du reste de la population, qu’elles sont capables de mener une vie autonome en accédant au monde des signes et des symboles grâce à l’apprentissage d’une langue dont la particularité est de s’exprimer par le corps, le regard, le sourire, la mimique et le geste.
« C’est dans ce contexte d’incertitude concernant l’orientation des politiques de santé publique que le CCNE a été saisi le 14 février 2007 par la Fédération Nationale des Sourds de France à propos du dépistage précoce des déficits auditifs. L’association s’étonne que la France « ignore la tendance qui s’affirme mondialement de ne plus saisir le handicap sous le seul angle médical » et sollicite l’avis du CCNE sur les risques « d’interventions trop précoces » par un dépistage à la naissance. Interrogeant le Comité sur la façon dont il faut considérer la surdité («un état, un déficit sensoriel ou une maladie ?»), elle attire l’attention sur le danger de discrimination et de stigmatisation que le dépistage systématique de la surdité pourrait faire courir à la population concernée. »
« Ces préoccupations rejoignent celles de la saisine que le Comité a reçue au même moment par le Réseau d’actions médico-psychologiques et sociales pour enfants sourds (RAMSES). Cette association soulève la question de l’opportunité d’un dépistage de la surdité dans les maternités… Est également pointé dans cette saisine, le manquement au respect d’un certain nombre de critères internationaux de la situation de dépistage systématique, tels que la gravité de la maladie, la disponibilité d’un traitement pour prévenir l’émergence de troubles irréversibles ou la fiabilité du test. »
b) L’avis du Comité national d’éthique
« L’avis du Comité est centré sur des cas de surdité néonatale profonde et permanente pour lesquels se pose la question de la pose future d’un appareillage auditif, éventuellement d’une implantation cochléaire dans le but de faciliter la compréhension par l’audition et l’oralisation.
« Pour clarifier les enjeux éthiques de la discussion, il faut distinguer deux cas de figure radicalement différents :
« - D’une part, l'enfant sourd issu d’une famille d’entendants soucieuse d’optimiser ses formes orales et auditives de communication. Même si le risque de déni ou de négligence éducative de l’enfant sourd existe, les parents entendants seront généralement favorables à sa prise en charge médicalisée précoce. Certes, des progrès technologiques tangibles ont été effectués dans le champ de la prise en charge de la surdité au cours des dernières années. Toutefois, on ne doit pas perdre de vue qu’en l’état actuel des choses, il n’existe pas de traitement entièrement satisfaisant. Un enfant sourd avec implant ne deviendra pas un enfant à l’audition normale. Son rétablissement demeurera généralement incomplet et ce n’est qu’au moyen de palliatifs auditifs que l’on peut espérer amoindrir les effets de cette surdité native.
« - D’autre part, l'enfant porteur d'un déficit génétiquement déterminé dans une famille de sourds. Dans ce dernier cas, l'objectif sera perçu différemment. Pour ses parents, l’intégration de l’enfant requiert prioritairement l’apprentissage de la langue des signes, même si ce souci n’exclut pas a priori celui de son adaptation au monde environnant par la pose d’appareils destinés à développer ses capacités d’oralisation. Contrairement aux parents entendants, les parents sourds n’appréhendent pas nécessairement la surdité de leur enfant comme un facteur de réduction des possibilités de communiquer avec lui.
« La différence des situations dans lesquelles se trouve l’enfant sourd, selon que ses parents seront eux-mêmes sourds ou entendants, est donc considérable. Le seul point qui les rapproche est leur souci commun de savoir s’ils doivent privilégier une démarche au détriment d’une autre. »
… « Il est permis de considérer qu’indépendamment de la condition sensorielle de ses parents, il est de l’intérêt de l’enfant d’explorer ces deux dimensions de la communication humaine.
« Il existe une ambiguïté majeure autour du concept de dépistage précoce dans le domaine de la surdité, souhaité par les uns mais vécu par les autres comme une intrusion inacceptable. Souhaité dans le premier cas parce qu’il permettra d’optimiser le suivi et la prise en charge de l’enfant sourd. Refusé dans l’autre parce que l’idée même d’une « prise en charge » n’a guère de sens et repose sur une dévalorisation implicite de la condition de l’enfant (« malade », « handicapé », etc.) et -par voie de conséquence- de ses parents. C’est pourquoi il serait éthiquement réducteur de traiter dans les mêmes termes les deux situations. C'est ici que le terme obligatoire trouve ses limites, justifiant que la relation aux parents tienne compte de cette asymétrie radicale. »
On doit bien distinguer les démarches de dépistage et d’appareillage :
« Le dépistage précoce ne doit pas avoir pour seul objet de hâter l'implantation cochléaire. Il a pour but de réfléchir à une prise en charge personnalisée qui comporte la prise en compte des éléments biographiques, psychologiques et sociaux des parents de l’enfant sourd. L’implant cochléaire occupe une place importante mais non-exclusive dans ce processus de prise en charge globale de l’enfant. Il existe des cas de surdité pour lesquelles il ne saurait être indiqué. Son indication est en effet celle de la surdité bilatérale totale, profonde (éventuellement sévère si la discrimination vocale est inférieure à 50%)…
« Dans la mesure où la population des personnes sourdes a eu à subir une longue tradition de préjugés, de pratiques coercitives et de stigmatisation, il est compréhensible que la perspective d’une systématisation du dépistage néonatal de la surdité suscite en son sein une inquiétude diffuse. Si on passe sous silence cette histoire marquée par l’exclusion sociale, on ne peut pas comprendre que face à l’approche « réparatrice » de la surdité, une partie de la population sourde soit tentée de faire valoir une approche « socioculturelle » refusant l’assimilation de la surdité à une déficience qui appellerait une approche thérapeutique.
« Mais si l’aspect historique de la condition des personnes sourdes autant que la suspicion erronée d’un déficit justifient une attitude scrupuleuse faite de prudence, de vigilance et d’humilité, le critère principal de justification des décisions postnatales, quelles qu’elles soient, demeure l’intérêt direct de l’enfant.
« C’est cet intérêt de l’enfant qui doit servir de fil conducteur à la réflexion sur l’opportunité d’un dépistage universel de la surdité permanente à début néonatal.
« On ne saurait donc confondre le fait de reconnaître sa pleine dignité au langage des signes avec la reconnaissance de la surdité comme une simple particularité sensorielle. S’il est possible de contester que la surdité soit un handicap en soi, il est difficile de nier qu’elle est un déficit qui entraîne une situation de handicap. »
« La légitimité d’un programme de dépistage en France se justifie d’autant plus que l’âge moyen de diagnostic de surdité profonde demeure beaucoup trop tardif (16 mois, depuis 1987). En lien avec le préjudice direct causé à l’enfant, le retard de diagnostic peut être source d’une grande souffrance psychique pour certains parents gagnés par le remords de n’avoir pas su déceler la surdité de leur enfant plus rapidement. Certains praticiens déplorent que sur 1500 nouveaux cas de surdité (toutes formes confondues) diagnostiqués chaque année en France, moins d’un tiers des enfants relevant de cette indication thérapeutique bénéficient d’un implant cochléaire.
« Or, si la fonction auditive résiduelle n’est pas stimulée très tôt, cela crée des retards irréversibles pour l’apprentissage du langage : l’audition au cours des deux premières années de la vie conditionne l’acquisition normale du langage ». Le retard diagnostique constitue donc une perte de chances évidente pour l'enfant.
« Le Comité d’éthique souligne que la question se pose de savoir si le refus d’un implant par les parents (quelle que soit leur propre condition sensorielle) dans les situations où il permettrait de favoriser l’accès à l’expression orale, ne revient pas à priver l’enfant des dispositions capables d’enrichir son développement relationnel.
« Le questionnement éthique soulevé par le refus d’appareillage se limite donc à une population relativement restreinte, puisque plus de 90% des parents des enfants sourds profonds font partie du monde des entendants. Le choix parental face à la proposition médicale d’une implantation cochléaire repose donc sur le principe du consentement informé.
« D’une façon générale, l’éventualité d’une indication d’appareillage qui se révélerait inappropriée au cas de l’enfant doit dissuader d’une pression exercée sur les parents (voire d’une immixtion législative qui interviendrait en ultime recours, au nom de la protection de l'enfance).
« Cela ne signifie pas que l’équipe médicale doive renoncer à discuter avec des parents réticents à la pose d’une prothèse ou d’un implant. Le respect du principe d’autonomie ne saurait être un prétexte à la déresponsabilisation médicale. Toutes les questions demandent à être abordées avec les parents au cours d’entretiens prolongés: le refus d’implantation ne risque-til pas d’obérer l’avenir de l’enfant ? Celui-ci ne pourrait-il pas reprocher à ceux qui ont décidé à sa place de l’avoir privé des moyens scientifiques et techniques d’être intégré autrement à la société ? En ce sens, le respect du choix des parents n’entraîne-t-il pas une confiscation de la liberté de leur enfant ? Peut-on présumer du consentement de l’enfant au refus diagnostique et/ou thérapeutique de ses parents ? »
Le principal reproche qui peut être fait à cet avis est son manque de clarté car, à sa lecture, les partisans, comme les adversaires des implants cochléaires, peuvent trouver des arguments en sens inverse. Aussi vais-je m’efforcer d’indiquer ce qui me paraît indiscutable.
• Les implants cochléaires sont efficaces, ce n’est pas sérieusement contestable.
• La surdité profonde est un handicap qui doit être dépisté le plus précocement possible afin que l’enfant ne subisse pas de retard dans l’apprentissage du langage quel qu’il soit (oral, langue des signes…)
• Le dépistage de la surdité et l’information des parents relèvent de la responsabilité de l’équipe médicale ;
• Il n’existe aucune raison valable d’exclure la surdité du dépistage néo natal systématique ;
• Un second examen doit être réalisé avant toute annonce aux parents d’un diagnostic de surdité ;
• En cas de diagnostic de surdité, une information objective sur l’accès aux langages doit être délivré aux parents ;
• Sachant l’importance du langage pour son développement ultérieur, le fait de prévenir le plus tôt possible les parents d’un enfant sourd permet à ses derniers de maîtriser plus rapidement la langue des signes, mais aussi de s’informer sur les choix possibles tel que la pose d’implants cochléaires.
Si le Comité consultatif national d’éthique souligne la question de la perte de chance, il passe sous silence les conséquences juridiques de cette analyse. Les parents et les soignants doivent être informés qu’en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de Cassation « la perte de chance » constitue un préjudice indemnisable.28
Il n’existe pas de jurisprudence sur l’implant cochléaire, mais il est tout à fait concevable qu’un enfant devenu majeur intente une action en responsabilité civile sur la base de l’article 1382 du code civil à l’encontre des personnes ayant refusé qu’il soit correctement appareillé, et si les handicaps ont découlé de ce refus.
Un problème de responsabilité médicale se pose pour les équipes médicales car il pourrait leur être reproché de ne pas avoir procédé au dépistage et correctement averti les parents. Il est probablement nécessaire que les médecins fassent constater par écrit le choix des parents.
L’avis du Comité consultatif national d’éthique aurait du appréhender cette question de responsabilité. Cet organisme devrait engager une réflexion approfondie sur les conséquences juridiques d’une attitude des parents qui entraîne une perte de chance pour leurs enfants.
Votre Rapporteure comprend et respecte le point de vue de certaines associations de sourds, elle considère qu’il est souhaitable que les enfants sourds profonds bilatéraux fassent l’apprentissage de la langue des signes sachant que l’accès à cet apprentissage est plus aisé lorsque les parents maîtrisent cette langue.
Enfin, les pouvoirs publics doivent garantir une information objective.
Après m’être rendue aux Pays-Bas et en Suède, j’ai été frappée par la moindre segmentation qui existe dans ces pays en matière de handicap par rapport à la France.
Dans notre pays le sanitaire est dissocié du médical, le projet de vie de la personne n’intègre pas d’approche socio économique. De ce fait, nous sommes en permanence confrontés à un balancier qui oscille entre une vision exclusivement médicale ou une approche trop comptable, et rarement nous abordons les questions dans leur dimension sociétale.
Le fonctionnement en réseau commence juste à apparaître et la mise en place des maisons départementales du handicap constitue un espoir.
Comme le montre un sondage, le problème est d’abord dans le regard que la société porte sur les handicapés. Les aides techniques constituent certainement une manière de transformer la vision portée sur le handicap.
Les progrès qui sont en train d’être accomplis dans ce domaine sont formidables et le véritable défi à relever est de permettre au plus grand nombre d’y accéder.
Dans la mesure où demain les prothèses permettront à des invalides de réaliser de meilleures performances que les valides, le regard porté par la société changera peut-être.
Mais à ce moment-là nous passerons de l’homme réparé à l’homme augmenté et les questions éthiques nous interpelleront.
Que répondre à celui qui voudra par le biais d’une rétine artificielle bénéficier d’une vision nocturne ?
Là commence le débat éthique.
I.– ENCOURAGER LA RECHERCHE
1. Une fondation pour la recherche sur la compensation du handicap doit être mise en place. Elle financerait les recherches sur les produits innovants et aiderait les PME à les commercialiser. Cette fondation regrouperait tous ceux qui financent les aides techniques, y compris les compagnies d’assurances automobiles (au titre de l’indemnisation des blessés de la route). Elle permettrait de peser sur le coût des produits par la prise en charge d’une partie des frais de recherche.
2. Une section « biotechnologies » doit être crée au sein du Conseil national des universités (CNU). Elle favoriserait les vocations de chercheurs dans le domaine des aides techniques et l’enseignement de ce domaine dans les facultés de médecine.
3. Une réflexion doit être engagée entre les établissements publics de recherche et les universités, afin qu'ils renforcent leur coopération, en s'inspirant de l'exemple de l'Institut de la vision.
II.– ACCÈS AUX AIDES TECHNIQUES
4. Il est indispensable de favoriser le dépistage précoce de tous les handicaps afin que la possibilité de compensation soit offerte le plus tôt possible.
5. Il est souhaitable que la partie du financement de l’aide technique à la charge du patient fasse l’objet d’un crédit d’impôt (cette disposition serait limitée aux personnes handicapées à plus de 50%).
6. La fonction de conseil doit être clairement identifiée dans la facturation et des frais annexes liés aux aides, en particulier les consommables, devraient faire l’objet d’un remboursement par l’assurance maladie.
7. La mise en place d’un mécanisme garantissant l’indépendance entre le prescripteur et le fournisseur, en particulier pour les prothèses auditives, est nécessaire.
8. La mise en œuvre d’encouragements à la location des aides lorsque cela est possible (fauteuils roulants) et au développement d’un marché de l’occasion serait utile.
9. Le développement de structures indépendantes de conseils et d’essais, par le renforcement des CICAT (centres d’information sur la compensation et les aides techniques), doit être favorisé.
10. Il est nécessaire de simplifier les procédures de mise sur le marché, en substituant au principe de précaution, qui peut retarder exagérément la commercialisation de nouveaux produits, celui de l’analyse bénéfices risques.
11. Le Conseil de la Concurrence doit être saisi d’une demande d’enquête pour vérifier s’il existe des pratiques anti-concurrentielles dans le secteur des aides techniques au handicap.
12. Les fonds départementaux de compensation du handicap devaient limiter le reste à charge à 10% du montant de la dépense ; il convient de rappeler la nécessité impérieuse d’atteindre l’objectif voulu par le législateur.
13. Il est nécessaire de veiller à une application correcte de la loi du 11 février 2005 par les maisons départementales du handicap. Elles doivent raisonner en fonction des besoins des personnes en situation de handicap et non du niveau reconnu de handicap.
14. Une réflexion sur la dimension éthique des aides techniques sur le handicap doit être engagée.
ADOPTION DU RAPPORT PAR L’OFFICE
Après avoir exposé qu’en 2040, le vieillissement de la population conduira à une augmentation de moitié du nombre de personnes âgées dépendantes, et qu’aujourd’hui cinq millions de personnes utilisaient des aides pour compenser leur handicap, Mme Bérengère Poletti, Députée, rapporteure, a souligné que l’Etat, les collectivités locales et l’assurance maladie, qui assurent en grande partie la solvabilité de ce marché, ne disposent pas des outils de pilotage leur permettant d’acquérir l’information nécessaire à la prise des décisions, en particulier dans le domaine essentiel de la détermination des tarifs de remboursement des appareillages par l’assurance maladie.
Cette situation est particulièrement préoccupante, alors que le développement de l’informatique et de la domotique, ainsi que l’émergence des nanotechnologies, donnent le jour à des matériels innovants, capables de compenser des déficits moteurs mais également sensoriels ou mentaux.
L’accès des personnes handicapées aux technologies destinées au grand public, tels les téléphones portables et les ordinateurs, qui constituent des outils essentiels pour permettre aux personnes handicapées de communiquer, s’orienter et s’insérer dans la société, doit par ailleurs être pris en considération.
Puis, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a dressé un état des recherches réalisées dans le domaine de la compensation du handicap.
La domotique et la robotique sont appelées à connaître un développement important.
Dans le domaine de la robotique, des projets ambitieux sont en cours. Les avancées considérables, accomplies dans le domaine de l'interface entre l'homme et la machine, ont ainsi conduit l’agence de recherche de l’armée américaine à engager un programme de 100 millions de dollars pour mettre au point, dans les deux ans, des bras artificiels commandés directement par le cerveau.
Des recherches prometteuses visent par ailleurs à mettre au point des exosquelettes, fixés sur les membres et actionnant ces derniers. Utilisés principalement en rééducation, ils pourraient constituer une voie d’avenir intéressante pour compenser certaines formes de paralysie.
L’électro-stimulation suscite également beaucoup d’espoirs. Des équipes françaises travaillent au rétablissement progressif de la marche chez les personnes atteintes de paraplégie par la stimulation électrique qui, d’ores et déjà, contribue à l’efficacité des traitements dispensés aux patients atteints de la maladie de Parkinson.
Les plus grands progrès réalisés concernent les deux principaux handicaps sensoriels : la surdité et la cécité. Il est, dès à présent, possible de compenser la surdité profonde et de nouveaux procédés permettent d’envisager de redonner la vue à certains aveugles. En effet, il est aujourd’hui raisonnable d’estimer qu’à un horizon d’une dizaine d’années, une partie significative des personnes ayant perdu la vue retrouvera une certaine autonomie, grâce à des prothèses fixées sur la rétine.
Les résultats spectaculaires des implants cochléaires dans la lutte contre la surdité profonde donnent à penser que la plupart des enfants qui naissent sourds aujourd’hui pourront entendre. L’efficacité de ces dispositifs est liée à un dépistage précoce de la surdité. Les prothèses acoustiques, grâce à l’amélioration des techniques numériques, connaissent par ailleurs des progrès remarquables.
Néanmoins, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteur, a observé que la diffusion de ces progrès techniques auprès des personnes handicapées était insuffisante, pour diverses raisons.
En premier lieu, il existe des freins culturels, qu’il ne faut pas sous-estimer, au développement des recherches et à la diffusion des innovations, comme, par exemple, l’image négative associée en France au fauteuil roulant ou la tentation identitaire de certaines associations.
Par ailleurs, l'appropriation et l’apprentissage par les personnes handicapées des aides techniques mises à leur disposition exigent souvent un accompagnement qui est rarement pris en compte par les politiques sociales.
En outre, les dispositifs de prise en charge des aides techniques présentent une série de défauts. Divers produits récents échappent à toute prise en charge collective, telles les aides à la communication qui se situent hors du champ de l'assurance maladie, et le système de prise en charge est complexe. La répartition des rôles entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et l'assurance-maladie n'est pas toujours claire, tandis que les maisons départementales du handicap en sont à leur première année de fonctionnement, ce qui rend toute évaluation difficile.
Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a souligné les faiblesses du système de recherche français dans le domaine de la compensation du handicap, qui s’expliquent, notamment, par le peu de place accordé aux problèmes du handicap dans l’enseignement, en particulier dans les domaines de la santé et des sciences médicales, par l’insuffisance des moyens mis en œuvre et par le manque de coordination des projets.
Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a souligné la nécessité de faire émerger en France un champ de recherches dédiées au problème du handicap, à l’instar des pays scandinaves, du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, en observant que la création, en avril 2007, d’un observatoire consacré aux aides techniques au handicap constituait à cet égard une première réponse qui devrait être considérablement amplifiée.
Abordant la question des relations existant entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et les chercheurs, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a suggéré que la Caisse nationale se dote d’un institut de recherche orienté vers la recherche appliquée et l’industrialisation des produits, en observant qu’il était du devoir et de l’intérêt de la CNSA de peser sur le prix des produits mis en vente et les marges excessives de certains industriels et distributeurs.
Le marché des aides techniques au handicap, qui représente 19 milliards d’euros, soit 12% de la consommation des biens médicaux, et plus de 60 000 produits différents, présente plusieurs imperfections. Á la faiblesse du nombre de constructeurs en France, s’ajoute l'étroitesse du marché qui interdit la mise en œuvre d'une réelle concurrence. De ce fait, les prix sont très élevés, ce qui pèse sur le niveau réel du remboursement. Prenant des exemples précis, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a souligné que, dans plusieurs secteurs importants du marché des aides techniques au handicap, les marges bénéficiaires constatées sont équivalentes à celles pratiquées dans le domaine des produits de luxe. Or, dès lors qu’une partie du financement de ces produits repose sur la solidarité nationale, cette situation n’est guère viable et justifierait un examen par le Conseil de la concurrence.
Le système de remboursement des produits, qui est déterminant pour les industriels, est complexe et disparate. Certaines aides sont correctement prises en charge par l’assurance maladie, tels les fauteuils roulants manuels, d’autres ne sont pas du tout remboursées, tels les dispositifs de lecture assistée par ordinateur, ou de manière insignifiante, comme les prothèses auditives.
L’articulation entre l’assurance maladie et la prestation de compensation du handicap est également une source de complications.
Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a insisté sur la nécessité de mener des actions vigoureuses pour améliorer l’information, développer la normalisation des matériels, et favoriser la location, afin de remédier aux déficiences du marché.
En conclusion, Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, après avoir observé que les aides techniques constituaient certainement une manière de transformer le regard porté sur le handicap, et estimé que le principal défi à relever était de permettre au plus grand nombre d’accéder aux innovations, a présenté plusieurs recommandations.
Á la suite de la présentation du rapport, un débat s’est engagé.
M. Claude Birraux, député, président, après avoir souligné la qualité du travail accompli par la rapporteure et suggéré que le rapport soit présenté à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale étant à l’origine de la saisine de l’office , a formulé deux observations :
- La recherche pluridisciplinaire doit être stimulée et, à l’instar de l’institut de la vision, il serait peut-être opportun de créer un institut de la mobilité pour favoriser la coordination des travaux menés sur les aides techniques au déplacement.
- La domotique du futur offre des perspectives très prometteuses, qui présentent un intérêt essentiel pour les collectivités locales, impliquées notamment dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
M. Jean-Yves Le Déaut, député, a jugé l’approche retenue par la rapporteure très intéressante et originale, en donnant un éclairage nouveau aux questions éthiques posées par l’utilisation de nouvelles technologies mais aussi en mettant en évidence les bénéfices que les individus peuvent en retirer, comme en témoignent les progrès liés au recours aux nanotechnologies.
Après que M. Claude Birraux, député, président, eut souligné l’intérêt d’introduire une recommandation sur la nécessité de mener une réflexion éthique, M. Jean-Yves Le Déaut, député, a abordé trois autres sujets sur :
- les implants cochléaires, en estimant que la détection précoce se justifiait pleinement, en particulier lorsque des moyens permettant de corriger un handicap existent, et en déclarant que la rapporteure avait raison d’exposer l’ensemble des éléments du débat sur les implants cochléaires et de prendre parti,
- la nécessité de promouvoir les petites entreprises innovantes, en particulier les deux sociétés, présentes sur le marché français, qui conçoivent des boîtiers de guidage permettant aux personnes atteintes d’un handicap visuel de s’orienter dans les lieux publics tels que les mairies et les gares,
- l’implication réelle des départements, que les propos tenus par Mme Valérie Létard, Secrétaire d’État chargée de la solidarité et cités dans le rapport semblent minimiser.
Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a répondu que l’instruction des dossiers par les maisons départementales des personnes handicapées aboutissait à de grandes disparités en matière de remboursement et de prise en charge, et que cette situation très déséquilibrée pouvait avoir des conséquences aggravées avec le vieillissement de la population.
M. Paul Blanc, sénateur, après avoir félicité la rapporteure pour la pertinence de son analyse a formulé plusieurs observations :
- les dispositions législatives adoptées ces dernières années pour améliorer le sort des personnes handicapées tardent à se concrétiser,
- le débat concernant les implants cochléaires aboutit à un regrettable blocage, mais on doit avoir conscience que d’autres associations intervenant dans le domaine du handicap peuvent freiner les évolutions souhaitables,
- la gestion par les maisons départementales des personnes handicapées est source de grandes disparités entre les départements et le rôle de l’État est d’assurer l’égalité des Français devant la loi,
- la situation financière de la sécurité sociale, comme le montre le dernier rapport de la Cour des comptes, ne permet pas d’envisager une prise en charge des frais liés à la compensation du handicap, l’allocation de compensation, dont le mode de gestion doit être amélioré pour la rendre plus équitable, semble plus adaptée
- l’accent devrait être plus fortement mis sur la vie citoyenne des personnes handicapées, le vote électronique pouvant offrir des facilités aux personnes aveugles,
- la question du prix des matériels se pose depuis de nombreuses années, étant observé que les prix sont généralement élevés dans le domaine sanitaire, et le sont d’autant plus que les frais sont remboursés par la sécurité sociale,
- il existe un réel déficit de personnes formées dans le secteur du handicap, et il faudrait envisager de donner aux jeunes accidentés de la route des formations en robotique et domotique, afin de disposer de techniciens et d’ingénieurs motivés,
- le présent rapport constitue la suite logique de la loi de 2005, étant observé que la mise en œuvre des mesures concernant l’accessibilité et l’adaptabilité des transports se heurte à diverses difficultés, notamment en matière d’homologation.
M. Claude Leteurtre, député, après avoir félicité la rapporteure pour l’exhaustivité et la justesse de son analyse, a abordé le sujet souvent tabou de l’incontinence qui peut être combattue par des technologies, tels les implants et l’électrostimulation, et souligné l’intérêt de mener une réflexion approfondie sur les coûts et les prix de vente, lesquels doivent être raisonnables si l’on entend disposer d’un barème de financement satisfaisant.
Mme Bérengère Poletti, députée, rapporteure, a, sur ce point, indiqué que le système suédois reposait sur des principes tout à fait différents, fondés sur la demande, la prise en charge intervenant quel que soit le matériel pris en charge, dès lors que celui-ci permettait de compenser le handicap.
M. Claude Leteurtre, député, a évoqué ensuite les équipements pour personnes handicapées dans les transports publics, notamment les cars scolaires.
Après que M. Claude Birraux, député, président, eut suggéré diverses modifications relatives aux recommandations, l’Office a adopté le rapport.
Annexe 1 – Liste des personnalités rencontrées
I – FRANCE
Personnalités politiques
Mme Valérie Létard, Secrétaire d’État, chargée de la solidarité auprès du Ministre du Travail et des relations sociales, de la famille et de la solidarité
M Alain Juppé, Ancien Premier Ministre, Maire de Bordeaux, Président du conseil ville handicap de la ville de Bordeaux
M. François Guillaume, ancien Ministe, ancien Député, Conseiller régional de Lorraine
M. Joël Solari, Conseiller municipal délégué auprès du Maire de Bordeaux pour les politiques en faveur des personnes en situation de handicap
Délégation interministérielle aux handicapés
M Patrick Gohet, Délégué interministériel aux handicapés ;
Mme Soraya Kompany, Chef de cabinet du Délégué interministériel aux personnes handicapées
Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) :
Madame Bernadette Moreau, directrice du département compensation de la perte d’autonomie
Madame Annie Richard-Lebrun, directrice déléguée à la compensation
Monsieur Bernard Descargues, projet aide technique
Association de régulation des télecommunications (ART)
M Jérôme Rousseau, Chef du Service Opérateurs et Régulation des Ressources Rares
M. André Ricord, Service Opérateurs et Régulation des Ressources Rares/Unité Opérateurs Mobiles
Mmes Gaëlle Nguyên , Service Économie et Prospective/Chef de l'Unité Economie des réseaux et services
Mme Frédérique Vallet Service Économie et Prospective/Unité "Économie des réseaux et services"
Service universel et gestion des fonds
Caisse Nationale d’assurance maladie
M. Jean Pierre Robelet, directeur de l'hospitalisation
Comité national consultatif d’éthique
Pr. Pierre Le Coz
Agence française de sécurité des produits de santé
M. Nicolas Thévenet, chef du département surveillance du marché
Etablissements de recherche
Commissariat à l’énergie atomique
M. Rodolphe Gelin, Responsable ligne programme Systèmes Interactifs, département des technologies des systèmes intelligents
Université de Metz
Pr. Alain Pruski
Centre Propara, Montpellier
Dr Fattal médecin chef
INRIA, Université de Montpellier 2 et CNRS
M. David Monteau INRIA, Direction Transfert et Innovation dans le domaine de la santé)
M. Serge Bernard (Chargé de recherche CNRS, co-directeur du laboratoire commun LIRMM-NXP)
Pr Michel Robert directeur du LIRMM
Pr Jean Louis Cuq président de l'université Montpellier 2
Pr Philippe Fraisse (Professeur université Montpellier 2, chef du département robotique), Philippe Poignet (professeur université Montpellier 2)
M. Sébastien Krut (Chargé de recherche CNRS)
M. David Guiraud, Directeur de recherches à l’INRIA
Mme Christine Azevedo-Coste (chargée de recherches INRIA)
M. David Andreu (maitre de conférences université Montpellier 2)
Hôpital de Garches ;
Dr Isabelle Laffont, Responsable de la plate forme nouvelles technologies
Pr Raphaël
M. Nicolas Biard, ergothérapeute
CHU Bordeaux
Pr Jean-Pierre Bebear
Handicom
M. Farah Arab
M. Hariz Mossaab
M. Olivier Meulle
M. Mounir Mokhtari
M. Wan Muzaaliff
Mme Maria Sol Perez Toralla
M. Stéphane Renouard
Centre appareillage handicapés
M. Eric Padieu, Directeur
Institut de la Vision
Pr Jose-Alain Sahel
ASSOCIATIONS
Conseil national de la compensation du handicap (CNCPH)
M. Jérémie Boroy vice-président
Association des paralysés de France :
M. Patrice Tripoteau, directeur du pôle assistance technique
Mme Malika Boubekeur
Union nationale des aveugles et déficients visuels
M Patrick Day, Chargé des relations exterieures,
Assoc. Club Handicap Ardennes
M. Jean-Luc Stareki
Association française de lutte contre les myopaties
M. Philippe Vallé
Association Nationale française des Ergothérapeuthes
M. Eric Trouvé, Président
INDUSTRIES
M. Serge Bernasconi PDG de Medtronic
M. Antoine Audry, directeur des Affaires Publiques et Reglementaires de Medtronic France
M. Jérémie Forest, Responsable Affaires Publiques
M. Antoine Audry Dir Medtronic
M. Jean Louis Divoux (société MXM)
M. Jean-Bernard Schroder (Directeur Réglementation des marchés au SNITEM (syndicat national des industries des technologies médicales).
M. Pierre Luc Bergé- Lefranc, Gérant Transadapt-services
M. Philippe Lemaire, Phitech
PARTICIPANTS À LA RÉUNION ORGANISÉE LE 24 JANVIER 2008
À CHARLEVILLE MÉZIÈRES
Mme Catherine Delmas-Comolli Préfète des Ardennes
Mme Claudette Rognier ADMR – Présidente Ardennes
Mme Elisabeth Satabin ADMR – Présidence locale et trésorière fédérale
M. Eric Mesureur Directeur MAS Auvillers
Mme Isabelle Jamotte, ergothérapeute MAS Auvillers
M. René Ficquet, Médecin généraliste
M. Jérôme Passicousset Directrice adjointe EDPAMS (Belleville
Représentant régional du GEPSO –établissements publics médicosociaux
M. Patrick Vautrelle Correspondants NAFSEP
Mme Mireille Boquillon Correspondante NAFSEP
M. Jean-Pierre Chemier Vice président Ass.familles Traumatisés crâniens
M. Jean-Marie Schutz Président AVACMA
M. Bernard Lesire APF
M. Christian JOSEPH Président UNAFAM
M. Schaffauser APF
M. Antoine APF
M. Philippe Darcq Chef de service UDAF 08
M. Igor Dupin Directeur MDPH
Mme Agnès Martinage Ergothérapeute CRFME Warnicourt
M. Fabrice Gobert Directeur Adjoint CRFA
M. Le Luhant Médecin MPR CRFA
Mme Jacqueline Perche Présidente Ass.Alzheimer
M. Benoît Beaufils Adapah
Mme Hélène Langlet Secrétaire ARESSAD
M. Claude Neuvens Président ARESSAD
M. Guy Vemgud Président GIHP Ardennes
M. Patrick Jeanmut Vice-président GIHP
Mme Marcelle Vemgud GIHP
Mme Monique Paillot Fnath
RÉUNION DU 13 MAI 2008 AVEC LE CONSEIL VILLE-HANDICAP DE BORDEAUX À L’INVITATION DE M ALAIN JUPPÉ ANCIEN PREMIER MINISTRE, MAIRE DE BORDEAUX
Membres du Conseil Ville-Handicap
Mme Danielle Quoix, présidente, Sesame autisme – Aquitaine
Mme Béatrix Alessandrini, présidente – Groupement des Intellectuels Aveugles et Amblyopes en Gironde
M. Jean-Marc Dauba Représentant le conseil départemental – Association des Paralysés de France Délégation départementale de la gironde
M. Henri Roustan, président – U. N. A. F. A. M. Union Nationale des Amis et Familles de Malades Psychiques en Gironde
M. Dominique Nadalie, président – Handisport Aquitaine
M.. Darricau, président – Voir Ensemble
Monsieur Hervé VALENTINI Délégué départemental – Association Française contre les Myopathies
M. Breton, président – Union Nationale des Aveugles et Déficients Visuels
M. Pialoux, président – Association départementale des parents et amis des personnes handicapées mentales
Mme Noèle BOISGUERIN, présidente – Association des Familles de Traumatisés Crâniens en Gironde
Monsieur Philippe Celerier, président – Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés en Gironde
Mme Lapeyre, présidente – Fédération Nationale des Accidentés du Travail et des Handicapés et des accidentés de la vie en Gironde
M. Jean-Paul Drewnowski, – président Association Girondine des Infirmes Moteurs et Cérébraux
Mr Clément, président – TRISOMIE. 21 Gironde
M. Bernard Frautschi, président – A HAUTEUR D’HOMME
Monsieur Daney, président – Institution Régionale des Sourds et des Aveugles
M. Patrick Joyeux, président – Maison des Sourds 33
M. Nolibois, président – Groupe des Aphasiques de la Région de Bordeaux
M. Paul Veerse, président – Collectif Interassociatif sur la Santé en Aquitaine
Mme Caroline Desclaux, présidente – AIDES Sud Ouest
M. Christian Arnaudin, président – GIHP Aquitaine Groupement pour l'Insertion des personnes Handicapées Physiques
Mme Irène Aliouat, présidente Association girondine des personnes atteintes de pathologies auditives
M. Laurent Balahy, président – Union Régionale des Associations de Parents d'Enfants Déficients Auditifs
M. Jean-Claude Tourdot, président Association pour la Réadaptation et l’Intégration
Madame Agnès Lagueyte, présidente – Association des familles et des amis de personnes polyhandicapées
Mme Viviane Herbin, correspondante – Nouvelle Association Française des Sclérosés En Plaques - M. Philippe Géminel, directeur
Mr Claude Foucher, président – ADAPT Gironde
Mme Viviane Saint-Dizer, secrétaire générale – Association RETINA France
Mme Bernadette Freyssignac Présidente – Association France Alzheimer Gironde
Mme Jacqueline Mezzanatto Présidente – Association Nationale de Défense contre l’Arthrite Rhumatoïde (33)
M. GOYET Président– CRDH TRANSADAPT
Mme AKTOUCHE Présidente – Association Regards et Contrastes
M. Chanteloube Président – Association Valentin Haüy
Mme Dallay Présidente – Nuage Bleu
Mme Leclerc Présidente – Autisme Gironde
II – DÉPLACEMENT AUX PAYS –BAS - 21 et 22 novembre 2007
M. Jean-Michel Gaussot, Ambassadeur de France aux Pays-Bas
Mme la Baronne Elsabe Kalsbeek Schimmelpenninck, ancienne sénatrice
M. Bart Driessen, ingénieur (Innovator healthcare robotics) à TNO (nederlandseorganisatie voor toegepast natuurwetenschappelijk onderzoeck)
M. Cretien Van Campen, représentant du SCP (the netherlands institute for social research)
M. Jean-Pierre Jarjanette, Conseiller à l’Ambassade de France
Mme Edmée Breure, attachée sectorielle à la mission économique
Drs Rob Hoogma, Administrateur de Siza Dorp Groep
M. G. Oostrum, manager sectoriel au service center de « Het Dorp » à Arnhem
III – DÉPLACEMENT AUX ÉTATS-UNIS - 3 au 8 décembre 2007
Diplomates
Ambassade de France à Washington
M. Pierre Vimont, Ambassadeur de France
M. Michel Israël, Conseiller pour la science et la technologie
M. Frederic Badey, Attaché, pharmacie et biologie
M. Hedi Haddada, attaché scientifique-
Mme Julie Lyonnard, attachée adjointe
Consulat général de France à Los Angeles
M. Philippe Larrieu, Consul général
M. Mireille Guyader, attachée scientifique
Militaires
Defense Advanced Research Projects Agency,
Pr. Colonel Geoffroy Ling, medical corps, U.S. army program manager
Walter Reed- Medical Center West Side
Hôpital militaire
Colonel Charles Scoville
Autorités médicales
DHHS- U.S. Department of Health & human services
Mrs Giannini, Directrice
Us Department of Education, office of special education and rehabilitive services,
Arthur M.Sherwood, science and technology Advisor
Instituts de recherche
NIH National Institute of Health
National Institute on Dreafness and other Communication Discorder
Dr Lana Shekim, program director, speech and voice program
Dr Roger Miller, Program director, hearing program
National Institute of Child Health and Human Development
Dr Danuta Krotoski
Forgarty International Center
Pr. James Herrington, Director
Dr Marya Levintova
John Hopkins Medicine Outpatient Center,
Dr Edward Bernacki, Executive Director of health, Safety and Environment
M Zahira Z Mc Natt, Project administrator
The Institute for Matching person & Technology,
Marcia J. Scherer, Editor
Université du Delaware
Pr. J Stanhope, Deparment of health, nutrition and exercise science department of mechanical engineering
M Havidan Rodriguez, Vice Provost for Academic affairs and international programs
Mme Carolyn A.Thoroughgood, Vice provost for research and graduate studies
Mme Betty J.Paulanka, Dean, College of health science
Pr.Lesa G Griffiths, Director, Center for international studies
Pr. Irène S. Davis, Department of physical therapy
UCLA, Mental retardation research center, mental retardation research center
Pr. Jean de Vellis, Directeur
Pr. James Waschek
Pr. Connie Hasarie
Pr. Harley Kornblum
Pr. Gary small, Directeur du UCLA Center on Aging “early detection and prevention of Alzeimer’s and Aging”
Pr. Araceli Espinosa Jeffrey, Neuroscience research Bldg
Doheny Eye Institute
Dr Stephen J Ryan Président
Pr Marc S Humayun
James Weiland Lindy Yow
Gerald Chader
Sarah Jenning
Entreprises privées
Société Hanger Ortopedic group Inc,
Thomas F Kirk, President & chief Operating Officer
AdvaMed,
Ralph F Ives, Executive Vice President & Stephen A. Hull, Senior Consultant
Medtronic,
Sven Seyffert, Health Policy and payment fellow
IV – DÉPLACEMENT EN SUÈDE - 8 et 9 Avril 2008
Swedish Institute of Assistive Technology Anna Lindstrom
M. Bernard Bedas, Conseiller social, ambassade de France
Ministère de la santé et des affaires sociales
Mme Carina Cronsioe et Mme Eva Lisskar- Dahlgren, division des services sociaux
Institut suédois des aides techniques
M. Claes Tjäder, chef de la division de recherche et de développement,
Mme Anna LindstrÖm
M. Stig becker, division des affaires internationales
Confédération des associations du handicap (HSO)
Mme Inger Nilsson, expert dans le domaine des aides techniques pour personnes ayant des handicaps psychiques, membre du conseil des usagers de l’institut suédois des aides techniques (HI), présidente de la Fédération Européenne des Associations de Familles de Malades Psychiques (EUFAMI)
Sodexho Hjälpmedelsservice (Centre des aides techniques desservant le nord de Stockholm)
Mme Brittmari Engellau, chef d’unité et Mme Birgitte Wiik, coordonnatrice du marché, information externe et marketing
Parlement suédois
M. Lars-Ingvar Ericson, député (parti du centre), membre de la Commission des affaires sociales
Coopérative JAG (association active dans le domaine de l’assistance personnelle pour personnes gravement handicapées)
Mme Anna Strimbold, juriste
Ombudsman national du handicap M. Torbjörn Andersson
M. Örjan Brinkman, Secrétaire générale de la Confédération des associations du handicap (HSO)
Entreprise Samhall (entreprise employant majoritairement des personnes handicapées)
M. Lars Lööw, Directeur des questions du marché de l’emploi
Conseil régional de Stockholm
Mme Marie Ljungberg Shött, membre du conseil régional (parti modéré), chargée des questions du handicap, présidente du conseil d’administration de l’Institut des aides techniques (HI)
M. Olle Olofsson, chef de la division des soins de proximité, administration des soins de santé du conseil régional de Stockholm
M. Bengt Haglund, chef de la division de la rééducation et des aides techniques, administration des soins de santé du conseil régional de Stockholm
Mme Elizabeth Knudsen, chargé de dossiers, division de la rééducation et des aides techniques
Mme Anne Hertzberg, chef du projet « Libre choix des aides techniques »
Entretien avec M. Tommy FRÖBERG, chef de l’unité des soins, Mme Caroline LUND, économiste de santé
Mme Inger NILSSON, expert dans le domaine des aides techniques pour personnes atteintes de handicaps psychiques, membre du conseil des usagers de l’institut suédois des aides techniques (HI) et présidente de la Fédération Européenne des Associations de Familles de Malades Psychiques (EUFAMI)
V – DÉPLACEMENT AU JAPON - 22 au 28 avril 2008
Ambassade de France
Pr. Jean louis Armant, Conseiller pour la science et la technologie
Pr. Pierre Dauchez, attaché pour la science et la technologie
Ministry of Health, Labour and Welfare
M Chinone Takao
Ministry of Internal Affairs and Communication (MIC)
Kazuma YOKOTA Deputy Director, Accessibility Division, Information and Communications Policy Bureau
National Rehabilitation Center for Person with Disabilities
Pr Fumio Eto Directeur
Dr. Suwa, Director, Research Institute
Dr. Eto, Director, Training Center
Department of Rehabilitation for Movement Functions (Dr. Nakazawa, Director)
Department of Assistive Technology (Dr. Inoue, Director)
Department of Rehabilitation Engineering (Dr. Kato, Director)
Keio University
Dr. Toshiyuki Murakami, Professor, Department of System Design Engineering
Dr. Hirona Kawashima Director, Co-mobility society research center
The University of Tokyo,
Dr. Isao Shimoyama,
Dr. Yoshihiko Nakamura,
Dr. Gentiane Venture.
Inaba lab Dr. Masayuki Inaba
Kamata lab Dr. Minoru Kamata
Sato Lab Dr. Tomomasa Sato
Nakamura Lab (Dr. Yoshihiro Nakamura
Department of Mechano Informatics, School of Information Science and Technology
Dr. Yoshihiko Nakamura
National Institute of Advanced Industrial Science & Technology (AIST)
Pr.. Naoto Kobayashi, Vice-président
Dr kozo Uto director international affairs
- Institute for Human Science and Biomedical Engineering
Dr. Yoshiaki Seki, Deputy Director, Institute for Human Science and Biomedical Engineering
-Intelligent Systems Institute
Dr. Ohba, Intelligent Systems Institute
Dr. Abderrahmane Kheddar, co-Director, Joint Japanese-French Robotics Laboratory JRL
University of Tsukuba
Dr. Yoshiyuki Sankai
Tohoku University
Pr. Massaru Uchiyama
Pr. Mitsu Koyanagi
Pr. Akinori Ito
Pr Yasuhisa Hirata
Pr. Konno
Pr. Tanaka
Dr. Masaru Uchiyama, Professor, Department of Aerospace Engineering,
Pr Kazunori
Pr Kazunori Seki
Annexe 2 - Compte rendu de l’audition
du jeudi 19 juin 2008
La séance est ouverte à 9 heures 10 sous la présidence de Madame Bérengère Poletti, Députée des Ardennes, Rapporteure de l’OPECST.
ACCUEIL
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie d’être venus assister à cette audition publique. Elle s’intègre dans la démarche du rapport que je dois présenter à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques concernant les progrès techniques et technologiques en matière de compensation au handicap. Cet auditoire constitue un panel varié puisque sont aujourd’hui réunis, outre le membre du Gouvernement qui nous rejoindra bientôt, des représentants d’institutions et d’associations, de patients, des praticiens, des chercheurs et des industriels. J’espère que cette matinée pourra alimenter notre réflexion commune et donner lieu à des observations et à des propositions que j’intégrerai dans mon rapport.
Nous abordons un problème majeur pour notre société : la place du handicap et l’attention qui lui est portée sont de plus en plus importantes dans notre pays, notamment depuis la loi de 2005. Cette loi, qui présente un certain nombre de dispositifs intéressants, n’est pas encore aboutie. Il reste beaucoup de progrès à accomplir en matière de compensation technique du handicap. Cette thématique ne se limite cependant pas aux personnes handicapées. Elle recouvre un sujet bien plus vaste qui mérite d’être approfondi car il inclut de très importants enjeux de vieillissement de la population, même s’ils sont un peu moindres en France qui connaît une démographie assez dynamique. Le problème nous contraint tout de même nous aussi à réfléchir à la manière dont nous pouvons aider la personne handicapée ou en situation de handicap à s’intégrer dans son milieu social ou familial. Le rapport aborde la question de la compensation technique de tous les handicaps, qu’ils soient moteurs, physiques, sensoriels ou liés à l’âge. Il s’intéresse également à l’ensemble des moyens mis à la disposition de la personne handicapée pour qu’elle soit mieux intégrée dans son environnement personnel, grâce à la domotique par exemple, ou public, par l’adaptation de l’espace public, afin qu’elle se repère et se déplace mieux. J’estime que de toute façon ces progrès nous concernent tous : l’individu, même quand il n’est pas en situation de handicap, parvient à mieux se mouvoir dans un espace qui lui est adapté.
J’ai eu l’occasion de constater les progrès variés réalisés dans plusieurs pays, tels les États-Unis ou le Japon dont l’espace public est particulièrement adapté à la personne handicapée. Au Japon cependant, bien que l’effort public ait été conséquent, très peu de personnes handicapées sont présentes dans les espaces publics. Cette réflexion est donc étroitement liée à l’histoire et à la culture de la société dans laquelle nous évoluons et aux origines de notre préoccupation. Les Pays-Bas et la Suède, par exemple, appréhendent la question très différemment. Je crois que nous avons dans notre pays beaucoup de progrès à réaliser. Nous les avons identifiés. Ils donneront lieu à un certain nombre de propositions de loi ou d’amendements sur les textes à venir pour permettre de faciliter l’accessibilité, l’accession aussi, de la personne handicapée à tous ces nouveaux dispositifs. Il existe également des dérèglements au niveau de la recherche, du transfert de technologie, de l’industrialisation. De nombreux problèmes sont donc rattachés à cette problématique de la personne handicapée. J’espère que nous allons pouvoir tous ensemble les aborder pendant cette matinée de travail.
La matinée sera dense. Aussi je demanderai aux intervenants d’être le plus concis et précis possible, dès lors que nous avons prévu entre 10 et 15 minutes par intervention, ce qui vous obligera à un exercice de ciblage immédiat sur la problématique que je vous demande d’aborder. L’audition publique est construite en deux parties. La première abordera les politiques conduites en matière d’aides techniques au handicap. Cet aspect me semble indispensable bien que pour ce rapport, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques m’ait demandé de privilégier les aspects scientifiques et de m’intéresser aux nouvelles technologies et aux espoirs qu’elles peuvent susciter. Mais je crois qu’on ne peut pas traiter ce sujet-là sans aborder au préalable les questions politiques et sociales qui permettent aux personnes concernées d’avoir accès ou non à ces nouvelles technologiques. La deuxième partie, plus technologique et technique, concernera donc les espoirs engendrés par la technique. Enfin, Mme Valérie Létard, Secrétaire d’Etat chargée de la solidarité, nous rejoindra pour conclure.
Je vais commencer par laisser la parole à Monsieur Gohet, Délégué interministériel aux personnes handicapées. Je lui ai demandé de nous expliquer sa mission. Comment intègre-t-on les aides techniques dans la définition de la politique du handicap ? C’est un vaste sujet. Je vous demande cependant de bien vouloir être le plus concis possible.
LA POLITIQUE CONDUITE EN MATIÈRE D’AIDE TECHNIQUE AU HANDICAP
Comment intègre-t-on les aides techniques
dans la définition de la politique du handicap ?
M. Patrick Gohet, Délégué interministériel aux personnes handicapées
Madame la Députée, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de me donner l’occasion d’intervenir dans le cadre de cette audition. Tout a commencé en 2000 lorsque la Cour de Cassation a rendu un avis très important : la fameuse décision dite jurisprudence Perruche29. Je n’entre pas dans les détails faute de temps. À la suite de l’adoption de ce texte, le parlement, et en particulier cette maison, a considéré que, quelle que soit la cause d’un handicap, la nation devait, au titre de la solidarité, assurer la compensation qu’appelle toute forme de handicap. À la suite de cette mesure législative, un bilan a été tiré de cette compensation. Ce bilan a estimé très positive l’idée que la nation, au titre de la solidarité, doive garantir la compensation à toute personne handicapée mais il s’est demandé où en était la compensation. Un état des lieux a donc été effectué, relevant ce qui était positif, ce qui l’était moins, ce qui était établi et ce qui manquait. À la suite de cet état des lieux, a commencé un travail de rénovation profonde de la législation et de la réglementation en tenant compte de ces deux textes législatifs, la loi du 11 février 2005, certes très importante parce qu’elle pose un certain nombre de principes, de droits et de procédures, mais aussi la loi du 2 janvier 2002, qui concerne les établissements et les services dédiés entre autres aux personnes handicapées et qui sont concernés par le sujet qui nous réunit ce matin. Puisque je suis le premier à intervenir, je voudrais tout d’abord dire que nous nous sommes appropriés de manière bien insuffisante la législation et la réglementation nouvelles. Il s’agit certes d’un vaste mouvement juridique difficile à appliquer du jour au lendemain. Il n’empêche que toutes les voies qu’il ouvre ne sont pas aujourd’hui clairement déterminées. Pour éclairer les échanges de ce matin, je voudrais insister sur quatre points.
Pour commencer, la loi ose une définition du handicap. C’est un point de départ essentiel qui doit inspirer toutes les politiques, notamment publiques, en matière de handicap. La loi précise que le handicap est le résultat de la rencontre entre les incapacités qu’une personne peut connaître et l’inadaptation de l’environnement. Deux éléments sont donc identifiés à la source du handicap : des causes personnelles et des causes collectives, sociétales. Et la loi entend répondre à ces deux causes. Au titre des causes collectives, la loi répond par l’accessibilité. Je laisserai le soin à M. Boroy de développer ce qui concerne la déficience auditive. D’une manière générale, la loi affirme donc en préalable que l’accessibilité est un moyen de travailler sur l’adaptation de l’environnement. Elle pose deux grands principes. Elle précise tout d’abord que l’accessibilité s’applique à toutes les formes de handicap car tout naturellement on pense plutôt au handicap moteur, même si dans ce domaine-là il reste encore beaucoup à faire. La loi entend ainsi répondre par l’accessibilité aux deux grandes familles de handicaps existantes : les handicaps de celles et ceux qui ont des difficultés pour se mouvoir dans la cité et les handicaps de celles et de ceux qui ont des difficultés pour se repérer dans l’espace ou dans le temps. La loi ajoute que l’accessibilité concerne le transport et le cadre bâti, mais également l’emploi, l’école, la vie culturelle et la vie citoyenne. Il paraît quand même essentiel qu’un jour dans notre pays, les personnes aveugles n’aient pas besoin d’un tiers pour déposer leur bulletin dans une urne. L’accessibilité est donc le premier élément de réponse.
Le deuxième point porte sur les réponses individuelles, autrement dit sur la compensation. Selon la loi, il est nécessaire d’apporter de manière individualisée et donc adaptée ce dont la personne a besoin en matière d’aide humaine, d’aide technique, d’aide animalière, d’aménagement du domicile ou du véhicule, etc. La compensation est la réponse aux causes individuelles du handicap. Avant de conclure sur les aides techniques à proprement parler, je voudrais ajouter un mot sur un autre aspect de la loi. La loi de 1975 ne disait pas autre chose en manière d’accessibilité mais elle se limitait à une incantation, parce qu’elle ne fixait pas de contraintes ni de délais. La loi du 11 février 2005 a le mérite de fixer des délais, lesquels d’ailleurs inquiètent. Elle précise qu’à l’échéance de 2015 tout ce qui transporte et accueille du public devra être rendu accessible. Autre contrainte, elle met en place un dispositif institutionnel chargé de promouvoir cette politique du handicap avec, comme pierre angulaire, la Maison départementale des personnes handicapées et, comme compagnon de route, la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, dont le directeur-adjoint est présent parmi nous. Il ne s’agit donc pas d’une loi de circonstance, comme pourrait le laisser penser la décision de jurisprudence de la Cour de Cassation, mais d’une loi de société, voire d’une loi refondatrice de la politique du handicap.
J’ai évoqué les aides techniques au sujet de la compensation. Elles ont été créées pour servir tant à l’adaptation de l’environnement qu’à la compensation individuelle dont la personne a besoin. Elles se situent donc à la croisée des chemins et représentent un outil pour ces deux domaines. Il s’agit d’ailleurs d’un sujet de fond que cette matinée va permettre d’éclairer : où doit-on placer le curseur entre ce qui relève de l’accessibilité et ce qui relève de la compensation ? La question n’est pas que théorique car le positionnement de ce curseur entraîne bien des conséquences, notamment la prise en charge financière de ce qui s’effectue au titre de la compensation et de l’accessibilité. Mais en toute hypothèse, le premier objectif de la loi est de rendre prioritaire la préoccupation de la mise en accessibilité de la cité dans toutes ses activités. Or, la mise en accessibilité demande du temps et des moyens. Tant qu’elle n’est pas optimale, il faut donc apporter la compensation de substitution nécessaire à la personne handicapée. Je pense qu’au cours de la matinée, vous aurez l’occasion de le préciser pour ce qui relève de la déficience auditive comme des autres formes de déficience car des exemples concerts sont nécessaires.
Puisque vous évoquez les aides techniques, je voudrais également aborder les nouvelles technologies, présentes dans nos échanges comme dans vos préoccupations. Elles constituent soit un moyen de faciliter l’accessibilité soit un moyen de conforter la compensation, mais elles peuvent aussi se révéler une source d’exclusion accrue si l’on ne les adapte pas au handicap dans sa diversité.
Pour conclure tout à fait, Madame la Députée, je voudrais rappeler que les aides techniques et les nouvelles technologies qui y sont appliquées peuvent aussi représenter un moyen d’approfondir la notion de solidarité. Il m’arrive de l’affirmer ailleurs, je profite de cette enceinte pour le répéter, nous devons faire davantage que de la solidarité et les moyens modernes doivent nous aider à y parvenir. La solidarité est une notion essentielle, qu’il ne faudrait en aucun cas évacuer, mais il convient de l’approfondir et de l’élargir. Elle pose en effet une relation asymétrique entre celle et celui qui a besoin et celle et celui qui offre une aide. Elle est la version laïque d’une autre notion qu’on a appelé autrefois la charité. Pour la dépasser, il faut que la personne handicapée soit considérée à l’égal des autres personnes. C’est également vrai de toutes celles et de ceux qui, dans le cadre d’une société de la diversité, se signalent par des singularités fortes. Ce regard-là doit être absolument acquis. Si elles sont bien conçues et bien expliquées, je pense que les aides techniques et les nouvelles technologies, par les facilités qu’elles apportent, par leur vocation universelle, pour le compte des personnes handicapées mais aussi de celles et ceux qui vont, du fait de l’âge, devenir dépendants, peuvent contribuer à ce changement de regard. Pour ma part j’appelle de mes vœux que nous les abordions non seulement sous un angle utilitaire mais aussi sous un angle sociétal. Je vous remercie, Madame la Députée, mesdames et messieurs.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie pour ces considérations d’ordre philosophique d’une grande justesse. Nous avons d’ailleurs insisté dessus dans le rapport qui sera présenté le 1er juillet prochain. Nous l’avons constaté, notamment au travers d’un objet très courant, dont il est souvent question quand on aborde le handicap : le fauteuil roulant. Il peut avoir différents aspects et s’intégrer différemment. Aux Pays-Bas par exemple, les fauteuils roulants sont différents de chez nous, tant par la recherche que par le design ou encore par le matériel approprié, et ils permettent aux personnes d’aller et venir dans l’espace public en suscitant un regard différent du nôtre. Cela tient probablement d’ailleurs à des causes historiques.
Je vais passer la parole à présent à Laurent Vachey qui représente Monsieur Piveteau, Directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et qui va traiter du financement des aides techniques au handicap. Ce dossier étant un peu compliqué en France, quelques propositions de simplification me sembleraient bienvenues.
Le financement des aides techniques au handicap
M. Laurent Vachey, Directeur général adjoint, Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)30
Je vais effectivement aborder un sujet beaucoup plus austère que la réflexion d’ordre général que vient de faire Monsieur Gohet : les différentes modalités de financements actuels des dispositifs médicaux. Il existe quatre facteurs de complexité liés aux emboîtements de nos systèmes actuels de financement des dispositifs médicaux.
Le premier facteur de complexité tient au fait que les dispositifs médicaux peuvent relever ou non de l’assurance-maladie. L’assurance-maladie couvre en effet, parmi les prestations qu’elle rembourse, ce qu’on appelle la Liste des prestations et produits remboursables, la LPPR, et des dispositifs médicaux de nature extrêmement variée, comme par exemple les prothèses dentaires ou les appareils d’imagerie médicale, mais il s’agit aussi de tous les produits remboursables en utilisation individuelle. Dans sa définition de ces dispositifs médicaux au sens de l’assurance-maladie, le code de la santé publique cite « tout instrument, appareil, équipement, matière ou produit à l’exception des produits d’origine humaine, destiné à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme ». Vous voyez donc que la définition est très large, elle concerne un marché de 19 milliards d’euros, ce qui représente 12 % de la consommation totale des soins et des biens médicaux. Plus de 60 000 produits sont inscrits sur la LPPR. Les aides techniques peuvent donc effectivement être considérées comme des dispositifs médicaux dans la mesure où elles couvrent aussi bien des produits inscrits dans la LPPR, comme par exemple un fauteuil roulant ou une prothèse auditive, que des dispositifs ne faisant pas partie des produits éligibles au remboursement à l’assurance-maladie, comme par exemple une barre d’appui ou une plage braille. De ce fait, le premier facteur de complexité résulte de la variabilité de la prise en charge entre l’assurance-maladie et les dispositifs propres à la compensation du handicap. En effet, d’une part, certaines aides techniques inscrites à la LPPR de l’assurance-maladie comportent un reste à charge pour la personne puisque la LPPR fixe des tarifs-plafonds et des tickets modérateurs et des taux de remboursement des produits qui sont éligibles. D’autre part, il existe d’autres aides techniques qui ne sont pas inscrites dans la LPPR. Ainsi, la première articulation complexe que nous observons tient au fait que la prestation de compensation du handicap, cette partie individuelle de la compensation évoquée par Monsieur Gohet, soit s’ajoute en complément de l’assurance-maladie quand il s’agit d’une aide technique remboursable par l’assurance-maladie, soit couvre complètement une aide technique parce qu’elle n’est pas éligible au financement de l’assurance-maladie.
Le deuxième niveau de complexité tient aux limites propres à la Prestation de compensation du handicap créée par la loi du 11 février 2005. Elle intervient en effet elle-même à l’intérieur de tarifs et de montants fixés par arrêté du Ministre chargé des personnes handicapées. Ainsi, en fonction de leur coût, certaines aides techniques ne pourront pas être couvertes intégralement par la PCH : d’une part ce sont des aides très coûteuses, d’autre part le système tient compte pour partie des ressources de la personne handicapée. La PCH peut donc, dans certains cas, couvrir la totalité de l’aide technique, lorsque l’assurance-maladie n’intervient pas, mais dans d’autres cas, venir en complètement de l’assurance-maladie et donc ne pas couvrir la totalité de la prise en charge de l’aide technique.
Un troisième niveau d’emboîtement est possible : il existe au sein de chacune des Maisons départementales des personnes handicapées ce qu’on appelle des fonds de compensation. Cette logique est intrinsèquement liée à la tradition de l’aide sociale, c’est-à-dire qu’elle examine le reste à charge pour la personne par rapport à ses ressources, et en fonction, le fonds de compensation peut venir en complément de la PCH. Imaginons par exemple un fauteuil roulant très coûteux. Si l’assurance-maladie et la PCH ne suffisent pas à en couvrir la totalité, on peut se retourner vers le fonds de compensation pour améliorer la prise en charge de la compensation de la personne.
Pour le quatrième niveau de complexité, comme l’a très bien dit Monsieur Gohet, on jongle entre la compensation individuelle du handicap et l’accessibilité. Or, la même aide technique peut relever aussi bien de la compensation individuelle que d’une démarche d’accessibilité. Un enfant qui va à l’école aura besoin d’aides techniques pour pouvoir suivre les cours, un travailleur handicapé en aura également besoin pour l’adaptation de son poste de travail. Or, la même aide technique peut servir à la fois à l’accessibilité à l’école et au travail et à la compensation individuelle du handicap de la personne. Les financements de la même aide technique peuvent ainsi s’imbriquer et se répartir entre ce qui sera pris en charge au titre de l’accessibilité (par exemple du poste de travail) et qui sera financé pour partie par l’AGEFIPH, et ce qui le sera au titre de la compensation individuelle de la personne et qui sera pris en charge par la PCH.
Il existe un dernier facteur de complexité que je m’excuse de rajouter. Les deux aspects que je viens de décrire sur la prestation individuelle et l’accessibilité sont effectivement liés à la loi de 2005 et à la compensation du handicap. Cependant, cette disposition législative ne couvre actuellement que les personnes handicapées et non les personnes âgées qui deviennent dépendantes mais qui pour autant, peuvent avoir besoin de la même aide technique qu’une personne handicapée de moins de 60 ans. À nouveau, dans ces cas-là, il existe différents systèmes de prise en charge, c’est-à-dire qu’on retombe sur le volet 1 : cela peut être éventuellement être pris en charge pour partie par l’assurance-maladie, mais pour le complément, il ne s’agit plus de la PCH mais de l’allocation personnalisée à l’autonomie des personnes âgées, globalement moins généreuse que la PCH dans ses montants comme dans son champ éligible. De ce fait, l’aide technique dont aura besoin la personne âgée devenue dépendante, si elle relève de l’allocation personnalisée à l’autonomie, sera beaucoup moins bien couverte que celle d’une personne dont le handicap aura été reconnu avant 60 ans et qui pourra bénéficier de la PCH.
Cette description d’un paysage complexe montre bien que la situation n’est simple pour personne, et en premier lieu pour les personnes concernées. Dans le cas de la compensation d’un handicap individuel, la complexité est manifeste entre l’assurance-maladie, ses propres règles d’éligibilité, de plafonds, de restes à charge, la LPPR, la PCH et ses propres règles, le fonds départemental de compensation du handicap, le partage entre ce qui va être lié à l’accessibilité et ce qui va être lié à la compensation individuelle, et enfin la barrière d’âge entre les moins de 60 ans et les plus de 60 ans. Autrement dit, des progrès restent à réaliser pour que le financement des aides techniques soit beaucoup plus simplement accessible pour les personnes concernées. C’est certainement l’un des enjeux importants de ce qui a été annoncé dans le programme du Président de la République, et que le Ministre du Travail et Madame Létard sont chargés de mettre en œuvre. C’est ce qu’on appelle la loi sur le cinquième risque, c’est-à-dire la loi sur la compensation de la perte d’autonomie. Elle a pour ambition de revisiter le champ général de la perte d’autonomie dans toutes ses composantes et indépendamment de la distinction qui existe aujourd’hui entre les moins de 60 ans et les plus de 60 ans. Elle répond à une demande forte des associations représentées au conseil de la CNSA qui s’est exprimé à ce sujet en octobre dernier : faire sauter cette barrière d’âge comme prévu dans la loi de février 2005 et imaginer une nouvelle prestation personnalisée de compensation du handicap qui couvre l’ensemble des situations de perte d’autonomie quels que soient l’âge et la situation individuelle de la personne concernée.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie. Il est vrai que la mise en place du cinquième risque suscite des espoirs de simplification et de lisibilité parce que tout cela est assez peu accessible, du point de vue de l’information aux personnes handicapées. Le rapport propose aussi un certain nombre de recommandations en faveur d’une meilleure application. Je crois savoir, pour avoir reçu une lettre du Ministre sur cette question, que le cinquième risque est a priori très lié à l’activité de la CNSA. On pourrait peut-être clarifier les choses en termes d’informations mais aussi en termes de réponses sur la remboursabilité d’un certain nombre d’aides. Je voudrais également souligner la mécanique de remboursement des aides techniques en France. Il semblerait en effet que des bases remboursables étant définies, un certain nombre d’industriels se calent sur ces bases pour fixer leur tarif. Il me semble donc que si l’on pouvait modifier aussi cette mécanique-là, un certain nombre d’aides techniques en France serait peut-être moins inflationniste. On nous a par exemple décrit l’histoire du même fauteuil, vendu aux Etats-Unis et en France, à un prix quatre fois plus élevé dans notre pays du fait de cette prédéfinition des tarifs. Il faut aussi réfléchir à ce point.
Je vais à présent passer la parole au Vice-Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées, un acteur du monde associatif des personnes handicapées, Jérémie Boroy.
Les attentes vis-à-vis de la compensation du handicap
M. Jérémie Boroy, Vice-Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)31
Je vous remercie Madame la Députée, pour votre invitation et votre accueil. Je suis effectivement le Vice-Président du CNCPH mais également le Président de l’UNISDA, association qui fédère les associations de personnes sourdes et malentendantes. J’interviens aujourd’hui en tant que Vice-Président du CNCPH qui regroupe tous les acteurs concernés par la politique du handicap, que ce soient les associations de personnes handicapées et de leurs familles, les administrations, les pouvoirs publics, les organisations syndicales, etc. Le CNCPH est en effet le reflet de la diversité du handicap en France.
En préambule, je voudrais faire une remarque sur les associations des personnes handicapées, leur rôle et leurs missions, au-delà du CNCPH. Elles représentent avant tout les usagers d’un dispositif public en train de se mettre en place. Or, le communiqué de presse qui a annoncé cette audition parle d’associations de « patients ». Si dans certaines situations, on peut effectivement parler de « patients », la réforme culturelle qu’appelle de ses vœux la loi de février 2005 cherche à sortir de cette logique exclusivement « médicale » et incite à parler plutôt de « personnes citoyennes » ayant accès à des droits et à des dispositifs publics. Toujours en préambule, je voudrais souligner deux idées fortes souvent présentes dans les prises de positions du CNCPH et qui vont revenir dans mes propos. La première est la nécessité de prendre en compte toutes les formes de handicap, que ce soit dans la politique de l’accessibilité ou dans l’organisation de la politique de la compensation. Pour pouvoir répondre à toutes ces formes, il est en effet nécessaire de donner la définition la plus large possible des handicaps, qu’ils soient plus ou moins fréquents, plus ou moins visibles, plus ou moins connus. La deuxième idée forte à laquelle le CNCPH est très attaché est la participation des personnes handicapées aux décisions qui les concernent, que ce soient des décisions politiques, c’est le rôle du CNCPH, ou des décisions individuelles. Il est très important, j’y reviendrai, d’associer le plus possible les personnes handicapées au choix des aides techniques qui les concernent. La principale mission du CNCPH est de veiller à la bonne mise en œuvre de la loi de février 2005 en particulier et des politiques du handicap en général. Cette loi repose sur un pilier collectif, l’accessibilité de l’environnement, des services publics etc. et un pilier individuel, la compensation du handicap. L’accessibilité, sur lesquelles les aides techniques ont un impact très important, doit donc permettre de prendre en compte toutes les formes de handicap et de faire en sorte que tout un chacun puisse se déplacer, communiquer, accéder à l’information et se repérer dans l’espace et dans le temps. Ce qui veut dire que les aides techniques et les nouvelles technologies doivent être pensées au service de la compensation de la personne mais aussi au service de l’accessibilité et de l’environnement. Les deux aspects sont fondamentaux. Un travail important effectué par la Délégation interministérielle des personnes handicapées a développé un réseau de professionnels de l’accessibilité mais aussi des nouvelles technologies et des aides techniques, qui fait intervenir les personnes concernées, des professionnels, des acteurs de terrain pour affronter tous les sujets évoqués aujourd’hui. Je ne m’attarderai pas sur le volet accessibilité. Je ne cite qu’un exemple, vous l’avez sous vos yeux. C’est un exemple concret d’utilisation d’une aide technique : le Vélotype, un clavier particulier qui rend accessible à tout public sur grand écran les échanges que nous avons aujourd’hui. Il entre véritablement dans le cadre de l’accessibilité. Je remercie d’ailleurs l’Assemblée nationale d’avoir installé ce dispositif.
Au sujet de la compensation, il convient de garder à l’esprit les attentes des personnes concernées, et en particulier cette demande essentielle : pouvoir accéder de la façon la plus simple aux aides techniques dont elles peuvent avoir besoin dans leur vie quotidienne. Cela suppose au minimum que l’information sur les aides techniques soit la plus transparente et la plus complète possible : tout le monde doit pouvoir avoir accès aux informations relatives non seulement à leur usage, mais aussi à leur origine, leur impact, leur prix, leur mode de fonctionnement et aux autres produits comparables. L’information doit également être la plus accessible possible : tout le monde doit être en mesure d’y accéder et de la comprendre. Il y a là tout un travail à poursuivre pour mettre en commun toutes les bases de données sur l’information afin de la rendre accessible. Cela suppose aussi, je le répète, que la personne handicapée soit associée le plus étroitement possible au choix de l’aide technique qui va la concerner, essentiellement au cours de l’évaluation des besoins dans le cadre de la Maison départementale des personnes handicapées avec des équipes pluridisciplinaires. D’une manière générale, tous les dispositifs qui interviennent pour le financement des aides techniques doivent associer la personne handicapée au choix de l’aide technique et à la validation de celle-ci une fois qu’elle est préconisée
Cet accès aux aides techniques suppose également le renforcement des formations. Ces formations aux aides techniques ne doivent pas être seulement destinées aux usagers mais aussi aux équipes qui les informent sur les choix d’aides techniques et les accompagnent dans la formulation de leurs besoins. Ces formations doivent concerner aussi les professionnels dont la mission est de personnaliser les aides techniques afin de les rendre adaptées à la situation de la personne. Il y a là tout un chantier à poursuivre. Je veux insister également sur la question des délais d’attente. La mise en place des dispositifs, notamment pour les aides au financement, prend du temps, ce qui place parfois les personnes handicapées dans des situations impossibles. Alors qu’elles peuvent avoir besoin d’une aide technique immédiatement, les procédures qui les contraignent à attendre risquent de les mettre dans des situations de handicap encore plus fortes. L’autre élément, le plus compliqué, peut-être, est le financement parce qu’il appelle des choix politiques. Bien évidemment, les personnes handicapées attendent de pouvoir accéder au financement le plus intégral possible des aides techniques dont elles ont besoin pour la compensation de leur handicap. Ce financement est fixé en condition de leurs ressources selon l’esprit de la nouvelle politique de la compensation. Il faut bien entendu mener une réflexion sur les mécanismes de la solidarité. J’espère que dans le débat qui va s’ouvrir avec la nouvelle branche de la protection sociale, on aura à l’esprit que le plus grand nombre doit pouvoir accéder aux aides techniques sans avoir à supporter de contraintes financières.
Pour conclure, je voudrais rappeler que les aides techniques doivent donc être au service de l’accessibilité et de la compensation de façon pragmatique. Peut-être ne doit-on pas fantasmer à outrance sur la technique qui pourrait régler toutes les situations. La relation humaine reste très importante. Il faut toujours tenir compte du choix de la personne, en particulier lorsqu’il s’agit d’aides techniques qui ont un impact sur son corps. Il ne faut pas fuir les débats sur ces sujets-là. Il ne faut pas non plus considérer que lorsque les personnes concernées expriment des craintes, elles refusent le progrès pour autant. Elles tiennent simplement à préserver un minimum d’humanité. Je vous remercie.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie pour ces remarques. Vous avez eu raison de souligner que la présence humaine reste tout à fait primordiale dans l’aide que l’on peut apporter à la personne en situation de handicap. D’ailleurs, l’aide technique peut aussi être adressée à l’aidant pour lui permettre d’être mieux présent auprès de la personne handicapée.
Après les aspects politiques, nous allons à présent aborder une partie un peu différente : la problématique des difficultés des entreprises qui se trouvent sur un marché spécifique. Nous avons eu l’occasion d’en rencontrer un certain nombre. Nous avons choisi ce matin de faire parler les représentants d’une PME et d’une grande entreprise. La première, Phitech, va s’exprimer à travers son directeur, Monsieur Philippe Lemaire. J’ai eu l’occasion de voir fonctionner les produits de cette entreprise au cours d’un déplacement à Bordeaux puisque les espaces publics, et notamment l’hôtel de ville, ont été équipés de ce matériel. Ce matériel, destiné à aider les non-voyants et les malvoyants, me semble très intéressant dans la mesure où il permet aux personnes de se repérer dans l’espace public. Je vais donc laisser la parole à Monsieur Lemaire afin qu’il nous expose l’activité de son entreprise mais aussi les difficultés qu’il peut rencontrer pour la faire connaître et la développer.
Les difficultés des entreprises sur un marché spécifique
- Une PME
M. Philippe Lemaire, Président de Phitech
Madame la Députée, Mesdames, Messieurs bonjour. Je suis Philippe Lemaire, le fondateur de Phitech. Phitech est une jeune entreprise innovante créée en 2004 à Nancy et qui compte six personnes. Dès 2004, nous avons commencé à travailler sur un système d’information et de guidage des personnes déficientes visuelles. Notre particularité est d’être allés dès le début à la rencontre des associations. Il s’agissait non pas de leur vanter une idée ou un produit censé révolutionner leur vie mais de leur faire valoir nos compétences en électronique ou en radio et de leur demander ce que nous pouvions faire pour elles et ce dont elles avaient besoin comme information pour faciliter le quotidien des personnes déficientes visuelles. Nous avons donc développé depuis quatre ans un système en collaboration avec ces associations.
Le système se compose de deux parties. La première consiste à installer dans un bâtiment ou un véhicule des petites balises chargées d’envoyer de l’information sur une petite télécommande dont sont munies les personnes déficientes visuelles. Pourquoi avons-nous fait ce choix ? La première demande des personnes déficientes visuelles portait sur une exigence de discrétion. Elles ont exprimé le souci de ne pas déranger les autres avec des annonces intempestives à un arrêt de bus, de train ou à un feu tricolore. Leur deuxième demande était de disposer d’une télécommande unique. Elles nous ont expliqué qu’elles étaient déjà munies d’une télécommande pour activer les annonces auprès des feux tricolores et ont souhaité ne pas être encombrées d’une profusion de télécommandes. C’est donc ce que nous avons fait. Leur troisième demande était relative à la nécessité d’un objet ergonomique et simple pour le quotidien de leur déplacement. Les personnes déficientes visuelles ont souhaité disposer d’informations sur un téléphone portable dans la mesure où elles manient aujourd’hui de mieux en mieux les téléphones portables avec des menus déroulants. Cependant, autant l’utilisation de cet outil leur est facile dans un environnement calme et tranquille, comme au bureau ou chez soi, autant, avec le stress que peut générer un déplacement, en train par exemple, il leur faut quelque chose de simple qui leur permette, en appuyant simplement sur un bouton, de disposer de la bonne information au bon moment. Dernière exigence enfin, elles ont voulu disposer des mêmes informations que les voyants, ni plus ni moins. Nous avons donc eu à traiter deux types d’informations. Pour la première, nous nous sommes occupés des panneaux d’affichages électroniques qui donnent des informations visuelles, à un arrêt de bus ou de tramway, dans une gare ou un aéroport. La balise va chercher les informations sous forme de texte, les transforme en sons grâce à un moteur de synthèse vocale et les envoie par radio sur un petit boîtier. Si elle se trouve à un arrêt de tramway, la personne non voyante, en cliquant sur le petit boîtier, va entendre dans ce boîtier toutes les informations de l’affichage électronique en temps réel. Le procédé est totalement automatique. Pour la deuxième, nous avons installé la même petite balise à l’entrée d’un bâtiment, une mairie par exemple. En arrivant, la personne va entendre, dans le haut-parleur de la balise cette fois, un message simple : « mairie » qui va lui permettre de trouver la porte de la mairie. Ensuite, nous lui délivrons toutes les informations utiles sur le petit boîtier. Nous lui expliquons la topologie des lieux en lui signalant, le cas échéant, deux marches montantes, une porte vitrée et l’accueil qui se trouve à 15 mètres devant elle. Voilà donc les informations que nous sommes capables de donner aux personnes déficientes visuelles.
Aujourd’hui, où en sommes-nous ? Nous avons développé notre produit, il est désormais totalement industrialisé. Nos premières références tournent depuis un an : nous avons équipé un réseau de tramway, des bâtiments publics tels que mairies, préfectures, CCAS, mais aussi des bâtiments privés : des magasins, des grands magasins, la Fnac, le Printemps, des centres commerciaux. Nos nombreux équipements prouvent donc que nos solutions tournent et qu’elles sont utiles dans la vie de tous les jours. Mais nos difficultés, bien réelles, sont liées à la commercialisation de notre système. J’ai deux remarques à faire à ce sujet. La première, d’ordre général, concerne toutes les jeunes entreprises innovantes. La France connaît un vrai paradoxe. Dans le domaine de l’innovation, il existe de nombreuses aides au niveau de la recherche et du développement, lorsqu’il s’agit d’embaucher un ingénieur ou un médecin par exemple. L’administration est fantastique et fonctionne très bien, que ce soit l’administration fiscale qui nous rembourse très rapidement le crédit impôts recherche ou l’Urssaf qui nous aide pour les charges sociales. Mais, lorsque nous sortons du pôle recherche et développement un produit reconnu et que nous ne disposons évidemment plus de trésorerie, nous ne trouvons aucune aide à l’embauche d’un commercial en France. Un commercial est pourtant indispensable pour aller à la rencontre des clients. Mais un commercial compétent coûte cher. En outre, il doit pouvoir se déplacer et les déplacements sont également onéreux. Or, il n’existe aucune aide à ce niveau-là. La deuxième remarque concerne aussi le plan commercial. Nous avons conscience d’intervenir sur un marché qui a un véritable potentiel, je pense plus particulièrement à l’accessibilité. Je vais prendre un exemple parmi d’autres qui va vous donner une idée du problème que nous rencontrons. En 2010, toutes les préfectures devront être totalement accessibles. Or, les préfectures et les sous-préfectures représentent environ 400 sites en France, ce qui correspond dans mon métier à environ 1 500 balises. Nous devrions ainsi pouvoir être en mesure de lancer une grande série, d’avoir des prix de revient intéressants et donc forcément de proposer une meilleure offre à la collectivité tout en conservant une bonne marge pour nous. Il nous faut bien en effet rentabiliser tous les efforts réalisés en recherche et développement. Le problème est que cela se passe autrement. Aujourd’hui, nous avons équipé la préfecture de Nancy avec cinq balises, demain il nous faudra équiper celle de Bordeaux avec à nouveau cinq ou six balises, puis il faudra continuer à Marseille et ainsi de suite. Or, il ne s’agit chaque fois que de petites commandes, de petits volumes, qui ne nous permettent pas de lancer une grande série. En outre, je vais vendre une balise à Bordeaux beaucoup plus cher qu’à Nancy parce qu’étant de Nancy, je vais devoir me déplacer, ce qui m’entraîne des coûts supplémentaires. Mais le problème principal est que je ne peux pas lancer de grande série. C’est pourquoi je milite en faveur du lancement de grands appels d’offres nationaux. Je précise que, n’étant pas les seuls à proposer des solutions pour les personnes déficientes visuelles, nous ne gagnerons pas forcément cet appel d’offres. Mais au moins, la société qui le gagnera pourra lancer de grands volumes de fabrication.
Pour terminer, je voudrais dire que, même si nous souffrons aujourd’hui de ne pas avoir suffisamment de commandes, mon métier d’entrepreneur, que j’adore, me rend très heureux. De plus, j’interviens sur un secteur fantastique. Les aides techniques à l’accessibilité sont très valorisantes pour toute notre équipe. Enfin, je suis très optimiste pour l’avenir. J’exposais la semaine dernière au Salon « Autonomie ». Ce Salon a connu une très grande affluence de visiteurs comme d’exposants. Je sens vraiment qu’un monde est en marche et je suis donc très confiant pour l’avenir. Mesdames, Messieurs, je vous remercie.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie. Votre exposé illustre bien les problèmes qu’une PME peut connaître alors qu’elle a bien cheminé dans sa recherche et dans son transfert de technologie et sa difficulté à passer à une étape industrielle qui lui permettrait de rentabiliser tout le travail effectué. Il se peut, au demeurant, qu’il y ait finalement un peu de gaspillage des aides publiques attribuées dans une première phase et qui ne vont pas jusqu’au bout de leur logique. Ces recommandations seront donc également consignées dans le rapport.
Je vais à présent passer la parole à Serge Bernasconi, PDG de Medtronic France, une grande entreprise dont l’activité porte plutôt sur les implants et l’électrostimulation. Il va nous expliquer les difficultés qu’il rencontre pour son entreprise et son activité.
- Une grande entreprise
M. Serge Bernasconi, PDG de Medtronic France
Je vous remercie. C’est un grand honneur d’avoir été invité à m’exprimer devant vous. Vos travaux redonnent leurs lettres de noblesse à la science et à la technologie. Ils permettent d’éclairer de véritables choix de société engageant l’avenir, dans un contexte où l’on accepte plus volontiers d’invoquer le principe de précaution que les promesses d’innovation. Je vous remercie donc de m’offrir la possibilité de lever le voile sur une activité relativement méconnue, celle du dispositif médical, dont les bénéfices médicaux sont pourtant importants. Si vous me le permettez, et bien que l’intitulé de votre rapport sur l’apport de la science et la technologie m’y encourage, je ne me limiterai pas à la notion d’aide technique au handicap et je m’intéresserai à la science et innovations technologiques au sens large. Tout simplement parce qu’innover c’est mettre la technologie au service de nouvelles solutions thérapeutiques. Le monde du dispositif médical en général est à l’origine de très nombreuses évolutions médicales qui ont permis de sauver des vies, d’améliorer le quotidien de millions de personnes malades ou handicapées. Je vais commencer par vous présenter brièvement les solutions que Medtronic développe en matière de compensation du handicap, puis je vous ferai le diagnostic de la manière dont, aujourd’hui, nos technologies de compensation du handicap parviennent ou non aux patients qui en ont besoin. Et comme vous me l’avez proposé, je vous présenterai les obstacles à la diffusion rapide et large des innovations que nous avons pu observer et je vous proposerai quelques pistes de progrès.
Medtronic est une société américaine née il y a environ cinquante ans par l’intermédiaire d’un ingénieur visionnaire, Earl Bakken, qui a imaginé le premier stimulateur cardiaque autonome en alimentation électrique. Toute la dynamique de l’entreprise s’est articulée autour d’une mission très clairement établie, à savoir contribuer au bien-être de l’homme en appliquant les principes de l’ingénierie biomédicale à la recherche, à la conception, à la fabrication et à la distribution du matériel, de l’appareillage qui soulage la douleur et rétablit la santé. Notre action va donc au-delà de l’aide technique au handicap, notre moteur est l’innovation médicale, autrement dit le mariage de la conscience et de la technologie avec la pratique médicale pour apporter de nouvelles solutions thérapeutiques. Ces améliorations continues naissent en général du dialogue constant entre le médecin et l’ingénieur. L’innovation ne se cherche pas dans un laboratoire mais au lit du malade. C’est ainsi que naissent de nouvelles solutions thérapeutiques qui pour certaines impacteront fortement la pratique médicale, la qualité des soins mais aussi leur organisation. Nous intervenons dans un certain nombre de pathologies. Elles comportent des handicaps physiques et psychologiques lourds qui peuvent être particulièrement désocialisants. Nous intervenons dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, dans les pathologies du rachis, notamment les troubles traumatiques et les formations de tumeurs, traités grâce à des techniques chirurgicales mini invasives qui permettent de restaurer rapidement la mobilité et combattre la douleur. Nous intervenons dans le diabète avec des pompes à insuline et des détecteurs de glycémie permettant de faciliter le quotidien des diabétiques. Nous intervenons dans les handicaps neurologiques, tels que la maladie de Parkinson, les mouvements anormaux, la dystonie, le tremblement essentiel. Nos dispositifs envoient des impulsions électriques à des sites spécifiques du système nerveux par stimulation cérébrale profonde. Nous traitons les incontinences avec des techniques de neuromodulation pour compenser ces handicaps fortement désocialisants qui représentent la première cause d’institutionnalisation de personnes dépendantes en France. Notre contribution médicale et notre expertise en matière de compensation du handicap est donc réelle.
Pourtant, nous constatons encore trop souvent un écart important entre les technologies médicales disponibles et le grand nombre de patients qui restent en attente. Schématiquement, on peut observer deux cas de figure. Dans le premier cas de figure, le système santé ne va pas à la rencontre des patients. Je vais l’illustrer avec les technologies de stimulation cérébrale profonde pour les parkinsoniens, les malades atteints de dystonie et de tremblement essentiel. Je vous livre quelques chiffres : 150 000 malades parkinsoniens dont 1 000 seraient éligibles chaque année à un traitement par stimulation cérébrale profonde, 1 300 malades atteints de dystonie, 100 à 400 patients par an pourraient en bénéficier, 30 0000 malades atteints de tremblement essentiel, la stimulation cérébrale profonde pourrait concerner 100 à 400 de ses patients. Au total, 400 implantations ont été réalisées l’année dernière via ces technologies, soit entre seulement 20 à 30 % des patients devant être traités. Certes, les exigences sont fortes : le niveau d’expertise médicale requis, le niveau d’équipement, la formation des chirurgiens et du personnel médical, mais le patient se retrouve aujourd’hui en file d’attente. Pour plusieurs de ses soins, le besoin n’est pas couvert. La raison n’est pas uniquement le niveau d’expertise requis mais plutôt la disponibilité de ces dispositifs en dehors de très grands centres hospitaliers de pointe et dans des conditions de remboursement accessibles à tous. Le neurostimulateur est disponible sur le plan européen depuis 2005. Depuis cette date, seulement 30 personnes avaient pu en bénéficier en France faute de remboursement. Ce remboursement est acquis depuis quelques jours. Le processus est particulièrement long, à savoir 2 ou 3 ans. Le deuxième cas de figure, c’est le patient qui ne va pas au système. C’est le cas notamment avec l’incontinence. Je vous donne à nouveau quelques chiffres. 3 à 5 millions de personnes en France seraient concernées par l’incontinence urinaire. La stimulation par neuromodulation proposée par Medtronic a été appliquée pour 900 patients en France alors que le nombre de patients directement impliqués est estimé à 400 000, soit 1 pour 450. Pour l’incontinence fécale, 153 patients ont été traités par la technologie Medtronic en 2007 contre probablement 300 000 impliqués. Plusieurs facteurs s’accumulent : les tabous qui pèsent sur ces handicaps, les patients qui préfèrent rester en marge du système de soins, une méconnaissance de ces technologies. Cet exemple illustre à quel point notre système de santé n’est pas orienté vers la thérapie. Un produit peut être validé techniquement, avec une reconnaissance du milieu médical, il peut être tarifé avec une reconnaissance des bénéfices médico-économiques par les instances réglementaires. Le patient existe et son besoin d’être identifié médicalement est justifié mais pour autant il n’existe pas nécessairement l’organisation des soins qui permette de faire levier. Notre système de santé se satisfait d’une confusion permanente entre validation d’accès aux technologies d’un côté et diffusion des thérapies de l’autre. Si le régulateur, qui doit apposer son tampon sur un dossier, ne sent pas la nuance, le patient ou la personne handicapée, elle, la subit. Au final, trop de patients sont exclus des thérapies nouvelles. Or, les retards ne se rattrapent pas. Faute de diffusion rapide et efficace des technologies innovantes, l’offre de soins en France aura tendance à se dégrader par rapport aux autres pays d’Europe. Avec le temps, l’innovation perd de sa valeur. Il faut faire attention à ne pas briser les dynamiques d’investissements.
La deuxième observation sur laquelle je voudrais insister et qui ne va pas améliorer le constat précédent est la trop grande méconnaissance de nos spécificités en innovation médicale et en particulier celles de l’innovation permanente. A titre personnel, dans le secteur de la pharmacie j’ai pu découvrir à quel point le système français était modelé pour des caractéristiques réglementaires à la molécule de médicament. Le dispositif médical est un monde très différent. C’est un secteur d’activité jeune, très morcelé - 80 % de PME - et très varié - plus de 10 000 produits différents. Son cycle de vie est très court : des produits qui durent à peu près 18 mois, avec une innovation construite sur les nouvelles connaissances médicales et scientifiques. Je voudrais poser la problématique de l’évaluation, des formations intensives des professionnels de santé, le dispositif médical. Le domaine du médicament est très différent. Il y a une très grande fluidité entre recherche et développement et mise sur le marché. A titre d’exemple, deux tiers des portefeuilles thérapie de Medtronic ont moins de deux ans de durée de vie. Le premier impératif pour le secteur du dispositif médical consiste donc à fluidifier, valoriser et accompagner l’innovation. Nos technologies interviennent sur des pathologies lourdes, invalidantes, engageant le diagnostic vital, souvent sans alternative. Chaque retard, chaque barrière à la diffusion des technologies est une perte de chance pour les patients. Notre deuxième impératif, c’est que la spécificité du dispositif médical soit prise en compte pour éviter les phénomènes d’inertie d’un système qui n’est pas adapté.
Concrètement, je vais identifier deux principaux obstacles auxquels nous sommes confrontés. En France, les soins des médicaments nous inscrivent naturellement dans le système de l’ « evidence based medecine »32. Je précise d’emblée que l’ambition de tendre vers un tel niveau de points doit être clairement levée. Pour autant, du fait de la spécificité du dispositif médical, il nous semble indispensable de créer les conditions d’un accès rapide et raisonné au patient, un peu dans la logique de ce qui a été imaginé pour les médicaments. Si j’évoque les pièges de l’evidence base medecine, c’est simplement parce que nous constatons qu’il s’agit d’une méthode d’évaluation appliquée à l’innovation technologique. Elle actionne davantage un réflexe d’opposition, le fameux principe de précaution, et elle ne permet pas de prendre des décisions raisonnées et balancées. C’est ainsi que le système se grippe alors que par ailleurs les patients restent en attente pour disposer des dernières innovations technologiques. Nous préconisons donc une évaluation adaptée des technologies médicales. Pourquoi ne pas concevoir une étape intermédiaire entre mise sur le marché et prise en charge élargie ? On pourrait s’appuyer, en première analyse sur un niveau de démonstration raisonnable, dans un cadre prédéfini en commun. Cela permettrait de valider définitivement les premiers résultats puis de mesurer les impacts sur l’organisation, ce qui n’a pas été commencé. Des solutions de ce type existent déjà, tel le Soutien aux Technologies Innovantes et Coûteuses. Elles sont aujourd’hui considérées comme des programmes de soutien dédiés à des spécialistes. A notre sens, si l’on veut donner un signal positif à l’innovation, il y aurait tout intérêt à passer d’un mode de programme spécifique à un mode plus global.
L’autre élément est le nombre important d’interlocuteurs et les délais. En raison de la complexité du système et de la multiplicité des interlocuteurs - HAS, Ministre de la Santé, DSS… - les délais s’accumulent. Dans le cas le plus simple, à savoir un produit inscrit à la LPPR, il faut compter aujourd’hui à peu près 400 jours contre les 180 jours prévus par la loi. L’innovation technologique est bien souvent indissociable de l’évaluation d’un acte médico-chirurgical. Or, l’inscription sur la CCAM d’un acte spécifique prend aujourd’hui plus de trois ans. De fait, plusieurs innovations majeures et reconnues comme telles par la HAS se retrouvent bloquées pour une évaluation rapide correspondant à son inscription à la CCAM. Ces délais sont incompatibles avec la notion d’innovation. La complexité du système et l’insuffisance de corrélation entre les différentes instances sont des obstacles majeurs à un accès légitime et rapide du patient à un dispositif médical innovant. Il convient donc de mettre en place un guichet qui couvre l’ensemble du périmètre d’évaluation du produit, du tarif etc. Ce guichet unique jouerait le rôle d’arbitre en garantissant la coordination entre les différents acteurs et le respect des délais réglementaires. Il ne se contenterait pas de valider mais s’efforcerait d’accompagner les innovations par le biais de recommandations professionnelles, de formations continues, d’ouvertures de centres importants si nécessaire en mettant en place un financement attractif. En un mot, il garantirait la logique de la mission du service public, en validant un dispositif dont il considère qu’il comporte un service médical élevé, et en s’assurant que ce bénéfice médical soit diffusé. Un processus accéléré, cadré, dérogatoire pourrait être envisagé pour les cas qui le justifient. L’objectif serait que les modalités d’utilisation et de tarification, après publication au Journal Officiel, soient définies dans un délai inférieur au délai réglementaire. Ce processus suivrait des principes d’éligibilité bien définis, selon que le pronostic vital du patient est en jeu ou qu’il est garanti avec une prise en charge existante. Disposer d’une telle option est une nécessité sinon réglementaire, du moins éthique dans l’absolu.
Pour autant, je voudrais aujourd’hui insister sur le message suivant. Notre priorité est d’obtenir un respect global des délais règlementaires de droit commun actuellement en vigueur, à savoir les 180 jours pour les produits, et de l’étendre aux facteurs de diffusion que sont l’acte et les tarifs prestataires d’hospitalisation. Car l’innovation apporte à tous les domaines. Elle apporte au système de santé une valeur sociale en améliorant la qualité et l’efficacité des soins. Elle apporte au patient une valeur médico-sociale pour ses bénéfices médicaux mais aussi en matière de confort, de qualité de vie et de réinsertion sociale. Elle apporte au niveau national une valeur socio-économique en améliorant productivité et compétitivité de notre système de soins, investissement des nouvelles technologies et de la recherche et développement des acteurs économiques. En tant qu’industriel, il est de notre responsabilité d’ouvrir le champ des possibles sur le plan technologique et de vérifier qu’elles correspondent aux contraintes actuelles de notre système de santé. Il en va également de notre passion d’ingénieur, de développeur de technologies et de la mission de notre entreprise tout entière dédiée aux patients. Demain, nous développerons de nouvelles solutions qui libèreront le patient de ses contraintes quotidiennes liées à ce dispositif. Nous développerons davantage l’alliance entre la biologie et les technologies de l’information pour mieux communiquer avec le patient et assurer un continuum entre le diagnostic et le traitement. En parallèle aux défis technologiques et scientifiques, la responsabilité du politique est d’encourager l’innovation en jouant notamment sur les trois domaines impératifs à diffusion de la technologie : un financement spécifique attractif pour les différents acteurs, une organisation sanitaire adéquate, un intérêt collectif. C’est bien dans cet esprit que Medtronic salue les travaux de l’Office et l’intérêt porté aux problèmes de l’innovation. Medtronic s’engagera à vos côtés. En effet, en tant qu’acteurs de l’innovation, nous voulons valoriser les apports de l’innovation et favoriser l’adaptation du système aux révolutions des services. En tant qu’acteurs de la politique de santé, nous souhaitons éclairer les débats sur ces sujets et accompagner le décideur de notre expertise. Je vous remercie.
Mme Bérengère Poletti
Merci beaucoup. Je crois que nous avons bien fait de vous avoir invité. Vous aviez un certain nombre de messages à faire passer, comme d’ailleurs Monsieur Lemaire.
A présent, nous avons prévu d’ouvrir pour une demi-heure environ une discussion avec la salle. Je vais donner la parole à présent à Monsieur Gohet, Délégué interministériel aux personnes handicapées, pour qu’il puisse réagir à ce qu’il vient d’entendre.
Débat
M. Patrick Gohet
Je vous remercie. Je voudrais revenir sur les deux dernières interventions que j’ai trouvées très importantes. Il s’agit en effet d’un secteur dans lequel l’entrepreneur n’est finalement pas aussi présent qu’il devrait l’être. Mais ce n’est pas de son fait, c’est très largement du fait de l’organisation générale. Les propos de Monsieur Lemaire m’ont fait penser aux spécificités du marché des aides techniques. Il y a quelques années, la Délégation avait ouvert le feu en réalisant un travail sur le sujet. C’est d’ailleurs Madame Kompany, chargée de mission et chef de cabinet auprès de moi, ici présente, qui l’a conclu. Ce marché offre principalement deux caractéristiques. Tout d’abord, malgré son potentiel de développement, il reste relativement étroit en France. Vous l’avez signalé et vous nous en avez expliqué les conséquences. Mais c’est un marché qui est sans doute amené à se développer, ne serait-ce que par les phénomènes de dépendance liés à l’avancée en âge et à l’espérance de vie accrue. La deuxième caractéristique de ce marché est d’être en permanence bousculé, du point de vue de l’offre, par les évolutions technologiques. Notre étude avait souligné que celles-ci créent une aspiration à toujours aller plus loin dans le mieux-être, alors que certaines réponses aux problèmes des handicapés pourraient être trouvées en aménageant des solutions ordinaires. La CNSA a d’ailleurs mis en place un Observatoire des aides techniques. Il sera très intéressant de voir ce qui ressortira de ses travaux dans la durée.
Ma dernière remarque s’adresse à Monsieur Bernasconi, dont les propos m’ont vivement intéressé. Vous avez tout d’abord rappelé que le handicap est une réalité qui fait progresser les choses. Vous avez à juste titre mis en garde contre les excès du principe de précaution. Il est un peu antinomique avec les fondamentaux de la vie, qui est faite aussi d’aventure et de risques. L’important c’est de préserver l’équilibrer entre ces deux aspects, alors que notre société a tendance à étouffer l’un par l’autre. En vous écoutant, je me disais que votre aspiration à davantage d’efficacité, de lisibilité et de simplicité nous concerne tous, le CNSA au premier chef, mais aussi les Maisons départementales etc. Vous n’avez pas tort de considérer que les procédures sont longues, compliquées et touffues. Tout à l’heure, Jérémie Boroy a évoqué le réseau que la Délégation a créé pour rassembler tous les acteurs. J’aimerais que vous nous y rejoigniez pour interpeller tout le monde sur ces questions. Nous nous appuierons évidemment sur votre très important rapport, Madame la députée, que ce groupe aura d’ailleurs l’audace de s’approprier pour venir « tarabuster » tous les acteurs. Je crois que nous devons réussir à réconcilier trois cultures : la culture de l’ « usager », pour reprendre le mot de Monsieur Boroy, la première que l’on doit avoir présente à l’esprit, la culture du producteur et la culture de l’administration. Je ne mets aucune connotation péjorative derrière chacun de ces termes. Chacun de ces acteurs a sa culture, son histoire et assume ce qu’il est mais tous doivent pouvoir se rejoindre et s’accorder. Je suis très désireux de travailler dans ce sens dans les différentes instances qui le permettront et notamment dans le cadre de ce réseau. En matière de politique du handicap, il n’est pas suffisamment question des apports de l’acteur économique, l’entreprise. Cette politique est souvent abordée sous l’angle social, ce qui est normal, mais je crois qu’elle doit l’être aussi sous l’angle économique et que le débat doit être enrichi par ce moyen-là.
M. Serge Bernasconi
Je vous remercie pour cette excellente synthèse. Je serais très content d’en discuter plus longuement avec vous. Je crois que notre frustration actuelle vient du fait que nous travaillons dans des domaines qui peuvent apporter énormément au handicap et qui évoluent très vite. Or, le système ne suit pas la rapidité de l’évolution des technologies. Et, au bout du compte, bien plus que la société, ce sont les patients qui en pâtissent le plus. Je parle énormément avec eux. Et notre frustration s’accroît du fait qu’un certain nombre de pays autour de nous ont compris l’importance de donner un accès gratuit aux nouvelles technologies. Nous avons la chance d’être une société multinationale, aussi voudrais-je rester optimiste, mais il me semble qu’il s’agit du problème le plus critique.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie pour cet échange important. Je laisse la parole à Monsieur Vachey pour qu’il réagisse à son tour à ces remarques.
M. Laurent Vachey
Je voudrais apporter un élément supplémentaire d’information qui fait le lien avec les propos de Monsieur Boroy. Il existe effectivement aujourd’hui un vrai problème d’information autour des aides techniques. Il faut que les personnes concernées au premier chef mais aussi celles qui seront amenées à l’être puissent avoir simplement connaissance des aides techniques existantes et de la manière d’y accéder. C’est l’un des sujets dont la CNSA a commencé à s’emparer par la création d’un Observatoire des aides techniques. Il ne s’agit pas d’une instance administrative puisqu’il n’a aucun pouvoir en matière d’instruction, de tarification, de champ réglementaire autour des aides techniques. C’est simplement un lieu de réunion des différents acteurs, usagers, industriels, instances administratives qui ont à attribuer des aides techniques, pour assurer de la visibilité autour de ce qui existe.
Nous avons par exemple constitué une base de données sous la forme d’un portail unique qui fédère les trois principales bases d’aides techniques existantes en France aujourd’hui. Ce portail permet, avec un langage de transaction simple pour tous, d’accéder par Internet à une information sur les aides techniques existantes. Il peut s’agir par exemple, pour le geste essentiel de se laver, de trouver une aide technique pour accéder à une douche. Grâce au menu déroulant et à cette interrogation en langage naturel, on arrive progressivement sur un ensemble de fiches élaborées par les trois partenaires qui se sont fédérés dans ce portail unique. Ces fiches décrivent l’ensemble de ces aides techniques et rendent toute l’information accessible : leur mode d’emploi, leur tarif, leur remboursement ou non par l’assurance-maladie. Il s’agit donc d’un premier outil d’information qui, vu la disparité du paysage et, comme je le disais, l’extrême diversité des aides techniques, permet à tout le monde, aussi bien à l’usager pour ses propres besoins, qu’à une MDPH qui doit faire une évaluation de besoin d’une compensation d’une personne, de disposer de l’information la plus large possible.
En outre, par ce biais, nous essayons aussi de décrire certaines caractéristiques de marché. Vous citiez par exemple, madame la députée, le problème du fauteuil roulant. Ce problème a effectivement été évoqué par de nombreux acteurs directement concernés, notamment des associations d’usagers, à propos du prix de ce matériel en France et de son accessibilité. L’Observatoire des aides techniques en a fait l’un de ses produits traceurs. Nous allons mener une enquête dans l’ensemble des pays européens pour repérer quels sont aujourd’hui les types de fauteuils roulants disponibles dans ces différents pays et à quelles conditions pour les usagers. Nous sommes bien conscients que ce travail est très vaste. Nous aurons de nombreux sujets à aborder. Il constitue en tout cas un début de réponse à ce besoin important de transparence autour des aides techniques.
Mme Bérengère Poletti
Merci Monsieur Vachey. Le recensement de l’ensemble des aides techniques est effectivement un début de réponse très important. Cependant, Internet a beau être un outil merveilleux, quand une personne handicapée cherche une aide technique, elle a avant tout besoin de l’étude de l’adaptation de cette aide à son cas particulier. Je signale un outil intéressant qui s’est développé ces derniers temps, mais pas encore suffisamment : les CICAT (centre d’information et de conseil sur les aides techniques). Il serait souhaitable qu’ils se développent au niveau de toutes les régions, peut-être même dans certains départements particulièrement peuplés où sont présents des structures et des ergothérapeutes. Ces outils permettent d’apporter un conseil personnalisé à la personne handicapée. Cette dimension humaine du conseil est à mon sens indispensable. Cela étant, l’Observatoire représente déjà une avancée importante.
Je voudrais à présent que la salle réagisse aux interventions de ce matin.
De la salle (M François Guillaume, Ancien Ministre, Conseiller régional de Lorraine)
Merci Madame la Présidente. Je suis François Guillaume, Conseiller régional. Je m’intéresse aux petites entreprises innovantes et j’essaie de les soutenir en leur obtenant des aides voire un soutien pour les faire connaître.
Il se trouve que j’ai été amené à rencontrer Monsieur Lemaire. Il cherchait quelqu’un qui puisse l’aider à faire connaître son entreprise et son produit à des collectivités publiques et privées. J’avoue que la nature du produit en question, permettant sinon d’effacer du moins d’atténuer le handicap, était particulièrement motivante. J’ai donc répondu avec beaucoup de plaisir à sa demande. Il m’a indiqué lui-même un certain nombre de difficultés rencontrées par toutes les entreprises innovantes, dont la plupart sont des petites entreprises. Ces difficultés sont classiques et bien connues.
La première est de se faire connaître. Il ne s’agit en effet pas seulement d’inventer des produits, encore faut-il les faire connaître. La deuxième, comme l’a évoquée Monsieur Lemaire, est de pouvoir bénéficier d’aides à l’embauche de commerciaux. J’ajoute que les banques se montrent souvent réticentes en dépit de tous les systèmes de capital-risque mis en place, etc. Elles demandent généralement des garanties personnelles, alors que les patrons de ces petites entreprises n’ont justement pas grand-chose à proposer. Mais au-delà de ces difficultés, je signale que sur le produit en question, on s’adresse de manière générale aux collectivités publiques, mais aussi privées qui sont beaucoup plus sensibilisées que par le passé au problème du handicap. En général, leur première réaction consiste à essayer de répondre au problème posé par les handicapés moteur. Des équipements sont donc mis en place pour permettre l’accès aux bâtiments publics et privés, mais les handicapés visuels sont trop souvent oubliés. Peu de réponses sont apportées pour eux.
Je reviens sur la première difficulté : se faire connaître et faire apprécier le matériel présenté. J’estime que celui que propose Monsieur Lemaire est particulièrement performant. D’autant qu’il a pris soin de prendre contact avec les handicapés visuels et de leur demander quels étaient leurs besoins, avant de chercher des réponses adaptées. En revanche, non seulement le marché est étroit, comme il a été rappelé tout à l’heure, mais en plus il est éclaté, ce qui ne facilite pas les contacts. C’est pourquoi nous nous sommes efforcés de sensibiliser des grandes administrations. Nous avons par exemple écrit à Michelle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur. Nous lui avons expliqué que si les préfectures devaient être équipées, il serait souhaitable d’envisager un appel d’offres global pour l’ensemble des préfectures et sous-préfectures du pays, plutôt que d’obliger les intéressés à se rendre dans chacune d’elles pour expliquer et commercialiser leurs produits. Avec les municipalités, le problème est du même ordre, voire encore plus difficile. Le fait que je connaisse un certain nombre de maires de grandes cités m’a permis d’établir des contacts avec quelques résultats. Il n’empêche que la nécessité de se déplacer sur l’ensemble du territoire pose toujours le problème des moyens. Nous avons également pris contact avec Madame Pécresse, Ministre de la Recherche, qui nous a donné une réponse sympathique mais peu efficace. C’est la raison pour laquelle, à la suite de cette réunion et de votre rapport, Madame la Présidente, nous espérons que ces administrations, et notamment les ministères, réagiront. Il faut savoir que par ailleurs nous commençons à obtenir des réponses plus collectives et plus générales de la part d’établissements privés. C’est important pour le développement de la production et surtout pour la réduction des coûts qui permettront un accès à ces matériels beaucoup plus large dans l’avenir.
Mme Bérengère Poletti
Merci Monsieur Guillaume. J’espère que ce rapport pourra effectivement générer un certain nombre de changements.
De la salle (Monsieur Richard Cepi – CFE-CGC)
Bonjour. Je suis Richard Cepi, je représente la CFE-CGC. C’est en tant que personne handicapée que je voudrais intervenir. Je participe à des commissions techniques de travail au CNCPH, et à l’heure actuelle mon entreprise est en train de développer des conditions de travail professionnelles. La difficulté principale à laquelle nous nous heurtons est la connaissance des techniques utilisables mais aussi leur compatibilité. Il existe aujourd’hui une profusion d’équipements liée aux efforts actuels de recherche et de développement qui évoluent très vite. Ils sont fondés sur des technologies parfois différentes et ne sont pas toujours compatibles entre eux. Si bien que pour trouver une aide relativement simple et utilisable dans différentes conditions de vie ou différentes conditions professionnelles, il serait souhaitable de pouvoir la tester et même de l’essayer. Or, aujourd’hui les industriels et les distributeurs vont vite pour faire du chiffre d’affaires. Ils ne proposent que très peu de solutions concrètes, parfois seulement des locations. Ainsi, il nous arrive de nous retrouver face à des choix peu logiques, qui se révèlent par la suite inadaptés et que nous avons pourtant payés. Je prends l’exemple des boucles magnétiques. Dans cette salle, compte tenu des murs et de la construction du bâtiment, ce type de boucle ne fonctionne pas. Je demande donc aux industriels et aux gens qui innovent de nous aider, nous, personnes handicapées, en nous permettant de tester ce matériel. Comme l’a rappelé Monsieur Boroy, nous sommes les premiers concernés et la même solution n’est pas automatiquement adaptée à chacun de nous. Le handicap est lié à la personne, à la façon dont elle le vit, à son histoire. Il n’existe pas de solution standard.
Mme Bérengère Poletti
Vous soulevez effectivement une difficulté importante. Monsieur Lemaire nous a expliqué qu’il avait travaillé à son produit avec des associations de personnes handicapées. Cette logique me semble être la bonne.
Monsieur Guiraud, vous avez la parole.
M. David Guiraud
Je suis directeur de recherche à l’Inria. Je dirige une équipe qui travaille sur les neuroprothèses. Je voudrais réagir à l’intervention de Monsieur Bernasconi, dont je connais très bien l’entreprise. J’ai deux questions d’ordre général.
En préalable, je rejoins de nombreux points de l’analyse, notamment sur les neuroprothèses. Il me semble toutefois que, malgré l’émiettement, l’effet de concentration reste relativement important. Certaines solutions de neuroprothèses sont connues pour être détenues par des monopoles et il existe un problème de propriété intellectuelle.
Que pensez-vous de l’idée de se diriger vers une normalisation dans le domaine de la neuroprothèse afin qu’un jour puissent émerger, comme pour les médicaments, des neuroprothèses génériques et qu’il puisse y avoir de la concurrence dans ce domaine ?
Ma deuxième question porte sur le lien avec les besoins des patients. Je voudrais tempérer vos propos. Vous connaissez très bien l’exemple du rondcarré que vous avez commercialisé depuis longtemps et qui est donc différent du produit Phitech. Plusieurs patients s’y étaient montrés réticents en raison de l’invalidité provoquée par la pose de la neuroprothèse, je pense à la coupe des racines sacrées par exemple. Vous vous souvenez également des discussions suscitées par l’implant cochléaire avec les associations de sourds, certains patients l’acceptant mal pour des raisons culturelles. Aussi, comment entendez-vous intégrer à l’avenir les préoccupations des patients, qui, a contrario de ce que vous avanciez, voient dans la technologie des risques de perdre des possibilités pour le futur ?
Pour la première question, vous connaissez la situation dans votre entreprise puisque vous êtes en concurrence sur les pacemakers et en monopole sur la DBS. Quelle est donc votre façon de voir les choses ?
M. Serge Bernasconi
Je vous remercie pour ces questions. La première porte donc sur la nécessité de se diriger vers une approche générique dans un certain nombre de nos domaines. Il faut savoir qu’en tant que société, nous voulons continuer à pouvoir investir. D’ailleurs, nous investissons énormément. Nous essayons de conserver pendant un certain temps le produit sur lequel nous travaillons sans l’ouvrir automatiquement aux génériques. De toute manière, les opportunités durent peu de temps dans ces domaines, comparés à bien d’autres, en particulier les médicaments. C’est donc généralement pendant une période relativement courte que nous pouvons utiliser notre technologie de manière exclusive. En général, les avancées technologiques finissent rapidement par devenir génériques, ce qui nous oblige à rester constamment à la recherche d’évolutions en matière d’innovation technologique.
En ce qui concerne la deuxième question, nous avons tout intérêt, et je veux le favoriser au maximum, à travailler en commun avec les associations et les personnes directement concernées par le handicap. Peut-être que par le passé nous ne l’avons pas affirmé suffisamment clairement. Il s’agit en tout cas d’une nécessité évidente pour l’avenir : travailler ensemble pour déterminer ce qui correspond le mieux aux besoins des patients. Nous essayons cependant de répondre à un besoin global. Il est certain que de ce fait, nous ne parvenons pas toujours à répondre à des besoins très spécifiques. Il est difficile de proposer du sur-mesure. Mais nous couvrons 60 à 70 % des besoins. Globalement, notre approche consiste à communiquer et échanger avec les personnes qui souffrent de handicap, de manière à améliorer nos produits. Nous ne vivons plus dans un domaine où les solutions sont imaginées par une seule personne dans un laboratoire. Elles le sont désormais grâce au dialogue et à la discussion avec les personnes concernées. Ce n’est probablement pas encore parfait mais notre volonté est d’être de plus en plus à l’écoute.
De la salle (M ric Padieu, Directeur du Centre d’études des recherches pour l’appareillage des handicapés)
Je m’appelle Eric Padieu, Directeur du Centre d’études des recherches pour l’appareillage des handicapés. En introduction, je voudrais témoigner de l’intérêt que j’ai porté aux interventions de Monsieur Lemaire et de Monsieur Bernasconi. En effet, dans les domaines qui nous préoccupent, c’est souvent le point de vue des usagers qui prévaut, et heureusement parce qu’il est primordial. En revanche, le point de vue des industriels est rarement entendu. Est-ce dû au fait qu’ils sont souvent taxés de mercantilisme ? Je ne rentrerai pas dans ce débat-là. Ce qui est néanmoins essentiel, c’est qu’ils investissent dans des technologies pour répondre aux besoins des usagers.
Je voudrais élargir le débat qui a été lancé par Monsieur Boroy sur les questions de l’aide auditive, par Monsieur Lemaire puis par Monsieur Guillaume sur celles de l’aide visuelle, et par Monsieur Bernasconi sur celles des neuroprothèses. Je pense que, de manière générale, la France manque de cohérence par rapport aux autres pays pour tout ce qui concerne la recherche et le développement. Le terme essentiel de « normalisation » a été prononcé. On ne peut que constater que les pays où le handicap est correctement pris en charge s’investissent énormément dans le domaine de la normalisation, que ce soient les pouvoirs publics ou les industriels. Les pays du nord de l’Europe sont souvent cités en exemple pour la prise en charge du handicap. Or, j’ai observé par exemple que parmi les groupes ISO des aides techniques à la marche que nous avons accueillis il y a quelques mois au CERAH, la moitié de la vingtaine de participants venait de petits pays comme la Finlande, le Danemark, la Norvège ou encore du Japon. Les Etats-Unis étaient étrangement absents. La France, quant à elle, était représentée par nous, c’est-à-dire un petit établissement de l’administration, mais les industriels étaient absents. Je donne cet exemple pour évoquer le problème plus général de la compatibilité technologique. Il en a été question à propos des aides auditives avec les boucles magnétiques par exemple. Des normes émergent et si les industriels n’investissent pas du temps dans les groupes de normalisation internationaux, ils ne les connaîtront pas et ne feront pas entendre leur solution dans le concert international. Ainsi, le coût de revient d’une solution, peut-être géniale au demeurant, ne sera jamais amorti par un grand marché. Il me semble donc essentiel que les industriels et les administrations s’intéressent à la normalisation.
Pour terminer, je voudrais lancer un appel en signalant que le groupe de travail interministériel de normalisation, piloté par le Ministère du Travail, le SCAPI, déplore régulièrement que les pouvoirs publics français et les industriels français ne s’investissent pas suffisamment, et que nous nous faisons dépasser par nos concurrents.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie. Quelqu’un d’autre souhaite-t-il intervenir ?
De la salle (Mme Malika Boubekeur, Association des paralysés de France)
Je suis Malika Boubekeur, de l’Association des paralysés de France. Je voulais réagir à l’intervention de Jérémie Boroy concernant les attentes des usagers. Je voudrais simplement que ne soit pas oubliée une partie des usagers qui aujourd’hui n’intègrent malheureusement pas le nouveau dispositif PCH (prestation de compensation du handicap). Je pense aux bénéficiaires de l’allocation tierce personne, qui dans le cadre de leurs droits, ont décidé de garder le bénéfice de cette allocation et qui, de ce fait, n’ont pas accès aux autres éléments de la prestation de compensation pour les aides techniques, notamment à l’aménagement du logement ou du véhicule. Ainsi, ils n’ont même pas accès au fonds de compensation qui leur permettrait de couvrir l’éventuel reste à charge, si l’aide technique est déjà prise en charge dans le cadre la LPPR. Ce n’est d’ailleurs même pas le cas, parce que la majorité de fonds de compensation a des critères d’entrée très restrictifs, pour des raisons évoquées tout à l’heure, à savoir leur esprit encore lié au concept d’aide sociale. Je souhaiterais donc que nous n’oubliions pas ces bénéficiaires, aujourd’hui exclus du dispositif d’acquisition des aides techniques.
M. Jérémie Boroy
Pour aller dans le même sens, je tiens à rappeler également que les personnes handicapées hébergées en établissement n’entrent pas non plus facilement dans le circuit des MDPH (maisons départementales du handicap) aux aides techniques. Il convient donc d’élargir le périmètre pour ces personnes qui en ont autant besoin que les autres.
Pr Jean-Pierre Bébéar
Je voulais simplement revenir sur le problème technologique, pour rappeler aux scientifiques et aux constructeurs que la technologie a beaucoup avancé depuis dix ans et que nous pouvons en faire profiter nos malades, parce que depuis trente ou quarante ans les laboratoires de recherche ont beaucoup travaillé sur ces questions. Pendant longtemps nous prêchions dans le désert à propos du matériel. Cela fait quarante ans que j’entends parler des neurostimulations auditives et motrices. Le problème n’est pas récent.
Je voudrais faire une deuxième remarque. Nous disposons effectivement maintenant de la technologie mais elle concerne une petite cohorte de quelques milliers de malades, sans commune mesure avec les 400 000 prothèses de hanche, les 400 000 cataractes, les problèmes cardiaques etc. Il s’agit donc de petites « niches » - le mot est peut-être excessif - qui font qu’on ne s’intéresse pas suffisamment à ce qu’on peut appeler les « pathologies orphelines », en tout cas rares. Le financement est donc compliqué et je comprends parfaitement les difficultés que rencontrent les petites sociétés à ce sujet. C’est donc un discours politique qu’il faut tenir et c’est pour cette raison que je me réjouis d’être à l’Assemblée nationale.
Troisième constat, j’attire votre attention sur une réalité inadmissible mais bien française. Lorsqu’un matériel de pointe tel que l’implant cochléaire a déjà été évalué par des laboratoires de recherche, il peut se passer de deux à quatre ans avant qu’il ne soit considéré de type C ou de pseudo type C. Je crois que ce problème devrait pouvoir se résoudre.
Ma dernière remarque est également d’ordre politique. Nous ne nous intéressons qu’à un petit nombre de patients mais les conséquences peuvent être considérables sur le plan socio-économique. A l’exception peut-être des stimulations pour les troubles urinaires qui touchent une population croissante en raison de l’évolution de l’âge, les autres domaines restent relativement restreints. Or, nous nous heurtons à une règle française. A partir du moment où un produit est typé, il est ouvert aux 250 000 médecins de notre pays. Il me semble aberrant qu’il existe 1 000 centres pour traiter la maladie de Parkinson pour une cohorte de moins de 1 000 malades. Il faut des équipes, évaluées régulièrement, et il faut ouvrir un certain nombre de centres. Il y a là un vrai problème au niveau de notre organisation de santé auquel il faut avoir le courage de s’attaquer. Je comprends très bien les préoccupations de l’assurance-maladie qui redoute des coûts encore plus élevés. Je ne nie pas ces problèmes bien réels de financement mais je considère qu’il est indispensable d’ouvrir le nombre de centres nécessaires et de les évaluer. Il me semblait important de poser cette problématique, madame la Présidente.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie. Monsieur Boroy a demandé la parole. Monsieur Gohet nous livrera ensuite ses conclusions avant de nous quitter.
M. Jérémie Boroy
La dernière intervention soulève bien l’une des difficultés relatives aux aides techniques. Il existe en effet deux visions du handicap. La loi de février 2005, à laquelle il a été fait référence, pose le handicap comme un sujet de société, une situation dans laquelle se retrouvent des personnes. Il existe une autre vision plus médicale, qui vise, pour faire simple, à « réparer » quand on en a la possibilité. Tout le monde ne se retrouve pas forcément dans cette vision. Il est nécessaire que nous adoptions tous le point de vue le plus global sur ces sujets. Lorsqu’une réponse d’ordre médical se révèle possible, elle ne doit pas être une fin en soi, mais s’inscrire dans un projet beaucoup plus global de société, un projet d’éducation et d’intégration de la personne. Il est fondamental d’avoir à l’esprit cette définition : les personnes handicapées ont donc un handicap ou sont en situation de handicap avant d’avoir une pathologie.
M. Patrick Gohet
Je voudrais tenir un propos complémentaire à celui de Monsieur Boroy. Il me semble que la bonne stratégie est à la croisée des chemins de tous les acteurs. La personne concernée est effectivement le premier de ces acteurs. Au fond, la loi du 11 février 2005 est un moteur pour passer d’une époque à une autre. Bien qu’on ait l’habitude de condamner les périodes qui nous ont précédés, il faut reconnaître que les trente années précédentes avaient déjà permis des progrès significatifs. A l’époque, la personne concernée remplissait méticuleusement un dossier et des experts décidaient collégialement de ce qui était souhaitable pour elle quant à son orientation, la location adéquate, la compensation qu’il fallait, etc. Aujourd’hui, nous nous efforçons de bâtir un système d’une autre nature dans lequel la personne handicapée est considérée comme une personne citoyenne. Ce n’est pas un grand mot, cela signifie qu’elle est actrice de sa propre destinée. C’est la raison pour laquelle elle est invitée à exprimer son projet de vie et à participer à son plan de compensation. La présence d’un intervenant dont le point de vue soit objectif est évidemment nécessaire. Se rencontrent ainsi l’expression d’une aspiration, la reconnaissance de besoins et l’élaboration d’un plan qui traduit un projet sur un certain nombre d’années et qui s’adaptera ensuite progressivement. Les aides techniques et les nouvelles technologies sont certainement des outils de cette évolution, parce qu’elles facilitent la vie au quotidien, les relations etc.
Je reviens donc sur le propos que j’ai tenu à l’ouverture de mon intervention. Il est indispensable que tous les acteurs de ce secteur s’approprient la nouvelle législation et la nouvelle réglementation. Or, nous n’en sommes pas là. Nous continuons de vivre sur une culture héritée d’un système antérieur qu’il faut profondément remanier. Aussi, je lance cet appel plus particulièrement aux acteurs de la formation et aux personnes qui leur sont proches : il faut exercer un véritable lobbying pour que, dans tous les domaines, cette culture-là soit incluse dans la formation, faute de quoi les promesses de la loi du 11 février 2005 ne seront pas tenues. N’ayons pas peur des mots, il ne s’agit pas d’une loi utilitaire, c’est avant tout une loi d’émancipation du citoyen handicapé. Il convient certes de tenir compte des contraintes et de l’univers propres de chaque intervenant. Mais quand on entend les différents intervenants, et en particulier les acteurs économiques, on s’aperçoit que les différentes préoccupations peuvent être conciliées, si elles ont été au préalable bien intégrées. Je le répète, c’est avant tout affaire de sensibilisation et de formation.
Puisque je vais devoir vous quitter, je voudrais vous remercier, madame la députée, et vous félicite pour cette initiative des plus opportunes qui, de surcroît, nous vient de la représentation nationale. C’est un pas supplémentaire que vous nous donnez la possibilité de franchir. Soyez-en remerciée.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie.
Nous allons entamer la deuxième partie de ces travaux en abordant des aspects plus scientifiques et techniques. Où en sommes-nous de la recherche en France en matière de handicap moteur et sensoriel ? Je donne la parole dans un premier temps à Philippe Vallé, directeur du service accueil aux familles de l’association française de lutte contre les myopathies.
LES ESPOIRS OUVERTS PAR LA TECHNIQUE
Le handicap moteur
- Les matériels
M. Philippe Vallé, directeur du service accueil aux familles, Association française de lutte contre les myopathies (AFM)
Je vous remercie, Madame la Députée, de nous avoir donné la possibilité de prendre la parole. Je risque la redite, car les différents aspects des aides techniques sont liés, et donc difficiles à isoler les uns des autres. Je vais donc me lancer dans une démonstration, avant de soumettre à la discussion une série de propositions.
Tout le monde connaît sans doute l’AFM par le biais du Téléthon. Il s’agit d’aider les familles de myopathes en trouvant tous les moyens qui permettent de mener la vie la plus ordinaire possible. Cette démarche s’inscrit dans une stratégie d’innovation : essayer d’identifier les points de blocage et les pistes nouvelles à explorer pour faire progresser la citoyenneté. Dans le champ des maladies neuro-musculaires, pourquoi a-t-on recours aux aides techniques et à la compensation ? Parce que ce sont des maladies évolutives, très invalidantes. Elles touchent des personnes en situation de très grande dépendance. Elles font appel à une large utilisation d’aides techniques à l’autonomie, de la plus simple à la plus complexe, impliquant des éléments de robotique par exemple. Elles demandent enfin de trouver des solutions pertinentes, en cohérence avec le point de vue des associations pour une participation citoyenne pleine et entière.
Je pense, dans un premier temps qu’il faut instruire le champ des aides techniques dans cette problématique de façon systémique. J’emploie souvent l’image suivante : quel que soit le bout de la pelote que l’on tire, on arrive toujours à en débobiner les autres bouts. L’économie mène au produit, le produit mène à la prescription et ainsi de suite. L’audition publique sur les aides techniques de l’année dernière, dont j’avais eu l’honneur de présenter le comité de coordination, avait adopté cette même approche. Nous devons tous garder à l’esprit ces notions de compréhension et d’expression du besoin, points de départ à la nécessité de créer ou non des produits et des services nouveaux d’information, permettant de donner à tous un même niveau de connaissance partagée, de prescription et de préconisation, impliquant les métiers du monde médical et paramédical, de fabrication, concernant les métiers de l’industrie, de distribution et enfin de tous les services qui suivent. Je vais tenter de montrer l’importance des interactions au sein de cette chaîne-là et proposer plusieurs leviers qui devraient permettre de faciliter les choses.
Je ne reprends pas la définition de la norme ISO, tout le monde la connaît. Le cadre de mon exposé sera un peu plus restrictif. Je n’aborderai pas les dispositifs médicaux de type soins, compresses, perfusions, etc. mais des aides à la vie sociale. Monsieur Boroy l’a montré, il s’agit d’une question compliquée qui se situe entre le médical et le social. Les aides médicalisées figurent dans une liste, relativement restreinte au regard de l’ensemble des autres produits qui se comptent par milliers. La problématique est de ce fait très compliquée. D’ailleurs, je ne traiterai pas de la conception des produits pour tous. Aujourd’hui, en effet, quand un fabricant tente de mettre au point un produit, il fait en sorte que ce dernier soit utilisable par le maximum de personnes. Or, si ce produit participe du marché destiné au grand public, il n’est pas reconnu comme une aide technique aux personnes. Il faut donc se battre avec beaucoup d’énergie pour faire comprendre en quoi un produit public peut être une aide technique. Je vous demande de garder cette question à l’esprit puisque, parmi les cinq leviers que j’exposerai tout à l’heure, je ferai une proposition permettant de régler ce problème. Pour simplifier, nous nous trouvons donc face à deux champs réglementaires qui induisent des stratégies industrielles et commerciales différentes. Dans le champ commercial, les aides médicalisées ont des cahiers des charges extrêmement précis, obligatoires à mettre en œuvre, mais les montants de leur remboursement sont prédéfinis produit par produit. En revanche, dans le champ industriel, seule la norme CE s’impose, dans un cadre de remboursement par domaine de compensation. Je vais m’attacher essentiellement à ce champ industriel.
Je voudrais vous soumettre à présent quelques observations qui vont vous permettre de comprendre pourquoi une association de malades s’engage dans le secteur industriel qui n’est a priori pas son domaine. Il s’avère que chaque personne aurait besoin d’un produit unique. Or, nous observons que sur les plans économique et industriel il est impossible de créer des produits à l’unité. Il convient donc de trouver des modèles qui permettent de répondre autant que possible à cette demande. En tant que représentant d’une association de personnes en situation de handicap, je ne dis pas qu’il ne faut pas répondre aux besoins uniques. Il me semble en revanche nécessaire de réfléchir à la notion de produits adaptables, sans forcément mettre à mal la conception même du produit. Le prix de vente est élevé dans ce marché en partie rendu solvable. J’entends souvent parler de DMH Sécurité sociale. Mais il existe aussi nombre d’aides techniques, et d’ailleurs parfois les mêmes, qui sont achetées dans d’autres cadres et soutenues par d’autres financeurs, en particulier le travail, l’emploi, le logement et tant d’autres. N’oublions pas ce marché-là.
Il faut se demander ce que comprend un prix de vente afin d’être en mesure de réfléchir à de nouvelles stratégies. Il comprend le coût du produit sorti d’usine, de la distribution, des services associés. Or, aujourd’hui, tous les systèmes d’observation ne permettent d’observer que le prix de vente. Ce progrès est manifeste depuis déjà trois ou quatre ans, mais il ne suffit pas. Il convient d’observer également le prix sorti d’usine et sa marge avec le prix de vente. Je rappelle une réalité française impressionnante : les produits sont très largement importés, avec des marges de distribution importantes. Très récemment, les conclusions d’un rapport public sur les dispositifs médicaux, mis en place par le Haut conseil de l’avenir de l’assurance-maladie, ont confirmé ce que nous avions nous-mêmes observé. Ce rapport montrait que ces produits entraînaient des marges avec des coefficients allant de 1 à 4 par rapport au prix d’achat. Je vous livre quelques éléments que j’ai trouvés sur des sites Internet pour vous montrer des écarts de prix sur les propositions d’un même produit tout type de handicap par des fabricants et des distributeurs pour un marché international. Pour être bien clair, je ne cherche à condamner personne. Je veux simplement souligner le fait que les prix sont la conséquence de la manière dont s’organise une société par rapport à la prise en charge des produits et que des stratégies industrielles et commerciales se mettent naturellement en place par rapport à ces prix-là. Même si le prix du change, de l’euro ou du dollar, peut bien entendu être un facteur aggravant.
De quoi un prix est-il constitué ? Les pourcentages que je vous présente là sont purement indicatifs. La partie « industrie et production » est composée de la production, du packaging, de la livraison, de l’administratif, de la recherche et du développement, l’ensemble participant du prix du produit sorti d’usine et de ses marges. La partie « distribution » comporte des marges industrielles, de l’import, puisque les produits sont largement importés, la part des grossistes et de nombreux intermédiaires et enfin celle du distributeur local. Ses différents éléments concourent au prix de vente avec ce résultat de 1 à 4. Tous les rapports qui se sont attachés à la question le confirment. Doit-on pour autant l’accepter ? Peut-on s’organiser autrement ? Il est bien entendu normal que tous ceux qui travaillent bénéficient des fruits de leur travail, il n’y a là rien de condamnable. Mais en tant que représentant d’une association de personnes handicapées, j’ai un peu de mal à l’accepter dans cette proportion-là. Alors, comment être fixé ? Je l’avance avec beaucoup de prudence mais j’ai des éléments de preuve : certaines grandes entreprises construisent toute leur démarche de production d’un produit sur la base du montant de remboursement de ce produit, afin de dégager la plus forte marge possible, tout en respectant strictement le cahier des charges. Il existe donc des produits qui ne répondent pas forcément aux besoins et qui sont fabriqués en Chine. C’est le prix que nous avons établi au préalable qui détermine cette stratégie. C’est un constat, pas une condamnation.
Pour les petites sociétés, je fais un autre constat. La première démarche pour un fabricant de produit innovant consiste à rencontrer les personnes concernées avant de leur proposer un produit qui corresponde à leurs besoins. Mais comme ce sont de petites infrastructures, elles restent souvent dans le domaine de l’artisanat. Finalement, les prix de vente restent toujours très onéreux, quel que soit le système, même celui des petites sociétés fragiles. Nous avons observé d’autres marchés commerciaux. Le marché comparable, celui dont les marges vont aussi de 1 à 4, est le marché des produits de luxe. L’aide technique est-elle un produit de luxe ? Est-il normal au final que ce soient les clients qui supportent une partie de cette charge ?
Il s’agit donc d’un marché difficile à cerner, avec de nombreux produits et un chiffre d’affaires opaque sur l’ensemble des aides techniques. Je sais que la CNSA est en train d’observer les prix sur le marché des fauteuils roulants.
Je voudrais faire un autre constat. Le marché des aides techniques est large puisqu’il inclut des dispositifs médicaux mais aussi des véhicules, le logement, des aides pédagogiques, etc. La recherche est importante mais pas forcément l’innovation. Je m’explique. De nombreux programmes ont été lancés dans des laboratoires de recherche, mais ils ne débouchent pas toujours sur des produits vendus. Le transfert de développement et de technologie est également possible mais très difficile. Enfin, je voudrais vous alerter sur le déficit évident d’informations, déjà déploré par nombre d’intervenants.
Pour l’AFM, notre objectif est simple, nous le partageons avec vous : la charge des personnes concernées devrait être nulle. C’est sur cet objectif-là que nous nous efforçons de réfléchir. Pour l’atteindre, je propose deux leviers, sur lesquels il est possible d’agir : davantage de solidarité de la part de la collectivité et des produits moins chers. Ce deuxième levier est rarement abordé. Mais les deux sont nécessaires pour répondre de façon plus satisfaisante à la demande.
Est-il possible de produire une aide technique personnalisable et moins chère en respectant les règles de l’industrie et du commerce ? La question est éthique, elle suppose le respect de tous et la responsabilité de chacun. A partir de cette hypothèse-là, nous allons tenter de prouver que c’est possible. Nous avons ainsi développé un projet « WING », qui couvre l’éventail qui va du besoin à la distribution du fauteuil roulant. Dans nos pathologies, le fauteuil roulant est au centre de beaucoup de demandes. Je rappelle que toute démarche industrielle repose dès le départ sur l’idée d’un produit et d’un prix définis selon un certain cahier des charges : le marché doit être suffisant sur le plan économique, le produit doit répondre à toutes les contraintes réglementaires de tous les pays européens, sans options, et intègre toutes les innovations. La démarche, assez classique sur le plan industriel, comporte l’analyse des besoins, de l’existant, le cahier des charges fonctionnel, la créativité, l’évaluation, le choix, la conception, le prototype et les questions posées par l’utilisateur. Ce dernier est présent du début de la chaîne, pour l’expression de ses besoins, jusqu’à la fin, pour l’évaluation du produit. J’en profite pour adresser un message aux associations : nous devons aussi nous organiser pour exprimer correctement nos besoins par rapport à l’industrie et aux laboratoires. Il est essentiel que se rassemblent autour d’un même projet de nombreuses compétences : celles des utilisateurs, des experts techniques, etc. Ainsi, le premier groupe de travail a réuni différentes compétences, soit plus de 50 personnes. Le projet a démarré il y a deux ans et demi. Le fauteuil sera présenté à REHACARE par un fabricant français. Je tiens à préciser qu’il n’est pas spécialiste du handicap et qu’il a introduit dans sa gamme ce type de produit. Nous sommes donc parvenus à mobiliser un industriel français répondant au prix prévu et au cahier des charges donné au départ.
Je suggère donc, pour libéraliser le marché, de sortir de la LPPR un certain nombre de produits et de s’appuyer aussi sur la prescription pour définir les aides techniques. Les discussions actuelles font également apparaître la nécessité de transférer les tâches et les compétences des médecins vers les paramédicaux, d’inscrire les professions dans un système de formations allant jusqu’au doctorat et de réguler le marché entre les fabricants et les financiers.
Le deuxième levier que je propose consiste à prévoir lors de la vente d’un produit l’obligation de séparer le prix du produit et le prix du service. Le marché deviendrait de la sorte moins opaque. Le prix du produit se maintient mais celui du service disparaît au bout de quatre ans. La définition de services, pouvant prendre la forme de prestations, donnerait la possibilité de réguler les prix, sans pour autant freiner le dynamisme du marché ni la capacité d’innovation de l’industrie.
Le troisième levier concerne l’information. Nous avons rencontré des acteurs qui figurent dans la base de données de la CNSA. Je pense qu’il faut aller plus loin et qu’au-delà de l’information sur le produit, il faut mener une vraie réflexion sur l’information relative à la recherche et aux autres éléments.
Ma quatrième proposition consiste à soutenir les industriels, notamment par des incitations fiscales sur la production de médicaments. Au niveau européen, un produit pourrait même être en libre circulation. Il faut savoir que des gens achètent des produits étrangers parce qu’ils ne sont pas passés par les fourches caudines de notre administration et qu’il n’y a pas de distributeur français. Il convient également de soutenir les pôles recherche et développement par des programmes stimulant le domaine.
Le cinquième levier porte sur la nécessité d’une réorganisation territoriale. Le travail en réseau a été évoqué à l’échelle de la région. La CNSA est très investie sur cette question. Il est indispensable de créer de l’innovation à partir de centres de ressources à vocation nationale. Le savoir-faire français est extraordinaire dans ce domaine mais il n’est pas valorisé.
Il convient donc d’impulser une dynamique politique forte autour de ces questions.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie. Je passe la parole à Monsieur Guiraud, de l’Inria, qui va nous parler d’électro stimulation.
- L’électro stimulation
M. David Guiraud, Directeur de recherches à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria)
Je voudrais commencer par rappeler que l’Inria contient le mot « informatique ». Aujourd’hui il se fait peu d’exposés sur les aspects informatiques et logiciels. Il me semble pourtant qu’il ne faut pas négliger ce domaine très important, notamment pour la compensation des handicaps sensoriels. En ce qui concerne les logiciels, de nombreux travaux sont en cours à propos de l’accessibilité au multimédia. Cependant, au cours de mon exposé, je me concentrerai sur les aides techniques ayant une existence physique, matérielle.
Ce transparent permet de vous expliquer le principe des neuroprothèses et les enjeux qu’ils représentent.
Dans le cas de la motricité par exemple, il est possible de réactiver les muscles encore vivants, même s’ils sont paralysés au sens fonctionnel du terme, si subsistent un certain nombre de restes au niveau neurophysiologique. Le simple envoi d’impulsions électriques, soit sur le muscle soit sur les nerfs moteurs, peut permettre de les réactiver. Le principe et la technologie sous-jacente sont proches de ceux du pacemaker, à une autre échelle et de manière différente. Vous le constaterez lors de l’intervention de mes deux éminents collègues sur la vision et sur l’audition, le même principe se retrouve, appliqué de manière différente, à la cochlée et à la rétine.
La neuroprothèse n’implique cependant pas forcément l’implantation. Il existe un domaine très vaste dans lequel la stimulation électrique peut être efficacement utilisée de manière externe. La technique est beaucoup moins chère et invasive, et bien qu’elle soit moins précise, elle peut suffire dans un certain nombre de cas. Elle ne doit donc pas être négligée. Il faut savoir que, même si tous ne sont pas forcément très adaptés, un grand nombre de matériels existe déjà sur le marché. Dès lors, ce serait une erreur de concentrer tous les efforts sur les neuroprothèses implantables.
Dans le domaine de l’implant, je vous montre cet exemple. Vous voyez en haut à droite des électrodes posées sur un nerf et à gauche un implant au-dessus de l’abdomen. J’ai choisi cette diapositive pour montrer que dans les neuroprothèses la chirurgie joue un rôle majeur. Elle est parfois extrêmement lourde. Ces neuroprothèses pour la restauration des fonctions motrices demandent par exemple douze heures d’opération et l’intervention de deux chirurgiens. Il convient donc de mesurer le bénéfice-risque par rapport à l’implantation en elle-même. J’écoutais avec intérêt ce matin les industriels. Je rappelle toutefois que la pose d’implants près de la moelle épinière fait courir des risques majeurs, et parfois dramatiques, au patient. C’est une donnée avec laquelle il faut compter.
Voici le panorama de ce qui se fait aujourd’hui dans le domaine des neuroprothèses. Medtronic, qu’on a entendu ce matin, fabrique des pacemakers et des implants DBS, des implants pour des maladies telles que Parkinson mais aussi la dystonie, l’épilepsie, à laquelle on commence à songer, voire même des articles qui traitent des problèmes de dépression. Le champ d’application est donc très large et s’élargit de jour en jour. Vous pouvez voir l’implant cochléaire, dont le professeur Bébéar vous parlera tout à l’heure, et des implants destinés à gérer les problèmes d’incontinence. Des entreprises comme Medtronic ou Phitech travaillent sur ce créneau. Ces technologies datent de 20 à 30 ans, hormis le pacemaker qui est plus ancien. Vous voyez également des technologies pour la gestion de la douleur. Certaines recherches sont beaucoup plus avancées, mais pas encore abouties, notamment en ce qui concerne les implants rétiniens. Parmi elles, le Braincomputer interface, qui intéresse les militaires, pourrait constituer une modalité d’interaction avec les systèmes multimédias pour les tétraplégiques. Il serait particulièrement utile pour ceux qui souffrent d’une tétraplégie haute et qui ne peuvent quasiment plus rien bouger d’autre que la paupière.
J’ajoute un mot sur les neuroprothèses sur lesquels nous travaillons. Je crois qu’il faut beaucoup d’humilité pour éviter les frustrations chez le patient, le médecin et le chercheur. Je rappelle qu’en dépit d’avancées et de résultats spectaculaires, il existe aussi des échecs. Il arrive en effet qu’in fine le résultat fonctionnel ne soit pas à la hauteur des attentes du patient, malgré une technologie de pointe et une chirurgie extrêmement pointue. Ainsi, l’entreprise chargée du Free Hand System de NeuroControl a été contrainte de fermer. Restaurer une fonction motrice du membre inférieur, par exemple, pour déambuler, ne présente strictement aucun intérêt. Les patients paraplégiques préfèrent un fauteuil roulant, beaucoup plus rapide, plus sûr et moins fatigant. En revanche, même si c’est moins spectaculaire, le fait de pouvoir gérer la station debout équilibrée présente un intérêt sociologique, fonctionnel et même médical. Je le répète, une grande humilité est nécessaire pour éviter les frustrations et les échecs, qui entraînent des faillites commerciales, d’autant qu’il est toujours difficile de revenir sur une technologie lorsqu’on garde en tête un échec précédent.
Pour finir, je vais prendre l’exemple de la DBS. Aujourd’hui, nous ne connaissons toujours pas précisément les mécanismes qui expliquent sa réussite. Par rapport à cette technologie qui a apporté des solutions dans le cas de Parkinson par exemple, les chercheurs doivent donc prendre du recul et s’efforcer d’anticiper les caps suivants sur les plans technologiques, chirurgicaux et même conceptuels. Le bénéfice fonctionnel acquis sur une nouvelle génération de neuroprothèses pourra ainsi être vraiment significatif. Après une première génération de neuroprothèses, de nombreux industriels peinent à faire le pas vers une deuxième génération susceptible d’être encore plus performante. L’implant cochléaire a connu le passage du mono au multi-canal, mais dans le domaine de la DBS il est difficile de saisir quelle sera la nouvelle génération.
Nous sommes particulièrement attentifs aux problèmes cliniques et nous restons à l’écoute des médecins. Il peut s’agir par exemple de trouver des solutions palliatives aux déficiences motrices et sensorielles - nous préférons utiliser le terme de « déficiences »- lorsqu’il n’existe pas d’autres solutions, chirurgicales ou médicamenteuses. Il peut s’agir aussi de solutions à court-terme ou de rééducation, dès lors que le patient n’a plus besoin de sa neuroprothèse. Il peut s’agir aussi d’outils quantitatifs de diagnostics, je n’y reviens pas. Il peut s’agir enfin de problèmes de confort de vie. Un paraplégique tétraplégique, par exemple, peut éprouver au quotidien des problèmes que nous ne voyons pas : escarres, incontinence, sexualité… Il ne suffit donc pas de tenir compte du mouvement en soi pour répondre aux besoins avec les neuroprothèses.
L’avant-dernier transparent est destiné à vous montrer la nécessaire alliance des industriels, des médecins, des patients et des chercheurs. Le défi consiste à s’attaquer ensemble aux verrous scientifiques et technologiques dans des équipes pluridisciplinaires. Il convient ensuite de procéder à une validation expérimentale. Ce cercle vertueux est difficile à mettre en place, il peut prendre plusieurs années. Mais il est indispensable que les différents acteurs puissent se mettre d’accord.
En conclusion, je vous propose quelques défis qui me semblent importants dans le domaine spécifique des neuroprothèses. L’étape particulièrement sensible est celle du passage de la recherche clinique et fondamentale à l’industrialisation. Elle concerne le prototypage et la certification. C’est une étape délicate parce qu’on ne sait pas exactement qui peut s’en charger. L’industriel peut s’occuper de la certification, mais peut-il le faire seul lorsque les technologies sont très innovantes et sont sorties des laboratoires ? Les laboratoires n’ont pas cette vocation-là. Il existe donc un no man’s land parce les moyens industriels manquent. C’est un problème d’organisation et de financement.
J’observe par ailleurs une méconnaissance des TIC-santé, donc des technologies de l’information et de la communication de la part des CPPR. Ils connaissent très bien les protocoles du médicament mais beaucoup moins bien ceux qui sont liés aux neuroprothèses.
Le troisième problème que j’ai identifié ressortit au financement des recherches. L’ANR en Europe propose des financements sur une durée de trois ou quatre ans et dans le domaine des neuroprothèses les cycles peuvent atteindre quinze ans. Le problème de la continuité et de la pérennité des recherches se pose donc, de même que le problème d’articulation entre les CHU, l’industrie et la recherche, notamment en termes de formation. Qui forme les futurs chercheurs dans le domaine des neuroprothèses ? Qui forme les futurs dirigeants d’entreprise dans ce domaine ? Qui forme les prescripteurs ? Les neuroprothèses sont des produits de très haute technologie qui font appel à des chirurgies de haut niveau et qui s’adressent à des pathologies très complexes. Il convient donc d’affronter ce problème de formation dans les universités, les facultés de médecine et les écoles d’ingénieur, et de créer une culture mixte dans ce domaine.
Je ne reviens pas sur le marché sous forme de niches, nous en avons parlé.
J’insiste sur le problème de la propriété industrielle et intellectuelle et de leur difficile valorisation qui peuvent se révéler être des verrous. Je connais des industriels qui ont acheté des brevets pour les mettre sous le manteau. Ce problème existe aussi dans le monde des neuroprothèses. Il faut donc alerter les pouvoirs publics sur cette question. A mon sens, la normalisation et la standardisation constituent des réponses adaptées.
Les neuroprothèses restent des solutions très individualisées, dont l’indication et le réglage sont forcément très coûteux. J’entends par là que la pose d’une neuroprothèse sur un patient ne suffit pas. Les réglages qui suivent prennent beaucoup de temps, demandent des compétences et du recul et nécessitent donc des centres spécialisés. Comment suivre les patients sur le long terme ? Comment les industriels peuvent-ils répondre aux éventuels problèmes techniques ? D’ailleurs, qui des industriels ou des médecins doit y répondre ? Voilà les messages et les questions que je voulais faire passer sur le domaine très vaste des neuroprothèses.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie. Je passe la parole à présent à Monsieur Gellin pour le CEA.
- Les personnes dépendantes
M. Rodolphe Géllin, Commissariat à l’énergie atomique (CEA)
Tout a quasiment été déjà dit. Je vais, pour ma part, vous parler de robots. Au Commissariat pour l’énergie atomique, vous imaginez sans doute davantage les robots dans des installations nucléaires. Vous avez raison, c’est notre fonds de commerce. Mais en fait, de cette expérience de robots, qui travaillent dans des mondes hostiles à la place de l’homme, nous avons extrait la possibilité qu’ils puissent aussi aider la personne handicapée. Pour elle, en effet, le monde environnant peut s’avérer hostile dans la mesure où il ne se laisse pas manipuler et où elle ne peut pas s’y déplacer librement. Il nous est donc apparu que le robot pouvait être un intermédiaire satisfaisant entre la personne handicapée et son environnement. Désormais, le CEA travaille avec l’association Approche qui regroupe une quinzaine de centres de rééducation dans toute la France sur la définition, la conception et l’évaluation de robots pour personnes handicapées.
Le premier projet sur lequel nous avons travaillé avec cette association était le projet Master. L’idée de cette station robotisée était de permettre aux personnes lourdement handicapées, des tétraplégiques notamment, de retourner dans le monde du travail et donc d’être en mesure d’effectuer toutes les manipulations d’objets dont elles pouvaient avoir besoin : manipulation de livres, de feuilles de papier, etc. Le défi était double. Il s’agissait tout d’abord de mettre une technologie robotique à la disposition de personnes handicapées, qui ne sont ni des informaticiens, ni des roboticiens, ni des ingénieurs. Ce sont pourtant des machines compliquées qui peuvent compter jusqu’à sept moteurs à piloter de façon coordonnée. Il convenait également que cet objet soit fabriqué et diffusé à un prix raisonnable.
D’un point de vue technique, nous avons parfaitement atteint nos objectifs de chercheurs, de scientifiques. Grâce à un système d’icônes très simple, la personne cliquait sur la tâche qu’elle voulait voir effectuer par le robot et le robot s’exécutait. En revanche, nous avons échoué d’un point de vue financier. L’industriel qui avait pris à sa charge la fabrication de cette machine, emporté par son enthousiasme, a voulu sortir le produit sur le marché rapidement, sans passer par les phases d’analyse de la valeur, de réduction des coûts, etc. Le système était hors de prix et ne s’est jamais vendu. Comme l’a dit mon prédécesseur, ces échecs sont dangereux parce qu’ils peuvent décourager une communauté. Heureusement, nous n’avons pas perdu espoir et depuis cette expérience, nous continuons à réfléchir à de nouveaux systèmes moins chers et plus souples. Le robot présente l’intérêt d’être très malléable et de pouvoir s’adapter aux besoins de chaque personne.
Grâce à des financements qui viennent de l’Europe, de l’ANM, de l’AFM, de certaines associations, de fondations comme la Fondation des caisses d’épargne pour la solidarité, nous avons réussi à maintenir cet effort de recherche pendant toutes ces années. Aujourd’hui, nous travaillons sur un robot de rééducation. Il consiste en un bras manipulateur qui va aider une personne à faire des exercices dans un monde virtuel pour rééduquer son membre supérieur. Nous travaillons également sur un robot domestique qui peut aller chercher des objets à distance. Sur le simple clic d’une souris, le robot se rend dans une autre pièce, saisit automatiquement et rapporte l’objet dont la personne a besoin et qu’elle voit sur son écran d’ordinateur. Ce système est actuellement en cours d’évaluation dans un centre de l’association Approche en Bretagne. Les personnes handicapées nous renseignent sur la facilité d’utilisation ou non du robot, sur les fonctions dont elles ne servent jamais et sur celles dont elles auraient besoin. Le CEA List travaille également sur d’autres aides aux personnes aveugles et sur la rétine artificielle. Je pense que le professeur Sahel en parlera. Je passe donc rapidement sur le sujet. Je tenais juste à vous montrer que ce domaine passionne le CEA List.
Ce List dont je vous parle est un institut du CEA qui travaille sur des Systèmes à logiciel prépondérant. En ce sens, je rejoins mon prédécesseur : le logiciel est prépondérant dans ces systèmes-là. Cet institut a pour mission le transfert technologique. Notre projet ne doit donc pas rester dans un tiroir. Il doit se faire évaluer et être diffusé dans l’industrie, afin qu’un industriel en tire naturellement des bénéfices, le distribue et que les patients en connaissance l’existence. Nous avons donc une double mission sociétale : aider des personnes handicapées à mieux vivre de façon indépendante au quotidien, et aider une industrie à se développer, faire du profit et créer des emplois.
J’en profite pour vous exposer deux intérêts que présente la robotique aujourd’hui. Tout d’abord, la robotisation de la production chez les industriels permet d’éviter de délocaliser des opérations, souvent soumises, en raison de leur coût, à une main d’œuvre à bas prix ailleurs. La robotique présente par ailleurs l’intérêt d’être une source de richesse pour l’économie française. Le préjugé selon lequel l’industrie robotique est la spécialité des Japonais est tenace mais erroné. La France dispose d’un terreau important de la robotique de service. Je ne parle pas de la robotique utilisée dans les usines pour peindre des voitures mais d’une robotique qui agit au plus près de l’homme et qui peut l’aider au quotidien. Notre pays compte la société Robosoft depuis très longtemps mais aussi la société Eca, la société Cybernétix et très récemment une société qui s’appelle Aldebaran Robotix qui crée des humanoïdes de 60 centimètres. Cette toute jeune société a déjà détrôné Sony qui fabriquait des petits chiens robotiques utilisés dans la compétition internationale de robotique. C’est maintenant ce fabricant français qui fournit ces humanoïdes robotisés pour la compétition internationale. Il faut donc savoir que l’industrie robotique française existe, a des propositions à faire et doit absolument être encouragée. C’est pour cette raison que le domaine de l’aide aux personnes handicapées peut représenter un tremplin pour que ces entreprises se développent et deviennent de plus en plus puissantes. Et j’imagine bien que les sociétés que je vous ai citées deviennent des multinationales qui vendraient des robots partout dans le monde grâce au levier que je vais vous proposer. Ce levier a déjà été évoqué. Il a trait à l’usage, à la connaissance, au fait que les utilisateurs doivent savoir que ces robots existent et peuvent leur rendre des services. Ce que nous accomplissons pour développer un robot utilisé à la petite échelle d’une cinquantaine de personnes dans deux ou trois centres d’Approche doit pouvoir être réalisé à grande échelle. L’ANR et la CNSA pourraient peut-être financer une cinquantaine de robots qui seraient testés dans de nombreux centres de rééducations. Ainsi, les gens les essaieraient, connaîtraient de façon massive leur existence, exprimeraient de plus en plus leurs besoins afin de créer une véritable demande. On l’a évoqué tout à l’heure, le marché repose sur une demande et une solvabilité. Nous approchons progressivement de la solvabilité. Si nous faisons les efforts nécessaires pour baisser les coûts de production de ces systèmes, il n’y a pas de raison qu’ils ne se diffusent pas pour peu qu’ils répondent à un vrai besoin. Ce levier me semble donc important : créer de grandes plateformes où nos systèmes, que ce soient nos robots ou d’autres projets présentés ici, pourraient être utilisés à grande échelle et diffusés plus largement dans le paysage.
L’ensemble doit s’insérer dans un écosystème allant de la recherche jusqu’à l’utilisateur final en passant par le fabricant, le distributeur, le service après-vente, les formateurs qui aident les personnes à les utiliser, les prescripteurs et les financeurs. Tout le monde a à y gagner. Une fois que ces robots seront diffusés auprès des personnes handicapées, ces personnes seront plus indépendantes au quotidien et pourront vivre de façon plus autonome, l’industrie de la robotique en France aura pris son essor et pourra se développer sur un marché international, et l’assurance-maladie pourra financer plus facilement l’assistance à domicile. Une économie en bonne santé et des gens en situation de dépendance dont on s’occupe mieux permettront à la société d’aller mieux. Je vous ai apporté un livre que j’ai écrit et qui résume quelques-unes de ces réflexions : « Le Robot, ami ou ennemi ? » N’hésitez pas à le prendre et à le lire. Je vous remercie.
Mme Bérengère Poletti
Je vous remercie. Je voudrais simplement ajouter que nous nous sommes rendus au Japon. Là-bas, la culture du robot est à l’opposé de la nôtre. Le robot fait vraiment partie de la société, il est presque considéré comme un être vivant. La manière dont les Japonais l’appréhendent est très curieuse et très intéressante à observer. Il faut savoir qu’ils connaissent une problématique démographique bien plus grave que la nôtre, marquée par une baisse de la population et un vieillissement considérable. Comme ils ne veulent pas avoir recours à l’immigration, ils ont misé sur le robot pour assister les personnes âgées et handicapées ainsi que les aidants. C’est un robot humanoïde, interactif, qui agit et qui ressent. C’est vraiment impressionnant à voir. Je souhaitais faire ces remarques car il me semble que nous pouvons nous inspirer dans une certaine mesure de la manière dont raisonnent les Japonais. Cela étant, je pense que le robot procure une aide intéressante mais qu’il ne peut pas remplacer l’être humain. La présence humaine me semble toujours indispensable. Néanmoins, le robot peut considérablement assister les aidants.
Je donne à présent la parole au Professeur Sahel, Directeur de l’Institut de la vision pour qu’il nous fasse part de ses recherches dans le domaine de la vision.
Les handicaps sensoriels
- La vue
Pr José Sahel, Directeur de l’Institut de la vision
Je vous remercie de m’avoir convié à évoquer les problèmes de la vision. Je vais aborder successivement le problème de santé publique qui se pose, la situation actuelle de la prise en charge thérapeutique du handicap visuel et enfin celle que l’on peut l’envisager dans l’avenir.
Je rappelle simplement que l’ophtalmologie a pratiquement permis d’éliminer la cécité liée à la cataracte dans les pays qui s’autoproclament civilisés. De grands progrès ont été accomplis, notamment lors des vingt dernières années, pour tout ce qui concerne les pathologies de la rétine. Mais il reste encore des maladies principalement liées au vieillissement comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), des pathologies génétiques mais aussi des pathologies vasculaires, les deux diabètes et le glaucome, qui affectent en France plus de 3 millions et demi de personnes.
Grâce à ces diapositives, je vais vous montrer ce qu’entraînent deux de ces maladies comme handicap visuel. La DMLA touche 1 million et demi de personnes parmi lesquelles à peu près 200 000 sont incapables de voir au centre donc de reconnaître un visage ou de lire. Certains souffrent en outre d’une maladie génétique régressive, qui atteint la vision périphérique.
L’ensemble de ces pathologies de la vision qu’on ne peut pas soigner correctement aujourd’hui concerne en Europe environ 50 millions de personnes. Cela représente un marché considérable. Le contingent le plus important est dû à la DMLA et au diabète. Au regard de l’augmentation de la population âgée en France dans les quarante prochaines années, ces chiffres vont doubler de manière quasiment permanente tous les 10 à 15 ans. Il en ira de même aux Etats-Unis. D’importants problèmes médicaux se posent donc, mais surtout celui de la persistance d’un nombre important de malvoyants.
Le premier problème porte sur la définition du handicap visuel. L’OMS la définit comme une acuité visuelle inférieure à 3/10ème pour la basse vision et inférieure à 1/10ème et à 1/20ème pour la cécité légale. Cette définition ne porte en fait que sur une seule fonction visuelle : la lecture. Elle ne tient absolument pas compte de la vision de déambulation et des effets de changements de luminosité. Une définition plus précise demanderait que la basse vision soit affectée de plusieurs paramètres : les détails, les déformations d’images, les difficultés de lecture, l’éblouissement, le besoin de lumière accrue, et les problèmes de vision de couleurs. Ces handicaps sont certes quantifiables mais ils ne sont jamais évalués de façon intégrée. Par ailleurs, l’écart entre ce que les médecins veulent traiter et ce que les malades attendent est fréquent. Les demandes des malades sont précises : ils ne veulent pas être en danger lorsqu’ils sortent dans la rue, ils ne veulent pas être dépendants et avoir à solliciter en permanence leur mémoire ou une autre personne. Ils nous demandent donc de l’indépendance, de l’autonomie et une capacité de lecture et de vision pour des taches précises de la vie quotidienne. La prise en charge de la cécité doit donc être ciblée en fonction de ces attentes.
Les trente dernières années ont connu de nombreuses avancées thérapeutiques liées à la chirurgie. Les progrès sont considérables pour la DMLA depuis deux ou trois ans puisque les formes les plus sévères sont désormais maîtrisées dans 90 % des cas. Il en va de même chose dans le domaine de la neuroprotection, en particulier pour le traitement du glaucome. Des stratégies de prévention, en particulier alimentaire, permettraient de ralentir d’environ 20 % l’évolution de ces maladies. Des progrès sont également sensibles dans la recherche. Il y a environ trois mois ont été annoncés les premiers résultats de la thérapie génique : quatre adolescents aveugles ont retrouvé la vision. Des premiers travaux avaient été menés il y a sept ans sur un chien qui avait retrouvé sa capacité à se déplacer. Les essais cliniques commenceront en France dans les mois qui viennent. Les cellules couches font également naître des espoirs pour l’avenir mais l’application en routine de ce type de recherche ne se fera pas avant une dizaine d’années.
Je voudrais à présent insister sur deux axes de réflexion. Des essais de vision artificielle sont tentés avec les prothèses de rétine. Elles visent théoriquement à rendre une mobilité et une capacité de lecture, une capacité de détection de la lumière et de discrimination des détails. Il faut se rappeler que la rétine a de multiples fonctions : elle ne se contente pas de voir la lumière, elle détecte les feux lumineux, établit les contrastes, nous indique le mouvement et la direction. La prothèse va essayer de restituer une partie de ces informations. Nous travaillons actuellement sur une prothèse destinée à être posée sur la rétine elle-même, au-dessus ou en dessous. La pose sur le nerf optique n’a pas donné de résultats satisfaisants, et la pose directement sur le cerveau est elle aussi encore assez loin d’une application. C’est ce type d’électrodes que l’on implante aujourd’hui à la surface de la rétine. Elles sont développées par une société en Allemagne et une autre aux Etats-Unis. Je vais vous montrer par la suite ce qui se développe en France. Vous voyez ici la première génération à 16 électrodes avec un problème de localisation.
Deux essais cliniques sont en cours. Nous avons implanté nos premiers patients cette année avec une prothèse développée aux États-Unis. La prothèse est posée sur la rétine. L’intervention chirurgicale est lourde, longue et complexe et fait appel à plusieurs chirurgiens. Nous faisons actuellement des essais avec un système de languette et un connecteur, un modulateur sur la surface de l’œil qui est lui-même connecté à des lunettes. Vous pouvez voir sur cette diapositive un patient qui a été implanté. Il est capable de dire où se trouve la fenêtre ou la porte et de reconnaître un objet sur une table. Nous n’en sommes pas encore au niveau des évangiles qui rendent la vue aux aveugles mais c’est un progrès indéniable par rapport à l’absence totale de vue. Les patients implantés sont très reconnaissants de pouvoir se repérer et s’orienter.
Comme nous sommes encore loin de ce que nous en sommes en droit d’espérer, je vais à présent vous montrer les travaux qui se développent en France pour essayer d’augmenter la résolution. Il a été prouvé qu’une résolution d’environ 600 pixels est nécessaire pour une bonne capacité de vision. Avec une trentaine de séances de rééducation selon ce type d’approche, une personne qui ne pouvait pas lire peut être en mesure de le faire si elle atteint 600 pixels de résolution. C’est l’objectif que nous visons avec ces prothèses de rétine, tridimensionnelles, avec une interface en diamant. Nous les développons dans le cadre d’un programme européen. Nous travaillons avec des ingénieurs, dont certains sont dans la salle, avec le CEA et d’autres partenaires pour développer cette approche que nous espérons pouvoir amener en clinique dans les trois ans qui viennent.
Il faut savoir que les ORL avaient ouvert la voie. En 1981, ils avaient montré que les implants cochléaires permettaient de reconnaître moins de 10 % des phrases, moins de 10 % des mots. 20 ans plus tard, nous arrivons à un taux de reconnaissance de 90 % des phrases et de la moitié des mots. La vision est certes plus compliquée que l’audition. Il n’empêche qu’à l’échéance d’une dizaine d’années nous devrions pouvoir améliorer nos résultats.
Je termine en vous montrant ce processeur qui vient d’être substantiellement financé par le gouvernement et par OSEO, et qui vise à apporter une approche globale de la basse vision. Aujourd’hui, l’approche de la basse vision concerne les images du fond de l’œil pour l’ophtalmologue, les loupes pour l’opticien et le handicap pour le malade.
En France 60 % des malades malvoyants sont correctement pris en charge et ces résultats sont plutôt meilleurs qu’ailleurs. Les traitements sont plutôt mieux appliqués en France qu’ailleurs. En revanche, le besoin de réhabilitation est plutôt mal identifié en France par rapport à d’autres pays telle que l’Angleterre. La prise en charge de réhabilitation concerne moins de 5 % des malades. Moins de 5 % reçoivent donc des aides visuelles appropriées. Par conséquent, la marge de progression est considérable par rapport à ce qui se fait aujourd’hui dans notre pays.
De quelles possibilités disposons-nous ? Nous pouvons utiliser des technologies existant en optique mais aussi des technologies modernes. Je vais m’arrêter sur certaines d’entre elles et insister sur le fait qu’il faut les intégrer. Cela implique d’évaluer le handicap avec le patient, ses besoins en fonction de ses activités, de modéliser son handicap visuel, de mettre au point l’ensemble des systèmes qui peuvent l’aider et des protocoles de réhabilitation.
Nous avons développé deux types d’approches. Pour les malvoyants, nous avons travaillé sur ce que nous appelons la « réalité augmentée ». Il s’agit de leur apporter dans la vision restante les informations manquantes. Nous cherchons ainsi à donner à une personne qui a une tache au centre de l’œil les informations qu’il ne reçoit pas. Nous pouvons utiliser des techniques d’infra rouge et de laser pour les malvoyants. Nous développons avec des industriels des lunettes qui permettent de voir à travers et en même temps de projeter des informations sur des écrans à cristaux liquides augmentés. Dans le cas d’un champ de vision central altéré, nous projetons autour de cette tache les informations manquantes en les déformant : la personne continue à regarder droit devant elle, et ce qu’elle ne peut pas voir au centre lui est restitué en agrandi par exemple ou en latéral. Si quelqu’un a un champ de visuel seulement central et qu’il rentre dans une pièce comme celle-ci, il est obligé de balayer toute la pièce pour essayer de s’orienter. Si on lui projette dans sa vision restante une image de la pièce, il va savoir où se trouvent les tables et les chaises et sa vision précise centrale lui permettra de déambuler. Ces systèmes permettent à partir de caméras de rentrer des informations projetées sur les lunettes. Ce n’est pas de la science-fiction, on peut déjà les trouver dans les rayons de la Fnac. Il faut simplement que ces systèmes soient adaptés aux malvoyants.
Pour les aveugles complets, deux types d’approches sont privilégiées. L’une consiste à explorer l’environnement réel grâce à de la télémétrie en infra rouge devant soi et à de la télémétrie laser pour le sol. Ces techniques existent déjà. Cependant, bon nombre d’autres informations sont également nécessaires. Il faut tenir compte notamment de l’équilibre ou de l’audition. Un handicap ne s’apprécie jamais tout seul. Si, par exemple, on ne donne pas aux personnes les coordonnées horizontales et verticales de son environnement, les informations visuelles ne sont pas intégrées dans un continuum sensoriel. La seconde approche repose sur des techniques de GPS avec des centrales inertielles. Des améliorations doivent encore être apportées car les informations sont très nombreuses. Pour un déplacement en métro par exemple, l’emplacement des escaliers, de la station etc. font appel à la localisation GPS, à la centrale inertielle et aux informations renforcées. A mon avis, ces techniques ne sont pas utiles seulement pour les malvoyants, elles le sont pour beaucoup de gens. Certaines marques étrangères permettent par exemple d’informer du cycle d’un lave-vaisselle. Les malvoyants peuvent donc acheter un lave-vaisselle parce qu’ils savent qu’ils peuvent le contrôler eux-mêmes. Ces techniques existent, il suffit d’avoir la volonté de les mettre en chaîne. Il faudrait presque les rendre obligatoires pour de nombreux systèmes car il ne s’agit que d’ajouter une option supplémentaire sur un matériel informatique. Ce qui me semble très important c’est de ne pas développer des solutions technologiques qui soient de bonnes idées pour les voyants et les personnes qui ne sont pas handicapées et qui s’avèrent catastrophiques pour les malvoyants et les malentendants. Les prothèses auditives se sont révélées à leur origine catastrophiques parce qu’elles n’étaient pas forcément adaptées aux gens. Les utilisateurs doivent nous dire ce dont ils ont besoin et ce qui peut les aider.
Je voudrais en terminer en précisant qu’il faut tenir compte de la déambulation urbaine. Il est nécessaire d’associer à la reconnaissance des détails des informations sur la mobilité urbaine. Il convient d’éviter que l’informatique procure une fausse sécurité, qui se révèle en fait une source de danger pour des personnes qui avaient l’habitude de se comporter de façon précautionneuse. Il faut adapter la domotique pour les 25 % des malvoyants qui sont obligés de vivre en institution parce qu’ils ne peuvent plus restent chez eux. Il est enfin important de tenir compte de la robotique. Nous sommes à ce sujet associés à un projet de robot pour les malvoyants. Il devrait pouvoir être mis à leur disposition à leur domicile. Il leur permettrait ainsi de rester chez eux et surtout de pouvoir continuer à sortir. Je vous remercie.
Mme Bérengère Poletti
Merci Professeur Sahel. Pendant que vous interveniez, Madame la Secrétaire d’Etat Valérie Létard, chargée de la solidarité auprès du Ministre de Travail et des relations sociales, de la famille et de la solidarité, nous a rejoints. Je voudrais la remercier de nous honorer de sa présence. Je demande aux successeurs un peu de patience avant de continuer leurs exposés, Madame Létard étant tenue par d’autres engagements. Je lui laisse donc la parole. Nous reprendrons le cours de nos travaux après l’avoir entendue.
Intervention de Mme Valérie Létard
Secrétaire d’État chargée de la solidarité auprès du Ministre du Travail
et des relations sociales, de la famille et de la solidarité
Merci. Mesdames, Messieurs, chers amis. Permettez-moi d’abord de vous dire combien j’ai de plaisir d’être avec vous pour la quasi-clôture de cette journée d’audition, sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap. L’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques produit des travaux d’une très haute qualité, chacun de ses rapports apporte au gouvernement des éléments d’informations précis et pertinents qui viennent compléter les sources d’expertise dont il dispose. Je ne peux donc que me féliciter de sa décision de confier à Bérengère Poletti, que je tiens à saluer pour son implication sur la question du handicap, la responsabilité de conduire les travaux sur ce sujet, ô combien importants pour toutes les personnes en situation de handicap. Nous vivons une période d’intense mutation, où les progrès des technologies dans de nombreux domaines permettent d’apporter aujourd’hui des solutions indispensables et incroyables il y en a encore quelques années. Pour la politique du handicap, cela représente un formidable gisement d’améliorations dans la vie quotidienne. Il est du rôle de l’Etat d’accompagner ces progrès dont certains sont spectaculaires pour en favoriser l’accès au plus grand nombre et permettre ainsi, que ce soit en matière de scolarisation, d’accessibilité ou d’accompagnement vers l’emploi, de donner à tous ceux qui sont frappés par le handicap de nouveaux outils pour le surmonter et pouvoir mener une vie digne. Vos travaux de la matinée ont permis d’explorer les différentes manières de tirer parti de cette évolution pour le bénéfice des plus fragiles d’entre nous. Pour conclure ces travaux, je voudrais rappeler rapidement les avancées considérables qu’a permises la loi du 11 février 2005, à travers l’instauration de la prestation de compensation du handicap. Cela ne signifie pas néanmoins que toutes les difficultés soient aplanies. Je reviendrai en particulier sur celle de l’attribution des aides techniques au sein des maisons départementales. Enfin, je conclurai par quelques mots sur les pistes d’amélioration sur lesquelles nous travaillons, en particulier celles qui concernent une meilleure prise en charge des aides techniques et la question des barrières d’âge.
Tout d’abord, sur les avancées permises par la PCH je ne crois pas inutile de rappeler une fois de plus que la reconnaissance du droit de la personne handicapée à la compensation des conséquences de son handicap est l’un des acquis essentiels de cette loi du 11 février 2005. Elle lui a donné un contenu concret, à travers la création de la Prestation de Compensation du Handicap.
Fin 2007, près de 30 000 adultes handicapées bénéficiaient de la PCH et la montée en charge de la prestation se poursuit à un rythme élevé : le nombre de prestations versées augmente de 20 % par trimestre.
Ce droit à compensation intègre les aides techniques, cela a constitué une des très grandes avancées de la loi de 2005. Pour la première fois, les besoins en aides techniques ont été évalués en tant que tels et font l’objet d’une prise en charge, dans le cadre de la PCH, avec une enveloppe propre et un plafond propre. Contrairement à l’ACTP, dont le montant mensuel forfaitaire obligeait à économiser pendant des mois au détriment de l’aide au quotidien, la PCH permet un accès facilité aux aides techniques, sans empiéter sur l’enveloppe consacrée par la personne aux aides humaines.
L’élément « aides techniques » de la PCH peut ainsi faire l’objet de versements ponctuels. Le montant maximum accordé est normalement de 3 960 euros sur 3 ans - ce qui est déjà considérable - et il est de plus systématiquement déplafonné pour les aides les plus coûteuses. Cette disposition, qui a été mise en place, notamment pour répondre à la question aiguë du coût particulièrement important des fauteuils roulants électriques, permet d’attribuer un montant supérieur au plafond pour ces aides techniques onéreuses tout en conservant une enveloppe intacte pour prendre en compte d’autres aides techniques. Pour m’en tenir à l’exemple des fauteuils roulants électriques, le passage à la PCH a permis de multiplier par deux les sommes prises en charge pour cet équipement. Pour un fauteuil roulant électrique, l’aide apportée par la PCH peut ainsi aller jusqu’à 10 000 euros. Même si je n’ignore pas qu’il subsiste encore fréquemment un reste à charge, la PCH couvre le financement des aides techniques lourdes de manière beaucoup plus satisfaisante qu’auparavant.
Les premiers chiffres sur l’évolution de la PCH attestent, s’il en était besoin, que la prestation répond à un réel besoin : au total, en 2007, les aides techniques représentent en volume 20 % des volets de la PCH attribués et 15 % en valeurs. Le montant moyen accordé par personne pour les frais d’aides techniques s’élève à 970 euros.
En ce qui concerne l’attribution des aides techniques par les MDPH, je voudrais souligner l’avancée que constitue la PCH. Je sais qu’elle n’empêche pas pour autant de constater que sa mise en place au sein des MDPH ne s’est pas faite sans difficultés.
Nous en avons listé un certain nombre :
On constate tout d’abord des difficultés autour de l’évaluation des besoins en aides techniques. Il se pose clairement un problème de compétence des professionnels de l’équipe pluridisciplinaire. Toutes les Maisons départementales ne peuvent pas disposer en permanence de toute la palette des professionnels nécessaires ; je pense à certains métiers, tels que les ergonomes. Il faut se poser la question de la mutualisation de certaines compétences et s’interroger également sur les formations à mettre en œuvre pour utiliser au mieux les outils d’évaluation et de tarification.
S’agissant des aides techniques, nous devons porter une attention particulière au développement d’un vivier de spécialistes qui soit indépendants des constructeurs et des fournisseurs, pour que les personnes handicapées aient l’assurance de recevoir le conseil le plus pertinent et le mieux adapté.
Je suis pour ma part très favorable au développement de centres de ressources sur les aides techniques qui apportent une information validée et peuvent procéder à des essais comparatifs, prêter au besoin du matériel pour le tester et servir de bourse d’achat pour du matériel d’occasion. Je sais que la fédération nationale des centres d’information et de conseil sur les aides techniques, ainsi que la CNSA travaillent actuellement à la mise en place de réseaux régionaux liés par convention avec les MDPH. Je soutiens bien sûr totalement cette initiative.
Il reste des difficultés liées au financement du reste à charge. Cette question pose la problématique du recours aux fonds départementaux de compensation. Quel est leur objectif ? La loi de 2005 les a instaurés pour pouvoir continuer de mobiliser les acteurs qui finançaient jusque-là, de façon extralégale, des aides techniques – CAF (caisses d’allocations familiales), CNAV (caisse nationale d’assurance vieillesse), fonds d’action sociale de provenances diverses. Dans l’esprit du législateur, la création de la PCH ne devait pas se substituer aux financements existants. C’est pourquoi il fallait un lieu où ces financeurs pouvaient se retrouver.
L’État, lui, a joué le jeu : il a intégralement maintenu les financements qu’il mobilisait auparavant dans le cadre des sites pour la vie autonome (42 millions d’euros depuis 2006, date de la création des Fonds Départementaux de Compensation). Il est ainsi le seul à y participer systématiquement, et son apport constitue à lui seul la moitié des moyens mobilisables par les fonds.
Mais tous les acteurs ne se sont pas mobilisés de la même manière :
- certains départements ont tardé à mettre en place leurs fonds de compensation : fin 2007, il en manquait encore quelques-uns (6 très exactement).
- les financeurs extralégaux, autres que l’Etat et les conseils régionaux ont progressivement réduit leur participation : dans plus de la moitié des cas, les organismes qui participaient aux sites pour la vie autonome se sont retirés du fonds.
Face à ces disparités, certains ont tôt fait de condamner les fonds et de demander l’élargissement systématique de la PCH. Or, malgré leurs imperfections, les FDC constituent l’outil précieux et souple pour prendre en compte l’émergence des nouvelles aides, en matière de technologie en particulier. Il nous faut conserver cette souplesse car les innovations ont besoin d’être évaluées, leur pertinence par rapport aux besoins bien établie, et leur coût stabilisé avant de pouvoir être, le cas échéant, intégrés à la nomenclature de la PCH.
Comment mieux prendre en charge les aides techniques ? A travers la PCH, la loi de 2005 a permis des progrès considérables pour la solvabilisation des besoins d’aide technique, qui va désormais bien plus loin que ce qui était pris en charge par l’assurance-maladie dans le cadre de la LPPR.
Mais pour fixer un juste tarif de prise en charge, nous devons nous assurer d’un juste prix de vente de ces aides techniques. Pour cela, nous avons beaucoup de progrès à faire, pour mieux connaître le marché des aides techniques et mieux appréhender les mécanismes de formation des prix des aides techniques au regard du service rendu, de l’intégration de l’innovation, de la distinction des coûts de fabrication, de transport et de services…
Nous devons mieux connaître cet environnement, pour pouvoir définir une politique de remboursement plus efficace et plus proche de la réalité du marché.
Là encore, je citerai en exemple le travail que nous sommes en train de faire sur les fauteuils roulants.
Pendant longtemps, le remboursement d’un fauteuil roulant s’est fait à partir de tarifs définis sur la base de quelques fauteuils de référence. L’arrivée de la PCH a créé cette situation paradoxale d’une évaluation personnalisée des besoins débouchant sur un remboursement à partir d’une grille type rigide. Or, à une évaluation personnalisée des besoins devait répondre une nomenclature personnalisable de prise en charge. Cette nomenclature, la Haute autorité de santé l’a fournie en 2003. Elle a alors décomposé le fauteuil roulant en différents composants et travaillé sur une prise en charge sur le coût réel de production des matériels.
C’est sur cette base qu’une négociation avec les constructeurs de fauteuil s’est engagée pour ajuster tarifs de vente, tarifs de remboursement et coûts réels de construction. Le Président de la République a annoncé lors de la conférence nationale du handicap qu’il voulait que cette négociation aboutisse avant la fin de l’année 2008. Et je veillerai à ce qu’il en soit effectivement ainsi.
A l’évidence, des démarches similaires doivent être mises en œuvre pour d’autres types d’aides techniques. Car il faut éviter que la création de la PCH incite à une hausse des prix. Telle est d’ailleurs la mission qui a été assignée à l’Observatoire du marché et des prix des aides techniques mis en place par la CNSA depuis 2007.
Sa première réalisation concrète a été l’ouverture d’un portail Internet, qui constitue une base de données, fruit d’un partenariat avec trois organismes qui disposaient déjà de bases parmi les plus importantes en France, à savoir celle du CERAH (Centre d’études et de recherche sur l’appareillage des Handicapés), du Ministère de la défense, celle de la Fondation Garches et celle d’Hacavie (Handicap et cadre de vie).
Ouverte à la fois au grand public et aux professionnels, cette base de données marque la volonté de la CNSA d’apporter à chaque acteur une aide pratique et effective à leur recherche d’informations sur les aides techniques.
Avant de conclure, je souhaiterais aborder rapidement la question des aides techniques et des barrières d’âge aux deux extrémités de la vie. La prise en charge des aides techniques a longtemps été une question centrale pour les familles d’enfants handicapés. Depuis le 1er avril de cette année, une réponse peut enfin être apportée, grâce à l’ouverture de la PCH aux enfants. L’AEEH était une prestation mensuelle forfaitaire qui, à l’image de l’ACTP, permettait mal de couvrir les aides techniques coûteuses. Dans le cadre de l’ouverture de la PCH aux enfants, non seulement les familles d’enfants très lourdement handicapés sont davantage aidées en matière d’aide technique, mais le dispositif a été calibré de telle sorte que ces familles qui optent pour la PCH en raison des besoins en aide technique de leurs enfants, n’y perdent pas en matière d’aide humaine.
S’agissant des personnes âges, l’accès aux aides techniques reste difficile : même si en théorie les plans d’aide financés par l’APA peuvent couvrir les aides techniques, force est de constater qu’ils sont dans 95 % des cas affectés aux aides humaines.
Toutefois, il faut se garder des assimilations hâtives : s’agissant des personnes âgées dépendantes, nombre d’entre elles disposent d’une couverture complémentaire qui solvabilise certaines aides techniques, et la question de la prise en charge des aides techniques ne peut pas être abordé exactement de la même manière.
Il n’en reste pas moins que, pour des aides techniques lourdes, le caractère mensuel de l’APA ne permet pas actuellement de financer les opérations coûteuses, sauf à en étaler le paiement sur plusieurs mois, ce qui peut avoir pour conséquence de réduire les aides humaines. Dans le cadre de la concertation en cours sur le cinquième risque, nous allons donc réfléchir à la possibilité d’introduire un volet spécifique « aménagement du logement et aides techniques onéreuses » pour financer les opérations ponctuelles. Ceci pourrait éventuellement se faire sous forme d’expérimentation dans quelques départements pour mieux cibler le dispositif.
Comme vous pouvez le constater, nos dispositifs en matière d’aide technique sont encore appelés à évoluer dans un avenir proche. Cela donne donc tout son intérêt au travail que vous avez entrepris avec votre rapporteure. Ce travail nous permettra de mieux dessiner les contours de la prise en charge des aides techniques en ayant un regard davantage prospectif sur les évolutions techniques et technologiques. Nous voyons bien que nous nous trouvons à un moment où tout cela est en train d’exploser complètement et d’ouvrir des perspectives incroyables. A nous de nous attaquer à ce chantier et de prendre en considération toutes les préconisations que Mme Poletti, vous allez nous apporter très rapidement puisque votre rapport nous sera remis bientôt. Merci encore pour ce travail que vous êtes en train d’accomplir.
Mme Bérengère Poletti
Merci beaucoup. Nous aurons l’occasion de nous rencontrer à maintes reprises car j’entends bien donner des suites concrètes à ce rapport, en termes de propositions législatives voire d’amendements. Nous pourrons donc en discuter pour essayer de faire évoluer les choses parce qu’il existe effectivement un certain nombre de blocages à tous les échelons : au niveau de la recherche, du transfert de technologie, de l’industrialisation, de l’accompagnement financier, de la communication, de l’information de la personne handicapée... Je crois qu’il reste énormément de questions qui peuvent recevoir des approfondissements et des améliorations.
Mme Valérie Létard
Je suis à votre disposition. Je vous souhaite bon courage à tous.
Mme Bérengère Poletti
J’invite le Professeur Bébéar à commencer son exposé.
- L’audition
Pr Jean-Pierre Bébéar, CHU de Bordeaux
Mes collègues vous ont fait rêver tout à l’heure en vous présentant la neurostimulation et l’ophtalmologie qui est en train d’évoluer vers l’ORL pour ce qui concerne la rétine. Je vais retomber dans la réalité pratique et poser des questions à notre présidente pour qu’elle essaie de les résoudre. La surdité a été reconnue depuis 1998 comme une priorité de la santé publique. En France, 5 millions de personnes sont malentendantes. Il s’agit donc d’un vrai problème de société dans la mesure où nous sommes des individus oralisés, où notre moyen de communication repose essentiellement sur la parole, donc sur l’audition. Les êtres inférieurs que sont les dauphins et les poissons perçoivent déjà des colorisations par la transmission de sons. L’audition est donc indispensable pour disposer des informations nécessaires à une vie sociale normale. Or, dans certaines conditions bruyantes, au restaurant, lors de repas familiaux, dans les grandes surfaces, peu ou prou 5 millions de Français sont handicapés. A partir de 60 ans, 1 Français sur 5 est gêné par ces conditions, et à partir de 70 ans, 1 Français sur 4. Ces chiffres sont considérables. D’autant que l’audition et la parole sont des éléments de communication essentiels pour cette tranche d’âge, afin qu’elle parvienne à maintenir une vie sociale, familiale et personnelle importante.
Le problème du vieillissement de l’oreille s’appelle la presbyacousie. Les ophtalmologues ont résolu depuis longtemps la presbytie. Tout le monde porte des lunettes sans que cela ne choque personne. Le vieillissement de l’oreille est un problème beaucoup plus compliqué. Mais il est en voie de résolution. L’autre problème passionnant, qui a considérablement évolué, c’est le drame que représente la surdité totale, congénitale chez l’enfant. Un bébé est strictement normal et, comme la petite Ambre qui se trouve parmi nous, il a eu le malheur de naître avec une petite erreur de la nature au niveau de la cochlée. Il n’y a pas si longtemps, les « sourds et muets » étaient à la charge de la famille et de la société. Tout cela est maintenant pratiquement résolu. Il arrive aussi que des adultes, des gens comme vous et moi qui sommes normalement entendants, deviennent du jour au lendemain sourds profonds des deux côtés et donc handicapés définitifs. Ce problème-là est aussi en voie de résolution.
La presbyacousie a fait des progrès considérables depuis dix ans, grâce à la technologie dont il a été question en début de matinée. Il y a encore dix ans, un sourd achetait un appareil, le portait sans grande conviction et le rangeait au bout de quinze jours dans le tiroir de sa table de nuit. Cela ne servait à rien. Depuis dix ans existe un petit appareil que je vais vous montrer. Il devrait pouvoir concerner 3 millions de malentendants, c’est-à-dire des gens qui sont gênés dans certaines conditions mais qui ne sont pas totalement sourds. Cependant, il ne se vend que 400 000 appareils auditifs par an, ce qui est dérisoire. Voilà, Madame la Présidente, le vrai problème. Ces appareils sont en train d’évoluer de manière spectaculaire. Tout le monde trouve normal qu’on porte des lunettes quand on a des problèmes aux yeux. Vous avez vu tout à l’heure notre présidente. Elle porte de belles lunettes, cela fait partie de son charme, comme de nos habitudes. L’appareil auditif, lui, reste toujours un handicap. Si je mets un appareil auditif, c’est voyant et je suis considéré comme un vieux. Cela reste encore valable en 2008. Pourtant, les progrès sont considérables. Regardez cette jeune femme, elle porte une prothèse auditive, ce n’est qu’un tout petit tuyau. Il existe aussi maintenant pour certaines surdités importantes des appareils intra-auriculaires beaucoup moins visibles. Un appareil de ce type coûte 1 500 euros. La sécurité sociale, dans sa générosité, rembourse 130 euros. Le problème est incomparable avec celui des lunettes car les mutuelles se sont réveillées beaucoup plus tard, et commencent à peine à rembourser cet appareil. Il est pourtant incontestablement indispensable pour permettre un contact social aux gens de plus de 70 ans. Regardez autour de vous les personnes de 70-80 ans qui sont maintenant dans une forme physique et intellectuelle remarquable mais dont le contact auditif se dégrade progressivement. Gênées, elles finissent par préférer travailler à leur ordinateur plutôt que d’aller jouer au bridge l’après-midi. Le vrai problème, dont il faut que la commission se saisisse, se situe au niveau du remboursement parce qu’il est manifestement en retard. Il est nécessaire de faire jouer les mutuelles.
Je voudrais observer enfin que la surdité profonde est une catastrophe ou un handicap pour l’adulte ou l’enfant. Sa résolution est en bonne voie. Les ophtalmologues sont en train d’évoluer. Ce qu’avançait le Professeur Sahel est exact : il y a 20 ans les implants cochléaires rendaient possible la reconnaissance de 10 % des mots, les résultats actuels atteignent 90 %. Avec des cas comme celui d’Ambre, on arrive à 100 % de compréhension. C’est une révolution extraordinaire. Regardez cette diapositive.
Le capteur à l’extérieur envoie les informations à un ordinateur qui est le processeur que nous allons poser chirurgicalement. Cette électrode très fine donne l’information neurologique à la cochlée qui se trouve au bout de l’oreille interne et qui la renvoie au cerveau afin qu’il la décode. Les bébés naissent sans comprendre la parole. En France, un bébé apprend le français, mais si vous l’emmenez à l’autre bout de l’Afrique, il apprendra le langage local. C’est donc le cerveau qui prédomine. Nous avons maintenu résolu ce problème grâce à l’implant cochléaire.
Les implants cochléaires s’adressent à deux types d’individus. Le premier de ces types, ce sont les adultes que nous sommes, déjà oralisés. Si, à cause d’un accident de voiture demain matin, j’ai une fracture des deux rochers, je passe une demi-journée dans le coma, je garde toutes mes capacités mais je suis définitivement handicapé. On m’apprend rapidement à lire sur les lèvres, on dresse un bilan et je suis opéré dans les 6 mois avec une implantation cochléaire bilatérale. Je reprends dans l’année qui vient mes relations sociales et mes activités, je retourne travailler, je mène ma vie personnelle, je paie mes impôts et je redeviens un individu normal si ce n’est que le soir je coupe mes implants et je retourne dans le monde du silence. C’est extraordinaire et c’est à l’heure actuelle la réalité. 70 % de nos patients utilisent le téléphone portable. Tous les jeunes s’y adaptent très vite. 80 % des adultes en activité reprennent leur vie professionnelle. J’ai la fierté d’avoir soigné la doyenne des implantées, une Charentaise âgée de 82 ans. On change bien les valves cardiaques à des gens de 90 ans en France, alors je ne vois pas pourquoi que je n’aurais pas pu faire bénéficier de cette opération cette dame intellectuellement extraordinaire. D’autant que ce handicap la déprimait au point de la rendre suicidaire. Je l’ai opérée et je peux vous dire que le résultat est magnifique à voir (soit dit en passant, elle m’a préparé des confitures délicieuses pour me remercier). Elle s’est adaptée en 6 mois. La question est réglée ; le problème matériel qui demeure, c’est la prise en charge.
Le deuxième type d’individus concernés, ce sont les enfants affectés d’une surdité congénitale. C’est un problème très lourd et passionnant sur le plan éthique. Sur 800 000 naissances en France par an, on compte 1 000 surdités congénitales. La plupart de ces enfants, atteints de surdité sévère, vont pouvoir être appareillés et rééduqués et vivre normalement. Mais 400 autres enfants naissent avec une surdité profonde, totale, bilatérale. Ils ont l’avantage de pouvoir bénéficier d’un dépistage mais il n’est pas appliqué dans toutes les maternités de France. Il est inadmissible que nous soyons l’un des pays les plus en retard en Europe dans ce domaine. Il est essentiel de pouvoir dépister les enfants dès les premiers mois et d’alerter la famille le cas échéant. Tout à l’heure, la mère d’Ambre vous parlera de l’agression que représente un diagnostic de surdité alors que dans 90 % des cas l’enfant est par ailleurs strictement normal. La prise en charge précoce est moins compliquée qu’une opération neurologique. C’est une chirurgie de routine pour les équipes qui savent le faire. Avec une rééducation orthophonique et familiale pendant 4 ou 5 ans, ces enfants donnent souvent des résultats formidables. Vous allez entendre parler tout à l’heure la petite Ambre avec l’accent de sa région, c’est tout à fait impressionnant. 80 % de nos enfants suivent une scolarité normale et se rendent une à deux fois par semaine chez une orthophoniste pour éduquer la parole. A ce niveau-là, nous avons résolu ce handicap. Ce qui est intéressant c’est que sur les 2 000 enfants opérés en France depuis une quinzaine d’années, 80 % d’entre eux vont mener une vie sociale normale. J’en connais certains qui ont maintenant seize ou dix-sept ans. Ils sont pugnaces, ils doivent faire preuve de plus de courage qu’un enfant normal pour se rééduquer. Je suis curieux de connaître leurs résultats scolaires et de savoir ce qu’ils deviendront dans la vie. Je suis convaincu que, pour une bonne partie d’entre eux, ce seront des battants. Ce seront donc des gens normaux qui vivront dans un monde normal, qui paieront leurs impôts et ne seront pas à la charge de la société. Il est donc important de réfléchir à l’investissement, à ce calcul coût-risque dont vous parliez tout à l’heure.
Nous rencontrons là un autre problème. Un implant chocléaire coûte 22 000 euros et 30 000 euros avec la chirurgie. Nous sommes encore atypiques puisque nous sommes financés par un budget spécial du Ministère de la santé depuis une quinzaine d’années. Je crois que les choses devraient évoluer. Le Ministère de la santé nous permet de procéder à 750 implants par an. Or, les besoins tournent autour de 1 000. Je reprends la discussion de tout à l’heure. Nous travaillons sur un secteur très étroit, sans commune mesure avec les 400 000 cataractes ou les 200 000 prothèses de hanche. Le problème n’est donc pas le même. A mon sens, nous devons effectivement être soumis en permanence à l’évaluation. Par le biais des PHRC nationaux, des équipes sont évaluées tous les deux ou trois ans. Vous avez raison de considérer que les industriels ne sont pas intéressés par nos produits. Seules quatre entreprises dans le monde fabriquent des implants cochléaires. Parce qu’il vaut cent fois mieux s’intéresser à la prothèse de hanches qu’à l’implant cochléaire. Il n’empêche qu’au niveau national, nous disposons d’un maillage de centres spécialisés très satisfaisant. Ces 28 centres, dont 5 à Paris, couvrent le territoire. Il est donc indispensable de procéder à leur évaluation rigoureuse.
Voilà les quelques remarques que je voulais faire. Je suis très heureux de vous présenter Ambre, âgée de 7 ans et demi. Nous l’avons opérée d’une oreille à 17 mois et de l’autre 3 ans plus tard. Tous les adultes savent que lorsqu’on perd une oreille, on est affecté d’un handicap auditif. Voilà pourquoi l’implantation bilatérale est en train d’être acceptée à tous les niveaux. Notre petite Ambre suit sa scolarité dans une école normale. Elle voudrait à présent nous lire un poème.
Ambre
La colère
Ce matin j’ai mangé de la colère à la petite cuiller,
J’ai mis plein de mauvaise humeur sur ma tartine de beurre.
Toute la journée je l’ai passée à grogner,
A donner des coups de pieds
Et à dire : c’est bien fait !
Maintenant ça suffit,
J’ai envie que ça soit fini,
Et avant d’aller me coucher,
Je voudrais vous apporter une salade de baisers
Bien frais, bien doux, bien sucrés.
C’est très facile à préparer.
Qui veut la goûter ?
Pr Jean-Pierre Bébéar
Ambre a une expression, une oralisation strictement normale pour une enfant de 7 ans.
Elle voudrait nous lire un deuxième poème.
Ambre
Si tu trouves sur la plage un très joli coquillage,
Compose le numéro 000
Et l’oreille à l’appareil
La mer te racontera
Dans sa langue des merveilles
Que papa te traduira.
Claude Roy
Pr Jean-Pierre Bébéar
Ambre fait partie de mes stars. J’appelle « mes stars » quelques enfants de La Rochelle, à peu près du même âge, qui se sont connus dans cette période difficile, qui sont devenus des enfants normaux, scolarisés dans des écoles normales et qui n’ont aucun retard. Ce ne sont pas des exceptions, c’est la réalité. Je suis content que la mère d’Ambre soit venue. Elle va pouvoir nous faire part de l’agression que représente pour les parents l’annonce de la surdité de leur enfant. Ils ont tout un travail de deuil à accomplir. D’une manière générale, les jeunes parents, et même les hommes, m’impressionnent parce qu’ils réagissent souvent remarquablement.
Mme Bérengère Poletti
En tout cas, Professeur, Ambre a derrière les oreilles un petit objet rose, décoré d’une petite fleur, et remarquablement assorti avec le nœud de ses couettes.
La maman d’Ambre
La surdité d’Ambre a été dépistée au bout de neuf mois. Nous avons consulté un premier ORL. Il a procédé à des tests qui ne se sont pas vraiment révélés concluants pour nous. Il a ajouté que de toute façon il n’y avait rien à faire avant qu’Ambre ait trois ans et qu’il fallait plutôt que je me fasse soigner puisque ma fille entendait aussi bien que vous et moi. Comme je n’étais pas convaincue, j’ai consulté un autre médecin qui lui a fait faire des examens, des PEA, avec anesthésie générale. Nous avons alors su qu’Ambre était sourde profonde bilatérale. Le médecin l’a aussitôt dirigée vers le Professeur Bébéar. Le protocole d’implantation a été rapidement mis en place. Depuis, Ambre a rattrapé tout son retard de langage. Elle est devenue une petite fille tout à fait normale. A la maternité, on lui avait fait des tests, et il est marqué sur son carnet de santé qu’elle est entendante.
Pr Jean-Pierre Bébéar
Ambre est née avant que n’ait été lancée l’enquête nationale dans certains centres et certaines maternités avec le matériel adapté. La mère d’Ambre a oublié, peut-être par pudeur, de mentionner l’agressivité qu’elle a ressentie. Je me souviens, lors de notre premier contact, à quel point vous aviez été traumatisés. Et je sais que bon nombre de parents refusent logiquement d’accepter cette réalité. L’approche psychologique est donc indispensable pour que tout se passe très bien.
La maman d’Ambre
Parce que nous sommes bien entourés par votre équipe.
Pr Jean-Pierre Bébéar
D’une manière générale, ce sont de bonnes équipes parce qu’elles sont très spécialisées dans la surdité. Voilà pourquoi ces centres ne peuvent pas être ouverts à n’importe quelles équipes. A chacun son métier. Traiter 400 000 prothèses auditives par an ou 700 implants par an est très différent.
Puis-je encore vous présenter Madame Marie-Gaëlle RAMBAULT ? Elle va vous raconter son histoire.
Mme Marie-Gaëlle RAMBAULT
J’ai 44 ans. A l’âge de la petite Ambre, personne n’avait conscience de mon handicap. J’ai suivi une scolarité tout à fait normale au milieu des autres enfants. Les difficultés scolaires commençaient à s’accentuer d’année en année et je passais toujours de justesse d’une classe à l’autre. A l’âge de 16 ans, au moment où l’on commençait à apprendre des langues étrangères, la méthode audiovisuelle que l’on utilisait à l’époque me posait beaucoup de problèmes, parce que je ne pouvais pas répéter ce qui se disait au magnétophone. Ce sont mes professeurs d’anglais qui m’ont fortement incitée à aller consulter. J’ai donc passé mon premier bilan auditif en 1979, j’avais 16 ans. Le verdict est tombé : j’avais une surdité bilatérale de perception sur les fréquences aiguës. A l’époque, aucun appareillage classique ne m’aurait été d’un grand secours. J’ai donc poursuivi ma scolarité avec des difficultés toujours grandissantes au fil des années, j’ai passé mon baccalauréat et je me suis inscrite à la Faculté de sciences économiques et sociales à Bordeaux. En troisième année, j’ai commencé à saturer parce qu’il était difficile de prendre les cours en amphithéâtre toujours accompagnée de quelqu’un qui notait tous les mots qui me manquaient. J’ai donc passé des concours administratifs et je suis rentrée à France Telecom. J’avais pris soin auparavant de me tourner vers la COTOREP qui m’avait déclarée travailleur handicapée. Je me suis mariée, j’ai eu deux enfants et chaque fois la grossesse représentait un cap supplémentaire vers une surdité de plus en plus importante. Le contact avec l’extérieur devenait de plus en plus pénible. Je recherchais des activités plutôt solitaires : la couture, le crochet, la cueillette des champignons en forêt. J’avais besoin d’être seule. Je n’avais plus du tout de contact avec l’extérieur, je ne pouvais plus du tout me servir du téléphone.
Et puis un jour, en 2003, une rencontre inattendue avec une jeune fille m’a mise sur la voie de l’implant cochléaire. Je me suis renseignée, j’ai téléphoné au CHU de Bordeaux et j’ai pris contact avec Monsieur Bébéar. Après avoir entendu le récit de ma vie, il m’a dit que j’étais un très bon cas et qu’il allait m’opérer en bilatéral. Cette opération a eu lieu en 2003. Le plus difficile, c’est que je n’avais pas vraiment l’impression d’être sourde puisqu’il me restait encore la perception de quelques sons graves. Quand je me suis réveillée à l’issue de l’intervention chirurgicale, je n’avais plus aucune perception auditive. J’étais devenue entièrement sourde. C’était un moment difficile à vivre.
Mais, passé ce cap-là, cinq semaines plus tard, vient enfin le moment tant attendu des premiers essais avec l’audio prothésiste. Les premiers sons commencent à résonner un peu. En quelques semaines, les progrès réalisés ont été formidables. Au bout d’un mois j’ai pu utiliser un téléphone fixe avec la position main libre avec mon entourage. J’ai passé trois mois dans des centres de rééducation et ma vie a été transformée. J’entends tout. J’entends les chants des oiseaux, j’entends les feuilles qui craquent sous mes pas quand je marche dans une forêt, j’entends les alarmes des voitures, j’entends les bips des codes-barres que j’ai découverts à quarante ans. J’avais été appareillée à quelques jours de l’anniversaire de mes quarante ans. C’était un beau cadeau. Je vous remercie, Monsieur Bébéar. Pour moi la vie redevient tout à fait normale. J’ai connu une révolution professionnelle un an après mon intervention chirurgicale. J’ai de l’ambition, je ne compte pas m’arrêter là. La vie est belle, toute en couleurs maintenant.
M. Jérémie BOROY
Je voudrais faire une mise au point après ce semblant de publireportage où l’on essaie de nous gagner par l’émotion sur un sujet qui demande d’être abordé dans la sérénité la plus totale et de respecter la pluralité des points de vue. J’ai entendu parler dans l’intervention du professeur Bébéar de la surdité comme d’un drame, d’une catastrophe, d’un malheur, d’une source de souffrances. Je souhaiterais, au moins dans le cadre d’une audition publique, davantage de prudence dans la manière d’aborder la surdité. L’implant cochléaire a révolutionné le quotidien de beaucoup d’entre nous, c’est indéniable. Il convient néanmoins d’éviter de se contenter du schéma simpliste surdité/dépistage/implant et de croire qu’ainsi tout serait réglé. Ce n’est pas vrai. Il est indispensable de prendre en compte toute la dimension éducative pour permettre un accès à la langue, qui nécessite un accompagnement des parents et de l’environnement scolaire. Ces questions ne s’improvisent pas et ne se règlent pas seulement à l’hôpital. Je tenais d’autant plus à la préciser que l’un des enjeux de la loi 2005 est la possibilité de choisir entre deux grandes orientations, en termes de communication et en termes d’éducation. Il me paraissait important de le rappeler et de réaffirmer que la prise en charge de la surdité ne se résume pas à une solution technique et médicale.
Pr Jean-Pierre Bébéar
Je tiens, Monsieur, à vous remercier pour votre intervention très pertinente. Cet apport technologique formidable ne doit bien entendu pas occulter la nécessité absolue d’une prise en charge familiale et d’un suivi psychologique. Il est même indispensable de pouvoir bénéficier d’une très bonne prise en charge pour la rééducation chez l’adulte, comme chez l’enfant. Cela étant, les résultats sont révolutionnaires. Je n’oublie pas toutes les personnes d’une certaine génération qui n’ont pas connu le choix entre ces possibilités. Ces sourds profonds bénéficient de la langue des signes. Je suis l’un des adeptes de cette langue puisque nous en faisons usage pour la rééducation des jeunes enfants au départ. Mais il s’agit ici d’une réunion sur la technologie et les moyens dont nous disposons à l’heure actuelle pour oraliser ou réaliser les individus qui le souhaitent dans des conditions qui n’ont rien à voir avec ce que l’on pouvait envisager il y a vingt ans. Cependant, rassurez-vous, je comprends très bien votre réaction. Je fais partie de ceux qui ont milité en faveur du sous-titrage à la télévision et de la traduction en langage signé de certaines émissions. Mais le choix de l’aide pour un enfant sourd appartient aux parents. Sauf quelques cas très particuliers, un adulte qui entend et qui devient sourd progressivement, est très demandeur d’une aide technique, quelle qu’en soit la nature, pour entendre mieux. Pour le reste, encore une fois, je suis tout à fait d’accord avec vous.
Mme Bérengère POLETTI
Je vous remercie pour vos interventions. Nous allons reprendre le fil de nos exposés. Les aides techniques pour le handicap mental sont un sujet rarement abordé. Je laisse la parole à Thierry Nouvel, qui remplace Monsieur Dévoldère initialement prévu, et qui est Directeur général de l’UNAPEI. Je vous demanderai de bien vouloir être aussi concis que possible car nous avons pris du retard.
Le handicap mental
M. Thierry NOUVEL, Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI)
Merci Madame la Députée d’offrir à l’UNAPEI la possibilité de s’exprimer sur un sujet pour lequel, dans le champ du handicap mental, les aides techniques sont un domaine encore en voie d’exploration. Je voudrais introduire mes propos par les remarques de Jérémie Boroy sur l’importance de l’aide humaine. Dans le champ du handicap mental, l’aide humaine est probablement le premier médiateur de la compensation. Même dans le champ d’autres types de handicaps, l’aide technique ne suffit pas, elle doit s’accompagner d’une aide humaine. Dans le champ du handicap mental, c’est donc probablement dans l’association de l’aide technique et de l’aide humaine qu’il reste énormément à faire. Avant d’aborder les aides techniques à proprement parler pour les personnes handicapées mentales, je voudrais faire une observation sur l’intitulé de votre table ronde qui parle des « espoirs » suscités par la technique. Il me semble important de rappeler que ce ne sont pas que des espoirs que suscite la technique. Toute la technologie qui se développe aujourd’hui consiste en effet en une dématérialisation de tous les vecteurs et une déshumanisation des relations. Pour les personnes handicapées mentales qui éprouvent des difficultés de repérage spatio-temporel et d’apprentissage, il est très perturbant de se retrouver confrontés à des bornes informatiques sans accompagnement humain. La technique peut donc également susciter des craintes. Ces craintes ne concernent d’ailleurs pas uniquement les personnes handicapées mentales, elles regardent également les personnes âges et vieillissantes qui ont des dégénérescences cérébrales. Ainsi, c’est toute une catégorie de population qui est concernée par les difficultés engendrées par un développement technologique, qui ne s’adapte pas à elle. La technologie va beaucoup plus vite que l’adaptation de cette technologie à cette catégorie.
Cela étant, il est possible de développer des aides techniques à destination des personnes handicapées mentales pour leur rendre le monde accessible. Patrick Gohet a insisté sur la notion d’accessibilité du milieu, lequel peut se révéler particulièrement hostile aux personnes handicapées mentales. Il s’agit donc de mettre en place un vecteur ou des interfaces entre ce milieu hostile et la personne handicapée mentale. Faute de temps, je ne développerai pas cette question, mais il existe un certain nombre d’aides techniques qui existent en interface sur ces sujets. Les aides techniques peuvent aussi apporter une aide considérable pour l’apprentissage. Les personnes handicapées mentales connaissent énormément de difficultés dans ce domaine. Leur apprentissage est beaucoup plus long que celui d’une personne qui ne souffre pas de déficience intellectuelle. Il y a là aussi un travail considérable à effectuer. Le champ des aides techniques dans le domaine du handicap mental est relativement restreint. Ce qui existe, ce sont des logiciels d’apprentissage mais ils visent avant tout les enfants. Tous les parents ont vu apparaître des logiciels pour favoriser l’apprentissage. Nous avons tenté de nous emparer de ces logiciels et de les adapter pour notre catégorie de population. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Une autre difficulté que rencontrent les personnes handicapées mentales tient aux problèmes de communication. Il existe des systèmes de lecture optique de code-barres qui peuvent jouer le rôle d’interface avec un environnement hostile. Des expériences sont menées dans ce domaine en matière d’accessibilité : des systèmes de code-barres permettent de lire des commentaires, comme lors d’un passage en caisse, dans un musée par exemple. La ville de Troyes a développé ce type d’outils. Analogues aux systèmes de traduction des commentaires dans les musées, ces techniques permettent à des personnes handicapées mentales d’avoir accès aux informations qui sont offertes à l’ensemble de la population. Toutefois, il me semble important de rappeler que l’obstacle principal que rencontrent ces systèmes est l’information. Elle est très peu, voire pas du tout, accessible pour les personnes handicapées mentales. Les aides techniques sont encore dans un no man’s land. Nous nous efforçons de repérer un certain nombre d’aides techniques qui sont des adaptations d’autres aides techniques. Mais le manque d’information demeure un problème important.
Une fois qu’a été découverte l’aide technique qui pouvait être adaptée et apportée aux personnes handicapées mentales, il faut former l’environnement, notamment la famille, à son utilisation. Il convient également de former les professionnels qui les accompagnent. De ce point de vue-là aussi, la marge de progrès est considérable.
Le troisième volet de mon exposé, déjà évoqué à plusieurs reprises, porte sur la prise en charge des coûts. Le système de lecture code-barres, par exemple, est très onéreux. Il coûte 1 500 euros. La prestation de compensation laisse un reste à charge important que peu de familles peuvent s’offrir aujourd’hui. L’obstacle est de taille. Et quand elle peut le financer en partie dans le cadre de la prestation de compensation, le délai de traitement du financement est considérable : entre quatre mois et un an. Jérémie Boroy a évoqué le problème : ces retards peuvent finir par générer du surhandicap.
Voilà ce que je voulais vous dire rapidement sur la problématique des aides techniques et du handicap mental. Il reste énormément de choses à faire. On attend beaucoup de la technologie. Mais il faut aussi que la technologie pense dès maintenant à concevoir une mise en accessibilité pour tout un champ de la population qui n’est pas le grand public mais qui est appelé à se développer. Ce champ recouvre aussi bien les personnes handicapées mentales que les personnes âgées. Nous connaissons tous dans notre entourage une vieille dame complètement perdue pour réserver un billet de train ou pour se servir de son téléphone. D’ailleurs, maintenant les téléphones changent tous les deux ans et il faut savoir se repérer à chaque fois. Les industriels doivent donc prendre conscience qu’une catégorie de population ne pourra jamais accéder à toute cette mise en accessibilité très moderne. C’est un vrai problème de société dont il faut prendre absolument conscience. Je vous remercie Madame la rapporteure de nous avoir laissé nous exprimer, même brièvement.
Mme Bérengère POLETTI
Je suis désolée d’être obligée de vous contraindre mais je pense qu’effectivement l’essentiel ait que vous ayez pu exprimer votre point de vue. Il sera de toute façon retranscrit dans le rapport. Je passe maintenant la parole à Monsieur Lecoz pour le Comité national d’éthique et de lutte contre le handicap.
Lutte contre le handicap et questions éthiques
Pr Pierre LECOZ, Vice-président du Comité consultatif national d’éthique (CNNE)
Je suis vice-président du Comité national d’éthique et je dois dire que d’abord c’est un grand honneur pour moi d’avoir été invité à participer à cette journée, et de pouvoir rebondir sur la question de la surdité, que nous venons d’esquisser. Le Comité national d’éthique a en effet rendu un avis en début d’année qui a suscité des controverses, des remous et des malentendus. Je voudrais rappeler qu’ils viennent du fait que l’objet de cet avis a été mal saisi. Je cite le titre : « Ethique et surdité de l’enfant, éléments de réflexion à propos de l’information sur le dépistage systématique néonatal et la prise en charge des enfants sourds. » Le problème du Comité d’éthique était de saisir les aspects éthiques du problème et non de décider s’il faut ou non faire du dépistage en maternité. Le professeur Bébéar a cité à plusieurs reprises cette expression : « l’agression de l’annonce ». A ce sujet, il a semblé au Comité que dans l’état actuel des choses en France, nous n’avons pas suffisamment réfléchi à la question relationnelle ni à celle de l’information. Doit-on par exemple prononcer le terme de « surdité » ? Doit-on annoncer aux parents ou à une femme enceinte qu’en maternité lui sera ou imposé ou proposé un test de dépistage de la surdité de son enfant ? Toutes ces questions-là n’avaient pas encore été abordées par des institutions sanitaires et ce sont elles qui nous ont intéressés.
J’en arrive à un deuxième point. Le Comité d’éthique a répondu à une saisine qui lui avait été adressée par la Fédération française des sourds. J’ai été rapporteur de cet avis. Je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un cas de figure atypique dans l’histoire du dépistage en France, dans la mesure où l’on faisait basculer un handicap sensoriel dans le kit des affections infantiles graves, pour lesquelles une prise en charge médico-technique s’imposait en urgence. La Fédération française des sourds s’était émue qu’on associe la surdité à la phénylcétonurie, à la trépanocytose ou à la mucoviscidose. L’échange que nous venons d’entendre le confirme. Tout le monde est en effet d’accord pour utiliser les termes de « drame » ou de « malheur » pour la mucoviscidose. Mais il est certain qu’un membre de la Fédération française des sourds qui mène une vie relationnelle, associative et culturelle a du mal à entendre que sa vie est une catastrophe ou un malheur. Progressivement, en m’intéressant à cette question, je me suis rendu compte qu’il convenait de réfléchir à ces questions, au moins sur le plan de la stratégie politique. En effet, les personnes sourdes sont, d’une manière générale, réticentes à l’instauration en France d’un dépistage systématique de la surdité bilatérale, profonde et congénitale. Nous nous apprêtons à investir 17 millions d’euros, alors qu’avec cette somme d’argent il serait possible de développer, conformément à l’esprit de la loi de 2005, des lieux de formation pour le bilinguisme et de créer des postes d’interprètes. Une question d’arbitrage politique se pose donc ici.
En quoi y a-t-il quelque chose de singulier et de paradoxal dans cette affaire ? Pour la première fois en France, un projet de dépistage systématique n’est pas demandé par des associations directement concernées par le handicap. Il y a six ans, les associations de parents et de patients étaient favorables à la mise en place du dépistage systématique de la mucoviscidose par exemple. Nous sommes donc bien obligés de prendre en compte cette donnée-là, ne serait-ce que sur un plan stratégique.
J’ajoute une observation. Comme l’a remarqué le Professeur Bébéar, la prévalence de la surdité profonde et bilatérale est élevée en France. Un enfant présente une probabilité de surdité de 1 pour 1 000. C’est un chiffre élevé et donc un vrai problème de santé publique. Non moins élevé est le retard diagnostic puisque les parents et les médecins mettent en moyenne 16 mois pour se rendre compte qu’un enfant est sourd. Or, pour pouvoir appareiller au nom du principe d’autonomie l’enfant à l’âge de 1 an, soit d’une prothèse auditive classique soit d’un implant cochléaire, il faudrait réduire substantiellement ce retard de diagnostic. Seulement, en France du moins, les parents n’ont pas coutume de penser que leur enfant peut être sourd. Ils n’effectuent pas la démarche de vérification des capacités auditives auprès d’un médecin ORL. Je suggère d’ailleurs à l’observatoire de diligenter une enquête auprès de la population française pour savoir à quel risque les gens estiment la probabilité pour leur enfant d’être sourd. Nous serions sûrement très surpris de nous rendre compte à quel point les gens sont loin de la réalité. Ils n’imaginent pas un instant qu’ils pourraient avoir un enfant sourd. Pour eux, un sourd est le résultat de parents qui sont sourds eux-mêmes, la surdité ne peut échoir que dans un couple de sourds. Pourtant, la réalité est tout autre puisque nous savons que 9 fois sur 10, ce sont des parents entendants qui donnent naissance à un enfant sourd. La question de la sensibilisation du public s’impose donc. Il convient de mettre en place des campagnes de santé publique auprès de nos concitoyens et notamment auprès du corps médical, les médecins généralistes et des pédiatres. On pourrait d’ailleurs imaginer une éducation citoyenne où les parents eux-mêmes pratiquent un test empirique très simple qui consiste à appeler un enfant par son prénom lorsqu’il a le dos tourné ou à émettre un son bruyant qui serait de nature à le faire sursauter. Le fait est que très peu d’entre nous songe à cette prosaïque épreuve de vérité. La surdité fait peur, c’est ce qui explique que le désir de croire soit plus fort que la volonté de savoir. Du reste, dans notre pays, les professionnels de santé constatent sans cesse que les parents sollicités pour des consultations d’évaluation des capacités auditives de leur enfant ne viennent pas. Tout à l’heure, il a été question des pays du nord. Le retard que la France accuse en matière de diagnostic est aussi en partie une affaire de mentalité. Alors va-t-on brandir des menaces pour faire venir les gens et mettre en œuvre des sanctions sur les allocations familiales ? On voit bien que ce genre de mesures serait complètement irréaliste et très mal perçu par nos concitoyens.
J’en arrive à mon troisième point. Puisque, dans l’état actuel des choses en France, nous ne parvenons pas à sensibiliser les parents à l’éventualité de la surdité de leur enfant, ne faut-il pas se résoudre à effectuer ce test de capacités auditives en maternité ? Je suis heureux de savoir que l’Académie nationale de médecine s’apprête à rendre un avis qui rejoint les conclusions du Comité national d’éthique sur ce point : à savoir que le retard diagnostic est une perte de chance pour l’enfant qui a le droit de disposer des moyens scientifiques et techniques pour être intégré à la société. Même s’il ne se sent pas handicapé, il n’empêche qu’il peut se trouver malgré tout dans une situation de handicap puisque, comme il l’a été rappelé, 99 % de la population utilise de façon privilégiée le langage oral. La deuxième recommandation, elle aussi en phase avec l’Académie nationale de médecine mais aussi avec la Haute autorité de santé, porte sur la nécessité de développer une formation sur le plan relationnel et psychologique. Il convient d’autant plus de réfléchir à la qualité d’information qu’il existe un taux de faux positifs. Les expériences-pilotes menées en France n’ont pas encore donné leurs résultats, mais même avec un taux de 1 % de faux positifs, 8 000 couples auront quand même été inquiétés. Angoisser les personnes dans une phase de fragilité psychologique est un problème.
Je voudrais terminer sur le point suivant. La maternité se réduit aujourd’hui à un séjour de trois jours maximum. Si elle pouvait s’étaler sur une semaine comme c’était le cas dans le passé, je crois que toutes les questions que le Comité d’éthique s’est posées seraient résolues. Il y aurait en effet suffisamment de temps pour informer, rencontrer un psychologue, discuter des possibilités de prise en charge. Je vous remercie de votre attention.
Mme Bérengère POLETTI
Je vous remercie Professeur. La sage-femme que je suis s’est émue de ce qu’elle vient d’entendre. Le même problème se pose pour toutes les formes de handicaps. Nous sommes naturellement amenés à soulever un certain nombre de questions et à angoisser les parents. Accéder à la parentalité, c’est forcément courir un risque. Lorsqu’on nous appelle sur le risque de telle ou telle pathologie, nous sommes bien obligés de communiquer aux parents. Et parfois, le diagnostic définitif peut prendre plusieurs semaines. Je considère donc que la démarche est la même pour ce handicap que pour tous les autres. Nous nous devons de donner une information totale et complète aux parents le plus rapidement possible. Les séjours à la maternité étant le plus souvent réduits à trois jours, je pense qu’il serait raisonnable de proposer le troisième jour aux parents l’information la plus complète possible avec les réserves qui s’imposent. Je crois que les personnels qui travaillent dans les maternités sont tout à fait formés pour faire des annonces avec le plus de précautions possibles, et pour donner la meilleure information possible sur la surdité comme sur d’autres sujets. Je reconnais que ce type d’annonces n’est pas toujours facile à faire, ni à recevoir de la part des parents. Mais les parents sont très divers, ils ne constituent pas un bloc uniforme. Ce sont déjà deux personnes qui réagissent parfois de manière opposée. L’apprentissage des professionnels consiste notamment à appréhender cette réalité-là et à essayer de les accompagner le mieux possible.
Pr José SAHEL
L’année dernière, le Collège de France avait organisé un colloque sur le double handicap : le handicap visuel et le handicap auditif. Nous avions porté une attention particulière au handicap auditif en prévoyant une sonorisation et le langage des signes pour différents topos. Le sujet est extrêmement sensible. Je me suis rendu compte que le débat est très différent avec les parents d’enfants aveugles. J’ai l’impression qu’il ne s’est pas construit un monde des malvoyants et des aveugles comme il s’est construit un monde des malentendants, depuis une trentaine d’années. Je n’ai pas de jugement à porter à ce sujet, je me dis simplement qu’en tant que spécialiste de la vision, la situation n’est pas analogue. Je pense néanmoins que les enjeux sont importants. L’enjeu de l’annonce du diagnostic et de la prise en charge est majeur. L’autre enjeu porte sur ce qu’on appelle une vie acceptable et une vie pas acceptable. Il y a toujours débat avec les parents lorsqu’ils nous demandent un avis sur le fait d’avoir un enfant quand eux-mêmes ont une maladie handicapante. Mais ces débats dépassent très largement ce que vous voulez aborder aujourd’hui. Pour autant, je crois que, lorsqu’un handicap est acceptable et qu’il peut être compensé par des techniques de langages variés, il ne faut pas négliger qu’il existe des méthodes très performantes qui peuvent quand même permettre à 99 % des enfants dépistés d’avoir une relation directe avec leurs parents dès les premières années.
Pr Jean-Pierre BEBEAR
Je ne savais pas que vous alliez aborder ce propos, qui n’était pas dans la présentation. Je suis donc ravi que vous l’ayez fait. Nous avons bien entendu suivi les problèmes soulevés par le Comité d’éthique et je crois qu’une fois de plus il y a eu une erreur de communication entre nous. Nous comprenons en effet parfaitement vos observations, elles ne sont pas du tout antinomiques avec notre pratique. Je ne suis donc très heureux que vous ayez pu aborder le sujet. Je crois simplement que nous devrions proposer aux parents de vérifier l’audition de leurs enfants. 99 % des parents l’acceptent et c’est ce que nous pratiquons à Bordeaux. Pourquoi voulons-nous le faire à la maternité ? Tout simplement parce que si on ne sensibilise pas les parents, ils s’en rendent compte peut-être 10 mois plus tard. Sinon, le médecin les rassure, le pédiatre aussi, l’ORL parfois. C’est pourquoi je tiens à des centres spécialisés. Qui se charge du diagnostic ? Le plus souvent c’est la mère, le père ou la grand-mère. Et c’est un retard de chance qui dans un pays comme le nôtre est très discutable. Toutes les études le démontrent. On l’a dit, les pays nordiques sont en avance sur ces questions. Plus tôt on rééduque les enfants, meilleurs seront les résultats. Pour un même enfant à 1 an ou à 3 ans, le résultat final ne sera pas le même. Quant à l’intérêt du langage des signes pour une génération devenue maintenant adulte, il paraît évident et formidable.
Mme Bérengère POLETTI
Je laisse la parole à Monsieur Boroy qui veut intervenir à ce sujet.
M. Jérémie BOROY
Je voudrais simplement faire deux remarques. D’une part, je suis de ceux qui ne se sont pas complètement reconnus dans l’avis du Comité d’éthique parce qu’il opposait de façon trop simpliste la langue des signes et l’implant. Le débat est beaucoup plus ouvert. D’autres possibilités que la seule langue des signes existent. Elles n’impliquent pas de choisir forcément l’implant. Et la réciproque est également vraie. D’autre part, je voudrais qu’on cesse de considérer la langue des signes comme une solution formidable pour une autre génération d’adultes. Ce choix, qui n’a rien d’archaïque, est encore possible aujourd’hui et le sera demain pour des jeunes sourds. Il faut le respecter et cesser de l’opposer à l’implant. D’autres choix sont possibles tel que le langage parlé complété, une éducation dans la langue française, sans que l’oralisation soit pour autant une fin en soi. Certes, notre environnement est oralisé, mais nous communiquons aussi de plus en plus par l’écrit et par l’image. Les possibilités de s’épanouir dans notre société sont de plus en plus nombreuses sans que l’on soit pour autant capable d’articuler parfaitement. Je vous remercie.
Mme Bérengère POLETTI
Merci Monsieur Boroy. Nous allons donc terminer avec l’intervention de Monsieur Mokhtari qui est chercheur à l’Institut Telecom et qui travaille sur les aides techniques et l’insertion dans la cité. Je lui ai demandé d’être bref. Je voudrais simplement vous préciser que si vous souhaitez intervenir ou apporter une contribution à nos travaux de ce matin, vous pouvez le faire dans les jours qui viennent par courriel par exemple, afin que nous l’intégrions à l’audition publique de ce matin.
Aides techniques et insertion dans la cité
M. Mounir MOKHTARI, chercheur à l’Institut Telecom
Je vous remercie Madame la Présidente. Mes collègues et moi sommes venus avec une démonstration. Au lieu de vous montrer les solutions que nous sommes en train de mettre en place, nous avons choisi de faire une démonstration à l’extérieur. Vous pourrez donc en discuter avec nous et nous pourrons vous renseigner sur le nombre de personnes impliquées, les évaluations et tous les sujets qui vous intéressent.
Je voudrais juste insister sur un point. Un certain nombre de travaux concernant la domotique et la robotique qui sont présentés, ici comme ailleurs, impliquent le maintien à domicile. Je ne partage pas cette vision. Un habitat intelligent qui fournit un certain nombre de services et d’aides techniques incite de fait la personne à préférer rester chez elle. Par ailleurs, le corps médical connaissant des problèmes relatifs au nombre de lits à l’hôpital notamment, l’hospitalisation à domicile est l’option le plus souvent privilégiée. Il s’agit en quelque sorte de reconstituer l’hôpital à la maison. Certes, nombre de travaux vont dans ce sens. Mais nous avons décidé de travailler sous un autre angle : comment encourager les gens à sortir de chez eux et à aller en centre-ville tout en leur proposant un niveau de sécurité et d’assistance adéquat avec des services qui peuvent être déployés au niveau de la ville ? Nous avons donc lancé l’initiative Global Village, une initiative mondiale qui implique des chercheurs en Asie et en Amérique du Nord essentiellement. Nous avons dépassé la phase de recherche de solutions et de développement de produits, nous sommes actuellement en phase de déploiement. Aussi, Madame la Présidente, nous avons besoin de votre aide. Nous avons effectué une étude sur la ville de Castres avec le laboratoire Pierre Fabre et nous souhaitons tout simplement déployer notre projet dans une vraie ville avec de vraies personnes qui vont utiliser ce système. Nous avons approché la région du Limousin qui compte le plus de personnes âgées. Des promoteurs immobiliers ont été intéressés. Nous avons besoin de ce déploiement pour vous montrer concrètement les solutions que nous proposons. Voilà le message que je voulais faire passer.
Mme Bérengère POLETTI
Merci d’avoir été aussi concis. Je pense que les travaux de ce matin auront été denses et intéressants. J’espère qu’ils donneront lieux à certaines adaptations réglementaires ou législatives. Je vous fais la promesse de m’en charger. Je reste à votre disposition si vous souhaitez apporter des informations complémentaires, y compris la sollicitation que Monsieur Mokhtari vient de faire à mes côtés. J’estime qu’en effet c’est à travers de nouvelles expériences que nous pourrons faire avancer les choses. Merci à tous de vous être joints à cette matinée de travail.
La séance est levée à 13 heures 40.
Contribution de l’Association des Paralysés de France
à l’audition publique sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap du 19 Juin 2008,
Organisée par Mme Bérengère Poletti, députée
Nous saluons l’initiative de l’OPECST d’avoir confié à Mme Bérengère Poletti la rédaction d’un rapport sur « les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap ». La science et la technologie sont des apports essentiels incontournables à notre époque pour les personnes en situation de handicap.
L’APF contribue par ses actions ( collaboration à de nombreux projets et services innovants ) et nos services ( RNT: Réseau Nouvelles Technologies, Services et établissements …) à accompagner toutes les évolutions dans ce domaine. Pour autant, nous nous devons d’évoquer que pour la majorité des personnes concernées les aides techniques « plus classiques » sont encore les moyens les plus accessibles et les plus usités nécessaires à la compensation de leur handicap et que cette acquisition pose un certain nombre de difficultés, entre autres, de prise en charge financière.
Que ce soit dans le domaine d’acquisition des aides techniques comme dans tout autre domaine, nous réaffirmons notre souhait de voir :
1. La personne en situation de handicap au cœur du dispositif :
Nous voulons que soit réaffirmé l’un des principes phare de la loi : la détermination personnalisée des besoins de compensation : (décret 19 décembre 2005) qui stipule que:
« pour déterminer de manière personnalisée les besoins de compensation, quel que soit l’élément de la prestation, il convient de prendre en compte:
- les facteurs qui limitent l’activité ou la participation (déficience, troubles associés, incapacités, l’environnement)
- les facteurs qui facilitent l’activité ou la participation : capacités de la personne (potentialités et aptitudes), compétences (expériences antérieures et connaissances acquises), environnement (y compris familial, social, culturel), aides de toute nature (humaines, techniques, aménagement du logement etc. .) déjà mises en œuvre ;
- le projet de vie exprimé par la personne.
a) Nous souhaitons une évaluation des besoins qui doit puisse être effectuée par des équipes compétentes (formées et sensibilisées au handicap) qui respectent l’intimité de la personne et de son entourage: Nous proposons de prendre appui sur l’expérience et les services du secteur associatif pour mener à bien cette approche. (conventions MDPH sur des prestations d’évaluation, de sensibilisation au handicap etc..)
b) La nécessité de mobiliser une équipe réellement pluridisciplinaire afin de respecter une évaluation globale des besoins de la personne et non plus sous la seule vision médicale. Nous proposons de prendre appui sur l’expérience et les services portés par le secteur associatif qui travaillent déjà dans cet esprit. pour mener à bien cette approche *remarques reprises lors de l’Audition publique sur les aides technique de mars 2007.
c) Nous souhaitons une évaluation globale des besoins de la personne au regard de ses attentes qui tienne compte de son expression : idée d’une co-construction et d’un échange constant entre la personne et l’équipe d’évaluation. .
Le « changement de regard « porté sur la personne en situation de handicap est au cœur de cette nouvelle manière de procéder. Permettre la participation de la personne (comme l’a prévu la loi) lui ouvre l’accès à une citoyenneté pleine et entière.
2 : La compensation est à distinguer des ressources des personnes.
La personne en situation de handicap a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.*1 De plus « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de sa situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence « *2. Ces deux droits reconnus se cumulent mais en aucun cas ne doivent être confondus comme certains, par ignorance, sont quelque fois amenés à le faire.
*1 : article 11 de la loi du 11 février 2005
*2 : Préambule constitution de 1946 repris dans le pacte du mouvement ni pauvres ni soumis
De plus , la compensation doit bénéficier d’un financement sans critères de conditions de ressources pour les personnes concernées.
3: Les limites des éléments de la prestation de compensation.
- les plafonds des différents volets de la PCH sont insuffisants pour couvrir la réalité des coûts supportés par les personnes en situation de handicap pour leur permettre, comme la loi l’indique, de respecter leur libre choix de son mode de vie (à domicile ou en institution). les moyens pour vivre à domicile ne sont pas à la hauteur des coûts réels supportés par les personnes.
Des aides techniques insuffisamment prises en charge pour les personnes bénéficiaires de la PCH ( aide technique)
qui voient pour certains produits ( fauteuils roulants manuels actifs dits « hauts de gamme », fauteuils manuels avec une motorisation, fauteuils électriques verticalisateurs etc …, une PCH soit égale à 0 soit une PCH insuffisante pour couvrir le reste à charge( cf annexe 1). Ceci du fait du plafonnement de la PCH mais également d’un tarif PCH dans le cadre de l’arrêter PCH du 28 décembre 2005 qui reste insuffisant.
Nous proposons que ces produits déjà identifiés puissent bénéficier très rapidement d’une étude ( dans le cadre de l’Observatoire du marché et des prix des aides techniques de la CNSA ) pour, un premier temps, qu’une solution transitoire puisse être proposée dans l’attente d’une revalorisation de la liste PCH aide techniques et d’une inscription sur la liste LPPR qui puisse aboutir à une prise en charge totale du coût des produits.
Pour les mêmes raisons nous demandons que les plafonds des tarifs de la PCH finançant les aménagements de logements et les aménagements de véhicules soient revus.
1 : Les personnes ayant fait le choix de conserver leur ACTP (allocation tierce personne) ne peuvent avoir accès à l’élément aide technique de la PCH ( prestation de compensation) et de ce fait ne peuvent pas non plus prétendre à l’accès au Fonds de Compensation dans la plupart des départements, elles sont donc doublement pénalisées si leur fauteuil ( ou aide technique) n’est pas intégralement pris en charge par la LPPR ( avec une conséquence importante sur les choix puisqu’ils ne se font plus à partir des besoins de la personne mais à partir de la prise en charge ou non du fauteuil ou de l’aide technique au titre de la LPPR).
Les critères d’éligibilité à la PCH
Nous constatons que les critères actuels d’éligibilité à la PCH sont trop restrictifs et ne conviennent pas à un certain nombre de personnes en situation de handicap qui ont un besoin reconnu de compensation des conséquences de leur handicap et qui ne peuvent rentrer dans ce dispositif
Il faudrait assouplir les critères ( la référence à une difficulté ABSOLUE exclue les personnes dont le handicap n’est pas « constant » mais qui a bien un besoin de compensation. Exp : une personne ayant une difficulté certaine à la marche ( personne paraplégique incomplète ayant besoin de releveurs de pieds et de béquilles ) et qui utilise un fauteuil pour une autonomie de déplacements: elle a bien une difficulté grave ( mais pas absolue) et bien un besoin de compensation ( fauteuil etc …) mais elle n’est pas éligible à la PCH mais a bien un accès à l’ACTP!!
Nous proposons que les critères d’accès à la PCH soient revus afin de permettre une entrée dans le dispositif actuel d’un certain nombre de personnes en situation de handicap dont le besoin en compensation est identifié et qui ne bénéficient pas du droit à compensation auquel il peuvent prétendre. Cette disposition permettrait à un certain nombre de bénéficiaires de l’ACTP qui ne peuvent opter pour la PCH d’entrer enfin dans le dispositif.
3 : Les Fonds de Compensation :
Ce reste à charge (souvent très élevé) sera présenté au Fonds de Compensation dont l’accès est conditionné à des critères de ressources …entre autres ….et à une non garantie d’une prise en charge totale du reste à charge … Ce système est donc loin d’être satisfaisant pour les usagers.
- L’incertitude liées aux budgets des fonds et à la contribution de l’Etat = crainte du désengagement de l’État qui à terme peut freiner la participation des autres contributeurs !! (cf. Annexe 2)
- Inégalité de traitement sur le territoire, diversité des publics éligibles aux Fonds, exclusion illégale des personnes bénéficiaires de l’ACTP dans la majorité des départements. cf. Annexe 2)
Ce système est donc loin d’être satisfaisant pour les usagers.
Pour les « véhicules pour personnes en situation de handicap » et toute aide technique l’APF milite pour une prise en charge TOTALE de tous les coûts réels supportés par les personnes. Les besoins des personnes ( évalués par des équipes compétentes et qui tiennent comptent des avis de la personne) doivent pouvoir déboucher sur une proposition de produit (fauteuil ou autre produit) qui corresponde à la personne et qui soit INTEGRALEMENT financé pour toutes les personnes sans condition de ressources ni de statut.
4 : Les besoins d’information et de conseil dans le domaine des aides techniques
Nous participons activement aux travaux de l’Observatoire du marché et des prix des aides techniques mis en place par la CNSA.
Nous soutenons le projet des Centres d’Information et de Conseil et de tout projet qui vise à améliorer l’information, le conseil et le service de proximité pour les usagers.
annexe 1 - LES RESTES À CHARGE CONCERNANT LES AIDES TECHNIQUES
Un reste à charge important sur les fauteuils roulants manuels actifs "haut de gamme".
Par exemple une personne ayant besoin d'un fauteuil roulant manuel Küschall Ultra Light : Prix TTC = 1 979 euros + options 300 euros Total = 2 279 euros Remboursement LPPR = 558,99 euros
Plan de compensation sur le prix du fauteuil = 0 euros ( car PCH = 100% de la LPPR ) plan de compensation = PCH – LPPR = 0 Euros ) Prise en charge des options à 75% = 225 euros
Reste à charge pour la personne =1 495,01 euros
Un reste à charge important sur les fauteuils manuels avec une motorisation.
Par exemple une personne ayant besoin d'un fauteuil manuel X3 avec une motorisation duo eurochaire :
Prix du fauteuil = 1 955,97 euros
Prix de la motorisation = 5 089,32 euros
Prix options = 303,84 euros
Remboursement LPPR =: 2746,02 Euros (558,99 euros pour le fauteuil et 2187,03 euros pour la motorisation)
Montant de la prestation de compensation = 403,54 euros
Reste à charge = 4 355,71 euros
Un reste à charge important pour les fauteuils électriques pour des handicaps très lourds.
Par exemple une personne tétraplégique vivant dans une ferme et ayant besoin d'un fauteuil électrique verticalisateur :
Prix fauteuil+ options = 37 907 euros
Remboursement LPPR=: 6 692,84 euros
Montant de la prestation de compensation : 15 562,44 Euros
Reste à charge : 15 651 Euros
annexe 2 - COURRIER DU PRÉSIDENT DE L’APF À VALÉRIE LÉTARD AU SUJET DES FONDS DE COMPENSATION
Paris, le 26 octobre 2007
Madame Valérie LETARD
Secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité
127, rue de Grenelle
75700 PARIS 07 SP
Réf. 228-2007/Pdt JMB-MB/DB
Madame la Ministre,
Nous souhaitons vivement vous alerter au sujet des Fonds de Compensation. En 2007, l’Etat participe à hauteur de 14 millions d’Euros au financement des Fonds (en moyenne 140 000 Euros par département). Dans le projet de Loi de finances de 2008, ces crédits disparaissent. Nous ne pouvons accepter ce désengagement de l’Etat, à un moment où nos représentants associatifs qui siègent en COMEX et en CDAPH nous signalent que chaque MDPH a de manière assez diverse sur le territoire, mis en place un Fonds de Compensation qui répond, dans la plupart des cas, de manière totalement insuffisante au reste à charge des personnes. Dans l’intérêt des personnes en situation de handicap et de leurs familles, nous demandons à ce que :- Le Fonds de Compensation n’exclut pas le financement complémentaire de l’aide humaine. Les plafonds des tarifs pris en charge par la PCH demeurent trop bas autant pour le prestataire que pour le mandataire et l’emploi direct où les plafonds n’ont pas été renégociés depuis l’arrêté primitif. En attendant la renégociation de ces tarifs, les personnes en situation de handicap se trouvent en difficulté car elles ne peuvent pas toujours financer le nombre d’heures que la CDA leur a attribué. Le Fonds de Compensation doit donc pouvoir intervenir pour financer les restes à charge des frais dédiés à l’aide humaine, et à plus forte raison si ce fonds recueille (c’est le cas dans certains départements) les financements résiduels de l’Allocation complémentaire pour les personnes lourdement handicapées. - Le Fonds de Compensation assume le complément de la compensation (aides techniques, adaptation du logement etc.) pour les personnes bénéficiaires de l'ACTP (Allocation tierce personne) mais aussi comme le prévoit la loi de toute personne en situation de handicap qui sollicite le fonds pour un besoin de compensation.. Si le législateur a entendu laisser le droit d'option entre l'ACTP et la PCH, ce n'est pas pour ériger un niveau de sanction économique en interdisant l'accès au fonds départemental aux bénéficiaires de l’ACTP. Et à plus forte raison pour les personnes dont l'ACTP n'est pas encore arrivée à échéance de renouvellement. La seule solution digne nous paraît d'accepter le bénéfice du fonds sans condition aux personnes bénéficiaires de l’ACTP. - Le Fonds Départemental de Compensation prévoit la possibilité d'intervenir dans certains cas où les critères d'attribution de la PCH ne sont pas remplis. Les sites pour la Vie Autonome qui préfiguraient les Fonds de Compensation offraient cette possibilité à des personnes dont le handicap était avéré sans pour autant correspondre à l'analyse des incapacités qui ouvrent droit à la PCH, s'agissant du complément de financement des aides auditives notamment. Il faudrait s’assurer que la mise en place des nouveaux dispositifs n’entraîne pas une réduction des aides de compensation apportées jusqu’ici aux personnes. À l'appui de notre demande, nous ne disposons toujours pas du décret d'organisation du Fonds Départemental de Compensation tant attendu. Mais, la circulaire du 19 mai 2006 (ci-jointe), envisage l'intervention du fonds de manière plus large que ce que la plupart des départements s’apprêtent à faire. Il en est de même de la dernière version du vade-mecum PCH (ci-joint) et de la politique de certains départements qui ont, par exemple, permit l’accès au Fonds de Compensation aux personnes bénéficiaires de l’ACTP. Cette diversité d’interprétation des textes et de mise en place des dispositifs remet en cause l’égalité de traitement des demandes sur tout le territoire français et va à l’encontre d’une des dispositions clé de la nouvelle Loi. En vous remerciant de toute l’attention que vous prendrez à cette demande, je vous prie, Madame la Ministre, d’agréer nos salutations respectueuses.
Jean-Marie BARBIER Copie à :- Xavier Bertrand, Ministre du Travail- Patrick Gohet, DIPH- Jean-Jacques Trégoat, DGAS, Denis Piveteau, CNSA
LISTE DES INTERVENANTS
AUDITION PUBLIQUE DU JEUDI 19 JUIN 2008
Ambre et sa maman
Professeur Jean-Pierre Bébéar, CHU de Bordeaux
M. Serge Bernasconi, PDG de Medtronic France
M. Jérémie Boroy, Vice-Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)
Malika Boubekeur, Association des paralysés de France
M. Rodolphe Gellin, Commissariat à l’énergie atomique (CEA)
M. Patrick Gohet, Délégué interministériel aux personnes handicapées
Professeur David Guiraud, Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA)
M. Philippe Lemaire, Président de Phitech
M. Denis Piveteau, Directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)
Professeur Pierre Lecoz, Rapporteur du Comité consultatif national d’éthique (CCNE)
Mme Valérie Létard, secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité, auprès du ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité
M. Mounir Mokhtari, Chercheur à l’Institut Telecom
M Thierry Nouvel, Directeur général de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI)
Eric Padieu, Directeur du Centre d’études des recherches pour l’appareillage des handicapés
Mme Marie-Gaëlle Rambault
Professeur José-Alain Sahel, Directeur de l’Institut de la vision
M. Philippe Vallé, Directeur du service accueil aux familles, Association française de lutte contre les myopathies (AFM)
1 INSEE, Données sociales. La société française, 2006, p 613 « La dépendance des personnes âgées, une projection en 2040 »
2 Le handicap en chiffres, février 2004, direction de la recherche de l’évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales et de la solidarité.
3 Processus par lequel un être vivant acquiert des informations sur son environnement
4 Votre Rapporteure sera prochainement chargée d’un rapport sur les « disparités et dysfonctionnement des maisons départementales du handicap », dans le cadre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale.
5 À noter que l'invention du terme « robotique » est le fait de l'auteur de science-fiction Isaac Asimov qui l'employa pour la première fois dans une nouvelle intitulée « Menteur ! » , publiée en mai 1941 dans Astounding Science-Fiction
6 La DARPA a été fondée à la fin des années 1950 pour réagir à l'envoi d'un Spoutnik dans l'espace par les soviétiques. Le Président Eisenhower avait à l'époque estimé avoir besoin d'une structure pour repousser les frontières du savoir, d’où la création de la DARPA, sous l'égide du Pentagone. Son objectif était de faire en sorte que les États-Unis ne perdent pas leur prédominance scientifique. Le succès de cet organisme a été considérable puisqu'il est à l'origine d'Internet ou du GPS. Il convient de noter que la NASA en constituait une branche avant de prendre son indépendance.
7 Cette structure travaille sur l’accès à l’informatique, la domotique, la communication alternative et la robotique d’assistance et accueille les cas les plus complexes, c'est-à-dire des patients qui ne peuvent pas taper un texte, ni déplacer un curseur
8 cf. photo page 26
9 Autorité de régulation des télécommunications, avril 2003
10 au sein du projet européen « Dreams ».
11 Ces standards ont été formulés il y a dix ans par le W3C (World Wide Web consortium), organisme d'harmonisation international.
12 Enquête Handicaps, incapacités, dépendance, 1998-1999
13 Source CNSA
14 Ces arguments sont synthétisés dans l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé (cf. IIème Partie).
15 Rapport Direction générale de l’action sociale juin 2007
16 Projet du Prof. Konno de la Tohoku University
17 cf.chapitre 3
18 En collaboration avec l’INRIA, l’INSERM, l’université Pierre et Marie Curie, plusieurs établissements scolaires spécialisés (CRDV Clermont-Ferrand ; EREADV Villeurbanne ; ERDV, Loos les Lille ; INJA, Paris, Institut Montéclair, Angers, ...) et plusieurs associations d’aveugles et malvoyants ( ANPEA, AVH, FAF,...)
20 Rapport M.Fardeau, Rapport P.Blanc, rapport de la Cour des Comptes 2003…
21 Page 206 du rapport de juin 2003 intitulé « La vie avec un handicap ».
22 Rapport de juin 2003 intitulé « La vie avec un handicap ».
23 Réalisée en 2007 pour le compte de la CNSA
24 Réponse du Ministre de la Santé à la question écrite n°14085 du 20 juin 2008
25 Souligné par M Vachey, Directeur géneral adjoint de la CNSA, lors de l’audition publique du 19 juin 2008
26 Exposé de M. Vallé lors de l’audition publique du 19 juin 2008.
27 Avis N°103
28 Cour de Cassation, Crim 9 oct 1975 ; 3 Nov 1983…, une analyse complète de la notion de perte de chance appliquée au secteur médical se trouve dans le rapport 2007 de la Cour de cassation.
29 Assemblée plénière de la Cour de cassation, 17 novembre 2000.
30 M. Laurent Vachey a été nommé le 25 juin 2008, Directeur général de la CNSA
31 Union Nationale pour l’insertion des déficients auditifs
32 L’utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleurs données (preuves) actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient.
© Assemblée nationale