N° 2654 N° 581
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ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 2009 - 2010
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Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale Enregistré à la présidence du Sénat
Le 24 juin 2010 Le 24 juin 2010
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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
________________________
MUTATION DES VIRUS ET GESTION DES PANDÉMIES
Rapport final
Par M. Jean-Pierre Door, Député,
et Mme Marie-Christine Blandin, Sénatrice.
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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Claude BIRRAUX, par M. Jean-Claude Étienne,
Président de l'Office Premier Vice-Président de l'Office
______________________________________________________________________________
Composition de l’office parlementaire d’évaluation
des choix scientifiques et technologiques
Président
M. Claude BIRRAUX
Premier Vice-Président
M. Jean-Claude ÉTIENNE
Vice-Présidents
M. Claude GATIGNOL, député Mme Brigitte BOUT, sénatrice
M. Pierre LASBORDES, député M. Christian GAUDIN, sénateur
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député M. Daniel RAOUL, sénateur
députés |
sénateurs |
M. Christian BATAILLE M. Claude BIRRAUX M. Jean-Pierre BRARD M. Alain CLAEYS M. Pierre COHEN M. Jean-Pierre DOOR Mme Geneviève FIORASO M. Claude GATIGNOL M. Alain GEST M. François GOULARD M. Christian KERT M. Pierre LASBORDES M. Jean-Yves LE DÉAUT M. Michel LEJEUNE M. Claude LETEURTRE Mme Bérengère POLETTI M. Jean-Louis TOURAINE M. Jean-Sébastien VIALATTE |
M. Gilbert BARBIER M. Paul BLANC Mme Marie-Christine BLANDIN Mme Brigitte BOUT M. Marcel-Pierre CLÉACH M. Roland COURTEAU M. Marc DAUNIS M. Marcel DENEUX M. Jean-Claude ÉTIENNE M. Christian GAUDIN M. Serge LAGAUCHE M. Jean-Marc PASTOR, M. Xavier PINTAT Mme Catherine PROCACCIA M. Daniel RAOUL M. Ivan RENAR M. Bruno SIDO M. Alain VASSELLE |
Sommaire
PREMIERE PARTIE : VERS UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DU VIRUS 11
A. LA MUTATION : UN PROCESSUS CONNU MAIS ALÉATOIRE 17
B. LES REFLEXIONS DE M. JEAN-CLAUDE MANUGUERRA 18
C. LES REFLEXIONS DE M. BRUNO LINA 19
D. LES TECHNIQUES D’ETUDE DES MUTATIONS AU LABORATOIRE P4 DE LYON 26
1. Le P4, une structure originale unique en France, rare dans le monde 26
a) Une structure d’un type particulier 26
b) Une structure devant respecter des règles précises 26
c) La plus grande structure de ce type en Europe 27
2. Un laboratoire permettant de traiter les virus hautement pathogènes de classe 4 28
a) Les laboratoires d’analyse des virus sont différenciés selon quatre classes de protection 28
b) Les pathogènes de classe 4 sont variés 28
3. Une structure permettant de tester un réassortiment possible entre le H1N1 et le H5N1 29
4. Un exemple de travaux menés au P4 29
1. L’INRA, le H5N1 et le H1N1 31
2. L’INRA et les programmes de recherche 32
a) Le phénomène viral et les réponses de type médical qui peuvent lui être apportées. 35
b) la gestion de la lutte anti-virale en cas de pandémie 36
a) Plusieurs thèmes paraissent actuellement prioritaires. 36
b) D’autres questions doivent faire l’objet d’une attention particulière 37
DEUXIEME PARTIE : ETUDE DE VIRUS PARTICULIERS 43
A. CARACTERISTIQUES DU VIRUS 43
B. L’ADAPTATION DES METHODES DE VEILLE ET DE SURVEILLANCE SANITAIRES 44
1. Des moyens significatifs 45
2. Une communication dynamique 46
3. Les premiers enseignements qui peuvent être tirés en matière de communication 49
1. Le point de vue du Préfet 50
2. Le point de vue d’une élue au Conseil régional 50
3. Le point de vue des professionnels de santé, hospitaliers ou médecins libéraux 51
4. Le point de vue des associations 53
5. Le point de vue de plusieurs membres de la CIRE 54
1. Un révélateur des possibilités de la recherche à La Réunion et en faveur de l’Océan indien 55
b) Le cas particulier de la stérilisation des moustiques 57
2. Hors de La Réunion, la recherche d’un vaccin contre le chikungunia 60
1. Données scientifiques sur le virus et la pandémie 67
a) Sur la naissance du virus A(H1N1) et son appellation 67
b) Sur la surveillance du virus 69
c) Sur l’appréciation scientifique du risque sanitaire 70
d) Sur l’appréciation scientifique de la réalité 70
e) Sur le degré d’immunité acquise par la population 71
f) Sur les prélèvements en milieu hospitalier 71
g) Sur les goulots d’étranglement dans la production des vaccins 72
h) Sur les études sérologiques 72
2. Réflexions sur la gestion de la pandémie A(H1N1) 72
a) Sur la définition d’une pandémie, qui a été restreinte à des critères purement géographiques 72
b) Sur l’importance du stade 6 73
c) Sur la gouvernance et le pilotage de la crise 73
d) Sur la réalité de la pénurie de vaccins 75
e) Sur les autorisations de mise sur le marché 75
f) Sur la conception de la vaccination 76
g) Sur la réactivité des autorités sanitaires 77
h) Sur la gestion de l’urgence 79
i) Sur le principe de précaution (prendre des mesures en supposant un risque probable) 79
j) Sur l’appréciation portée sur l’utilité de la vaccination 80
k) Sur l’acceptabilité des vaccins 81
l) Sur la comparaison avec les choix faits aux Etats-Unis 83
TROISIEME PARTIE : LA NECESSAIRE COORDINATION INTERNATIONALE 137
1. Un champ de compétence étendu, mais encadré 138
a) Des fonctions qui évoluent et donnent de plus en plus lieu à débat 138
b) Une délimitation nette des tâches entre l’OMS et ses Etats membres 139
2. Un mode de fonctionnement qui correspond aux contraintes d’une organisation internationale 142
3. Des structures qu’il importe de différencier 144
a) Le comité d’urgence du Règlement sanitaire international (RSI) 144
b) Le SAGE (Strategic Advisory Group of Experts) 145
c) Le comité d’examen du RSI 147
4. L’OMS et la prévention des conflits d’intérêt 149
1. Un schéma complexe mais habituel dans l’Union européenne 155
2. Répartition des compétences entre l’Union européenne et ses Etats membres 157
a) Règle de base et pratique 157
b) L’expérience de l’AFSSAPS 158
1. Une structure européenne originale 159
a) Une institution créée récemment, sur un modèle inhabituel 159
b) Une approche globale de la surveillance 160
c) Un positionnement particulier en matière de communication 161
2. L’ECDC face à la grippe A(H1N1) 161
b) L’évaluation du virus et de la pandémie par l’ECDC 164
c) Les réflexions qui en découlent 166
2. Ses procédures d’autorisation au niveau européen et au niveau national 170
3. L’utilisation de dossiers maquette 171
4. Une approche différente de celle des Etats-Unis 172
5. L’Agence et les conflits d’intérêts 173
1. La réponse à la pandémie a résulté de travaux antérieurs 175
2. De nombreuses relations ont été établies avec l’OMS 175
4. Les masques n’ont pas été préconisés 179
5. Les contrats, restés confidentiels, pouvaient être annulés ou renégociés. 179
7. L’évaluation de la politique de lutte contre le virus est sereine 181
10. La recherche est vivante 183
1. Un plan pandémique débattu au Parlement 183
2. Une vaccination précoce par rapport aux autres pays européens 184
3. Un taux élevé de vaccination 184
4. Un système décentralisé 185
1. Répartition des compétences entre la Fédération –le Bund– et les Länder 186
2. La mise en œuvre pratique de la vaccination 187
1. Une approche participative dans la gestion de la pandémie 188
2. La mise en place de la vaccination et les freins constatés 189
3. Gestion concrète de la vaccination 190
1. La situation à Hong-Kong 191
2. La situation dans la province de Guangdong et à Canton. 193
QUATRIEME PARTIE : REFLEXIONS SUR LA REPONSE PUBLIQUE A LA PANDEMIE 197
2. Des limites propres à ce type d’exercice 200
a) La crise ne remet-elle pas en cause tout plan préétabli ? 200
1. Le plan est-il suffisamment adaptable et évolutif ? 201
1. Les remarques de M. Jean Marimbert sur l’incertitude 207
2. L’analyse de M. Patrick Zylberman 208
1. Le comité de lutte contre la grippe rappelle ses nombreuses recommandations 209
2. L’INVS s’interroge sur la manière dont les objectifs de la veille sanitaire ont été atteints 210
3. L’AFSSAPS insiste sur la vérification et l’évaluation de l’information 212
4. Que peut-on préconiser ? 213
A. Y A-T-IL UNE STRUCTURE IDEALE DE PILOTAGE DE LA CRISE ? 215
B. FAUT-IL CREER DE NOUVELLES STRUCTURES, ENVISAGER D’AUTRES REGLES ? 215
1. L’EPRUS a-t-il pu être efficace ? 215
2. Qu’imaginer pour le futur ? 216
A. POURQUOI EST-CE NECESSAIRE ? 221
B. COMMENT TENIR COMPTE DE L’EVOLUTION DE LA SOCIETE ET DES REACTIONS
DES CITOYENS ? 222
1. Prendre en compte l’évolution du système de santé et de la société 222
2. S’adapter à un système nouveau, complexe, avec de nouveaux acteurs. 223
a) Un certain nombre de pistes apparaissent 223
b) Des écueils sont dénoncés par plusieurs analystes 224
c) Les médecins inspecteurs de la santé souhaitent être davantage reconnus 224
d) Des acteurs de terrain ont été malmenés 225
3. Accepter un débat sur des choix qui peuvent changer, ou qui sont particulièrement difficiles 225
a) Qui fallait-il vacciner ? 225
b) Qui devait-on vacciner de manière prioritaire ? 226
c) Comment informer les personnes sensibles ? 226
4. Recréer les conditions de la confiance dans l’expertise 227
1. La communication de crise : un outil utile sous certaines conditions 227
I. ABOUTIR A UNE MEILLEURE FIABILITÉ DES DONNÉES QUI AIDENT A LA DÉCISION 233
III. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA SOCIÉTÉ ET LA RÉALITÉ DE SON QUOTIDIEN 235
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a été saisi le 2 juin 2009 d’une demande d’études sur la mutation des virus. L’objet de cette étude a été modifié à la suite de l’étude de faisabilité présentée le 13 octobre, afin d’élargir son domaine à la gestion des pandémies.
Dans un premier temps, les deux co-rapporteurs, M. Jean-Pierre Door, député, et Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, ont écouté les spécialistes de cette question, puis organisé une audition publique sur ce thème. Ils ont ensuite étudié plus particulièrement la situation à La Réunion et aux Etats-Unis.
Un rapport d’étape, présenté le 17 février 2010, leur a permis de dresser un premier tableau d’ensemble de la manière dont on peut se prémunir contre des virus qui mutent ou font apparaître de nouvelles souches de façon imprévisible. Ils ont ainsi analysé le dispositif de lutte contre le virus A(H1N1).
Depuis lors, la question étudiée par l’OPECST a pris une dimension nouvelle. Deux commissions d’enquête ont été créées au Parlement. L’une, à l’Assemblée nationale, porte sur « la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) ». L’autre, au Sénat, concerne « le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v ». Parallèlement, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe préparait un rapport sur « la gestion de la pandémie H1N1 : nécessité de plus de transparence ». Le Parlement européen s’interrogeait sur la création de sa propre commission d’enquête, tandis que la Cour des Comptes française était saisie de ces questions.
Le contexte avait changé : jusqu’à la mi-octobre, les vaccins n’étaient pas disponibles, la vaccination n’avait pas encore débuté. Mais mi-décembre, le pic pandémique était passé, et le nombre de personnes vaccinées en France était très inférieur à ce qui avait été imaginé, malgré une augmentation de la demande fin novembre lors de l’annonce d’une mutation du virus en Norvège. En janvier, la ministre de la santé et des sports indiquait que les contrats avec les laboratoires pharmaceutiques allaient être renégociés car la quantité des vaccins commandés en juillet ne correspondait pas à la demande, d’autant plus qu’elle avait été calculée sur la base de deux doses de vaccin par personne.
Se basant sur l’acquis de leur rapport d’étape, les rapporteurs de l’OPECST ont poursuivi leurs auditions et posé des questions précises au directeur général de la santé qui leur a répondu fin mars. Ces réponses sont intégralement reproduites dans ce rapport, car elles apportent un éclairage précieux sur la manière dont les pouvoirs publics ont réagi dans un contexte d’incertitude.
Ils se sont rendus au siège de l’OMS à Genève pour mieux comprendre le mode de fonctionnement d’une organisation internationale qui a joué un rôle majeur dans la déclaration de la pandémie mais qui semble de plus en plus coupée de la réalité perçue dans de nombreux pays de l’hémisphère Nord.
Ils sont allés à Londres (Mme Blandin) et à Stockholm afin de rencontrer les responsables de l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control) et de L’EMEA (European Medicines Agency), les deux organismes européens qui sont responsables de la surveillance sanitaire et des autorisations de mise sur le marché des nouveaux médicaments au sein de l’Union européenne.
Une mission à Hong-Kong et à Canton (M. Door) a par ailleurs permis de rencontrer les spécialistes mondiaux du SRAS et du H5N1 et de s’interroger sur l’éventualité d’une recombinaison virale à partir d’un virus très dangereux mais peu contagieux – le H5N1 – et d’un virus moins dangereux mais plus contagieux –le H1N1. Lors d’une visite du laboratoire P4 de Lyon, ils se sont interrogés sur l’éventualité d’une recombinaison virale H1N1 à partir des expériences qui sont menées dans ce laboratoire en milieu extrêmement protégé.
Lors de chacun de ces déplacements, vos rapporteurs ont pris contact avec les autorités du pays concerné pour avoir des informations de première main sur la manière dont elles avaient géré la pandémie actuelle.
Le 14 juin 2010, les co-rapporteurs de l’OPECST ont enfin organisé une deuxième audition publique sur le thème « H1N1 : Et si c’était à refaire », afin de réfléchir à la manière dont la crise a été gérée, à la façon dont elle aurait pu être gérée, mais aussi aux changements qu’il faudrait apporter du plan pandémie et à l’organisation de relations entre autorités sanitaires et citoyens.
Ce rapport final est par nature différent de ceux qui vont être présentés prochainement par les commissions d’enquête, les assemblées internationales ou la Cour des Comptes. Certains thèmes seront certainement repris dans les autres rapports. Mais les sujets abordés sont plus larges. Une attention particulière est accordée aux aspects scientifiques, aux connaissances sur les virus et aux travaux de recherche. Les auditions auxquelles il a donné lieu ont pu être organisées sur une durée plus longue.
La réflexion sous-jacente est menée autour de quatre thèmes : les connaissances sur les virus et leurs mutations ; la manière dont les luttes contre le H1N1 mais aussi le chikungunia ont été menées ; la nécessaire coordination internationale ; la gestion publique de la lutte contre la pandémie.
PREMIERE PARTIE :
VERS UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DU VIRUS
I. LA MULTIPLICITE DES VIRUS, LA DIVERSITE DE LEURS IMPACTS
Les virus sont très divers. Citons, sans avoir l’ambition d’être exhaustif, la mosaïque du tabac, le VIH, les virus responsables de la dengue, du chikungunia, des hépatites et les différents virus de la grippe : le H1N1 responsable de la grippe espagnole, les virus qui ont entraîné les grippes de 1957 et de 1968, le virus qui a amené les Etats-Unis à vacciner plus de 40 millions de personnes en 1976, le H5N1 qui a causé la grippe aviaire en 2007, et finalement le virus A(H1N1).
Tous ces virus n’ont pas le même impact. Ainsi le H5N1 a-t-il surtout entraîné la mort ou la destruction de nombreux oiseaux tandis que son impact sur l’homme, certes mortel, a été quantitativement très limité. Au 21 juillet 2005, 109 cas d’infection humaine étaient confirmés, causant le décès de 55 personnes hors de Chine. Treize pays d’Asie et d’Europe ont été affectés. Aussi, plus de 120 millions d’oiseaux sont morts de l’infection ou ont été euthanasiés.
Au 18 février 2006, 171 personnes ont été reconnues infectées dans le monde depuis fin 2003, dont 93 sont mortes. 200 millions d'oiseaux environ ont été victimes du virus ou abattus à titre préventif en Asie, Europe et Afrique, les trois continents affectés.
Certains sont dits émergents, car ils ont été récemment découverts. Trois explications en sont fournies par l’Institut Pasteur qui évoque :
- l’apparition d’un nouveau virus,
- le passage d’un virus existant vers une autre espèce,
- ou la dissémination large d’un virus à partir d’une petite population où il était originellement confiné.
Les causes de leur apparition ou de leur diffusion peuvent être dues à des facteurs humains liés par exemple à la déforestation, à la mise en eau de barrages et l’extension de périmètres irrigués qui favorisent le pullulement de moustiques, à la multiplication des déplacements ou aux erreurs commises lors des campagnes de vaccination. Ces causes peuvent également provenir de facteurs de grande envergure, telles les variations climatiques.
Des études a postériori permettent de suivre les chemins de progression d’une pandémie, et sa pénétration d’un continent : on retrouve par exemple l’arrivée précise de la grippe espagnole en Afrique, et les cas accompagnant les mouvements de troupes, et suivant les voies de chemin de fer.1
Influence des chemins de fer sur la propagation du virus de la grippe espagnole en Afrique en 1918
Influence du réseau routier sur la propagation du virus de la grippe espagnole en Afrique en 1918
Certains virus restent présents dans une population animale, sans toutefois affecter l’homme pendant de nombreuses années. Un animal pourra, lors d’un contact avec un humain, lui transmettre à nouveau le virus. L’Institut Pasteur cite l’exemple du sous-type H1N1 qui a provoqué la grippe espagnole, mais a disparu de la population humaine vers 1957. Il est pourtant resté présent chez le porc, ce qui lui a permis de réapparaître chez l’homme 20 ans plus tard. D’autres virus résultent de mutations.
Ces nouveaux virus apparaissent constamment.
La liste de ces virus émergents, dressée notamment par l’Institut Pasteur, est impressionnante. Elle inclut le SRAS, les virus de la grippe, le west nile émergé en Amérique, les virus des fièvres hémorragiques, le virus du Sida, l’hendra, le Niipah et autres paramyxovividiae.
Les seuls virus des fièvres hémorragiques sont divers : ils concernent l’amaril, la dengue, le virus de la fièvre de la Vallée du Rift, le Congo-Crimée, l’Hantaan, le Séoul, le Puumala, le Belgrade et Dobrava, le Sin Nombre, le Lassa, le Junin, le Machupo, le Guanarito, le Sabia, l’Ebola et le Marburg.
Ces nouveaux virus inquiètent la communauté scientifique et les pouvoirs publics du fait de leur force, de leurs effets et de leur dangerosité.
Il en est ainsi du Syndrome respiratoire aigu sévère – le SRAS – considéré par l’Institut Pasteur comme « la première maladie grave et transmissible à émerger en ce XXIème siècle. L'épidémie, partie de Chine fin 2002, a éclaté au niveau mondial en 2003 faisant plus de 8000 cas et près de 800 morts. Grâce à une mobilisation internationale sans précédent, motivée par l'alerte mondiale déclenchée le 12 mars 2003 par l'OMS, l'épidémie a pu être endiguée par des mesures d'isolement et de quarantaine. De même, l'agent causal du SRAS, un coronavirus totalement inconnu, a pu être rapidement identifié ».
L’Institut Pasteur à Paris et le Centre de Recherche Université de Hong Kong-Pasteur essaient actuellement de comprendre comment s’est effectué le passage de l’animal à l’homme de ce virus contre lequel on ne dispose encore d’aucun traitement, pourquoi il est si virulent, combien de temps il subsiste dans l’environnement.
Il en est de même pour le H5N1. Selon l’Institut Pasteur, ce virus de la grippe aviaire a été repéré pour la première fois en 1997, lors d'une épidémie à Hongkong. Il avait alors causé la mort de six personnes. Il est réapparu fin 2003, provoquant d'abord des épizooties chez les volailles dans plusieurs pays d'Asie, suivies des premiers cas humains.
L’apparition d’un virus grippal appartenant à un sous-type viral totalement inconnu de la population humaine comme le H5N1 rend inefficace la mémoire immunitaire de la population générale générée au cours des épidémies saisonnières dues aux virus grippaux classiques (actuellement pour les types A : H3N2 et H1N1).
C’est également le cas du chikungunia qui apparaît en Tanzanie en 1952.
Ces virus peuvent être pandémiques.
Parmi les grandes pandémies, qui font partie de la mémoire collective, on cite habituellement la peste noire, ou peste bubonique, responsable de plusieurs millions de morts en Europe, entre 1346 et 1350.
Plus récemment, au XXème siècle, on mentionne la grippe espagnole de 1918 à 1920 qui aurait fait entre 25 et 60 millions de morts. Provenant de Chine, elle s’est répandue au Japon, puis en Russie, en Europe et en Amérique du Nord.
La grippe asiatique de 1957, de type H2N2, et la grippe de Hong-Kong de 1968, de type H3N2, sont également considérées comme des pandémies.
Le SIDA, qui a déjà infecté 40 millions de personnes, est de même considéré aujourd’hui comme une pandémie. Mais comme ce sujet a eu et mérite des travaux à part entière, il ne sera qu’évoqué dans le présent rapport.
Leur structure est connue. Celle du virus Influenza comprend une enveloppe, à l’intérieur de laquelle on trouve huit brins d’ARN, dont la taille peut évoluer, et qui vont se répliquer.
Cette enveloppe possède trois protéines membranaires virales majeures : la protéine M2, l’hémagglutinine (dite H), la neuraminidase (dite N). Le H et le N permettent de caractériser les virus de la grippe. On compte, en effet, 16 formes connues de H et 9 de N. Mais seules 23 associations H-N ont été dénombrées sur la centaine de possibilités théoriques.
Ce sont ces combinaisons différentes qui sont la source de la diversité des virus, et qui servent à les répertorier.
Des brins d’ARN d’origine différente (aviaire, porcine, humaine) peuvent s’associer et ainsi créer un virus composite.
Un virus a besoin de pénétrer une cellule plus évoluée pour se reproduire.
Lors de la réplication – on dit aussi de la multiplication – de l’ARN, l’enzyme qui assure le processus peut entraîner des erreurs lors de la synthèse des nouveaux brins d’ARN. Ces erreurs se traduisent par des modifications progressives des protéines qu’ils codent, en particulier des protéines antigéniques H et N, comme le souligne un dossier d’INRA Magazine d’octobre 2009.
Certains de ces virus ont des éléments communs de propagation. C’est notamment le cas de la dengue et du chikungunia. Les connaître et les comprendre peut permettre de ralentir leur propagation, en particulier par la lutte anti-vectorielle.
Certains ont été suffisamment étudiés pour que des tests et des vaccins permettent de mieux les maîtriser et de les soigner. C’est tout l’intérêt de recherches pouvant avoir des incidences sociétales très importantes. C’est notamment le cas pour le vaccin qui permettrait de s’opposer au virus du Sida, actuellement testé avec un succès mitigé en Thaïlande, et qui pourrait être efficace dans un tiers des cas.
B. LEURS IMPACTS SUR L’ENVIRONNEMENT ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL
L’audition de M. Martin Guespereau, directeur général de l’AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail), a apporté un éclairage intéressant sur ce thème.
L’AFSSET a essayé d’évaluer les risques sanitaires sur les travailleurs, à partir de la présence du virus dans les eaux. Elle souligne que la partie environnementale est le parent pauvre des études sur les virus.
Elle révèle qu’on a pu mettre en évidence la présence de l’élément H5 dans l’eau en Moselle. Il y a eu donc un transfert dans l’eau d’une partie du H5N1.
Elle insiste sur les effets de la circulation du virus dans l’air des bâtiments. Il y a eu des cas pour le SRAS, étudiés à Hong Kong par Amoy Gardens, montrant une contamination de personnes à partir des systèmes de ventilation. Ces études concluent que la responsabilité de la transmission vient des particules auxquelles s’est accroché le virus.
Dans ce cadre conceptuel, l’AFSSET a publié plusieurs recommandations le 11 juin 2009. Il faut d’abord remettre tout en ordre et prendre des protections basiques d’hygiène sanitaire. Puis, dans les bâtiments, il faut éviter de trop « coller » les gens les uns aux autres (la distance entre les individus devant être de 2 mètres dans les salles de réunion). Par contre, l’AFSSET ne formule pas de recommandation sur la température, en remarquant cependant que le virus supporte mal une température plus élevée, et que refroidir un bâtiment permet au virus de vivre plus longtemps (le froid tue la vermine, mais pas le virus). Ses recommandations portent sur l’aération et la ventilation qui permettent une certaine dilution du virus.
Des études ont par ailleurs été réalisées sur les conséquences de la présence du virus dans les eaux usées, dans les stations d’épuration. Elles ont conduit à la conclusion que le risque de contamination par l’eau usée pour les travailleurs était négligeable par rapport aux risques auxquels ils pouvaient être exposés dans leur vie normale, et que le port d’un masque FFP2 entraînerait d’autres inconvénients trop importants.
L’AFSSET a effectué une autre étude avec l’ANACT sur les plans de continuité de l’activité, dans un supermarché Intermarché, à Grigny, dans le Rhône, à la suite du H5N1. Un film de 20 minutes, destiné au monde professionnel et diffusé sur Daily Motion permet de faire passer plusieurs messages sur les débordements auxquels peuvent être confrontées les entreprises qui ont besoin de continuer, voire de reprendre leurs activités, sur les risques particuliers des personnels exposés au public (les caissières) ainsi que sur des questions très concrètes, telles le repérage des personnes ayant la clé du magasin. Il met en évidence la logique de survie de ce supermarché, qui se replie sur la vente de produits de base, ce qui va entraîner des goulots d’étranglement chez les fournisseurs qui ont eux aussi des plans de continuité.
L’AFSSET met l’accent sur le rôle de la médecine du travail, en remarquant qu’il peut y avoir des discordances de messages d’une région à l’autre sur la poursuite ou l’arrêt de l’activité. Elle s’interroge sur la gestion des effets de cascade dus aux maladies des enfants malades, en remarquant que Véolia a mis en place un système d’autorisation d’absence préventive.
Sur les conséquences environnementales, l’AFSSET travaille avec l’Institut Pasteur pour être plus efficace et insiste sur la nécessité de poursuivre les études sur les eaux usées.
II. LES MECANISMES DE MUTATION DES VIRUS
A. LA MUTATION : UN PROCESSUS CONNU MAIS ALÉATOIRE
Les virus mutent généralement lorsqu’ils se répliquent à l’intérieur de la cellule qu’ils ont envahie. Ce peut être le résultat d’une erreur de duplication.
Les scientifiques distinguent traditionnellement deux types de mutation, l’une peu importante, l’autre plus radicale.
Il est pratiquement impossible de prévoir ces mutations. Les virus sont en effet imprévisibles, comme l’atteste la littérature médicale.
Des équipes de chercheurs essaient néanmoins de comprendre les causes des mutations. Des travaux sont ainsi menés à l’INRA.
Ainsi que l’indique l’Institut Pasteur, il est possible qu’« un sous-type soit nouvellement créé par réassortiment génétique. Il se produit lors d’une co-infection d’un hôte par deux virus différents. Au sein d’une même cellule, les deux virus vont se multiplier, faisant ainsi de nombreuses copies de leurs génomes ».
Lors de l’assemblage des nouveaux virus, des virus mosaïques ayant incorporé aléatoirement des segments de génome de l’un et de l’autre des virus parentaux seront formés.
Si ce nouveau virus possède des segments H5 et N1 propres au virus aviaire, il échappera complètement à la reconnaissance du système immunitaire humain. S’il possède également des gènes qui lui permettent de se multiplier efficacement chez les mammifères, il aura alors la capacité de se transmettre d’homme à homme aussi efficacement que la grippe classique.
Ces mutations, complètement aléatoires, font partie de l’évolution permanente des virus, et ont accompagné le développement de l’humanité.
Les virus grippaux profitent d’organismes réservoirs à sang chaud (humains, oiseaux, porcs) pour faire émerger par réassortiments de gènes de nouvelles souches et, selon leur configuration, des possibilités de transmissions diverses (animal-animal, animal-homme, homme-homme).
Le virus H1 N1 2009 contient des éléments génétiques provenant de quatre sources de virus différents, ce qui est inhabituel : il comporte des éléments du virus de la grippe porcine nord-américaine, de la grippe aviaire nord-américaine (dernier segment acquis), de la grippe humaine et de la grippe porcine qui circule en Europe et en Asie (on ne sait toujours pas comment ce segment de grippe porcine européenne a pu parvenir en Amérique).
70 % des virus humains viennent des animaux, d’où l’importance des synergies entre recherches médicales en santé humaine et animale. La rapidité avec laquelle la grippe porcine puis mexicaine a été débaptisée est sans doute protectrice pour le commerce de la viande, puis pour la diplomatie. Cela ne devrait cependant pas exonérer les autorités sanitaires de conseils adaptés pour les éleveurs, ce que l’on n’a vraiment pas entendu, contrairement au lavage des mains de chacun.
D’ailleurs, le pic de crise et de médiatisation étant passé, l’AFSSA a publié le résumé de son expertise : « En matière de surveillance, l’Afssa préconise la création d’un réseau national d’épidémiosurveillance des virus Influenza du porc…. Elle recommande de proposer aux professionnels de la filière porcine des mesures de biosécurité spécifiques ….de se faire vacciner préventivement vis-à-vis du virus A(H1 N1) 2009 »
B. LES REFLEXIONS DE M. JEAN-CLAUDE MANUGUERRA
M. Jean-Claude Manuguerra, virologue, responsable de la cellule d’intervention biologique d’urgence de l’Institut Pasteur a fait part de ses réflexions sur la mutation des virus et ses conséquences en termes de gestion d’une pandémie éventuelle lors d’une audition à l’Assemblée nationale organisée par vos rapporteurs le 7 octobre 2009.
M. Manuguerra a indiqué qu’il convient de distinguer les accidents génétiques et les mutations génétiques. Les accidents génétiques résultent du mélange de virus. La mutation fait référence au mécanisme d’évolution du virus.
Les accidents génétiques sont imprévisibles et aléatoires. Lorsqu’on essaye de mettre en place des mesures pour une pandémie qui émergerait de la modification d’un virus connu, il faut donc travailler en situation d’incertitude et procéder par scénarios, du scénario le plus optimiste au plus pessimiste. Il n’existe pas de scénarios de prédictions pour les épidémies et les mutations virales. Les scientifiques émettent des hypothèses et sont parfois surpris de l’arrivée d’un nouveau phénomène viral comme la grippe porcine.
Lorsqu’un plan est prêt, il est calibré d’une certaine manière et c’est ce calibrage qui pose problème. Le niveau de réponse est difficilement ajustable parce que si on l’ajuste pour un virus peu pathogène, avec une létalité très incertaine, on risque d’avoir un virus qui du jour au lendemain devient plus virulent. Il pourrait y avoir une démobilisation qui s’avérerait dangereuse.
Depuis l’apparition du H1N1, le virus n’a pas beaucoup évolué. Il y a toujours des mutations qui apparaissent mais avec peu d’impact biologique sur la santé de la population. Avec le H1N1, on a une pathologie humaine mais pas de problème de santé animale. Le virus est resté pratiquement à l’identique. Au début des circulations, on a observé des similarités avec la grippe espagnole, notamment parce que c’était du H1N1 et que les tranches de la population touchées mortellement par le virus avaient entre 15 et 40 ans. Pour la grippe saisonnière, ce sont davantage des personnes âgées.
On peut imaginer un accident génétique, un mélange avec le H5N1 ou avec des virus H1N1 saisonnier par exemple. En fonction des gênes, le virus peut être plus virulent. Le problème qui se poserait est que le N1 du H1N1 saisonnier soit persistant au Tamiflu. C’est une possibilité parmi d’autres échanges de gênes possibles où la létalité pourrait s’avérer plus importante.
Le virus peut resurgir en évoluant partiellement. Si on prend un taux d’attaque de 27% à 30 % sur la première saison, on aura un retour du virus parce que 70% de la population au moins ne l’auront jamais rencontré. Il faut généralement se méfier des saisons qui suivent la première. Ce ne sont plus des pandémies mais des répliques. Le virus reviendra lorsqu’il aura suffisamment muté d’un point de vue antigénique et développera des infections sur des personnes qui auront développé des anticorps des précédentes saisons. Le virus est appelé à revenir sur des distances pouvant être de deux, trois ans.
La genèse récente des virus que l’on a appelés porcins, puis mexicains, puis A/H1 N1, a résulté de nombreux réassortiments, lesquels ont collecté des gènes, toujours semble-t-il, par l’intermédiaire du porc. Le phénomène est beaucoup plus fréquent qu’on ne le pensait auparavant. Si l’on ne peut sans doute pas ralentir la progression du virus, il faut en revanche éviter qu’il ne passe à des populations animales et ne s’y installe. Le virus, que l’on a appelé « porcin » au départ, et qui n’en n’était pas tout à fait un, pourrait le devenir un jour ou l’autre. Il faut donc empêcher le passage d’une espèce vers une autre.
Les modes de contamination d’un continent à l’autre peuvent venir de faits ponctuels, comme ce thaïlandais ayant transporté dans son bagage à main deux petits rapaces de Bangkok à Bruxelles, avec arrêt à Vienne, le 18/10/2004 : les oiseaux saisis s’avérèrent atteints du H5N1. Le diagnostic fut confirmé par génotypage.
C. LES REFLEXIONS DE M. BRUNO LINA
M. Bruno Lina a fait parvenir à l’Office parlementaire une étude particulièrement intéressante sur les mutations et les variations antigéniques, rédigée à Lyon, le 26 novembre 2009. Vos rapporteurs ont souhaité la publier telle quelle.
« Du fait de sa nature, le virus de la grippe présente un fort potentiel de mutation. Ce virus à ARN possède une ARN-polymérase ARN-dépendante qui ne corrige pas les erreurs d’incorporation des nucléotides lors de la réplication virale. De ce fait, de nombreux mutants sont produits lors de la réplication. Ces mutants se noient dans le fond génétique des virus selon le concept de quasi-espèce. En effet, ce concept décrit que dans une population virale présentant une certaine homogénéité, lorsqu’on analyse en détail le contenu de cette population, il est observé de nombreuses sous populations qui présentent des différences mineures et réparties de manière aléatoire sur l’ensemble du génome viral.
Cette notion de quasi-espèce reflète l’hétérogénéité des populations de virus composant un inoculum infectieux. Dans ce contexte, il est facile de comprendre comment les virus influenza évoluent. En effet, cette hétérogénéité peut être stable en l’absence de pression de sélection. Toutefois, lorsqu’il s’exerce une pression de sélection sur la population générale, l’hétérogénéité de l’ensemble permet de favoriser l’émergence d’un mutant présent comme un sous composant de la population générale, mais qui du fait de son avantage va être sélectionné positivement par rapport à la population de départ.
Outre la potentielle capacité de sélectionner ces mutants, les virus sont capables d’en produire de nouveaux. Toutefois, ces mutants ne deviendront une population majoritaire que dans la mesure ou le mutant présente un avantage par rapport au virus de départ. Dans le cas de la pression de sélection immunitaire, c’est par l’effet de sélection des anticorps neutralisants que les mutants d’échappement apparaissent, puis diffusent à l’ensemble de la population cible. C’est par cette pression de sélection que les virus influenza responsables de la grippe saisonnière évoluent en permanence (fig).
Les mutations des virus peuvent aussi survenir par d’autres mécanismes moléculaires connus sous le nom de réassortiment. Cette méthode d’évolution de virus est la conséquence de la possibilité pour un virus influenza de modifier son contenu génétique en substituant un ou plusieurs de ses segments de gène avec ceux d’au autre virus qui a co-infecté la même cellule. En effet, cet échange de matériel génétique a été observé et est observé régulièrement entre virus du même sous-type. Exceptionnellement, elle permet de faire émerger un nouveau virus par échange de matériel entre virus d’origine différente (ex virus avare et humain), permettant l’apparition d’un nouveau virus présentant des caractéristiques totalement différentes de celles des virus de départ. C’est ainsi que sont apparus les virus responsables des pandémies de 1957, 1968 et 2009 (Scholtissek, 1994).
Il existe des mutations qui ont un autre impact que celui de faire apparaître un virus ayant de nouvelles propriétés antigéniques. Il s’agit de mutations d’adaptation à de nouveaux récepteurs, ou d’une mutation qui entraînera un accroissement ou une réduction de la virulence des souches mutantes. Un certain nombre de mutations de ce type ont été identifiées lors des études réalisées sur les virus de 1918 et les virus de la grippe aviaire (Taubenberger et al, 2000, Stevens J et al, 2006).
Mutations d’adaptation.
Ils peuvent porter sur deux types de structures : les site d’attachement au récepteur (ou RBS pour Receptor Binding Site en anglais), ou les protéines du complexe polymérase.
Pour les mutations sur le RBS, un certain nombre de position en acide aminé définissent les affinités pour les récepteurs utilisés par le virus. Dans la diversité des virus influenza rencontrés chez l’homme ou l’animal, il a été identifié des RBS présentant des structures différentes, permettant aux virus de s’attacher aux cellules cibles des différents animaux. Ainsi, les virus aviaires se lient plutôt aux acides sialiques de type Alpha 2,3 alors que les virus humains se lient essentiellement aux acides sialiques de types alpha 2,6.
Cette spécificité d’affinité au récepteur peut se mesurer in vitro par les méthodes de criblage en Biacore. En utilisant de la mutagenèse dirigée, il est possible de faire varier la spécificité des RBS en modifiant certains acides aminés (Stevens J et al , Science 2006).
La découverte de mutants portant des modifications sur les RBS des virus A(H1N1)2009 dans cette zone peut faire penser à des mutations qui confèrent une certaine affinité pour les récepteurs alpha 2,3 en complément de son affinité conservée pour les récepteurs alpha 2,6 (EWRS du 20 11 2009).
Dans le complexe polymérase, il est possible de faire varier la capacité de fonctionnement de la polymérase dans des contextes cellulaires différents par une mutation en 627 de PB2 par exemple. Avec cette mutation particulière, des virus aviaires peuvent s’adapter aux cellules humaines, et avoir un niveau de réplication entraînant une infection (Van der Werf et al, 2005).
Les variations antigéniques
Les variations antigéniques sont aussi un phénomène fréquent observé notamment chez les virus de la grippe saisonnière. Ces variations reflètent la pression de sélection du système immunitaire sur la population virale circulante. Si nous prenons comme modèle le virus A(H3N2), les mutations observées depuis 1968, date d’émergence de ce virus, se localisent dans les domaines antigéniques majeurs (fig1).
Ces domaines, situés exclusivement dans la partie Ha1 de la molécule de l’hémagglutinine sont très variables, comme le montre l’étude de l’ensemble modifications observées (fig2).
Ces mutations permettent aux virus de continuer à circuler dans une population cible auparavant immune, en échappant à la réponse immunitaire apportée par les cellules mémoires.
Situation par rapport au virus A(H1N1)2009 :
Les virus influenza ont une capacité de mutation importante. Ces mutations doivent être lues dans le contexte dans lequel elles apparaissent. Ainsi, les mutations conduisant au glissement antigénique (apparition de variants) ont lieu du fait de la pression immunitaire, les mutations dans le complexe polymérase des virus aviaire se font pour que le virus ait une meilleure capacité réplicative dans une cellule humaine, et les mutations d’adaptation aux nouveaux récepteurs peuvent permettre d’infecter un éventail plus important de cellules cibles.
Depuis son apparition, le virus A(H1N1)2009 a effectué un certain nombre de mutations. Ainsi, il a été rapporté des mutations en 627 dans le PB2 qui permettent au virus de mieux répliquer. De même, des virus présentant une mutation sur le RBS ont été détectés dans différents pays, montrant une bascule du résidu 222 permettant un attachement aux acides sialiques en alpha 2,3. Enfin, des mutants de résistance aux antiviraux ont été détectés chez une soixantaine de patients, avec systématiquement la même mutation en 275.
La mutation en Ha 222 sur l’hémagglutinine permet théoriquement aux virus mutants de cibler aussi les cellules qui n’expriment que les récepteurs avec acides sialiques de type alpha 2,3. Ces récepteurs sont absents des voies aériennes supérieures et, dès lors, une telle mutation peut ne pas modifier la capacité de diffusion du virus. Cela peut signifier que l’avantage théorique de réplication accrue dans les voies aériennes, inférieures n’est pas associé à un avantage de transmission. Ainsi, ces virus ne présentent pas forcément un potentiel de diffusion supérieur au virus non muté, ce qui peut laisser penser que, même si ce virus mutant a un avantage en terme de virulence, il n’a, a ce jour, pas d’avantage identifié en terme de transmission. Cela devrait conduire à la co-circulation des deux types de virus, une attention particulière devra être apportée pour vérifier si les personnes infectées par un virus mutant font effectivement plus fréquemment des formes graves.
La mutation en Na 275 n’a que sporadiquement été responsable de cas de résistance, et il n’y a eu que deux cas de transmission de virus résistants (USA et UK). Cet événement est a prendre au sérieux, nous avons observé dans le passé l’émergences de virus A(H1N1) résistant à l’oseltamivir, avec une diffusion rapide du virus résistant, même en l’absence de pression de sélection par l’utilisation des antiviraux.
Conclusion :
Les virus influenza mutent. Certaines mutations peuvent avoir un impact, en terme de pouvoir pathogène, de résistance aux antiviraux ou d’échappement à la réponse immunitaire. Toutes les mutations ne se valent pas, et l’apparition d’un mutant ne signifie pas que ce mutant va inexorablement diffuser et supplanter le virus de départ. Toutefois, l’apparition de cas similaires en différents endroits du globe doit faire regarder ces types de mutations avec beaucoup de sérieux ; elles peuvent être considérées comme des points chauds pour les virus, et identifier une zone soumise a une certaine forme de pression de sélection. »
D. LES TECHNIQUES D’ETUDE DES MUTATIONS AU LABORATOIRE P4 DE LYON
1. Le P4, une structure originale unique en France, rare dans le monde
a) Une structure d’un type particulier
Le P4 est organisé comme une grande plate-forme accessible à toute la communauté scientifique.
Dépendant de l’INSERM, c’est un laboratoire à l’interface de la science, de la sécurité et de la sûreté. Son directeur vérifie la nature des projets, leur faisabilité, l’origine des demandeurs. Son conseil scientifique fait alors une évaluation scientifique du projet. Son directeur établit sur cette base des priorités en termes de dates d’accès et de planning, ce qui est important, notamment s’agissant des expériences sur les animaux.
Les contrôles réalisés vont au-delà de la loi : tous les protocoles doivent obtenir l’aval d’un comité d’éthique au niveau régional.
Le P4 offre aux chercheurs formés l’accès à une équipe d’expérimentation à façon. La construction ayant été financée par le groupe Mérieux, son fonctionnement est garanti par l’Etat, au travers de l’INSERM, ce qui lui apporte la certitude de pouvoir être ouvert tous les jours. Chaque intervenant extérieur paye la somme correspondante par demi-journée, soit 600 euros. Ce tarif est majoré pour les industriels.
Employant 20 personnes pour ses besoins propres, plus 30 personnes formées à son utilisation, le P4 dispose d’un budget annuel d’environ 2,5 millions d’euros, dont 1 million pour le maintien en exploitation de son laboratoire de recherche. Les personnes extérieures qui y travaillent y restent pour des périodes de temps très variables, qui vont de deux semaines à 5 ans, en passant par trois à six mois.
Il devrait en fait s’appeler NSB4, car c’est un laboratoire pathogène de classe 4.
b) Une structure devant respecter des règles précises
La manipulation des virus est encadrée par les règles relatives à la manipulation d’OGM puisqu’on en fabrique quand on travaille sur des mutants : soit on observe les modifications naturelles, soit on les force.
L’AFSSAPS donne les autorisations par recherche et par site, tant pour les recherches en P3 que pour les manipulations des virus grippaux en P42. La Direction du P4 garantit la bonne gestion du site et sa sécurité. L’AFSSAPS visite le centre et le contrôle.
L’INSERM a la charge de l’exploitation du site. Le directeur du site vérifie l’origine des demandeurs, la faisabilité et la sécurité. Un conseil scientifique valide l’objet de la recherche. Dès qu’une recherche a été acceptée, elle débute sous la responsabilité de la direction du centre. Le centre peut mettre des équipes formées à disposition. Les protocoles employés doivent recevoir l’avis du comité d’éthique local.
Le virus reste au P4 dans une banque. Le propriétaire ne part avec que s’il le met dans une zone de confinement équivalente. Or il n’en existe qu’une en France et six en Europe. Si on le transporte, un emballage particulier est prévu. Des sociétés spécialisées sont employées.
Les résultats appartiennent à l’expérimentateur usager du centre. Le centre les connaît, mais ne les utilise pas. Les souches restent au P4, dans des virothèques, tout en appartenant à la structure qui a fait la recherche. Les sorties sont sécurisées.
Des échanges de virus sont possibles, mais sur une base de réciprocité, ce qui entraîne des échanges avec les européens, mais pas avec les américains. Les échanges se font dans la pratique avec l’Allemagne, la Grande Bretagne, et la Malaisie (même si elle n’a pas de P4).
c) La plus grande structure de ce type en Europe
La France a été précurseur du concept sous la houlette de Charles Mérieux. Il y a deux P4 plus petits en Allemagne où l’on peut travailler sur des cultures de cellules et les rongeurs ; un petit à Stockholm qui travaille sur les rongeurs et qui, comme en Allemagne, est un laboratoire de type scaphandre. En Angleterre, par contre, les chercheurs du P4 travaillent avec des boîtes à gants, à partir de travaux militaires, à Porto Down. Les Italiens qui ne possèdent qu’une petite boîte à gants construisent actuellement un laboratoire de type scaphandre tourné vers l’intervention (chambres de niveau 4 au-delà de la recherche). Les Hollandais ont un projet.
Alors que se prépare un projet de P4 européen, il est encore utile d’avoir plusieurs P4 en Europe. Mais il faut mettre en place un système de coordination avec des procédures harmonisées en se basant sur l’existant, en définissant où on pourrait en construire d’autres et en vérifiant la capacité de l’Etat d’accueil à l’entretenir.
En dehors de l’Europe, le nombre de P4 est limité : il y en a plusieurs aux Etats-Unis, et un seul au Canada, situé dans le centre canadien de virologie. Il y a un P4 au Japon qui est maintenant utilisé au niveau 3 car il ne correspond plus aux normes ; il n’y en a pas en Chine, le laboratoire de Hong Kong étant classé P3+. Il n’y en a pas encore en Inde en santé humaine, le laboratoire de Bophal étant dédié exclusivement aux pathogènes vétérinaires. Il y enfin un P4 en Afrique du Sud, un en Australie, mais aucun en Amérique latine.
2. Un laboratoire permettant de traiter les virus hautement pathogènes de classe 4
a) Les laboratoires d’analyse des virus sont différenciés selon quatre classes de protection
La classe 1 requiert une simple protection, la classe 2 un confinement. Dans la classe 3, l’environnement est protégé car il s’agit d’épargner le monde extérieur. En classe 4, l’agent a une protection aussi confinée que le monde extérieur.
Dans la classe 1, les virus peuvent être manipulés partout. Dans la classe 2, sont déjà mis en œuvre des jeux de pression et de dépression. Dans la classe 3, on traite d’agents pathogènes plus graves, dans un environnement protégé, en dépression, permettant de protéger l’extérieur. Dans la classe 4, le niveau de protection est encore plus important puisque le manipulateur rentre dans un scaphandre.
Il aurait été possible de traiter le virus H1N1 et le virus A(H1N1) dans un laboratoire de classe 3. Mais le Professeur Lina a choisi de mener ses recherches en P4, car il y fait des manipulations génétiques. Or quand on modifie un agent, on le met dans une classe supérieure. Un agent 3 doit être alors traité en 4.
b) Les pathogènes de classe 4 sont variés
La classe 4 regroupe des pathogènes dangereux, pour lesquels il n’y a pas de vaccin, pas de traitement, et qui ont une forte capacité de transmission. Elle comprend notamment le SRAS (contagieux quand on est vraiment malade, et qui a été maîtrisé en travaillant sur la source), le H5 N1, la fièvre hémorragique Crimée Congo (présente en Afrique, en Bulgarie et en Turquie, probablement en Russie), le Nipah (virus d’encéphalite gravissime qui entraîne des décès fréquents, se transmet par le porc, et dont le réservoir est la chauve souris ; présent en Asie dans nombre important de pays, il est émergent en Malaisie), l’Hendra (apparu en Australie et qui a pour agent intermédiaire le cheval).
Il y a une problématique des émergences. Ainsi ne dispose-t-on pas de vaccin pour le H5N1, contre lequel le Tamiflu est inefficace. Mais quand on le manipule en laboratoire, la transmission d’homme à homme ne pose pas de problème.
3. Une structure permettant de tester un réassortiment possible entre le H1N1 et le H5N1
Comme le souligne Mme Sylvie Van der Werf, l’intérêt du P4 est de pouvoir porter un jugement sur les craintes d’un réassortiment entre le virus pandémique et les virus saisonniers, qui sont aujourd’hui largement résistants à l’oseltamivir, et notamment un réassortiment entre le H1N1 et le H5N1 qui continue d’exister de manière endémique en Egypte et en Indonésie. Il s’agit d’évaluer les réassortiments possibles, et la vitalité des réassortants qui apparaîtraient. Il faut déterminer si l’on va vers un virus performant, analyser son comportement en culture. Il faut essayer de déterminer s’il sera performant chez l’animal ou chez l’homme dans le cas où il est performant en culture. Des études peuvent être réalisées chez la souris ou le furet, avant d’étudier une transmission possible animal-humain. Le P4 est en effet équipé pour traiter souris, furets et singes. Le furet est un bon modèle pour étudier la maladie humaine.
L’intérêt est de prendre de l’avance sur un éventuel vaccin, de savoir comment le virus se comporte, et de renforcer la surveillance des conditions susceptibles de donner lieu à ce type de réassortiment. On peut en effet cibler des moyens de diagnostic et de suivi pour ne pas passer à côté de ce genre d’évènement, et déclencher des actions réactives. La biosécurité du P4 protège d’une aventure périlleuse.
Vos rapporteurs n’ont pas la même considération de la pertinence de ses recherches, et des modes d’autorisation qui y sont associés.
4. Un exemple de travaux menés au P4
Le laboratoire de M. Bruno Lina, le Virpath (unité CNRS-Université Lyon 1, FRE 3011, qui deviendra bientôt un laboratoire Inserm, CNRS, ENS et Université de Lyon) est amené à travailler régulièrement au P4.
Ses travaux ont pour objectif de comprendre les mécanismes d’émergence et d’expliquer le passage d’un organisme de l’animal à l’homme. Il prend en compte plusieurs paramètres. Il faut anticiper et mesurer le danger. Un projet bouclier contre la grippe aviaire a dans ce cadre été financé à Lyon par l’ANR, avec l’objectif de déterminer les mariages entre le virus H5N1 et ceux de la grippe saisonnière, qui entraîneraient des réassortiments dangereux et fortement transmissibles d’homme à homme. Les études ont été réalisées in vitro et in vivo chez l’animal, notamment chez le furet. Elles sont la prolongation d’études antérieures.
Au P4, on a prévu une capacité d’hébergement de 18 furets. Il a fallu organiser leur transport et mettre en place une anesthésie puisqu’on ne travaille au P4 de Lyon que sur des animaux anesthésiés. Il a aussi fallu tenir compte de la sensibilité du furet aux variations thermiques.
Les expérimentateurs portent plusieurs types de gants superposés. Un seul accident est arrivé en 2003 lors d’un travail sur des animaux vigiles.
Les virus H5N1 vivants obtenus en 2006 (un virus vietnamien, un virus turc, d’un clad (groupe génétique) différent), sont arrivés d’emblée dans le P4. Le personnel du laboratoire a appris à manipuler ces virus. Puis on s’est aperçu que les Américains avaient déjà fait ce qu’il était prévu de faire. Il en est résulté une pause, puis une première étude sur le H1 et le H5, où l’on s’est rendu compte que les réassortiments génétiques entre virus humain et aviaire étaient très difficiles à faire, et qu’il en était de même pour les réassortiments entre le H1N1 saisonnier de l’époque et le H5N1. Les réassortants obtenus sont faiblement pathogènes, ont une faible capacité de diffusion. Ces virus n’ont pas été testés en France chez l’animal. On a alors arrêté ce programme. Mais on a développé tous les outils de génétique inverse, on a formé les outils in vitro sur de tels échanges, et on a travaillé sur le jeu entre les différents segments de gênes saisonniers.
Quand le H1N1 est apparu, on a réactivé un certain nombre de programmes pour essayer de comprendre si les risques avaient changé, du fait du virus pandémique. On a utilisé le H1N1 saisonnier et le H5N1. On a testé une autre hypothèse à partir du H1N1 saisonnier classique résistant aux antiviraux (Brisbane) et le H1N1v , pour voir si la résistance pouvait se développer. Les résultats de ce travail réalisé in vitro et en partie in vivo vont en être publiés.
Le H1N1 et le H5N1 produisent in vitro des réassortants qui en pratique conservent le complexe polymérique du virus porcin. Mais ce ne sont pas des virus à haut niveau de pathogénécité.
Les échanges génétiques entre les deux H1N1 ont été soumis et financés par l’IMMI (Institut Microbiologie et Maladies infectieuses), de même que les échanges entre le H1N1 et le H5N1. Globalement, la recherche française a été très réactive.
En dehors du P4, le laboratoire du professeur Lina monte depuis 2005 des outils pour des travaux in vitro. Il fallait d’abord avoir accès aux virus vivants, ce qui n’est pas toujours aisé, puis faire des opérations de génétique inverse.
III. LES LIENS ENTRE VIRUS HUMAINS ET VIRUS ANIMAUX
A. LES ENSEIGNEMENTS DES ÉTUDES DE L’INRA
Pour M. Thierry Pineau, chef du département santé animale de l’INRA, il y a des superpositions troublantes en surveillance épidémiologique entre les zones de prévalence du passage à l’homme du H5 N1 et les zones d’élevage combiné porcs/ volailles dans des conditions de promiscuité. L’apparition du H5N1 a été favorisée par les élevages volailles/porc en contact à la fois avec la faune sauvage et les éleveurs et leurs familles.
Le processus de transmission des palmipèdes migrateurs à la volaille d’élevage se caractérise par un raccourcissement de la tige de Neuramidase, lequel est symptomatique d’une plus grande pathogénicité.
Comme il y a « une sorte de ping-pong qui se prépare » entre le porc et l’homme, l’INRA a répondu à un appel de l’Union européenne concernant la pathogénicité des virus chez les porcs.
Selon les informations recueillies par vos rapporteurs, le virus A(H1N1) est un virus humain, qui n’est sans doute pas apparu au Mexique, mais au Texas et en Asie et a beaucoup voyagé.
Si l’on n’arrive pas à déterminer le lien entre l’Asie et l’Europe, il est certain qu’il n’y a pas de lien direct entre les porcheries et l’existence de ce virus.
Des assemblages ont été décrits antérieurement. La dernière acquisition génétique a été celle d’un segment volaille et non d’un segment porcin. Une transmission homme-porc a par ailleurs été mise en évidence.
Des études de l’INRA ont permis de mieux comprendre l’entrée du virus dans l’hôte, la réponse inflammatoire de l’hôte, la maîtrise de cette réaction inflammatoire, et la raison pour laquelle ce virus concerne plus une espèce qu’une autre.
Une attention particulière a été accordée aux déterminants de pathogénéicité, en faisant appel à la cristallographie rayon X afin de surveiller et de prédire les dangers et les risques. Personne ne sait en effet expliquer pourquoi un virus circulant subit une adaptation l’amenant à affecter des oiseaux ou pourquoi un virus adapté à l’oiseau peut attaquer des cellules humaines. Personne ne peut aujourd’hui prédire la spécificité d’un virus circulant, sa sévérité, sa transmissibilité.
Les études montrent que c’est la tige de neuraminidase qui adapte le virus à l’oiseau. Si on voit que des virus présentent un raccourcissement de cette tige, on peut en prédire les conséquences.
Chaque espèce est affectée de manière différente par les virus grippaux potentiels, parmi toutes les combinaisons, soit 14 fois 9. Une étude du Friedrich Loeffer Institut a montré que le virus A(H1N1) provenant de l’homme peut être transmis au porc, mais ne se transmet pas à la volaille. Les combinaisons présentes chez le porc sont essentiellement le H1N1 et le H3N2.
Il faudrait que les chercheurs en génétique humaine reviennent sur les échantillons prélevés sur les personnes décédées, afin de comprendre s’il y a des groupes à risques.
Comme le relève l’INRA, face au virus, les éleveurs ont essayé d’adopter les meilleurs moyens de confinement possibles et les meilleures méthodes de prévention et d’hygiène. Mais ils n’ont pas eu le réflexe de se faire vacciner. Certes, ils n’étaient pas dans les catégories prioritaires, alors qu’ils auraient dû y appartenir.
Il y a un intérêt certain d’intégrer les éleveurs dans les catégories prioritaires lors de la vaccination pour éviter les réassortiments futurs.
2. L’INRA et les programmes de recherche
L’INRA participe à plusieurs programmes de recherche qui ont été lancés lors du H5N1 et sont actuellement en cours. Ils sont décrits dans la fiche du programme FRIA/ Fonds de recherche influenza aviaire, doté de 2 millions d’euros, mené conjointement par l’INRA, l’AFSSA, le CIRAD et l’Institut Pasteur.
Ces programmes sont particulièrement intéressants quand ils reposent sur des équipes pluridisciplinaires santé humaine-santé animale. Les réarrangements des virus ont du reste permis de mettre des équipes jusqu’alors spécialisées dans l’un ou l’autre domaine en lien les unes avec les autres.
L’INRA lance les appels d’offre, constitue des comités scientifiques et de pilotage. Elle aura bientôt un laboratoire de type L3 à Jouy-en-Josas qui lui permettra d’accueillir des troupeaux de génisses. Elle souhaite que des programmes en P4 permettent un travail plus approfondi sur le furet.
Une coopération européenne entre les laboratoires de confinement se met par ailleurs en place au niveau européen, pour éviter les doublons, notamment dans le cadre du programme européen NADIR.
Par ailleurs, l’INRA fait des recherches sur les gênes, car on a affaire à du matériel génétiquement modifié, directement utile en santé humaine. Elles consistent notamment à introduire une mutation modifiant telle ou telle protéine du virus.
B. LE CAS DE LA RHINOTRACHEITE INFECTIEUSE BOVINE A LA REUNION
Ce cas est intéressant car il montre comment un apport extérieur, puis des conditions d’élevage peuvent avoir des incidences sur le développement de maladies virales.
L’IBR (infectious bovine rhinotracheitis ; rhinotrachéite infectieuse bovine) est due à un herpesvirus connu depuis longtemps, présent sur tous les continents. L’infection peut être grave ou bénigne. Elle ne se transmet pas à l’homme.
Pendant longtemps, cette maladie n’a pas été réglementée, car elle ne faisait pas de ravage dans les élevages. On pouvait alors envoyer des bêtes ayant cette maladie à l’abattoir.
Même si, selon les règles habituelles nationales ou européennes, une bête malade ne doit pas aller à l’abattoir, dans la pratique le contrôle repose sur un vétérinaire qui examine l’animal à l’abattoir ante mortem, pour vérifier s’il est atteint d’une maladie transmissible à l’homme, ou si sa consommation est susceptible d’entraîner une infection humaine. Cette inspection est complétée par une inspection post mortem des carcasses et de leurs altérations, inspection faite par des agents de l’Etat.
En Europe, les éleveurs ont voulu petit à petit se défaire de l’IBR. Les pays scandinaves et l’Allemagne ont réussi à créer des troupeaux indemnes. Le commerce français en a souffert. La France a alors réagi et, en 1999, a déclaré l’IBR vice rédhibitoire, ce qui était un motif d’annulation de la vente d’un animal vivant si le vendeur avait caché la maladie à l’acheteur. Mais elle n’a pas imposé la recherche d’IBR.
En 2006, la France a décidé de tester tous les ans les bovins pour savoir s’ils avaient l’IBR. Ce test, fait après prise de sang, est à la charge de l’éleveur, l’Etat refusant de payer, contrairement à son habitude pour la tuberculose. Si l’animal est positif, on n’impose pas l’abattage, mais la vaccination qui permet de le soigner (comme dans le cas du virus de la rage).
A La Réunion et dans les DOM, on a demandé aux élus s’ils souhaitaient le même dispositif. Les élus l’ont refusé. La lutte contre l’IBR, obligatoire en métropole, est donc restée facultative dans les DOM, nous a dit le responsable local de la DSV.
La question de l’IBR est, pour lui, en fait liée aux problèmes de la filière lait. Il est difficile de produire du lait en région tropicale. A La Réunion, on a importé des Hollstein, vaches issues d’une sélection génétique et qui produisent beaucoup de lait en métropole. Certes sensibles aux conditions tropicales, elles produisent plus de lait que des vaches rustiques.
La Hollstein a été lancée avec des agriculteurs qui se sont endettés, mais qui n’avaient pas d’expérience de l’élevage bovin. Tandis que les services vétérinaires pointent le mauvais choix de la race, et des compléments alimentaires inadaptés, les agriculteurs ruinés dénoncent des vaches qui leur ont été vendues malades. Des experts ont déclaré que le nombre de vaches mortes n’était pas plus élevé qu’ailleurs. La Préfecture est saisie pour des aides sociales aux éleveurs ruinés.
Par ailleurs, des bêtes saines ont été mélangées dans un bateau « maudit » avec des taurillons qui avaient l’IBR. La contamination s’est produite pendant le voyage, puis dans les cheptels où les bêtes avaient été dispersées. La quarantaine n’étant pas obligatoire à La Réunion, la maladie s’est ainsi développée.
Le développement des virus peut dépendre d’une contamination initiale, mais aussi des conditions d’exploitation, des transports, du milieu ambiant, des réglementations et de leur application. Pasteur l’avait du reste fort bien compris, puisqu’il disait « le microbe n’est rien, le milieu est tout ».
Une autre question mérite enfin d’être étudiée à La Réunion : celle de la mouche bleue introduite pour tuer une peste végétale, en détruisant la feuille de la vigne. Mais celle-ci produit également une fleur qui sert à faire du miel, d’où les plaintes d’apiculteurs non professionnels.
IV. ETENDUE ET FINANCEMENT DE LA RECHERCHE SUR LES VIRUS ET LEURS CONSEQUENCES
Les domaines couverts sont extrêmement nombreux. Les sujets d’étude relèvent de la recherche en physiologie végétale ou animale, et en médecine, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, qu’elle concerne tous les virus, ou l’un d’entre eux.
La recherche porte notamment sur :
a) Le phénomène viral et les réponses de type médical qui peuvent lui être apportées.
Des études sont ainsi menées sur :
- les caractéristiques génétiques des virus,
- les capacités de réassortiment génétique des virus et sur leur transmission interhumaine,
- l’analyse ex-post du processus de mutation des virus,
- les effets des virus, les complications éventuelles et les effets secondaires,
- l’élaboration de tests fiables,
- les différents types de vaccins : avec ou sans adjuvant, en une ou deux doses,
- les conditions de production des vaccins (à partir d’œufs ou de cellules),
- les effets des adjuvants,
- les effets secondaires des vaccins,
- l’élaboration de nouveaux médicaments anti-viraux,
- le rôle des défenses immunitaires et des causes possibles des immunités qu’elles induisent,
- la définition des catégories de personnes à risque.
b) la gestion de la lutte anti-virale en cas de pandémie
Les études, plus récentes, et qui relèvent plus des sciences sociales et humaines, portent sur la manière dont la société réagit ou risque de réagir à une pandémie et sur la manière dont les pouvoirs publics anticipent et gèrent la situation pandémique.
Elles portent alors sur :
- la perception de la maladie et l’acceptabilité des mesures de prévention et de soins,
- le coût des mesures mises en œuvre,
- l’organisation administrative de la gestion de la pandémie ou de son risque,
- la manière d’éviter une fracture Nord-Sud entre pays riches et pays pauvres,
- la prise en compte des spécificités de l’Outre-Mer,
- la gestion des contraintes de temps.
Quel que soit le type de recherche mené sur la pandémie, qu’elle soit de type médical ou sociétal, on ne peut qu’être frappé par le grand nombre de structures qui s’y intéressent dans notre pays, qu’il s’agisse d’universités, d’instituts de recherche ou d’industriels qui utilisent les résultats de leur recherche. On peut citer à titre d’exemple, en France, l’Institut Pasteur, l’INSERM et ses laboratoires thématiques, l’INRA, le CIRAD, ainsi que plusieurs universités et bien sûr le CNRS.
Certaines de ces recherches sont réalisées dans des conditions de sécurité particulièrement draconiennes. C’est le cas de celles effectuées dans les laboratoires de type P3 et P4.
a) Plusieurs thèmes paraissent actuellement prioritaires.
En matière médicale et vétérinaire
- la connaissance des processus de mutation des virus,
- la capacité des laboratoires à trouver de nouveaux vaccins,
- l’évaluation des recherches sur les nouvelles méthodes de production de vaccins,
- la mesure de l’efficacité des médicaments disponibles et des médicaments aujourd’hui testés,
- la recherche de nouveaux médicaments anti-viraux,
- la recherche sur les masques de prévention,
- l’intérêt pour l’homme de la recherche vétérinaire sur les virus.
Au-delà de l’approche médicale et vétérinaire
- l’efficacité du système de veille sanitaire,
- les conditions de mise en place d’un programme de prévention et de soins,
- la mise en place de financements de la recherche et de la production de vaccins,
- l’adaptation de la communication publique à la gravité des enjeux,
- la prise en compte, en temps opportun, des réflexions menées dans d’autres pays ou par des organisations internationales,
- l’adaptation des dispositifs retenus aux besoins de l’Outre Mer français,
- la politique envisagée à l’égard des pays en développement,
- l’impact des principes de précaution et de prévention sur les politiques publiques dans le domaine de la santé.
b) D’autres questions doivent faire l’objet d’une attention particulière
Des questions de caractère général :
- Les politiques mises en œuvre sont-elles adaptées à leurs objectifs ?
- Les recommandations des rapports antérieurs ont-elles été suivies d’effet ?
- Peut-on mesurer leur efficacité quand elles ont été appliquées ?
- Quelles sont les garanties démocratiques des choix et du processus mis en œuvre ?
Des questions ayant trait à la connaissance, à la prévention et à la gestion des risques :
- Dans quel cas s’agira-t-il de précaution, dans quels cas parlera-t-on de prévention ?
- Les précautions prises sont-elles proportionnées au degré du risque ?
- Le coût qui en découle est-il socialement acceptable ?
- Quelle est la fiabilité des instruments de mesure et de veille ?
- L’organisation de la collecte des statistiques est-elle fiable ?
- Dispose-t-on de données suffisantes sur l’état immunitaire de la population ?
- Les moyens financiers disponibles pour la recherche sont-ils suffisants ? Quels sont les enseignements des comparaisons internationales ?
- La communication sur les virus, les précautions à prendre, les soins possibles est-elle satisfaisante ? Est-elle efficace ?
- Comment l’action des pouvoirs publics est-elle perçue ?
- Quelle est la jurisprudence sur la responsabilité des producteurs et des pouvoirs publics ?
- A partir de quelques observations concrètes sur le terrain : quelles consignes et informations reçoivent les maires, les médecins généralistes, les pharmaciens ?
Des questions relevant de la recherche médicale
Sur les procédures
Les mécanismes décisionnels conduisant aux autorisations d’essai clinique et de mise sur le marché sont-ils pertinents et efficaces ?
Plus particulièrement, les délais nécessaires sont-ils adaptés à la nécessité de lutter le plus rapidement possible, mais aussi de la manière la plus fiable possible contre une pandémie ? Ces procédures ont-elles été évaluées ?
Quelle est la durée nécessaire pour élaborer, tester puis produire tests, vaccins et médicaments ?
Quelles précautions à prendre lors de la réalisation et de la commercialisation de tests de diagnostic ? Quelle est leur fiabilité ?
Sur les vaccins et les médicaments anti-viraux
- Peut-il y avoir pénurie de vaccins ? Les laboratoires seront-ils capables de produire en temps utile la quantité de vaccins nécessaires au plan mondial ? (Ce qui dépend certes de la demande mondiale, de sa solvabilité et de la politique de coopération au développement).
- A-t-on les moyens de comparer les différents tests et vaccins existants au niveau mondial ?
- Les vaccins peuvent-ils être dangereux ? Comment, dans ce cas, réduire leur dangerosité ?
- L’utilisation d’adjuvants dans la production de vaccins est-elle nécessaire, utile, transparente ? Quel bilan peut-on faire de ses bénéfices et de ses risques, de ses coûts et de ses avantages ?
- Quel est le risque de contracter le syndrome Guillain-Barré, à la suite d’une vaccination ?
- Où en sont les recherches sur les méthodes de production des vaccins à partir de cellules ? Quelles ont les différentes formes alternatives de production des vaccins ?
- Les nouvelles pistes de recherche sur les anti-viraux sont-elles prometteuses à court et à moyen terme ?
B. LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE
Au-delà de l’indispensable garantie d’indépendance des résultats en cas de financement public-privé, qui devient le cas le plus répandu, trois problèmes apparaissent :
- Quand un sujet n’est plus d’actualité, les fonds de recherche s’étiolent. Or il faut tenir dans la durée, avoir de la constance. C’est ainsi qu’il ne faut pas arrêter la recherche sur le H5N1. Il faut trouver les financements nécessaires à la résolution de questions qui ne sont plus d’actualité. On peut notamment prendre pour exemple les maladies à prion, comme celles de la vache folle. De manière symétrique, quand un sujet devient une urgence médiatique, il ne faut pas tout lui sacrifier. Les fonds à la disposition de la recherche doivent avoir une certaine permanence.
- L’ANR ne soutient pas de budgets fléchés a priori.
- L’ANR n’est pas adaptée au financement de programmes qui doivent être définis dans l’urgence. Elle a de ce fait peu contribué aux recherches sur les virus de la grippe. Elle avait souhaité des projets sur la grippe H5N1, mais elle n’a sélectionné sur sa short list qu’un seul projet qui en fait était mis en position non éligible. Elle n’a pas financé de projets sur le H1N1 lorsque la pandémie a éclaté. Or c’est en phase épidémique qu’il faut faire la recherche.
Une des solutions pourrait être de donner à l’IMMI (Institut Microbiologie et Maladies infectieuses), qui a fait preuve d’une grande réactivité, les moyens de sa politique. Cette structure qui se conçoit depuis sa création comme une instance fédératrice est parfaitement adaptée à ce type de réponse. Il aurait fallu qu’elle puisse lever des fonds. Les sommes en cause ne sont pas forcément très importantes, mais il faut qu’elles soient disponibles rapidement.
L’expérience de M. Jean-François Delfraissy mérite d’être soulignée.
M. Jean-François Delfraissy a en effet été au cœur de la recherche de fonds pour financer la recherche d’urgence sur le virus pandémique A(H1N1). Faisant l’historique de cette action, il souligne avec force que les financements n’avaient pas été prévus pour coordonner des actions de recherche sur un virus pandémique dont le développement appelle une réaction rapide.
Il rappelle que la première réunion des chercheurs s’est tenue le 4 mai 2009 à l’INSERM, sans aucun financement pour la coordination. Il a fallu aller chercher des fonds soit auprès des ministères de la santé et de la recherche, soit auprès de l’INVS et de plusieurs organismes. Le dynamisme de quelques individus ont permis de collecter 10,5 millions d’euros sur deux ans : 2009 et 2010. Ces fonds sont provenus des ministères, beaucoup de l’INSERM, peu du CNRS, un peu de l’IRD et de la DGS. C’est une petite somme, surtout si on la compare aux sommes équivalentes aux Etats Unis (plusieurs centaines de millions de dollars).
Mais aucun financement n’était en place au début de la pandémie, contrairement à l’Allemagne, qui a décidé dès le départ de mettre 20 millions d’euros sur la recherche contre ce virus. L’approche française a été totalement différente : il a fallu générer des projets, les démarrer sans avoir le financement nécessaire.
A titre d’exemple, 400 000 euros ont été accordés par le cabinet du ministre de la Santé en novembre pour des études sur les femmes enceintes. Cette somme a été affectée à l’ARH de la région parisienne, envoyé à l’AP où elle a été perdue, puis retrouvée, avant d’être envoyée à la direction de la recherche publique à l’AP. Mais il aura fallu un contrat avec l’INSERM qui a fait l’avance des fonds.
Les laboratoires pharmaceutiques ont financé des essais pour une somme globale de 700 000 euros sur les 10,5 millions d’euros, en s’engageant par contrat. GSK a ainsi financé un essai en partenariat chez les patients VIH et transplantés ; Sanofi des essais chez les femmes enceintes ; Roche une étude de cohorte dans les formes graves.
Il y avait deux grands pourvoyeurs de fonds potentiels : le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) et l’Agence nationale de la recherche (ANR).
L’ANR, interpellée a dit qu’elle ne pouvait pas répondre en situation d’urgence. Or l’ANR est totalement autonome. Sa décision ne relève donc que d’elle-même.
Il faut tenir compte de cet état de fait, si l’on se projette dans le futur. Pour M. Delfraissy, il ne sera pas sain de prévoir de passer par l’ANR, « véritable Etat dans l’Etat, pilotée par des banquiers, et non par des scientifiques. L’ANR est faite pour la recherche fondamentale, par pour la recherche clinique et translationnelle qui doit être pilotée autrement. »
Le PHRC, qui finance la recherche clinique, a fait par contre preuve de grande volonté. Son appel d’offre étant fermé dès décembre, il n’a pas pu financer des actions sur 2009, mais a anticipé de garder des fonds pour l’année suivante, en indiquant que des projets évalués seraient financés en 2010.
Dans la pratique, des projets démarrés en juin 2009 feront l’objet de financement en juin 2010. Est-ce sain ? N’est-ce pas de la cavalerie ?
Il serait préférable de mettre en place une coquille administrative, une structure légère permettant de développer une enveloppe consacrée à la recherche en urgence pour des situations de crise sanitaires. Cette structure pourrait être placée auprès du Premier ministre. Si elle n’utilise pas son enveloppe, celle-ci pourrait être reversée au ministère de la recherche en octobre. Cela permettrait de lutter contre l’inertie administrative.
En tout état de cause, il vaut mieux ne pas dissocier coordination scientifique et financement.
DEUXIEME PARTIE :
ETUDE DE VIRUS PARTICULIERS
Le virus du chikungunia est un alphavirus (tel le Ross River). Présent en Australie, décrit en Tanzanie, il a touché à La Réunion un tiers de la population. Sa capacité à envahir l’organisme et à s’y multiplier est un million de fois plus élevée qu’un virus de grippe classique. Il se multiplie dans les cellules du sang et du tissu conjonctif (sur la peau, dans le foie, sur les méninges). Ses formes neurologiques n’avaient jamais été décrites. La population a été particulièrement atteinte, parce qu’une mutation récente du virus l’avait rendu compatible avec le moustique le plus répandu de La Réunion, d’habitude considéré comme inoffensif.
Sa mutation a donc favorisé sa transmission par les moustiques, en consolidant son affinité avec le moustique. La probabilité que le virus soit transmis à l’homme par la piqûre varie entre 60 % et 95 %. En plus, le moustique peut recontaminer en 2 jours plutôt qu’en 4 jours, ce qu’a mis en évidence l’Institut Pasteur.
Ses effets sont pénibles, comme le suggère le sens de son nom. Le « chik », en makondé, langue du Mozambique, veut dire l’homme courbé. A La Réunion, la maladie qu’il entraîne a présenté des formes neurologiques graves : des méningo-encéphalites et polyradiculonévrites ont atteint des personnes âgées ou présentant une pathologie sous-jacente, ainsi que des nouveaux-nés dont les mères avaient été infectées peu de temps avant l’accouchement, probablement en rapport avec une transmission materno-fœtale tardive. Le virus persiste dans les articulations dix huit mois après.
Le virus du chikungunia s’est particulièrement développé dans l’Océan indien en 2005-2006 et en Inde en 2007. L’Europe ne peut pas considérer qu’elle sera épargnée, puisque dès 2007, on notait 200 cas en Italie.
A La Réunion, cette maladie s’est propagée facilement, car les moustiques sont présents dans toute l’île. 266 000 personnes ont été touchées dont plusieurs souffriront de formes longues. On relèvera 222 formes graves chez l’adulte, dont 65 décès, et 25 chez l’enfant dont 2 décès.
Plus de 60 % des contaminés conserveront des séquelles à échéance d’un an ; un tiers à échéance de trois ans.
Le chikungunia réapparait actuellement à La Réunion, sans qu’il y ait de vaccin disponible. Quelques expériences ont été faites sur les animaux.
B. L’ADAPTATION DES METHODES DE VEILLE ET DE SURVEILLANCE SANITAIRES
La cellule régionale de l’INVS (Institut de veille sanitaire), la CIRE (Cellule de l’institut de veille sanitaire en région), a été le principal acteur de cette surveillance, en liaison avec le réseau Sentinelles.
Une alerte rapide a été faite à partir du signalement d’une épidémie aux Comores, le 16 mars 2005. Il s’agit d’une maladie émergente n’ayant jamais existé à la Réunion. Un premier pic est observé le 15 mai. Ce pic est suivi d’une décroissance de la maladie jusqu’en octobre, moment où se produit une remontée.
Une première information est fournie aux médecins, aux hôpitaux, au réseau Sentinelles et à la presse. Un dispositif de surveillance initiale est mis en place, allant au-delà du dispositif de vigilance qui existait jusqu’alors. Il repose sur un signalement par les médecins, des auto-déclarations des malades, une recherche active des données et leur exploitation, ainsi que sur une étude rétrospective des cas, et la mise en place d’actions de lutte. En octobre, la surveillance s’étend aux décès et aux formes graves.
A partir du 19 décembre, le dispositif de surveillance évolue. Le service de lutte antivectorielle, la LAV, n’est plus en mesure d’investiguer la totalité des cas. Il faut faire face à la presse qui accuse l’Etat de mensonge. Il n’y a pas assez de personnes pouvant aller sur le terrain. Il faut changer de méthode pour l’estimation.
On bascule alors sur le réseau de médecins Sentinelles en extrapolant leurs données. Chaque cas signalé par ce réseau correspond à 67 cas sur le terrain. Cet indicateur est confronté à d’autres indicateurs : passage aux urgences, nombre d’appels du numéro vert.
Ce réseau est particulièrement utile. Il compte à l’époque 45 membres qui sont des médecins suffisamment motivés pour signaler des cas pendant une semaine.
Un suivi des certificats de décès liés au virus est mis en place. On n’en constate pas jusqu’en janvier. On note ensuite une surmortalité significative pendant trois mois, mais pas sur l’année. Les décès concernent les personnes âgées.
Le 12 juin 2006, commence la période post-épidémique. La LAV qui dispose alors de plus de moyens prend le relais du réseau Sentinelles qui n’est plus en mesure d’avoir des données significatives en dessous de 100 cas par semaine. Le 11 novembre 2006, il n’y a plus de décès. La fin de l’épidémie est officiellement confirmée en avril 2007.
On est actuellement en phase interépidémique. C’est aussi une phase d’études, réalisées après l’épidémie sur la persistance des arthralgies 18 mois à 3 ans après l’infection, sur la chronologie de la vague dans l’Océan indien, sur les caractéristiques des décès avant, pendant et après le pic, sur l’identification des menaces des arboviroses susceptibles d’émerger à La Réunion, telles que l’encéphalite japonaise ou la fièvre de Ross.
C. LES MOYENS CONSACRES A LA LUTTE ANTIVECTORIELLE
Les moyens mis en place sont importants, systématiques, avec un souci de complémentarité entre les mesures prises au niveau local et au niveau national. Il s’agit de rechercher les informations, de les collecter et de les traiter.
Les objectifs sont de limiter les foyers de transmission autour des cas isolés et groupés ; de suivre l’évolution de l’épidémie, par un dépistage actif et des enquêtes épidémiologiques.
Les actions portent sur la recherche des cas suspects rétrospectifs, l’enquête épidémiologique du cas signalé et des cas dépistés, le comptage puis la suppression des gîtes larvaires, la pulvérisation d’insecticides, et l’éducation sanitaire des habitants.
Des médiateurs de l’environnement sont formés dans les communes et les intercommunalités.
Au niveau local, des mesures de gestion sont mises en place rapidement : recherche de moyens supplémentaires, mise en place d’un système de surveillance en cas de méningo-encéphalites chez l’adulte et l’enfant (qui font alors l’objet d’un dépistage du chikungunia), information des médecins et des gynéco-obstétriciens sur ces formes émergentes de virus, et plus largement de la population, renforcement des moyens de diagnostic locaux et renforcement des actions de lutte anti-vectorielle.
L’objectif est d’engager les communes et la population dans la lutte, de sensibiliser, de former et de communiquer afin de réduire la transmission. Sont ainsi repérés plus de 200 gîtes larvaires très productifs, tandis que sont lancées les premières opérations de sensibilisation générale à la lutte communautaire, grâce à des affiches.
Au niveau national, des mesures de gestion sont également prévues. Un pilotage est mis en place au niveau interministériel, des recommandations sont formulées sur l’utilisation des répulsifs. Des renforts sont envoyés sur place, des commandes de matériel de lutte antivectorielle sont passées, l’AFSSAPS évalue le risque associé aux transfusions sanguines et aux greffes
Des conférences téléphoniques sont organisées après les mesures de signalement des premières formes graves. Les cas font l’objet d’une documentation biologique, et des mesures de gestion sont mises en place.
2. Une communication dynamique
La communication publique a été dynamique. D’avril à juillet 2005, elle a résulté de conférences de presse mensuelles, d’octobre à décembre 2005, de conférences de presse en réaction aux évènements, puis de décembre 2005 à avril 2007, de conférences de presse hebdomadaires.
La communication publique a été imaginative. Des affiches assez originales ont été diffusées, afin de sensibiliser la population aux mesures préventives classiques -les mesures barrières – qui relèvent essentiellement de l’hygiène traditionnelle, enseignée autrefois et souvent oubliée.
Ces affiches, dont certaines sont reproduites ci-après, peuvent être retrouvées sur le site www.reunion.sante.gouv.fr.
Campagne de communication – 2005 DENGUE – CHIKUNGUNYA " Eviter les piqûres de moustiques, c'est protéger notre santé et celle de notre entourage" Le moustique peut transmettre les virus de la dengue et du chikungunya. |
Campagne de communication - 2005 |
Première Campagne en 2006 : Faisons tous un geste contre le CHIK |
Deuxième campagne, novembre 2006 : 3, 2, 1 ACTION. Ensemble contre le chik |
Troisième Campagne : 2007 BRAVO Mais restons mobilisés : même s'il y a moins de cas, le risque est toujours là. |
Opérations : Offrez des fleurs, pas des moustiques
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3. Les premiers enseignements qui peuvent être tirés en matière de communication
Pour l’avenir, il faut tout d’abord réfléchir à la manière d’éviter certaines maladresses qui ont été commises en début de crise. Celle-ci a été niée dans un premier temps. Le ministre de la Santé lui-même a parlé de « grippette » avant de se raviser. La DRASS, dans un premier temps, a parlé d’un nouveau virus sur lequel on avait peu d’informations. Or les médecins réunionnais relèvent qu’il existait plus de 500 références sur le chikungunia dans la littérature médicale sur Internet notamment sur Pubmed et dans les publications scientifiques de niveau mondial.
Au-delà de ces critiques, plusieurs propositions sont émises sur place :
- Il faudrait créer une cellule de communication, formée à la communication de crise. Il faudrait créer une interface créole de communication pour crédibiliser en routine le message de l’Etat, pouvant intervenir en créole sur radio Freedom. Les messages diffusés en montrent l’utilité, car il faut lutter contre les fausses idées que révèle ce slogan : « le moustique ne pique que des zoreilles ».
- Il faudrait communiquer différemment sur le dispositif et les méthodes de surveillance, et associer communicants et scientifiques, afin de créer la confiance sur des méthodes ne correspondant pas au sens commun.
- Il faudra poursuivre ce qu’a commencé l’Institut Pasteur en invitant des praticiens de La Réunion.
- Il importe de répondre aux interrogations légitimes sur l’usage des répulsifs chez les jeunes enfants, ou sur la toxicité et l’efficacité des produits de lutte antivectorielle.
D. REFLEXIONS SUR LA GOUVERNANCE DANS UN CONTEXTE PARTICULIER
Quel est le contexte ?
Il y a peu de personnels locaux dans les emplois concernés par une crise comme celle du chikungunia, car seuls quelques Réunionnais passent les concours nationaux. Il faut donc envisager le recours à des experts venus de métropole.
La Réunion est par ailleurs une région monodépartementale. Les structures habituelles doivent donc intervenir de manière différente : la DRASS exerce aussi les compétences d’une DASS. La CIRE intervient au niveau régional.
Dans ce contexte, la crise et donc sa gouvernance n’ont pas été vécues de la même manière par tous les acteurs concernés. La réalité est une résultante de divers points de vue de ce kaléidoscope.
M. Pierre-Henry MACCIONI, Préfet de La Réunion, relève qu’un mois après son arrivée, il a constitué un GIP avec le Conseil régional, le Conseil Général et les communes pour mettre en place un service de lutte antivirus et afin d’impliquer le Conseil général. La région a quitté ce GIP après 18 mois, ce qui était normal, car le Conseil régional n’a pas de compétence en matière de santé publique.
Il rappelle l’importance de l’action de l’Etat, qui a mobilisé sur le terrain 3000 personnes, organisées par sous-préfecture. Des adjoints aux maires, des élus de quartier ont accompagné les agents chargés de la lutte antivectorielle. Il rappelle aussi qu’aucun produit prohibé en métropole n’a été utilisé à La Réunion, et qu’il n’y a pas eu de règles dérogatoires.
Il estime avoir trouvé une situation qu’il fallait redresser afin d’assurer l’unité de l’information et d’éviter d’affoler la population. C’est la raison pour laquelle il a arrêté les subventions aux associations qui faisaient de l’information, et créé un site Internet d’information. Pour lui, la communication devait être centralisée et organisée, pour garantir sa crédibilité.
Il remarque que la préfecture a joué le jeu de la transparence sur les chiffres. Il n’y a pas eu de dissimulation, contrairement à certains pays limitrophes.
Il répond aux critiques qui lui sont adressées par les praticiens hospitaliers qui considèrent que l’Etat a fait preuve d’autoritarisme lorsque sont parues dans la presse les premières informations sur les décès liés au chikungunia. Il souligne que si les médecins libéraux peuvent s’exprimer librement dans la presse, les médecins des centres hospitaliers, qui sont fonctionnaires de l’Etat, n’ont pas à communiquer sans passer par leur directeur.
2. Le point de vue d’une élue au Conseil régional
Pour Mme Maya CESARI, élue au Conseil régional, déléguée aux secteurs innovants, la situation à La Réunion est particulière : plus de 50 % de la population vit en dessous du niveau de pauvreté national (730 euros par mois), et le chômage atteint 30 %.
Elle retient de la crise du chikungunia les réunions du groupe pluridisciplinaire de débats mis en place entre les services de l’Etat, du Conseil général, l’Association des maires, les corps de métiers. Ce groupe s’est réuni toutes les semaines. Il a permis d’entendre certaines professions. Les apiculteurs ont eu l’impression de ne pas être assez pris en considération, quand ils critiquaient les effets des traitements chimiques. Il en a été de même pour les dermatologues qui avaient l’impression de ne pas être assez écoutés quand ils évoquaient de nouvelles desquamations de la peau.
Elle remarque que pendant trois mois, un produit - le fénithrotion- a été utilisé avant d’être abandonné, car il relevait de l’échelle 2 de la liste OMS et de la liste européenne des produits interdits. C’est pourquoi il a été remplacé par un autre produit –autorisé-, le deltamethrine, produit qui a cependant des conséquences délétères sur les poissons, les algues et les coraux. Elle relève les dégâts apparus dans les ruches du fait des traitements anti-moustiques, ce qui a conduit à délimiter les périmètres de traitement chimique.
Elle estime qu’il est urgent de s’intéresser à la situation autour de l’île qui est à l’interface de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, et qui ne peut donc pas s’affranchir des risques épidémiques des pays voisins. Elle souligne l’utilité d’une coopération au niveau de l’ensemble de la région. Cette coopération existe déjà dans les domaines de la recherche, et concerne la biodiversité, la récupération des images satellitaires pour la santé, la surveillance des pêches ou des pollutions maritimes, les migrations des criquets qui ont un rayon d’action de 2500 kilomètres, l’économie, la formation, et le tourisme. Elle s’étend à Madagascar, aux Comores, à l’Ile Maurice, et bientôt aux Seychelles.
Elle se félicite de la solidarité des autres régions françaises. Les fonds ainsi collectés ont permis d’acheter des moustiquaires qui ont été distribués via des associations. La solidarité nationale s’est de même manifestée par la mise à disposition de La Réunion de 850 emplois spécialisés dans la gestion des espaces verts, sous la coordination de l’Etat. La solidarité européenne s’est également exprimée, les fonds du FEDER étant montés en puissance pour être finalement multipliés par six.
3. Le point de vue des professionnels de santé, hospitaliers ou médecins libéraux
Les professionnels hospitaliers déplorent la manière dont l’un des leurs a été accusé d’avoir été à l’origine d’un article de presse particulièrement tonitruant sur les effets du moustique (paru sous le titre « il tue »). La DDRASS et l’Agence régionale d’hospitalisation ont interrogé plusieurs médecins d’un grand hôpital de l’île, afin de découvrir l’origine de la fuite présumée. L’un des leurs, accusé d’avoir communiqué sans autorisation du directeur de l’établissement, a eu l’impression d’être mis en examen. Puis on a découvert que c’était le parent d’un enfant qui avait parlé à la presse. Les médecins dénoncent ce style de comportement, et remarquent qu’il aurait mieux valu se demander ce qu’on pouvait faire.
Ils regrettent par ailleurs le démarrage trop lent de l’action publique. La crise a en effet été niée pendant longtemps par les autorités de santé, jusqu’à ce fameux article. Le ministre de la Santé avait même dans un premier temps parlé de « grippette ».
Ils dénoncent les difficultés de communication entre les autorités publiques et le corps médical, marquées par la méfiance et des rapports humains difficiles, dans un contexte d’urgence où il fallait répondre très rapidement aux demandes d’information des autorités.
Ils mettent l’accent sur la nécessité, aujourd’hui encore, de suivre les séquelles qui sont plus nombreuses et plus durables que prévu.
Ils remarquent que le véritable problème a été dû à la découverte de la transmission materno-fœtale du virus, ce qui a entraîné une inquiétude très forte chez les jeunes femmes, car on n’a pas su pendant quelque temps si les femmes enceintes pouvaient utiliser des répulsifs. On a su par la suite que des problèmes pouvaient survenir quand l’accouchement avait lieu à la période fébrile de l’attaque virale. L’enfant était alors atteint lors de la rupture du placenta, et du passage du sang de la mère dans le sang du fœtus. Les séquelles pouvaient être graves. 40 enfants ont été concernés. Les médecins se sont aperçus qu’il fallait retarder l’accouchement dans certains cas, contrairement à leurs réflexes traditionnels de faire accoucher la femme rapidement en cas de fièvre. Cette pratique a résulté d’un travail réalisé avec M. Marc Lecuit, du Centre d’Infectiologie Necker–Pasteur.
Ils soulignent l’activité très lourde à laquelle ont dû faire face les services de réanimation, et remarquent que la situation a pu être gérée de manière efficace, alors que 25 % du personnel des urgences ont été frappés par le virus.
Ils soulignent qu’un vaccin existait aux Etats-Unis, mais que le ministère français n’en parlait pas, voire ne le savait pas.
Ils estiment qu’il faut tirer les conséquences de cette expérience passée sur l’adéquation des structures : le nombre de lits est-il suffisant ? Peut-on accepter un hébergement dans des chambres à trois lits ?
Les professionnels de santé relèvent également certains points positifs : l’augmentation de l’activité en urgences générales (plus 15%) et en pédiatrie a obligé chacun à être inventif. Des liens ont été créés avec la médecine libérale, comme l’institution d’une maison des médecins de garde au sein même des urgences, avec des médecins généralistes libéraux. Cette structure est restée depuis lors. Les ambulances ont eu par ailleurs aussi l’autorisation d’aller dans les cabinets médicaux plutôt que d’emmener les patients aux urgences. La mise en place d’une structure sociale aux urgences a permis une réponse sociale 24h/24, qui a permis d’éviter l’hospitalisation en organisant le parcours médical, notamment le recours aux infirmières. Un retour d’expérience a été publié dans la revue Gestions hospitalières d’avril 2009.
Ils rappellent qu’au plus fort de la crise, c’est la solidarité de la population qui a permis de passer le cap à domicile comme en milieu hospitalier pour hydrater les malades qui n’avaient plus la possibilité de tenir un verre en raison de leurs articulations atteintes.
Ils insistent, comme pour leur expérience spécifique de la pandémie A(H1N1) sur la nécessité de prendre en compte les retours d’expérience, dont ils ont l’impression qu’ils ne sont pas entendus à la hauteur de la richesse des enseignements qu’ils apportent, pouvant aider à de meilleures décisions futures.
4. Le point de vue des associations
Les associations qui travaillent avec la DRASS, le service de lutte antivectorielle, la CAF, le Conseil général soulignent l’intérêt de leur action, qui est très diversifiée :
- assistance aux démarches administratives et aide au montage de dossiers pour toucher les allocations chômage et pour bénéficier d’une couverture sociale,
- promotion de la santé,
- formation professionnelle,
- lutte contre l’illettrisme,
- remise à niveau,
- actions d’insertion et développement local,
- prévention, maraudes (Croix Rouge),
- mobilisation sociale,
- animation des quartiers,
- sensibilisation de la population aux moustiques et aux gîtes larvaires autour des maisons,
- prévention,
- animation sociale,
- intervention auprès de personnes en très grand besoin,
- action auprès des enfants et des personnes âgées, en créant notamment des documents tels « Citoyens contre le chik », financés sur fonds publics.
Leur parole est précieuse, car elle reflète les préoccupations de la population et des acteurs de terrain.
Il apparaît à travers leurs témoignages qu’au début de la crise, la population ne croyait pas que le moustique était vecteur de la maladie. Puis l’opinion a évolué. Les associations ont fait passer le message qu’il existait un risque spécifique aux femmes enceintes, message diffusé par ailleurs à la radio et dans les PMI. Mais dans les quartiers, il n’y avait pas toujours de moustiquaires, même s’il est traditionnel d’offrir une moustiquaire lors de la naissance d’un enfant, même si les PMI avaient distribué aux femmes enceintes des moustiquaires financées par l’Etat. Par ailleurs, le coût des répulsifs est un frein à la prévention. Mais beaucoup ont pris conscience qu’il ne fallait pas laisser l’eau stagner.
Il apparaît aussi des messages forts : il faut rester vigilant et ne pas baisser la garde. La prévention doit continuer. Il faut créer des réflexes et lutter simultanément contre l’habitat insalubre. La sensibilisation de la population doit se poursuivre. La mobilisation sociale, la médiation sont importantes à cette fin.
En matière de déchets, des progrès restent à faire. Les ordures ménagères sont enfouies. Si l’ADEME et la DIREN financent le nettoyage des ravines, des cours d’eau parfois sans eau qui traversent les milieux urbanisés, il faut éduquer les riverains des ravines, afin qu’ils n’y jettent plus les ordures.
Au moment de dresser un bilan de la crise, les associations estiment qu’elles ont pu avoir accès aux subventions nécessaires pour mener leur activité. Elles ont ainsi bénéficié des financements mis en place, qui étaient soit spécifiques à la crise, soit plus traditionnels, dans le cadre de la lutte antivectorielle. Elles ont reçu des subventions spécifiques du ministère des DOM-TOM, soit rapidement dans un premier temps, soit sur appel à projets dans un deuxième temps. Elles ont pu recevoir des fonds de la DRASS afin de mener des actions de prévention.
Elles estiment qu’il faudrait élaborer des conventions pluriannuelles, afin de pouvoir assurer une présence de longue haleine sur le territoire. Le principe de telles conventions existe pour les collectivités territoriales, même si leur financement reste annuel. Il faudrait appliquer au secteur de la prévention et de l’action associative en matière sanitaire ce qui est fait dans le domaine culturel pour les théâtres ou les écoles de musique.
5. Le point de vue de plusieurs membres de la CIRE
Plusieurs membres de la CIRE font part de la pression des décideurs pendant l’épidémie, qu’il s’agisse du préfet, des maires, ou de la DRASS. Ils évoquent les nombreuses conférences téléphoniques et les réunions constantes, soit journalières, soit plusieurs fois par semaine. Pris entre l’autorité du Préfet et le harcèlement de quelques journalistes, ils ont enduré des journées harrassantes, aux horaires au-delà du raisonnable.
Ils se demandent s’il ne faudrait pas mettre en place une organisation différente : en créant, par exemple, un groupe chargé de servir d’interface entre les gestionnaires de la crise et les décideurs qui contribuerait à l’élaboration de la stratégie à suivre dans une situation inhabituelle.
Il est en effet difficile de piloter des équipes, d’agir et de répondre constamment aux diverses sollicitations d’informations. Il faut aussi impliquer le département et la région, ce qui est chronophage. Or il y a trop de demandes différentes des diverses institutions concernées, qui ne sont pas coordonnées. Chaque ministère veut sa propre remontée d’informations. Or la coordination des demandes est un exercice délicat. Un site Extranet n’est pas la solution miracle, si on n’a pas précisé les données qu’on veut suivre.
L’intervention en janvier d’un coordonnateur scientifique à la CIRE, renouvelé toutes les trois semaines, faisant l’interface avec les décideurs et la presse, a été jugée positive. Son remplacement a permis d’éviter qu’il devienne une tête de turc, tout en montrant qu’il y avait permanence du discours. Une approche semblable pourrait être appliquée au domaine de la communication.
1. Un révélateur des possibilités de la recherche à La Réunion et en faveur de l’Océan indien
Le virus du chikungunia a été le révélateur de l’existence d’un pôle de recherche qui doit être valorisé.
La région accompagne plusieurs projets avec le soutien des fonds européens. Plusieurs millions d’euros y sont consacrés. L’ANR participe à ces financements, dans le cadre d’un appel à projet sur les maladies infectieuses, dont le chikungunia.
De ce fait, la recherche connaît un développement exponentiel. Alors qu’elles étaient quasi inexistantes à La Réunion il y a dix ans, différentes équipes se sont aujourd’hui mises en place, bénéficiant de financements régionaux de l’ordre de 13,5 millions d’euros. La Région souhaite développer la présence des grands organismes autres que le CIRAD et l’IRD. Elle voudrait que l’INSERM et l’Institut Pasteur s’impliquent davantage et développent leurs activités sur place en dépassant la seule collecte d’échantillons locaux.
Cette recherche est dynamique. Elle concerne de multiples projets, et notamment la stérilisation des moustiques. Elle peut s’appuyer sur une structure qui a déjà fait la preuve de son efficacité : le CRVOI (Centre de Recherche et de Veille sur les maladies émergentes dans l'Océan Indien).
a) Le dynamisme de la recherche sur le chikungunia, et des liens entre chercheurs de la métropole et de La Réunion
Plusieurs travaux sont déjà largement engagés. Certains ont donné lieu à publication. D’autres ont conduit au dépôt de brevets. Ils concernent la mutation du virus du chikungunia, l’élaboration d’un outil de diagnostic rapide, l’effet neutralisant des anticorps, l’apparition dans les services de réanimation de formes graves de pathologie jamais décrites, la mise au point d’un marqueur biologique de la maladie, la compréhension des pathologies semblables à celles du chikungunia, et enfin l’élaboration de nouveaux modules de formation et la manière d’aboutir à une aura internationale.
- Sur la mutation du virus du chikungunia
De premiers travaux ont permis d’expliquer pourquoi le virus du chikungunia a pu se développer rapidement.
L’originalité est due à la rencontre entre un vecteur et le virus muté, la mutation ayant permis au virus de se multiplier plus facilement dans les cellules de moustique. Des informations plus précises ont été publiées sur cette mutation par Mme Vazeille de l’Institut Pasteur.
On a retrouvé ce virus mutant à La Réunion, mais aussi en Inde où il a touché plus d’1,5 millions de personnes, et en Italie mais dans peu de cas. Certains entomologistes envisagent qu’il puisse se développer en France d’ici 2020 en cas de réchauffement climatique. Des cas isolés ont été signalés dans les Bouches du Rhône.
- Sur l’élaboration d’un outil de diagnostic rapide sur le chikungunia, sur le west nile, sur la dengue
Cet outil a été élaboré par M. Alain Michaux, praticien hospitalier. C’est lui qui a le plus publié sur le chikungunia. Le brevet correspondant a été déposé par l’Institut Pasteur.
- Sur l’effet neutralisant des anticorps
Un projet de recherche est actuellement mené avec l’Institut Pasteur sur les anticorps pour voir s’ils ont un pouvoir neutralisant et s’ils perdurent au bout de quelques années, puisqu’on voit dans certains pays des répliques du chikungunia. Une cohorte est par ailleurs constituée sur les arthralgies qui sont très invalidantes (du fait des douleurs articulaires) qui frappent 50% des personnes infectées. 20% des patients sous traitement en permanence. Leurs causes font l’objet de recherche fondamentale.
- Sur l’apparition dans les services de réanimation de formes graves de pathologie jamais décrites.
Il a été très difficile aux chercheurs de se faire entendre par les autorités (ARH et DRASS) qui prétendaient que ces formes n’existaient pas. Or l’on observe des conséquences graves sur le système nerveux, les poumons et le foie, ainsi que sur les tissus de la plante du pied, devenant spongieux.
On a aujourd’hui trouvé un traitement qui peut être prescrit par un rhumatologue : le méthotrexate. Mais il n’y a que 9 rhumatologues à La Réunion.
- Sur la mise au point d’un marqueur biologique de la maladie.
Il faut en effet prouver l’existence de la maladie, au-delà des dires du patient. Un projet de recherche expérimentale d’imagerie médicale est actuellement financé par le FIDOM pour déterminer l’inflammation.
- Sur la compréhension des pathologies semblables à celles du chikungunia
Un projet est actuellement mené dans le cadre de l’appel santé de l’Union européenne (7° PCRD). Appelé ICRES, il réunit en réseau la Grande Bretagne, la Suède, l’Estonie, la Finlande, Singapour, la Malaisie et La Réunion. L’Institut Pasteur et le CEA y participent.
- Sur la formation aux maladies infectieuses et l’acquisition d’une aura internationale
Deux évènements ont été en 2010 financés à cette fin par la région et le FEDER : l’organisation d’une école de formation sur les maladies infectieuses et cérébrales, avec des fonds IBRO (International Brain Research Organisation) et de l’Unesco ; un séminaire de formation a été organisé en liaison avec un congrès international, ouvert à la zone de l’Océan Indien.
b) Le cas particulier de la stérilisation des moustiques
Jusqu’alors, tous les efforts de démoustication avaient essentiellement porté sur le paludisme. Ils avaient été réactivés pour la dengue. Ils portent aujourd’hui sur le chikungunia.
La recherche s’oriente vers la stérilisation des mâles. Des mâles stériles seraient lâchés afin de prendre la place des mâles non stériles auprès des femelles et de réduire les populations adultes vecteurs de paludisme, de dengue et de chikungunia.
La stérilisation serait faite par irradiation, en coopération avec l’AIEA. L’irradiation entraînerait une cassure de l’ADN. La technique utilisée nous a été présentée comme ne pouvant pas conduire à des mutations. L’expérimentation qui prendra sans doute quatre à cinq ans permettra d’éviter l’épandage d’insecticides.
La question démocratique de l’évaluation partagée du ratio bénéfices/risques est une fois de plus posée sans réponse.
L’étude de cette technique sera faite en y associant l’Université de La Réunion.
Une autre technique envisagée consiste à modifier le code génétique des moustiques, en introduisant un gêne qui rend le mâle stérile. Mais cette technique dépend de l’espèce et doit encore faire l’objet d’études. Elle suscite par ailleurs des craintes chez les Réunionnais qui ne souhaitent pas qu’on considère leur territoire comme un laboratoire.
Entre-temps, la lutte contre les moustiques passe par les pesticides. Les produits utilisés changent, afin de s’adapter à de nouvelles normes européennes ou à de nouveaux bacilles. Ils sont déversés dans des proportions mille fois inférieures à celles utilisées dans l’agriculture, par voie aérienne (pas au sens du Grenelle 2 : c’est un appareil pulvérisable dirigé qui les diffuse, pas un avion).
Cette lutte chimique a toutefois une action limitée, constatée par la DIREN. Mais les études sur ce thème sont restées partielles, et les financements disponibles n’ont pas eu la constance souhaitable.
L’inexistence d’un centre anti-poisons sur l’île complique par ailleurs la prise en charge des personnes qui en auraient besoin.
c) L’impact actuel et potentiel du Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes de l’Océan indien (CRVOI)
Les projets de recherche coordonnés menés par le CRVOI montrent l’intérêt du financement des structures de coordination de la recherche, et leurs besoins en personnel.
Réponse politique au chikungunia, ce centre a été créé sous la forme d’un groupement d’intérêt scientifique qui regroupe plusieurs partenaires s’intéressant aux maladies émergentes : le ministère de la santé publique, le ministère de la recherche, plusieurs institutions de recherche dans le domaine des sciences de la vie - l’IRD, le CNRS, l’INSERM, l’Institut Pasteur, l’INRA, l’AFSSA, le CIRAD, l’INVS -qui ne sont pas tous présents à La Réunion- , le Conseil Régional, le Conseil Général, le CHR et l’Union régionale des médecins libéraux. Le ministère des affaires étrangères envisage d’en être membre.
Ce centre a été doté par l’Etat de 2 millions d’euros. Ses ressources humaines proviennent de ses partenaires. Il a essentiellement des fonctions de coordination, d’agence et d’opérateur de recherche.
Il a notamment sélectionné sept projets de recherche, à la suite d’un appel d’offres de 2 millions d’euros. Ceux-ci portent notamment sur la fièvre de la vallée du rift et les pathologies émergentes des plantes. Il envisage un nouvel appel d’offres qui concernera le chikungunia.
Il travaille sur l’ensemble de la région : avec Madagascar, les Comores, la côte Est de l’Afrique, le Mozambique, la Tanzanie et le Kenya.
Il participe à la mise sur place d’équipes, de programmes et de recherches intra-muros. Il contribue à la création de molécules radioactives à très courte durée de vie (moins de 6 heures de demi-vie). Il construit un cyclotron et dispose d’un laboratoire P3. Lors de l’apparition du chikungunia, il a été une plateforme de recherche sur la biologie.
Installé en 2007, il s’est fixé pour objectif de ne pas faire à La Réunion ce qu’on peut faire ailleurs, et de faire des recherches permettant de tirer avantage du contexte local, caractérisé par l’existence de virus de maladies émergentes, et par la possibilité de contribuer à diverses interfaces : entre les pathogènes, les réservoirs d’animaux (sauvages et domestiques), les conditions écologiques, les facteurs entropiques, les transgressions des barrières d’espèces et les facteurs intervenant dans ce processus.
Devant se mobiliser dans l’urgence, il a lancé en 2008 quatre projets :
- un projet de santé animale, co-piloté par le CIRAD et financé par l’Etat, la région et le FEDER.
Ce projet porte sur les maladies animales concernant les ovins, les bovins, les porcs et les volailles et sur le risque de leur extension dans l’Océan indien, qu’il s’agisse de la peste porcine à Maurice ou des pathologies aviaires émergentes, comme à Madagascar. L’objectif est de faire des inventaires de pathogènes viraux, en sachant que 60% des maladies émergentes sont zoonotiques, et que 60 % de celles-ci concernent l’animal sauvage.
- un projet d’inventaire des pathogènes de la faune sauvage de l’Océan indien, d’un million d’euros, avec Madagascar, les Comores, Maurice et les Seychelles.
Ce projet porte sur les rongeurs, les micromammifères terrestres, réservoirs de la peste à Madagascar, les chauve-souris, réservoirs des pathogènes des maladies émergentes (on en trouve 40 espèces à Madagascar, dont 30 sont endémiques). L’objectif est de savoir s’il y a une co-évolution entre les pathogènes et leurs récepteurs.
- le programme Techniques de l’insecte stérile (TIS), en partenariat avec l’AIEA, doté de 700 000 euros du ministère de la Santé et de 900 000 euros du FEDER.
Ce projet a pour objectif de trouver une alternative à l’utilisation des insecticides dont l’impact sur l’environnement est de plus en plus critiqué, et qui commencent à générer quelques résistances. La stérilisation se ferait par irradiation, provoquée par une bombe au cobalt. Son coût serait quasi nul.
L’AIEA, qui en a fait une spécialité d’utilisation pacifique du nucléaire, a déjà mis au point cette technique pour la mouche des fruits. On ne sait pas encore si elle sera efficace pour les moustiques. Elle projette de faire un élevage en masse de millions d’insectes, en étudiant comment la femelle est fécondée et si elle est fécondée par plusieurs mâles. L’objectif est d’identifier les doses optimales de stérilisation, sans rendre l’insecte impuissant. Les expériences seront faites en laboratoire, puis sous serre contrôlée. La décision de lacher les moustiques dans la nature sera prise par le pouvoir politique, conseillé.
- un dernier projet sur la grippe A(H1N1), décidé pour répondre à l’urgence.
Une enquête Copanflu a été réalisée en juillet, avant l’enquête similaire menée en métropole en octobre. Des études ont été menées sur les formes asymptomatiques qui échappent au diagnostic. Des fonds du FEDER ont pu être mobilisés en un mois.
2. Hors de La Réunion, la recherche d’un vaccin contre le chikungunia
Selon l’Institut Pasteur, « un vaccin vivant atténué contre le virus Chikungunya a été évalué par l’armée américaine : les résultats préliminaires ont montré une bonne immunogénicité et une tolérance acceptable. Le caractère préliminaire de ces résultats empêche cependant la mise à disposition rapide d’une vaccination à grande échelle ».
L’Institut a été impliqué dès 2005 dans le diagnostic et l’épidémiologie moléculaire des cas de chikungunya survenus à La Réunion. Son programme d’études lancé en 2006 comprend « la génération d’outils pour le diagnostic, le séquençage de souches virales isolées récemment dans l’Océan Indien, leur caractérisation moléculaire et biologique, la recherche de déterminants de leur virulence, l’étude de la pathogénie de l’infection virale chez l’homme, l’identification des cellules humaines cibles de l’infection virale, la mise au point d’un modèle murin d’infection expérimentale, et une étude de la compétence vectorielle du moustique Aedes albopictus ».
Mais le vaccin n’existe toujours pas en Europe, contrairement aux Etats-Unis et en Inde. Le vaccin américain, inactivé, est mal connu. Une seule étude en a été faite, à partir de tests réalisés uniquement sur des militaires. Ces tests n’ont concerné ni les femmes enceintes, ni les personnes âgées, ni les enfants.
Les NIH (National Institutes of Health américains) ont indiqué le 28 janvier qu’un vaccin pouvait protéger les singes contre le virus du chikungunia.
Les caractéristiques de ce vaccin ont été publiées dans la version en ligne à cette date de la revue Nature Medicine.
Sous l’autorité d’Anthony Fauci, les chercheurs du centre de recherche sur les vaccins du NIAID ont identifié les protéines qui permettent de faire des particules proches du virus (virus like particules). Ces rhésus particules copient celles du vrai virus mais ne peuvent pas entraîner d’infection. Elles peuvent ainsi être utilisées sans risque comme vaccin pour découvrir les réponses immunitaires. Les chercheurs les ont utilisées chez des macaques rhésus et ont constaté qu’ils étaient protégés de l’infection s’ils étaient exposés au virus du chikungunia quinze semaines après.
Cette recherche a été faite en coopération avec l’Université Purdue, avec l’université du Texas et Bioqual.
Ayant constaté que les anticorps permettaient une protection immunitaire, les chercheurs ont transféré le sérum les contenant des singes macaques à des souris qui présentaient des déficiences de leur système immunitaire. Ce sérum les a protégées contre une dose pourtant mortelle du virus du chikungunia.
Ces chercheurs comptent demander l’autorisation de procéder à des essais cliniques sur des humains (A l’heure actuelle, la Food and Drug Administration n’a approuvé de tels vaccins fabriqués à partir de particules proches du virus que pour l’hépatite B et le papillomavirus humain). Ils comptent aussi déterminer si ce vaccin peut protéger contre d’autres virus que l’Alphavirus –le virus du chikungunia- et notamment l’encéphalite équine occidentale et orientale (qui sévit aux Etats-Unis) et le nyong-nyong africain.
II - LE SRAS ET LE H5N1, DEUX PRÉCÉDENTS À L’ORIGINE DES PLUS GRANDES CRAINTES
L’expérience du SRAS fournit une bonne illustration de l’importance des mutations des virus.
Le SRAS, un coronavirus, s’est transmis par les animaux sauvages, trouvés dans les marchés ou à l’état sauvage pour les civettes. Les civettes sont en effet un réservoir du virus, sans que l’on soit certain que ce soit le principal réservoir. 103 échantillons de sang ont été testés en Chine et envoyés pour détection en Australie. Des résultats positifs très différents ont été trouvés selon la région d’origine de ces animaux. Le SRAS, provenant à l’origine des chauves-souris, est passé chez les mammifères puis chez les civettes, et s’est enfin transmis à l’homme après mutation. Le virus peut ensuite se transmettre entre êtres humains. C’est donc une mutation qui a permis cette transmission à l’homme.
A la suite de la découverte du SRAS, des contrôles stricts ont été établis sur les marchés d’animaux sauvages, leur commerce, leur transport, ce qui a permis de ne pas conduire à une autre génération de virus.
Une étude de séroprévalence a été faite chez lez employés des marchés, qui a montré une baisse de l’incidence du virus en deux mois.
La transmission en fait se passait lors de combats de coqs, ou lors de l’enlèvement de leurs plumes, ou de leur préparation culinaire. La transmission se faisait ensuite à l’intérieur des familles, ce qui a été montré lors d’études en Indonésie.
Pour le SRAS, il n’y a pas encore d’antiviral utile. Le Ribavirin et le Kaletra, utilisés dans le cas du HIV, ne semblent pas efficaces.
Après le SRAS, le système de santé publique s’est nettement amélioré en Chine.
Le virus du SRAS est toujours présent, même s’il reste calme pour l’instant, sous sa forme originale ou des formes similaires. On le trouve plus particulièrement chez les chauves-souris. Aussi reste-t-il surveillé. Si aucune étude particulière n’est actuellement faite sur sa stabilité, il est déjà prévu d’accroître sa surveillance s’il atteignait une autre espèce, ce qui pourrait être le cas pour le chat.
Le H5N1 est resté dans toutes les mémoires, tant son impact a été dangereux pour ceux qui l’ont contracté. Il a du reste été à l’origine des plans pandémies rédigés par l’OMS et plusieurs Etats de par le monde.
Le virus, qui tuait plus d’une personne infectée sur deux est toujours présent, à un niveau infra-pandémique. Il est toujours surveillé, car s’il devenait pandémique, la situation serait catastrophique, du fait de sa létalité.
On constate actuellement quelques cas humains qui restent très peu nombreux, en Indonésie et en Chine. Mais il est surtout présent chez les oiseaux. Si à Hong Kong il a surtout affecté les volailles, il avait été transmis à l’Europe par des oiseaux migrateurs. Aussi les flux migratoires continuent-ils d’être surveillés. Des traces de H5N1 chez ces oiseaux ont été repérés au Japon, en Mongolie et en Russie.
Son potentiel de virulence reste le même. Des vaccins pour animaux avaient été trouvés, mais les mutations qui sont apparues depuis 2006 ont réduit leur efficacité. Des vaccins existent pour l’homme, et il est possible de les développer.
L’Union européenne a davantage anticipé la production de vaccins contre le H5N1 que les Etats-Unis. Elle dispose de vaccins maquette, contrairement à ceux-ci. Il faut maintenant, à partir de ces mock up, obtenir la souche du virus contre lequel il faut lutter, la cultiver, vérifier qu’elle ne tue pas des œufs. Les fabricants peuvent sortir des monovalents dans un délai de sept semaines. Ceux-ci seront alors vérifiés par l’AFSSAPS. Le délai total incompressible est au minimum de douze semaines.
La crainte majeure serait un mélange du H5N1 et du H1N1 entraînant l’apparition d’un nouveau virus ayant la dangerosité du H5N1 et le pouvoir de contagion du H1N1.
C’est pourquoi des chercheurs essaient de savoir si une telle recombinaison pourrait apparaître et survivre dans des conditions réelles, au-delà des recherches in vitro. Leurs travaux sont menés avec d’extrêmes précautions en laboratoires P4.
Au niveau mondial, on a identifié, depuis 2003, 495 cas dont 292 décès.
Depuis 2003, le H5N1 a frappé 38 chinois, et 25 en sont morts.
73 personnes ont été officiellement infectées par le H5N1 en 2009, et l’on déplore 32 décès.
En Asie, des cas humains et des décès ont été signalés au Cambodge, en Indonésie et au Vietnam. Fin avril 2010, les chiffres correspondants étaient de 27 cas dont 10 décès.
En 2009, des foyers animaux de H5N1 ont été mis en évidence en Asie, à Hong-Kong, au Bangladesh, en Indonésie, au Japon, au Laos, en Mongolie, au Népal, au Tibet, au Vietnam. La plupart du temps, il ne s’agissait que de cas isolés. Cette liste s’allonge en 2010 au Bouthan et à la Birmanie.
Cette situation est prise au sérieux par les autorités chinoises. En janvier 2009, la Chine a lancé un système de déclaration quotidienne obligatoire des cas de grippe aviaire humain et des foyers animaux par les autorités provinciales sanitaires et agricoles. Le gouvernement chinois a constitué des stocks de vaccins contre la grippe aviaire (H5N1) : Panflu (Sinovac)
C. LES RECHERCHES COMMUNES À CES DEUX VIRUS
Deux laboratoires prestigieux travaillent en Chine sur ces deux virus :
- A Hong-Kong, le Centre Pasteur, associé à l’Université de Hong Kong
Dirigé par le Professeur Peiris, le découvreur mondial du SRAS, ce centre, qui regroupe 35 personnes, suit notamment l’activité de 4 virus : le SRAS, le H5N1, mais aussi le H1N1 et la dengue.
Créé en 2000, il étudie les probabilités d’émergence de nouvelles maladies infectieuses, à partir d’études sur plusieurs décennies précédentes.
Son travail porte sur la cellule, unité fonctionnelle de l’organisme vivant, en relation avec des pathogènes, et notamment des virus. Il repose sur de nouvelles méthodes permettant de comprendre les maladies virales.
Ses activités portent sur la biologie cellulaire, sur l’immunologie, sur les interactions du virus et de la cellule pour échapper à la défense immunologique.
Il cherche à répondre à cinq questions :
- Comment le virus et une cellule interagissent-ils ?
- Quels sont les composants de la cellule qui facilitent son entrée dans la cellule ?
- Comment le virus assemble-t-il ses composants pour créer un nouveau virus infectieux ?
- Comment l’immunité innée perçoit-elle et élimine-t-elle les cellules infectées ?
- Comment le virus dépasse-t-il le système immunitaire ? Comment utilise-t-il les anticorps pour infecter les cellules ?
- A Canton, le laboratoire national des maladies respiratoires et le Dr ZHONG, co-découvreur du virus du SRAS
Ce laboratoire a fait une comparaison du SRAS, du H5N1 et du H1N1 et s’interroge sur les risques futurs. Il mène une réflexion sur la stratégie adoptée ou à adopter en cas de pandémie.
Il considère que pour le H5N1, il n’y a pas de preuve de transmission entre humains.
Il considère qu’après le SRAS, le H5N1 et le H1N1, on peut craindre le développement d’un nouveau virus affectant le mouton, la Rickettsie, entraînant la Rickettsiose ou fièvre Q, présente en Hollande.
Créé et géré par le bureau de affaires sociales de l’ambassade de France à Pékin, le réseau Garris est un Réseau Régional d’Information et de Surveillance dans le contexte de la lutte contre la Grippe Aviaire.
Il compte 250 correspondants territoriaux dans dix pays d’Asie (Birmanie, Cambodge, Chine, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam). Il a pour interlocuteur dans chaque ambassade ou poste consulaire un diplomate désigné « correspondant grippe aviaire ».
Il a pour objectif de permettre un échange d’informations entre ces correspondants en cas de pandémie grippale ou de toute autre menace sanitaire.
Ces informations font l’objet d’articles dans la Chronique Sanitaire GARRIS, publiée deux fois par an, qui traite à la fois du H1N1, du H5N1 du SRAS et de l’Ebola, à partir d’éléments sur la situation dans les pays couverts et de la politique qui y est menée.
Ces informations sont du plus grand intérêt.
Le réseau Garris suit par ailleurs une nouvelle épidémie concernant la maladie « mains-pieds-bouche » qui, en 2009, a causé en Chine 353 décès tandis que 1 155 525 personnes étaient diagnostiquées. Au premier trimestre 2010, il y a déjà 260 décès, ce qui inquiète les autorités. Cette maladie qui touche principalement les enfants de moins de 5 ans et connaît deux pics au cours de l’année donne lieu à des recherches sur le traitement de ses formes sévères et sur la mise au point d’un vaccin.
III - NOUVELLES RÉFLEXIONS SUR LE H1N1
A. LES APPORTS DES AUDITIONS DES RAPPORTEURS DE L’OPECST
1. Données scientifiques sur le virus et la pandémie
a) Sur la naissance du virus A(H1N1) et son appellation
Pour M. Manuguerra, le virus H3N2 est saisonnier et le H1N1 est pandémique. L’Organisation mondiale de la Santé Animale (OIE) a insisté pour retirer le mot porcin de l’appellation du virus parce qu’on ne l’a pas rencontré chez le porc. Seuls des cas de dindes atteintes ont été signalés en Bretagne. C’est un virus composite dont chacun de ces composants a déjà été rencontré chez un virus de porc, d’où l’appellation rapide de virus porcin sans que le comité scientifique de l’OMS n’ait été réuni. Il s’agirait de l’appeler « un virus ayant une origine porcine quelque part ». Les anglo-saxons l’ont appelé « swineflu ». Le problème est de différencier le virus saisonnier A H1N1 et le virus H1N1 pandémique.
Pour les virologistes, c’est un problème de nomenclature. L’OMS propose de mettre un (v) dans le nom des souches pour dire un variant du H1N1 (v). Dans les articles, on écrit H1N1 (pdm) pour pandémie.
On a un virus H1N1, un A H1N1 (pmd), un A H1N1 saisonnier et le A H3N2.
Le H1N1 est apparu au début du XXème siècle. Puis il a circulé jusqu’en 1957 et a provoqué une forte épidémie en 1947. L’évolution importante du virus s’est produite entre 1947 et 1957. En 1957, le virus a été supplanté par un autre virus, le H2N2, causant la pandémie de la grippe asiatique. C’est un virus qui s’est mélangé et a gardé cinq composants sur huit du virus H1N1 de la grippe espagnole et trois d’un virus d’oiseau.
Le H2N2 a été lui-même supplanté par un autre virus peu avant 1968 où deux composants sur huit se sont modifiés et ont causé une cassure partielle pour faire le H3N2. C’était la pandémie de grippe de Hong Kong.
A chaque fois et jusqu’en 1977, le nouveau virus supplantait le virus précédent parce qu’il était en partie composé du virus précédent
En 1977, probablement dû à un échappement d’un laboratoire dans l’ex Union Soviétique, le virus, qui servait comme base de vaccin, réapparut et depuis il co-circule avec le H3N2.
Le virus A apparut en 1968. Ce virus A H1N1 a été responsable de l’épidémie de grippe russe qui a touché les personnes de moins de 25 ans. Les autres personnes l’avaient déjà rencontré et avaient développé des anticorps. Il est réapparu en 1957 et n’a pas circulé depuis.
Depuis, on a deux virus, le H1N1 et le H3N2 qui circulent chez l’homme.
Le virus H1N1 doit son statut particulier à sa composition plutôt qu’à la nouveauté individuelle de chacun de ses composants. Le mélange spécifie sa singularité.
Il trouve une partie de son origine dans des composants virus porcins. Dans l’état de Vera Cruz, on a pensé avoir trouvé les premiers cas. Plusieurs porcheries ont été incriminées. On sait désormais que le virus a circulé avant les épisodes des abattages des porcs. Le virus n’a jamais été isolé du porc excepté les porcs contaminés par un homme. L’homme peut affecter le porc de la même manière que le porc peut contaminer l’homme.
On sait que le virus a circulé avant qu’il y ait les premiers cas. Certains disent qu’il aurait circulé dans d’autres pays et qu’un être humain contaminé serait entré sur le territoire américain. L’OIE recense toutes les investigations sérieuses et documentées, comme celle d’un charpentier canadien atteint qui est allé travailler dans une ferme d’élevage au Mexique, mais les pistes sont diverses.
Nous avons de la difficulté à éclaircir certaines zones d’ombres : on avait une division du monde par H1, entre le H1 du H1N1 porcin classique situé en Amérique (le Nouveau Monde) et pas localisé en Europe et en Asie (le Vieux Monde) où on trouve des H1N1 porcins appelés Eurasia. Normalement, ces deux sous types de virus sont et restent séparés. Notre questionnement porte sur la présence du virus H1 (trouvé dans le nouveau monde) dans le même virus que le N1 de l’ancien monde alors qu’il n’était pas censé s’y retrouver. Les deux composants ont pu se rencontrer par accident génétique sur le continent américain ou dans l’ancien monde. Pour certains, le virus a circulé dans l’ancien monde, sans qu’on s’en soit aperçu et a ensuite été importé.
On n’a pas connaissance du début de l’histoire du virus H1N1 pandémique. Si on ne s’en est jamais aperçu, c’est parce que les porcs n’ont jamais été contaminés par cette composition génétique. On suppose que l’homme aurait lui-même été affecté par deux virus, qui en se mélangeant, aurait créé un accident génétique. Dans ce cas, ce n’est donc pas un virus porcin.
L’origine porcine du virus engendre des maladies chez les porcs. Ceci est envisageable dans les petits élevages, ou dans les élevages mal suivis. Dans les élevages industriels, cela occasionnerait une perte de poids, donc de gain, vite repérée, pour des raisons économiques.
Pour la grippe aviaire, le virus est visible dans les élevages car c’est une perte de gains économiques.
Le virus n’est peut être pas apparu au Mexique mais plutôt en Californie du Sud.
L’invisibilité du danger est un sérieux problème. Si le virus apparaît et est peu pathogène dans l’élevage, moins l’élevage est sophistiqué, moins on aura de signaux d’alarme en amont. Lorsque l’on a constaté le phénomène au Mexique, on l’avait déjà observé chez l’homme, par conséquent ce n’était déjà plus un problème de santé animale. Il se peut que ce ne le soit jamais été, même si localement, des élevages sont menés dans des conditions sanitaires déplorables, avec une gestion des cadavres contraire à toute règle de base.
En ayant un foyer en Californie, le virus allait se propager très rapidement et a gagné le Nord-Est des Etats-Unis puis le Canada par les liens sociaux et culturels. Le fait qu’il se soit produit aux Etats-Unis a été un vecteur de propagation encore plus actif.
Pour l’INRA, le A(H1N1) était un H1N1, qu’on connaissait. Mais il n’y avait aucun des marqueurs habituels de virulence, aucun des marqueurs de pathogénéicité connus.
Cette remarque interpelle sur les données qui doivent aider à évaluer l’ampleur de l’alerte à donner.
b) Sur la surveillance du virus
Pour M. Manuguerra, tous les laboratoires recherchent et surveillent le H1N1 en toute transparence.
Le H1N1 est sorti en quelques semaines dans tous les pays. Il est adapté à l’homme et peut se propager très rapidement. Par conséquent, il est surveillé par tous les pays. L’identification de l’ADN du virus s’évalue de manière globale.
La surveillance de la grippe est associée par le réseau des GROG, sous la direction des deux centres nationaux de références, l’Institut Pasteur et l’InVS, qui analysent les virus en profondeur. Ils font une sélection de ces virus et communiquent au niveau national, européen. Après une nouvelle sélection, ils échangent avec les centres mondiaux.
Les Américains ont partagé leurs données à partir d’un système mis en ligne sur Internet. Quand l’alerte a été lancée, l’OMS a déclaré qu’un évènement de portée internationale pouvait s’être produit au Mexique, au Sud de la Californie, le vendredi 24 avril 2009. Le 25, une information a été diffusée sur l’arrivée d’un prélèvement à la Cellule d’Intervention Biologique d’Urgence de l’Institut Pasteur. Le 26, le prélèvement était arrivé et analysé. Dès le 25, il y avait des séquences des premiers virus analysés par le Centers for Disease Control (CDC) dans les premières souches californiennes disponibles sur un site dédié sur Internet. La communication a été très bonne, les protocoles du CDC ont été mis à disposition dans tous les centres et il a fallu ensuite attendre les réactions. Cette expérience fut extrêmement positive.
c) Sur l’appréciation scientifique du risque sanitaire
M. Manuguerra apprécie ainsi l’évaluation du risque sanitaire face à l’incertitude scientifique :
« Un bilan global de l’épidémie a été fait à l’OMS. Mais la sévérité de la létalité est très difficilement appréciable. Des informations manquent et sont très différentes d’un pays à un autre.
Il n’y a pas de véritables données sur le nombre de malades et nous mesurons les effets de la grippe pandémique H1N1 au cas par cas. Pour la grippe saisonnière, on calcule la surmortalité. Se baser sur la létalité est peut être une erreur d’appréciation. On recense actuellement quatre mille morts mais ils représentent des décès documentés. Ce ne sont pas des méthodes d’évaluation traditionnelles.
Il est très difficile de travailler dans l’incertitude scientifique. Pour le H1N1 pandémique, on compte le nombre de cas. Pour la grippe saisonnière, les cas sont nombreux et nous ne les comptons pas individuellement. Ce n’est pas comme pour le VIH où on peut suivre l’évolution. Il y a des problèmes méthodologiques.
L’épidémie peut se répandre très rapidement. Dans les épidémies classiques, on arrive à anticiper le pic quatre à six semaines avant qu’il n’arrive, sans anticiper son intensité. On anticipera à partir du moment où la courbe épidémique aura commencé à augmenter. Il est certain que le virus est appelé à revenir et reviendra sous la forme d’un virus saisonnier par la suite. »
d) Sur l’appréciation scientifique de la réalité
La méthode mathématique en usage pour évaluer le nombre de cas à partir de la surmortalité et des syndromes grippaux repérés en consultations n’a pas toujours été comprise par un public non informé et non convaincu, pour lequel seuls les tests sérologiques font foi.
A l’ECDC 3 de Stockholm, assez inaudible en France, on apprend que la fragilité des chiffres de la pandémie n’a d’égale que la disparité des méthodes de comptage selon les Etats (!).
A Londres, un chercheur en épidémiologie, Andrew Hayward, a établi des courbes dont les inflexions ne reflètent pas toujours l’augmentation ou la chute du nombre de cas, mais le choc des titres et des images des tabloïds (augmentation des consultations : la courbe monte), ou le démarrage d’un dispositif de call centers4 (chute brutale des consultations : la courbe descend). Or la courbe sert de base à l’évaluation du nombre de cas ! Des recherches sont en cours au travers de son « Flu Watch Study » avec une cohorte de 4000 personnes, et des comparaisons sérologiques.
e) Sur le degré d’immunité acquise par la population
Pour M. Manuguerra, une étude, publiée en mai dernier, dans le Morbidity and Mortality Weekly Report par les Centers Disease and Control (CDC) à Atlanta, a montré que le vaccin saisonnier n’avait aucun effet protecteur sur le virus pandémique nouveau. Par conséquent, on ne peut pas protéger du H1N1 avec le vaccin saisonnier. En revanche, les personnes d’un certain âge, ont eu une réactivation d’anticorps, partiellement efficace pour reconnaître le H1, antigène principal, du virus H1N1 pandémique.
«Cela s’explique par ce qu’on appelle « le péché antigénique ». Lorsque les individus rencontrent pour la première fois un sous-type particulier de virus grippal, par exemple le H1N1 saisonnier, que ce soit par une infection ou par une vaccination, le système immunitaire va développer une forte empreinte de l’infection par le virus initial. L’organisme fabrique des anticorps contre le virus qu’il a rencontré. Plus les personnes auront rencontré le virus H1N1 en premier virus grippal, plus ils l’auront rencontré tôt au cours de sa circulation (arrêtée en 1957), plus ils auront une éventuelle stimulation d’anticorps du fait de la reconnaissance du virus. C’est une mise en mémoire avec un rappel qui n’est pas sur le même antigène mais sur l’antigène que les individus auront rencontré en premier. Dans cet article, un tiers des personnes avaient des anticorps, qui croisaient, parce que les anticorps du H1 du virus porcin partage un ancêtre commun, celui de la grippe espagnole H1N1. Le H1 a moins évolué chez le porc que chez l’homme parce qu’il est moins dynamique ».
f) Sur les prélèvements en milieu hospitalier
Les recommandations du Comité de Lutte Contre la Grippe préconisent le prélèvement chez les personnes qui sont hospitalisées, qui présentent un cas grave ou un critère de fragilité (par exemple les femmes enceintes).
L’intérêt du prélèvement pour le patient est de détecter des résistances au traitement, savoir s’il faut l’isoler pour ne pas transmettre le virus, et éviter à l’entourage du patient un traitement inutile. Les prélèvements concernent toutes les personnes fragilisées, atteintes ou enceintes.
Les patients qui ne nécessitent pas une hospitalisation doivent suivre le circuit classique et se rendre chez le médecin. Dans le cas où le patient devrait suivre un traitement de Tamiflu, le médecin le lui prescrit et se rend alors chez son pharmacien.
g) Sur les goulots d’étranglement dans la production des vaccins
Pour Mme Van der Werf, ces goulots sont notamment liés aux réassortants qui peuvent donner des rendements de production faibles ou à la préparation des réactifs car il faut produire et évaluer des anticorps parfaitement calibrés. Il faudrait les résoudre, mais ils sont malheureusement variables et imprévisibles.
h) Sur les études sérologiques
Ces études sont du plus grand intérêt, même si elles ne sont pas toujours faciles à interpréter, du fait de la mémoire immunologique qui peut exister dans la population. C’est une étude de ce type qui a permis à une équipe universitaire de Marseille de mettre en évidence qu’il y avait cinq fois plus de personnes touchées par le virus A(H1N1) que ce qu’on estimait jusqu’alors. Des études de ce genre se développent actuellement dans le cadre de l’IMMI. Elles portent sur les réponses à la vaccination dans des populations particulières (femmes enceintes, patients VIH, personnel hospitalier) grâce à des cohortes. Elles seront complétées par des études transversales réalisées par la plate-forme centralisée de Cochin pilotée par l’INVS. Le nombre de personnes vaccinées, associé à une évaluation du nombre de personnes immunisées, peut éclairer les décisions futures de santé publique.
2. Réflexions sur la gestion de la pandémie A(H1N1)
a) Sur la définition d’une pandémie, qui a été restreinte à des critères purement géographiques
Un virus est qualifié de pandémique, en raison de sa transmission d’homme à homme, de sa diffusion géographique, de l’absence de mémoire et de réponse immunitaire de la population. Un virus nouveau où apparait un réassortiment peut être soupçonné d’être pandémique.
Dès le début de la pandémie, dans l’hémisphère sud, il y a eu doute.
Dans le débat sur la démesure ou non des dispositions prises, la définition officielle du terme « pandémie » est essentielle. Pour la population, ce terme évoque à la fois la mondialisation de l’épidémie, et une forte mortalité. L’OMS tient aujourd’hui à préciser que le caractère de gravité ne fait pas partie de sa définition.
Un chercheur attentif aux pages successives de l’OMS, Tom Jefferson, du groupe COCHRANE a mis en évidence un changement de définition en catimini. Une page provenant de l’OMS sur GOOGLE avant fin mai 2009, indiquait que « la pandémie résulte de l’apparition simultanée d’épidémies sur différents points du monde avec d’innombrables cas de malades et de décès ».
Dans la définition actuelle, le critère « d’innombrables cas de malades et de décès » a disparu, tandis qu’apparaît la notion de pandémie bénigne.
Ces deux dernières modifications révèlent une posture défensive de l’OMS, qui a sonné l’alerte maximale, et change la définition pour pouvoir répondre à ses détracteurs.
b) Sur l’importance du stade 6
La vaccination monovalente pandémique ne peut être faite que pendant le stade 6. Les conventions de 2005 entre Etats et industrie mentionnaient l’obligation pour les laboratoires de commencer la fabrication du vaccin pandémique à compter de la proclamation du stade 6 par l’OMS.
c) Sur la gouvernance et le pilotage de la crise
La mise à l’écart des médecins généralistes dans toute la France, a aggravé le doute, car une majorité de ceux-ci ne se sont pas faits les porteurs d’une démarche à laquelle ils n’étaient pas associés. Quelques voix dissonantes scientifiques (celle du professeur Gentilini sur la disproportion des investissements par rapport à d’autres fléaux, celle du professeur Debré sur la démesure par rapport au danger) ont donné des arguments aux sceptiques contre la pensée et le discours très homogènes des autorités de santé, des virologues, et des épidémiologistes. Ceux-ci utilisaient les mêmes termes pour répondre à des objections :
- à propos des personnes âgées immunisées : « oui, rares sont celles qui sont atteintes, mais toutes celles qui le sont le sont gravement, et beaucoup meurent »
- à propos du faible nombre de personnes atteintes : « oui, mais celles qui le sont, sont des victimes jeunes et inattendues, avec des tableaux cliniques dramatiques »
- à propos des vaccins arrivant trop tardivement « oui, mais personne ne peut dire qu’il n’y aura pas de deuxième vague ».
Le double pilotage ministériel français par le ministère de la santé pour la mobilisation et les choix sanitaires et le ministère de l’Intérieur pour l’organisation de la vaccination de masse, a contribué au sentiment de plan « autoritaire », tandis que les semaines passaient, sans qu’un nombre de morts exceptionnel ne vienne étayer la gravité annoncée de la pandémie.
Quelques erreurs ont accru la contestation :
- médecins réquisitionnés d’autorité par des gendarmes (erreur d’un Préfet) ;
- mauvaise recommandation du ministère de l’Intérieur de fractionner l’acte de vaccination, (enregistrement du bon, préparation de la seringue, injection, attestation finale) -circulaire retirée- ;
- centres de vaccination tantôt déserts, tantôt embouteillés, refus de candidats sans bons, non envoi de bons à des publics réputés sensibles, mais non repérés ;
- modification unilatérale des horaires d’ouverture, créant une pression peu gérable sur les praticiens impliqués dans d’autres tâches ;
- non prise en compte des particularités locales : pour les horaires (heures chaudes à Saint Laurent du Maroni), pour les langues usuelles, pour les besoins de confidentialité pendant les entretiens préalables (cas de la Guyane) ;
- manque de sensibilisation préalable : certes l’Outre-mer n’a pas été oublié : des masques, le Tamiflu, les vaccins ont bien été acheminés, des équipes vaccinatrices se sont déplacées sur le Maroni dans des villages reculés, mais l’information ne les avait pas devancés : ainsi à Papaïchton, il n’y a eu que 8 vaccinés sur 4000 habitants ;
- transparence sur les contrats obtenue seulement après intervention parlementaire…
Le choix ministériel du vaccin Glaxo Smith Kline, cultivé sur œufs comme la majorité des vaccins, avec adjuvants (contrairement aux Etats-Unis), sur une maquette différente des vaccins saisonniers, avec des conservateurs dont le contesté Thiomersal conditionné dans des packs de dix, a suscité une défiance accentuée par les échanges sur Internet, le fait que les femmes enceintes disposaient d’un vaccin sans adjuvant, le fait que les Etats-Unis ont de tout temps fait le choix de ne pas utiliser les adjuvants. Au-delà de la critique sanitaire, le prix d’achat a été mis en cause.
La liberté de choix thérapeutique du patient, inscrite dans la loi, n’a pas été outillée par une bonne information publique, et a été respectée de façon complètement discrétionnaire et aléatoire selon les centres.
Le choix de proposer la vaccination à tous (recommandation « éthique » que l’on pourrait mettre en débat face aux faibles investissements sur d’autres pathologies mortelles), mais de commencer par l’envoi de bons aux personnes cibles, car ayant potentiellement un risque accru de complications, s’est accompagné d’un tri par dossiers au sein des caisses de Sécurité Sociale, qui d’une part a connu quelques ratés (personnes non repérées, car sans prescriptions), d’autre part a fait l’objet d’une probable levée de confidentialité, sans suivi démocratique.
A La Réunion, les dates et souches (pour le saisonnier) des vaccins étaient les mêmes qu’en métropole, alors que l’île est située dans l’hémisphère Sud.
La négociation des contrats s’est enfin faite dans un climat entretenu de pénurie, et de compétition entre les Etats, tandis qu’en Pologne, la ministre, Eva Kopacz, médecin, a vu certains de ses propos tournés en dérision, alors qu’elle protestait contre la clause de non- responsabilité que voulaient lui imposer les firmes pharmaceutiques, en utilisant le terme de vaccin « miraculeux ». Le fait qu’elle ait choisi de faire débattre le Parlement (la Diète) avant toute décision a été occulté. Le choix polonais a été décrit comme un non choix, faute de budget suffisant pour payer.
d) Sur la réalité de la pénurie de vaccins
Y avait-il pénurie ? La pénurie a-t-elle été créée de manière factice, à des fins de marketing ?
L’AFSSAPS répond à ces questions de la manière suivante :
Fin juin, début juillet, on était dans un marché d’offreurs. On craignait le degré de sévérité de la grippe saisonnière, plus un certain pourcentage de formes graves intervenant chez des sujets jeunes, ce qui a suscité les interrogations sur le taux d’attaque. Les fourchettes de prévision étaient très amples. L’incertitude qui a duré jusqu’au milieu de l’été a entraîné des commandes importantes. On a pris le scénario le plus pessimiste. Personne ne connaissait la capacité de production des industriels, et leurs rendements. Les industriels se basaient, eux, sur leurs rendements saisonniers.
Du fait du calendrier très serré du vaccin saisonnier, l’intervention du virus pandémique nécessitait de ne pas mettre en cause la production du vaccin saisonnier. La fenêtre était très courte.
Entre juin et octobre-novembre, tant dans les laboratoires qu’à l’AFSSAPS, il fallait concilier le vaccin pandémique et le vaccin saisonnier. Il fallait être prêt sur les deux terrains. Personne n’avait à l’esprit le phénomène qui s’est produit : le balayage, l’écrasement du virus saisonnier par le A H1N1. Or on a vécu une quasi disparition de la grippe saisonnière.
C’est la raison du choix de la composition vaccinale de l’année prochaine : le H1N1 pandémique sera dans la composition du vaccin saisonnier.
e) Sur les autorisations de mise sur le marché
M. Manuguerra a rappelé que pour favoriser une rapidité de production en cas d’urgence, on a développé des vaccins maquettes, des « mock up », qui sont étudiés sur plusieurs aspects :
- du point de vue de la sécurité, de la tolérance, et de l’emploi du produit en situation d’urgence où les dossiers administratifs ont été allégés. Les préparations ont été évaluées plus longuement en terme de tolérance. Certains vaccins, comme ceux de GlaxoSmithKline (GSK) ont obtenu une AMM à usage pré-pandémique car la tolérance était identique à un vaccin classique. Les vaccins ont été évalués sur un autre virus, le H5N1.
- du point de vue de l’efficacité. Seul l’antigène n’a pas été évalué dans le produit car tout dépend du virus que l’on souhaite traiter. Il est possible de demander une AMM en situation d’urgence ou de recourir à la procédure classique.
Pour M. Manuguerra, ces vaccins ont été évalués en terme de sécurité sur leur constitution et sur un nombre d’années qui correspond à l’évaluation d’un vaccin classique. En revanche, l’efficacité doit être réévaluée lorsque l’antigène change. C’est la procédure en Europe qui exige, lorsqu’on change de souche, de vérifier certains critères pour évaluer l’efficacité de l’anticorps. Le modèle a été développé à partir du H5N1 mais était valable pour tout de sorte de virus. Il n’y a que l’antigène qui est modifié dans le vaccin. On sait que l’efficacité varie avec l’antigène.
Pour vérifier l’efficacité du vaccin, des essais cliniques ont commencé à partir de mi-août. Du point de vue de l’efficacité, l’évaluation est effectuée sur une période courte. Mais sur le produit fini hors antigène, la tolérance et la sécurité ont préalablement fait l’objet d’une étude qui n’a pas été évaluée dans l’urgence et de manière précipitée.
La composition de l’adjuvant NF 59 est tombé dans le domaine public, il est lisible et est utilisé dans des vaccins grippaux. L’AS03 de GlaxoSmithKline, est un adjuvant de la même famille et est un dérivé du squalène qui n’est pas utilisé dans les vaccins grippaux. Il a fait l’objet de toute une série d’études cliniques des vaccins Pandemrix et Prépandrix.
f) Sur la conception de la vaccination
Pour M. Manuguerra, d’un point de vue génétique, le virus n’a pas évolué. L’estimation de la létalité a évolué. On a revu le nombre de cas à la baisse. Il y a un problème de méthode. La létalité a été surestimée au tout début du phénomène. Il faut faire attention à ne pas la sous-estimer pour s’apercevoir ensuite qu’elle était plus importante. La difficulté actuelle provient de ce que le virus n’est pas très pathogène, mais qu’il entraîne des cas mortels.
On ne connaît pas les signes précurseurs d’une mauvaise évolution du virus, alors si on souhaite prendre un traitement antiviral, il s’agit de le faire très précocement. C’est un problème car jusqu’à présent la doctrine française recommandait de traiter tous les cas. Pour la grippe aviaire où on a sept cas sur dix, la question ne se pose pas mais pour le H1N1, on considérait que si ce n’était pas grave, on ne soignait pas.
Si on pratique la doctrine française (tous les cas doivent être traités), la difficulté est de définir les individus prioritaires car on ne peut vacciner tout le monde. La doctrine du plan sera donc plus facile à appliquer quand la pandémie sera arrivée en France et lorsqu’elle sera passée du stade 5A vers la situation 6. Dans ce cas, on sait que le virus est prépondérant et que la probabilité d’affecter un traitement à bon escient est très forte. Mais on a eu un problème d’application pour traiter tous ceux affectés par un syndrome grippal car la plupart d’entre eux n’ont pas la grippe.
g) Sur la réactivité des autorités sanitaires
La réactivité des instituts de veille, des laboratoires de référence (qui isolent les souches), de l’OMS (qui donne les bases des vaccins candidats) a été particulièrement intense dès le 24 avril 2009.
Les premières décisions des Etats ont révélé une surestimation du danger réel (ou une précaution résolue, en l’absence de certitude sur la dangerosité). La France est allée jusqu’à demander le contrôle aux aéroports, et un débat sur la fermeture de frontières. Le 30 avril, les ministres des vingt-sept pays de l’Union européenne rejetaient d’ailleurs la proposition française de suspension des vols vers le Mexique.
En France, les alertes de l’OMS, l’existence du plan pandémique H5N1, l’incertitude sur l’évolution de la contagion et la mortalité, le traumatisme du ministère de la Santé français après des épisodes douloureux comme la canicule, ont contribué à des décisions prises au sommet, sans débat avec la société, engageant des moyens considérables (2 milliards d’Euros et 500 millions de campagne de vaccination), et reposant sur des choix qui n’ont été arbitrés que dans un cercle restreint d’experts et de conseillers.
M. Jérôme Sclafer , du Comité technique des vaccinations et de l’association « Mieux prescrire », pointe l’inexorable montée en puissance du climat d’alerte depuis des années :
- Montée des investissements privés ;
- Typage des virus5 ;
- Accroissement de l’activité éditoriale : les publications contenant l’expression « grippe pandémique » sont passées de 2 en 1980, à 17 en 1997, 51 en 2004, 124 en 2005, plus de 200 en 2006 ;
- Pression du LEEM (industries du médicament) en 2005 sur la DGS (direction générale de la santé) pour que les avis du Comité Technique des Vaccinations soient accélérés ;
- Déclarations exagérées : le 30 avril 2009, le British Medical Journal annonce 1840 cas de graves pneumonies liées à la grippe au Mexique, dont 150 décès. Finalement seuls 26 cas ont été confirmés ;
- Relative discrétion sur le bilan rassurant fait par les autorités néo-zélandaises et australiennes fin août (sur 500 000 personnes infectées, 16 décès et 120 personnes en réanimation).
Le sentiment d’urgence sanitaire a été accru par les premières observations : le type inédit de population touchée (jeunes), et la gravité des détresses respiratoires, dont certaines fatales. Cependant, le faible nombre de cas visibles, et beaucoup de rémissions banales, ont conduit les tenants du maintien ou de la justification de l’alerte à promouvoir une nouvelle unité : « le nombre d’années de vie perdues ».
La mise en œuvre du plan s’est accompagnée d’une campagne massive dans les médias pour recommander l’hygiène, et pour la vaccination, sans toutefois donner au citoyen les clefs des choix faits en son nom et pour lui, ni la clarté sur les modalités décidées par le gouvernement pour rendre possible la vaccination.
Il s’avère que l’on savait dès le départ
- que les vaccins ne seraient prêts en quantité compatible avec le choix d’une couverture exhaustive de la population qu’après le pic ;
- que les certitudes sur l’effet barrière n’existent pas : interrogés avec précision sur l’efficacité des mesures barrières, les médecins et épidémiologistes confirment leur utilité, mais apportent peu d’études et de preuves scientifiques. Le débat sur le nombre de personnes à vacciner pour enrayer la progression d’une pandémie grippale reste ouvert, même si le chiffre de 30% de la population revient souvent ;
- que la prise en compte du retour d’expérience a toujours été négligée au profit de réflexions sur la virologie, plus que sur les effets cliniques. À La Réunion, 3 mois avant l’arrivée du pic en métropole, on observait seulement 6 décès, dont 4 à risque dès le départ. Le choix y a été fait de ne pas fermer les écoles et de ne pas annuler les matchs. On constatait une létalité qui selon la CIRE, dès le 8 juin, semblait bien inférieure à celle annoncée. Par ailleurs, le bulletin de l’INVS relatant la pandémie, ne prenait pas en compte l’avis formalisé des médecins généralistes, contestant la pertinence du niveau d’alerte. L’avis venait de l’Union Régionale des Médecins Libéraux.
On observera à nouveau ce mépris de la parole du terrain lors de l’audition publique du 1er décembre quand tous les orateurs de la journée quitteront la salle avant la troisième table ronde consacrée au retour d’expériences des médecins, infirmiers, élus locaux et citoyens.
h) Sur la gestion de l’urgence
L’organisation de la Cellule d’Intervention Biologique d’Urgence de l’Institut Pasteur est à cet égard particulièrement intéressante.
Pour M. Manuguerra, la période d’urgence s’est déroulée du 24 avril à fin juillet 2009. « Nous sommes dimensionnés pour agir 24h/24 et 7J/7. On travaille avec des personnes de la cellule, des cadres des services extérieurs de la cellule, tous volontaires. La cellule est constituée de dix-huit personnes, neuf de la cellule, quatre cadres d’autres services et des chercheurs universitaires qui ne sont pas présents 24h/24 et 7J/7. »
« Lorsqu’on reçoit un prélèvement à 17h, il nous faut 10h pour l’analyser et on reste souvent jusqu’à 4h du matin. Lorsque nous sommes d’astreinte téléphonique, nous avons une heure pour arriver sur place. Si le Directeur Général des Services de Santé ou l’Institut national de Veille Sanitaire (InVS) souhaite l’analyse d’un prélèvement, nous devons être en mesure de nous déplacer rapidement le jour et la nuit.
« Nous sommes sortis du système d’urgence le 12 Août. Le centre de référence reçoit beaucoup de prélèvements par les Groupes Régionaux d’Observation de la Grippe (GROG) qui ont effectué plus de mille prélèvements. Pour une grippe saisonnière, la saison ne commence qu’en octobre et totalise cinq mille prélèvements. Le rythme de travail est soutenu, la charge de travail est assez lourde sur le centre de référence. Les tests sont produits par l’Institut Pasteur et le centre de référence développe les protocoles et les standards. »
i) Sur le principe de précaution (prendre des mesures en supposant un risque probable)
Celui-ci a été évoqué par la Ministre de la Santé, mais il n’y avait pas lieu d’évoquer ce principe tel que prévu dans la Constitution :
- Le virus n’est pas une innovation technologique ;
- L’atteinte potentielle ne portait pas sur l’environnement ;
- Le risque était évolutif, car le virus peut muter ;
- La commande de recherche, impérativement liée au principe de précaution pour faciliter l’arbitrage était incompatible avec les délais dans lesquels la décision de signer les contrats de commande a été prise.
En revanche, les contestations de l’additif auraient pu relever du principe de précaution : la composition du vaccin GSK, avec le contesté Thiomersal pouvait être mise au débat.
j) Sur l’appréciation portée sur l’utilité de la vaccination
L’audition publique de l’OPECST, le 1er décembre 2009, a montré que toutes les personnes occupant les plus hauts postes décisionnels dans les autorités sanitaires (M. Didier Houssin, Directeur de la santé au Ministère), les structures de veille (réseaux Grog, réseaux Sentinelles, Madame Weber de l’INVS), les organismes de recherche (Professeurs Delfraissy de Pasteur, Lina du Centre de Références, Manuguerra de la Cellule d’Intervention Biologique d’Urgence de Pasteur, Autran, spécialiste d’immunologie) ont été et restent unanimes pour recommander la vaccination massive. On percevait dans leur propos un front uni contre les quelques collègues dissidents. Voici quelques citations significatives :
- M. J.F. Delfraissy, Directeur de l’Institut de Microbiologie et de Maladies Infectieuses à l’INSERM : « Je n’arrive toujours pas à comprendre l’attitude de certains de mes confrères, qu’ils soient médecins de ville ou grands professeurs. Leurs prises de positions sont irresponsables ».
- M. J. M. Cohen, coordinateur des GROG : « Le vaccin est un privilège… Nous avons la chance extraordinaire de pouvoir combattre une pandémie avec des vaccins et des médicaments ».
-M. F. Bricaire, chef des maladies infectieuses et tropicales à la Pitié Salpétrière : « Le rapport entre bénéfices et risques, sur le plan tant individuel que collectif, est tout à fait favorable. Mieux : c’est la seule, qui selon moi, permet de lutter contre les épidémies virales et de les vaincre. »
M. Th. Pineau, de l’INRA : « Je tiens à souligner combien les chercheurs sont outrés face aux réactions de certains confrères qui jugent bon de faire la fine bouche quant à la vaccination… Il s’agit là d’un acte civique responsable et militant du point de vue individuel et collectif. »
- Mme B. Autran professeur d’immunologie, co-directrice de l’institut fédératif de recherche immunité-cancer-infection : «Le déluge de désinformation me fait mal au cœur, alors que la vaccination est une des armes les plus fantastiques que les hommes aient inventées ».
Néanmoins, le Directeur de l’école des hautes études de santé, M. Antoine Flahault dira : « Je ne m’associe pas à l’idée que la vaccination soit un geste civique et collectif. Aucun élément de preuve ne permet de l’affirmer ». « Cependant, le rapport bénéfices/risques de la vaccination est très en faveur du vaccin ».
Mme Autran reconnaîtra qu’il n’y a aucune étude clinique sur des milliers de cas vaccinés et non vaccinés, mais qu’il y a des essais sur l’évaluation de la sérologie, et des modèles mathématiques.
Les bémols sont venus de la dernière table ronde, avec des témoignages de terrain, et des médecins généralistes. Hélas, les « personnalités » après s’être exprimées, n’avaient pas jugé utile d’entendre le vécu sur le terrain. Auditionné par la suite, le professeur Gentilini évoquera une telle unanimité que toute personne ayant en son fors intérieur des réticences ou des nuances à suggérer, n’osait même plus les évoquer.
De manière plus précise, M. Gentilini souligne qu’il a été frappé très vite, dès le mois de mai-juin par la démesure entre les faits et les annonces du ministère de la santé. Il a eu l’impression que l’apocalypse annoncée ne surviendrait pas, et que la situation ne correspondait pas au scénario catastrophe prédit. Aussi a-t-il pris position publique le 22 juillet en parlant d’indécence au plan éthique et de démesure au plan sanitaire. Il a déclaré qu’il trouvait scandaleux que les pays les plus riches d’Europe avancent des propositions sans rapport avec les risques annoncés, alors qu’il y a un million de morts par paludisme en Afrique, et que la famine continue de sévir. Par ailleurs, que sont les 300 morts de cette grippe par comparaison avec ceux qui périssent de maladies graves ?
M. Gentilini souligne qu’il n’y a pas eu de stratégie déterminée du ministère de la santé. Ce ministère a appliqué le plan de la grippe précédente, celui de la grippe aviaire, sous la responsabilité de l’OMS. Il considère que la Pologne, qui a pris une autre position, a eu raison. Il estime qu’il ne faut plus confier la politique sanitaire à des experts sanitaires enfermés dans leurs certitudes. Il faut associer des sociologues à la définition des politiques.
Il faut de même associer les médecins généralistes à la vaccination. Même avec un vaccin multidoses, il était très facile à des généralistes de regrouper des patients. On aurait eu une bien meilleure couverture vaccinale.
k) Sur l’acceptabilité des vaccins
Le tableau ci-après montre combien les français ont changé de conception sur la vaccination au fil du temps.
LES FRANÇAIS FACE À L'ÉPIDÉMIE DE GRIPPE A
EVOLUTION DES RÉSULTATS DES SONDAGES D'OPINION RÉALISÉS PAR LE SIG
Item : intention de se faire vacciner
Source : Ministère de la Santé et des Sports
l) Sur la comparaison avec les choix faits aux Etats-Unis
Les éléments mentionnés dans le rapport d’étape méritent d’être repris sous une forme synthétique tant ils permettent de se rendre compte que d’autres choix étaient possibles.
Les journées de travail de vos rapporteurs à Atlanta aux Centers for Disease Control (recherches, veille, contributions internationales, mise au point des vaccins), à Washington, au ministère de la santé, à la Food and Drug Administration (autorisations), au National Institute of Health (recherches thérapeutiques) leur ont permis de s’apercevoir de différences importantes d’approche :
- Si le pilotage de la réponse publique a été central et unique au niveau fédéral, on note une troublante mixité de personnels civils et de gradés et habillés comme des militaires.
- Même s’il y a la même résolution de promouvoir la vaccination, d’autres choix ont été faits dans son organisation :
Il a ainsi été décidé de ne pas utiliser d’adjuvant pour les vaccins, pour trois raisons : cela aurait demandé des autorisations de mise sur le marché supplémentaires ; il n’y en a jamais eu ; cela aurait déplu à la population. Aussi a-t-on préféré utiliser les supports habituellement utilisés pour les vaccins saisonniers qui permettaient d’assurer sécurité, rapidité et confiance.
Le vaccin en spray a été une stratégie de contournement de ceux qui craignent les piqûres.
- La polémique politique a été médiatisée à l’automne sur la pénurie.
La population est assez déconcertée par une action publique de si grande ampleur, sur laquelle elle émet des doutes, elle qui est habituée à acheter son vaccin saisonnier au drugstore et à se le faire injecter par un infirmier libéral dans une boutique de soins d’une galerie marchande. L’articulation de l’action publique avec les Etats est également nouvelle et complexe.
- Deux lois ont été particulièrement importantes :
La loi qui a installé la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) qui exécute des missions rappelant l’EPRUS, mais qui a des fonctions plus étendues : outre la gestion des stocks de vaccins et l’approvisionnement en œufs, elle veille à la recherche-développement sur les vaccins sur cellules et les recombinants. La loi qui a exonéré les industries pharmaceutiques de leur responsabilité quant à d’éventuelles conséquences sanitaires indésirables des vaccins.
- Le choix d’une dose de vaccin a été fait, dès septembre 2009, où se dégage un consensus selon lequel 15 mg créent l’immunité (deux mois avant l’agence européenne).
- Les contrats mis en place lors du H5N1 avec les entreprises pharmaceutiques qui fournissent chaque année aux autorités américaines les vaccins saisonniers ont été poursuivis lors du H1N1 , ce qui permet de faire stopper la fabrication d’éventuels excédents dans un délai de six semaines. Au ministère de la santé, le Docteur Nicole Lurie précise que « les USA ont fait en sorte de ne pas être obligés de payer ce qui n’était pas encore conditionné en dose unique pour injection ».
- Si les Etats-Unis se trouvent aujourd’hui, après la polémique passée sur la pénurie, face à une demande ralentie et peu enthousiaste, à la tête de stocks d’antigènes, ceux-ci sont en vrac, et ils ne désespèrent pas de mettre au point un vaccin polyvalent pour la prochaine saison froide, compatible contre le futur virus saisonnier, et l’éventuel retour du A/H1N1, voire même dans un futur plus lointain, contre les virus grippaux. En attendant, des études scientifiques ont montré qu’il n’y avait aucun inconvénient à l’utilisation simultanée du vaccin saisonnier et du vaccin pandémique (un dans chaque bras).
- Bien que non utilisés, les adjuvants, et les vaccins élaborés sur cellules vivantes font l’objet d’investissements et de recherche.
- La production s’est faite sous la même licence de processus. Les vaccins monovalents A/H1N1 ont eu leur licence le 15 septembre et le 10 novembre 2009. 115 millions de doses (sur les 250 millions commandées) ont été rapidement ventilées dans les Etats pour les personnes à risque.
- Les sommes engagées en santé publique, rapportées à la population sont comparables à l’engagement français. Le prix unitaire du vaccin oscillerait entre 6 et 8 dollars.
- Le Tamiflu a été prescrit dans les mêmes conditions qu’en France : sur ordonnance, pour les cas graves, très tôt, dès le diagnostic. Une loi permettant l’exception en cas de pandémie , le Bioshield Act (délais d’évaluation bénéfices/risques raccourcis) a été utilisée pour autoriser son usage pour les enfants de 1 à 2 ans.
- La stratégie de communication et de prise en compte de l’opinion publique a été beaucoup plus importante.
Une véritable Task Force pédagogique et interactive a été mise en place, avec des virologues, des médecins et des professionnels de la communication. Toutes les cibles à informer ont été inventoriées et des messages adaptés créés. Tous les canaux sont utilisés (Twitter, You Tube, Face Book, mails, blogs, webcast, journaux, entreprises etc). Les informations fausses, les défiances, les questions sont systématiquement repérées et font l’objet de nouveaux arguments. Trois journées d’échange ont été organisées avec les journalistes, dont des séances de jeu de rôle.
- Un comité de suivi des conséquences des vaccinations, formé de citoyens volontaires a été installé.
B. LES REPONSES DU DIRECTEUR GENERAL DE LA SANTE AU QUESTIONNAIRE DE VOS RAPPORTEURS
Un questionnaire détaillé avait été envoyé en mars à M. Didier Houssin, afin de préparer son audition. La qualité et la précision des réponses ont été telles que l’audition n’a plus paru nécessaire.
Les fiches ci-après sont d’un tel intérêt que vos rapporteurs ont décidé de les publier intégralement. Elles reprennent de manière systématique leurs questions.
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Quelle répartition géographique des livraisons de produits pharmaceutiques, quel étalement dans le temps ? 4 Réponse : 1/ Les établissements de santé : Période : du 16 octobre 2009 jusqu’à décembre 2009 Livraison : les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé « dédiés grippe », soit environ 450 hôpitaux : les établissements de santé siège de SAMU de France métropolitaine (96 établissements dont tous les CHU, les CHR) et d’Outre Mer (4), les établissements de santé siège d’une « consultation grippe » : 346 hôpitaux en France métropolitaine et 8 hôpitaux en Outre Mer, autres : CH de St Pierre et Miquelon, de Mayotte… 2/ Les centres de vaccination (Période : du 13 novembre 2009 au 30 janvier 2010) Afin d’assurer l’acheminement des vaccins aux centres de vaccinations départementaux, l’EPRUS s’est appuyé sur le réseau de distribution pharmaceutique des grossistes répartiteurs pharmaceutiques (93 agences locales sélectionnées). A ce titre, chaque centre de vaccination est abonné par l’EPRUS à un établissement de répartition pharmaceutique en fonction de critères de desserte géographique et des capacités des établissements de répartition pour assurer la conservation des volumes nécessaires à l’approvisionnement régulier des centres qui leur sont rattachés. Ce réseau de distribution offrait, outre l’intérêt d’un maillage géographique très fin, la garantie d’un fonctionnement dans le strict respect des bonnes pratiques de distribution pharmaceutique. Ainsi, le circuit a permis le ravitaillement quotidien de près de 1 200 centres de vaccinations auxquels étaient rattachées des équipes mobiles. 3 / La vaccination par la médecine de ville (Période : de janvier 2010 à aujourd’hui) L’évolution de la stratégie de vaccination étant entrée en vigueur début janvier, une dotation initiale a été prévue pour chaque médecin volontaire prévoyant de mettre à sa disposition un « kit vaccinal» composé de : 20 seringues pré-remplies mono-doses de Focétria (Novartis) deux flacons de 10 doses de Panenza (SANOFI) les moyens d’injection associés aux flacons multi-doses de Panenza soit, |
4/ La vaccination dans les départements, collectivités territoriales et pays d’outre-mer Les POM : la Polynésie Française et la Nouvelle-Calédonie étant compétentes en matière de santé publique, la mise à disposition des moyens offerts au plan national au titre de la lutte contre la pandémie (masques, antiviraux, vaccins et moyens d’injection) s’est bornée à l’expédition, sur un site désigné par les autorités sanitaires locales, de ces moyens dans des quantités convenues avec le ministère de la santé. Les DOM et collectivités territoriales ont bénéficié des mesures prises au plan national avec des adaptations liées à la situation épidémiologique locale (anticipation ou décalage de mise en place) et réception de l’ensemble des vaccins sur un point unique avant répartition selon programmation des autorités sanitaires du département ou de la collectivité ( en particulier afin de garantir le respect de la chaîne du froid). 5/ Les besoins spécifiques de certains départements ministériels Le Ministère de la Défense : livraison en novembre 2009 de 48 000 doses de PANDEMRIX et les matériels d’injection à trois établissements de ravitaillement sanitaire du Service de santé des armées. Le Ministère de l’Intérieur a mis sur pied une campagne de vaccination autonome sous deux formes : - centralisée : (Gendarmerie et administration centrale), pour lesquels ont été livrés le service médical de la Brigade des sapeurs pompiers de Paris |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 A-t-on le nombre des personnes vaccinées, et éventuellement leur qualité, et les lieux de vaccination (hôpitaux et personnel médical, écoles et enseignants, écoles et élèves, entreprises, collectivités, équipements de pandémie : gymnases et autres). 5 Réponse : Les éléments de réponse sont repris dans le bulletin de synthèse du centre de crise sanitaire (ministère de la santé et des sports – DGS) daté du 16 mars 2010, et joint en annexe 1. En complément de ce bulletin de synthèse : Vaccination dans les collèges et lycées : 429 175 personnes. Vaccination autonome dans les entreprises : 800 personnes. Taux de vaccination du personnel hospitalier : 25% Centres de vaccination (CV): Nombre de centres mis en place : 1209. Moyenne par département : 12 CV. Exemples de locaux utilisés dans le cadre des centres de vaccination : centres culturels, centres de loisir, centres médico-sociaux, gymnases et autres établissements sportifs (hall de sport, centres sportifs, palais des sports, stades, etc.), hôpitaux, bibliothèques, casernes, CCI, salles des fêtes, maisons de quartier, bâtiments communaux, locaux de la CPAM, centres de santé, locaux de la Croix rouge, parc des expositions, palais des congrès, espaces culturels, foyers sociaux éducatifs et associations, centres commerciaux, etc. Annexe 1 |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Quel fut le taux de réponse des personnes dites sensibles aux convocations reçues ? 6 Réponse : L’ensemble de la population était classée par groupes en fonction de trois critères : facteurs de risques de complications liées à la grippe A(H1N1)2009, âge, appartenance ou non à un groupe professionnel particulièrement exposé. Ces différents groupes de population ont été classés par ordre de priorité décroissant par le Haut conseil de la santé publique (HCSP), dans son avis du 07/09/2009 (annexe 2 : http://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspa20090907_H1N1.pdf). Le principe d’évaluation de la couverture vaccinale par groupes de populations, tel qu’il a été conçu en phase de préparation, consistait à s’appuyer sur les données de la base des assurés sociaux centralisée par la CNAMTS, croisées avec celles des bons de vaccination (cf. infra). L’inclusion d’une information d’appartenance à une catégorie de population particulière (femmes enceintes, affection de longue durée [ALD] …) dans la base de donnée nominative issue de la collecte des bons des personnes vaccinées n’a cependant pas été possible, en raison des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés*. Le décret n° 2009-1273 du 22 octobre 2009 autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion et au suivi des vaccinations contre la grippe A (H1N1) n’a pas autorisé la CNAMTS à introduire dans la base de donnée la qualité de la personne et l’origine de son rang de priorité dans l’accès à la vaccination. La CNAMTS a cependant tenté une première approche en fonction de la date d’édition du courrier qui marque l’avancement dans la campagne de vaccination. Il en résulte le tableau, reproduit en page suivante. * : délibération de la CNIL du 1er octobre 2009 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’Etat relatif à la création d’un traitement de données relatif à la gestion et au suivi des vaccinations contre la grippe A(H1N1)2009. Estimation de la couverture vaccinale des personnes « sensibles » (Source : CNAMTS) Total Invitations éditique* Total de personnes vaccinées Taux de vaccination Catégorie visée dans l'envoi 20 629 446 1 997 316 5,54% Total 3 377 935 585 466 17,06% Famille enfant de -6 mois + ALD grippe +BPCO (1ere vague d’envoi) 610 635 62 479 5,84% Famille enfant de -6 mois + ALD grippe +BPCO (2e vague d’envoi) 999 930 166 280 16,46% Femme enceinte + 6-24 mois sans FR 925 130 135 327 14,51% 6-24 mois sans FR 817 674 95 129 9,35% Profess. de santé libéraux+ Guyane + collégien / lycéen (1ere vague d’envoi) 1 149 142 63 141 5,44% collégien/lycéen (2e vague d’envoi) 1 054 124 75 971 7,12% collégien/lycéen (3evague d’envoi) 1 443 649 100 848 5,97% collégien/lycéen (4e vague d’envoi) 1 105 003 79 612 4,80% collégien/lycéen (5e vague d’envoi) 1 375 914 109 223 7,97% 24 mois à 11 ans (1ere vague d’envoi) 1 993 943 179 842 8,75% 24 mois à 11 ans (2e vague d’envoi) 1 799 612 130 740 6,86% 24 mois à 11 ans (3evague d’envoi) 1 995 079 138 967 6,75% 24 mois à 11 ans (4e vague d’envoi) 1 981 676 74 291 4,91% 24 mois à 11 ans (5e vague d’envoi) * Le coupon éditique est le « bon de vaccination » adressé par voie postale aux publics cibles. L’estimation ci-dessus ne peut en effet intégrer les informations liées aux bons de vaccination générés dans les centres de vaccination ou les établissements de santé. L’envoi des bons de vaccination pour une catégorie de population a été étalé sur plusieurs jours. Les envois effectués en début de campagne de vaccination ont visé simultanément plusieurs populations cibles, afin de toucher un panel plus large. Nota : cette approche est macroscopique et ne peut être affinée au niveau de l’individu. Le ministère de la santé et des sports ne possède donc pas à ce jour d’autre mode d’estimation de la couverture vaccinale des personnes prioritaires (dites « sensibles »). Compte tenu de cet élément, toutes les dispositions ont été prises pour assurer néanmoins le meilleur taux de couverture vaccinale, en prévoyant notamment une procédure de rattrapage de l’édition des bons afin de permettre en particulier la vaccination des personnes à risques n’ayant pas reçu leur bon à temps, ou l‘ayant égaré. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Par quel biais précis la CNAMTS a-t-elle identifié les personnes ? 7 Réponse : La CNAMTS a déjà l’expérience de la convocation des publics pour la grippe saisonnière. Il lui a par conséquent été demandé d’étudier la possibilité d’établir les listes des populations appartenant aux catégories prioritaires, à partir des bases de données des assurés sociaux et des fichiers des professionnels de santé (médecins, infirmiers, pharmaciens …) : les critères utilisés sont ceux de la grippe saisonnière et, pour d’autres, la date de naissance ou la déclaration de grossesse. La CNAMTS ne disposant toutefois que des informations relatives au régime général d’assurance maladie, une convention a été passée entre la CNAMTS et 52 régimes spécifiques, afin de récupérer les listes nominatives des personnes à inviter dans une catégorie particulière. Parallèlement à ce dispositif général de convocation, un logiciel (AMELI coupon) a été mis en place sur les sites de vaccination (centres de vaccination, écoles, établissements de santé, …) de manière à éditer des bons de vaccination pour des personnes non destinataires du bon au moment de leur vaccination (notamment dans les établissements de santé dont les personnels de santé étaient les premiers à être invitées à se faire vacciner), ou pour pallier d’éventuelles insuffisances du système de convocation automatisé ou pour les personnes qui auraient égaré leur bon. En revanche, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) n’ont pas intégré ce système d’identification et de convocation (sur la base de précaution éthique et politique quant à la mise en place d’un fichier nominatif, même transitoire, de PVVIH). Une procédure spécifique pour les inviter à se faire vacciner a été mise en place, reposant sur l’envoi d’un courrier aux PVVIH par les établissements de santé qui les prennent en charge dans le cadre du suivi de leur pathologie. Le décret n° 2009-1273 du 22 octobre 2009 autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion et au suivi des vaccinations contre la grippe A (H1N1) n’a pas autorisé la CNAMTS à introduire dans la base de donnée la l’origine de son rang de priorité dans l’accès à la vaccination. Ce décret est en conformité avec la délibération de la CNIL. Aucune donnée sur la pathologie ou l’origine professionnelle des populations prioritaires n’est donc contenue dans la base. Le secret médical est par conséquent respecté scrupuleusement. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Quels furent les taux de réponses dans les hôpitaux, dans les établissements scolaires, dans les centres de vaccination pour les personnes dites non sensibles ? 8 Réponse : Cf. supra : réponse question 6. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 A-t-on une évaluation précise du nombre de doses jetées en raison du conditionnement par 10 ? 9 Réponse : Le suivi de la chaîne logistique d’approvisionnement des centres de vaccination a été mis en place dès l’ouverture des centres. Un suivi des doses de vaccins au regard notamment des impératifs de sécurité sanitaire (stockage, respect de la chaîne du froid, protocoles pour la préparation, puis pour l’injection) a également été mis en place. Une fiche de suivi des doses jetées chaque jour a été conçue et diffusée dans chaque département, pour mise en place dans chaque centre. La faible affluence des centres de vaccination les tous premiers jours a alors conduit les chefs de centre à rationaliser la préparation des doses. L’affluence rapide dans les jours qui ont suivi a conduit à abandonner la procédure de suivi des doses jetées, alors devenue superflue en raison du faible nombre de doses à jeter, et l’évaluation du nombre de doses correspondantes n’a pas été menée à bien. Les suivis de pharmacovigilance et de sécurité vaccinale ont, en revanche, été actifs tout au long de la campagne de vaccination dans les centres. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 A-t-on un suivi prévu du nombre de vaccins demandés via les pharmacies pour des patients se rendant depuis janvier chez leur médecin généraliste ? 10 Réponse : Ce suivi est opéré par la CNAMTS. Selon les données CNAMTS, au 15 mars 2010, 33708 kits vaccins ont été délivrés par des pharmaciens d’officine Afin d’éviter une dispersion excessive des produits dans les officines, les pharmaciens officinaux se sont engagés à ne pas constituer de stock préalable à la demande, mais à relayer vers leur répartiteur les besoins exprimés par les médecins de ville (sous réserve de satisfaction de la demande du médecin, sous moins de 48 heures). Sous cette hypothèse, l’EPRUS est en mesure de donner les quantités de vaccins délivrés par les grossistes répartiteurs : Cumul ventes par grossistes / 1 er février 2010 – EPRUS mise à jour 18/03/2010
Étiquettes de lignes Somme en doses FOCETRIA INJ SER 10 Somme en flacons PANENZA multi dose Somme en doses FOCETRIA INJ SER 1 AHR 39 060 26740 4 112 CERP BRETAGNE NORD 5 210 4120 659 CERP RHIN RHONE 12 970 7390 1 638 CERP-ROUEN 30 240 15760 3 847 OCP 48 880 39160 6 603 ORP 1 660 1270 184 PHOENIX 12 980 8670 727 RTB PHARMA 7 520 4630 725 Total général 158 520 107 740 18 495 |
Suivi des ventes de vaccins Focétria seringues (boite de 10), Panenza multi doses (flacon de 10 doses) et Focétria seringue (Boite de 1 dose) par les grossistes répartiteurs aux officines de ville depuis le 1 er février 2010 |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Où en est-on des dons aux pays du sud ? Par quel chemin, en direct ou par l’OMS ? 11 Réponse : La France s’est engagée à faire don à l‘OMS de 10% de sa commande initiale soit 9,4 millions de doses. Ce don, en cours de prise en compte, porte sur 2,365 millions de doses de FOCETRIA (Novartis) et 7,035 millions de doses en PANENZA (Sanofi). Ce don est directement pris en charge par l’OMS sur le site dépositaire EPRUS de Lyon. Les premiers retraits ont eu lieu le 23 février 2010, ils concernaient trois pays (Cambodge, Nicaragua, Honduras) pour un total de 550 000 doses. Deux autres enlèvements ont eu lieu le 18 mars 2010 pour le Guyana et le Guatemala pour 335 000 doses de PANENZA multi doses. Suivi du don OMS – Etablissement Pharmaceutique/EPRUS – Mise à jour 18/03/2010 |
Désignation du produit Pays Quantité (en doses) Enlèvement
FOCETRIA multi dose CAMBODGE 300 000 23-févr-10 FOCETRIA multi dose HONDURAS 140 000 23-févr-10 FOCETRIA multi dose NICARAGUA 110 000 23-févr-10 PANENZA multi dose BHUTAN 65 000 en cours de programmation OMS PANENZA multi dose GUYANA 75 000 18/03/2010 PANENZA multi dose GUATEMALA 260 000 18/03/2010 PANENZA multi dose PARAGUAY 120 000 en cours de programmation OMS PANENZA multi dose SOUDAN 700 000 en cours de programmation OMS PANENZA multi dose GEORGIE 100 000 en cours de programmation OMS PANENZA multi dose MOLDAVIE 100 000 en cours de programmation OMS PANENZA multi dose SURINAME 50 000 en cours de programmation OMS FOCETRIA multi dose DJIBOUTI 88 000 prévu en avril et mai FOCETRIA multi dose PALESTINE 100 000 prévu en avril et mai FOCETRIA multi dose REPUBLIQUE CENTRE AFRICAINE 87 000 prévu en avril et mai FOCETRIA multi dose REPUBLIQUE CENTRE AFRICAINE 340 000 non défini FOCETRIA multi dose CAMBODGE 1 200 000 non défini PANENZA multi dose BENIN 177 000 prévu en mars, avril et mai PANENZA multi dose CAMEROUN 365 000 prévu en mars, avril et mai PANENZA multi dose TCHAD 212 500 prévu en mars, avril et mai PANENZA multi dose CONGO 76 000 prévu en mars, avril et mai PANENZA multi dose REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO 3 753 000 non défini PANENZA multi dose PARAGUAY 450 000 non défini PANENZA multi dose SOMALIE 365 000 non défini PANENZA multi dose GUINEE-BISSAU 120 000 non défini TOTAL DON OMS 9 353 500 doses |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Y a-t-il eu des reventes ? De quel type de vaccin, à quel prix, à quels pays ? 12 Réponse : Deux cessions ont été accordées par le ministère de la santé à titre payant : Qatar : La cession a porté sur 300 000 doses (220 000 Pandemrix GSK et 80 000 Panenza) au prix de 7 euros et les moyens d’injection associés (seringues) Monaco au titre d’un protocole d’accord passé entre la principauté et la France (représentée par le préfet des Alpes Maritimes), les besoins nécessaires à la vaccination dans les établissements de santé ou les centres de vaccination de Monaco suivent les modalités d’approvisionnement des structures françaises. Les demandes sont suivies par l’EOD des Alpes Maritime et feront l’objet en fin de campagne d’une facturation détaillée par l’EPRUS. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 De quels stocks de vaccins dispose-t-on encore ? Quelles sont les dates de péremption ? 13 Réponse : Tableau Stocks centraux EPRUS après reprise en stock des stocks grossistes Répartiteurs – Etablissement Pharmaceutique/EPRUS – mise à jour 16/03/2010 Etat des stocks Stock DEPOLABO au 16 mars 2010 Péremption PANDEMRIX 9 887 500 Echelonnement entre le 31/03/2011 et le 30/11/2011 PANENZA MULTI DOSES 11 320 600 Echelonnement entre le 31/08/2010 et le 30/11/2010 PANENZA SERINGUE 255 552 31/08/2010 CELVAPAN 15 000 30/09/2010 FOCETRIA FL 10 DOSES 1 850 300 Echelonnement entre le 30/09/2010 et le 30/11/2010 FOCETRIA FL bte de 10 seringues 2 987 500 Echelonnement entre le 30/07/2010 et le 30/10/2010 FOCETRIA MONODOSE Bte de 1 742 745 Echelonnement entre le 30/08/2010 et le 30/09/2010 |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Ya –t-il des substances récupérables dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau vaccin, pour l’automne prochain ? 14 Réponse : Certains des vaccins préparés contre le virus A(H1N1)2009 comprennent deux phases: la solution antigénique et l'adjuvant. Antigène et adjuvant sont préparés séparément. Pour le vaccin Focétria de Novartis, ces deux phases sont mélangées industriellement. En conséquence, une fois le vaccin conditionné en flacon multi doses, ces deux phases ne peuvent plus être séparées. Ce vaccin pourrait être utilisé s'il y avait une recommandation de vaccination contre la souche actuellement circulante et si cette recommandation était maintenue à l'automne prochain. Pour le vaccin Pandemrix de GSK, les 2 phases ne sont mélangées qu'au moment de l'utilisation du vaccin (mélange extemporané). En conséquence, ce vaccin pourrait être utilisé s'il y avait une recommandation de vaccination contre la souche actuellement circulante et si cette recommandation était maintenue à l'automne prochain. De plus, si la souche virale circulante variait au point de ne plus avoir de communauté avec la souche actuelle, l'antigène deviendrait obsolète mais l'adjuvant pourrait être utilisé en association avec la nouvelle souche virale apparue, dans la limite de péremption de l'adjuvant (actuellement 2 à 3 ans). Pour le vaccin Panenza de Sanofi-Pasteur, qui ne contient pas d'adjuvant, ce vaccin pourrait être utilisé s'il y avait une recommandation de vaccination contre la souche actuellement circulante et si cette recommandation était maintenue à l'automne prochain. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Quels publics « sensibles » n’ont pas été sollicités par les méthodes de sélection de la CNAMTS ? 15 Réponse : La CNAMTS ne connaît pas dans ses bases l’origine professionnelle de ses assurés. Des scénarii alternatifs ont été mis en place pour : Les assistantes maternelles : l’ACOSS a fourni à la CNAMTS un fichier des salariés intégré dans le dispositif PAJE Emploi Les personnels des crèches : les CAF ont organisé l’envoi de liste de personnels à un centre spécialisé de l’Assurance maladie qui a généré à partir d’une application interne les coupons des vaccinations Les personnels hospitaliers et des établissements médico sociaux ont été invités par leur établissement et les coupons ont été générés sur une application Internet sécurisée conformément aux demandes de la CNIL |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 L’AFSSA recommande dans sa revue de janvier la vaccination aux éleveurs de porcs et de volailles ; ont-ils été sollicités ; les vétérinaires ont-ils été sensibilisés par le ministère de la santé ? (mesures barrières). 16 Réponse : Dans une note de service du 27 mai 2009, la DGAL a demandé aux directeurs départementaux des services vétérinaires (DDSV) d’informer le plus rapidement et le plus largement possible les professionnels de la filière porcine (éleveurs, techniciens et vétérinaires) ainsi que toute autre personne susceptible d’être en contact avec des porcs, des mesures de sécurité à appliquer en matière : d’hygiène du personnel, notamment recommandation aux personnes présentant un syndrome grippal d’éviter tout contact avec les animaux de l’élevage, pour éviter la contamination des porcs, d’hygiène du matériel, de nettoyage et désinfection des locaux, d’introduction de véhicules, de conduite d’élevage. Cette note est modifiée le 29 juillet 2009 pour intégrer la nouvelle définition des cas possibles de grippe A(H1N1) v de l’InVS. Suite à la contamination d’un élevage de dindes au Chili, la DGAL a demandé par une note de service du 21 septembre 2009, aux DDSV de rappeler aux professionnels de la filière volailles (éleveurs, techniciens, vétérinaires) les mesures de biosécurité. Elle recommande notamment aux personnes présentant un syndrome grippal d’éviter tout contact avec les animaux ou de porter un masque de protection respiratoire pour éviter de contaminer les volailles. La DGAL a adressé le 14 sept 2009 un courrier à la DGS pour attirer l'attention de la DGS sur l'importance éventuelle de vacciner les éleveurs et vétérinaires. La DGS a rappelé les termes de la recommandation du HCSP du 7 sept 2009, qui n’incluait pas les professionnels de la filière porcine parmi les publics prioritaires. Saisie le 13 août 2009 par ma DGS et la DGAL, l’AFSSA, dans ses avis des 30 septembre et 29 octobre 2009, ne recommande pas une vaccination spécifique des éleveurs de porcs et de volailles. Elle se contente d’indiquer que la vaccination, avant toute détection de foyers porcins, des personnes exposées (qui ne peuvent être identifiées avant la détection du foyer) pourrait être une autre mesure de prophylaxie médicale. La phrase mise en ligne sur le site de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) le 25 janvier 2010 mérite d’être précisée au regard des avis formels de l’AFSSA. Dans ses avis, l’AFSSA insiste sur les mesures de biosécurité, notamment la limitation des contacts inter espèces en cas de syndrome grippal. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Quel fut le coût des envois de convocation ? 17 Réponse : Ces coûts analysés par la CNAMTS sont retracés dans le tableau ci après : Détail dépenses envoi des coupons Nombre d'envois d'invitations 65 321 427 Fournisseur 7 000 000 d'affranchissement à 0,31 € 2 170 000,00 € LA POSTE le solde en affranchissement à 0,41 € 23 911 785,07 € Total affranchissement 26 081 785,07 € LA POSTE
Papier (5€ HT le mille + 2% de gâche) 398 434,58 € Fournisseurs de papier
Enveloppes (14,32 € HT le mille + 2% de gâche) 1 141 116,63 € POCHECO
Impression Kodak (6,60 € HT le mille) 515 621,22 € KODAK
TOTAL COÛTS ÉDITIQUE 28 136 957,49 €
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Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Quel fut le coût des installations spécifiques des centres de vaccination? Pour l’Etat ? Pour les collectivités ? 18 Réponse : Selon une enquête effectuée par la direction de la sécurité civile, le coût de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1), en ce qui concerne la part prise en charge par le ministère de l’intérieur, est estimé à ce jour à 91,3 M€ : • 17,3 M€ pour l'équipement et le fonctionnement des centres de vaccination ; • 5,7 M€ pour l'indemnisation des locaux réquisitionnés ; • 68,3 M€ pour les dépenses de personnel, afférentes à la constitution des équipes « administratives » des centres de vaccination, prises en charge de plusieurs manières car il a été fait appel : - à des partenaires extérieurs à la fonction publique, et notamment à des associations telles que la Croix rouge, pour un montant estimé à 6,4 M€ ; - à des fonctionnaires territoriaux dont la rémunération sera remboursée aux collectivités territoriales, pour un montant estimé de 21,9 M€ ; - à des vacataires, recrutés pour un montant estimé de 40,0 M€. C'est après l’analyse des indemnisations en cours de traitement par les services déconcentrés que le ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales pourra connaître la part correspondant aux versements faits par l'Etat aux collectivités (au titre des locaux et des personnels réquisitionnés, sur la base du tarif prévu par arrêté interministériel). Il revient pour cela aux collectivités d'établir au préalable un titre de perception, assorti d'un état liquidatif : au plan du circuit financier et administratif d'indemnisation, ce n'est donc pas l'Etat qui prend l'initiative (les préfets en ont informé les collectivités territoriales concernées). Le MIOCT précise en outre qu’il n’a pas prévu d'identifier les dépenses que les collectivités auraient choisi de prendre à leur charge, sans demander à être remboursées par l'Etat (que l'on parle des locaux, des personnels ou d'autres charges liées aux installations spécifiques de vaccination) Des informations complémentaires pourront être obtenues auprès du ministère de l’intérieur (direction de la sécurité civile, et direction de la planification de sécurité nationale) |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Quel fut le coût des mesures de communication (INPES, clips, documents, affiches) ? 19 Réponse : Au 31 décembre 2009, le budget alloué à la communication était de 9 518 000 €, dont 6 078 000 € supportés par l’INPES et 3 440 000 € par les services du ministère chargé de la santé (DICOM, DGS). La répartition des rôles et des compétences en termes de communication relative à la grippe A(H1N1)2009 s’est faite majoritairement selon les attributions générales des différentes entités: La direction générale de la santé : Pilotage et coordination de la communication dans le cadre du centre de crise sanitaire (stratégies, campagnes, outils…) ; Rédaction des contenus des sites internet grand public et professionnels de santé du ministère, des informations sanitaires du site gouvernemental www.pandemie-grippale.gouv.fr, des fiches grand public (« je me fais vacciner », « je suis enceinte », « j’ai un enfant de moins de 6 mois »…) et des fiches « mémo » destinées aux professionnels de santé (dont les affiches pour les salles d’attente et les pharmacies), des affiches et documents à destination du grand public et des voyageurs (affiches, messages sonores, dépliants…), des documents d’information interministériels (affiches pour les établissements pénitentiaires, dépliants pour les pèlerins à destination de la Mecque ou pour les femmes enceintes…), etc. ; Rédaction des questions/réponses et financement de la plateforme téléphonique grand public. Ce financement, assuré par la direction générale de la santé, représente la plus grande part du budget alloué à la communication grippe A(H1N1)2009 (2 985 000€). La plateforme téléphonique permet d’informer la population sur l’ensemble des sujets liés à la grippe A(H1N1)2009 et de garantir une information de tous, notamment ceux qui ne disposent pas d’un accès internet ; Gestion des relations presse (gestion des demandes media, organisation des conférences de presse de la DGS, rédaction et envoi des communiqués de presse…) sur les aspects sanitaires en lien avec le cabinet de la ministre et la DICOM ; |
Participation aux conférences de presse organisées au niveau des ministres ; Participation à la cellule communication du centre interministériel de crise (CIC), ainsi qu’aux réseaux européens et internationaux des communicants de crise du secteur santé. La délégation à l’information et à la communication du ministère chargé de la santé (DICOM) : - Mise en œuvre technique et animation opérationnelle de la plateforme téléphonique, dont les horaires d’ouverture ont été élargis à deux reprises, en mai et en décembre ; - Coordination et financement d’une campagne d’insertions dans la presse professionnelle (4 annonces) pour mobiliser et informer les professionnels de santé, de la petite enfance, des officines et des établissements médico-sociaux sur la vaccination contre la grippe A(H1N1)2009. Cette campagne a eu lieu en deux temps (13/10 – 24/11 puis jusqu’au 15/12). Le budget d’achat d’espace publicitaire s’est élevé à 235 395€ ; - Envoi de deux courriers en direction des professionnels de santé (lors de l’élargissement de la prise en charge des malades à la médecine de ville en juillet 2009) et des maires, pour un montant total de 82 000€ ; - Organisation et retransmission des conférences de presse : 34 conférences de presse sur la grippe A(H1N1)2009 ont été organisées au niveau Ministres ou au niveau DGS et la plupart diffusées en direct sur internet, pour un montant de 44 539 € ; - Maquettage d’un certain nombre de documents et, pour certains, impression (fiches mémo pour les professionnels, fiches grand public, brochure franco-arabe à propos du Hajj, fiches médico-sociales…) pour un budget de 84 805 € ; - Actualisation des espaces sur le site internet du ministère chargé de la santé, avec information locale. Le budget pour l’aménagement du site et la formation des correspondants a été de 7 659 €. L’INPES : L’INPES a été chargé de la mise en œuvre et du financement des trois volets successifs de communication grand public. Les dépenses de l’institut correspondent aux frais d’achat d’espace liés aux campagnes presse et internet, aux frais de conception des spots télé, radios, affiches, annonces presse (droits d’auteurs, honoraires et frais techniques), à l’impression et à la diffusion de supports hors média, et à plusieurs études menées, notamment suite à la diffusion des spots TV. En utilisant la procédure de mobilisation des médias, la ministre chargée de la santé a pu organiser avec le conseil supérieur de l’audiovisuel des diffusions à titre gracieux des messages d’urgence sanitaire sur la télévision hertzienne et sur les stations de Radio France. Ce dispositif grand public a été complété par des campagnes presse et internet, pour un budget total de 5,035 M€. |
En mai 2009, le dispositif comprenait : - à destination du grand public, une adaptation de la campagne de prévention vis-à-vis des virus respiratoires et de promotion des gestes barrières (un spot TV, trois spots radio, deux annonces presse, une affiche) ; - à destination des médecins, une incitation à s’inscrire à DGS-Urgent et à se tenir informés sur le site du ministère chargé de la santé (annonce presse, bannières web) ; - à destination des voyageurs, la promotion des gestes barrière et des mesures à prendre en cas d’apparition de symptômes (affiche et dépliants multilingues). Les supports ont ensuite été adaptés. Le second volet a été diffusé du 25 août au 25 septembre et comprenait : - à destination du grand public, le spot TV et trois spots radio actualisés ; une affiche lavage des mains, l’affiche orange « gestes barrières » actualisée, 6 modules vidéos pédagogiques (lavage des mains, port du masque…) ; - à destination des professionnels de santé, une signalétique salle d’attente, une affiche visiteurs dans les maisons de repos, retraite et hôpitaux ; - à destination des voyageurs : une affiche multilingue. Enfin, pour les élèves en milieu scolaire, des supports ont été élaborés en lien avec le ministère chargé de l’éducation nationale (2 modules vidéos, une brochure pédagogique). Le troisième volet de communication visait à promouvoir la vaccination contre la grippe A(H1N1)2009 et reposait sur un spot TV et un spot radio (diffusés du 9/11 au 18/12 et du 28/12 au 11/01) et sur une annonce presse diffusée dans la presse quotidienne les 9 et 10/11. Enfin, à l’ouverture de la vaccination aux médecins libéraux, une campagne dans la presse quotidienne régionale doublée par l’affichage du même support en officine et dans les cabinets libéraux a été organisée. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Les soins, prescriptions et tests ont-ils été ressentis par la CNAMTS de façon significative dans ses remboursements ? 20 Réponse : Le réseau GROG a estimé le nombre de cas de grippe A en 2009 à environ 6 200 000 cas (117 000 cas en septembre, 787 000 en octobre, 2 432 000 cas en novembre et 2 800 000 cas en décembre). De son côté le réseau Sentinelles estime le nombre de cas de syndromes grippaux à environ 3 600 000 cas en 2009. Il faut rappeler que pour le réseau GROG, le dépistage de la grippe H1N1 se fait lorsque la fièvre du patient est supérieure ou égale à 38°. Pour sa part, le réseau Sentinelles ne prend en compte que les grippes avec fièvre d’apparition brutale dépassant 39°, et n’effectue pas de dépistage. Par ailleurs, les échantillons de médecins (environ 1 000 médecins pour sentinelle et 500 pour le GROG), ainsi que les méthodes d’extrapolation ne sont pas les mêmes. La CNAMTS a exploité son propre système d’information afin d’estimer le nombre de personnes grippées à partir de leur consommation médicamenteuse et d’estimer le coût induit (méthodologie jointe en annexe). Selon cette étude, le nombre de personnes grippées ayant présenté une demande de remboursement à l’assurance maladie est estimé à un peu plus de 5 700 000 (tous régimes confondus). Cette estimation est donc plus basse que celle calculée par le réseau GROG. Cet écart peut être expliqué par le fait que des malades grippés n’aient pas présenté de demande de remboursement de médicaments. Ces malades auraient tout de même présenté une demande de remboursement pour la consultation du médecin qui ne peut être distinguée des autres consultations. Cela pourrait représenter 1 500 000 malades. |
Le travail effectué sur la population des 7 ans et plus (voir annexe) a permis d’estimer pour cette population, un coût moyen pour l’assurance maladie d’un cas de grippe. Ce coût s’élève à 37,1 euros (hors dépenses d’hospitalisation) dont 7,1 euros de médicaments, 13,3 euros d’honoraires et 16,6 euros de versements d’indemnités journalières. En incluant les enfants de moins de 7 ans6, le coût moyen, tous âges confondus, pour l’assurance maladie d’un cas de grippe est de 40,7 euros (hors dépenses d’hospitalisation). A ce coût est imputable 8,0 euros pour les médicaments, 16,1 euros pour les honoraires et 16,6 euros pour les versements d’indemnités journalières. Ainsi, la CNAMTS, à partir de ses propres données, estime à environ 196 millions le coût de l’épidémie en 2009 pour l’ensemble des régimes dans le secteur ambulatoire. Le coût supplémentaire en dépenses d’honoraires de médecins, non associées à des remboursements de médicaments, peut être estimé à environ 25 millions. |
Estimation de l’impact financier de la grippe : Ciblage et valorisation à partir des données de remboursement. Le coût moyen remboursé a été calculé à partir des données du Régime général stricto sensu, par tranche d’âge et sur la période de pandémie grippale. N’ayant pas assez de recul pour calculer de manière exacte le coût relatif aux indemnités journalières pour cette période7, le coût moyen des IJ a été estimé à partir des coûts observés lors de l’épidémie grippale du début de l’année 2009. Coût moyen remboursé pour les médicaments (en euros) Coût moyen remboursé pour les consultations et les visites (en euros) Coût moyen remboursé pour les IJ de 4 à 13 jours (en euros) 7-14ans 5,5 16,5 0 15-19ans 6,9 14,5 1,1 20-29ans 7,8 14,2 29,9 30-39ans 8,4 14,5 28,2 40-49ans 9,2 15,2 32,2 50-59ans 10,0 16,2 39,1 60-64ans 10,6 17,0 6,1 >=65ans 11,0 19,3 0 Sur la période de pandémie grippale entre le 7 septembre 2009 et le 24 janvier 2010, l’estimation porte sur 4,4 millions de bénéficiaires de 7 ans et plus du Régime Général (4,9 millions tous régimes) ayant eu recours au système de soins et traités pour la grippe, soit un coût de 161,4 millions d’euros (180,4 millions tous régimes). Régime général stricto sensu Régime général y compris SLM Tous régimes Effectif de patients traités Coût total remboursé Effectif de patients traités Coût total remboursé Effectif de patients traités Coût total remboursé (en millions d'euros) 7-14ans 654 822 13.4 729 626 14.9 803 584 16.4 15-19ans 357 614 7.3 442 204 9.0 507 453 10.3 20-29ans 592 666 26.5 727 380 32.6 773 989 34.7 30-39ans 656 972 28.8 716 368 31.4 755 395 33.1 40-49ans 574 325 27.2 639 445 30.3 721 178 34.2 50-59ans 463 506 24.4 540 352 28.4 632 198 33.2 60-64ans 165 517 4.4 197 120 5.2 233 416 6.2 >=65ans 343 048 8.2 397 655 9.6 512 698 12.3 Total 3 808 470 140.2 4 390 150 161.4 4 939 912 180.4 |
Méthodologie : Estimation par semaine des bénéficiaires âgés de 7 ans et plus, traités pour un épisode grippal (malades symptomatiques - fièvre et toux-) et ayant eu recours au système de soins en période pandémique : personnes ayant eu le même jour une délivrance de paracétamol et d’un médicament de la toux (classe ATC R05), ou ayant eu un arrêt de travail indemnisé (10 jours indemnisés maximum) et une délivrance de paracétamol ou d’un médicament de la toux (ce critère de sélection n’a pas pu être retenu sur la période la plus récente en raison de données insuffisamment exhaustives sur les arrêts de travail) Pour ces personnes, le coût de l’épisode grippal est alors calculé à partir du montant remboursé de paracétamol, de médicaments antitussifs, d’antibiotiques, de Tamiflu, auquel est ajouté le montant remboursé pour la consultation ou la visite et le montant d’indemnités journalières versées. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Des moyens spécifiques ont-ils été alloués aux cellules de veille? Aux centres de références ? Aux chercheurs ? 21 Réponse : I. Renforts Cire : La mission de surveillance et d’investigation lors de la pandémie a été menée, en région, de concert avec les Ddass et les Cire (Cellules interrégionales d’épidémiologie) de l’InVS. En ce qui concerne le renfort des Cire, 22 renforts de personnels ont été mis en place et parmi eux 17 « CDD grippe » d’une durée de 1 an, afin de faire face à la surcharge d’activité provoquée par la pandémie. II. Les centres nationaux de référence A/ Les CNR (Centre nationaux de référence) ont quant à eux connus des soutiens financiers : . CNR virus influenzae région Nord - Institut Pasteur (S. Van der Werf) Subvention InVS 2009 : ..........................................................................439.886 € Rallonges budgétaires liées au contexte de la pandémie H1N1 : . CNR Virus Influenzae – région Nord (Institut Pasteur) : ......................242.490 € Centre d’Intervention Biologique d’Urgence de l’Institut Pasteur (Cibu) :....................................................................................................71.723 € La Plateforme PF8 de l’Institut Pasteur :................................................52.605 € CNR arbovirus et virus influenzae région Antilles/Guyane – Institut Pasteur Subvention InVS 2009 : ..........................................................................239 000 € Rallonges budgétaires liées au contexte de la pandémie H1N1 : CNR Arbovirus et Virus Influenzae – région Antilles-Guyane (Institut Pasteur)………………………………………………………………………...69.003 € Structures transversales – Institut Pasteur Subvention InVS 2009 CIBU : ................................................................................................................455 662 € Subvention InVS 2009 PF8 : .................................................................................................................144 338 € Rallonges budgétaires liées au contexte de la pandémie H1N1 : Centre d’Intervention Biologique d’Urgence de l’Institut Pasteur (Cibu) :........................................................................................................71.723 € La Plateforme PF8 de l’Institut Pasteur :................ ....................................................................................................................52.605 € CNR virus influenzae région Sud – Hospices civils de Lyon (B. Lina) Subvention InVS 2009 :..............................................................................171.415 € Rallonges budgétaires H1N1 : CNR Virus Influenzae – région Sud (Hospices Civils de Lyon) :........................................................................................................141.667 € B/ Les Réseaux Grog et Sentinelle : Ces 2 réseaux sont en partie financés par l’InVS. Au titre de réactivation pendant l’été, l’InVS a assuré une prise en charge des surcoûts suivants : GROG : ....................................................................................................116.290 € Pour la recherche, voir question 23 |
Annexe : Tableau récapitulatifs des frais engagés au titre de la gestion de la grippe A à l’InVS Impact budgétaire 2009 lié à la pandémie A (H1N1) en Euros Partenaire Objet Montant initial demandé Montant effectivement alloué Observations Réseau des GROG Réactivation du réseau 116 290,00 116 290,00 Engagé Hospices Civils de Lyon CNR virus Influenzae région sud 160 000,00 141 667,00 Engagé Institut Pasteur CNR Virus Influenzae - région Nord 260 827,00 242 490,00 Engagé CNR Arbovirus et Virus Influenzae - région Antilles-Guyane 74 120,00 69 003,00 Plate-forme PF8 52 605,00 52 605,00 CIBU (Centre d'Intervention Biologique d'Urgence) 79 264,00 71 723,00 Inserm U707 Sentinelle 61 500,00
Sentivir 183 000,00 195 981,00 Engagé : montant initialement prévu 183 000 € Université Paris Diderot - paris 7 Cohorte Flu Co 50 443,00 50 443,00 Engagé CSA Marché plateforme téléphonique 574 514,80 416 251,47 Engagé 2009 + 2530 euros en janvier 2010 MEDISCAN Marché plateforme téléphonique 123 128,20 123 128,20 Engagé PLUS INTERIM Renfort sur gestion de crise 25 800,00 25 800,00 Engagé ADDECO Infirmière 1 000,00 1 000,00 Engagé Université Méditerranée Cohorte SéroGrippeHebdo 150 000,00 150 000,00 Engagé Maison de la Recherche + experts Retour d'expérience Hémisphère Sud 100 000,00 71 141,27 Engagé au 12/11/09 : 67 641,27 (hors éditions) EPICONCEPT Prestation d'assistance à mise en œuvre d'une application pour le suivi des cas de grippe et de leurs contacts
5 262,40 Engagé TOTAL
2 012 492,00 1 732 785,34
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Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Des moyens spécifiques ont-ils été mobilisés pour les publics en grande difficulté (SDF et accès aux moyens de se laver les mains par exemple)? 22 Réponse : Le 11septembre 2009, la DGAS (devenue DGCS) et la DGS ont rencontré les associations médicales humanitaires (Médecins du monde-COMEDE- médecins solidarités Lille), le grossiste humanitaire "Pharmacie Humanitaire International" (PHI), le Samu social et d'autres partenaires (UNIOPS, FNARS) travaillant auprès des plus démunis. Le travail qui s'en est suivi à permis de répondre aux interrogations des associations et d'apporter ensemble les solutions concrètes quant à l'accès aux produits de santé (masques, Tamiflu ®) et à la prise en charge, notamment la vaccination pandémique des personnes sans domiciles fixes et/ ou sans affiliation à l'Assurance Maladie. L'objectif, atteint, était de permettre à PHI de disposer des mêmes produits que la population générale, pour répondre aux besoins des associations médicales humanitaires qui vont à la rencontre des plus démunis dans la rue. Pour ce faire, la DGS a demandé à la CNAMTS que le Tamiflu ® soit rajouté dans la liste des médicaments de PHI (convention PHI-CNAMTS). Sur estimation des besoins évalués par les associations prenant en charge les personnes en grande précarité, 50000 masques anti projections et 1000 boites de Tamiflu 75 mg ont été remis par l'EPRUS sur demande de la DGS, à la pharmacie humanitaire internationale (PHI) responsable de l'approvisionnement de ces associations. S'agissant de la vaccination, les modalités annoncées par la circulaire du 28 octobre 2009 pour les personnes sans domicile fixe et les personnes susceptibles d'être éligibles à l'aide médicale Etat (AME) ont été précisées par la circulaire du 3 décembre 2009 relative à l'organisation de la campagne de vaccination contre le virus A(H1N1) dans le champ social et médicosocial : - d'une part dès le 18 novembre 2009, il a été demandé aux centres de vaccination (CV) de recevoir ces personnes avec la plus grande souplesse (même si elles n'avaient pas de bons de vaccination et sans leur opposer un ordre de priorités, et sur simple déclaration d'identité si elles n'avaient pas de document d'identité) tout en veillant à leur assurer la traçabilité (dépistage des éventuels effets indésirables), - d'autre part, pour celles de ces personnes qui refuseraient d'aller dans les CV, il a été demandé aux préfets de mettre en place des EMV en prenant l'attache des associations médicales humanitaires et des SAMU sociaux (maraudes) Une réunion d'information a eu lieu le 22 octobre 2009 à laquelle était conviée l'ensemble du secteur social pour faire connaitre les dispositions pour les plus démunis. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 L’ANR a-t-elle prévu des fonds pour soutenir des programmes d’évaluation de l’immunité acquise par les populations après circulation du virus et vaccination ? 23 Réponse : Dès le 4 mai 2009, le DGS a saisi l’« Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé » (Aviesan) pour établir un état des lieux des programmes et travaux de recherche en cours, et faire des propositions concernant le renforcement de la recherche dans les différents domaines concernés. 1. Financement des projets (moyens spécifiques) 1.1. Le programme de recherche sur H1N1 piloté par l'« Institut de Microbiologie et des Maladies Infectieuses » (IMMI) de l’Alliance Aviesan s'est appuyé sur les forces existantes de la recherche : INSERM, CNRS, IRD, hôpitaux, EHESP, Institut Pasteur, et a également mobilisé des agences sanitaires (InVS, AFSSA). Ces établissements ont : financé la majorité des salaires des chercheurs et des techniciens impliqués sur le projet ; pour certains, alloué une somme supplémentaire pour les laboratoires, ce qui est le cas de 2 CNR qui ont reçu un budget spécifique (Pasteur et INVS). 1.2. L'IMMI a apporté un financement supplémentaire sur projet d'environ 10,5 millions d'euros, selon les caractéristiques suivantes. Le financement s'est constitué entre mai et novembre, grâce à un apport progressif de dotations spécifiques provenant des ministères chargés de la recherche et de la santé, de l'INSERM (les trois principaux financeurs), du CNRS et de l'IRD (voir tableau ci-joint) L'arrivée de financements au fil de l'eau n'a pas permis un appel à projets avec une date fixe puisque le niveau de la somme mis à disposition n’était pas connu initialement. Les projets en recherche clinique et translationnelle pour la période 2009-2010 ont pu être pris en charge sur le « programme hospitalier de recherche clinique » (PHRC) de 2010 : la circulaire du 21 septembre 2009 relative au programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) 2010 indique en effet que « dans le contexte sanitaire actuel de pandémie, la recherche clinique sur la grippe et particulièrement celle liée au virus émergent A/H1N1 constitue une priorité ». Dans ce cadre particulier de mise en place de financements en situation de crise, les projets ont néanmoins fait l'objet d'une évaluation scientifique très solide. Chaque projet a été évalué par 3 rapporteurs indépendants choisis par l'IMMI. 40% des projets ont été refusés. Le budget de la plupart des projets a été réduit initialement puis nettement réduit ensuite. Ce fonctionnement a permis d'être très réactif pour la mise en place de projets translationnels qui sont passés devant les CPPS et l'AFSSAPS entre juillet et août 2009, un CPPS ayant été maintenu en activité tout l’été. Le listing des projets et le nombre de patients figurent dans le diaporama joint. Les projets multidisciplinaires ont été privilégiés incluant les sciences humaines et sociales. C'est finalement en recherche très fondamentale que le nombre de projets a été le plus faible. Les financements accordés ont beaucoup porté sur le financement de personnel, vu le nombre de projets en recherche clinique et épidémiologique. Une part du financement a été confiée à une société privée : la CRO nommée QUINTILES pour accompagner les projets FLUCO et COPANFLU. Compte tenu de la gravité moindre que pensée au début de la pandémie, tous les projets ont été réévalués en janvier 2010. Certains projets ont été totalement stoppés ou mis en veille, d'autre ont été modifiés tant dans les objectifs scientifiques que dans le niveau de financement. L'IMMI, aidé par les experts de la société française de pathologie infectieuse, a donc construit la recherche de mai à novembre 2009, puis ajusté certains projets en janvier 2010. |
2. La place de l'ANR L'ANR ne s’est pas engagée dans un financement spécifique en juin-juillet 2009, considérant que ses statuts ne lui permettait pas de répondre en urgence. Jusqu'ici, l'ANR n'a donc pas participé au financement de la recherche sur la grippe H1N1 2009-2010. Il semble que 2 projets de recherche fondamentale aient été soumis à l'appel à projets de l'automne et sont en cours d'évaluation. Ceci entre dans la procédure habituelle de l'ANR, qui ne s’inscrit pas dans une dynamique d'urgence : s’ils sont retenus, ces projets seront financés en juin 2010. NB. Le programme spécifique grippe du PCRD a retenu 5 projets, dont l'un comprend deux équipes françaises en 1ère ligne. Ces projets seront financés à partir de mai 2010. |
Direction générale de la santé Questionnaire OPECST – Audition du 23 mars 2010 Où en est-on du recensement des effets indésirables ? 24 Réponse : La déclaration des événements indésirables était recueillie sur un formulaire spécifique, produit par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSaPS), en charge de la pharmacovigilance, et diffusée par la circulaire IOCK925270C du 28 octobre 2009. L’AFSSaPS rendait compte de manière hebdomadaire des déclarations des effets indésirables et de leur imputabilité aux vaccins ou aux antiviraux utilisés dans le cadre de la campagne de vaccination. Une organisation ad hoc auprès du centre de crise sanitaire (CCS) a par ailleurs été mise en place pour recevoir et traiter le signalement des incidents de pratiques et de conservation relatifs à l’utilisation des produits de santé (vaccins). Ces incidents étaient recueillis par les équipes de vaccination sur la « fiche de suivi des incidents » transmise en annexe de la circulaire IOCK925270C du 28 octobre 2009 (fiche T9H). Le message flash n°10 du 04/12/09 « relatif au signalement des incidents concernant les centres de vaccination et des équipes mobiles de vaccination », a précisé les modalités de transmission de ces incidents au CCS ainsi que leur typologie. Selon la nature de l’incident, l’AFSSaPS, l’Etablissement de Préparation et de Réponse des Urgences Sanitaires (EPRUS) ou le ministère chargé de la santé élaboraient les conduites à tenir. Le recensement des effets indésirables fait l’objet d’un bulletin, désormais mensuel, publié sur le site de l’AFSSAPS : Annexe : • http://www.afssaps.fr/content/download/24826/329076/version/1/file/Bulletin16-pharmaco_A%28H1N1%29.pdf • http://www.afssaps.fr/Dossiers-thematiques/Pandemie-grippale/Surveillance-des-effets-indesirables-des-antiviraux-et-des-vaccins/(offset)/3#paragraph_23702 |
TROISIEME PARTIE :
LA NECESSAIRE COORDINATION INTERNATIONALE
A. I - AU NIVEAU MONDIAL : LES RÔLES DE L’OMS ET DE L’OIE
C’est l’OMS qui le 24 avril 2009 lance une alerte mondiale sur des centaines de cas de grippe aux Etats-Unis et au Mexique ; puis qui en juin 2009 a décrété l’état 6 de son plan pandémique, décision qui entraînait de manière automatique la mise en œuvre des contrats passés par les Etats avec les laboratoires pharmaceutiques.
Son action a été largement expliquée lors du rapport d’étape présenté mi-février par vos rapporteurs.
C’est aussi l’OMS qui, le 24 février 2010, refusait de lever ce niveau 6, en s’appuyant sur des considérations purement géographiques, au risque d’apparaître en décalage total avec l’opinion publique. Or la décision que prend l’OMS sur la phase 6 d’une pandémie est importante.
En effet, comme le remarque M. Bruno Lina, le règlement de l’EMEA (European Medicines Agency) prévoit que le vaccin pandémique ne peut être utilisé qu’en phase 6. Par contre, le pré-pandémique peut être utilisé en phase 5. La décision de l’OMS de lever le stade 6 peut donc poser des problèmes si un Etat n’adopte pas des dispositions spécifiques pour poursuivre la vaccination, ce qui concerne actuellement les pays de l’hémisphère Sud.
La France, restée en phase 5, s’appuie sur la décision de l’OMS de passer au stade 6 au niveau mondial. L’argument mis en avant « le niveau 6 autorise les actions de vaccination publique » ne tient donc pas, puisque, en l’absence de niveau 6, chaque État peut prendre ses propres dispositions, ce qu’a d’ailleurs fait la France.
Institution spécialisée des Nations Unies qui compte 193 États membres, l’OMS remplit de multiples tâches, en ayant un mode de fonctionnement typique d’une organisation internationale. Ses décisions doivent donc être interprétées à travers ce prisme, tout en ayant conscience qu’il faut toujours se demander laquelle de ses structures a pris les mesures qui peuvent donner lieu à débat.
4. 1. Un champ de compétence étendu, mais encadré
1. a) Des fonctions qui évoluent et donnent de plus en plus lieu à débat
Ses fonctions recouvrent notamment la veille sanitaire internationale, la prévention et la déclaration des pandémies, mais aussi de manière très régulière, la sélection des souches vaccinales.
La veille sanitaire est ainsi l’une des premières tâches remplies par l’OMS. Elle est tellement fondamentale que ses Etats fondateurs avaient créé en 1946 un réseau mondial de laboratoires pour surveiller les virus grippaux avant même que l’Organisation ne commence ses travaux. Son réseau de surveillance virologique comprend aujourd’hui 138 laboratoires affiliés (pour la France, l’Institut Pasteur Paris et le Centre de Lyon) dont le financement est principalement assuré par ses Etats membres. Chaque année, leurs représentants élaborent des recommandations pour les grippes saisonnières. Leurs analyses sont ensuite révisées toutes les semaines.
La réflexion sur les pandémies grippales est une activité plus récente. Son premier plan de préparation en cas de grippe pandémique a été publié en 1999, deux ans après une grave flambée de grippe aviaire H5N1 dans la région administrative spéciale de Hong Kong. Ce document a été actualisé en 2005, puis à nouveau en 2009. Son guide de la pandémie définit six phases et précise pour chaque étape les actions de l’OMS et ses recommandations à ses Etats membres.
Les recommandations de l’OMS reposent sur une définition de la pandémie. Cette définition a évolué au fil des années. Dans un premier temps, elle prenait en compte trois critères : l’absence d’immunité ; une forte morbidité ; un taux élevé de mortalité. Puis la définition a été changée en ne mettant l’accent que sur la nouveauté du virus, et sa diffusion sur plusieurs continents. Sa définition actuelle de la pandémie est essentiellement d’ordre géographique : elle indique qu’un virus nouveau, contre lequel il n’existe pas d’immunité, est présent sur plusieurs continents. Cette définition n’indique pas le degré de gravité du virus. L’OMS reconnaît aujourd’hui que cette définition devrait évoluer.
L’OMS a par ailleurs élaboré un document en date du 29 mai 2009 sur les méthodes d’évaluation de la gravité d’une grippe. Ce n’est pas forcément facile, et le Docteur Fukuda dit : « le nombre de décès imputables à la grippe saisonnière se fonde sur des modèles statistiques. Dans le cas de la pandémie, chaque décès a été confirmé par des tests de laboratoire et il ne fait aucun doute que le chiffre ainsi obtenu est beaucoup plus faible que le nombre réel. Il faut en général environ un à deux ans après la fin d’une pandémie pour obtenir des estimations plus réalistes du nombre des décès à l’aide d’une modélisation statistique ».
L’OMS diffuse également des informations sur les activités des laboratoires spécialisés sur la grippe H1N1 2009.
La sélection des souches vaccinales est enfin une activité périodique de l’OMS qui, chaque année fournit gratuitement aux laboratoires pharmaceutiques les souches vaccinales qui ont été identifiées par son réseau de laboratoires de référence situés dans le monde entier. En contrepartie, sans pourtant que ce soit obligatoire, les firmes pharmaceutiques peuvent contribuer au financement de l’OMS. Ce n’est pas le cas pour la grippe, mais cela arrive pour les maladies négligées.
L’OMS se heurte depuis quelque temps aux réticences de certains Etats, comme l’Indonésie, qui ne souhaitent plus lui fournir gratuitement les virus apparaissant dans leurs pays.
L’OMS s’intéresse par ailleurs à la disponibilité des vaccins, à leur sécurité, à la possibilité d’augmenter le nombre de doses en fonction du nombre d’antigènes. Elle préqualifie certains vaccins et veille à la capacité des pays les moins développés à assurer leur régulation.
L’OMS promeut également la recherche dans de multiples secteurs, elle a ainsi publié un agenda mondial de la recherche sur la grippe, qui identifie les priorités de recherche pour répondre aux questions de santé publique et aux priorités des décideurs. Quelles seraient les recherches nécessaires pour prendre des décisions sur la grippe ? Les masques sont-ils utiles ? Où faut-il les porter ? Quel type de masque faut-il utiliser ? Faut-il en faire des stocks ?
L’OMS essaie par ailleurs de standardiser les approches des recherches sérologiques pour avoir des résultats compatibles.
Ces diverses activités ne couvrent cependant pas l’ensemble des questions relatives aux vaccins et à la vaccination.
2. b) Une délimitation nette des tâches entre l’OMS et ses Etats membres
L’OMS est une organisation intergouvernementale qui intervient au niveau mondial et n’interfère pas avec les décisions prises par ses Etats membres qui peuvent prendre les mesures qu’ils jugent utiles. La plupart des décisions prises lors de la pandémie ont de fait été prises au niveau des Etats membres.
141 Etats ont ainsi publié leur plan pandémie à la suite du H5N1. Ils ont été analysés, avant le H1N1, et évalués. Mais cette évaluation n’avait d’objectif que linguistique. 71 pour cent de ces plans ont créé un comité national de suivi de la pandémie. 104 pays ne disposent cependant toujours pas de système de surveillance de la pandémie, ce qui pose des problèmes au niveau mondial.
Ce sont les Etats qui restent compétents en matière de politique sanitaire et de politique vaccinale. Les décisions relatives aux achats de vaccins et à la stratégie vaccinale sont ainsi de leur ressort. Plusieurs Etats avaient ainsi passé commande de stocks de vaccins à la suite du virus H5N1, en dehors de tout contrôle de l’OMS.
Mais ces décisions dépendent de la qualification par l’OMS du stade atteint par la pandémie, ce qui donne un pouvoir important à l’organisation.
L’OMS ne fait pas de recommandation sur tel ou tel vaccin. Elle se soucie par contre de leur disponibilité, y compris pour les pays pauvres. Elle a des idées sur l’utilisation d’adjuvants, mais ce sont les Etats qui décident s’ils souhaitent commander des vaccins adjuvantés.
L’OMS a un regard neutre sur les modes de production des vaccins (sur cellules, sur œufs). Ses dirigeants se bornent à constater que la culture cellulaire n’intéresse pas beaucoup les fabricants et que seuls Baxter et Novartis (du fait du soutien financier du gouvernement américain) s’y sont intéressés.
L’OMS n’a pas pris position sur les décisions prises par certains pays de fermer leurs frontières ou d’utiliser des scanners de température. De même, elle n’a pas pris position sur les autorisations de mise sur le marché ou sur l’utilisation des antiviraux.
L’OMS n’a jamais indiqué qu’il fallait faire des stocks de vaccins. Dans ce domaine, les décisions ont été prises par les Etats membres. Mais les propos de sa directrice générale, continuellement alarmistes sur la diffusion du virus pandémique, ont de fait influencé les décisions prises par les Etats.
Ses définitions de la pandémie sont des indications, chaque Etat restant libre de les interpréter et de décider quelles conséquences il souhaite tirer des déclarations de l’OMS. En aucun cas les recommandations de l’OMS ne sont des décisions qui doivent être appliquées au pied de la lettre. Celles-ci comportent en effet des éléments de nature diverse. Certains sont généraux, d’autres sont flexibles. C’est pourquoi l’OMS envisage de réécrire son guide de la pandémie afin d’éviter les malentendus.
Ce serait un pas important car les Etats ont pris très au sérieux les indications de l’OMS.
Beaucoup d’études sur la grippe resteront faites au niveau national. C’est ainsi que l’OMS n’étudiera pas particulièrement l’immunité acquise par les populations après le passage du virus pandémique. Mais ce type d’étude est déjà en cours dans plusieurs pays (on dénombre ainsi une vingtaine de projets dont les résultats seront envoyés à l’OMS).
La plupart des Etats membres ont demandé à l’OMS conseil et expertise lors de l’apparition de la pandémie, car ils ne savaient pas forcément quelle politique adopter. L’OMS a dû leur fournir des réponses aussi rapidement que possible, dans un contexte d’incertitude où l’on ne savait pas comment la pandémie allait évoluer. Ses indications ont été très limitées au début de la diffusion de la grippe, ce qui a mis les décideurs dans une position très inconfortable.
Or la pandémie s’est répandue très rapidement, plus vite que ne l’avaient envisagé les scénarios statistiques. Il a fallu environ 4 semaines pour avoir les premiers éléments sur la mortalité. Il n y a pas eu d’informations concrètes sur la sévérité de la pandémie avant mi-mai, ce qui a rendu compliqué la définition des mesures à prendre.
En outre, l’information se déplace très vite au niveau mondial depuis le SRAS. Les nouvelles sont connues beaucoup plus vite. Les rumeurs dans un pays peuvent affecter un pays situé à l’autre bout du monde. Comme elle ne provient plus seulement des media mais de réseaux sociaux, tels que Twitter, et des blogs, une situation nouvelle est apparue où il fallait gérer les attentes du public et des Etats dans un environnement inconnu.
Or il est très difficile de prévoir le déroulement d’une pandémie. Les pandémies ont été historiquement peu fréquentes. Les pandémies précédentes ont été très différentes. Beaucoup de craintes sur la grippe ont été liées aux souvenirs de la grippe aviaire, qui avait généré de grandes peurs. Mais on s’est aperçu que pour le H1N1, les cas graves étaient moins sévères, ce qui a entraîné des réactions de quasi-déception et conduit à des critiques renforcées par le coût des mesures prises pour lutter contre la pandémie.
Pour l’OMS, qui n’est pas un Etat, il faut considérer ce qui se passe dans l’ensemble des Etats Membres, et tenir compte de la diversité des situations, qui est particulièrement importante. Les interrogations, les réactions sont fort différentes, même au sein des pays développés, les pays européens s’étant généralement posé plus de questions que les Etats-Unis ou le Canada. En Europe même, les critiques sont très diverses. L’OMS doit faire un équilibre entre ces différentes réactions et les diverses attentes de ses Etats membres.
Son Directeur général est essentiellement en contact avec les Etats membres qui doivent faire face à leur opinion publique. Comme il n’y a pas d’opinion mondiale unique, les messages de l’OMS peuvent parfois apparaître insatisfaisants dans certains pays.
Consciente des critiques qui lui ont été adressées, l’OMS vient de décider de tirer un premier bilan de la gestion de la pandémie actuelle, qui pourrait aboutir à préconiser un assouplissement du plan pandémie.
Néanmoins, les déclarations péremptoires de Mme Chan ont conforté l’idée de la gravité de la situation.
5. 2. Un mode de fonctionnement qui correspond aux contraintes d’une organisation internationale
L’OMS fonctionne essentiellement sur la base de la recherche du consensus entre ses Etats membres. Ses décisions dépendent en effet de ces Etats, ce qui implique de respecter un certain nombre d’équilibres, et notamment un équilibre entre pays du Nord et du Sud.
1. C’est la raison pour laquelle l’OMS prend des décisions en fonction d’une approche par définition mondiale.
Ce fut le cas notamment en février 2010 quand l’OMS a décidé qu’il n’était pas opportun de décréter la fin de l’état de pandémie, du fait de la possible recrudescence du virus dans l’hémisphère Sud.
La déclaration publiée part Mme Chan le 24 février 2010 est révélatrice de cet état d’esprit :
« Le Comité d’urgence a tenu sa septième réunion par téléconférence le 23 février 2010. Le Directeur général lui a demandé un avis sur la détermination du statut de la pandémie.
Le Comité a pris connaissance des informations actualisées et détaillées sur la situation mondiale de la pandémie. Après avoir posé des questions complémentaires, passé en revue les faits établis et longuement débattu, il a été d’avis que les données étaient variables quant au déclin ou à la faiblesse de l’activité pandémique dans de nombreux pays, mais que l’on observait une nouvelle activité pour la transmission au niveau communautaire en Afrique de l’Ouest. De plus, les Membres du Comité ont exprimé leurs préoccupations sur le fait que les mois d’hiver n’avaient pas encore commencé dans l’hémisphère sud et qu’il subsistait des incertitudes sur la survenue de nouvelles vagues généralisées d’activité, d’où la nécessité de ne pas hypothéquer les efforts de préparation.
De l’avis du Comité, il est prématuré de conclure que toutes les régions du monde ont connu un pic de la transmission de la grippe pandémique A(H1N1) et il faut du temps et des informations supplémentaires pour donner un avis autorisé sur le statut de la pandémie. En conséquence, le Comité a proposé qu’une nouvelle réunion soit organisée dans quelques semaines pour examiner l’évolution de la situation entre-temps et les informations épidémiologiques à ce sujet.
Après avoir pris en compte ces avis, les données épidémiologiques actuelles et d’autres informations pertinentes, le Directeur général a décidé de ne pas modifier la phase de la pandémie, de continuer à surveiller attentivement la situation et son évolution et de convoquer une nouvelle réunion du Comité dans quelques semaines.
Le Directeur général de l’OMS a demandé aux Membres du Comité leurs opinions sur le maintien des trois recommandations actuelles provisoires du Règlement sanitaire international (RSI), établies pour une urgence de santé publique de portée internationale. Par consensus, le Comité s’est prononcé en faveur du maintien, mais avec une actualisation de la deuxième recommandation en remplaçant «intensifier» par «maintenir» pour reconnaître la surveillance renforcée de la pandémie mise en place dans les pays et la nécessité de maintenir cette activité. Après avoir pris en compte l’avis du Comité d’urgence sur la situation actuelle de la pandémie, le Directeur général a décidé de maintenir les trois recommandations provisoires, avec les modifications indiquées, c’est-à-dire que:
• les pays ne devraient pas fermer leurs frontières ou instaurer des restrictions à la circulation et au commerce international;
• il faut maintenir la surveillance des syndromes grippaux inhabituels et des pneumonies sévères;
• en cas de maladie, il est prudent de reporter les voyages. »
Le 3 juin, l’OMS a de nouveau décidé de ne pas modifier sa position sur le niveau de la pandémie, au risque de perdre une grande partie de sa crédibilité auprès des citoyens de ses Etats membres.
Ce n’est pas parce que l’OMS a vocation à prendre des postions au niveau mondial qu’elle doit ignorer les grandes différences entre les régions du monde et les pays qui en sont membres. Sa définition de la pandémie est devenue très difficile à assumer. Il est urgent de la changer.
2. b) Du fait de sa mission, l’OMS attache une grande importance à la prise en compte des besoins du tiers monde.
C’est ainsi l’OMS qui gère les dons qui sont adressés aux pays qui en ont besoin. Mais les problèmes auxquels l’OMS doit faire face vont bien au-delà de cette approche relevant de la générosité ou de l’action humanitaire.
L’avènement de la grippe A(H1N1) marque un tournant dans la prise en compte de ces besoins, dans un contexte où le nombre de pays concernés est très important, contrairement à ce qui peut se passer lors des catastrophes naturelles comme un tsunami.
Les différences sont marquées entre les pays développés et les pays moins riches. Les pays riches recherchent de la coordination et des lignes directrices. Les pays pauvres souhaitent par ailleurs des vaccins, des médicaments antiviraux, et des experts.
Le débat vient de commencer. Il porte sur l’accès des pays moins développés aux médicaments, aux vaccins, mais aussi au partage des virus.
L’accès aux médicaments et aux vaccins est jusqu’à présent fonction de leur prix et des dons des pays riches. Il peut dépendre de la production de génériques, et pose la question du coût d’accès aux brevets non seulement pour les pays du tiers monde mais aussi pour les pays émergents.
Le débat sur le partage des virus a ainsi débuté en 2007. Jusqu’alors, les souches étaient réservées aux pays tempérés. Avec le A(H1N1), c’est différent, puisque des pays qui n’utilisaient pas le vaccin saisonnier sont concernés. Plus de pays sont donc intéressés. Certains déplorent de ne pas avoir accès au vaccin, alors qu’ils fournissent volontairement les souches vaccinales. A la réunion de mai 2010 de l’OMS, alors que les pays riches envisageaient de débattre du partage des stocks en guise de solidarité, le Brésil a déplacé le sujet sur une question plus large, celle de la propriété « intellectuelle » des souches fournies par le Sud aux laboratoires du Nord, et du partage des bénéfices induits.
Le réseau individuel de laboratoires de pays riches qui existait jusqu’à présent est devenu un réseau mondial, ce qui pose de nouveaux problèmes. Les pays émergents demandent notamment des dispositions plus avantageuses sur les droits de propriété intellectuelle. Les pays développés, et notamment les membres de l’Union européenne répondent que ce système a jusqu à présent fonctionné sur une base gratuite. Ce thème doit être débattu lors des prochaines assemblées mondiales de la santé.
6. 3. Des structures qu’il importe de différencier
L’OMS fonctionne grâce à de nombreux comités. Parmi ceux-ci, trois sont plus importants. Leur rôle est pourtant fort différent, et il importe de bien les différencier si l’on souhaite évaluer la manière dont l’OMS prend ses décisions et adopte ses recommandations.
Le Comité d’urgence du RSI a un rôle fondamental, même si le SAGE est le comité principal de l’OMS. Le bilan de la pandémie actuelle va par contre relever d’une autre structure, le comité d’examen du RSI.
i. a) Le comité d’urgence du Règlement sanitaire international (RSI)
Dans ses décisions, l’OMS s’appuie sur le Règlement sanitaire international (RSI), révisé en 2005, entré en vigueur le 15 juin 2007, qui comprend des règles précises pour détecter, évaluer, notifier, déclarer et affronter des urgences de santé publique de portée internationale.
Le RSI qui a pour objectif de limiter la propagation internationale des épidémies a été élaboré à la suite du SRAS qui avait montré la vulnérabilité de nos sociétés face à la rapidité de propagation d’une nouvelle maladie.
Selon le Docteur Fukuda, qui a tenu ces propos à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le RSI présente l’avantage de mettre en place « un système de vérification et d’équilibrage garantissant que personne, pas même le Directeur général de l’OMS, n’ait un pouvoir décisionnel sans limite ».
« Lorsque l’éventualité d’une urgence de santé publique de portée internationale se concrétise, le RSI demande la création d’un Comité d’urgence pour conseiller le Directeur général. Comme le prévoit aussi le RSI, les membres de ce Comité sont choisis à partir d’une liste de personnes sélectionnées dans le monde entier sur la base de leurs compétences techniques ».
« Le Comité d’urgence s’est réuni à plusieurs reprises pour conseiller le Directeur général sur le passage d’une phase à l’autre ainsi que sur les recommandations provisoires à formuler. Lorsqu’il s’est réuni pour étudier la possibilité de déclarer la situation de pandémie, il a fait appel à des membres supplémentaires représentant l’Australie, le Canada, le Chili, l’Espagne, les États-Unis d'Amérique, le Japon, le Mexique et le Royaume-Uni, huit pays qui connaissaient à ce moment-là des flambées importantes. Ces représentants nationaux étaient là pour veiller à ce que les opinions et les réserves éventuelles des pays qui allaient subir tout le poids initial des répercussions économiques et sociales soient pleinement prises en considération ».
Les personnes consultées, dont le nombre est compris entre dix et vingt, sont choisies sur une liste de 200 experts du département du RSI.
La liste des membres de ce comité d’urgence reste secrète. Pour M. Fukuda, c’est le moyen de les protéger de pressions soit extérieures soit de leur gouvernement. Cette opacité, présentée comme facteur d’indépendance, est suspecte aux yeux de la population.
Sa composition peut être communiquée sur demande aux Etats membres, mais, en janvier, aucun Etat n’avait exercé cette prérogative. Elle leur a été transmise en février.
Il est toutefois possible que ce secret soit levé dans le futur. Mais il n’est pas totalement satisfaisant qu’il ne le soit qu’à la fin de la pandémie.
ii. b) Le SAGE (Strategic Advisory Group of Experts)
Créé en 1999, le SAGE est le comité le plus important de l’OMS. C’est lui qui fait les recommandations sur les vaccins et l’utilisation stratégique de la vaccination. Il fait un suivi des maladies évitables par la vaccination. Il donne des conseils politiques et stratégiques globaux, portant sur la recherche sur les vaccins, leur développement, les méthodes de vaccination et les liens entre la vaccination et les autres interventions sur la santé. Mais il n’a aucune fonction d’exécution et de régulation.
Focalisé de manière restrictive jusqu’en 2005 sur les nourrissons et un nombre limité d’antigènes, il a depuis lors été réformé et s’intéresse désormais à l’ensemble de la population et à un nombre plus grand de maladies.
Il tient compte des études qui comparent coûts et bénéfices, ou qui évaluent l’efficacité des mesures envisagées. Il prend aussi en considération les conséquences de la maladie, les caractéristiques des vaccins, leur qualité et leur sécurité, les stratégies de vaccination, les aspects financiers des programmes considérés, leur faisabilité, leur acceptabilité et la possibilité de les évaluer. Il s’appuie également sur des considérations politiques et éthiques.
Ses décisions sont collégiales. Elles sont prises par consensus, non par majorité, afin de mener le débat le plus loin possible.
Ses 15 membres sont sélectionnés à l’issue d’un processus élargi d’appel à candidatures. Un jury propose leur nomination au directeur général. Ses membres ne peuvent servir que trois ans, ce mandat étant renouvelable une fois. Leur renouvellement est régulier. A chaque réunion, un nouveau membre est désigné. Le comité recherche une expertise large plutôt qu’une spécialisation pointue. Un débat a lieu sur la représentation de la société civile, mais il n’a pas abouti du fait des difficultés d’une sélection qu’il faudrait faire au niveau mondial.
Il faut bien distinguer les 15 personnalités qui décident et la centaine de personnes qui assistent à une réunion en tant qu’observateur, qui peuvent apporter une information et poser des questions si le président de séance le demande. Plusieurs personnes écoutent en effet ses débats : des membres des comités régionaux de l’OMS, des organismes techniques et partenaires, des représentations des Etats membres et de l’industrie. Ce regard de l’industrie sur les délibérants interroge l’usage qui sera fait des remarques les plus réticentes de tel ou tel chercheur par rapport à une alerte démesurée.
Il faut en outre garder à l’esprit que ce n’est pas le SAGE qui définit les procédures de contrôle de la qualité et de la sécurité des vaccins. Il n’a de même pas participé aux décisions sur l’état de pandémie.
Les membres du SAGE doivent déclarer tous leurs intérêts professionnels et financiers, et notamment les fonds reçus de sociétés pharmaceutiques, de même que les consultations ou toute autre forme d’engagement professionnel auprès de ces sociétés. Leurs noms et leurs affiliations sont publiés sur le site web de l’OMS. Ils doivent signer un accord de confidentialité et éviter de refléter les idées et les politiques de l’institution pour laquelle ils travaillent.
Les experts consultés dans le cadre du SAGE doivent déclarer leurs relations avec les laboratoires privées. Ces déclarations sont mentionnées en bas de la liste des participants à chaque réunion du comité. Les conseils juridiques de l’OMS vérifient s’il existe un conflit d’intérêt tel qu’il ne convient pas de retenir le nom de tel ou tel expert.
En cas de conflit d’intérêt, il est demandé aux experts de ne pas participer à la discussion et à la décision. Si ces précautions peuvent apparaître salutaires, elles donnent simultanément à voir combien les carrières des chercheurs sont majoritairement imbriquées dans des épisodes de financements privés.
iii. c) Le comité d’examen du RSI
Ce comité d’examen sur le fonctionnement du Règlement sanitaire international (2005), eu égard à la pandémie de grippe A (H1N1) 2009, va jouer un rôle important dans le bilan qui va être tiré de la gestion de la pandémie A(H1N1).
Le Directeur général de l’OMS vient de le convoquer en lui demandant de faire le point de l’expérience acquise dans le cadre de la riposte mondiale à la pandémie, afin « d’étayer l’examen du fonctionnement du Règlement, d’aider à évaluer et, le cas échéant, modifier la riposte actuelle, et renforcer la préparation à de futures pandémies ».
Cet examen devra permettre d’évaluer le fonctionnement du Règlement sanitaire international (2005) eu égard à la pandémie actuelle de grippe A (H1N1) 2009 ; d’analyser le champ, l’adéquation, l’efficacité et la réactivité des mesures mondiales ainsi que le rôle du Secrétariat de l’OMS dans l’appui à la préparation, à l’alerte et à la riposte ; de dégager et d’analyser les principaux enseignements tirés de la riposte mondiale à la pandémie actuelle et de recommander les mesures à prendre par les États.
Il comprendra une évaluation de l’action internationale et portera notamment sur le fonctionnement du Comité d’urgence, l’efficacité des recommandations temporaires et la définition des phases de la pandémie.
Il portera également sur le rôle du Secrétariat dans l’appui à la préparation, l’alerte et la riposte à la pandémie et sur les travaux des comités d’experts.
Ce comité d’examen comprend 29 membres, nommés par le directeur général de l’OMS. Ces personnalités ont été choisies à partir de la liste d’experts du RSI, « sur la base d’une représentation géographique équitable, de la parité entre les sexes, d’une représentation équilibrée des pays développés et des pays en développement, de la représentation des différents savoirs et compétences scientifiques, approches et expériences pratiques et de haut niveau en matière de direction dans les diverses régions du monde, et d’un équilibre interdisciplinaire approprié ».
Sa première réunion s’est tenue au siège de l’OMS à Genève du 12 au 14 avril 2010. Dans sa déclaration liminaire, Mme Chan, directeur général de l’OMS a noté que « le Secrétariat avait mis un soin particulier à obtenir des informations sur les conflits d’intérêts éventuels parmi les membres du Comité ».
En ouvrant la réunion de ce comité, elle a souligné « qu’il fallait une évaluation franche et critique des résultats et notamment des résultats de l’OMS dans le cadre d’un processus indépendant, crédible et transparent. Nous voulons savoir ce qui a donné satisfaction, mais nous voulons aussi savoir ce qui n’a pas donné satisfaction et si possible pourquoi. Nous voulons savoir ce que nous pouvons faire mieux et si possible comment. Nous cherchons à tirer des enseignements – comment a fonctionné le Règlement sanitaire international, comment l’OMS et la communauté internationale ont riposté à la pandémie – qui puissent nous aider à gérer de nouvelles situations d’urgence sanitaire d’importance internationale, car je peux vous assurer qu’il y en aura d’autres ».
Lors de débats, cinq thèmes principaux ont été abordés :
- la capacité à dépasser les contraintes techniques et financières qui gênent la mise en œuvre du RSI ;
- la manière dont l’OMS communique avec le grand public, les régions, les pays et ses partenaires ;
- l’accès équitable aux médicaments et vaccins, ainsi que les systèmes de financement ;
- l’examen des conventions de dénomination des virus, la caractérisation des phases des pandémies, notamment les questions relatives à la gravité, et la façon dont elles s’appliquent à la planification, l’alerte et la riposte ;
- les problèmes liés aux échanges commerciaux, aux voyages, aux produits pharmaceutiques et aux répercussions éventuelles.
Lors de cette réunion, le Dr Keiji Fukuda, conseiller spécial sur la pandémie auprès de la directrice générale de l'OMS, a reconnu certaines erreurs que l’on peut ainsi résumer :
- Alors que l’incertitude est grande, l’OMS n’a pas communiqué sur ces incertitudes. Cela a été interprété par beaucoup comme un processus non transparent.
- Il a été difficile de répondre aux demandes publiques en formulant des recommandations sur la grippe porcine A (H1N1), alors que le virus se propageait rapidement à travers les frontières et que des blogs et d'autres médias d’un nouveau type diffusaient des spéculations et des critiques.
- Le fait qu'une seule dose de vaccin était finalement suffisante d'un point de vue immunitaire a constitué une surprise importante, alors que la plupart des planifications avaient été construites autour de deux doses.
- « La confusion sur les phases et le niveau de sévérité reste une question contrariante », l'échelle de l'OMS sur les pandémies de grippes avec ses six niveaux prenant en compte la propagation géographique du virus, mais pas sa sévérité. L'OMS a essayé de rattraper la mesure quantitative de la sévérité de la pandémie en utilisant les taux de décès. Ces derniers propos ont été complétés par des experts qui ont remarqué que de nombreux pays n'ont pas vraiment la capacité de déterminer de manière fiable la sévérité du virus.
Une deuxième réunion du comité aura lieu fin juin, une troisième fin septembre 2010. Son rapport final sera présenté à la soixante-quatrième Assemblée mondiale de la Santé, en mai 2011.
La question peut se poser d’une évaluation indépendante, hypothèse que ne retient pas Mme Chan.
7. 4. L’OMS et la prévention des conflits d’intérêt
L’OMS a été interpellée dans plusieurs pays du fait des liens entretenus par certains de ses conseillers avec l’industrie pharmaceutique.
En France, la commission d’enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A(H1N1)v mène une étude approfondie sur ce thème.
Dans une note d’actualité du 3 décembre 2009, l’OMS indique que « des conflits d’intérêt sont inhérents à tout lien entre un organisme tel que l’OMS, qui joue un rôle normatif et travaille au développement de la santé, et une industrie à but lucratif. Les mêmes considérations s’appliquent aux experts qui conseillent l’OMS et ont des liens avec des sociétés pharmaceutiques. De nombreuses protections sont en place pour gérer d’éventuels conflits d’intérêt ou la perception qu’on en a.»
Elle ajoute que « les critiques sont compréhensibles, mais infondées », en remarquant que « l’ajustement des perceptions du public à un virus beaucoup moins létal [que le H5N1] a posé des problèmes. En raison des divergences entre ce à quoi on s’attendait et ce qui s’est produit en réalité, on peut comprendre cette recherche de motifs secrets ou d’arrière-pensées qu’auraient l’OMS ou ses conseillers scientifiques, mais elle n’est pas justifiée ».
Dans une nouvelle note d’actualité du 22 janvier 2010, l’OMS revient sur ce thème : « Les autres allégations selon lesquelles l’OMS aurait créé une « fausse » pandémie pour servir les intérêts économiques de l’industrie sont scientifiquement erronées et incorrectes pour ce qui est du déroulement des faits.
. Les analyses de laboratoire ont montré que ce virus grippal était, sur les plans génétique et antigénique, très différent des autres virus grippaux circulant dans les populations.
. Les données épidémiologiques communiquées par le Mexique, les Etats Unis et le Canada faisaient état d’une transmission interpersonnelle.
. Les données cliniques, notamment en provenance du Mexique, montraient que ce virus pouvait également provoquer des cas de maladie sévère et des décès. A l’époque, ces rapports n’évoquaient pas de situation de pandémie, mais, à eux tous, ils ont constitué un avertissement très sérieux qui a conduit l’OMS et d’autres autorités de santé publique, à se tenir prêtes à une telle éventualité.
. Au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie, les cliniciens ont noté une forme très sévère de pneumopathie virale primaire, à progression rapide et souvent mortelle, qui ne fait pas partie du schéma de morbidité observé lors de la grippe saisonnière. Même si ces cas ont été relativement rares, ils ont fait peser une lourde charge sur les unités de soins intensifs.
. La propagation géographique a été exceptionnellement rapide. »
Les Docteurs Duclos et Fukuda ont fourni des explications plus précises à vos rapporteurs qui les ont rencontrés à Genève, le lundi 10 mars 2010 :
Ces dirigeants de l’OMS savent qu’il peut exister des conflits d’intérêt, et se rendent compte de l’action des lobbies. Ils estiment qu’ils ont pris les précautions nécessaires pour préserver l’indépendance des décisions du SAGE, qui est le comité le plus important de l’OMS et qui est chargé de faire des recommandations sur l’utilisation des vaccins et de la vaccination. C’est aussi ce comité qui suit les maladies évitables par la vaccination. Mais ce n’est pas le SAGE qui a décidé du niveau de pandémie.
Ils soulignent que le SAGE distingue trois niveaux de transparence : la transparence dans la composition du comité, afin d’éviter les conflits d’intérêt ; la transparence vis-à-vis des ingérences possibles ; la transparence vis-à-vis des délibérations et des professionnels de santé.
Trois procédures ont été mises en place pour éviter les interférences de conflits d’intérêt :
- Avant la fin de leur sélection, les futurs membres du comité doivent faire une déclaration d’intérêt. Le comité est très strict et ne retient pas les personnes ayant des conflits d’intérêt.
- Deux fois par an, les conflits potentiels sont réévalués en fonction des sujets discutés. L’approche est transparente pour en savoir plus. Les discussions ont lieu avec le président du comité qui résume les déclarations d’intérêt pertinentes quand il y en a. Les dirigeants de l’OMS estiment que cela arrive rarement.
- Si les membres du comité changent de carrière, on les interroge pour vérifier si un conflit important peut apparaître.
L’OMS fait une différence entre les liens personnels et les contrats qu’ont les institutions où travaillent les personnes concernées. La situation est de même différente si le salaire de la personne concernée dépend d’un contrat ou d’une institution publique.
Un finlandais, qui dirigeait un laboratoire d’essais cliniques, ne l’avait pas dit au moment de sa déclaration d’intérêt, ce qui a créé une situation délicate. L’OMS préfère que l’on déclare plus, même si parfois des universitaires n’aiment pas qu’on mette ces informations sur un site web car ils craignent que cela représente une menace pour leurs futures publications scientifiques. Ces intérêts déclarés sont publiés sur un site Internet qui comprend également plusieurs documents d’information.
Pour éviter les ingérences possibles, des sanctions peuvent être prises à l’égard de personnes n’appartenant pas au comité. Dans ce cas, elles sont mises au ban des partenaires, ce qu’elles savent. Mais de manière générale, l’OMS estime qu’il n’y a pas de problème avec les lobbies industriels.
Pour assurer la transparence des délibérations, les minutes de la réunion circulent entre les membres du comité, puis les comptes-rendus sont rendus publics.
Des déclarations d’intérêt sont faites. Elles sont évaluées. Elles sont publiées. Les déclarations fausses peuvent donner lieu à des sanctions. Certains cas tangents ont été déplorés.
Ces procédures sont-elles suffisantes ? La réponse appartient à chacun.
La problématique des conflits d’intérêt est complexe : Les conseillers des ministres au plan national, ou des dirigeants des organisations internationales, telle l’OMS, sont la plupart du temps des experts et des chercheurs ayant eu l’occasion de travailler avec l’industrie pharmaceutique, ou qui ont été amenés à rechercher des financements pour leurs laboratoires de recherche.
C’est la raison pour laquelle les experts de l’OMS doivent remplir une déclaration d’intérêt. Il en est de même au plan national dans des organismes tels que l’AFSSAPS. Mais selon plusieurs témoignages, il apparaît néanmoins que ces déclarations sont peu lues, mal actualisées, ou lues de manière trop rapide.
Ne faudrait-il pas être plus rigoureux afin d’éviter des dérapages possibles, sans pour autant jeter a priori le discrédit sur telle ou telle personnalité qualifiée qui peut être à même de séparer l’intérêt collectif de son intérêt personnel ?
Ne faudrait-il pas confier à un comité d’éthique la mission d’examiner les cas qui peuvent poser problème ?
L’Office international des épizooties (OIE), aussi appelé Organisation mondiale de la santé animale, est une organisation intergouvernementale qui est notamment chargée d’assurer la transparence sur la situation zoosanitaire des pays et d’élaborer les normes sanitaires applicables aux échanges internationaux d’animaux et de leurs produits.
Elle complète l’action de l’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), agence des Nations unies, qui évalue les situations épidémiologiques, fait des recommandations, élabore des lignes directrices pour les méthodes de lutte contre la maladie et met en oeuvre des projets en appui aux programmes nationaux, régionaux et internationaux de prévention et de lutte contre la grippe.
Aussi les deux organisations mènent-elles des actions conjointes qui permettent l’envoi de vétérinaires en mission d’urgence et l’élaboration des politiques et programmes de lutte contre la grippe aviaire. L’objet de telles missions est de procéder à un diagnostic épidémiologique rapide, de renforcer les services vétérinaires et les laboratoires locaux, et de faire des recommandations aux gouvernements.
Les propos de son directeur général, M. Bernard Vallat, reflètent son histoire, ses missions et son activité :
- L’OIE a été créée en 1924, sur initiative française. Du fait de la date de sa création, cette organisation internationale est indépendante de l’Organisation des Nations Unies. Après avoir suivi lors de sa création cinq maladies, elle en suit maintenant une centaine. Elle dispose d’un réseau de plus de 200 laboratoires de référence. Elle comprend 176 pays, contre 28 à sa création.
- L’OIE entend fournir à tous les pays une mise à jour des meilleures méthodes de lutte. Elle fait des évaluations indépendantes des systèmes de santé animale. Elle aide les pays pauvres à investir, du fait de ses liens avec les donateurs et les financiers internationaux.
- L’OIE s’est battue pour une réglementation communautaire imposant un système de détection précoce de maladies telles que la vache folle et n’a pas réussi. L’Union européenne n’a pas participé à une évaluation indépendante de l’évolution des pathogènes menée par l’OIE. Cette évaluation a pourtant été faite dans plusieurs pays du tiers monde. C’est important, du fait de la globalisation.
- L’OIE est une organisation dont les atouts tiennent à sa taille à échelle humaine, à sa flexibilité, à son indépendance. Son budget est de 20 millions d’euros par an, financés par des contributions obligatoires et volontaires de ses Etats membres.
M. Vallat défend par ailleurs deux idées :
- Il faut préserver le système de surveillance français basé sur un trépied : les services vétérinaires officiels publics, écornés par la RGPP ; les vétérinaires privés libéraux qui disposent d’un mandat sanitaire de l’Etat ; les éleveurs organisés, notamment dans les groupements de défense sanitaire (dont la fédération nationale dispose d’une caisse de compensation et mène des actions de formation). C’est important car la surveillance aux frontières devient illusoire dans un monde globalisé. Il ne faut certes pas la supprimer, mais la surveillance sur le terrain est plus efficace. Il ne faut pas oublier que ce sont les éleveurs qui s’aperçoivent les premiers d’une nouvelle maladie. Il faut préserver ce réseau de proximité, et l’encourager par des mesures fiscales.
Ce système est bon et il faut veiller à ce qu’il ne disparaisse pas du fait de la RGPP, les services vétérinaires départementaux se retrouvant englobés dans un autre service plus vaste.
- On se protège mieux en aidant les pays pauvres qu’en mettant des barbelés aux frontières.
Sur le A(H1N1), les analyses de M. Vallat sont particulièrement intéressantes et confirment de manière éclatante des propos déjà entendus, en leur donnant un poids particulier :
- le A(H1N1) a été appelé grippe porcine, à la suite d’une déclaration du ministre mexicain de la santé. L’OMS a fait preuve de légèreté scientifique en reprenant ce terme sans réunir ses spécialistes. L’OIE a alors contacté l’OMS pour dire que ce terme n’était pas correct, et l’OMS a changé cette dénomination.
- Il est vrai que ce virus qui comprend huit gênes a des gênes d’origine humaine, aviaire et porcine, qui proviennent de plusieurs continents. On ne sait pas dans quel organisme ce cocktail a vu le jour. Rien ne prouve que ce virus soit né au Mexique.
Le virus a pu passer de l’homme à l’animal. Il y en a eu des preuves, dans au moins 20 cas. Au Mexique, il s’est transmis rapidement d’homme à homme, sans toutefois qu’il y ait eu autant de morts qu’annoncé les premiers jours.
- Les éleveurs auraient donc dû faire partie des catégories prioritaires pour la vaccination. Certains pays l’ont fait, afin de protéger les élevages.
L’OIE a demandé à tous ses membres une surveillance particulière des formes grippales chez le porc. Il existe certes des vaccins pour la grippe porcine en général, qui sont modifiés chaque année. Il n’y a pas eu de vaccin pour le A(H1N1) car les symptômes chez le porc étaient particulièrement bénins.
- En France, le virus A(H1N1) a été identifié sur des dindes en Bretagne. La direction générale de l’alimentation l’a signalé.
- Il n’y a pas eu d’études publiées de sérologie sur les animaux pour savoir s’ils avaient été contaminés sans symptômes. Ce n’est pas forcément intéressant, car quand un virus entre dans un animal, il est très contagieux.
- On n’a pas vraiment observé des contaminations chez les animaux domestiques. Les cas signalés semblent erratiques. Ils portent sur quelques dizaines de cas dans le monde, notamment chez les chats.
- Les migrateurs n’ont pas propagé le H1N1, contrairement au H5N1.
La lutte contre la pandémie a relevé d’un grand nombre d’acteurs, dans un contexte où deux structures européennes ont joué un rôle plus particulier : l’ECDC (Centre européen de contrôle des maladies) et l’EMEA (Agence européenne des médicaments).
Ce foisonnement d’organes concernés tient notamment à une répartition subtile des tâches entre l’Union et ses Etats membres. Les responsabilités sont en effet partagées d’une part entre l’Union européenne et ses membres, d’autre part entre diverses formations du Conseil et la Commission, sous le contrôle du Parlement européen. On a très vite observé une renationalisation des stratégies.
1. Un schéma complexe mais habituel dans l’Union européenne
Une déclaration de la présidence suédoise du 24 novembre 2009, actualisée le 25 janvier 2010 sous la présidence espagnole est éclairante. Elle montre bien cet enchevêtrement de compétences et la variété des organismes impliqués dans la lutte contre la pandémie. En voici les extraits les plus significatifs :
« La grippe pandémique (H1N1) 2009 continuant de se propager dans le monde, la Présidence suédoise a continué d’observer son évolution et a agi en étroite collaboration avec l'ensemble des secteurs pertinents. »
« Trois différents vaccins anti grippe avaient, en octobre dernier, obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne. Plusieurs pays avaient déjà commencé la vaccination en octobre/novembre. Relevant de la compétence des États membres, les stratégies vaccinales ont donc été mises en œuvre en fonction de plans nationaux existants. »
« En novembre dernier, le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies (CEPCM) établissait que, se fondant sur les expériences de l’hémisphère sud, l’on pouvait s’attendre à ce que jusqu’à 20 pour cent de la population puisse être contaminée par la grippe. »
« Sous l’égide de l’OMS, les pays membres de l’UE ont agi ensemble pour se préparer à la grippe pandémique (H1N1) 2009. La Commission européenne avait présenté une communication sur la grippe pandémique (H1N1) 2009 en septembre. Le 12 octobre dernier, les ministres de la santé se sont rencontrés pour discuter de la grippe lors d’une réunion extraordinaire du Conseil « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs » (EPSCO). Lors de cette rencontre, les ministres ont adopté des conclusions sur une approche stratégique de la grippe pandémique (H1N1) 2009. Cette stratégie a inclus les questions suivantes : disponibilité des vaccins ; stratégies vaccinales ; procédure réglementaire d’autorisation des vaccins ; information et communication avec le public ; coopération mondiale ; questions multisectorielles – préparation à la pandémie en dehors du secteur de la santé ».
« Dans le cadre du Conseil, les conclusions et autres questions liées à la grippe ont été discutées au sein du Groupe des amis de la Présidence (GAP) sur la préparation de la pandémie. Le GAP a continué de se rencontrer pendant la Présidence suédoise. À son ordre du jour ont figuré des mises à jour régulières concernant la situation de la pandémie et la poursuite de discussions sur des questions comme la préparation multisectorielle et une coopération mondiale liée au sujet de la pandémie.»
« Pendant la Présidence suédoise, les pays membres de l’UE ont également discuté de la préparation à la grippe pandémique lors d’une réunion d’experts intitulée « Préparation et réponse à la pandémie – leçons tirées et nouvelles phases » les 2 et 3 juillet 2009 et lors d’une réunion informelle du Conseil « EPSCO » les 6 et 7 juillet 2009. »
Les ministres de la santé des Etats membres se sont réunis au sein du conseil « emploi, politique sociale, santé et consommateurs » (EPSCO), tandis que l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA) jouait un rôle essentiel dans la procédure d’autorisation de mise sur le marché.
Au sein de la Commission, ces questions ont relevé jusqu’à son dernier renouvellement de plusieurs commissaires, selon qu’elles concernaient la santé, les entreprises ou l’environnement. Depuis l’avènement de la nouvelle Commission, cette répartition des tâches a évolué.
La responsabilité de l'industrie pharmaceutique relève désormais du Commissaire à la santé et non plus du Commissaire chargé des entreprises et de l’industrie. Le Commissaire à la Santé est ainsi en charge de l’Agence européenne des médicaments. Cette nouvelle répartition renvoie à ce qui se passe généralement dans les Etats membres. L’ unité « biotechnologie, pesticides et santé » qui relevait du Commissaire chargé de l’environnement lui est également rattachée.
En conséquence, la nouvelle direction générale chargée de la politique en matière de santé et de protection des consommateurs dispose des unités en charge des produits pharmaceutiques et des cosmétiques. Plusieurs structures relèvent de son autorité :
- l'Office communautaire des variétés végétales/ Community Plant Variety Office (CPVO) ;
- le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies / European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) ;
- l’Autorité européenne de sécurité des aliments / European Food Safety Authority (EFSA);
- l’Agence européenne des médicaments / European Medicines Agency (EMEA) ;
- l’Agence exécutive pour la santé et les consommateurs (AESC) / Executive Agency for Health and Consumers (EAHC).
Au Parlement européen, ce sont les commissions « environnement » et « santé publique » qui suivront les directives sur la surveillance de la toxicité des médicaments et sur la délivrance d’informations médicales au public.
2. Répartition des compétences entre l’Union européenne et ses Etats membres
o a) Règle de base et pratique
A priori, la répartition des compétences est claire : les questions de santé humaine relèvent des Etats membres, les questions de santé animale du domaine communautaire (notamment celles qui prévoient une restriction des importations, une surveillance accrue ou un renforcement de la biosécurité).
Dans la pratique, une coopération s’est instaurée entre les Etats membres et la Commission. Les Etats informent la Commission des mesures de contrôle qu’ils ont l’intention de prendre ou qu’ils ont déjà prises dans un contexte d’urgence.
La Commission mène une politique d’harmonisation des plans nationaux de lutte contre la pandémie et contribue à l’adoption de mesures de veille, de protection et d’information du public, tout en respectant le principe de subsidiarité.
Elle est notamment amenée à mobiliser ses moyens afin d’obtenir des informations épidémiologiques, virologiques et cliniques détaillées sur le virus pandémique dans les premières semaines d’apparition de cas possibles ou réels de transmission interhumaine.
Elle décide des autorisations de mise sur le marché, même si certaines autorisations peuvent être données au niveau national.
Son comité pharmaceutique traite avec l’industrie de la recherche, du développement des vaccins, de leur autorisation, de leur disponibilité et de la constitution de stocks.
o b) L’expérience de l’AFSSAPS
Les responsables de l’AFSSAPS remarquent la coexistence de plusieurs schémas possibles :
- l’AFSSAPS peut intervenir dans le cadre de procédures européennes où elle n’est pas décisionnaire : ce fut le cas pour le Pamdemrix, le Focetria, le Celvapan.
- Elle peut aussi intervenir en premier plan, avec pouvoir décisionnaire : c’est ainsi qu’elle a pris la décision d’autoriser le vaccin Panenza non adjuvanté, même si une concertation a eu lieu avec quelques pays européens, chaque Etat conservant sa décision nationale. Elle a eu ce même pouvoir décisionnaire pour l’oseltamivir pg, sous forme de comprimé, sécable, développé par la pharmacie centrale des armées, produit différent du Tamiflu.
- Il existe aussi des procédures intermédiaires, comme la procédure de reconnaissance mutuelle et celle associant une évaluation concertée entre les Etats concernés et une décision finale prise au niveau national.
Pour les vaccins, la décision dépend des directives européennes, la dernière ayant modifié en 2004 le code pharmaceutique. Pour les médicaments, certaines catégories vont nécessairement en procédure centralisée, comme les médicaments biotechnologiques, avant 2004, et maintenant les anticancéreux, les médicaments utilisés dans le cas de maladies auto-immunes, ou orphelines.
Quand il n’y a pas d’obligation centralisée, le laboratoire a le choix : il peut choisir la voie nationale, et demander des AMM nationales à chaque pays.
Tout dépend s’il veut commercialiser son médicament dans toute l’Europe, auquel cas il a intérêt à utiliser une procédure centralisée. Mais ce n’est pas toujours le cas. Il peut avoir intérêt à recourir à la reconnaissance mutuelle ou à une procédure décentralisée. Dans le premier cas, un Etat donne l’autorisation de mise sur le marché, et le laboratoire se retourne vers les autres pays. Dans le deuxième, ce sont les Agences qui se coordonnent.
Dans les cas de reconnaissance mutuelle, les dirigeants de l’AFSSAPS considèrent que l’important est d’assurer l’homogénéité de l’expertise et de la qualité du travail. Quand un pays sans grande tradition pharmaceutique prend un dossier, l’important est de discuter sur la base des propositions du dossier du rapporteur, éventuellement en faisant des objections. Si celles-ci ne sont pas bien traitées au bout d’un certain délai, elles sont examinées au sein du comité de coordination de la reconnaissance mutuelle. Si in fine, une Agence estime qu’il y a une préoccupation de santé publique insuffisamment prise en compte, un appel est possible devant le CHMP(Commitee for Human Medical Products). Au final, la décision alors prise doit être automatiquement appliquée.
Aujourd’hui, pour l’essentiel, le champ de l’AMM nationale est le générique, plus dans le cas de la France, pour un quart, du non générique, concernant l’amélioration d’anciens médicaments. Il en est de même pour la thérapie cellulaire et génique.
Tous les vaccins ne vont pas automatiquement en procédure centralisée. Y vont ceux qui font intervenir des recombinaisons. Ceux utilisés pour la grippe saisonnière sont plutôt traités en reconnaissance mutuelle. Quelques essais nouveaux ont été réalisés en Europe pour la grippe saisonnière.
B. L’ORIGINALITÉ DE L’ECDC DANS LA VEILLE ET LA SURVEILLANCE SANITAIRES
1. Une structure européenne originale
a) Une institution créée récemment, sur un modèle inhabituel
L’ECDC - European Centre for Disease Control, ou Centre européen de contrôle des maladies – est une structure de l’Union européenne indépendante de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement européen. Elle travaille avec les 27 membres de l’Union mais aussi avec le Lichtenstein, la Norvège, l’Islande et les pays potentiellement candidats à l’entrée dans l’Union européenne. C’est un partenaire de l’OMS et du Comité de Sécurité de la Santé de la Commission de l’Union européenne qui traite des menaces atomiques, biologiques et chimiques.
L’ECDC a été créée de manière originale. Alors que, d’habitude, de telles structures apparaissent après plusieurs années de réflexion, elle a été mise en place très rapidement à la suite du SRAS, par une décision du Conseil en juillet 2003. Les règles la régissant ont été élaborées en 2004, et le Centre a été mis en place en 2005. Son financement - 60 millions d’Euros - dépend totalement du budget européen. Son personnel comprend 350 employés, chiffre devant être comparé aux 10 000 personnes travaillant aux CDC aux Etats-Unis. Il a en effet été décidé de ne pas dupliquer les structures existant dans les Etats Membres.
Sa force réside dans sa capacité à travailler en partenariat avec les Etats membres, et dans son rôle de coordination (l’absence de coordination européenne avait été clairement perçu lors de la crise du SRAS). Ses relations avec l’OMS sont basées sur le partage d’informations, l’ECDC s’occupant de l’Europe, l’OMS des pays non européens. L’ECDC est par ailleurs observateur au comité du RSI.
Cette agence a été créée directement en dehors de Bruxelles, ce qui est tout à fait inhabituel, de telles structures commençant généralement leurs activités avec du personnel de la Commission à Bruxelles, pendant deux ans, avant d’être transférées dans un Etat Membre.
b) Une approche globale de la surveillance
L’ECDC est chargé d’évaluer les risques, mais leur gestion relève de la Commission et des Etats membres. Elle donne toutefois des conseils dans ce domaine.
Ses tâches sont proches de celles des instituts nationaux avec lesquels elle travaille. Elle s’occupe en effet de surveillance, de renseignement épidémiologique, de formation et d’assistance technique, de conseil scientifique et de communication.
L’ECDC remplit les fonctions de surveillance qui avaient été mises en place dans le milieu des années quatre-vingt, et qui fonctionnaient essentiellement en réseaux spécifiques à chaque maladie. Chaque réseau avait un centre de coordination basé dans un pays différent. La France était ainsi en charge du Sida et de la tuberculose. Ces 18 réseaux avaient leurs propres règles, leurs termes de référence, leurs bases de données, leurs procédures de gestion des données. Leurs ressources provenaient de la Commission qui leur attribuait une somme pour trois ans, ce qui les obligeait à trouver de nouvelles idées tous les trois ans.
Ce système n’était pas satisfaisant : la surveillance n’est pas une activité de projet, mais un processus continu dans le temps ; il fallait de plus soumettre les données à tous les pays, et avoir recours à des systèmes différents pour avoir une vue générale de la situation.
La création de l’ECDC a eu pour but et pour effet d’intégrer à partir de 2005 tous ces réseaux, en créant une seule base de données, tous les pays soumettant les cas de la même manière. Les données sont ainsi plus disponibles pour les décideurs.
A titre d’exemple, l’étude de la résistance aux antibiotiques relevait d’un de ces réseaux, qui publiait un rapport peu lu par les responsables politiques dans les Etats Membres. Maintenant, le directeur de l’ECDC présente les résultats de cette étude aux ministres au sein du Conseil. Les décideurs ont donc une vision très différente, leur permettant de comparer leur situation nationale avec celle des autres pays.
Depuis 2005, L’ECDC publie un rapport annuel sur les maladies infectieuses. Elle fait du renseignement épidémiologique, en utilisant des systèmes informatiques très évolués, en scannant Internet, ce qui permet de détecter un thème de recherche plus utilisé que d’autres. Elle émet des signaux et entraîne une discussion avec le pays concerné pour voir si ce signal correspond à une réalité. Elle commence à travailler sur Facebook et Twitter.
L’existence d’un panel d’experts à l’ECDC permet une meilleure utilisation des ressources humaines disponibles, et d’éviter de recréer un panel d’experts au sein d’un Etat.
c) Un positionnement particulier en matière de communication
L’ECDC est géré par un conseil d’administration comprenant des représentants des Etats membres, de la Commission, du Parlement européen. Son conseil scientifique comprend des personnes provenant de chaque pays.
En matière de communication, l’ECDC a pour principale cible les experts, mais aussi le grand public, et intervient en appui aux Etats membres. Il publie un journal électronique hebdomadaire, Eurosurveillance, édité autrefois par l’INVS. Son portail informatique, destiné au grand public, va bientôt être rédigé en 24 langues.
Son rôle consiste à fournir des informations à la Commission qui dispose par ailleurs d’un réseau de communicateurs issus des ministères nationaux en charge de la santé. Elle ne mène pas de campagne par elle-même, mais soutient les activités nationales de communication, chaque Etat membre conservant la responsabilité de sa communication vis-à-vis de ses citoyens. Si les pays ont des visions différentes, les campagnes seront différentes. Cela a été très évident pour les campagnes de vaccination. Les pays qui avaient des vaccins communiquaient très différemment de ceux qui n’en avaient pas ou n’en voulaient pas. L’ECDC, quant à elle, ne peut pas prendre parti et n’a pas à juger de la pertinence des campagnes nationales.
L’une des campagnes qui a résulté de ces activités et qui a été inspirée par l’exemple français, a concerné l’usage prudent des antibiotiques.
Avec les journalistes, l’ECDC travaille par questions et réponses, et dialogue par Internet en temps réel (web cast). Elle est maintenant beaucoup mieux organisée après avoir engagé des personnels temporaires. Son personnel a pu suivre des sessions de formation sur la communication de risque organisées par la Commission européenne.
2. L’ECDC face à la grippe A(H1N1)
L’ECDC a fait une étude très intéressante de ce qu’on ne pouvait pas prévoir, de ce qui pouvait être attendu, des développements inattendus, et des connaissances sur les différences entre la grippe pandémique et la grippe saisonnière.
Les données qui en découlent ont ainsi été présentées à vos rapporteurs :
Ce que l’on ne pouvait pas prévoir:
- le type antigénique et le phénotype,
- la susceptibilité et la résistance aux antiviraux,
- les groupes d’âge les plus atteints et les groupes d’âge les plus infectieux,
- les taux d’attaque (cliniques), la pathogénicité (létalité), la sévérité de la pandémie,
- les paramètres nécessaires pour la modélisation et les prévisions,
- la définition précise des cas cliniques,
- la durée, l’amplitude et le moment des vagues épidémiques,
- la dominance du nouveau virus par rapport aux virus saisonniers,
- les complications,
- l’efficacité des mesures d’intervention, y compris des antiviraux et des vaccins,
- l’immunogénicité,
- l’innocuité des mesures pharmaceutiques.
Ce qui pouvait être attendu:
- les modes de transmission,
- la période d’incubation,
- la période d’infectiosité,
- la définition des cas cliniques,
- l’efficacité globale des mesures d’hygiène,
- une moindre transmission au printemps et en été en zones à climat tempéré.
Les développements inattendus :
- les cas sévères chez les obèses,
- les cas sévères avec une pneumonie virale causant une détresse respiratoire,
- la bénignité de la grande majorité des cas,
- l’excellente réponse immunogénique des vaccins avec une dose.
CE QUE L’ON SAIT SUR LES DIFFÉRENCES ENTRE LA GRIPPE PANDÉMIQUE
ET LA GRIPPE SAISONNIÈRE
|
Grippe saisonnière |
Pandémie grippale |
Virus circulants |
Deux virus (H1N1), (H3N2) & B |
Presque exclusivement le virus H1N1 pandémique |
Début des vagues épidémiques |
Généralement début après Noël |
A débuté hors saison dans les pays les premiers affectés. Suivie par une vague épidémique en automne |
Intensité de la transmission |
Variable d’année en année, 5 à 15% |
Estimée à plus de 15% |
Lieu de transmission |
Endroits confinés |
Les écoles ainsi que le milieu familial |
Groupes à risque de complication |
Personnes âgées et celles porteuses d’une maladie chronique sous-jacente |
Jeunes enfants, femmes enceintes, et personnes porteuses d’une maladie chronique sous-jacente. Environ 30% des cas sévères n’ont pas de risque sous-jacent. Ceux nés avant le milieu des années 1950 semblent protégés, mais lorsqu’ils sont atteints, la sévérité est plus grande |
Détresse respiratoire |
Extrêmement rare |
Peu fréquente mais survient même chez le jeune adulte en bonne santé |
Résistance antivirale |
Fréquente résistance à l’oseltamivir |
Rare et pas de transmission à ce jour, sauf très rares cas |
Mortalité et années potentielles de vie perdues |
Peu de décès confirmés Estimations jusqu’à 36.000 certaines années |
Nombre substantiel de décès en Europe (2866 au 31 Mars) |
Source : ECDC risk assessment
b) L’évaluation du virus et de la pandémie par l’ECDC
Ce que l’ECDC a pu constater
Pour l’ECDC, le virus A(H1N1), qui est connu, a jusqu’à présent peu muté. Il est résistant aux amantadines. Le traitement antiviral est efficace. Il y a eu peu de résistance à l’oseltamivir et au zanamivir. Il y a peu de transmission des virus résistants. L’oseltamivir continue de faire l’objet d’interrogations. Ainsi, au Japon, s’interroge-t-on sur le lien supposé et possible entre son usage et les suicides chez les jeunes.
Les groupes d’âge les plus atteints et les plus contagieux sont les enfants. Le taux d’attaque clinique est au maximum de 20%. La létalité est inférieure à 0.02%. Les études de séroprévalence montrent une infection asymptomatique chez les femmes enceintes. La plupart des personnes infectées ont été asymptomatiques ou ont présenté des symptômes bénins.
La définition précise des cas cliniques est difficile car beaucoup d’infectés sont asymtomatiques. Le traitement antiviral est efficace. Les cas sévères ont été plus difficiles à traiter que les cas de grippe saisonnière. La majorité des cas sévères présentaient un risque préalable. Toutefois, 30% ne présentaient aucun risque particulier. Les personnes âgées semblent protégées.
L’ECDC considère que les paramètres nécessaires pour la modélisation mathématique sont maintenant disponibles et qu’ils ont été résumés par l’OMS.
Ce que l’ECDC prévoit
Il est probable que le nouveau virus se soit développé aux dépens des virus saisonniers. L’efficacité des mesures d’intervention, y compris des antiviraux et des vaccins donne lieu à débats. Les mesures de masse semblent avoir un rôle mineur. Les mesures de distanciation sociale drastique (fermeture des écoles, suppression des événements de foule) auraient eu davantage de désagréments que d’avantages. Les mesures de protection usuelles semblent avoir été efficaces.
La pandémie grippale de 2009 a donc été moins sévère que prévu, mais reste une menace réelle. Le vaccin saisonnier disponible en automne 2009 n’a guère donné de protection. Les vaccins qui seront disponibles en 2010 devraient par contre offrir une protection importante. Le H1N1 pandémique sera inclus dans le vaccin trivalent saisonnier.
L’innocuité des mesures pharmaceutiques fait actuellement l’objet d’évaluation.
Il est peu probable qu’il y ait une autre vague de printemps ou d’été, à moins qu’une proportion significative de la population qui n’aurait pas été infectée rende le virus davantage transmissible. La circulation du virus ainsi que des épidémies localisées devraient continuer lors de la saison 2010/2011. Il importe donc de préparer des stratégies de vaccination pour cette prochaine saison.
L’ECDC se prépare à faire face à plusieurs difficultés : l’hiver 2010 va être difficile. Il faut s’attendre à une pression sur les systèmes de soins à la notification d’effets secondaires liés aux vaccins, au développement de résistances aux antiviraux, et à la nécessité de répondre aux critiques sur la sécurité des vaccins et leur efficacité.
L’ECDC estime qu’il lui faut adapter son plan au long terme et être prête à répondre à toutes les questions. Elle devra renforcer la surveillance hospitalière. Il lui faut aussi s’interroger sur les catégories prioritaires à qui seront proposés les antiviraux.
Cela exigera plus de flexibilité, mais aussi d’adapter la réponse à la pandémie, de prendre les chiffres avec prudence (qu’il s’agisse du nombre de cas ou des prédictions), de ne pas sous-estimer la charge de travail, et de savoir si les lecteurs de journaux ont confiance dans les informations qu’ils lisent.
Pour l’année en cours, l’ECDC envisage plus précisément :
- de continuer la surveillance clinique et virologique des cas ambulatoires dans l’Union européenne durant toute l’année 2010 et dans tous les pays ;
- d’entreprendre et de coordonner des études sérologiques par groupes d’âge, dans le plus grand nombre possible de pays ;
- de faire une analyse rétrospective des groupes à risque dans les pays membres, par la surveillance des infections respiratoires aigues (IRA) et les décès qui y sont reliés afin d’affiner les recommandations antérieures. Une attention spéciale sera accordée aux “nouveaux” groupes à risque: jeunes enfants, femmes enceintes, majeurs obèses, dans le plus grand nombre possible de pays ;
- d’assurer la surveillance de façon routinière des IRA et des décès qui y sont liés, dans le plus grand nombre possible de pays ;
- de déterminer s’il y a des décès additionnels dans des tranches d’âge spécifiques, dans les Etats membres et au niveau international ;
- de déterminer la mortalité par âge et de la comparer avec la mortalité saisonnière, les années de vie perdues, les années de vie en bonne santé perdues ;
- de surveiller étroitement ce qui s’est passé dans l’hémisphère sud durant l’hiver 2010, de juin à septembre, par un travail conjoint avec l’OMS.
c) Les réflexions qui en découlent
1). Sur les méthodes permettant d’apprécier la gravité de la pandémie
- Les méthodes actuelles sont insuffisantes, en grande partie parce qu’il n’y a pas de consensus sur la signification du degré de sévérité d’une pandémie.
Les données sur le nombre de personnes infectées sont insuffisamment précises et restent partielles. Elle proviennent pour la plupart des systèmes Sentinelle , réseaux qui existent dans les 30 pays membres de l’ECDC. Par contre, les infections respiratoires aigues (IRA) ne sont suivies que dans 11 pays. Les données fournies par ces réseaux ne sont pas toujours suffisamment précises et ne permettent donc de capturer qu’une partie de la réalité.
Malgré tout, des chiffres sont publiés. Il en est ainsi du nombre de décès liés à la grippe.
NOMBRE DE DÉCÈS CONFIRMÉS DUS AU VIRUS PANDÉMIQUE INFLUENZA (H1N1) 2009
PAR SEMAINE DE NOTIFICATION - PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE ET DE L’AELE
(de la semaine 25 de 2009 à la semaine 10 de 2010)
Source : ECDC
Mais le nombre de décès n’est que l’indicateur le plus brutal de la gravité d’une pandémie. La mesure de son ampleur nécessite d’avoir d’autres éléments sur les différents niveaux de gravité de l’infection.
- Aussi faut-il utiliser d’autres approches :
• des études sérologiques ;
• des campagnes d’appels téléphoniques, permettant de faire des sondages au début de la pandémie, comme à New York ;
• une étude des cas hospitalisés et de leur issue (mort ou survie) ;
• une étude des patients sortant de l’hôpital ;
• une estimation par modèles de la mortalité attendue, en la comparant au nombre de morts constatés en temps réel. C’est l’objectif du projet européen EURO MOMO, auquel la France n’a du reste pas participé.
2) Plus précisément, sur l’intérêt des études de sérologie et de la constitution de cohortes
Ces études permettent d’étudier les personnes ne présentant pas de symptômes. On s’aperçoit que certaines catégories de personnes étaient immunisées, ce qui implique de tenir aussi compte du nombre de personnes vaccinées. Ces études seront plus difficiles à interpréter si la vaccination se développe de manière importante. Leur coût empêche de les développer systématiquement. Mais des aides peuvent être apportées aux pays qui en ont besoin, et des standards peuvent être communiqués.
Ainsi que le montre une étude de M. Flahault sur les femmes enceintes à qui l’on a fait une analyse de sang, 80 % de celles qui avaient été infectées ne l’ont pas su, ce qui a été source de critiques. Mais il s’agit d’une catégorie particulière, et l’on ne dispose pas de données sur l’ensemble de la population. On peut regretter qu’il n’y ait pas eu d’autres cohortes, et d’autres études sérologiques dans diverses catégories de population, à partir de personnes choisies par hasard. Certaines d’entre elles auraient été utiles si elles avaient été réalisées de manière immédiate et pas après l’épisode infectieux.
Il serait donc utile, dès le début d’une pandémie, de constituer plusieurs cohortes pour faire des études sérologiques, permettant d’évaluer l’étendue de l’infection.
Il faut envisager des diagnostics sanguins sur des segments de population, méthode qui n’est pas la même que celle utilisée pour faire le diagnostic chez un individu (réalisé à partir d’un examen de la gorge).
3) Sur la difficulté de faire des comparaisons internationales
Il est très difficile de faire des comparaisons de mortalité entre les pays. Le virus ne circule pas de la même manière à des endroits et à des moments différents. La population n’a pas les mêmes anticorps. Les systèmes de santé sont différents. Les politiques de vaccination sont aussi différentes. Les méthodes de diagnostic sont également différentes, de même que la manière dont le résultat de ces diagnostics est mis sur Internet.
Les données sont souvent inexistantes. Ainsi, n’y a-t-il pas de tableau récapitulatif des attaques dans chaque pays, comme il n’y a pas de comparaisons entre les divers vaccins existants de par le monde.
Il y a par contre des données, sous forme agrégée, par 100 000 habitants ou par médecin généraliste. Il y a des statistiques disponibles sur les décès, mais les modes de comptabilisation varient. Le nombre de morts dépend de la manière dont chaque pays fait rapport sur ce qui s’y passe. Même si théoriquement les pays ont la même définition de la mort due à la pandémie et utilisent éventuellement la même méthodologie, des différences subsistent, car certains ne parleront que d’arrêt respiratoire mais pas de décès lié à la grippe, ou du nombre estimé de morts, mais pas du nombre réel de décès. Dans beaucoup de cas, il n’y a pas de confirmation par des analyses faites en laboratoires.
Il y a en outre une grande confusion entre le nombre de décès déclarés au niveau national, par l’ECDC, et par la presse. Les données transmises par les experts nationaux sont différentes de l’information disponible sur les sites web des ministères de la santé. Cela pose un véritable problème de crédibilité de l’information. Qui croire ? Que croire ?
Cette situation suggère quel doit être dans l’avenir le rôle de l’ECDC, à qui il reviendra d’harmoniser les chiffres, de les valider. Il faut notamment définir les critères permettant de parvenir à une meilleure appréhension de la mortalité, et d’avoir des statistiques comparables au niveau international.
C. LE RÔLE FONDAMENTAL DE L’EMEA DANS LE PROCESSUS D’AUTORISATION DES MÉDICAMENTS
§ 1. L’Agence européenne des médicaments, ses comités et ses relations avec la Commission européenne
Créée en 1995, l’Agence a rempli certaines fonctions existant depuis 1970. Elle gère plusieurs comités et plusieurs groupes de travail.
Le Comité scientifique des médicaments humains (le CHMP) propose des décisions à la Commission européenne, décisions soumises à un droit de regard du Parlement européen. Ce comité, qui peut voter, fonctionne par consensus. Ses rapporteurs font une évaluation indépendante, en utilisant le réseau des autorités réglementaires nationales. Ses rapports sont examinés selon une procédure de revue par les pairs.
Le groupe de travail biologique et le groupe de travail des vaccins interviennent dans l’évaluation des vaccins. L’évaluation des vaccins est faite selon une procédure particulière par une Task Force composée de représentants de ces comités et les rapporteurs du dossier. La Task Force remet des avis servant à la décision finale. Pour faire face à la situation pandémique, une procédure spéciale « en continu » a été mise en place, les industriels fournissant les informations au fur et à mesure qu’elles sont générées.
Un autre comité s’occupe plus spécialement des médicaments pédiatriques.
Pendant plusieurs années, les relations avec la Commission européenne passaient par la Direction Entreprises qui était en charge de l’Agence. L’Agence était aussi en relation avec la DG SANCO qui, suite aux attentats du 11 septembre 2001, et en fait depuis 2003, avait mis en place des groupes de travail pour gérer les crises sanitaires. Maintenant l’Agence dépend de la DG SANCO. Une seule unité est restée à la DG entreprises : celle qui s’occupe des questions du prix des médicaments et de leur compétitivité.
L’Agence travaille avec les autorités nationales et l’OMS. Elle a formé les évaluateurs des autorités nationales pour se préparer à la pandémie. Des représentants du laboratoire de contrôle de l’OMS participent à ses réunions. Un autre représentant de l’OMS participe aux travaux du groupe vaccins.
L’Agence n’a de responsabilité que scientifique et technique pour juger le rapport bénéfice-risque des vaccins. Les aspects concernant leur utilisation, leur valeur ajoutée, leur prix ne sont pas de son ressort. Ses recommandations ne doivent pas prendre en compte les considérations coût-efficacité.
Les programmes de vaccination restent de la responsabilité des Etats membres. Il est clairement indiqué que les vaccins doivent être utilisés en suivant les recommandations nationales.
§ 2. Ses procédures d’autorisation au niveau européen et au niveau national
Il existe deux procédures : une procédure centralisée, obligatoire pour certains médicaments ; une procédure optionnelle.
Les produits issus de la biotechnologie et les produits d’intérêt de santé publique sont maintenant inclus dans la procédure obligatoire qui s’est élargie. Les produits contre le cancer, le diabète, le SIDA, les médicaments orphelins passent par cette procédure. 95 % des nouvelles molécules utilisées dans l’Union européenne la suivent.
Mais toutes les procédures d’autorisation ne sont pas nécessairement européennes.
Une procédure nationale permet d’autoriser des médicaments qui ne sont utilisés qu’au niveau national. Les médicaments anciens autorisés dans un Etat peuvent faire l’objet d’une procédure de reconnaissance mutuelle par les autres Etats.
Un nouveau médicament peut aussi être autorisé dans plusieurs pays de l’Union européenne à partir d’une évaluation faite par un Etat qui sert de chef de projet, dans le cadre d’une procédure décentralisée. Ce fut le cas du Panenza en France qui a été autorisé d’abord en France puis dans d’autres pays. La procédure centralisée aurait pu être utilisée, ce qui avait été au départ prévu avec Sanofi qui a par la suite décidé, pendant l’été, de choisir cette procédure décentralisée du fait de la longueur de la procédure centralisée pour un vaccin nouveau et non pas maquette. L’EMEA l’avait en effet informée que son nouveau vaccin sans adjuvant ne serait pas autorisé avant 2010.
Par contre, le Pandemrix de GSK a été un dossier maquette, passé en procédure centralisée, et enregistré en mai 2008.
§ 3. L’utilisation de dossiers maquette
Dès 2003, l’Agence s’est préparée à un pandémie et a développé le concept de dossiers maquette (mock-up) permettant d’inclure dans un vaccin existant une souche pandémique. Cela a permis de préparer des recommandations pour que les entreprises préparent ce type de vaccin.
Le dossier maquette permet d’autoriser un vaccin qui comporte une souche virale en se mettant dans les conditions les plus contraignantes en cas de pandémie, c'est-à-dire dans le contexte de populations naïves, et de tester ce vaccin pour sa sécurité ainsi que le processus de fabrication. Cela permet ensuite d’utiliser la souche pandémique et de pouvoir commencer rapidement la fabrication. On est dans le même cas de figure que pour les vaccins saisonniers.
Pour les vaccins saisonniers, on demande aux firmes de faire des essais cliniques avec un petit nombre de personnes âgées pour voir si le vaccin est efficace. Les firmes commencent d’élaborer leurs vaccins en mars, quand les souches ont été identifiées par l’OMS, identification validée pour l’Union européenne par le groupe des médicaments humains. Des essais cliniques sont faits en juillet et en août, puis l’EMEA donne son autorisation pour la nouvelle souche en septembre.
Pour les vaccins maquettes, la décision a été prise que les essais cliniques seraient faits après l’autorisation, de manière à accélérer leur mise à disposition. Les données sérologiques sont donc arrivées plus tard, ce qui n’est pas le cas pour les vaccins saisonniers. Mais les vaccins maquette avaient été évalués dans les conditions les plus contraignantes, notamment avec la souche aviaire (ce qui avait conduit à montrer qu’il fallait deux doses).
Dès le printemps, la question s’est posée de vérifier ce schéma de deux doses. C’est pourquoi il a été demandé aux firmes de faire des essais cliniques supplémentaires, même si leurs résultats devaient arriver plus tard.
Le 29 septembre, Pandemrix et Focetria ont été autorisés par la Commission, une semaine après l’avis rendu par le comité des médicaments humains.
§ 4. Une approche différente de celle des Etats-Unis
Deux questions se posent.
Pourquoi L’Europe a-t-elle décidé d’utiliser des adjuvants ?
La principale préoccupation des experts européens était d’obtenir un vaccin efficace, qui ait le rendement le plus élevé possible. L’adjuvant a permis de diminuer la quantité nécessaire, qui est de 15 milligrammes pour les vaccins saisonniers. La quantité a ainsi été divisée par 2 pour le Focetria, et par 4 pour le Pandemrix. L’adjuvant permet aussi d’assurer une protection qui dure plus longtemps. C’est une réponse chimique à un climat de marché de pénurie.
Les Etats-Unis ont fait un autre choix, lié aux AMM anciennes dont ils disposaient, sans adjuvant, ce qui leur a permis d’arbitrer plus vite sur une seule dose. En cas de forte pathogénicité du virus, ils auraient pu se trouver en situation de pénurie.
Pourquoi le débat a-t-il été en Europe si long sur le nombre de doses de vaccin alors que les Etats-Unis avaient depuis longtemps décidé de ne préconiser qu’une dose ?
Les Etats-Unis avaient décidé d’utiliser les vaccins saisonniers, donc avec une dose, sauf pour les enfants. La FDA n’était pas certaine de cette décision dans le cas des jeunes. La FDA a longtemps pensé qu’il fallait proposer deux doses avant 50 ans, et une après 50 ans. Des essais cliniques ont été faits, ce qui n’est pas le cas habituellement. Ceux-ci ont montré dès la mi-septembre que les vaccins avaient une efficacité suffisante après une dose.
Pour les vaccins maquette, en Europe, le comité européen a voulu être rassuré sur l’efficacité du vaccin, notamment dans les populations naïves et vérifier si une seule dose serait suffisante pour assurer leur protection.
Fin septembre, Pandemrix et Focetria ont reçu l’avis positif du comité. On savait que sur des lots non industriels, l’efficacité d’une dose pouvait être suffisante. Mais les résultats obtenus n’étaient qu’intérimaires. Dès septembre, on pouvait penser qu’une seule dose pouvait être suffisante. Moins de 4 semaines plus tard, des données supplémentaires sont arrivées et les firmes ont modifié leur demande d’AMM afin de produire des vaccins à une dose. Le Conseil Santé du 12 octobre, puis le comité la semaine suivante ont considéré qu’il s’agissait d’informations intéressantes, mais qui n’étaient pas suffisantes pour modifier l’AMM. Il a alors été stipulé qu’il fallait envisager deux doses, même si l’on pouvait estimer qu’une dose pourrait suffire. Sur la base de ces informations, les Etats ont pris des décisions différentes. Quatre semaines plus tard, le 19 novembre, le comité était rassuré sur la base de nouvelles informations et a modifié l’AMM.
Les vaccinations ont débuté dans plusieurs pays européens à partir de la mi octobre, sans qu’on sache combien de doses allaient être employées. Mais l’on savait que si deux doses étaient nécessaires, il fallait attendre trois semaines entre la première et la deuxième.
§ 5. L’Agence et les conflits d’intérêts
Le Règlement instituant l’Agence, modifié en 2004, comporte des dispositions sur les conflits d’intérêt des membres de son conseil d’administration, de ses comités, de ses rapporteurs. Ces personnes, qui ne peuvent pas avoir de conflit d’intérêt, doivent faire une déclaration d’intérêt chaque année.
Les experts doivent également faire une déclaration de conflits d’intérêt annuels.
Le personnel de l’Agence est lié par le règlement du personnel qui s’applique aux fonctionnaires européens. Un code de bonne conduite, public, reprend les articles de ce règlement. Le personnel des agences nationales mis à disposition est géré par ces agences.
Certaines des déclarations, notamment celles concernant le conseil d’administration et les comités sont mises en ligne. Celles concernant les experts des groupes de travail restent à l’Agence et peuvent être consultés sur place. Il est néanmoins prévu de les mettre en ligne.
Si des conflits d’intérêt sont identifiés et jugés incompatibles avec un dossier, la personne concernée ne sera pas chargée du dossier. Un groupe de contrôle interne gère la procédure. Les conflits d’intérêt ont été gradués, sont considérés produit par produit, et sont évalués en fonction de l’importance de l’engagement de l’expert dans l’évaluation du dossier. Pour les rapporteurs, le conflit d’intérêt n’est pas accepté.
Pour assurer la transparence, l’Agence essaie de trouver des critères communs aux différents pays européens, ce qui est une tâche difficile, du fait des différences culturelles.
III. AU NIVEAU NATIONAL : LE MAINTIEN DE POLITIQUES DIFFÉRENTES
A. LE CAS DE LA GRANDE BRETAGNE
• 1. La réponse à la pandémie a résulté de travaux antérieurs
La réflexion sur la pandémie a débuté en 1997. Elle a conduit à la rédaction de plans dont le dernier date de 2007.
Ce plan, établi pour le H5N1, contient des dispositions sanitaires mais aussi économiques. Il prévoit le pire, aussi raisonnablement que possible.
Il complète ce qui est prévu par le Civil Contingencies Act (loi sur l’état d’urgence) de 2004 qui définit les mesures à prendre en cas de crise. Cette loi donnait notamment la possibilité au gouvernement de rendre la vaccination obligatoire, ce qui n’a pas été fait.
Selon ce plan, des stocks importants d’antiviraux avaient été constitués, l’objectif étant de protéger 50 % de la population.
Les décisions ont été prises de la meilleure manière en fonction de l’information disponible. Les décideurs avaient à leur disposition des plans préparés pour le H5N1, virus extrêmement dangereux. Fin avril, on ne savait pas quelle serait la dangerosité du H1N1.
Ce plan a été comparé avec les plans des autres pays par une chercheuse française travaillant en Angleterre, à l’Ecole d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, Mme Sandra Mounier-Jacques.
• 2. De nombreuses relations ont été établies avec l’OMS
Le Royaume Uni est l’un des 193 membres de l’OMS qui compte beaucoup d’experts britanniques.
Des règles spécifiques ont été appliquées lors de cette pandémie, dont certaines n’avaient été définies qu’un an auparavant. C’était le cas du Règlement Sanitaire International. L’OMS avait un plan pandémie, repris par plusieurs Etats. Le Royaume Uni avait pour sa part un plan pré-pandémie ayant fait l’objet de beaucoup de répétitions. Il était prêt.
Les britanniques considèrent qu’il était utile de recevoir de l’OMS des informations sur la nature exacte du virus, sur son mode de diffusion, car les informations venant du Mexique étaient confuses. Les responsables ont discuté ensemble, comme les experts le faisaient.
Il fallait comprendre quand l’OMS allait déclarer que l’on avait atteint le niveau 6 de pandémie, car cette déclaration allait déclencher la mise en œuvre des contrats avec les laboratoires pharmaceutiques.
Il y avait une définition de la pandémie préexistante. Cette définition aurait pu s’appliquer avec peu de cas, mais répartis en plusieurs endroits du monde.
L’OMS a eu conscience de sa crédibilité, en attendant le mois de juin pour parler de pandémie. Le moment où la pandémie a été déclarée a été mûrement réfléchi, la Directrice générale ayant attendu qu’il y ait un nombre de cas suffisant pour se prononcer.
Faut-il changer la définition ? Les autorités rencontrées répondent : Sans doute. On atteint trop vite le stade maximum. Si l’on veut introduire une notion de sévérité, ce n’est pas si simple, puisque la gravité de la maladie peut aussi dépendre de l’état de santé de divers groupes de personnes (tels les diabétiques). Comment tient-on alors compte des différences pouvant exister de par le monde ?
Au début, le problème principal pour l’OMS était de savoir s’il y aurait une capacité suffisante de production de vaccins dans le monde, et comment les pays pauvres pourraient en disposer. Dans un deuxième temps, il est vrai, on s’est aperçu que le virus était moins dangereux que prévu.
Quand l’OMS est passé au niveau 6, le Royaume Uni a actionné ses accords avec GSK et Baxter. Le Royaume Uni a demandé aux Etats-Unis de lui transmettre les informations dont ils disposaient, puisqu’ils étaient plus avancés, même si les Américains n’avaient que des informations partielles, puisqu’ils n’avaient pas testé toutes les personnes infectées.
• Les conflits d’intérêt éventuels ont fait l’objet de déclarations.
Au début de la pandémie, le SAGE (Scientific Advisory Group for Emergencies) a été formé à partir d’un comité d’experts préexistants chargés du plan pandémie, le SPI (Scientific Pandemic Influenza). Ses membres ont déclaré leurs intérêts. Son président a été choisi suite à une annonce, par une commission indépendante de nomination qui a une vocation générale.
Par ailleurs le CEAPI (Committee on the ethical aspects of pandemic influenza) a défini le cadre éthique utilisé lors de la préparation des décisions.
Le ESWI (European Scientific Working group on Influenza) a été chargé d’informer le public sur la grippe. Le fait qu’il soit financé par l’industrie pharmaceutique ne gêne pas les décideurs qui considèrent que personne ne peut se prétendre complètement indépendant, que seuls les universitaires les moins qualifiés n’ont aucun lien avec l’industrie, et que de tels liens n’empêchent pas un jugement scientifique.
• 3. Les autorités se sont interrogées très vite sur la fiabilité des statistiques disponibles au moment d’appréhender l’ampleur de la pandémie.
L’évaluation de la situation donne lieu, encore aujourd’hui à de nombreuses questions. Elle a souvent conduit à des remises en question des prévisions.
La première de ces questions tient à l’insuffisance des informations disponibles, ce qui est particulièrement vrai lors du démarrage de la pandémie et au moment des commandes de vaccin.
Les autorités ont essayé de savoir combien de personnes pouvaient être infectées par un malade. Elles ont trouvé que c’était entre une et deux personnes. Il ne suffisait alors qu’une à deux semaines pour que le nombre de personnes infectées double, ce qui fut le cas en juillet-août. A ce moment là, les statistiques provenaient de déclarations à des médecins généralistes, et non de tests.
Il y avait en mai et juin des statistiques très insuffisantes sur la mortalité et le nombre de personnes hospitalisées. Il y avait quelques éléments provenant du Mexique, de certains endroits des Etats Unis, qui ont été croisés avec les informations disponibles au Royaume-Uni. Il en est résulté que les personnes de plus de cinquante ans étaient moins susceptibles d’être malades que les plus jeunes. Certains étaient donc immunisés. Mais parallèlement, une personne âgée ayant contracté cette maladie avait une probabilité plus élevée de mourir.
Au début de l’été, on a pu observer ce qui était dû à l’ouverture des écoles (les écoles ferment à des dates différentes en Ecosse et en Angleterre). Fin août, on a su que peu de personnes étaient malades alors qu’elles avaient été exposées au virus. Sur la base d’une étude faite à Eton, on s’est aperçu que pour une personne s’étant déclarée, 8 avaient en fait été touchées. On a pu ainsi évaluer la transmission probable du virus dans la population, et l’état des immunités. Mais les vaccins avaient déjà été commandés.
• Le Tamiflu a été largement utilisé, tant pour soigner les personnes infectées que de manière préventive.
Le premier cas est apparu le 26 avril 2009. Puis le virus s’est diffusé rapidement. Dans un premier temps, les personnes infectées et leurs proches ont été traités par des antiviraux, fournis gratuitement. Les malades ont été testés. En tout 15 000 à 20 000 tests ont été faits. Mais avec l’augmentation des cas, cela n’a plus été possible.
Dans le cadre d’un système médical centralisé, les décideurs se sont posé la question centrale de l’utilisation préventive du Tamiflu. On disposait déjà d’études qui avaient montré l’utilité du stockage des antiviraux. La décision prise l’a été sur le conseil de scientifiques et d’universitaires, pas sur pression des laboratoires pharmaceutiques. Au départ, 50 millions de doses avaient été prévues, ce nombre passant à 90 millions au vu de la situation au Mexique.
Les autorités sanitaires se sont demandées s’il fallait donner automatiquement un antiviral aux personnes qui le demandaient. Elles ont alors décidé de ne cibler que les groupes à risque (jeune enfant, ou asthmatique par exemple), puis de passer à un système automatique basés sur des appels téléphoniques.
De manière plus précise, il a été décidé, début juillet, de ne plus donner d’antiviraux dans un but prophylactique, mais de les utiliser en traitement curatif pour les patients à risque, car les statisticiens avaient anticipé une augmentation rapide de la pandémie.
A partir de fin juillet, les antiviraux ont été distribués en utilisant téléphone et Internet. En Angleterre, les personnes pouvaient téléphoner pour que leurs symptômes puissent être évalués. En cas de réponse positive, le patient recevait des médicaments gratuitement, un proche pouvant aller chercher le médicament grâce au code qui était alors attribué. Le personnel des centres téléphoniques suivait une procédure de questions préétablie et n’avait pas besoin d’être médecin. Les questions, établies avec des experts professionnels, portaient notamment sur la présence de fièvre, de courbatures, de toux, ou d’écoulements. L’objectif était de protéger les médecins de l’infection.
Ces questions ont été établies en estimant que les symptômes de la grippe pandémique étaient proches de ceux de la grippe saisonnière (avec peut-être un peu plus de vomissements).
2.700 000 personnes ont appelé ces centres de fin juillet au 11 février. Si le patient avait des symptômes de grippe, quelle qu’elle soit, saisonnière ou pandémique, il recevait une prescription.
Les généralistes étaient d’accord pour que l’on mette en place des systèmes alternatifs en cas de pandémie. Quand elle a commencé, Londres et Birmingham ont été débordés. C’est à ce moment que les call centers ont commencé à conseiller et à donner accès au traitement sans intervention d’un médecin. On s’est aperçu qu’il y a eu très peu d’erreurs.
L’apparition de résistances au Tamiflu n’a pas fait l’objet de craintes. Les autorités ont estimé que la probabilité qu’elles surviennent était faible, étant donné le nombre de personnes concernées. Elles ont remarqué que les mutations observées restaient très isolées.
Selon le POST, du 2 juillet 2009 au 12 janvier 2010, 1 748 866 personnes ont reçu du Tamiflu après avoir appelé un centre d’appel.
Les professions de la santé ont été réticentes à se faire vacciner. Le chiffre constaté de 40 % est considéré comme insuffisant si l’on veut protéger l’ensemble de la population. Pourtant, avant la pandémie, 80 à 90 % des membres de ces professions déclaraient vouloir se faire vacciner en cas de pandémie.
• 4. Les masques n’ont pas été préconisés
Ils ne l’ont été que pour le personnel des hôpitaux, car il n’y avait pas de preuve de leur efficacité pour les personnes en bonne santé. Les mesures barrière se sont limitées à conseiller le lavage des mains. Des prospectus ont été distribués dans les boîtes aux lettres. Ces conseils ont été également mis sur Internet et ont fait l’objet de publicité dans le métro.
• 5. Les contrats, restés confidentiels, pouvaient être annulés ou renégociés
Le ministère de la Santé avait conclu des contrats dormants avec Baxter pour 72 millions de doses de vaccin pandémique, et avec GSK pour 60 millions, sur la base de deux doses nécessaires. Cela ne signifie pas que toutes ces doses devaient être utilisées au Royaume Uni. Les premières doses devaient être partagées entre tous les pays ayant conclu ce style de contrat dormant. Dès le départ, il était prévu qu’il faudrait douze mois au Royaume Uni pour obtenir toutes les doses qu’il avait ainsi commandées. Le montant de ces contrats est resté confidentiel.
Ils permettaient en Grande Bretagne d’acheter les vaccins pour 100 % de la population à partir du moment où l’OMS déclarerait le niveau 6. Les commandes avaient été faites pour deux doses pour toute la population. Par la suite, le Royaume Uni a suivi la préconisation de l’EMEA de n’utiliser qu’une dose.
Ces contrats ont été rédigés en faisant référence à la décision de l’OMS de passer à la phase 6 de son plan, sans prendre en compte un quelconque critère de gravité de l’infection. Du reste, la définition de la pandémie par l’OMS repose sur une base purement géographique, et ne tient nullement compte de la gravité de la situation.
Quand on s’est aperçu que la pandémie était moins grave, le contrat avec Baxter a été annulé (cela avait été prévu). Il a été renégocié avec GSK (il n’y avait pas de clause de renégociation). Cela a permis de limiter à 34,8 millions de doses le nombre de vaccins devant être livrés par GSK, ce qui correspond à ce qui avait déjà été produit.
Seulement 5 à 6 millions de personnes ont été vaccinées. Il reste donc des vaccins, qui seront utilisés soit pour des dons aux pays en développement, soit pour constituer des réserves, ce que souhaite le ministère.
Ces contrats n’ont pas été rendus publics, malgré quelques questions des journalistes. De manière générale, il n’y a eu ni scandale, ni controverse sur le montant des commandes effectuées et sur le coût de la politique mise en œuvre.
• 6. La vaccination a été faite par les médecins généralistes, en privilégiant les personnes à risque
Les objectifs poursuivis par la vaccination ont été fixés à partir de plusieurs critères : la structure de la population, le taux d’atteinte des enfants, le taux de séropositivité, le nombre des infections secondaires (c'est-à-dire provoquées par contagion), de la naïveté immunologique de fractions de la population.
Deux questions se sont posées : L’objectif de couvrir 100 % de couverture de la population n’était-il pas trop élevé ? A quoi sert la vaccination : à protéger les autres, ou à se protéger d’abord soi-même, afin de pouvoir ensuite protéger les autres ? La tradition, en Angleterre est de penser d’abord à se protéger soi-même, contrairement à l’attitude observée aux Etats Unis.
Les autorités ont décidé de focaliser la vaccination sur les personnes à risque et les personnels médicaux. Elles ont commencé le 1er octobre à administrer le vaccin de GSK, puis le 7 octobre celui de Baxter. On avait prédit fin septembre qu’il n’y aurait pas d’augmentation considérable pendant l’automne. On a alors prédit que le pic de l’épidémie aurait lieu fin octobre, ce qui s’est passé. Les prévisions de mortalité ont pu être révisées à la baisse. Des informations très utiles ont été reçues d’Australie.
Ces décisions ont été prises sur la base de conseils du comité scientifique. Sur la vaccination, la question s’est posée de savoir si elle allait freiner l’épidémie, si elle allait protéger les personnes sensibles, et si elle devait se faire selon une ou deux doses. Le comité a présenté les effets qui découleraient de la commande de tel ou tel volume de vaccins. Les scientifiques ont dit : Si l’on veut freiner la propagation de l’épidémie, il faut commander un certain nombre de vaccins. Si on veut diminuer le nombre de cas mortels, voilà ce qu’il faut faire. La décision a été prise en fonction du risque que le ministre était prêt à prendre. Puis il y a eu le problème des délais de livraison. C’est pour cela qu’il a été décidé de se concentrer sur les groupes les plus vulnérables.
Un accord a été passé avec les généralistes pour vacciner en priorité les personnes à haut risque et les personnels de santé. Il n’y a pas eu de centres de vaccination.
Les vaccins ont été distribués dans les hôpitaux et aux médecins généralistes par le ministère de la Santé. Les hôpitaux ont reçu leurs premiers vaccins le 21 octobre. Les généralistes ont reçu le vaccin par 500 doses en conditionnement de 10 doses auxquelles il fallait ajouter des adjuvants. Il a été procédé comme pour les autres vaccinations, qui se passent toujours chez le médecin.
Les médecins ont prévenu leurs patients à risque. Ils ont aussi vacciné les personnes considérées comme prioritaires, selon les critères définis par le ministère de la santé.
• 7. L’évaluation de la politique de lutte contre le virus est sereine
70 enfants et 400 adultes sont morts en Angleterre à cause de ce virus pandémique. Cela justifie amplement la vaccination.
La plupart des pays ont commandé les vaccins sur la base de deux doses, ce qui a entraîné un surplus de vaccins disponibles le jour où l’on s’est aperçu qu’une seule dose suffirait.
En Angleterre le vaccin n’est arrivé qu’au milieu de la pandémie. Mais le virus va revenir.
On estime qu’environ 40 % des personnes invitées à se faire vacciner en Angleterre y ont répondu. Le pourcentage est plus élevé en Ecosse. Le personnel de santé s’est davantage fait vacciner que lors des grippes saisonnières.
Pour l’hiver prochain, la même politique sera menée, en ajoutant toutefois les femmes enceintes à la liste des personnes prioritaires.
Le Gouvernement a accepté la responsabilité en cas d’effets indésirables.
L’efficacité du vaccin est estimée à 70 %.
Les écoles qui auraient pu refuser l’admission d’un enfant malade ne l’ont pas fait. Très peu d’entre elles ont été fermées.
Les lobbys anti-vaccins ont eu une certaine influence. La politique de communication du ministère sur Internet a comporté des informations particulières pour certains groupes : les toxicomanes, les malades du Sida ou souffrant d’immunodépressions, les demandeurs d’asile.
On a été dans une situation inhabituelle. D’habitude, on ne vaccine pas les enfants, et les groupes prioritaires sont différents. Dans le cas des pneumocoques et de risques de surinfection, on a été devant une situation difficile, car on ne connaissait pas l’efficacité des vaccins pour les personnes âgées.
Beaucoup de britanniques se sont inquiétés du développement des « flu parties », soirées où certains parents envoyaient leurs enfants pour qu’ils puissent être contaminés par des formes bénignes de H1N1 pour développer une immunité. Les media s’en étaient fait l’écho.
• 8. Les résultats découlant d’une étude faite sur une cohorte remettent aujourd’hui en cause les évaluations habituellement faites de la pandémie
Sous l’impulsion du Docteur Andrew Hayward, qui enseigne au University College, London, le Medical Research Center du General Practice Research Framework a constitué une cohorte comprenant environ 4000 personnes, en coopération avec 200 médecins généralistes dans l’ensemble de l’Angleterre.
Il a remarqué que pendant la phase d’été de la pandémie, il y avait eu moins de cas que lors des saisons hivernales pour la grippe saisonnière ; et que pendant la phase d’hiver, il y avait eu plus de maladies semblables à la grippe que pendant l’été, mais toujours moins de malades que l’année précédente. Ces résultats de la recherche ne correspondent pas à ce que l’on pourrait penser d’une pandémie. Cela suggère que le virus n’est pas très pathogène, qu’il ne cause pas de maladie si facilement.
Il apparaît par ailleurs que seulement 20 % des personnes atteintes ont consulté leurs médecins généralistes, ce qui fausse les statistiques de surveillance. Seulement 10 % des cas confirmés ont appelé un centre d’appels.
La plupart des personnes infectées ont eu recours à l’automédication.
Les conclusions qui en découlent sont multiples : la veille et la surveillance sanitaires ont tendance à sous-estimer l’importance de la pandémie. Beaucoup par ailleurs n’ont présenté que des symptômes mineurs. Comme beaucoup de personnes ont la grippe sans consulter, on a pu surestimer la proportion de cas mortels du fait du virus. Enfin, les comportements sont différents de ce qu’on pouvait prévoir : la plupart des gens ne consultent pas en période de pandémie ; un nombre important de personnes ne prennent pas d’antiviraux.
• 9. Le Parlement a participé au suivi de la politique mise en place et à l’évaluation de son efficacité
Le POST (Parliamentary Office of Science and Technology) a fait une brève note sur les aspects techniques de la production des vaccins. La commission de la science et de la technologie de la Chambre des Lords a fait un rapport sur la grippe pandémique en juillet 2009. Les Lords ont notamment analysé le plan pandémie. La bibliothèque de la Chambre des communes a publié une note sur le même thème en octobre 2009 et une note sur la vaccination en février 2010.
Un très grand nombre de questions ont été posées par les députés, dans des domaines très différents : les structures de lutte, la surveillance, la sécurité des vaccins, la qualité des prévisions et de l’épidémiologie, l’accès aux traitements et aux vaccins, la transmission entre espèces, les contrats avec l’industrie et l’influence des campagnes d’information.
Plusieurs critiques ont été faites par les parlementaires ou par les media. Elles ont porté sur les retards dans la mise en place des centres d’appel ; sur l’insuffisance de l’information transmise aux médecins de famille ; sur les réactions qu’il faudrait avoir en cas d’apparition de résistances aux antiviraux ; sur la distribution automatique d’antiviraux aux personnels de santé (ce qui n’a pas été fait) ; sur l’insuffisance de la réflexion sur ce qui se passerait en cas de débordement des hôpitaux.
• 10. La recherche est vivante
Divers efforts de coordination de la recherche sont faits en Angleterre, sous l’égide du Welcome Trust. Cet effort porte sur les personnes hospitalisées, mais aussi sur les porcs et l’impact de cette recherche sur la recherche en santé humaine.
Les britanniques estiment qu’il faudrait lancer un grand programme de recherche pour élaborer un vaccin à large spectre. Il faudrait trouver un vaccin protégeant la population pendant plusieurs années. Ce n’est pas impossible car on a déjà plusieurs années d’expérience en matière de production d’un vaccin contre la grippe, alors qu’on n’a pas encore trouvé de vaccin contre le VIH ou le paludisme. Mais il est vrai que ce n’est pas l’intérêt des laboratoires qui vendent chaque année des vaccins spécifiques.
Les études sérologiques sont considérées comme intéressantes pour savoir combien de personnes ont été infectées, ou combien ont été protégées. Cela permet aussi de savoir quel est le niveau de protection de la population. Elles permettront enfin d’approfondir les connaissances scientifiques
I. 1. Un plan pandémique débattu au Parlement
La Suède, comme la France, a élaboré un plan pandémique national. Complémentaire du plan interpandémique et du plan anti-grippe aviaire, il fixe deux stratégies : l’une pour les antiviraux, l’autre pour les vaccins. Il se décline au niveau régional, car l’étendue géographique du pays est source de situations très différentes selon les régions. Les plans régionaux sont mis en application par des médecins au niveau des comtés.
Le plan national a été débattu au Parlement. Il résulte de demandes des responsables politiques à la suite de la grippe aviaire en 2005-2006. Le Parlement a alors demandé d’établir un plan pandémie, de prévoir d’avoir suffisamment de vaccins pour protéger toute la population, et de mettre en place un stock national d’antiviraux.
Comme il n’y a pas de site de production de vaccins dans les pays nordiques, un contrat a été signé en novembre 2007 avec GSK pour un vaccin prototype H5N1. Ce contrat garantissait 18 millions de doses qui devaient être produites dès lors que l’OMS prononcerait la phase 6 de son plan pandémie. Les vaccins devaient commencer à être disponibles sous trois mois.
Comme on craignait alors une pénurie de vaccin, le choix s’est porté sur un vaccin adjuvanté en cas de pandémie, contrairement au vaccin saisonnier qui est non adjuvanté.
II. 2. Une vaccination précoce par rapport aux autres pays européens
Les autorités se sont basées sur une modélisation faite par l’Université de Stockholm. Il en découlait qu’il fallait gagner du temps, minimiser les dommages potentiels, diminuer l’intensité de l’attaque grippale et retarder l’apparition des premiers cas.
La surveillance de la grippe a reposé sur plusieurs systèmes :
- l’utilisation du téléphone, la personne inquiète demandant ce qu’elle doit faire. On estime sur cette base que 5 % de la population a été atteinte, soit 500 000 personnes ;
- l’intervention d’un laboratoire, ce qui a permis de confirmer 11 000 cas ;
- l’observation du nombre d’hospitalisations (1452 personnes) ou du nombre de cas nécessitant l’usage de respirateurs (ceux-ci ont été utilisés moins qu’en Australie ou qu’en Nouvelle Zélande) ;
- le travail de l’Institut suédois pour le contrôle des maladies infectieuses qui a le seul laboratoire P4 du pays et dispose d’une unité pour le renseignement épidémiologique, d’une unité pour la résistance antimicrobienne et les infections nosocomiales ainsi que d’une sous unité pour les bactéries et les virus. Cet institut, dont le directeur général est nommé par le gouvernement, est actuellement en cours de réorganisation.
La vaccination a débuté le 12 octobre 2009. L’AMM européenne a été donnée fin octobre, mais la Suède n’a pas attendu la décision européenne, contrairement à la France.
Par comparaison, selon les données suédoises, la vaccination a débuté en France le 20 octobre, en Grande Bretagne le 21 octobre, en Norvège le 23 octobre, en Allemagne le 26 octobre, en Belgique le 7 novembre, en Grèce le 10 novembre.
III. 3. Un taux élevé de vaccination
La Suède a prévu des vaccins pour tous les citoyens (contre seulement 25 % pour le Danemark). La couverture vaccinale constatée a été de 65 %. Toutefois, elle n’a été que de 35 % chez les jeunes. Elle a par contre été de 85 % pour les femmes enceintes, du fait de la confiance envers les centres de consultation prénatale.
Les priorités de vaccination ont été classiques. La définition des groupes à risque a résulté d’une réflexion sur les informations collectées dans l’hémisphère Sud. Les femmes enceintes et les travailleurs de la santé ont été les premiers concernés. Il était dès le départ admis que ces groupes pourraient changer. On pensait alors qu’il faudrait deux doses, mais on ne savait pas si les enfants de moins de trois mois devaient être vaccinés.
Un seul vaccin a été utilisé : le Pandemrix adjuvanté, présenté en multidoses de dix. Chaque dose a coûté 7 euros (9,2 couronnes).
La vaccination s’est déroulée alors que les mathématiciens avaient dit qu’il ne servait à rien de fermer les écoles et de définir des catégories de personnes prioritaires. Il fallait mieux vacciner le plus grand nombre de personnes dans le temps le plus court. C’est ce qui a été fait. Le débat sur la vaccination s’est notamment focalisé sur les allergies aux œufs.
Le vaccin a été gratuit (comme pour le vaccin saisonnier pour les personnes à risque).
A l’issue de la pandémie, il y a un surplus théorique d’environ 8 millions de doses (certains enfants ont eu deux doses). Un accord a été signé avec GSK en janvier pour arrêter la production après 10 millions de doses. Mais la négociation continue. Que faire de ces doses excédentaires ? La réponse n’est pas simple, car ce n’est pas l’Etat qui possède les doses et peut décider de les donner, par exemple, à l’OMS.
Un outil original de communication sur Facebook a été inventé : les internautes pouvant envoyer à leurs amis un badge portant la mention « Non à la grippe porcine ».
Les mesures barrière ont eu pour effet d’améliorer le lavage des mains, ce qui a entraîné moins d’absence dans les jardins d’enfant et réduit le nombre des maladies nosocomiales.
IV. 4. Un système décentralisé
Ce n’est pas le Gouvernement suédois qui a signé le contrat avec GSK, mais les 21 régions, qu’on appelle comtés. Ce sont les comtés qui possèdent les vaccins. Les documents préparés au niveau national sont éventuellement modifiés au niveau régional.
Il y a eu une grande flexibilité dans le cadre d’un système très décentralisé. L’Etat a fait le choix de ne pas imposer de règles, même s’il en garde la possibilité. Tout a donc été fait sur une base volontaire dans un pays où la population a confiance dans l’Etat.
Les résultats obtenus sont différents selon les régions : il apparaît que la grippe a commencé au Nord, sans que le vaccin soit alors disponible, et a mis trois semaines à arriver au Sud.
Dans certains comtés, les médecins généralistes (qui habituellement ne vaccinent pas) n’ont pas été impliqués. Dans certains endroits à faible densité, des centres de vaccination ont été mis en place avec des infirmières spécialisées ayant le droit de vacciner de manière indépendante, ou avec des infirmières en présence d’un médecin.
Pour la grippe saisonnière, les personnes qui veulent se faire vacciner doivent parfois payer 12 euros. Dans certains comtés, le médecin est payé par acte vaccinal. Parfois, leur intervention est considérée comme une partie de leur travail de prévention (les médecins reçoivent une subvention en fonction du nombre de leurs patients). Mais il n’y a pas de lien entre le nombre de personnes vaccinées et le système de paiement.
A Stockholm, il y a eu différents systèmes de vaccination : en cliniques privées, ou en hôpitaux publics ; parfois dans des cabinets, parfois par le médecin lui-même, éventuellement par une infirmière employée.
Personne ne sachant combien de doses seraient disponibles la semaine suivante, le médecin responsable dans chaque région avait donc un rôle important.
c. C. BRÈVE ÉTUDE DU CAS DE L’ALLEMAGNE
Vos rapporteurs ne s’étant pas rendus en Allemagne, cette étude résulte de la consultation de divers documents.
4. 1. Répartition des compétences entre la Fédération –le Bund– et les Länder
La répartition des compétences entre l’Etat fédéral et les Länder concernant d’une pandémie de grippe est réglée par la Loi fondamentale. La pandémie de grippe aviaire, survenue en 2005, a jeté les bases d’une répartition des compétences entre le niveau fédéral (Bund) et les Länder.
En créant le RKI (Robert Koch Institut) le Bund a utilisé sa compétence législative en fondant cette instance de surveillance. Le RKI a une fonction purement consultative pour le gouvernement fédéral et les Länder. Il revient aux Länder de prendre toutes les décisions concernant la mise en oeuvre de conseils du plan qu’il a proposé.
Un plan pandémique a été établi au niveau fédéral. Sa mise en œuvre relève de la compétence des Länder. Il y a donc 16 plans de pandémie différents au niveau des Länder. Cependant la mise en pratique de 16 plans s’avère quasiment identique.
Les Länder ont une compétence générale de gestion de la campagne de vaccination selon leurs plans pandémiques respectifs. D’après le principe de la subsidiarité, les centres de santé (Gesundheitszentren) et les services du maintien de l’ordre public (Ordnungsämter) dans les arrondissements ruraux servent d’administration subsidiaire.
Concrètement, les ministères de la santé des Länder sont en charge de :
- la mise en place d’un plan de vaccination ;
- la mise à disposition de moyens financiers supplémentaires en cas de pandémie ;
- la formation du personnel médical au niveau du Land ;
- la coordination du personnel d’intervention ;
- la mise à disposition de stations de quarantaine pour les infectés ;
- la mise à disposition de vaccins et l’encadrement de la distribution ;
- si besoin, de la fermeture des établissements publics (écoles, hôpitaux, musées) ;
- si besoin, de la protection de l’approvisionnement d’urgence au niveau des communes.
5. 2. La mise en œuvre pratique de la vaccination
Selon les indications du RKI, il était initialement préconisé de vacciner 30% de la population avec deux doses. Par la suite, les préconisations ont changé et il a été prévu de vacciner 60% de la population avec une dose.
Le mode de vaccination choisi a été le mode classique chez le médecin généraliste, et non une vaccination de masse.
Dans un premier temps, les patients devaient consulter la liste des médecins référents sur Internet. Ils devaient prendre rendez-vous chez le médecin afin que celui-ci soit certain d’avoir au moins cinq personnes à vacciner pour ouvrir un lot (les vaccins étaient livrés en lots de dix doses).
Dans certains Länder, seules les personnes prioritaires ont pu se faire vacciner, à savoir les personnes atteintes de maladie chronique, les femmes enceintes et le personnel médical.
En Allemagne, contrairement à la France et au Canada, il y a eu très peu de communication autour de la campagne de vaccination contre la grippe A. Cela explique en partie que début décembre, le nombre de personnes vaccinées en Allemagne n’était que de 5% de la population.
Cette situation n’a été en rien améliorée par la révélation qui a eu lieu fin octobre 2010 outre-Rhin. En effet, on apprenait que les citoyens recevaient le vaccin Pandemrix fabriqué par le laboratoire GlaxoSmithKline, celui dont 170 000 lots ont été rappelés au Canada suite au nombre important de réactions allergiques, alors même que les responsables politiques, le personnel de l’Etat et l’armée recevaient le vaccin Celvapan produit par Baxter.
Cette étude a été rédigée à partir d’articles de presse et d’éléments fournis par les services de l’ambassade de France au Canada.
Le Canada est l’un des pays où la virulence du virus H1N1 fut la plus élevée. Il y a eu près de 200 décès au 17 novembre 2009 selon un article du Monde daté du 24.11.2009.
La gestion de cette grippe a, comme en France, fait l’objet d’une préparation importante en prévision d’une pandémie possible. La preuve en est fournie par la densité des informations disponibles sur le site de l’agence de la santé publique du Canada (ASPC).
Le Canada a mis en place un plan de lutte contre la pandémie d’influenza, d’inspiration beaucoup plus civile que le plan français qui paraît plus martial.
Il comprend des aspects pratiques. Il pousse par exemple les citoyens à en discuter en famille et dans leur cercle proche pour déterminer qui s’occuperait de qui en cas de maladie.
- 1. Une approche participative dans la gestion de la pandémie
Dès le début de la saison grippale, l’ASPC a associé les professions médicales à sa politique de prévention et de lutte contre la grippe. En avril 2009, elle a mis à disposition des travailleurs de santé des directives relatives à la lutte contre la grippe.
Ce plan est beaucoup moins vertical que le plan français dans le sens où il insiste sur le rôle que chaque citoyen doit jouer. Il évoque d’une part la notion de solidarité que l’on retrouve dans toute la trame du plan pandémie grippale 2007, et d’autre part ce que chacun peut faire. Il précise ainsi qu’il « importe que chacun connaisse le rôle qu’il peut jouer pour aider à minimiser l’effet de la pandémie sur la société ». Le site de l’ASPC explique par exemple qu’une personne qui a contracté la grippe est immunisée et est d’autant plus à même d’aller aider des malades sans risque de nouvelle contagion.
Au-delà de l’implication individuelle exaltée par le plan canadien, l’Etat joue aussi son rôle de garant de la santé publique tout en prenant en compte la structure fédérale du pays.
- 2. La mise en place de la vaccination et les freins constatés
En août 2009, l’ASPC a annoncé la commande de 50,4 millions de doses de vaccins pour environ 34 millions d’habitants. Le coût de cet achat était de 403,2 millions de dollars canadiens (environ 305,5 millions d’euros).
Alors que l’immunisation de la population est une compétence relevant des provinces, les circonstances exceptionnelles dues à la grippe A justifient que 60% du coût d’achat de ces vaccins soit supporté par le gouvernement du Canada.
La vaccination choisie au Canada est la même qu’en France, une vaccination de masse.
Au Québec, ce sont les 95 Centres de santé et de services sociaux qui ont géré la vaccination. Des bâtiments ont été réquisitionnés par les centres et gérés par les professionnels de santé, et en cas de besoin par des « vaccinateurs non professionnels ». Ces auxiliaires ont été formés.
La politique canadienne a en réalité été très proche de la politique française. Pour limiter la pandémie, le Canada a misé sur une vaccination de masse de la population. Deux doses étaient envisagées.
Selon une estimation basée sur un retour d’expérience, une infirmière vaccinait de 55 à 65 personnes par jour. L’objectif était de vacciner 2500 personnes par centre, pour 8 heures d’ouverture.
Le taux de vaccination a été très élevé, avec à la mi-novembre 6,6 millions de vaccinés soit un cinquième de la population, et fin décembre 2009, environ un tiers de la population, avec de grandes disparités par province. Au Québec, 57 % de la population était vaccinée le 12 février 2010.
Certaines personnes ont néanmoins été réticentes à se faire vacciner, du fait des révélations de l’OMS selon lesquelles il y avait eu au Canada un nombre inhabituel de réactions allergiques au vaccin, dont le cas malheureusement très médiatique d’une femme enceinte ayant perdu son enfant peu après sa vaccination.
Il faut bien sûr émettre toutes les réserves nécessaires car à ce jour aucun lien médicalement ou scientifiquement étayé ne vient établir de lien formel entre les deux événements, mais cela a sans nul doute contribué à la réticence quant à la vaccination.
Ces craintes ont été confortées par le retrait d’un lot de 170 000 de doses du vaccin Arepanrix du laboratoire GlaxoSmith Kline jugés « suspects ». Ce vaccin contenant un adjuvant, ce fut l’un des points d’achoppements entre les partisans et les adversaires de la vaccination.
- 3. Gestion concrète de la vaccination
Le guide pandémie d’influenza, qui sert de base à cette gestion, est très précis. Il va même jusqu’à prévoir quels critères doivent remplir les centres de vaccination qui doivent avoir des salles d’attente avec des chaises, un ou plusieurs photocopieurs, une cuisinette ou une cafétéria pour le personnel et des capacités de stationnement.
De même, le déroulement des vaccinations est très détaillé et chronométré, selon le passage dans diverses zones :
- une zone d’entrée, de vérification de l’admissibilité et de triage,
- une zone d’évaluation des symptômes,
- une zone d’attente et d’information générale (15 minutes, mais temps variable),
- une zone de réponse au questionnaire (15 minutes),
- une station d’inscription (2 minutes),
- une station de vérification du questionnaire (un peu plus de 1 minute),
- une zone d’évaluation/counselling,
- une station de vaccination (moins de 2 minutes),
- une station de surveillance des manifestations cliniques/conseils postvaccinaux/gestion des dossiers (15 minutes),
- une zone de premiers soins (temps variable),
- une zone de sortie.
Ce guide exhaustif est destiné aussi bien aux professionnels de santé qu’au personnel « vaccinateur non professionnel ».
Le plan pandémie a donc un aspect très pédagogique.
Il prévoit le personnel nécessaire et le rôle qu’il doit jouer, le tout avec une grande précision comme s’il avait été écrit à l’adresse d’une personne n’ayant aucune connaissance de la mise en œuvre organisationnelle et pratique d’une vaccination.
La question des stocks de vaccins disponibles n’est pas écartée par le plan qui prévoit deux cas de figure : si le vaccin n’est pas disponible pour tous, il est réservé aux personnes jugées prioritaires. Si les stocks sont disponibles en quantité suffisante pour vacciner toute la population sans distinction, des centres de vaccination de masse seront mis en place.
Les personnes considérées comme prioritaires sont les femmes enceintes, les enfants âgés de moins de 5 ans et en particulier les moins de 2 ans, les intervenants, leurs familles, les personnes âgées et celles qui en prennent soin, les personnes atteintes de maladies chroniques, les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, les professionnels de la santé.
Le plan met l’accent sur l’importance des ressources humaines. Toutes les volontés sont appelées à contribuer. Tout est préparé en amont, surtout pour les professionnels de santé. C’est pourquoi le plan donne la liste exhaustive des professionnels concernés qu’il faut mettre en alerte.
La lutte contre le H1N1 en Chine, déjà évoquée dans le rapport d’étape, a pu faire l’objet de débats plus précis avec les chinois, tant à Hong-Kong que dans la province du Guangdong et à Canton.
Le premier cas local est apparu le 10 juin 2009, quarante jours après le premier cas « importé ». Une quarantaine avait alors été instaurée dans l’hôtel où se trouvait la personne concernée qui était mexicaine. 300 personnes n’ont pas pu en sortir pendant une semaine.
Les autorités ont appliqué le plan pandémie de 2009 qui résultait de l’actualisation du plan de 2006 et de son assouplissement. L’objectif était de retarder la diffusion du virus. Le plan a été adapté en fonction de l’évolution de la situation. Un plan n’est en effet qu’une référence. Les autorités doivent tenir compte de la réaction de la population.
Les médecins privés ont prescrit le Tamiflu assez facilement ; Leur intervention était nécessaire. Certaines critiques sont apparues par rapport à son utilisation.
Au début, il n’y a pas eu de fermetures d’écoles. Puis, au cas par cas, il a été décidé de fermer une classe à partir de 3 cas dans cette classe. Quand deux cas apparaissaient dans deux classes différentes, l’école était alors fermée.
2000 tests ont été faits chaque jour pendant plus de deux mois à partir de prélèvements bucaux.
La vaccination a eu lieu en janvier.
Hong Kong n’a pas utilisé le vaccin chinois. 2 millions de doses de vaccins ont été achetées à Sanofi Pasteur, le Panenza sans adjuvant, pour un coût de 20 millions d’euros, suite à un appel d’offres (traditionnellement, on utilise seulement des vaccins sans adjuvant à Hong Kong). Les vaccins ont été commandés en dix doses. Il n’a pas été envisagé de vacciner l’ensemble de la population, mais seulement 5 groupes à risques (enfants, personnes atteintes d’infections respiratoires aigues, personnes âgées, professionnels de la volaille et professionnels de la santé, femmes enceintes) qui correspondent à 30 % de la population. Le vaccin a été administré en une ou deux doses, selon l’âge. 200 000 doses ont été consommées.
La vaccination s’est faite en clinique et en hôpital. Les médecins privés pouvaient aussi la pratiquer. Les professionnels en lien avec les animaux ont reçu une lettre. Les autres catégories sensibles ont été contactées par la radio.
Dans un contexte où la prévention fait partie de la culture locale (des exercices sont organisés touts les ans), et où la communication publique est considérée comme importante (6 personnes en sont chargées au Centre pour la Protection de la Santé), une partie du corps médical a pourtant été contre la vaccination, et seulement 10 % de la population s’est fait vacciner.
Aujourd’hui, les autorités de Hong Kong sont encore prudentes, et continuent de surveiller avec attention l’évolution du H1N1.
La pandémie est encore au niveau maximal, soit le niveau 3, pour encore quelques semaines, ce qui correspond à un seuil intermédiaire entre les niveaux 5 et 6 de l’OMS.
Le Professeur Peiris, du centre Pasteur/ Université de Hong Kong et découvreur mondial du SRAS, a réfléchi sur la pandémie tant à Hong-Kong qu’au niveau mondial : pour lui, la définition de la pandémie n’est pas scientifique, c’est un problème de communication. On pourrait diffuser un message sur les divers niveaux de gravité de la pandémie en cours, et établir une échelle de gravité. Il existe en effet des pandémies légères, modérées, ou graves.
Le problème est d’évaluer sa sévérité. On ne peut le faire que par des études sérologiques de masse, ce qui a été fait à Hong Kong, où plus de 10 000 échantillons de sang ont été étudiés, ce qui permet de connaître qui a eu la maladie, et donc la prévalence sur la population. C’est certes plus facile de le faire sur un territoire comme Hong Kong où la population est relativement homogène que dans des pays plus étendus ou plus diversifiés.
On s’est ainsi aperçu que 50 % des enfants d’âge scolaire avaient des anticorps H1N1 et qu’ils avaient été atteints par cette infection selon des formes diverses.
Le problème est la gestion du temps : De combien de temps un gouvernement dispose-t-il pour prendre une décision qui ne sera disponible que quelques mois plus tard ?
En tout état de cause, il faut-il rester vigilant et ne pas baisser la garde. Il faut éviter une sous estimation du risque la prochaine fois. Etre complaisant par rapport aux maladies infectieuses entraînerait une réduction des fonds consacrés à la recherche.
2. La situation dans la province de Guangdong et à Canton.
Le Centre de Contrôle et de Prévention des Maladies de la province de Guangdong (CDC) a joué un rôle majeur dans la gestion de la pandémie.
Antenne de l’OMS pour la surveillance, la recherche et la formation en matière de maladies infectieuses émergentes, ce CDC a développé des mécanismes de surveillance, de prévention et de contrôle. Il est particulièrement intéressé par les collaborations internationales, car les maladies sont sans frontière.
Il a pour fonctions le traitement d’urgence des pandémies ; l’analyse scientifique des virus ; la surveillance ; l’analyse des risques et la communication. Il prélève et étudie des échantillons, puis communique les informations trouvées à la presse. Il fait partie d’un réseau dont le centre national est à Pékin. Il coordonne lui-même l’action des 21 CDC locaux de la province de Guangdong.
Lors du H1N1, le centre a regroupé dès le 28 avril les autorités administratives concernées, puis a recherché les causes de la maladie et a travaillé sur la réponse clinique à lui apporter. Un plan de réponse d’urgence à la maladie a été rendu public dès le 1° mai. Un kit de traitement a été fourni aux hôpitaux à partir du 3 mai.
Le CDC remarque que le virus a été peu important jusqu’à fin mai. Jusqu’au 10 juillet, les seuls cas provenaient de l’extérieur. Il s’agissait alors de recueillir des informations. Puis, du 10 juillet au 1° septembre, des malades ont été identifiés dans la province. Du 1° septembre au 1° octobre, la recherche s’est développée, et des traitements en soins intensifs ont commencé. Quelques écoles ont été fermées. Les rencontres publiques ont été limitées. Du 1° octobre au 31 décembre, la pandémie s’est développée. Le pic est apparu fin novembre. A partir du 1° janvier, le centre est revenu à sa fonction traditionnelle de veille et de surveillance sanitaire.
9896 personnes ont été infectées en 2009 dans cette province qui a 100 millions d’habitants. 36 décès ont été constatés. Ces chiffres ont été communiqués à la population.
Des conférences de presse ont été organisées, ainsi que des rencontres avec des chercheurs et des présentations dans les écoles pour diffuser l’information sur la maladie. Des enquêtes téléphoniques ont permis d’adapter la politique de communication du centre.
La production nationale de vaccins a débuté en septembre. Dix sociétés produisent le même vaccin pour l’ensemble de la Chine. La vaccination est facultative. La personne vaccinée sera suivie sur le long terme.
La campagne de vaccination a été lancée le 10 septembre pour des personnels particuliers, notamment les personnes chargées de la sécurité et les professionnels de santé, les employés de la douane et des transports, les policiers, les personnels préparant les Jeux Olympiques et les enseignants. Dès le départ, une seule dose a été envisagée. La vaccination en masse s’est ensuite déroulée au fur et mesure de la montée en puissance de la production.
La vaccination se fait dans des centres dédiés où travaillent médecins et infirmiers.
5 500 000 vaccins ont été commandés dans la province. Mais pour le centre, le problème n’a pas été de commander les vaccins, mais de les obtenir et de les distribuer.
4 % de la population se fera vacciner. Le centre estime que les patients ayant des maladies chroniques, les femmes enceintes et les personnes en ayant eu besoin se sont fait vacciner. Il considère que la population a réagi de manière calme.
A Canton même, agglomération qui comprend douze districts, et 120 communes, la lutte contre le virus a été gérée localement, tandis que le CDC de la région a fait de la recherche. On y a observé 2500 cas de H1N1 en 2009 et 350 en 2010 jusqu’en avril. A partir de mars, la grippe saisonnière l’a emporté. Les centres de vaccination comportaient au moins un médecin, une infirmière, un ambulancier (la plupart d’entre eux s’occupent habituellement de vaccination).
Seuls Canton et Shenzhen ont eu des vaccinations massives ouvertes à tous. 7,5 % de la population et 30 % des élèves des écoles primaires se sont fait vacciner. Une enquête a montré en janvier que 26,8 % des habitants avaient des anticorps.
Sur l’ensemble de la Chine, 100 millions de personnes ont été vaccinées pour une population totale de 1 milliard 450 millions de chinois. On a recensé des cas suspects dans 87,6 cas sur 1000. Des formes sévères sont apparues avec une fréquence de 0,9 pour 100 000.
Pour le docteur ZHONG, du laboratoire national des maladies respiratoires de Canton et co-découvreur du virus du SRAS, il était justifié de faire une vaccination ciblée contre le virus A(H1N1), vu sa gravité relative. Une vaccination massive ne se justifie dans le futur que lorsqu’on connaîtra la différence entre les réactions des personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas. Dans le cas de la Chine, il faut tenir compte aussi de la capacité limitée et du coût de production de vaccins.
Il valait beaucoup mieux que le gouvernement fasse trop d’efforts que moins d’efforts, car on ne connaît pas encore le risque du H1N1.
Le docteur ZHONG se félicite par ailleurs du diagnostic précoce qui a été fait en Chine grâce à la détection de l’antigène de la neuraminidase. Ce diagnostic précoce conduisant à la gestion du risque, nouveau en Chine, est réalisé en étudiant l’histoire du patient, ses contacts éventuels avec la volaille ou ses voyages récents dans une zone infectée. Il conduit à la prescription du Tamiflu le plus rapidement possible. Si ce traitement n’est pas efficace, les sécrétions respiratoires sont analysées pour détecter les antigènes.
QUATRIEME PARTIE :
REFLEXIONS SUR LA REPONSE PUBLIQUE A LA PANDEMIE
Dans le cadre de la gestion de la pandémie, les pouvoirs publics ont été confrontés à quatre questions : Comment décider et piloter la crise ? Comment apprécier la gravité de la situation ? Comment gérer au mieux les risques encourus ? Comment obtenir l’adhésion de la population ?
Ces thèmes ont été largement abordés lors de l’audition publique organisée par l’OPECST le 14 juin 2010, sous le titre : « H1N1, et si c’était à refaire ? ». Les échanges qu’elle a permis complètent utilement les réflexions sur le pilotage de la crise déjà évoquées dans la deuxième partie de ce rapport.
I. COMMENT APPLIQUER LE PLAN PANDEMIE ?
Depuis le H5N1, les autorités sanitaires disposent d’un outil qui n’était pas totalement adapté à la gestion du virus H1N1, ce qui a entraîné un débat sur son utilité et sur sa modification éventuelle. Ce débat a été influencé par la rigidité de l’OMS sur la poursuite de la pandémie, qui pose de plus en plus la question de la définition de ce concept.
A. LE PLAN PANDEMIE GRIPPALE : UN OUTIL PREEXISTANT
Ce plan, dont la dernière version date du 20 février 2009, résulte de travaux démarrés en 2004 et qui ont été régulièrement actualisés, notamment le 9 janvier 2007. C’est un instrument évolutif, dont les mesures ne sont pas d’application automatique. Elles doivent être prises en fonction de chaque situation concrète rencontrée. Chacune d’entre elles « doit être examinée par la Cellule interministérielle de crise au niveau national au cas par cas en fonction de l’évolution de la situation ».
Il se fonde sur les travaux de l’OMS et le Règlement sanitaire international, ainsi que sur les progrès scientifiques ayant permis d’élaborer des vaccins prépandémiques.
Ce plan de prévention et de lutte a une vocation nationale. Il est donc plus détaillé et adapté à la structure administrative et sanitaire de notre pays. Il diffère aussi de celui de l’OMS sur un point majeur : la définition de la pandémie qui, dans le plan national, intègre un élément de gravité et de sévérité de la crise.
Son objectif est double : il poursuit des enjeux sanitaires (protéger la population contre les virus), mais s’attache aussi « à préserver la continuité de l’ensemble de la vie sociale et économique, dont le fonctionnement le plus normal possible est une condition permettant d’éviter ou de réduire les dommages causés par la pandémie ».
Afin de retarder l’apparition sur le territoire national et le développement d’un nouveau virus adapté à l’homme, le plan envisage de prendre des mesures de santé publique « précoces et d’emblée drastiques ».
Si les conséquences sanitaires de la pandémie sont limitées - ce qui fut le cas-, « l’objectif est d’assurer un fonctionnement du pays (administrations, entreprises…) le plus proche possible des conditions normales ». Par contre, « s’il apparaissait, dès son démarrage, que la pandémie fait de nombreuses victimes, la priorité de sauvegarde des vies humaines imposerait, dès que notre pays serait touché, une interruption temporaire des activités non essentielles des administrations et des entreprises pour limiter les contacts favorisant la contagion ».
Le plan est complété par un recueil de fiches techniques d’aide à la décision, particulièrement détaillées.
Ces fiches comportent les mesures à prendre dans sept situations : les trois premières sont relatives à la maladie animale ; les trois suivantes à la maladie humaine ; la dernière, à la fin de la vague pandémique ou à la fin de la pandémie. Il est ainsi prévu une gradation des réponses en fonction de la situation. L’entrée dans une phase peut ne pas avoir été précédée par les phases de degré inférieur.
Le plan, qui a vocation à être décliné par plusieurs institutions, est donc adapté à une gamme très large de situations, de la plus bénigne à la plus extrême.
Alors que l’OMS déclarait la phase 6 de son plan pandémie, la France en est restée à la phase 5 B, relative à l’extension géographique de la transmission interhumaine du virus, l’un des pays concernés étant la France.
Le plan français précise que la situation 5B « équivaut à un démarrage de la pandémie sur le territoire français et justifie l’examen des mêmes mesures que la situation pandémique ».
Les mesures envisagées dans cette phase sont considérables, ce qui explique probablement une partie des critiques adressées au plan qui a pu donner l’impression que les autorités dramatisaient trop la situation.Toutes ces mesures n’ont toutefois pas été prises, selon la logique même du plan qu’il aurait peut-être fallu davantage expliciter.
Ces mesures comportent notamment la fermeture des crèches ou des écoles, l’interruption ou la réduction de certains transports collectifs locaux, la suspension des activités collectives : spectacles, rencontres sportives, foires et salons, grands rassemblements. Elles concernent également le développement du travail à distance et des téléréunions, la mise en œuvre de dispositions relatives au chômage partiel, l’adaptation de la procédure pénale et du fonctionnement des juridictions.
La plupart de ces mesures n’ont pas été appliquées. Par contre, c’est dans cette phase qu’est prévue, ce qui fut fait, la mise en œuvre du plan de vaccination, dès que le vaccin pandémique est disponible.
B. UN TEL OUTIL DE PLANIFICATION EST-IL UTILE ?
Cet outil présente les atouts et les limites de tout effort de planification.
Pour les analystes des crises, toute planification a une utilité certaine, car elle crée un cadre de référence et une culture qui oblige de répondre « à froid » à des questions auxquelles les acteurs décisionnels n’auront pas le temps de réfléchir « à chaud » en temps de crise.
M. François Heisbourg qui, en 2005, a fait partie de des rédacteurs du livre blanc sur la position de la France face au terrorisme constate que le plan pandémie grippale est le seul plan national dont on dispose pour faire face à une crise de grande ampleur. Il souligne la nécessité de disposer d’un système robuste de planification de crise. Or en France les centres de crise des ministères de la santé et des affaires étrangères ont moins de dix ans, tandis que, jusqu’à ces dernières semaines, il n’y avait pas de centre national de gestion de crise.
Pour M. Dominique Tricard, inspecteur général des affaires sociales, l’avantage d’un plan est de fournir une base de réflexion méthodologique sur la façon dont on gère la situation. Il en est de même pour les plans de continuité définis par les entreprises qui les amènent à adopter des démarches globales.
Ce plan peut être perçu de diverses manières. Pour certains, il a été une check list. Pour d’autres, un instrument d’aide à la décision, avec des mesures qui ne sont pas obligatoires. C’est en fait plus que cela : Le plan repose sur une analyse des risques, leur évaluation, leur gestion et envisage une communication spécifique. Ses mesures ne sont pas obligatoires. Beaucoup des mesures prises pendant la crise s’y réfèrent, mais un certain nombre de ses dispositions n’ont pas été appliquées, car le contexte ne s’y prêtait pas. Un nombre très important de textes ont été publiés et éventuellement modifiés pour tenir compte de la réalité.
Dans la pratique, l’exercice de réflexion préalable a permis une mobilisation de nombreux acteurs. Comme l’a remarqué Mme Roselyne Bachelot, « c’est tout l’appareil d’Etat qui a été mobilisé, ainsi que les services déconcentrés, les médecins, les pharmaciens inspecteurs, les CIRE et les centres régionaux de pharmacovigilance, les établissements de santé, ceux qui ont participé à la campagne, de nombreux bénévoles et les experts ».
2. Des limites propres à ce type d’exercice
L’utilisation d’un tel outil de planification implique d’en connaître les limites, car il est nécessairement imparfait. La situation de crise est nécessairement différente de ce qui a été imaginé.
a) La crise ne remet-elle pas en cause tout plan préétabli ?
M. Patrick Lagadec, directeur de recherche à l’Ecole Polytechnique, a remarqué qu’en période de crise, « le contrôle tombe et les paradigmes ne fonctionnent plus. Or le paradigme conventionnel est un scénario pris comme référence. L’action est donc préparée dans le cadre d’un plan qu’on ne remet pas en cause. Ses modalités de déclenchement sont clarifiées par l’expertise. Les dirigeants, qui n’ont plus le temps de réfléchir, sont cantonnés dans le rôle d’en déclarer la mise en œuvre et de communiquer.
La crise se manifeste d’abord par la destruction des références classiques. Ce contexte d’ignorance rend nécessaire la qualification de l’évènement. Le problème n’est plus d’avoir les réponses, mais de savoir quelles questions poser. Les notions de preuves, de données, de modèles doivent être réinventées. Il faut être le pilote, et non l’esclave de ses outils.
Il faut donc pouvoir sortir d’un plan préétabli et entraîner « les pilotes » afin qu’ils soient capables d’intégrer des données peu fiables et incertaines. Il faut mettre en place des forces de réflexion rapide, en se demandant : De quoi s’agit-il ? Quels sont les pièges à éviter? Avec quels acteurs va-t-on jouer ? Comment intégrer la proximité ? Si vous deviez prendre une initiative, laquelle prendriez-vous ?
L’entraînement à l’écoute des acteurs de première ligne est essentiel, en adoptant une logique « bottom up », ce qui est peu fréquent dans notre culture. Si les citoyens ne se sentent pas entendus, ce qui est fréquent, ils pratiqueront alors le « bottom-bottom ».
Et M. Lagadec de demander : Comment piloter la prochaine crise, car la crise actuelle a fait deux victimes : l’OMS et notre système de santé publique. Que faire avec la société civile ? Comment faire, alors que ce qui sort du normal est considéré comme non scientifique ?
b) L’efficacité d’un tel plan ne repose-t-elle pas surtout sur la manière dont il est perçu et accepté par la population ?
M. François Heisbourg a insisté sur ce point.
Pour lui, toute crise de grande envergure comprend trois catégories de facteurs : la gravité de la crise ; la qualité des mesures prises pour la limiter ; la perception qu’en auront les personnes affectées, c’est à dire en cas de grande ampleur, pratiquement tous les habitants de notre pays. Ces facteurs interagissent, soit pour amplifier, soit pour diminuer l’ampleur de la crise.
On peut faire référence à la grande tempête de 1999, à la crise du SRAS, pour laquelle, dans la mémoire de la population, la crise a bien été résolue par les pouvoirs publics. Le nuage de Tchernobyl est le cas opposé. La perception qu’auront les populations sur la manière dont ont été gérées les crises précédentes va avoir un impact sur la possibilité de gérer les crises suivantes.
Ce qui s’est passé pour le H1N1 va rester présent dans les esprits, et constituera une gêne pour le futur.
L’évaluation des faits initiaux est par ailleurs problématique. Ils ont souvent été sur-interprétés. L’OMS est demeurée prisonnière des évaluations, au point qu’elle en est encore restée à son étape maximale de la pandémie. Cette attitude, largement incompréhensible, pèse sur la manière dont la population va réagir la prochaine fois.
1. Le plan est-il suffisamment adaptable et évolutif ?
Le plan a été conçu pour des situations extrêmes, à partir d’une réflexion sur le virus H5N1. Les mesures qu’il prévoit en phase 6 sont du reste si draconiennes que les autorités françaises ont décidé d’en rester à la phase 5 B.
A-t-il permis de s’adapter à la situation d’un virus beaucoup moins dangereux que le H5N1 ? Dans la pratique, oui, car plusieurs de ses dispositions n’ont pas été appliquées.
Cette adaptabilité est l’une de ses qualités, car comme l’a souligné M. Antoine Flahault, il existe en fait plusieurs types de grippe, plusieurs modèles possibles : grippe espagnole de 1918, grippe asiatique de 1957, grippe de Hong-Kong de 1968 qui est un modèle considéré comme « centriste », ni catastrophique, ni basé sur un déni ; puis après la fausse pandémie de Fort Dix en 1976 et la pseudo-pandémie russe de 1977, survient un contre modèle en 2003, avec l’apparition du SRAS à Hong-Kong et la menace H5N1. Le retour du H1N1 en 2009 à Mexico refait naître les craintes de 1918.
Le bon modèle était celui des pandémies de 1957 et de 1968. Si le nombre de décès excédentaires aux Etats-Unis est assez proche de celui du H3N2 saisonnier, celui du nombre d’années de vie perdues, lié à l’âge du décès, est proche de ce qui s’est passé en 1968 (Ce critère présente l’intérêt de mettre en évidence l’impact lié aux victimes jeunes décédées).
Si le plan a permis de prendre des décisions de manière différente de ce qui avait été prévu, il a aussi permis des schémas variables au fil du temps et selon les lieux. Ainsi, les fermetures d’écoles ont-elles été peu pratiquées, puis abandonnées. La quarantaine n’a pas été mise en œuvre. Les transports aériens ont été peu affectés. L’utilisation de masques dans la population n’a jamais été recommandée.
Faut-il préciser davantage ses différentes phases ?
Pour M. Antoine Flahault, il pourrait être utile d’avoir une phase 4 bis, ayant pour objectif de retarder l’arrivée de la vague épidémique. Mais il faudrait avoir la certitude que les mesures prises peuvent retarder cette arrivée, qui n’est pas le cas actuellement.
Pour M. Dominique Tricard, ce plan doit rester stable afin qu’il soit une référence de base. Mais les décideurs doivent adapter ses mesures lors de la gestion de la crise. La question n’est pas forcément d’augmenter le nombre de ses phases. Il faut plutôt se demander comment on interprète ces phases. On pourrait par ailleurs expliciter davantage comment on pourrait l’évaluer.
2. La position du directeur général de la Santé, DILGA (délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire)
La position de M. Didier Houssin, exprimée lors de l’audition publique de l’OPECST, est intéressante.
A la question « Et si c’était à refaire », il répond que tout dépend si l’on raisonne avec les connaissances d’alors ou avec celles d’aujourd’hui.
A l’époque, l’incertitude était multiple et concernait tant le virus lui-même que le comportement des citoyens et les nombreuses questions dont il fallait tenir compte, de type clinique, thérapeutique, vaccinologique, ou réglementaire. Les contraintes étaient fortes, et beaucoup de décisions ont été prises sous contrainte.
Des choix ont été faits sur l’ordre de priorité lors de la vaccination, l’absence d’obligation et la gratuité de la vaccination. Si l’on se replace dans ce contexte, on peut penser que l’on ferait la même chose.
En sachant ce que l’on sait maintenant, l’approche peut être différente, même si un nouvel évènement ne se redéroulerait pas de la même manière que celui qui s’est produit.
En tout état de cause, la préparation reste essentielle. Il faut continuer de se préparer.
Les doutes sur le plan ont tenu à son caractère rigide. Mais ce plan avait été évalué par des organismes internationaux et avait été suivi par une mission parlementaire. Il avait été testé. Il a été bien utile car il a permis de se mettre dans une posture interministérielle, dès le début, à l’aéroport de Roissy, car les acteurs avaient travaillé sur les questions d’éthique et avaient réfléchi à la fermeture des frontières, à celle des écoles, et à la situation des Français de l’étranger.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés. Ce qui n’avait pas été préparé a fait défaut : l’organisation de la vaccination, la préparation de plans de continuité d’activité qui, par chance, n’ont pas été nécessaires. Le plan n’intègre pas suffisamment la dimension d’évaluation du risque et de sa perception par la population. Il comprend des mesures très différentes dont certaines n’ont pas été prises, ce que la population n’a pas compris.
A quel échelon faut-il prendre des décisions ? Tant que la menace n’est pas concrétisée, il est difficile de faire un travail de préparation. Comment organiser le débat public en temps de crise ? Le président de la Conférence nationale de santé a été saisi de cette question. Le pilotage doit garder une dimension interministérielle et les préfets doivent être mobilisés.
Sur les contrats, on avait la chance d’avoir des contrats envisagés depuis 2005. Mais l’un des deux industriels ne pouvait pas avoir en temps utile l’autorisation pour son vaccin. On n’a pas été en position de force pour obtenir des contrats avec des tranches conditionnelles.
La question de l’acquisition de vaccins au plan européen est complexe, comme le montrent les premières discussions qui ont eu lieu sur ce thème. Est-on aujourd’hui capable, dans un domaine qui n’est pas de la compétence de l’Union, de définir une stratégie commune débouchant sur des commandes communes permettant d’avoir des conditions financières meilleures ?
Par ailleurs, il est nécessaire de mieux définir les conditions dans lesquelles est financée la recherche en urgence.
En ce qui concerne les réseaux sociaux, qui sont observés par le SIG, comment l’Etat peut-il agir ? Que peuvent faire des fonctionnaires ? Interviendront-ils de façon anonyme ?
D. LE PROBLEME FONDAMENTAL EST CELUI DE LA DEFINITION DE LA PANDEMIE
En fait, que vise-t-on ? Le terme pandémie peut certes être apprécié de manière différente : soit à partir d’un critère purement géographique, ce qui est la position officielle de l’OMS aujourd’hui ; soit en tenant compte de la sévérité de l’attaque virale et de la gravité de la situation, ce qui était auparavant la position de l’OMS et ce qui fonde le socle de la position de plusieurs de ses Etats membres.
Selon le Plan national français de prévention et de lutte « Pandémie grippale », une pandémie grippale est caractérisée « par l’apparition d’un nouveau virus grippal contre lequel l’immunité de la population est faible ou nulle. Elle se traduit, sur l’ensemble du globe, par une forte augmentation dans l’espace et le temps des cas et de leur gravité. Un tel virus peut résulter d’échanges entre souches animales et humaines en évolution permanente ou de mutations progressives d’un virus animal. Dans certains cas, des virus ayant déjà circulé dans le passé peuvent réapparaître ».
La pandémie peut avoir des caractéristiques différentes : « Une pandémie, en l’absence de mesures efficaces, évolue habituellement en vagues successives pouvant durer chacune de 8 à 12 semaines, séparées de quelques mois voire davantage. La pandémie pourrait également survenir en une seule vague avec un taux d’attaque élevé (35%) sur une période de plus de 12 semaines ; elle pourrait aussi se dérouler sur plus de deux vagues ».
Selon ce même document, « la cinétique et l’impact d’une pandémie ont été modélisés par l’Institut de veille sanitaire sur la base des pandémies historiques. En l’absence d’intervention sanitaire, le bilan français pourrait s’établir de 9 à 21 millions de malades, et de 91 000 à 212 000 décès en fin de pandémie. 500 000 à un million de personnes pourraient développer des complications nécessitant leur hospitalisation ».
Le plan français est par ailleurs plus détaillé que le plan de l’OMS, ainsi que le montre le document comparatif ci-après, déjà publié dans le rapport d’étape de l’OPECST.
Source : Plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale », 20 février 2009, p.7
La notion de sévérité est quant à elle complexe. On ne vise en effet pas seulement le nombre de personnes infectées, mais le degré de gravité, en tenant compte du nombre de personnes en soins intensifs, du type de patients malades, de la nature de la maladie (selon qu’elle s’attaque à des personnes saines ou à des patients présentant des antécédents de maladies chroniques ou aigues), du nombre de décès ou du nombre d’années de vie perdues (qui sera plus élevé si ce sont principalement des jeunes qui meurent).
Les avis divergent sur la prise en compte de la gravité dans la définition de pandémie. Ainsi, M. Antoine Flahault estime-t-il que le mot sévérité n’a pas à figurer dans la définition de la pandémie, « pan » faisant référence à la globalité. Par contre, pour M. François Heisbourg, l’intégration du facteur de gravité est la manière de différencier un plan national lourd et une réponse plus adaptée : il ne faut pas utiliser le H5N1 pour gérer le H1N1.
La situation n’est néanmoins pas totalement figée. Le 8 juin 2010, Mme Margaret Chan, directrice générale de l’OMS, a en effet déclaré que si le Comité d’examen du RSI décidait « que la définition actuelle d’une pandémie et des phases conduisant à sa déclaration doit être revue dans un sens plus étroit ou d’une autre façon, nous nous féliciterons de cette recommandation et prendrons les mesures qui s’imposent. »
Mais le débat ne porte pas seulement sur la caractérisation technique d’une situation. Il est profondément de nature politique. Quels signaux faut-il donner aux autorités publiques, mais aussi aux citoyens pour conduire à des décisions rationnelles, efficaces, acceptables et acceptées dans une société pluraliste où la contrainte est organisée dans le cadre d’un état de droit ?
Comme le souligne M. Emmanuel Hirsch, une pandémie n’est pas qu’un fait scientifique ou médical. C’est un fait de société.
Il serait utile d’aboutir rapidement au plan mondial à une définition de la pandémie qui réinclue, comme jusqu’à une date récente, la notion de gravité. C’est une condition de crédibilité de l’OMS.
II. COMMENT APPRECIER LA GRAVITE DE LA SITUATION ?
Les avis sont divergents. Mais il est possible d’en tirer une problématique et d’apporter des premières réponses à des questions qui sont parfois complexes ou qui relèvent d’une appréciation politique, dans un contexte marqué par la diversité d’informations parfois contradictoires et l’existence d’avis dissonants.
Que savait-on, dans un contexte très incertain ? Comment les premières informations ont-elles été perçues ? Le système de veille sanitaire permettait-il d’obtenir des données suffisamment fiables ou était-il confronté à une situation exceptionnelle ? Comment peut-on aujourd’hui améliorer la collecte d’informations ?
A. QUE SAVAIT-ON AU MOMENT DE LA PRISE DE DECISION ? QUE POUVAIT-ON SAVOIR ?
Tant M. Jean Marimbert, directeur de l’AFSSAPS, que M. Patrick Zylberman, qui a fait une analyse historique de la pandémie, ont insisté sur l’importance de la notion d’incertitude. Beaucoup d’analystes partagent ce point de vue, sans que pour autant il y ait unanimité.
1. Les remarques de M. Jean Marimbert sur l’incertitude
Pour M. Jean Marimbert, le niveau d’incertitude a été plus élevé lors de cette pandémie que lors des épidémies traditionnelles.
Cette incertitude a concerné :
- les données épidémiologiques (temps, moment de l’attaque) ;
- le virus lui même, son aptitude à muter (élément pris en compte lors de la réflexion sur le nombre de doses de vaccin nécessaire). Il y a eu des informations discordantes sur les doses et la mutation, un article indiquait que cette mutation était peu probable, puis la mutation norvégienne est survenue ;
- les anticorps présents dans diverses catégories de population ;
- l’interaction entre le virus pandémique et celui de la grippe saisonnière ;
- les rendements des vaccins et donc leur rythme de production, ainsi que leurs délais d’utilisation et de péremption.
Dans ce contexte, il fallait chercher à fiabiliser au maximum les informations nécessaires à la décision publique et au public lui-même, puisque c’est lui qui décide s’il doit se faire vacciner.
2. L’analyse de M. Patrick Zylberman
M. Patrick Zylberman, historien, propose la lecture suivante de l’enchaînement des faits :
Juillet et août ont été marqués par l’incertitude. Les décisions ont été arrêtées avant même que les autorités disposent d’éléments permettant une évaluation solide et sereine du risque.
Le 7 juillet, l’OMS s’inquiète de la date à laquelle les vaccins seront disponibles en grande quantité. On ne le saura que fin novembre. Les taux d’attaque dans l’hémisphère Nord ne seront connus que fin septembre.
En août, on avait des données en provenance de l’hémisphère Sud, montrant la relativité du risque, mais on avait aussi de mauvaises nouvelles sur la mortalité directe, sur l’âge des personnes décédées, sur la circulation simultanée du virus dans les deux hémisphères. La gravité du virus restait une question ouverte.
Le 15 août, le ministre de l’éducation nationale prône la fermeture des classes si trois cas apparaissent en une semaine. Mais il n’a jamais été envisagé de repousser la rentrée. Paradoxalement, La France pense à fermer des classes au moment où le Royaume Uni et les Etats-Unis y renoncent. L’application des mesures envisagées varie selon les endroits. En Polynésie, on ferme beaucoup de classes, ailleurs moins. Mais le problème n’est pas tant de fermer les classes que de les rouvrir.
Le 21 août, une circulaire indique que la vaccination relève de la compétence de l’Etat et qu’elle sera organisée selon un mode collectif. Le plan de février 2009 prévoyait cette organisation collective, inspirée du plan variole de février 2003.
Le plan stratégique a été suivi de très près. Il n’y a pas eu d’adaptation administrative d’ensemble, mais des adaptations techniques décidées par le Haut Conseil de la Santé Publique.
B. COMMENT LES INFORMATIONS DISPONIBLES ONT-ELLES ETE PERÇUES ?
Les avis sont souvent critiques.
Pour M. François Heisbourg, il y a eu d’énormes incertitudes dans la perception de la gravité de la crise. Il y a eu une situation paradoxale, entre discours alarmiste et déclaration d’une pandémie sans prendre en compte la gravité.
Pour Mme Martine Perez, journaliste au Figaro, de vraies erreurs sur les chiffres de morts envisagées ont été commises. Tous les pays ont acheté trop de vaccins. Il y a eu en France un excès de précaution, un ministère de la santé très barricadé derrière son plan pandémie. L’OMS a donné le la, et les grandes lignes d’une gestion qui a été suivie pratiquement partout.
Certains avis sont même très critiques.
Mme Michèle Rivasi, membre du Parlement européen, estime que dès avril, on pouvait s’apercevoir qu’on n’avait pas des informations fiables. Très tôt, on a eu des informations montrant que le virus n’était pas très virulent et était stable.
Cela entraîne plusieurs questions : Pourquoi l’INVS n’a-t-elle pas été suffisamment critique pour alerter la ministre, et lui dire que la crise n’était pas aussi grave qu’on le disait ? Un Etat doit-il être suiviste par rapport à l’OMS ou se fier à ses propres experts ? Pourquoi, en France, n’a-t-on pas d’analyse critique ? Pourquoi le comité de lutte contre la grippe n’a-t-il pas été plus pertinent, plus distant ?
Mme Rivasi a souligné que la ministre de la santé de Pologne n’avait pas voulu vacciner, sur la base des informations de ses propres experts et qu’elle n’avait pas accepté les arguments avancés par GSK.
M. Gérard Bapt, député, a considéré que les données reçues ont été contradictoires, incohérentes, peu fiables et fausses, alors qu’elles devraient être précises et normalisées. Le changement de définition de la pandémie par l’OMS a brouillé son message. Il aurait été préférable de s’en tenir à la réflexion préconisée par les CDC d’Atlanta et évaluer le virus selon trois critères, antérieurement envisagés au niveau mondial : Le virus est-il nouveau ? Est-il très contagieux ? Quelle est sa pathogénécité ?
Pour la ministre et les autorités sanitaires, il fallait se référer aux principes de précaution et de prévention, et prendre des mesures permettant de faire face à une crise qui pouvait être sévère.
La plupart des experts ont recommandé cette approche. Dans la communauté scientifique, les professeurs Gentilini et Debré ont eu un avis dissonant. De manière plus précise, M. Gentilini a estimé que l’information n’avait pas été crédible. Les approximations ont été nombreuses, notamment sur le coût de la lutte contre la pandémie.
C. COMMENT OBTENIR DES INFORMATIONS FIABLES ?
1. Le comité de lutte contre la grippe rappelle ses nombreuses recommandations
Comme l’a souligné M. Jean-Claude Manuguerra, 43 conférences téléphoniques du comité de lutte contre la grippe ont été organisées du 25 avril 2009 à la fin janvier 2010. Ses avis, qui ne sont pas publics, ont porté sur les mesures barrière, les mesures d’isolement, l’utilisation des antiviraux, les dispositifs de prise en charge par le secteur ambulatoire, préconisés fin juillet. Le comité a été au début favorable à un traitement curatif non systématique. Puis, le 13 novembre, moment où le virus était prépondérant par rapport aux virus grippaux, il a préconisé le traitement systématique de tout syndrome respiratoire aigu. Sa recommandation sur les antiviraux a été actualisée quatre fois.
Pour toute question se référant aux vaccins, le comité de lutte contre la grippe devient un groupe de travail temporaire du Haut Conseil de la Santé Publique. Il a ainsi conduit à quatre avis du HCSP sur les vaccins.
Le comité a par ailleurs suivi de manière précise l’évolution des virus, et notamment la mutation 222 norvégienne. Il a réfléchi à l’identification des populations à risque, et a analysé de nombreuses publications.
2. L’INVS s’interroge sur la manière dont les objectifs de la veille sanitaire ont été atteints
Mme Françoise Weber, directrice générale de l’INVS, a abordé la question, à partir des trois fonctions que doit remplir la veille sanitaire : décrire l’épidémie ; élaborer des scénarii d’évolution ; évaluer l’impact des mesures prises.
S’agissant de la description de l’épidémie, les données produites ont atteint globalement leurs objectifs. Elles ne sont pas remises en cause.
Les données internationales étaient utiles, mais insuffisantes. La France a tenu à ce qu’elles soient publiées officiellement, et pas seulement par la presse. Les GROG, les Sentinelles et les réseaux de surveillance non spécifiques ont fourni des éléments au niveau national. Les données sur la mortalité globale ont été satisfaisantes, même si elles ont été obtenues à la suite de délais qui restent longs. Il a fallu monter des systèmes nouveaux pour les cas graves et les facteurs de risque nouveaux, ce qui a permis de repérer plus de 90 % des cas.
S’agissant de la pertinence des scenarii, on constate qu’ils ont été révisés à la baisse au cours du temps. Mais ils ne comprenaient qu’en partie le scénario le plus favorable qui est finalement survenu. La mortalité globale a été surestimée, car on n’a pas pu tenir compte de données qui se sont manifestées tardivement, tel que le degré d’immunité de la population, notamment chez les personnes âgées. Les outils de modélisation ont été insuffisants. Il faut que la recherche les améliore. Parallèlement, la proportion de cas asymptomatiques a été inattendue. Il aurait fallu des études sérologiques pour les évaluer plus précocement.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que les modélisations ne sont pas destinées à prédire, mais à préparer le système de soins à l’ensemble des hypothèses.
S’agissant de l’évaluation de l’efficacité des mesures prises, pour les antiviraux, le bilan est plutôt positif. La couverture vaccinale a été estimée par une enquête déclarative, par type de patient et par facteur de risque. Elle reste problématique, car elle nécessite de croiser des bases de données, ce qui reste très difficile en France. L’efficacité vaccinale a enfin été évaluée par l’ECDC. Les systèmes de surveillance ont été plutôt fiables pour prévoir l’évolution de la pandémie.
Mais les outils de modélisation doivent progresser, le croisement des bases étant indispensable pour les améliorer. Dans le futur, il faudra dès le départ d’une nouvelle pandémie faire des études sérologiques. Il faut apprendre aussi à faire face à l’incertitude, quelle que soit la qualité de nos efforts.
Sur la méthode suivie par l’INVS, Mme Françoise Weber a rappelé que l’Institut national de veille sanitaire travaille sur la base d’une expertise interne, indépendante, réalisée par des scientifiques aussi compétents que ceux de l’OMS ou de l’ECDC. L’OMS permet, grâce à sa fonction de fournisseur de données, de les confirmer et de les valider. Mais l’INVS s’appuie aussi sur la veille internationale et sur ses propres données. Il pondère les données selon l’endroit d’où elles proviennent, ce qui est un travail scientifique complexe. Les CDC d’Atlanta font de même.
L’INVS se base aussi sur la littérature scientifique et surtout sur les publications dans des revues qui ont un comité scientifique reconnu. Au niveau national, il travaille sur des données épidémiologiques, et s’appuie sur les études de comités de référence. Au niveau international, il fait des comparaisons pour analyser les éléments nouveaux et affiner ses positions.
Selon Mme Weber, l’INVS tel qu’il fonctionne aujourd’hui fonctionne bien : sur la base d’une expertise indépendante, reconnue par d’autres pays, il apporte beaucoup à l’ECDC. Son travail a le même niveau qu’ailleurs, et il utilise les mêmes méthodes. Il est du reste soumis à la critique de ses pairs.
Un retour d’expérience a néanmoins été engagé pour tenir compte des difficultés rencontrées. Il va essayer d’améliorer ses process et sa communication, afin notamment d’améliorer le mode d’interprétation d’évaluations restant incertaines.
L’incompréhension constatée résulte en partie d’une prise en compte insuffisante du contexte. Les publications critiques sont connues, mais il y a eu 3000 autres publications sérieuses et on ne peut pas baser une position sur une opinion d’expert isolé. On ne peut pas non plus se baser sur des opinions et des avis émis à un moment donné ou en un lieu particulier, qu’il s’agisse de New York, du Mexique, ou de la Nouvelle Zélande. Le taux d’hospitalisation était par exemple très élevé en Nouvelle Zélande.
L’important est d’apprendre à comprendre quel est le niveau de validité, de fiabilité d’une position scientifique : le scénario est-il certain, plausible, possible ? Il faut prendre tous les scenarii plausibles, et notamment les plus bénins.
En matière de description de l’épidémie, Mme Weber a estimé enfin qu’il serait possible d’améliorer la situation sur trois points. Il serait utile de disposer de données plus rapidement. Il faut gagner en efficience sur les réseaux de surveillance de la grippe. Les données de recueil de certificats de décès doivent être améliorées, ce qui est possible si les médecins prennent l’habitude de les effectuer par voie électronique.
3. L’AFSSAPS insiste sur la vérification et l’évaluation de l’information
M. Jean Marimbert, son directeur, a rappelé que l’AFSSAPS a développé une capacité de veille documentaire sur la pandémie. Elle a repéré des articles donnant des visions très contradictoires. Parfois, elle trouvait peu de données. A d’autres moments, elle était confrontée à un foisonnement de données souvent contradictoires. Il fallait donc capter les données pertinentes de manière régulière. Le dialogue avec les autres agences à l’étranger a été très utile. Les échanges avec l’EMEA et la FDA ont été fructueux.
Mais cela ne suffit pas. Il est préférable que les autorités publiques puissent vérifier les données de base, et notamment les rendements vaccinaux, données qui viennent des producteurs de vaccins. Des contacts opérationnels lors de la libération des lots donnent quelques idées. La possibilité de faire vérifier dans des laboratoires publics, indépendants, des titres d’anticorps est utile. Certaines données de synthèse d’essais cliniques à partir des données souches initiales doivent être recalculées. Des contre-épreuves face aux données qu’on ne sait pas analyser, notamment pour les médicaments, sont nécessaires.
Ensuite, il faut évaluer ces données sur la base d’un processus pluraliste et collégial, entre scientifiques. Il faut faire intervenir une structure interne d’expertise, mais aussi une structure externe d’expertise qui aura par nature plus de contacts avec les industriels dans le cadre de partenariats scientifiques. L’inspection des sites et le contrôle des laboratoires sont ainsi assurés en interne comme la pharmacovigilance. Par contre, l’évaluation des produits de santé avant autorisation nécessite une évaluation externe.
Le processus doit être également crédible. La fiabilité ne suffit pas. Pour arriver à la crédibilité, il faut une gestion suffisamment solide, robuste, des conflits d’intérêt. L’honnêteté des experts n’est pas en cause, mais un expert dont la situation présente un conflit d’intérêt ne doit pas participer à la délibération.
Les premières informations doivent être davantage vérifiées, afin d’éviter les erreurs grossières qui ont été commises au Mexique, erreurs relayées par le British Medical Journal.
Il est nécessaire de confronter des informations divergentes, et de prendre de la distance par rapport aux analyses qui paraissent critiquables ou incompréhensibles. Il faut par ailleurs compléter les informations disponibles, en trouvant les données qui ont fait défaut sur l’état d’immunité de la population et sur le repérage des pathogénécités (en tirant notamment les conséquences de la longueur de la tige de neuraminidase).
Une attention plus grande doit être portée à l’harmonisation des méthodes de recueil des données et d’élaboration des statistiques dans plusieurs pays, afin de diminuer la fragilité des modèles mathématiques de veille sanitaire. Une réflexion doit être menée sur l’estimation de la surmortalité, qui peut être influencée par les mesures de réponse à la pandémie : ainsi a-t-elle été faussée au Royaume-Uni par l’ouverture de centres d’appel qui ont grandement perturbé le repérage assuré traditionnellement par les médecins généralistes, qui ne voyaient pas leurs patients habituels.
En matière de recherche, il faut, comme le propose M. Antoine Flahault, développer la recherche dans des domaines où les besoins sont flagrants et considérables.
C’est le cas pour les mesures non pharmaceutiques : hygiène des mains, quarantaines, accroissement de la distance sociale dans les écoles et les transports.
C’est aussi le cas pour les mesures pharmaceutiques qu’il s’agisse des antiviraux, dont la place et le rôle sont peu évalués, dont le rapport bénéfice-risques est controversé, au point que l’HAS avait refusé par le passé que ce fut un produit remboursé, ou des vaccins pour lesquels la protection des personnes à risque a une efficacité controversée, des mesures barrière qui n’ont jamais été évaluées, et de la protection des personnels de santé, elle aussi peu évaluée.
Les stratégies de prévention et de contrôle envisagées dans les plans doivent également être évaluées. La grippe saisonnière est le terrain de choix pour mener ces recherches en l’absence de pression médiatique et politique.
La France est particulièrement bien positionnée pour conduire ces recherches, car elle dispose d’infrastructures et est compétitive. Mais ces infrastructures sont négligées, et beaucoup repose aujourd’hui sur des bénévoles sous-équipés.
III. COMMENT GERER AU MIEUX LES RISQUES ENCOURUS ?
A. Y A-T-IL UNE STRUCTURE IDEALE DE PILOTAGE DE LA CRISE ?
Comment éviter que le double pilotage Santé-Intérieur ne tourne au détriment du ministère de la Santé ?
Comment tenir compte des préoccupations sanitaires au moment de faire des choix qui doivent acceptés par la population, notamment lors de la mise en œuvre de la vaccination?
Le double pilotage Intérieur-Santé n’a pas été fécond. Il y a eu beaucoup de contentieux sur l’organisation de la vaccination publique, du fait de la mise à l’écart des généralistes.
La ministre de la Santé elle-même estime qu’il faut clarifier les rôles des deux ministères.
Confier le pilotage au ministère de l’Intérieur a donné l’impression que l’on cherchait à éviter un trouble public. Le ministère de l’Intérieur est certes celui de la sécurité publique, mais c’est aussi celui de l’interministérialité et de la gestion territoriale de l’interministériel déconcentré.
Il y a eu en tout état de cause une gestion interministérielle resserrée, tant au niveau des transports, des lycées, que des Français de l’étranger.
Pour Mme Bachelot, dans le futur, l’organisation devra être plus souple, plus transparente, mieux en accord avec les attentes des citoyens. Il faut intégrer davantage les acteurs des soins de proximité, c'est-à-dire les médecins libéraux, les pharmaciens, les infirmières.
Comment par ailleurs assurer la continuité du processus décisionnel ?
M. Dominique Tricard souligne l’importance de la formation des décideurs, et des exercices qu’ils peuvent faire en période normale. Il note la perte de mémoire collective qui découle de la mobilité des personnels, même pendant les temps forts de la crise.
B. FAUT-IL CREER DE NOUVELLES STRUCTURES, ENVISAGER D’AUTRES REGLES ?
1. L’EPRUS a-t-il pu être efficace ?
M. Jean-Jacques Jégou, sénateur, porte un jugement très critique sur l’EPRUS en se demandant si l’EPRUS aura la capacité de surmonter les difficultés, du fait des problèmes de gouvernance qui ont retardé sa mise en place et en soulignant qu’il n’était pas évident qu’il fût utile de le créer, la gestion des stocks des collectivités territoriales ne relevant pas de sa compétence.
Pour M. Jégou, l’EPRUS n’a toujours pas convaincu de son utilité. Il a été logisticien. Il n’est pas intervenu dans la négociation des contrats. Il est par contre confronté aujourd’hui à une situation difficile, les vaccins acquis ayant une durée de vie limitée. Que ferons-nous des stocks ? Que va-t-on faire des masques non utilisés ?
M. Thierry Coudert, directeur de l’EPRUS, présente ainsi son action :
L’EPRUS n’est devenu actif qu’en mars 2009, date où son statut d’établissement pharmaceutique lui a été reconnu.
Il est intervenu à plusieurs niveaux : pour la gestion des stocks de produits de santé et pour la gestion de la réserve sanitaire. Il a été actif pour des achats urgents et immédiats, pour l’acquisition de vaccins. Il n’est pas intervenu sur le choix des laboratoires, mais a conduit la négociation avec les quatre laboratoires, en association avec l’AFSSAPS et le spécialiste des médicaments au ministère de la santé. Ces négociations ont porté sur les quantités, les dates de livraison, ainsi que sur l’atténuation des clauses de responsabilité. Les marges de manœuvre n’étaient pas très fortes, et portaient peu sur les prix, du fait de l’urgence. Pour l’avenir, il faudra des formes de contrats à tranches conditionnelles sur des produits pour lesquels on peut avoir des besoins précis.
Pour la gestion de la réserve, l’EPRUS travaillait sur un fichier de réservistes, et n’était pas encore opérationnel. Il gère environ 10 000 personnes. Il faut réfléchir à la nature des dossiers à constituer, et sur les conditions d’indemnisation.
Avoir un opérateur unique sur le plan logistique est un atout. Cette expérience a mis l’EPRUS au cœur de l’activité et lui a permis d’améliorer son efficacité.
2. Qu’imaginer pour le futur ?
- Pour M. Emmanuel Hirsch, il faudrait un conseil national des risques sanitaires, comme le conseil national du Sida. Il faudrait un observatoire national, même si l’espace éthique de l’APHP est un outil intéressant.
- Une proposition de loi, présentée en janvier 2007 par l’un de vos rapporteurs, M. Jean-Pierre Door, (n° 3540), propose de créer un Haut Conseil de la lutte contre le risque épidémique ou biologique qui serait chargé
« - d’analyser les dangers liés aux risques épidémiques et biologiques d’origine naturelle ou terroriste, par la promotion de recherches, l’évaluation des conséquences des risques visés, de l’importance et de la nature des moyens à mettre en œuvre ;
- d’analyser la coordination des moyens à mettre en œuvre pour prévenir ces risques ;
- d’analyser la coordination entre les moyens civils et militaires de lutte contre ces risques ;
- d’analyser les actions de coopération internationale conduites par la France ;
- d’analyser l’action des collectivités décentralisées et la coordination avec les moyens de l’Etat ;
- d’analyser et de promouvoir le rôle des habitants dans la prévention et la lutte contre le risque épidémique et biologique ;
- de proposer au Gouvernement et au Parlement toutes les mesures qu’il juge nécessaires dans le cadre de son rapport annuel, ou par tout moyen qu’il juge utile en cas de nécessité. »
Cette proposition de loi, rédigée à la suite d’un rapport de l’OPECST sur le risque épidémique, faisait suite à une autre proposition de loi de mai 2006 (n° 2959) sur la lutte contre le risque épidémique.
- Dans le Grenelle I, il a été décidé de mettre à l’étude la création d’une instance de garantie de l’expertise qui n’a toujours pas été installée. L’installer est une démarche nécessaire.
La création de l’Agence de garantie de l’indépendance de l’expertise avait été proposée dans le rapport de l’OPECST : « Risques chimiques au quotidien : éthers de glycol et polluants de l’air intérieur. Quelle expertise pour notre santé ? »8.
Le principe de la mise à l’étude de sa création a été voté au Sénat lors de la discussion du Grenelle 1, avec le soutien de la majorité et du gouvernement. L’Assemblée nationale y a ajouté le délai d’un an après promulgation de la loi, pour que le gouvernement présente un rapport au Parlement sur l’opportunité de créer une instance propre à assurer la protection de l’alerte et de l’expertise afin de garantir la transparence, la méthodologie et la déontologie des expertises.
Cette instance doit répondre à plusieurs besoins : permettre la garantie de l’indépendance de l’expertise et la médiation sur les expertises contradictoires et enfin être le recours des lanceurs d’alerte.
Précisons ce que pourraient être les missions de cette Agence, rappelons les raisons qui en justifient la création et les réticences qui restent à surmonter.
Les missions de l’Agence de garantie de l’indépendance de l’expertise
Elle aurait pour mission de consigner et de vérifier les déclarations d’intérêts liés que devront lui faire parvenir les Agences et Conseils. Elle vérifierait le respect des protocoles de recherche des expertises. Elle signalerait toute anomalie aux agences concernées, puis, après avoir reçu leurs remarques, aux autorités de tutelle s’il y a lieu. A ce stade, les signalements seraient accessibles au public.
Après avoir relevé des cas flagrants de divergences de conclusions, elle pourrait convoquer les deux équipes de recherche, et favoriser entre elles le dialogue, le but étant de trouver pourquoi les résultats sont différents, et par quelle méthode, consensuelle pour les deux équipes, on pourrait entamer un nouveau protocole, et lancer une étude complémentaire.
Les lanceurs d’alerte pourraient la saisir dans les cas suivants : la connaissance étayée d’un risque sanitaire non géré à ce jour, et dont les causes perdurent ; des atteintes à leur liberté d’expression, à leurs droits au travail ; des menaces, des intimidations, des actions en justice destinées à les décourager. L’instance spécifique aurait mission de les protéger, et pour protéger la société de se donner les moyens que des expertises indépendantes soient diligentées sur le sujet mis en évidence : les lanceurs d’alerte seraient associés à la définition des protocoles de recherche, car leur connaissance du problème est susceptible de donner des précisions indispensables.
La justification de sa création
Plusieurs éléments ont été avancés dans le débat.
Il faut aujourd’hui restaurer la confiance entre la société et les experts. Les conflits d’intérêt ne sont repérés que par le mode déclaratif des chercheurs. Les données ne sont toutes actualisées. Elles ne sont pas toujours lues, encore moins vérifiées. La gestion qui est faite de ces déclarations varie d’une agence à l’autre, ou d’un conseil à l’autre. C’est ainsi que pendant la pandémie grippale, les doutes croissants des citoyens ont permis de se rendre compte que le Haut Conseil de la Santé Publique ne s’était pas préoccupé du sujet, malgré les règles qui s’imposent à lui.
Le drame de l’amiante, et la malheureuse expérience du Comité Permanent Amiante, mélangeant autorités publiques, industriels soucieux de leurs intérêts, et chercheurs non indépendants, appellent à des dispositifs plus rassurants. Le citoyen, le consommateur qui veut se faire une opinion, voire le législateur qui doit arbitrer, se trouvent face à des conclusions divergentes, dont ils ont parfois l’impression qu’elles disent tout et son contraire. Il est nécessaire d’identifier les causes de la divergence, et de pouvoir commander de nouvelles études, avec un protocole consensuel entre les experts divergents.
On ne compte plus les lanceurs d’alerte qui ne trouvent pas de réponse aux signalements qu’ils font. Plus grave, des professionnels sont placardisés, voire licenciés, tandis que des chercheurs ou des riverains sont traînés en justice pour diffamation. Or on pourrait s’inspirer de l’Angleterre où il existe un statut des lanceurs d’alerte, qui à la fois les protège, mais punit les abus, après sérieuse évaluation.
Les réticences qui restent à surmonter
M. Marimbert, de l’AFSSAPS, considère que la gestion des déclarations d’intérêt ne doit pas échapper à l’agence concernée : « la mieux à même de connaître ses experts et de détecter des anomalies ». C’est une incompréhension. Il n’est pas question de dessaisir les agences de cette mission. L’instance spécifique est une garantie supplémentaire, qui supervise, fait des contrôles par sondages, et signale à l’Agence des anomalies.
Mme Roselyne Bachelot, interpellée à la commission d’enquête du Sénat sur cette instance (et l’utilité qu’elle aurait pu avoir) répondait en substance « qu’il ne s’agissait pas d’environnement, et que de toute façon, on n’allait pas expertiser les experts ». C’est un manque de connaissance de la loi Grenelle : l’article 52 figure dans le paragraphe GOUVERNANCE, INFORMATION ET FORMATION qui ne s’adresse pas qu’à l’environnement. Et il n’a jamais été question d’expertiser les experts.
On peut objecter que l’aspect international des controverses ne sera pas résolu par cette instance : dans le cas du BISPHENOL A, par exemple, ce sont des études canadiennes qui alertent et des études françaises qui rassurent. Certes, mais rien n’empêche l’instance de garantie de l’expertise de considérer qu’il y a problème et de tenter une confrontation, même si elle ne s’imposera pas aux étrangers. Le monde des scientifiques n’est pas frileux sur les rencontres internationales.
D’autre part, la « garantie » française, si ce dispositif voit le jour, serait un facteur de reconnaissance et de confiance internationale, à l’heure où se distribuent les évaluations des substances chimiques dans le cadre de REACH, et où l’Union Européenne fait part de ses craintes de dumping d’exigence dans les protocoles.
IV. COMMENT OBTENIR L’ADHESION DE LA POPULATION ?
Tout d’abord, en ayant conscience de l’utilité de cette démarche. Ensuite, en tenant davantage compte de l’évolution de la société et des réactions des citoyens. Enfin, en ayant une approche différente de la communication.
A. POURQUOI EST-CE NECESSAIRE ?
La consultation publique et le débat sont nécessaires pour plusieurs raisons :
- Les mesures d’exception ne sont pas adaptées en cas de situation qui n’a pas une gravité extrême. Les limitations des libertés publiques méritent un débat parlementaire.
- Des choix faits dans l’incertitude doivent être acceptés.
- L’ampleur de la menace est sujette à débat, notamment entre spécialistes de la santé humaine et animale.
- Les attentes de la société peuvent être contradictoires : il faut donc les clarifier et réfléchir à une hiérarchie des contraintes.
- Les principes de précaution et de prévention doivent être déclinés de manière pratique, sans empêcher toute action : des équilibres doivent être trouvés. Si l’on veut qu’ils soient acceptés, il est préférable d’en débattre.
- Il faut convaincre, si la vaccination n’est pas obligatoire.
- La complexité des outils utilisés doit être comprise pour que les conclusions auxquelles ils conduisent soient comprises et acceptées (modèles mathématiques, surmortalité). Ces outils ont aussi leurs limites, dont les décideurs doivent tenir compte. Il y a aussi incertitude sur la validité des outils utilisés.
- L’information n’est pas certaine. Sa fiabilité peut être mise en doute.
- Les citoyens sont inquiets face à des questions où la réponse ne s’impose pas d’elle même (sur les avantages et les risques des vaccins et de la vaccination ; sur les adjuvants ; sur les techniques de production des vaccins, par exemple).
B. COMMENT TENIR COMPTE DE L’EVOLUTION DE LA SOCIETE ET DES REACTIONS DES CITOYENS ?
Quatre pistes de réflexion mériteraient d’être approfondies : Comment peut-on prendre en compte l’évolution du système de santé et de la société ? Comment peut-on s’adapter à un système nouveau, complexe, avec de nouveaux acteurs ? Ne faudrait-il pas accepter un débat sur des choix qui peuvent changer, ou qui sont particulièrement difficiles ? Que peut-on faire pour recréer les conditions de la confiance dans l’expertise ?
1. Prendre en compte l’évolution du système de santé et de la société
Pour M. Didier Tabuteau, la situation se caractérise par un rendez-vous manqué avec la santé publique.
Notre pays se caractérise par une absence de culture de la santé publique. Il n’y a pas de tradition de pilotage de l’Etat. Son incursion n’a concerné que les épidémies. Il n’y a pas de grand corps de la santé publique.
Avec le H1N1, on passe d’un modèle centralisateur à un modèle participatif. Il y a une demande de réaction par rapport au risque. La responsabilité en matière de santé est devenue collective. Le temps de la fatalité fait place au temps de la causalité.
C’est le temps du citoyen éclairé. La généralisation d’Internet entraîne des mouvements d’opinion. On va vers une conception participative : le citoyen est devenu actif face au Sida, au diabète et au cancer.
Notre pays a aussi développé en un temps très rapide un système dense de médecins (30 000 à la Libération, 200 000 actuellement). Cette évolution générale s’est doublée d’un cataclysme : l’affaire du sang contaminé et l’hormone de croissance ont transformé la perception de la santé publique. Il y a eu une succession de drames et de traumatismes qui a abouti à 4 principes : d’évaluation, de précaution, d’impartialité, de transparence. Il faut maintenant passer d’une stratégie de la puissance (d’enfermement et de contrainte) à l’adhésion et à la participation. Comment les organiser ?
L’adhésion aux fondements de la politique de santé publique est une condition de son efficacité. Elle peut être recherchée par l’intelligibilité du dispositif, la clarté des objectifs, l’identification des compétences (qui pilote, quel ministre, comment est organisée la riposte, hôpitaux, centres de santé ?), la transparence de l’action (qui a été un atout pour la pharmacovigilance ; il faudrait une véritable main courante politique et publique). La question de la saisine des instances est un élément clé de l’adhésion et il est regrettable qu’il n’y ait pas eu de saisine publique et régulière de l’INVS.
On peut également regretter que la possibilité d’organiser des auditions publiques, prévue par l’une des dispositions de la loi de 2002 sur les droits des malades, n’ait pas été utilisée. Il faut rechercher la contradiction avec le mouvement social et l’expertise dissidente et avancer sur les conflits d’intérêt.
La participation des différents acteurs (professionnels de santé, usagers) au déploiement du dispositif, dès la préparation des plans, pas seulement lors de leur exécution doit être privilégiée. Dans une société complexe, c’est une condition de l’efficacité. Cette participation passe par la pluralité des expertises, en ne se limitant pas aux spécialistes de la question et à seulement quelques disciplines. La représentation dans les comités scientifiques de spécialistes de sciences sociales a un sens.
Il faut gérer le possible avec les services publics. Le syndicat des médecins inspecteurs de la santé publique a dénoncé certains dysfonctionnements sur ce point.
Sauf en situation d’urgence absolue, l’organisation d’un débat contradictoire est fondamentale. Il faut permettre au corps social de s’approprier des enjeux et donner une colonne vertébrale à ce débat contradictoire.
Il faut enfin adapter les décisions aux situations constatées, et non envisagées.
2. S’adapter à un système nouveau, complexe, avec de nouveaux acteurs.
a) Un certain nombre de pistes apparaissent
Il faudra dans l’avenir tenir compte de l’évolution de la société et s’interroger sur la manière dont les plans tiennent compte de cette évolution, sur leur adaptation à un contexte complexe où les citoyens ont des comportements qui peuvent différer de schémas préconçus ou conçus en réfléchissant à des situations extrêmes. Le système de santé a évolué, non seulement par rapport au XIXe siècle, mais aussi depuis les années cinquante. Les patients ne sont plus traités de la même manière.
Il faudra admettre de réviser des choix qui ne correspondent pas à l’évolution de la réalité et de la société.
Il faudra davantage s’appuyer sur les élus et les acteurs de terrain, éviter les approches autoritaires.
Il est préférable d’associer les acteurs concernés plutôt que de les laisser à l’écart et de rechercher l’adhésion des acteurs de terrain dont le concours sera indispensable. Il est souhaitable de ne pas les décourager par des ordres et des pressions administratives qui risquent plus de les démotiver que de les inciter à agir. Il faut veiller à ne recourir à des mesures de contrainte, telle la réquisition, que de manière proportionnée aux besoins réels sur le terrain. Il convient aussi de faire attention à la signification des termes employés : le mot réquisition est très fort. Il correspond à une situation d’urgence, mais encore faut-il que l’urgence soit évidente et admise.
Il faut aussi suivre avec attention les regroupements d’universitaires.
b) Des écueils sont dénoncés par plusieurs analystes
Pour M. Antoine Flahault, le discours moralisant est dangereux. On n’a pas de preuve sur le caractère altruiste de la vaccination face à un virus peu dangereux. Les médecins généralistes et des pharmaciens d’officine sont les personnes qui bénéficient du niveau le plus élevé de confiance de la population. Ils sont le pivot du système de santé.
Pour M. François Heisbourg, il est regrettable que les autorités françaises aient agi de façon top down pendant le H1N1. La non association des médecins généralistes en est un exemple. On aurait pu expliquer à quel moment ils auraient pu être associés, et comment. Or on ne les a associés que très tard, ce qui a eu des effets démultiplicateurs et explique la démobilisation, voire l’hostilité des médecins. On a par ailleurs réquisitionné. Au final, on obtient un taux très faible de vaccination.
c) Les médecins inspecteurs de la santé souhaitent être davantage reconnus
Pour Mme Broche, porte parole du syndicat des médecins inspecteurs, il n’y a pas eu de débat sur la faisabilité pratique, sur le terrain, des recommandations, notamment pour la vaccination.
Il y a eu réquisition. Il a aussi fallu mobiliser des milliers de gens, mettre à jour les procédures, en fonction des 297 circulaires qui ont été rédigées. On a eu peu de retours d’expérience. Mais on a accumulé une expertise de terrain. On a perçu des incohérences et des insuffisances dans la communication et dans la primauté des logiques mises en œuvre entre santé et ordre public. Il y a eu des instructions tardives, innombrables, des ordres brutaux, irrespectueux des personnes mobilisées, dans un excès de précaution contreproductif. Il y a eu beaucoup de stress, beaucoup de souffrance au travail, pas d’écoute et de reconnaissance du ministère de la santé. On a perçu un rejet des acteurs de terrain et des professionnels de la santé.
Le risque existe de disparition de compétences collectives, et notamment celles des médecins inspecteurs de la santé publique qui sont chargés de la conception, de la mise en œuvre, de l’évaluation des politiques de santé publique. Or, ils jouent un rôle d’interface entre les réseaux professionnels, les usagers et l’administration, dans ce « monde obscur de la mise en œuvre sur le terrain des nombreux textes existants ».
Dans le domaine de la veille scientifique, ils ont ainsi travaillé sur la formation et l’information des partenaires, avec les maires et les professionnels de santé. Sachant que les capacités d’accueil des malades étaient très tendues, ils ont fait des investigations sur divers groupes où le virus aurait pu se propager rapidement, que ce soit dans les colonies de vacances, dans les casernes ou dans les écoles. Ils ont aussi expliqué aux préfets qu’il n’était pas toujours nécessaire de fermer les écoles.
d) Des acteurs de terrain ont été malmenés
Dans l’Essonne, la réquisition des élèves infirmiers dans certaines écoles s’est faite sans aucune prise en compte de leurs horaires de formation et de leurs périodes de stages. Les propositions constructives de leurs écoles pour assurer le service de vaccination, sans bouleverser la formation au-delà du possible, n’ont pas toujours été prises en compte, en raison de la multiplicité des interlocuteurs. Pire, un élève mis en situation illégale de devoir vacciner en l’absence d’infirmière diplômée dans le centre, ayant refusé de procéder aux injections dans ces conditions, a été intimidé et menacé par le représentant de la Préfecture.
3. Accepter un débat sur des choix qui peuvent changer, ou qui sont particulièrement difficiles
L’objectif de la campagne de vaccination n’a jamais été de vacciner l’ensemble de la population ; ni de vacciner toutes les personnes à risque, mais de vacciner toute personne qui le désirait.
Le discours n’a cependant pas été constant en ce domaine : M. Patrick Zylberman a remarqué que la circulaire du 21 août sur l’organisation de la vaccination disposait qu’elle avait pour objectif d’adapter ce qui était prévu dans le plan pandémie grippale. Comment fallait-il interpréter ce terme « adaptation » ? Y a-t-il eu évolution de la doctrine ? Celle-ci s’est produite tardivement, dans un contexte de polémique -légitime- mais qui a compliqué la tâche des autorités sanitaires à la recherche de la confiance de la population ?
A-t-on voulu vraiment vacciner tout le monde ? Mi août, la ministre annonce qu’il faut pouvoir vacciner une personne sur deux. C’est une des recommandations du comité de lutte contre la grippe. La circulaire du 21 août mentionne par contre une vaccination pour toute la population. Le 25 août, la ministre la propose à toute personne qui la souhaite.
La vaccination de toute la population n’aurait pas eu de sens au plan épidémiologique. Le comité de lutte contre la grippe l’avait repoussée. Il a donc été décidé qu’il n’y aurait pas de vaccination obligatoire, même dans l’armée.
b) Qui devait-on vacciner de manière prioritaire ?
La question, qui se pose en cas de pénurie ou d’insuffisance de médicaments ou de vaccins, n’est pas forcément simple, car peuvent s’opposer deux logiques : une logique sanitaire et une logique sociétale.
Pour M. Patrick Zylberman, l’objectif poursuivi par le Haut Comité de la Santé Publique était de réduire le nombre de formes graves et de décès, ce qui l’a guidé dans la définition des catégories à risque.
Mais pour la période pandémique, il s’agit aussi de protéger les personnes utiles au fonctionnement de la société. Le critère est donc sociétal plus que médical, comme dans beaucoup de pays. Mais le Haut Comité refuse de rentrer dans des considérations autres que sanitaires. Comment établir un équilibre entre les préoccupations sanitaires et les préoccupations sociétales ?
Pour M. Antoine Flahault, plusieurs travaux de modélisation montrent que la vaccination barrière de 30 % de la population pourrait être utile. Mais elle n’a pas été décidée.
c) Comment informer les personnes sensibles ?
Pour la ministre de la Santé, il est difficile d’inviter les populations à risque à se faire vacciner car on ne sait pas les repérer. Ce débat est d’une importance extrême. Il y a eu, jusqu’à présent, élaboration, au cas par cas, de systèmes artisanaux. C’est un sujet sensible, car il faut concilier la recherche d’efficacité avec le respect des libertés individuelles. Au delà de l’avis de la CNIL, il faudrait réfléchir à cette question avec le comité national d’éthique et lancer un débat public.
Selon M. Dominique Tricard, beaucoup de travaux ont été réalisés sur les personnes sensibles, notamment avec les associations, mais ils ne sont pas forcément connus.
Pour M. Gérard Raymond, président de l’association française des diabétiques, la place que les associations de patients auraient pu prendre ou auraient dû prendre renvoie à la notion de démocratie participative. On pourrait imaginer des conférences de consensus. Il est souhaitable que cette crise provoque une réflexion.
La question majeure va être d’amener la CNIL à s’interroger sur l’adaptation des mesures de protection de données personnelles, et à définir les cas où l’on pourrait croiser des fichiers.
Il y a par ailleurs, comme le souligne M. Antoine Flahault, un besoin important de recherche sur la protection des groupes à risque contre les complications.
4. Recréer les conditions de la confiance dans l’expertise
Deux questions méritent d’être abordées.
Comment réconcilier scientifiques et citoyens, autour d’un débat rigoureux, critique, serein, où l’on fait la part de ce qui est connu de ce que l’on ne connaît pas, et où l’on distingue ce qui relève du débat contradictoire et démocratique, plusieurs choix étant possibles face à un univers incertain ? Les identifier permet de clarifier le débat.
Comment restaurer ou comment améliorer la confiance dans les avis des experts, ce qui suppose d’estimer que leur jugement n’est pas faussé par leurs propres intérêts ? C’est tout le sens du débat sur les conflits d’intérêt, sur lesquels travaille la commission d’enquête du Sénat.
M. François Heisbourg a souligné une erreur, grave dans la durée : l’opacité totale de l’OMS quant aux critères utilisés dans la prise en compte des conflits d’intérêt. Cela débouche sur le soupçon de non transparence vis-à-vis des intérêts industriels. Etant donné la difficulté à établir une interface entre l’OMS et ses Etats membres, il faut penser de façon plus intégrée les initiatives nationales vis-à-vis de l’OMS. Les Etats membres ne doivent-ils pas appeler l’OMS à revenir sur son opacité ?
Pour Mme Michèle Rivasi, membre du Parlement européen, l’OMS ne sera pas crédible tant qu’on n’aura pas la liste des membres du comité d’urgence du RSI. Il faudrait de même avoir la liste des experts qui ont un lien avec la Commission européenne.
C. AVOIR UNE APPROCHE NOUVELLE DE LA COMMUNICATION
1. La communication de crise : un outil utile sous certaines conditions
Que disent les chercheurs ayant réfléchi à la nature de la communication de crise, et aux actions qu’il faut alors entreprendre ?
- Une crise est une situation hors norme qui peut résulter d’un risque ou d’une menace. Le risque comporte un aspect non intentionnel là où une menace a un caractère intentionnel.
La crise est une période pendant laquelle toutes les informations convergent vers le centre de décision qui sature. Si en temps normal, dans le pilotage d’un projet, tout se gère en confiance, coordination et concertation, en période de crise, le pilotage se fait dans la défiance, la désorganisation et la dissension.
- La communication de crise consiste à éviter autant que possible les effets de la situation de crise.
Cette communication s’entend de façon globale, il ne s’agit pas seulement de celle à destination des médias, loin de là. Il s’agit de déterminer ce que le centre de décision veut transmettre comme message et consignes aux acteurs en jeu.
- Cette communication repose sur l’analyse des contraintes et des tâches à accomplir à divers niveaux : juridique, humain, financier, et organisationnel.
Au plan juridique, il faut déterminer quelles responsabilités peuvent être mises en cause. Cette question prend de plus en plus d’importance avec la « juridisation » de notre société.
Au plan humain, il faut d’abord rassurer les professionnels concernés par la crise car leurs attaques seront les plus écoutées et virulentes, ce qui a été le cas pour les médecins généralistes et infirmiers qui avaient été écartés et qui ont été très écoutés par la société civile. Mais ce sont aussi ces personnes concernées qui peuvent être amenées à défendre la structure attaquée.
Au plan financier, il faut déterminer les coûts prévisibles.
Au plan organisationnel, il faut communiquer vers tous les organes intéressés. Il est très important que la communication émane d’une source clairement identifiée et qu’elle soit unique pour rendre l’information audible et claire. Plus il y a de sources, plus les risques de contresens et de contradictions sont grands.
Au plan médiatique, il faut prendre en compte les partenaires de plus ne plus nombreux qu’il s’agisse d’Internet, des chaînes d’informations en continu et des réseaux sociaux amplificateurs d’informations tels Facebook ou Twitter.
- Pour faire face à ces différentes contraintes, il est habituellement créé une structure de pilotage qui met en œuvre un plan de communication de crise (PCC).
Ce plan comprend plusieurs éléments : la définition de messages d’alerte, la constitution d’une équipe d’évaluation rapide et d’une structure de pilotage, la définition des populations cibles.
Il faut d’abord définir les messages d’alerte et déterminer les personnes appelées à les recevoir et les gérer, ce qui peut conduire à mettre en place un système d’astreinte souple et rapide.
L’équipe d’évaluation rapide doit être peu nombreuse. Elle doit pouvoir se constituer rapidement en cas de crise. La cellule de crise va quant à elle déclencher le PCC et piloter l’ensemble des opérations. Elle va mettre en place les structures de coordination et de coopération entre les services concernés tout en analysant l’efficacité des mesures prises.
Un porte parole définira et préparera des éléments de langage. Il devra trouver des formules simples compréhensibles par tous pour être reprises par tous et donner les messages clés.
Cette communication de crise va s’adresser aux personnels concernés, aux citoyens, aux fournisseurs éventuels, aux partenaires intéressés et aux associations.
N’aurait-on pas dû s’inspirer de ces idées, et prévoir des messages plus adaptés pour le corps médical en général, les citoyens à qui la vaccination était proposée, les entreprises pharmaceutiques, des partenaires publics très divers (le Parlement, les différents ministères, les collectivités territoriales, les organismes internationaux), mais aussi les associations qui pouvaient permettre d’atteindre des populations cibles sans les stigmatiser et être des caisses de résonance ?
2. La nécessité d’une réflexion plus approfondie sur les nouveaux réseaux sociaux et la communication sur Internet
Internet est une source de propagation de l’information qui ne peut plus être ignorée.
L’importance croissante du débat sur Internet apparaît clairement à travers quelques chiffres qui concernent ce qu’on appelle désormais les « réseaux sociaux » :
- 77 % des internautes français sont inscrits sur un réseau social ,
- 97 % des internautes français connaissent Facebook,
- Facebook comprend 400 millions d’utilisateurs actifs,
- Un utilisateur moyen de Facebook passe 55 minutes par jour sur ce site,
- 1 milliard de vidéos sont consultées par jour sur YouTube,
- 96 % des internautes français entre 20 et 30 ans fréquentent au moins un réseau social.
Une étude publiée par la Nielsen Company (Global faces and Networked places, A Nielsen report on Social Networking’s New Global Footprint, Mars 2009), montre que les blogs et autres réseaux sociaux constituent désormais le 4ème usage le plus populaire d’Internet (66,8%) devançant même l’e-mail (65,1%).
L’usage de Facebook a quant à lui crû de 566% en un an comparé aux autres réseaux sociaux. Autre leçon de cette étude, la moyenne d’âge du public de Facebook augmente. Depuis un an, la tranche des 50-64 ans a crû beaucoup plus (+13,6 millions) que celle des moins de 18 ans (+7,3 millions). Facebook n’est plus un réseau social d’étudiants : un tiers de ses membres est situé dans la tranche 35-49 ans et près d’un quart est âgé de plus de 50 ans.
Ne faudrait-il pas que les autorités sanitaires réfléchissent à l’utilisation de ces nouveaux réseaux de communication, comme le font aux Etats-Unis les CDC d’Atlanta ?
Plusieurs rapports vont être prochainement publiés : ceux des commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat ; ceux de la Cour des Comptes, tandis que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe débat de la gestion de la grippe et que le Parlement européen s’interroge lui aussi sur la création d’une commission d’enquête.
L’étude de l’OPECST a certes un positionnement particulier : Elle traite de la mutation des virus et de la gestion des pandémies. Elle s’intéresse à la dimension scientifique de ces questions. Elle ne concerne pas seulement le virus A(H1N1). Elle repose par ailleurs sur de nombreuses comparaisons internationales, réalisées la plupart du temps après avoir rencontré les responsables concernés à l’étranger.
Mais cette multiplicité de prises de position reflète l’état de l’opinion publique qui s’interroge sur la nature et l’efficacité des décisions prises.
Dans ce contexte, les décisions de l’OMS sont de moins en moins compréhensibles. Déjà, le 24 février, elle avait refusé de lever le niveau 6 de pandémie. Mais elle récidive le 3 juin, au risque de perdre toute crédibilité. Il est urgent qu’elle change de position et modifie sa définition actuelle de la pandémie, qui ne tient compte que de la diffusion géographique d’un virus, sans la coupler à sa dangerosité réelle ou potentielle.
L’OMS ne peut pas vivre dans une tour d’ivoire, sans tenir compte des réactions d’une opinion publique qu’il lui faudrait pourtant convaincre de la justesse de ses arguments. Il en va de sa crédibilité et plus largement de la crédibilité du message public.
Que se passerait-t-il demain si une nouvelle pandémie, plus dangereuse, apparaissait ? C’est statistiquement probable. Les virus ont un potentiel important de circulation, et la veille sanitaire ne doit pas être relâchée.
Il serait nettement préférable de redéfinir le plan pandémie qui avait été élaboré pour des situations extrêmes, afin de lui donner plus de souplesse, plus d’adaptabilité. Il faut réintroduire la notion de dangerosité qui existait il y a quelques années. Il faut y inclure de nouvelles phases intermédiaires, comme on l’a déjà fait. Il faut oser revenir à une phase moins théorique, moins dramatique, afin de pouvoir de nouveau réagir en cas d’urgence.
Il importe de trouver les moyens de susciter l’adhésion des citoyens à la définition des mesures qu’il serait nécessaire de prendre en cas de danger important. Cela passe par la tenue de débats sur le degré de limitation des libertés publiques qu’il faut envisager en cas d’extrême dangerosité d’un virus. Cela passe par une confiance accrue dans l’indépendance de l’expertise, car les dispositifs qui nous ont été décrits, d’apparence fiable, ont laissé passer des cas inacceptables.
Il est nécessaire de réfléchir à la manière d’associer les professionnels de santé à la définition des politiques qu’ils seront chargés de mettre en œuvre. Il serait de même utile de débattre avec les associations de patients pour mieux savoir comment contacter en cas de besoin des populations qui seraient particulièrement fragiles face à un virus qui aurait muté.
Par ailleurs, de nombreuses leçons peuvent être tirées de l’expérience acquise depuis un an dans la lutte contre ce virus A(H1N1).
On peut tout d’abord se féliciter de plusieurs points très positifs : les réseaux GROG et Sentinelles se sont rapprochés. Des liens nouveaux se sont développés entre les Centres nationaux de référence et les laboratoires hospitaliers. Des études sérologiques ont permis de mieux appréhender le nombre de personnes infectées par le virus.
Il faut par contre progresser dans d’autres domaines : les méthodes statistiques utilisées jusqu’à présent pour comptabiliser les décès en cas de grippe virale ne sont plus satisfaisantes. L’immunité préexistante n’est pas évaluée assez finement. Les goulots d’étranglement restent trop nombreux dans la production de vaccins. Les catégories à vacciner de manière prioritaire sont trop définies sur des critères purement médicaux, alors qu’elles devraient aussi inclure ceux qui sont les plus exposés aux virus du fait de leurs contacts professionnels fréquents avec un nombre élevé de personnes.
Il faudra de même s’interroger sur la manière dont les représentants de la puissance publique négocient les contrats avec l’industrie, en sachant bien que l’urgence ne crée pas forcément les conditions les plus favorables pour des négociateurs. Une meilleure synergie européenne aurait permis de dialoguer avec plus de force avec les laboratoires, sans se mettre en position de demandeur en compétition. Il faudra introduire dans les contrats des clauses claires de renégociation.
La question principale est aujourd’hui de remédier aux dysfonctionnements qui sont apparus. Cela implique certes de les reconnaître avec lucidité plutôt que de les occulter. Ce peut être difficile pour certains responsables, mais il en va de la crédibilité de l’action publique.
I. ABOUTIR A UNE MEILLEURE FIABILITÉ DES DONNÉES QUI AIDENT A LA DÉCISION
1. Développer les recherches permettant une meilleure connaissance des indicateurs de pathogénécité des virus, ainsi que des données sur l’immunité acquise des individus, reposant sur une approche sérologique ;
2. Rendre plus cohérentes et appréhendables la modélisation et l’extrapolation en épidémiologie ;
3. Définir les critères permettant de parvenir à une meilleure appréhension de la mortalité, et d’avoir des statistiques comparables au niveau international ;
4. Etudier les effets de la vaccination saisonnière (effet barrière, effet individuel) ;
5. Favoriser la pluridisciplinarité, en particulier entre santé animale et virologie humaine ;
6. Assurer la permanence des moyens publics affectés à la recherche en période calme sur la connaissance des virus, sur leurs facteurs de mutation ou de recombinaison, sur les effets des antiviraux ;
7. Faire un bilan exhaustif des dépenses publiques, des gains privés (y compris les crédits d’impôts sollicités pour l’occasion), des résultats obtenus et des bénéfices pour la population ;
8. Veiller à ne pas supprimer les dispositifs ayant pour vocation de développer la culture scientifique ;
9. Renforcer l’appui financier public au laboratoire P4, ainsi que les protocoles de sécurité ;
10. Promouvoir le rayonnement international dans l’Océan indien du pôle de recherche de la Réunion ;
11. Veiller à ce que l’INVS soit dans une démarche autonome et indépendante par rapport à l’OMS.
12. Redéfinir les différentes phases du plan pandémie, et restaurer le critère de létalité. Définir davantage d’étapes intermédiaires, en tenant compte à chaque étape du degré de gravité tant en nombre de personnes infectées qu’en nombre de cas graves ;
13. Donner de la flexibilité au plan national pandémie. Associer les professions médicales, les chercheurs en sciences sociales et les associations de malades à l’élaboration des décisions. Veiller à ce que les autorités de santé formulent des saisines claires et régulières des conseils, agences, et comités prévus à cet effet. Rendre publics les avis successifs ;
14. Définir de façon plus élaborée les critères permettant de prendre la décision de débuter la production des vaccins ;
15. Sortir du cercle contraignant du niveau 6 de l’OMS, pour éviter qu’il conditionne l’obligation pour les firmes de fabriquer des vaccins, et l’autorisation pour les États de vacciner. Ne pas hésiter à revenir à des niveaux moins élevés de vigilance ;
16. Commander des vaccins (s’il y a lieu) par tranches évolutives, et pour ce faire favoriser les harmonisations préalables entre pays. Développer au niveau européen des stratégies et des négociations communes avec les laboratoires, afin d’obtenir de meilleures conditions financières ;
17. Promouvoir le conditionnement des vaccins en unidose, et ne passer au vaccin multidoses qu’en cas de réelle pandémie, et de campagnes d’urgence ;
18. Faire plusieurs études sérologiques permettant de définir le niveau d’immunité de la population, à partir de cohortes sur des groupes soit à risque, soit potentiellement prioritaires, soit témoins ;
19. Faire plus de recherche sur la mise en oeuvre d’un vaccin à large spectre ;
20. En cas d’alerte sur un virus émergent, prévoir un dispositif efficace de financement d’urgence de recherches répondant à des commandes liées à une meilleure connaissance du virus, de son évolution, de ses effets, et de la progression de la contagion ;
21. Assurer la permanence du financement de la recherche sur les maladies infectieuses ;
22. Moderniser la communication en la rendant plus interactive et plus sobre ;
23. Garantir l’indépendance de l’expertise en mettant en œuvre l’instance votée dans le Grenelle. Ne pas laisser les chercheurs enfermés dans la quête de fonds privés des firmes pour travailler. Exiger de l’OMS davantage de transparence et de distance vis-à-vis des firmes pharmaceutiques ;
24. Créer un Haut Conseil de la lutte contre le risque épidémique ou biologique.
III. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LA SOCIÉTÉ ET LA RÉALITÉ DE SON QUOTIDIEN
25. S’appuyer sur les compétences existantes et les réseaux de terrain : les généralistes, les pharmaciens ;
26. Entretenir le maillage social permettant de relayer l’action de l’État. Soutenir un réseau de professionnels, d’associations pouvant réagir immédiatement en cas d’épidémie et être opérationnels très rapidement ;
27. Repérer et traiter les personnes vulnérables grâce à leurs médecins, leur accès habituel aux soins et les associations de patients qui peuvent les identifier ;
28. Redéfinir les catégories prioritaires pour la vaccination en les élargissant aux personnes exposées et qu’il faut protéger (comme les caissières de supermarché ou les conducteurs dans les transports publics), et aux personnes qui sont en situation de transmettre le virus, au-delà du personnel médical (comme par exemple les éleveurs de bétail et de volailles) ;
29. Informer, protéger et vacciner (s’il y a lieu) les publics de contact sur leurs lieux de travail ;
30. Avoir une approche spécifique pour la précarité ;
31. Rassembler les retours d’expérience et en tenir compte ;
32. Associer la société au doute et au savoir dès le départ. Entendre et évaluer ses attentes pour qualifier le débat sur les mesures à prendre.
Présentation du rapport sur « la mutation des virus et la gestion des pandémies »
M. Claude Birraux, député, président, a rappelé que l’Office a été saisi de cette demande d’étude par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, et que les deux rapporteurs, M. Jean-Pierre Door, député, et Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, ont présenté en février dernier un rapport d’étape.
M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a tout d’abord souligné que le rapport dont l’objet est relativement large aborde quatre thèmes principaux : les connaissances sur les virus et leurs mutations, comment les luttes contre le H1N1 mais aussi le syndrome respiratoire aigu sévère SRAS, le H5N1 et le chikungunia ont été menées, la nécessaire coordination internationale, et enfin la manière dont la puissance publique a répondu et pourrait dans l’avenir répondre à une pandémie.
Après avoir indiqué que, pour son élaboration, les rapporteurs se sont appuyés sur de nombreuses auditions, notamment à Genève, au siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ainsi qu’auprès des institutions européennes chargées de la veille sanitaire et de l’autorisation des médicaments, M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a formulé plusieurs observations.
En premier lieu, en dépit des recherches réalisées sur les virus, leurs mutations et leurs effets potentiels, les connaissances restent lacunaires, notamment sur les moyens permettant de se prémunir d’un virus qui combinerait les éléments les plus inquiétants du H5N1 et du H1N1. Aussi les besoins de recherche dans ce domaine sont-ils considérables, en particulier pour connaître le moment de l’attaque virale, les anticorps présents dans diverses catégories de population, les rendements des vaccins, leurs délais d’utilisation et donc leurs dates de péremption. Des études sont également nécessaires sur l’efficacité des mesures barrière (hygiène des mains, quarantaines, accroissement de la distance sociale dans les écoles et les transports), le rôle et l’efficacité des antiviraux, la manière d’identifier et de protéger les personnes à risque, mais aussi les professionnels de santé et les personnes en contact avec le grand public.
M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a par ailleurs déploré l’absence ou l’insuffisance de fonds destinés à faire face à des situations exceptionnelles et insisté sur la nécessité de convaincre nos concitoyens que la vaccination reste la meilleure manière de se protéger contre une épidémie, ce qui pose le problème de la communication sur la gravité de l’attaque virale et des éventuelles contradictions entre les messages. Il a, sur ce point, observé que l’OMS se montre encore hésitante sur la diminution ou non du niveau d’alerte maximale qu’elle a décrété en avril dernier, alors que les autorités françaises ont reconnu, il y a plus de six mois, la fin du pic pandémique et en ont tiré les conséquences sur la poursuite de leur action, et jugé nécessaire de réintégrer la notion de gravité dans la définition de la pandémie, ou, à défaut, d’inventer un nouveau concept mêlant diffusion géographique et sévérité de l’attaque.
Après avoir abordé la question de l’adaptation du dispositif public de communication à l’émergence de nouvelles formes d’expression sur Internet et au développement des réseaux sociaux, M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a considéré qu’il convenait de lever certains tabous qui empêchent de prévenir en temps utile les personnes sensibles, notamment en autorisant le croisement des fichiers, méthode interdite jusqu’à présent par la CNIL, et souligné l’intérêt de tirer des enseignements des exemples étrangers. Ainsi, la Chine, pays où l’on observe le plus grand nombre de personnes vaccinées, s’est dotée depuis le SRAS de structures et de moyens lui permettant de lutter contre un nouveau virus de manière aussi efficace que les autres pays, tout en utilisant son propre vaccin. L’exemple de la Suède montre combien la confiance dans le système de santé publique peut influer sur le taux de vaccination qui a dépassé 60% dans ce pays. Celui du Canada montre que les mêmes choix peuvent néanmoins déboucher sur des résultats très différents, puisque, dans ce pays, un tiers de la population s’est fait vacciner, le taux de vaccination au Québec ayant même dépassé 50 %.
M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a souligné l’utilité de l’implication des agences européennes qui, du reste, interviennent lors de l’autorisation de nouveaux médicaments.
Dès 2003, l’Agence européenne des médicaments s’est préparée à une pandémie en développant le concept de dossiers maquette (mock-up) qui permettent d’inclure dans un vaccin existant une souche pandémique. Dans ce cas, il a été décidé que les essais cliniques seraient réalisés après autorisation, de manière à accélérer la mise à disposition des vaccins. Lors du H1N1, l’EMEA, contrairement aux Etats-Unis, a recommandé d’utiliser des adjuvants afin d’obtenir un vaccin qui serait à la fois efficace et de haut rendement. Les programmes de vaccination restent toutefois de la responsabilité des Etats membres.
Par ailleurs, l’ECDC, le Centre européen de contrôle des maladies, joue un rôle de coordination intéressant, mais ses moyens sont très limités, par comparaison aux structures de veille nationales et surtout par rapport au CDC américain d’Atlanta. Si cette structure est chargée d’évaluer les risques, leur gestion relève de la Commission et des Etats membres.
M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a ensuite observé qu’au niveau national, le plan pandémie s’est révélé utile mais qu’il n’a pas été présenté de manière à permettre aux citoyens de se l’approprier. Ses dispositions sont souvent draconiennes, notamment lorsqu’elles envisagent des limitations des libertés publiques, et la population n’a pas compris que toutes n’ont pas vocation à être mises en œuvre. Il s’est, à ce propos, demandé si la situation constatée en France ne s’expliquait pas par les conditions d’adoption de ce plan, lequel n’a pas été examiné par le Parlement, les mesures prises n’ayant par ailleurs pas fait l’objet d’un examen contradictoire.
Après avoir suggéré de réintroduire au niveau mondial, dans la définition de la pandémie, des éléments sur la gravité de ses effets, M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a formulé, en conclusion, deux observations :
- Le H1N1 a fait moins de dommages que la grippe saisonnière alors que tous les éléments d’analyse prédisaient une vraie crise. La réaction de la population démontre l’importance de prévenir la méfiance. Plusieurs questions doivent être étudiées, sur la nature de la violence sur le « Net », sur la préférence apparente de la société pour l’irrationnel, sur la manière dont réagit la population.
- Les leçons à tirer sont multiples. La prévention est très difficile à faire admettre. Il est préférable de renforcer les liens entre les médecins de famille et les citoyens, plutôt que de les distendre. Il faut comprendre les raisons pour lesquelles beaucoup d’infirmières ont refusé la vaccination. Les doutes et les changements de cap sur le nombre d’injections et les méthodes du diagnostic biologique ont créé les ingrédients d’une crise caractérisée par la méfiance, l’apparence d’arbitraire de la « surveillance » et de nombreuses inquiétudes. Il faut à l’évidence un changement des règles, afin d’obtenir l’adhésion de la population lors d’une prochaine vraie crise.
Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur, a rappelé que les mutations d’un virus sont fréquentes, qu’elles peuvent créer des résistances à un médicament et adapter le virus à un nouvel hôte intermédiaire, ce qui fut le cas de la dernière crise de chikungunia dans l’Océan Indien. L’histoire de différents virus de la grippe dont certains peuvent circuler simultanément est éclairante. Il y ainsi un virus H1N1, un A(H1N1) pandémique, un A(H1N1) saisonnier et le A(H3N2). Certaines zones d’ombre ne sont toujours pas éclaircies sur la circulation du H1N1 entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique. On ne sait pas quand et où est apparu le A(H1N1) pandémique, fruit d’un réassortiment porcin, aviaire, humain, et le directeur général de l’Organisation internationale de santé animale ne considère pas pertinent le terme de grippe porcine. Le virus qui a permis la mutation n’a pas été transmis par le porc à l’homme, mais probablement de l’homme au porc.
Elle a noté que la gestion de la crise avait révélé un climat de vigilance exacerbé, alors que les connaissances étaient fragiles, ce qui a conduit à des choix discutables. L’alerte de 2005 sur le H5N1 a engendré des préparations internationales et nationales sous forme de plans pandémiques, ainsi que des précommandes de vaccins. Des crises comme la canicule ont conduit les autorités de santé à l’anticipation absolue de tout scénario catastrophe. Le 9 mars 2009, le Président Sarkozy signait au Mexique un accord y prévoyant pour 100 millions d’euros, la construction d’une usine Sanofi de vaccin pandémique et saisonnier.
Les conséquences des virus sont parfois ignorées. Il en est ainsi de leurs impacts sur l’environnement et les conditions de travail. Leurs effets sont complexes à mesurer. Si on prend un modèle mathématique de surmortalité, on risque par exemple d’attribuer à la grippe des cas de décès qui seraient dus simultanément à une autre pathologie sévissant aussi en hiver. Si on prend le nombre de consultations chez les généralistes, on peut voir la courbe monter ou descendre pour d’autres facteurs que le nombre de cas, comme la mise en fonction de call-centers en Angleterre le montre.
Puis elle a souligné que l’aide à la décision devra reposer sur une meilleure connaissance de la sérologie, qui renseigne sur l’immunité acquise de la population, et sur la pathogénicité du virus émergent. Après s’être demandé si les autorités n’auraient pas dû davantage écouter les chercheurs en santé animale qui ont très vite estimé que le virus A(H1N1) serait moins dangereux que prévu, du fait de la longueur de la tige de neuraminidase de sa surface, elle a considéré qu’il faudra vérifier les informations données, et ajouter aux données des virologues des observations cliniques sérieuses, dont le retour d’expériences de l’hémisphère sud par exemple. Sans tomber dans la thèse du complot, il faut se demander pourquoi les spécialistes de la veille sanitaire se sont ainsi laissé tromper.
La pandémie a fait l’objet de définitions variables, a-t-elle par ailleurs observé, jugeant urgent pour l’OMS de modifier la définition qu’elle en donne. C’est une question de crédibilité et d’efficacité, d’autant plus que la substitution en mai 2009 sur le site de l’OMS, d’une page avec le critère de nombre de malades et de morts, par une page ne retenant que la nouveauté du virus et sa répartition géographique pose problème. A quoi sert d’utiliser une définition purement géographique, alors que les Etats, comme les citoyens ont besoin de savoir quelle est l’étendue du risque ?
L’opiniâtreté de l’OMS s’explique peut-être par le caractère mondial de cette institution, peut-être par sa structure : ses dirigeants sont responsables devant des Etats, et n’ont pas à tenir compte de l’opinion publique. L’articulation étroite, dans les pré-contrats signés par les Etats en 2005, de la déclaration du stade 6 par l’OMS avec le démarrage de la fabrication des vaccins met en perspective la justification de cette rigidité.
Les conflits d’intérêt potentiels des experts auprès de l’OMS, mais aussi auprès des décideurs nationaux, doivent être pris au sérieux La levée du secret sur le nom des 200 experts de l’OMS s’impose, de même qu’une gestion harmonisée en France.
Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur, a ensuite évoqué les erreurs ou les dysfonctionnements constatés lors de la campagne de vaccination qui doivent être corrigés. Le double pilotage de la crise par les ministères de l’Intérieur et de la Santé a été une erreur. La vaccination a fait l’objet de recommandations massives, mais il n’y a eu aucune évaluation basée sur des données cliniques significatives, ou sur le désir des Français de se faire vacciner. La non association des médecins généralistes à la vaccination a été une erreur grave, dont l’impact a été considérable.
Personne ne peut se réjouir de la défiance qui a été créée. Un débat public doit être lancé si l’on veut rendre de nouveau acceptables les politiques publiques de prévention, si l’on veut réconcilier les citoyens avec la parole publique sur le danger d’une pandémie, mais aussi avec la vaccination. A partir du moment où la vaccination n’est pas obligatoire, c’est aux citoyens de décider s’ils se feront vacciner. Dans le cas présent, l’échec est patent. Les pouvoirs publics avaient estimé qu’il fallait prévoir de vacciner les deux tiers de la population. C’est sur cette base qu’ont été commandés les vaccins. Mais fin janvier, quand la ministre de la santé renégocie les contrats, seulement 5 millions de Français s’étaient fait vacciner, tandis que la proportion des professionnels de santé qui se sont fait vacciner n’a jamais dépassé 30%.
Il n’y a pas de raison pour que les citoyens acceptent des arguments d’autorité sur la vaccination. Les inquiétudes de la population vis-à-vis des effets secondaires des adjuvants, mais aussi et surtout du thiomersal, sont légitimes. La vaccination en centres collectifs n’est pas adaptée à la conception qu’ont aujourd’hui les patients de l’organisation des soins. Les bons de vaccination ont été reçus trop tardivement. La définition des catégories prioritaires lors de la vaccination doit être débattue. La manière de contacter rapidement les personnes sensibles doit faire l’objet d’une attention beaucoup plus grande, et donner lieu à un débat entre les associations de patients et la CNIL sur le croisement des fichiers informatiques.
Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur a insisté sur le fait que l’obtention d’informations fiables doit être une préoccupation prioritaire. Les méthodes actuelles de collecte de l’information ne sont pas adaptées à l’exigence de connaissance suffisante pour adopter et adapter une politique publique. Les résultats des études sérologiques ont montré avec clarté le décalage profond qui existe entre la réalité et l’image qu’en donnaient tant les études épidémiologiques que les modèles mathématiques. C’est visiblement le scénario du pire qui a été choisi pour commander les vaccins, alors que, dans d’autres domaines de santé publique, au nom de l’économie, la barre d’exigences de la garantie de la réponse sanitaire est bien moins élevée.
L’exemple du chikungunia à La Réunion est intéressant, car la gestion de l’épidémie a été différente de celle du H1N1, même si parfois les autorités publiques ont fait preuve d’autorité frisant la brutalité. Les médecins y ont été associés à la définition de l’action menée. Un travail de fond a été mené avec les associations. Les méthodes de veille sanitaire ont été efficaces et des moyens importants ont été consacrés à la prévention de l’extension du virus, par une importante action de lutte antivectorielle. La communication a été très inventive. Les affiches produites à cette occasion sont remarquables. La pression sur les ressources hospitalières a montré à la fois l’inventivité dont il faut faire preuve et les limites des capacités d’accueil actuelles.
La recherche y a été dynamique et est prometteuse à condition de la financer de manière régulière, comme le montre l’exemple du CRVOI, le Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes de l’Océan indien, qui peut avoir d’importantes retombées sur l’ensemble de cette zone. Certaines de ses recherches sont audacieuses, et devront être suivies et contrôlées avec attention. Il en est ainsi de celles qui portent sur la stérilisation en masse des moustiques par irradiation afin de les lâcher dans la nature pour qu’ils empêchent la fécondation des femelles par des moustiques non stériles.
M. Claude Birraux, député, président, a posé plusieurs questions sur l’attitude de la direction générale de la santé, la manière dont les travaux de l’Office et ceux des commissions d’enquête pourraient améliorer l’information du Parlement, et la façon d’aboutir à une communication plus crédible. Il a demandé des précisions sur les techniques de simulation, les réactions de l’OMS qui a largement contribué à « allumer le feu », les adjuvants, la passation des marchés, le financement de la recherche et la manière de lutter contre la méfiance, en soulignant qu’il fallait distinguer les principes de précaution et de prévention.
Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, rapporteur, a récusé l’utilisation du terme « principe de précaution » en soulignant qu’il ne fallait pas se référer à la Constitution. Elle a indiqué que les deux rapporteurs avaient essayé d’éviter la disparité de leurs travaux avec ceux des commissions d’enquête. Elle a souligné les difficultés de toute politique de communication, ainsi que la fragilité des modèles mathématiques. Elle a relevé l’incompétence des Etats face aux firmes pharmaceutiques lors de la passation des marchés.
M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a rappelé les variations de l’opinion publique et des media lors des diverses phases de la pandémie, de même que les incertitudes et les doutes. Il a souligné l’intérêt particulier de l’étude de l’OPECST, et les contacts qu’elle avait permis, notamment à l’OMS qui a accepté de recevoir ses deux rapporteurs. Il a rappelé que les positions et le mode de fonctionnement de l’OMS relèvent des représentants de ses Etats membres, dont la France.
L’intérêt des adjuvants est d’utiliser moins de souche vaccinale et d’augmenter le pouvoir immunogène du vaccin. S’ils sont contestés, ils sont indispensables en cas d’explosion d’une pandémie, ce que reconnaissent du reste les Etats-Unis. La France a fait ce choix, sauf pour les femmes enceintes et les enfants.
Les marchés ont été lancés lors du vaccin prépandémique H5N1. Le gouvernement a fait des appels d’offre, qui ont donné lieu à 35 retraits de dossiers, mais à seulement 4 réponses. La première firme à répondre a été Sanofi, dont le vaccin n’a pas reçu l’aval de l’EMEA. Aussi la France s’est-elle tournée vers GSK à qui elle a commandé 50 millions de doses, à un moment où l’on avait peu de certitudes sur le virus. Puis Sanofi a préparé un autre vaccin, commandé par la France qui s’est également tournée vers Novartis et Baxter. Pour l’avenir, il faut que l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) se prépare à négocier autrement. Il faut également, dans le domaine du financement de la recherche, que les chercheurs de servent du 7° PCRD.
M. Jean-Claude Etienne, sénateur, premier vice-président, a souligné que si l’on se retrouvait dans la même situation, on risquerait de retrouver le même désarroi et les mêmes erreurs. Il s’est félicité de l’accent mis par le rapport sur la coordination internationale, qui est la pierre angulaire des solutions à mettre en œuvre. Tout est parti de l’OMS, puis des déclarations de sa directrice générale, dans un climat de décalage total avec la réalité du terrain, ce qui a été la cause de graves dysfonctionnements. Il faut revenir à une approche rigoureuse et scientifique et instruire la problématique de l’OMS afin qu’elle fonctionne mieux, car les Etats qui s’écartent aujourd’hui de sa parole se trouvent dans une position difficile.
M. Jean-Pierre Door, député, rapporteur, a souligné que le problème vient du fonctionnement de l’OMS, qui reste néanmoins une avancée fantastique en matière de santé publique et doit être défendue. Il ne faut pas oublier que sa directrice générale a vécu des évènements dramatiques lors du SRAS, ce qui lui a donné une sensibilité particulière. Nul pays n’est obligé de suivre ses recommandations, et tout pays peut peser sur ses orientations.
L’Office a alors adopté à l’unanimité des membres présents le rapport présenté par M. Jean-Pierre Door, député, et Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, sur « la mutation des virus et la gestion des pandémies »
COMPOSITION DU COMITE DE PILOTAGE
M. le Professeur François BRICAIRE, Chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris ;
M. le Professeur Jean-François DELFRAISSY, Directeur de l’Institut Microbiologie et Maladies infectieuses (IMMI), INSERM ;
M. le Professeur Antoine FLAHAULT, Directeur de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) ;
M. Claude LE PEN, Professeur de sciences économiques à l’université de Paris-Dauphine ;
M. le Professeur Bruno LINA, Directeur du centre national de référence contre la grippe (CNRG) pour le Sud de la France, délégué général du Groupe d’étude et d’information sur la grippe (GEIG), directeur du laboratoire de virologie et de pathologie humaine à Lyon ;
M. Jean-Claude MANUGUERRA, Responsable de la Cellule d’Intervention Biologique d’Urgence (CIBU) à l’Institut Pasteur ;
M. Didier TABUTEAU, conseiller d’État, spécialiste des questions de santé et de sécurité sociale ; Directeur général de la Fondation Caisses d’Épargne pour la solidarité et Directeur de la Chaire Santé de l’IEP de Paris.
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
- I. DEPUIS LE RAPPORT D’ÉTAPE
– Le lundi 15 mars 2010, à Genève
A l’OMS
Mme Isabelle NUTTALL, membre du cabinet de la directrice générale
Dr Philippe DUCLOS, responsable des vaccins et produits biologiques au département de la vaccination, cellule de crise
Dr Sylvie BRIAND, directeur, chef du programme global contre la grippe, cellule de crise
Dr Keiji FUKUDA, directeur adjoint ad interim et conseiller spécial de la directrice générale pour la gestion de la pandémie
M. Jered A. MARKOFF, Centre J.W. LEE pour les opérations stratégiques de santé, département d alerte globale et de réponse
M. Mark SIMPSON, communication, cellule de crise
A la mission permanente de la France auprès des Nations Unies
M. Jean Baptiste MATTEI, ambassadeur (entretien par téléphone)
Mme Geneviève CHEDEVILLE MURRAY, conseiller social
Mme Delphine CHAMPETIER de RIBES, stagiaire ENA
– Le lundi 29 mars 2010
M. Jean MARIMBERT, directeur général de l’AFSSAPS
M. Philippe LECHAT, directeur de l’évaluation des médicaments et des produits biologiques à l’AFSSAPS, membre du CHMP (comité scientifique donnant des avis scientifiques à l’EMEA)
M. Laurent LEMPEREUR, direction des laboratoires et des contrôles de l’AFSSAPS, directeur du site de Lyon de l’AFSSAPS
M. Nicolas THEVENET, chef de département à l’AFSSAPS, surveillance des marchés, direction de l’évaluation des dispositifs médicaux
– Le mercredi 31 mars
M. Martin GUESPEREAU, Directeur général de l’AFSSET
Mme Sylvie VAN DER WERF, Institut Pasteur, directrice du centre national de référence contre la grippe (CNRG) pour le Nord de la France
M. Marc GENTILINI, ancien Président de la Croix Rouge française, membre de l’Académie nationale de médecine
– Le vendredi 8 avril 2010
M. Jean-François DELFRAISSY, directeur de l’Institut Microbiologie et Maladies infectieuses (IMMI), INSERM
Mme Marie-Christine SIMON, ANRS
M. Thierry PINEAU, chef du département de santé animale à l’INRA
M. Abdenour BENMANSOUR, chef de département à l’INRA
- Le lundi 12 avril 2010, à Stockholm
A l’ECDC
M. Karl EKDAHL, Directeur par intérim et Chef d’unité – Santé et Communication
M. Pasi PENTTINEN, Senior Expert, renseignement épidémique
M. René SNACKEN, Senior Expert, Grippe
M. Piotr KRAMAZ, vice-chef d’unité, Avis scientifique
Mme Catherine GINISTY, Senior Web Editor
Auprès des autorités nationales suédoises
Mme Inger ANDERSSON VON ROSEN, Conseil National suédois de la santé et du bien-être
- Le vendredi 16 avril, à Lyon
M. Hervé RAOUL, directeur du laboratoire P4 de Lyon
M. Bruno LINA, directeur du centre national de référence contre la grippe (CNRG) pour le Sud de la France, délégué général du Groupe d’étude et d’information sur la grippe (GEIG), directeur du laboratoire de virologie et de pathologie humaine à Lyon
- Le mardi 27 avril, à Paris
M. Didier TABUTEAU, conseiller d’Etat, spécialiste des questions de santé et de sécurité sociale ; directeur général de la Fondation Caisses d’Épargne pour la solidarité et directeur de la Chaire Santé de l’IEP de Paris
- Le jeudi 29 avril et le vendredi 30 avril, à Londres
Pour étudier la situation en Angleterre et au Royaume Uni
Mme Helen SHIRLEY-QUIRK, Director of Pandemic Preparedness, Department of Health
Mme Elaine GADD, Deputy Director, Pandemic Flu Team, Department of Health, Secrétariat du groupe d’experts indépendants SAGE
M. Peter OPENSHAW, Imperial College, London, Department of respiratory Medicine, National Heart and Lung Institute
Sir Liam DONALDSON, Chief Medical Officer, Department of Health
M. John BEDDINGTON, Chief Scientific advisor du Premier Ministre
M. David COPE, Directeur du Parliamentary Office of Science and Technology (POST)
Mme Sarah BUNN, Conseiller scientifique, Biologie, sciences de la santé au Parliamentary Office of Science and Technology (POST)
M. Andrew HAYWARD, Senior Lecturer in infectious disease epidemiology, University College, London
A l’Agence européenne des Médicaments (EMEA)
M. Patrick LE COURTOIS, Head of Human Medicines Development and Evaluation Unit
M. Marco CAVALERI, Head of Anti-infectives and Vaccines Section
Mme Sheila KENNEDY, Head of Scientific Committee Support Section
Mme Marie Helene PINHEIRO, Scientific Administrator in the Regulatory Affairs
M. Xavier KURZ, Scientific Administrator in Business Coordination and Scientific Projects
Membres de l’Ambassade
M. Serge PLATTARD, Conseiller pour la science et la technologie à l’ambassade de France
Mme Frédérique SIMON-LEVELLE, Conseillère pour les affaires sociales à l’ambassade de France
Mme Claire MOUCHOT, Attachée « Sciences de la vie » à l’ambassade de France
– les 17 et 18 mai, à Hong Kong et à Canton
A Hong Kong
Au Centre pour la Protection de la Santé de Hong Kong
M. Kwok-Kee CHAN, Superintendant de la Police, Emergency Response and Information Branch
Dr Sarah Mei-yee CHOI, Chef de l’Emergency Response and Information Branch
Dr Chester Chiu-yin TSANG, Senior Medical and Health Officer
Dr Bessie TONG, Medial and health officer, Emergency Response and Information Branch
Services diplomatiques
M. Marc FONBAUSTIER, Consul général de France à Hong Kong
M. Christian RAMAGE, Consul Général adjoint
M. Claude DETREZ, Attaché scientifique
Mme Amélie DARRAS, Vétérinaire, Chef de projet maladies infectieuses, ambassade de France à Pékin
Au Centre Pasteur / Université de Hong Kong
Pr Roberto BRUZZONE, Directeur
Pr Malik PEIRIS, Directeur scientifique
Mme Béatrice NAL-ROGIER, chercheur
M. Jean-Michel GARCIA, Coordinateur de la plateforme de criblage de haut débit
A Canton
Au Centre de Contrôle et de Prévention des Maladies de la province de Guangdong
Mme Xingfen YANG, Directrice générale adjointe
M. Jianfeng HE, Directeur de l’Institut de la prévention des maladies épidémiques
M. Weishi CHEN, Directeur du bureau du centre collaborateur de l’OMS
M. Tie SONG, Directeur, Gestion des urgences
Au laboratoire national des maladies respiratoires de Canton
Dr. Nan-Shan ZHONG, Président de l’association des médecins chinois, membre de l’Académie chinoise d’ingénierie, directeur de l’Institut des maladies respiratoires, membre du comité consultatif d’experts de l’OMS
Dr. Guangqiao ZENG, assistant scientifique du Professeur ZHONG
Au Bureau de la Santé de Canton
M. Duanhua ZHOU, chef du service Contrôle et Prévention des Maladies
Services diplomatiques
M. Jean-Raphaël PEYTREGNET, Consul général de France
M. Didier MARTY-DESSUS, attaché pour la Science et la Technologie au Consulat général de France
– Le mercredi 9 juin, à Paris
M. Bernard VALLAT, directeur général de l’OIE
–
- Le lundi 14 juin, à l’Assemblée nationale, lors de l’audition publique sur le thème :
« H1N1, et si c’était à refaire ? »
- M. Gérard BAPT, Député de Haute-Garonne
- Mme Béatrice BROCHE, Porte-parole du syndicat des médecins inspecteurs de la santé publique (SMISP)
- M. Thierry COUDERT, Directeur de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)
- M. Jean-François DELFRAISSY, Directeur, Institut thématique multi organisme microbiologie et maladies infectieuses d’AVIESAN
- M. Antoine FLAHAULT, Directeur de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP)
- M. Marc GENTILINI, Membre de l'Académie de médecine, Ancien directeur du service maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Pitié-Salpêtrière
- M. François HEISBOURG, Conseiller spécial, Fondation pour la Recherche stratégique
- M. Emmanuel HIRSCH, Professeur à l'université Paris Sud XI
- M. Didier HOUSSIN, Directeur général de la santé
- M. Jean-Jacques JÉGOU, Sénateur du Val de Marne
- M. Patrick LAGADEC, Directeur de recherche à l’Ecole polytechnique, spécialiste du pilotage des crises hors cadre.
- M. Jean-Claude MANUGUERRA, Responsable de la Cellule d’Intervention Biologique d’Urgence (CIBU) de l’Institut Pasteur, Président du Comité de lutte contre la grippe, constitué au plan national.
- M. Jean MARIMBERT, Directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps)
- Mme Martine PEREZ, Rédactrice en chef du Figaro, service sciences et médecine
- M. Gérard RAYMOND, Président de l'association française des diabétiques
- Mme Michèle RIVASI, Membre du Parlement européen
- M. André SYROTA, Président – Directeur général de l’INSERM et de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN)
- M. Didier TABUTEAU, Responsable de la chaire santé à l'Institut d'études politiques de Paris
- M. Dominique TRICARD, Inspecteur général des affaires sociales
- Mme Françoise WEBER, Directrice générale de l'Institut de veille sanitaire (Invs)
- M. Patrick ZYLBERMAN, Professeur d’histoire de la santé à l’Ecole des hautes études en santé publique (Rennes & Paris)
II. A LA RÉUNION, DU 14 AU 16 DÉCEMBRE 2009 (rappel)
- Auditions individuelles
M. Pierre-Henry MACCIONI, préfet de La Réunion.
M. Jean-François MONIOTTE, directeur de Cabinet du Préfet de la Réunion
M. Christian MEURIN, directeur régional des Affaires sanitaires et sociales de La Réunion (DRASS)
M. Arnaud MARTRENCHAR, directeur des services vétérinaires de La Réunion
M. Koussay DELLAGI, directeur du CRVOI (Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes de l’Océan indien)
Mme Maya CESARI, élue au Conseil régional, déléguée aux secteurs innovants
M. Philippe GASQUE, directeur du groupe de recherche sur les maladies infectieuses (Université de la Réunion, Centre biomédical CYROI, CHR Félix Guyon)
Mme Isabelle HENNEQUIN, journaliste à RFO
- Au Centre hospitalier régional Félix GUYON
M. Laurent BIEN, directeur régional
Mme Marie-Christine JAFFAR-BANDJEE, microbiologiste
Mme Marie-Pierre MOITON, praticien hospitalier – maladies infectieuses
M. Bernard-Alex GAÜZERE, praticien hospitalier – réanimation
M. Remy ALMAR, cadre supérieur de santé
M. Guy HENRION, praticien hospitalier – SAMU Urgences
M. Michel BOHRER, praticien hospitalier – DIM –, vice-président de la commission médicale d’établissement
M. Patrick GRAS, directeur du site
Mme Brigitte PETITJEAN, cadre NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique)
- A la DRASS
M. Christian MEURIN, directeur de la DRASS de La Réunion
Mme Gaëlle FOHR, ingénieur sanitaire
M. Denis LERAT, inspecteur principal
Mme Marion ARBES, médecin inspecteur régional
M. Régis CORNU, pôle santé
Mme Marie BAVILLE, ingénieur sanitaire DRASS, Lutte anti-vectorielle Réunion
M. Julien THIRIA, ingénieur sanitaire (Mayotte)
M. Laurent FILLEUL, coordinateur scientifique CIRE Réunion-Mayotte
M. Philippe RENAULT, médecin épidémiologiste, CIRE Réunion-Mayotte
- Au Groupe hospitalier Sud Réunion
M. Jean-Marie CHOPIN, directeur du GHSR
M. Frederik STAINUWSKY, chef du service urgences
M. Jean-Marie LEBON, directeur des soins
M. Alain MICHAULT, chef de service Laboratoire de bactériologie, parasitologie, virologie, hygiène du GHSR
M. Christian TREBUCHET, président CME du site sud du CHR
Mme Josiane LENCLUME, attachée affaires générales et stratégie
M. WINER, chef de service de réanimation
M. POUBEAU, praticien hospitalier maladies infectieuses
M. ARVIN-BEROD, responsable de pôle disciplines médicales, chef de service maladies infectieuses
- A l’Union régionale des Médecins Libéraux de La Réunion
M. François ANDRE, président, gastro-entérologue
M. Robert ARNAUD, généraliste
M. Christian LEMBA, gastro-entérologue
M. Christian BETTOUM, immuno-allergologue
M. Jérôme BRANSWYCK, généraliste
M. Frédéric VASSAS, stomatologue
M. Jean-Pierre LAURENT-GRANDPRE, ORL
M. Bernard BODEN, chirurgien orthopédiste, président du département d’information
médicale d’une clinique
- Rencontre avec les associations
Mme Françoise PAYET, présidente de l’association de quartier Philibert Commerson (quartier de Saint Denis)
Mme Blandine BOUVET, directrice de l’IREPS, Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé
Mme Nasrène SIDAT, adulte relais de l’association Réunion Insertion
M. Richard MINATCHY, association Proxima
M. Robert MOULALOU, Croix Rouge française
M. Jean Alain CADET, association Citoyens contre le chik
Mme Isabelle MARTIN, DRASS Réunion
Mme Gaëlle FOHR, chargée de mobilisation sociale à la DRASS.
1 K.David Patterson and Gerald Pyle.University of North Carolina
2 Pour les recherches animales, les laboratoires se nomment L3
3 European Centre for Disease Prevention and Control, organe de coordination de la veille sanitaire.
4 L’Angleterre a choisi en pleine montée de la pandémie, de recommander l’appel téléphonique à des centres dans lesquels des interlocuteurs se fondaient aux réponses à une check liste pour donner un numéro de code permettant de retirer du Tamiflu en pharmacie sans consultation ni ordonnance.
5 (ndlr) Aujourd’hui chaque morceau de virus circulant est séquencé, analysé et donne lieu à des spéculations : n’oublions pas que le premier laboratoire qui élaborerait un vaccin contre un nouveau virus déposerait son brevet.
6 Effectif supposé équivalent à celui des 7-14 ans avec un coût de traitement identique.
7 Il faut compter au moins 4 mois pour que les montants d’indemnités journalières versés soient consolidés de manière exhaustive dans le SNIIRAM (gestion des dossiers administratifs, etc.). Un tel recul est donc nécessaire avant de calculer de manière fiable les montants versés.
8 Rapport du 23 janvier 2008 de Mme Marie-Christine Blandin, voté à l’unanimité.
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