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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 février 2012.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 4080, autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part,
par Mme christiane TAUBIRA
Députée
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ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
INTRODUCTION 5
I – UN ACCORD QUI N’EST PAS SATISFAISANT SUR LA FORME 7
II – L’ACCORD CE-CARIFORUM, UN ACCORD DE PARTENARIAT COMPLET 11
A – LE SEUL ACCORD DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE COMPLET À AVOIR ÉTÉ CONCLU 11
B – LE DISPOSITIF DE L’ACCORD 13
1) Un accord de libre-échange 13
2) Le volet développement 16
3) Dispositions institutionnelles 17
4) l’APE et l’outre-mer français 17
5) Une modification législative à prévoir 18
C – UN ACCORD DÉJÀ PARTIELLEMENT APPLIQUÉ 19
ANNEXE 1 - Structure de l’accord de partenariat économique CE-CARIFORUM 29
ANNEXE 2 - Où en sont les négociations des accords de partenariat économique avec les autres régions des pays « ACP » ? 37
ANNEXE 3 - L’intégration régionale dans les Caraïbes : un processus relativement poussé 39
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ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 43
Mesdames, Messieurs,
Les relations de coopération entre l’Europe et les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique – les pays ACP (1) – sont aussi anciennes que la construction européenne elle-même. En effet, la volonté de nouer un partenariat privilégié avec les pays du Sud s’est manifestée dès la mise en place du marché commun en 1957. Elle répondait à une demande de la France, laquelle voulait impliquer ses voisins européens dans la prise en charge du développement de ces pays et souhaitait également ne pas tourner le dos avec des peuples liés à l’Europe par une grande proximité culturelle.
Ce partenariat entre l’Europe et les pays ACP s’est progressivement construit et adapté tout au long des cinquante dernières années. Dès 1957, le traité de Rome ouvrit la possibilité de développer dans un cadre multilatéral des relations nouées jusque là sur une base seulement bilatérale. Il institua, en outre, le fonds européen de développement (FED) destiné à apporter aux pays africains une aide technique et financière. Après la grande vague de décolonisation du début des années 60, les relations entre les pays africains et les Européens furent renégociées dans le cadre des accords de Yaoundé (1963 puis 1969). Si l’aide européenne se concentrait alors principalement sur l’Afrique noire francophone, elle s’élargit à certains pays du Commonwealth après l’adhésion du Royaume-Uni. A partir de 1975, un nouveau texte, l’accord de Lomé, jeta les bases d’une véritable politique européenne de développement fondée sur le partenariat, un régime commercial privilégié et une aide financière versée dans le cadre du FED. Conclu pour une durée de cinq ans, cet accord fut renouvelé à plusieurs reprises (Lomé II en 1979, Lomé III en 1984, Lomé IV en 1989 et Lomé IV bis en 1995).
Sur le plan des échanges commerciaux, ce « modèle de Lomé » institua, entre l’Europe et les pays ACP, un système asymétrique de préférences commerciales non réciproques dans le but de donner un avantage aux produits des pays ACP importés en Europe par rapport à ceux en provenance des pays non ACP. Par exemple, en application de ce régime, les produits industriels des pays ACP bénéficiaient d’une exonération de droits de douane et ces préférences se situaient ainsi au sommet de la hiérarchie des préférences commerciales accordées par l’Europe.
A partir du milieu des années 90, le « modèle de Lomé » a fait l’objet de critiques de plus en vives concernant, notamment, son efficacité. Il est vrai que leur part de marché communautaire était passée de 6 % en 1980 à 3 % au début des années 2000. Pour autant, les préférences commerciales instituées par le modèle de Lomé ne pouvaient à elles seules enrayer le sous-développement. Elles n’étaient qu’un outil parmi d’autres pour contribuer à la compétitivité des pays ACP. En fait, la contestation la plus sérieuse du « modèle de Lomé » intervint sur le plan juridique : en avantageant un certain nombre de pays, il revêtait un caractère discriminatoire vis-à-vis des autres pays en développement et cette discrimination n’entrait pas dans le champ de l’article XXIV du GATT. Cette disposition, en effet, autorise la création d’unions douanières ou de zones de libre échange à la condition que les préférences accordées soient réciproques mais aussi qu’elles couvrent la quasi-totalité des échanges et soient mises en place dans un délai raisonnable. Or, la principale caractéristique des accords de Lomé étant d’établir un système de concessions commerciales unilatérales – donc non réciproques –, il n’entrait pas dans le cadre déterminé par le GATT repris, ensuite, par l’OMC.
Un vaste chantier de mise en conformité avec les règles de l’OMC fut alors entrepris. Dans un premier temps, l’Union européenne sollicita et obtint, à l’OMC, en 1994, une dérogation d’une durée de cinq ans en faveur de l’accord de Lomé puis la négociation de la convention Lomé IV bis permit de reporter à la fin 2007 l’expiration du maintien du système des préférences non réciproques. Dans un deuxième temps, une nouvelle convention fut négociée puis signée à Cotonou, en juin 2000. Ce texte introduisit une véritable rupture dans la nature des relations entre l’Europe et les pays ACP en transformant l’accord pour le développement que constituait le « modèle de Lomé » en un cadre pour favoriser le libre-échange, affirmant la primauté du commerce même si l’objectif d’éradication de la pauvreté et le soutien à l’intégration régionale n’était pas pour autant oubliés.
L’accord de Cotonou ne supprima pas l’existence d’un cadre commercial particulier aux pays ACP. Cela n’allait pas de soi pour certains de nos partenaires européens qui s’interrogèrent sur la légitimité d’un tel instrument assimilé, parfois, à un héritage du passé colonial et lui préférant une application indifférenciée des mêmes avantages commerciaux à l’ensemble des pays en voie de développement. En revanche, il proclama la fin des préférences non réciproques et invita l’Union européenne et des sous-ensembles des pays ACP constitués en zones d’union douanière à conclure des accords en vue de la libéralisation progressive des échanges. A ce jour, un seul de ces accords a été conclu. Il l’a été avec les Etats de la Caraïbes regroupés dans le CARIFORUM. C’est cet accord dont il est aujourd’hui demandé à l’Assemblée nationale d’autoriser la ratification.
I – UN ACCORD QUI N’EST PAS SATISFAISANT SUR LA FORME
A – Une structure complexe et peu lisible
L’accord de partenariat économique entre l’Europe et les Etats du CARIFORUM (APE CE-CARIFORUM) dont il vous est demandé d’autoriser la ratification est un « iceberg » dont la partie immergée est bien plus importante que celle qui est donnée à voir. En effet, le projet de loi qui nous est soumis, déposé sur le bureau de l’Assemblée le 14 décembre dernier et distribué sous le numéro 4080, ne contient qu’1/25ème de l’ensemble de l’APE ! Concrètement, tel qu’il a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), l’accord CE-CARIFORUM comprend 1953 pages. Parmi celles-ci, le texte de l’accord stricto sensu – celui qui vous a été distribué – occupe 85 pages seulement. Le reste de l’accord est constitué des annexes et protocoles. Juridiquement, ils en font intégralement partie et si on souhaite les consulter, le Gouvernement, dans son projet de loi, indique un lien internet renvoyant vers le JOUE.
Bien évidemment, votre Rapporteure n’entend pas blâmer le Gouvernement pour son choix de ne pas avoir déposé un document reprenant l’intégralité du contenu de l’APE. Logiquement, il en ira d’ailleurs de même si le présent projet de loi est adopté par le Parlement et si l’accord est ratifié : annexes et protocoles ne seront pas publiés au Journal officiel de la République française (JORF) et le lecteur sera là encore renvoyé, par un lien internet, au JOUE. Un tel renvoi s’est déjà présenté par le passé, mais rarement, et uniquement pour des annexes à caractère technique. De surcroît, il ne pose pas de problème sur le plan juridique puisque le Conseil constitutionnel a, dès 1992, indiqué qu'un traité, dès lors qu'il est publié entièrement dans le journal officiel d'une organisation internationale à laquelle la France est partie, est régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne (2).
En revanche, il est regrettable qu’un effort n’ait pas été fait s’agissant de la lisibilité de l’ensemble. La compréhension de l’APE et de ses implications aurait été grandement favorisée, par exemple, si le Gouvernement avait établi une table des matières permettant d’appréhender rapidement la structure globale de l’accord. Votre Rapporteure a donc effectué ce travail qu’il est possible de consulter en annexe du présent rapport(3). En outre, il apparaît que le lien internet indiqué pour accéder aux annexes et protocoles de l’APE est défectueux. L’ensemble des documents de l’accord CE-CARIFORUM pourra donc être utilement consulté ici :
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:289:0003:1955:FR:PDF
B – Une carence linguistique irritante
Si la présentation de l’APE CE-CARIFORUM n’est pas optimale, il est néanmoins possible d’en faire abstraction au prix, il est vrai, d’un effort qui en complique et rallonge quelque peu la lecture.
Une telle indulgence ne peut toutefois bénéficier à l’absence de version française d’une très grande partie de l’APE. En effet, l’appendice 1 de l’annexe III et deux déclarations communes n’ont pas été traduites en français et ont donc été signées, par les autorités françaises, dans la seule langue anglaise ! Certes ces documents sont soit très techniques (l’annexe III est une longue suite de tableaux retraçant des tarifs douaniers) soit, s’agissant des deux déclarations communes, n’ont qu’une portée politique. Mais ils représentent tout de même 1600 pages sur un total de 1953 pages pour l’ensemble de l’accord ! Et quand bien même l’absence de version française officielle n’aurait concerné qu’une très faible partie du texte, cela aurait malgré tout heurté de front toutes les directives qui imposent à nos diplomates et autorités politiques de ne signer que des documents rédigés dans notre langue.
Votre Rapporteure n’a pas manqué d’interroger le Gouvernement sur cette déplorable lacune. Le Quai d’Orsay a indiqué que c’était là la conséquence d'un accord politique entre la Commission européenne et les Etats membres afin de ne pas retarder davantage la signature de l'accord, la version française n'ayant pas pu être établie dans les temps. Pour sa « défense », il a, en outre ajouté que le Conseil d’Etat avait émis un avis favorable au projet de loi, le 29 novembre 2011, et qu’il existait un précédent notable de traité dont certaines annexes ne figuraient qu’en langues étrangères : le traité d’élargissement de l’Union européenne aux dix nouveaux membres, signé à Athènes le 16 avril 2003.
L’avis du Conseil d’Etat et l’existence d’un regrettable précédent n’atténuent pas le caractère fâcheux de l’absence de version française officielle de toute une partie de l’APE CE-CARIFORUM. Votre Rapporteure n’a pas pu obtenir d’informations sur l’éventuelle opposabilité des dispositions de l’appendice 1 de l’annexe III à des tiers, notamment aux particuliers. Pourraient-elles, par exemple, être invoquées dans un contentieux devant une juridiction française ? Et, si oui, quelle pourrait être la conséquence de cette absence de version dans notre langue ? Une traduction de cet appendice 1 a été établie après la signature de l'accord et a été transmise par la Direction générale du Commerce de la Commission européenne au Secrétariat général du Conseil. Là non plus, il n’a pas été possible d’obtenir des précisions sur la valeur juridique de cette traduction.
Si votre Rapporteure attache une si grande importance à cette question, ce n’est pas seulement pas parce qu’elle souhaite que ne soit plus méprisé le premier alinéa de l’article 2 de notre Constitution qui dispose que « la langue de la République est le français ». C’est aussi parce qu’elle est révélatrice d’un sérieux problème qui a affecté – et continue d’affecter – les négociations des APE avec les pays ACP : la prédominance de l’anglais. Dès l’ouverture de ces négociations, en septembre 2002, la Commission européenne, en plus d’imposer son rythme, a imposé sa langue. Les documents furent rédigés en anglais et, très souvent, les discussions ont eu lieu en anglais au mépris de la diversité linguistique des pays ACP. Il pourra certes être répondu que la majorité des Etats membres du CARIFORUM sont anglophones et sont membres du Commonwealth. C’est là oublier un peu trop rapidement qu’en ce qui concerne la population, Haïti, la francophone, et la République dominicaine, l’hispanophone, représentent plus de la moitié du CARIFORUM.
La carence linguistique qui affecte l’accord soumis à notre Assemblée est donc irritante car au-delà de ses implications internes, elle trahit un comportement inadapté des autorités européennes qui n’ont pas compris l’intérêt qu’elles avaient à respecter la diversité de leurs interlocuteurs. Toutefois, même si elle ne met pas dans les meilleures dispositions, elle ne doit pas empêcher de s’intéresser plus en détail à l’APE CE-CARIFORUM, notamment le contexte qui a conduit à sa signature ainsi que son contenu.
II – L’ACCORD CE-CARIFORUM, UN ACCORD DE PARTENARIAT COMPLET
A – Le seul accord de partenariat économique complet à avoir été conclu
1) L’échec de la négociation des APE
Formellement ouvertes en septembre 2002, les négociations des accords de partenariat économique (APE) prévus par la convention de Cotonou auraient dû aboutir avant le 31 décembre 2007. Or, aujourd’hui, alors que la date butoir a été largement dépassée, un seul accord régional complet a pu être signé : l’APE entre l’Europe et le CARIFORUM. En ce qui concerne les autres accords, si les négociations ne sont pas rompues, elles progressent très lentement et de manière assez hétérogène en raison de désaccords de fond sur les enjeux et les modalités de la libéralisation(4). Deux des conditions imposées par l’article XXIV du GATT pour le maintien d’un régime favorable aux pays ACP posent tout particulièrement problème : l’ouverture des échanges et le « délai raisonnable » de la transition. Ainsi les pays africains souhaitent-ils que le degré d’ouverture commerciale soit en deçà du seuil de 80 % des échanges voulu par la Commission européenne, et ce, afin d’éviter une trop grande déstabilisation de leur économie. De même, ils sont favorables à une extension de la périodes de transition au-delà de 15 ans, ce qui leur permettrait de mieux se préparer aux nouvelles conditions tarifaires en recherchant, par exemple, de nouvelles ressources pour remplacer la perte de droits de douane (5).
De plus, au début des négociations, la vision très libérale du commissaire européen au commerce M. Peter Mandelson, son ton militant et la rugosité de ses propos ne contribuèrent pas à la fluidité des débats. Son remplacement par Mme Ashton, en 2008, permit d’apaiser quelque peu les esprits mais, sur le fond, la Commission a plusieurs fois fait preuve d’intransigeance et l’association des directions du développement et de l’agriculture aux négociations auraient certainement pu être bénéfique à certains moments.
Pour pallier l’incapacité des négociateurs à conclure des APE dans le temps imparti, la Commission européenne proposa, en octobre 2007, la conclusion d’accords intérimaires ne concernant que les biens, prévoyant un accès libre de droits et de contingents au marché européen pour les importations en provenance des pays ACP et une libéralisation progressive des échanges, excluant cependant les secteurs sensibles pour les producteurs locaux (textile et agriculture). Une vingtaine de pays ont accepté de signer de tels accords (6). Ceux qui ne l’ont pas fait ont basculé dans le « droit commun » : « Tout sauf les armes » (TSA) pour les PMA ou système de préférences généralisées (SPG) pour les pays ACP qui ne font pas partie des PMA, c’est-à-dire un traitement aligné sur celui que l’Union européenne accorde à l’ensemble des pays en développement, notamment latino-américains.
Quel régime commercial pour les pays non ACP ?
– les pays les plus développés se contentent du traitement de base correspondant à la clause de la nation la plus favorisée. Cette dernière, disposition phare du commerce mondial promue dans le cadre du GATT puis ensuite de l’OMC, implique que tout avantage commercial consenti à un pays membre de l’OMC doit automatiquement être élargi à tous les autres Etats membres ;
– les pays en voie de développement bénéficient du système de préférences généralisées (SPG). Institué en 1971 par l’Europe, il accorde de fortes réductions de droits de douane aux pays concernés ;
– enfin, depuis 2001, les pays les moins avancés (PMA) sont éligibles à l’initiative « Tous sauf les armes » (TSA). Elle permet aux pays bénéficiaires d’exporter vers le marché européen la totalité de leurs produits en franchise de droits et de contingents, à l’exclusion des armes et munitions.
Votre Rapporteure considère que ces accords intérimaires consignent un double renoncement, fût-il temporaire : d’abord géographique, avec un impact sur l’objectif d’intégration régionale ; ensuite économique. L’économie, en effet, ne se résume pas aux seuls échanges de marchandises mais participe bien aux relations avec la nature, aux relations entre les hommes dans une société et aux relations de cette société avec le reste du monde.
Comme votre Rapporteure l’a indiqué, un seul APE complet a été signé à ce jour : celui entre l’Europe et le CARIFORUM. Cette « exception » a sans nul doute été favorisée par la configuration économique de la zone – où seul Haïti fait partie de la catégorie des PMA – ainsi que par un processus d’intégration régionale (7) relativement poussé par rapport aux autres pays ACP.
La Commission et les Etats du CARIFORUM sont arrivés à un accord le 16 décembre 2007 et le texte fut officiellement signé le 15 octobre 2008, à la Barbade. La République d’Haïti, cependant, ne le signa que le 11 décembre 2009. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce retard. Tout d’abord, Haïti est éligible au régime TSA et bénéficie, à ce titre, d’un accès au marché européen en franchise de droits et de contingents pour la totalité des ses exportations (à l’exclusion des armes et munitions), ce qui relativise la valeur ajoutée de l’APE qui prévoit une libéralisation de 87 % des exportation européennes vers Haïti. En outre, le contexte politique haïtien, notamment des désaccords entre le gouvernement Préval et le Parlement, ainsi que la crainte d’une libéralisation des échanges avec la République dominicaine, plus compétitive, ont également contribué à retarder cette signature. D’ailleurs, Haïti n’a pas manqué d’apporter des réserves et a obtenu l’exclusion de certaines lignes tarifaires (correspondant aux secteurs les plus sensibles) et une période transitoire pour d’autres lignes tarifaires jusqu’en 2020. Néanmoins, en plaidant pour la signature de l’APE, les milieux institutionnels haïtiens ont fait prévaloir un souci de cohésion régionale au sein de la CARICOM. C’est là une position de solidarité louable qui, par ailleurs, est compatible avec les intérêts d’Haïti notamment en ce qui concerne l’assistance technique. En tout état de cause, il aurait été inconcevable que Port-au-Prince n’adhère pas à l’APE et, pour marquer l’importance de cette signature, la France a choisi de ne pas entamer sa procédure de ratification tant qu’Haïti n’avait pas décidé de participer à l’accord. Votre Rapporteure se félicite que le Gouvernement français ait adopté une telle position.
L’APE CE-CARIFORUM est un accord de libre échange asymétrique qui couvre l’accès au marché des biens mais aussi à celui des services.
a) Le commerce des marchandises
S’agissant du commerce des marchandises, l’APE :
– entraîne l’ouverture du marché européen à tous les produits en provenance du CARIFORUM, sans droits ni contingents. Cette ouverture est immédiate, c'est-à-dire dès la signature de l’accord mais exclut les armes (paragraphe 1 de l’annexe II de l’accord), dans la même logique que le régime TSA que votre Rapporteure a précédemment évoqué ;
– ouvre également le marché du CARIFORUM aux produits en provenance de l’Union européenne. Toutefois, cette ouverture n’est pas totale et est progressive puisqu’elle s’étale sur une période de 25 ans (8). Les Etats du CARIFORUM ont ainsi pu exclure des produits ou industries sensibles du processus de libéralisation ou réaliser celui-ci sur une longue période. Au bout de 10 ans, les biens dont le commerce sera libéralisé représenteront 61 % des importations en provenance de l’Europe. Ce taux d’ouverture sera de 85 % au bout de 15 ans et de 87 % au bout de 25 ans.
A l’avenir, si l’Union européenne venait à conclure un accord de libre-échange, avec des tiers, plus favorable que l’APE signé avec le CARIFORUM, ce dernier pourrait en bénéficier en application de la clause de la nation la plus favorisée. En revanche, en sens inverse, les Etats du CARIFORUM n’accorderont à l’Europe que les traitements plus favorables accordés aux seules « économies majeures », c'est-à-dire aux pays les plus développés.
Une limite a cependant été apportée à l’ouverture totale du marché de l’Union européenne puisque l’APE prévoit des mesures particulières destinées à protéger les secteurs jugés sensibles de la banane, du sucre et du riz. Ainsi, pour ces deux derniers, il est prévu qu’un mécanisme de sauvegarde (possibilité de rétablir des droits de douane) soit automatiquement enclenché en cas d’une perturbation du marché européen (y compris de celui des départements d’outre-mer) résultant d’une augmentation subite et massive des importations de sucre en provenance des pays du CARIFORUM. S’agissant de la banane, une étude d’impact préalable à des mesures de sauvegarde sera initiée si le volume des importations en provenance des pays du CARIFORUM sur le marché européen (y compris, là aussi, sur celui des départements d’outre-mer) excède de 25 % le volume moyen des trois dernières années.
Il convient enfin de préciser que l’APE assouplit quelque peu les « règles d’origine » en facilitant l’exportation vers l’Europe de produits incorporant, dans leur fabrication, des matières premières non originaires de la Caraïbe (comme dans l’industrie textile par exemple).
b) Les investissements et les services
L’APE prévoit la libéralisation des investissements et des services, y compris le commerce électronique. Mais, comme pour le commerce des marchandises, cette libéralisation est asymétrique.
Ainsi, les engagements européens portent sur 94 % des secteurs. A la demande de la France, et conformément à un principe que les autorités françaises entendent faire respecter dans tous les accords de commerce entre l’Union européenne et les pays tiers, les services audiovisuels ont été exclus des dispositions touchant à la fourniture transfrontalière de services et de celles relatives aux investissements (9).
Du côté des Etats du CARIFORUM – dont les économies sont fortement tertiarisées – 75 % des secteurs de services sont concernés par la libéralisation instituée par l’APE. Ce chiffre n’est néanmoins qu’une moyenne et recouvre des situations différentes. Par exemple, la République dominicaine s’est engagée à une ouverture de 90 % alors que les Bahamas ont été beaucoup plus prudents et demandé et obtenu un moratoire de 6 mois afin de mieux se préparer. Votre Rapporteure tient à rappeler que les services constituent une part non négligeable des économies du CARIFORUM. Ils représentent la moitié du total de ses exportations vers l’Union européenne soit 4 milliards d’euros alors qu’en sens inverse, les exportations de services de l’Europe vers le CARIFORUM sont de l’ordre de 2,5 milliards d’euros.
Il est intéressant de relever que les Etats du CARIFORUM ne se sont pas opposés à inclure les « matières de Singapour » dans l’APE. Ces « matières » sont en fait des sujets qui ont longtemps été une pomme de discorde entre l’Europe et pays ACP. Elles concernent les règles de concurrence, la transparence des marchés publics, les codes d’investissement et la facilitation des échanges, soit le cadre administratif, juridique et fiscal qui constitue l’environnement des affaires. En ce qui concerne la place de ces « matières de Singapour » dans les négociations des autres APE, la plupart des régions ACP ont fait savoir à la Commission qu’elles ne prendraient que des engagements peu, voire non contraignants. Aujourd’hui, il apparaît que leur intégration aux accords reste à la discrétion des parties et la Commission s’adapte aux demandes et aux besoins des régions avec lesquelles elle négocie. En réponse à une question de votre Rapporteure, le Gouvernement a indiqué que la France soulignait l’importance des négociations sur les sujets tarifaires et la priorité qui devait leur être accordée, la question des sujets de Singapour ne devant être abordée qu’à un stade ultérieur des négociations.
La composante « développement » de l’APE CE-CARIFORUM réside essentiellement dans le caractère asymétrique de l’ouverture réciproque des marchés européens et caribéens. En effet, cette libéralisation des échanges graduelle mais différenciée vise à augmenter les échanges intra régionaux mais aussi ceux avec l’Union européenne et, ainsi, de permettre l’intégration progressive des pays de la Caraïbe dans les échanges mondiaux. Dès lors, dans une certaine mesure, l’APE participe de la réalisation du huitième objectif du millénaire pour le développement (OMD n°8) dont l’un des enjeux est de poursuivre la mise en place d’un système commercial et financier moins protectionniste et plus prévisible.
Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont huit objectifs adoptés en septembre 2000 par les Etats membres de l'ONU, lesquels ont convenu de les atteindre pour 2015. Ces objectifs sont :
1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim.
2. Assurer l'éducation primaire pour tous.
3. Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des femmes.
4. Réduire la mortalité infantile.
5. Améliorer la santé maternelle.
6. Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies.
7. Assurer un environnement humain durable.
8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
Les articles 7 et 8 de l’APE ainsi qu’une courte déclaration commune annexée à la toute fin de l’accord traitent plus spécifiquement de la « coopération au développement » et des priorités en la matière comme, par exemple, l’assistance technique en vue de renforcer les capacités humaines, juridiques et institutionnelles des Etats du CARIFORUM ou la diversification de leurs exportations et de leurs services. Ces dispositions rappellent aussi que le financement des actions de coopération dans le domaine du développement se déroule dans le cadre des procédures de programmation du FED ainsi que dans celui du budget général de l’Union européenne. A cet égard, le 10ème FED, couvrant la période 2007-2013, a mis 165 millions d’euros à la disposition de la coopération entre l’Union européenne et les pays du CARIFORUM et les perspectives d’évolution pour la période 2014-2020 sont plutôt positives.
Enfin, l’accord prévoit la possibilité de création d’un fonds de développement régional en vue de mobiliser et d'orienter les ressources «développement» de l'Union européenne et d'autres donateurs en liaison avec l'accord de partenariat économique. S’il existe aujourd’hui un Fonds régional de développement caribéen, ses objectifs et sa gouvernance actuels ne sont pas adaptés à un transfert de fonds destinés à la coopération liée aux APE, notamment en raison de sa couverture géographique limitée.
3) Dispositions institutionnelles
La partie V de l’APE prévoit la création de quatre conseils ou comités :
– le conseil conjoint CARIFORUM-CE, chargé de superviser la mise en œuvre de l’accord et qui se réunit au niveau ministériel à des intervalles réguliers ne dépassant pas deux ans ;
– le comité CARIFORUM-CE «Commerce et développement», qui assiste le comité conjoint et est composé de représentants des parties, notamment des hauts fonctionnaires ;
– le comité parlementaire CARIFORUM-CE, lieu de rencontre et de dialogue entre les députés européens et ceux des parlements des États du CARIFORUM ;
– enfin, le comité consultatif CARIFORUM, dont la composition est établie par le comité conjoint et qui a pour objet d’impliquer les représentants de la société civile.
L’article 36 de l’APE revêt également une dimension institutionnelle en créant un comité spécial de coopération douanière et de facilitation des échanges qui rend compte au comité conjoint.
4) l’APE et l’outre-mer français
L’APE tient compte des particularités des régions ultrapériphériques, c'est-à-dire, en l’espèce, les départements et collectivités d’outre-mer de la zone Antilles-Guyane, en prévoyant des mesures spécifiques destinées à protéger les marchés locaux. Ainsi, s’agissant des secteurs sensibles de la banane et du sucre, les pays du CARIFORUM ne pourront exporter ces produits à droit nul sur le marché des DOM pendant une période de 10 ans renouvelable une fois. Plus largement, une clause de sauvegarde régionale, appliquée à tous les produits, a été introduite par l’APE afin de pouvoir faire face à une augmentation des importations en provenance des pays du CARIFORUM pouvant perturber les filières locales et avoir des répercussions négatives sur l’emploi local.
Par ailleurs, l’APE ne remet pas en cause la taxe d’octroi de mer, même si elle peut être considérée, à certains égards, comme une barrière tarifaire aux échanges.
En dépit de ces dispositions, les départements et collectivités d’outre-mer concernés ont manifesté leur déception, à l’occasion des Etats Généraux de l’Outre-Mer de 2009, de ne pas avoir été consultés lors de la négociation de l’APE. Certes, les autorités françaises assurent porter une grande attention à la situation des territoires ultramarins dans les négociations commerciales et un gage a récemment été donné en ce sens par la création, d’un pôle « Outre-mer » au sein de la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. De même l’Union européenne accorde-t-elle une grande importance aux régions ultrapériphériques comme l’illustre le fait qu’elle les a associées à l’élaboration de la stratégie UE-Caraïbes. Il est néanmoins regrettable que nos collectivités locales de la zone Antilles-Guyane n’aient pas pu être plus associées au processus de négociation alors qu’elles sont au cœur du territoire couvert par le CARIFORUM et auraient pu apporter une plus-value précieuse de par leur excellente connaissance des réalités locales. Même si la politique commerciale constitue un domaine de compétence exclusive de l’Union européenne, ce qui exclue, en principe, une participation des Etats membres et de leurs collectivités durant la négociation, il est indispensable, à l’avenir, de trouver un compromis permettant de recueillir l’avis et d’associer la France d’outre-mer.
5) Une modification législative à prévoir
La mise en œuvre des dispositions de l'APE CE-CARIFORUM relatives au mouvement temporaire des personnes physiques (chapitre 4 du titre II de la partie II) ne nécessitera pas d'adaptation du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni du code du travail en matière de séjour et d'autorisation de travail car le droit existant, notamment l’éventail de visas à la disposition de l’administration, permettra de couvrir les différentes situations prévues par l’accord.
Tel n’est pas le cas, en revanche, de l’article 83 de l’accord. Aux termes de celui-ci, « la partie CE autorise la fourniture de services sur le territoire de ses Etats membres par des fournisseurs de services contractuels des Etats du CARIFORUM au travers de la présence de personnes physiques (…) dans les sous-secteurs suivants : 1) les services de conseil juridique en matière de droit public international et de droit étranger (…) ». Or, sur notre territoire, en application des articles 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, nul ne peut, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques pour autrui s’il n’est titulaire d’une licence en droit, ou s’il ne justifie d’une compétence juridique appropriée, et s'il n'y est autorisé au titre des articles suivants dans les limites qu'ils prévoient. Un système relativement complexe a été élaboré par le législateur au terme duquel bénéficient de cette autorisation les membres des professions juridiques réglementées, c’est-à-dire les avocats, les avocats aux Conseils, les huissiers de justice, les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires ou les enseignants des disciplines juridiques. A ce titre, ils peuvent, dans le cadre des activités définies par leurs statuts, donner des consultations juridiques à titre habituel. Les autres professions règlementées peuvent également délivrer des consultations juridiques, mais uniquement dans les limites autorisées par leur réglementation et dans les domaines relevant de leur activité principale. Les personnes exerçant une activité professionnelle non règlementée ne peuvent donner des consultations juridiques relevant de leur activité principale et rédiger des actes sous-seing privé pour autrui que si cette activité constitue l’accessoire direct de la prestation fournie et si la profession qu'elles exercent bénéficie d'un agrément accordé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, en application de l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971 précitée. Aussi ce dispositif législatif devra-t-il être complété pour permettre à des avocats étrangers de dispenser des consultations juridiques en matière de droit public international et de droit étranger, après avoir procédé à leur inscription sur une liste spécifique du barreau, ce qui nécessite également des aménagements. Le Gouvernement a indiqué à votre Rapporteure que le processus de concertation avec la profession d'avocat sera tout prochainement lancé sur la base d'un avant-projet de loi et d'un avant-projet de décret préparés par les services du Ministère de la Justice et des Libertés.
C – Un accord déjà partiellement appliqué
1) Etat des procédures de ratification et application anticipée
A la date 20 février 2012, 14 Etats avaient ratifié l’APE : 10 parmi les Etats européens (le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la Grèce, l’Italie, la Lituanie, Malte, la Slovaquie, la Suède et le Royaume-Uni) et 4 parmi les Etats du CARIFORUM (Antigua-et-Barbuda, Belize, Dominique et la République Dominicaine) (10). Le Parlement européen l’a formellement approuvé le 25 mars 2009. Selon l’article 243 de l’APE, ce dernier entrera en vigueur le premier jour du mois suivant la date à laquelle les parties se seront notifiées l'accomplissement des procédures nécessaires à cet effet.
Toutefois, aux termes de ce même article, l’APE peut être appliqué provisoirement, en totalité ou en partie, en attendant son entrée en vigueur. Il a été fait usage de cette faculté dès le 29 décembre 2008 avec la mise en œuvre, par l’Union européenne, des dispositions relevant de sa compétence, c'est-à-dire, essentiellement les dispositions de nature commerciale qui constituent le cœur de l’accord.
Par ailleurs, les instances créées spécifiquement par l'APE ne sont pas encore complètement opérationnelles. A ce jour, ont été organisées une réunion du conseil conjoint (mai 2010), une réunion du comité « commerce et développement » (juin 2011), une réunion du comité spécial de coopération douanière (décembre 2011) et trois réunions de la commission parlementaire, mais seulement avec les parlementaires européens, car la partie caribéenne n'a pas nommé ses représentants. Aucune réunion du comité consultatif UE-CARIFORUM n’a eu lieu car cet organe n’a pas encore été constitué.
L’étude d’impact jointe au projet de loi soumis à l’Assemblée laisse entendre que l’application anticipée de l’APE n’a pas eu d’effet sur les importations européennes en provenance des pays du CARIFORUM, lesquels auraient même diminué, passant de 4,6 à 4,2 milliards d’euros entre 2007 et 2010. Mais, plus généralement, ce même document indique qu’une étude commanditée par la Commission européenne a estimé que les exportations des pays ACP vers l’Europe devrait être élevées de plus de 10 % dans le cadre des APE que dans le régime du Système des préférences généralisées et de sa composante TSA. De même, les importations du CARIFORUM en provenance de l’Union pourraient connaître une augmentation moyenne de 7 % en 2015 et de 17 % en 2022.
En tout état de cause, votre Rapporteure estime qu’il est encore trop tôt pour évaluer correctement l’impact économique de l’APE CE-CARIFORUM. Le démantèlement tarifaire de la partie CARIFORUM, par exemple, n’a commencé que le 1er janvier 2011 et la Commission européenne a prévu une revue approfondie en 2013.
Il est cependant avéré que la suppression des droits de douane, même si elle ne concerne pas tous les produits, aura des conséquences financières pour les Etats du CARIFORUM, lesquels perdront les ressources des taxes douanières. Ce tarissement fiscal sera néanmoins progressif et son impact sera d’autant plus atténué que l’Union européenne reste un partenaire commercial encore marginal pour ces Etats.
L’accord de partenariat économique entre les Etats membres de l’Union européenne et les Etats du CARIFORUM demeure le seul APE conclu. Les négociations avec les six autres organisations régionales en Afrique et dans le Pacifique s’enlisent encore dans des désaccords de fond, sans que la nouvelle échéance fixée à cette année 2012 puisse être tenue pour crédible.
Cet APE CARIFORUM a abouti neuf ans après l’Accord de Cotonou, malgré une signature partielle fin 2007, et le processus de ratification ne concerne à ce jour qu’un tiers des pays européens (10/27) et moins d’un tiers des pays du CARIFORUM (4 sur 15). Il est néanmoins déjà en application. Le CARIFORUM est adossé à la CARICOM qui affiche près de 40 années d’existence au cours desquelles l’organisation a créé et consolidé des institutions régionales de gouvernance, de contrôle et de coopération. Ce ne sont pas les APE qui faciliteront l’intégration régionale, objectif décrété dans le protocole élaboré par la DG TRADE. Dans certaines régions africaines, les négociations ont plutôt fragilisé ces organisations.
Ces accords de partenariat économique entérinent la révocation définitive du principe de non-réciprocité qui avait prévalu depuis Yaoundé puis Lomé dans toutes les Conventions entre la Communauté européenne et les pays ACP, l’asymétrie des APE, à 87 % des échanges, étant très relative.
En tout état de cause, ce n’est pas le tout-commerce qui assurera la sécurité alimentaire, pourvoira aux besoins en éducation et en santé, contiendra les migrations de la misère et celles du climat que les cultures spéculatives pour l’exportation continueront de détériorer. Nous ne sommes pas totalement innocents de l’état du monde. C’est un syllogisme dangereux que de prétendre que la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim (OMD n°1) passe par le développement économique qui, lui, passerait par l’ouverture des marchés au nom du libre échange. Les gouvernements ont signé ces accords et leur souveraineté ne peut être mise en doute. Cependant, dans plusieurs de ces pays, des représentants de la société civile et des socioprofessionnels, parfois des chambres consulaires elles-mêmes, continuent d’exprimer de fortes inquiétudes quant aux risques que ces accords font peser sur la diversification de leurs économies, et sur la capacité des Etats à assumer leurs missions régaliennes quand surviendra la baisse de leurs capacités budgétaires du fait de la baisse programmée des recettes douanières de 6 à 17 %.
Les peuples des pays ACP risquent bien de continuer d’être exposés à l’exode vers les centres urbains, faute de soutien à l’agriculture vivrière non tournée vers l’exportation. Mais l’Union européenne ne gagnera pas forcément, à terme, à ces nouveaux rapports. Elle a besoin de solidarité et de coalitions dans les institutions multilatérales. Ces nouveaux rapports polarisés sur le commerce banalisent sa relation avec ses anciens partenaires et l’exposent à un isolement ou à des enchères basées sur les intérêts et les opportunités, en lieu et place de convergences culturelles et politiques.
Sous réserve de ces observations, votre Rapporteure recommande l’adoption du projet de loi n° 4080.
La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 28 février 2012.
Après l’exposé de la Rapporteure, un débat a lieu.
M. Hervé Gaymard. Je remercie la Rapporteure pour la qualité de son travail dont les conclusions, dans ce rapport comme dans celui qu’elle avait présenté auparavant, rejoignent celles que j’ai moi-même eu l’occasion de faire.
L’un des gros problèmes des APE, c’est qu’ils tournent le dos à la logique de Lomé. A une logique de codéveloppement et de préférence asymétrique, on privilégie désormais l’axe du commerce, l’usage de la notion de développement étant assez largement un leurre. A Bruxelles, les négociations sur les APE sont pilotées par la DG commerce et non par celles du développement ou de la PAC qui n’ont pas été associées. Alors que tout se tient, nous sommes exclusivement dans la logique libre échangiste de l’OMC. Si les autres accords APE ont achoppé, c’est précisément parce que le partenariat pour le développement n’existe pas.
Ma question est donc celle-ci : quelles sont les chances de succès des autres négociations ? Est-on toujours au point mort avec les pays d’Afrique ou y aura-t-il bientôt un déblocage des négociations comme l’annonce régulièrement la DG commerce ?
M. Jean-Pierre Dufau. Je partage l’embarras de la Rapporteure qui vient de plaider une cause désespérée. Je suis d’accord avec Hervé Gaymard : les dés sont pipés depuis le début ! Prétendre atteindre les objectifs du millénaire par le commerce n’a pas de sens. Ce credo ne fait pas l’unanimité. Faire participer les pays ACP à la compétition mondiale en leur appliquant les règles de l’OMC est problématique. En fait, le « P » de partenariat n’existe pas. On impose des règles de standardisation, mais c’est un marché de dupes qui ne mène pas au développement. La copie est à revoir. J’ai des doutes quant aux conséquences de ces accords pour les Caraïbes et je suis d’avis qu’il conviendrait d’en dresser le bilan par rapport aux objectifs du millénaire puisqu’ils sont en vigueur depuis 2008. Personnellement, je ne voterai pas ce projet de loi.
Mme la présidente Martine Aurillac. Effectivement, une évaluation paraît en l’espèce nécessaire.
M. Jean-Paul Lecoq. Je partage l’analyse de la Rapporteure. Je souhaiterais savoir pourquoi Cuba n’a qu’un statut d’observateur ; est-ce en raison du boycott dont il est l’objet ? Par ailleurs, je me félicite que mon identité communiste me permette de voter en cohérence avec des conclusions que d’autres partagent avec moi sans en tirer les conséquences. Si l’analyse conduit à mettre en évidence que ce texte n’est pas bon pour les peuples, il faut simplement le rejeter. Il faudrait que nous arrêtions d’avaler des couleuvres et que notre rôle de législateur nous amène à travailler sur autre chose. Je voterai contre. Cela étant, certains des Etats signataires sont des paradis fiscaux ; ces accords comportent-ils des dispositions les encourageant à coopérer sur ce plan ?
M. Serge Janquin. Je suis à la fois perplexe et admiratif devant la performance de notre Rapporteure que je sais plus proche des théories du juste échange et de la régulation que de celles de l’école de Chicago… Evitons de nous trouver dans la situation de Michel Camdessus qui, en quittant ses fonctions au FMI, a fait l’aveu d’un bilan négatif de son action, estimant que les conditionnalités imposées aux pays avaient déclenché des catastrophes économiques et politiques. Je comprends le raisonnement global. Je comprends moins le fait de voter un texte qui n’est pas conforme à ce que l’on souhaite. Je ne le voterai pas.
Il est prévu que les engagements sur les normes de l’OIT soient réaffirmés. Cependant, l’OMC est découplée de l’OIT, ce qui est très regrettable. En l’espèce, qu’en est-il du Guyana, du Suriname, de Haïti, quant aux respects des conventions internationales en matière de travail ?
M. François Loncle. Nous nous rejoignons tous. Cela étant, si nous ne votons pas ce texte, les choses seront sans doute plus délicates pour les pays concernés ; c’est pourquoi je soutiens la position raisonnable exprimée par la Rapporteure. Mais il faut vraiment changer les choses pour l’avenir.
M. Jean-Claude Guibal. Je partage ce qui a été dit sur la critique du libre échangisme absolu lorsqu’il y a de tels déséquilibres structurels. Je voterai néanmoins pour. A-t-on une idée des volumes d’échanges commerciaux et de la balance des paiements, voire des investissements réalisés ?
M. Paul Giacobbi. Je n’ai pas bien compris la position de la Rapporteure qui nous a présenté toutes les raisons de ne pas approuver cet accord de libre échange avant de nous inviter à l’adopter. J’avoue avoir beaucoup de mal à suivre son raisonnement.
M. Jean-Pierre Kucheida. Je salue à mon tour les talents de la Rapporteure. Quelles seraient les conséquences d’un rejet de ce texte ?
Mme Christiane Taubira, rapporteure. Je voudrais d’abord expliquer pourquoi, en dépit des fortes réserves que j’ai exprimées, je suis en faveur de l’adoption du projet de loi autorisant la ratification de cet accord.
C’est justement parce que nous en sommes à l’étape de la ratification. Si nous en étions à la phase de la signature de cet accord, ma position serait différente : je préconiserais la poursuite des négociations en vue d’une meilleure prise en compte du risque létal – je pèse mes mots – que cet accord représente pour les économies des Etats partenaires. Mon rapport de 2008, tout comme le rapport de la commission des affaires européennes de notre Assemblée et la résolution adoptée sur proposition de M. Hervé Gaymard formulaient de telles demandes, qui étaient soutenues dans les différents courriers que m’a adressés le Président de la République à ce sujet. Hélas, ces préoccupations n’ont pas été prises en compte et un accord insatisfaisant a été signé. Il l’a été par l’Union européenne et ses membres, mais aussi par les Etats du CARIFORUM. J’estime qu’il faut respecter leur signature et leur souveraineté nationale. J’avoue avoir été surprise d’apprendre que l’inclusion des matières dites de Singapour aurait été demandée par les Etats du CARIFORUM. Elle aura pour conséquence de placer à égalité les entreprises de ces pays et celles des Etats européens des secteurs concernés alors qu’elles sont à des niveaux évidemment très différents, et que toutes les autres régions du monde qui ont négocié des accords de ce type ont refusé de manière absolue l’inclusion de ces matières. J’imagine que la pression de la direction générale du commerce a dû être très forte, la négociation s’étant déroulée parallèlement à celle du cycle de Doha que les pays émergents bloquaient : pour donner des gages à ces derniers, la Commission a accru sa pression sur les Etats de la Caraïbe. Ceux-ci ont signé l’accord, même si leur société civile est souvent très critique vis-à-vis de ses stipulations. In fine, il me semble qu’il est préférable d’autoriser la ratification de cet accord.
Comme l’a dit M. Gaymard, le changement de paradigme par rapport aux accords de Lomé est évident : on passe d’une logique de développement à une logique de commerce, comme en atteste le changement de la direction générale chargée de la négociation.
Officiellement, selon le ministère des affaires étrangères et européennes, on estime que l’ensemble des APE avec les différentes régions du monde concernées devrait être signé avant fin 2012, mais aucun signe tangible d’un déblocage prochain n’est perceptible. Les régions qui n’en auront pas signé basculeront dans le système de préférences généralisées de l’Union (SPG), qui n’est, en fait, pas tellement moins favorable.
Le cœur du problème est l’idée d’établir un partenariat alors que les relations avec les Etats sont déséquilibrées : entre l’Union européenne et les Etats ACPE, le déséquilibre est patent. Le terme de partenariat apparaît à plusieurs reprises dans l’accord, mais il n’a guère de traductions concrètes. Quant à un prétendu lien entre le commerce et le développement, il est prouvé depuis longtemps, qu’il n’existe pas.
Il me semble que nous devrions réfléchir à l’évolution des relations entre les ACP et l’Union européenne. A Cancun, c’est le Brésil qui a conduit la fronde, mais il avait le soutient du G90. La passé colonial de plusieurs Etats européens avec nombre des pays de la zone ACP, leur proximité, notamment juridique, se sont longtemps traduits par la défense d’intérêts communs dans les enceintes multilatérales : ce n’est plus le cas aujourd’hui, ce qui est très regrettable car l’Europe aura encore régulièrement besoin de leur soutien. Cette distance croissante trouve son origine dans la banalisation de ses relations avec eux : l’Union cesse de mettre l’accent sur le développement et entend les traiter comme des partenaires commerciaux parmi d’autres.
Pour ce qui est des paradis fiscaux, quasiment tous les Etats du CARIFORUM étaient considérés comme tels par l’OCDE en 2000 ; en avril 2011, ce n’était plus le cas que de quatre d’entre eux : Belize, la Dominique, Grenade et Montserrat, cette dernière ayant été pendant plusieurs années dépourvue de tout habitant. Les APE contiennent des articles relatifs à la lutte contre l’évasion fiscale et les acticités illégales, en faveur du dialogue fiscal, et pour le respect des accords internationaux relatifs aux services financiers. Mais tout dépendra de la vigilance avec laquelle ces stipulations seront mises en œuvre.
Si Cuba n’est pas signataire de l’accord, c’est que le Conseil européen a posé des conditions en matière de droits de l’homme, qu’il aurait d’ailleurs aussi pu imposer à d’autres Etats concernés.
Je crois vraiment qu’il faut rendre le monde plus amical. Je défends moi aussi le « juste échange » ! En 2008, j’ai interrogé Pascal Lamy sur l’application de l’article XXIV du GATT : il a confirmé que, conformément à ce que demandent les pays ACP, il pourrait être appliqué plus souplement que ne l’exige la Commission européenne… On ne peut pas faire du commerce l’alpha et l’oméga des relations entre les Etats ! Il faut que les institutions internationales fonctionnent différemment ! Le cycle de Doha aurait dû être conclu en 2004 : il ne l’est toujours pas huit ans plus tard ! C’est un échec évident, dont les leçons devraient être tirées.
Il est difficile de trouver des données statistiques fiables sur les relations commerciales entre l’Union européenne et les Etats du CARIFORUM : les seconds auraient exporté en 2010 pour 4,2 milliards d’euros en direction de l’Europe, surtout du rhum, du sucre, du riz, et de la viande bovine ; les flux inverses s’établiraient à 5,5 milliards d’euros. L’écart semble peu important mais il existe un risque réel de fragilisation des économies des Etats des Caraïbes.
L’accord est partiellement applicable par anticipation depuis sa signature, mais ne le sera intégralement que lorsque les Vingt-sept et les quinze Etats du CARIFORUM l’auront ratifié.
Suivant les conclusions de la Rapporteure, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 4080).
*
La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.
Structure de l’accord de partenariat économique CE-CARIFORUM
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:289:0003:1955:FR:PDF
Partie I : partenariat commercial pour un développement durable (articles 1er à 8)
Partie II : commerce et questions liées au commerce (articles 9 à 201)
Titre I : commerce de marchandises (articles 9 à 59)
Chapitre 1 : droits de douane
Chapitre 2 : instruments de défense commerciale
Chapitre 3 : mesures non tarifaires
Chapitre 4 : régime douanier et facilitation des échanges
Chapitre 5 : agriculture et pêche
Chapitre 6 : obstacles techniques au commerce
Chapitre 7 : mesures sanitaires et phytosanitaires
Titre II : investissements, commerce des services et commerce électronique (articles 60 à 121)
Chapitre 1 : dispositions générales
Chapitre 2 : présence commerciale
Chapitre 3 : fourniture transfrontalière de services
Chapitre 4 : présence temporaire de personnes physiques à des fins professionnelles
Chapitre 5 : cadre réglementaire
Section 1 : dispositions d’application générale
Section 2 : services informatiques
Section 3 : services de courrier
Section 4 : services de télécommunications
Section 5 : services financiers
Section 6 : services de transport maritime international
Section 7 : services touristiques
Chapitre 6 : commerce électronique
Chapitre 7 : coopération
Titre III : paiements courants et mouvements de capitaux (articles 122 à 124)
Titre IV : questions liées au commerce (articles 125 à 201)
Chapitre 1 : concurrence
Chapitre 2 : innovation et propriété intellectuelle
Section 1 : innovation
Section 2 : propriété intellectuelle
Sous-section 1 : principes
Sous-section 2 : règles relatives aux droits de propriété intellectuelle
Sous-section 3 : respect des droits de propriété intellectuelle
Sous-section 4 : coopération
Chapitre 3 : marchés publics
Chapitre 4 : environnement
Chapitre 5 : aspects sociaux
Chapitre 6 : protection des données à caractère personnel
Partie III : prévention et règlement des différends (articles 202 à 223)
Chapitre 1 : concertation et médiation
Chapitre 2 : procédures de règlement des différends
Section 1 : procédure d’arbitrage
Section 2 : mise en conformité
Section 3 : dispositions communes
Partie IV : exceptions générales (articles 224 à 226)
Partie V : dispositions institutionnelles (articles 227 à 232)
Partie VI : dispositions générales et finales (articles 233 à 250)
Protocole et annexes
Annexe I : droits à l'exportation
Annexe II : droits de douane sur les produits originaires des Etats du CARIFORUM
Annexe III : Droits de douane sur les produits originaires de la Communauté européenne
Appendix 1 to Annex III : Schedule of tariff liberalisation of the CARIFORUM States
Annexe IV : liste des engagements en matière d'investissement et de commerce de services
Annexe IV A : liste des engagements relatifs à la présence commerciale (visés a l'article 69)
Annexe IV B : liste des engagements relatifs à la prestation transfrontalière de services (visés a l'article 78)
Annexe IV C : réserves relatives au personnel clé et aux stagiaires de niveau post-universitaire (visés a l'article 81)
Annexe IV D : réserves relatives aux fournisseurs de services contractuels et aux professionnels indépendants (visés a l'article 83)
Annexe IV E : liste des engagements concernant l'investissement (présence commerciale) dans des activités économiques autres que les secteurs de services (visés a l'article 69)
Annexe IV F : liste des engagements dans les secteurs de services (visés aux articles 69, 78, 81 et 83)
Annexe V : points d'information (visés a l'article 86)
Annexe VI : marchés couverts
Appendice 1 : entités passant des marches conformément aux dispositions du chapitre 3 du titre IV
Appendice 2 : services
Appendice 3 services de construction
Appendice 4 : notes générales et dérogations aux dispositions du chapitre 3 du titre IV
Annexe VII : moyens de publication
Volet 1: publication des lois, règlements, décisions judiciaires et décisions administratives d'application générale et procédures
Volet 2: avis de marchés publics
Volet 3: marchés passés
Protocole n° I relatif à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative
TITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Articles
1. Définitions
TITRE II
DÉFINITION DE LA NOTION DE «PRODUITS ORIGINAIRES»
Articles
2. Conditions générales
3. Cumul dans la partie CE
4. Cumul dans les États du Cariforum
5. Cumul avec des pays en développement voisins
6. Produits entièrement obtenus
7. Produits suffisamment ouvrés ou transformés
8. Ouvraisons ou transformations insuffisantes
9. Unité à prendre en considération
10. Accessoires, pièces de rechange et outillage
11. Assortiments
12. Éléments neutres
TITRE III
CONDITIONS TERRITORIALES
Articles
13. Principe de territorialité
14. Transport direct
15. Expositions
TITRE IV
PREUVE DE L'ORIGINE
Articles
16. Conditions générales
17. Procédure de délivrance d'un certificat de circulation des marchandises EUR.1
18. Certificats de circulation des marchandises EUR.1 délivrés a posteriori
19. Délivrance d'un duplicata du certificat de circulation des marchandises EUR.1
20. Délivrance de certificats EUR.1 sur la base de la preuve de l'origine délivrée ou établie antérieurement
21. Conditions d'établissement d'une déclaration sur facture
22. Exportateur agréé
23. Validité de la preuve de l'origine
24. Production de la preuve de l'origine
25. Importation par envois échelonnés
26. Exemptions de preuve de l'origine
27. Procédure d'information pour les besoins du cumul
28. Documents probants
29. Conservation des preuves de l'origine et des documents probants
30. Discordances et erreurs formelles
TITRE V
MÉTHODES DE COOPÉRATION ADMINISTRATIVE
Articles
31. Conditions administratives permettant aux produits de bénéficier de l'accord
32. Notification de données concernant les autorités douanières
33. Assistance mutuelle
34. Contrôle de la preuve de l'origine
35. Contrôle de la déclaration du fournisseur
36. Règlement des différends
37. Sanctions
38. Zones franches
39. Dérogations
TITRE VI
CEUTA ET MELILLA
40. Conditions spéciales
TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES
Articles
41. Modification du protocole
42. Mission du comité spécial pour la coopération douanière et la facilitation des échanges
43. Révision
44. Annexes
ANNEXES
ANNEXE I au protocole n° I : Notes introductives à la liste de l'annexe II
ANNEXE II au protocole n° I : Liste des ouvraisons ou transformations à appliquer aux matières non originaires pour que le produit transformé puisse obtenir le caractère originaire
ANNEXE III au protocole n° I : Formulaire de certificat de circulation
ANNEXE IV au protocole n° I : Déclaration sur facture
ANNEXE V A au protocole n° I : Déclaration du fournisseur concernant les produits ayant le caractère originaire à titre préférentiel
ANNEXE V B au protocole n° I : Déclaration du fournisseur concernant les produits n'ayant pas le caractère originaire à titre préférentiel
ANNEXE VI au protocole n° I : Fiche de renseignements
ANNEXE VII au protocole n° I : Formulaire de demande de dérogation
ANNEXE VIII au protocole n° I : Pays en développement voisins
ANNEXE IX au protocole n° I : Pays et territoires d'outre-mer
ANNEXE X au protocole n° I : Produits auxquels les dispositions de cumul visées à l'article 2, paragraphe 3, et à l'article 4 s'appliquent après le 1er octobre 2015 et auxquels les dispositions de l'article 4 et 5 ne s'appliquent pas
ANNEXE XI au protocole n° I : Autres États ACP
ANNEXE XII au protocole n° I : Produits originaires d'Afrique du Sud exclus des dispositions de cumul visées à l'article 4
ANNEXE XIII au protocole n° I : Produits originaires d'Afrique du Sud pour lesquels les dispositions de cumul visées à l'article 4 s'appliquent après le 31 décembre 2009
Protocole n° II relatif à l'assistance administrative mutuelle en matière douanière
Protocole n° III sur la coopération culturelle
Déclarations communes
Déclaration commune relative à la coopération au développement
Déclaration commune relative au secteur de la banane
Déclaration commune relative aux biens d'occasion
Déclaration commune relative au secteur du riz
Déclaration commune relative à la réaffectation des quantités non livrées en vertu du Protocole sur le sucre
Déclaration commune relative au protocole n° I sur l'origine des produits de la pêche
Déclaration commune relative au protocole n° I concernant la principauté d'Andorre et la République de Saint-Marin
Joint declaration on the signing of the economic partnership agreement
Déclaration des états du CARIFORUM relative au protocole n° I sur l'origine des produits de la pêche provenant de la zone économique exclusive
Joint statement by the signatory CARIFORUM states and the European Community and its Member States, upon signature of the CARIFORUM-EC EPA
Où en sont les négociations des accords de partenariat économique
avec les autres régions des pays « ACP » ?
source : Ministère des affaires étrangères
La progression des négociations avec les régions d’Afrique et du Pacifique est assez hétérogène, mais globalement lente. Les négociations entrent à présent dans leur neuvième année.
L’Afrique de l’Ouest est probablement la région la plus proche de la conclusion d’un APE régional complet. Seuls le Ghana et la Côte d’Ivoire ont conclu des accords intérimaires en 2007, mais la région a fait d’importants efforts depuis et reste la seule en Afrique à avoir finalisé un Programme de l’APE pour le développement (le PAPED) pour accompagner la mise en œuvre de l’APE. Après neuf mois d’interruption en raison de la crise ivoirienne et d’un changement des négociateurs, les discussions avec la Commission ont repris en mai 2011. Selon la Commission, les blocages persistants, qui portent sur l’offre d’accès au marché ouest africain, la clause de la nation la plus favorisée (NPF), les subventions agricoles et le caractère additif du soutien européen au PAPED doivent être résolus au niveau politique.
La Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) a adopté, avec l’UE, une feuille de route en février 2011, qui a dû être réactualisée début 2012, après une interruption d’un an, pour viser un APE complet avant la fin de l’année. La CAE (Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie et Ouganda) s’était séparée de la région de négociation Afrique orientale et australe (AfOA) en novembre 2007 pour parapher son propre accord intérimaire, mais elle ne l’a pas encore signé. Les négociations butent sur d’importants blocages (clause NPF, droits à l’exportation, règles d’origine).
Les négociations avec l’Afrique orientale et australe (AfOA), qui a signé un accord intérimaire, sans les Comores et la Zambie, en août 2009, viennent de reprendre. Après une interruption des négociations en 2010, deux sessions se sont tenues en 2011, une autre est prévue pour mars 2012.
La négociation avec la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) bute notamment sur les exigences de l’Afrique du Sud. Etant donné que seuls le Botswana, le Lesotho, le Swaziland et le Mozambique ont signé un accord intérimaire en juin 2009, la Commission a dû aligner 53 lignes tarifaires de cet APE sur celles de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU) pour préserver cette union douanière. La région a proposé, en novembre 2011, une offre d’accès au marché insuffisante du point de vue de l’UE. L’Afrique du Sud, à laquelle la Commission doit octroyer un statut différencié conformément à son mandat de négociation de 2007, demande, pour ne pas mettre un frein à l’intégration régionale, des préférences commerciales équivalentes à celles des pays voisins, en dépit son niveau de développement économique et son statut commercial de pays émergent. D’autres blocages portent sur les règles d’origine, la pêche, la clause NPF et les subventions à l’exportation.
Les négociations avec l’Afrique centrale, où seul le Cameroun a signé un accord intérimaire, ont été relancées en février 2011. Pour la région, le programme régional d’accompagnement du développement dans le cadre de l’APE (PRADA) prévu pour mars 2012 est un préalable à l’accord. Si les discussions sont positives, un travail considérable doit encore être réalisé.
Les discussions avec les pays du Pacifique progressent lentement. La Papouasie Nouvelle Guinée et les Fiji ont signé des accords intérimaires en 2009 et la première l’a ratifié et le met en œuvre depuis 2011. Les négociations avec les autres pays ont repris en novembre 2011 après deux ans d’interruption. D’importantes divergences opposent les parties sur le commerce des biens et la pêche, notamment.
De manière générale, un certain nombre de difficultés, voire de blocages, sur lesquels butent ces négociations se retrouvent d’une région à l’autre. Les pays africains demandent notamment :
§ une plus grande asymétrie dans les accords, permettant un degré d’ouverture commerciale en deçà du seuil de 80 % des échanges fixé par l’UE, ce qui leur permettrait, selon eux, d’éviter une trop grande déstabilisation de leur économie, ainsi qu’une extension des périodes de transition (rythme de libéralisation), au-delà de 15 ans, de façon à mieux se préparer aux nouvelles conditions tarifaires (recherche de nouvelles ressources pour le gouvernement, réformes économiques structurelles des secteurs concernés) ;
§ le retrait de la clause de la nation la plus favorisée (NPF) en faveur de l’UE pour les accords commerciaux qui seraient conclus ultérieurement avec d’autres pays par les pays ACP. L’UE refuse ce retrait, la clause NPF figurant dans tous les accords UE – pays tiers, mais aussi de façon à préserver ses avantages commerciaux et à ne pas se retrouver dans une situation d’érosion de ses préférences en cas d’accords de ces pays avec d’autres Etats tiers, notamment émergents ;
§ un important volet accompagnement (ou développement). En consentant à inclure un volet développement aux APE, ce qui en fait des accords de commerce au service du développement, l’UE a encouragé l’élaboration par les régions de programmes d’accompagnement et préparé des « paquets régionaux » d’aide au commerce (FED et aide bilatérale). Les désaccords concernent tant l’évaluation des besoins que le montant de l’aide européenne.
La Commission espère conclure ces négociations en 2012, objectif qui paraît difficilement atteignable au vu de leurs avancées. La conclusion des APE est pourtant urgente car la lassitude des parties est forte. La Commission a fixé à 2014 la date butoir pour mettre en œuvre les accords intérimaires paraphés et envisage le rétablissement des pays n’ayant pas mis en œuvre les accords intérimaires à cette date dans le schéma de préférences généralisées (SPG).
L’intégration régionale dans les Caraïbes :
un processus relativement poussé
sources : Ministère des affaires étrangères et note de l’IEDOM sur les échanges régionaux des Départements français d’Amérique : identification des facteurs de frein et des éléments de soutien à l’aide d’un modèle de gravité (juillet 2011
- L’OECS (Organization of Eastern Caribbean States), créée en 1981, rassemble 7 Etats membres et 2 Etats associés. Elle propose le niveau d’intégration régionale le plus élevé avec l’établissement d’un marché commun (Eastern Caribbean Common Market) doté d’un tarif extérieur commun (harmonisé ultérieurement sur celui du CSME, voir infra) et d’une union monétaire (Eastern Caribbean Currency Union [ECCU]). Cette union monétaire est dotée d’une banque centrale commune (Eastern Caribbean Central Bank) et d’une monnaie commune, l’East Carribean dollar, arrimée au dollar américain et qu a cours dans les sept membres de l’OECS ainsi qu’à Anguilla. L’OECS recouvre d’autres domaines de coopération parmi lesquels la coopération dans le domaine judiciaire, la mise en place d’un organe unique de régulation dans le secteur des télécommunications, la mise en place d’une autorité unique dans le domaine de l’aviation civile, le partage de représentations diplomatiques au Canada, à Bruxelles et à Genève, l’achat commun de produits pharmaceutiques.
- Le CARICOM, créé en 1973, regroupe actuellement 13 Etats anglophones de la mer des Caraïbes, auxquels s’ajoutent Haïti et la Guyana. Les trois principaux objectifs de cette organisation régionale sont : la coopération économique, la coordination de la politique étrangère et la coopération « fonctionnelle » notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la jeunesse, des sports, de la science et de l’administration budgétaire. Le traité établissant cette organisation a été révisé en 2001 et prévoit la mise en place d’un marché commun et d’une économie commune (CSME). La partie « marché commun » du traité, incluant un tarif extérieur commun, est effective depuis 2006 ; la partie « économie commune » devrait être opérationnelle d’ici 2015. Le CSME concerne tous les Etats membres du CARICOM à l’exception des Bahamas et de Montserrat. A terme, il prévoit la libre circulation des biens, services, capital, travail et le libre établissement des entreprises au sein de la Communauté.
- Le CARIFORUM, le Forum Caribéen des Etats de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (CARIFORUM) a été officiellement établi en octobre 1992, et lancé en 1993. Il regroupe les Etats des Caraïbes qui sont signataires de la Convention de Lomé IV (1990). Son but est de promouvoir et de coordonner le dialogue politique, la coopération et l’intégration régionale, dans le cadre de l’accord de Cotonou entre les pays ACP et l’Union, mais aussi dans le cadre de l’APE entre le CARIFORUM et la Communauté européenne. Son rôle est également de contrôler et de coordonner l’attribution des ressources du Fonds européen de développement (FED) pour financer les projets régionaux dans la région caribéenne.
15 Etats caribéens sont membres à part entière du CARIFORUM (Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, Belize, la Dominique, la République Dominicaine, la Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Saint-Christophe-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Suriname et Trinité-et-Tobago). Quant à Cuba, ce pays est membre observateur, mais non signataire de l’accord de Cotonou ni de l’APE.
Toutes les décisions du Forum sont prises par consensus. Le règlement intérieur, adopté durant la réunion ministérielle tenue en octobre 1992 et révisé en 2002, stipule que les pays et territoires d’outre-mer des Caraïbes sont invités aux réunions ministérielles du CARIFORUM comme observateurs.
Le Conseil des Ministres est l’organe de décision suprême du CARIFORUM et il se réunit une fois par an depuis 1993. La plupart des Etats membres sont représentés par leur ministre des Affaires étrangères. La présidence est attribuée pour 12 mois à un Etat membre. Le Secrétariat du CARIFORUM est composé d’un Secrétaire général et d’une Unité de Programmation. Cette dernière prépare les études et les propositions de financement des programmes régionaux, fournit l’assistance technique pour l’identification des procédures appropriées pour l’exécution des projets, prépare les dossiers et évalue les projets ou programmes et maintient un contact étroit avec les représentants de la Commission européenne dans le processus. L’Unité de Programmation a des liens fonctionnels avec le Secrétariat de la CARICOM (qui réunit tous les Etats du CARIFORUM, moins la République Dominicaine) et obtient son soutien administratif. Par ailleurs, le Secrétaire général de la CARICOM est aussi le Secrétaire général du CARIFORUM et l’ordonnateur des projets régionaux financés par le Fonds européen de développement. A cet égard, le Secrétaire général signe les accords de financement des programmes régionaux au nom des pays ACP des Caraïbes. Le Secrétaire général est aussi responsable du rapport relatif aux progrès accomplis sur la programmation, le suivi et la gestion du programme régional du forum.
- L’ACS (Association of Carribean States), créée en 1994, rassemble 25 Etats et 3 membres associés (dont la France). Elle vise à renforcer la coopération régionale, à préserver l’environnement de la Mer des Caraïbes et à promouvoir un développement durable dans la région, par des projets en matière de commerce, de transport, de tourisme et de lutte contre les désastres naturels.
D’autres accords peuvent être évoqués, qui associent des pays ou territoires de la Caraïbe à leur zone régionale élargie (Amérique Latine, Amérique du Nord). On compte ainsi le Caribbean-Canada Trade Agreement (CARIBCAN), accord commercial préférentiel entre le Canada et la plupart des pays membres du CARICOM (sauf le Suriname et Haïti). Etabli en 1986, une version rénovée de cet accord, fondée sur le libre-échange (réciproque), est actuellement en cours de négociation. Un accord de libre-échange entre le CARICOM et le Costa-Rica a par ailleurs été signé en 2004 (CARICOM – Costa Rica Free Trade Agreement). Toutefois, cet accord n’est pas encore pleinement entré en vigueur. Enfin, un accord de libre-échange entre la République dominicaine, l’Amérique Centrale et les Etats-Unis (ALEAC – RD) a été signé en 2004 et est entré en vigueur en 2006.
ACS | |||
CARIFORUM (APE) |
Pays signataires de l’APE CE-CARIFORUM + Colombie, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Nicaragua, Panama, Venezuela, Antilles nééerl., Aruba, France | ||
CARICOM / CSME |
Pays du CARICOM + Rép. Dominicaine, Cuba (non signataire de l’APE) | ||
OECS Antigua* et Barbuda, La Dominique*, Grenade*, Montserrat*, St Kitts et Nevis*, Ste Lucie*, St Vincent et Grenadines*, Anguilla*, Iles Vierges brit. |
Pays de l’OECS + Bahamas, Barbade, Haïti, Jamaïque, Trinité et Tobago, Bélize, Guyana, Suriname, Bermudes, Iles Caïmans, Iles Turques et Caïques |
* membres de l’ « Eastern Caribbean Currency Union » ; en italique : Etats ou territoires associés ; Bahamas : non signataire du CSME ;
Montserrat : non signataire du CSME et non membres du CARIFORUM.
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification de l'accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part, (ensemble sept annexes, trois protocoles et dix déclarations communes), signé à Bridgetown (la Barbade), le 15 octobre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 4080).
© Assemblée nationale