N° 252 tome I - Avis de Mme Claudine Schmid sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)


N° 252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

DIPLOMATIE CULTURELLE ET D’INFLUENCE

Par Mme Claudine SCHMID,

Député.

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Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 1).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DU PROGRAMME « DIPLOMATIE CULTURELLE ET D’INFLUENCE » : UN MOYEN TERME ENTRE PRÉSERVATION DE CERTAINS SECTEURS ET PARTICIPATION AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES 7

A. LES SECTEURS ÉPARGNÉS 9

1. Le secteur de l’enseignement français à l’étranger 9

a) L’aide à la scolarité 10

b) La contribution aux pensions civiles des personnels 13

c) L’entretien du parc immobilier 14

2. Les bourses de mobilité des étudiants étrangers en France 14

a) Le dispositif des « Bourses du gouvernement français » 15

b) Évolution des données 15

c) Les autres bourses 16

a) Les perspectives d’évolution 18

B. LES SECTEURS AFFECTÉS PAR LA RÉDUCTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE 19

1. L’Institut Français 20

2. CampusFrance 22

a) La question des antennes locales de l’association Égide 23

b) Les Espaces CampusFrance 24

3. La Fondation Alliance Française et le réseau des Alliances françaises 26

II.- LA PROMOTION À L’INTERNATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS 29

A. UNE POLITIQUE VOLONTARISTE MISE EN PLACE DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1990 29

1. Des résultats visibles 30

2. Les mesures en direction des étudiants étrangers 32

a) CampusFrance : un dispositif d’information sur les études en France, d’aide à l’orientation et de simplification des formalités d’inscription 32

b) La politique des bourses, instrument essentiel de la politique d’attractivité 33

c) L’amélioration et la simplification des procédures administratives liées à l’entrée et au séjour en France 35

3. Les mesures en direction des établissements d’enseignement supérieur 36

a) Une ouverture internationale inégale 36

b) L’amélioration de l’environnement académique 38

c) Le soutien des opérateurs 40

B. QUELQUES PISTES D’AMÉLIORATION 41

1. Combler un déficit d’image 41

2. Améliorer l’accueil 43

3. Cultiver la différence par la langue et la culture 46

4. Jouer la carte de la synergie régionale 47

5. Valoriser le « vivier » de l’AEFE 48

6. Faut-il augmenter les droits d’inscription pour les étudiants étrangers? 49

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

I.- AUDITION DU MINISTRE 53

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 53

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 69

INTRODUCTION

La mission « Action extérieure de l’État » comprend trois programmes
– 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires », et 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » -, qui regroupent l’ensemble des crédits du ministère des Affaires étrangères et européennes, à l’exception de ceux relevant du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en voie de développement » rattaché à la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Pour 2013, ses crédits s’établissent, en euros courants, à 2 961,13 millions en autorisations d’engagement, et à 2 970,3 millions en crédits de paiement, en hausse respectivement de 2,14 % et de 1,68 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. Hors contribution au compte d’affectation spécial (CAS) pensions, qui augmente entre 2012 et 2013, l’évolution est de 1,41 % ; elle est de 0,93 % en autorisations d’engagement et 0,3 % en crédits de paiement, hors dépenses de personnel.

Le budget de la mission participe à l’effort général de maîtrise de la dépense publique (fixé à - 7 % en 2013), mais de façon différenciée.

On constate des réductions sur les dépenses de fonctionnement, d’intervention ou de subvention aux opérateurs, auxquelles s’ajoutent des économies de circonstance sans effet sur l’action du ministère – suppression du programme temporaire 332 (Présidence française des G8 et G20), non-reconduction des crédits destinés aux élections nationales présidentielles et législatives sur le programme 151 –, ainsi que la suppression de la prise en charge (PEC) des frais de scolarité des lycées français à l’étranger, effective dès la rentrée 2012, et dont une partie du montant a été reportée sur les bourses.

En revanche, les dotations de certains secteurs déclarés prioritaires
– enseignement français à l’étranger, dispositifs de mobilité et d’expertise – sont maintenus, voire préservées sur l’ensemble du triennal 2013-2015 ; en outre, des dépenses obligatoires sont budgétisées en hausse pour tenir compte de l’impact du taux de change euro-dollar et du relèvement des taux de cotisations au CAS pensions.

Le présent avis ne porte que sur les crédits prévus au programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », dont les grandes lignes seront présentées en première partie, une analyse plus détaillée étant effectuée par le rapporteur spécial de la commission des finances.

La seconde partie du rapport, thématique, sera consacrée à la promotion à l’étranger de l’enseignement supérieur français, élément essentiel de la politique d’influence de notre pays.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À la date butoir, le rapporteur pour avis avait reçu 82 % des réponses.

I.- LES CRÉDITS DU PROGRAMME « DIPLOMATIE CULTURELLE ET D’INFLUENCE » : UN MOYEN TERME ENTRE PRÉSERVATION DE CERTAINS SECTEURS ET PARTICIPATION AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Le programme « Diplomatie culturelle et d’influence », regroupe l’ensemble des moyens relatifs aux politiques de coopération (culturelle, linguistique, universitaire, enjeux globaux) qui portent l’influence de notre pays, ainsi que ceux consacrés au service public d’enseignement français à l’étranger.

Conduite par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) avec le soutien du réseau culturel et de cinq opérateurs principaux – l’Institut français, CampusFrance, France expertise internationale, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) –, la politique culturelle et d’influence vise principalement le développement des relations avec les pays émergents (Chine, Inde, Russie, Brésil), avec les nouveaux émergents (Afrique du Sud, Indonésie, Vietnam, Colombie, Mexique, Turquie) et avec les pays méditerranéens.

Le projet de budget du programme pour 2013 s’élève à structure courante et hors dépenses de personnel, à 665 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, en quasi-stabilité (- 0.34 %) par rapport à 2012. Les normes de réduction des dépenses ont été appliquées de façon différenciée, certains secteurs étant épargnés, les autres, incités à développer leurs ressources propres.

Comparaison 2013/2012 par action et par titre des crédits demandés

Source : Projets annuels de performances pour 2012 et 2013

A. LES SECTEURS ÉPARGNÉS

1. Le secteur de l’enseignement français à l’étranger

Ce secteur se décline dans le monde à travers le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Présent dans 130 pays, ce réseau comptait en juin 2012 485 établissements scolaires français homologués, parmi lesquels 75 « établissements en gestion directe » (EGD) gérés directement par l’Agence, et 159 « établissements conventionnés » liés à l’Agence par une convention constituent le réseau proprement dit de l’AEFE.

L’ensemble des établissements homologués de l’AEFE accueillent 306 475 élèves, français pour plus d’un tiers ; le réseau proprement dit de l’AEFE, soit 234 établissements, scolarise 181 470 élèves, dont la moitié sont français.

Établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et de la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, l’AEFE reçoit une dotation au titre de l’action 5 « Agence pour l’enseignement français à l’étranger » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » et une, au titre de l’action 2 « Accès des élèves français au réseau AEFE » du programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » qui sert à financer l’aide à la scolarisation des élèves français du réseau.

En 2013, la subvention versée à l’Agence représente près de 57 % des crédits du programme 185. Elle s’élève 425 millions d’euros (en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) en augmentation de 1 % par rapport à 2012 en raison d’un abondement supplémentaire de 5,5 millions d’euros effectué au titre des pensions civiles des personnels (« CAS pensions »). La subvention versée au titre du programme 151 s’élève à 110,3 millions d’euros (en autorisations d’engagement et crédits de paiement).

L’Agence bénéficie en 2013 et sur la durée du triennal 2013-2015, d’une stabilisation de ses emplois expatriés et résidents. En 2012, l’AEFE a rémunéré 10 819 emplois temps plein en poste dans son réseau (11 % d’expatriés, 51 % de résidents et 38 % de recrutés locaux des établissements en gestion directe (1)). Parmi ces emplois, 6 353 étaient des emplois dits « sous plafond » et 4 466 des emplois dits « hors plafond ».

La croissance des effectifs scolarisés du réseau a néanmoins nécessité la création d’emplois de résidents hors plafonds à coût complet, c’est-à-dire remboursés intégralement par les établissements du réseau au siège de l’Agence (près de 400 emplois depuis 2005). En 2013, le nombre d’emplois hors plafond sur ressources propres des établissements augmentera de 95 ETP.

Pour répondre aux besoins d’extension du réseau (2) sous une autre forme que l’homologation et diversifier l’offre d’une éducation « à la française », le ministère des affaires étrangères développe de nouveaux outils comme le « Label FrancÉducation ». Créé en 2012 dans le cadre du Plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, et destiné aux établissements étrangers à programmes nationaux proposant des contenus francophones de grande qualité, ce label permet de développer notre présence éducative dans le monde dans un secteur hautement compétitif en tenant compte de la contrainte budgétaire. Ainsi, depuis février 2012, 17 établissements étrangers proposant des sections bilingues francophones ont été labellisés : 1 en Australie, 1 au Chili, 9 aux États-Unis, 1 en Finlande, 1 en Nouvelle-Zélande et 4 en République Tchèque. Ce label pourrait concerner une centaine d’établissements à l’horizon 2014-2015.

Le rapporteur pour avis se réjouit de cette nouvelle labellisation. Elle espère néanmoins que l’AEFE va maintenant ouvrir des discussions pour créer une nouvelle reconnaissance d’établissements situés en pays francophones et préparant aux examens français.

Le fond de roulement de l’AEFE, qui est abondé par les excédents cumulés des services centraux et des établissements en gestion directe, s’élève à 213 millions d’euros (soit soixante et onze jours de frais de fonctionnement). L’Agence assume néanmoins des charges importantes : aide à la scolarité, contribution aux pensions civiles des personnels et entretien du parc immobilier des EGD.

a) L’aide à la scolarité

L’aide à la scolarité attribuée aux familles françaises se composait, depuis 2007, de bourses sur critères sociaux et d’un dispositif de « prise en charge » sans condition de ressources et limité aux seules classes de lycée (seconde, première et terminale). Conformément à l’engagement de campagne du Président de la République, le gouvernement a modifié ce système en supprimant, dès la rentrée 2012, le dispositif de « prise en charge » et en consolidant les crédits des bourses sur critères sociaux.

Coût de l’aide à la scolarité

Année civile

Extension de la PEC (rentrée de septembre)

Bourses scolaires (millions d’euros)

PEC (millions d’euros)

Total (millions d’euros)

Abondements budgétaires effectués (millions d’euros)

2007

Terminale

50,5

2

52,5

 

2008

Première

57

9

66

 

2009

Seconde

66

20

86

+ 3,7*

2010

MORATOIRE

76,6

31,3

107,9

+ 10**

2011

84

33,7

117,7

+ 13,5***

* Loi de finances rectificative pour 2010

** Négociation interministérielle du triennum 2011-2013

*** Redéploiement interne au MAE pendant la préparation du PLF 2012

Source : ministère des affaires étrangères

● Le montant des bourses scolaires sur critères sociaux a fortement progressé entre 2007 (année d’instauration de la prise en charge) et 2011.

93,6 millions d’euros ont été inscrits en loi de finances pour 2012 pour le financement des bourses scolaires. Pour 2013, à dispositif constant, la dépense de bourses est aujourd’hui estimée à 112,2 millions d’euros (effet change inclus).

Le tableau ci-dessous montre la forte croissance du nombre de boursiers (+ 21 %) et du montant accordé (+ 62 %) dans toutes les classes depuis l’année scolaire 2007-2008.

Évolution du dispositif de bourses sur critères sociaux

Année scolaire rythme nord

Nbre demandes de bourses

Nbre de boursiers

% rejets

Montant accordé (euros)

Coût moyen (euros)

2007-2008

22 820

18 967

17

48 760 503

2 571

2008-2009

23 701

20 031

16

54 879 796

2 740

2009-2010

25 481

21 355

16

65 492 889

3 067

2010/2011

26 725

21 800

18

70 032 147

3 213

2011/2012

27 900

23 000

18

79 200 000

3 443

Source : ministère des affaires étrangères

Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs dont l’influence dans l’augmentation du nombre de bourses ne peut être précisément quantifiée :

– la politique de « vérité des coûts » mise en place à compter de l’année scolaire 2006-2007 a généré une hausse sensible des frais de scolarité, dont la moyenne mondiale a augmenté de 45 % sur la période 2007-2011 pour les classes n’ouvrant pas droit à prise en charge ;

– les effets de la crise économique (ce que corrobore l’égale croissance du nombre de demandes et du nombre de bourses accordées) ;

– l’effet change ;

– l’instauration par l’Agence d’une contribution de 6 % assise sur les frais de scolarité pour financer en partie la pension civile de ses personnels a conduit les établissements à en reporter parfois intégralement le montant sur les frais d’écolage, entraînant une hausse conséquente de ces derniers ;

– le changement de comportement des familles. L’instauration de la prise en charge a incité de nombreuses familles, qui, auparavant, ne sollicitaient pas de bourses sur critères sociaux à présenter une demande ;

– enfin, l’augmentation de 17 % par rapport à l’année précédente du nombre de boursiers dans les classes de lycée pour l’année scolaire 2011/2012, contre une augmentation moyenne de 4 % dans les autres cycles. Cette forte hausse dans les classes ouvertes à la PEC fut à l’évidence la conséquence du plafonnement des frais de scolarité couverts par ce dispositif au niveau des tarifs 2007-2008, le nombre de boursiers dans les classes de lycée s’inscrivant en baisse les années précédentes.

● Le montant des frais de scolarité pris en charge a été plafonné au niveau des tarifs de l’année scolaire 2007-2008 (article 141 de la loi de loi de finances pour 2011 et décret n° 506-2011 du 9 mai 2011). Cette mesure, entrée en vigueur à la rentrée de septembre 2011, a permis de réaliser une économie de l’ordre de 7,5 millions d’euros pour les années scolaires 2011/2012 rythme nord et 2012 rythme sud.

Le dispositif de prise en charge concernait, en 2011/2012, 7 % des élèves français (soit 7 800 sur les 114 000 scolarisés dans les établissements d’enseignement français à l’étranger) et mobilisait plus de 25 % de la dotation.

La suppression du dispositif de prise en charge a été entérinée par l’article 42 de la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012. Elle s’applique dès la rentrée de septembre 2012 pour les pays du rythme nord, et début 2013 pour les pays du rythme sud.

Selon le ministre des affaires étrangères, des mesures d’accompagnement exceptionnelles en direction des familles mises en difficulté par la suppression de la PEC ont été prévues à la rentrée : les postes consulaires ont pour instruction d’être très vigilants afin d’identifier rapidement les situations critiques ; en outre, l’AEFE a demandé aux EGD d’accorder, en cas de besoin, des facilités de paiement aux familles, et aux comités de gestion des établissements conventionnés, d’être à l’écoute de ces dernières. Le rapporteur pour avis souhaiterait néanmoins savoir quelles mesures concrètes seront prises lorsque les postes auront identifié les familles en difficulté et en quoi consisteront les facilités de paiement accordées aux familles.

Interrogé, par ailleurs, par le rapporteur pour avis sur l’emploi des économies générées par la suppression de la PEC (soit 32 millions d’euros) qui n’ont fait l’objet d’aucun fond de réserve budgétaire, le ministre des affaires étrangères a pris l’engagement que ces crédits abonderont au cours du prochain triennum la dotation des bourses scolaires allouées sur critères sociaux ; cette dotation passera donc progressivement, selon le ministre, de 93,6 millions d’euros en 2012 à 125,5 millions d’euros en 2015 ; progression que le rapporteur pour avis suivra évidemment avec la plus grande attention en regrettant le manque de traçabilité comptable de cette réserve.

Le gouvernement envisage de mettre en place une réforme plus globale de l’aide à la scolarité pour la rentrée de septembre 2013 et devrait à cet effet engager au cours des prochains mois une concertation avec l’ensemble des partenaires concernés ainsi qu’avec les parlementaires. Nul doute que ces derniers et en particulier ceux représentant les Français établis à l’étranger seront particulièrement mobilisés par cette réflexion.

b) La contribution aux pensions civiles des personnels

L’intégration de la part patronale de la pension civile des personnels dans les charges de l’Agence à compter de 2009 a affecté l’équilibre de son budget par une dépense nouvelle de plus de 120 millions d’euros soumise chaque année à une progression aussi importante qu’incertaine puisque liée au taux de pension. Afin de compenser le transfert de charge, l’État a augmenté de 130 millions d’euros à compter de 2010 la subvention annuelle versée à l’Agence. Mais il est apparu que cet abondement serait rapidement insuffisant, générant à court terme un déficit de recette structurel toujours croissant.

Aussi le conseil d’administration de l’Agence a-t-il instauré, à compter de 2009, une contribution de 6 % (dite « remontée ») assise sur les frais de scolarité des établissements en gestion directe et conventionnés destinée pour partie à contribuer au financement des pensions civiles (3); comme le nombre d’enfants scolarisés dans les établissements en gestion directe et conventionnés augmente, cette contribution permet de dégager des recettes supplémentaires annuelles. L’AEFE accroît également ses fonds propres grâce à la forte progression des recettes de participation des établissements en gestion directe et conventionnés à la rémunération des personnels résidents.

Entre 2012 et 2015, on estime que le coût de la part patronale de la pension civile augmentera de 25 millions d’euros, soit 19,6 millions d’euros de plus que prévu par les projections réalisées lors du précédent triennum ; en 2013, il augmentera de 13 millions d’euros par rapport à 2012, soit 6,3 millions d’euros de plus qu’attendu.

Le gouvernement participe à l’effort budgétaire de l’Agence en lui allouant une dotation supplémentaire, par rapport à 2012, de 5,5 millions d’euros en 2013, qui sera reconduite en 2014 et atteindra 10,5 millions d’euros en 2015 ; le reliquat sera financé par l’accroissement des ressources propres de l’Agence.

c) L’entretien du parc immobilier

La programmation immobilière de l’Agence votée par son conseil d’administration concerne les opérations immobilières dans les établissements en gestion directe (EGD) dont l’Agence assure la maîtrise d’ouvrage.

L’AEFE finance depuis 2005 sa programmation immobilière à la fois sur ses fonds propres ou sur ceux des établissements à gestion directe, dans le cadre d’un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI), adopté par le conseil d’administration du 30 novembre 2011. Depuis 2006, l’Agence a engagé des projets à hauteur de 230 millions d’euros.

Ne pouvant plus contracter d’emprunts bancaires d’une durée supérieure à un an, en vertu de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014, publiée en décembre 2010 (4), l’Agence a reçu en 2011 une dotation d’un montant de 9,5 millions d’euros pour poursuivre sa politique immobilière et une subvention exceptionnelle de 4 millions d’euros pour sécuriser ses établissements dans les pays à situation instable d’Afrique du Nord et du Sahel ; elle a bénéficié, en 2012, d’avances de France Trésor pour un montant de 12,6 millions d’euros ; elle devrait à nouveau bénéficier d’avances en 2013 pour le financement de nouveaux projets immobiliers identifiés à hauteur de 12,5 millions d’euros.

S’agissant de la remise en gestion à l’Agence des bâtiments appartenant à l’État et utilisés par les EGD, les délais de signature des conventions d’utilisation, le rythme de ce transfert de gestion ainsi que les mesures d’accompagnement de ce transfert de charge ne sont pas encore précisément déterminés.

2. Les bourses de mobilité des étudiants étrangers en France

L’octroi de bourses aux étudiants (bourses d’études, soit 70 % des bourses octroyées) et aux professionnels étrangers (bourses de stage) est un vecteur essentiel de la diplomatie française qui participe de la promotion du système d’enseignement supérieur français et contribue ainsi à son attractivité en direction des élites des pays en développement (cf. infra, seconde partie du rapport).

Depuis plusieurs années, le ministère des affaires étrangères a réorienté sa politique d’octroi de bourses en privilégiant l’excellence académique des étudiants aux niveaux master et doctorat, dans certaines filières prioritaires (sciences, économie, gestion et droit). Cette politique vise principalement à soutenir les partenariats universitaires les plus performants et à favoriser le développement de la mobilité encadrée, dont la qualité est en moyenne meilleure que celle de la mobilité spontanée et dont le suivi est plus facile à assurer ; l’accent est mis sur les cotutelles de thèse dans le cadre d’une charte de qualité, préparée en pendant à la charte européenne de qualité pour la mobilité.

70,5 millions d’euros sont alloués aux bourses dans le cadre du programme 185, soit une légère hausse de 1,2 % par rapport à 2012 du fait de la réintégration des crédits de la Syrie. Selon le ministère, cette dotation doit rester stable pendant la durée du triennum 2013-2015.

a) Le dispositif des « Bourses du gouvernement français »

Le dispositif des « Bourses du gouvernement français » (BGF) est actuellement défini par un arrêté interministériel du 27 décembre 1983 dont les modalités tarifaires ont fait l’objet d’arrêtés rectificatifs successifs jusqu’en 2002.

Sa gestion était jusqu’au 31 août 2012, assurée par deux organismes : l’association Égide (Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux) et le CNOUS (Centre national des œuvres universitaires et scolaires). Elle a été reprise par l’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) CampusFrance, créé par le décret n° 2011-2048 du 30 décembre 2011 en application de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010. Issu de la fusion du GIP CampusFrance et de l’association Égide, l’EPIC a intégré les activités internationales du CNOUS au 1er septembre 2012, pour le début de l’année universitaire.

Le dispositif se compose de deux volets : d’une part, les bourses allouées par les postes diplomatiques (57 millions d’euros), dont la gestion est assurée par CampusFrance ; et d’autre part, les programmes de bourses sur crédits de l’administration centrale (14 millions d’euros) – notamment les programmes Eiffel et Quai d’Orsay entreprises cofinancé par le secteur privé français –, gérés par le ministère.

b) Évolution des données

En 2011, le nombre total de BGF s’élève à 14 687 ; le nombre total de mensualités versées s’établit à 76 465. La durée moyenne d’une bourse a légèrement progressé : 5,2 mois (contre 4,8 mois en 2007), ce qui traduit l’effort entrepris pour augmenter le nombre de bourses d’études par rapport aux bourses de stage.

Évolution du nombre des Bourses du Gouvernement

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

nombre total de boursiers

20 109

18 629

18 393

16 912

15 590

15 380

14 687

dont bourses d’études

11 936

11 910

11 891

11 328

10 804

10 219

10 408

dont bourses de stages

8 173

6 719

6 502

5 584

4 786

5 161

4 279

nombre total de mensualités

92 866

92 402

89 461

86 297

80 572

78 348

76 465

nombre de mois par boursier

4,6

4,9

4,8

5,1

5,1

5,1

5,2

Coût total en M€

104

97,3

95

94,9

93,6

80,5

71,8

Source : ministère des affaires étrangères

Mais de 2005 à 2011, on relève une stagnation voire une baisse progressive des crédits consacrés aux bourses, du nombre de bourses attribuées. On notera cependant que si la grande majorité des bourses octroyées par le ministère des affaires étrangères (BGF) sont regroupées sous la rubrique « Bourses » (70,5 millions d’euros), d’autres bourses sont allouées sous d’autres rubriques du programme 185.

Source : ministère des affaires étrangères

c) Les autres bourses

● Le programme de bourses « Excellence-Major » aide les meilleurs élèves étrangers des lycées à programmes français de l’étranger à poursuivre des études de haut niveau dans l’enseignement supérieur français.

Ce programme se compose de deux volets : le premier, financé sur crédits de l’AEFE, offre aux élèves étrangers des lycées français de l’étranger ayant obtenu le bac avec mention très bien ou bien, deux ans de bourse pour entrer en classes préparatoires ou dans un premier cycle d’études universitaires en France. Le second volet, sur crédits du ministère, finance trois années supplémentaires de bourse pour permettre à ces étudiants de poursuivre leur cursus, dans les grandes écoles ou les cycles universitaires, jusqu’à l’obtention du grade de master (bac + 5).

Une gestion unique pour ces deux programmes a été mise en place depuis le 1er septembre 2007. Elle est assurée par l’AEFE, qui consacre au premier volet du dispositif la somme de 2,5 millions d’euros ; le ministère des affaires étrangères verse une subvention destinée à la mise en œuvre du second volet. Afin d’en faciliter le fonctionnement, une convention a été signée en 2010. Reconduite dans la limite de cinq ans par un avenant annuel, elle fixe le budget du programme ainsi que le montant de la participation du ministère. Au titre de l’année 2012, le montant de la subvention, identique à celui de l’an passé, a été fixé à 3,6 millions d’euros.

En 2011, sur les 14 687 boursiers du gouvernement français, 980 (440 post-bac et 540 Major) ont bénéficié d’une bourse Excellence-Major selon la répartition géographique suivante : Maghreb : 31,3 %, Amérique : 23 %, Afrique sub-saharienne : 16,1 %, Europe : 15,4 %, Proche et Moyen-Orient : 6,3 %, Asie : 4,6 %

● Les bourses de l’Institut français et plus précisément, des postes expérimentateurs qui lui sont rattachés : les postes disposent des compétences et des crédits correspondant aux missions culturelles, linguistiques et audiovisuelles (5), ainsi que de coopération universitaire et scientifique. Ils ont en particulier la charge d’octroyer les bourses relevant de leur périmètre de compétence. Le cahier des charges de l’expérimentation précise que le montant est arrêté par le ministère et que la fongibilité de ces moyens avec ceux consacrés à l’action culturelle et linguistique est limitée à 5 %. Une convention annuelle entre CampusFrance et l’Institut français est signée pour la mise en œuvre des bourses.

● L’université franco-allemande (UFA) attribue des bourses pour plus de 6 millions d’euros. L’UFA est cofinancée à parts égales par la France et l’Allemagne à hauteur de 11,6 millions d’euros en 2012. Le nombre d’étudiants participant à un cursus labellisé par l’Université s’élève en moyenne à 5 000 étudiants par an (en constante augmentation depuis 2010), dont environ la moitié est en mobilité dans le pays partenaire et bénéficie à ce titre d’une aide de l’UFA. La contribution du ministère en 2013 restera stable par rapport à 2012 (soit 2,9 millions d’euros). L’engagement franco-allemand pris au plus haut niveau (Agenda 2020) pourrait néanmoins se traduire par une hausse concertée des contributions nationales à moyen terme.

● Certains postes peuvent également mettre en œuvre des programmes de bourses cofinancées localement sous la forme de subventions versées aux associations et établissements locaux d’enseignement partenaires. Les montants sont alors imputés sur la rubrique « Autres moyens bilatéraux d’influence ».

Par ailleurs, il existe dans plusieurs pays des dispositifs de bourses de collectivités territoriales ou d’institutions privées qui ne prennent pas toujours la forme d’une bourse du format « BGF ». Certains gouvernements étrangers disposent même de leur propre programme de bourses (Kazakhstan, Syrie, Gabon…).

a) Les perspectives d’évolution

Malgré la baisse de 2,5 % en 2011 des principaux instruments de la diplomatie d’influence du programme 185, les crédits alloués à la politique d’allocation de bourses du gouvernement français ont bénéficié d’un abondement de 2 millions d’euros (après rabot), et le nombre de BGF a été maintenu en 2011.

Pour l’augmenter en 2012, le ministère des affaires étrangères recherche d’autres cofinancements : programme à coût partagé avec les États, les collectivités territoriales françaises, les fondations, les entreprises etc. À cet égard, des actions innovantes engagées ces dernières années se multiplient : avec les entreprises dans le cadre du programme Quai d’Orsay Entreprises, avec les Régions grâce au programme ARCUS (Actions en régions de coopération universitaire et Scientifique).

À ce stade, il n’est pas possible de déterminer précisément le nombre de bourses allouées en 2012, notamment en raison des bourses de courts séjours qui sont accordées tout au long de l’année.

Quoi qu’il en soit, le ministère a indiqué au rapporteur pour avis que les crédits consacrés aux bourses du programme 185, mises en œuvre dans les secteurs de l’attractivité et de la recherche, des biens publics mondiaux, de la culture et du français seront maintenus sur la période 2013-2015.

En revanche les autres rubriques budgétaires permettant de mettre en œuvre des programmes spécifiques de bourses diminueront : les autres moyens bilatéraux d’influence (programmes de bourses cofinancées) de - 5 % en 2013 et - 8 % en 2014, et la subvention pour charges de service public à l’Institut français (BGF mises en œuvre par les postes expérimentateurs) de - 7 % en 2013 et - 11 % en 2014.

Par ailleurs, les échanges d’expertise et échanges scientifiques (missions d’experts à l’étranger et invitations en France dans le cadre de l’organisation de conférences et de séminaires) sont maintenus à leur niveau de 2012, soit 16 millions d’euros ; ces échanges constituent en effet un vecteur de coopération souple et peu coûteux, essentiel pour la mobilité des jeunes chercheurs et la place des laboratoires français.

B. LES SECTEURS AFFECTÉS PAR LA RÉDUCTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Les services de l’administration centrale assurent l’animation et la coordination du réseau culturel à l’étranger en lien étroit avec les opérateurs issus de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à la réforme de l’action culturelle extérieure de l’État ; depuis 2011, ils se sont également rapprochés de la Fondation Alliance Française. Les ambassades et les services de coopération et d’action culturelle (SCAC) sur place assurent le relais et la cohérence de l’action des différents intervenants de la politique culturelle et d’influence.

La baisse normative (- 7 % en 2013) est appliquée aux dépenses de fonctionnement à savoir les crédits dédiés à l’animation du réseau et les dépenses de soutien. Elle est également appliquée aux structures du réseau culturel capables de mobiliser des cofinancements, notamment par le biais du mécénat, à savoir l’Institut français, les alliances françaises et les établissements à autonomie financière (EAF). En revanche, la dotation allouée à l’EPIC CampusFrance demeure stable, en raison de sa montée en charge (reprise des bourses auparavant gérées par le Centre national des œuvres universitaires et scolaires).

Les crédits dédiés à l’animation du réseau (action 01 du programme 185), en baisse de 6,4 %, financent notamment la communication, les missions d’évaluation, l’informatique, la formation des agents, les frais de missions et de représentation en administration centrale ; les crédits de soutien au réseau culturel (- 5,6 %) couvrent les frais de missions, de tournée et de représentation des postes.

S’agissant du réseau des instituts culturels (établissements à autonomie financière), les crédits exceptionnels de restructuration du réseau (3 millions d’euros) baissent de 50 % en 2013, en raison de l’achèvement de la fusion entre les SCAC et les EAF dans 93 pays.

La diminution des dotations de fonctionnement aux EAF s’établit à 4 % (38,7 millions d’euros), correspondant à une diminution de 7 % sur le fonctionnement et de 2,5 % sur la masse salariale. Les dotations pour opérations des EAF (12,6 millions d’euros) et les subventions aux alliances françaises (7,3 millions d’euros) diminuent de 7 %. Le ministère attend du dynamisme de ces structures – qu’il s’agisse d’autofinancement (grâce, notamment à l’amélioration de la rentabilité financière des cours de langue) ou de projets cofinancés – qu’il leur permette de préserver leur soutenabilité financière.

Le taux d’autofinancement du réseau marque une progression régulière (hors rémunération des expatriés) : 58 % en 2010, 60 % en 2011 et 62,3 % en 2012 ; ce qui ne doit pas masquer de fortes disparités au sein des EAF pluridisciplinaires (Instituts français) et entre les EAF et les centres de recherche (Instituts français de recherche à l’étranger – IFRE) qui peinent à trouver des ressources propres.

Le rapporteur pour avis se félicite de ce que les réformes effectuées portent à présent leurs fruits et permettent des réductions de frais de fonctionnement.

1. L’Institut Français

Au plan budgétaire, l’Institut Français est rattaché :

– d’une part, à l’action 2 « Coopération culturelle et promotion du français » du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence », pour laquelle la dotation inscrite dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2013 au titre de la SCSP versée à l’Institut français est de 42 millions d’euros (en autorisations d’engagement et crédits de paiement) ;

– et, d’autre part, à l’action 6 « Action culturelle internationale » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », pour laquelle la dotation inscrite en PLF 2013 au titre des transferts versés à l’Institut français est de 1,36 million d’euros (en autorisations d’engagement et crédits de paiement).

Source : Projet annuel de performances pour 2012

La baisse de 4,7 millions d’euros de la subvention du ministère sur le programme 185 entre la loi de finances initiale pour 2012 et le PLF 2013 provient :

– de l’application des mesures d’économies dans le cadre du redressement des comptes publics (- 7 % entre 2012 et 2013) ;

– du retraitement en 2013 des crédits destinés initialement au poste en Syrie, retiré du champ de l’expérimentation en raison du contexte local (- 1,6 million d’euros).

L’expérimentation prévue par la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État est engagée dans douze postes pilotes qui constituent des « bureaux locaux » à l’étranger de l’EPIC Institut français : Cambodge, Chili, Danemark, Émirats arabes unis, Géorgie, Ghana, Inde, Koweït, Royaume-Uni, Sénégal, Serbie, Singapour. Parmi les postes retenus, quatre – Ghana, EAU, Koweït, Singapour – ne disposaient pas d’établissement à autonomie financière, permettant ainsi de tester la faisabilité de créer un établissement culturel à partir d’un bureau de l’EPIC.

Le périmètre de l’exercice est strictement conforme à celui qui a été retenu pour la réforme du réseau et la fusion des SCAC avec les EAF : culture, langue française, savoirs, débat d’idées, audiovisuel, coopération universitaire et scientifique (hors postes – Inde, Royaume-Uni – disposant d’un service séparé pour la science et la technologie) (6).

Le caractère réversible du rattachement en a contraint la mise en œuvre : nécessité de préserver un principe de « double casquette » du directeur du bureau local, qui demeure conseiller de l’ambassadeur, non-transfert à l’EPIC des agents expatriés du réseau culturel, non-renégociation des accords culturels bilatéraux là où cette mesure pourrait s’avérer nécessaire.

En loi de finances initiale pour 2012, les 196 emplois temps plein (ETP) sous plafond comprenaient 44 ETP transférés par le ministère à l’Institut français dans le cadre de l’expérimentation du rattachement du réseau culturel. Ce chiffre intégrait les ETP de la Syrie. Suite au retrait de celle-ci de l’expérimentation, le plafond d’emplois effectif de l’Institut Français est, pour 2012, de 190 ETP sous plafond et 1 ETP hors plafond.

Un premier rapport concernant les résultats de l’expérimentation a été établi en mars 2011 ; un deuxième doit être rendu avant le 31 mars 2013 et le dernier, avant le 31 octobre 2013. L’évaluation du coût du rattachement de l’ensemble du réseau culturel à l’Institut français à l’issue de la période d’expérimentation est complexe. Elle suppose, à la fois, une appréciation du surcoût entraîné par le rattachement des personnels, compte tenu du différentiel de charges sociales entre contrat public et contrat privé, une appréciation des frais de structure et une évaluation des crédits de coopération à transférer. Le risque fiscal que pourrait faire peser localement, sur les établissements français, un passage sous statut d’EPIC doit également être intégré dans le calcul.

En outre, la concomitance de ce projet de réforme avec les mesures de réduction des moyens humains et financiers du ministère des Affaires étrangères, dans le cadre de sa contribution au redressement des comptes publics, constitue un élément de complexité supplémentaire expliquant le caractère encore provisoire et partiel des exercices d’évaluation en cours.

2. CampusFrance

La mise en place effective de l’opérateur a eu lieu le 1er mai 2012 avec la dissolution du GIP CampusFrance le 28 avril 2012 et de l’association Égide le 1er mai 2012. Conformément aux dispositions du décret n° 2012-149 du 30 janvier 2012, le transfert des bourses gérées par le CNOUS (Centre national des œuvres universitaires et scolaires) s’est effectué le 1er septembre 2012, début de l’année universitaire. Est ainsi constituée une chaîne de l’accueil des étudiants étrangers allant de la promotion de l’enseignement supérieur français à la gestion par un guichet unique de la mobilité et de l’accueil des étudiants étrangers.

Source : Projet annuel de performances pour 2012

Au plan budgétaire, CampusFrance se rattache :

– aux actions 02 « Coopération culturelle et promotion du français », 03 « Enjeux globaux », et 04 « Attractivité et recherche », du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » ;

– au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire »,

– à l’action 02 « Coopération bilatérale », du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement »,

La subvention pour charges de service public de l’EPIC CampusFrance sur le programme 185 s’élève pour 2013 à 4,2 millions d’euros. Elle inclut :

– la subvention pour charges de service public que percevait le GIP CampusFrance (1,8 million d’euros) qui, compte tenu de la montée en charge de l’opérateur, est maintenue par rapport à 2012 ;

– la subvention de 2,39 millions d’euros dans le cadre de la reprise des activités internationales du CNOUS. Cette dernière est destinée à couvrir la rémunération de 25 ETP transférés à l’opérateur (1,46 million d’euros) ainsi qu’une part du fonctionnement de l’établissement pour les activités transférées (928 000 euros).

En loi de finances initiale pour 2012, le plafond d’emplois de l’EPIC s’établissait à 221 ETP, dont 218 sous plafond ; au 1er septembre 2012, le plafond d’emplois a été porté à 286 ETP, dont 243 sous plafond en raison de l’intégration des activités internationales du CNOUS.

Nécessaires à l’équilibre financier de l’EPIC, la modernisation et la simplification des bourses interviendront courant 2013 ; selon le ministre des affaires étrangères, les orientations retenues pour cette réforme devraient être connues d’ici la fin 2012.

a) La question des antennes locales de l’association Égide

Égide a apporté à l’EPIC CampusFrance un réseau de sept antennes régionales, de taille et d’importance inégales à Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Strasbourg et Toulouse qui emploient près de 17 ETP et ont un coût de fonctionnement total (location) de 150 000 euros par an.

Ces délégations régionales ont une double activité : gestion de dossiers de BGF et coordination des différentes structures locales d’accueil. Au fil des ans, ces antennes ont développé un réseau de relations avec les établissements d’enseignement supérieurs et de recherche, les CROUS, les structures de logement étudiant, les services administratifs compétents pour l’accueil des étudiants et boursiers étrangers, qui se révèle extrêmement performant et met ainsi le nouvel établissement en mesure de répondre dans les meilleures conditions à sa nouvelle mission d’accueil des étudiants et des boursiers.

Lors des réflexions préalables à la création de l’EPIC, un schéma simple semblait devoir s’imposer : si CampusFrance reprenait la totalité de la gestion des BGF au niveau national, la dimension régionale resterait celle des CROUS, qui se chargeraient de l’accueil physique des boursiers.

Plusieurs éléments compliquent cependant la problématique de l’accueil des étudiants sur le territoire :

– la reprise des activités internationales du CNOUS a affecté la relation de l’EPIC avec les CROUS et transféré à l’EPIC la responsabilité de nombreux programmes de bourses avec les gouvernements étrangers, pour lesquels la question de l’accueil est importante ;

– la volonté des universités de jouer un rôle plus important dans la question du logement des étudiants, à la mesure des moyens que leur a donnés la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (7), ce qui n’est pas sans inquiéter les CROUS ;

– la modification du régime des BGF, qui attribue aux boursiers plus de ressources mais moins d’aide en nature.

C’est dans ce cadre que se pose la question de l’avenir des délégations régionales. La question n’est pas mineure puisque les académies couvertes par les antennes régionales accueillent 36 % des étudiants étrangers, contre 32 % pour la région parisienne. Une légère réorganisation pourrait porter ce chiffre à plus de 50 %.

Pour toutes ces raisons, l’apport des antennes existantes à l’accomplissement des missions de CampusFrance sera testé pendant une année. Un bilan plus approfondi sera établi après la rentrée de 2013, qui permettra de statuer en connaissance de cause sur l’avenir du dispositif. Des mesures sont prises, en parallèle, pour réduire les coûts fixes de fonctionnement des antennes (relocalisation dans les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, à coûts partagés).

b) Les Espaces CampusFrance

CampusFrance s’appuie sur le réseau des Espaces CampusFrance, issus du regroupement, à partir de 2007, des espaces EduFrance et des Centres pour les Études en France (CEF). Au 1er juillet 2012, cent dix postes diplomatiques – en Asie, Amérique, Europe, Moyen-Orient et Afrique – avaient mis en place cent quatre-vingt-deux Espaces CampusFrance souvent constitués en réseau à l’intérieur des pays. La plupart des Espaces CampusFrance sont installés dans les locaux des EAF, des SCAC, parfois des Alliances françaises et placés sous l’autorité directe du conseiller de coopération et d’action culturelle et de l’ambassadeur.

Les frais afférents aux salaires du personnel et au fonctionnement des Espaces sont financés par les postes diplomatiques et les établissements du réseau culturel (qui ont en charge le pilotage de ce dispositif). Le personnel des Espaces représente plus de trois cents personnes pour une masse salariale de plus de 3 millions d’euros ; leur coût de fonctionnement s’élève à près de 9 millions d’euros. Les moyens pour 2013 devraient être sensiblement équivalents, voire en hausse compte tenu du développement de ce réseau.

Certains espaces sont dotés de la procédure CEF. Ces Espaces CampusFrance à procédure CEF assurent l’accueil et l’orientation des étudiants, vérifient la solidité des parcours et projets de formation, et permettent aux établissements d’enseignement supérieur de bénéficier d’une aide à la décision de préinscription. Près de 100 % des universités françaises sont membres du réseau CEF ; il convient de relever que l’Instruction générale sur les visas intègre cette procédure et dispose que dans les pays à procédure CEF, le consul, auquel revient la décision d’accorder ou non le visa, suit l’avis du SCAC portant sur l’appréciation académique du dossier, et se concentre sur la partie qui ne relève pas du SCAC (trouble à l’ordre public, revenus…).

La procédure CEF

La procédure CEF débute par la constitution d’un dossier électronique personnel. Le candidat ouvre un compte à partir du site internet CampusFrance de son pays de résidence et suit une procédure dématérialisée qui lui permet de formuler des demandes de formation et de dialoguer avec l’Espace CampusFrance de son pays et avec les établissements auprès desquels il sollicite une pré-inscription, dans le cadre d’une Demande d’Admission Préalable (DAP) ou non.

L’Espace CampusFrance apporte en ligne au candidat de l’information, de l’aide à l’orientation et un dialogue grâce à une messagerie personnelle ; il facilite le passage des tests de langue ; il procède à un examen administratif du dossier du candidat et à l’authentification des diplômes ; il organise un entretien relatif au projet personnel de l’étudiant.

Le service de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade accède au dossier électronique de l’étudiant ainsi qu’au compte rendu d’entretien et donne un avis en ligne sur le projet d’étude.

Les établissements d’enseignement supérieur adhérents à la convention CEF consultent le dossier de l’étudiant en ligne, accèdent au compte rendu d’entretien, demandent des informations complémentaires à l’Espace par le biais de la messagerie, sélectionnent le candidat, accordent une pré-inscription et communiquent en temps réel et en ligne la décision à l’étudiant et à l’Espace CampusFrance.

Le service consulaire consulte le dossier électronique du candidat, examine l’ensemble du dossier consulaire déposé par l’étudiant, décide de l’attribution du visa pour études et intègre sa décision dans le dossier électronique du candidat.

Une participation financière, dont le montant varie en fonction des pays, est demandée au candidat.

À l’heure actuelle, trente et un pays (8)sont dotés de la procédure CEF, couvrant ainsi 85 % de la demande de visa pour études. Pour nos ambassades, les dépenses engendrées par le fonctionnement du dispositif CEF sont couvertes par les recettes générées par la participation financière des étudiants. Une subvention peut être attribuée, la première année, lors de la mise en place d’un Espace CampusFrance à procédure CEF, d’un montant compris entre 5 000 et 20 000 euros.

3. La Fondation Alliance Française et le réseau des Alliances françaises

Le soutien financier du ministère des affaires étrangères est consacré, d’une part, à la Fondation Alliance française et à ses délégations générales (1,4 million d’euros en 2013) et, d’autre part, aux subventions versées par les ambassades aux alliances françaises locales (5,9 millions d’euros), notamment dans le cadre d’actions en partenariat – formations, certifications, manifestations culturelles.

Sous le label générique « Alliance française », deux types de structures différentes sont répertoriés : la Fondation Alliance Française et les Alliances françaises locales.

● Créée le 1er janvier 2008 (succédant à l’association Alliance française fondée en 1883), la Fondation d’utilité publique « Alliance française » assure la coordination, l’animation et le conseil du réseau des Alliances françaises (AF) à travers le monde. Propriétaire de la marque « Alliance française », elle est seule habilitée à autoriser leur création et leur labellisation, mais ne dispose pas d’autres liens juridiques avec ces associations.

La Fondation est partie d’une convention bilatérale de partenariat avec la direction générale de la mondialisation (DGM). Signée le 1er octobre 2010 entre le ministère des Affaires étrangères et la Fondation Alliance Française, la convention-cadre, qui a été établie pour trois ans, vise notamment à rapprocher les identités visuelles des deux réseaux, public et privé, à rendre leurs implantations géographiques parfaitement complémentaires et à intensifier les actions communes.

● Les mille quarante Alliances françaises locales, présentes sur les cinq continents et dans cent trente-six pays, sont pour la plupart des associations autonomes de droit local et sont indépendantes de la Fondation Alliance Française, tant statutairement que financièrement. Elles fonctionnent grâce aux huit mille bénévoles qui les administrent et aux douze mille salariés employés sous contrats de droit local (professeurs inclus).

Depuis 2001, le ministère des affaires étrangères mène une politique de signature de conventions-cadres de coopération entre les Alliances françaises locales et les services de coopération et d’action culturelle des ambassades. Ceux-ci ont la possibilité de confier la gestion de l’action culturelle à l’Alliance française locale. Au total, quatre cent quarante-cinq Alliances françaises sont conventionnées avec les ambassades de leur pays de résidence et reçoivent un soutien du ministère des affaires étrangères, sous forme de subventions ou de mise à disposition de personnels (près de trois cent trente actuellement).

La majorité des Alliances françaises dispensent essentiellement des cours de français, à près de cinq cent mille étudiants par an. Celles qui sont conventionnées avec le ministère des affaires étrangères offrent toutes les activités d’un centre culturel (cours de langue, programmation culturelle, médiathèque).

La Fondation Alliance Française estime le taux d’autofinancement moyen des alliances françaises à 75 %, hors personnel expatrié. Ce taux d’autofinancement, supérieur à celui des opérateurs culturels, résulte de la démarche de professionnalisation (marketing, communication) entreprise par les Alliances et pilotée par la Fondation, à laquelle le ministère conditionne une partie de son soutien.

II.- LA PROMOTION À L’INTERNATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS

Depuis quelques années, le paysage de l’enseignement supérieur connait une transformation aussi rapide que radicale sous l’effet de la mondialisation et d’une croissance soutenue de la demande de formation dans le monde. On estime qu’entre 2000 et 2015, le nombre d’étudiants passera de 100 à 200 millions, dont les deux tiers issus des pays émergents et la moitié de la Chine et de l’Inde. En augmentation de 31 % depuis 2005, le nombre d’étudiants en mobilité va s’amplifier considérablement dans les dix prochaines années puisque de 3,3 millions actuellement, il atteindra 5 à 7 millions en 2025.

L’enseignement supérieur est devenu un marché mondial et, pour chaque pays, attirer les meilleurs étudiants et les jeunes chercheurs étrangers constitue un enjeu majeur qui participe de sa politique d’influence.

Première destination non anglophone des étudiants internationaux, la France a accueilli plus de 288 500 étudiants étrangers à la rentrée 2011, ce qui la place au quatrième rang mondial, derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie et devant l’Allemagne. Sa position dans les classements internationaux, et notamment celui de Shanghai, est pourtant décevante ; avec vingt établissements figurant dans les cinq cents premiers mondiaux en 2012 dont seulement trois dans le « top cent », elle n’occupe que la huitième place.

Bien que contestés, ces classements n’en montrent pas moins la nécessité de renouveler la politique conduite par les pouvoirs publics depuis la fin des années 1990. Alors qu’une vaste réflexion est en cours au sein des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche lancées depuis le mois de juillet par le gouvernement, le rapporteur pour avis a souhaité explorer la question de l’attractivité de notre enseignement supérieur et tenter de dégager quelques pistes d’amélioration à la lumière des auditions qu’elle a menées.

A. UNE POLITIQUE VOLONTARISTE MISE EN PLACE DEPUIS LA FIN DES ANNÉES 1990

À la fin des années 1990, a été mise en place une politique nationale cohérente visant à favoriser la venue d’étudiants étrangers (dite « mobilité entrante ») : assouplissement de la politique de délivrance des visas, des conditions d’entrée et de séjour sur le territoire, et création d’une agence de coordination de l’offre de formation à l’étranger (9).

Les objectifs clairement quantitatifs de cette politique se sont accompagnés de priorités géographiques concernant des pays émergents à fort potentiel de développement économique (Chine, Inde, Mexique, Brésil), et ont été adossés à la constitution d’un enseignement supérieur européen.

Sans rompre avec cette orientation, les séminaires gouvernementaux sur l’attractivité qui se sont tenus en février 2005 et mai 2006 avec les établissements, les grands opérateurs et les entreprises internationales ont fixé des objectifs plus directement qualitatifs : privilégier l’accès en master et doctorat, les disciplines scientifiques, accroître la « mobilité encadrée » (partenariats entre établissements français et étrangers), et cibler particulièrement les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine.

Cette politique commence à produire quelques résultats grâce aux mesures prises en direction des étudiants étrangers et des établissements français.

1. Des résultats visibles

● Une augmentation significative du nombre d’étudiants étrangers

Entre 2000 et 2010, le nombre d’étudiants étrangers en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer a connu une progression de 64 %, passant de 174 000 à 285 000 ; en 2011, une nouvelle hausse de 1,3 % l’a porté à 288 500. Sur cette décennie, la part des étrangers dans la population étudiante est passée de 8,1 % à 12,3 % (10).

● Une mobilité de plus haut niveau

Depuis 2004, le nombre d’étudiants étrangers a presque doublé dans les formations d’ingénieurs ou les écoles de commerce, gestion, vente et comptabilité ; il a augmenté de près de 10 % dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ; par ailleurs, les étrangers représentent 41,3 % des doctorants.

Source : Repères et références statistiques de l’enseignement supérieur – édition 2012

● Une diversification géographique des flux d’étudiants étrangers

Source : Repères et références statistiques de l’enseignement supérieur– édition 2012

Les Africains représentent près de la moitié des étudiants étrangers à la rentrée 2011(11), mais leur part a diminué de six points en huit ans ; 24 % d’entre eux viennent du Maghreb et 19 %, du reste de l’Afrique. Près d’un quart de la population étudiante étrangère est issue de l’Europe, dont 19 % de l’Union européenne. Enfin, 24 % sont originaires d’Asie, du Moyen-Orient ou d’Océanie et 9 % du continent américain. Les étudiants marocains, dont le poids s’est réduit de plus de cinq points de 2002 à 2010, restent néanmoins le premier contingent d’étrangers (32 500 personnes) ; les étudiants chinois, dont le nombre a crû de 7,2 % entre 2008 et 2009 constituent la deuxième nationalité la plus représentée (29 700), devant les Algériens (23 700) ; la part des autres Asiatiques est également en forte progression, en particulier celle des Vietnamiens, dont le nombre a plus que doublé en huit ans.

2. Les mesures en direction des étudiants étrangers

Plusieurs dispositions ont été prises pour développer l’attractivité de notre enseignement supérieur : le regroupement au sein d’un opérateur unique, CampusFrance, de l’ensemble des moyens humains et financiers jusqu’alors dispersés entre plusieurs opérateurs afin de créer une dynamique de l’accueil, partant de la promotion de l’offre de formation jusqu’à la gestion de la mobilité (voir supra première partie) ; un dispositif de bourses, sous différentes formes, auquel s’ajoutent l’amélioration et la simplification des procédures administratives liées à l’entrée et au séjour en France.

a) CampusFrance : un dispositif d’information sur les études en France, d’aide à l’orientation et de simplification des formalités d’inscription

La communication sur l’offre française de formation supérieure passe essentiellement par le site de l’agence CampusFrance et de ses déclinaisons locales. En 2011, soixante et un sites web locaux étaient disponibles dans vingt-neuf langues et ont reçu 4 millions de visites. Réalisé en collaboration avec l’ONISEP et avec les établissements d’enseignement supérieur, le site internet comprend de nombreux moteurs de recherche ainsi que 925 fiches et documents concernant les formations. Des publications papier reprenant ces éléments sont largement distribuées lors des salons étudiants qui sont au centre de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger. En 2011, CampusFrance a participé à dix-huit salons à travers le monde qui ont accueilli plus de 300 000 visiteurs.

Les dépenses de promotion de l’agence CampusFrance se sont élevées à 1,8 million d’euros en 2010 et à 2,1 millions d’euros en 2011, selon la répartition suivante : 26 % pour l’Europe et Russie, 24 % pour l’Asie, 18 % pour l’Amérique latine, 8 % pour le Proche et Moyen-Orient, 7 % pour l’Afrique et 2 % pour l’Amérique du Nord. (12)

L’agence CampusFrance dispose de cent quatre-vingt-deux antennes, les Espaces CampusFrance, implantées dans cent dix pays, qui font partie du réseau de coopération et d’action culturelle du ministère des affaires étrangères. Plates-formes de services conçues pour être les interlocuteurs des étudiants étrangers, les aider à s’orienter et à construire un projet d’études, les espaces disposent de l’ensemble de la documentation de CampusFrance sur les formations supérieures nationales.

Certains Espaces, dotés de la « procédure CEF » (Centre pour les études en France), offrent en outre aux étudiants étrangers la possibilité grâce à un site internet, de postuler à plusieurs formations au moyen d’un dossier unique et dématérialisé et d’en suivre le traitement en temps réel (voir supra).

b) La politique des bourses, instrument essentiel de la politique d’attractivité

Conformément aux orientations fixées par les séminaires sur l’attractivité, les Bourses du Gouvernement français (BGF) sont accordées à titre principal aux étudiants de niveau master et doctorat dans certaines disciplines déclarées prioritaires – sciences, économie, gestion et droit, et dans le cadre de partenariats universitaires favorisant une mobilité encadrée.

Comme il a été indiqué précédemment, le système est piloté par le ministère des affaires étrangères et comprend deux volets : la majorité des bourses (80 %) sont attribuées par les postes diplomatiques en fonction des stratégies de coopération menées avec les différents pays ; les programmes de bourses sur crédits parisiens (20 %) répondent à une logique d’excellence (programmes Eiffel, Excellence Major : voir supra).

Ainsi, en préservant par l’intermédiaire des postes un objectif de solidarité, la politique des bourses se place aussi dans une perspective qualitative de formation des futurs cadres et élites dirigeantes, dirigée principalement vers les étudiants des pays émergents. Bien que les étudiants originaires du continent africain restent les premiers bénéficiaires (39,5 % en 2011 contre 46,3 % en 2000), on assiste à un rééquilibrage progressif au profit de l’Asie (18,2 % en 2011 contre 13,8 % en 2000) et de l’Amérique latine (11,4 % en 2011).

Environ 15 000 bourses, majoritairement d’études, mais aussi de stages, sont accordées chaque année. Si les crédits qui leur sont consacrés ont eu tendance à se réduire jusqu’en 2012, la dotation qui leur est allouée en 2013 – 70,5 millions d’euros – devrait rester stable sur le triennal 2013-2015. Le ministère des affaires étrangères développe des programmes de bourses cofinancés avec les gouvernements étrangers, les collectivités territoriales (programme ARCUS – partenariat État-Région pour la coopération scientifique et universitaire) et les entreprises françaises (dispositif Quai d’Orsay Entreprises). Il existe, par ailleurs, dans plusieurs pays des programmes de bourses qui ne sont pas au format BGF (voir supra, première partie).

Le programme ARCUS
(partenariat État-Région pour la coopération scientifique et universitaire)

Mis en place en 2005 par le ministère des affaires étrangères, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’Association des régions de France (ARF), ce programme soutient des offres de formation supérieure et de recherche de groupements scientifiques régionaux, en coopération avec certains pays partenaires stratégiques et des pays émergents (Russie, Inde, Chine, pays du pourtour méditerranéen, Afrique du Sud, pays d’Amérique latine, pays du sud-est asiatique) ou des États-membres de l’Union européenne (Pologne, Pays Baltes, etc.). Le ministère des affaires étrangères labellise ces programmes, après expertise conduite par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et les finance en partageant les coûts avec les régions.

De 2005 à 2008, quinze projets au total, chacun d’une durée de trois ans ont été financés ; le ministère des affaires étrangères consacre en moyenne 250 000 euros par an au soutien d’environ six projets en cours, les régions apportant l’équivalent. Le 7ème appel à projets ARCUS a été lancé pour la période 2012-2013.

Le dispositif Quai d’Orsay Entreprises

Dans le cadre de ce dispositif, le ministère des affaires étrangères cofinance depuis 2006 avec de grands groupes français à vocation internationale des programmes de bourses initiés et suivis par les postes diplomatiques ou par l’administration centrale. L’objectif est d’arrimer la formation et la recherche au développement des entreprises françaises, comme soutien à l’export et que les grands groupes puissent financer des programmes de bourses qui leur soient utiles, avec une logique de prérecrutement de futurs cadres étrangers.

Des conventions ont notamment été signées avec Thalès (2006), Orange, DCNS, ALTEN (2008), le Crédit Agricole, Air Liquide (2010) ; les entreprises financent une année de formation en France, complétée par un stage rémunéré au siège de la multinationale, cette expérience pouvant éventuellement déboucher sur l’embauche du boursier dans la filiale implantée dans son pays d’origine. Ce dispositif, qui a vocation à s’appliquer partout dans le monde, représente au total plus de quarante programmes, trente-huit pays concernés et plus de soixante entreprises investies.

Rappelons que le statut de BGF offre aux étudiants plusieurs avantages - gratuité du visa, exonération des frais d’inscription et de scolarité à l’université ainsi que des frais de formation complémentaire, accès à une protection médicale de bon niveau, à une assurance accident ainsi qu’à une assurance responsabilité civile. Par ailleurs, les boursiers sont prioritaires pour les logements en résidence universitaire (sauf à Paris) et bénéficient de droits annexes tels que les allocations logement.

Une « Charte de qualité pour l’accueil des boursiers du gouvernement français » a été adoptée en février 2005. Elle définit en soixante-quatorze indicateurs les exigences nécessaires à un accueil de qualité et s’applique à la totalité des acteurs de la chaîne d’accueil de l’étudiant, depuis l’orientation et la sélection dans le pays étranger jusqu’au retour dans le pays d’origine. Cette charte, qui concerne dans un premier temps les boursiers dont le ministère des affaires étrangères est responsable, a vocation à s’étendre à l’ensemble des étudiants en mobilité entrante.

Enfin, à côté des bourses du ministère des affaires étrangères attribuées sur critères académiques, des bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux (1er et 2ème cycles) sont accordées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à certaines catégories d’étudiants étrangers (13) dans les mêmes conditions que celles allouées aux étudiants français.

c) L’amélioration et la simplification des procédures administratives liées à l’entrée et au séjour en France

● La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a renforcé le statut spécifique des étudiants et des scientifiques dans les dispositifs de migration. En effet, elle assure une meilleure coordination entre l’étude des demandes de visa par les consulats et l’instruction des demandes d’inscription par les établissements d’enseignement supérieur ; elle simplifie les démarches liées à l’obtention du titre de séjour et élargit les possibilités de première expérience professionnelle pour les étudiants étrangers bénéficiant d’un master ou d’un doctorat.

● En vertu du décret n° 2009-477 du 27 avril 2009 (14), un nouveau visa valant titre de séjour, le « visa de long séjour pour études-titre de séjour (VLS-TS) », est désormais accordé aux étudiants étrangers désirant poursuivre leurs études en France.

Le visa long séjour valant titre de séjour (VLS/TS)

Depuis le 1er septembre 2009, les titulaires de visas de long séjour à l’exception des ressortissants algériens (régis par un texte particulier) et des bénéficiaires de cartes pluriannuelles ne sont plus astreints à demander une carte de séjour en préfecture. Leur visa leur donne le droit de résider pendant un an sur le territoire national.

Les VLS-TS sont délivrés pour un séjour en France supérieur à trois mois et jusqu’à un an, à différentes catégories de personnes, dont les étudiants, les stagiaires et les scientifiques-chercheurs.

La personne étrangère doit, dans les trois mois de son entrée en France, remplir un dossier (pièces, visite médicale, visite d’accueil et règlement d’une taxe) auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Une vignette et un cachet dateur sont apposés par l’OFII sur son passeport ; ils valident le visa et prouvent qu’il est en séjour régulier en France.

● La procédure Centres pour les études en France (CEF) a simplifié les démarches de demandes de visas long séjour pour études, les services consulaires ayant accès aux dossiers dématérialisés des candidats. Mise en place dans le cadre d’une convention signée le 10 janvier 2007 par le ministère des affaires étrangères avec ses partenaires (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère de la culture, les trois conférences d’établissement), elle fonctionne dans trente et un pays, notamment dans tous les pays à grands flux (Maghreb, Afrique sub-saharienne, principaux pays asiatiques et latino-américains) et couvre près de 85 % des demandes.

● Enfin, l’abrogation le 31 mai 2012 de la circulaire dite « Guéant-Bertrand » qui avait été prise un an plus tôt par les précédents ministres de l’intérieur et du travail a constitué un signal fort, confirmant que la France demeurait un pays d’accueil des étudiants étrangers.

Rappelons que ce texte, et l’interprétation qui en avait été faite, avaient suscité un fort mouvement de protestation en France et profondément altéré l’image de notre pays à l’étranger. Relatif à la maîtrise de l’immigration professionnelle, il concernait également les étudiants étrangers non communautaires qui souhaitaient prolonger leur expérience professionnelle en France ; il recommandait un contrôle approfondi sur les procédures de changement de statut (étudiants demandant un titre de séjour professionnel) en précisant que « l’exception prévue pour les étudiants qui sollicitent une autorisation provisoire de séjour dans le cadre d’une recherche d’emploi doit rester rigoureusement limitée. Le fait d’avoir séjourné régulièrement en France en tant qu’étudiant (…) ne donne droit à aucune facilité particulière dans l’examen de la procédure de délivrance d’une autorisation de travail ».

3. Les mesures en direction des établissements d’enseignement supérieur

Le paysage de l’enseignement supérieur français apparaît très complexe et morcelé (15) et son ouverture sur l’étranger, très inégale selon la nature des établissements et le domaine considéré. Les grandes écoles et les universités étant très attachées à leur indépendance, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peut impulser que des orientations très consensuelles, discutées au sein des trois Conférences représentatives, qui, elles-mêmes, ne disposent pas de pouvoirs contraignants sur leurs membres. Ses efforts pour encourager l’internationalisation des établissements se traduisent par des mesures destinées à améliorer l’environnement académique, les établissements pouvant en outre s’appuyer sur l’action des opérateurs.

a) Une ouverture internationale inégale

● Les grandes écoles accueillaient 36 367 étudiants étrangers en 2009-2010, soit 17 % de leurs effectifs (contre 27 688 étudiants en 2007-2008).

À la différence des écoles de commerce qui, très tôt confrontées à une forte concurrence internationale, ont été les premières à ouvrir leurs formations vers l’étranger (16), les écoles d’ingénieurs ont conservé plus longtemps un prisme national. Elles doivent aujourd’hui s’adapter à l’internationalisation des formations scientifiques à la fois pour répondre aux demandes des entreprises, auxquelles elles sont très liées, et en raison de l’intérêt que suscite la formation d’« ingénieur à la française », différente des formations d’« engineering » proposées dans les autres pays.

Le développement à l’international des grandes écoles se traduit par la mise en place :

– de programmes spécifiques (cursus tripartites, premiers cycles intégrés spécialement conçus pour les étudiants étrangers, formations en langue étrangère) ;

– d’accords avec les universités étrangères portant principalement sur des échanges d’étudiants, de professeurs ou des coopérations dans le domaine de la recherche ;

– de formations en partenariat, comme les programmes FITEC (France Ingénieurs Technologie) qui débouchent sur des diplômes conjoints ou des doubles diplômes (17) ;

– ou encore d’implantations à l’étranger : soit de formations, comme le programme de formation d’ingénieur d’excellence au Vietnam (PFIEV), sanctionnée par un diplôme d’ingénieur reconnu par l’État français ; soit d’établissements, comme l’École Centrale à Pékin (ECPk) créée en 2005 en partenariat entre quatre écoles de ParisTech (Polytechnique, Mines, Telecom ParisTech et ENSTA ParisTech) et l’université de Beihang pour mettre en place une formation de type « ingénieurs à la française » destinée à des élèves essentiellement chinois ; soit de bureaux qui assurent la promotion, et le recrutement d’étudiants, ou aident à la recherche de stages.

Très souvent, les grandes écoles ont adhéré à un ou plusieurs réseaux internationaux (thématiques : aéronautique, agroalimentaire… ; géographiques ; appuyés sur des labels de qualité, etc.) et participent dans la mesure du possible aux différents programmes d’échanges européens et internationaux. Enfin, les grandes écoles de management cherchent à obtenir le plus grand nombre d’accréditations d’organismes étrangers (AACSBS, AMB…) (18).

● Les universités sont encore peu visibles à l’international en raison de leur histoire et faute d’une stratégie cohérente mise en place par leurs composantes. Comme le souligne Mme Christine Gavini-Chevet, directrice des relations européennes et internationales et de la coopération au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : « Dans les universités classiques, de taille moyenne, les enseignants ou les laboratoires ont une stratégie quasiment individuelle à l’international et signent des accords de partenariat au gré de relations personnelles ou de recherche. Il existe ainsi à ce jour environ 27 000 accords entre les universités et les pays étrangers, dont on ne sait combien sont réellement actifs et génèrent des flux significatifs d’étudiants. »

Si elles accueillent l’essentiel des flux d’étudiants étrangers - 212 600 étudiants étrangers sur les 288 500 inscrits en 2012 dans les établissements français –, il s’agit principalement d’une mobilité individuelle, non choisie par les établissements et moins valorisante car plus susceptible d’échec (voir infra).

L’effort à l’international des établissements d’enseignement supérieur n’est pas chiffré précisément. M. Khaled Bouabdallah, président de la commission des relations internationales et européennes de la Conférence des présidents d’université, estime que les établissements universitaires consacrent environ 5 % de leur budget à des actions directes de promotion assurées par leurs services de relations internationales, l’essentiel des dépenses étant affectées à la formation des étudiants étrangers accueillis. S’agissant du recrutement d’enseignants-chercheurs de haut niveau, les établissements ont rarement les moyens d’être attractifs, en raison non seulement du niveau des primes et des rémunérations, mais aussi du coût de l’ensemble des prestations d’accueil (famille, logement, école…). Ainsi, le PRES « Université de Lyon » met en place des « paquets » d’accueil international, dont les budgets se montent à 450 000 euros par enseignant-chercheur (avec l’équipe d’assistants etc. mais hors accueil de la famille) ; l’université de Strasbourg (19) consacre les mêmes budgets à son opération « Tapis Rouge ».

b) L’amélioration de l’environnement académique

● La lisibilité des formations et des diplômes a été améliorée grâce à l’adoption, dès 1999, du système européen de transfert et d’accumulation de crédits (ECTS) (20), puis par l’application progressive à partir de la rentrée 2003 de la réforme LMD (« licence-master-doctorat ») qui a adapté le système d’enseignement supérieur français aux standards européens, favorisé les coopérations entre établissements et facilité la mobilité étudiante.

● Pour accroître leur visibilité internationale, les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche sont encouragés depuis 2006 à se regrouper en Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) (21) afin d’articuler leurs différents dispositifs et de mutualiser leurs activités et leurs moyens. Bien que vingt-six PRES soient constitués en septembre 2012 regroupant près de soixante universités et de nombreux établissements (écoles d’ingénieurs, instituts d’études politiques, écoles de commerce, instituts nationaux polytechniques…), ces mises en cohérence semblent pour l’instant difficiles.

● La priorité donnée à la mobilité encadrée et aux cofinancements vise à favoriser une mobilité entrante de qualité.

Sur l’ensemble des étudiants étrangers en mobilité entrante, 80 % viennent dans le cadre d’une mobilité individuelle. Or l’encadrement de la mobilité par le biais de formations en partenariats contribue fortement au succès des séjours étudiants en responsabilisant les établissements d’envoi et d’accueil ; de même, la finalité diplômante et professionnalisante des formations « sécurise » la mobilité, l’étudiant pouvant présupposer le bénéfice qu’il retirera de son séjour. Aussi, les ministères des affaires étrangères et de l’enseignement supérieur et de la recherche apportent-ils un soutien financier aux formations doctorales conjointes (cotutelles de thèses) et aux diplômes en partenariat international (22). En Europe, ils encouragent le développement de cursus intégrés porteurs d’une mobilité encadrée de meilleure qualité et plus stable, l’exemple le plus emblématique étant celui de l’université franco-allemande qui constitue un réseau de cent quatre-vingts établissements et labellise cent quarante-cinq cursus intégrés. En marge du G8/G20 qui s’est tenu en mai 2011, le ministre des affaires étrangères et le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ont fixé comme objectif pour les cinq prochaines années de porter les mobilités encadrées de 20 % à 50 % et les niveaux master et doctorat, de 50 % à 75 %.

Les programmes en cofinancements (par exemple le programme Quai d’Orsay-entreprises) permettent d’effectuer une sélection et un suivi rigoureux des étudiants ; les pays émergents sont particulièrement ciblés : programme « Sciences sans Frontières » avec le Brésil (10 000 étudiants sur trois ans), Bécas avec le Pérou (150 étudiants par an), ou encore avec le Vietnam (Université des Sciences et des Technologies de Hanoï – 300 doctorants sur dix ans).

● Le développement des partenariats de haut niveau et l’exportation de modèles de formations ont pour but de valoriser l’enseignement supérieur et les établissements.

En lien avec les programmes de coopération du ministère des affaires étrangères, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et la Conférence des présidents d’universités encourage la création de réseaux doctoraux, notamment en Chine. Il apporte son appui aux programmes d’échanges de haut niveau menés par des réseaux d’établissements pour attirer les chercheurs étrangers (programmes de coopération en matière de recherche et de formation COFECUB au Brésil, programmes de coopération scientifique et universitaire avec l’Amérique hispanophone ECOS, formations universitaires en Algérie, création d’un consortium universitaire franco-indien…).

Il accompagne également l’exportation de formations, notamment d’ingénieur, « à la française », sous différentes formes : cofinancement de formations croisées et de projets de recherche en Amérique latine (programme régional France-Amérique latine-Caraïbe – PREFALC – et programmes FITEC) ; création « d’antennes » d’établissements en Asie, coopérations entre consortium d’établissements français et étrangers (programme P.F.I.E.V au Vietnam)…

Les pouvoirs publics apportent, par ailleurs, un soutien aux filières universitaires francophones (environ trois cents au sein d’universités étrangères en Égypte, en Roumanie, en Russie, au Vietnam…), dans les domaines du droit, de l’économie, de la gestion et des sciences humaines et sociales.

c) Le soutien des opérateurs

Nombre d’écoles et d’universités en France ont une expérience de l’international et n’ont pas forcément besoin de l’appui des opérateurs pour faire connaître leurs formations ou développer des partenariats. Mais la très grande majorité des établissements n’ont pas de visibilité internationale, faute d’antenne à l’étranger ou de moyens pour effectuer des missions de recrutement.

● Opérateur de la Francophonie, l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), qui dispose de soixante-dix implantations à travers le monde et de dix bureaux régionaux, accomplit un important travail de développement des réseaux et joue un rôle de facilitateur auprès des établissements français désireux d’implanter une formation à l’étranger (23).

L’agence valorise par ailleurs l’offre française de formation à travers de nombreux campus numériques : sur les quatre-vingt-dix masters proposés à distance, la moitié sont dispensés par des universités françaises. Elle a également développé des filières co-diplômantes, majoritairement avec des universités françaises.

● CampusFrance assure la promotion des établissements à travers différents types de manifestations :

– Les Journées pays permettent aux représentants des universités et des grandes écoles françaises d’appréhender le système universitaire d’un pays donné et de connaître l’état des lieux de la coopération universitaire bilatérale. Elles sont aussi l’occasion d’organiser des rencontres institutionnelles entre les représentants des relations internationales des établissements français et leurs homologues du pays concerné. En 2011, quatre Journées pays ont été organisées à Paris (consacrées à l’Arabie Saoudite, aux États-Unis, à l’Inde et au Japon).

– Les missions de recrutement permettent aux établissements de sélectionner directement les étudiants au travers d’entretiens. Ainsi, à l’occasion d’une mission organisée en mars 2011 au Mexique douze grandes écoles ont pu réaliser plus de deux cent soixante entretiens avec des étudiants mexicains présélectionnés ; de même, une mission thématique consacrée aux études doctorales et organisée en 2011 en Chine et à Hong-Kong a donné lieu à trois cents entretiens entre étudiants chinois et une dizaine d’établissements français.

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La compétition internationale que se livrent les grandes nations industrielles et maintenant émergentes pour attirer les meilleurs étudiants et jeunes chercheurs étrangers est une réalité que les pouvoirs publics doivent affronter avec détermination, d’autant que les classements internationaux sont devenus des indicateurs incontournables et jouent, malgré leurs limites, un rôle prépondérant dans le choix opéré par les étudiants étrangers.

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B. QUELQUES PISTES D’AMÉLIORATION

Comme le souligne M. Philippe Gillet, vice-président de l’École polytechnique de Lausanne, « l’attractivité, c’est afficher un message de qualité. Faire rayonner, c’est donner envie ».

1. Combler un déficit d’image

D’après une enquête internationale réalisée via internet au cours du premier semestre 2011 par TNS Sofres à la demande de CampusFrance auprès de 21 000 étudiants étrangers (24), plus de 80 % de ceux qui étudient ou qui ont étudié en France se déclarent satisfaits de la valeur des diplômes, de la qualité de l’enseignement, et des méthodes d’enseignement. Pourtant, le classement de Shanghai qui établit la hiérarchie mondiale des cinq cents établissements d’enseignement supérieur place en 2012 la France au huitième rang, avec seulement trois établissements parmi les cent premiers et en tout vingt universités dans le « top 500 ».

Le manque de reconnaissance officielle de la qualité de notre enseignement supérieur tient à plusieurs facteurs.

Selon Mme Mathilde Mallet, coordinatrice à CampusFrance, il vient en partie de la réticence de nos établissements à adopter une démarche commerciale dans un environnement très concurrentiel. Alors que pour certains pays, l’éducation supérieure est un produit d’exportation et le recrutement international, une source de revenus, il n’existe pas en France de données chiffrées sur le bénéfice tiré de l’accueil, mis à part quelques enquêtes élaborées par quelques collectivités territoriales intéressées par l’apport économique des étudiants étrangers à la vie locale. La dépense d’investissement consacrée à l’accueil des étudiants étrangers, quant à elle, est estimée à environ 2,5 à 3 milliards d’euros (BGF, subventions aux établissements type CampusFrance), hors formation.

Le cas de l’Australie

L’éducation constitue la troisième ou quatrième exportation la plus importante du pays (en fonction des variations du prix de l’or) et génère des revenus équivalents à 18,5 milliards de dollars australiens sous forme de frais de scolarités et de dépenses des étudiants et de leurs familles pour la période 2009-2010 (soit 15 milliards d’euros). Cette année, l’enseignement a totalisé 35,1 % du total des exportations de service. La principale croissance a concerné les disciplines avec des qualifications transférables ou vendables. En 2009, 52,1 % des étudiants internationaux suivaient des études à vocation commerciale. Les technologies d’information et l’ingénierie attiraient ensuite le plus d’étudiants étrangers. Seuls 3,7 % des étudiants étaient en doctorat.

Source : CampusFrance – Repères n° 12 (extrait)

Par ailleurs, nos universités ont été pendant très longtemps à titre principal des établissements d’enseignement, les travaux de recherche étant effectués dans des grands centres (CNRS, CIRAD…). Or, les classements internationaux, et en particulier celui réalisé par l’université Jiaotong de Shanghai, privilégient la recherche en sciences exactes au détriment de l’enseignement, et prennent en compte parmi leurs critères le nombre de prix Nobel attribués aux anciens élèves ou aux chercheurs, le nombre de médailles Fields (25), ainsi que les articles publiés dans des revues exclusivement anglo-saxonnes. C’est pourquoi la France aurait tout intérêt à faire aboutir l’initiative européenne de mise en place d’un classement européen, baptisé « U-Multirank », fondé sur des critères d’évaluation plus fiables, comme la qualité de l’enseignement et des formations proposées.

Enfin, le système des réseaux d’« Alumni » n’est pas très développé en France, contrairement aux pays anglo-saxons où se sont constitués depuis longtemps des clubs d’anciens pleinement mobilisés pour faire la publicité des établissements, lever des fonds, faire le lien avec l’environnement professionnel. Des réseaux d’alumni issus de l’enseignement supérieur français commencent à se développer dans certains pays, mais la marge de progression est encore forte, d’autant que c’est avec le temps que les réseaux gagnent en efficacité.

C’est néanmoins l’un des chantiers qu’a lancés CampusFrance. Un site internet va être développé en 2013 ; il sera alimenté par les ambassades qui y intégreront non seulement les boursiers, mais aussi tous les étudiants étrangers qui seront passés par leurs services.

2. Améliorer l’accueil

Les conditions d’accueil sont un facteur-clé de l’attractivité. Bien que de nombreux efforts aient été accomplis pour améliorer la chaîne de l’accueil, de l’inscription dans les établissements jusqu’à l’installation sur le territoire français (cf. supra), celle-ci demeure l’un des points faibles du dispositif français. L’enquête réalisée par TNS-SOFRES pour le compte de CampusFrance révèle que les formalités administratives sont jugées négativement par les étudiants, qu’ils soient en cours d’études ou qu’ils aient achevé leurs études en France (53 % d’insatisfaits).

Comme le souligne Mme Anne-Marie Descôtes, directrice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, « les étudiants doivent être persévérants car avec la qualité des campus, l’un des éléments de la concurrence avec les pays anglo-saxons est le délai de réaction des établissements, les calendriers. Les établissements anglo-saxons donnent leur réponse beaucoup plus tôt et sont en relation directe avec les étudiants. Ces derniers préfèrent donc assurer leur inscription, plutôt que d’attendre une réponse des établissements français, éventuellement négative. » Mme Descôtes indique cependant que la procédure d’admission post-bac a été très bénéfique pour les élèves de l’AEFE. À la suite des négociations entreprises par l’agence avec la Conférence des présidents d’université et le ministère de l’enseignement supérieur, il n’existe plus depuis deux ans d’académie de rattachement pour les bacheliers issus du réseau, qu’ils soient français ou étrangers, de sorte que ces bacheliers peuvent être admis dans des formations universitaires (hors filières sélectives) partout en France (26). Ils peuvent donc anticiper leur départ.

Mais les délais d’admission sont plus longs pour les autres étudiants en mobilité vers la France, d’autant qu’ils sont à 80 % hors convention, donc moins « accompagnés » et dès lors plus fragiles, malgré les services que leur offrent les Espaces CampusFrance.

Il faut ensuite, selon M. Éric Lamouroux, sous-directeur de l’enseignement supérieur au ministère des affaires étrangères, « faire en sorte que nos politiques de délivrance des visas étudiant soient fluides, compréhensibles et ne posent pas de problème, et qu’au moment des campagnes de recrutement, en juin et juillet, les demandes soient gérées. Cette étape est de la responsabilité du ministère des affaires étrangères, en relation avec le ministère de l’intérieur ». Des mesures de simplifications ont été mises en place (procédure CEF, visa de long séjour pour études-titre de séjour – VLS-TS), mais quelques « tracasseries administratives » ont été évoquées lors des auditions, y compris dans le cadre de mobilités « encadrées » : nécessité de remonter l’intégralité du dossier de demande de visa lorsqu’il manque une pièce, statut particulier, par exemple « d’auditeur » non prévu dans les formulaires et entraînant un refus de visa, mauvais ajustement de calendrier entre les contraintes académiques et celles de renouvellements des titres de séjour, files d’attentes dans les préfectures…

S’agissant du renouvellement des titres de séjour, les dispositifs d’accueil varient en fonction des préfectures. Compte tenu des flux importants sur Paris, la préfecture de police a créé un centre spécifique de réception des étudiants étrangers résidant dans la capitale, situé dans un bâtiment dédié. Le service gère environ 64 000 visites (un même étudiant peut passer plusieurs fois) et délivre de 18 000 à 20 000 titres. La réforme du VLS-TS dispensant les étudiants de première année de demander un titre de séjour, le service ne traite depuis 2009 que les renouvellements de titre.

Les étudiants prennent rendez-vous pour déposer leur dossier de demande de renouvellement de titre via le site internet ou le standard de la préfecture de police, ce qui réduit les files d’attente. Ils sont reçus dans une période variant de dix à quatre-vingt jours après la prise de rendez-vous. En saison « haute », le centre, qui compte soixante personnes et trente-cinq guichets, reçoit en continu entre trois cent cinquante et quatre cents étudiants par jour, et jusqu’à cinq cents en période « de pointe ». Il s’agit d’étudiants en mobilité individuelle ; en effet, les étudiants suivis par leur établissement, avec lequel la préfecture de police a signé une convention (27), sont déchargés des formalités de constitution des dossiers, lesquels sont préparés par les agents administratifs des établissements formés par la préfecture ; les dossiers sont regroupés et envoyés pour traitement à la préfecture de police. Les étudiants ne se déplacent donc qu’une seule fois, pour la délivrance de leur titre de séjour.

Le rapporteur pour avis suggère que ces « bonnes pratiques » entre les préfectures et les établissements dont certains, comme les universités, accueillent d’importants flux d’étudiants étrangers, soient généralisées.

En revanche, il ne semble pas envisageable que l’admission dans un établissement permette automatiquement la délivrance du titre de séjour à l’étudiant étranger, comme l’ont proposé plusieurs intervenants.

Cela soulèverait, en effet, quelques difficultés dans la mesure où, par exemple à Paris, la délivrance du titre repose sur l’examen du dossier scolaire et des ressources (28). La préfecture de police dispose de fonctionnaires spécialisés, connaissant l’ensemble des cursus, la qualité des différents établissements et leurs exigences, et donc capables d’apprécier le sérieux avec lequel chaque étudiant conduit son cursus. Les refus de renouvellement, qui représentent environ 3 % des demandes, concernent des étudiants accumulant les inscriptions en première année, dont les études stagnent, ou qui manquent d’assiduité, ou qui ont des notes très faibles aux examens et s’apparentent plus à des touristes ou à des salariés non déclarés qu’à des étudiants.

Il est nécessaire, par ailleurs, d’étendre le principe de guichets uniques d’accueil pour les étudiants étrangers, à l’instar de celui que met en place la Cité internationale universitaire. Cette dernière organise en effet pendant trois mois au moment de la rentrée un accueil intégré réunissant différents services (centre régional des œuvres universitaires et scolaire, CampusFrance, Caisses d’allocations familiales, Préfecture de police de Paris, RATP…) afin que les étudiants étrangers puissent régler en une seule fois l’ensemble de leurs formalités administratives.

CampusFrance, en tant qu’opérateur responsable de l’attractivité de la France pour les étudiants et les chercheurs, envisage de susciter la création de structures similaires en région, où les étudiants étrangers trouveraient tous les services nécessaires à leur installation : service de l’immigration, du logement, de la sécurité sociale, ou encore des services bancaires. Des premières discussions ont eu lieu à Lyon et à Toulouse avec les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) et l’idée de construire de tels dispositifs autour des antennes de CampusFrance a été très bien accueillie.

La question du logement reste un handicap pour l’attractivité de notre enseignement supérieur. Sans prendre pour référence les dépendances luxueuses installées par certaines universités anglo-saxonnes, il n’en demeure pas moins que les progrès à accomplir en matière d’hébergement des étudiants, qu’ils soient français ou étrangers, semblent considérables, malgré les différentes initiatives (réalisations des grandes écoles, investissements massifs des régions, Plan Campus…). Lors de la conférence de presse sur la rentrée étudiante 2012-2013, qui s’est tenue le 18 septembre dernier, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a fixé comme objectifs la construction de 40 000 logements étudiants neufs sur le quinquennat, et la préparation d’un dispositif national de cautionnement solidaire, en lien avec le ministère du logement.

3. Cultiver la différence par la langue et la culture

L’enquête précitée réalisée par TNS-Sofres révèle que les motivations des étudiants qui ont choisi d’étudier en France sont liées à l’image très positive qu’ils ont de notre pays, doté à leurs yeux d’un grand rayonnement culturel et artistique (90 %), intellectuel et scientifique, et d’une histoire prestigieuse (87 %).

Il faut en tirer parti : pour être attractif, notre enseignement supérieur doit être fondé non seulement sur une exigence de qualité, mais sur des éléments de différenciation comme la culture et la langue, ce qui appelle plusieurs observations :

● Le niveau de langue exigé ne doit pas être un frein à l’attractivité. Il s’agit en effet d’« attirer des francophiles plus que des francophones », et c’est pourquoi certains suggèrent d’assouplir les exigences linguistiques des tests organisés par les CEF (29); et de développer les filières en anglais, quitte à organiser parallèlement un apprentissage intensif du français et une immersion culturelle pendant le séjour, la maîtrise de la langue étant contrôlée au moment de la diplômation (30).

Cependant, il est essentiel d’exiger des étudiants étrangers un niveau minimum de français parce que, comme le souligne Mme Christine Gavini-Chevet, directrice des relations européennes et internationales et de la coopération du ministère de l’enseignement supérieur, « la majorité des échecs subis par des étudiants parlant une langue radicalement différente de la nôtre, comme par exemple les étudiants chinois, proviennent d’une maîtrise insuffisante du français ; et ce ne sont pas seulement des échecs scolaires, mais des échecs sociaux, des échecs de vie. »

● Il faut faire du français un atout et donc faire preuve de souplesse et de pragmatisme : à l’étranger, adapter la question de la langue à la demande dans le cadre de partenariats avec des pays plus ou moins francophones (31) ; sur le territoire national, proposer des formations partiellement ou totalement en anglais assorties de cours en français dispensés en parallèle et de stages en milieu francophone, qui permettent aux étudiants étrangers de maîtriser deux langues étrangères à la fin de leurs études (32).

● Le plurilinguisme semble être la meilleure stratégie : il ne faut pas abandonner l’usage du français qui demeure une référence pour les universités et les étudiants de l’espace francophone. Par ailleurs, dispenser des formations uniquement en anglais pour attirer les étudiants étrangers sans imposer parallèlement des cours de français revient, selon M. Bernard Cerquiglini, recteur de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), « à se tirer une balle dans le pied », en incitant les étudiants français à poursuivre leurs études aux États-Unis. Enfin, le plurilinguisme permet d’élargir les savoirs ; à cet égard, M. Cerquiglini relève que « dans le domaine de la science, qui a besoin de nouveauté et d’ouverture, quelques universités américaines ont accaparé les grandes revues et les grands laboratoires ; mais elles commencent à tourner en rond et s’inquiètent de ce qu’il y a peut-être de l’innovation dans d’autres langues. »

4. Jouer la carte de la synergie régionale

Malgré les rapprochements et les fusions intervenus dans le paysage de l’enseignement supérieur, notamment à la faveur de la création des Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, la visibilité internationale des établissements universitaires ne s’est pas vraiment améliorée, faute d’une stratégie cohérente entre leurs différentes composantes, l’effet « taille » ne pouvant remplacer un projet fédérateur. Acteurs essentiels en matière d’innovation et de développement économique, résolument tournés vers l’international et dont l’investissement dans le domaine de l’enseignement supérieur va croissant, les régions devraient, selon certains intervenants, avoir les capacités de jouer un rôle à la fois d’impulsion et de mise en cohérence des différentes initiatives.

D’après les chiffres communiqués par l’Association des régions de France (ARF), environ 80 % du budget des régions concernent les compétences dévolues par la décentralisation (dont l’enseignement supérieur est exclu) ; sur les 20 % restant, 50 % sont consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’effort financier des régions en faveur de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation – 853 millions d’euros en 2010 – est, à lui seul, supérieur à celui consenti par l’Agence nationale pour la recherche (ANR) (33). Néanmoins, comme l’a rappelé M. Alain Rousset, président de l’ARF et du conseil régional d’Aquitaine, « les régions sont prêtes à s’engager plus loin et à devenir des partenaires à part entière des universités » (34).

Depuis 2007, la mise en place par les régions de schémas régionaux de l’enseignement supérieur et de la recherche (SRESR), qui s’inscrivent dans une stratégie européenne (35), permet d’approfondir le soutien et la structuration de l’enseignement supérieur et de la recherche en fixant pour quatre ou cinq ans les principaux enjeux et perspectives de l’action régionale dans ces domaines.

Au-delà du cadre européen, on pourrait envisager, selon Mme Gavini-Chevet, directrice des relations européennes et internationales et de la coopération du ministère de l’enseignement supérieur, que des régions ayant des stratégies internationales les déclinent dans le domaine de l’enseignement supérieur, en accord et en interaction avec leurs établissements ou leurs PRES, dont le potentiel serait ainsi valorisé ; mais cela exigerait une articulation entre les projets des établissements et ceux des régions certainement délicate à construire.

5. Valoriser le « vivier » de l’AEFE

Les lycées français à l’étranger devraient constituer un vivier de qualité pour les universités et grandes écoles françaises. Or, on constate chaque année une sous-utilisation de cette réserve. Ainsi, à la rentrée 2012, sur les 12 200 bacheliers issus du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – dont environ 7 000 étrangers – seuls 6 500 (36) sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur français.

Pour réduire cette « perte en ligne » et contrebalancer l’influence des représentants des universités canadiennes ou américaines qui viennent démarcher au sein de ses établissements d’enseignement secondaire, l’agence a créé en 2007-2008 un service « orientation enseignement supérieur » chargé d’informer en amont les lycéens sur l’offre de formation en France, de les conseiller et de les orienter.

Ce service se compose de quatre « conseillers psychologues spécialistes de l’orientation » (COPSI) qui se déplacent dans les établissements pour rencontrer les enseignants, les familles et les élèves ou communiquent avec eux par visioconférence à partir de l’Agence. Les COPSI ont constitué dans les lycées un réseau de cent vingt-sept « personnels ressources information et orientation » (PRIO), enseignants référents formés qui sont les relais du service d’orientation auprès des établissements et les familles ; l’objectif, à terme, est de disposer d’un PRIO dans chacun des deux cent cinquante lycées.

Par ailleurs, l’Agence organise chaque année avec les chefs d’établissement des lycées français des forums des métiers ou des forums d’orientation auxquels participent des intervenants extérieurs venus de France
– proviseurs de lycées à classes préparatoires, patrons de grandes écoles ou d’université. Elle travaille également avec les grands partenaires de l’orientation
– dont l’ONISEP – ainsi qu’avec la Conférence des présidents d’universités ou encore avec l’Association des proviseurs des lycées à classes prépa (APLCGE) dont les représentants interviennent dans les établissements du réseau.

Elle soutient le projet PITES (Partenariats internationaux triangulaires d’enseignement supérieur) qui vise à constituer dans le pays du lycée volontaire des cursus de diplômation français ou bi-diplômant de niveau licence (la première année dans le pays étranger, et éventuellement les deux autres années en France) fondés sur des partenariats tripartites (PRES – lycée français à l’étranger – université étrangère). Son objectif est d’attirer dans des universités françaises au niveau du master les bacheliers étrangers issus du réseau de l’AEFE qui ont effectué un premier cycle dans des universités à l’étranger. Un certain nombre de partenariats ont déjà été engagés à travers le monde.

Le programme de bourses Excellence Major traduit également les efforts de l’agence pour promouvoir l’enseignement supérieur français auprès des meilleurs élèves étrangers de son réseau. Ce programme est très attractif non pas tant par l’aide financière qu’il apporte que par le statut de « Boursier du gouvernement français » qu’il confère, qui est un titre réputé auprès des universités françaises et des entreprises.

L’action de l’Agence, qui s’exerce en amont auprès des lycéens des établissements français à l’étranger et concerne l’orientation post-bac, est complémentaire de celle de CampusFrance, qui vise l’ensemble des établissements d’un pays en ciblant prioritairement les étudiants étrangers des niveaux master et doctorat. Afin de bien articuler les deux démarches, les deux opérateurs ont décidé le 19 juillet dernier de prolonger la convention signée à l’automne 2011 et visant à développer la coopération entre les 182 Espaces CampusFrance à l’étranger et les 485 établissements d’enseignement français à l’étranger.

L’ouverture de classes préparatoires dans les établissements de l’AEFE, évoquée par le rapporteur pour avis avec Mme Anne-Marie Descôtes, directrice de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, n’apparaît pas comme une solution pour attirer vers l’enseignement supérieur français un plus grand nombre d’élèves étrangers du réseau. En effet, ceux qui s’orientent vers les classes préparatoires préfèrent celles qui ont fait leurs preuves en France ; l’investissement nécessaire pour asseoir dans le temps la notoriété d’une classe préparatoire et attirer des effectifs suffisants, serait trop élevé, d’autant que les classes préparatoires ne sont plus les seules formations d’excellence puisqu’il existe des classes préparatoires intégrées au sein des universités.

L’AEFE a trois classes préparatoires qui ont beaucoup de succès ; deux au Maroc et une en Autriche qui fait partie des quinze meilleures en sciences économiques ; elle a été réouverte en 2008 au sein du lycée français de Vienne, précisément parce que les conditions de réussite d’une telle formation semblaient réunies (environnement adapté, internat de qualité, possibilité de drainer des élèves du réseau…).

6. Faut-il augmenter les droits d’inscription pour les étudiants étrangers?

Le choix fait par la France, et qui n’a jamais été remis en cause, est d’accueillir les étudiants étrangers à égalité avec les étudiants français, dans le cadre d’un enseignement supérieur qui est un service public massivement financé par l’impôt et quasiment gratuit pour l’usager. Ce principe soulève plusieurs questions.

● La gratuité est-elle un facteur d’attractivité ou bien nuit-elle à la réputation de nos établissements ?

Soulignant qu’un faible coût est souvent associé à l’étranger à une piètre qualité, de nombreux intervenants ont suggéré lors des auditions de faire payer aux étudiants étrangers (37) non communautaires le coût réel des études quitte à accorder des bourses qui couvrent la quasi-totalité. De fait, une augmentation des droits d’inscription ne serait pas, a priori, dissuasive, le coût des études n’ayant, selon l’enquête menée par CampusFrance-TNS Sofres qu’un impact limité sur l’attractivité : il n’est en effet cité comme un des motifs de venue en France que par 22 % des étudiants interrogés. Comme le confirme Mme Gavini-Chevet, directrice des relations européennes et internationales et de la coopération du ministère de l’enseignement supérieur : « le coût n’est pas rédhibitoire ; c’est la réputation qui est le facteur déterminant ». La différence réside également dans les conditions d’accès au crédit, instrument qui permet de s’endetter pour faire de bonnes études.

● La gratuité peut être considérée comme un investissement, les étudiants de qualité formés dans nos établissements d’enseignement supérieur étant nos meilleurs ambassadeurs. Par ailleurs, une fois sur le territoire, ces étudiants participent à l’effort économique au moins à hauteur du minimum des ressources mensuelles exigées d’eux durant le temps de leurs études. Néanmoins, cette politique ayant un coût, est-il opportun, compte tenu de la contrainte budgétaire, de maintenir à un niveau si bas les droits d’inscription acquittés par les étudiants étrangers ?

● De plus, dans la perspective d’une progression du nombre d’étudiants étrangers en France, cette politique est-elle tenable ? Rappelons en effet que certains, comme la Conférence des grandes écoles (CGE), militent pour un triplement sur dix ans des effectifs d’étudiants étrangers jusqu’au seuil de 750 000, en ciblant prioritairement les zones Asie et Amérique latine, où explosent les besoins en formation. Si cet objectif ne semble pas irréalisable, d’importants moyens devront être mis en œuvre, le coût de la formation étant estimé à 10 000 euros par an et par étudiant. De fait, la CGE propose de faire payer un surcoût de 25 % par rapport au prix de revient de la formation à 80 % des étudiants étrangers, afin de financer des bourses, progressives ou totales, pour les 20 % des étudiants les moins solvables.

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Le rapporteur pour avis souhaite conclure cette étude par deux interrogations qui pourraient faire l’objet d’un examen plus approfondi :

– Ne convient-il pas de repenser le principe de quasi-gratuité des études pour les étudiants étrangers ?

– La promotion de notre enseignement supérieur fait intervenir un grand nombre d’opérateurs ; ne serait-il pas judicieux, à terme, d’en confier la responsabilité – avec les crédits alloués aux opérateurs – aux établissements d’enseignement supérieur, lorsque ces derniers auront renforcé leur autonomie ?

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DU MINISTRE

La Commission procède, le 24 octobre 2012, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur les crédits pour 2013 de la mission « Action extérieure de l’État » (38).

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa séance du mardi 6 novembre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Action extérieure de l’État » sur le rapport de Mme Claudine Schmid sur les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence.

Mme Claudine Schmid, rapporteur pour avis des crédits de la diplomatie culturelle et d’influence. Je ne reviendrai pas sur les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » qui sont proposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, si ce n’est pour indiquer que je ne les voterai pas, notamment parce que, sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, l’enseignement français à l’étranger, je n’ai pas reçu du ministre d’assurance sur l’affectation des fonds qui étaient consacrés à la mesure de gratuité, aujourd’hui supprimée. Je ne trouve en effet aucune trace comptable des quinze millions d’euros que le ministre s’est engagé à maintenir sur la ligne budgétaire ad hoc d’ici 2015.

Mon avis budgétaire porte sur la promotion à l’étranger de notre enseignement supérieur, au moment où une vaste réflexion sur le mode de gouvernance et le financement de nos universités est engagée dans le cadre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La formation de jeunes étrangers, qui deviendront nos ambassadeurs et nos partenaires, fait partie de notre politique d’influence et constitue pour nous un défi, du fait de l’explosion mondiale de la demande de formation et l’intense compétition que se livrent les pays pour attirer les meilleurs étudiants. Entre 2000 et 2015, l’ensemble de la population étudiante devrait doubler, pour passer de 100 à 200 millions, dont les deux tiers issus des pays émergents et la moitié de la Chine et de l’Inde ; le nombre d’étudiants en mobilité, actuellement de 3,3 millions, devrait se situer entre 5 et 7 millions en 2025.

Dès la fin des années 1990, nos gouvernements ont pris des mesures pour favoriser la « mobilité entrante », c’est-à-dire la venue sur notre territoire d’étudiants étrangers, notamment ressortissants de pays émergents à fort potentiel de développement – Brésil, Chine, Inde, Mexique. La politique des visas et les conditions d’entrée et de séjour ont été assouplies, et un organisme chargé de coordonner l’offre de formation a été créé. À l’issue des séminaires gouvernementaux sur l’attractivité qui se sont tenus ensuite en 2005 et 2006, il a été décidé de renforcer l’aspect qualitatif de cette politique. La priorité a été donnée, d’une part, aux niveaux master et doctorat et aux disciplines scientifiques, économiques et juridiques, et, d’autre part aux pays émergents d’Asie et d’Amérique latine ainsi qu’à la mobilité encadrée qui permet un meilleur suivi des étudiants.

Les mesures prises concernent à la fois les étudiants étrangers et les établissements d’enseignement supérieur français. Elles recouvrent plusieurs dispositifs qui sont détaillés dans mon rapport.

S’agissant des étudiants étrangers, l’agence CampusFrance concentre depuis le mois de septembre dernier l’ensemble des moyens humains et financiers jusqu’alors dispersés entre plusieurs opérateurs, pour créer une dynamique de l’accueil, depuis la promotion de l’offre de formation jusqu’à la gestion de la mobilité. L’agence dispose d’antennes dans 110 pays, les Espaces CampusFrance, plates-formes de services destinées à aider les étudiants étrangers à construire un projet d’études en France. Certaines, via la procédure CEF – centres pour les études en France –, leur offrent en outre la possibilité de postuler en ligne à plusieurs formations au moyen d’un dossier unique et d’en suivre le traitement en temps réel.

Par ailleurs, un ensemble de bourses sont allouées sur critères académiques par le ministère des affaires étrangères, de plus en plus souvent en partenariat avec les gouvernements étrangers, les collectivités territoriales et les entreprises françaises : près de 15 000 bourses, majoritairement d’études, mais aussi de stages, sont ainsi attribuées chaque année. En outre des bourses sur critères sociaux sont accordées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

À ces dispositifs s’ajoutent l’amélioration et la simplification des procédures administratives liées à l’entrée et au séjour en France : ainsi, le nouveau visa valant titre de séjour dispense les étudiants étrangers de demander une carte de séjour en préfecture la première année ; la procédure CEF, qui couvre 85 % des demandes de visa pour études, simplifie les démarches, les services consulaires ayant accès au dossier dématérialisé des candidats.

S’agissant des établissements d’enseignement supérieur, les mesures tendent principalement à améliorer l’environnement académique. Si l’on considère l’ensemble des établissements, on observe un paysage complexe et morcelé, ainsi qu’une ouverture sur l’étranger très inégale : les écoles de commerce ont été les premières à ouvrir leurs formations à l’international parce qu’elles ont été très tôt confrontées à la concurrence étrangère ; les écoles d’ingénieurs, en revanche, ont conservé plus longtemps un prisme national et doivent aujourd’hui s’adapter à l’internationalisation des formations. Tous secteurs confondus, les grandes écoles accueillaient en 2009-2010 près de 36 500 étudiants étrangers. Les universités, quant à elles, reçoivent plus de 70 % des flux d’étudiants étrangers – 212 600 étudiants en 2012 –, mais elles sont peu visibles à l’international, faute d’une stratégie cohérente de leurs composantes. En raison de l’indépendance des établissements, l’État ne peut que suggérer des orientations discutées avec les trois conférences représentatives. Ainsi l’État incite depuis 2006 les établissements à se regrouper en pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, afin d’articuler et de mutualiser leurs activités et leurs moyens ; il soutient financièrement les diplômes en partenariat international et les formations doctorales conjointes, pour porter la part des mobilités encadrées de 20 % actuellement à 50 % dans cinq ans ; il encourage les programmes d’échanges de haut niveau menés par des réseaux d’établissements, en Amérique latine, en Inde, ainsi que l’exportation de formations, comme celle d’« ingénieur à la française », dont l’un des exemples est la création d’une école centrale à Pékin. Au soutien de l’État s’ajoute celui des opérateurs, l’Agence universitaire de la Francophonie et CampusFrance.

Cette politique a donné des résultats. Elle a fait progresser le nombre d’étudiants étrangers de 64 % entre 2000 et 2010. Elle a permis une mobilité de plus haut niveau : depuis 2004, le nombre d’étudiants étrangers a presque doublé dans les formations d’ingénieurs ou les écoles de commerce ; à l’heure actuelle, les étrangers représentent 41,3 % des doctorants. Elle a enfin permis une diversification géographique des flux d’étudiants étrangers : la part des Africains s’est réduite à moins de la moitié des étudiants ; un quart des étudiants est originaire d’Europe, un autre quart d’Asie, du Moyen-Orient ou d’Océanie ; les Chinois sont la deuxième nationalité la plus représentée après les Marocains.

La France est la première destination des étudiants non anglophones. Elle a accueilli plus de 288 500 étudiants à la rentrée 2011, ce qui la place au quatrième rang mondial derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie, et devant l’Allemagne. Sa place dans les classements internationaux, notamment celui de Shanghai, reste cependant décevante : avec vingt établissements figurant dans les cinq cents premiers mondiaux en 2012, dont trois seulement dans le « top 100 », elle n’occupe que la huitième place.

Les auditions que j’ai menées m’ont permis de dégager quelques pistes pour améliorer l’attractivité de notre enseignement supérieur.

Il convient tout d’abord de combler un déficit d’image, en adoptant une démarche adaptée à l’environnement concurrentiel, comme le font certains pays anglo-saxons, Royaume-Uni et Australie, et en mobilisant des réseaux d’anciens élèves pour faire la promotion des établissements, lever des fonds, faire le lien avec l’environnement professionnel.

On doit aussi améliorer les conditions d’accueil car elles sont un facteur clé de l’attractivité. Il faudrait inciter nos établissements d’enseignement supérieur à statuer plus rapidement sur les dossiers de demande d’admission, comme le font les établissements anglo-saxons ; il conviendrait de renforcer la collaboration entre les établissements d’enseignement supérieur et les préfectures pour fluidifier les démarches des étudiants entrant sur notre territoire ; il serait nécessaire d’étendre le système de guichet unique d’accueil, sur le modèle de celui que met en place à chaque rentrée la Cité internationale universitaire de Paris, afin de permettre aux étudiants étrangers d’effectuer en une seule fois l’ensemble de leurs formalités administratives. Il faudrait enfin repenser l’ensemble du dispositif relatif à l’offre de logement à destination des étudiants, comme notre collègue Isabelle Attard l’a proposé dans son rapport sur les crédits de l’enseignement supérieur.

Troisièmement, il conviendrait de cultiver la différence par la langue et la culture. Une enquête TNS-SOFRES réalisée en 2011 à la demande de CampusFrance révèle qu’un des facteurs d’attractivité de notre enseignement supérieur est l’image très positive qu’ont les étudiants étrangers de notre pays. Nous devons en tirer parti et asseoir notre enseignement supérieur, non seulement sur une exigence de qualité, mais aussi sur des éléments de différenciation comme la culture et la langue. Cependant la langue ne doit pas être un obstacle à la poursuite d’études en France ; c’est pourquoi il faut développer les filières en anglais en organisant dans le même temps un apprentissage intensif du français. La meilleure stratégie est en fait le plurilinguisme, qui est synonyme d’ouverture et permet d’élargir les savoirs.

Autre piste d’amélioration : jouer la carte de la synergie régionale. Les régions jouent un rôle essentiel dans l’innovation et le développement économique. En outre, elles sont résolument tournées vers l’étranger et s’investissent de plus en plus dans l’enseignement supérieur. On pourrait donc envisager qu’elles associent à leurs stratégies internationales les établissements d’enseignement supérieur implantés sur leur territoire ; ces derniers gagneraient ainsi en visibilité et leur potentiel serait mis en valeur.

De même, le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, devrait être davantage exploité. Tous les bacheliers étrangers du réseau ont, en théorie, vocation à poursuivre leurs études dans les établissements d’enseignement supérieur français. Or on constate chaque année une « perte en ligne » au profit des établissements étrangers, que l’AEFE s’efforce de réduire par des actions très en amont d’information sur l’offre française de formation supérieure, de conseil et d’orientation. Il faudrait donc en parallèle étendre l’expérience des partenariats tripartites, les programmes PITES, dont l’objectif est d’attirer dans les universités françaises au niveau du master les bacheliers étrangers issus du réseau de l’AEFE qui ont effectué un premier cycle dans des universités à l’étranger.

Enfin il conviendrait peut-être de repenser le principe de quasi-gratuité des études pour les étudiants étrangers. Il ressort en effet des différentes auditions que le faible coût des études en France n’est pas un facteur d’attractivité ; bien au contraire, puisque nombre de pays étrangers considèrent que ce qui est gratuit est de mauvaise qualité. De plus, compte tenu de la contrainte budgétaire et du coût moyen de la formation – 10 000 euros par an et par étudiant –, il semble difficile d’accueillir en France dans ces conditions plus d’étudiants étrangers. Or la Conférence des grandes écoles milite pour un triplement du nombre d’étudiants étrangers d’ici à dix ans. La majorité des personnes entendues ont donc proposé une augmentation des droits d’inscription à hauteur du coût de revient de la formation, assortie d’un système d’allocation de bourses. Cette proposition mérite d’être étudiée.

Toutes ces hypothèses d’amélioration me conduisent à penser que tout établissement d’enseignement supérieur devrait avoir la faculté de promouvoir lui-même son propre enseignement à l’étranger. Cette capacité propre viendrait conforter l’autonomie dont ils sont dotés depuis la réforme de 2010.

M. Hervé Féron. Je vous félicite, madame le rapporteur pour avis, de la qualité de votre travail. Nous partageons vos analyses, à l’exception de votre conclusion, que vous nous avez proposée en guise d’introduction, car, contrairement à vous, nous voterons cet excellent budget dans un contexte où l’héritage est lourd.

L’enjeu est considérable, puisqu’il s’agit pour les acteurs de la diplomatie d’influence française de promouvoir, dans un monde globalisé, les positions économiques, politiques et culturelles françaises. Dans un contexte économique très contraint, la quête d’un équilibre entre nécessaire viabilité des outils d’influence et réduction des déficits est une véritable gageure. C’est dans cette recherche de conciliation que s’inscrit la logique du budget de la diplomatie culturelle et d’influence pour 2013, et c’est pourquoi le gouvernement a tenu à limiter la diminution des crédits. La dotation du programme 185 ne baisse donc que de 1 % en périmètre constant par rapport à la loi de finances initiales pour 2012. Elle s’élève par conséquent à 747 millions d’euros. Cela est dû bien sûr à la stabilité de la dotation de l’AEFE, qui représente 57 % du programme.

Les moyens des différents acteurs que sont l’Institut français, les Alliances françaises et les établissements à autonomie financière sont ajustés dans la limite de la baisse des crédits de fonctionnement de 7 % voulue par le gouvernement. Toutefois les crédits culturels exceptionnels de 14 millions d’euros alloués depuis 2011 au siège de l’Institut français sont maintenus. J’ajoute que les baisses de dotation, résultant d’une dynamique initiée par le précédent gouvernement, sont atténuées par des cofinancements ou des autofinancements – recettes propres, mécénat, partenariat avec les collectivités locales, fonds européens – en progression rapide

Au-delà, la volonté de rationalisation des modalités d’intervention du programme 185 doit se poursuivre. L’enjeu est de passer d’une culture associative – CulturesFrance pour l’Institut français et Égide pour CampusFrance – à une culture d’EPIC, qui requiert des règles rigoureuses de gestion, dans le respect des capacités d’influence.

Par ailleurs, la mise en réseau des mécènes constitue une hypothèse de réflexion sur laquelle il faudra travailler, le mécénat étant désormais très impliqué dans notre réseau culturel à l’étranger. En effet, on a pu constater que là où s’implantaient les Instituts français et les EPIC associés, les entreprises s’installaient avec une plus grande facilité grâce au dynamisme du réseau français. Une mise en réseau formalisée des mécènes permettrait à ces derniers d’intervenir avec une plus grande lisibilité dans les différentes zones du monde et de créer des points d’activités stratégiques pour notre développement économique et notre rayonnement.

Je voudrais parler ici de l’action 4, « Attractivité et recherche », dont on a trop peu parlé en commission élargie. Dans le cadre de cette action, le niveau des bourses a été maintenu. La France est le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux. Je me réjouis que la circulaire du 31 mai 2012 ait abrogé la circulaire Guéant, et que soit ainsi reconnue l’importance de la possibilité de compléter une formation en France par une première expérience professionnelle et valorisé l’apport économique, intellectuelle et scientifique des étudiants étrangers à notre pays.

S’agissant de l’enseignement de la langue française à l’étranger, le maintien de la subvention de l’AEFE à hauteur de 425 millions, dont 5,5 millions supplémentaires destinés à compenser la part patronale de contribution de pension civile des personnels, constitue, dans les circonstances actuelles, un motif de satisfaction et marque la volonté du gouvernement de faire de l’éducation une priorité.

Toutefois, l’AEFE fait face à une forte demande de scolarisation et est confrontée à des charges récurrentes, liées notamment à la rénovation du parc immobilier. Pendant cinq ans, la prise en charge des frais de scolarité, la PEC, a donné lieu à des distributions d’argent sans conditions de ressources, au détriment des autres lignes budgétaires de l’AEFE.

C’est pourquoi, s’agissant de l’action 2 du programme 151, je me réjouis la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, conformément à l’engagement du Président de la République. Je ne reviendrai pas sur les effets pervers de l’application de cette mesure décidée par le Président Nicolas Sarkozy, puisqu’ils sont largement exposés dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle à laquelle j’avais participé. Cette mesure entrée en vigueur depuis la rentrée, est la première pierre d’une réforme plus large de l’aide à la scolarité qui devra être conduite en 2013.

Toutefois le redéploiement budgétaire n’a pas été affecté dans son intégralité aux bourses, qui sont nécessaires dans un contexte d’augmentation des droits d’écolage consécutive à la PEC. Lors de la commission élargie, le ministre a donné des informations rassurantes : il a promis de la souplesse, évoqué le rôle des commissions locales ou la possibilité de puiser dans une réserve de neuf millions d’euros, parlé d’évaluation et d’un ajustement sur le PLF 2014, et annoncé que les députés des Français de l’étranger seraient associés à cette réflexion, ce à quoi ces derniers ont été sensibles.

Le rapport que j’ai consacré à l’AEFE en 2009 ne se contentait pas de pointer les incohérences et les dégâts collatéraux de la PEC. Je proposais des initiatives alternatives en faveur de l’enseignement en français ou de l’enseignement du français à l’étranger. Je donnais l’exemple du programme FLAM, français langue maternelle, enseignement bilingue qui ne coûte que 300 000 euros à l’AEFE.

M. Patrick Hetzel. Je veux à mon tour féliciter Mme Claudine Schmid pour le travail qu’elle a accompli. Le sujet est d’importance, puisqu’il s’agit du rayonnement de la France à l’étranger.

Ce rapport pointe notamment les secteurs affectés par la réduction de la dépense publique. Pourriez-vous, madame le rapporteur, développer plus particulièrement ce point? Que pensez-vous de l’évolution de l’organisation de notre diplomatie culturelle et d’influence au cours des dernières années ? Où en est-on aujourd’hui ? Ces évolutions nous garantissent-elles un rayonnement à l’étranger au moins aussi important que ce qu’il a été par le passé ?

Par ailleurs, il faut trouver les moyens d’attirer les étudiants étrangers dans des programmes d’excellence, doctoraux voire postdoctoraux, dans un contexte de concurrence internationale accrue de la part de pays comme les États-Unis, le Japon ou la Chine.

Les pistes d’amélioration que vous nous avez indiquées sont importantes, et la Commission doit les relayer auprès du gouvernement afin qu’elles ne restent pas lettre morte et qu’elles puissent constituer un socle sur lequel la politique ministérielle pourra s’appuyer pour favoriser, comme nous le souhaitons tous, le rayonnement de la France à l’étranger.

Mme Isabelle Attard. Ce projet de budget du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » pour 2013, qui s’élève à 665 millions d’euros, est quasiment stable par rapport à 2012. Les normes de réduction des dépenses ont été appliquées de façon différenciée, certains secteurs étant épargnés, les autres incités à développer leurs ressources propres.

Ce budget respecte les priorités du Président de la République et du gouvernement, contribuant à la défense des intérêts de la France et des Français dans un cadre budgétaire très contraint – crise oblige. Dans ce cadre, nous nous réjouissons notamment des priorités affichées, telles que l’augmentation des moyens consacrés à l’enseignement du français à l’étranger et la préservation d’instruments d’attractivité fondamentaux, comme les bourses d’études et les missions d’expertise.

Le choix de préserver les crédits d’aide sociale pour les familles et les Français de l’étranger en difficulté, ainsi que la réforme du système d’aide à la scolarité, qui révèle un souci affirmé de justice sociale, nous convient parfaitement.

Afin d’appuyer cette orientation, le groupe écologiste a déposé un amendement pour accroître l’effort prévu et étendre le système de bourses à un plus grand nombre de familles modestes ou de classes moyennes.

Nous avons déposé un autre amendement, visant à renforcer le budget alloué à la coopération culturelle et la promotion du français. Notre réseau d’enseignement du français à l’étranger doit continuer à promouvoir la diffusion de notre langue et a besoin, pour ce faire, de fonds propres garantissant son indépendance. La complexe situation du lycée franco-qatari de Doha en est la preuve : le conseil d’administration, présidé par le procureur général de l’État du Qatar, influence directement le contenu pédagogique, notamment en ajoutant un enseignement religieux au programme. Ce programme, comme tous ceux de l’enseignement public français, aurait normalement dû être validé par l’éducation nationale française.

En ce qui concerne la diplomatie, la place des femmes au sein du réseau diplomatique français pose question, particulièrement au niveau des postes les plus élevés. Le ministre des affaires étrangères nous a signalé en commission élargie, le 24 octobre dernier, qu’il avait fixé un objectif de 40 % de femmes parmi les renouvellements d’ambassadeurs. Nous saluons la prise en compte du problème que pose une représentation largement masculine. Le choix d’un quota de recrutement féminin est une solution adaptée. Cependant, l’objectif de 40 % nous semble insuffisant pour compenser le grave déficit actuel. Lorsque la moitié de nos ambassadeurs auront été remplacés, le quota mis en place n’aura porté qu’à 27 % le pourcentage de femmes ambassadeurs. En outre, le ministre des affaires étrangères nous a confié qu’il était difficile de trouver des candidates correspondant aux critères requis Nous l’invitons donc chaleureusement à mettre en place, au sein de ses services, les conditions nécessaires favorisant l’émergence de telles candidates. Il serait en effet regrettable que sa louable ambition de féminiser la représentation diplomatique à son plus haut niveau échoue par manque de féminisation des échelons inférieurs.

Enfin, je partage tout à fait la réflexion de Mme Claudine Schmid sur l’accueil des étudiants étrangers en France. Je souhaiterais insister sur le développement du multilinguisme quand les pays qui nous entourent développent des masters et des doctorats en anglais, et encourager nos étudiants à la mobilité. De fait, certaines bourses destinées à permettre aux étudiants de se déplacer, de suivre des stages ou d’étudier à l’étranger ne sont pas utilisées. C’est regrettable, si l’on veut accroître l’attrait de la langue française et de la culture française.

En conclusion, nous remercions notre collègue Claudine Schmid et nous la félicitons pour la qualité du travail qu’elle a accompli. Mais contrairement à elle, le groupe Écologiste votera les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence ».

M. Thierry Braillard. Au nom du groupe RRDP, je voudrais moi aussi féliciter pour son rapport Mme Claudine Schmid, car celui-ci ouvre de nombreuses pistes de réflexion.

Par ce projet de budget, la gauche montre qu’elle peut agir dans la continuité lorsque les institutions existantes – que ce soit l’Institut français, que ce soit CampusFrance – s’avèrent performantes. C’est la raison pour laquelle je suis un peu déçu de la position prise par notre rapporteur pour avis, qui aurait dû logiquement être amenée à voter ce projet de budget.

Cela dit, on peut faire de belles choses, comme l’Institut français ou CampusFrance, et tout détruire par un seul texte : je veux parler de la circulaire Guéant, qui a eu un effet destructeur au niveau international. Nous devons donc nous satisfaire de l’abrogation et de la modification de cette circulaire du 31 mai 2011 qui restreignait la possibilité pour les étudiants étrangers diplômés de travailler en France et donnait toute latitude aux préfets de se montrer très rigoureux s’agissant des demandes d’autorisation de travail des étudiants, au point que certains d’entre eux, titulaires d’un master, se sont retrouvés quasiment comme des SDF dans notre pays.

En dehors du fait qu’il votera ce projet de budget, le groupe RRDP se servira de votre rapport, madame Schmid, en raison des interrogations qu’il formule pour l’avenir.

M. Marcel Rogemont. Je trouve tout à fait intéressant, s’agissant de la question scolaire, que le gouvernement actuel envisage de consulter, d’évaluer, avant de décider. Mme le rapporteur, comme moi-même, nous ne pouvons que saluer cette attitude, tout à fait nouvelle, surtout sur un tel sujet.

Sans aucun doute s’est-elle, comme moi-même, interrogée sur l’augmentation très élevée des frais d’écolage. Elle a en effet fait figurer dans son rapport le tableau illustrant l’augmentation considérable des coûts de la scolarité, soit une somme de 65 millions d’euros. Notre commission pourra bien évidemment demander à être consultée sur cette question, afin de pouvoir travailler sur celle-ci avec le gouvernement en toute sérénité. Mme le rapporteur nous apportera son point de vue.

S’il devait y avoir des disponibilités – et il y en a puisque l’on a consacré à ce secteur 65 millions supplémentaires en quelques années –, il ne serait pas inconséquent d’assurer à notre réseau culturel à l’étranger un financement plus important. Je pense plus particulièrement à certains pays d’Afrique ou au Vietnam.

En effet, si la ville de Rennes est capable de subventionner une quarantaine d’équipements socioculturels dans les quartiers, pour un coût total de 10 à 15 millions d’euros, pourquoi la France ne serait-elle pas capable de consacrer plus de 43 millions à l’ensemble des réseaux de la présence française à l’étranger ? Nous devons avoir à cœur de saluer leur action et de les encourager car ils participent grandement à la présence de la France, notamment en Afrique.

M. Benoist Apparu. Après avoir félicité moi aussi Mme Claudine Schmid pour son rapport, je ferai quelques observations.

Premièrement, chacun est conscient de l’influence que peut avoir notre réseau culturel et scolaire à l’étranger, notamment en termes de compétitivité. Je constate d’ailleurs que dans les annonces du Premier ministre de ce matin comme dans le rapport Gallois, l’accueil des étudiants étrangers et notre capacité à envoyer des étudiants à l’étranger figurent comme des éléments récurrents de notre compétitivité. Je voulais m’en féliciter avec vous.

Deuxièmement, je m’interroge sur les propos de notre collègue Hervé Féron. Celui-ci considère en effet que la justice sociale commandait de revenir au dispositif de prise en charge sous conditions de ressources pour les lycéens français à l’étranger, d’accorder la gratuité à ceux qui n’ont pas beaucoup de moyens, des bourses pour ceux qui connaissent une situation moyenne, et de faire « payer » les riches.

Pourquoi faudrait-il une mise sous conditions de ressources quand l’étudiant français se trouve dans un lycée public à l’étranger, mais pas lorsqu’il se trouve dans un lycée public en France ? Je ne comprends pas la distinction qu’opère ce gouvernement entre ceux qui ont droit à la gratuité et ceux qui n’y ont pas droit. Dans les deux cas, il s’agit d’établissements publics et de lycéens.

Vous auriez pu considérer, cher collègue, que la mesure prise sous le gouvernement précédent, qui ne concernait effectivement que les lycéens, devait être généralisée à tous les élèves. Mais n’allez pas nous dire que cette mise sous conditions de ressources à l’étranger est normale.

Pourquoi n’avoir pas décidé d’agir de la même façon à l’égard des lycéens français de France ? Ce serait cohérent avec le raisonnement que vous tenez. Bien évidemment, nous ne partagerions pas une telle philosophie-là, puisque nous avons fait l’inverse et que nous avons tenu à assurer l’égalité et la justice dans tous les établissements et pour tous les lycéens français.

Troisièmement, madame le rapporteur, vous posez la question de la gratuité pour les étudiants étrangers de l’enseignement supérieur en France. Pourriez-vous nous indiquer ce que vous préconisez à cet égard ?

Enfin, je souhaiterais que l’on se penche un jour l’autre sur la circulaire Guéant, dont tout le monde parle, mais que peu connaissent. D’aucuns affirment qu’elle rend impossible l’accueil des étudiants étrangers. Or elle ne concerne pas l’accueil des étudiants étrangers, mais le travail des étudiants étrangers diplômés, ce qui n’est pas du tout la même chose. Une note explicative permettrait de dissuader certaines personnes, qui s’étaient éloignées du texte pour faire de la politique politicienne, de tenir de tels propos.

Mme Colette Langlade. Madame le rapporteur pour avis, ma question concerne une des pistes d’amélioration que vous avez citée tout à l’heure : jouer la carte de la synergie régionale.

Depuis 2007, les régions ont mis en place des schémas régionaux de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui s’inscrivent dans une stratégie européenne. Ceux-ci permettent de soutenir l’enseignement supérieur et la recherche et d’en accompagner la restructuration, en fixant pour quatre ou cinq ans les principaux enjeux et les perspectives de l’action régionale dans ces domaines.

Vous notez, dans votre rapport, qu’on pourrait envisager la coopération du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avec les régions qui proposent des stratégies internationales. Et vous précisez – ce qui m’a un peu choquée – que « l’articulation entre les projets des établissements et ceux des régions sera très certainement très délicate à construire. » Sachant qu’il n’y a pas encore eu de projet, ni de démarche, ni de construction commune, comment peut-on prédire d’ores et déjà que cette articulation sera délicate à construire ?

Mme Dominique Nachury. Je voudrais tout d’abord saluer le rapport de Mme Claudine Schmid et la qualité de sa présentation. Je poserai deux questions.

On parle de réseaux et on insiste sur l’importance de la mise en synergie des différents moyens. Peut-on mesurer l’influence des Alliances françaises, à la fois sur la fréquentation des établissements français à l’étranger et sur la venue d’étrangers dans les établissements d’enseignement supérieur en France ?

Par ailleurs, a-t-on pris des mesures incitant à la création de guichets uniques, qui permettraient de simplifier l’arrivée et l’installation de nombreux étudiants étrangers en France ?

Mme le rapporteur pour avis. Je vais commencer par un point qui fait polémique : la fameuse circulaire Guéant, dont un paragraphe est cité à la page 36 de mon rapport. Comme l’ont fait remarquer certains, ce n’était pas la circulaire qui posait problème, mais l’interprétation qui en a été faite. Si vous le souhaitez, nous pourrons faire figurer en annexe du rapport l’intégralité de cette circulaire. Cela dit, notre propos est d’étudier des pistes d’amélioration pour l’avenir et il ne me semble pas opportun de se référer continuellement au passé.

J’en viens à un autre point, celui des bourses scolaires. J’ai été assez surprise d’entendre dire que certains fonds de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – relatifs notamment au parc immobilier – n’avaient pas été utilisés et qu’ils avaient servi pour le financement de ces bourses scolaires. Or ce n’est pas exact.

Ces bourses relèvent en effet du programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » qui concerne tous les Français de l’étranger. Elles sont payées par le directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire du ministère des affaires étrangères. L’argent venait, d’une certaine façon, de l’extérieur et non de l’Agence, via une ligne budgétaire spécialement dédiée ; s’il n’avait pas servi à la prise en charge, il ne serait allé nulle part ailleurs.

M. Hervé Féron. C’est une conséquence de la PEC !

Mme le rapporteur pour avis. Pas du tout : le programme 151 était abondé du montant de la PEC pour que le directeur puisse payer les bourses. En fait, l’Agence dépend du programme 185, mais les bourses sont financées par le programme 151. Il n’est donc pas correct de dire que cet argent a été pris à l’Agence pour financer la gratuité.

Monsieur Féron, vous nous avez aussi parlé de la réserve de 9 millions d’euros, dont le ministre nous a assuré en commission élargie qu’elle pourrait servir à financer les bourses. Or je ne la vois figurer sur aucune ligne budgétaire.

Le programme FLAM est doté de 300 000 euros. C’est en effet très peu, et l’Assemblée des Français de l’étranger en demande depuis plusieurs années l’augmentation. Mais il faut préciser qu’il ne relève pas de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger, et qu’il est financé sur une ligne budgétaire différente.

J’en viens à l’agence CampusFrance. Comme j’en ai fait état dans mon rapport, sa réorganisation a pris fin au 1er septembre 2012. Les derniers ajustements sont en cours. On peut dire que, depuis cet automne, CampusFrance a pris sa vitesse de croisière et pourra travailler conformément aux orientations retenues. Elle attend sa lettre de mission.

Madame Attard, on ne peut qu’être favorable à vos amendements, l’un tendant à accroître le nombre des bourses, l’autre visant à promouvoir la langue française. Au reste, la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger est en train de revoir la ligne budgétaire concernant les bourses scolaires. Nous avons appris que cela aurait lieu dans le cadre d’une concertation et que les parlementaires des Français de l’étranger seraient consultés. Je crois savoir que la réunion qui va entériner la réforme des bourses aura lieu la semaine prochaine, mais, jusqu’à présent, je n’en ai pas eu confirmation.

S’agissant des programmes d’enseignement français, vous avez évoqué l’intervention d’États étrangers visant à rajouter certaines matières. C’est un phénomène très connu à l’étranger. Pour pouvoir implanter des établissements, les écoles françaises ont souvent besoin d’une autorisation locale. Elles sont obligées d’accepter, de ce fait, d’intégrer des matières, qui ne sont parfois pas conformes à notre enseignement. Dans une région que je connais très bien, on impose aux élèves des heures d’allemand dès la maternelle et même – c’est la conséquence d’une récente votation – des cours de l’enseignement suisse dans les lycées. De ce fait, les élèves doivent suivre le programme français, plus d’autres matières exigées par l’État étranger. Mais nous devons en passer par là pour pouvoir implanter nos établissements. Cela peut toutefois contribuer au développement du multilinguisme. D’ailleurs, dans nos écoles françaises à l’étranger, les filières bilingues sont encouragées. Ainsi, nos enfants de l’étranger sont favorisés : quand ils rentrent en France, ils pratiquent souvent une deuxième, voire une troisième langue.

Nous sommes tous d’accord pour renforcer le financement de la présence française. Malheureusement, les budgets étant ce qu’ils sont, nous ne pouvons prendre que ce que l’on nous donne.

Monsieur Apparu, pourquoi ne pas faire payer les étudiants étrangers qui sont prêts à payer pour étudier en France ? Cela correspond d’ailleurs à une demande exprimée de plus en plus souvent par les intervenants que nous avons auditionnés. Nous voulons accueillir de plus en plus d’étudiants étrangers, mais est-ce au contribuable français de payer pour ces étudiants, tout au moins pour ceux qui en ont les moyens ? Les autres peuvent recevoir des bourses. Je remarque que, dans le système actuel, qui ne fait payer personne, nous versons, en réalité, l’équivalent d’une bourse à tout le monde. Il semblerait même que certains étrangers ne viendraient pas étudier chez nous, la gratuité leur donnant l’impression que notre enseignement est de moins bonne qualité qu’ailleurs. Autant faire payer les étudiants étrangers, comme c’est le cas dans presque tous, voire dans tous les autres pays au monde. Je vise bien sûr les étudiants qui viennent en France uniquement dans le but d’étudier, et non les étrangers qui vivent en France et qui y poursuivent leur scolarité. C’est une question à « mettre sur le tapis ». En tout cas, le contribuable français ne pourra plus continuer à payer pour ces étudiants étrangers si, comme certains le préconisent, on en triple le nombre.

Pour ce qui est de la synergie régionale, la directrice des relations européennes et internationales au ministère de l’éducation nationale a souligné que les régions s’intéressaient de plus en plus à l’international et menaient leur propre politique internationale. Si elles veulent faire leur promotion dans telle ou telle partie du monde, pourquoi ne favoriseraient-elles pas la venue dans leurs universités des étudiants des pays concernés ? Il serait utile que les universités travaillent conjointement avec les régions.

Madame Nachury, vous m’avez interrogé sur la relation entre les Alliances et les établissements français de l’étranger. Je dois vous préciser que les établissements prennent les élèves de la maternelle au lycée, alors que les Alliances françaises s’adressent à des étrangers adultes qui veulent apprendre le français. Ce sont les enfants de francophones ou ceux de Français voulant que leurs enfants poursuivent leurs études en français qui suivent des cours FLAM ; en général, ce type de cours ne sont pas assurés par les Alliances. Les Alliances et les établissements interviennent à des niveaux différents et s’adressent à des publics différents. Ils travaillent l’un à côté de l’autre, et non l’un avec l’autre.

S’agissant des guichets uniques, pour l’instant, seule l’université Toulouse Capitole essaie d’en mettre un en place. Par ailleurs, aucune mesure d’incitation n’a encore été prise en ce sens. Étendre le principe des guichets uniques irait dans le sens de ce que je préconise dans mon rapport.

M. Hervé Féron. Il est vrai que les problèmes liés à la circulaire Guéant résultaient de sa mauvaise interprétation. Mais lorsqu’une partition est bien écrite, la tâche de l’interprète en est facilitée. Quoi qu'il en soit, les dégâts causés par la publication de ce texte ont été bien visibles.

En ce qui concerne la réserve de 9 millions d’euros, j’ai tendance à croire en la parole du ministre.

Mme le rapporteur pour avis. Moi aussi, a priori, mais je demande à voir !

M. Hervé Féron. Les familles qui bénéficiaient auparavant de la PEC ont été contactées par les consulats et invitées à solliciter l’octroi d’une bourse. Or, au bout du compte, très peu de demandes ont été finalement déposées. Les crédits disponibles devraient donc suffire. En tout état de cause, une nouvelle évaluation des besoins sera effectuée en cours d’année, et une réflexion sera lancée sur les frais de scolarité, à laquelle les députés seront associés. Enfin, le ministre a évoqué la possibilité d’un rattrapage dans le projet de loi de finances pour 2014. Nous pouvons donc être parfaitement rassurés.

Par ailleurs, je n'ignore évidemment pas que les bourses relèvent du programme 151, mais elles ont pâti d’un effet pervers de la PEC. En effet, le financement de celle-ci a entraîné la réduction des crédits de l’AEFE destinés aux établissements. En conséquence, ces derniers ont augmenté les frais d’écolage, estimant que les familles avaient les moyens de les assumer. Il en a résulté une forte augmentation des demandes de bourse au bénéfice des classes d’âge n’ayant pas accès à la PEC. Les bourses étant financées par le programme 151, celui-ci a donc bien subi les conséquences des effets dévastateurs de la PEC. M. Marcel Rogemont a rappelé que les coûts d’écolage avaient augmenté de 65 millions d'euros. De son côté, l’AEFE avait estimé que, sans un moratoire, le coût total de l’opération de prise en charge atteindrait 720 millions d’euros par an ! Une telle somme n'aurait bien sûr pas été à sa charge, mais elle aurait représenté autant de moins pour les établissements.

Ainsi, monsieur Apparu, M. Sarkozy a bien fait les choses à l'envers : il a imposé la gratuité pour les élèves de plus de seize ans scolarisés à l'étranger, alors que, dans notre pays, c’est le contraire. Mais la différence, c’est surtout qu’en France, la collectivité prend en charge les locaux – la commune pour l’école maternelle ou élémentaire, le département pour le collège, la région pour le lycée. À l’étranger, dans la plupart des cas, la construction et le fonctionnement des établissements scolaires ont été financés par les entreprises, celles-là même qui emploient les familles des élèves scolarisés. La décision de prendre en charge les frais de scolarité sans poser de conditions de ressources a donc représenté une incroyable aubaine à la fois pour les entreprises, qui assumaient souvent les frais de scolarité des enfants de leurs salariés expatriés, et pour les familles. Les journaux ont d'ailleurs rendu compte de certaines situations caricaturales, des parents percevant des salaires élevés ayant bénéficié pour leurs enfants de la scolarité gratuite. De leur côté, les établissements ont vu les aides dont ils bénéficiaient se réduire, au risque de ne plus pouvoir entretenir leur patrimoine. Les frais d’écolage ont donc explosé.

Enfin, la PEC a eu un dernier effet pervers, celui de remettre en cause la coopération éducative. Une des importantes missions de l’AEFE à travers le monde consiste en effet à aider des enfants étrangers dont la famille n’est pas très riche à étudier en français. Or ces enfants n'ayant pas droit à la PEC, ils étaient de plus en plus nombreux à ne pas pouvoir assumer les frais d'écolage.

Mme le rapporteur pour avis. Sans vouloir entamer un débat sur la PEC, je tiens à rappeler les raisons pour lesquelles ce sont les élèves de lycée qui ont bénéficié de la gratuité. Tout d’abord, si on avait commencé à appliquer la prise en charge aux plus petites classes, les familles dont les enfants étaient plus âgés n’auraient jamais profité de la mesure. Ensuite, ce choix répondait à une demande de l’Assemblée des Français de l’étranger, inquiète de voir de plus en plus d’élèves se tourner vers le système universitaire anglo-saxon. En effet, quand on vit au Japon ou au Brésil, les États-Unis ne paraissent pas plus éloignés que la France. L’idée, en appliquant d’abord la prise en charge aux grandes classes, était donc d’inciter les familles à inscrire leurs enfants dans des lycées français afin qu’ils poursuivent leurs études dans les universités nationales. La question n’était donc pas de savoir qui était riche ou non, mais simplement de faire en sorte que nos enfants restent dans leur pays.

M. le président Patrick Bloche. Nous serons de toute façon amenés à débattre à nouveau de toutes ces questions.

Mme Marie-George Buffet. Le groupe GDR s’abstiendra lors du vote sur les crédits.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Action extérieure de l’État ».

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Conférence des Présidents d’Université (CPU) – M. Khaled Bouabdallah, président de l’université Jean Monnet (Saint-Etienne), président de la commission des relations internationales et européennes de la CPU, et M. Harald Schraeder, chargé de mission Europe-enseignement supérieur

Ø ParisTech, Institut des sciences et technologies de Paris – M. Yves Demay, directeur de l’ENSTA ParisTech, président de la commission International de ParisTech, et M. Christophe de Beauvais, directeur des relations internationales

Ø CampusFrance – M. Antoine Grassin, directeur général, et Mme Mathilde Mallet, coordinatrice

Ø Ministère des affaires étrangères – M. Eric Lamouroux, sous-directeur à la Sous-direction de l’enseignement supérieur, et Mme Françoise Sellier, responsable du pôle « politiques et programmes de mobilité 

Ø Agence pour l’enseignement français à l’Étranger (AEFE) – Mme Anne-Marie Descôtes, directrice, et Mme Lucia Da Silva, chef du service Orientation et enseignement supérieur

Ø Conférence des grandes écoles (CGE) – Mme Brigitte Porée, chargée de mission International et Communication, et M. Pierre Aliphat, délégué général

Ø Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs – M. Alain Ayache, président de la commission « International », directeur de l’ENSEEIHT, et M. Jacques Gélas, délégué aux affaires internationales, pour le groupe de travail « Coordination des relations internationales »

Ø Agence universitaire de la francophonie (AUF) – M. Bernard Cerquiglini, recteur, et Mme Aïcha Moutaoukil, responsable des relations avec les institutions de la Francophonie

Ø Association des régions de France (ARF) – Mme Maryse Dusselier, déléguée aux affaires internationales, à la coopération décentralisée et au tourisme

Ø M. Philippe Gillet, vice-président de l’École polytechnique de Lausanne, ancien directeur de cabinet de Mme Valérie Pécresse, ancienne ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Ø Préfecture de Police de Paris – M. Cyril Maillet, directeur de la Police générale, et M. Christophe Besse, chef du 6e bureau, chargé des séjours des étudiants

Ø Ministère de l’enseignement supérieur, ministère de l’éducation nationale, direction des relations européennes et internationales et de la coopération – Mme Christine Gavini-Chevet, directrice

Ø Ministère des affaires étrangères M. François Saint-Paul, directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire

Ø Ministère des affaires étrangères M. Jean-Baptiste Mattei, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, et Mme Hélène Duchêne, directrice des politiques de mobilité et d'attractivité.

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