N° 252 tome II - Avis de Mme Colette Langlade sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)


N° 252

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2013,

TOME II

CULTURE

CRÉATION

TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION
DE LA CULTURE

Par Mme Colette LANGLADE,

Députée.

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Voir les numéros : 235, 251 (annexe n° 8).

INTRODUCTION 5

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA CRÉATION, DE LA TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE 7

A. LE PROGRAMME « CRÉATION » 7

1. L’action 1 : « soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » 7

2. L’action 2 : « soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques » 9

B. LE PROGRAMME « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » 10

1. L’action 1 : « soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle » 11

2. L’action 2 : « soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle » 13

3. L’action 3 : « soutien aux établissements d’enseignement spécialisé » 15

4. L’action 4 : « action culturelle internationale » 16

5. L’action 5 : « fonctions de soutien du ministère » 16

C. LE COMPTE DE SOUTIEN DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE 17

II.- LA MISE EN PLACE D’UN ENSEIGNEMENT OBLIGATOIRE D’HISTOIRE DES ARTS : UN BILAN MITIGÉ 19

A. UN PROJET AMBITIEUX MAIS DONT L’ÉLABORATION A ÉTÉ LABORIEUSE 19

1. Un projet ambitieux 20

a) Les principes généraux 20

b) La déclinaison de ces principes à l’école, au collège et au lycée 22

2. Une élaboration laborieuse 23

a) Le choix de la mise en œuvre d’un nouvel enseignement au détriment de la création d’une nouvelle discipline 23

b) Les difficultés d’un tel choix dans le cadre d’un système fortement disciplinaire 24

c) Comment surmonter cette contradiction ? 27

B. UNE MISE EN œUVRE CHAOTIQUE 27

1. Un enseignement obligatoire du primaire au lycée : une promesse non tenue 28

2. L’évaluation au diplôme national du brevet : un renforcement des inégalités scolaires. 29

3. Ressources pédagogiques et partenariats avec les institutions culturelles : un bilan contrasté 31

4. Une formation des enseignants notoirement insuffisante 32

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

I.- AUDITION DE LA MINISTRE 37

II.- EXAMEN DES CRÉDITS 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES DÉPLACEMENTS RÉALISÉS PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 55

INTRODUCTION

Le présent rapport a pour objet d’examiner, au sein de la mission « Culture », le programme 131 « Création », et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », le programme 175 « Patrimoines » faisant l’objet d’un avis distinct confié à M. Gérald Darmanin.

Le contexte budgétaire difficile que nous connaissons oblige le ministère de la culture à participer à l’effort de redressement des comptes publics. Cet effort appelle une réflexion stratégique qui permette d’établir des priorités d’action pour la politique culturelle des cinq années à venir. Le temps où de grandes opérations de prestige constituaient l’alpha et l’oméga de la politique culturelle est désormais révolu.

Le ministère de la culture va ainsi privilégier deux types d’actions, dans la continuité des priorités établies par le Président de la République.

La première concerne la jeunesse et l’éducation : une large concertation doit permettre de généraliser l’éducation artistique et culturelle, généralisation à laquelle sont d’ores et déjà consacrés des moyens supplémentaires dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2013. Cette réflexion associera bien sûr les collectivités territoriales, qui sont en effet devenues des interlocuteurs incontournables.

La seconde priorité concerne la création artistique, les crédits d’intervention en faveur des arts plastiques et du spectacle vivant étant préservés. Ce choix se justifie pleinement au regard de l’importance économique et sociale de ces secteurs pour le dynamisme et l’animation des territoires mais aussi pour le rayonnement culturel de notre pays.

En lien avec ces priorités budgétaires, la rapporteure a choisi de consacrer la seconde partie de son rapport à un bilan de la mise en œuvre, depuis 2008, d’un enseignement obligatoire d’histoire des arts de l’école primaire au lycée. Présenté comme la principale avancée du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle de 2008, cet enseignement affichait de grandes ambitions puisqu’il s’agissait pas moins de « donner à chacun une conscience commune, celle d’appartenir à l’histoire des cultures et des civilisations, à l’histoire du monde (1) ».

Or, c’est un sentiment général de déception qui l’emporte, en dépit du constat partagé de l’utilité théorique d’un tel enseignement ; ce bilan se veut donc une modeste contribution à la réflexion plus générale conduite dans le cadre de la concertation sur l’avenir de l’école et de celle lancée par le ministère de la culture et précédemment évoquée.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, ce pourcentage était de  87,6 %.

I.- L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA CRÉATION,
DE LA TRANSMISSION DES SAVOIRS
ET DE LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE 

Ces deux programmes, dont les dotations s’élèvent respectivement à 774 millions d’euros et 1,07 milliard d’euros, représentent environ 70 % des crédits de la mission « Culture ».

Le programme « Création » soutient la diversité et le renouvellement de l’offre culturelle. La mise en œuvre de cette politique s’appuie bien sûr sur l’administration centrale et déconcentrée du ministère de la culture, mais aussi sur quinze opérateurs de l’État ainsi que sur un réseau dense de structures de création et de diffusion réparties sur l’ensemble du territoire et financées en partenariat avec les collectivités territoriales, notamment trente-huit centres dramatiques, soixante-dix scènes nationales, dix-neuf centres chorégraphiques, treize théâtres lyriques, plus de mille compagnies et ensembles, vingt-quatre orchestres, soixante-douze scènes de musique actuelle (SMAC), vingt-deux fonds régionaux d’art contemporain ou bien encore quarante-sept centres d’arts.

La vitalité de la création artistique figure au rang des priorités du ministère de la culture. Si les crédits de paiement diminuent de 1,6 %, les dépenses d’intervention sont quant à elles en légère augmentation, de 1,2 % pour les crédits de paiement inscrits à l’action « soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant », et de 1,5 % pour ceux inscrits à l’action « soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques ».

Les subventions pour charges de service public, qui constituent 38 % des crédits de paiement de l’action 1, connaissent une baisse qui traduit la participation des opérateurs de l’État à l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

Si l’on ajoute les dépenses de fonctionnement et les dotations en fonds propres (2), les crédits connaissent une baisse d’environ 7 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2012.

Cette réduction s’établit à 2,5 % pour l’Opéra de Paris, la Cité de la musique et l’établissement public du parc et de la grande halle de la Villette, et à 1 % pour l’ensemble des autres opérateurs du spectacle vivant (notamment les théâtres nationaux).

S’y ajoutent des baisses exceptionnelles qui varient en fonction de chaque opérateur et ne touchent pas l’ensemble des établissements : elles dépendent de leur niveau de fonds de roulement et des marges de manœuvre complémentaires individuelles. Ainsi, la baisse s’établit à 0,5 million d’euros pour la Comédie française, 0,1 million d’euros pour la Villette et 3,4 millions d’euros pour l’Opéra de Paris.

Les dépenses d’investissement sont également en baisse et s’élèvent à 7,4 millions d’euros, contre 11,5 millions en loi de finances pour 2012 : cette baisse s’explique par le fait que la loi de finances de l’année en cours prévoyait le paiement de la première phase de la campagne de travaux de rénovation engagée à l’Opéra-comique, soit 4 millions d’euros ; 800 000 euros permettront en 2013 d’assurer le paiement du solde restant dû.

Les dépenses d’intervention connaissant une légère progression de 1,2 % : les transferts aux collectivités connaissent en particulier une hausse de 2,6 %, qui s’explique principalement par les crédits destinés à financer la montée en charge de la Philharmonie de Paris. Pour autant, la répartition des crédits d’intervention entre crédits centraux et crédits déconcentrés reste stable.

S’agissant des crédits centraux de fonctionnement, ils affichent une relative stabilité et s’élèvent à 67,26 millions d’euros : cette stabilité cache des évolutions contradictoires. On notera tout d’abord qu’une mesure de périmètre transfère les crédits dévolus au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet et au Théâtre des Bouffes du Nord vers les crédits déconcentrés, gérés par la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France, respectivement à hauteur de 1,795 million d’euros et de 600 000 euros. En outre, 4 millions d’euros vont à l’association de la Philharmonie de Paris, structure de préfiguration financée à parité avec la Ville de Paris.

Les crédits centraux d’intervention finançant l’investissement sont également en hausse de 4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. Cette hausse correspond à l’augmentation de 5 millions d’euros des sommes destinées à couvrir les échéances de paiement du chantier de la Philharmonie de Paris, pour un montant total de 50 millions d’euros. Une autorisation d’engagement de 25 millions d’euros est destinée à couvrir d’éventuels surcoûts.

S’agissant des crédits déconcentrés de fonctionnement, ils s’élèvent à 283,77 millions d’euros, contre 279,73 millions en LFI pour 2012. Ils financent le soutien octroyé par les DRAC aux activités artistiques et culturelles mises en œuvre par les labels et les réseaux, par les équipes artistiques, le programme des scènes conventionnées et les autres dispositifs, lieux et institutions de création et de diffusion du spectacle vivant. Cette légère augmentation concerne principalement les sept labels (centres dramatiques nationaux, centres chorégraphiques nationaux, scènes nationales, centres nationaux de création musicale, SMAC, centres nationaux pour les arts de la rue, pôles nationaux pour les arts du cirque) et les quatre réseaux de création et de diffusion artistique (orchestres permanents, opéras en région et centres de développement chorégraphiques, scènes conventionnées).

Structure par structure, les mouvements de crédits sont plus nuancés.

Rappelons que la hausse des crédits déconcentrés de fonctionnement s’explique en grande partie par la mesure de périmètre susmentionnée, c’est-à-dire par la déconcentration des crédits en en faveur Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet et au Théâtre des Bouffes du Nord.

Les crédits d’investissement déconcentrés s’élèvent à 16,74 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 19,5 millions d’euros en crédits de paiement. Ils correspondent notamment aux engagements de l’État souscrits dans le cadre des contrats de projets État-région, 2013 étant l’année de clôture de l’actuelle génération des CPER. Hors CPER, les crédits financent des opérations d’intérêt national ayant fait l’objet d’engagement de tous les partenaires publics : on peut ainsi citer pour 2012 la reconstruction du Bateau Feu, scène nationale de Dunkerque, le Pôle théâtre de la friche de la belle de mai ou encore la SMAC de Nîmes.

S’agissant des dépenses de fonctionnement, elles s’élèvent à 11 millions d’euros, contre 13,7 millions d’euros dans le PLF pour 2012. Cette baisse s’explique principalement par le transfert de 1,16 million d’euros précédemment consacrés aux grandes manifestations à la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, notamment à l’exposition Monumenta, vers les dépenses d’intervention, au titre d’opérations destinées à la diffusion de l’art contemporain.

Les subventions pour service public en faveur du Centre national des arts plastiques et de la Cité de la céramique de Sèvres s’élèvent à 7,15 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter 5,4 millions d’euros de dotation en fonds propres, soit au total 12,55 millions d’euros, en très légère augmentation par rapport à l’année précédente. En réalité, ces opérateurs participent également à l’effort de maîtrise des dépenses, la hausse s’expliquant par le transfert vers cette action de 0,16 million d’euros depuis l’action 7 du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », au titre des crédits de masse salariale relevant de l’établissement public Cité de la Céramique Sèvres Limoges.

Les dépenses d’investissement s’élèvent à 1,5 million d’euros, en forte baisse par rapport à l’an passé, cette baisse s’expliquant par l’achèvement des travaux au Palais de Tokyo.

Les dépenses d’intervention connaissent une légère hausse, notamment celles de fonctionnement, un million d’euros supplémentaire par rapport au PLF pour 2012 venant financer la société gestionnaire du Palais de Tokyo. Cette hausse est financée par le transfert, depuis les subventions pour service public, des crédits précédemment consacrés aux grandes manifestations à la Réunion des musées nationaux-Grand Palais. Les crédits centraux d’investissement, qui financent la commande publique, étant en légère baisse de 200 000 euros.

Les crédits déconcentrés de fonctionnement sont stables et s’établissent à 17,5 millions d’euros, les crédits de fonctionnement des fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) connaissant une légère augmentation.

Leurs crédits d’acquisition, inscrits au titre des crédits déconcentrés d’investissement, sont stables et s’élèvent à 2,19 millions d’euros.

7,28 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4,53 millions d’euros de crédits de paiement sont destinés à la construction ou la réhabilitation d’équipements dédiés à l’art contemporain. Une partie des opérations d’investissement sont menées dans le cadre des CPER, représentant 6,35 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3,62 millions d’euros en crédit de paiement.

Ces crédits d’investissement permettront notamment de poursuivre l’effort de l’État en faveur des FRAC de nouvelle génération ; en 2013, les nouvelles installations du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, du FRAC Franche-Comté et du FRAC Nord-Pas-de-Calais seront livrées. Les locaux du FRAC Aquitaine ouvriront en 2015.

Par ailleurs, l’agrandissement des locaux abritant la Collection Lambert en Avignon doit permettre la présentation permanente de la donation faite à l’État en 2012 par Yvon Lambert dans l’Hôtel de Montfaucon mitoyen de l’hôtel de Caumont occupé par la Collection Lambert depuis 2000. L’État participe au financement de cette opération d’aménagement qui mobilisera 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 0,72 million d’euros en crédits de paiement en 2013.

Ce programme traduit les priorités données par le Président de la République à la jeunesse et à l’éducation : de nouveaux moyens sont consacrés à l’éducation artistique et culturelle, à hauteur de 15 millions d’euros sur trois ans et les écoles d’enseignement supérieur en art et en architecture sont confortées dans leurs moyens et dans leurs effectifs.

Les crédits dévolus à cette action augmentent de 4,6 % en autorisations d’engagement et de 2,5 % en crédits de paiement.

L’enseignement supérieur dans le domaine de la culture compte cent un établissements répartis sur le territoire qui accueillent plus de 36 000 étudiants. Les subventions pour charges de service public versées à ces établissements connaissent une hausse de 1,7 million d’euros par rapport au projet de loi de finances pour 2012. Les principales hausses concernent l’école nationale supérieure des beaux-arts et les écoles nationales supérieures d’architecture.

Le renforcement des moyens dévolus aux écoles d’architecture.

À la suite d’une « Lettre ouverte aux élus de la Nation », émanant des directeurs des écoles d’architecture et alertant sur l’insuffisance des moyens à leur disposition, l’enseignement et la recherche en architecture ont fait l’objet d’une attention toute particulière du ministère.

Dans un contexte budgétaire difficile, les moyens réservés aux vingt écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) ont été préservés et des postes vont être créés afin d’engager un processus de renforcement du réseau.

Le budget pour 2013 est de 45,557 millions d’euros soit 43,057 millions d’euros pour le fonctionnement et 2,5 millions d’euros pour le petit investissement. Le budget de fonctionnement est en augmentation à hauteur de 1,6 million d’euros pour financer l’accroissement de la masse salariale en raison de l’augmentation du nombre d’emplois pesant sur le budget des écoles. Ce budget va permettre de poursuivre :

– la sécurisation des parcours professionnels des agents non titulaires des ENSA à la suite de l’adoption de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

– les actions en faveur de l’amélioration des conditions de fonctionnement des ENSA et le soutien aux initiatives propres à certains établissements, en matière d’enseignement et de recherche ;

– l’accompagnement au développement de la recherche ;

– le réaménagement des espaces d’enseignement et de recherche ;

– des travaux d’hygiène et de sécurité : mise aux normes sanitaires, sécurité incendie, gestion d’accès des locaux, installation électrique ;

– le renouvellement du parc informatique (logiciel, matériel informatique et audiovisuel), des moyens de reprographie et du réseau téléphonique ;

– l’aménagement d’ateliers « maquette » et technico-pédagogiques.

À ces crédits s’ajoute un budget d’investissement de 9,58 millions d’euros en crédits de paiement pour conduire des opérations immobilières plus ambitieuses (rénovations, extensions, nouvelles constructions). Ces crédits devraient permettre la poursuite de la construction et de la réhabilitation de l’école de Strasbourg (dont la partie « extension » sera livrée à la fin de l’année 2012) et la réhabilitation de l’hôpital Sabourin en vue de la relocalisation de l’ENSA de Clermont-Ferrand.

En 2013, afin que les ENSA bénéficient des créations de postes ciblées sur l’enseignement supérieur et la recherche, cinquante-quatre emplois y seront créés, dont 30 postes inscrits au titre 2 et 24 au titre 3. Ces emplois contribueront à consolider le fonctionnement des écoles et à valoriser l’investissement des enseignants dans la recherche.

Plafond d’emplois global des écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) :

2011

2012

2013

Emplois (ETP) rémunérés par les ENSA sur le titre 3

962

959

983

Emplois (ETPT) rémunérés par l’État sur le titre 2

1565

1600

1630

Par ailleurs, une vaste concertation doit être lancée, associant l’ensemble des acteurs des écoles (enseignants, personnels administratifs, étudiants), et les représentants de la profession d’architecte, des maîtres d’ouvrage publics et privés, des collectivités territoriales et de la société civile. Cette concertation s’inscrira en cohérence avec les assises de l’enseignement et de la recherche qui se tiendront jusqu’en décembre prochain. Elle devra aboutir, en décembre 2012, à une analyse prospective de l’enseignement et de la recherche en architecture.

Les dépenses d’investissement sont également en hausse et s’élèvent à 18,5 millions d’euros, contre 15,1 million d’euros en 2012. Cette hausse bénéficie aux écoles d’architecture, aux écoles d’art et surtout aux écoles du spectacle vivant : la dotation inscrite au PLF passe de 1,47 million d’euros en 2012 à 5,75 millions d’euros en 2013. Le ministère poursuit en région les travaux engagés à hauteur de 5,35 millions d’euros sur des opérations emblématiques telles que l’Institut international de la marionnette à Charleville-Mézières, le Centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne, le Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle à Bagnolet. Par ailleurs 0,4 million d’euros seront destinés aux études en vue de la reconstruction du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon dont les travaux devraient pouvoir commencer en 2014.

Au sein des dépenses d’intervention, les transferts aux ménages, qui correspondent aux bourses d’étude, s’élèvent à 28,7 millions d’euros, en hausse de 2,8 millions d’euros.

Les transferts aux collectivités locales s’élèvent à 17,59 millions d’euros en fonctionnement, et représentent la contribution de l’État au financement des écoles d’art territoriales et aux structures territoriales de formation professionnelle et continue du spectacle vivant. Les transferts s’élèvent à 4,79 millions d’euros en investissement, et concernent pour l’essentiel des projets inscrits aux CPER.

Les transferts aux autres collectivités s’élèvent à 28,41 millions d’euros, et sont pour l’essentiel, soit 22,7 millions d’euros, des crédits déconcentrés de fonctionnement destinés à des écoles d’art sous statut associatif ou d’établissement public de coopération culturelle et aux établissements d’enseignement supérieur en musique, en danse et en théâtre habilités par le ministère à délivrer le diplôme national supérieur professionnel de musicien, de comédien, de danseur et/ou le diplôme d’État de professeur de musique ainsi qu’à préparer au diplôme d’État de professeur de danse.

Cette action résulte de la fusion de crédits inscrits au PLF pour 2012 au titre de deux actions distinctes, « éducation artistique et culturelle » et « accès à la culture ». Les crédits dévolus à cette action s’élèvent à 75,471 millions d’euros.

La généralisation de l’éducation artistique et culturelle figure au rang des priorités du ministère.

Les orientations de la politique d’éducation artistique et culturelle

Les structures culturelles soutenues par le ministère de la culture et de la communication sont mobilisées pour être force de proposition d’actions en matière d’éducation artistique et culturelle. À ce titre, elles doivent élaborer un projet d’action éducative, au même titre que les établissements scolaires doivent compléter leur projet d’établissement par un volet culturel. Le développement de jumelages vient concrétiser cette collaboration.

L’enseignement de l’histoire des arts, désormais obligatoire de l’école primaire au lycée, a confirmé le cadre nouveau du partenariat entre établissements scolaires et structures culturelles. Ces dernières participent aux actions d’accompagnement de cet enseignement, de même qu’aux actions de formation des enseignants.

Crée en 2009 par le ministère de la culture et de la communication, le site-annuaire « histoiredesarts.culture.fr », en accès libre, compte désormais près de cinq mille articles. Il offre un service nouveau, en premier lieu aux enseignants pour qui il constitue un outil d’accès aux ressources numériques utiles à l’organisation de leur enseignement de l’histoire des arts. Mais il permet également une sensibilisation du citoyen à grande échelle, par la mise en valeur, au niveau national, non seulement des ressources culturelles des établissements publics nationaux mais aussi de celles émanant des collectivités locales et de leurs établissements de proximité.

À la suite de la réforme des lycées, la formation des nouveaux référents Culture dans les lycées a fait l’objet d’une collaboration entre les rectorats et les DRAC. De même, afin de diversifier les ressources offertes aux enseignants et aux élèves, le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la culture et de la communication ont sollicité France Télévisions pour créer la plate-forme numérique « Ciné-lycées ». Cette plateforme propose un catalogue de films du patrimoine cinématographique à destination des lycéens, pour un usage collectif au sein de l’établissement scolaire en dehors des heures de cours. Cette offre a évolué sous la dénomination nouvelle de « Culture-Lycée », en s’enrichissant peu à peu de captations de spectacle vivant, de documentaires d’art, etc. Cette proposition vient ainsi compléter, sans s’y substituer, les dispositifs existants « lycéens et apprentis au cinéma » et les enseignements obligatoires.

La politique d’éducation artistique et culturelle se traduit également par le renforcement des services éducatifs des institutions culturelles, consacrés aux actions d’éducation artistique et culturelle dans le domaine de l’histoire des arts, et plus généralement en direction des publics d’enfants et de jeunes, quel que soit leur temps de vie. Elle promeut également un soutien accru aux projets de résidences d’artistes, incluant un volet éducatif et pédagogique à l’attention des publics jeunes en temps scolaire.

Cette politique s’exerce enfin dans le cadre d’un partenariat rénové avec les collectivités territoriales. À ce titre, et en lien avec le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, le ministère a mis en place un groupe de réflexion sur la territorialisation des politiques d’éducation artistique et culturelle. Elle a également fait l’objet d’une réflexion approfondie lors d’une réunion rassemblant les délégués académiques à l’action culturelle des rectorats et les conseillers pour l’éducation artistique et culturelle des DRAC.

En s’appuyant sur une étude du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère intitulée « Action des collectivités territoriales dans l’éducation artistique et culturelle », il a été décidé d’approfondir la notion de parcours. Le parcours s’inscrit dans une politique éducative et culturelle globale et partagée. Il doit se concevoir comme une construction d’apprentissages sur un territoire, à destination des jeunes, dans et hors temps scolaire. Le parcours doit ainsi favoriser la concertation entre les différents acteurs d’un territoire, afin de construire une offre éducative et culturelle cohérente qui aille au-delà de la simple juxtaposition d’actions. Les conclusions du groupe de travail ont été suivies du lancement d’une expérimentation autour de cette notion dans sept régions en 2012.

Une réflexion a en outre été lancée à la suite des engagements présidentiels pour faire de l’éducation artistique et culturelle un grand projet national. Ainsi se dessine une évolution de la politique d’éducation artistique et culturelle du ministère, qui ne peut se concevoir et se mettre en œuvre qu’en lien avec les collectivités territoriales et l’ensemble des partenaires impliqués, acteurs culturels et éducatifs présents sur les territoires.

Longtemps centrée sur le temps scolaire en raison de l’importante et utile structuration qu’il incarne, l’éducation artistique et culturelle doit mieux intégrer les actions développées hors de ce temps scolaire. Il convient donc de s’attacher à construire une démarche de partenariat partant des territoires, de leurs acquis et de leurs potentiels propres, notamment culturel, pour les structurer et les développer. La politique d’éducation artistique et culturelle doit s’articuler à la politique culturelle d’un territoire.

L’entrée territoriale devrait permettre de décloisonner les dispositifs, de donner une cohérence aux actions partenariales développées par de nombreux acteurs culturels et éducatifs sur les différents temps de vie, de renforcer les liens entre institutions et populations jeunes pour se diriger progressivement vers une généralisation.

L’élaboration d’un parcours d’éducation artistique et culturelle de l’enfant et du jeune, constitué d’un ensemble cohérent et structuré d’actions respectant la diversité des approches et des champs abordés, à l’école et se prolongeant sur les différents temps de vie, doit devenir l’outil privilégié de cette généralisation.

Une démarche de contractualisation, s’appuyant sur les expériences des contrats locaux d’éducation artistique, des contrats territoire lecture ou des conventions de développement culturel, doit être privilégiée pour structurer et développer cette politique, au-delà de l’expérimentation en cours sur les parcours d’éducation artistique et culturelle. Elle pourrait s’appuyer sur des états des lieux puis conduire à l’élaboration de schémas territoriaux.

L’essentiel de ces crédits est consacré à des dépenses d’intervention centrale et déconcentrée, à hauteur de 69,74 millions d’euros. Notons que 2,5 millions d’euros supplémentaires viennent financer la première année de mise en œuvre du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle (EAC). Comme l’indique le projet annuel de performances, « lancé par le ministère en 2013, [ce plan] prendra appui sur une concertation nationale “pour un accès de tous les jeunes à l’art et à la culture”, déclinée au niveau territorial. Cette concertation sera menée par la ministre de la culture et de la communication, en lien étroit avec les autres ministères concernés, les collectivités territoriales et les réseaux et acteurs professionnels. Parmi les actions susceptibles d’être retenues à l’issue de cette concertation figurent :

– le renforcement du partenariat avec le ministère de l’éducation nationale pour l’organisation d’actions envers les jeunes et la participation à la formation continue des enseignants (histoire des arts notamment) ;

– le renforcement du partenariat avec les collectivités locales via des conventions de développement culturel ;

– des actions spécifiques en faveur des pratiques numériques des jeunes ;

– le renforcement des actions d’EAC pour les jeunes en situation spécifique (dans les champs suivants : justice, handicap, santé, ville, etc.).

Ces actions seront menées en articulation avec les dispositifs existants. Le plan EAC offre également l’opportunité, de procéder à une évaluation partagée avec les différents acteurs, de l’impact des divers dispositifs en vigueur. Dès lors, les crédits affectés à certains d’entre eux pourraient être redéployés en faveur de dispositifs plus efficaces et/ou bénéficiant à un plus large public. »

Les autres crédits d’intervention de l’action, centraux ou déconcentrés, sont maintenus afin de soutenir prioritairement les actions partenariales menées par le ministère sur le territoire en faveur de l’éducation artistique et culturelle et de la démocratisation culturelle.

Les crédits d’investissement s’élèvent à 3,8 millions d’euros, et financent principalement des appels à projet pour la numérisation et les services numériques culturels innovants.

Les crédits dévolus à cette action, qui s’élèvent à 21,9 millions d’euros, consistent exclusivement en des dépenses d’intervention déconcentrées, au titre de l’aide apportée par l’État aux 36 conservatoires à rayonnement régional (CRR) et aux 101 conservatoires à rayonnement départemental (CRD). Dans le cadre d’un budget contraint par la situation économique, des choix de redéploiements entre actions ont dû être effectués à hauteur de 25 % de cette dotation.

En outre, la relance de la décentralisation de ces crédits, prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, fait l’objet de travaux dans le cadre du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel en lien avec la perspective de promulgation d’une nouvelle étape de la décentralisation. Une réflexion doit également être conduite afin de clarifier la notion de rayonnement territorial.

Cette action représente 0,6 % des crédits du programme, soit un peu plus de 6 millions d’euros de dépenses d’intervention. Plus de la moitié des crédits, soit 3,8 millions, financent des actions en faveur de la diffusion des cultures étrangères en France et de l’accueil des professionnels et des artistes étrangers en France.

Cette action comprend l’ensemble des moyens financiers consacrés aux fonctions de soutien de l’administration centrale et des services déconcentrés. Elle regroupe également, depuis le projet de loi de finances pour 2011, la masse salariale en titre 2 de l’ensemble du ministère.

Ces crédits s’élèvent à 741 millions d’euros, en légère hausse par rapport au projet de loi de finances pour 2012.

Les effectifs diminuent de 67 ETPT par rapport à la loi de finances pour 2012, dont 13 en administration centrale, 10 en administration déconcentrée et trois parmi les opérateurs du ministère. Le reste des baisses concerne les services à compétences nationales, les personnels affectés dans les archives départementales et les bibliothèques municipales classées, ainsi que les élèves de l’Institut national du patrimoine et de l’École de Chaillot.

Un effet important est réalisé au niveau des dépenses de fonctionnement, qui diminuent de quatre millions d’euros, en particulier dans le domaine des affaires générales (logistique, documentation, informatique, formation et communication).

Les dépenses d’investissement sont également contenues et s’élèvent à 6,4 millions d’euros.

Depuis 2009, le CNC est exclusivement financé par le produit de trois taxes qui lui est directement affecté : la taxe sur les prix des places de cinéma (TSA), la taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST) et les taxes sur la vente de vidéogramme sous forme physique et de vidéo à la demande.

Les prévisions de recettes du compte de soutien du CNC pour 2013 s’élèvent à 700 millions d’euros contre 693,5 millions pour le budget 2012, ce qui représente une hausse de 0,9 %.

Notons que le présent projet de loi de finances, dans sa première partie, a supprimé l’écrêtement des taxes finançant le fonds de soutien au cinéma, à l’audiovisuel et au multimédia, introduit l’an passé dans le cadre de la loi de finances, écrêtement qui mettait en péril tout un écosystème fondé sur le financement de « l’amont », c’est-à-dire des contenus, par « l’aval », c’est-à-dire les diffuseurs, et qui a jusqu’alors donné d’excellents résultats, en particulier dans le domaine du cinéma.

Prévisions de recettes totales du CNC

(en millions d’euros)

Recettes du compte de soutien

Prévisions 
pour 2012

Prévisions
pour 2013

Produit de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA)

138,03

133,249

Taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (TST)

524,23

537,2

Taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes (vidéo et VàD)

31,24

29,49

Autres recettes

50

50

Total

693,5

700

Ces prévisions de recettes sont susceptibles d’être très largement affectées par le résultat des discussions en cours entre le gouvernement et la Commission européenne, qui conteste la réforme de la TST-distributeurs réalisée à l’occasion de la précédente loi de finances, et qui était destinée notamment à mettre fin à des pratiques de contournement d’un opérateur depuis 2011. Face à des difficultés persistantes, la ministre de la culture a récemment annoncé le retrait de la dernière version de la réforme de cette taxe, notifiée en septembre. L’ouvrage doit être remis sur le métier dans le but d’arriver à une solution acceptable par la Commission et équitable au regard des contenus mis à disposition par les distributeurs.

On soulignera que les dépenses du CNC affichent une baisse prévisionnelle d’un peu moins d’un million d’euros par rapport à 2012, et que le Centre réalise d’importants efforts afin de diminuer ses frais de gestions : ainsi pour la deuxième année consécutive, il est prévu de proposer au conseil d’administration de baisser le taux de frais de gestion prélevés sur le produit des taxes affectées et de porter celui-ci à 4,6 % au lieu de 5 % en 2012 et 5,6 % en 2011. Ce sont ainsi 2,8 millions d’euros qui pourront être redéployés au bénéfice des dépenses de soutien en faveur du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia.

En outre, le CNC participe significativement à l’effort de redressement des finances publiques, puisque l’article 28 du projet de loi de finances prévoit un prélèvement exceptionnel de 150 millions d’euros sur le fonds de roulement du Centre, qui s’élève à 800 millions d’euros.

II.- LA MISE EN PLACE D’UN ENSEIGNEMENT OBLIGATOIRE D’HISTOIRE DES ARTS : UN BILAN MITIGÉ

L’éducation artistique et culturelle constitue une priorité du budget du ministère de la culture et de la communication. Cette notion désigne un ensemble d’enseignements et de pratiques effectués pendant et en dehors du temps scolaire, liés à des dispositifs de partenariats mis en place par les ministères de la culture et de l’éducation nationale au cours de ces trente dernières années.

Les actions en matière d’éducation artistique et culturelle s’organisent aujourd’hui autour de trois axes : le rapport direct aux œuvres, l’approche analytique et cognitive des œuvres et la pratique effective dans le cadre d’ateliers.

Dans le domaine des enseignements dispensés pendant le temps scolaire, est venu s’ajouter aux enseignements artistiques un enseignement nouveau, celui d’histoire des arts.

Mis en place dans le cadre du plan gouvernemental d’action en faveur de l’éducation artistique et culturelle de 2008, dont il était présenté comme la principale avancée, cet enseignement avait pour ambition de « donner à chacun une conscience commune, celle d’appartenir à l’histoire des cultures et des civilisations, à l’histoire du monde (3) ».

De manière plus prosaïque, cette réforme avait pour objectif « l’acquisition par les élèves de repères historiques et méthodologiques indispensables à la compréhension des œuvres », ainsi que l’indiquait la circulaire n° 2008-059 du 29 avril 2008, et se proposait d’apporter à l’éducation artistique et culturelle à l’école une dimension théorique complétant des dispositifs existants davantage centrés sur la pratique.

La rapporteure a jugé utile, en parallèle des réflexions menées dans le cadre de la concertation sur l’avenir de l’école lancée par le ministère de l’éducation nationale, ainsi que du chantier national en faveur de l’éducation artistique et culturelle, ouvert par le ministère de la culture, d’établir un bilan de la mise en œuvre de cet enseignement.

La lettre de mission adressée en 2007 par le Président de la République et le Premier ministre à la ministre de la culture et de la communication et au ministre de l’éducation nationale d’alors, Mme Christine Albanel et M. Xavier Darcos, demandait la création d’un enseignement d’histoire de l’art. C’est à la rentrée 2008 qu’un enseignement d’histoire des arts, obligatoire de l’école primaire au lycée, a commencé à être introduit.

La première étape de la mise en œuvre de cette réforme a reposé sur la circulaire précitée qui, s’agissant de l’histoire des arts, posait deux principes. Le premier était celui d’un enseignement inclus dans les programmes de l’école primaire, du collège et du lycée et portant sur « l’ensemble du champ artistique et culturel, y compris dans sa dimension scientifique et technologique ».

Le second principe établi par la circulaire était celui d’une évaluation des connaissances acquises, marquée par une épreuve obligatoire au diplôme national du brevet.

Déclinant ces principes généraux, le bulletin officiel n° 32 du 28 août 2008 sur l’organisation de l’enseignement de l’histoire des arts devait préciser le contenu et l’organisation de cet enseignement.

La première caractéristique de l’histoire des arts est de ne pas constituer une nouvelle discipline, enseignée dans le cadre d’un horaire dédié par des enseignants recrutés spécifiquement à la suite de concours, certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) ou agrégation, d’histoire des arts. Le modèle qui a inspiré ce nouvel enseignement est en effet celui de l’option « histoire des arts » introduite en 1993 au lycée général et technologique et pris en charge par des professeurs volontaires de différentes disciplines.

Comme l’indique le Bulletin officiel, « son enseignement implique la constitution d’équipes pluridisciplinaires de professeurs réunis pour une rencontre, sensible et réfléchie, avec des œuvres d’art. […] L’histoire des arts instaure des situations pédagogiques nouvelles favorisant […] le dialogue entre les disciplines. Sans renoncer à leur spécificité, le français, l’histoire-géographie-éducation civique, les langues vivantes et anciennes, la philosophie mais aussi les disciplines scientifiques, économiques, sociales et techniques et l’éducation physique et sportive, s’enrichissent de la découverte et de l’analyse des œuvres d’art, des mouvements, des styles et des créateurs ».

Concrètement, l’enseignement est organisé par l’équipe pédagogique à l’école primaire et sur proposition du conseil pédagogique au collège et au lycée. Les professeurs, séparément ou en équipe, abordent les œuvres en « utilisant les savoirs et les savoirs faire propres à leur discipline ».

Cet enseignement repose sur trois piliers :

– les périodes historiques : l’enseignement doit couvrir la période qui va de la Préhistoire aux temps actuels ;

– six grands domaines artistiques : les arts de l’espace, les arts du langage, les arts du quotidien, les arts du son, les arts du spectacle vivant et les arts du visuel ;

– une liste de référence ou des listes thématiques indicatives et destinées à guider les enseignants dans le choix des œuvres étudiées.

Les partenariats avec les institutions culturelles, les associations, les collectivités locales, dans le cadre des dispositifs artistiques et culturels qu’elles financent, sont encouragés.

L’histoire des arts doit faire l’objet d’un suivi, d’une évaluation et d’une validation :

– le suivi est assuré au moyen d’un cahier personnel d’histoire des arts, qui accompagne l’élève tout au long de sa scolarité ;

– l’évaluation utilise les supports en usage, bulletin et livret scolaire ;

– la validation intervient au niveau du primaire et du collège aux paliers définis dans le livret de compétences et de connaissances ; l’histoire des arts fait l’objet d’une épreuve au diplôme national du brevet.

Les objectifs affichés sont extrêmement ambitieux :

– offrir à tous les élèves « des situations de rencontres, sensibles et réfléchies, avec des œuvres » ;

– « les amener à se construire une culture personnelle à valeur universelle » ;

– « leur permettre d’accéder progressivement au rang d’amateurs éclairés » ;

– « les aider à franchir spontanément les portes d’un musée, d’une galerie, d’une salle de concert, d’un cinéma d’art et d’essais, d’un théâtre, d’un opéra, et de tout autre lieu de conservation, de création et de diffusion du patrimoine artistique » ;

– « donner des éléments d’information sur les métiers liés aux domaines de l’art et de la culture ».

Il s’agit donc d’objectifs de trois ordres : l’un relève de l’acquisition d’une culture générale artistique, le deuxième vise à familiariser les élèves avec les institutions culturelles et le dernier privilégie l’information sur les débouchés professionnels offerts par le champ artistique et culturel.

 L’école primaire

Le Bulletin officiel précise qu’en cycle 1 et 2, l’enseignement de l’histoire des arts procède d’une approche « buissonnière ». En cycle 3, il repose sur les trois piliers évoqués supra ; la liste de référence suggère par exemple, pour la période de la Préhistoire à l’Antiquité gallo-romaine, l’étude d’une architecture préhistorique et antique, d’une parure, d’un objet militaire ou d’une mosaïque, d’une peinture de Lascaux et d’une sculpture antique.

Un volume horaire de vingt heures doit être consacré à l’histoire des arts en cycle 3.

 Le collège

Toutes les disciplines contribuent à l’enseignement de l’histoire des arts, « en cohérence avec les volets " histoire des arts " de leur programme disciplinaire ». Le Bulletin officiel rappelle en outre les exigences posées en la matière par la circulaire d’avril 2008, qui disposait que l’histoire des arts représentait un quart du programme d’histoire et la moitié du programme d’éducation musicale et d’arts plastiques.

L’enseignement repose sur les trois piliers précédemment mentionnés ; s’agissant plus particulièrement des périodes historiques, une progression chronologique est organisée de la sixième (de l’Antiquité au IXème siècle) jusqu’à la troisième (le XXème siècle et notre époque).

La liste des thématiques suggère d’aborder les œuvres au regard de six problématiques : arts, création, culture ; arts, espace, temps ; arts, États, pouvoirs ; arts, mythes, religions ; arts, techniques, expressions ; arts, ruptures, continuités.

 Le lycée

Un volume horaire annuel de vingt-quatre heures doit être consacré à l’histoire des arts, de la seconde à la terminale.

Les périodes historiques étudiées vont du XVIème siècle à l’époque contemporaine.

La liste des thématiques comporte quatre champs, eux-mêmes subdivisés en thématiques :

– champ anthropologique : arts, réalités, imaginaires ; arts et sacré ; arts, sociétés, cultures ; arts, corps, expressions ;

– champ historique et social : arts et économie ; arts et idéologie ; arts, mémoires, témoignages, engagements ;

– champ technique : arts, contraintes, réalisation ; arts, sciences et techniques ; arts, informations, communications ;

– champ esthétique : arts, artistes, critiques, publics ; arts, goûts, esthétiques ; arts, théories et pratiques.

Une première observation s’impose quant à la manière dont le projet de création d’un enseignement d’histoire des arts a été conçu : élément du programme de celui qui devait devenir président de la République en 2007, ce projet a été inscrit dans la lettre de mission évoquée ci-dessus et ce n’est que dans un second temps qu’une réflexion s’est engagée pour en préciser les principes, les objectifs, les caractéristiques, notamment dans le cadre du rapport confié à M. Éric Gross, remis au ministre de l’éducation nationale et à la ministre de la culture et de la communication en décembre 2007 (4). La circulaire d’avril 2008 étant, s’agissant de l’histoire des arts, relativement laconique, c’est le Bulletin officiel précité qui est venu apporter des précisions indispensables à la mise en œuvre de ce projet, le 28 août 2008, à quelques jours de la rentrée.

La réforme a donc été annoncée avant d’avoir été pensée : il en subsiste des ambigüités persistantes qui occasionnent des déceptions et des incompréhensions.

Il convient tout d’abord de relever un glissement sémantique apparemment anodin mais d’une grande importance : alors que la lettre de mission de 2007 évoquait encore l’histoire de l’art, quelques mois plus tard le rapport d’Éric Gross mentionne l’histoire des arts, vocable qui sera repris tant dans la circulaire d’avril 2008 que dans le Bulletin officiel d’août 2008.

Ce glissement manifeste le choix qui s’est progressivement imposé de faire de l’histoire des arts « un dispositif d’enseignement, pas une discipline », selon une formule employée lors de son audition M. Jean-Yves Moirin, doyen du groupe permanent et spécialisé « enseignements et éducation artistiques » au sein de l’Inspection générale de l’éducation nationale.

L’introduction, aux premier et second degrés, d’une nouvelle discipline, l’histoire de l’art, aurait supposé de lui conférer toutes les caractéristiques que présentent celles-ci dans notre système éducatif : professeurs du second degré recrutés par concours (CAPES ou agrégation), corps d’inspection, horaires spécifiques, programme, évaluation au diplôme national du brevet ou du baccalauréat.

Or dans une note adressée à la rapporteure, le ministère de l’éducation nationale explique avoir « choisi de ne pas ajouter aux nombreuses disciplines déjà présentes dans le système scolaire une discipline supplémentaire et de ne pas alourdir d’autant les emplois du temps des élèves, mais plutôt de s’appuyer sur les démarches et pratiques de disciplines constituées qui intègrent déjà l’histoire de l’art (enseignements artistiques et histoire notamment) et d’exploiter les potentialités des autres pour assurer cet enseignement. […] L’histoire des arts, sous cette forme, doit permettre de faire dialoguer les disciplines, encourager un travail pluridisciplinaire, en équipe, et atténuer le découpage disciplinaire parfois trop strict et rigide des savoirs et savoir-faire. En l’absence de la création d’une discipline nouvelle, il n’a donc pas été instauré de concours de recrutement spécifique. »

Si un tel choix ne soulève pas de grandes difficultés dans l’enseignement primaire, où les enseignants sont par nature habitués à enseigner plusieurs disciplines, en revanche dans le secondaire, le système français s’avère fortement disciplinaire, reposant sur le triptyque associant une matière, un horaire et un enseignant : un tel choix s’avérait donc très audacieux. Concevoir dans ce cadre une telle réforme n’est pas allé sans malentendus ni déceptions.

La première des difficultés a été occasionnée par le fait qu’en l’absence de création d’une nouvelle discipline, il n’y avait donc pas lieu de recruter des professeurs chargés de l’enseigner.

Or, la référence initiale à l’histoire de l’art laissait augurer qu’une réponse allait être apportée à une revendication qu’on pourrait presque qualifier d’historique des historiens de l’art : la création d’un CAPES et d’une agrégation d’histoire de l’art.

Comme le rappelle le Livre blanc sur l’enseignement de l’histoire des arts, établi par l’Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités, « à plusieurs reprises, il a été projeté d’introduire l’histoire de l’art dans le secondaire, notamment, sous l’impulsion d’André Chastel, lors de la grande réforme de l’université mise en œuvre par Edgar Faure qui suivit mai 1968. Mais toutes les occasions furent manquées ». Le projet initial de création d’une agrégation d’histoire de l’art ayant échoué au profit de l’agrégation d’arts plastiques, l’annonce réalisée en 2007 de la mise en place d’un enseignement obligatoire d’histoire de l’art avait suscité beaucoup d’espoir parmi la communauté des historiens de l’art.

Cette inflexion par rapport à l’annonce initiale de l’ancien Président de la République en 2007 a, on le conçoit aisément, entraîné une grande déception parmi les historiens de l’art, qui y ont vu le témoignage d’un manque de considération pour leur discipline : de ce point de vue, certaines formules employées dans le Bulletin officiel d’août 2008 ne pouvaient qu’entretenir ce sentiment. Le passage soulignant notamment que « le professeur de français collabore à l’enseignement de l’histoire des arts avec sa compétence propre […] et n’a pas besoin pour cela d’une formation spécifique » a été particulièrement mal perçu.

En outre, alors que les corps d’inspection (5) jouent un rôle fondamental dans la mise en œuvre des orientations de la politique éducative, leur organisation et leur recrutement par spécialité disciplinaire rend extrêmement difficile de les mobiliser pour la mise en œuvre d’un enseignement interdisciplinaire. Ainsi que l’a souligné le Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle lors de son audition, il s’agit de deux logiques difficiles à concilier, ce qui peut expliquer les difficultés d’une mise en œuvre uniforme de l’enseignement de l’histoire des arts. Un inspecteur général d’histoire des arts, M. Henri de Rohan-Csermak, a bien été nommé, mais la tâche paraît immense pour un seul homme, en dépit de ses qualités ou de sa bonne volonté.

L’absence d’horaire dédié à cet enseignement supposait en principe que l’ensemble des disciplines participe à la mise en œuvre de l’enseignement d’histoire des arts et s’organise afin de lui faire une place.

Pourtant, certaines disciplines ont été plus sollicitées que d’autres : le Bulletin officiel d’août 2008 a ainsi consacré le principe en vertu duquel la moitié des programmes d’arts plastiques et d’éducation musicale devait désormais être consacrée à l’histoire des arts.

Les professeurs d’éducation musicale et les professeurs d’arts plastiques ont alors dénoncé le procédé consistant à subordonner la mise en œuvre d’un nouvel enseignement à la réduction du temps imparti aux pratiques artistiques, alors même que l’école accorde d’ores et déjà tant de place à la théorie. Les parents d’élève auditionnés par la rapporteure, et notamment la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), se sont également associés à cette critique. L’intérêt d’aborder l’éducation artistique et culturelle de manière plus théorique, qui était l’un des objectifs de la réforme, ne pouvait dès lors être compris.

La difficulté à créer un enseignement interdisciplinaire dans un système fortement disciplinaire s’est également manifestée dans l’élaboration des programmes. Deux options pouvaient être envisagées : soit le programme de chaque discipline était modifié afin de faire une place à ce nouvel enseignement, soit un programme dédié était élaboré.

C’est finalement à chacune de ces options que la solution retenue a emprunté. Le Bulletin officiel d’août 2008 disposait ainsi que l’enseignement de l’histoire des arts « fait l’objet d’un volet spécifique dans les programmes des différents champs disciplinaires enseignés aux trois niveaux scolaires » et fixait même des objectifs chiffrés s’agissant des programmes d’arts plastiques, d’éducation musicale et d’histoire.

Les programmes ont donc été modifiés, mais d’une façon relativement artificielle. Pour ne citer qu’un exemple, on peut se référer au programme d’histoire géographie de la classe de 6ème, qui annonce en préambule que « la place de l’histoire des arts est importante dans chacune des parties du programme, dans la mesure même où ce programme est orienté essentiellement vers l’étude de grandes civilisations entre le IIIème millénaire av. J.-C. et le VIIIème siècle. » Il s’agit de l’unique mention de l’histoire des arts dans tout le document, et on ne peut pas dire qu’elle constitue un programme très explicite.

Dans le même temps, le Bulletin officiel d’août 2008 a élaboré un programme extrêmement vaste et ambitieux, qui paraît totalement irréalisable compte tenu de l’absence d’horaire dédié. On en veut pour preuve que, comme l’a fait observer lors de son audition le Syndicat national de l’enseignement supérieur – Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU), si ce programme comporte des entrées thématiques très riches, ce ne sont pas sur ces thèmes que les élèves sont évalués au cours de l’épreuve d’histoire des arts au diplôme national du brevet : celle-ci ne porte pas en effet sur les problématiques «  arts, création, culture », « arts, espace, temps » ou « arts, États, pouvoirs », mais plus modestement sur cinq « objets d’étude », autrement dit sur cinq œuvres, ce qui constitue un programme d’évaluation plus réaliste.

Le principe d’une évaluation au diplôme national du brevet souligne également la difficulté à concilier les deux logiques disciplinaire, qui est celle qui prévaut dans l’enseignement secondaire aujourd’hui, et interdisciplinaire, dont procède l’histoire des arts : comme cela a été expliqué à plusieurs reprises à la rapporteure, le système français attachant une très grande importance au diplôme, sans épreuve en fin de scolarité obligatoire, l’histoire des arts n’aurait probablement jamais été mise en œuvre, à plus forte raison en l’absence d’horaire et de professeurs dédiés.

L’introduction d’une épreuve d’histoire des arts constituait une garantie de l’effectivité de cette réforme, et chacun s’accorde à dire aujourd’hui qu’un tel principe doit être maintenu. Pour autant, l’attribution à cette épreuve d’un coefficient 2, le même coefficient que celui des épreuves de français, de mathématiques ou d’histoire-géographie, qui constituent des disciplines à part entière, a soulevé et continue de soulever une profonde incompréhension, tant de la part des enseignants que de celle des parents d’élèves.

Les nombreuses difficultés consistant à mettre en place un enseignement interdisciplinaire dans un enseignement qui ne l’est pas, ou trop peu, doivent-elles conduite à revoir les principes qui ont guidé la conception de ce projet, voire à l’abandonner ?

Lors des auditions menées par la rapporteure, tant les syndicats d’enseignants et de personnels de direction que les fédérations de parents d’élèves ont porté une appréciation positive sur le choix qui a conduit à faire de l’histoire des arts un enseignement qui mobilise toutes les disciplines.

Tous manifestent d’ailleurs leur attachement au caractère transversal de cet enseignement et se disent opposés à toute « disciplinarisation », pour reprendre un terme du Syndicat général de l’éducation nationale – Confédération française des travailleurs (SGEN-CFDT) de l’histoire des arts. Les espaces ouverts à la mise en œuvre d’une pédagogie de projets et au travail en équipe sont en effet relativement rares, notamment dans le second degré, et cette réforme a de ce point de vue était perçue comme une opportunité.

Pour maintenir cet acquis, tout en facilitant l’appropriation de cet outil par les enseignants et les élèves, certains insistent, à l’instar de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Éducation, sur la nécessité de consacrer à cet enseignement un horaire dédié. Il s’agit sans aucun doute d’une base de réflexion intéressante, à condition que cet horaire ne vienne pas s’ajouter à un emploi du temps déjà chargé, et que chaque discipline et chaque enseignant donne un peu de son temps afin de l’aménager.

Cette idée rejoint l’une des préconisations du rapport de la concertation sur l’avenir de l’école, rendu public au début du mois d’octobre. Il recommande notamment de « rendre possibles des regroupements d’horaires pour offrir des plages plus longues d’éducation culturelle et de mise en œuvre de projets à l’initiative des équipes dans le cadre d’une coopération entre écoles et collèges. »

Si la définition des grands principes de cette réforme n’a pas été sans mal, il en va de même s’agissant de sa mise en œuvre, qui a soulevé un fort mécontentement tant parmi les enseignants que les parents d’élèves.

À l’école primaire, l’introduction de l’histoire des arts n’a pas entraîné de grands bouleversements : comme l’a indiqué le Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et PEGC – Fédération syndicale unitaire (SNUIPP-FSU) lors de son audition, la circulaire d’avril 2008 et le Bulletin officiel d’août 2008 n’ont fait qu’entériner des pratiques qui existaient déjà.

La rapporteure en a reçu confirmation lors de sa visite à l’école élémentaire de la rue Championnet, dans le 18ème arrondissement de Paris : elle a assisté, dans la classe de CM1 de Mme Caroline Jarraud, à l’intervention de Mme Sabine Thiriot, responsable du service éducatif du musée du Jeu de Paume. Le partenariat noué entre les deux établissements s’articule autour de trois interventions annuelles en classe de personnels du musée, et de trois visites de la classe au musée. Cette expérience remarquable de formation à l’image, qui sert aussi de support à l’acquisition de compétences telles que la maîtrise du langage et présente pour l’essentiel une dimension théorique et de contact avec les œuvres, a commencé avant la décision de créer un enseignement d’histoire des arts.

Le constat n’a guère évolué depuis 2010 : dans son rapport pour avis sur les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2011 (6), notre collègue Marie-Odile Bouillé s’était déjà émue du peu d’impact de cette réforme à l’école primaire : « les enseignants ne semblent absolument pas s’être appropriés la question pour le moment. Ce constat est confirmé par un rapport de juillet 2010 (7) rédigé par l’inspection générale de l’éducation nationale. Consacré à l’école primaire, le rapport souligne, s’agissant notamment de l’école élémentaire, que " les pratiques artistiques et l’histoire des arts bénéficient d’un temps nettement inférieur à la durée officielle dans une classe de cours préparatoire sur trois ". De même, au cycle 3 de l’école élémentaire, les emplois du temps étudiés par l’inspection générale " fournissent peu d’information sur la mise en place de l’histoire des arts (…) et l’histoire des arts ne fait l’objet d’une plage horaire identifiée que dans 10 % des emplois du temps ". Elle est associée à une autre discipline dans seulement un emploi du temps sur cinq… Au-delà de quelques initiatives partenariales intéressantes, " l’histoire des arts relève plus souvent de compléments autour de productions en arts visuels avec mention de quelques œuvres relevant d’autres domaines, parfois très éloignés, ou d’événements rassemblés dans une frise chronologique. Pour de très nombreux enseignants, ce champ se confond avec les sorties à caractère culturel ". Et l’inspection générale de conclure, " l’histoire des arts n’a encore pas véritablement trouvé sa place comme champ d’enseignement ". »

S’agissant du collège, le principe d’un enseignement « porté par tous les enseignants » a été très difficile à mettre en œuvre. La bonne volonté des uns et des autres a pu permettre des réussites ponctuelles, mais les conseils pédagogiques, instance de consultation des enseignants sur la politique éducative de l’établissement, ne sont pas toujours saisis de cette question : il est vrai que pour la traiter de manière satisfaisante, il faudrait pouvoir y consacrer un temps important, ce qui est rarement possible.

L’exigence en vertu de laquelle un quart du programme d’histoire et la moitié du programme d’éducation musicale et d’arts plastiques devaient être consacrés à l’histoire des arts n’est pas respectée.

Au lycée, la réforme n’est absolument pas appliquée : l’objectif du baccalauréat monopolise en effet les efforts des enseignants. En outre, comme le faisait observer M. Henri de Rohan-Csermak, inspecteur général de l’éducation nationale, alors qu’au collège, le déploiement de la réforme s’est beaucoup appuyé sur les professeurs d’arts plastiques, seule la moitié des lycées compte des enseignements optionnels d’histoire des arts : il n’y a donc pas partout d’enseignant susceptible d’être moteur pour la mise en œuvre de cet enseignement. Ce constat ne reçoit que de rares démentis, le plus souvent dans des lycées agricoles ou des lycées professionnels, comme la rapporteure a pu le constater lors de sa visite au musée du Louvre, où elle a participé à un atelier de photographie avec une classe de terminale du lycée professionnel Erik Satie.

Enfin, les élèves devaient « garder mémoire de leur parcours » tout au long de leur scolarité dans un cahier personnel d’histoire des arts : il s’agissait d’un élément important notamment pour permettre à l’élève d’appréhender la dimension chronologique de l’enseignement dispensé. Comme l’a indiqué la Fédération des parents d’élève de l’enseignement public (PEEP), ce cahier n’est absolument pas mis en place.

Après une expérimentation lors de la session 2009/2010, l’épreuve d’histoire des arts au diplôme national du brevet s’est mise en place de manière particulièrement chaotique. En effet, ni la circulaire d’avril 2008, ni le Bulletin officiel d’août 2008 ne comportaient la moindre indication sur la manière dont cette épreuve devait se dérouler. Une note de service de 2009 en renvoyait les modalités d’organisation à l’équipe pédagogique de chaque établissement et dans l’inévitable confusion provoquée par cette absence de consignes, il semble même que certains jurys soient allés jusqu’à intégrer des parents d’élèves, si l’on en croit le Livre blanc de l’APAHAU précité.

Une nouvelle circulaire n° 2011-189 du 3 novembre 2011 est venue préciser que l’épreuve orale d’histoire des arts devait faire l’objet d’un vote du conseil d’administration fixant, au plus tard à la fin de l’année scolaire précédente, les modalités de l’organisation de l’enseignement de l’histoire des arts et de l’épreuve orale.

Notons que cette circulaire est intervenue bien tardivement dans le calendrier d’organisation des épreuves de la session 2011/2012. En outre, et comme l’a souligné le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN), on ne peut qu’être perplexe devant la compétence ainsi dévolue au conseil d’administration, qui ne se prononce d’habitude pas sur ce genre de question. Dans les faits, la décision intervient en conseil pédagogique et est dans le meilleur des cas validée par le conseil d’administration.

La circulaire prévoit qu’un jury est constitué de deux professeurs, qui évaluent l’élève qui présente l’épreuve individuellement ou en groupe sur le fondement d’un exposé puis d’un entretien portant sur un objet d’étude choisi parmi une liste de cinq objets d’étude, liste validée par le ou les professeurs qui encadrent la préparation. Les élèves ont la possibilité de préparer des dossiers sur ces objets d’étude, avec lesquels se présenter lors de l’épreuve.

La circulaire précise que deux objets d’étude peuvent ne pas appartenir au XXème siècle : cette précision est compréhensible si l’on considère que le programme d’histoire des arts en 3ème porte sur cette période, mais sans doute regrettable au regard de l’objectif d’un enseignement censé permettre aux élèves d’acquérir des repères chronologiques. Certes, le cahier personnel d’histoire des arts devrait fournir aux jurys un instrument d’évaluation de l’acquisition de ces repères mais, comme nous l’avons vu, il n’est pas mis en œuvre.

Chaque établissement étant peu ou prou renvoyé à lui-même, les parents d’élèves en retirent le sentiment d’un grand arbitraire. Si le principe d’une épreuve orale est jugé positif et susceptible de permettre aux élèves ayant des difficultés avec les modalités classiques d’évaluation de se valoriser, en réalité l’inégale implication des équipes dans la mise en œuvre de ce nouvel enseignement et dans la préparation de l’épreuve a sans doute contribué à en faire un instrument de reproduction des inégalités : la FCPE a à juste titre souligné que dans certains établissements, une liste d’œuvres était établie par le conseil pédagogique mais ne faisait pas l’objet d’une préparation en cours d’année. Les élèves étaient donc évalués sur le fondement de dossiers préparés à la maison, avec les parents.

Conscients des limites de cette épreuve, les jurys ont sans doute cherché à ne pas en faire assumer les conséquences aux élèves : la moyenne obtenue à cette épreuve lors de la session 2012 atteint 13,4, chiffre relativement élevé qui témoigne sans doute moins de l’excellence de la préparation à cette épreuve que de la mansuétude des jurys.

L’examen exerce ainsi un effet de loupe sur les échecs de cette réforme, qu’un seul exemple suffit à illustrer : d’après M. Henri de Rohan-Csermak, 90 % des élèves ont été interrogés sur Guernica lors de cette épreuve…

Les enseignants chargés, chacun dans leur discipline, d’enseigner l’histoire des arts, étaient encouragés par le Bulletin officiel d’août 2008 à nouer des partenariats avec les institutions culturelles.

Mais comme le faisait observer le SNES-FSU lors de son audition, on constate d’importantes inégalités, notamment au niveau territorial : l’accès des élèves aux ressources culturelles territoriales dépend bien sûr de la densité des équipements culturels, mais également des moyens susceptibles d’être mis en œuvre par les collectivités locales pour financer des déplacements coûteux dans les institutions culturelles. Or ce n’est pas toujours le cas, notamment dans les zones rurales.

En outre, comme le faisait observer M. Henri de Rohan-Csermak, les institutions culturelles commencent à souffrir d’un certain engorgement : 12 millions d’élèves sont en théorie concernés par cet enseignement obligatoire et les enseignants, privés de toute formation digne de ce nom, se tournent assez naturellement vers elles. Les responsables des services éducatifs des institutions culturelles rencontrés par la rapporteure ont confirmé devoir faire preuve d’une certaine sélectivité dans le traitement des demandes de partenariat.

Dans ce contexte, la qualité des ressources pédagogiques à disposition des enseignants est essentielle : les ressources numériques sont de ce point de vue une manière de compenser l’inégale répartition des institutions culturelles sur le territoire ou l’inégalité des moyens pour y accéder.

Le ministère de la culture met particulièrement en exergue le travail effectué à travers le portail de l’histoire des arts sur internet. La navigation permet de rechercher des ressources en fonction du niveau des élèves, des domaines artistiques ou des thématiques inscrites au programme. Peuvent s’y ajouter des critères de recherche liés à une ville ou un organisme culturel. En parallèle, un accès aux ressources par région est également possible, mais sans possibilité d’y coupler des critères de niveau, de domaine artistique ou de thématique. En dépit des efforts réalisés, la rapporteure ne retire pas de ses auditions le sentiment que ce portail se soit imposé comme référence auprès des enseignants. Certains d’entre eux n’en connaissaient d’ailleurs pas l’existence.

Les principales maisons d’édition de manuels ont par ailleurs toutes consacré des ouvrages au nouvel enseignement d’histoire des arts. Mais comme le fait observer l’APAHAU dans son Libre blanc précité, la grande majorité de ces publications est cependant destinée aux professeurs des écoles. On retrouve ainsi dans le domaine des publications la même césure évoquée plus haut entre école primaire d’une part, où la dimension interdisciplinaire de l’enseignement de l’histoire des arts trouve plus aisément sa place, et le collège et le lycée d’autre part, structurés de manière fortement disciplinaire et où l’histoire des arts a plus de mal à trouver sa place.

L’histoire des arts n’étant pas constituée en discipline confiée à des professeurs spécialisés, la formation des professeurs revêt donc une particulière importance. Or force est de constater que celle-ci a été notoirement insuffisante.

Rappelons tout d’abord que la circulaire d’avril 2008 annonçait une « évolution des concours de recrutement et de la formation initiale des enseignants». S’agissant des concours, le Livre blanc de l’APAHAU indique que « en dépit des intentions affichées, et malgré les arrêtés du 28 décembre 2009 fixant de nouvelles modalités d’organisation, les concours de recrutement n’ont pas fait l’objet de modifications : seule l’agrégation de musique, l’agrégation d’arts – plastiques et appliqués – et, pour le collège, le CAPES d’arts plastiques comprennent une épreuve d’admissibilité plus ou moins liée à l’histoire des arts ».

S’agissant de la formation initiale, et comme le soulignait M. François Werckmeister, vice-président de la Conférence des directeurs d’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) lors de son audition, la réforme visant à introduire l’histoire des arts à l’école a été concomitante à celle de la formation des enseignants et de la masterisation. Avant 2007, la mise en œuvre d’actions de formation dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle relevait essentiellement de la volonté de chaque IUFM, établissement public autonome. Désormais les IUFM sont intégrés aux universités et la formation initiale dépend des masters proposés par ces dernières. Or ces masters n’intègrent pas la question de l’histoire des arts : il est donc fondamental que le ministère de l’éducation se montre plus volontaire sur cette question dans les cahiers des charges des maquettes des masters professionnels.

Le rapport d’Éric Gross précité appelait par ailleurs de ses vœux une réactivation des certifications complémentaires. Il est en effet possible depuis 2004, pour les enseignants du premier et second degré, d’obtenir une certification complémentaire dans le but « de [leur] permettre de valider des compétences particulières qui ne relèvent pas du champ de leurs concours. Il est aussi de constituer un vivier de compétences pour certains enseignements pour lesquels il n’existe pas de sections de concours de recrutement et, à terme, de mieux préparer le renouvellement des professeurs qui en ont eu la charge (8). » Cette certification peut porter notamment sur le cinéma et l’audiovisuel, la danse, le théâtre et l’histoire de l’art. Il n’est donc pas question ici de l’histoire des arts telle qu’elle a été conçue en 2008, alors que cet enseignement répond à la définition des « compétences particulières » que la certification a pour objet de valider. Comme le fait observer avec facétie l’APAHAU dans son Livre blanc, « le nouvel enseignement d’histoire des arts, qui regroupe les quatre options au sein de ses domaines artistiques, encouragerait par conséquent les enseignants à solliciter quatre certifications complémentaires différentes ». Sans doute faudrait-il envisager la création d’une certification complémentaire spécifique à l’histoire des arts.

S’agissant de la formation continue, des actions nationales ont été mises en œuvre à partir de 2009 : un colloque national sur l’enseignement de l’histoire des arts a été organisé en septembre 2009 à Paris à destination des chefs d’établissement, des inspecteurs d’académie - inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR) de toutes les disciplines, des inspecteurs de l’éducation nationale de l’enseignement général et de l’enseignement technique (IEN-ET-EG), des conseillers pédagogiques et des inspecteurs de l’éducation nationale du premier degré, des délégués académiques de l’action culturelle.

Par la suite, l’essentiel des formations nationales a reposé sur les ressources de l’Institut national d’histoire de l’art et de l’APAHAU, en particulier à l’occasion du festival d’histoire de l’art de Fontainebleau. Une première université d’été d’histoire des arts, portant sur le thème « Arts, États, Pouvoir », en partenariat avec l’INHA, s’est tenue en août 2010, à Paris, à destination des IA-IPR et des professeurs formateurs. Les ateliers ont porté sur l’intégration en classe des ressources virtuelles et des visites de lieux du patrimoine de proximité.

Une université de printemps sur le thème « Arts, sciences, techniques », élaborée avec l’inspection générale, en partenariat avec l’INHA et le château de Fontainebleau, s’est déroulée en mai 2011 lors du premier Festival de l’histoire de l’art organisé notamment par le ministre de la culture et de la communication. La formation, à destination de 100 IA-IPR, IEN-ET arts appliqués, professeurs formateurs de lycées général, professionnel ou technologique ou de collège, délégués académiques à l’action culturelle, en présence de directeurs régionaux des affaires culturelles et de directeurs des centres régionaux de documentation pédagogique, a porté sur une thématique au programme du lycée.

Une deuxième université de printemps sur le thème « Arts, espace, temps », s’est déroulée en juin dernier. Les thèmes abordés en conférence ont donné lieu à des illustrations pédagogiques en classe par un IA-IPR ou un enseignant. La session a réuni une centaine d’IA-IPR et enseignants formateurs.

Ces actions nationales appellent une question et un commentaire. La première a été soulevée par M. Philippe Sénéchal, président du Comité français d’histoire de l’art : la totalité de ces formations nationales étant destinées aux « cadres » de l’éducation nationale, les enseignants ont-ils pu en retirer quelque bénéfice ? D’après les réactions des syndicats d’enseignants, interrogés sur ce point par la rapporteure, on ne peut qu’être enclin à un certain scepticisme.

En outre, notons que la frustration des historiens de l’art, que nous avons évoquée plus haut, est d’autant plus compréhensible que les seules actions de formation à l’histoire des arts que le ministère de l’éducation nationale est en mesure de mettre en exergue reposent exclusivement sur l’apport des universitaires spécialistes de l’histoire de l’art. Voilà une contradiction qui ne contribue certainement pas à apporter de l’apaisement.

Au niveau académique, ces actions nationales sont relayées par les plans académiques de formation. D’après les chiffres fournis par le ministère de l’éducation nationale, en 2009-2010, « la mise en application d’un nouvel enseignement d’histoire des arts » représentait 3,63 % de l’offre totale de formation. Ce pourcentage diminue en 2010-2011 pour atteindre 3,60 % de l’offre totale de formation au premier degré, et 2,20 % de l’offre totale de formation dans le second degré. En 2011-2012, elle est incluse dans le libellé « éducation artistique et culturelle et enseignement de l’histoire des arts » et représente, au début du mois de septembre 2012, 4,86 % de l’offre totale de formation dans le premier degré et 5,87 % de l’offre totale de formation dans le second degré.

De manière générale, les syndicats d’enseignant relèvent tous le manque de formation au regard de l’innovation qu’a constitué l’introduction de ce nouvel enseignement. La rapporteure a elle-même pu vérifier ce constat lors de sa visite dans la classe de CM1 de l’école élémentaire de la rue Championnet, dans le 18ème arrondissement de Paris : dans le cadre du partenariat mis en place avec le musée du Jeu de Paume, des formations sont organisées au bénéfice des enseignants, dont la moitié a lieu sur le temps libre de ces derniers et n’est pas inscrite au plan académique de formation (PAF). De même au musée du Louvre, des formations gratuites sont organisées par l’établissement au bénéfice des enseignants, sans être prises en charge au titre du PAF, et la demande excède très largement les capacités d’accueil du musée. Tout ceci témoigne certes de l’intérêt des enseignants pour cet enseignement, mais constitue sans doute également un indice d’un certain désarroi.

Au demeurant, les formations sont le plus souvent organisées à l’extérieur des établissements, alors que les caractéristiques de l’histoire des arts justifieraient que ces formations soient organisées au bénéfice d’équipes pédagogiques sur site, ainsi que l’a préconisé l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Éducation lors de son audition.

Enfin, le rapport d’Éric Gross mettait de grands espoirs dans les pôles de ressource pour l’éducation artistique et culturelle (PREAC) : la circulaire n° 2007-090 disposait que « les PREAC ont pour vocation de fournir des ressources et des outils pour le développement de l’éducation artistique et culturelle, dans toutes ses dimensions et sur tous les domaines concernés. Ils accompagnent ce développement selon deux axes principaux :

– la structuration, l’édition et la diffusion des ressources pédagogiques, documentaires ou didactiques ;

– l’organisation d’actions de formation répondant aux besoins exprimés par les différents partenaires. »

Un comité national de pilotage associant la Direction générale de l’enseignement scolaire, le Centre national de documentation pédagogique (CNDP) et le ministère de la culture et de la communication avait donc proposé l’attribution de missions nationales à plusieurs PREAC, afin d’accompagner la mise en place de l’enseignement d’histoire des arts.

Six PREAC ont ainsi été pressentis pour porter des missions nationales dans les domaines du cinéma (Clermont-Ferrand), de la danse (Orléans-Tours), de la culture scientifique et technologique (Reims), du design (Lyon), de la littérature (Poitiers) de la musique (Dijon), du patrimoine (Aix-Marseille) et de la photographie (Aix-Marseille également). Ces missions nationales devaient être opérationnelles au cours de l’année scolaire 2010-2011.

Il n’a cependant pas été possible de donner une impulsion nationale à ces pôles structurés au plan régional pour des raisons de moyens, l’administration centrale ni le CNDP n’ayant été en mesure d’abonder leurs budgets.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission procède, le lundi 5 novembre 2012, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2013 de la mission « Culture » (9).

II.- EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine pour avis, au cours de sa séance du mercredi 7 novembre 2012, les crédits pour 2013 de la mission « Culture » sur le rapport de Mme Colette Langlade (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture) et de M. Gérald Darmanin (Patrimoines).

M. le président Patrick Bloche. Je rappelle que les crédits de la mission « Culture » font l’objet d’une procédure d’examen en commission élargie. La commission élargie a eu lieu lundi dernier ; à cette occasion, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a déjà répondu à de nombreuses questions, non seulement sur le projet de budget pour 2013, mais aussi sur les perspectives pour 2014.

Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis des crédits de la création et de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture. L’éducation artistique et culturelle constitue une priorité du budget du ministère de la culture et de la communication, ce qui se traduit par des crédits supplémentaires dès cette année ; elle fait en outre l’objet de nombreuses réflexions, dans le cadre tant de la concertation sur l’avenir de l’école lancée par le ministère de l’éducation nationale que du chantier national en faveur de l’éducation artistique et culturelle ouvert par le ministère de la culture. C’est pourquoi j’ai souhaité dresser aujourd’hui un bilan de la mise en œuvre de l’enseignement obligatoire d’histoire des arts, de l’école primaire au lycée.

C’est dans la lettre de mission adressée en 2007 par le Président de la République et le Premier ministre à la ministre de la culture et de la communication et au ministre de l’éducation nationale que figure la création d’un enseignement d’histoire de l’art, mis en place à la rentrée 2008.

La réforme a été imposée d’en haut, sans aucune concertation, voire sans aucune réflexion ; il y eut bien un rapport proposant un nouveau plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle, mais qui ne fut réalisé que dans un second temps, après l’annonce de la création de l’enseignement obligatoire. Cette méthode contestable a suscité des malentendus, donc des déceptions, et a contribué à donner le sentiment que le nouvel enseignement constituait une cote mal taillée.

L’objectif était triple : l’acquisition d’une culture générale artistique, le développement d’un rapport plus familier des élèves avec les institutions culturelles, l’information sur les débouchés professionnels offerts par le champ artistique et culturel. Un programme extrêmement ambitieux a été élaboré, reposant sur des périodes historiques – de la préhistoire jusqu’à nos jours –, sur des thématiques – comme « art et économie » ou « art et sacré » – et sur des domaines artistiques – couvrant l’ensemble des modes d’expression artistique. Toutefois, on a pris le parti de ne pas créer une nouvelle discipline, afin de ne pas ajouter à des emplois du temps déjà surchargés et de ne pas organiser des concours de recrutement spécifiques.

L’ancien Président de la République avait pourtant annoncé la création d’un enseignement de l’histoire de l’art, discipline à part entière, ce qui pouvait augurer qu’une réponse serait apportée à une revendication ancienne des historiens de l’art : la création d’un CAPES et d’une agrégation spécifiques. Il n’en a rien été : toutes les disciplines existantes doivent faire une place à l’histoire des arts, à charge pour les professeurs de mettre en œuvre le programme et d’établir des ponts avec leur discipline. C’est pourquoi l’appellation « histoire de l’art » a finalement été délaissée au profit de celle d’« histoire des arts ».

La chose a été mal perçue par les historiens de l’art, qui y ont vu le témoignage d’un manque de considération pour leur discipline, mais aussi par les professeurs des autres disciplines, notamment ceux d’éducation musicale et d’arts plastiques : l’histoire des arts est censée occuper la moitié des programmes d’éducation musicale et d’arts plastiques au collège ! Les professeurs se sont sentis déconsidérés ; ils ont critiqué le fait que ce nouvel enseignement, visant à compléter l’éducation artistique et culturelle existante par des connaissances théoriques, venait tailler des croupières aux seuls enseignements pratiques proposés aux élèves. Les fédérations de parents d’élèves se sont jointes à ces critiques.

Plus généralement, il s’est avéré difficile de mettre en œuvre un enseignement interdisciplinaire dans un système fortement disciplinaire. À l’école primaire, la contradiction était plus aisée à surmonter, dans la mesure où chaque professeur des écoles assure seul l’enseignement de toutes les disciplines ; d’ailleurs, beaucoup d’initiatives existaient déjà en matière d’éducation artistique et culturelle et, sur le terrain, la réforme de 2008 n’a pas changé grand-chose – Marie-Odile Bouillé l’avait déjà souligné dans son rapport sur le projet de budget pour 2011.

Au lycée également, les effets ont été inexistants – sauf dans certains établissements, notamment des lycées agricoles et des lycées professionnels –, car la préparation du baccalauréat monopolise les efforts des enseignants. Alors qu’au collège, le déploiement de la réforme s’est appuyé en grande partie sur les professeurs d’arts plastiques, seule la moitié des lycées propose des enseignements optionnels d’histoire des arts : il n’y a pas partout de personnel susceptible de piloter cet enseignement.

Au collège, la perspective d’une évaluation au diplôme national du brevet a constitué un aiguillon indiscutable ; pourtant, le principe d’un enseignement « porté par tous les enseignants » fut difficile à mettre en œuvre. La bonne volonté des uns et des autres a permis des réussites ponctuelles, mais les conseils pédagogiques, instances de consultation des enseignants sur la politique éducative de l’établissement, ne se sont pas toujours saisis d’une question que, faute de temps, il était de toute façon difficile de traiter de manière satisfaisante.

Quant à l’épreuve elle-même, elle a été mise en place, après une expérimentation lors de la session 2009-2010, sans qu’aucun des textes publiés en 2008 ne précise son organisation. Ce n’est qu’en 2011 qu’une nouvelle circulaire est venue indiquer qu’une décision du conseil d’administration devait fixer, au plus tard à la fin de l’année scolaire précédente, les modalités d’organisation de l’enseignement de l’histoire des arts et de l’épreuve orale. Elle prévoit que le jury est constitué de deux professeurs, devant évaluer les élèves, soit individuellement, soit en groupe, sur le fondement d’un exposé, puis d’un entretien portant sur un sujet choisi parmi une liste de cinq objets d’étude, validée par le ou les professeurs encadrant la préparation, et sur lesquels les élèves ont pu préparer des dossiers.

Chaque établissement étant peu ou prou renvoyé à lui-même, les parents d’élèves éprouvent un sentiment de grand arbitraire. Si le principe d’une épreuve orale est jugé positif, car elle permet aux élèves ayant des difficultés avec les modalités classiques d’évaluation de se valoriser, l’inégale implication des équipes pédagogiques dans sa préparation a sans doute contribué à en faire un instrument de reproduction des inégalités. Dans certains cas, la liste d’œuvres établie par le conseil pédagogique ne fait l’objet d’aucune préparation en cours d’année, et les élèves sont évalués sur le fondement de dossiers préparés à la maison, avec les parents. La nature de l’épreuve est révélatrice de l’échec de la réforme : 90 % des élèves ont été interrogés sur « Guernica » !

L’autre cause d’échec est l’insuffisante formation des enseignants. La réforme fut engagée concomitamment avec celle de la formation des enseignants et de la mastérisation. Or les masters n’intègrent pas d’histoire des arts ; le ministère doit remédier à cette lacune dans la maquette des masters professionnels.

Quant à la formation continue, si des actions nationales ont été mises en œuvre à partir de 2009, elles ont reposé pour l’essentiel sur les ressources de l’Institut national d’histoire de l’art et de l’Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités, ce qui est en contradiction la volonté de ne pas réduire l’enseignement à une seule discipline. En outre, ces formations étant destinées aux « cadres » de l’éducation nationale, on peut se demander si les enseignants ont pu en retirer quelque bénéfice ; à en juger par les réactions des syndicats, cela paraît douteux.

Au niveau académique, tous les enseignants relèvent le manque de formations par rapport aux besoins. Dans la plupart des cas, les enseignants doivent prendre sur leur temps libre pour se former. Les formations sont le plus souvent organisées à l’extérieur des établissements, alors qu’elles devraient être conduites sur site, au bénéfice des équipes pédagogiques. En outre, les enseignants ne disposent pas d’interlocuteurs au sein des corps d’inspection, organisés par discipline – un inspecteur général a bien été nommé, mais sa tâche est immense.

D’autre part, les textes de 2008 encourageaient le développement de partenariats avec les institutions culturelles. Or l’accès des élèves aux ressources culturelles territoriales dépend non seulement de la densité des équipements culturels, mais aussi des moyens disponibles pour financer des déplacements potentiellement coûteux – ce qui n’est pas toujours le cas, notamment dans les zones rurales. En outre, les institutions culturelles risquent de souffrir d’un certain engorgement, puisque 12 millions d’élèves sont concernés par cet enseignement obligatoire et que les enseignants, privés de véritable formation, sont amenés à se tourner vers elles. Les responsables des services éducatifs que j’ai rencontrés m’ont déclaré devoir faire preuve d’une certaine sélectivité dans le traitement des demandes de partenariat.

Dans ce contexte, la qualité des ressources pédagogiques mises à la disposition des enseignants est essentielle ; en particulier, les ressources numériques sont un moyen de compenser les inégalités d’accès aux institutions culturelles. Le ministère de la culture met en exergue le portail de l’histoire des arts sur internet, mais je n’ai pas l’impression qu’il se soit imposé comme une référence auprès des enseignants.

Il reste que les difficultés rencontrées dans la mise en place d’un tel enseignement interdisciplinaire ne doivent pas conduire à une remise en cause globale du projet. Lors des auditions que j’ai menées, tant les syndicats d’enseignants et de personnels de direction que les fédérations de parents d’élèves ont jugé positive la décision de faire de l’histoire des arts un enseignement mobilisant toutes les disciplines.

Pour maintenir cet acquis, tout en facilitant l’appropriation du nouvel enseignement par les enseignants et par les élèves, certains suggèrent de lui consacrer un horaire dédié. Il s’agit d’une base de réflexion intéressante, à condition que cet horaire ne vienne pas s’ajouter à un emploi du temps déjà chargé, et que chaque discipline et chaque enseignant donne un peu de son temps pour l’aménager.

Les réflexions en cours dans le cadre de la concertation sur l’avenir de l’école ne doivent pas éluder ce sujet, et le rapport rendu public au début du mois d’octobre esquisse à cet égard quelques pistes intéressantes.

Je conclus en vous demandant d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

M. Gérald Darmanin, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. Je ne m’attarderai pas sur la première partie du rapport, qui a déjà été longuement débattue en commission élargie, me contentant de rappeler que les crédits du programme « Patrimoines » diminuent de 10 % cette année. Je passerai tout de suite à la deuxième partie, consacrée à la gratuité d’accès et à la déconcentration des collections nationales, dans le but de démocratiser l’accès à la culture.

Tout d’abord, il serait plus exact de parler des « gratuités », au pluriel, plutôt que de la gratuité, au singulier. En effet, outre la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans instaurée par le Président de la République Nicolas Sarkozy en 2008, on recense diverses politiques de gratuité en fonction des horaires, des établissements et des expositions.

Or, hormis quelques études du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) et une étude du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture, citées dans mon rapport, il existe peu d’évaluations de ces dispositifs, ni même d’outils statistiques permettant de juger des effets de la gratuité sur l’accès des classes populaires et moyennes aux collections nationales.

Pour ce que l’on en sait, l’élargissement de la gratuité aux jeunes de 18 à 25 ans a eu un effet favorable. Le dimanche gratuit au Louvre est également le seul jour où le nombre de visiteurs nationaux est supérieur à celui des visiteurs étrangers : les Franciliens sont trois fois plus nombreux que les autres dimanches, les provinciaux 1,4 fois ; le nombre de jeunes issus des classes populaires et moyennes est également plus important.

Toutefois, il convient de souligner un défaut de communication de la part des musées à destination des publics éloignés de la culture. Celui-ci tient par exemple à la difficulté de nouer des partenariats avec les réseaux de transport en commun ; par exemple, certains établissements parisiens nous ont fait savoir que la RATP ne souhaitait pas communiquer fortement sur la présence ou la gratuité des musées en Ile-de-France. Surtout, tous les musées ne suivent pas la même politique en matière de démocratisation de leur accès ; certains grands musées ne veulent pas donner un trop grand retentissement aux mesures de gratuité, afin d’éviter les effets d’aubaine, car ils estiment que la compensation versée par l’État ne leur permet pas de rentrer dans leurs frais. Le Louvre dénonce en outre l’utilisation par certains tours opérateurs étrangers des jours de gratuité pour faire un profit facile, au détriment de leurs clients, à qui ils font payer les entrées.

Dans l’attente d’études plus abouties, mon rapport ne recommande ni l’abandon, ni la généralisation du dispositif. Je propose que le ministère de la culture fixe aux musées des objectifs à la fois de démocratisation des collections nationales et de construction d’outils statistiques fiables, de manière à pouvoir évaluer l’efficacité des mesures de gratuité, qu’elles soient destinées aux jeunes, aux publics du « champ social » ou à ceux éloignés de la culture.

J’en viens aux expériences de déconcentration – et non de décentralisation, puisqu’il s’agit de la circulation en région d’une partie des collections nationales.

Partant du constat que beaucoup de Français ne peuvent pas, pour des raisons financières, sociales ou psychologiques, accéder aux musées, le Centre Pompidou a décidé de rendre mobile une partie de ses collections. Ce « Centre Pompidou mobile » prend la forme d’une présentation itinérante, sous une structure circassienne, de quinze œuvres, avec une médiation culturelle gratuite, dans le but de provoquer un « choc culturel » – pour paraphraser Malraux.

Néanmoins, comme quinze œuvres seulement sont exposées, on peut craindre que les visiteurs n’en ressortent déçus. En outre, le coût restant à la charge de la collectivité d’accueil est élevé : 200 000 euros – sachant que le budget annuel du musée de Cambrai, par exemple, est de 715 000 euros, et de 80 000 euros pour les expositions temporaires.

Cette expérience, toujours en cours, est cependant intéressante ; j’ignore si elle aura une suite et si d’autres musées s’en inspireront. Ses promoteurs assurent qu’elle a provoqué une augmentation de la fréquentation des musées et des expositions locaux – que ses détracteurs estiment insuffisante. Il faudra dresser un bilan complet dans un an.

Il existe d’autre part des musées déconcentrés « en dur » : le Centre Pompidou-Metz et le Louvre-Lens – dont la région Nord-Pas-de-Calais attend avec impatience l’ouverture. Il ne s’agit pas à proprement parler de nouveaux musées, mais de la présentation dans de nouvelles structures d’une partie des collections nationales. Toutefois, un pourcentage important, de l’ordre de 10 %, de la population du bassin minier déclare ne pas souhaiter aller au Louvre-Lens, tout en pensant que c’est une bonne chose pour leurs enfants. Il y a donc un travail énorme de pédagogie, de médiation culturelle et de communication à mener pour abattre cette barrière psychologique.

Le rapport de la Cour des comptes de 2011 sur les musées nationaux soulignait que 26 des 37 musées nationaux se trouvaient en Ile-de-France. Toutefois, étant donné leur coût, ces expériences de démocratisation culturelle ne pourront pas être étendues à toute la France : le budget total de l’opération du Centre Pompidou-Metz s’élève ainsi à près de 70 millions d’euros. Il faudra là aussi dresser un bilan dans les années à venir.

J’en termine en vous demandant d’émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 175.

M. le président Patrick Bloche. Je remercie les deux rapporteurs pour leurs présentations, qui s’avèrent complémentaires. À travers l’enseignement de l’histoire des arts, on s’attache en effet à créer un désir, sans lequel aucune politique publique de démocratisation culturelle, notamment tarifaire, ne peut donner de fruit, que ce soit à l’échelle de l’État ou à celle des collectivités territoriales – 75 % du financement public de la culture étant désormais assuré par les collectivités territoriales.

Ainsi, la gratuité des expositions permanentes mise en œuvre depuis une dizaine d’années par la Ville de Paris provoque indéniablement un effet d’aubaine ; ce type de mesure touche d’abord le public habituel des institutions culturelles, et non les personnes qui en sont éloignées. Pour éviter cela, il importe de susciter l’envie de culture dès les années de formation.

Mme Françoise Dumas. Si le ministère de la culture et de la communication participe bien à l’effort de redressement des finances publiques, on ne peut que se féliciter de la priorité accordée par le gouvernement aux actions culturelles structurantes. Il nous faut sauvegarder, protéger, mettre en valeur notre patrimoine culturel dans toutes ses composantes et, surtout, le rendre accessible à tous. De ce fait, nous saluons le progrès que constitue la budgétisation de la gratuité d’accès aux collections permanentes – ce que n’avait pas fait la précédente majorité.

La politique patrimoniale pour 2013-2015 se déploie autour de deux grandes orientations que le groupe SRC soutient.

Il s’agit tout d’abord de conforter le patrimoine dans ses missions fondamentales. Cette année verra ainsi l’achèvement de plusieurs grands projets, dont le nouveau centre des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille, la réouverture à Paris du musée Picasso rénové, l’installation à Charenton de la médiathèque de l’architecture et du patrimoine et la rénovation de plusieurs centres d’archives départementaux et communaux, tandis que les moyens des services à compétence nationale seront maintenus.

S’agissant de l’entretien et de la restauration des monuments historiques, actions capitales pour développer le tourisme et l’activité économique dans les territoires, le Gouvernement souhaite consolider l’emploi dans les PME travaillant pour ce secteur, grâce au maintien des autorisations d’engagement au même niveau qu’en 2012, soit 322 millions d’euros ; plus des deux tiers seront exécutées en région. Seront également maintenus, pour une dépense totale de 149 millions d’euros, plusieurs dispositifs fiscaux, dont le dispositif « Malraux » et les aides accordées aux propriétaires pour protéger le patrimoine culturel. Cela montre l’engagement fort du ministère aux côtés des acteurs du patrimoine.

Je salue également la progression de 75 % des crédits de fonctionnement consacrés à l’attribution du label « Ville ou Pays d’art et d’histoire » (VPAH), ainsi que le financement de la politique de l’archéologie via les opérations programmées, dont les crédits sont augmentés.

La promotion de la qualité architecturale tient une place importante dans le programme. L’enjeu est de faire émerger une véritable culture architecturale, grâce à la poursuite d’événements tels que le grand prix national d’architecture, à la relance du label « Patrimoine du XXe siècle » et à la sensibilisation du public scolaire par des actions ponctuelles. Nous ne pouvons que partager cette préoccupation.

La seconde orientation est de renouer avec l’accompagnement du développement économique et culturel. Le poids économique de la culture est largement sous-estimé : 157 000 entreprises et 700 000 salariés ont contribué à produire 28,7 milliards d’euros de valeur ajoutée en 2010. Il s’agit d’un secteur essentiel pour l’économie de notre pays. La fréquentation de nos musées, la qualité de nos festivals, la diversité de notre patrimoine et de notre création sont autant de sources d’innovation et de croissance, et de facteurs d’attractivité touristique pour les territoires. Aux côtés de la promotion de la diversité et de l’accessibilité des œuvres et du patrimoine, l’accompagnement du développement est une des missions fondatrices du ministère ; il faut persévérer dans cette voie malgré la crise.

Il convient pour finir de rappeler l’héritage du précédent gouvernement. Nombre de projets n’avaient été ni très bien conçus, ni budgétés. Comme il fallait réaliser 1 milliard d’économies sur les trois prochaines années, il était juste de permettre aux seuls projets budgétés de voir le jour. Même si les crédits du patrimoine sont en baisse, afin de participer à l’effort général, il n’y a ni victimes, ni perdants, et les missions fondamentales du ministère sont préservées. Tout démontre qu’il existe une véritable ambition pour le patrimoine en France.

En 2013 sera présentée la grande loi d’orientation sur le patrimoine ; en attendant, le groupe SRC soutiendra ce projet de budget à la fois rassurant et combatif.

M. Michel Herbillon. Je remercie Mme Colette Langlade d’avoir rappelé que la précédente majorité, tant vilipendée par les collègues de son groupe, a institué l’enseignement artistique obligatoire. À M. Gérald Darmanin – dont j’ai apprécié le rapport –, je voudrais, étant membre du conseil d’administration du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, confirmer que le Centre Pompidou mobile est une expérience particulièrement intéressante ; son arrivée constitue un événement artistique et culturel important, notamment pour les jeunes, les scolaires et les publics qui ne fréquentent pas habituellement les musées. Il conviendra d’en faire le bilan après une année d’expérience, mais il semble que ce musée mobile provoque une augmentation non seulement de la fréquentation des musées en province, mais aussi du Centre Pompidou à Paris – les visiteurs désirant prolonger ce premier contact avec les œuvres à l’occasion d’une venue à Paris.

Le groupe UMP ne votera pas le projet de budget, qui présente un recul historique, inédit depuis le début de la Ve République. Lorsque le candidat Hollande avait promis que le budget de la culture serait sanctuarisé, préservé et protégé, nous n’avions pas compris que cela se traduirait par une baisse de plus de 4 % de ses crédits ! Mme Martine Aubry, alors première secrétaire du parti socialiste, avait même proposé d’augmenter le budget de la culture de 50 % sur 5 ans : on est loin du compte ! Quant à Mme Aurélie Filippetti, elle affirmait que le budget de la culture était le disque dur de la politique : force est de constater que celui-ci a été écrasé… La rumeur qui s’élève des rangs de la majorité prouve que j’ai touché juste ! Et si la mémoire était restée dans l’ordinateur, nul doute que Mme Filippetti aurait rappelé que nous, nous avons, même en temps de crise, non seulement préservé et maintenu, mais augmenté le budget de la culture !

Lundi, la ministre a d’ailleurs avoué qu’elle aurait besoin du soutien des parlementaires pour les prochains budgets : comment mieux faire comprendre que le budget en baisse de cette année n’est que le premier d’une longue série ?

La liste des projets abandonnés est impressionnante : abandonné, le projet de maison de l’histoire de France ; annulé, le projet de musée de la photographie à Paris ; enterré, le projet de centre de réserve et de restauration à Cergy-Pontoise ; abandonnée, la nouvelle salle de la Comédie française ; annulée, la contribution de l’État à Lascaux IV ; enterré, le projet de Centre national de la musique ; en sursis, le projet de tour Médicis à Clichy-Montfermeil ; ajournée, l’exposition Monumenta. Ajoutons à cela les réductions budgétaires au Palais de Tokyo, qui remettent en cause son programme et jusqu’à son ambition.

Même s’il est normal que le budget de la culture participe au redressement des finances publiques, tout ne peut pas être mis sur le compte de la crise – et il semble difficile d’utiliser la sempiternelle ritournelle de « l’héritage », puisqu’en l’espèce la précédente majorité avait accru le budget ! Tout ce qui reste, ce sont des projets qui avaient été lancés par le précédent gouvernement et que vous ne pouviez pas annuler : le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille, le nouveau centre des archives nationales à Pierrefitte, la Philharmonie de Paris, la poursuite du plan musées en régions, la gratuité de l’accès aux musées pour les jeunes, la rénovation du musée Picasso, l’installation de la médiathèque de l’architecture et du patrimoine à Charenton. En vérité, la culture ne fait pas partie des priorités du Président de la République et du Gouvernement ; force est de constater que le ministère de la culture a été transféré à Bercy, au ministère du budget !

Les crédits du patrimoine diminuent de 10 %. Cette baisse va toucher presque tous les secteurs culturels : les crédits dédiés à la création et au spectacle vivant sont réduits ; la ministre annonce une grande loi sur le patrimoine, mais elle commence par baisser ses crédits de 10 % ; quant aux crédits d’acquisition des musées, ils seront réduits de 50 à 60 % en 2013. Voilà le bilan que l’on peut dresser du premier budget de la culture du nouveau quinquennat : cela n’augure rien de bon !

Le groupe UMP s’opposera donc à ce budget, qui marque un recul sans précédent de l’action de l’État en faveur de la culture. Le pessimisme gagne d’ailleurs tous les acteurs et tous les amoureux de la culture. On peine à distinguer un quelconque projet. L’annulation des projets et la réduction des crédits budgétaires ne font pas une politique culturelle !

Mme Isabelle Attard. S’agissant du programme « Création », le groupe Écologiste apprécie la légère augmentation des crédits déconcentrés de fonctionnement, qui passent de 279 à 283 millions d’euros. Le soutien ainsi apporté aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) nous paraît essentiel pour favoriser l’accès à la culture en régions.

D’autre part, la hausse des moyens dédiés au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » démontre le respect des engagements pris par le Président de la République en matière d’éducation artistique et culturelle de la jeunesse. Notons néanmoins que les échanges en cours entre le gouvernement et la Commission européenne sur la validité juridique de la réforme de la taxe sur les services de télévision, la « TST distributeurs », sont susceptibles de modifier considérablement les prévisions de recettes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ; nous demandons donc au gouvernement de réfléchir à un aménagement de cette taxe, dont la légitimité est contestable.

S’agissant du programme « Patrimoines », en tant qu’ancienne directrice de musée, je reconnais l’importance du débat sur la gratuité que M. Gérald Darmanin a choisi comme thème de son rapport. L’exemple du musée national de Copenhague montre les limites de la gratuité totale : après un pic de fréquentation dû à l’effet de nouveauté et aux opérations de communication, les curieux sont rentrés chez eux ; seuls les habitués sont revenus. Le bilan de l’opération est une perte sèche pour le musée, sans accroissement de la fréquentation sur le long terme.

Le précédent gouvernement a accordé en 2009 la gratuité d’accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux pour les jeunes de 18 à 25 ans, ressortissants de l’Union européenne ou résidants réguliers sur le territoire, ainsi qu’aux enseignants. Cette décision a été imposée par l’Union européenne : si les seuls étudiants français avaient bénéficié de la gratuité d’accès, la France aurait encouru le paiement d’une amende, car cette mesure aurait été jugée discriminatoire à l’égard des autres étudiants de l’Union européenne - l’Espagne et l’Italie en ont d’ailleurs fait les frais. Nous n’avions donc pas le choix. Quant à la décision d’élargir cette gratuité à tous les jeunes de 18 à 25 ans – qui est une bonne chose –, elle visait seulement à faciliter les opérations de billetterie.

La mesure a certes provoqué un manque à gagner pour les musées, mais il faut aussi tenir compte des recettes indirectes qu’elle a engendrées. Ainsi, les visiteurs étrangers ont profité de l’économie sur le billet d’entrée pour acheter des produits dérivés. De ce fait, il serait peut-être bon d’évaluer régulièrement le montant de la compensation versée par l’État, afin de vérifier qu’elle n’est pas excessive.

Si les subventions accordées aux budgets d’acquisition des musées diminuent, il convient d’examiner l’enveloppe globale consacrée aux acquisitions par chaque musée, car les subventions de l’État ne représentent qu’une faible part de celle-ci, comparativement au mécénat et aux donations. La baisse des subventions est donc loin d’être aussi catastrophique que les collègues de l’opposition le disent.

Les ressources propres des musées sont en baisse : nous aimerions en connaître les raisons. Les produits dérivés et les services annexes nous paraissent des outils pertinents pour compenser cette diminution.

En conclusion, je remercie, au nom du groupe Écologiste, les rapporteurs pour leur travail. Nous voterons en faveur du projet de budget.

M. Rudy Salles. Je ne prends pas la parole pour répéter au nom du groupe UDI ce qu’a brillamment dit M. Michel Herbillon mais pour inviter chacun à un minimum d’honnêteté intellectuelle. On ne peut à la fois critiquer les projets lancés et financés par l’ancienne majorité et se féliciter des inaugurations qui, en 2012 et en 2013, en marqueront l’aboutissement ! Au long de la précédente mandature, l’opposition d’alors s’insurgeait contre toute baisse des crédits, aussi insignifiante soit-elle ; maintenant, si l’on en croit la représentante du groupe écologiste, la réduction du budget annoncée serait tout à fait raisonnable. Ce n’est pas sérieux. Dois-je vous rappeler certaines promesses de la campagne électorale ? Sans même parler cette fois de la TVA, qui n’a entendu Mme Martine Aubry, alors première secrétaire du parti socialiste, expliquer que si la gauche l’emportait, les crédits de la culture augmenteraient de moitié ? Cet argument qui avait de quoi faire rêver a dû inciter certaines personnes particulièrement attachées à la culture à voter pour M. Hollande. Ces électeurs savent maintenant à quoi s’en tenir : c’était une escroquerie intellectuelle.

En particulier, la réduction de 10 % des crédits du programme « Patrimoines » est une catastrophe pour notre patrimoine culturel et pour l’attrait touristique de notre pays. Mme Françoise Dumas peut bien se féliciter des crédits du ministère de la culture, le département du Gard, dont le patrimoine est très important, saura apprécier cette baisse. Enfin, le budget marque la résurgence du parisianisme ; les régions sont oubliées, et nous le regrettons. Bien entendu, le groupe UDI votera contre ce budget.

M. Thierry Braillard. Monsieur Salles, il est facile mais vain de reprendre à la volée des phrases dites un jour car il en est de toutes sortes : hier soir, des amis ont ainsi cité devant moi Nicolas Sarkozy se disant extrêmement favorable au vote des étrangers… À monsieur Herbillon, qui nous a expliqué que le gouvernement précédent a maintenu et même augmenté le budget de la culture en temps de crise, j’aimerais rappeler que ce même gouvernement a aussi porté le déficit public à 700 milliards d’euros, laissant le pays dans une situation inextricable. D’évidence, des mesures devaient être prises, qui se traduisent dans ce budget.

Je félicite les deux rapporteurs, Mme Colette Langlade en premier lieu, M. Gérald Darmanin ensuite, bien que la première partie de son rapport m’ait un peu agacé. Le groupe RRDP votera ce budget. Il nous paraît être un budget de sagesse puisque tous les crédits alloués aux organismes de création artistique sont maintenus et que le programme « Transmission des savoirs » augmente de 1 %. S’agissant du budget consacré aux acquisitions, mon opinion diffère radicalement de celle de M. Malek Boutih qui, dans le rapport qu’il nous a présenté hier, préconise l’abandon du mécénat d’entreprise. Il est heureux que le mécénat d’entreprise existe ; sans cela, de nombreux musées ne pourraient enrichir leurs collections d’aucune pièce. Je conclurai en suggérant au président de notre Commission d’organiser l’audition des responsables de Marseille-Provence capitale européenne de la culture afin de connaître la programmation qu’ils ont envisagée.

Mme Sophie Dessus. Le budget de la culture est guidé par le terrible principe de réalité. Oui, il baisse de 2 % ; mais quand un pays est en crise, la solidarité n’est-elle pas le premier des devoirs, la seule manière de faire que, demain, se lèvent des jours meilleurs ? Il est vrai aussi que le ministère pourra difficilement supporter un tel effort une année supplémentaire. Nonobstant l’effort demandé, ce budget traduit un projet politique réel, une volonté d’ouverture et de démocratisation de l’accès à la culture et au patrimoine. Des priorités sont affirmées, et pour commencer celle de rendre indissociables culture et jeunesse. Priorité est aussi donnée à la formation et à la transmission des savoir-faire, à l’équilibre entre patrimoine et création – la création n’est-elle pas le patrimoine de demain ? -, à la préservation de l’exception culturelle, et aussi, quoique l’on ait pu dire, à la politique d’aménagement du territoire en matière culturelle, en concertation avec les collectivités territoriales. Priorité, enfin, aux publics les plus éloignés, géographiquement et sociologiquement, de la culture, afin que les exclus d’aujourd’hui en deviennent non seulement des consommateurs mais des protecteurs, des passeurs et des acteurs.

Oui, donc, à la culture pour tous et partout, oui à la volonté exprimée par la ministre, aux orientations qu’elle a définies, à une vision de la culture que l’on attendait.

Et parce que je n’aime pas savoir les hommes malheureux, je ne conclurai pas sans rassurer M. Michel Herbillon. Ce budget ne traduit pas un recul : la force de la ministre est d’avoir, avec moins, su faire non seulement plus mais mieux ; je l’en remercie.

Mme Annie Genevard. Le rapport de Mme Colette Langlade fait état d’un bilan « mitigé » en matière d’enseignement obligatoire d’histoire des arts, mais j’ai eu le sentiment d’entendre une présentation à charge. Chacun, pourtant – et la rapporteure pour avis elle-même –, souhaite la perpétuation de cet enseignement qui, parce qu’il est de création récente, doit encore se roder. Il m’aurait plu que la rapporteure insistât sur le caractère novateur de la démarche entreprise. Mais, vous l’avez dit, madame, beaucoup tient à l’engagement des enseignants, qu’il faut donc stimuler. Beaucoup dépend aussi de l’implication des collectivités territoriales, dont le président de la Commission a rappelé qu’elles financent à 75 % les dépenses culturelles par le biais des fonds régionaux d’art contemporain – les FRAC –, des contrats locaux d’éducation artistique, et en organisant des expositions qui peuvent servir de support pédagogique aux enseignants. À la fin de votre rapport, vous évoquez, madame Langlade, plusieurs pistes d’amélioration possibles ; quelles sont-elles ?

À propos du programme « Patrimoines », j’appelle l’attention sur le fait que 3 000 des quelque 15 000 monuments classés sont en grand péril. Pour la plupart, ils sont situés dans de petites communes désargentées, et beaucoup appartiennent à des propriétaires privés. J’aimerais connaître l’opinion de M. Gérald Darmanin sur la proposition d’un sénateur tendant à permettre à l’État de vérifier que l’acquéreur potentiel d’un bâtiment classé a les moyens d’en assurer la restauration. Dans un autre domaine, comment conserver la mémoire des grandes filières industrielles aujourd’hui à peu près disparues ?

Mme Marie-Odile Bouillé. L’histoire de l’art est une discipline en soi. Elle ne peut être confondue avec l’éducation artistique et culturelle, qui implique des rencontres avec les artistes, l’art contemporain et le patrimoine par le biais d’une médiation entre les œuvres et les élèves. Au cours de la précédente législature, l’histoire de l’art a été valorisée ; pourtant, les deux enseignements sont nécessaires parce que complémentaires et aucun ne doit être privilégié. Les élèves doivent sortir de leurs classes pour se frotter aux arts ; je souhaite que le ministère de l’éducation nationale et celui de la culture y travaillent conjointement, de manière que les enfants aient le plus de contacts possibles avec œuvres et créateurs.

M. François de Mazières. Que des projets aient été lancés par une précédente majorité montre que la culture n’est jamais ni de gauche ni de droite. Un changement s’est cependant produit ces dernières années, en raison, notamment, de la consultation internationale relative au projet « Grand Paris ». J’en ai été témoin dans mes anciennes fonctions de président de la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’intérêt porté à l’architecture et à l’urbanisme s’est amplifié, et tout ce qui a été évoqué à ce sujet existe depuis plusieurs années déjà.

Parce que, chacun le sait, toute rupture dans les crédits de paiement a des répercussions pendant plusieurs années, la baisse des crédits du programme « Patrimoines » est inquiétante. Toutes convictions politiques confondues, nous devons mettre le gouvernement en garde. Des crédits suffisants doivent être consacrés au patrimoine ; il en va de l’emploi, des savoir-faire et de la préservation de la richesse patrimoniale de la France.

En matière de transmission des savoirs, la réforme de 2008, difficilement imposée, est un acquis, et le rapport de Mme Colette Langlade est en effet trop à charge. Quelles propositions permettraient d’améliorer ce qui peut l’être ? Actuellement, dans le premier degré, l’enseignement artistique dépend essentiellement de la bonne volonté des enseignants et, pour ce qui est des rencontres avec les artistes, de l’implication des collectivités territoriales ; le risque est que toute la charge finisse par reposer sur elles, qui n’en peuvent plus. La gratuité de l’accès aux musées a permis aux institutions d’accueillir de nouveaux publics, je l’ai constaté. Mais, là encore, il faut un professeur passionné. Comment généraliser cette médiation ?

Enfin, M. Gérald Darmanin a justement souligné les efforts qui ont été faits en faveur de la déconcentration. Bien des musées de province ont des richesses extraordinaires ignorées, qui devraient être durablement mises en valeur.

M. Marcel Rogemont. Le débat sur la gratuité de l’accès des jeunes de moins de 26 ans au musée est loin d’être tranché. M. Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre, m’avait ainsi indiqué qu’en utilisant différemment les ressources allouées à cette fin il pourrait accueillir au Louvre trois fois plus de classes que le musée n’en accueille actuellement. Autant dire que la gratuité n’est pas forcément la meilleure solution pour démocratiser l’accès aux collections.

L’enseignement de l’histoire des arts n’est qu’un avatar des engagements de M. Nicolas Sarkozy, qui portaient sur les pratiques. Il est temps d’en revenir à l’essentiel, l’ouverture que permet l’éducation artistique et culturelle, en se fondant sur le plan Tasca-Lang de développement des arts à l’école.

Je salue enfin le courage des décisions prises par le Gouvernement à propos des investissements projetés dont M. Michel Herbillon a dressé la liste. Ces investissements représenteraient les charges de fonctionnement de demain, pour des budgets contraints. Je rends hommage à la ministre, qui a sanctuarisé le programme « Création », comme il le fallait.

Mme Dominique Nachury. Il est vrai que vouloir assurer l’enseignement transversal de l’histoire des arts, des sciences et des technologies est un programme très ambitieux et compliqué à mettre en œuvre. Quelles pistes, madame Langlade, devraient être explorées en priorité ? Monsieur Darmanin, vous recommandez la conduite d’études visant à évaluer les politiques de gratuité d’accès aux monuments et musées nationaux ; la gratuité est-elle, selon vous, une condition suffisante pour permettre l’accès à la culture au plus grand nombre ?

Mme Martine Martinel. Le budget de la culture participe à l’effort national de réduction des dépenses mais j’observe que notre patrimoine littéraire, dont La Princesse de Clèves, n’est pas menacé… Plus sérieusement, Mme Colette Langlade a fait état, à propos de l’enseignement obligatoire de l’histoire des arts, d’un projet « ambitieux » mais à la définition « laborieuse » et d’application difficile ; qu’en est-il plus précisément ? Pour sa part, M. Gérald Darmanin souhaite subordonner l’octroi des aides à la création accordées par le ministère de la culture aux artistes à l’obligation pour ces derniers de participer à des actions de médiation culturelle ; quelle forme prendrait cette obligation ?

M. Patrick Hetzel. Dans le dossier de presse qu’il a diffusé, le ministère du budget affirme que la politique d’investissement de l’État en matière culturelle sera rééquilibrée en faveur des régions. L’intention est louable, mais la lecture des documents budgétaires fait sérieusement douter de sa mise en œuvre. Les rapporteurs pourraient-ils nous indiquer quels leviers traduisent cette orientation ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Des moyens supplémentaires sont alloués à l’éducation artistique et culturelle, priorité nationale ; je m’en réjouis. Elle demande que, hors temps scolaire, des partenariats soient noués avec les collectivités territoriales et les autres acteurs concernés, ce qui permettrait de décloisonner les dispositifs et de favoriser l’accès des jeunes à l’art, singulièrement à l’art contemporain. Cette approche serait d’un intérêt particulier pour les territoires ruraux, à partir desquels l’accès aux collections permanentes est très compliqué – la préparation de telles sorties mobilise couramment les enseignants pendant un an.

La nécessité d’approfondir et de formaliser la notion de « parcours » a également été évoquée, pour favoriser la concertation entre tous les acteurs d’un territoire. Cette démarche a donné lieu à la création d’un groupe de travail et au lancement d’une expérimentation dans sept régions en 2012 ; certaines conclusions sont-elles déjà connues ?

M. Paul Salen. Ce budget présente des incohérences dont la moindre n’est pas que l’on dit souhaiter favoriser l’accès à la culture tout en définissant une politique frileuse. Le gouvernement axe sa communication sur la jeunesse. Certes, les crédits des écoles d’art augmentent de 6 millions d’euros, mais le plan d’éducation artistique et culturelle destiné à favoriser l’accès des jeunes à la culture, qui devait être financé à hauteur de 15 millions d’euros d’ici 2015, dont 3 millions en 2013, n’est pas défini ; qu’en penser ? Sur le fond, comment soutiendra-t-on la création dans les années à venir si le budget de la culture pour 2013 et les suivants sont en baisse ?

M. William Dumas. L’établissement public de coopération culturelle du Pont du Gard, que je préside, reçoit chaque année plus de 1,3 million de visiteurs, dont 40 000 élèves. Il dispose d’une salle d’exposition de 700 m². Nous y présentons en ce moment une exposition de culture scientifique itinérante intitulée « Ma terre première pour construire demain », fruit du partenariat noué avec la Cité des sciences et de l’industrie. Je prendrai langue avec le Centre Pompidou mobile pour envisager la signature d’une convention entre nos deux institutions.

M. Guénhaël Huet. Le budget qui nous est présenté ne peut que susciter des craintes supplémentaires sur l’évolution des crédits déconcentrés, dont l’expérience montre qu’ils subissent l’essentiel de la baisse lorsque les crédits d’un ministère diminuent. Dans ma circonscription, une église doit être rénovée. La dépense prévue est de 2 millions d’euros, et la part de l’État devait être comprise entre 65 000 et 70 000 euros ; qu’en sera-t-il maintenant ? Plus généralement, quelle sera l’évolution des crédits déconcentrés ?

Ma seconde observation n’a pas trait au budget mais au rôle, souvent critiqué par les élus locaux, des architectes des Bâtiments de France. « Heureusement qu’ils sont là », viens-je d’entendre dire dans la salle. Certes, mais ils font souvent preuve d’un interventionnisme qui empêche les collectivités locales de mener à bien certains projets. Un équilibre doit être trouvé entre leur interventionnisme et la liberté d’agir des collectivités.

Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis. Je ne retiendrai de ce qui a été dit sur le budget que les aspects positifs : la volonté d’ouverture, le respect des engagements du Président de la République, le recentrage sur l’humain et la jeunesse. Lundi dernier encore, devant la commission élargie, la ministre a réaffirmé la mise en œuvre, dans le cadre du débat sur la refondation de l’école lancé par le ministre de l’éducation nationale, d’une démarche partenariale et interministérielle en vue de généraliser l’éducation artistique et culturelle.

Que celles et ceux qui s’interrogent se rassurent : comme je l’ai indiqué devant la commission élargie, l’éducation artistique et culturelle bénéficiera de 2,5 millions supplémentaires en 2013, puis de 5 millions en 2014 et de 7,5 millions en 2015.

Monsieur Herbillon, le financement de l’État prévu pour le projet Lascaux IV, un temps menacé, a été confirmé.

La mise en œuvre de l’enseignement obligatoire d’histoire des arts a été laborieuse en raison du manque de formation des enseignants. Pour surmonter ces difficultés, le rapport indique les pistes à privilégier. Il conviendrait d’améliorer la formation initiale des enseignants en introduisant l’histoire de l’art dans le programme des masters professionnels ; de suivre l’une des préconisations du rapport de la concertation sur l’avenir de l’école tendant à regrouper les horaires pour offrir des plages plus longues d’éducation artistique et culturelle ; de repenser la formation pédagogique au sein des établissements ; de favoriser une plus grande concertation avec les directeurs d’académie et les recteurs ; de renforcer les partenariats avec les collectivités territoriales.

Le rééquilibrage en faveur des régions est une réalité : pour ne citer qu’un seul exemple, les crédits déconcentrés de fonctionnement inscrits au programme 131 en faveur du spectacle vivant s’élèveront à 283 millions d’euros en 2013 contre 279 millions en 2012.

Il est indispensable que tous les établissements, de l’école au lycée, continuent de s’approprier l’enseignement artistique pour garantir l’égal accès de tous les enfants à la culture, sur l’ensemble de nos territoires, ruraux et urbains.

M. Gérald Darmanin, rapporteur pour avis. Madame Dumas, ce que vous avez dit de la compensation de la gratuité d’accès aux musées n’est pas exact. Non seulement elle a toujours été faite mais, dans son rapport thématique de 2011, la Cour des comptes indiquait qu’étant donné l’incertitude sur la perte de recettes réelle, il y a eu une surcompensation de 11,3 millions d’euros en 2010. Le trop perçu n’a pas été récupéré, un accord étant trouvé dans certains cas pour que les sommes considérées soient utilisées par certains musées, dont le Louvre, pour réaliser des travaux sans abondement par l’État de sa subvention.

L’exemple que vous avez donné, madame Attard, du musée national de Copenhague incite à s’interroger sur l’impact de la gratuité sur la structure des publics, une fois passée la curiosité initiale. Pour moi, la question de fond est celle de la communication et, plus précisément, des publics ciblés par la communication relative à la gratuité : si l’on ne s’adresse qu’à ceux qui vont habituellement au musée, on ne suscite qu’un effet d’aubaine. Il faut viser les publics éloignés de la culture, et favoriser la médiation des professeurs. C’est pourquoi, vous l’aurez lu, je recommande à la ministre de la culture de fixer aux présidents des grands musées nationaux des objectifs de démocratisation des publics plus précis.

M. François de Mazières, M. Patrick Hetzel et M. Gwenhaël Huet se sont inquiétés à juste titre de la baisse des crédits de restauration. Elle est de 13 % pour les monuments historiques appartenant à l’État et de 11 % pour ceux qui ne lui appartiennent pas.

Vous m’avez interrogé, madame Genevard, sur la proposition d’un sénateur tendant à ce que l’État contrôle la capacité financière d’un acquéreur potentiel de monument classé à l’entretenir. Le sujet est compliqué. L’État détient 4 % des 14 000 monuments classés et des 27 000 monuments inscrits ; les communes en possèdent 44 %, les autres collectivités publiques 6 % et les propriétaires privés 46 %. Étant donné cette répartition, si, faute de ressources suffisantes, des communes se délestent de monuments classés ou inscrits et que des personnes privées les reprennent, il faudra leur faire confiance. Outre que les personnes privées, bien souvent, restaurent formidablement leurs propriétés, je ne suis pas certain que les crédits existent pour aider à la restauration de ces bâtiments.

Comme vous, monsieur Hetzel, je me suis étonné du décalage entre les affirmations contenues dans le dossier de presse du ministère du budget et des documents budgétaires qui, selon moi, traduisent bien davantage une répartition de la pénurie qu’une ventilation de crédits supplémentaires.

Je recommande, madame Martinel, que les créateurs aidés par l’État offrent quelques heures de médiation au bénéfice des publics éloignés des pratiques artistiques et culturelles. J’ai fait cette proposition au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, qui aide beaucoup les artistes locaux et dont la majorité est d’une autre sensibilité politique que la mienne ; elle a été acceptée et généralisée. Ainsi, chaque troupe subventionnée pour se rendre au festival d’Avignon a fait cinq représentations gratuites dans des lycées, des écoles ou des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Tel est le sens de ma proposition.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 de la mission « Culture ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET DES DÉPLACEMENTS RÉALISÉS
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Fédération des parents d’élève de l’enseignement public (PEEP) – Mme Valérie Marty, présidente, et M. Jean-François Fechino, secrétaire général adjoint

Ø Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) – Mme Liliana Moyano, administratrice, et Mme Nathalie Cuenin, chargée de mission

Ø M. Eric Gross, inspecteur général de l’Éducation nationale, et directeur de l’Institut national du patrimoine

Ø Syndicat général de l’éducation nationale – Confédération française des travailleurs (SGEN-CFDT) – Mme Claudie Paillette, secrétaire nationale, et Mme Anne-Marie Martin, secrétaire fédérale

Ø Conférence des directeurs d’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) – M. François Werckmeister, vice-président

Ø Association des professeurs d’archéologie et d’histoire de l’art des universités – M. Olivier Bonfait, président

Ø Comité français d’histoire de l’art – M. Philippe Sénéchal, président

Ø Inspection générale de l’Éducation nationale – M. Jean-Yves Moirin, doyen du groupe permanent et spécialisé « enseignements et éducation artistiques », et M. Henri de Rohan-Csermak, inspecteur général

Ø Secrétariat général du Ministère de la culture – Mme Claire Lamboley, chef du service de coordination des politiques culturelles et de l’innovation et M. François Marie, chargé de mission

Ø Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) au Ministère de l’éducation nationale – M. Jean-Michel Blanquer, directeur général, M. Pierre Laporte, Adjoint au chef du bureau des programmes d’enseignement

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Education – M.  Antony Lauzac, syndicat des enseignants UNSA et Mme Claire Krepper, secrétaire nationale du syndicat des enseignants, chargée de l’éducation

Ø Syndicat national de l’enseignement supérieur – Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU) – M. Roland Hubert, co-secrétaire général et Mme Sandrine Charrier, secrétaire nationale culture

Ø Syndicat national unitaire des instituteurs et professeurs des écoles et PEGC – Fédération syndicale unitaire (SNUIPP-FSU) – Mme Marianne Baby Petit-jean, secrétaire générale adjointe et M. Pierre Garnier, secrétaire national

Ø Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN) – Mme Isabelle Bourhis, secrétaire nationale commission pédagogie, Mme Corinne Laurent, membre du bureau national, M. Michel Richard, secrétaire général adjoint, et M. Cédric Carraro, secrétaire permanent au siège

Ø Institut national de l’histoire de l’art – Mme Antoinette Le Normand-Romain, directeur général

Ø Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC) – M. Didier Lockwood, vice-président, et  M. Jean-Miguel Pire, rapporteur général

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Déplacements réalisés par la rapporteure pour avis

Ø Musée du Louvre (participation à un atelier de photographie avec une classe de terminale du lycée professionnel Erik Satie – 14e arrondissement de Paris).

Ø École élémentaire de la rue Championnet dans le 18e arrondissement de Paris (visite dans la classe de CM1 de Mme Caroline Jarraud, lors de l’intervention de Mme Sabine Thiriot, responsable du service éducatif du musée du Jeu de Paume)

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