N° 254 tome IX - Avis de Mme Estelle Grelier sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)



N
° 254

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013 (n° 235),

TOME IX

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

(Article 44 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes
de l’État au titre de la participation de la France
au budget de l’Union européenne

PAR Mme Estelle GRELIER

Députée

——

Voir le numéro 251.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : LE PRELEVEMENT EUROPEEN POUR 2013 7

I. QUEL BUDGET POUR L’UNION EUROPÉENNE EN 2013 ? 7

A. La dernière année du cadre financier pluriannuel 2007-2013 7

B. Une négociation difficile 9

1. Le projet de budget de la Commission européenne 10

2. Conseil et Parlement : des conceptions difficilement conciliables 13

a. Le Parlement européen en soutien de la Commission 13

b. Le Conseil souhaite limiter autant que possible la charge pesant sur les finances publiques 13

c. Une phase de négociation qui s’annonce délicate 16

C. Un débat budgétaire qui a pour toile de fond celui sur le prochain cadre financier pluriannuel 17

1. La proposition de la Commission pour la période 2014-2020 17

2. La négociation du cadre financier 2014-2020 18

II. LA PARTICIPATION DE LA FRANCE AU BUDGET 2013 DE L’UNION EUROPÉENNE 22

A. Une contribution en hausse de 2,9% par rapport à 2012 22

1. Un prélèvement sur recette évalué à 19,6 milliards d’euros 22

2. Une contribution toujours en hausse 23

B. Des flux financiers ambivalents entre la France et l’Union européenne 25

1. La France est un des principaux bénéficiaires du budget européen… 25

2. … mais son solde net subit une dégradation constante 26

SECONDE PARTIE : L’AVENIR DES RESSOURCES PROPRES DE L’UNION EUROPENNE 29

I. LES RESSOURCES PROPRES, UNE SPÉCIFICITÉ DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES PUIS DE L’UNION EUROPÉENNE 29

A. Les ressources propres, une idée ancienne 29

B. Le système actuel 30

II. UN SYSTÈME QUI N’EST PAS SATISFAISANT 32

A. Des ressources propres qui ne le sont pas véritablement 32

B. Un système qui exacerbe les égoïsmes nationaux 33

C. Un système complexe et opaque 34

1. Le calcul de la ressource TVA 34

2. Les mécanismes de correction 35

III. UN SYSTÈME À RÉFORMER 38

A. Une réforme indispensable 38

1. Libérer le budget européen des budgets nationaux 38

2. Un besoin de plus de cohérence avec les grandes orientations européennes 38

B. Les travaux en cours 39

1. Les propositions de la Commission européenne 39

a. Simplifier les contributions des Etats membres 39

b. Instaurer de nouvelles ressources 40

c. Réformer les mécanismes de correction 42

d. Rééquilibrer la structure de financement 43

2. Une réforme vouée à l’échec ? 44

a. Un Parlement européen favorable à un nouveau système de ressources propres 44

b. Des Etats membres partagés, une issue potentiellement explosive 46

C. Pour une réforme ambitieuse 47

1. Revenir pleinement à l’esprit des traités 48

2. Mettre un terme aux rabais 48

3. Instituer des ressources en lien avec les politiques de l’Union 49

CONCLUSION 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

ANNEXE 59

Mesdames, Messieurs,

Comme sous la précédente législature, la Commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article du projet de loi de finances évaluant le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’Etat au profit du budget de l’Union européenne.

Alors que l’analyse de ce prélèvement constitue un moment privilégié pour le Parlement français, la Conférence des Présidents de notre Assemblée n’a pas utile bon d’organiser un débat spécifique, en séance, sur cet article. Votre rapporteure le regrette vivement. L’examen du « prélèvement européen » permet une ouverture sur les finances publiques de l’Union. Il conduit également à faire le point sur les engagements budgétaires européens et sur la contribution des différents Etats membres.

A cet égard, 2013 va constituer une année particulière pour le budget de l’Union, puisque l’an prochain sera le dernier exercice du cadre financier pluriannuel 2007-2013. Le contexte est donc particulier et est profondément marqué par la négociation de la programmation suivante, celle qui couvrira la période allant de 2014 à 2020.

Mais 2013 sera également la dernière année de l’application de la décision « ressources propres » de 2007, celle qui détermine les modalités de financement de l’Union européenne.

Un nouveau système de ressources propres doit donc être élaboré sans tarder et votre rapporteure a tout particulièrement choisi de s’y attarder dans la seconde partie du présent avis budgétaire.

Il apparaît, en effet, opportun que notre Commission se saisisse d’un sujet primordial et manifeste l’attachement de la représentation nationale à être associée aux enjeux majeurs qu’il pose.

Le budget de l’Union européenne pour 2013 est le dernier du cadre financier pluriannuel fixé par l’accord institutionnel du 17 mai 2006. Ce cadre a été ajusté à plusieurs reprises depuis son adoption. Par exemple, pour tenir compte de l’inflation, la Commission procède chaque année à un réajustement technique des plafonds du cadre en leur appliquant un coefficient de 2 %. De même, ce cadre a été révisé – par des compensations entre rubriques –, en 2008, pour financer le programme de navigation par satellite Galileo et, à deux reprises, en 2009, pour financer le plan de relance européen. Ce fut à nouveau le cas à la fin de 2011 pour assurer le financement des surcoûts du projet ITER. Les plafonds des crédits d’engagement de la sous-rubrique 1a furent relevés de 650 millions d’euros pour 2012 et de 190 millions d’euros pour 2013 mais ces hausses furent compensées par une diminution du plafond des crédits d’engagement de la rubrique 2 pour 2011 (- 450 millions d’euros) et du plafond des crédits d’engagement de la rubrique 5 pour 2011 (- 243 millions d’euros) et 2012 (- 147 millions d’euros). Les plafonds annuels des crédits de paiement pour 2011 (- 580 millions d’euros) et 2013 (+ 580 millions d’euros) furent ainsi ajustés afin de maintenir une relation ordonnée entre engagements et paiements.

Le tableau suivant retrace le cadre financier pluriannuel 2007-2013 tenant compte du dernier ajustement technique réalisé par la Commission européenne le 20 avril 2012 :

CADRE FINANCIER 2007-2013

 

en millions d’euros – aux prix courants

 

Crédits d’engagement

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total 2007-2013

1. Croissance durable

53 979

57 653

61 696

63 555

63 974

67 614

70 147

438 618

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

8 918

10 386

13 269

14 167

12 987

14 853

15 623

90 203

1b. Cohésion pour la croissance et l’emploi

45 061

47 267

48 427

49 388

50 987

52 761

54 524

348 415

2. Conservation et gestion des ressources naturelles

55 143

59 193

56 333

59 955

59 688

60 810

61 289

412 611

dont : dépenses de marché et paiements directs (1)

45 759

46 217

46 679

47 146

47 617

48 093

48 574

330 085

3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice

1 273

1 362

1 518

1 693

1 889

2 105

2 376

12 216

3a. Liberté, sécurité et justice

637

747

867

1 025

1 206

1 406

1 661

7 549

3b. Citoyenneté

636

615

651

668

683

699

715

4 667

4. L’UE acteur mondial

6 578

7 002

7 440

7 893

8 430

8 997

9 595

55 935

5. Administration (2)

7 039

7 380

7 525

7 882

8 091

8 523

9 095

55 535

6. Compensations

445

207

210

0

0

0

0

862

Total crédits d’engagement

124 457

132 797

134 722

140 978

142 272

148 049

152 502

975 777

en % du RNB (3)

1,02 %

1,08 %

1,16 %

1,18 %

1,15 %

1,13 %

1,15 %

1,12 %

Total crédits de paiement

122 190

129 681

120 445

134 289

133 700

141 360

143 911

925 576

en % du RNB (3)

1,00 %

1,05 %

1,04 %

1,12 %

1,08 %

1,08 %

1,08 %

1,06 %

Marge disponible

0,24 %

0,19 %

0,20 %

0,11 %

0,15 %

0,15 %

0,15 %

0,17 %

Plafond des ressources propres en % du RNB

1,24 %

1,24 %

1,24 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

(1) Montant avant prise en compte de la modulation et d’autres transferts en faveur du développement rural.

(2) S’agissant des dépenses de pensions, les montants pris en compte sous le plafond de cette rubrique sont calculés nets des contributions du personnel au régime correspondant, dans la limite de 500 millions d'euros aux prix de 2004 pour la période 2007-2013.

(3) Ces chiffres sont fondés sur l’ajustement technique du cadre financier pour 2013 à l’évolution du RNB, présenté par la Commission européenne le 20 avril 2012 (COM(2012)184).

 

Source : Commission européenne.

Pour 2013, le plafond global des crédits d’engagement s’établit donc à 152,5 milliards d’euros (soit 1,15 % de la richesse de l’Union mesurée par le revenu national brut – RNB), et le plafond des crédits de paiement à 143,9 milliards d’euros, soit 1,08 % du RNB de l’Union. Par rapport aux plafonds qui étaient fixés pour l’année 2012, les plafonds pour 2013 sont en hausse de 3 % en engagements et de 1,8 % en paiements.

Il convient de préciser que les dépenses sont plafonnées de telle manière à ce qu’elles ne conduisent pas à un taux d’appel des ressources propres supérieur au plafond maximal qui est égal à 1,23 % du RNB communautaire.

Votre rapporteure tient enfin à relever que le cadre financier pluriannuel 2007-2013 est le dernier qui aura été fixé par le biais d’un accord interinstitutionnel. Aux termes des changements introduits par le traité de Lisbonne, la fixation des plafonds doit désormais s’effectuer selon une procédure législative spéciale (règlement du Conseil adopté à l’unanimité après approbation du Parlement européen).

Le budget de l’Union européenne pour 2013 va être, après ceux de 2011 et 2012, le troisième adopté à l’issue de la « nouvelle » procédure budgétaire résultant de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Pour mémoire, selon cette procédure, la Commission établit le projet de budget de l’année n et le présente au Parlement et au Conseil au plus tard le 1er septembre de l’année n-1. Le Conseil adopte sa position sur le projet de budget et la transmet au Parlement avant le 1er octobre. Celui-ci dispose de 42 jours pour soit approuver la position du Conseil, soit, à la majorité des membres qui le composent, amender cette position. Dans le premier cas (ou si le Parlement ne statue pas), le budget est considéré comme adopté. Dans le second cas, le texte amendé est transmis au Conseil et le président du Parlement, en accord avec le président du Conseil, convoque sans délai le comité de conciliation (1), lequel est composé de membres du Conseil ou de leurs représentants et d'autant de membres représentant le Parlement. Ce comité a 21 jours pour aboutir à un accord sur un projet commun. S’il y parvient, ce projet est soumis au Parlement et au Conseil pour approbation dans les 14 jours. Lorsque la procédure est achevée, le président du Parlement constate que le budget est définitivement adopté. Si le comité de conciliation échoue ou si le projet commun est rejeté par le Parlement, la Commission soumet un nouveau projet de budget. En revanche, si le projet commun élaboré par le comité de conciliation est rejeté par le Conseil tandis que le Parlement l'approuve, le Parlement peut décider de confirmer l'ensemble ou une partie des amendements qu'il a adoptés à la majorité de ses membres et aux 3/5ème des suffrages exprimés (2). Ce « dernier mot » doit être relativisé. Jusqu’à présent, le Parlement européen a toujours fait preuve de modération et n’est jamais « passé en force » pour imposer ses vues au Conseil.

Aux termes du schéma procédural que votre rapporteure vient de rappeler, il apparaît que le projet de budget de la Commission structure l’ensemble de la procédure budgétaire communautaire. Il sert de référence aux échanges entre le Conseil et le Parlement européen. Traditionnellement, le premier adopte une attitude visant à renforcer la discipline budgétaire et le second considère que le projet de la Commission est en deçà des besoins. La négociation qui s’ensuit conduit alors, le plus souvent, à un accord proche de la position initiale de la Commission. En fait, le Parlement apparaît généralement plus attaché aux autorisations d’engagement et le Conseil aux crédits de paiement. Il y a là un « jeu de dupes » qui permet, certes, de dégager des compromis mais n’est pas sans conséquence sur l’accumulation de « restes à liquider » (3).

Il en va différemment cette année. L’issue de la procédure pour adopter le budget 2013 est très incertaine en raison des fortes divergences suscitées par le projet controversé présenté par la Commission. En effet, cette dernière a présenté, en avril 2012 , un projet de budget qu’elle a actualisée le 6 juillet suivant et que votre rapporteure a déjà eu l’occasion de décrire précisément dans le cadre des travaux de la Commission des affaires européennes de notre Assemblée (4). Ce projet s’élève à 137,9 milliards d’euros en paiements (soit une hausse de 6,8 % par rapport à 2012) et à 150,9 milliards d’euros en autorisations d’engagements (soit une augmentation de 2,05% par rapport à 2012).

Dans un contexte de crise économique et de tensions sur les finances publiques, de telles hausses n’ont pas manqué de susciter des réactions, en particulier de la part des gouvernements conservateurs. La Commission s’est justifiée en déclarant que son projet était une « proposition responsable et cohérente, recentrée sur la croissance et l’emploi ». Elle défend cinq grandes lignes :

– le soutien aux investissements, pour une croissance favorable à l’emploi ;

– la volonté de présenter un budget réaliste et responsable (afin, notamment, d’honorer les engagements pris lors des exercices précédents) ;

– un examen attentif des performances ;

– la mise en œuvre de la rigueur administrative ;

– le choix de ne pas prendre en compte l’adhésion prochaine de la Croatie dans les dépenses opérationnelles (ce qui sera fait dans un budget rectificatif dans le courant de l’année 2013 (5) mais soulève, toutefois, la question de la sincérité du montant total du budget et de son évolution, dès lors que des dépenses connues à l’avance n’y sont pas intégrées).

PROJET DE BUDGET 2013 PRESENTE PAR LA COMMISSION EUROPEENNE (simplifié)

Rubrique

Projet de budget 2013 présenté par la commission (en millions d’euros)

Evolution 2012/2013 (en %)

Crédits d’engagement (CE)

Crédits de paiement (CP)

CE

CP

1- Croissance durable

70 531

62 528

3,49

13,03

1a- compétitivité pour la croissance et l’emploi

16 032

13 553

4,08

18,03

1b- cohésion pour la croissance et l’emploi

54 499

48 975

3,31

11,72

2- Conservation et gestion des ressources naturelles

60 308

57 965

0,55

1,63

3- Citoyenneté, liberté, sécurité et justice

2 082

1 575

-0,08

4,81

3a- liberté, sécurité et justice

1 392

928

1,79

11,10

3b- citoyenneté

689

646

-3,65

-3,07

4- L’UE, acteur mondial

9 467

7 312

0,65

5,13

5- Administration

8544

8546

3,20

3,23

6- TOTAL

150 932

137 924

2,05

6,85

La rubrique 1 « croissance durable » enregistre la plus forte hausse, en engagements (+3,49%) et surtout en paiements (+13,03%). Elle représente 47% du budget total de l’Union. La Commission escompte un effet de levier sur les politiques des Etats membres. Le budget met donc l’accent sur la recherche (via le 7ème programme cadre de recherche et de développement technologique), les transports intereuropéens, le soutien aux PME, à l’éducation et à la formation, les fonds structurels (FEDER et FSE) et le fonds de cohésion.

La rubrique 2 « conservation et gestion des ressources naturelles » est la plus importante après la rubrique croissance durable. Les crédits prévus pour les dépenses agricoles augmentent faiblement et devraient s’élever à 44 milliards d’euros en engagements et autant en paiements. Les moyens du Fonds européens agricole de développement rural (Feader) sont renforcés. En revanche les crédits d’engagement mobilisés pour la pêche et les affaires maritimes ainsi que pour les mesures vétérinaires et phytosanitaires sont en baisse.

La rubrique 3 « citoyenneté, liberté, sécurité et justice » doit être appréhendée différemment selon la sous-rubrique concernée. En ce qui concerne la 3a (« liberté, sécurité et justice ») on constate une hausse de +1,79% en engagements et de +11,10% en paiements. L’accent est notamment mis sur les moyens en faveur de la solidarité et de la gestion des flux migratoires qui s’accroissent de 14,1% en engagements et de 18 % en paiements. Cet effort bénéficie principalement aux fonds pour les frontières extérieures, l’aide au retour, l’intégration et les réfugiés En revanche les crédits de la sous-rubrique « citoyenneté », (3b) baissent de 3,6% en engagement et de 3,07% en paiement.

La rubrique 4 (« l’UE, acteur mondial ») voit les crédits d’engagement augmenter de 0,65% et ceux de paiement de 5,13%. Les fonds consacrés à l’instrument européen de voisinage et de partenariat sont en hausse (+1,9%), tout comme ceux consacrés à l’assistance macro financière, notamment pour les pays arabes de la Méditerranée (+4,7% en engagement et +22,7% en paiement). Les crédits de la Politique étrangère et de sécurité commune selon la Commission, devraient, eux, être accrus de 9,2 % en engagements et de 5,9% en paiement. Toutefois, afin de prendre en compte le fait que le Croatie aura rejoint l’Union européenne le 1er juillet 2013, les crédits de l’instrument d’aide de pré-adhésion sont en baisse et perdent 2,4 millions d’euros par rapport à 2012.

Enfin, on constate une augmentation de 3,2 % de la rubrique 5, c'est-à-dire dépenses administratives (2,8% hors dépenses liées à l’adhésion de la Croatie), qui s’élèvent, dans le projet de budget pour 2013, à 8,54 milliards d’euros. Toutefois, le projet de budget prend en compte une baisse d'1 % des effectifs.

Votre rapporteure tient à souligner les différences importantes que l’on peut relever entre la progression des autorisations d’engagement et celle des crédits de paiement. Pour la Commission, il faut tout simplement « payer la facture », c'est-à-dire honorer les engagements non liquidés, avec le risque, si cela n’est pas fait, de décrédibiliser totalement les actions entreprises par l’Union. Le projet de budget pour 2013 se caractérise par un niveau élevé des crédits de paiement car il est le dernier exercice du cadre financier pluriannuel 2007-2013, donc une année davantage marquée par les « décaissements » que par les engagements. La part des fonds de cohésion dans les restes à liquider (RAL) est importante puisqu’ils représentaient 136 milliards (soit les deux tiers) du « stock » constaté fin 2011. Comme votre rapporteure le précisera ultérieurement, les RAL constituent un problème réel qui pèse lourdement sur l’élaboration du prochain cadre financier pluriannuel.

Par sa résolution du 4 juillet 2012 adoptée par 540 voix pour, 93 contre et 52 abstentions, le Parlement européen a déterminé le mandat relatif au trilogue sur le projet de budget 2013 qui s’est tenu avant le début de l’examen du projet de budget 2013 par le Conseil.

Le Parlement européen y affirme vouloir « défendre fermement un niveau suffisant de ressources pour le budget des années à venir, tel que défini dans le projet de budget, et s'opposer à toute tentative de réduire les ressources en particulier pour les politiques amenant la croissance et l'emploi». Il demande au Conseil de « se comporter de manière responsable » et de « s'abstenir de procéder à des réductions artificielles en décidant, a priori, du niveau global des paiements sans tenir compte de l'estimation des besoins réels dans le cadre de la réalisation des objectifs et des engagements convenus par l'Union européenne ». Enfin, le Parlement défend un niveau de paiements suffisant et s’inquiète notamment du problème des restes à liquider (RAL) et souhaite un niveau suffisant de crédits d'engagement.

Dès la présentation du projet de budget pour 2013, les premières lignes de fracture au sein du Conseil sont apparues. Ainsi, les États contributeurs nets ont dénoncé une proposition en complet décalage avec la réalité des finances publiques nationales tandis que les États de la cohésion ont soutenu la proposition de la Commission, notamment le volet relatif aux fonds de cohésion. La présidence chypriote s’est employée à trouver un compromis finalement adopté par le comité budgétaire du 5 juillet 2012, puis confirmé par le COREPER du 11 juillet 2012. Une large majorité s’est dégagée en faveur de ce compromis, puisque seuls trois États – Royaume-Uni, Suède et Pays-Bas – ont voté contre et que l’Autriche s’est abstenue. Le Conseil « affaires générales » a officiellement pris position sur le projet de budget de la Commission le 24 juillet 2012.

Pour le Conseil, sa position « conjugue la nécessité d'éviter de surcharger indûment les finances publiques des États membres en période d'assainissement budgétaire avec le besoin d'adopter des mesures visant à favoriser la croissance. Il tient dûment compte également du fait que l'exercice 2013 est le dernier exercice couvert par le cadre financier pluriannuel (CFP) actuellement en vigueur » (6).

Le budget qu’il a adopté s’élève à 132,7 milliards d’euros en crédits de paiement (soit 0,99 % du RNB de l’Union) et à 149,8 milliards d’euros en crédits d’engagement, ce qui laisse une marge sous le plafond du cadre financier pluriannuel de 3,6 milliards d’euros. Le Conseil a ainsi décidé de réduire de 5,2 milliards d’euros l’enveloppe des crédits de paiement, maintenant une progression de 2,79 % par rapport à 2012, cette hausse se situant ainsi entre celle de 2012 (+ 2,02 %) et celle de 2011 (+ 2,91 %). S’agissant des crédits d’engagement, leur enveloppe, selon le Conseil, devrait être réduite de 1,2 milliard d’euros. Ainsi, les engagements progresseraient de 1,27 % par rapport à 2012, alors que la Commission proposait une augmentation de 2,05 %.

Le Conseil souhaite concentrer les ressources sur les mesures permettant de relancer la croissance, tout en limitant autant que possible la charge pesant sur les finances publiques. Cette attitude est cependant quelque peu paradoxale puisqu’elle ne peut que conduire à un accroissement du « stock » de RAL que, tôt ou tard, il faudra payer.

Le tableau suivant présente le projet de budget pour 2013 tel que revu par le Conseil et son évolution par rapport à 2012 :

(en euros)

Intitulé

Position du conseil

Variation
par rapport au PB 2013 (montant)

Variation
par rapport
au budget 2012

(BR 1 à 3 inclus)

(%)

c/e

c/p

c/e

c/p

c/e

c/p

1. Croissance durable

70 054 447 793

59 030 453 016

-476 549 090

-3 497 392 392

+2,79

+6,71

1a. Compétitivité pour la croissance et l'emploi

15 562 898 756

11 655 162 155

-469 149 090

-1 897 649 090

+1,04

+1,50

1b. Cohésion pour la croissance et l'emploi

54 491 549 037

47 375 290 861

-7 400 000

-1 599 743 302

+3,30

+8,07

2. Conservation et gestion des ressources naturelles

59 971 444 488

57 474 312 204

-336 066 928

-490 566 928

-0,01

+0,77

dont dépenses de marché et aides directes

43 795 348 610

43 776 431 204

-335 000 000

-336 500 000

-0,40

-0,23

3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice

2 057 175 617

1 514 079 543

-24 465 583

-60 520 583

-1,25

+0,78

3a. Liberté, sécurité et justice

1 377 280 417

877 353 593

-14 946 783

-50 974 783

+0,69

+5,00

3b. Citoyenneté

679 895 200

636 725 950

-9 518 800

-9 545 800

-4,98

-4,50

4. L'UE acteur mondial

9 295 470 596

6 277 295 936

-171 698 115

-1 034 292 115

-1,17

-9,75

5. Administration

8 398 233 899

8 399 333 899

-146 184 597

-146 184 597

+1,43

+1,47

Total général

149 776 772 393

132 695 474 598

-1 154 964 313

-5 228 956 615

+1,27

+2,79

Crédits en % du RNB

1.12%

0.99%

       

PB = projet de budget (présenté par la Commission) BR = budget rectificatif

Source : Conseil de l’Union européenne

Les réductions de crédits d’engagement par rapport au projet de budget de la Commission s’établissent à −469 millions d’euros pour la rubrique 1a
– votre rapporteure ne peut que déplorer le mauvais signal qui est ici envoyé –, à
– 24 millions d’euros pour la rubrique 3 et à – 172 millions d’euros pour la rubrique 4. En outre, 481 millions d’euros des réductions en crédits d’engagement décidées par le Conseil sur les propositions de la Commission sont la conséquence d’une réduction des crédits de paiement (
7) : 335 millions d’euros pour la rubrique 2 et 146 millions d’euros pour les dépenses administratives.

Pour le Conseil, la limitation de l’augmentation des crédits de paiement par rapport à 2012 répond à la nécessité d’assurer une juste budgétisation en fonction des besoins réels de chaque politique. Il a limité l’évolution par rapport à 2012 des crédits de paiement de l’ensemble des rubriques : la rubrique 1a « Compétitivité » croît de + 1,3 % par rapport à 2012 ; la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » augmente de + 0,8 % ; la rubrique 3 augmente de + 2 %, la rubrique 4 baisse de - 9,7 % et la rubrique 5 « administration » augmente de + 1,5 %.

En revanche, la rubrique 1b continue de progresser de + 8,1 % par rapport à 2012 malgré les réductions, importantes en volume, proposées par le Conseil par rapport au projet de la Commission.

Par ailleurs, le Conseil a adopté une déclaration demandant à la Commission de présenter un budget rectificatif, dans l’éventualité où les crédits de paiement ne seraient pas suffisants pour couvrir les dépenses des rubriques 1a, 1b, 2 et 4. Cette déclaration traditionnelle du Conseil comporte, comme l’année dernière, un volet spécifique pour la rubrique 1b : la Commission devra évaluer, avant fin septembre 2013, les besoins en crédits de paiement de la rubrique 1b et présenter un budget rectificatif spécifique en cas de risque d’insuffisance des crédits ouverts initialement.

Enfin, deux déclarations unilatérales ont été adoptées :

– l’une signée par la France, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni soulignant que « la modération budgétaire conserve toute son importance au niveau de l'UE au moment où les États membres fournissent des efforts soutenus pour assainir leurs finances publiques et tendre vers la croissance. À cet égard, une augmentation du budget de 2,79 % est supérieure à ce que nous aurions souhaité. Par conséquent, aucune augmentation supplémentaire des dépenses de l'UE ne devrait être décidée d'ici la fin de l'année» ;

l’autre signée par l'Estonie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie affirmant que « le niveau des paiements convenu dans la position du Conseil sur le projet de budget 2013 constitue un minimum (notamment en ce qui concerne la sous-rubrique 1b), qui devrait être considéré comme un point de départ pour les négociations prévues en automne avec le Parlement européen ».

Les positions que votre rapporteure vient de décrire brièvement semblent difficilement conciliables. Il apparaît ainsi très peu probable que le Parlement européen se rallie à la position du Conseil. En effet, le 11 octobre 2012, lors de son vote final sur la position de ce dernier sur le projet de budget, la commission des budgets du Parlement européen a sévèrement remis en cause les coupes proposées par le Conseil. En chiffres absolus, la position du Parlement européen concernant le budget pour l'exercice 2012 aboutit à des montants quasiment identiques à ceux de la proposition de la Commission à savoir :

– 137,9 milliards d'euros en paiements, soit + 5,2 milliards par rapport à la position du Conseil et ;

– 151,84 milliards d'euros en engagements, soit +1,4 milliards par rapport à la position du Conseil.

Le rapport rédigé par les deux rapporteurs de la commission des budgets, MM. Giovanni La Via (Italie, PPE) et Derek Vaughan (Royaume-Uni, S&D) (8), déplore les coupes que le Conseil a opérées dans le projet de budget présenté par la Commission et exprime une profonde préoccupation. Les rapporteurs rappellent ainsi « qu'il faut plutôt voir le budget de l'Union comme un instrument complémentaire de soutien aux économies des États membres, à même de canaliser les initiatives et les investissements dans des domaines stratégiques pour la croissance et l'emploi et d'apporter une réelle valeur ajoutée dans des secteurs qui dépassent les frontières nationales ». Ils soulignent que les réductions voulues par le Conseil « vont totalement à l'encontre des conclusions du Conseil européen de juin (9), qui a qualifié le budget de l'Union de "catalyseur de croissance et vecteur d'emploi dans toute l'Europe" et décidé de mobiliser des moyens, dont 55 milliards d'euros des fonds structurels, en faveur de mesures destinées à stimuler la croissance ». Enfin, les rapporteurs constatent « que la diminution importante du niveau des crédits de paiement envisagée par le Conseil se traduirait par une nouvelle augmentation des RAL de l'ordre de 4,1 milliards d'euros en fin d'exercice en raison du creusement de l'écart entre crédits d'engagement et crédits de paiement, sachant notamment que la majeure partie des RAL se rapporte à la politique de cohésion (65,6 %) et aux secteurs liés à la R&D (10,5 %), qui sont les deux domaines les plus durement touchés par les réductions ».

La position du Parlement sera officiellement adoptée, en plénière, le 23 octobre prochain. La conciliation avec le Conseil débutera dès le vendredi 26 octobre en soirée et la réunion de clôture aura lieu le vendredi 9 novembre. Même si, jusqu’à présent, lors des précédents exercices budgétaires, le Parlement a toujours fait l’essentiel des concessions, cette phase de négociations sera assurément tendue eu égard aux opinions exprimées jusqu’à présent par les différentes autorités budgétaires (Parlement et Conseil) mais aussi en raison des tensions perceptibles parmi les gouvernements des Etats-membres et que votre rapporteure a exposé précédemment En tout état de cause si la conciliation débouche sur un accord, celui-ci sera soumis au vote de la plénière lors de la session de novembre.

Cette proposition a été rendue publique le 29 mai 2011, en même temps que celle relative aux futures ressources propres (10). Elle repose sur une stabilisation de la part des crédits d’engagement dans le RNB de l’Union à 1,05 %. Comme l’a confirmé à votre rapporteure M. Hervé Jouanjean, directeur général du budget de la Commission européenne, cette dernière, qui raisonne à prix constants (prix de 2011), s’est fondée sur le plafond prévu pour le budget en 2013, puisque les engagements qu’elle propose pour l’ensemble de la période du cadre financier pluriannuel s’élèvent à 1 025 milliards d’euros, soit un montant équivalent à sept fois les engagements prévus pour 2013. En euros courants, la proposition s’établirait toutefois à 1 156 milliards d’euros.

En paiements, la Commission propose 972 milliards d’euros sur la période. En euros courants, et compte tenu des données actualisées liées aux budgets 2012 et 2013 et du montant du reste à liquider, les paiements s’établiraient à 1 113 milliards d’euros. Si l’on ajoute les crédits prévus hors budget pour ITER et GMES et les instruments hors plafond, le total s’élèverait à près de 1 140 milliards d’euros.

Le 6 juillet 2012, la Commission a modifié sa proposition, afin de tenir compte de l’adhésion de la République de Croatie (+ 13,7 milliards d’euros en engagements et + 9,9 milliards d’euros en paiements) mais aussi de l’actualisation des données relatives au produit intérieur brut (PIB) régional et au revenu national brut (RNB, ce qui a conduit à une modification des dotations régionales et nationales au titre de la politique de cohésion. 

Cette révision prévoit donc une hausse de 8 milliards d’euros du plafond total des engagements, le portant à 1 033 milliards d’euros (1,08 % du RNB de l’Union), et un relèvement du plafond des paiements de 16 milliards d’euros, qui s’établit donc à 988 milliards d’euros (1,03 % du RNB). En euros courants, ces plafonds sont respectivement de 1165 et 1113 milliards d’euros.

Le tableau suivant retrace la proposition de la Commission telle que revue le 6 juillet 2012 (en euros courants) :

Source : « Jaune budgétaire » relatif aux relations financières
avec l’Union européenne, annexé au projet de loi de finances pour 2013

Logiquement, le débat sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 repose sur les mêmes points de vue que celui sur le projet de budget pour 2013. Les deux discussions sont fortement empreintes des mêmes visions du projet européen et, aussi, des mêmes contraintes, en particulier celle imposée par la crise économique actuelle et la rétractation des financements publics.

Le Parlement, « malheureusement confiné à un simple rôle d’approbation » (11), a déjà eu l’occasion de faire connaître sa position, laquelle va au-delà de celle de la Commission. Dans une résolution du 8 juin 2011, il a jugé que, pour atteindre les objectifs déjà fixés pour l’Union, une progression de 5 % au moins par rapport au budget de 2013 était nécessaire. Dans ce cas de figure, le budget représenterait 1,11 % du RNB de l’Union. Les députés européens mettent notamment en garde devant le risque de remettre en cause l’élan apporté à la recherche et à l’innovation ainsi que les investissements en infrastructures, la politique étrangère et l’élargissement. Selon eux, les dépenses de politique régionale (cohésion et fonds structurels) et d’agriculture – trop souvent opposées l’une à l’autre – doivent être maintenues à leur niveau actuel et, concernant les régions dont le PIB par habitant est compris entre 75 % et 90 % du PIB de l’Union, le Parlement européen invite la Commission à créer, pour la durée de la prochaine période de programmation, une catégorie intermédiaire afin de leur conférer un statut plus clair et de leur offrir davantage de sécurité dans leur développement. De même, les investissements dans les infrastructures énergétiques doivent augmenter et, afin de réaliser des économies au sein des dépenses administratives, le Parlement européen défend l’idée de ne disposer que d’un seul siège. Les eurodéputés regrettent aussi le manque de flexibilité du budget de l’Union(12) et soulignent les difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de tenir compte d’éléments nouveaux. Aussi suggèrent-ils une plus grande souplesse budgétaire et proposent-ils en particulier que les marges inutilisées, ainsi que les crédits dégagés et non utilisés dans un budget annuel puissent constituer une marge globale au sein du cadre financier pluriannuel. Enfin, critique sur le système de financement, le Parlement appelle de ses vœux la mise en place d’un système fondé sur des « ressources propres véritables » et votre rapporteure entend revenir plus longuement sur ce thème en seconde partie du présent rapport.

Le Conseil, à qui il revient, aux termes de l’article 312 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de prendre une décision, est quelque peu partagé. Après la publication de la proposition de la Commission européenne et les premières discussions engagées par la présidence polonaise du Conseil, la présidence danoise a mis en place une « boîte de négociation » qui expose l’ensemble des points devant être débattus et les différentes options possibles (13). Les divergences portent notamment sur le volume global du budget
– les contributeurs nets refusant un budget supérieur à 1 % du revenu national brut de l’Union –, la conditionnalité macroéconomique dans la politique de cohésion, la convergence, le niveau et le verdissement des aides agricoles ainsi que les projets financés en dehors du budget de l’Union. Cette « boîte de négociation » inclut également, en théorie, la question des ressources propres. Mais ce thème semble quelque peu délaissé, comme votre rapporteure le mentionnera dans la seconde partie du présent rapport.

La négociation du futur cadre financier est donc laborieuse (14). Parmi les principales positions exprimées jusqu’alors, on peut noter celle du Royaume-Uni qui souhaiter minorer d’au moins 200 milliards d’euros le total des plafonds de la Commission. Les 15 Etats « de la cohésion », rejoints par la Belgique, l’Italie et le Luxembourg, soutiennent la proposition globale de la Commission dans le but de préserver tels quels les plafonds de la rubrique « cohésion ». La France, quant à elle, en tant que contributeur net, est très réservée et ne paraît pas en mesure d’accepter, en l’état, l’initiative de la Commission. Il apparaît, en effet, que le cadre financier 2014-2020, tel qu’il est proposé, serait difficilement soutenable pour les finances publiques ainsi que le rappelle le « Jaune budgétaire » relatif aux relations financières avec l’Union européenne, annexé au projet de loi de finances pour 2013 (p. 25) :

« La traduction du « paquet » sur le périmètre classique de financement de l’UE et en euros courants montre donc un total de dépenses bien supérieur à ce qui a été annoncé : 1 151 Md€ contre 988 Md€2011 annoncés en crédits de paiement, voire 1 191 Md€ en ajoutant les crédits du fonds européen de développement (FED) actuellement financé au sein de la mission « Aide publique au développement » du budget général de l’État. En crédits d’engagement, ce sont 1 197 Md€ contre 1 033 Md€2011 annoncés, voire 1 231 Md€ en intégrant les crédits du FED.

« L’enveloppe totale du nouveau cadre 2014-2020 serait ainsi supérieure de + 24 % au précédent cadre pluriannuel 2007-2013 (926 Md€) et de + 36 % à la prévision d’exécution de ce même cadre (près de 846 Md€), en crédits de paiement. En outre, la proposition de la Commission découple fortement le niveau des crédits d’engagement et celui des crédits de paiement, ce qui majorera le niveau restes à liquider après 2020.

« En termes de soutenabilité des dépenses, ces propositions se traduiraient pour la France, à système de ressources inchangé, par un ressaut très important du prélèvement sur recettes, de l’ordre de + 6,1 Md€ entre la LFI 2012 (18,9 Md€) et l’estimation 2020 (25,0 Md€) ou de l’ordre de + 4,1 Md€ entre la LFI 2012 (18,9 Md€) et 2015 (23,0 Md€), soit + 1,4 Md€/an en moyenne sur les trois prochaines années. Ce ressaut n’est pas compatible avec notre stratégie de retour à l’équilibre. Dans le contexte de redressement de nos finances publiques marqué par l’application de la norme du « 0 valeur » pour le budget hors pensions et charges de la dette, ces besoins de financement nouveaux se traduiraient immédiatement par des économies supplémentaires à réaliser par chacun des ministères, sur leurs interventions comme sur leur fonctionnement ».

En outre, le niveau à court terme du prélèvement sur recettes dépend aussi d’un paramètre majeur déjà abordé par votre rapporteure : les restes à liquider. 210 milliards d’euros de RAL devraient subsister à la fin de l’année 2013, une telle somme ayant un impact direct sur la contribution lors des premières années de la programmation suivante.

Lors du sommet des 28 et 29 juin 2012, le Conseil européen a examiné le cadre de négociation proposé. Après avoir salué le travail de la présidence danoise, il a conclu que la « negociating box » devait encore être affinée. La présidence chypriote, qui a pris ses fonctions le 1er juillet dernier, est donc mandatée pour faire aboutir les négociations au cours du second semestre 2012. Un Conseil européen extraordinaire est convoqué à cet effet les 22 et 23 novembre 2012 pour tenter de parvenir à un accord. Votre rapporteure espère que les parties en présence sauront s’accorder sur un budget responsable qui, sans nier les contraintes budgétaires qui pèsent sur les Etats membres, tiendra également compte– et c’est là le plus important – des défis budgétaires que l’Union doit relever pour la croissance.

La contribution au budget de l’Union européenne due par la France est évaluée par l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013 à 19,598 milliards d’euros. Ce montant – qui représente une hausse de 2,9% par rapport à 2012 – comprend 4,049 milliards d’euros de ressource TVA (dont 1,1 milliards d’euros au titre de la correction britannique) et 15,549 milliards d’euros de ressource RNB. Depuis 2010, le prélèvement sur recettes prévu par le projet de loi de finances ne comptabilise plus les ressources propres traditionnelles, celles-ci étant directement collectées par l’Etat pour le compte de l’Union européenne. A titre d’information, elles sont évaluées, en 2013, à 2,713 milliards d’euros pour les droits de douane et à 41 millions d’euros pour la cotisation sucre et isoglucose.

Le montant du prélèvement sur recettes a été évalué en fonction des prévisions de dépenses, de recettes et de solde du budget communautaire.

S’agissant de la prévision des dépenses, le Gouvernement a retenu l’hypothèse d’un budget européen fondé sur la position adoptée par le Conseil le 24 juillet dernier, c'est-à-dire nettement inférieur à la proposition initiale de la Commission (15).

L’évaluation du prélèvement sur recettes tient compte par ailleurs d’une hypothèse de « budget solde » 2012 reporté sur 2013 qui viendra modifier le montant de la contribution de chaque Etat membre.

Enfin, s’agissant du volet recettes, ont été prises en compte les données prévisionnelles de la Commission européenne, issues du comité consultatif des ressources propres réuni à Bruxelles en mai 2012 et reprises dans le projet de budget pour 2013. Ces données portent sur les assiettes 2013 TVA et RNB et la correction britannique.

Votre rapporteure déplore les conditions dans lesquelles s’effectue l’examen du prélèvement sur recettes. Il est regrettable que procédures budgétaires nationale et européenne se chevauchent de la sorte. Cela rend d’autant plus difficile et contrainte l’appréciation que la représentation nationale peut porter sur les chiffres qui lui sont soumis. De surcroît, des écarts considérables, positifs ou négatifs selon les exercices, sont chaque année constatés entre la prévision et l’exécution du prélèvement sur recette. Cela pose un véritable problème au regard de la sincérité du vote de la représentation nationale. Il est indispensable de trouver les moyens de fournir au Parlement une estimation plus précise et plus fiable de son montant.

N.B : Changement de périmètre à compter de 2010 : à compter de cette date, le PSR-UE exclut les ressources propres traditionnelles 

* Prévision au 1er septembre 2012 du PSR-UE 2012

Source : « Jaune budgétaire » relatif aux relations financières
avec l’Union européenne, annexé au projet de loi de finances pour 2013, p. 38

Source : « Jaune budgétaire » relatif aux relations financières
avec l’Union européenne, annexé au projet de loi de finances pour 2013, p. 33

L’augmentation de la contribution française est donc une tendance à long terme qu’il apparaît difficile d’inverser. Comme votre rapporteure l’a évoqué précédemment, l’Union européenne se trouve aujourd’hui confrontée à de lourds défis budgétaires qui sont âprement débattus, en ce moment, dans le cadre de la négociation du prochain cadre financier pluriannuel. En l’état, la proposition de la Commission pour la période 2014-2020 implique que, à système de ressources inchangé, le prélèvement sur recettes atteigne 23 milliards d’euros en 2015, soit une augmentation de 1,4 milliard d’euros en moyenne sur les trois prochaines années. Dans le contexte actuel de redressement des finances publiques, un tel effort n’est pas compatible avec notre stratégie de retour à l’équilibre, d’autant plus que le prélèvement sur recettes est inclus dans le périmètre de la norme dite « zéro valeur hors charges de la dette et pensions » . Il est donc urgent de réfléchir à un nouveau système de financement de l’Union européenne. L’architecture financière actuelle a fait son temps. Il faut enfin donner à l’Europe de vraies ressources propres et votre rapporteure entend aborder cette question en seconde partie du présent rapport.

En 2010, dernier exercice disponible, 11,77 % des dépenses du budget communautaire ont été effectuées sur notre sol, soit 13,1 milliards d’euros sur un total de 111,34 milliards. La France est au même rang que l’Espagne laquelle a reçu la même année 13,2 milliards d’euros. Ce statut tient essentiellement à l’importance des dépenses de la politique agricole commune en France, qui représentent 75 % du total des dépenses réparties sur notre territoire alors que les crédits de la politique de cohésion vont principalement aux douze pays ayant intégré l’UE depuis 2004 (16).

En 2010, la part de la France dans le total des dépenses agricoles de l’UE s’est maintenue à un niveau élevé (17,6 %), ce qui en fait le premier bénéficiaire en volume, maintenant une tendance établie depuis 2003 (cette part est cependant en baisse puisqu’elle représentait 19 % en 2009).

Cependant, la France n’est que le 20ème bénéficiaire des dépenses de l’UE (dépenses de la rubrique 4 incluses, c'est-à-dire celles relative aux relations extérieures) si l’on prend en compte les retours par habitant (201,9 euros par habitant), loin derrière le Luxembourg (3065 euros par habitant). Votre rapporteure considère que ces données doivent être surveillées avec attention : un an auparavant, en 2009, la France était au 19ème rang avec 211,2 euros par habitant et le Luxembourg était premier mais avec 2920,1 euros par habitant.

Répartition de la totalité des dépenses de l’UE par rubrique
et par État membre en 2010
(en millions d’euros, en %)

Si votre rapporteure aborde ici la question du « solde net » – c’est à dire la différence entre ce qu’un État membre verse au budget communautaire et ce qu’il reçoit grâce aux dépenses de l’Union européenne effectuées sur son territoire –, elle entend le faire avec la plus grande prudence. Comme elle y reviendra plus longuement ultérieurement, ce concept doit être manié avec précaution car il peut conduire à de dangereuses impasses. La notion de « solde net », par exemple, ne saurait retracer la totalité des coûts et bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne. Outre le fait qu’il est impossible de répartir certaines dépenses entre États membres, notamment les dépenses effectuées au titre de la politique extérieure, on doit également tenir compte de gains économiques non directement chiffrables, tels que ceux qu’entraîne l’appartenance à un marché unique ou ceux résultant, pour un État membre, de l’utilisation de fonds européens dans un autre État membre (17). La présence d’institutions sur le sol d’un Etat doit aussi être prise en compte.

Pour autant, on ne saurait faire l’économie de s’intéresser à cette notion dans l’étude de la contribution française au budget européen. Non seulement, même si le concept n’est pas parfait, il peut offrir de précieux renseignements sur la durée mais, surtout, l’idée de « solde net » a justifié la mise en place de mécanismes de correction bénéficiant à certains Etats et qui appellent, dès lors, un suivi attentif de cet indicateur.

Le solde net de la France pour 2010 est évalué, selon les méthodes de calcul, entre – 6, 48 milliards d’euros (- 0,33 % de son RNB) et – 6,37 milliards d’euros (- 0,32 % de son RNB). La France fait ainsi partie des principaux contributeurs nets au budget de l’Union, tant en valeur qu’en pourcentage de son RNB.

Solde net français de 1998 à 2010 en milliards d’euros et en part du PNB
(méthode de calcul dite du « rabais britannique »)

En 2010, la France se place au troisième rang des contributeurs nets en volume (derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni) et au sixième rang des contributeurs nets en pourcentage du RNB (derrière l’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Italie) selon la méthode dite « du rabais britannique ». Les principaux bénéficiaires nets en volume et en pourcentage du PNB sont les nouveaux États membres mais aussi l’Espagne, la Grèce et le Portugal ainsi que le Luxembourg et la Belgique du fait de la comptabilisation des dépenses administratives. Depuis l’élargissement de 2004, on constate une diminution des soldes nets d’anciens États membres bénéficiaires nets et particulièrement de l’Espagne et de l’Irlande.

L’évolution prévisible de la structure et du montant des dépenses européennes, rend inévitable, à système de ressources inchangé, une détérioration continue du solde net de notre pays dans les années à venir. Or, une telle dégradation a justifié, dans le passé, la mise en place de « rabais » profitant à certains Etats et que votre rapporteure analysera dans la seconde partie de cet avis budgétaire. La France assume aujourd’hui une part prépondérante dans le financement de ces mécanismes de correction. A l’heure où les budgets nationaux sont confrontés à de lourdes réalités, tous les Etats membres doivent prendre leur juste part de l’effort. Cela passe certainement par la mise en place d’un nouveau système de ressources pour l’Union européenne, afin de permettre à celles-ci de remplir efficacement et équitablement ses missions.

SECONDE PARTIE : L’AVENIR DES RESSOURCES PROPRES DE L’UNION EUROPENNE

Comme le rappelle l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (18), l’existence de ressources propres est une des spécificités de l’Union européenne dans le domaine budgétaire.

L’idée d’un tel système de fonctionnement est de faire bénéficier les instances communautaires des recettes qui leur sont affectées une fois pour toutes et qui leur reviennent de droit, sans que les autorités nationales puissent s’y opposer ou modifier les montants concernés.

L’autonomie des institutions européennes s’en trouve alors renforcée : contrairement aux organisations internationales classiques, l’Union n’a pas à redouter le chantage « financier » que pourrait exercer un de ses membres afin de contrôler ou d’infléchir, dans une certaine mesure, les politiques menées par la Communauté

Ce concept de ressources propres est ancien. Il est présent dès l’origine du projet communautaire avec la CECA qui, créée le 23 juillet 1952, était financée par un prélèvement opéré sur chaque tonne d’acier produite, payable directement à son budget par les sociétés fabriquant du charbon et de l’acier.

Le traité de Rome du 25 mars 1957 n’alla pas si loin. La Communauté économique européenne devait être temporairement financée par des contributions nationales puis, ensuite, basculer dans un système de ressources propres.

En 1965, une première tentative de transfert des droits de douane et des prélèvements agricoles – les ressources propres « par nature » dérivant des politiques communautaires – échoua en raison de l’opposition française. La « crise » qui s’ensuivit fut résolue un an plus tard par le fameux compromis de Luxembourg, mais la date butoir de 1966, qui devait initialement marquer le passage à un système de financement garantissant à la Communauté une certaine indépendance, ne put être respectée. Il fallut donc attendre le sommet de La Haye, en 1969, pour voir les chefs d’État ou de gouvernement prendre finalement la décision de mettre ce changement à exécution afin de relancer la Communauté après quelques années difficiles.

Le 21 avril 1970, le Conseil décida d’allouer à la Communauté des ressources propres pour faire face à l’ensemble de ses dépenses. Cette décision mit fin aux contributions nationales et marqua le début d’un système de financement autonome par les ressources propres « traditionnelles » (prélèvements agricoles et droits de douane) et une ressource basée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Depuis 1970, six « décisions ressources propres » se sont succédées. La dernière date du 7 juin 2007 (19). Elle institue un système de financement reposant sur 3 types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles, qui procèdent directement de l’existence d’un espace douanier unifié. Ce sont les droits de douane, les prélèvements agricoles et les cotisations sucre et isoglucose. Les Etats membres conservent 25% des montants recouvrés au titre des frais de perception ;

– la ressource TVA, qui est perçue par l’application d’un taux uniforme pour tous les Etats membres (20) à une assiette harmonisée de TVA. Cette assiette est cependant limitée à 50% du RNB de chaque Etat afin que les moins prospères d’entre eux ne paient pas une part disproportionnée par rapport à leur capacité de contribution ;

– la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB), qui résulte de l’application d’un taux uniforme au RNB de chaque Etat. La ressource RNB étant considérée comme un élément d’équilibrage, son taux est calculé de façon à faire correspondre le volume total des ressources à celui des dépenses.

Pour être exhaustif, il convient d’indiquer que le budget de l’Union européenne est également alimenté, pour une part marginale, par d’autres recettes telle que les taxes prélevées sur les rémunérations du personnel des institutions européennes, contributions de pays tiers à certains programmes européens et les amendes infligées aux entreprises qui enfreignent les règles de concurrence ou d’autres règles.

Sur le plan procédural, les décisions « ressources propres » sont adoptées sur le fondement de l’article 311 TFUE que votre rapporteure a déjà cité. Cet article institue une procédure assez rigide en deux phases, l’une européenne l’autre nationale : dans un premier temps, le Conseil européen statue à l’unanimité ; dans un second temps chaque Etat ratifie cette décision selon ses propres règles constitutionnelles.

Alors que les révisions successives des traités ont fortement renforcé les pouvoirs du Parlement européen, il n’en est rien s’agissant des ressources propres pour lesquelles les eurodéputés sont simplement consultés (21).

A première vue, une telle procédure aux relents intergouvernementaux peut sembler anachronique. Mais l’existence d’un système de ressources propres impliquant un transfert définitif vers l’Union européenne, il importe que l’engagement des Etats soit pris et confirmé dans des conditions incontestables. La nécessité que chaque Etat membre ratifie la décision ressources propres conduit même, en pratique, à assimiler celle-ci à du « droit primaire »(22).

La structure du financement des Communautés européennes puis de l’Union européenne a considérablement évolué avec le temps. Comme votre rapporteure l’a indiqué, six décisions relatives aux ressources propres, de durées variables, ont été adoptées depuis 1970. De nouvelles sources de financement ont été introduites, d’autres ont disparu ou ont été réduites en fonction de l'évolution de la situation.

Dans les premières années des Communautés européennes, le système de financement dépendait de contributions nationales ad hoc. Celles-ci ont été progressivement remplacées par des ressources propres définies dans les décisions relatives aux ressources propres et ont entièrement disparu en 1982. Les ressources propres traditionnelles (droits de douane et cotisations sur le sucre) sont apparues en 1968 et ont constitué la plus grande part du financement jusqu’au début des années 1990. Leur part a fortement décliné dans les années qui ont suivi. La ressource propre fondée sur la TVA a constitué une nouvelle source de recettes à partir de 1979, atteignant un point culminant au milieu des années 1980. Enfin, la ressource propre fondée sur le RNB a été introduite en 1988 et représente à présent les trois quarts des recettes du budget. Les autres recettes ne représentent qu’une part très mineure du financement total.

La place prépondérante de la ressource RNB et, à un degré moindre, de la ressource TVA, n’est pas sans conséquence. L’esprit des traités est dévoyé. Alors que le budget ne devrait être abondé que par des ressources propres, le financement de l’Union dépend désormais, en priorité, de transferts intergouvernementaux classiques. En effet, les deux principales recettes présentent nombre de caractéristiques de contributions nationales et sont souvent perçues comme telles. Ces ressources sont mises à disposition par les trésors publics nationaux et sont parfois présentées comme un poste de dépense dans les budgets des États. Or, ce n’est là qu’une illusion : ces ressources reviennent de droit à l’Union européenne et les Etats membres ne peuvent s’opposer à leur versement (23).

De surcroît, hormis les ressources propres traditionnelles, les principales sources de financement actuelles que sont la ressource RNB et la ressource TVA sont déconnectées des politiques de l’Union alors qu’on aurait légitiment pu envisager qu’elles soutiennent la réalisation de grands objectifs politiques européens.

Il apparaît ainsi que « les contributions des Etats votées lors de chaque budget national annuel ne créent aucun lien entre les citoyens et l’Europe. A l’instar du mode de financement des organisations internationales classiques, ces contributions sont au contraire regardées comme une aumône. Alors qu’en fait c’est du financement des politiques communes qu’il s’agit » (24).

Cette incapacité de l’Union à se doter de ressources réellement « propres » suscite immanquablement de vives tensions parmi les Etats membres. Les versements qu’ils effectuent ayant l’aspect de dépenses budgétaires, on a souvent tendance, au niveau national, à juger les politiques et les initiatives communautaires en termes de retour sur investissement par rapport aux contributions étatiques plutôt qu’en considérant d’abord la valeur globale de la réalisation de certaines politiques au niveau européen. Certes, ainsi que votre rapporteure l’a souligné dans la première partie du présent rapport, le « solde net » (25) peut être intéressant pour mesurer, sur le long terme, certains déséquilibres ou injustices. Il n’en demeure pas moins qu’un débat se limitant au seul « juste retour » est la négation même du principe de solidarité à la base de la construction européenne. Un tel raisonnement est même destructeur de l’idée même d’Europe et absurde.

Destructeur car il conduit à donner la préférence à des politiques dont les dépenses sont allouées au préalable, au détriment de politiques susceptibles d'apporter une valeur ajoutée européenne plus élevée.

Absurde car on peut se demander « quelle serait l’utilité d’un budget européen où chaque Etat recevrait l’exact équivalent de ce qu’il donne ? » (26).

Cette logique purement comptable empêche de voir les bénéfices extrabudgétaires de l’appartenance à l’Union européenne. « L’Europe n’est pas un jeu à somme nulle » (27). Comment, par exemple, ne pas voir que les fonds versés par l’Union européenne ne profitent pas exclusivement au pays destinataire et qu’ils servent aussi à financer l’achat de biens ou de services auprès d’entreprises d’autres Etats ?

Votre rapporteure concède que certains Etats puissent légitimement s’inquiéter de contribuer de manière exagérée au budget de l’Union. Il n’en demeure pas moins, cependant, que la façon d’aborder ce débat sous l’angle uniquement comptable est pernicieuse, d’autant plus qu’elle conduit, entre autres, à y apporter des réponses trop complexes et opaques.

Au fil des années, le système de financement de l’Union européenne est devenu de plus en plus complexe. Nul ne peut nier que, même en portant un vif intérêt à la « chose publique » communautaire, il est très difficile de comprendre pleinement les subtilités des règles et mécanismes budgétaires de l’Europe. Cette complexité étant source d’opacité, il s’ensuit qu’il est presque impossible, pour les citoyens européens, de savoir avec certitude qui supporte effectivement le coût du financement de l’Union.

Deux éléments illustrent pleinement cette complexité mêlée d’opacité : le calcul de l’actuelle ressource propre TVA et les diverses corrections qui ont été mises en place, au fil du temps, pour compenser les situations jugées inéquitables par certains Etats.

Comme votre rapporteure l’a précédemment indiqué, la ressource TVA est aujourd’hui perçue en appliquant un taux uniforme pour tous les Etats membres  à une assiette harmonisée de TVA.

En premier lieu, il apparaît que cette assiette est loin d’être fonction de la richesse des Etats. En effet, elle est écrêtée à 50% du RNB afin de ne pas pénaliser de façon disproportionnée les pays membres les moins prospères. En effet, la TVA étant un impôt sur la consommation pouvant pénaliser les Etats les moins riches, l’écrêtement a pour but de neutraliser les inégalités des niveaux de consommation. En 2011, six Etats membres ont ainsi vu les contributions réduites (28), l’un d’eux – le Luxembourg – faisant pourtant partie des pays les plus aisés de l’Union. Au-delà de cette disposition censée remédier aux effets négatifs inhérents à la ressource propre TVA, quatre Etats « contributeurs nets » bénéficient, pour la période 2007-2013, d’un taux réduit par rapport au taux d’appel de droit commun égal à 0,30 % : l’Autriche (0,225 %), l’Allemagne (0,15 %), les Pays-Bas et la Suède (0,1 %). Ce régime dérogatoire représente un gain net, sur la période, de 200 millions d'euros pour l'Autriche, de 7,4 milliards d'euros pour l'Allemagne, de 2,7 milliards d'euros pour les Pays-Bas et de 1,4 milliard d'euros pour la Suède. Le « manque à gagner » pour le budget communautaire a été – et est encore – compensé, à due concurrence, par l'accroissement de la ressource RNB.

En deuxième lieu, la méthode de calcul de la ressource propre TVA est difficilement transparente. Elle est perçue sur une « base virtuelle » appelée « assiette harmonisée de TVA » qui a été créée pour compenser les différences entre les régimes nationaux résultant d’une harmonisation insuffisante au niveau de l’Union (29). La Cour des comptes européennes a jugé que le niveau de complexité de ce système est tel qu’il frise l’incompréhensible et ne peut tout simplement pas faire l’objet d’un audit en bonne et due forme (30!

La notion de « juste retour » occupant depuis longtemps une place importante dans les relations financières entre l’Union européenne et les Etats membres, certains d’entre eux, s’estimant lésés, ont poussé à l’instauration de mécanismes de correction destinés à atténuer le fardeau « communautaire » pesant sur leurs finances publiques. À la différence des ressources propres, ces mécanismes ne sont pas prévus dans le traité, mais résultent d’accords politiques.

Ils ont été introduits pour la première fois dans les années 1980 à la demande du Royaume-Uni qui, il est vrai, à l’époque était le contributeur net le moins riche et bénéficiait de très peu de retours au titre de la politique agricole commune, qui constituait l’essentiel du budget communautaire. Aussi le Conseil européen de Fontainebleau, en 1984, décida-t-il que «tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative [était] susceptible de bénéficier, le moment venu, d’une correction».

Le dispositif initialement institué en faveur du Royaume-Uni, lequel se voyait restituer 66% de sa contribution nette, se complexifia au fil des années. Aujourd’hui, le calcul – aride – du « chèque britannique » repose sur la différence constatée entre la part du Royaume-Uni dans les dépenses réparties de l'Union (31) et sa part dans le total des paiements au titre des ressources TVA et RNB. Cette différence, exprimée en pourcentage, est multipliée par le total des dépenses réparties. Le déséquilibre ainsi obtenu est remboursé à hauteur des deux tiers au Royaume-Uni.

La décision « ressources de propres » de 2007 a ajusté quelque peu ce dispositif. S’il a été maintenu dans son principe, ses modalités d’application ont été sensiblement revues pour que le Royaume-Uni prenne sa part aux coûts liés à l’élargissement, à l’exception toutefois des dépenses agricoles de marché. Cela signifie que le calcul de sa correction se trouve ajusté par l’exclusion progressive des dépenses réparties dans les Etats membres ayant adhéré à l’Union depuis le 1er mai 2004, sauf pour les paiements agricoles directs et les dépenses liées au marché ainsi que la partie des dépenses de développement rural provenant de la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA).

Bien évidemment, cette ristourne dont profite le Royaume-Uni a un coût, lequel doit être compensé par les autres Etats membres au prorata de leur part dans le RNB total de l'Union. De plus, il a fait tâche d’huile. D’autres Etats membres bénéficient, eux aussi, d’une correction budgétaire. Le système actuel de ressources propres décidé en juin 2007 a ainsi instauré un abattement annuel forfaitaire de 605 millions d’euros de la contribution des Pays-Bas et de 150 millions d’euros de la contribution de la Suède à la ressource RNB (32). De même, quatre pays fortement contributeurs nets – l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède – bénéficient depuis 2000, d'un « rabais sur le rabais ». C'est-à-dire que leur contribution réelle au « chèque britannique » est réduite à 25 % du montant qu'ils devraient théoriquement acquitter et la charge de cette réduction est ensuite répartie entre les autres États membres au prorata de leur part dans le RNB de l'Union. Enfin, comme votre rapporteure a déjà eu l’occasion de le relever, un régime dérogatoire est également prévu pour ces quatre pays s’agissant du taux d’appel de la TVA.

Dès lors, le coût de la correction britannique et des autres rabais pour la France (en moyenne 803 millions d’euros par an sur la période 1995-2001) a fortement augmenté, atteignant un point haut en 2008 (1,7 milliards d’euros, soit 26,2 % du montant total de la correction). Il représentait ainsi en 2008 près de 9,6 % de la contribution totale de la France au budget de l’Union.

Comme votre rapporteure l’a relevé dans la première partie du présent rapport, la conjoncture actuelle n’est pas favorable à la dépense budgétaire. Le fait de faire transiter l’essentiel des ressources communautaires via les budgets nationaux ne peut que conduire à exercer sur ces flux financiers une forte pression sans lien avec le rôle et les politiques de l’Union européenne.

L'objectif fondamental à court et moyen terme doit donc être d'assurer un financement pérenne du budget communautaire, qui doit être suffisamment stable et autonome pour ne pas être l'otage des contraintes liées aux équilibres budgétaires nationaux, imposées – à raison – par les traités ou le droit dérivé (33). Il n’est dès lors plus acceptable que le budget de l’Union européenne soit principalement abondé par des contributions nationales. Cela conduit depuis plusieurs années, et plus particulièrement en ce moment, avec les négociations sur le budget 2013 et sur le prochain cadre pluriannuel, à des bras de fers inquiétants et potentiellement dangereux.

Le système actuel conduit à une impasse, les Etats refusant d’accroître les moyens de l’Union européenne. Or, le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, grâce à l’impulsion du Président de la République, a réussi à adopter une stratégie d’ensemble comprenant des mesures immédiates et concrètes de soutien à la croissance, une supervision bancaire européenne, une taxe sur les transactions financières et des mesures de solidarité pour diminuer le coût des emprunts et aider les États en difficulté à maîtriser leurs dettes. Ce conseil « restera dans l’histoire de l’Union comme celui où les dirigeants européens auront réussi à définir, pour la première fois, une réponse équilibrée et cohérente à la crise de la zone euro et à tracer une perspective globale pour l’avenir de l’Union européenne » (34).

Ces décisions ne doivent pas rester lettre morte. Nombre d’entre elles sont en train d’être mises en œuvre. Elles impliquent aussi que les Etats fassent preuve de cohérence. A stratégie ambitieuse, moyens ambitieux. Le budget de l’Union européenne doit pouvoir refléter les priorités affichées au soutien de la croissance économique. On ne peut d’un côté offrir à l’Europe des perspectives formidables si, de l’autre côté, on lui ôte toute capacité d’agir sereinement. Une refonte du système des ressources propres est alors incontournable, tant pour soulager les contributions nationales que pour enfin donner à l’Europe les moyens nécessaires à la réalisation de ses missions.

La Commission européenne a proposé un nouveau système de ressources propres par sa proposition de décision du 29 juin 2011 (35). Cette initiative a été rectifiée peu de temps après, le 9 novembre 2011 (36) pour tenir compte, notamment, de nouveaux développements relatifs à la taxe sur les transactions financières.

Selon ces textes, le nouveau système de ressources propres devrait comprendre trois éléments principaux: la simplification des contributions des États membres, l'introduction de nouvelles ressources et la réforme des mécanismes de correction.

L'actuelle ressource propre TVA étant complexe, nécessitant d'accomplir de nombreuses formalités administratives pour parvenir à une assiette harmonisée et n'offrant qu'une faible valeur ajoutée – voire aucune – par rapport à la ressource RNB, la Commission a proposé qu’elle soit supprimée.

Cela présenterait l’avantage, selon la Commission, de rendre caduque la correction britannique telle qu’elle est calculée aujourd’hui, puisque celle-ci se fonde sur la part du Royaume-Uni dans l’assiette TVA totale.

Compte tenu de la complexité administrative inhérente à cette ressource propre et des faibles taux d’appel actuellement en vigueur, la Commission estime qu’une suppression progressive, étape par étape, serait moins efficace qu’une suppression à part entière à une date donnée. Aussi propose-t-elle de supprimer l’actuelle ressource TVA au 31 décembre 2013 (37).

La Commission propose l’instauration d’une nouvelle ressource TVA qui, à la différence de la précédente, ne serait pas une contribution des Etats membres ayant pour base de calcul l’assiette TVA mais un prélèvement à un taux fixe (38) sur une partie des recettes de TVA perçue par ces mêmes Etats. Seraient exclues du champ de cette ressource les recettes tirées de la TVA appliquées au produits soumis à des taux réduits : dès lors, seuls seraient pris en compte les biens et services soumis à un taux normal dans l’ensemble des pays membres de l’Union européenne. Alors que la ressource TVA actuelle rapporte environ 14,5% de milliards d’euros par an, la Commission estime que cette nouvelle ressource pourrait permettre d’abonder le budget de l’union européenne à hauteur de 29,4 milliards d’euros d’ici 2020.

– Une taxe sur les transactions financières

Outre la « renaissance » de la ressource TVA sous une nouvelle forme, la Commission propose la création d’une ressource inédite : une taxe sur les transactions financières. L’idée est séduisante. Elle constitue assurément un signal positif envoyé à l’opinion publique, laquelle peut voir dans cette initiative une démarche concrète visant un secteur ayant grandement profité de la dérégulation.

Dans sa proposition de décision du 29 juin 2011 précitée, la Commission indiquait qu’une telle taxation pourrait constituer un nouveau flux de recettes et, dès lors, permettre de réduire les contributions des États membres. Elle soulignait aussi que cette ressource pourrait offrir aux gouvernements nationaux une marge de manoeuvre supplémentaire et, ainsi « contribuer à l'effort général d'assainissement budgétaire ». Toutefois, une telle taxe n’existant pas, il convenait de prévoir les modalités juridiques de sa création. A cette fin, le 28 septembre 2011, la Commission rendit publique une proposition de directive en ce sens (39).

La taxe sur les transactions financières selon la Commission européenne

La proposition de directive du Conseil du 28 septembre 2011 établissant un système commun de taxe sur les transactions financières et modifiant la directive 2008/7/CE (COM(2011), 594 final) prévoit :

1. Un champ d’application large :

Selon la Commission européenne, le champ d’application de la TTF doit couvrir l’ensemble du marché secondaire des actions et des obligations mais aussi l’ensemble des produits dérivés (sont toutefois exclues les transactions réalisées avec la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales afin d'éviter toute incidence négative sur les possibilités de refinancement des établissements financiers ou sur les politiques monétaires en général).

2. Des taux faibles :

Chaque État membre fixe le taux de la taxe. Il ne peut être inférieur à 0,1 % sur les actions et les obligations et à 0,01 % sur l’ensemble des autres transactions financières.

3. Un principe de résidence :

Pour qu’une transaction financière soit imposable dans l’Union européenne, l’une des parties à la transaction doit être établie sur le territoire d’un État membre.

Selon la Commission, une telle approche doit permettre de réduire au minimum les risques de fraude, d'évasion et d'abus.

Selon la Commission (40), deux tiers du produit tiré de l’application des taux minimaux de la TTF iraient au budget de l’Union. En outre, cette taxe « permettrait, en fonction de la réaction des marchés, de générer chaque année dans l'UE des recettes d’un montant de 57 milliards d’euros » (41)Ainsi, on peut estimer à près de 38 milliards d’euros la part du produit de cette taxe qui pourrait être affecté au budget de l’Union européenne en 2020, soit plus de 22 % des ressources propres à ce moment-là.

Votre rapporteur a précédemment décrit la complexité et les effets pervers suscités par les « rabais » accordés à certains Etats membres, en particulier le Royaume-Uni. La Commission a donc proposé une importante réforme de ces mécanismes, d’autant plus que la suppression de la ressource propre TVA, si elle était adoptée, rendrait indisponibles certaines données essentielles au calcul de la correction qui bénéficie au Royaume-uni. C’est là un argument technique supplémentaire en faveur d’une révision en profondeur du « chèque britannique ».

Par conséquent, la Commission européenne propose un nouveau système de montants forfaitaires destiné à remplacer tous les mécanismes préexistants, et ce, à partir du 1er janvier 2014.

Réductions forfaitaires
destinées à remplacer les mécanismes de correction
 
(
42)

Allemagne

2,5 milliards d’euros

Pays-Bas

1,05 milliards d’euros

Suède

0,350 milliards d’euros

Royaume-Uni

3,6 milliards d’euros

Ces montants forfaitaires sont fondés sur les hypothèses de l’année 2011 et ne tiennent pas compte de l'instauration des deux nouvelles ressources propres suggérée par la Commission. En outre, pour cette dernière, ces corrections seraient financées en toute équité et transparence, chaque État membre contribuant au prorata de sa prospérité relative, définie par son RNB aux prix du marché.

Enfin, la Commission s’attaque à ce qu’elle estime être une « correction cachée » : les frais de perception des ressources propres traditionnelles perçues par les Etats membres. Aujourd’hui fixés forfaitairement à 25 % du montant des ressources perçues, ces frais devraient passer, selon la Commission, à 10 %.

 

Projet de budget 2012

2020

milliards d'EUR

% de

ressources

propres

milliards d'EUR

% de

ressources

propres

Ressources propres traditionnelles

19,3

14,7

30,7

18,9

Contributions nationales existantes

Dont :

111,8

85,3

65,6

40,3

Ressource propre TVA

14,5

11,1

-

-

Ressource propre RNB

97,3

74,2

65,6

40,3

Nouvelles ressources propres

dont :

-

-

66,3

40,8

Nouvelle ressource TVA

-

-

29,4

18,1

Taxe de l'UE sur les transactions financières

-

-

37,0

22,7

Total des ressources propres

131,1

100,0

162,7

100,0

Les nouvelles ressources propres financeraient environ 40 % des dépenses de l'UE. Les ressources propres traditionnelles représenteraient près de 20 % du total. La ressource propre RNB demeurerait la ressource la plus importante finançant environ 40 % du budget.

Dans sa proposition initiale – celle du 29 juin 2011 –, la Commission proposait l'instauration de la taxe sur les transactions financières et de la nouvelle ressource fondée sur la TVA à compter du 1er janvier 2018 au plus tard. La nouvelle proposition du 9 novembre 2011 a avancé ces dates au 1er janvier 2014 pour tenir compte, notamment, du fait que la proposition de directive consacrée à la TTF envisage la mise en place de cet instrument financier à ce moment-là. Ainsi, dans l’optique de la Commission, « dès le début de sa mise en œuvre, la TTF sera partiellement utilisée comme ressource propre » (44).

Si, en vertu des traités, le Parlement européen n’est pas décisionnaire en matière de ressources propres (il n’est que consulté), il est depuis longtemps partisan d’une réforme ambitieuse du système actuel. En juillet 2010, il mit en place une commission spéciale sur les défis politiques et les ressources budgétaires pour une Union européenne durable après 2013. Cette commission rendit son rapport le 26 mai 2011 – soit un mois avant les propositions de la Commission européenne (45) –, lequel reprenait la position traditionnellement exprimée jusqu’alors par les eurodéputés : la nécessité d’une réforme axée sur l’abandon de la ressource TVA et des multiples corrections appliquées aux Etats membres.

Depuis que la Commission européenne a dévoilé son initiative, la Commission des budgets du Parlement joue un rôle moteur. Votre rapporteure a eu l’occasion, le 11 octobre dernier, de se rendre à Bruxelles et de rencontrer son président, M. Alain Lamassoure, lequel l’a assurée de la volonté d’avancer sérieusement dans le sens d’une vraie rénovation du système de ressources propres, en parallèle des réflexions sur le nouveau cadre financier pluriannuel. Deux des membres de la commission des budgets – M. Jean-Luc Dehaene (PPE/Belgique) et Mme Anne Jensen (ALDE/Danemark) – ont été désignés rapporteur sur la question générale des ressources propres, M. Dehaene étant, en parallèle, plus particulièrement chargé de la nouvelle ressource TVA et Mme Jensen de la taxe sur les transactions financières.

S’agissant plus particulièrement de la nouvelle ressource TVA, M. Jean-Luc Dehaene, également rencontré par votre rapporteure, a indiqué que la proposition de la Commission européenne ne pouvait que recevoir l’aval du Parlement européen, le bilan « coût avantages » penchant largement dans le camp du système envisagé.

Évaluation de la proposition de la Commission relative à la nouvelle ressource TVA (46)

« Avantages :

« - Une simplification considérable du calcul de la TVA, qui ne nécessite plus le calcul d'un taux moyen pondéré de TVA, d'une assiette intermédiaire ni de compensations par rapport à l'assiette intermédiaire actuellement nécessaire.

« - Davantage de transparence: seuls les biens et services imposés au taux normal dans l'État membre seront utilisés pour le calcul et seules les recettes effectivement perçues par les États membres seront prises en compte.

« - Il y aura moins de corrections au niveau des assiettes TVA de certains États membres (uniquement amendes et sanctions pécuniaires, restitutions aux personnes non imposables, recettes provenant de territoires situés en dehors de l'Union, prise en compte de taux normaux multiples), en comparaison avec les 22 compensations existant actuellement.

« - Il n'y aura pas de compensation, étant donné que seuls les biens et services imposés au taux de TVA normal seront utilisés pour les calculs.

« - Égalité de traitement entre tous les États membres – un pourcentage uniforme sera applicable à l'ensemble des États membres, contrairement au système actuel comportant différents taux d'appel.

« - Diminution des charges administratives pour les États membres. Le nouveau système met essentiellement à contribution la Commission européenne.

« - Accent mis sur le concret: la nouvelle ressource s'appuiera sur les recettes réelles et non sur des statistiques.

« - Aucun plafonnement ne sera appliqué.

« - Elle semble être fiable et prévisible dans le temps.

« - Elle est flexible et peut être adaptée en cas de réforme future de la TVA sans que des modifications doivent être apportées à la proposition actuelle sur les ressources propres.

« Inconvénients :

« - La méthodologie en quatre étapes et impliquant des calculs complexes demeure relativement compliquée.

« - Augmentation des charges administratives pour la Commission.

« - La simplification proposée de la méthode de calcul pourrait entraver la prise en compte des différences entre les régimes de TVA existant dans les États membres.

« - La nouvelle TVA ne sera toujours pas une ressource propre versée directement au budget de l'Union, mais passera par les budgets nationaux. »

Comme votre rapporteure l’a indiqué dans la première partie du présent rapport, le Conseil de l’Union européenne débat tout cet automne du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et doit en faire de même s’agissant de la nouvelle décision ressources propres. Toutefois, il n’est un secret pour personne que cette dernière question a jusqu’à présent été relativement peu débattue comme en témoigne le vide sidérant, sur ce sujet, de la dernière « boîte de négociation » élaborée par la présidence chypriote (47). Tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteure ont confirmé cette inertie et on ne peut que se féliciter de la volonté affichée à plusieurs reprises par le Gouvernement français de débattre sérieusement et efficacement de l’avenir des ressources propres (48).

Car l’affaire est d’importance. Les Etats membres doivent avancer. Si rien n’est fait, le risque est grand d’aller directement dans une impasse. Le Parlement européen doit, depuis le traité de Lisbonne, approuver le règlement relatif au prochain cadre financier pluriannuel. Or, il a clairement laissé entendre qu’il n’était pas prêt à le faire sans que soit trouvé un accord politique sur la réforme du système des ressources propres (49). C’est là une « menace » qu’il convient de prendre au sérieux et qui doit inciter à négocier sérieusement sur l’avenir du financement du budget de l’Union européenne.

A ce jour, toutefois, les Etats membres se sont montrés très partagés. La France, par exemple, a réservé un accord plutôt favorable à la proposition de la Commission européenne, en particulier s’agissant de la taxe sur les transactions financières. Comme l’a rappelé M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes, le 10 juillet dernier, devant notre commission, « il serait (…) envisageable que le produit de cette taxe puisse remplacer une partie des dotations allouées par les États membres au budget de l’Union européenne, à enveloppe constante dans un premier temps. Nous substituerions ainsi une ressource dynamique à une ressource fortement contrainte qui ne l'est pas et ouvririons des perspectives budgétaires positives pour l’Union européenne ». En revanche, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, places financières significatives, n’y sont pas favorables. Toutefois, le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 a permis une avancée significative puisque plusieurs États membres ont émis le vœu que soit mise en place une coopération renforcée en la matière avec l’objectif qu’un tel mécanisme soit adopté d'ici décembre prochain. Aujourd’hui, 11 d’entre eux se sont engagés dans cette voie (50) et il importe désormais de suivre attentivement le processus. Nul doute que l’affectation de la future taxe sera, avec le taux et l’assiette, au cœur des débats. Elle pourrait, par exemple, abonder le « budget de la zone euro » suggéré par le président du Conseil européen, M. Van Rompuy. Votre rapporteure entend cependant demeurer prudente vis-à-vis d’une telle option. Un budget spécifique à la zone euro ne devrait être abondé par des ressources propres que s’il échappe à un fonctionnement intergouvernemental. Il faudrait alors trouver le meilleur moyen de le soumettre à la décision et au contrôle démocratiques sans pour autant recourir à des solutions peu lisibles pour nos concitoyens tel qu’un « sous-ensemble » du Parlement européen ne comprenant que les députés élus de pays ayant l’euro comme monnaie. Il conviendra dès lors de suivre attentivement les suites données à l’idée contenue dans la feuille de route de M. Van Rompuy.

En tout état de cause, votre Rapporteure est quelque peu inquiète quant aux chances que la proposition de la Commission aboutisse (51). Certes, cette initiative est loin d’être parfaite car elle ne résout pas entièrement le problème de la trop forte part des contributions nationales dans le budget de l’Union européenne. Elle n’en demeure pas moins séduisante par sa volonté de simplification et la relative audace que constitue le choix d’une taxe sur les transactions financières. Elle pourrait dès lors constituer un premier pas vers un système encore plus innovant et ambitieux qu’à plus long terme votre rapporteure appelle de ses vœux.

Comme votre rapporteure l’a relevé, le principe de contributions nationales au budget européen méconnaît l’esprit des traités, qui prévoient un financement du projet européen par de véritables ressources propres. Certes, en droit, les contributions que versent les Etats membres appartiennent à l’Union mais il n’en demeure pas moins, qu’en pratique, ces fonds sont assimilés à des dépenses nationales. Il en résulte une exacerbation des égoïsmes nationaux et un sous financement manifeste de l’Union européenne qui traduit, en tout état de cause, une inadéquation des moyens au regard des objectifs affichés par les plus hautes instances communautaires ou des Etats membres.

La réaction des autorités nationales, en soi, n’est pas blâmable. La période actuelle ne peut qu’inciter à la modération et il est compréhensible qu’à système de ressources propres inchangées, les Etats soient réticents à voir leurs contributions s’accroître significativement chaque année.

Il devient donc indispensable d’envisager, à moyen et long terme, la mise en place d’un système de financement autonome qui soit également plus simple, plus transparent et compréhensible pour les citoyens. L’un des critères fondamentaux d’une véritable ressource propre devrait être le fait qu’elle soit directement versée au budget de l’Union sans être au préalable perçue par les administrations des Etats membres. Les Etats ont d’ailleurs tout à gagner d’une telle évolution puisque la charge pesant sur leurs trésors nationaux serait réduite d’autant. A plus long terme, il semble enfin souhaitable d’envisager une réforme démocratique des ressources de l’Union. Le Parlement européen demeure assurément la seule assemblée à bénéficier d’un droit de regard sur les dépenses mais pas sur les recettes. C’est là une anomalie sur laquelle il faudra nécessairement revenir lors d’une révision des traités.

Toute réflexion sur l’avenir des ressources propres ne peut faire l’économie de la question des « mécanismes de correction » successifs accordés à plusieurs Etats membres de l’Union. Ces rabais – à commencer par le « chèque britannique qui a, en quelque sorte, fait office de « cheval de Troie » – ne sont plus acceptables. Outre leur antinomie même avec les principes qui sous tendent la construction européenne, ils sont devenus trop complexes et injustes. Depuis 1984, les conditions objectives qui ont pu conduire à l’instauration de mécanismes de correction ont fortement évolué. Le Royaume-Uni, par exemple, est aujourd’hui l’un des Etats les plus riches de l’Union. La part que représente la politique agricole commune et la ressource TVA ont considérablement diminué. Si, par la suite, d’autres Etats « contributeurs nets » ont obtenu des compensations au nom du « juste retour », d’autres, tels que la France l’Italie ou le Danemark, sont désormais les seuls à ne bénéficier d’aucun rabais. L’Italie et la France sont même devenues les principaux financeurs du « chèque britannique » : depuis 2000, l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède ne financent que 25 % de la part qui leur revient normalement de financer, les 75 % restants étant répartis entre les autres États membres. Il y a là une vraie injustice qui n’a plus lieu d’être dans un système de ressources propres modernisé.

La proposition de la Commission européenne relative aux ressources propres ne met pas un terme aux rabais dont bénéficient certains Etats. Cela est quelque peu décevant mais est réaliste eu égard aux conditions dans lesquelles devra être votée la future décision assurant le financement du budget de l’Union. En outre, la proposition de la Commission simplifie considérablement l’architecture des mécanismes de correction et, en posant le principe d’une réduction brute forfaitaire, permet un relatif lissage, dans le temps, des rabais qui seront accordés.

En tout état de cause, il est indispensable que la question des mécanismes de correction ne stagne pas. Il faut des avancées concrètes qui, à défaut de mettre un terme immédiat aux injustices actuelles, les atténuent significativement. La généralisation des rabais n’est pas soutenable dès lors qu’elle remet en cause le principe même de transfert vers les Etats membres les moins prospères, aux fins de solidarité.

Comme votre rapporteure a déjà eu l’occasion de le remarquer, les propositions de la Commission constituent une bonne base de discussion mais ne doivent pas limiter la réflexion. D’autres ressources propres peuvent être envisagées pour financer le budget de l’Union européenne.

Cette quête de nouvelles ressources, cependant, ne doit pas être désordonnée. Tout d’abord, comme l’a indiqué M. Jean-Luc Dehaene à votre rapporteure, il faut garder à l’esprit que de nombreuses taxes envisageables – en matière environnementale, par exemple – sont déjà appliquées par les Etats. Les « européaniser » impliquerait donc, au préalable, un travail de déconstruction au niveau national afin de ne pas alourdir la pression fiscale pesant sur les contribuables. Surtout, il est impératif que l’introduction de nouvelles ressources propres ait un lien avec les politiques communautaires. Ces nouveaux financements doivent pouvoir apporter un soutien – et être étroitement liés – à la réalisation d’objectifs politiques européens et internationaux importants. En réponse aux préoccupations des citoyens européens, des ressources propres intelligemment instaurées pourraient redonner du souffle et une vraie visibilité au budget de l’Union. De surcroît, comme votre rapporteure l’a relevé précédemment, dans un contexte de crise économique et de consolidation budgétaire, ces nouvelles ressources permettraient de donner aux États membres une marge de manoeuvre accrue en réduisant l’ampleur des contributions nationales.

Plusieurs nouvelles ressources ont été évoquées jusqu’à présent : taxation du secteur financier (autre que la TTF), taxe sur le transport aérien, taxe sur l’énergie, impôts sur les sociétés, taxe sur les alcools et le tabac etc. Le produit de la vente aux enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre pourrait également constituer une ressource propre très intéressante. En effet, jusqu’à présent, ces quotas ont été attribués à titre gratuit. Or, l’Union européenne va entrer dans une nouvelle phase à partir du 1er janvier 2013 avec la mise aux enchères de quotas payants alloués par les États membres, lesquels percevront, par conséquent, des recettes supplémentaires. Ces quotas se vendront au sein d’une plateforme commune à vingt-quatre Etats, trois d’entre eux – l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Pologne, c'est-à-dire les plus gros émetteurs – ayant choisi d’utiliser leur propre dispositif (52). Il ne serait pas forcément illogique d’envisager que le produit de la vente de ces quotas aille au budget de l’Union ou, à défaut, de mettre en place un mécanisme de partage des revenus, les États membres pouvant transférer une part des recettes vers le budget communautaire. Une nouvelle contribution basée sur le CO2 verrait ainsi le jour.

En tout état de cause, votre rapporteure n’entend pas faire de recommandation précise sur le choix d’éventuelles nouvelles ressources propres (53) . Elle rappelle cependant l’importance de réfléchir sérieusement à cette question et de garder à l’esprit la nécessité d’établir un lien entre elles et les politiques de l’Union européenne.

CONCLUSION

Sans surprise, votre rapporteure se prononce en faveur de l’adoption de l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013.

Toutefois, cet avis favorable à l’adoption du prélèvement européen est indissociable de l’appel à une véritable réforme du système actuel de ressources propres lancé dans le présent rapport.

L’architecture financière de l’Union est aujourd’hui à bout de souffle, au moment même où, poussés par la crise, les Etats membres – comme l’a montré le Conseil européen des 28 et 28 juin derniers –, parviennent à trouver des solutions inenvisageables il y a encore quelques années.

Le système de ressources propres doit donc être désormais à la hauteur. Si la proposition de la Commission actuellement sur la table des négociations représente un intérêt réel, il faut, à plus long terme, envisager une réforme plus profonde qui mettra un terme aux contributions nationales et aux rabais injustes profitant à certains Etats et qui instaurera enfin des sources de financement en lien avec les politiques de l’Union.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent avis au cours de sa réunion du mercredi 17 octobre 2012.

Après l’exposé de la rapporteure pour avis, un débat a lieu.

Mme Elisabeth Guigou, présidente. Merci à notre collègue pour son excellent rapport. Comme elle, je trouve extrêmement décevant que la discussion sur le prélèvement européen ait été évincée par le débat sur le semestre européen. J’ai la ferme intention de revenir sur cette question.

Comme l’heure est aussi à la discussion des futures perspectives financières, je tiens à souligner la nature presque kafkaïenne du mécanisme de correction du fait de l’empilement et de la sophistication des dispositifs. De mes contacts avec les autorités italiennes, dont le pays est devenu le troisième contributeur net, sauf erreur de ma part, j’ai retiré l’impression que nous pouvions compter sur leur soutien pour simplifier et rationaliser le système de manière à lui donner plus de visibilité.

Le débat sur les ressources propres présente évidemment une grande importance. Il est hallucinant que l’on n’arrive plus à financer Erasmus. On ne peut pas déplorer l’existence d’une coupure entre l’Europe et les citoyens et fragiliser dans le même temps les programmes pour la jeunesse.

Nous reparlerons bien sûr de la proposition de M. Van Rompuy, qui suggère de créer un budget de la zone euro. Il me semble que les discussions devraient surtout avoir lieu pendant le conseil européen de décembre, plutôt qu’au cours de celui de demain et après-demain, mais je crois utile d’appeler l’attention sur ce sujet dès maintenant. La proposition qui nous est faite me paraît très intéressante et je crois que le Gouvernement la soutient, mais elle pose des problèmes institutionnels sur lesquels il faudra revenir.

M. François Asensi. L’an dernier, les députés du Front de Gauche ont voté contre ces crédits : nous avions déjà de fortes préventions contre l’orientation libérale de la construction européenne et son absence de vision qui ne donne aucune envie d’Europe aux citoyens. Sur la forme, nous regrettions, une fois encore, la marginalisation du Parlement qui a été aggravée par l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Nous déplorions aussi l’absence d’ambition du budget alors que la crise financière submergeait déjà l’Europe.

Comme l’a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, le prélèvement obligatoire est une dépense obligatoire, non amendable, ce qui rend anecdotique le débat sur l’article 44 du projet de loi de finances. Ces crédits seront mis en œuvre même en cas de rejet, bien improbable, par notre Assemblée.

A première vue, on pourrait se féliciter de la hausse de 2,05 % des crédits d’engagement du budget européen pour 2013, malgré le caractère paradoxal de cette mesure, proposée par une institution qui ne cesse de prôner l’austérité et la discipline budgétaire pour tous les Etats-membres. Surtout, ce budget ne permet pas de véritable relance de l’économie européenne.

Sans remettre en cause son utilité, je rappelle que la politique agricole commune consomme 40 % du budget total de l’Union européenne. Elle doit se mettre au service des territoires, du développement durable et des paysages, tout en promouvant les circuits courts en Europe.

Les politiques de relance sont par ailleurs quasiment nulles, malgré un effort louable en faveur de la recherche et de l’innovation : l’enveloppe prévue, de 10,8 milliards d’euro, est en hausse de 6 % par rapport à 2012. J’ose espérer que ces fonds n’iront pas aux entreprises du CAC 40, mais serviront plutôt au financement de projets innovants pour les petites et moyennes entreprises.

Les politiques de cohésion et de solidarité comportent aussi de multiples insuffisances. Les fonds structurels, d’un montant total de 55 milliards d’euros, sont souvent mal utilisés, voire détournés par leurs bénéficiaires. Il faut revoir d’urgence leur fonctionnement. En outre, des programmes emblématiques tels qu’Erasmus et le fonds social européen manquent de fonds et pourraient à terme être menacés de disparition à cause de l’égoïsme des Etats-membres, qui refusent de mettre la main à la poche. Ce serait une aberration, car ces projets participent à la création d’un esprit européen, comme Mme la présidente l’a rappelé.

Je regrette aussi que l’Europe continue à privilégier la lutte contre l’immigration à la promotion de la citoyenneté et à l’intégration. Les crédits affectés à la construction d’une Europe forteresse représentent, à eux seuls, 900 millions d’euros, alors que la mission « citoyenneté », en baisse de 3,6 %, peine à rassembler 689 millions d’euros.

Le principal défaut du budget européen pour 2013 est de ne comporter ni de véritables mesures en faveur de l’harmonisation fiscale et sociale, ni de politique de relance de grande ampleur, à l’instar de ce que font les Etats-Unis, ni de politique industrielle digne de ce nom alors que les fermetures d’entreprises se multiplient. Vous comprendrez donc que notre groupe ne vote pas en faveur du prélèvement européen.

M. Lionnel Luca. J’aimerais interroger notre rapporteure sur les excédents des fonds européens qui étaient versés aux associations engagées aux côtés des démunis, auxquels elles apportent notamment une aide alimentaire pendant la période hivernale. Connaîtrons-nous le même problème que l’année dernière ou bien a-t-on prévu d’agir avant de se trouver devant le fait accompli ? Le sujet peut paraître anecdotique mais il préoccupe beaucoup les associations.

Mme Chantal Guittet. Merci à la rapporteure pour son exposé très clair. Je partage le sentiment de notre présidente sur le débat de lundi dernier. Cette discussion devrait avoir lieu dans l’hémicycle, car l’Union européenne nous intéresse tous.

Un travail en commun s’inscrivant dans la durée est nécessaire entre les Parlements nationaux et les institutions européennes. Il faut engager la réflexion sur une nouvelle gouvernance, et il me semble que notre commission pourrait apporter sa pierre à l’édifice.

La situation d’Erasmus m’inquiète beaucoup, car ce programme est un premier pas sur la voie de la citoyenneté européenne. Les étudiants qui reviennent de l’étranger contribuent à tisser des liens économiques et sociaux qui ont ensuite des effets dans leur pays. Une solution est-elle donc prévue ?

Quant à l’aide d’urgence pour les plus démunis, la question ne me semble pas anecdotique. Il faut éviter que les banques alimentaires se trouvent bloquées comme l’année dernière.

M. Pierre Lellouche. Je suis pleinement en accord avec vous, Madame la présidente : personne ne comprend plus rien au mécanisme de correction et le débat sur le prélèvement européen aurait pu être l’occasion de demander une clarification sur ce point. Le Gouvernement est certes maître de l’ordre du jour, mais je m’étonne qu’il n’y ait pas de discussion au fond sur les vingt milliards d’euros dont nous parlons.

Je connais bien M. Lamassoure, bien qu’il ne soit pas non plus ma référence. Il fait partie de ces nombreux parlementaires européens qui rêvent, toutes tendances confondues, de lever l’impôt au nom de l’Union européenne pour accroître son budget. Je trouve bien curieux que le Parlement français s’interdise de débattre du montant de notre contribution, qui est obligatoire, et des retours dont nous bénéficions. Je compte sur notre présidente pour qu’il y ait un vrai débat sur ce sujet l’année prochaine. C’est d’autant plus nécessaire que le peuple français, comme d’autres, tend à s’écarter de plus en plus de la machinerie européenne si l’on en croit les sondages.

Notre collègue François Fillon doit se souvenir d’un voyage à Bruxelles, il y a environ un an et demi, au cours duquel nous avons successivement entendu le président de la Commission, puis celui du Parlement, réclamer une augmentation de 6,5 % du budget européen, y compris le leur, alors qu’on demandait dans le même temps de l’austérité à la France et aux autres pays européens. Ils exigeaient une augmentation trois fois supérieure à l’inflation et cela sans le moindre contrôle, ni la moindre évaluation. On marche sur la tête !

Nous ne ferions pas notre travail si nous laissions partir de telles sommes sans aucun contrôle, surtout au regard des efforts qui nous sont demandés. La mise en place du système diplomatique européen a ainsi été une véritable gabegie. Je vous invite à vous rendre dans les représentations de l’Union européenne et à comparer leur train de vie à celui de nos propres ambassades. Nous devons nous intéresser à la manière dont on dépense l’argent des contribuables français.

Par ailleurs, où sont les investissements ? M. Hollande avait promis un paquet « croissance », mais il ne se trouve certainement pas dans l’agenda 2020, ni dans le budget proposé par la Commission, ni dans celui voté par le Parlement. J’ai eu l’occasion de m’occuper d’ITER, qui est le projet scientifique le plus important au monde et qui est absolument essentiel pour l’avenir de la filière énergétique à l’horizon 2050 ou 2060 : où sont les crédits européens correspondants ? Nous sommes en retard par rapport aux Japonais, aux Chinois et aux Américains.

Ce qui manque dans l’exposé de Mme Grellier, par ailleurs excellent, c’est le coût réel de cette contribution de vingt milliards d’euros une fois qu’on a récupéré des crédits, notamment au titre de la PAC. Je rappelle qu’on augmente les impôts des Français d’un même montant de 20 milliards d’euros.

M. Jacques Myard. Le coût est de sept milliards nets.

M. Pierre Lellouche. Quelle est la valeur ajoutée de ces sept milliards d’euros en termes d’investissement, de rayonnement et de croissance pour notre pays ?

Il est regrettable que l’on ne puisse ni poser toutes ces questions en séance publique, ni exiger un mécanisme de contrôle, ni même engager un débat à propos du retour sur investissement de ces vingt milliards d’euros. Il est surréaliste d’expédier ces sujets en commission en à peine une heure.

M. Serge Janquin. La situation est kafkaïenne. Si le programme en question remet en cause des politiques telles qu’Erasmus, voire l’APD de l’UE, qui sont parmi les plus appréciées par nos opinions publiques, qu’en est-il de la cohérence de l’idée européenne, alors même que, en parallèle, on cherche encore la valeur ajoutée du SEAE de Mme Ashton sur la politique internationale de l’Union. Des vérifications devraient-elles être faites ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, nous ne disposons pas des moyens d’évaluer tout ceci. Il nous faut un débat sur les ressources propres, sinon, l’idée européenne auprès de nos populations ira droit dans le mur.

M. Jacques Myard. Depuis assez longtemps je défends l’idée de l’ineptie du système en place. Premièrement, à l’origine nous avions une communauté des peuples qui fixait des objectifs mis en œuvre par les Etats. Aujourd'hui, après dérive fédérale, l’Union européenne a un budget propre qui échappe, aujourd'hui, à tout contrôle. Même s’il y a évidemment des aspects positifs dans le budget européen, comme la PAC qui intervient sur la stabilisation des marchés, les fonds structurels se traduisent par une remontée d’argent vers Bruxelles qui redescend ensuite au niveau des Etats pour financer des piscines ou des trottoirs dans les régions. C’est une ineptie, une pure gabegie organisée au bénéfice d’une technocratie qui justifie ainsi son existence ! A une époque, Jean-Claude Trichet et trois autres hauts fonctionnaires géraient l’ensemble des protocoles financiers dans le monde entier. Aujourd'hui, ce sont plus de 1000 fonctionnaires à Bruxelles qui gèrent les fonds structurels ! Il faut repenser toute la structure de l’intervention de l’UE, cesser ces multiples saupoudrages qui n’ont aucune utilité ! Si l’on veut réconcilier souveraineté nationale et construction et coopération européennes, il ne faut plus continuer d’aller vers les ressources propres qui échappent à tout contrôle parlementaire ! Ce système est pervers, nous allons dans le mur et je n’approuverai pas cette transmission de crédits.

Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis. Non seulement le prélèvement européen est une dépense obligatoire, mais elle se situe dans le périmètre de la norme « zéro valeur ». Et, comme le prélèvement sur recettes tend à croître, cela a un impact sur les autres politiques puisqu’il faut bien pouvoir financer l’augmentation de 2,9 % de notre contribution au budget européen.

En ce qui concerne Erasmus, le FSE et le programme d’innovation recherche, Alain Lamassoure, qui, pourtant, n’est pas ma référence, m’a expliqué qu’il avait pris l’argument des 460 millions d’euros manquants sur Erasmus pour alerter l’opinion publique, faire pression sur les Etats et obtenir un rectificatif d’environ 10 milliards sur les programmes d’innovation et recherche. Il a donc mis en valeur des opérations parmi les plus connues pour alerter l’attention sur un phénomène plus profond, celui de l’insuffisance structurelle du budget de l’Union européenne.

Sur la question de M. Luca et de Mme Guittet concernant le programme européen d’aide alimentaire (PEAD), il faut savoir que celui-ci était en fait financé initialement par les excédents de la rubrique 2, c'est-à-dire la PAC. Or cette dernière n’ayant plus vocation à produire des excédents, il a fallu mettre 500 millions d’euros en argent frais et c’est ce qui a posé problème car la décision de la Commission a été attaquée en justice par l’Allemagne et par la Suède. Les Allemands, de par leur loi fondamentale, considèrent que l’aide aux plus démunis est du ressort de l’Etat fédéral. D’où le refus de participer à ce programme. Toutefois, il faut noter que la proposition de la Commission sur le futur cadre financier pluriannuel inclut le PEAD. Il faut désormais trouver une nouvelle base juridique à ce dispositif auparavant fondé sur les excédents de la PAC. La Commission est en train de le faire. Il devrait y avoir une issue favorable.

En ce qui concerne ITER et Galileo, je voudrais d’abord évoquer les retours annuels effectués en direction du budget des Etats membres. Nous avons un cadre pluriannuel et, tous les ans, les excédents sont reversés aux Etats. Il faudrait que ce reversement n’intervienne qu’en fin de programmation et non chaque année, et ce, afin de financer de grands projets structurants. Pour aller au-delà de ce que dit M. Lellouche, ITER et Galileo ne sont pas dans les financements : c’est du redéploiement qui dépend du niveau de consommation du budget. Quand on annonce que le prochain cadre pluriannuel sera supérieur de 20 % à l’ancien, c’est précisément parce que le Parlement européen et la Commission souhaitent pérenniser ces projets.

Sur la question des ressources propres, M. Alain Lamassoure, avec Utta Haug et Guy Verhofstadt on fait une excellente contribution qui n’a pas été retenue par la Commission mais qui comprenait une partie relative à un impôt européen.

S’agissant du calendrier, je répète qu’il est très frustrant. Le débat que nous avons – ou, plutôt que nous n’aurons pas – devrait se faire en deux temps : sur la proposition de la Commission en avril, sur laquelle on devrait prendre position et ensuite, une seconde fois, lorsque le budget serait arrêté, pour discuter sur le prélèvement de recettes. Il conviendrait de débattre en deux temps pour une bonne pratique démocratique.

En ce qui concerne les dépenses administratives, la rubrique 5 prévoit une diminution des effectifs de 1 %. Par ailleurs, lorsqu’on aborde ce sujet, il faut savoir que, en tant que Français, on nous oppose immédiatement le coût du « multi-sites » du Parlement européen, c'est-à-dire ses sièges bruxellois et strasbourgeois.

Enfin, pour répondre à M. Lellouche, le vrai sujet du paquet croissance, c’est l’absence du contrôle parlementaire auquel il échappe car il repose en grande partie sur la BEI qui ne fait pas l’objet de contrôle démocratique. C’est un vrai sujet.

Combien l’Europe nous coûte-t-elle ? Nous sommes contributeurs nets à hauteur de 6,4 milliards d’euros, soit la troisième contribution nette derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni. C’est le prix de la solidarité européenne au projet européen à vingt-sept. Il faut être très prudent sur cette question du « juste retour » car s’il n’y a plus de solidarité, il n’y a plus de projet européen. Malgré le chèque anglais, le Royaume-Uni est le deuxième contributeur net.

*

Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013.

ANNEXE

Liste des personnalités rencontrées par votre rapporteure

à Bruxelles (jeudi 11 octobre 2012)

M. Alain Lamassoure, ancien ministre, député au Parlement européen (PPE), président de la commission des budgets ;

Mme Catherine Trautmann, ancienne ministre, députée au Parlement européen (S&D);

M. Hervé Jouanjean, directeur général du budget de la Commission européenne ;

M. Jean-Luc Dehaene, ancien Premier ministre de Belgique, député au Parlement européen (PPE/Belgique), vice-président de la commission des budgets et rapporteur sur la proposition de règlement du Conseil relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition de la ressource propre fondée sur la TVA ;

M. Jan Mulder, député au Parlement européen (ADLE/Pays-Bas), rapporteur pour avis (commission du contrôle budgétaire) sur la proposition de règlement du Conseil fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020.

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