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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2014,
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
RECHERCHE
Par M. Patrick HETZEL,
Député.
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Voir les numéros : 1395, 1428 (annexe n° 37).
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA BAISSE DU BUDGET DE LA RECHERCHE, UN TOURNANT POLITIQUE MANIFESTE ET MAJEUR 7
A. LES CRÉDITS « RECHERCHE » DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (MIRES) TRÈS FRAGILISÉS 7
1. Une diminution globale inversant une augmentation constante 7
2. D’une loi de programme à une loi sans programme 10
3. L’équilibre très précaire des budgets des établissements de recherche 13
4. Les personnels de la recherche publique 19
B. LA RECHERCHE SUR PROJET, UNE VARIABLE D’AJUSTEMENT 22
1. La baisse continue du budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) 22
2. Le socle structurant des investissements d’avenir 27
a. Le succès du premier programme des investissements d’avenir 27
b. Un deuxième programme en retrait ? 30
II. LES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES DE LA RECHERCHE, UNE INSUFFISANCE CULTURELLE À CORRIGER 32
A. UN CONSTAT TRÈS LARGEMENT PARTAGÉ 32
1. Des rapports récents aux diagnostics convergents 32
2. Les différences révélatrices des taux de succès aux programmes européens 38
B. DES OUTILS À MIEUX COORDONNER ET À RENDRE PLUS ACCESSIBLES AUX ENTREPRISES 40
TRAVAUX DE LA COMMISSION 49
ANNEXES 63
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 63
ANNEXE N° 2 : LISTE DE SIGLES UTILISÉS 64
Le budget du volet « recherche » de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) est l’évidente matérialisation de la contradiction entre une volonté politique fortement affichée en faveur de la recherche et de l’innovation et la réalité des moyens proposés.
Les crédits qui lui sont globalement attribués baissent de 1 %. Cette diminution touche principalement l’Agence nationale de la recherche (ANR), mais aussi les organismes de recherche. Or, il convient de rappeler que ces dotations en baisse ont non seulement à couvrir les charges pour pensions qui progressent, elles, nettement, chaque année, mais aussi le glissement-vieillesse technicité des fonctionnaires des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) ou les mesures salariales des personnels des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Les moyens réellement disponibles pour les laboratoires sont donc réduits d’autant, alors même que la chute des financements de l’ANR diminue parallèlement les financements sur contrat de recherche de ces organismes.
Alors que les emplois des organismes de recherche sont présentés comme stables, il convient cependant de s’interroger sur la réalité que recouvre cette stabilité. Les emplois inscrits seront-ils réellement pourvus ?
Le budget de la recherche pour 2013 se traduisait par ce qui était présenté comme un « rééquilibrage » des financements entre recherche sur projets et crédits récurrents, au profit des organismes de recherche. Si, cette année, ces derniers sont également touchés par les baisses de crédits, les moyens de l’ANR n’en continuent pas moins de diminuer. Ses autorisations d’engagement sont inférieures à ce qu’elles étaient à sa création en 2005 et se rapprochent, en euros constants, des budgets dont disposaient les anciens fonds incitatifs au début des années 2000… La Cour des comptes constatait, dans son rapport de juin 2013 sur le financement public de la recherche, que l’Agence était à la croisée des chemins. Le Gouvernement semble avoir dépassé cette étape, mettant en cause son existence même comme agence de financement de la recherche sur projets. Faut-il y voir l’abandon des financements sur projets en France, notre pays n’ayant fait, dans ce domaine, et avec un certain retard, que suivre la pratique européenne et internationale ?
Les crédits annoncés par le Premier ministre au mois de juillet pour financer le deuxième programme des investissements d’avenir sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014, mais avec une répartition différente et pour des montants inférieurs aux annonces gouvernementales pour ce qui relève de la MIRES. Le premier programme, lancé à l’initiative du précédent Gouvernement, est un succès dont il convient d’apprécier le caractère structurant pour l’ensemble de notre dispositif de recherche et d’enseignement supérieur.
Tout le monde en convient, les retombées économiques de la recherche françaises sont insuffisantes. Cette absence de corrélation entre une recherche scientifique française qui reste performante et la valorisation en entreprises est un problème culturel, propre à notre pays. Un véritable continuum entre recherche et innovation, caractéristique des économies dynamiques d’un monde globalisé, reste à établir. Les résultats décevants de la France dans la captation des financements des programmes européens de recherche le confirment.
Mais notre pays dispose d’intéressants outils de soutien à l’innovation sous tous ses aspects, la plupart créés durant la dernière décennie – en particulier dans le cadre du Pacte pour la recherche de 2006 et des investissements d’avenir décidés en 2009 – qu’il convient sans doute de mieux coordonner.
Parmi les dispositifs majeurs de soutien à la recherche en entreprise figure le crédit d’impôt recherche, instrument dont l’efficacité est soulignée par les tous les acteurs de ce secteur, qu’il convient de maintenir et de renforcer.
L’ensemble de ces questions, cadrées par un budget très médiocre, conduit à s’interroger sur les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche dont la loi relative à la recherche et à l’enseignement supérieur du 22 juillet 2013 prévoit une présentation quinquennale sous forme de livre blanc, avec la stratégie nationale de l’enseignement supérieur.
Il devient essentiel de « sanctuariser » les crédits de la recherche, à défaut d’en prévoir une programmation croissante, comme l’avait disposée et l’a effectivement réalisée la loi de programme pour la recherche de 2006.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 82% des réponses étaient parvenues.
Le projet de loi de finances pour 2014 est le premier dont la préparation et le contexte relèvent complètement de la responsabilité du Gouvernement issu des élections législatives de juin 2012. En effet, sous réserve de quelques réorientations, le budget de 2013 pour la recherche et l’enseignement supérieur s’inscrivait dans la continuité du précédent et confirmait, pour l’essentiel, les choix opérés pour définir la stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI) adoptée en 2009. Les orientations budgétaires fixées cette année sont donc la traduction de la nouvelle politique suivie en la matière, en particulier telle que la détermine la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Or, le contraste entre les objectifs affirmés par les représentants du Gouvernement, devant les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche voulues par le Président de la République et tenues à l’automne 2012 d’une part, puis devant le Parlement lors de l’examen du projet de loi devant en concrétiser les travaux au premier semestre de cette année, d’autre part, et le budget les portant qui nous est aujourd’hui soumis est, pour le moins, notable.
A. LES CRÉDITS « RECHERCHE » DE LA MISSION INTERMINISTÉRIELLE RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (MIRES) TRÈS FRAGILISÉS
Il semblait acquis, depuis le milieu des années 1990, que les crédits affectés à la recherche publique, retracés dans le Budget civil de recherche et développement (BCRD) jusqu’en 2005, puis dans le périmètre « recherche » de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) traduisant la volonté de maintenir la place de notre pays parmi les grandes nations scientifiques ne pouvaient durablement stagner, ou diminuer.
Le tableau ci-dessous retrace l’évolution de la part « recherche » de la MIRES au sein du budget de l’État en structure courante.
MIRES 2006-2013
Évolution de la part « recherche » de la MIRES au sein du budget de l’État, en structure courante
(en millions d’euros)
MIRES (en CP) périmètre recherche (1) | |||||||||
LFI 2006 |
LFI 2007 |
LFI 2008 |
LFI 2009 |
LFI 2010 |
LFI 2011 |
LFI 2012 |
LFI 2013 |
PLF 2014 | |
Dépenses du budget général de l’État |
266 605 |
266 850 |
271 285 |
277 063 |
285 213 |
286 390 |
290 714 |
299 320 |
305 469 |
Montant périmètre « recherche » de la MIRES |
11 445,59 |
11 690,62 |
13 311,00 |
13 194,08 |
13 439,46 |
14 087,27 |
13 894,23 |
14 054,21 |
13 977,40 |
Part périmètre « recherche » de la MIRES sur le budget général de l’État |
4,29 % |
4,38 % |
4,91 % |
4,76 % |
4,71 % |
4,92 % |
4,78 % |
4,70 % |
4,58% |
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
(1) Le périmètre recherche inclut les dépenses des programmes « recherche » : 172, 187, 193, 190, 191 et 186 et la part recherche de programmes 142 (action 2), 192 (actions 2 et 3) et 150 (actions n° 6 à 12) ; en 2014, elle n’inclut pas les crédits des programmes 409 et 410 liés à la mise en œuvre du plan d’investissements d’avenir (PIA)
La progression, nette, en loi de finances initiale pour 2013 se traduisait déjà par une diminution, en pourcentage, des crédits affectés à la recherche publique dans le budget général de l’État, avant toutes mesures de régulation budgétaire qui ont, cette année, par gel et surgel, réduit considérablement la marge de manœuvre des laboratoires et des équipes de recherche françaises, les opérateurs des programmes de la MIRES bénéficiant pourtant d’un taux dérogatoire, réduit, pour établir leur réserve de précaution.
Le projet de loi de finances qui nous est soumis pour 2014 accentue encore davantage cette régression.
Le tableau ci-dessous permet d’en constater la répartition par programme :
PRÉSENTATION DES CRÉDITS « RECHERCHE » DE LA MIRES, PAR PROGRAMME
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | ||
Ouvertes en LFI pour 2013 |
Demandées pour 2014 |
Ouverts en LFI pour 2013 |
Demandés pour 2014 | |
150 / Formations supérieures et recherche universitaire (actions recherche : 6 à 12) |
3 775,803 |
3 780,055 |
3 775,803 |
3 780,055 |
172 / Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
5 158,773 |
5 061,652 |
5 158,773 |
5 061,652 |
187 / Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources |
1 281,772 |
1 277,578 |
1 281,772 |
1 277,578 |
193 / Recherche spatiale |
1 413,022 |
1 431,108 |
1 413,022 |
1 431,108 |
190 / Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables |
1 415,998 |
1 387,505 |
1 377,998 |
1 397,505 |
192 / Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (actions recherche : 2 et 3) |
643,045 |
665,821 |
700,018 |
686,254 |
191 / Recherche duale (civile et militaire) |
192,199 |
192,869 |
192,199 |
192,869 |
186 / Recherche culturelle et culture scientifique |
115,592 |
112,591 |
118,592 |
114,491 |
142 / Enseignement supérieur et recherche agricoles (action recherche : 2) |
36,037 |
35,887 |
36,037 |
35,887 |
Total des crédits recherche |
14 032,24 |
13 945,07 |
14 054,21 |
13 977,40 |
Source : projet annuel de performances Recherche et enseignement supérieur pour 2013, structure courante.
En crédits de paiement, deux programmes connaissent une légère augmentation. Le programme 193 « recherche spatiale » croît d’un peu plus de 18 millions d’euros, pour respecter les engagements pris par la France dans le financement de l’Agence spatiale européenne et la résorption de ses arriérés et auprès de l’Organisation européenne pour l’exploitation de satellites météorologiques (EUMETSAT). Le programme 190 « recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », progresse de 20 millions d’euros, mais cette hausse des crédits repose sur la seule action n° 15, destinée à couvrir les charges nucléaires de long terme des installations du CEA (Commissariat à l’énergie atomique), conformément à l’article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Il ne s’agit donc pas de la préfiguration d’un essor quelconque d’un nouveau domaine de la recherche publique.
Tous les autres programmes connaissent une baisse de crédits, aussi bien dans les domaines des recherches générales et pluridisciplinaires que thématiques, de la gestion des milieux et ressources ou de la recherche agricole, mais aussi de la recherche en matière industrielle ou de la diffusion de la culture scientifique.
Il convient de remarquer également que l’ensemble des actions « recherche » du programme 150 « formations supérieures et recherche universitaire » connaissent une progression de 0,1 % (4,25 millions d’euros) en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, donc une baisse en euros constants. Alors qu’un des axes majeurs de la stratégie nationale de recherche est de remettre l’université au centre du dispositif de la recherche en France, cette baisse des moyens de la recherche universitaire ne laisse pas d’étonner.
Le projet de loi de finances pour 2014 est examiné alors que vient d’être promulguée la loi du 22 juillet 2003 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, présentée comme la traduction législative des travaux des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui se sont tenues à la fin de l’année dernière.
En regard, il n’est pas sans intérêt de rappeler, brièvement, quelques aspects de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche.
Il convient de rappeler, au préalable, que sa préparation s’était, elle aussi, appuyée sur les travaux de la communauté universitaire et scientifique, rassemblant des milliers de personnes à travers la France de mars à octobre 2004, dans les États généraux de la recherche dont le rapport était adopté en novembre 2004, à Grenoble. Le cadre qu’il fixait à ses propositions était le suivant : « recomposer les rapports des acteurs de la recherche publique avec la société, dans laquelle ils remplissent cinq missions : l’élaboration, la diffusion des connaissances, la formation à et par la recherche, la valorisation des résultats de la recherche et l’expertise. Au cœur de ces activités, la connaissance scientifique possède le caractère particulier d’un bien public dont l’État est le principal promoteur et dont il est le garant. »
Ses sept principales propositions pourraient, aujourd’hui encore, porter notre réflexion sur la place de la recherche en France : 1. réaffirmer et compléter les missions de la recherche publique ; 2. donner les moyens nécessaires à l’accomplissement de l’ensemble des missions de la recherche publique ; 3. mettre en place les structures permettant le développement d’une politique de recherche prioritaire ; 4. renforcer les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, et favoriser leur coordination ; 5. placer la dynamique propre de la recherche au centre de la politique scientifique nationale ; 6. réaffirmer le rôle central des personnels de la recherche dans le dispositif national ; 7. intégrer la politique nationale de recherche dans une perspective européenne.
La loi de programme de 2006, comme les politiques menées jusqu’en 2012, se sont attachées à traduire cet élan dans la pratique tant en termes de structures que de moyens. Ainsi, la proposition n° 2 du rapport des États généraux de la recherche suggérait une augmentation régulière d’un milliard d’euros chaque année, au moins, des crédits affectés à la recherche, pour les cinq ans à venir. En cohérence avec cette indication forte, le tableau de programmation ci-dessous était annexé à la loi de 2006 :
PROGRAMMATION DES MOYENS CONSACRÉS PAR L’ÉTAT À LA RECHERCHE
en millions d’euros (*)
2004 (**) |
2005 (**) |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 | |
Mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (hors programme « Vie étudiante ») |
18 205 |
18 561 |
18 950 |
19 360 |
19 919 |
20 365 |
20 800 |
Agences de financement sur projets (hors Agence de l’innovation industrielle) (***) |
0 |
350 |
630 |
910 |
1 100 |
1 295 |
1 500 |
Dépenses fiscales |
650 |
950 |
1 290 |
1 570 |
1 620 |
1 660 |
1 700 |
Total Recherche |
18 855 |
19 861 |
20 870 |
21 840 |
22 639 |
23 320 |
24 000 |
Effort supplémentaire cumulé par rapport à 2004 |
– |
1 006 |
3 021 |
6 006 |
9 790 |
14 255 |
19 400 |
Notes : (*) Les montants de ce tableau ne comprennent pas la contribution française aux programmes et actions communautaires en matière de recherche, de développement technologique et d’innovation.
(**) Périmètre reconstitué en 2004 et en 2005, sur une base constante 2006 hors programme « Vie étudiante ».
(***) Financements de l’Agence nationale de la recherche et concours supplémentaires à OSEO-Anvar en faveur de la recherche.
L’effort supplémentaire cumulé par rapport à 2004, tel que le prévoyait la loi de programme, était en réalité largement dépassé à l’échéance fixée de 2010. En effet, le volet MIRES, hors programme « vie étudiante » non inclus dans la loi, et en tenant compte de la progression des cotisations pour pension au compte d’affectation spéciale, réalisait l’objectif fixé et le volet dépenses fiscales, grâce à l’importante réforme du crédit d’impôt recherche de 2008, était plus que doublé, ces hausses faisant suite à celles des années précédentes.
Si la montée en puissance du budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est restée inférieure à l’objectif (qui comprenait également un concours supplémentaire à Oséo), il lui était confié la gestion des investissements d’avenir, les crédits nécessaires étant ouverts par la loi de finances rectificative n° 2010-237 du 9 mars 2010.
La Cour des comptes évalue en moyenne la croissance annuelle des crédits de la MIRES hors programme « vie étudiante » à 4,7 % sur la période programmation (2006-2009) et encore à 1,1 % entre 2009 et 2012, période où étaient parallèlement lancés la première vague des investissements d’avenir dont les principaux bénéficiaires étaient les opérateurs de la mission.
Cette programmation maintenue et dépassée était contemporaine, pour ses trois dernières années, de la crise mondiale, financière, puis économique, la plus brutale depuis l’après-guerre. Faire de la recherche et de l’enseignement supérieur un point d’appui majeur de la relance économique et d’un nouveau développement pour notre pays, avec des outils rénovés parallèlement mis en place, était un axe prioritaire de la politique du précédent Gouvernement.
Inscrire une législation sur la recherche dans un grand débat national est presque une tradition dans l’histoire de notre pays. Citons par exemple, avant les États généraux de 2004, le colloque de Caen de 1956 ou les Assises nationales de la recherche du début des années 1980, qui avaient constitué deux tournants majeurs dans la réflexion sur la recherche en France et fortement influencé son organisation.
Le projet de loi présenté au Parlement au printemps, préparé lui aussi par des débats et des Assises, laissait donc imaginer qu’il traduirait, quelle que soit l’opinion qu’on ait eue sur tel ou tel de leurs aspects, les réflexions qu’elles ont organisées.
Or, force est de constater, à travers ce texte, que le Gouvernement ne considère pas le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche comme prioritaire puisque, contrairement à la loi de programme de 2006 mais également, par exemple, à la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République, là aussi quelle que soit l’opinion de chacun sur cette loi, rien n’est prévu en matière de programmation. C’est fort regrettable et montre en réalité le décalage entre le discours et les actes de l’actuel gouvernement.
Dès lors, la loi relative à l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 ne permet pas de se faire la moindre idée de la manière dont sera accompagnée, en termes de moyens, la politique publique menée dans ce domaine. Plus que jamais, le qualificatif de loi bavarde semble approprié pour un texte d’inspiration plus velléitaire que volontaire.
L’article 17 de la loi prévoit cependant la publication d’un livre blanc, présentation quinquennale des stratégies nationales de recherche et de l’enseignement supérieur. Si l’année 2014 les préfigure, comme l’affirme le Gouvernement dans la présentation du budget de la recherche, par le lancement des programmations scientifiques nationales et européennes, coordonnées et harmonisées avec la mise en œuvre de l’Agenda stratégique France Europe 2020, l’affaiblissement budgétaire que matérialise le projet de loi de finances pour 2014 en donne une image inquiétante. Le redressement économique suppose une ambition beaucoup plus affirmée de notre politique de recherche.
Les conséquences des tendances indiquées par le budget de la MIRES dans son volet « recherche » doivent également être appréciées en regard du fonctionnement des organismes de recherche.
Pour les seuls programmes sous la responsabilité du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche : n° 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », n° 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », n° 193 « Recherche spatiale », les crédits sont, à périmètre constant, en baisse de 1,05 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 (– 82,168 millions d’euros en AE et en CP).
Les unités budgétaires composant ces programmes sont les principaux organismes de recherche français et les participations françaises aux grands développements scientifiques internationaux :
– sept établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), dont quatre relèvent du programme n° 172 (CNRS, INSERM, INRIA, INED) et trois du programme n° 187 (INRA, IRSTEA, IRD) ;
– cinq établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), relevant des programmes n°s 172 (CEA civil), 187 (CIRAD, IFREMER, BRGM) et 193 (CNES) ;
– un établissement public à caractère administratif (EPA), relevant du programme n° 172 (ANR) ;
– deux groupements d’intérêt public (GIP), relevant du programme n° 172 (IPEV, Genopole) ;
– cinq fondations de recherche médicale, déclarées d’utilité publique, relevant du programme n° 172 (Institut Pasteur de Paris, Instituts Pasteur du réseau international, Institut Pasteur de Lille, Institut Curie, CEPH-Fondation Jean Dausset) ;
– deux associations (CEPREMAP, CIMPA) et une unité mixte de recherche (CIRM), relevant du programme 172 ;
– huit organisations scientifiques internationales, relevant des programmes n°s 172 (CERN, ESO, LEBM, CEPMMT, CIRC, CEBM-OEBM) et 193 (ESA, EUMETSAT) ;
– le projet international ITER (part de l’État), sur le programme n° 172 ;
– la société civile GENCI (part de l’État), sur le programme n° 172 ;
Et l’ensemble des interventions et dispositifs ministériels, sur le programme n° 172, retracés à l’action n° 1 « Pilotage et animation » dont relève le financement de trois opérateurs principaux de l’État, l’Observatoire des sciences et des techniques (OST), l’Académie des technologies, l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST).
Le tableau ci-dessous présente, par programme et unités budgétaires, l’évolution entre la loi de finances initiale pour 2013 et le projet de loi de finances pour 2014, à structure constante.
MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE (MESR)
PLF 2014 : évolution des dotations, programme n° 172,187, 193
LFI 2013 |
PLF 2014 : évolution à structure constante | |||
Flux budgétaires |
PLF 2014, structure constante |
Évolution | ||
Programme 172 | ||||
Pilotage et animation (action 1 ; AE) |
151 687 613 € |
-2 459 640 € |
149 227 973 € |
-1,6 % |
Pilotage et animation (action 1 ; CP) |
151 687 613 € |
-2 459 640 € |
149 227 973 € |
-1,6% |
CNRS |
2 609 626 051 € |
-9 211 540 € |
2 600 414 511 € |
-0,4% |
INSERM |
620 451 785 € |
-536 426 € |
619 915 359 € |
-0,1 % |
INED |
16 939 812 € |
-40 726 € |
16 899 086 € |
-0,2 % |
INRIA |
169 512 851 € |
-407 534 € |
169 105 317 € |
-0,2 % |
ANR |
686 654 491 € |
-81 500 000 € |
605 154 491 € |
-11,9 % |
CEA civil |
518 001 631 € |
-4 644 700 € |
513 356 931 € |
-0,9 % |
IPEV |
23 034 260 € |
204 000 € |
23 238 260 € |
0,9 % |
Génopole |
3 000 000 € |
- |
3 000 000 € |
- |
Institut Pasteur de Paris |
57 954 333 € |
-888 544 € |
57 065 789 € |
-1,5 % |
Institut Pasteur de Lille |
6 454 695 € |
-198 159 € |
6 256 536 € |
-3,1 % |
Instituts Pasteur du Réseau international |
7 992 577 € |
-122 540 € |
7 870 037 € |
-1,5 % |
Institut Curie |
9 422 807 € |
-144 468 € |
9 278 339 € |
-1,5 % |
CEPH |
1 955 000 € |
-60 019 € |
1 894 981 € |
-3,1 % |
CIMPA |
190 000 € |
- |
190 000 € |
- |
CIRM |
391 000 € |
- |
391 000 € |
- |
CEPREMAP |
1 294 621 € |
-39 746 € |
1 254 875 € |
-3,1 % |
Projet ITER (part État) |
92 000 000 € |
4 000 000 € |
96 000 000 € |
4,3 % |
GENCI (part État) |
14 700 000 € |
- |
14 700 000 € |
- |
CEBM-OEBM |
2 572 533 € |
- |
2 572 533 € |
- |
LEBM |
15 738 413 € |
- |
15 738 413 € |
- |
ESO |
22 483 860 € |
- |
22 483 860 € |
- |
CEPMMT |
7 311 826 € |
- |
7 311 826 € |
- |
CIRC |
1 069 510 € |
- |
1 069 510 € |
- |
CERN |
118 323 620 € |
- |
118 323 620 € |
- |
Programme international HFSPO |
0 € |
- |
0 € |
- |
Réserve parlementaire |
10 000 € |
-10 000 € |
- |
-100,0 % |
Programme 172 (AE) |
5 158 773 289 € |
-96 060 042 € |
5 062 713 247 € |
-1,9 % |
Programme 172 (CP) |
5 158 773 289 € |
-96 060 042 € |
5 062 713 247 € |
-1,9 % |
Programme 187 | ||||
INRA |
677 163 829 € |
-1 628 004 € |
675 535 825 € |
-0,2 % |
IRSTEA |
59 090 301 € |
-142 062 € |
58 948 239 € |
-0,2 % |
IRD |
206 638 011 € |
-1 288 504 € |
205 349 507 € |
-0,6 % |
CIRAD |
131 157 398 € |
-563 952 € |
130 593 446 € |
-0,4 % |
IFREMER |
151 399 952 € |
-329 523 € |
151 070 429 € |
-0,2 % |
BRGM |
56 322 642 € |
-242 177 € |
56 080 465 € |
-0,4 % |
Programme 187 (AE = CP) |
1 281 772 133 € |
-4 194 222 € |
1 277 577 911 € |
-0,3 % |
Programme 193 | ||||
CNES |
583 322 207 € |
-6 217 500 € |
577 104 707 € |
-1,1% |
ESA |
799 000 000 € |
12 435 000 € |
811 435 000 € |
1,6 % |
EUMETSAT |
30 700 000 € |
11 868 853 € |
42 568 853 € |
38,7 % |
Programme 193 (AE = CP) |
1 413 022 207 € |
18 086 353 € |
1 431 108 560 € |
1,3 % |
Total MESR : programme Recherche | ||||
MESR, Recherche (AE) |
7 853 567 629 € |
-82 167 911 € |
7 771 399 718 € |
-1,0 % |
MESR, Recherche (CP) |
7 853 567 629 € |
-82 167 911 € |
7 771 399 718 € |
-1,0 % |
Source : MESR.
Cette répartition par organisme montre que chacun d’entre eux est touché par la baisse des crédits alloués en 2014 dans le projet de loi de finances.
Il convient également de remarquer que la progression des charges de pensions civiles qui leur sont imputées diminue, davantage encore, les crédits réellement disponibles pour les activités de recherche. Le budget prévisionnel du CNRS pour 2013 prévoyait ainsi une progression des charges de pensions civiles de 630 millions d’euros en 2012 à 682 millions, soit plus de 8 %. Il en est de même du glissement vieillesse-technicité, (GVT), non compensé par les subventions sur lequel il s’impute.
Dès lors, la question du maintien des contrats d’objectifs et de performance, fondés sur des dotations budgétaires stables et prévisibles et que tous ces organismes ont passé avec l’État peut désormais, pour la plupart d’entre eux, se poser. Clairement, l’État ne respecte pas sa signature et cela pose évidemment la question de la fiabilité de ses engagements.
Le cas particulièrement frappant de l’ANR fera l’objet d’un examen particulier, mais les auditions et les rencontres du rapporteur le conduisent à présenter brièvement les budgets de quelques organismes, qui traduisent assez nettement la difficulté d’une gestion prospective sérieuse de leurs activités de recherche, dans un cadre non pas consolidé, mais réellement fragilisé par les baisses des subventions pour charge de service public.
Les recettes des organismes sont en effet classées en quatre catégories : la subvention pour charges de service public (SCSP), subvention globale versée par l’État pour financer leurs activités courantes (en fonctionnement comme en investissement) ; les contrats et les soutiens finalisés à l’activité de recherche (contrats de recherche, autres subventions publiques ou privées reçues) ; les produits valorisés de l’activité de recherche et de prestation de services (redevances pour brevets et licences, ressources annexes à l’activité de recherche – essais, expertises, formations) ; et les autres subventions et produits (location de salles, produits financiers ou exceptionnels).
S’il est certes très souhaitable que les organismes de recherche diversifient leurs ressources, par les contrats de recherche sur projet, européens en particulier, ou la valorisation par le biais des brevets, par exemple, comme ils le font de façon croissante, il n’en demeure pas moins que leur rôle d’acteurs publics de la recherche donne une importance structurante essentielle à la subvention de l’État, et ce d’autant plus que le montant des préciputs des contrats de la recherche sur projet est loin de couvrir les coûts réels des dépenses des laboratoires publics, comme le confirme la Cour des comptes.
● Le budget du CNRS avait en 2013 le double objectif d’augmenter les moyens des unités de recherche en utilisant les crédits redéployés de l’ANR, et de remplacer intégralement les départs à la retraite, afin de maintenir l’emploi scientifique. Il s’établissait initialement à 3,415 milliards d’euros dont 2,609 de subvention sur le programme n° 172 (76,4 %).
Il lui est appliqué l’objectif global d’économie de fonctionnement pour les opérateurs de l’État, sa subvention étant ramenée à 2,6 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014.
● Le budget initial de l’INSERM pour 2013, comme celui du CNRS, s’inscrivait dans le double objectif d’utiliser les crédits redéployés de l’ANR, et de maintenir l’emploi scientifique. Son montant était de 867,570 millions d’euros dont 620,452 millions d’euros de subvention (71,5 %) sur lesquels 40 millions d’euros sont destinés à l’ANRS, agence autonome de l’institut depuis janvier 2012.
Les économies de fonctionnement qui lui sont appliquées ramènent la subvention à 619,915 millions d’euros en 2014.
Cette baisse des moyens des grands organismes de recherche pluridisciplinaires touche également les organismes plus thématiques, y compris ceux intervenant dans deux domaines présentés comme déterminants par le Gouvernement : l’environnement et l’énergie. Il en est ainsi de l’IRSTEA ou de l’IFP-EN.
● La subvention pour charge de service public de l’IRSTEA s’articule autour de deux programmes de la MIRES, le n° 142 relevant du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et le n° 187 du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Son budget initial pour 2013 était de 118,257 millions d’euros, les subventions pour charge de service publique étant de 81,065 millions d’euros, soit 68,5 %. La simple progression de la masse salariale réduisait déjà les dotations de fonctionnement et d’investissement par rapport à 2012.
Or la dotation de base de l’organisme voit son équilibre budgétaire et son modèle économique et social menacés notamment par la disparité de traitement entre les deux programmes budgétaires. Le programme n° 142 ne contribue qu’à couvrir des dépenses de masse salariale, à l’exclusion des autres dépenses. Le glissement vieillesse-technicité (GVT) lui correspondant a été financé jusqu’en 2009 mais, depuis cette date, la dotation est en baisse de 6,04 % alors même que le GVT continuait à progresser de 2,5 à 3 % par an pour la population financée sur la période 2009-2012. Étonnamment, cette dotation affectée à la gestion de la masse salariale est pourtant soumise à un taux de mise en réserve correspondant à des charges hors masse salariale (en moyenne de 1,88 % sur la même période). On conçoit que l’institut ait dû geler des postes. Le nombre des agents du ministère de l’agriculture affectés à l’institut connaît une baisse continue depuis 2011.
La dotation provenant du programme n° 187 a connu, sur la même période 2009-2012, une croissance de plus de 5 %, mais il convient de remarquer qu’elle prend en compte l’augmentation du taux des pensions civiles pour tous les personnels permanents financés sur les deux programmes.
Les dotations inscrites au projet de loi de finances pour 2014 baissent en moyenne d’un peu plus de 0,4 % sur les deux programmes.
Est-il nécessaire de rappeler que le rôle de l’agro-écologie, la mise en place des plans d’adaptation au changement climatique et de mitigation ou d’atténuation de ses effets, qui mobilisent fortement la recherche de l’institut et qui font l’objet des engagements de la France dans le cadre des conférences environnementales, suppose de ne pas dégrader durablement notre capacité de recherche dans ce domaine.
● Un autre organisme directement investi dans la recherche pratique en matière de transition énergétique, l’IFP-EN, connaît, lui aussi, une situation budgétaire tendue qu’amplifie le projet de loi de finances pour 2014.
Son statut d’EPIC, son rattachement au seul programme n° 190, relevant du ministère de l’écologie, du développement et de la mobilité durables, la place exceptionnellement élevée des financements sur fonds propres, ne semblent pas davantage le protéger des pratiques budgétaires en cours.
L’institut a, en effet, connu une année budgétaire 2013 particulièrement sévère. La dotation qui lui était attribuée initialement par la loi de finances était stable en euros constants, à 146,6 millions d’euros. L’application d’un gel à taux plein, contrairement aux règles en la matière pour les opérateurs de la MIRES, puis d’un « surgel », ont ramené la subvention de l’État à 136 millions d’euros.
Le projet de loi de finances pour 2014 propose une dotation intégrant l’économie imposée aux opérateurs. Son montant initial est de 143,6 millions d’euros soit une nouvelle baisse de 2 %.
Il semble qu’on atteigne là la limite de l’exercice de gestion de la pénurie. Il est assez déconcertant, en effet, de constater qu’un institut s’autofinançant à plus de 50 % par des ressources propres en croissance également de plus de 50 % depuis 2005, ce qui lui permet d’assurer ses activités dans les secteurs industriels matures et de consacrer sa dotation d’État aux recherches et innovations de rupture, conformément à ses missions, se voit ainsi contraint d’envisager de réduire ses effectifs. Que faut-il penser, dès lors, de l’importance réellement accordée par le Gouvernement à la transition énergétique et à ses acteurs les plus en prise avec les entreprises, comme l’IFP-EN ?
Cet équilibre précaire des budgets des opérateurs a des conséquences immédiates sur les perspectives en matière d’emploi dans la recherche publique.
Le principe admis depuis le début de la crise économique était de maintenir, en prolongement de la loi de programme de 2006, les effectifs et donc l’attractivité de la recherche publique, parallèlement à l’encouragement au développement de la recherche en entreprise.
Le tableau ci-dessous, qui vient d’être publié (octobre 2013) par l’Observatoire des sciences et des techniques (OST) illustre, de façon moins intuitive qu’il n’y paraît, l’évolution de la population de chercheurs depuis près de vingt ans dans les cinq pays les plus peuplés de l’Union européenne : l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne.
CHERCHEURS EN ÉQUIVALENT TEMPS (ETP)
Nombre, part de la population active, répartition entre le secteur public et le secteur privé et part européenne (UE27) (1995 à 2010) (Allemagne, Espagne, France, Italie, RU)
Indicateurs |
Pays |
1995 |
2002 |
2010 |
Nombre (ETP) |
Allemagne |
231 128 |
265 812 |
327 953 |
Espagne |
47 342 |
83 318 |
134 653 | |
France |
151 249 |
186 420 |
239 613 | |
Italie |
75 536 |
71 242 |
103 424 | |
Royaume-Uni |
145 673 |
198 163 |
256 585 | |
Union européenne à 27 |
964 377 |
1 203 615 |
1 588 385 | |
Part dans la population active (‰) |
Allemagne |
5,87 |
6,71 |
7,87 |
Espagne |
2,89 |
4,44 |
5,83 | |
France |
5,96 |
6,97 |
8,46 | |
Italie |
3,23 |
2,93 |
4,14 | |
Royaume-Uni |
5,20 |
6,83 |
8,18 | |
Union européenne à 27 |
4,42 |
5,34 |
6,63 | |
Secteur public (%) |
Allemagne |
44,0 |
41,5 |
43,3 |
Espagne |
77,2 |
70,4 |
66,3 | |
France |
56,0 |
48,9 |
41,6 | |
Italie |
64,1 |
60,7 |
63,0 | |
Royaume-Uni |
43,7 |
51,7 |
67,2 | |
Union européenne à 27 |
54,8 |
53,1 |
55,1 | |
Secteur privé (%) |
Allemagne |
56,0 |
58,5 |
56,7 |
Espagne |
22,8 |
29,6 |
33,7 | |
France |
44,0 |
51,1 |
58,4 | |
Italie |
35,9 |
39,3 |
37,0 | |
Royaume-Uni |
56,3 |
48,3 |
32,8 | |
Union européenne à 27 |
45,2 |
46,9 |
44,9 | |
Part UE27 (%) |
Allemagne |
24,0 |
22,1 |
20,6 |
Espagne |
4,9 |
6,9 |
8,5 | |
France |
15,7 |
15,5 |
15,1 | |
Italie |
7,8 |
5,9 |
6,5 | |
Royaume-Uni |
15,1 |
16,5 |
16,2 | |
Union européenne à 27 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Source : OST.
Entre 1995 et 2010, le nombre de chercheurs en France a crû nettement. La répartition entre secteur public et secteur privé s’est inversée, plaçant en pourcentage notre pays en tête de nos partenaires, y compris l’Allemagne, pour le secteur privé. Cette évolution était fortement souhaitable afin de renforcer le lien entre recherche et innovation, naturellement mieux établi au sein de l’entreprise. Elle implique cependant de maintenir un secteur public de la recherche efficace, au sein duquel continuent d’être assurées les formations par et à la recherche, quel que soit le succès des dispositifs en entreprise comme les conventions CIFRE.
Les emplois des organismes de recherche, 68 441, sont présentés comme stables en équivalents temps plein (ETP). Il importe cependant qu’il y ait une identité complète entre le nombre d’emplois affiché, qui constitue un plafond, et la réalité des postes pourvus. Une présentation synthétique et réelle des emplois scientifiques de la recherche publique est d’autant plus nécessaire que les perspectives d’évolution des effectifs des personnels scientifiques et non scientifiques, statutaires et non statutaires, dépendent de nombreux facteurs.
Celui des départs en retraite est évidemment le plus précis. En revanche, d’autres facteurs, tout aussi influents, mais dont la prévision est beaucoup plus incertaine, peuvent également jouer un rôle dans cette évolution, comme la stratégie d’enseignement et de recherche de chaque établissement, l’évolution des besoins et des métiers, le redéploiement par discipline scientifique, ou encore la participation à des projets de recherche en fonction des appels lancés par différentes institutions.
Les organismes de recherche et les universités étant autonomes dans leur gestion des ressources humaines, les recrutements de fonctionnaires ou de contractuels, comme le redéploiement des postes ouverts par discipline, relève de leur responsabilité. Le rôle de régulation et d’harmonisation nationale des politiques locales des établissements autonomes par le ministère est donc essentiel. Il serait regrettable qu’il ne repose pas sur une présentation objective des données en matière d’emploi.
L’absence de lisibilité des politiques de recrutement de la recherche publique que traduit le projet de loi de finances, comme ses perspectives plus qu’incertaines, qui n’ont pas été précisées par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013, ne donnent pas un signal très encourageant en direction des étudiants se destinant aux études scientifiques. Comment, par exemple, valoriser le doctorat, si les unités de recherche au sein desquels il se prépare sont fragilisées et comment attirer les jeunes talents vers les métiers de la recherche comme le préconise à juste titre le Rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures annexé au projet de loi de finances pour 2014 ?
Le rapport au Premier ministre présenté par M. Louis Gallois il y a tout juste un an, le « pacte pour la compétitivité française » soulignait que « L’effort de recherche français est significatif. On a vu que c’était un de nos atouts. Il constitue le socle de l’innovation. Dès lors, nous proposons que la recherche publique et le soutien à l’innovation soient budgétairement sanctuarisés comme l’est l’éducation. Ils préparent l’avenir. » D’où la 7e proposition du rapport : « Sanctuariser le budget de la recherche publique et celui du soutien à l’innovation sur la durée du quinquennat. »
Force est de constater que le premier projet de loi de finances présenté par le Gouvernement après cette étude n’en respecte absolument pas l’objectif, pourtant régulièrement réaffirmé, et qui s’inscrivait d’ailleurs dans la continuité des politiques menées depuis une décennie. Il est dès lors possible de s’interroger sur les bases mêmes qui sous-tendront les suites données aux travaux de la commission « Innovation 2030 » dont la présidente, Mme Anne Lauvergeon, vient de rendre le rapport au Président de la République.
L’Agence nationale de la recherche connaît une situation budgétaire qu’on ne peut caractériser autrement que comme un retournement complet, remettant en cause sa place même dans le dispositif français de recherche.
Si la subvention versée à l’ANR a atteint un maximum de 850 millions d’euros en 2008, elle connaît une baisse qui s’est brutalement accélérée depuis 2012.
Le graphique ci-dessous retrace l’évolution des autorisations d’engagement de l’Agence, hors investissement d’avenir, sur une base 100 en 2006.
Source : Agence nationale de la recherche.
Dans la loi de finances initiale pour 2013, les crédits destinés à l’ANR s’élevaient à 687 millions d’euros, soit une diminution de 73 millions d’euros (10 %) par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2012 : 760 millions d’euros. Cette diminution des autorisations d’engagement et des crédits de paiement correspondait à un redéploiement des dotations de l’Agence vers les organismes de recherche. Il était clair que ce saupoudrage, si c’en était l’objet, ne réglait pas la question des crédits récurrents ni l’insuffisance de la prise en compte des frais réels de ces établissements sur leurs contrats de recherche sur projet, en revanche, il remettait en cause l’effet levier évident de ce mode de financement de la recherche.
Dans les faits, la subvention réellement perçue par l’ANR a accusé une baisse encore plus marquée entre 2012 et 2013 de 114 millions d’euros en autorisations d’engagement (-16 %) compte tenu de la déduction systématique de la réserve de précaution et de l’annulation de 50 millions d’euros en AE en gestion 2013. Le montant de la subvention 2013 se trouve ainsi réduit à 596 millions d’euros d’AE.
Cette diminution radicale se poursuit dans le projet de loi de finances pour 2014, puisque le montant de la dotation de l’ANR s’élève à 605,2 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit une nouvelle baisse de 81,5 millions d’euros (-12 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Après déduction de la réserve de précaution, dont le montant communiqué est pour le moment de 41,5 millions d’euros (soit 6,9 % des crédits inscrits), le montant prévisionnel de la subvention versée à l’ANR s’élèverait à 563,7 millions d’euros, se répartissant en 28,8 millions d’euros au titre de la subvention pour charges de service public finançant les frais de gestion de l’Agence et 534,8 millions d’euros de crédits d’intervention.
La subvention nette versée à l’Agence représenterait donc 2,2 % en AE et CP des crédits de la MIRES prévus au projet de loi de finances pour 2014. Depuis 2006, les crédits versés à l’ANR ont diminué de 30 %, tandis que les crédits de la MIRES ont progressé de 24 %.
Le niveau de financement de l’Agence est en somme réduit, en euros constants, à celui dont disposaient les fonds incitatifs il y a dix ans, les anciens Fonds national de la science (FNS) et Fonds de la recherche technologique (FRT). Est-il nécessaire d’insister sur l’énorme contresens que constitue ce revirement ? Depuis dix ans en effet, tout le dispositif de la recherche publique s’est restructuré autour du concept de projet, finalement assez largement admis, même s’il était considéré comme perfectible, en particulier par une meilleure prise en compte des coûts réels.
Le choix de privilégier les subventions récurrentes de certains opérateurs de recherche plutôt que les moyens accordés au financement compétitif sur projets est en totale rupture avec les modèles de financements adoptés dans les autres grandes nations de recherche.
La Cour des Comptes le constatait dans son rapport de juin 2013 sur le financement public de la recherche : l’ANR est à la croisée des chemins. Elle se prononçait pour un accroissement de la part du financement sur projets en citant comme référence les modèles adoptés dans d’autres grands pays de recherche, comme le Royaume Uni qui accordait, en 2011-2012, 3,1 milliards d’euros en financements sur projets (soit près de 56 %), et 2,46 milliards d’euros en financements récurrents, sachant que 70 % de ces derniers sont attribués sur la base d’une évaluation des unités de recherche visant à privilégier l’excellence, ou encore l’Allemagne, pour 44 % du financement provenant de l’État fédéral en R&D en 2010.
La baisse des moyens d’intervention de l’ANR a pour effet direct la diminution du taux de succès à ses appels à projet qui est passé de 28 % en 2005 à 20 % en 2012 et à moins de 17 % en 2013, le nombre de projets déposés étant quant à lui en constante augmentation, la barre des 7 000 projets ayant été franchie en 2013. Ces taux de succès sont parmi les plus bas en Europe pour ce type de structure et sont également inférieurs au taux de succès français moyen du 7e PCRDT, 24 %.
Très clairement, les contraintes budgétaires ne permettent plus à l’Agence de financer la totalité des bons projets reçus et risquent d’atténuer notablement son effet vertueux de stimulation de la communauté scientifique. Financer et stimuler la recherche par projet est très vertueux mais pour cela, il faut déployer des leviers incitatifs en la matière. L’orientation de l’actuel gouvernement s’en éloigne et la France risque de prendre un retard considérable dans ce domaine, lequel deviendra, hélas, de plus en plus difficile à rattraper.
En matière de financement des projets des entreprises, les taux de succès peuvent être considérés comme décourageants, même si l’Agence s’efforce de maintenir des taux légèrement plus élevés (20 à 23 %) dans les programmes à fort contenu partenarial. Il faut signaler qu’ailleurs en Europe, les taux de succès des projets en partenariats public-privé sont de l’ordre de 35 à 50 %, comme en Allemagne, par exemple. Dans ces conditions, on constate une nette diminution de la participation des entreprises qui estiment que le rapport entre l’investissement en temps et en efforts et le résultat n’est pas intéressant. Ainsi, en 2008, 15 % des financements étaient attribués aux recherches partenariales, pour 92 millions d’euros ; ils n’étaient plus, en 2012, que de 8,1 % pour 44 millions d’euros. Or ce cadre partenarial devait pouvoir s’articuler avec le crédit d’impôt recherche, dès lors moins fléché sur les orientations à privilégier d’une politique nationale cohérente de recherche.
Parallèlement l’aide moyenne par projet diminuait, elle aussi. Elle est passée de 483 000 euros, et 870 000 euros pour les projets partenariaux public – privé en 2008, à respectivement 426 000 euros et 670 000 euros en 2012.
Dans ce contexte, l’ANR a été conduite à mettre en place en 2014 un nouveau plan d’action répondant à une volonté de simplification exprimée par la communauté scientifique lors des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dorénavant, un seul document de cadrage (le plan d’action) remplace les appels à projets traditionnels, rendant plus lisible l’offre de financement.
L’Agence a profondément revu son mode de sélection des projets et met en place en 2014 un nouveau processus en deux temps, fondé sur une analyse de pré-propositions limitées, permettant d’opérer une première sélection au regard notamment des orientations stratégiques définies dans le plan d’action et précisées par les comités de pilotages scientifiques, puis de retenir des projets sur la base des propositions détaillées établies par les porteurs de projets ayant franchi avec succès la première étape. Outre l’économie de temps de préparation pour les équipes de recherche candidates par un allègement des exigences de la première étape, il sera possible d’atteindre des taux de succès significativement plus élevés à la deuxième étape, dont l’accès est limité par la présélection.
Il convient de remarquer qu’outre la réduction des engagements de l’Agence, se pose parallèlement le problème de la rapide diminution de sa trésorerie. En effet, son budget sert maintenant de variable d’ajustement de la gestion budgétaire de la MIRES et connaît des annulations massives de crédits par rapport aux montants présentés en projet de loi de finances. Depuis 2008, les annulations se sont élevées à 174 millions d’euros en AE et 512 millions d’euros en CP au-delà de l’annulation de la réserve de précaution. Les annulations supérieures en CP par rapport aux AE ont été rendues possibles par un niveau de trésorerie initial élevé mais cette pratique ne peut être reconduite sans risquer de plonger l’Agence dans une crise de trésorerie qui l’empêcherait de verser les subventions à ses bénéficiaires. Le niveau de trésorerie devrait être de 310 millions d’euros fin 2013, 190 millions d’euros fin 2014 et 146 millions d’euros à fin 2015, en supposant une capacité d’engagement stable entre 2014 et 2015, or un niveau raisonnable de trésorerie pour l’ANR est de l’ordre de 200 millions d’euros…
Le montant de la subvention de l’Agence devra impérativement être revu à la hausse dans le cadre du prochain budget triennal 2015-2017, sauf, comme le constate la Cour des comptes, à remettre définitivement en cause l’équilibre souhaitable entre financements sélectifs sur projets et financements des opérateurs de recherche, alors qu’ils pourraient également être rendus plus compétitifs. À cet égard, nous pensons que le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure des véritables enjeux pour la France alors que deux rapports récents (de M. Louis Gallois d’une part et de Mme Anne Lauvergeon d’autre part) commandés par l’actuel gouvernement insistent tout particulièrement sur la place indispensable et stratégique d’un financement de la recherche par projet.
Lors des auditions, la question s’est posée d’une nouvelle approche du financement de la recherche, suivant la doctrine, en vogue dans le monde anglo-saxon : « Fund the people, not the project / subventionner la personne, pas le projet ». Il s’agit là de la volonté légitime de permettre à des chercheurs innovants d’accéder directement aux financements, et de leur faire confiance pour développer leurs propres voies de recherche, cette dernière s’accommodant mal du carcan trop systématique des thématiques du moment.
Or, c’est à cet objectif que répondent, au moins partiellement, les programmes « blancs » et « jeunes chercheurs et chercheuses » de l’ANR. Les programmes non thématiques et transversaux, dont font partie les programmes « blanc » et « blanc international », représentaient encore 47,9 % des engagements totaux pris sur appels à projet en 2012. Il serait dommage de ce point de vue également, que l’attrition des crédits de la recherche sur projet, articulée avec le poids des thématiques portées par les organismes de recherche qui contribuent à élaborer la programmation et les orientations de la recherche, tarisse une indispensable respiration de notre système de recherche, et que nous retournions à des pratiques que la création de l’Agence avait pour objet de dépasser.
Enfin, les organismes de recherche et les universités hébergeant les unités mixtes de recherche, encore plus nettement, déplorent le faible préciput accordées sur les contrats ANR, en comparaison des normes généralement retenues au niveau mondial. La chute de ses moyens d’intervention éloigne d’autant la perspective d’une amélioration de cet élément important pour l’équilibre du système de recherche. Au risque, sinon, comme le relevaient les présidents d’université ou d’organismes de recherche auditionnés, de se trouver dans cette situation paradoxale : le succès aux appels à projet coûte au lieu de rapporter… En somme, ce serait un comble de voir se transformer une politique publique incitative en dispositif repoussoir.
Il est, dès lors, de plus en plus paradoxal de se féliciter de la place centrale qu’occupe l’ANR dans la gestion des investissements d’avenir, comme le font ses tutelles et, dans le même élan, de diminuer davantage encore le champ d’action qui est au cœur de son expertise. S’il est parfaitement légitime de prendre en compte ces investissements structurants dans les moyens dont dispose la recherche française, publique et partenariale, ils ne se situent évidemment pas sur le même plan que les appels à projet de l’Agence, non seulement du fait de leur caractère extrabudgétaire, mais surtout de leur rôle complètement différent dans le dispositif de recherche et d’enseignement supérieur.
Comme le constate la Cour des comptes dans son rapport de juin 2013, la mise en œuvre du programme des investissements d’avenir (PIA), grâce en particulier à l’expertise de l’ANR, a été menée rapidement.
Cette initiative majeure du précédent Gouvernement peut déjà faire l’objet d’un bilan provisoire, les crédits nécessaires ayant été ouverts par la loi de finances rectificative n° 2010-237 du 9 mars 2010. Sur l’enveloppe de 35 milliards d’euros du PIA, 21,9 milliards relèvent de la MIRES dont 18,9 sont confiés à la gestion de l’ANR.
Alors que les années 2010 et 2011 ont été consacrées au lancement des deux vagues d’appels à projets du programme puis à leur sélection, l’année 2012 et le premier semestre 2013 ont été principalement centrés sur le conventionnement des projets labellisés. Sous la supervision des différents comités de pilotage des actions inscrites au programme, le conventionnement a été conduit par les opérateurs en charge de sa mise en œuvre, en premier lieu l’ANR pour ce qui est des actions, avec pour objectif d’en accélérer le rythme.
La durée de cette phase de contractualisation avec les porteurs s’explique par le grand nombre et la complexité des projets comprenant un nombre important de partenaires très divers. Mais la mise en place de préfinancements, en particulier pour les laboratoires d’excellence (LABEX) et les initiatives d’excellence (IDEX), a permis un démarrage rapide des projets lauréats.
La presque totalité des conventions liées à la mise en œuvre des actions les plus emblématiques du programme en matière de recherche et d’enseignement supérieur IDEX, LABEX mais aussi équipements d’excellence (EQUIPEX), étaient signées à l’été 2013.
Des difficultés politiques ou juridiques ont pu apparaître autour de certains projets très structurants comme les IDEX, les Instituts de recherche technologique (IRT), les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), ou les instituts hospitalo-universitaires (IHU). C’est le cas de l’IDEX du projet Université Sorbonne Paris Cité ou de l’IDEX de Toulouse.
Pour les IHU, la création de fondations de coopération scientifique a mécaniquement allongé les délais. Le montage juridique des IRT et des SATT a nécessité également des travaux d’ingénierie parfois complexes comprenant le modèle économique, les règles de la propriété intellectuelle, les remboursements de mises à disposition, le régime communautaire ou la fiscalité.
S’ouvre maintenant la phase du suivi de la mise en œuvre des projets retenus. Cette responsabilité incombe au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, au commissariat général à l’investissement et aux opérateurs impliqués dans le PIA, en premier lieu l’ANR.
Les comités de pilotage de chaque action supervisent trois niveaux de suivi. Le premier consiste pour l’opérateur chargé de la mise en œuvre de l’action à accompagner individuellement chaque projet sur les plans scientifique, administratif et financier. L’ANR, en particulier, s’est organisée pour assurer un suivi des projets à la fois par action, par thématique et par région.
Un suivi annuel de chaque projet est également assuré sur la base de rapports remis en début d’année, pour s’assurer de la conformité des projets avec les engagements figurant dans les conventions et portant sur les mêmes points scientifiques, administratifs et financiers.
Enfin, un suivi plus stratégique et politique est mis en place, qui inclut des rencontres entre les porteurs de projet et le comité de pilotage, pour les initiatives les plus structurantes que sont les IDEX, les IHU et les IRT.
Les IDEX, en particulier, font l’objet d’un traitement spécifique, par les enjeux de structuration auxquels elles concourent, et l’articulation nécessaire de leur mise en œuvre avec les conséquences des mesures adoptées en matière de politique de site dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.
La question va se poser avec acuité en 2014 lors de la phase d’élaboration des futurs contrats de site en Ile-de-France, où cinq IDEX sont labellisés, sans préjuger de la nature et des périmètres des futurs regroupements.
Au-delà des différentes lignes d’action de chacun des projets IDEX, la question centrale est de pouvoir apprécier leur trajectoire et le respect des engagements pris, en matière de gouvernance et de structuration. Le comité de pilotage accompagne les acteurs de l’initiative, en anticipation de l’évaluation externe par le jury de sélection, au printemps 2016. C’est cette évaluation qui déterminera la possibilité de labellisation définitive des projets et de dévolution de la dotation non consommable aux IDEX.
Le tableau ci-dessous présente l’état d’avancement des projets portés par le programme des investissements d’avenir à l’été 2013. On peut y constater l’importance du socle du nouvel appareil de recherche et d’enseignement supérieur qu’ils ont autorisés en trois ans.
TABLEAU DE SUIVI DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR SUR LE PÉRIMÈTRE MIRES
(en millions d’euros)
Projets |
Conventionnement |
Financement |
Prévisions de décaissements | ||||||||
Nombre. de projets sélectionnés |
Nombre. de conventions |
Pourcentage âge conventionnement |
Total autorisé |
Total engagé |
Total décaissé (DC + DNC+ |
dont décaissements réalisés |
Total décaissements 2013 |
Décaissements 2014 | |||
Projets |
Équipements d’excellence (EQUIPEX) |
93 |
92 |
99 % |
838 |
823 |
280 |
71 |
141 |
60 | |
Cohortes |
10 |
10 |
100 % |
210 |
1 463 |
174 |
35 |
147 |
136 | ||
Santé et biotechnologies (SBT) |
60 |
58 |
97 % |
1 328 |
|||||||
Espace |
5 |
2 |
40 % |
363 |
132 |
107 |
8 |
48 |
90 | ||
TOTAL Thématiques |
168 |
162 |
96 % |
2 738 |
2 417 |
562 |
114 |
336 |
286 | ||
Pôles |
Initiatives d’excellence (IDEX) y compris LABEX in IDEX |
85 |
65 |
76 % |
6 396 |
6 49 |
371 |
61 |
326 |
279 | |
Initiative d’excellence en formation innovante (IDEFI) |
37 |
28 |
76 % |
295 |
|||||||
Archives numériques (ISTEX) |
1 |
1 |
100 % |
60 |
|||||||
Plateau de Saclay |
16 |
11 |
69 % |
740 |
601 |
30 |
20 |
130 |
121 | ||
Campus IA |
20 |
17 |
85 % |
1 433 |
40 |
66 |
5 |
51 |
51 | ||
Fonds national de valorisation (SATT) |
12 |
10 |
83 % |
733 |
667 |
180 |
6 |
111 |
6 | ||
Consortiums de valorisation (CVT) |
6 |
6 |
100 % |
49 |
|||||||
France Brevet |
1 |
1 |
100 % |
50 |
25 |
25 |
20 |
20 |
25 | ||
Instituts Carnot |
37 |
37 |
100 % |
189 |
189 |
14 |
3 |
10 |
30 | ||
Campus d’innovation technologique (IRT) |
8 |
7 |
88 % |
1 971 |
1 677 |
86 |
29 |
132 |
135 | ||
Laboratoire d’excellence (LABEX) hors in IDEX |
75 |
75 |
100 % |
1 932 |
1 898 |
160 |
75 |
92 |
76 | ||
Instituts hospitalo-universitaires (IHU) |
12 |
12 |
100 % |
850 |
870 |
148 |
36 |
71 |
48 | ||
Projet hospitalo-universitaire cancer (IHU-PHUC) |
2 |
2 |
100 % |
20 |
|||||||
TOTAL Pôles |
312 |
272 |
87 % |
14 718 |
12 460 |
1 079 |
255 |
943 |
770 | ||
TOTAL MESR |
480 |
434 |
90 % |
17 456 |
14 877 |
1 640 |
370 |
1 279 |
1 056 | ||
Instituts d’excellence en matière d’énergies décarbonnées (IEED) |
9 |
2 |
22 % |
842 |
253 |
- |
- |
74 |
54 | ||
Recherche aéronautique |
8 |
8 |
100 % |
1 466 |
796 |
556 |
236 |
379 |
300 | ||
Nucléaire |
Réacteur nucléaire de 4e génération |
1 |
1 |
100 % |
627 |
170 |
14 |
34 |
130 |
98 | |
Sûreté nucléaire |
23 |
0 |
0 % |
50 |
- |
- |
- |
7 |
13 | ||
Réacteur Jules Horowitz |
1 |
1 |
100 % |
248 |
116 |
124 |
55 |
118 |
28 | ||
Recherche en matière de stockage et de traitement des déchets |
1 |
0 |
0 % |
20 |
- |
- |
- |
6 |
4 | ||
TOTAL |
43 |
12 |
28 % |
3 253 |
1 335 |
820 |
325 |
714 |
497 | ||
TOTAL MIRES |
523 |
446 |
85 % |
20 708 |
16 212 |
2 461 |
6 |
1 993 |
1 553 |
Source : CGI & MESR (juillet 2013).
DC : dotations consommables – DNC : dotations non consommables.
Le 9 juillet, le Premier ministre annonçait un nouveau programme des investissements d’avenir, le PIA 2, doté de 12 milliards d’euros et destiné à financer des projets à l’horizon 2025, en particulier en matière de transition écologique. Les remarques faites au début de ce rapport sur les budgets déstabilisés des opérateurs de la recherche dans ce domaine relativisent cependant quelque peu la portée de ces annonces. L’addition des deux programmes porterait donc l’investissement à 47 milliards d’euros pour relancer le potentiel de croissance de long terme de l’économie française. Ils devraient contribuer à redessiner les grandes orientations de la recherche et de l’innovation en France.
Ces crédits sont inscrits au projet de loi de finances pour 2014 qui reconduit également, dans son article 42, le mode de financement spécifique mis en place à l’occasion du premier programme des investissements d’avenir ainsi que son mode de gouvernance.
Comme pour la mise en place du premier programme, le projet de loi de finances pour 2014 crée des programmes budgétaires spécifiques dédiés au financement des investissements d’avenir. Quatorze programmes sont institués dont treize inscrits au sein des missions traditionnelles du budget général (État B) et un au sein de la mission « Prêts et avances à des organismes publics et privés », qui est un compte de concours financiers (État C).
La répartition de l’enveloppe budgétaire globale apparaît différente de celle du premier PIA, puisque les deux programmes exceptionnels inscrits à la MIRES, n° 409, « écosystèmes d’excellence » et n° 410 « recherche dans le domaine aéronautique » pour 5,335 milliards d’euros ne représentent que 44 % du total contre près des deux tiers pour le premier PIA (21,9 milliards d’euros pour la MIRES sur 35 et même 33,64 si l’on s’en tient aux seuls programmes budgétaires).
Ce nouveau programme met l’accent sur la poursuite des IDEX et des EQUIPEX.
M. Louis Gallois, s’exprimant le 9 octobre dernier devant les premières rencontres parlementaires pour l’innovation faisait remarquer que : « Certains, au début, étaient sceptiques quant au fait d’emprunter 35 milliards d’euros dans une période marquée par l’endettement public. Je crois que s’endetter pour pouvoir financer l’avenir est plus pertinent que s’endetter pour couvrir des déficits budgétaires. Il faut réduire ces déficits, tout en s’endettant pour financer ce qui prépare la France de demain… ». Le premier bilan qu’il est possible de tirer des choix de 2010 confirme en effet leur bien-fondé.
L’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2014 confirme que les dépenses liées à la mise en œuvre des investissements d’avenir sont exclues de la norme d’évolution des dépenses de l’État, non seulement du fait de leur caractère exceptionnel mais aussi de la nécessité de sanctuariser ces crédits aux seules fins de l’investissement. 12 milliards d’euros représentent en effet plus de 4 % des dépenses nettes de l’État en 2014, les programmes budgétaires sur lesquels sont inscrits ces crédits étant créés pour la seule année 2014 afin de permettre le versement des fonds aux opérateurs chargés de la mise en œuvre du nouveau programme.
La Cour des comptes soulignait toutefois dans son rapport de juin 2013 que : « cette gouvernance du programme des investissements d’avenir qui confie un rôle limité au Parlement pour le contrôle de l’emploi des crédits et qui prévoit systématiquement la prise de décision au niveau du Premier ministre, est inusitée. Il faudra s’assurer que, dans la durée, elle ne déresponsabilise pas les ministères normalement compétents. » Le rapporteur fait sienne cette remarque et suggère que le nouveau PIA soit l’occasion d’une meilleure implication du Parlement dans des choix qui engagent des volumes de crédits correspondant à des programmes budgétaires annuels complets de la MIRES. L’article 42 du projet de loi de finances se contente d’étendre au nouveau programme les règles de l’ancien, sans en améliorer vraiment les conditions d’évaluation par le Parlement.
L’absence de corrélation entre une recherche académique mais aussi appliquée, qui fait de la France une grande nation scientifique, et leurs développements économiques est une spécificité culturelle française.
Si notre pays a le 5e PIB mondial, il occupe le 7e rang pour les activités de R&D mais seulement le 16e pour l’innovation. Le décrochage est sans appel et illustre parfaitement l’une des raisons de la moindre compétitivité économique de la France. Nous devons absolument corriger cette situation si nous voulons rester durablement dans le peloton de tête des pays créateurs de richesse.
En se fondant sur la définition classique des trois différents aspects de la recherche, qui en sont aussi les trois différents temps – la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental – on constate que le premier volet, la recherche fondamentale, se porte en effet plutôt bien en France si on la compare aux pays de même tradition scientifique. Mais la part relative prise par les deux autres composantes grâce, en particulier, à la recherche appliquée effectuée dans le secteur privé, progresse légèrement.
● Le positionnement de la recherche française dans les indicateurs mondiaux
Les données bibliométriques publiées régulièrement par l’Observatoire des sciences et des techniques permettent d’analyser, sur une longue période, les évolutions du positionnement scientifique français, telles qu’elles peuvent être appréciées en se fondant sur la part des articles scientifiques publiés en sciences de la matière et de la vie, dans un ensemble de 10 000 revues scientifiques sélectionnées en fonction de leur sérieux éditorial et de leur diffusion internationale.
Les indicateurs portant sur les publications scientifiques parues en 2012 montrent que la France contribue à 3,7 % des publications scientifiques mondiales et à 12,5 % de celles de l’Union européenne (UE à 27). En 2008, ces parts étaient de 4,2 % et de 13 % respectivement et déjà en repli. L’érosion de la part mondiale de la France depuis les années 2000 s’observe dans d’autres pays européens, ainsi qu’au Japon et aux États-Unis du fait de la présence, en Europe et dans le monde, de pays aux développements économique et scientifique émergeant rapidement.
Mais en 2012 également, l’indice d’impact à 2 ans de la France en référence mondiale – l’indice d’impact du monde étant égal à 1 – qui exprime le potentiel réel de rayonnement scientifique de ses publications, est de 1,10 contre 0,95 en 2005. En 2008, il a dépassé la moyenne mondiale et continue sa progression depuis.
Le tableau suivant présente la part mondiale de publications et l’indice d’impact à 2 ans en sciences de la matière et de la vie d’un certain nombre de pays en 2012 :
Part mondiale (%) |
Indice d’impact à 2 ans | |
France |
3,7 |
1,10 |
Allemagne |
5,2 |
1,25 |
Royaume Uni |
4,7 |
1,36 |
UE 27 |
29,9 |
1,10 |
USA |
21,1 |
1,48 |
Japon |
5,5 |
0,88 |
Chine |
13,7 |
0,67 |
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur données OST.
Il convient de préciser que l’indice d’impact moyen global d’un pays dépend notamment de son profil disciplinaire, les différentes disciplines ayant des caractéristiques bibliométriques très différentes. La base de données privilégie les disciplines des sciences de la vie et l’indice d’impact à deux ans favorise les sous-disciplines et les thèmes de recherche en expansion ou très actifs. Le fort engagement relatif de la France en mathématiques, une discipline dont les caractéristiques bibliométriques sont structurellement faibles, la désavantage en termes d’indice d’impact global par rapport au Royaume-Uni par exemple, très tourné traditionnellement vers les sciences de la vie, disciplines dont la production et l’impact sont structurellement forts.
Les orientations disciplinaires d’un pays sont à la fois des atouts et des contraintes pour les possibilités de collaboration et de compétition internationales qu’il engage. Elles cadrent également les valorisations potentielles de ses activités de recherche.
Le tableau suivant permet d’apprécier l’évolution des caractéristiques disciplinaires de la recherche française en termes de publications :
Part mondiale de publications (%) |
Indice de spécialisation mondiale | |||||
Discipline |
2005 |
2008 |
2012 |
2005 |
2008 |
2012 |
Biologie fondamentale |
4,6 |
4,2 |
3,7 |
1,01 |
0,99 |
0,98 |
Recherche médicale |
4,4 |
4,1 |
3,7 |
0,99 |
0,98 |
0,98 |
Biologie appliquée-écologie |
3,4 |
3,2 |
3,1 |
0,75 |
0,77 |
0,83 |
Chimie |
4,3 |
3,9 |
3,3 |
0,95 |
0,92 |
0,87 |
Physique |
5,0 |
4,7 |
4,4 |
1,12 |
1,13 |
1,17 |
Sciences de l’univers |
4,9 |
4,7 |
4,4 |
1,09 |
1,11 |
1,18 |
Sciences pour l’ingénieur |
4,1 |
4,1 |
3,5 |
0,91 |
0,99 |
0,95 |
Mathématiques |
7,3 |
6,2 |
5,9 |
1,62 |
1,47 |
1,58 |
Total |
4,5 |
4,2 |
3,7 |
1,00 |
1,00 |
1,00 |
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur données OST
L’évolution positive de l’impact global « toutes disciplines » de la France depuis 2008 se constate également dans chacune d’elles, à l’exception ponctuelle des mathématiques :
INDICE D’IMPACT À 2 ANS
Discipline |
2005 |
2008 |
2012 |
Biologie fondamentale |
0,93 |
0,99 |
1,04 |
Recherche médicale |
0,84 |
0,91 |
1,05 |
Biologie appliquée-écologie |
1,21 |
1,28 |
1,41 |
Chimie |
1,05 |
1,12 |
1,14 |
Physique |
1,02 |
1,10 |
1,15 |
Sciences de l’univers |
1,01 |
1,08 |
1,16 |
Sciences pour l’ingénieur |
1,06 |
1,07 |
1,10 |
Mathématiques |
1,04 |
1,02 |
1,00 |
Total |
0,95 |
1,05 |
1,10 |
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur données OST.
Si l’on s’intéresse cette fois aux dépenses globales de recherche, les indicateurs placent notre pays en position intermédiaire :
En effet, l’effort de recherche de la France continue de refléter le faible positionnement de son économie sur les industries de haute et moyenne-haute technologies, qui ne génèrent que 4,5 % de la valeur ajoutée totale de l’économie marchande contre 12,9 % en Allemagne. Plus largement, l’étiage atteint par l’effort de recherche français depuis dix ans correspond en fait au niveau de ses capacités industrielles réelles.
En 2011, la recherche privée représentait 63,9 % des travaux de R&D exécutés sur le territoire national. Après un retrait continu depuis 2006, cette part dépasse le niveau atteint en 2002 (63,3 %).
Cette proportion est légèrement supérieure à celle de l’ensemble des pays de l’Union européenne à 28 (61,9 %) mais inférieure à celle de l’ensemble des pays de l’OCDE (67,0 %). En valeur monétaire 2011, avec une dépense de 33,2 milliards de dollars (en parités courantes de pouvoir d’achat), la R&D des entreprises françaises se maintient au cinquième rang des pays de l’OCDE, derrière celle des États-Unis (284 milliards de dollars), du Japon (113 milliards de dollars), de l’Allemagne (63 milliards de dollars), de la Corée du Sud (46 milliards de dollars), et devant celle du Royaume-Uni (24 milliards de dollars). Relativement à la valeur ajoutée des branches marchandes – mesure du potentiel économique, hors services financiers et non marchands, harmonisée au niveau international par l’OCDE – la France, avec 2,52 % en 2011, se situe derrière la Corée du Sud (4,52 %), le Japon (3,94 %), les États-Unis (3,06 %) et l’Allemagne (3,08 %).
Il convient de rappeler, cependant, que la place singulière des établissements de recherche français, et en particulier des EPIC, dans la R&D, implique des valorisations industrielles en aval de leurs travaux qui sont mal intégrées dans les comparaisons internationales en matière de recherche technologique et industrielle.
Dans son rapport public de juin 2013 la Cour des comptes, constatant que les performances scientifiques françaises sont meilleures que leurs retombées économiques, précise que : « le processus d’innovation ne relève pas simplement de l’aboutissement d’un continuum, qui irait de la recherche fondamentale à l’innovation sur le marché, et que la politique de recherche doit avoir pour objectif de renforcer. Les déterminants de la croissance et de l’innovation sont multiples et complexes. Pour être performante, l’allocation des ressources au système de recherche ne peut donc se désintéresser des mécanismes de transmission de l’amont vers l’aval de la recherche et, plus généralement, de son impact sur l’économie. »
● Passer de la puissance à l’acte, de la recherche à l’innovation
Même si, d’un point de vue méthodologique, il conviendrait sans doute de mieux apprécier les retombées économiques indirectes de la recherche, par exemple en matière de santé, cette insuffisante valorisation nationale de la recherche, soulignée par la Cour, fait l’objet de publications et d’études depuis de nombreuses années. Surmonter la difficulté culturelle française de passer de la puissance à l’acte, de l’enseignement à l’entreprise, mais aussi de l’entreprise à l’enseignement, à l’inverse de ce qui se pratique couramment aux États-Unis par exemple, est un enjeu majeur.
Le rapport de M. Louis Gallois « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », remis au Premier ministre en novembre 2012, le constate, la cote d’alerte est atteinte : « Tous les indicateurs le confirment : la compétitivité de l’industrie française régresse depuis 10 ans et le mouvement semble s’accélérer. La diminution du poids de l’industrie dans le PIB français est plus rapide que dans presque tous les autres pays européens ; le déficit croissant du commerce extérieur marque nos difficultés à la fois vis-à-vis des meilleures industries européennes et face à la montée des émergents. »
Le premier bloc de handicaps qu’il identifie concerne la recherche, l’innovation et la formation, mal articulées avec l’industrie : « En 2010, les dépenses de R&D en France ont représenté 2,24 % du PIB. La France demeure parmi les pays les plus actifs de l’OCDE en matière de R&D publique. En revanche, la dépense de R&D des entreprises françaises a représenté seulement 1,4 % du PIB. Même en hausse par rapport à l’année 2008, les dépenses de R&D restent inférieures à celles des entreprises allemandes, finlandaises ou suédoises sur la même période (…). La différence de poids de l’industrie dans le PIB dans ces pays n’explique qu’une partie de l’écart. Les crédits publics de soutien à la R&D sont proportionnellement moins orientés vers le développement économique que chez nos principaux compétiteurs. 5,4 % des entreprises industrielles allemandes ont bénéficié d’un financement public au titre de la R&D, en 2008, contre 1,4 % des entreprises industrielles françaises. »
L’absence en France d’un réseau d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) est aussi régulièrement soulignée, un peu plus de 4 000 en France, deux fois plus en Allemagne et au Royaume-Uni.
La valorisation des brevets de la recherche française prioritairement sur le sol national ou européen est effectivement délicate. La difficulté d’introduire dans notre législation nationale, de façon fonctionnelle, le « Bayh-Dole Act » américain depuis la loi de programme du 18 avril 2006 et sa réécriture par la loi du 22 juillet 2013 est très illustrative à cet égard.
Cette mesure a été adoptée en 1980 par le Congrès américain. Elle prévoit que l’ensemble des droits de propriété intellectuelle des recherches financées sur des crédits fédéraux appartient à l’institution attributaire des fonds mais, en contrepartie, que l’institution a une obligation de déclaration et donc de breveter toutes les découvertes faites dans ce cadre de financement. Elle doit, en outre, valoriser la propriété industrielle générée sous peine de la voir réattribuée à d’autres organismes. Enfin, le dispositif contient une clause de préférence nationale qui conditionne toute cession de propriété intellectuelle à l’accord préalable de l’autorité fédérale.
Rappelons qu’on attribue à ce dispositif relativement contraignant, juridiquement novateur dans un cadre libéral, l’élan de la valorisation de la recherche aux États-Unis et en particulier les développements croisés de la recherche et de l’innovation sur un territoire, comme la Silicon Valley.
Le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, examiné ce printemps, prévoyait de prendre en compte l’ensemble des projets de recherche bénéficiant de financements publics et de réserver la valorisation des inventions à l’Union européenne et en priorité aux PME. Certains ont alors, à juste titre, fait remarquer qu’il n’existait souvent pas de relais industriels à ces brevets, même au niveau européen, et la mesure a été adoptée sous une forme beaucoup plus incitative que coercitive.
La nature d’avis budgétaire de ce rapport en limite bien sûr la portée au seul budget de la MIRES et aux dépenses fiscales qui lui sont associées mais il est cependant clair que répondre à la faiblesse de l’appareil industriel, seul capable de porter l’innovation, supposerait de redéfinir un cadre politique et économique général comprenant l’encouragement aux investissements, la fiscalité et les règles en matière de transmission des entreprises, le coût et l’organisation du travail, la formation, pour une France mieux insérée dans une économie mondiale globalisée.
Au-delà des désaccords qu’une approche plus précise des politiques à mener dans ces domaines ne manqueraient pas de faire surgir, il convient cependant de remarquer que beaucoup des interlocuteurs du rapporteur ont souligné l’exception culturelle française en matière de prise de risque. L’échec n’est pas admis dans notre pays, alors qu’il est considéré comme un facteur important de la formation et de l’expérience aux États-Unis, par exemple. Cette particularité se retrouve d’ailleurs dans les expressions elles-mêmes, le « capital-risque » français étant loin du « venture capital » anglo-saxon : les Français retiennent le danger, là où les Américains voient l’aventure…
Avec des nuances mais de façon continue depuis la fin des années 1990, c’est à refonder le continuum recherche et innovation que s’étaient attachés les gouvernements qui se sont succédé, le rapport de M. Louis Gallois s’inscrivant dans cette continuité. Il serait paradoxal que, tout en s’appuyant sur des études et de personnalités remarquables, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne se donne plus les moyens budgétaires de soutenir une politique essentielle pour l’avenir de notre économie.
Le peu de succès de notre pays dans les appels à projets des programmes cadres européens de recherche et développement (PCRDT) principalement tournés vers l’aval, vers l’innovation, illustre clairement la faiblesse des développements de la recherche par l’industrie en France.
La France est le 3e pays bénéficiaire du 7e PCRDT qui s’achève, sa programmation s’étendant sur la période 2007-2013. Comparée au 6e PCRDT (2000-2006), la baisse de la participation est significative, puisqu’elle passe de 13 % à environ 11,4 %, cette tendance étant particulièrement marquée depuis 2011. Or la contribution française à ce budget était de 16,4 % sur la période 2007-2013. Les résultats respectifs de l’Allemagne et du Royaume-Uni sont de 16,1 % et 15,2 %.
Les acteurs de la recherche française répondent moins aux appels à projets que leurs partenaires européens. Ils se situent au 5e rang des déposants. D’où, d’ailleurs, un taux de succès moyen de 24 % pour les projets déposés, soit l’un des meilleurs parmi ceux des grands participants, le taux de succès moyen au 7e PCRDT n’étant que de 20 %.
Mais ces résultats globaux sont à nuancer suivant les programmes spécifiques et les thèmes à l’intérieur de ces programmes.
En termes de contributions financières reçues, la performance de la France dans le programme « Coopération », de loin le plus important en volume, est de 11,5 %, équivalent, donc à la part moyenne française. Celle du programme « Idées » est de 12,8 % démontrant ainsi l’attractivité des structures hôtes françaises pour la recherche en amont. En revanche les résultats obtenus pour les programmes « Personnes » (9,7 %) et « Capacités » (9,5 %) sont moins bons.
Le programme Euratom fait exception avec 22 % des contributions financières, mais sur un petit volume. En matière thématique, l’aéronautique, le spatial, le nucléaire, les transports terrestres et l’intermodalité, sont les domaines français privilégiés en termes de participation et surtout de coordination des projets. La persistance de taux de succès conséquents pour les propositions françaises indique aussi que le problème a pour principale origine une moindre mobilisation des équipes françaises vers le PCRDT.
On relève également une assez bonne performance française dans le Conseil européen de la recherche (European research council – ERC), avec 12,5 % des financements, confirmant, si nécessaire, le tropisme français vers la recherche fondamentale.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche analyse le faible taux de retour à la France des financements du 7e PCRDT par la complexité de l’accès aux financements du PCRDT et l’apparition, depuis 2007, de nouveaux investissements au niveau national captant les forces des équipes de recherche françaises susceptibles de déposer des projets européens et, en particulier le programme des investissements d’avenir, voire les dotations de l’ANR dans ses premières années de fonctionnement.
Aussi, comme le suggérait la Cour des comptes dans son rapport de juin 2013, le Gouvernement propose, dans le cadre de l’agenda stratégique « France Europe 2020 » un dispositif renforcé d’accompagnement et d’incitations pour accroître l’ouverture et le rayonnement de la communauté scientifique française à l’Europe, en augmentant la présence de ses acteurs, publics mais aussi privés, notamment en contribuant à l’accompagnement des PME dans les projets européens. Cette initiative est rendue particulièrement nécessaire pour se préparer au nouveau programme-cadre européen « Horizon 2020 » (le 8e PCRDT).
En matière thématique, par ailleurs, le programme « France Europe 2020 » comprend lui-même dix défis qui sont précisément adossés aux priorités d’Horizon 2020, dans ses trois dimensions : « excellence scientifique », « défis sociétaux » et « primauté industrielle ».
Le rapport sur les politiques nationales de la recherche et de l’enseignement supérieur pour 2014 présente ainsi cette volonté de renforcer l’interface à établir entre la recherche française et les programmes européens, à travers le pilotage et l’animation d’un nouveau réseau de points de contacts nationaux (PCN) par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche :
Le dispositif rénové de mise en œuvre du programme cadre : – la professionnalisation de la fonction des PCN : ils sensibilisent et informent la communauté scientifique des opportunités qu’offre le PCRDT et aident également au montage des projets européens et seront désormais investis d’un rôle formel, établi au moyen d’un cahier des charges et d’une lettre de mission ; – une forte visibilité nationale : un nouveau réseau d’acteurs porté par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, coordonnés par les Alliances de recherche quand c’est pertinent et d’autres structures au service de toute la communauté ; mise en place d’un portail Web français des programmes européens de recherche et d’innovation (www.horizon2020.gouv.fr) ; – un maillage territorial du soutien et de l’accompagnement le plus fin possible : coordination de l’action avec le réseau opérationnel des acteurs en région, agences régionales d’innovation, Enterprise Europe Network – EEN). La capacité des acteurs français à répondre aux appels européens sera en outre renforcée par une série d’actions qui seront menées en amont de la programmation européenne : – préparer et anticiper les contributions à la programmation européenne : les représentants français dans les comités de programme d’Horizon 2020 auront pour mission la représentation et la défense des intérêts de la communauté de Recherche, Développement et Innovation française (RDI) auprès de la Commission européenne ; – ils définiront la position française en s’appuyant sur les groupes thématiques nationaux, représentatifs de l’ensemble de la communauté par domaine. |
Le renforcement de la participation française en amont, et donc dans l’élaboration même de la programmation européenne, est en effet nécessaire. Les interlocuteurs du rapporteur ont à plusieurs reprises regretté l’insuffisance chronique de la France dans ce domaine, qu’accroît encore notre insuffisant relais industriel.
Le rapport du mois d’avril 2013, « L’innovation : un enjeu majeur pour la France, dynamiser la croissance des entreprises innovantes » présenté par MM. Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin, souligne que c’est « d’une politique d’ensemble cohérente et s’inscrivant dans la durée que la France a besoin pour soutenir et encourager l’innovation. Mais il n’y a pas de modèle unique de l’innovation. Il est en effet vain de penser que l’on puisse exporter le modèle d’écosystème de Boston, celui de la Silicon Valley, de Shanghai, ou de Jérusalem dans telle ou telle région française. En revanche, des invariants existent dans tous ces exemples : l’excellence de la recherche, un décloisonnement entre acteurs publics et privés, une culture de l’entrepreneuriat, une diversité culturelle, une capacité à attirer des talents au niveau international, une politique migratoire orientée, une association réussie entre jeunes entreprises, grands groupes, recherche publique, enseignement supérieur et investisseurs. »
Il fait également remarquer que : « De nombreuses initiatives, souvent pertinentes, ont été prises pour favoriser le développement de l’innovation, en particulier à partir de la recherche publique. Elles l’ont souvent été en regard d’un système de valorisation de la recherche, jugé trop faible, et finalement peu tourné vers la création d’entreprises à forte croissance, en capacité de créer des emplois. Il en a résulté une accumulation et une diversité de dispositifs, de structures, tant au niveau national que régional ou local, peu lisibles, dont l’efficacité globale, économique, industrielle et sociale (en terme de création d’emplois), reste à démontrer. »
De nombreux outils d’interface entre recherche et innovation ont été effectivement créés ou développés depuis dix ans, en dehors ou dans le cadre des investissements d’avenir, à l’initiative des ministres de la recherche et de l’enseignement supérieur et des Gouvernements de la précédente majorité. Il est sans doute prématuré d’en attendre systématiquement des résultats immédiats, il semble cependant important de leur permettre de continuer à renforcer l’interface entre recherche et innovation, entre étudiants, chercheurs et entreprises et de leur laisser un temps de développement. La plupart d’entre eux ont été maintenus et, après avoir été en leur temps contestés, constitue maintenant l’ossature de la politique du Gouvernement en matière d’innovation.
● Hors des programmes des investissements d’avenir (PIA)
Les études portant sur le système français de recherche et d’innovation convergent toutes vers le même constat : l’accroissement de la performance et de la visibilité de la recherche française passe par la clarification du rôle de ses acteurs, le renforcement de leur autonomie et l’amélioration de la coordination nationale et européenne.
Les cinq alliances créées en 2009 et 2010 s’inscrivent dans cette dynamique. Les quatre premières – l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN), l’alliance nationale de coordination de recherche pour l’énergie (ANCRE), l’alliance des sciences et technologies du numérique (ALLISTENE), l’alliance alimentation, eau, climat, territoires (ALLENVI) – recouvrent les axes de développement prioritaires de la stratégie nationale de la recherche et de l’innovation de 2009. La cinquième concerne les sciences humaines et sociales (ATHENA), qui avaient alors été identifiées comme devant jouer un rôle majeur au sein de tous les axes prioritaires.
Structures légères, elles réunissent les principaux acteurs de la recherche : les organismes, les universités, les écoles. Elles ont vocation à renforcer la fonction de programmation nationale, fonction qui fait le lien entre les orientations définies par le Gouvernement dans la stratégie nationale de recherche et la recherche réalisée dans les établissements.
En matière d’innovation et d’industrie, à partir d’une identification des enjeux industriels et d’un diagnostic fondé sur une cartographie des structures de recherche et d’innovation publiques et privées, les alliances contribuent à la compétitivité française en favorisant les transferts entre public et privé. Elles s’appuient pour cela sur des créations du premier PIA : les consortiums de valorisation thématique (CVT) et les sociétés d’accélération du transfert technologique (SATT). Elles ont également pour objectif la signature d’accords stratégiques avec des filières industrielles et enfin d’adosser la création de programmes de soutien à la création d’entreprises et aux PME, en coopération avec Oséo intégré depuis à Bpi France.
Cette meilleure visibilité nationale doit s’articuler avec des structures régionales seules à même de diffuser et de soutenir l’innovation sur le terrain.
Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) – dont la montée en puissance était rapide – étaient destinés à constituer le cadre territorial naturel de la rencontre entre l’enseignement supérieur, la recherche et l’entreprise, en particulier les PME et les ETI. Au-delà des mots, il importe que les communautés d’universités et d’établissements que leur substitue la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche continuent de remplir ces fonctions essentielles dans le dispositif de valorisation, en prise directe avec le terrain. Il faut impérativement travailler au continuum recherche – enseignement – innovation.
Les pôles de compétitivité, lancés en 2004, connaissent une nouvelle phase couvrant la période 2013 à 2018. Elle a pour priorité de focaliser leur action vers des résultats économiques concrets. Depuis leur création, les pôles de compétitivité ont favorisé l’émergence de très nombreux projets collaboratifs porteurs d’innovations. Ils ont vocation à devenir de véritables « usines à produits d’avenir » et à transformer les travaux collaboratifs de R&D en davantage de produits, procédés et services innovants mis sur le marché. Cette orientation influe également sur la sélection de nouveaux projets de R&D, soutenus grâce au fonds unique interministériel (FUI). Elle se traduit aussi par la mise en place de prêts à l’industrialisation et à la commercialisation des résultats des projets des pôles dans le cadre des investissements d’avenir.
Le rapporteur a déjà souligné l’importance de promouvoir un environnement global favorable aux entreprises et à l’innovation, qui ne relève évidemment pas du seul cadre des soutiens publics aux pôles de compétitivité.
L’un des enjeux de la politique des pôles de compétitivité consiste en effet à mieux mobiliser les financements privés en faveur des PME des pôles. Ces financements concernent l’ensemble de la chaîne, allant de l’amorçage au financement du développement de projets et d’entreprises plus matures.
Il importe de compléter l’« écosystème des financements » des pôles, s’appuyant sur les financements publics qui vont de la recherche en amont, à travers l’ANR, aux applications innovantes par le biais de Bpi France et du fonds unique interministériel (FUI).
Pour que l’« écosystème des financeurs » puisse se développer conformément aux objectifs, il convient de mieux intégrer les « business angels » et les fonds de capital risque notamment. Une politique fiscale stable est dès lors particulièrement nécessaire. L’évolution du projet de loi de finances pour 2014 sur ce point est un enjeu crucial, alors même que la prise de risque des innovateurs n’est pas favorisée fiscalement, et que les « business angels » ne sont reconnus ni institutionnellement ni fiscalement.
Le label Carnot, créé en 2006, est délivré par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à des structures de recherche publiques, appelées instituts Carnot, reconnues aptes à respecter la charte Carnot en termes de compétences, d’efficacité et de professionnalisme face aux attentes du monde économique, et qui s’engagent à mener une politique volontariste en matière de recherche partenariale avec les entreprises. Le label est attribué pour une durée de cinq ans renouvelables dans le cadre d’appels à candidatures après avis d’un jury de sélection, le comité Carnot, constitué d’experts scientifiques et industriels et de représentants institutionnels.
Les instituts Carnot reçoivent un abondement financier de l’État calculé en fonction de leurs recettes contractuelles avec les entreprises, ainsi que des revenus de licences liés à l’exploitation de leur propriété intellectuelle. La gestion du dispositif a été confiée à l’ANR qui en organise les procédures et le financement.
Le bilan de la première phase (2006-2010) ayant été jugé globalement satisfaisant, tant sur l’atteinte des objectifs contractualisés que sur le respect de la charte Carnot et la performance en recherche partenariale, une deuxième phase a été lancée fin 2010, qui est donc en cours.
À l’issue de l’appel à candidatures, 34 instituts de recherche ont en effet été labellisés en avril 2011 pour une durée de cinq ans. Ces instituts Carnot comprennent 10 nouveaux laboratoires. Ils portent aujourd’hui sur six grandes thématiques : mécanique – matériaux – procédés, énergie – transport, technologies de l’information et de la communication – micro et nanotechnologies, construction – génie civil – aménagement du territoire, environnement – ressources naturelles – chimie, santé – technologies pour la santé – nutrition.
Les 34 instituts Carnot réunissent 19 000 professionnels de la recherche en ETP, soit 15 % des effectifs de la recherche publique française, plus de 7 500 doctorants (dont 1 200 CIFRE, soit la très grande majorité d’entre elles), 2 milliards d’euros de budget consolidé, 420 millions d’euros de contrats industriels de recherche (dont 27 % avec des PME et ETI) soit plus de 50 % de la R&D publique financée par les entreprises.
La croissance annuelle du chiffre d’affaires de recherche contractuelle avec les entreprises est de 17 %, avec un effort particulier à destination des PME. Les instituts recueillent 50 millions d’euros de revenus annuels de propriété intellectuelle, 970 brevets prioritaires étaient déposés en 2012, soit plus de 50 brevets prioritaires annuels pour 1 000 ETP permanents. Enfin 60 sociétés essaiment annuellement des instituts.
Le sort budgétaire de l’IRSTEA ou l’IFP-EN présenté plus haut et qui disposent tous deux du label d’institut Carnot interroge cependant sur le maintien, dans de bonnes conditions, d’un instrument de valorisation dont les effets de levier ont une telle évidence.
Le dispositif des CIFRE (convention industrielle de formation par la recherche) a vocation à favoriser les échanges entre les laboratoires de recherche publique et les milieux socio-économiques et à contribuer à l’emploi des docteurs dans les entreprises. Les CIFRE associent trois partenaires : l’entreprise, qui confie à un doctorant un travail de recherche objet de sa thèse, le laboratoire, extérieur à l’entreprise, qui assure l’encadrement scientifique du doctorant et bien sûr le doctorant.
Depuis 1981, le dispositif a accompagné la soutenance de 17 000 thèses, associé 7 500 entreprises et 4 000 laboratoires de recherche dans de très nombreux secteurs d’activité et domaines scientifiques. Après avoir connu une croissance continue et un doublement en une décennie, le nombre de CIFRE se stabilise à partir de 2010. Les CIFRE représentent près de 11 % des doctorants bénéficiant d’un financement.
En 2012, 1 350 nouvelles CIFRE ont été financées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’objectif étant porté à 1 400 en 2013.
Ces conventions maintiennent un équilibre créateur entre la tendance des entreprises à transformer le sujet de thèse en dispositif immédiatement opérationnel dans l’entreprise et la plus grande abstraction du travail étudiant au sein de l’université. Il convient d’en poursuivre le développement.
La reprise d’Oséo par Bpi-France en 2013 est trop récente pour faire l’objet d’une analyse détaillée. Il importe cependant que le métier financier du nouvel établissement n’atténue pas sa place prioritaire de soutien à l’innovation.
MM. Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin suggèrent, dans leur rapport, que la partie innovation de BPI France soit clairement identifiée, pour la mandater comme opérateur unique pour la consolidation opérationnelle des politiques publiques de financement de l’innovation.
● Les outils créés par le programme des investissements d’avenir (PIA)
Constant que la France souffre d’une culture insuffisante de la valorisation de sa recherche et de la place trop faible accordée à la recherche partenariale entre acteurs publics et privés, le PIA a parmi ses objectifs le développement d’écosystèmes d’excellence pour l’innovation. L’objectif est de constituer un nombre restreint de campus d’innovation technologique de dimension mondiale regroupant des établissements de formation, des laboratoires de recherche appliquée publics et privés, des moyens de prototypage et de démonstration industrielle et des acteurs industriels sur un même site.
C’est le but poursuivi par la fondation de huit instituts de recherche technologique (IRT), moteurs des campus d’innovation technologique, qui doivent permettre à la France d’atteindre l’excellence dans des secteurs clés et de se doter de filières industrielles et de services compétitives. Ils s’inscrivent dans une logique d’investissement commun public et privé. Chaque projet est labellisé par au moins un pôle de compétitivité, confirmant la progressive cristallisation des différentes structures de valorisation.
Ils s’inspirent des systèmes d’innovation les plus dynamiques en Allemagne ou aux États-Unis qui savent déposer un nombre important de brevets et réunir sur un même site des compétences, tant publiques que privées, interdisciplinaires et technologiques de haut niveau en alliant enseignement supérieur, recherche, développement technologique et valorisation.
L’engagement total sur les huit projets est de 471 millions d’euros de dotations consommables et de 1,5 milliard d’euros de dotations non consommables.
La constitution des sociétés d’accélération du transfert technologique (SATT), et des consortiums de valorisation thématique (CVT) répond au même souci de valorisation de la recherche.
Les SATT – quatorze projets ont reçu l’aval de l’État en septembre 2013, dépassant l’objectif fixé initialement – ont vocation à regrouper l’ensemble des équipes de valorisation des sites universitaires et à mettre fin au morcellement des structures existantes.
L’engagement total initial sur 12 projets de SATT était de 733 millions d’euros de dotations consommables.
Elles interviennent dans un cadre où préexistent simultanément les structures privées de recherche sous contrat et les filiales de transfert des grands organismes de recherche. Il conviendra donc d’éviter, dans ce domaine, toute substitution ou volonté hégémonique, mais d’utiliser ces structures nouvelles en direction de friches de la valorisation.
Le rapport de MM. Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin recommande de focaliser les SATT sur la maturation. Il rappelle que c’était leur objectif initial mais constate que : « bien qu’issus d’un même cahier des charges, les modèles de SATT actuellement créées présentent néanmoins une forte dispersion de leurs activités, qui ne sont pas de ce fait focalisées sur la maturation. Comme la maturation est identifiée comme une étape cruciale pour le transfert, il est essentiel, et ce avant la fin 2013, de recentrer les SATT actuelles et futures sur la maturation, avant que les modes de fonctionnement et les équipes ne soient figés. » Il souligne que : « les activités de mutualisation et de services (…) doivent rester des activités secondaires, relevant de la démarche volontaire des bénéficiaires des services, dans une logique d’autofinancement assuré par les ressources des actionnaires académiques des SATT. Cette évolution va permettre de passer d’une logique d’équilibre économique (dont le retour d’expérience international montre qu’il n’est pas crédible) à une logique d’investissement dans le cadre d’une politique publique assumant les risques initiaux liés à l’innovation, l’enjeu étant la reconstitution à terme du fonds de maturation. »
La sélection des six projets de consortium de valorisation thématique a été réalisée de gré à gré, en relation avec les Alliances ; l’engagement total est de 49,4 millions d’euros de dotations consommables. Les CVT s’attachent à structurer, au niveau national, des domaines de valorisation stratégiques couvrant des thématiques à forts enjeux socio-économiques. Leur insertion dans le dispositif des Alliances devrait rendre plus simple leur interaction avec les filiales de transfert de certains des organismes qui les composent et les conduire à optimiser leur portefeuille de brevets.
Ces structures traduisent encore fortement la profonde culture étatique française, pourtant elles commencent à être le cadre de réflexions réciproques et mutuellement enrichissantes avec les entreprises historiquement habituées, de leur côté, à attendre de la recherche publique française des travaux à des coûts très inférieurs au marché.
Réussir l’innovation en France rend nécessaire d’amplifier les formations non seulement scientifiques et techniques, mais aussi à l’entreprise.
Donner envie à un étudiant de créer son entreprise suppose à la fois d’instaurer, au niveau des enseignements secondaires et supérieurs, des sensibilisations à l’entreprenariat et à l’innovation, comme le propose le Medef, mais aussi, comme le suggèrent MM. Jean-Luc Beylat et Pierre Tambourin : « réviser les méthodes pédagogiques de l’enseignement primaire et secondaire pour développer les initiatives innovantes » et « mettre en place un programme de grande ampleur pour l’apprentissage de l’entrepreneuriat dans l’enseignement supérieur ».
Ce tournant culturel est d’autant plus d’actualité que sa mise en œuvre demande plus de volonté politique que de moyens financiers. Il conditionne notre avenir. Le précédent Gouvernement avait développé des actions dans ce sens, il convient plus que jamais de les amplifier.
La principale mesure en faveur de la recherche du secteur privé est le crédit d’impôt recherche (CIR). Comme à chaque discussion d’un projet de loi de finances, il fait l’objet de débats contradictoires.
La croissance de la dépense fiscale est évidemment un élément déterminant de son évaluation mais joue-t-elle, et à quelle échelle, l’effet de levier et de facteur clé de l’innovation qui la fondent ?
L’estimation du CIR dans le projet de loi de finances, fondée sur la réglementation fiscale en vigueur avant sa discussion, chiffre son montant pour 2014 à 5,8 milliards d’euros contre 4,05 en 2013 et 3,375 en 2012, soit une progression de 43 % attendue entre 2013 et 2014. En se fondant sur les données disponibles et le maintien du cadre actuel, la dépense pourrait, à terme, tendre vers 7 milliards d’euros.
Anticipant cette progression prévisible, la commission des finances de l’Assemblée nationale a demandé à la Cour des comptes un rapport sur l’évolution et les conditions de maitrise du crédit d’impôt recherche. Celui-ci a été présenté à la commission le 11 septembre 2013.
La réponse de la Cour s’articule autour de quatre questions principales : les perspectives et les conditions de maîtrise du CIR, l’impact de cet instrument de soutien public aux entreprises et les conditions d’accès de celles-ci au crédit d’impôt et, enfin, les paramètres de son évolution.
La Cour souligne que les conséquences de la réforme majeure de 2008 du dispositif sur le niveau de la dépense fiscale avaient été sous-estimées, mais que son application dès 2008 – 2009, par des remboursements anticipés, si elle en a différé la mesure du plein effet, a permis de mobiliser des moyens exceptionnels en faveur des entreprises, leur permettant de disposer de liquidité à un moment décisif pour leur survie.
Elle fait également remarquer que : « la France s’est incontestablement dotée de l’aide fiscale à la R&D la plus avantageuse des pays membres de l’OCDE : 0,26 % du PIB, loin devant le Canada, qui occupe la deuxième place avec 0,21 %. Nos partenaires recourent à des stratégies diverses en la matière. Dans certains pays, comme l’Allemagne et la Suède, où il n’existe aucun équivalent du CIR, le niveau de recherche des entreprises n’en est pas moins très élevé – respectivement 1,88 % et 2,35 % du PIB, contre 1,41 % pour la France en 2010 et 1,43 % en 2011. Aux États-Unis, le dispositif porte sur l’accroissement de la dépense de R&D des entreprises. Le Royaume-Uni vient pour sa part de se doter d’un système fondé, comme en France et au Canada, sur le volume des dépenses de R&D. Mais le taux de ces crédits d’impôt est nettement plus bas qu’en France, en particulier pour les grandes entreprises, de sorte que leur volume financier, rapporté au PIB, est nettement moins élevé. »
Les auditions du rapporteur ont montré que les différents partenaires de la recherche, tant privés que publics, étaient conscients de l’importance de la mesure fiscale, et estimaient qu’à quelques nuances près, elle répondait à son objet.
Les représentants du Medef, en particulier, faisaient remarquer que le crédit d’impôt recherche correspond mieux aux besoins de recherche des entreprises que le partenariat avec l’ANR, par exemple, trop orienté vers la recherche académique et pas assez vers l’innovation et son développement en entreprises.
En conclusion de son étude, la Cour des comptes délivre trois messages : « Premièrement, l’État doit se donner les moyens de connaître plus rapidement et mieux le CIR et son coût, ce qui suppose de dématérialiser sa déclaration. Ce sera également une source de simplification pour les entreprises. Deuxièmement, face à l’émergence de pratiques frauduleuses, les services de l’État doivent procéder à une analyse de risque pour décourager ces comportements et mieux orienter leurs contrôles vers les entreprises à risque. Une déclaration récente du ministre de l’Économie et des finances suggère que des instructions leur ont été données en ce sens. La confiance qu’inspire le crédit d’impôt et les effets positifs qui en sont attendus n’en seront qu’accrus. Troisièmement, le CIR équivaut à une baisse de la fiscalité ciblée sur les entreprises, principalement industrielles, c’est-à-dire les plus exposées à la concurrence internationale. Ce point doit être intégré à toute réflexion sur l’évolution de l’impôt sur les sociétés, sa lisibilité, sa cohérence et sa neutralité. »
Aucune mesure fiscale ne peut supprimer tout effet d’aubaine, cependant, la place tout à fait exceptionnelle du crédit d’impôt recherche dans le développement de la recherche dans les entreprises, en particulier industrielles, comme le rappelle à juste titre la Cour des comptes, son impact sur les PME et ETI qui bénéficient de 27 % de la dépense, en justifie pleinement le maintien et l’architecture générale.
C’est ce que rappelait avec force M. Louis Gallois dans son intervention devant les premières rencontres parlementaires pour l’innovation, le 9 octobre : « L’innovation, pour éclore, a besoin de trouver un écosystème favorable. Cet écosystème est d’abord fiscal. L’extension du crédit impôt recherche à l’innovation, pour les PME, constitue une très bonne initiative. Ce crédit ne doit pas être remis en cause : il s’agit d’une des réussites fiscales de la France, permettant à des entreprises de faire de la recherche et de stabiliser la recherche en France. Ceux qui critiquent le crédit impôt recherche ne se rendent pas compte de la férocité de la concurrence pour l’implantation des sites de recherche. Le CIR représente un puissant élément pour retenir la recherche en France. »
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède, le jeudi 24 octobre 2013, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2014 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (1).
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa première séance du mercredi 30 octobre 2013, les crédits pour 2014 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur les rapports de M. Patrick Hetzel (Recherche) et de M. Emeric Bréhier (Enseignement supérieur et vie étudiante).
M. le président Patrick Bloche. Je vous rappelle que les crédits pour 2014 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont fait l’objet, le 24 octobre dernier, d’une procédure d’examen en commission élargie. À cette occasion, Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a répondu de manière particulièrement détaillée aux questions qui lui ont été posées, ce qui a permis d’aborder de nombreux domaines relevant de l’action de son ministère.
Nous allons aujourd’hui entendre nos collègues Patrick Hetzel et Emeric Bréhier, rapporteurs pour avis. Au-delà de l’étude des crédits prévus pour 2014, chacun d’entre eux s’est attaché à approfondir plus spécifiquement une thématique particulière.
M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis pour la recherche, s’est plus particulièrement intéressé à la recherche sur projet et aux retombées économiques de la recherche, en appelant de ses vœux la mise en place d’un véritable continuum entre la recherche fondamentale et l’innovation.
M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis pour la recherche. Le budget de la recherche a été examiné, avec celui de l’enseignement supérieur, lors du débat en commission élargie jeudi dernier. Il est cependant nécessaire d’en rappeler brièvement les grandes orientations, afin d’éclairer la Commission sur l’avis de son rapporteur.
Le budget proposé pour 2014 est, en effet, très illustratif de la contradiction entre une volonté politique fortement affichée en faveur de la recherche et de l’innovation, et la réalité des moyens proposés. On retrouve là le décalage permanent entre le discours et les actes de l’actuel gouvernement.
Les crédits qui sont globalement attribués à la recherche publique baissent d’un peu plus de 1 %. Cette diminution touche principalement l’Agence nationale de la recherche, et les organismes de recherche.
Rappelons que ces dotations en baisse ont à couvrir non seulement les charges pour pensions qui progressent, elles, nettement, chaque année, mais aussi le glissement vieillesse- technicité des fonctionnaires des EPST (établissements publics à caractère scientifique et technologique) ou les mesures salariales des personnels des EPIC (établissements publics industriels et commerciaux). Les moyens réellement disponibles pour les laboratoires et les équipes de recherche sont donc réduits d’autant, alors même que la chute des crédits de l’ANR (Agence nationale de la recherche) diminue parallèlement les financements sur contrat de recherche de ces organismes.
Les emplois des organismes de recherche en 2014 sont présentés comme stables en équivalents temps plein, mais il convient de s’interroger sur la réalité que recouvre cette stabilité : les emplois inscrits, qui sont un plafond, seront-ils réellement pourvus ? Les auditions des responsables des instituts permettent, pour le moins, d’en douter.
Ce budget très médiocre conduit également à s’interroger sur les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche, dont la loi relative à la recherche et à l’enseignement supérieur du 22 juillet 2013 prévoit une présentation quinquennale, sous forme de livre blanc, avec la stratégie nationale de l’enseignement supérieur qui lui est liée. Cette nouvelle stratégie va-t-elle se traduire par la remise en cause de dix ans de progression des financements de la recherche ?
Il est nécessaire, au minimum, de « sanctuariser » les crédits de la recherche, à défaut d’en prévoir une programmation croissante, comme l’avait disposé et l’a effectivement réalisé la loi de programme pour la recherche de 2006. Ce n’est véritablement pas ce que fait cette loi de finances. Je suggère donc à la Commission de donner un avis défavorable à l’adoption des crédits « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Mais venons-en à la partie thématique de mon intervention, sur la recherche sur projet et sur les retombées économiques de la recherche.
Le financement de la recherche par des appels à projets et la mise en concurrence n’a trouvé sa forme actuelle que tardivement en France, même si la recherche sur projet existait, en pratique, à l’intérieur des organismes de recherche ou à l’initiative de fondations, ou encore dans le cadre des programmes cadres européens pour la recherche et le développement technologique. Par ailleurs, deux fonds, le Fonds national de la science – FNS – et le Fonds de la recherche technologique – FRT –, finançaient des actions concertées incitatives depuis la fin des années 90 et avaient pour objectif de permettre l’émergence de disciplines nouvelles, d’accompagner des politiques publiques et d’encourager les partenariats publics-privés en matière de recherche. Mais le véritable lancement en France d’une politique nationale de la recherche sur projet ne date que de 2005, avec la création de l’Agence nationale de la recherche – ANR –, dans le cadre du Pacte pour la recherche.
Le budget de la recherche pour 2013 s’était déjà traduit par ce qui était présenté comme un « rééquilibrage » des financements entre recherche sur projet et crédits récurrents, au profit des organismes de recherche.
Si, dans le projet de loi de finances pour 2014, les organismes de recherche sont cette fois-ci également touchés par les baisses de crédits, les moyens de l’ANR n’en continuent pas moins de diminuer. Les autorisations d’engagement de l’Agence sont inférieures à ce qu’elles étaient à la création de celle-ci, en 2005, et se rapprochent donc, en euros constants, des budgets dont disposaient les anciens fonds incitatifs au début des années 2000…
La Cour des comptes constatait, dans son rapport de juin 2013 sur le financement public de la recherche, que l’Agence était à la croisée des chemins. Le Gouvernement semble avoir dépassé cette étape, mettant en cause son existence même comme agence de financement de la recherche sur projet.
Lors des auditions, la question s’est posée d’une nouvelle approche du financement de la recherche, suivant la doctrine, en vogue dans le monde anglo-saxon : « Fund the people, not the project » – subventionner la personne, pas le projet. Il s’agit là de la volonté légitime de permettre à des chercheurs innovants d’accéder directement aux financements et de leur faire confiance pour développer leurs propres voies de recherche, cette dernière s’accommodant mal du carcan trop systématique des thématiques du moment.
Or c’est précisément à cet objectif que répondent les programmes « blancs » de l’ANR, qui représentaient encore 47,9 % des engagements totaux pris sur appels à projet en 2012. Il serait dommage, de ce point de vue également, que l’attrition des crédits de la recherche sur projet tarisse une indispensable respiration de notre système de recherche, si nécessaire aux jeunes chercheurs notamment, et que nous retournions à des pratiques que la création de l’Agence avait pour objet de dépasser.
Faut-il voir dans cette évolution rapide l’abandon des financements sur projet dans notre pays, ce qui serait une rupture avec la pratique générale, au niveau tant européen qu’international ? Ce serait d’autant plus paradoxal que le programme des investissements d’avenir, de financement extrabudgétaire, repose sur la même logique des appels à projets, d’ailleurs confiés très majoritairement à l’ANR – dont l’expertise se voit ainsi confirmée. Je précise également que Louis Gallois – qu’on ne peut pas accuser d’avoir été impliqué dans l’ANR du temps de la précédente majorité – insiste beaucoup sur la nécessité de développer ces financements de recherche sur projet.
Les crédits annoncés par le Premier ministre au mois de juillet pour financer le deuxième programme des investissements d’avenir sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014, mais avec une répartition interne et des montants inférieurs aux annonces gouvernementales de l’été dernier.
Le premier programme, lancé à l’initiative du précédent gouvernement, est un succès dont il convient d’apprécier le caractère structurant pour l’ensemble de notre dispositif de recherche et d’enseignement supérieur, en soulignant en particulier qu’il contribue à remédier à une faiblesse française majeure : l’insuffisante valorisation de la recherche. Tout le monde en convient, les retombées économiques de notre recherche sont insuffisantes. Cette absence de corrélation entre une recherche scientifique française, qui reste performante, et la valorisation en entreprises est un problème culturel propre à notre pays.
Si la France a le cinquième PIB mondial, elle occupe le septième rang pour les activités de R&D, mais seulement la seizième place pour l’innovation. Le décrochage est sans appel et illustre parfaitement l’une des raisons de notre moindre compétitivité économique. Nous devons absolument corriger cette situation si nous voulons rester durablement dans le peloton de tête des pays créateurs de richesse.
Les indices français, en matière de publications scientifiques, évoluent de façon intéressante : si leur part relative diminue au niveau mondial, comme pour tous les pays de tradition scientifique ancienne confrontés aux nouveaux pays industriels, notamment les BRICS, leur indice d’impact, c’est-à-dire leur rayonnement, progresse significativement depuis cinq ans. Pour autant, un véritable continuum entre recherche et innovation, caractéristique des économies dynamiques d’un monde globalisé, reste à établir. Les résultats décevants de la France dans la captation des financements des programmes européens de recherche le confirment.
Les études portant sur le système français de recherche et d’innovation convergent toutes vers le même constat : l’accroissement de la performance et de la visibilité de la recherche française passe par la clarification du rôle de ses acteurs, le renforcement de leur autonomie et l’amélioration de la coordination nationale et européenne. Pour ce faire, notre pays a développé un certain nombre d’outils de soutien à l’innovation, sous tous ses aspects, la plupart créés durant la dernière décennie, en particulier dans le cadre du Pacte pour la recherche de 2006 et des investissements d’avenir décidés en 2009. Il convient sans doute de mieux les coordonner.
Renforcer l’innovation, c’est à la fois développer l’interface entre la recherche publique et l’entreprise, et favoriser la recherche directement effectuée en entreprise. C’est à faciliter les partenariats et renforcer les liens entre recherche publique et entreprises que concourt, hors programme des investissements d’avenir, la mise en place des alliances, des pôles de recherche et d’enseignement supérieur, des pôles de compétitivité, des instituts Carnot ou des conventions CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche), conventions tripartites passées entre un laboratoire de recherche, une entreprise et un doctorant.
Dans le cadre du programme des investissements d’avenir ont été fondés, dans le même but, huit instituts de recherche technologique, moteurs des campus d’innovation technologique, ainsi que des sociétés d’accélération du transfert technologique, qui ont vocation à regrouper l’ensemble des équipes de valorisation des sites universitaires et à mettre fin au morcellement des structures existantes. Leur présentation détaillée et leurs éventuels financements figurent dans le rapport.
Enfin, le soutien principal à la recherche directement effectuée en entreprise relève aujourd’hui du crédit d’impôt recherche. C’est un instrument dont l’efficacité est soulignée par les tous les acteurs du secteur, qu’il convient donc de maintenir et de renforcer. Il est, du fait de la faiblesse actuelle des partenariats public privé de la recherche sur projet, le seul levier véritablement efficace pour développer l’innovation en entreprise. C’est ce que rappelait M. Louis Gallois lors des premières rencontres parlementaires pour l’innovation que Mme Anne-Yvonne Le Dain et moi-même avons coprésidées le 9 octobre dernier : « L’innovation, pour éclore, a besoin de trouver un écosystème favorable. Cet écosystème est d’abord fiscal. […] Ceux qui critiquent le crédit impôt recherche ne se rendent pas compte de la férocité de la concurrence pour l’implantation des sites de recherche. Le CIR représente un puissant élément pour retenir la recherche en France. »
Plus que jamais notre pays doit se préoccuper des insuffisantes retombées économiques de sa recherche. Tandis qu’en Allemagne, la recherche technologique représente 20 % de l’ensemble des recherches, elle n’en représente en France que 7 %. Nous devons donc davantage coordonner recherche, innovation et formation. Le préalable à tout choc de compétitivité est un choc d’innovation. Notre appareil de recherche, quoique excellent, n’est pas suffisamment orienté vers la création de valeur économique, orientation pourtant essentielle si nous voulons maintenir la France au rang des nations qui comptent.
Mme Sandrine Doucet. Merci, monsieur le rapporteur pour avis, pour votre travail, dont on peut néanmoins regretter qu’il ne remette pas suffisamment en perspective ce projet de budget de 7,7 milliards d’euros dans la chronologie et la cohérence qui sont les siennes. En effet, lorsque le candidat François Hollande a abordé la question de la recherche en mars 2012, il a fait le constat d’un recul de la place de la France parmi les pays de l’OCDE, notre pays étant passé en dix ans de la quatrième à la quinzième place. Cela l’a conduit à prôner une simplification du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec l’idée que les chercheurs devaient se consacrer à leurs recherches plutôt qu’à la recherche de financements.
Lors de la discussion de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, la ministre Geneviève Fioraso a également souligné le recul de notre pays au plan européen : alors qu’elle était le deuxième contributeur au financement du plan cadre de recherche et développement technologique européen pour la période 2007-2013, la France a vu sa participation aux programmes européens baisser de 18 à 11,9 %.
Nous voici donc dotés d’un budget stabilisé dont l’un des marqueurs est le maintien des 68 441 emplois, qui ne se voient pas appliquer l’objectif de réduction de l’emploi public.
Sur ce budget de 7,7 milliards d’euros, je me permets de souligner que, comme le prévoit la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, et selon l’agenda stratégique de la France, la participation du pays aux grands programmes scientifiques internationaux bénéficie pour la deuxième année de moyens en hausse : ils augmentent de 4 millions par rapport à 2013 et de 34 millions par rapport à 2012, soit une hausse de 14 % en deux ans. À ce budget s’adjoint celui des investissements d’avenir qui débloquent et accélèrent les actions et conventions du premier programme des investissements d’avenir (PIA) pour un montant de plus de 5 milliards.
Monsieur le rapporteur pour avis, nous ne trouvons dans votre rapport nulle trace de la situation initiale assez désastreuse qui explique les objectifs poursuivis et les choix faits en lien avec la loi de juillet 2013. En lieu et place d’un commentaire dynamique tourné vers les défis de la période 2014-2020, vous vous livrez à un exercice nostalgique, qui n’est pas exempt de quelques petits arrangements avec la chronologie.
Vous parlez d’une baisse du budget de la MIRES : elle était déjà significative dans le budget pour 2012, que vous avez voté, sans parler de l’évolution en yo-yo des crédits au cours des années précédentes – oscillation entre 4,2 % et 4,9 % –, ce qui nuisait à la visibilité pour les chercheurs.
Vous évoquez la nécessité d’un redressement économique qui s’appuie sur des ambitions plus affirmées. Mais n’est-ce pas admettre que l’on a hérité d’une situation dégradée ? On apprend que le glissement vieillesse-technicité était financé jusqu’en 2009. Mais que s’est-il passé entre 2009 et 2012 ?
Vous déplorez le manque de transferts, mais comment s’adosser à un secteur productif qui a perdu des milliers d’entreprises et 750 000 emplois en dix ans ?
Vous affirmez que le financement de l’ANR a atteint son maximum en 2008. Que s’est-il passé après ? A-t-il baissé ?
Vous déplorez le manque d’implication des parlementaires dans les choix budgétaires. C’est oublier les articles 11, 49 et 53 de la loi ESR, qui donnent toute leur place à ces parlementaires dans les choix stratégiques de notre pays.
Monsieur le rapporteur pour avis, la nostalgie n’étant plus ce qu’elle était, ne faut-il pas considérer ce budget comme un budget d’avenir, qui regarde vers l’Europe ? Le nouveau programme-cadre de recherche de l’Union européenne augmente de 40 % pour la période 2014-2020, et nous entendons bien nous adosser à ce budget.
M. Michel Herbillon. Je voudrais, au nom du groupe UMP, féliciter Patrick Hetzel pour son analyse, livrée en des termes exempts de toute polémique. Il a rappelé l’obsession qu’a la majorité, bien au-delà du seul secteur de la recherche, de défaire tout ce qui existait auparavant, y compris ce qui fonctionnait, seul le crédit d’impôt recherche échappant pour l’instant à cette obsession de la table rase.
Patrick Hetzel livre dans son rapport la feuille de route qu’il conviendrait d’adopter pour mieux établir le lien entre recherche et innovation, puis pour en étendre les effets au monde de l’entreprise, afin d’en tirer des bénéfices économiques.
Il a raison de pointer le décalage entre les discours, qui insistent sur la priorité donnée à la recherche, et la réalité de crédits en baisse. Cette baisse touche non seulement les organismes de recherche, mais aussi l’ANR et, quand le rapporteur évoque le retour au financement par projet du temps de Claude Allègre, ce n’est pas par nostalgie ; c’est pour dénoncer une situation préjudiciable.
Il a raison de dire que notre système de recherche doit trouver une nouvelle respiration, qu’il ne faut pas hésiter à renoncer à nos habitudes en matière de financement afin de favoriser les jeunes chercheurs particulièrement innovants, pour qui la recherche de fonds s’apparente souvent à un parcours d’obstacles.
Il a également raison de parler de logiques d’excellence et d’insister sur le développement de la recherche sur projet. Il convient de mieux valoriser l’implication de la recherche dans le monde économique et de développer un véritable continuum entre la recherche, l’innovation et ses implications dans l’entreprise. La faiblesse du lien entre recherche, innovation et formation, la difficulté à traduire les retombées de la recherche en termes de croissance et donc de compétitivité sont bien un mal français.
Les propositions du rapporteur devraient donc inciter la majorité à développer la recherche. Quant au groupe UMP, il votera contre les crédits de la MIRES.
M. Rudy Salles. Je félicite à mon tour Patrick Hetzel pour l’excellent travail qu’il a réalisé. Sandrine Doucet devrait s’inspirer de son objectivité, elle dont les propos semblent avoir été directement dictés par le cabinet de Mme Fioraso.
Si l’école est la colonne vertébrale de notre société, l’enseignement supérieur et la recherche s’inscrivent dans son prolongement. C’est sur l’excellence de ses formations que la France s’est toujours appuyée pour rayonner dans le monde, et il n’est guère surprenant que nos jeunes diplômés soient si prisés à l’étranger. La formation à la française et la recherche sont des symboles de notre culture.
Nous sommes unanimes à nous réjouir lorsque notre pays se voit accorder un prix Nobel. Ces récompenses ne sont pas dues au hasard ; elles sont le fruit des moyens octroyés à la recherche par les majorités successives, qui ont permis à notre pays de briller sur la scène internationale. C’est l’engagement de l’État, aux côtés de ses chercheurs, qui a donné naissance à des merveilles de technologie comme le Concorde, le TGV, ou d’autres réussites moins médiatiques.
Néanmoins, j’ai l’impression à la lecture de ce budget que l’État abandonne petit à petit ses ambitions. Alors que se succèdent les enquêtes nous alertant sur l’état de nos universités, vous en abaissez le budget de 100 millions d’euros tout en voulant revenir sur l’autonomie pourtant indispensable à leur épanouissement. Certes, cette mission, l’une des plus importante de l’État, est en augmentation, mais cela n’est dû qu’à deux programmes nouveaux, aux contours d’ailleurs assez peu clairs.
Au moment où notre pays est en crise et où nous nous enfonçons lentement dans les classements internationaux, vous aviez ici l’occasion d’envoyer un signal en direction de l’avenir. Le groupe UDI attendait un geste fort en faveur de l’innovation, de la recherche et des nouvelles technologies, dont nos voisins savent si bien tirer parti, pour retrouver le chemin de la croissance et créer de l’emploi.
Ce budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous le voyons comme un investissement sur l’avenir par et pour la jeunesse, cette jeunesse que vous affirmiez avoir placée au cœur de l’action de ce quinquennat.
Ne vous méprenez pas : nous ne vous demandons pas de prendre des risques inconsidérés avec les deniers de l’État, mais nous aurions souhaité l’affichage d’un cap clair et d’objectifs chiffrés.
Cette année la France n’a pas reçu de prix Nobel. Davantage de nos jeunes diplômés envisagent chaque jour de s’exiler à l’étranger, car ils n’ont plus confiance en l’avenir de leur pays. Or le budget de cette mission n’est malheureusement pas en mesure d’inverser la tendance. Et c’est parce que le groupe UDI considère qu’il est en contradiction avec la trajectoire nécessaire au redressement de notre pays qu’il s’y opposera.
M. Thierry Braillard. Patrick Hetzel a souhaité insister sur le fait que note pays souffrait culturellement d’un retard en matière d’innovation. Le travail qu’il accomplit avec les rencontres parlementaires pour l’innovation mérite à ce titre d’être souligné.
Si la recherche fondamentale se porte bien dans notre pays, il n’en est pas de même pour la recherche appliquée et l’innovation, ou ce que l’on appelle le développement expérimental. La compétitivité de l’industrie française a régressé depuis dix ans, et le rapport Gallois a mis en évidence la mauvaise articulation entre la recherche et l’industrie. Le faible succès de la France dans les appels à projet des programmes européens de recherche et développement n’est donc pas surprenant. Si le rapporteur pour avis rappelle que des outils d’interface entre recherche et innovation ont été mis en place ces dernières années, nous estimons que le crédit d’impôt recherche mérite d’être refondé pour éviter les effets d’aubaine fiscaux.
Le rapporteur pour avis relève également l’importance des structures régionales et le succès des pôles de compétitivité. M. Herbillon notera que nous ne les avons pas remis en cause, ce qui prouve que nous ne touchons pas aux dispositifs qui fonctionnent.
Évoquant le programme des investissements d’avenir, M. Hetzel oublie de relever l’accélération et le déblocage des actions de la première génération par la ministre Geneviève Fioraso. Cela explique la très forte progression des versements effectifs aux porteurs de projets entre 2012 et 2013, puisque ceux-ci ont augmenté de plus de 30 %. Dans le projet de budget pour 2014, les versements annuels se stabilisent à hauteur d’un milliard d’euros, montant bien supérieur aux budgets de la majorité précédente.
J’aimerais rappeler pour conclure que la commission Innovation 2030 de Mme Lauvergeon a identifié sept ambitions pour l’hexagone en matière d’innovation : le stockage de l’énergie, le recyclage des matières premières dont les métaux rares, la valorisation des richesses marines, la chimie du végétal, la médecine individualisée, la « silver » économie et le « Big data ». Je souhaiterais avoir le sentiment du rapporteur sur ces choix.
Mme Isabelle Attard. Je salue à mon tour la qualité du travail de notre rapporteur pour avis. Si nous sommes d’accord avec lui sur quelques chiffres, nous divergeons sur les conclusions à en tirer.
Mon intervention s’articulera autour de trois sigles : CEA, CIR et ANR.
Le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) d’abord. Si nous constatons une légère amélioration cette année du budget de la recherche, elle masque mal des décisions qui ne peuvent satisfaire ni les écologistes ni ceux qui se soucient de transition écologique.
Les crédits du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durable » sont certes en légère augmentation, mais ceux du programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » diminuent. Par ailleurs, les lignes qui progressent dans le programme 190 sont celles consacrées aux charges nucléaires de long terme des installations du CEA.
Ce dernier, qui a déjà vu son budget augmenter de 7 % l’an dernier, bénéficie cette année d’une nouvelle hausse de 7,4 %, les crédits étant affectés non pas au démantèlement et à la prévention des risques mais au développement de la technologie. Les choix sont donc clairs ; j’en veux pour preuve le réacteur thermonucléaire expérimental international ITER, financé dans le programme 172 à hauteur de 96 millions d’euros.
Cet investissement massif dans le CEA est en contradiction avec la volonté affirmée de sortir progressivement du nucléaire, même à très long terme. Il cache mal, par ailleurs, la misère des autres organismes de recherche, sachant que le budget du CEA représente 58 % de celui du CNRS. Je m’interroge donc sur la volonté réelle de notre ministre en matière de soutien aux organismes de recherche.
Créé en 1983, le CIR (crédit d’impôt recherche) a été profondément remanié en 2007, ce qui n’a pas empêché la Cour des comptes de se montrer récemment très critique sur ce dispositif qui constitue l’aide fiscale la plus importante de tous les pays de l’OCDE. Un pays comme la Suède n’a pas fait le choix du crédit d’impôt pour soutenir la recherche et le développement, ce qui ne l’empêche pas de figurer à la première place du classement Innovation Union Scoreboard de la Commission européenne pour son climat en faveur de l’innovation. Il y a donc d’autres façons de soutenir la recherche en France.
Les conclusions de la Cour des comptes sont précises : d’une part, l’État doit se donner les moyens de connaître mieux et plus rapidement le droit à crédit d’impôt constitué par les entreprises au titre du CIR, ainsi que la dépense fiscale associée ; d’autre part, les services de l’État doivent se donner les moyens de lutter plus efficacement contre la fraude en matière de CIR.
Tandis que, cette année encore et malgré les critiques, le CIR est intouchable au nom du pacte de compétitivité, il est urgent d’avoir sur le financement public de la recherche un véritable débat public.
Enfin, pour ce qui concerne le budget de l’ANR (Agence nationale de la recherche), vous évoquez, monsieur le rapporteur pour avis, une diminution de 11,9 %, mais il ne faut pas oublier que les écosystèmes d’excellence transiteront pour une bonne partie par l’ANR dont le budget passera donc de 605 millions à 4,5 milliards d’euros. J’ai du mal à comprendre que vous critiquiez ce budget où dominent les appels à projet. Pour leur part, les écologistes souhaitent voir se développer les fonds pérennes des organismes de recherche, notamment ceux du CNRS, pour redonner confiance à ces organismes et leur assurer les moyens de travailler. Dans la mesure où cette politique qui favorise les appels à projet nous semble dans la droite ligne de ce qui se pratiquait sous la majorité précédente, nous nous abstiendrons sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Claudine Schmid. Après m’être associée aux félicitations qu’a reçues le rapporteur pour avis, j’aborderai la question des partenariats avec les universités et les instituts de recherche à l’étranger. Lors du forum de l’innovation qui s’est tenu en juin à Lausanne, la ministre Geneviève Fioraso a souligné la volonté de la France de renforcer la coopération avec la Suisse en matière de recherche et d’innovation. Monsieur le rapporteur pour avis, les auditions que vous avez menées vous permettent-elles de confirmer que cette politique de coopération avec des organismes étrangers est mise en œuvre par le ministère ?
M. Hervé Féron. Je félicite à mon tour Patrick Hetzel pour son travail. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur le financement public de la recherche révèle qu’en 2010 plus de 45 % de nos publications dans le domaine de la recherche ont été réalisées en partenariat avec un laboratoire étranger. Cela fait de la France le premier pays en matière de taux de collaboration, rang qu’elle occupait déjà en 2000. Néanmoins, les capacités de recrutement des organismes publics sont bien inférieures au nombre de jeunes scientifiques formés chaque année. L’inadéquation entre la formation de chercheurs et ces capacités d’accueil n’est-elle pas une incitation à l’exil, à la fuite des cerveaux ? Peut-on quantifier ce phénomène ?
Mme Annie Genevard. Le crédit d’impôt recherche a permis de nombreuses créations d’emploi ainsi que des créations d’entreprise. Mais les entreprises qui en ont bénéficié constatent une très forte accélération du nombre de contrôles et de redressements depuis le début de l’année. Le fisc a trouvé une proie facile, mais ce phénomène est délétère. On ne peut encourager les entreprises à recourir au CIR, tout en faisant planer sur elles la menace d’un contrôle fiscal. Il est normal de contrôler quel usage est fait de l’argent public, mais sans doute faudrait-il fixer un cadre a priori pour assurer les entreprises qu’elles sont bien éligibles au crédit d’impôt.
Je tiens également à attirer votre attention sur les plateformes technologiques situées dans les établissements d’enseignement professionnel ou de technologie, qui dépendent de l’ANR. Bien que ce dispositif, qui consiste à mettre à disposition des entreprises les équipements et les compétences qui existent dans l’enseignement scolaire, secondaire ou supérieur, ait fait ses preuves il est aujourd’hui budgétairement très fragilisé.
M. Frédéric Reiss. Je remercie à mon tour Patrick Hetzel pour son rapport et sa démonstration implacable du détricotage auquel se livre la majorité.
Je souhaite revenir sur le manque de corrélation entre le niveau de notre recherche, nos publications scientifiques et leurs retombées économiques. La part mondiale de la France dans la production mondiale de publications scientifiques est en repli ; elle ne représente que 3,7 %, ce qui nous place au troisième rang de l’Union européenne, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni. Certes nous n’avons pas eu de prix Nobel cette année, mais nous avons pour la troisième fois consécutive obtenue la médaille Fields. Les mathématiques étant une discipline dont les caractéristiques bibliométriques sont structurellement faibles, le fort engagement de la France dans cette discipline ne la désavantage-t-elle pas ?
M. le rapporteur pour avis. Pour comprendre que mon analyse n’est pas nostalgique mais fondamentalement stratégique, j’invite Sandrine Doucet à se reporter au plaidoyer de Christophe Borgel en faveur d’une recherche qui prenne davantage en compte les aspects économiques. Certes, Christophe Borgel est membre de la commission des affaires économiques, mais je ne saurais trop inciter les membres des commissions parlementaires à travailler ensemble sur ces questions.
Le budget de l’ANR est aujourd’hui en diminution, proche du niveau qui était le sien à l’époque de Claude Allègre. La baisse a en effet commencé sous la précédente législature, mais cela était déjà problématique. Rapporteur pour avis l’an dernier, j’avais déjà souligné qu’on était « à l’os » et qu’aller plus loin équivaudrait à remettre en cause le financement par projet. C’est le cas aujourd’hui.
Tous ceux qui répondent actuellement aux appels à projet de l’ANR vous diront que les taux de sélection sont devenus tellement drastiques que les très bons projets ne sont pas tous retenus. Cela veut dire qu’en matière de recherche nous avons des potentialités que nous ne parvenons pas à financer. La seule réponse du ministère à ce paradoxe consiste à renvoyer vers les fonds européens, ce qui est en contradiction avec le discours de François Hollande qui souhaitait que les chercheurs se consacrent à la recherche plutôt qu’à la recherche de financements.
Les sept orientations préconisées par Anne Lauvergeon sont très pertinentes. Je ne considère pas qu’elles soient en contradiction avec les trente-cinq domaines définis par Arnaud Montebourg : tandis que ce dernier a défini des potentialités économiques immédiates, Anne Lauvergeon évoque, elle, des potentialités pour les quinze ou vingt ans à venir. Il faut articuler les deux.
Thierry Braillard a expliqué qu’avec 1 milliard d’euros les investissements d’avenir n’avaient jamais été aussi hauts. Mais, comme en témoignent les documents budgétaires, ce montant était celui prévu dès l’origine, et il ne reflète que la montée en puissance du dispositif.
Les questions d’Isabelle Attard sur les programmes 190 et 187 sont parfaitement justifiées mais, sur ce sujet, c’est à la majorité d’arbitrer. Mme Attard devrait néanmoins se réjouir de l’augmentation du budget du CEA : sans les crédits affectés au démantèlement d’installations nucléaires, celui-ci serait en diminution.
Quant au crédit d’impôt recherche, la Cour des comptes n’en met pas en cause le principe. Elle juge que c’est un bon dispositif mais qu’il faut l’améliorer. Il conviendrait notamment de renforcer le rescrit fiscal, afin de donner davantage de sécurité aux entreprises. Celles-ci doivent pouvoir consulter en amont l’administration fiscale qui leur fournira un avis, évidemment opposable.
Pour en revenir au budget de l’ANR, il comporte deux volets : le budget initial et le volet extrabudgétaire lié aux investissements d’avenir. Je ne m’exprime que sur le seul volet budgétaire, lequel est en baisse, ce qui contribue à fragiliser le cœur de métier de l’ANR y compris, comme le soulignait Annie Genevard, les plateformes technologiques.
Il est vrai, madame Schmid, qu’il reste une marge de progression importante en matière de coopération avec les organismes étrangers. Cette politique n’est guère détaillée par le bleu budgétaire et ne semble pas faire partie des priorités de la ministre.
Le fonctionnement particulier de la recherche en mathématiques explique le petit nombre de publications dans ce domaine, monsieur Reiss. Je pense comme vous que notre pays, qui compte aujourd’hui trois titulaires vivants de la médaille Fields, ne peut que se féliciter de son excellence dans cette discipline. Mais pour qu’il conserve sa précellence, il faut préserver les programmes « blancs » de l’ANR, aujourd’hui mis en péril par la politique gouvernementale.
ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
(par ordre chronologique)
Ø Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – M. André Syrota, président-directeur général, M. Thierry Damerval, directeur général délégué, et M. Arnaud Benedetti, directeur de l’information scientifique et de la communication
Ø Agence nationale de la recherche (ANR) – Mme Pascale Briand, directrice générale, M. Philippe Freyssinet, directeur général adjoint, et Mme Mélanie Goffin, directrice générale adjointe « ressources »
Ø Université Paris-Dauphine – M. Laurent Batsch, président, et M. Elyès Jouini, vice-président du conseil scientifique
Ø Université Pierre et Marie Curie – M. Jean Chambaz, président
Ø Commissariat général à l’investissement – M. Jean-Régis Catta, chef de cabinet, M. Jean-Pierre Korolitski, directeur des programmes des centres d’excellence, et M. Vincent Moreau, conseiller chargé du suivi des investissements
Ø Université de Strasbourg – M. Alain Beretz, président
Ø Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services – M. Pascal Faure, directeur général, M. Patrick Lelarge, adjoint du secrétaire général, et M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité et du développement des petites et moyennes entreprises
Ø Université technologique de Troyes – M. Christian Lerminiaux, président, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), M. Marc Renner, directeur de l’Institut national des sciences appliquées de Strasbourg, président de la commission des moyens de la CDEFI
Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Laurent Gouzènes, président du comité CIR et « financement de l’innovation », M. Franck Debauge, membre du bureau de la commission « recherche-innovation et nouvelles technologies », M. Patrick Schmitt, directeur « recherche, innovation et nouvelles technologies », et M. Matthieu Pineda, chargé de mission à la direction des affaires publiques
Ø Banque publique d’investissement (Bpifrance) – Mme Laure Reinhart, directrice des partenariats et des écosystèmes innovants
Ø Association de recherche des structures sous contrat – M. Xavier Benoit, président, M. Jérôme Billé, délégué général, et Mme Valérie Jarry, consultante
Ø IFP – Énergies nouvelles – M. Olivier Appert, président et M. Georges Picard, directeur général adjoint
ANNEXE N° 2 :
LISTE DE SIGLES UTILISÉS
ANR : Agence nationale pour la recherche
BCRD : Budget civil de recherche et développement technologique
Bpi-France : Banque publique d’investissement
BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières
CEA : Commissariat à l'énergie atomique
CEBM-OEBM : Conférence-Organisation européenne de biologie moléculaire
CEPH : Centre d'étude du polymorphisme humain – Fondation Jean Dausset
CEPMMT : Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme
CEPREMAP : Centre pour la recherche économique et ses applications
CERN : Centre européen pour la recherche nucléaire
CIFRE : Convention industrielle de formation par la recherche
CIMPA : Centre international de mathématiques pures et appliquées
CIR : Crédit d’impôt recherche
CIRAD : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
CIRC / IARC : Centre international de recherche sur le cancer / International Agency for Research on Cancer
CIRM : Centre international de rencontres mathématiques.
CNES : Centre national d'études spatiales
CNRS : Centre national de la recherche scientifique
DIRD : Dépense intérieure de recherche et développement
EPA : Établissement public à caractère administratif
EPIC : Établissement public à caractère industriel et commercial
EPST : Établissement public à caractère scientifique et technologique
ERC / CER European Research Council : Conseil européen de la recherche
ESA / ASE European space agency : Agence spatiale européenne
ESO European Southern Observatory : Observatoire européen austral
ETI : Entreprises de taille intermédiaire
ETP : Équivalent temps plein
EUMETSAT European organisation for the exploitation of meteorological satellites : Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques
FUI : Fonds unique interministériel
GENCI : Grand équipement national pour le calcul intensif
GIP : Groupement d'intérêt public
HFSPO International Human Frontier Science Program Organization : « Frontière humaine »
IFP-EN : Institut français du pétrole – Énergies nouvelles
IFREMER : Institut français pour l'exploitation de la mer
INED : Institut national d'études démographiques
IHEST : Institut des Hautes études pour la science et la technologie
INRA : Institut national de la recherche agronomique
INRIA : Institut national de recherche en informatique et en automatique
INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale
IPEV : Institut Paul-Émile Victor
IRD : Institut de recherche pour le développement (ex ORSTOM – Office de la recherche scientifique et technique outre-mer)
IRTEA Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (ex CEMAGREF – Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts)
ITER International Thermonuclear Experimental Reactor : Réacteur thermonucléaire expérimental international
LEBM / ELMB : Laboratoire européen de biologie moléculaire / European Molecular Biology Laboratory
MIRES : Mission interministérielle de recherche et d’enseignement supérieur
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
Oséo : Établissement public de soutien à l’innovation et à la croissance des PME, repris par Bpi-France
OST : Observatoire des sciences et techniques
PCN : Points de contact nationaux
PCRDT : Programme cadre pour la recherche et le développement technologique
PIB : Produit intérieur brut
PME : Petites et moyennes entreprises
PRES : Pôles de recherche et d’enseignement supérieur
SRC : Société de recherche sous contrat