N° 2261
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2015,
TOME IV
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
Par Mme Sylvie TOLMONT,
Députée.
___
Voir les numéros : 2234, 2260 (annexe n° 25).
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UN PROJET DE BUDGET CONFORME AUX PRIORITÉS DÉFINIES PAR LA LOI D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION 7
A. LE SCHÉMA D’EMPLOIS POUR LA RENTRÉE 2015 7
B. LA REFONTE DE L’ÉDUCATION PRIORITAIRE 9
C. LA SCOLARISATION DES ENFANTS EN SITUATION DE HANDICAP 10
II. QUEL AVENIR POUR LES SEGPA ET LES EREA À L’HEURE DE LA REFONDATION ? 13
A. DES STRUCTURES INDISPENSABLES MAIS DÉROGATOIRES AU PRINCIPE DE L’ÉCOLE INCLUSIVE 14
1. Un positionnement original pour prendre en charge des difficultés « graves et permanentes » 14
a. La SEGPA : un « monde à part » dans le collège 15
b. L’EREA : un établissement « hors normes » 18
2. Des résultats significatifs en dépit d’un défaut de pilotage 21
a. Un cadre remarquablement bienveillant permis par d’importants moyens 21
b. Une politique d’orientation vers l’enseignement adapté et un suivi du devenir des élèves problématiques 26
c. Des parcours « tubulaires » qui ne garantissent pas l’accès à une qualification 29
d. Des établissements invisibles pour les autorités académiques 31
3. Une image négative du côté des familles à corriger 31
B. DES STRUCTURES QUI DOIVENT ÉVOLUER 32
1. Favoriser l’inclusion partielle de leurs élèves 33
a. « Recentrer » le processus d’orientation et encourager les retours vers la voie « ordinaire » 33
b. Développer les échanges avec les collégiens et les professeurs hors SEGPA 35
c. Repréciser les missions des EREA en les intégrant dans leur environnement scolaire 37
2. Conforter leurs personnels et former tous les enseignants à la grande difficulté scolaire 38
a. Valoriser le travail des personnels 38
b. Donner toute sa place à la problématique de la grande difficulté scolaire dans les dispositifs de formation 39
3. Envisager, à long terme, leur disparition sous de strictes conditions 40
TRAVAUX DE LA COMMISSION 43
Le présent rapport pour avis porte sur des programmes qui totalisent, à eux seuls, 66,40 milliards d’euros en crédits de paiement et constituent le premier budget de l’État. Ainsi, par rapport à 2014, les crédits de l’enseignement scolaire progresseront de 1,6 milliard d’euros (+ 2,4 %) et permettront d’accompagner l’an III de la refondation de l’école.
Le détail de ce budget et des créations d’emplois étant examiné par le rapporteur spécial de la Commission des finances, M. Alain Fauré, la rapporteure pour avis a centré son travail sur la situation des sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et des établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA).
Il s’agit de structures d’exception au sein de notre système scolaire, à plus d’un titre. Elles n’accueillent, au niveau du collège et du lycée, qu’un peu plus de 100 000 élèves, mais tous appartiennent au « noyau dur » des élèves en difficulté selon Mme Catherine Moisan, directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale.
Or le positionnement et le fonctionnement de ces structures contredisent deux grands objectifs, posés par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et corrélés : la réaffirmation du collège unique, d’une part, et la promotion de l’école inclusive, d’autre part. On rappellera qu’en vertu du deuxième objectif, le service public de l’éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser » et « veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction » (article L. 111-1 du code de l’éducation).
Quel peut donc être, à l’heure de la refondation de notre système éducatif, l’avenir des SEGPA et des EREA ? Comme on le verra dans la seconde partie du présent avis, cette question appelle une réponse nuancée, qui tienne compte du travail souvent remarquable effectué par l’enseignement dit « adapté » et de l’impossibilité, aujourd’hui, pour les classes « ordinaires » du second degré, de scolariser, dans de bonnes conditions, les élèves de cette voie de formation.
Pour mener à bien son travail d’investigation, la rapporteure pour avis a mené onze auditions à l’Assemblée nationale et visité, en région parisienne et dans la Sarthe, une SEGPA et deux EREA. Elle a pu ainsi recueillir l’avis de quarante personnes qu’elle remercie pour leurs observations précieuses.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 78,4 % des réponses étaient parvenues.
I. UN PROJET DE BUDGET CONFORME AUX PRIORITÉS DÉFINIES PAR LA LOI D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION
Le présent projet de budget s’inscrit dans la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2015-2017. Hors enseignement technique agricole, les crédits des cinq programmes relevant du ministère de l’éducation nationale s’élèveront, au total, à 65,018 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2015, 65,598 milliards pour 2016 et 67,020 milliards pour 2017. Pour 2015, la progression de ce budget en crédits de paiement sera de 2,44 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, tandis qu’à l’horizon 2017, son augmentation atteindra 3,73 % et représentera 1,689 milliard d’euros supplémentaires.
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME
(en euros)
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | ||
Ouvertes en LFI pour 2014 |
Demandées pour 2015 |
Ouverts en LFI pour 2014 |
Demandés pour 2015 | |
140 – Enseignement scolaire public du premier degré |
19 260 347 719 |
19 839 829 295 |
19 260 347 719 |
19 839 829 295 |
141 – Enseignement scolaire public du second degré |
30 470 238 277 |
31 030 330 297 |
30 470 238 277 |
31 030 330 297 |
230 – Vie de l’élève |
4 495 753 318 |
4 718 791 136 |
4 428 713 318 |
4 766 382 366 |
139 – Enseignement privé du premier et du second degré |
7 101 781 710 |
7 176 057 475 |
7 101 781 710 |
7 176 057 475 |
214 – Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 315 647 482 |
2 173 289 375 |
2 210 102 084 |
2 205 694 375 |
143 – Enseignement technique agricole |
1 342 734 925 |
1 380 108 344 |
1 342 734 925 |
1 380 108 344 |
Source : Projet annuel de performances 2015 de la mission « Enseignement scolaire ».
Comme pour les années 2013 et 2014, le présent projet de budget prévoit d’affecter de nouveaux moyens à l’école, en totale conformité avec les ambitions portées par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation.
Pour l’année 2015, il prévoit la création de 9 421 postes. Parmi ces nouveaux emplois, on compte 5 734 postes d’enseignants – titulaires et stagiaires – supplémentaires devant élèves, soit :
– 2 511 enseignants dans le premier degré public ;
– 2 555 enseignants dans le second degré public ;
– 668 enseignants dans l’enseignement privé.
Ces moyens supplémentaires seront consacrés prioritairement à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, au dispositif « plus de maîtres que de classes », au plan de relance de l’éducation prioritaire, au renforcement du potentiel de remplacement, aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), à l’accompagnement des besoins démographiques et au rééquilibrage territorial.
Sur ce contingent de nouveaux moyens, 3 138 postes participeront à la rénovation de la formation professionnelle des enseignants car ils correspondront au recrutement de 6 276 enseignants stagiaires qui partageront leur temps de service entre la formation en école supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) et l’enseignement en classe. Afin d’élargir le vivier de recrutement de ces stagiaires, le dispositif des « emplois d’avenir professeur », qui permet de soutenir des jeunes boursiers qui se destinent aux métiers de l’éducation nationale, sera maintenu, 10 000 jeunes devant bénéficier d’un tel contrat sur la période 2015-2017.
Enfin, 550 postes de personnels non enseignants seront créés :
– 200 postes seront consacrés au renforcement des effectifs de personnels de santé, sociaux, et administratifs pour répondre aux besoins des établissements ;
– 350 postes d’accompagnants viendront renforcer les moyens mis à la disposition des élèves en situation de handicap.
La refondation dans les classes : quelques chiffres
– La priorité au primaire : le total des classes ouvertes ces trois dernières rentrées scolaires est estimé à 3 000 par le ministère de l’éducation nationale.
– À la rentrée 2013, le dispositif « plus de maîtres que de classes » a mobilisé 1 311 moyens supplémentaires.
– À la rentrée 2013, la politique de scolarisation des enfants de moins de trois ans a bénéficié de 397 postes supplémentaires auxquels 300 autres environ devaient s’ajouter cette rentrée. Les efforts ainsi engagés expliquent pourquoi, dès 2013, pour la première fois depuis dix ans, davantage d’enfants de deux ans ont été accueillis à l’école, leur taux de scolarisation étant remonté, par rapport à 2012, de 11 % à 11, 8 %.
Il convient de souligner que, contrairement à certaines idées reçues, ces créations d’emplois ne sont pas antinomiques avec l’adoption de mesures de revalorisation, celles-ci étant déjà fort nombreuses. On citera à titre d’illustration :
– la rénovation du régime indemnitaire des tuteurs, formateurs et conseillers pédagogiques, effective depuis le 1er septembre 2014. Celle-ci a pris plusieurs formes : revalorisation de l’indemnité de fonctions des maîtres formateurs du premier degré de 929 à 1 250 euros, création d’une indemnité forfaitaire de 1 000 euros pour les conseillers pédagogiques du premier degré, création d’une fonction de formateur académique dans le second degré qui s’accompagne d’un allégement de service de trois à six heures ainsi que d’une indemnité annuelle de 834 euros ;
– l’amélioration du régime de décharge des directeurs d’école. Dès cette rentrée, la décharge de « rentrée et de fin d’année scolaire » est passée de deux à quatre jours par an pour les directeurs d’école à une, deux ou trois classes, une journée de décharge par mois allant être de surcroît accordée aux directeurs d’école de deux à trois classes à compter de 2016. Par ailleurs, à partir de la rentrée prochaine, la décharge d’enseignement équivaudra à un tiers pour les directeurs d’école à neuf classes (contre un quart de décharge aujourd’hui), un avantage qui sera étendu aux directeurs d’école à huit classes en 2016. La part complémentaire de l’indemnité de sujétions spéciales de ces personnels a été en outre revalorisée de façon significative le 1er septembre dernier, en passant de 300 à 500 euros pour les écoles de 1 à 3 classes, de 300 à 700 euros pour les écoles de 4 classes et de 600 à 700 euros pour les écoles de 5 à 9 classes.
La nouvelle politique de l’éducation prioritaire se met progressivement en place depuis la rentrée 2014 où elle est préfigurée dans 102 réseaux, choisis parmi les plus difficiles et répartis dans l’ensemble des académies.
La création d’un nouveau zonage à deux niveaux est en effet prévue :
– les REP+ correspondront aux réseaux les plus difficiles, c’est-à-dire à 350 collèges, chaque collège animant un réseau de 6 à 7 écoles de rattachement, (soit au total 2 275 écoles) ;
– les REP correspondront aux 732 autres réseaux, les zonages existants (réseaux de réussite scolaire et ECLAIR) étant supprimés.
La mise en œuvre de ce nouveau dispositif s’accompagne de l’attribution d’un temps dédié de travail collectif aux enseignants concernés dès la rentrée 2014 (9 jours par an pour le premier degré et environ 1 heure 30 par semaine en collège), ainsi que par une augmentation de leurs indemnités de 50 % en REP et de 100 % en REP+.
Au total, le plan « éducation prioritaire » du gouvernement se traduira à la fois par une forte mobilisation des créations de postes au service de cette politique – soit 7 600 ETP sur la période 2014-2017 – et par une provision significative de 100 millions d’euros au titre de la revalorisation des indemnités.
Ainsi, pour 2015, il est envisagé de mobiliser 1 100 postes sur le premier degré, 881 postes sur le second degré et 100 postes de personnels de santé ou sociaux, tandis que la dépense prévisionnelle au titre des nouvelles mesures indemnitaires devrait s’élever à 33 millions d’euros.
Par ailleurs, 7 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au renforcement de la formation des personnels exerçant en éducation prioritaire (notamment au travers du recrutement de 100 formateurs académiques), les enseignants des REP+ devant bénéficier d’au moins trois jours de formation annuels, et 7,6 autres millions d’euros seront affectés au dispositif « école ouverte », qui permet d’accueillir les élèves dans les collèges et les lycées pendant les vacances scolaires, ainsi que les mercredis et samedis au cours de l’année scolaire.
L’élan donné à la scolarisation en milieu ordinaire par la loi du 11 février 2005 sur le handicap ne s’est jamais interrompu. À cet égard, le présent projet de budget donne à l’éducation nationale les moyens de poursuivre cette politique d’inclusion en améliorant le statut des accompagnants des élèves en situation de handicap.
Sur les huit dernières années (de 2006-2007 à 2013-2014), les effectifs d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ont augmenté de 121 326 élèves, soit une hausse de 103 %. Cette progression est constatée aussi bien pour le premier degré (+ 52 520 élèves soit + 59 %) que pour le second degré (+ 68 806 élèves soit + 239 %).
Plus précisément, dans le premier degré, depuis la rentrée 2006, le taux de scolarisation en classe ordinaire a progressé de manière constante, en passant de 60 % à la rentrée 2006 à 67 % à la rentrée 2013, étant précisé que 33 % des élèves en situation de handicap étaient par ailleurs scolarisés en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS), où ils reçoivent un enseignement adapté et partagent certaines activités avec les autres élèves de l’école.
Dans le second degré, sur la même période, les évolutions ont été les suivantes : + 55 037 élèves en collège, + 4 273 en lycée général et technologique et + 9 496 en lycée professionnel. À la rentrée 2013, 70 % des élèves en situation de handicap étaient scolarisés en classe ordinaire, le nombre d’élèves en unité localisée d’inclusion scolaire restant stable depuis 2006 (entre 27 % et 30 %).
Il ne peut y avoir de réelle inclusion scolaire des élèves en situation de handicap si l’État ne leur garantit pas un accompagnement par des personnels formés qui bénéficient d’un cadre d’emploi non précaire. De ce point de vue, l’année 2014 aura marqué une étape décisive pour l’amélioration des conditions de travail de ces personnels.
Le nouveau statut d’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) a été créé par l’article 124 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 et précisé par le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014. Il offre aux personnels des garanties professionnelles sur le long terme puisque les assistants d’éducation ayant exercé durant six ans des fonctions d’AVS pourront bénéficier d’un contrat d’AESH à durée indéterminée. Ainsi, au 1er septembre 2014, sur les 28 000 AESH, 23 300 bénéficiaient d’un CDD avec la perspective de pouvoir bénéficier d’un CDI au terme de six années et 4 700 avaient déjà pu bénéficier d’un CDI.
Par ailleurs, 281,7 millions d’euros inscrits sur le titre 2 du projet de loi de finances pour 2015 permettront de financer 11 841 AESH recrutés par les directeurs académiques des services de l’éducation nationale, principalement sur une mission d’aide individuelle (AESH-I). Ces crédits incluent la création de 350 emplois à la rentrée scolaire et de 350 autres à la rentrée 2015. En outre, les dépenses consacrées aux personnels assurant une mission d’accompagnement collectif ou mutualisé s’élèveront à 166,1 millions d’euros, correspondant à la rémunération de 6 242 ETP.
Enfin, on rappellera que les personnels recrutés sur contrats aidés (contrats uniques d’insertion ou CUI), cofinancés par le ministère de l’éducation nationale et le ministère du travail et de l’emploi, apportent également, pour 60 % d’entre eux (soit 41 000 contrats), une aide humaine individuelle aux élèves en situation de handicap. La dotation prévue au projet de loi de finances pour 2015 pour le remboursement des EPLE employeurs et les frais de gestion de l’Agence de service et de paiements (ASP) s’élève à 284,3 millions d’euros.
Le potentiel d’accompagnement des élèves en situation de handicap
Au 30 juin 2014, avant la mise en œuvre du nouveau statut d’AESH, le potentiel global effectivement mobilisé pour l’accompagnement des enfants et adolescents en situation de handicap pouvait être évalué à environ 39 612 ETP se décomposant comme suit :
– auxiliaire de vie scolaire individuel (AVS-I) : 11 010 ETP ;
– auxiliaire de vie scolaire mutualisé (AVS-M) : 3 490 ETP ;
– auxiliaire de vie scolaire collectif (AVS-CO) : 2 987 ETP ;
– agents recrutés sur des contrats aidés sur une fonction d’AVS : 40 423 contrats, équivalant à 21 330 ETP ;
– personnels recrutés par des associations ou des collectivités territoriales : 436 ETP.
À la même date, 78 427 élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire bénéficiaient d’une aide individuelle et 26 683 d’une aide mutualisée.
En vertu de la circulaire du 29 août 2006 relative aux enseignements généraux et professionnels adaptés dans le second degré, les SEGPA et les EREA scolarisent, à partir de la 6ème, des élèves présentant des difficultés graves et durables d’apprentissage et ne maîtrisant pas toutes les compétences attendues à la fin du CE1.
Ces deux structures dites « adaptées » se distinguent toutefois sur un point essentiel. En effet, les premières, qui accueillaient 94 384 élèves à la rentrée 2013, font partie intégrante des collèges. Quant aux secondes, ce sont des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) qui scolarisent des élèves (10 250 l’année dernière) présentant des difficultés comparables à celles des élèves de SEGPA, mais dont la situation personnelle justifie un hébergement en internat (1).
Ces structures incarnent l’un des biais fondamentaux du système scolaire français, qui conduit à « trier » les élèves pour orienter les meilleurs vers le lycée général et à « placer » ceux qui ont le plus de difficultés dans des filières « à part », « ségrégatives » pour reprendre le terme employé par l’annexe de la loi du 8 juillet d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Or, dans cette annexe, le législateur a consacré le principe de l’école inclusive, c’est-à-dire le droit pour chaque enfant, même lorsqu’il a des besoins particuliers, d’être scolarisé dans les mêmes conditions que les autres élèves et avec eux. Cette obligation s’ajoute au droit à la scolarisation en milieu ordinaire reconnu aux élèves en situation de handicap par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Force est donc de constater, comme l’a fait lors de son audition M. Jean-Pierre Delaubier, inspecteur général de l’éducation nationale, que les structures « adaptées » sont « anormales » au regard de ces principes. Faut-il, pour autant, les supprimer ? La rapporteure pour avis considère qu’une telle mesure, compte tenu du fonctionnement actuel de notre système scolaire, constituerait pour celui-ci une « perte sèche » irréparable. Les SEGPA et les EREA constituent, de fait, une chance, voire un modèle pour l’école d’aujourd’hui, car ils permettent la mise en œuvre d’une pédagogie exceptionnellement attentive aux besoins de certains élèves. Ils devraient toutefois évoluer pour rendre d’encore plus grands services aux jeunes qui y sont affectés, leur disparition ne pouvant être envisagée que sous de strictes conditions et à long terme.
Les élèves pour lesquels une orientation est proposée en SEGPA ou en EREA relèvent tous de la grande difficulté scolaire, c’est-à-dire qu’ils sont en échec, ou considérés comme tels dans leur scolarité, et ne parviennent pas à atteindre les compétences attendues. Par ailleurs, ils bénéficient, tout au long de leur parcours « adapté », d’un suivi individualisé dans le cadre d’un projet de formation qui doit les conduire, après avoir accédé à un lycée professionnel, à un EREA ou à un centre de formation d’apprentis, à une qualification de niveau V du type du certificat d’aptitude professionnelle (CAP).
La refondation de notre système éducatif conduit à s’interroger sur le rôle et le fonctionnement de ces structures. Pour ne prendre que deux exemples, le « cycle de consolidation » (CM1-CM2-6ème), prévu par la loi du 8 juillet 2013, remet en question la pertinence d’une orientation dans cette voie de formation à l’issue du CM2. En outre, cette même loi dispose que le redoublement est exceptionnel. Or, jusqu’à ce jour, les textes qui encadrent l’enseignement adapté imposent le maintien de l’élève une année supplémentaire en primaire avant de pouvoir intégrer une SEGPA ou un EREA.
Au total, ces structures dérogent très clairement au principe de l’inclusion scolaire promu par la loi du 8 juillet 2013. Dans le même temps, leur organisation leur permet, incontestablement, d’offrir un cadre bienveillant à des élèves dont les besoins sont très particuliers et qui peuvent être, de surcroît, « en rupture sociale » pour reprendre l’expression employée par les représentants du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU).
Aux termes de la circulaire du 29 août 2006 relative aux enseignements généraux et professionnels adaptés du second degré, complétée par celle du 24 avril 2009 relative aux orientations pédagogiques pour ces enseignements, ces structures accueillent des élèves présentant des difficultés scolaires « graves et durables » auxquelles n’ont pu remédier « les actions de prévention, d’aide et de soutien », ainsi que « l’allongement des cycles » – en clair, le redoublement.
La loi « Haby » de 1975, qui pose le principe du collège unique, emploie, quant à elle, les termes de « difficultés graves et permanentes » (article L. 332-4 du code de l’éducation). À lui seul, le choix de l’adjectif « permanente » exprime une forme de doctrine scolaire : comme ces élèves sont considérés comme définitivement « perdus » pour la scolarité dite ordinaire, plutôt que d’adapter la pédagogie du collège, qui est celle d’un « petit » lycée d’enseignement général trop peu soucieux des besoins hétérogènes des enfants qu’il scolarise, on considère qu’il est préférable de les affecter dans une filière « à part ».
La SEGPA accueille les élèves à l’entrée du collège et, le plus souvent, pour une période de quatre ans. La formation dispensée a pour objectif de permettre aux jeunes concernés d’acquérir le socle commun de compétences, de connaissances et de culture, des méthodes de travail et de devenir autonomes. Les deux premières années sont centrées sur les enseignements généraux et les deux dernières (4ème et 3ème) permettent aux élèves de se situer progressivement dans la perspective d’une formation professionnelle diplômante (2).
Des effectifs en baisse
En un peu plus de dix ans, les effectifs des SEGPA ont baissé de 19 400 élèves (- 17 %). Ils sont en effet passés de 113 800 élèves en 2002 (dont 5 200 suivaient une formation en lycée professionnel) à 94 400 en 2013, étant précisé qu’à partir de 2010, plus aucun élève de cette structure n’était scolarisé dans la voie professionnelle. Le nombre de collégiens ayant nettement moins diminué sur la même période avant d’augmenter ces dernières années, la part des élèves de SEGPA dans le premier cycle du secondaire a donc diminué, en passant de 3,5 % à 2,9 %.
Entre 2002 et 2013, les SEGPA sont ainsi passées de 8 363 à 6 612 (soit - 1 751 sections et une baisse annuelle moyenne de 159 sections). À la rentrée 2013, en France métropolitaine et dans les DOM, 1 415 collèges (1 510 avec l’enseignement privé) hébergeaient ce type de structure.
• Un positionnement et un fonctionnement non inclusifs
Par définition, la SEGPA « appartient » au collège. Elle n’en reste pas moins une identité distincte qui, neuf fois sur dix, possède, dans l’établissement, ses propres locaux – et dont les élèves pouvaient, il y a quelques années encore, avoir des récréations distinctes des autres collégiens.
À cette séparation « physique » avec le collège s’ajoutent en effet d’autres « marqueurs » :
– ses élèves lui sont attribués par une procédure d’exception, qui déroge au principe de la sectorisation et aux choix des familles. Ils représentent en outre de petits effectifs, compris entre 50 à 100 jeunes, chaque division ne devant pas excéder seize élèves selon le principe posé par la circulaire du 29 août 2006 ;
– ses enseignants lui sont spécifiquement affectés et sont, en principe, « spécialisés », c’est-à-dire qu’ils ont suivi une formation sur la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers qui donne lieu à une certification. En pratique, plusieurs statuts « cohabitent » au sein des SEGPA, les personnels enseignants se répartissant entre 57,2 % de professeurs des écoles, 18,3 % de professeurs de lycée professionnel, 10,2 % de professeurs contractuels, 8,5 % de certifiés et 4,8 % de professeurs d’éducation physique et sportive (3). Cette équipe est en outre coordonnée et animée par un « directeur adjoint » de la section, qui est un enseignant titulaire du diplôme de directeur d’établissement d’éducation adaptée et spécialisée (DDEAS). Placé sous l’autorité du principal du collège, celui-ci n’exerce pas, en réalité, la fonction d’adjoint au chef d’établissement. Vis-à-vis des professeurs de la SEGPA, sa position est donc celle d’un primus inter pares, en tout point semblable à celle d’un directeur d’école ;
– les échanges avec les collégiens et les enseignants hors SEGPA sont extrêmement limités. Les constats établis, sur ce point, par les inspections générales de l’éducation nationale sont de deux ordres. D’une part, les temps réellement partagés avec les autres élèves sont « peu nombreux » : « il n’y a pratiquement aucun cours commun, aucune activité régulière effectivement décloisonnée : même dans les domaines artistiques ou en éducation physique et sportive, il est rare que l’on associe les deux publics ». De façon corollaire, le principe de l’inclusion individuelle dans une classe ordinaire, qui s’est imposé pour les élèves en situation de handicap, « n’est pas étendu à la SEGPA à l’exception de quelques situations ici ou là ». D’autre part, les échanges de compétences entre les professeurs de la SEGPA et ceux du collège, pourtant encouragés depuis une circulaire de 1996, « restent peu développés » : ainsi, les professeurs de SEGPA « ne sont pratiquement jamais sollicités pour contribuer à l’aide apportée aux collégiens les plus fragiles, par exemple en sixième. Le principe même de l’échange de compétences est loin d’être adopté » (4).
• Des élèves accumulant les difficultés
Au sein du collège, les élèves de SEGPA sont ceux qui souffrent des plus grandes inégalités scolaires et sociales, les secondes aggravant les premières. Ils constituent l’exemple extrême d’une caractéristique majeure de notre système éducatif, particulièrement bien attestée par les évaluations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – notre pays étant en effet celui où la corrélation entre le milieu socio-économique et les performances scolaires est la plus forte. En outre, pour ce qui est de la « trajectoire » de ces élèves, on peut dire que tout semble joué dès leur entrée au primaire, puisque la classe de CP joue un rôle décisif dans leur destin « à part », la scolarité du premier cycle ne permettant pas de remédier à leurs difficultés.
Les données incluses dans le tableau ci-après, qui ont été communiquées à la rapporteure pour avis par la directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, Mme Catherine Moisan, en sont, à cet égard, la parfaite illustration. Elles sont corroborées par une étude locale, réalisée en 2012 par Mme Fatiha Tali, coordonnatrice de la commission départementale d’orientation vers les enseignements adaptés de la Haute-Garonne. Son enquête montre que, dans ce département, les parents des élèves orientés en SEGPA sont à 78,8 % pour les pères et 91,3 % pour les mères, membres de catégories socio-professionnelles défavorisées. En outre, avant leur arrivée en SEGPA, 46 % des élèves ont été suivis par un réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), étant précisé que 19 % des enfants interrogés ne savent pas répondre à la question « avez-vous bénéficié d’un accompagnement spécifique ? ». De surcroît, 28 % des élèves ainsi orientés ont une mère née dans un autre pays, alors que ce taux n’est que de 16 % pour l’ensemble des élèves scolarisés en milieu ordinaire (5). Enfin, on rappellera qu’à l’échelle nationale, plus de 72 % des élèves de ces sections appartiennent à une catégorie sociale défavorisée alors que la moyenne des collèges est inférieure à 40 % (6).
QUELQUES ÉLÉMENTS SUR L’ORIGINE DES ÉLÈVES DE SEGPA
Caractéristiques des élèves |
SEGPA |
Hors SEGPA |
Garçons |
61,5 % |
50,5 % |
Ayant redoublé le CP |
84 % |
4,5 % |
Entrés en 6e avec un an de retard |
98,5 % |
15 % |
En retard en 3e |
99 % |
24 % |
Père ouvrier non qualifié |
23 % |
9,4 % |
Parent cadre ou certifié/agrégé |
2,3 % |
18 % |
Mère sans diplôme |
40 % |
15 % |
Mère diplômée du supérieur |
3 % |
28 % |
Parents appartenant au 1er décile de revenu |
33 % |
10 % |
Vivant avec ses deux parents |
56 % |
73 % |
Fratrie de cinq enfants et plus |
27 % |
10 % |
Famille immigrée |
17 % |
10,5 % |
Source : audition de Mme Catherine Moisan, directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), 22 septembre 2014
• Une structure aux plateaux techniques parfois décevants
Les inspections générales ont relevé la diversité extrême des équipements des SEGPA, pour le déplorer, car la qualité de ces plateaux techniques peut affecter celle du projet de formation. Ainsi, certains « sont totalement inadaptés à la perspective des champs [professionnels proposés] et restent centrés sur un métier unique tel que la peinture, la cuisine, la mécanique, la menuiserie… beaucoup sont vétustes avec une accumulation d’anciens matériels mis hors d’usage pour éviter les accidents, d’autres sont sous-équipés (alors qu’il en est de sur équipés) ». En outre, la plupart des SEGPA n’ont conservé que deux champs professionnels, rarement trois : il en résulte que les élèves de 3ème « n’ont pas le choix ou, plus souvent, un choix limité à deux possibilités », les fonctionnements en réseau paraissant exceptionnels alors même que la réforme du lycée professionnel a suscité un besoin de formation au niveau du CAP (7). Cette « offre » peut être de surcroît, comme a pu le constater la rapporteure pour avis lors de ses entretiens, déconnectée des besoins du tissu économique local.
• Un établissement à l’identité incertaine
Héritiers des classes (loi du 15 avril 1909) puis des écoles de perfectionnement (loi du 31 décembre 1951), les EREA sont aujourd’hui au nombre de 80, dont 74 sont dotés d’un internat.
Leur maillage est caractérisé par une grande dispersion, qui crée une inégalité d’accès à leur réseau. En effet, l’implantation des établissements a obéi à des logiques purement locales, tout en s’inscrivant, du moins à l’origine, dans une conception hygiéniste de l’éducation selon laquelle le « bon air de la campagne » aurait des vertus apaisantes sur certains jeunes. Certains départements sont donc privés d’EREA, tandis que d’autres en possèdent deux ; le nombre de structures, sur le plan académique, pouvant varier de zéro à quatre ou cinq.
On retrouve cette hétérogénéité dans les formations proposées par ces établissements, qui vont de la 6ème SEGPA au CAP, voire au-delà (8). Ainsi, selon la directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, Mme Catherine Moisan, les EREA comprennent 5 600 élèves relevant de la voie professionnelle, 3 500 élèves de SEGPA, 800 collégiens, un peu moins de 200 élèves de la filière générale ou technologique et 40 étudiants de BTS.
À cela s’ajoute le fait que seulement 11 EREA n’accueillent que des lycéens (soit 1 387 élèves à la rentrée 2013, essentiellement pour des formations de CAP), alors même qu’une circulaire du 17 mai 1995 prévoit la transformation de tous les établissements en lycée d’enseignement adapté. Ce faible taux de « conversion », près de vingt ans après la parution de la circulaire, témoigne, à lui seul, de la faiblesse du pilotage administratif exercé sur ces structures.
Enfin, huit EREA sont spécialisés dans l’accueil des élèves en situation de handicap (900 enfants à la rentrée 2013), qui sont essentiellement atteints de troubles moteurs et visuels.
L’impression de « brouillage » – ce terme étant celui de l’Inspection générale de l’éducation nationale (9) – qui résulte de cette « bigarrure » d’établissements est accentuée par la grande diversité des personnels enseignants qui travaillent dans les EREA. Ainsi, les enseignements généraux sont assurés, dans des proportions qui varient selon les établissements, soit par des professeurs des écoles spécialisés, soit par des professeurs d’enseignement général de lycée professionnel, soit par des professeurs certifiés, tandis que l’enseignement professionnel est pris en charge par des professeurs de lycées professionnels des diverses spécialités représentées dans la structure. Il convient de relever, parmi ces profils très variés, la présence de professeurs des écoles éducateurs, qui assurent une grande partie de leur service en internat, c’est-à-dire pendant la nuit.
Quant aux directeurs d’EREA, ils sont issus du corps des professeurs des écoles et ne sont pas les supérieurs hiérarchiques des personnels de l’établissement, à l’image des directeurs d’école ou de SEGPA. Mais cela ne les empêche pas, comme a pu le constater la rapporteure pour avis lors de son déplacement à l’établissement Stendhal de Bonneuil-sur-Marne, d’exercer une réelle autorité fonctionnelle dans la structure.
Ainsi, pour reprendre le constat de l’Inspection générale, les EREA sont « à la fois une SEGPA sans collège ni principal, un lycée professionnel sans proviseur et réduit aux CAP, et parfois une partie seulement de cette surprenante structure hybride, le tout conduit par un directeur appartenant aux personnels du premier degré, qui préside aux destinées professionnelles d’enseignants très majoritairement professeurs des écoles, alors que les élèves relèvent tous du second degré, et sont majoritairement internes, situation unique dans l’école publique » (1).
• Un public particulier d’élèves
Selon la direction générale de l’enseignement scolaire, si les EREA accueillent, comme les SEGPA, des élèves présentant des difficultés graves et durables d’apprentissage, « les besoins éducatifs et sociaux et prioritairement la nécessité d’intégrer un internat, constituent le critère déterminant pour une orientation en [établissement adapté] quelle que soit la filière » (10). C’est ainsi qu’à la rentrée 2013, sur un total de 10 250 élèves scolarisés dans ces structures, 48 % étaient internes.
Il ne faudrait pas croire, en effet, que les EREA constituent un « doublon » des SEGPA, accueillant un public strictement identique. Certes, ces établissements accueillent des élèves issus de milieux défavorisés, mais le critère du statut socio-économique des parents n’est pas le seul à jouer dans l’orientation vers ces structures. Ainsi, pour ne prendre que les exemples cités par l’Inspection générale de l’éducation nationale, si 82,3 % des élèves de l’EREA de Liévin ont un parent « ouvrier ou inactif » (contre 68,9 % pour l’académie de Lille), le pourcentage des élèves issus de professions et catégories socio-professionnelles défavorisées dans les académies de Poitiers et de Rennes est toujours inférieur en EREA à celui des SEGPA (1).
En raison de la petitesse de leurs effectifs, les élèves d’EREA, notamment ceux en internat, « échappent » aux outils classiques de suivi des cohortes et leur « profil » n’est donc pas connu du ministère de l’éducation nationale. Cependant, au vu des éléments qu’elle a recueillis, l’Inspection générale considère que, sauf particularités régionales, l’EREA propose « un internat de type "social" au sens "protection de l’enfance", réponse à la "déshérence familiale" ». À titre d’illustration, 60 % des élèves de collège de l’EREA de Rennes sont soit en placement, soit suivis par des services éducatifs ou sociaux. Le rapport de l’Inspection confirme donc la réponse de la direction générale de l’enseignement scolaire à la question de la rapporteure pour avis sur la pertinence du maintien de deux structures « proches » – les SEGPA et les EREA : c’est bien « au motif de l’internat que la répartition se fait entre les élèves qui sont affectés dans la SEGPA du collège le plus proche de chez eux et ceux qui vont vers l’EREA. Pour ces derniers, après l’accord de parents souvent invités à une visite des locaux et à une rencontre des équipes, la dimension sociale, y compris au sens très large d’un besoin d’éloignement familial, représente le facteur discriminant » (11).
En réalité, la situation des élèves accueillis en EREA est avant tout un synonyme de fragilité exceptionnelle. Pour reprendre les propos d’une enseignante entendue à l’EREA Stendhal de Bonneuil-sur-Marne, les jeunes qui y sont scolarisés se situent « au-delà de la grande difficulté scolaire et psychologique », et, de ce fait, ne pourraient pas « survivre dans un établissement ordinaire ». La directrice de l’établissement, Mme Christine Lemière, l’a confirmé, en soulignant que celui-ci accueillait de plus en plus d’élèves « abîmés par la vie », en manque de repères éducatifs.
• Une structure non inclusive
Lors de son audition, M. Didier Jouault, inspecteur général de l’éducation nationale, a estimé que les EREA étaient, d’une certaine manière, des structures inclusives. Leurs élèves sont en effet « inclus » dans le « collectif » d’élèves et de professeurs qui s’organise autour du projet éducatif de l’internat. En outre, le mélange des générations permis par le voisinage, dans un même établissement, d’élèves de 6ème et de lycéens constitue d’une forme d’inclusion.
Mais cela peut-il suffire à rompre l’impression, ressentie par la rapporteure pour avis, « d’isolement » qui semble découler d’une scolarisation qui se déroule, pendant plusieurs années, en présence d’un nombre très restreint de jeunes et d’adultes ? Sans doute pas toujours.
Les représentants du comité de liaison des directeurs d’EREA ont d’ailleurs reconnu que ces établissements sont des structures « ségrégatives » et, en quelque sorte, « anachroniques ». De son côté, M. Didier Jouault a jugé, devant la rapporteure pour avis, qu’elles étaient, malgré quelques éléments d’inclusion, de facto placées « à l’écart des lois de la République », la mise en œuvre du cycle école-collège prévu par la loi du 8 juillet 2013 ne pouvant qu’accentuer le fait que leurs élèves de 6ème se situeront hors des parcours scolaires ordinaires. La directrice de l’établissement Stendhal de Bonneuil-sur-Marne, Mme Christine Lemière, a également reconnu le caractère particulier de la situation des EREA, en estimant que cette structure peut « atteindre ses limites » dès lors qu’elle devient un « microcosme » dans lequel ses élèves ne sont jamais placés « en miroir » des autres élèves, un processus qui peut les aider à se construire.
Comme on le verra plus loin, ces constats ne devraient pas, pour autant, conduire à « sacrifier » une structure rendue unique par la présence de l’internat éducatif mais inciter celle-ci à s’intégrer dans son environnement scolaire.
Pour les représentantes de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE), les SEGPA – mais leur observation vaut aussi pour les EREA – apportent une « richesse pédagogique » à l’école et peuvent être, de ce fait, une « source d’inspiration » pour les parcours scolaires « classiques ». Il convient donc, avant de présenter les points de vigilance qu’appellent l’organisation et les résultats de ces structures, de souligner leurs atouts.
On peut considérer que les professeurs qui enseignent dans les structures « adaptées » parviennent, le plus souvent, à « créer un climat de confiance et un contexte pédagogique stimulant qui permettent à chaque élève de retrouver l’estime de soi et de renouer avec la réussite scolaire », conformément à la mission qui leur est fixée par la circulaire du 24 avril 2009.
• Les SEGPA
Les SEGPA disposent d’indéniables atouts, mis en évidence par le rapport, déjà cité, des inspections générales de l’éducation nationale (12). Le Syndicat des enseignants de l’UNSA les a résumés de la façon suivante :
– des effectifs d’élèves réduits qui résultent d’une norme nationale, dont on rappellera qu’elle est fixée à seize élèves par classe au maximum. Ce plafond est d’ailleurs rarement atteint puisque la moyenne nationale se situait, en 2013, à moins de 14 élèves par division. Il y a lieu de noter que le taux d’encadrement pédagogique de ces structures n’a que très peu évolué entre 2002 et 2013, signe que les SEGPA ont été globalement épargnées par les suppressions de postes : en effet, au cours cette période, le nombre d’élèves par division est passé de 13,3 à 13,7 (13) ;
– une équipe restreinte d’enseignants, qui sont en principe tous formés à la problématique de la prise en charge des élèves à besoins particuliers. Ainsi, les SEGPA comptent généralement trois à quatre professeurs des écoles spécialisés et deux professeurs de lycée professionnel ;
– une réelle continuité pédagogique au niveau des enseignements, qui s’explique par le fait que ces professeurs se réunissent régulièrement, les heures de « coordination et de synthèse », intégrées dans les obligations réglementaires de service, étant effectivement utilisées.
Ce cadre favorise, selon les inspections générales, « la personnalisation de la réponse apportée à la situation de chaque élève », tandis que la place qui est faite aux élèves de SEGPA « dans une petite communauté où ils sont reconnus et valorisés contribue largement à les réconcilier avec l’école et à réhabiliter l’image qu’ils ont d’eux-mêmes » (14). C’est ainsi que, selon le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU), les SEGPA peuvent « remobiliser » des élèves peu convaincus par le bien-fondé des apprentissages scolaires, tout en leur offrant une « respiration » et un « sas » qui leur permettent de construire, progressivement et dans un cadre scolaire, un projet professionnel. D’ailleurs, le pourcentage de jeunes « décrocheurs » de SEGPA par rapport à la population globale des décrocheurs est faible, de l’ordre de 2,5 % en novembre 2013 selon les données recueillies par le système interministériel d’échange et d’information (SIEI).
En d’autres termes, pour M. Jean-Pierre Delaubier, inspecteur général de l’éducation nationale, les élèves de SEGPA y trouvent un « milieu protecteur » dans lequel, au vu de leur situation initiale, ils « réussissent mieux proportionnellement » que des élèves qui leur sont comparables mais qui suivent la voie « ordinaire ». Ces bons résultats concernent aussi, selon cet interlocuteur de la rapporteure pour avis, les élèves en situation de handicap cognitif, qui, grâce à cette structure, parviennent à « suivre le mouvement ».
Ces constats favorables sont partagés par la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE), à tel point que cette association a estimé que les moyens dégagés par la diminution du redoublement devraient être en partie redéployés en faveur des SEGPA. La Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) a elle aussi préconisé une augmentation du nombre de SEGPA. Pour cet interlocuteur, chaque district scolaire devrait être doté d’une telle section, car la trop grande « dispersion » du réseau peut conduire certaines familles à refuser que leur enfant y soit orienté, en raison des craintes que suscitent de longs trajets en bus scolaire.
Un « bilan humain » aussi flatteur ne doit cependant pas faire oublier qu’il est directement lié au différentiel de coût résultant de la scolarisation d’un élève en SEGPA : celui-ci est en effet estimé par la direction générale de l’enseignement scolaire à 7 000 euros, contre 4 200 euros pour un collégien.
• Les EREA
Fait suffisamment rare dans l’éducation nationale pour être souligné, toutes les personnes qui se sont exprimées devant la rapporteure pour avis au sujet des EREA ont souligné l’importance de moyens alloués à ces structures. Ceux-ci sont en réalité « exceptionnels » pour reprendre le terme employé par le comité de liaison des directeurs d’EREA puisque, dans la majorité des établissements, l’encadrement est égal à un adulte pour deux élèves et, dans certains cas, le ratio de un pour un est atteint. Pour ne prendre que l’exemple de l’EREA Stendhal de Bonneuil-sur-Marne, celui-ci accueille 107 élèves, tandis que 50 personnes, toutes fonctions confondues, les encadrent.
De son côté, l’Inspection générale de l’éducation nationale a mis en évidence le fait que les dotations horaires globales des EREA, tout comme celles des régions pour le fonctionnement ou les investissements de ces structures, sont « confortables », les fonds de roulements pouvant atteindre 20 à 30 % du budget de l’établissement (15).
C’est aussi le prix à payer pour que soit assurée, selon le comité de liaison des directeurs d’EREA, une réelle « individualisation » de la prise en charge des élèves qui favorise, à son tour, des « réussites humaines ».
Le rôle « structurant » que joue l’internat dans cette prise en charge doit être également souligné, comme l’a fait M. Christian Fabre, professeur des écoles éducateur de l’EREA de Bonneuil-sur-Marne. Parce qu’il représente deux tiers du temps de l’élève, l’internat contribue fortement à motiver l’élève pour « repartir » chaque matin en classe, et se donner ainsi les moyens pour réussir un projet de vie.
De surcroît, les « retours sur la journée » effectués par ces éducateurs au moment de l’arrivée des internes dans les chambres, tout comme les conversations informelles entre adultes et jeunes menées en soirée – et parfois en pleine nuit – forment, avec les enseignements de la journée, un « tout » qui permet de suivre l’élève dans sa globalité. Lors de son audition, M. Didier Jouault a ainsi estimé que l’encadrement extrêmement fort permis par les EREA explique pourquoi « on ne décroche quasiment jamais » dans ces structures, l’« absentéisme » étant ici lié à des fugues d’adolescents, que l’on parvient presque toujours à faire revenir (16).
Journée d’un collégien à l’EREA Stendhal de Bonneuil-sur-Marne
– À partir de 7 h 20-7 h 30 : réveil et toilette
– 8 heures-8 h 30 : petit-déjeuner
– 8 h 30-12 h 30 : en classe
– 12 h 30-13 h 30 : déjeuner
– 13 h 30-16 h 30 : en classe
– 16 h 30-17 heures : goûter
– 17-18 heures : études dirigées
– 18-19 heures : activités éducatives
– 19 heures : dîner
– 19 h 30-19 h 45 : montée au dortoir ; douche
– 20 heures-21 h 30 : activités non obligatoires ou visites entre élèves surveillées
– 21 h 30 : extinction des lumières et récupération des portables par les éducateurs (qui les conservent jusqu’à la fin des classes)
Pour mener à bien sa mission éducative, l’internat se dote d’ailleurs d’un projet, qui est en général articulé avec le projet pédagogique de l’établissement. Voici l’appréciation qu’en a faite l’Inspection générale : « Les projets d’internat, en eux-mêmes, sont parfois remarquables dans leur conception et leur réalisation dans la durée en ce qui concerne l’accompagnement progressif très réfléchi et fortement maîtrisé des élèves vers l’autonomie » (17).
Le coordonnateur de l’internat de l’EREA Stendhal de Bonneuil-sur-Marne, M. Philippe Rota Biesdorf, a souligné, à cet égard, que l’enseignement en classe ou atelier et la vie de l’internat sont complémentaires et que c’est leur imbrication étroite qui permet d’obtenir des résultats. Ainsi, sur un plan purement scolaire, cet interlocuteur a estimé que ce travail en commun explique pourquoi quasiment tous les élèves de cet établissement ont pu valider le palier des connaissances et compétences attendues en fin de 3ème. Quant à la discipline et au comportement, ce sont plutôt les élèves demi-pensionnaires qui posent le plus de problèmes.
Pour conclure ces trop brefs développements sur les atouts des EREA, la rapporteure pour avis tient à mentionner que les jeunes professeurs rencontrés à l’EREA Stendhal, dont c’est la première affectation, ont tous souligné la qualité de l’ambiance de travail qui y règne. Pour reprendre leur propos, « c’est un défi d’y enseigner, car il faut adapter en permanence son cours », mais dans le même temps, comme l’a observé l’un d’entre eux, le lundi, en salle de professeurs, tous ont hâte de se mettre au travail et débattent des problèmes des élèves et non des leurs…
• Un point noir : la présence d’enseignants non spécialisés
L’enseignement adapté devrait être confié à des spécialistes. Or c’est loin d’être systématiquement le cas, la situation devenant particulièrement critique dans les EREA.
Certes, en termes de « stock », les proportions d’effectifs de personnels spécialisés dans les structures adaptées restent encore importantes, à l’exception de ceux des professeurs des écoles éducateurs (18).
– En SEGPA, 85 % des directeurs sont titulaires du diplôme de directeur d’établissement d’enseignement adapté ou spécialisé (DDEEAS) et 80 % des postes d’enseignants sont pourvus par des enseignants spécialisés (contre 76 % en 2008), soit un total de 81 % d’enseignants spécialisés dans ces structures.
– En EREA, 95 % des postes de directeurs sont pourvus par des personnels titulaires du DDEAS, 81 % des postes d’enseignants sont pourvus par des enseignants spécialisés et 57 % des postes d’enseignants éducateurs
– seulement – le sont par des enseignants spécialisés (contre respectivement 64 % et 49 % en 2008), soit un total de 66 % d’enseignants spécialisés.
Cependant, même si les évolutions constatées depuis 2008 indiquent que les postes spécialisés en SEGPA et EREA ont été plutôt préservés, les « flux entrants » d’enseignants formés aux problématiques de « l’adaptation scolaire » n’incitent guère à l’optimisme, et ce pour deux raisons.
1° Du côté des EREA, l’analyse des mouvements d’affectation effectuée l’année dernière par l’Inspection générale de l’éducation nationale montre que la moitié des postes de professeurs éducateurs – ces enseignants étant placés au cœur des projets portés par les EREA – est pourvue par des « non-spécialistes » (19). Cette situation insatisfaisante est le résultat du fait que l’éducation nationale n’a pas rouvert le recrutement de ces personnels depuis qu’un arrêt du Conseil d’État du 25 mars 2002 a annulé le texte qui régissait leurs obligations de service. On est en droit de s’interroger sur les raisons – profondes ou tactiques – de cette forme d’inertie.
2° Les formations spécialisées diplômantes qui préparent à l’obtention de l’option F (enseignement et aide pédagogique auprès des élèves des établissements et sections d’enseignement général et professionnel adapté) du CAPASH (certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisés, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap) ou du 2CA-SH (certificat complémentaire pour l’adaptation scolaire et la scolarisation des élèves handicapés) sont devenues, ces dernières années, de moins en moins attractives, sous l’effet conjugué de deux phénomènes. D’une part, la réduction des moyens des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) jusqu’en 2012 semble avoir découragé, d’une manière générale, les vocations en faveur de l’enseignement spécialisé ; d’autre part, l’administration centrale sollicite de moins en moins le potentiel de remplacement, lui-même affaibli par les suppressions de postes du précédent quinquennat, au profit des départs en formation spécialisée.
Ainsi, selon la direction générale de l’enseignement scolaire, les départs en stage dans le domaine de l’enseignement adapté (option F) sont passés, entre 2004-2005 et 2014-2015, de 496 à 162 pour le CAPA-SH et de 173 à 42 pour le 2CA-SH. De même, les départs en formation pour l’obtention du DDEAS, le diplôme de directeur d’établissement d’éducation adaptée et spécialisée, sont en chute libre. D’après les calculs du Syndicat des enseignants de l’UNSA, leur nombre est passé de 129 en 2006-2007 à 47 en 2012-2013.
b. Une politique d’orientation vers l’enseignement adapté et un suivi du devenir des élèves problématiques
Le choix d’une orientation vers l’enseignement adapté ne résulte pas d’une demande préalable de la famille, mais d’une initiative de l’équipe enseignante, qui peut engager la démarche dès le CM1 et proposer cette solution aux parents.
La procédure est extrêmement encadrée par la circulaire du 29 août 2006. Elle repose sur un dossier qui, outre les éléments scolaires, comporte un avis médical, un avis social et l’avis du psychologue scolaire, appuyé sur des évaluations psychométriques. Le directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) prend ensuite la décision, après l’avis d’une instance qu’il préside, la commission départementale d’orientation vers les enseignements adaptés ou CDOEA.
Ce processus connaît toutefois des « ratés », détaillés ci-dessous, car il ne paraît pas toujours guidé par une politique d’orientation réfléchie et maîtrisée. Par ailleurs, le « devenir » des élèves sortants de ces structures est trop peu connu.
• Une procédure d’orientation excessivement « standardisée »
Selon les inspections générales de l’éducation nationale, les responsables de cette procédure semblent penser qu’il existerait « un profil SEGPA ». Cette filière paraît ainsi « réservée à des élèves légèrement déficients, sans troubles graves », l’orientation se fondant « d’abord » sur le bilan psychologique et des évaluations psychométriques. Inversement, les acquis scolaires ne sont pas assez pris en compte (20).
• Un critère non pertinent : le redoublement
Les auditions de la rapporteure pour avis ont confirmé le fait qu’une interprétation « étroite » de la circulaire du 29 août 2006 amène à n’admettre en SEGPA que des élèves qui ont un an de retard. Cette approche conduit à organiser des redoublements en CM1 ou CM2 pour permettre l’orientation en section d’enseignement adapté. Or le maintien en classe ordinaire d’un élève qui est déjà en échec est de nature à créer de la souffrance. Les inspections générales de l’éducation nationale ont d’ailleurs qualifié ce redoublement d’ « inutile et de coûteux pour l’élève comme pour le système éducatif » (21).
• Une surreprésentation des élèves en situation de handicap ?
À la rentrée 2013, le nombre d’élèves en situation de handicap dans les SEGPA s’élevait à 15 582, sur un total de 94 384 élèves scolarisés dans les sections (22). En outre, la proportion de ces élèves dans cette filière a fortement augmenté, en passant de 4,8 % en 2004 à 17 % en 2013.
Cet « afflux » résulte de l’ajout, en 2005, à l’entrée des SEGPA, d’une seconde voie d’accès en faveur des élèves en situation de handicap, directement pilotée par les maisons départementales des personnes handicapées, à côté de celle contrôlée par les commissions départementales d’orientation vers les enseignements adaptés. Or, selon les représentants du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU), cette conjonction tend à provoquer un « goulet d’étranglement ».
Il en résulte, d’après plusieurs interlocuteurs de la rapporteure pour avis, de véritables dérives. Ainsi, pour le Syndicat des enseignants de l’UNSA, les élèves en situation de handicap sont « surreprésentés » en SEGPA, leur orientation dans cette filière se faisant par défaut, faute de places suffisantes en unités localisées d’inclusion scolaire (ULIS), un dispositif qui devrait accueillir des enfants qui ne peuvent être scolarisés en classe ordinaire ou en SEGPA sans une aide spécifique. Ce même constat a conduit les représentants du SNES à demander une clarification rapide du « champ » du handicap afin d’éviter que, par un jeu de vases communicants, les places de collège occupées au titre du handicap par des enfants souffrant de troubles légers, de type « dys » comme la dyslexie par exemple, qui ne peuvent plus être proposées à des enfants atteints de troubles intellectuels, cognitifs, psychiques ou moteurs, soient, en quelque sorte, « récupérées » dans les SEGPA.
D’un autre côté, comme l’ont relevé l’Inspection générale de l’éducation nationale et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, de nombreux élèves en situation de handicap, en particulier ceux qui sont porteurs de troubles intellectuels et cognitifs, répondent à la définition des élèves en difficulté dont les SEGPA ont la charge (23). La circulaire du 29 août 2006 précise en effet que ces élèves « ne maîtrisent pas toutes les compétences et connaissances définies dans le socle commun attendues à la fin du cycle des apprentissages fondamentaux et présentent a fortiori des lacunes importantes dans l’acquisition de celles prévues à l’issue du cycle des approfondissements ».
C’est pourquoi, ainsi que l’a souligné lors de son audition M. Jean-Pierre Delaubier, les SEGPA doivent continuer à accueillir de tels élèves car ceux-ci, tout comme leurs camarades non handicapés, ont besoin d’un enseignement adapté. Ce principe étant rappelé, il est évident que les parcours de ces élèves, en ce qui concerne notamment la fréquentation des ateliers et les stages, devraient être aménagés, ce que permettent les projets personnalisés de scolarisation prévus par la loi du 11 février 2005 sur le handicap.
Quant aux EREA, eux aussi « prennent largement leur part de l’effort de scolarisation d’enfants en situation de handicap » (24). À la rentrée 2013, 2 326 de ces élèves étaient scolarisés dans ces structures, où ils constituaient près d’un quart des effectifs (23 %), contre 397 élèves et 3,7 % des effectifs en 2003. Leur nombre a ainsi progressé chaque année en moyenne de 19,3 % entre 2003 et 2013, alors que, sur la même période, les EREA ont globalement accueilli 746 élèves de moins (– 0,5 % en moyenne annuelle) (25).
• Un manque de suivi des élèves de SEGPA et d’EREA
Le ministère de l’éducation nationale n’assure pas un suivi spécifique du devenir des élèves de SEGPA ou d’EREA, que ce soit en termes de parcours scolaire ou d’accès à un diplôme et à un emploi.
Il faut le regretter car cela empêche les responsables publics de disposer d’une évaluation nationale détaillée des résultats obtenus par les structures de l’enseignement adapté. La directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Mme Catherine Moisan, a indiqué à la rapporteure pour avis que l’élaboration d’un tel outil s’est longtemps heurtée aux contraintes qu’impose le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et du caractère confidentiel des données personnelles. Ce vide statistique devrait être bientôt comblé, tout en respectant la législation en vigueur, grâce à un accord conclu entre le ministère et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui a permis le démarrage des travaux de conception d’un projet de numéro d’« identifiant élève ».
En attendant, la direction de l’évaluation peut recueillir un certain nombre d’éléments sur les élèves de SEGPA – les effectifs des EREA étant trop peu nombreux pour être exploités – à partir des données tirées de ses enquêtes sur les panels d’élèves entrés en sixième. Comme on le verra dans les développements qui suivent, ces statistiques sont extrêmement éclairantes.
Qu’en est-il des résultats statistiquement mesurables des SEGPA et des EREA ? Ils sont incontestablement significatifs, voire même remarquables si l’on tient compte du fait que les élèves concernés ne les auraient probablement jamais atteints dans le cadre scolaire ordinaire.
Dans le même temps, ils reflètent le caractère profondément « ségrégatif » de ces structures, qui ne fonctionnent que très rarement comme un tremplin permettant un retour plus ou moins rapide dans l’enseignement « ordinaire », ainsi qu’un échec relatif en ce qui concerne la conduite de leurs élèves à une qualification de niveau V, un objectif pourtant fixé par les circulaires du 29 août 2006 et du 24 avril 2009.
• Une voie de formation quasiment « sans retour »
Une fois inscrits en SEGPA, les élèves y effectuent très majoritairement leur scolarité de la 6ème à la 3ème. Ils sont très peu – soit moins de 2 % – à rejoindre les classes du collège. Plus précisément, parmi les élèves de 6ème SEGPA à la rentrée 2012, 98,5 % étaient toujours en SEGPA à la rentrée 2013 et 1,2 % seulement avaient intégré un premier cycle du collège. Pour les élèves de 5ème et de 4ème SEGPA, ces proportions étaient respectivement de 96,8 % contre 1,4 % et de 95,7 % contre 1,6 % (26).
De fait, la grande majorité des élèves de SEGPA – 85 % d’entre eux – ne passent pas le diplôme national du brevet. À la dernière session, sur 26 274 élèves de 3ème SEGPA, seuls 1 300 élèves (5 %) étaient inscrits aux épreuves (1 064 élèves s’étant présentés) et 775 d’entre eux – seulement – étaient reçus.
De même, très peu d’élèves de SEGPA intègrent les lycées professionnels. Le panel des élèves entrés en 6ème en 2007 indique que, cinq ans plus tard, seuls 3 % d’entre eux suivent une classe de 2nde ou de 1ère professionnelle.
Faute de données disponibles, on ne peut suivre à la trace les retours éventuels d’élèves d’EREA dans la voie « classique ». Relevons toutefois que la scolarité dans ce type d’établissement est encore plus « tubulaire » qu’en SEGPA puisqu’un élève peut y effectuer tout son parcours, de la sixième jusqu’au CAP. L’enquête déjà citée de l’Inspection générale de l’éducation nationale montre ainsi que « c’est le plus souvent en lycée d’EREA que sont ensuite scolarisés les collégiens d’EREA », 40,7 % des élèves de 3ème EREA poursuivant leur scolarité dans cette structure. À l’inverse, 16,5 % de ces « troisième » poursuivent leur formation en CFA et 29,1 % préparent un CAP en lycée professionnel (27).
• Un accès contrasté à la qualification
En ce qui concerne les élèves de SEGPA, ils se dirigent majoritairement vers le lycée professionnel. Ainsi, les élèves de 3ème SEGPA à la rentrée 2012 n’étaient que 0,9 % à être encore en section d’enseignement adapté à la rentrée 2013. 1,2 % avaient intégré un premier cycle du collège, 63,3 % avaient intégré l’enseignement professionnel par la voie scolaire et 34,3 % étaient sortis du système scolaire (28).
Une fois ce palier atteint, il semble – l’absence d’enquête nationale précise à ce sujet faisant ici défaut – qu’une majorité d’élèves obtient le CAP, selon les données très parcellaires recueillies par les inspections générales de l’éducation nationale (29).
Les éléments statistiques communiqués par la directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Mme Catherine Moisan, lors de son audition, sont plus précis et, de ce fait, plus inquiétants. Parmi les élèves entrés en 6ème SEGPA en 2007, cinq ans plus tard, 50 % d’entre eux sont parvenus en seconde année de CAP et seuls 25 % d’entre eux ont obtenu ce diplôme. Par ailleurs, environ 25 % des élèves ont arrêté leur scolarité soit à la fin de la 3ème ou avant cette classe soit à la fin de la première année de CAP (environ 12 % des élèves dans ce dernier cas). Cela signifie qu’un quart des élèves de SEGPA n’a pas atteint la classe terminale du second cycle de l’enseignement secondaire qui conduit au diplôme (30).
En ce qui concerne les élèves d’EREA, on sait que leur réussite au CAP est assez élevée. À titre d’illustration, en 2013, au CAP (« classique » et agricole), sur 2 300 élèves d’EREA présents, 1 769 ont obtenu le diplôme, soit un taux de réussite de 77 %. En outre, ce taux peut être de 100 % dans certaines spécialités au niveau des établissements. Ainsi, dans l’établissement visité à Bonneuil-sur-Marne, c’est le cas pour le CAP de maçonnerie et celui de peintre en application de revêtements. Selon la directrice de cet EREA, Mme Christine Lemière, les taux plus faibles dans les spécialités horticoles (de 50 à 75 %) s’expliquent par des modalités d’évaluation différentes : les premières spécialités citées pratiquent le contrôle continu en cours de formation « intégral », tandis que, pour les autres, les épreuves devant un jury extérieur comptent pour 40 % de la note finale.
Ces bons résultats rendent d’autant plus regrettable le fait que des élèves d’EREA ne continuent pas leur scolarité jusqu’au baccalauréat professionnel. Selon M. Didier Jouault, cela s’explique en grande partie par le fait que les EREA sont perçus comme étant trop éloignés du système éducatif « de droit commun » et qu’en conséquence, les conseillers d’orientation, qu’on voit rarement dans ces structures, ne considèrent pas que les élèves concernés pourraient intégrer le « circuit » des poursuites d’études…
L’Inspection générale de l’éducation nationale a dénoncé l’absence de réel pilotage académique des EREA. De fait, ceux-ci n’ont été pilotés que de façon « individuelle », c’est-à-dire par les directeurs de ces établissements, qui ont su apporter des réponses adaptées aux besoins locaux (31).
Lors de ses auditions, la rapporteure pour avis a parfois eu la tentation
– sans doute provocatrice – de croire que la réussite des EREA tenait au fait que l’administration de l’éducation nationale s’en était désintéressée... Mais il est évident qu’une telle indifférence, même « bienveillante », ne saurait tenir lieu de politique à l’égard de ces structures d’exception : leur savoir-faire, en matière pédagogique et éducative, est trop précieux pour être plus longtemps ignoré.
Cette « inattention » à l’égard des EREA ne date pas d’hier. La dernière circulaire visant spécifiquement ces structures date de 1995. Il a déjà été indiqué qu’elle visait à les transformer en lycées d’enseignement adapté, une mesure qui n’a été que très partiellement exécutée, en partie par souci d’apaiser les tensions suscitées par l’opposition de certains personnels, notamment les professeurs des écoles éducateurs, à ce projet.
Il ne s’agit pas de « rouvrir » le dossier EREA pour relancer cette réforme qui, d’ailleurs, ne se justifie plus. En effet, si l’internat éducatif constitue l’aspect structurant de ces établissements, pourquoi faudrait-il priver des collégiens d’un service aussi exceptionnel ? Mais avant même d’évoquer quelles pourraient être les évolutions du réseau des EREA, la rapporteure pour avis tient à insister sur le fait que la grande « autonomie » concédée à ces établissements par les échelons centraux et académiques de l’éducation nationale n’a été qu’une forme d’abandon.
La mauvaise réputation des SEGPA et des EREA est solidement ancrée. Ces structures passent pour être, selon les témoignages de parents ou d’enseignants recueillis lors des auditions, des filières « pour les nuls » ou des « boîtes à décrocheurs ».
Dans le cas des SEGPA, l’annonce d’une orientation vers ces sections, suscite, selon la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE), « au mieux de grandes interrogations, au pire le sentiment d’une punition ou d’une mise à l’écart » de l’enfant et de ses parents. Il est d’ailleurs fréquent que, selon M. Jean-Pierre Delaubier, les seuls parents qui évoquent de manière positive cette voie de formation en soient d’« anciens élèves », car ils savent que leur enfant y trouvera de la considération et sera mis en situation de réussir.
Les hésitations de familles à l’égard de ces filières « ségrégatives » ont de surcroît un impact direct sur le processus d’orientation : les élèves ont en effet tendance à intégrer ces structures tardivement, les parents ne se « résignant » à accepter l’orientation en SEGPA qu’à partir de la 5ème. À titre d’exemple, en 2013, 18 058 élèves étaient scolarisés en 6ème de SEGPA, ils étaient 22 026 en 5ème et 23 189 en 4ème, ce phénomène étant observé tous les ans depuis 2006 (32).
Il est pourtant possible de changer ces représentations, à condition d’engager, avant l’entrée au collège, une véritable politique de communication à l’égard des atouts – réels – de cette voie de formation. La Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) a cité, à titre d’exemple, le travail mené par la commission départementale d’orientation vers les enseignements adaptés du Val-de-Marne, qui a su « dédramatiser » l’entrée en SEGPA.
Le savoir-faire des structures adaptées dans les domaines de la pédagogie et de l’accompagnement éducatif, qui permet aux équipes enseignantes de proposer du « sur mesure » à leurs élèves, devrait donc être valorisé.
Cependant, une telle stratégie, à elle seule, ne parviendrait pas à casser l’image négative des SEGPA et des EREA. Pour obtenir un tel changement de « regard », les retours d’élèves dans la voie ordinaire, ainsi que l’inclusion partielle de ces derniers, soit en classe, soit dans le réseau des établissements proches, devraient être systématiquement recherchés. C’est seulement alors que l’orientation vers l’enseignement adapté cessera d’être perçue comme « couperet » pour devenir une étape banalisée dans un parcours scolaire menant au diplôme et à l’emploi.
Le positionnement et le fonctionnement des SEGPA et les EREA font « question » quand la Nation se donne pour objectif d’assurer l’inclusion scolaire de tous les élèves. La rapporteure pour avis se félicite, à cet égard, que le ministère de l’éducation nationale ait mis en place deux groupes de travail dont l’objectif est de réécrire la circulaire du 29 août 2006 et celle du 24 avril 2009.
Elle souhaiterait apporter ici sa contribution à cette réflexion qui ne devrait pas, à ses yeux, être guidée par une vision « maximaliste », « téléologique » de l’inclusion. En effet, l’état actuel du collège ne saurait autoriser l’éducation nationale à se priver de structures qui, malgré leurs imperfections, parviennent, précisément parce qu’elles constituent un cadre clairement identifié, aux effectifs réduits, à prendre en charge, de manière personnalisée, des enfants en grande difficulté qui ont besoin d’être soutenus et parfois, pourrait-on dire, « contenus ». En aucun cas, elles ne pourraient être remplacées par des dispositifs, c’est-à-dire par un vague réseau d’aides qui soutiendrait ces mêmes élèves scolarisés en classe ordinaire.
La circulaire du 20 mai 2014 relative à la préparation de la rentrée scolaire semble d’ailleurs s’inscrire dans une telle approche, car elle précise que le travail engagé sur l’avenir des SEGPA « s’appuie sur la spécificité de ces structures et de ses enseignants » pour favoriser leur inclusion dans le collège, ce qui laisse entendre que l’on s’achemine vers des adaptations et non des bouleversements.
Le principe qui devrait guider ces changements devrait donc être celui de « l’inclusion raisonnée », pour reprendre l’expression employée par le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES-FSU). Pour autant, cette approche « réformiste » ne devrait pas empêcher l’éducation nationale d’envisager un objectif de long terme, celui de la disparition de telles structures, dès lors qu’elles n’auraient plus lieu d’être dans un collège entièrement rénové.
L’inclusion « raisonnée » devrait conduire à faciliter, de manière aussi souple que possible, les allers retours des élèves de SEGPA et d’EREA entre ces structures et les classes ordinaires. Cette approche permettrait de lutter contre « l’effet filière », qui tend à « enfermer » dans l’enseignement adapté les enfants et les adolescents qui y sont orientés. La procédure qui les y conduit devrait d’ailleurs être également revue.
Enfin, sur le plan du vocabulaire, une dimension qui a une grande importance dans l’éducation nationale, il serait souhaitable de modifier l’article L. 332-4 du code de l’éducation, déjà mentionné, pour que les difficultés des élèves de l’enseignement adapté ne soient plus considérées comme étant « permanentes », car le choix de ce terme tend à conforter l’existence d’une scolarité sans possibilité de retour vers le « droit commun ».
• Revoir les critères d’orientation vers l’enseignement adapté et accroître les moyens des commissions d’orientation
Il devrait être mis un terme aux mauvaises habitudes prises en matière d’orientation vers les structures « adaptées », qui poussent les acteurs de cette procédure à prendre leurs décisions en fonction d’un « profil d’élève de SEGPA » principalement déterminé par des tests psychométriques. Les critères pris en compte devraient être de nature purement scolaire et s’appuyer sur les acquis et les lacunes des élèves, tels que mesurés par le livret personnel de compétences.
Par ailleurs, afin de créer les conditions d’une étude plus fine des dossiers, ceux-ci pourraient être débattus à un échelon intermédiaire, dont les modalités de fonctionnement seraient à définir, situé entre la commission départementale d’orientation vers les enseignants adaptés et l’établissement scolaire de l’élève qu’il est envisagé d’orienter vers une structure adaptée. Selon le Syndicat des enseignants de l’UNSA, cette mesure permettrait d’éviter que ne soient prises des décisions d’orientation « à la hache ».
Enfin, si l’on veut favoriser les retours vers la voie ordinaire, les moyens des commissions départementales devraient être augmentés pour leur permettre de revoir chaque année l’affectation des élèves en SEGPA ou EREA. En effet, comme l’a fait observer M. Didier Jouault, faute de temps et de personnels en nombre suffisant, ces instances sont accaparées par l’étude des nouveaux dossiers et ne réexaminent quasiment jamais la situation d’un élève scolarisé dans les structures « adaptées ». Il suffirait donc, d’après cet interlocuteur, d’augmenter d’une à deux unités leurs membres pour faciliter l’exercice du « droit au retour » dans le milieu ordinaire.
• Supprimer la condition du redoublement
Induite, comme cela a déjà été souligné, par la circulaire du 29 août 2006, la pratique qui consiste à n’admettre dans l’enseignement adapté que des élèves ayant redoublé en primaire devrait être abandonnée. Elle s’inscrit en faux contre la politique de refondation de l’école, qui vise à donner un caractère exceptionnel à ce que l’éducation nationale appelle pudiquement « l’allongement des cycles ». Le futur cadre de référence des enseignements adaptés devrait donc supprimer cette « clause ».
Cette mesure, qui devrait avoir pour effet de « rajeunir » les élèves de 4ème SEGPA et de rendre plus compliquée l’organisation des stages qui ne peuvent être proposés, en vertu d’un décret du 29 mai 1996, qu’à des élèves de quatorze ans, devrait être précédée d’une réflexion sur la réglementation applicable à ces périodes de découverte professionnelle.
• Accroître les « sorties » d’élèves de SEGPA vers la voie ordinaire
Un élève de SEGPA ne devait pas être « assigné », durant son parcours de collégien, dans cette voie de formation. Ainsi que l’ont préconisé les inspections générales, « on doit pouvoir sortir de la SEGPA », de manière souple, en intégrant progressivement l’élève dans une classe de référence en 5ème ou en 4ème (33). De manière corollaire, les SEGPA devraient accroître leurs ambitions en matière d’accès à une qualification, en faisant en sorte que le CAP ne soit plus leur horizon indépassable. Ainsi que l’a suggéré le Syndicat des enseignants de l’UNSA, cette filière devrait conduire d’avantage d’élèves à préparer la série professionnelle du diplôme national du brevet professionnel et le baccalauréat professionnel.
• Mettre en place un suivi fin des parcours des élèves
Il serait souhaitable que la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale suive de manière approfondie le « destin » scolaire et professionnel des élèves de SEGPA et d’EREA. En effet, ces structures « dérogatoires » de l’école inclusive étant dotées de moyens plutôt confortables, la Nation est en droit de disposer des éléments d’information qui lui permettrait d’évaluer régulièrement les résultats de ces voies de formation.
• Ouvrir davantage les disciplines générales aux élèves de SEGPA et organiser des activités partagées avec d’autres collégiens
Aux yeux de la rapporteure pour avis, une inclusion « raisonnée » impliquerait d’« ouvrir » les SEGPA au collège en constituant, dans plusieurs disciplines, des groupes d’élèves rassemblant ceux des sections et ceux d’une classe ordinaire de référence. Ainsi que l’a souligné lors de son audition M. Jean-Pierre Delaubier, ces temps communs pourraient être non seulement organisés pour l’éducation physique et sportive – ce qui commence à être fait – mais aussi pour l’éducation artistique, la technologie et – peut-être – l’histoire-géographie. Il devrait être possible de consacrer à ces activités regroupées une dizaine d’heures par semaine, auxquelles s’ajouteraient une partie des heures de vie de classe.
Par ailleurs, des opérations telles que les « matinées d’accueil » ou les journées « portes ouvertes » des collèges devraient être l’occasion de valoriser les réalisations des élèves de SEGPA auprès des autres collégiens et de leurs parents. Il faudrait aller plus loin et profiter de la pause méridienne pour organiser, comme l’a suggéré la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP), des activités rassemblant les collégiens, quel que soit leur profil, dans les ateliers de la SEGPA autour de travaux pratiques.
Enfin, des liens étroits devraient être établis entre les SEGPA et les lycées professionnels géographiquement proches par le biais de rencontres et de visites et la possibilité donnée aux élèves des sections de suivre, dans les établissements concernés, certains enseignements. Cette politique permettrait d’élargir le champ des formations et des métiers présentés aux élèves de SEGPA car souvent ces sections n’offrent que deux champs professionnels (dont l’horticulture). En outre, ces activités partagées avec des lycéens pourraient inciter un plus grand nombre d’élèves de SEGPA à poursuivre leur parcours jusqu’à l’obtention du baccalauréat professionnel.
• Développer les échanges de service entre professeurs de SEGPA et de collège
L’intégration accrue de la SEGPA au sein du collège devrait concerner aussi bien ses élèves que ses professeurs. On suivra ici les recommandations des inspections générales de l’éducation nationale selon lesquelles il faudrait « procéder à de véritables échanges de service » en partant du constat que « la seule intervention de quelques professeurs du collège pour compléter les grilles horaires ne suffit pas à susciter un travail d’équipe entre les professeurs des deux structures » : en effet, il est anormal que les enseignants de SEGPA soient « rarement sollicités pour coopérer dans la réponse aux situations de grande difficulté en classe ordinaire, par exemple dans une organisation favorisant une mutualisation des compétences » (34).
• Supprimer la 6ème SEGPA ?
La mise en œuvre prochaine du cycle de « consolidation » CM1-CM2-6ème, prévue pour la rentrée 2015, conduit à s’interroger sur l’existence de la classe de 6ème SEGPA.
Sur le plan de la pure logique, la nouvelle architecture des cycles d’enseignement devrait conduire à supprimer cette classe. Une telle évolution comporte néanmoins des risques, soulignés par plusieurs interlocuteurs de la rapporteure pour avis. En premier lieu, la scolarisation en 6ème « ordinaire » d’un élève en grande difficulté (une situation souvent connue dès le CP), de surcroît déstabilisé par l’organisation disciplinaire des enseignements du collège, les emplois du temps mobiles et le passage d’un maître unique à dix professeurs, pourrait être une source de réelles souffrances. En deuxième lieu, il n’est pas sûr qu’un soutien, même renforcé, auprès de ces élèves suffise à « compenser » intégralement le choc « culturel » provoqué par l’entrée au collège : en effet, ces jeunes n’ont pas besoin d’une aide ponctuelle mais d’un cadre dans lequel ils peuvent apprendre autrement que par le biais du cours magistral propre à l’enseignement secondaire. Enfin, pour un grand nombre de jeunes, les quatre années passées en SEGPA forment un « tout » indissociable car cette durée leur est nécessaire pour se reconstruire, acquérir des compétences et préparer un projet professionnel.
Ces arguments ne peuvent être balayés d’un revers de la main. Ils justifient une certaine prudence dans les évolutions que connaîtront les SEGPA, ce qui, aux yeux de la rapporteure pour avis, devrait inciter l’éducation nationale à procéder en deux étapes, en recourant, dans un premier temps, à une expérimentation menée à grande échelle. Ainsi, la formule « mixte » d’une affectation en 6ème SEGPA, combinée à une scolarisation partielle en classe « ordinaire », pourrait être mise en œuvre, à partir de la prochaine rentrée scolaire, dans plusieurs établissements relevant de différentes académies pour en évaluer les effets, avant de décider d’aller plus loin (35).
L’intégration des EREA dans leur environnement scolaire devrait être systématiquement recherchée pour mettre fin à l’isolement dont souffrent ces établissements. Ce mouvement vers l’extérieur pourrait prendre plusieurs formes :
– d’abord, celle d’une réaffirmation de l’appartenance des EREA au « paysage » de l’éducation nationale. Ceci implique de revoir la circulaire de 1995 et de redéfinir les missions de ces structures. Il pourrait être envisagé, à cette occasion, de différencier les objectifs qui leur sont assignés en fonction de l’âge des élèves accueillis : ce qui vaut pour un collégien ne vaut pas pour un lycéen ;
– ensuite, celle d’une ouverture de l’internat sur l’environnement scolaire de l’EREA, qui passe, comme le propose l’Inspection générale de l’éducation nationale, par l’attribution, en l’absence d’élève relevant de l’adaptation scolaire, des places vacantes à des collégiens ou des lycéens en difficulté sociale (36). Près du quart des places d’internat (soit 22,6 %) est en effet vacant, une situation qui s’explique par le fait que les lits sont répartis en différentes sections définies par le sexe et l’âge des élèves et ne permettent pas d’accueillir toutes les candidatures si les lits vacants ne correspondent pas aux profils des élèves volontaires (37) ;
– enfin, celle du développement de liens étroits avec les établissements proches, en particulier avec les lycées professionnels. De telles mises en réseau seraient bénéfiques pour les deux publics d’élèves. D’une part, elles enrichiraient l’« offre » de plateaux techniques et de champs professionnels proposée aux élèves d’EREA et inciteraient un plus grand nombre d’entre eux à aller au-delà du CAP pour préparer un baccalauréat professionnel. D’autre part, elles offriraient des possibilités de remédiation à des élèves en difficulté au lycée professionnel et qui souhaiteraient aller en EREA pour y préparer, dans ce cadre plus sécurisant, un CAP. En effet, ce service supplémentaire proposé aux lycéens de la voie « pro » permettrait de répondre à de vrais besoins, devenus pressants depuis la réduction du nombre de formations de CAP qui a suivi la réforme des lycées professionnels. Il y a là une carte à jouer pour les EREA, d’autant qu’ils accueillent, depuis 2010, beaucoup plus de lycéens que de collégiens.
Le travail exceptionnel accompli par les personnels spécialisés des structures « adaptées » devrait être mieux reconnu, tant sur le plan financier que statutaire. Cette revalorisation pourrait notamment conduire à l’adoption des mesures suivantes.
– Contrairement à leurs collègues du premier degré, les professeurs des écoles exerçant en SEGPA ne bénéficient pas de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) créée l’année dernière et le taux des heures supplémentaires effectives qui leur sont payées n’est pas aussi élevé que celui des professeurs certifiés (38). Ces différences de traitement, souvent justifiées au motif que ces personnels sont à la « charnière » des deux degrés d’enseignement, mériteraient d’être corrigées ou atténuées pour tenir compte de la charge de travail de ces enseignants qui travaillent 21 heures en collège contre 18 heures pour les professeurs certifiés.
– Les « directeurs » de SEGPA devraient pouvoir intégrer, à leur demande, le corps des personnels de direction, sur la base d’une liste d’aptitude spécifique, à l’image de la possibilité qui est offerte aux directeurs d’EREA par le décret n° 2012-932 du 1er août 2012 (39). L’intégration « directe » de ces personnels dans le corps des personnels de direction régi par le décret n° 2011-1174 du 11 décembre 2011, qui ne fait pas l’unanimité chez les intéressés selon le Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU), a même été défendue par un inspecteur général de l’éducation nationale, M. Jean-Pierre Delaubier, pour qui un système scolaire authentiquement inclusif « ne devrait pas accepter l’existence d’un tel "sous-directeur" ». Par ailleurs, il faudrait leur permettre de devenir directeur d’EREA et revaloriser, en conséquence, le diplôme de directeur d’établissement d’éducation adaptée et spécialisée, cette passerelle ne leur étant plus ouverte depuis 2007, année à partir de laquelle un master a été exigé pour diriger un établissement spécialisé. Enfin, leur rôle « d’adjoint » au chef d’établissement devrait être réaffirmé, notamment en les faisant siéger dans les conseils de discipline des collèges, une instance dont ils sont aujourd’hui exclus.
– Les modalités de travail des professeurs des écoles éducateurs en internat d’EREA devraient être impérativement clarifiées. En effet, depuis 1974 aucun texte n’a tenté d’actualiser leurs obligations de service, la circulaire rédigée à l’époque ayant été, comme cela a déjà été indiqué, annulée par un arrêt du Conseil d’État du 25 mars 2002. Comme l’a montré l’Inspection générale de l’éducation nationale, ce vide juridique a encouragé, sur le terrain, le développement de pratiques condamnables. Le temps de travail de ces enseignants est en effet parfois calculé sur 2,5 jours seulement, ce qui leur permet de mener une activité extérieure… Le service de ces personnels devrait donc être redéfini afin de mettre un terme à une situation préjudiciable pour les équipes des EREA comme pour leurs élèves : leur recrutement n’ayant pas été rouvert depuis, cette situation tend à favoriser, selon l’Inspection générale, « l’installation d’un noyau permanent de non-spécialisés »en internat (40), en raison de la venue de jeunes contractuels sous statut d’assistant d’éducation (AED), alors même que la qualité du projet éducatif dépend de la présence d’enseignants chevronnés et qualifiés.
– Outre le fait que l’affectation des enseignants en EREA ne devrait concerner que des personnels spécialisés, il faudrait que ceux-ci soient, comme le préconise l’Inspection générale, tous choisis sur profil, au lieu d’être « désignés volontaires », comme c’est le cas aujourd’hui, en vertu du fameux « barème » qui conduit à orienter des néo-titulaires vers ces établissements.
b. Donner toute sa place à la problématique de la grande difficulté scolaire dans les dispositifs de formation
Les interlocuteurs de la rapporteure pour avis ont tous souligné l’urgence qu’il y a à former les enseignants à la grande difficulté scolaire, que ce soit en formation initiale ou continue. Tous les professeurs y seront confrontés un jour ou l’autre, car celle-ci n’est en rien « contenue » dans les murs des SEGPA – qui ne scolarisent que 2,9 % des collégiens – mais concerne, selon des évaluations concordantes, environ 11 % des élèves.
Pour faire face à ce défi, il faudrait agir sur deux leviers :
– un plus grand nombre d’enseignants, y compris de professeurs certifiés, devrait suivre les formations spécialisées qui traitent de cette problématique et obtenir les certifications correspondantes (option F du CAPASH et 2 CA-SH). Certes, cela suppose de dégager d’importants moyens au niveau de la formation continue, mais on peut penser que cet investissement de départ devrait être, à long terme, plus que compensé par la baisse des coûts induite par une prévention plus efficace du décrochage (41) ;
– la formation initiale devrait aborder la question de l’enseignement adapté et apprendre aux enseignants à mieux différencier leur pédagogie. Ces deux objectifs sont d’ailleurs repris par l’arrêté du 1er juillet 2013 qui définit les compétences professionnelles que doit acquérir tout professeur. En effet, ce texte indique que ce dernier doit « adapter son enseignement et son action éducative à la diversité des élèves », « différencier son enseignement en fonction des rythmes d’apprentissage et des besoins de chacun » et « adapter son enseignement aux élèves à besoins éducatifs particuliers ». Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation devraient donc s’emparer de ces sujets, ce qui devrait emporter deux conséquences sur la conception même des modules de formation : d’une part, l’introduction de la « dimension du traitement de la difficulté scolaire dans les connaissances disciplinaires » et, d’autre part, l’abandon de « l’idée d’une formation initiale qui séparerait les contenus disciplinaires et les dimensions pratiques de la gestion de classe ou des groupes d’élèves » (42).
La disparition des structures « adaptées », inconcevable à court terme, devrait rester une hypothèse de travail pour servir d’aiguillon à la transformation d’un collège qui reste marqué, dans ses contenus et ses méthodes, par la pédagogie frontale du lycée d’enseignement général. De fait, il pourrait ne plus y avoir de SEGPA dès lors que le collège unique deviendrait une réalité. Le maintien des EREA pourrait, en revanche, se justifier pour des raisons éducatives, sociales et formatrices.
L’« avènement » du collège unique, annoncé par la loi « Haby » de 1975 et toujours reporté depuis, suppose d’aller bien au-delà de la mise en œuvre du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des nouveaux programmes de ce niveau d’enseignement, tous deux prévus pour la rentrée 2016.
Il implique en effet d’aller au bout de la refondation pédagogique postulée par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programme et de faire émerger des équipes pluridisciplinaires bien formées et mobilisées par l’objectif de l’acquisition d’une culture commune par tous les élèves allant de la maternelle à la fin du collège.
C’est seulement ainsi, comme l’a écrit le sociologue François Dubet, que « la priorité d’une culture commune conçue comme un droit peut permettre toutes les pédagogies possibles en fonction de la diversité des élèves » (43). À cette condition, le collège, devenu enfin « inclusif », pourrait faire l’économie d’une structure dérogatoire telle que la SEGPA.
L’éducation nationale pourrait-elle vraiment se passer des EREA ? Ce sont des lieux d’exception dont la raison d’être est d’offrir, dans un cadre privilégié, une « dernière chance scolaire ».
On peut donc considérer, sans se contredire, que le principe de l’école inclusive peut admettre l’existence de telles structures, à condition, comme cela a déjà été souligné, que celles-ci soient mieux intégrées à leur environnement scolaire.
L’Inspection générale de l’éducation nationale a estimé, pour sa part, que le réseau des internats est à protéger, « sans réserve ». Pour ne pas dénaturer la double fonction, éducative et sociale, des établissements concernés, il faudrait, comme l’a préconisé M. Didier Jouault dans son rapport, que les élèves y soient orientés, à l’échelle de l’académie, « sur des besoins éducatifs et sociaux particuliers et prioritairement sur le motif d’une inclusion en internat ». De façon corollaire, la situation très particulière de ces structures impose de se montrer « très vigilant sur les autres affectations qui ne relèvent ni de l’adaptation ni du handicap : pluri-exclus, "indomptables", élèves en instance d’accueil en institut médico-éducatif ou institut thérapeutique, éducatif et pédagogique, etc. » (44).
Par ailleurs, les réussites éducatives et pédagogiques des EREA, qui sont nombreuses, devraient être valorisées et les établissements les plus « porteurs » devraient devenir des « centres d’innovation et de formation sur la mise en œuvre de projets éducatifs et la prise en charge d’élèves en grande difficulté », le savoir-faire de leurs enseignants devant être mis à contribution par les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (1).
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède le mardi 21 octobre 2014, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2015 de la mission « Enseignement scolaire » (45).
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de Mme Sylvie Tolmont, sur les crédits pour 2015 de la mission « Enseignement scolaire », et de Mme Sophie Dion (Recherche), et Mme Sandrine Doucet (Enseignement supérieur et vie étudiante) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », lors de sa séance du mardi 28 octobre 2014.
M. le président Patrick Bloche. Permettez-moi de rappeler au préalable quelques points de méthode. Comme vous le savez, l’examen des crédits comporte trois temps : nos dix rapports pour avis font l’objet d’une présentation et d’une discussion au sein de notre Commission, consacrées plus particulièrement aux thèmes que les rapporteurs ont choisi de traiter dans la seconde partie de leur travail ; les crédits des missions dont nous sommes saisis sont également examinés en commission élargie, avec nos collègues de la commission des finances et, le cas échéant, d’autres commissions ; puis arrive le temps de la discussion en séance publique.
Les trois rapports pour avis qui nous seront présentés aujourd’hui portent sur les crédits de missions relevant d’un même ministère, celui de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons déjà examiné en commission élargie les crédits de la mission « Enseignement scolaire », mais pas ceux de la mission « Enseignement supérieur et recherche ». Le bureau de la Commission a néanmoins considéré qu’il y avait une certaine cohérence à traiter globalement de crédits concernant l’intégralité du parcours des élèves, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur.
Nos trois rapporteures, Sylvie Tolmont, Sophie Dion et Sandrine Doucet, ont chacune choisi de traiter une thématique spécifique afin de mettre l’accent sur un secteur ou un enjeu particulier des politiques publiques en faveur de l’enseignement et de la recherche. Leurs projets de rapports vous ont été adressés vendredi dernier et hier.
Je vais tout d’abord donner la parole à Sylvie Tolmont, qui, dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », a centré son rapport sur les structures d’enseignement adapté du secondaire, les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA), qui sont des dispositifs souvent méconnus.
Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je commencerai par quelques éléments de contexte avant de présenter les pistes de réflexion développées dans ce rapport qui porte en effet, monsieur le président, sur les sections SEGPA et les EREA à l’heure de la refondation de l’école.
Les SEGPA et les EREA scolarisent, à partir de la classe de sixième, des élèves présentant des difficultés graves et durables d’apprentissage et ne maîtrisant pas toutes les compétences attendues à la fin du CE1.
Ces deux structures se distinguent toutefois sur un point essentiel. Les premières, qui accueillaient 94 384 élèves à la rentrée 2013, font partie intégrante des collèges. Les secondes, en revanche, sont des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) qui scolarisent des élèves – 10 250 l’année dernière – présentant des difficultés comparables à celles des élèves de SEGPA mais dont la situation personnelle justifie un hébergement en internat.
Le positionnement et le fonctionnement mêmes de ces structures contredisent deux grands objectifs corrélés que posait la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, à savoir la réaffirmation du collège unique et la promotion de l’école inclusive.
En outre, le nouveau cycle regroupant le CM1, le CM2 et la sixième remet en question la pertinence d’une orientation vers l’enseignement adapté à l’issue du CM2. C’est autour de cette première grande réflexion que s’articulent les questions posées dans ce rapport.
Toutefois, l’examen de la situation des SEGPA et des EREA suppose que l’on dépasse le cadre de cette première interrogation, dont les contours doivent du reste être nuancés. En effet, les objectifs poursuivis par ces structures et les bénéfices indéniables qu’elles apportent à des élèves, qui relèvent tous de la grande difficulté scolaire, sont d’une telle évidence qu’ils ne permettent pas de réduire la question à une simple contradiction avec des principes. L’organisation de dispositifs dérogatoires permet effectivement d’offrir un cadre bienveillant à ces élèves.
Comme le montre le tableau figurant en page 15 du rapport pour avis, les élèves de SEGPA sont ceux qui souffrent des plus grandes inégalités en termes d’apprentissages et de statut socio-économique. La classe de cours préparatoire (CP) a pesé très lourdement sur leur « destin scolaire » : 84 % d’entre eux ont redoublé leur CP.
Quant aux élèves des EREA, leur situation est avant tout synonyme de fragilité exceptionnelle. Pour reprendre les propos entendus lors de ma visite à l’établissement de Bonneuil-sur-Marne, les jeunes qui y sont scolarisés sont souvent « abîmés » par la vie.
Face à ces publics très particuliers, les structures adaptées disposent de réels atouts. J’en citerai trois :
– d’abord, un taux d’encadrement optimal par rapport aux conditions d’enseignement ordinaires du second degré. Pour les SEGPA, ce taux est la résultante d’une norme nationale fixant le nombre maximal d’élèves par classe à seize, ce plafond étant d’ailleurs rarement atteint. Dans les EREA, on compte en général un adulte pour deux élèves, un taux d’encadrement évidemment exceptionnel qui explique la quasi-absence de décrochage dans ces établissements ;
– ensuite, la présence d’équipes enseignantes qui comprennent des spécialistes de la grande difficulté scolaire et qui se concertent chaque semaine, ce qui permet une réelle mise en cohérence des apprentissages ;
– enfin, dans les EREA, une articulation entre les activités éducatives de l’internat et le projet pédagogique de l’établissement, qui permet de prendre en charge l’enfant ou l’adolescent dans sa globalité.
Ce cadre protecteur favorise de facto la personnalisation de la réponse apportée à la situation de chaque élève.
Malgré ces atouts, l’enseignement adapté reste critiquable ou fragile sur certains points.
Premièrement, la procédure d’orientation vers ces structures, qui repose sur les commissions départementales d’orientation vers les enseignements adaptés (CDOEA), donne trop de place aux tests psychométriques et au préjugé selon lequel il existerait un « profil d’élève de SEGPA », et prend insuffisamment en compte les acquis scolaires. En outre, une fois l’orientation vers la SEGPA établie, les dossiers des élèves ne sont plus réexaminés en cours de scolarité, ce qui empêche toute sortie de cette filière et toute réintégration dans le cursus ordinaire.
Deuxièmement, les élèves de SEGPA et ceux du collège pratiquent très rarement des activités communes alors qu’ils sont scolarisés dans le même établissement, ce qui accentue le déficit de connexion entre SEGPA et collège. Des points de rencontre réguliers entre la SEGPA et d’autres enseignants, d’autres élèves, d’autres disciplines, ne pourraient qu’encourager les possibles retours des élèves de SEGPA dans le parcours classique.
Les EREA, quant à eux, vivent trop souvent en vase clos, n’ayant que très peu de contacts ou d’échanges avec les collèges et lycées professionnels voisins.
Troisièmement, si le taux de spécialisation des enseignants d’EREA et de SEGPA est encore assez élevé, les départs en formation pour obtenir les certifications correspondantes sont en chute libre. Dans le cas des EREA, on atteint même un seuil critique en ce qui concerne les professeurs des écoles éducateurs chargés de l’internat puisque leur recrutement n’est plus ouvert depuis que le Conseil d’État a annulé, en 2002, le texte qui régissait leurs obligations de service. Leurs postes sont de plus en plus occupés par des assistants d’éducation recrutés par contrat, alors qu’il faudrait les confier à des personnels qualifiés et chevronnés.
Quatrièmement, les parcours scolaires en SEGPA ou en EREA s’apparentent à des « voies sans retour » : une fois entrés, leurs élèves n’en ressortent quasiment jamais pour rejoindre les classes ordinaires du collège ou du lycée professionnel. Cette vision « tubulaire », que révèle l’absence de passerelles avec le cursus ordinaire, est préoccupante, alors même que la refondation de l’école réaffirme le principe du collège unique.
Cinquièmement, la terminologie retenue dans le code de l’éducation – qui qualifie les difficultés des élèves concernés de « graves et permanentes » – suggère, à elle seule, le caractère immuable de leur orientation, sans autre issue possible que d’achever son parcours de formation en SEGPA ou en EREA.
Sixièmement, la configuration des plateaux techniques où sont dispensés les enseignements préprofessionnels de SEGPA réduit considérablement le champ des possibles en matière d’orientation professionnelle et ne donne pas toujours lieu à des formations adaptées au tissu économique local et aux enjeux actuels de l’emploi.
Enfin, contrairement aux objectifs fixés par les deux circulaires qui les encadrent, ces structures ne garantissent pas à tous leurs élèves un accès à une qualification de niveau 5, du type du certificat d’aptitude professionnelle (CAP).
Je tiens à dire encore une fois que les réussites humaines des SEGPA et des EREA sont incontestables et nombreuses. Mais les performances des SEGPA, dont un quart seulement des élèves arrivent à une classe terminale de l’enseignement secondaire qui les conduira à un diplôme, devraient nous interpeller. Je me félicite donc que le ministère de l’éducation nationale ait mis en place deux groupes de travail pour réfléchir à l’avenir de ces structures.
Je voudrais maintenant aborder l’autre champ de réflexion dans lequel s’inscrit cette étude. En effet, pour légitimes qu’ils soient, ces questionnements ne doivent pas conduire à sacrifier des structures qui offrent ce que l’enseignement secondaire n’est pas aujourd’hui en mesure d’apporter à ces élèves, à savoir un cadre exceptionnellement attentif à leurs besoins et qui leur permet d’apprendre autrement. La fermeture des SEGPA constituerait, de fait, une perte irréparable pour le collège d’aujourd’hui. À long terme, en revanche, lorsque des équipes pluridisciplinaires enseigneront une culture commune de la maternelle au collège – et à cette condition seulement ! –, la question de leur suppression pourra se poser.
En attendant, il convient d’adapter ces structures en tenant compte des limites du système actuel.
D’abord, l’orientation vers l’enseignement adapté devrait reposer sur des critères scolaires et donner lieu, chaque année, à un réexamen du dossier de l’élève pour faciliter les retours vers la voie ordinaire. Ensuite, cette orientation ne devrait pas être conditionnée au redoublement de l’élève en primaire, car le redoublement représente à la fois un coût pour l’éducation nationale et une souffrance pour l’enfant qui n’est pas défendable.
Parallèlement, la sixième de SEGPA devrait laisser la place, à titre expérimental dans un premier temps, à une « sixième mixte » permettant une scolarisation partielle en sixième ordinaire. Dans le même esprit, des groupes rassemblant plusieurs heures par semaine les élèves de la SEGPA et ceux du collège devraient être institués dans quelques disciplines, dont, à tout le moins, la technologie, l’éducation artistique et l’éducation physique et sportive. En outre, les échanges de service entre professeurs de SEGPA et de collège gagneraient à être développés pour inciter plus systématiquement les élèves de SEGPA à passer le brevet. De même, des liens plus étroits avec les lycées professionnels voisins permettraient de pousser les élèves des SEGPA, mais aussi ceux des EREA, à préparer le baccalauréat professionnel.
Le travail remarquable des personnels enseignants d’EREA et de SEGPA devrait être davantage valorisé. Il conviendrait notamment de permettre l’intégration des directeurs de ces structures dans le corps des personnels de direction, par le biais de listes d’aptitudes spécifiques, et de prévoir un grade de reclassement attractif.
Dans le même ordre d’idées, les EREA, en pointe en matière éducative et pédagogique, devraient devenir des établissements « supports » pour les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Pour cette raison, le maintien de ces établissements m’apparaît indispensable, même dans le cadre d’une école inclusive.
Ce travail m’a permis de découvrir un aspect méconnu de l’éducation nationale qui, à bien des égards, pourrait être une source d’inspiration pour la refondation pédagogique de l’école. Les SEGPA et les EREA ne sont que la pointe émergée d’un phénomène, celui de la grande difficulté scolaire, qui concerne plus de 10 % des élèves. Ce constat me conduit à formuler un vœu : les enseignants – pas seulement ceux des SEGPA et EREA – devraient tous apprendre à faire progresser des élèves différents ayant des besoins différents. Pour l’école républicaine, dont le principe d’inclusion est une des raisons d’être, pour la richesse et la qualité de la formation délivrée dans les ESPE – un des objectifs prioritaires de la refondation –, c’est un beau défi à relever !
M. le président Patrick Bloche. La parole est maintenant à Sophie Dion, qui a choisi, pour son avis sur les crédits de la recherche, une thématique originale : « Recherche et montagne ».
Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis pour les crédits de la recherche. J’ai en effet choisi, dans le cadre de l’examen du budget de la recherche, d’étudier un sujet qui l’est trop peu souvent : la montagne. Je ne pensais pas, du reste, que le Premier ministre confirmerait officiellement ce choix en proclamant, le 17 octobre 2014 : « La montagne est l’avenir de la France. » Avenir de la France, certainement, mais aussi incomparable laboratoire de recherche à ciel ouvert !
La montagne reste pourtant à la périphérie des sciences. Alors qu’elle couvre 29 % du territoire national, elle ne mobilise que peu de moyens de recherche : 100 millions d’euros par an seulement selon les estimations, ce qui ne paraît pas à la hauteur des enjeux.
Au plan environnemental et climatique, la montagne est un véritable laboratoire du changement global. Parce qu’elle constitue un écosystème très riche, c’est aussi un important réservoir de la biodiversité. Mais ce milieu riche est aussi un milieu fragile, plus sensible que la plaine, par exemple, au changement climatique : alors que la température du globe s’est élevée de 0,5 degré au cours du siècle dernier, celle des Alpes a crû de 1,5 degré. La montagne est donc un bon indicateur des conséquences du changement climatique. Elle concentre par ailleurs des ressources naturelles importantes, notamment en eau. Elle fournit aussi des ressources minières et pétrolières.
Il faut avoir à l’esprit tous les enjeux liés à l’anthropisation de ce milieu si particulier. Les risques naturels y sont plus prégnants qu’ailleurs, qu’il s’agisse des avalanches, des éboulements ou des crues. En tant que zone géologique active, la montagne fait l’objet d’une surveillance sismique particulière.
Elle est aussi le terrain privilégié de nombreuses activités sportives et de loisirs, donc d’enjeux relatifs à la santé et aux pathologies liées à l’altitude.
Si la montagne intéresse la médecine et la physiologie, elle intéresse également les sciences humaines et sociales. Développement du tourisme, changements intervenus dans les usages agricoles ou industriels, gestion des flux : toutes ces questions mobilisent les chercheurs en économie, en droit, en sociologie, en histoire ou en géographie.
À Grenoble, à Chambéry, à Toulouse, à Clermont-Ferrand, différents laboratoires d’écologie, de sciences de la terre et de sciences humaines et sociales conduisent des recherches passionnantes. Certains sont rattachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), d’autres appartiennent à de grands organismes de recherche comme l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) ou l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Certains ont même un statut associatif, comme le Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude ou, dans le domaine médical, l’Institut de formation et de recherche en médecine de montagne.
La recherche sur la montagne est relativement récente. Beaucoup de ces laboratoires sont nés dans les années 1990 et 2000. Les résultats sont néanmoins très prometteurs. Dans le domaine environnemental et écologique par exemple, on peut aujourd’hui modéliser les effets du changement climatique sur la végétation. Dans le domaine des risques, on comprend mieux les avalanches, et l’on peut limiter les chutes de blocs de pierre par une couverture forestière appropriée. Dans le domaine de la santé, on évalue mieux les effets de l’altitude et on combat mieux le mal aigu des montagnes.
Pour autant, la recherche sur la montagne a encore du mal à se fédérer. Il existe certes un laboratoire d’excellence (LABEX) qui regroupe des laboratoires de sciences humaines et sociales sur ce sujet, et un autre, dans le domaine des sciences de la vie et de la terre, qui se préoccupe en partie de ces questions. L’Alliance dans le domaine de la recherche environnementale, de son côté, réunit les principaux acteurs de la recherche en montagne, mais sous le seul aspect environnemental. Les sciences humaines et les sciences dures ne se parlent pas encore, ou trop peu.
Là plus qu’ailleurs, les financements sont difficiles à trouver. En effet, les projets de recherche sur la montagne prennent plus de temps que les autres, que ce soit en écologie, en géosciences ou en sciences humaines. Pour être valables, les recherches doivent accumuler de longues séries de données, ce qui peut s’avérer impossible dans le cadre de contrats de recherche de trois ou cinq ans.
La montagne manque également de visibilité en tant qu’objet de recherche, si bien que les chercheurs ont du mal à se positionner pour répondre à des appels à projets qui, dans la plupart des cas, sont généralistes. Comme le littoral, la montagne devrait faire l’objet d’un intérêt accru dans le cadre du financement sur projet.
Les contrats de recherche sont une bonne chose, dans la mesure où ils orientent la recherche vers des enjeux que les pouvoirs publics considèrent comme prioritaires. Mais le soutien de base est également important pour mener des recherches qui sont, à un instant donné, moins attractives. C’est pourquoi je crois qu’il est impératif à la fois de faire une place à la montagne dans les appels à projets et de permettre aux laboratoires de bénéficier de financements suffisants pour mener les recherches qu’ils estiment porteuses d’avenir.
M. le président Patrick Bloche. Notre troisième rapporteure pour avis à intervenir ce matin est Sandrine Doucet, pour les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante ; elle a porté son attention sur la rénovation des formations technologiques courtes dispensées par les sections de technicien supérieur et les instituts universitaires de technologie.
Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. J’ai en effet choisi de centrer mon rapport sur les sections de technicien supérieur (STS) et les instituts universitaires de technologie (IUT), qui sont directement concernés par une des mesures phares de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche : l’institution de quotas d’accès en faveur des bacheliers professionnels et technologiques.
Au-delà de la question des quotas, j’ai souhaité me pencher sur l’avenir de ces filières technologiques courtes, qui sont en quête de nouveaux équilibres.
Le fonctionnement et les résultats – en termes de diplomation et d’insertion professionnelle – des STS et les IUT sont l’une des grandes réussites de notre système d’enseignement supérieur. Ces filières ont su offrir une formation professionnalisée aux futurs cadres intermédiaires de nos entreprises et de nos services, tout en étant un vecteur d’ascension sociale pour de nombreux jeunes issus de milieux modestes. Elles sont en outre appréciées des PME car leurs cursus sont le fruit d’une co-construction entre les formateurs et les employeurs. Enfin, elles sont plébiscitées par les familles : l’encadrement qu’elles proposent à leurs étudiants assure une transition « en douceur » entre le lycée et l’enseignement supérieur.
Pourtant, force est de constater que les STS et les IUT traversent aujourd’hui une zone de turbulences que j’ai tenté de cartographier dans mon rapport en l’articulant autour de deux grandes problématiques : d’une part, la démocratisation de l’accès à ces filières sélectives et de la réussite au diplôme ; d’autre part, la cohérence entre les niveaux de qualification et les besoins en compétences des entreprises.
Commençons par l’enjeu de la démocratisation. Il suppose que l’on corrige les flux de bacheliers à l’entrée des STS et IUT car ceux-ci sont devenus un facteur d’iniquité. Le processus d’orientation et de sélection dans notre système éducatif étant dominé par le baccalauréat général et la série S, les titulaires de ce diplôme prennent dans les IUT des places aux bacheliers technologiques qui, de ce fait, s’orientent vers les STS au détriment des candidatures de bacheliers professionnels. C’est ainsi que de nombreux bacheliers professionnels s’orientent par défaut vers l’université, où leur taux de réussite en trois ans à la licence est de 3,1 % seulement. Cet échec est un gâchis humain d’autant plus inacceptable qu’il pénalise des jeunes issus de milieux peu favorisés : je rappelle que l’on compte chez les ouvriers trois fois plus de titulaires du baccalauréat professionnel que du baccalauréat général.
Le contrat social proposé à ces jeunes est donc faussé. C’est bien pourquoi nous avons adopté, l’année dernière, le dispositif des quotas. Mais je ne pense pas qu’il suffise d’ouvrir la porte des IUT et des STS à certains bacheliers pour démocratiser l’accès à ces filières : il faut aussi accompagner ces bacheliers vers la réussite.
Cette politique d’accompagnement devrait mobiliser – comme c’est d’ailleurs le cas dans certains IUT et STS – une large palette d’instruments : établissement de bilans de compétences en fin de premier semestre, institution de « modules passerelles » entre la terminale et la première ou les deux années de STS, politique d’orientation des bacheliers professionnels prenant en compte le fait que ceux-ci réussissent mieux lorsque leur lycée accueille aussi des STS, recours au tutorat et développement des parcours permettant d’obtenir le diplôme universitaire de technologie en deux ans et demi ou trois ans.
Parallèlement à ces mesures, l’accueil en STS et en IUT des bacheliers professionnels et technologiques qui sont en échec à l’université devrait être facilité par la mise en place de « rentrées décalées » ou de semestres d’adaptation.
Tout ceci demande des moyens, ce qui implique que les référentiels de formation des STS accordent une large place aux heures d’accompagnement des étudiants fragiles et que les IUT et les universités jouent sans arrière-pensées le jeu des contrats d’objectifs et de moyens prévus par la loi du 22 juillet 2013 et encadré par deux décrets adoptés l’été dernier.
J’en viens maintenant à la seconde problématique, celle de la cohérence entre formation et besoins des entreprises. Dans ce domaine, je dois avouer que les interrogations, voire les tensions à l’œuvre, sont très nombreuses.
J’évoquerai notamment les inquiétudes des entreprises et des formateurs concernant le positionnement du brevet de technicien supérieur (BTS) et du diplôme universitaire de technologie (DUT) ainsi que la qualité des baccalauréats rénovés.
Premièrement, nous constatons un « déport » des sorties de l’enseignement supérieur de bac + 2 vers bac + 3, c’est-à-dire du BTS ou du DUT vers la licence professionnelle ou au-delà, ce qui complique le recrutement par les PME des techniciens dont elles ont besoin. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a même parlé de « dévoiement » du DUT, qui est devenu un passeport pour la poursuite d’études pour 87 % de ses diplômés. Ce phénomène de grande ampleur a d’ailleurs conduit un de mes interlocuteurs à considérer que certaines spécialités d’IUT pourraient se transformer en classes préparatoires intégrées à l’université, une option vivement contestée par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Ces poursuites d’études ne sont pas étrangères au fait que les jeunes se détournent des métiers de l’industrie alors que toutes les études prospectives démontrent que celle-ci offrira, dans les dix prochaines années, de nombreux emplois qualifiés, souvent à forte composante numérique.
Deuxièmement, la qualité des nouveaux baccalauréats professionnels et technologiques, notamment celle du fameux baccalauréat « sciences et technologies de l’industrie et du développement durable » (STI2D), fait débat. Pour certains, le « bac pro » obtenu en trois ans a réduit l’employabilité de ses titulaires et ses modalités d’obtention relativement souples pourraient, du fait de l’afflux des bacheliers professionnels résultant des quotas, avoir des répercussions sur le niveau du BTS. En outre, le « fléchage » de ces bacheliers vers cette filière pourrait donner une forme de prépondérance aux apprentissages par le geste au détriment d’une approche un peu plus conceptuelle, ce qui entraînerait des pertes de compétences. Quant aux nouveaux « bacs techno », mes interlocuteurs ont été jusqu’à les qualifier de « bacs sans technologie ». Cette évolution suscite une certaine perplexité chez les responsables du réseau des IUT.
Troisièmement et dernièrement, nous sommes confrontés à un réel problème d’articulation des objectifs fixés par la nation concernant le pourcentage de bacheliers – 80 % d’une classe d’âge – et celui de diplômés de l’enseignement supérieur – 50 % d’une classe d’âge. Nous allons certainement atteindre les 80 % de bacheliers, mais uniquement grâce à la progression du nombre de bacheliers professionnels, et cette tendance ne nous aidera pas à accroître le niveau de qualification de la population. Tel est le constat de la Conférence des présidents d’université et du comité chargé de rédiger la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur. Ce dernier rappelle que France Stratégies a retenu comme objectif un taux de titulaires d’un diplôme de niveau bac + 5 égal à 21,5 % en 2020 et que la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs a identifié un besoin de formation de 13 000 diplômés supplémentaires par an.
Aussi la mobilisation autour des quotas de bacheliers professionnels ne doit-elle pas nous faire oublier qu’il est de notre intérêt d’accroître le nombre de bacheliers technologiques et généraux. Comme le suggère le Syndicat général de l’éducation nationale, affilié à la Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT), nous pourrions peut-être fixer des objectifs en termes de types de bacheliers formés et augmenter, à partir de là, la part des bacheliers généraux issus des milieux défavorisés, ce qui permettrait une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur long.
Mon travail, vous l’aurez compris, ne vise pas à proposer des recettes toutes faites : il établit une sorte de questionnaire qui appelle des réponses nuancées, loin de toute posture dogmatique. Le modèle de formation proposé par les IUT et les STS garde, certes, toute sa pertinence, mais il doit désormais concilier des exigences de plus en plus nombreuses. C’est sans doute l’occasion ou jamais de s’appuyer sur les acquis de ces deux réseaux pour réfléchir aux contours d’une filière universitaire technologique complète, qui irait du « post-bac » au doctorat et qui proposerait des parcours de formation plus souples afin d’accroître la mobilité sociale à tous les âges de la vie.
M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, mes chères collègues, pour le travail qui a permis l’élaboration de ces trois beaux rapports, et donne maintenant la parole aux représentants des groupes.
M. Émeric Bréhier. Je m’associe à ces remerciements.
Chacun des trois rapports traite, à sa manière, de la mise en application de textes que nous avons adoptés et donne la mesure du chemin qui reste à parcourir entre le vote de la loi et son application effective. Nous devons rester à cet égard extrêmement attentifs.
Vous mettez bien en lumière, madame Tolmont, le paradoxe qui existe entre des structures d’enseignement adapté qui résultent de la priorité donnée par l’éducation nationale à la lutte contre l’échec scolaire, et le principe d’inclusion que nous avons longuement discuté lors des débats sur la loi pour la refondation de l’école. Selon vous, à quel horizon peut-on raisonnablement envisager une disparition des SEGPA par intégration dans le dispositif global de l’éducation nationale ? Parallèlement, comment améliorer l’intégration des EREA dans le système éducatif général ?
J’espère que vous pardonnerez à un député de plaine de poser une question aussi triviale, madame Dion : dans les laboratoires dont vous soulignez la pertinence du projet de recherche, avez-vous relevé une évolution favorable des crédits pérennes, sachant que les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR), chère au cœur de notre collègue Patrick Hetzel, ont, eux, diminué ?
Au-delà d’un accès aux formations dont vous avez souligné les effets parfois paradoxaux, madame Doucet, comment faire pour que les étudiants de STS et d’IUT réussissent et pour que ces diplômes contribuent véritablement à l’ascenseur social ?
M. Xavier Breton. Je remercie également les trois rapporteures.
Je concentrerai mon intervention sur l’enseignement scolaire. Votre rapport, madame Tolmont, mérite d’être salué : souvent méconnues, les structures d’enseignement adapté accomplissent dans l’ombre un travail remarquable. Votre coup de projecteur est très opportun.
Je souscris également à votre approche pragmatique : le fonctionnement de ces structures, avez-vous démontré, contredit certes les principes réaffirmés du collège unique et de l’école inclusive, mais on ne peut ignorer le travail souvent remarquable réalisé par les SEGPA et les EREA, et l’impossibilité, pour le second degré, de scolariser dans de bonnes conditions des élèves qui se situent parfois, écrivez-vous, « au-delà de la grande difficulté scolaire et psychologique ». Votre rapport souligne bien l’intérêt de ces enseignements adaptés, qu’il s’agisse des effectifs réduits ou de la personnalisation de la réponse apportée à chaque élève selon sa situation.
J’ai relevé trois propositions particulièrement intéressantes : le développement des échanges avec les collégiens et enseignants hors SEGPA ; la remise en cause de la pertinence du critère du redoublement, lequel correspond à une interprétation étroite de la circulaire du 29 août 2006 et ignore les effets négatifs du redoublement ; la mise en place d’une évaluation permettant d’assurer un meilleur suivi des élèves.
Votre rapport relève que les effectifs des SEGPA ont baissé de 17 %, passant de 113 800 élèves en 2002 à 94 400 en 2013. Quelles sont les raisons de cette baisse, sachant que le taux d’encadrement n’a pas diminué dans la même période ?
Vous regrettez par ailleurs que les plateaux techniques des SEGPA soient peu modernes et peu diversifiés. Que proposez-vous à cet égard ?
Pour ce qui est de la trajectoire des élèves concernés, tout semble joué dès l’entrée en primaire, dites-vous. La scolarité du premier cycle ne permet pas de remédier à leurs difficultés. Dès lors, ne conviendrait-il pas de s’orienter vers un repérage précoce des difficultés dès l’école maternelle ? Bien que cette question soulève toujours de vifs débats et se heurte, sur certains bancs, à une opposition culturelle, le diagnostic que vous établissez nous conduit à la poser.
Enfin, vous indiquez avoir « parfois eu la tentation, sans doute provocatrice, de croire que la réussite des EREA tenait au fait que l’administration de l’éducation nationale s’en était désintéressée ». Est-ce un plaidoyer pour une plus grande autonomie des établissements ?
En tout cas, je vous remercie encore pour ce rapport. Là où vous voyez une contradiction, je vois plutôt une interrogation sur la manière de faire vivre et de décliner les principes du collège unique et de l’école inclusive.
Mme Barbara Pompili. Madame Tolmont, je tiens à vous remercier du travail d’investigation que vous avez conduit sur des secteurs souvent mal connus et pourtant, aujourd’hui encore, malheureusement nécessaires !
Alors que la loi pour la refondation de l’école promeut l’école inclusive et que la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées reconnaît le droit à la scolarisation aux élèves en situation de handicap, l’existence de structures adaptées comme les SEGPA ou les EREA n’est pas sans nous interpeller, tout en justifiant l’intérêt de votre rapport.
Si nous prônons l’école inclusive et l’adaptation du système aux besoins de chaque élève, incluant le parcours individualisé et l’accompagnement humain, nous constatons aujourd’hui que nous sommes encore loin d’atteindre cet idéal. Oui, l’existence même des SEGPA et des EREA est la preuve que l’école inclusive n’existe pas encore. C’est pourquoi quiconque prônerait leur disparition immédiate prendrait le risque d’aggraver les difficultés scolaires et sociales de nombreux élèves qui, ne sachant vers quelles structures se tourner, seraient très mal accueillis dans le milieu dit ordinaire.
Or, c’est précisément sur le milieu ordinaire qu’il convient d’agir pour le rendre capable, à terme, d’accueillir les élèves en grande difficulté. Il n’est pas acceptable que le système scolaire continue de reproduire et d’aggraver les inégalités sociales, alors qu’il devrait servir de tremplin à ces élèves. Nous ne pouvons plus accepter que les plus fragiles soient extraits du milieu ordinaire pour être placés dans des filières vues et vécues comme des voies de garage, où l’on essaie de les oublier en limitant au maximum les relations entre milieu adapté et milieu ordinaire – c’est un point que vous soulignez. C’est comme si ces deux mondes coexistaient sans se voir, puisque, même lorsqu’ils partagent le même site, ils ne partagent pas les mêmes locaux, ce qui interdit tout mélange ou tout échange entre les élèves et les professeurs de ces deux mondes, qu’il s’agisse des cours, des activités sportives et artistiques, des voyages scolaires, des dynamiques d’établissement, voire de la cantine – il y a fort heureusement quelques exceptions. Il est donc urgent d’agir pour pallier les défaillances de notre système, qui rejette une partie des jeunes.
La loi de refondation de l’école constitue une première étape, notamment parce qu’elle redonne la priorité au primaire – les professionnels de SEGPA le soulignent : il faut s’attaquer aux difficultés dès le primaire – et qu’elle restaure la formation des enseignants. Il faut toutefois aller plus loin. Devant les difficultés spécifiques rencontrées par certains élèves, nombre d’enseignants se sentent encore aujourd’hui trop démunis. Le manque de formation de l’ensemble des équipes pédagogiques à l’accueil des élèves en situation de handicap ou en grande difficulté étant une des racines du mal, il faut tout faire pour y remédier.
Il convient également d’assouplir le système, afin de permettre à chaque élève de bénéficier d’un suivi et d’un parcours individualisés. Il devrait être possible de mieux « circuler » à l’intérieur d’un cycle et de fonctionner par petits groupes et par projets. Il faut également augmenter les moyens humains pour accompagner chaque élève et mieux ouvrir l’établissement à son milieu.
Je tiens à insister sur la nécessité d’améliorer l’existant car, de l’avis même des professionnels travaillant en SEGPA, la suppression à court terme de ces structures relève de l’utopie. En attendant que l’inclusion en milieu ordinaire puisse devenir la norme, il convient d’améliorer le fonctionnement des SEGPA et des EREA pour leur permettre de répondre aux difficultés des élèves que ces structures accueillent.
Vos préconisations, madame la rapporteure pour avis, vont dans le bon sens puisqu’elles tendent à renforcer les liens entre le milieu ordinaire et le milieu adapté pour les élèves et les enseignants, à réviser les critères d’orientation, à supprimer la condition devenue absurde du redoublement, à systématiser le réexamen des situations des élèves scolarisés en milieu adapté, à accroître les sorties d’élèves vers la voie « ordinaire », notamment grâce aux liens créés lors du réexamen des situations, à revoir les missions des EREA en les intégrant à leur environnement scolaire, à mieux valoriser le travail des personnels et à mettre l’accent sur leur formation. J’espère que vos conclusions trouveront rapidement un écho favorable et concret.
M. Rudy Salles. La France se situe seulement au dix-huitième rang de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour la performance de ses élèves. Quant au rapport de la Cour des comptes « Gérer les enseignants autrement », rendu public le 22 mai 2013, il souligne que les résultats insatisfaisants de notre école ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants. Il était donc indispensable d’engager une réforme d’ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants : or cette réforme est totalement absente du projet de loi de finances.
Nous regrettons tout d’abord que ce texte ne réponde pas à la principale difficulté soulevée par la réforme des rythmes scolaires, à savoir l’absence de financement pérenne. Comptez sur nous pour le rappeler ! Le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires, reconduit à la rentrée 2015 au bénéfice des communes les plus fragiles, ne peut constituer une solution satisfaisante. L’inquiétude demeure particulièrement importante pour les collectivités territoriales qui doivent financer cette réforme, alors même que le gouvernement leur demande simultanément de contribuer à hauteur de 11 milliards d’euros aux 50 milliards d’euros d’économies annoncées.
L’UDI apportera par ailleurs une attention toute particulière à la lutte contre le décrochage et soutiendra le développement des expériences peu coûteuses, fondées sur la mise en confiance en soi et sur des jeux collectifs et individuels, menées de manière concluante par des associations comme Coup de Pouce Clé.
S’agissant des crédits de la recherche, notre groupe s’interroge sur les orientations prises, qui visent à faire participer la mission aux efforts partagés de rationalisation et d’économies. En matière de soutien à la recherche et à l’innovation, nous nous inquiétons notamment de la suppression du programme 410 qui porte sur la « Recherche dans le domaine de l’aéronautique », secteur d’excellence employant 320 000 personnes, qui continue de se développer en période de crise et représente le premier secteur d’exportation de notre économie. Nous déplorons également que les moyens alloués au programme 191 – « Recherche duale (civile et militaire) » –, qui vise à maximiser les retombées civiles de la recherche de la défense et à faire bénéficier la défense des avancées de la recherche civile, n’aient pas été amplifiés.
Nous regrettons enfin que la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne préfigure pas les grandes orientations soutenues par notre groupe. Nous défendons tout d’abord la création d’écosystèmes économiques permettant de rapprocher les universités et les centres de recherche des entreprises, et de lier le développement des infrastructures à celui des bassins économiques. Nous souhaitons également affirmer le rôle stratège de l’État en matière de recherche et d’innovation au service de la compétitivité, afin de soutenir massivement les entreprises dans ces secteurs d’excellence que sont l’aéronautique, la chimie, la santé, la transition écologique et le numérique. De plus, l’enjeu de l’enseignement supérieur ne saurait, pour notre groupe, se résumer au déploiement de moyens supplémentaires, alors qu’il convient surtout de créer des liens toujours plus forts entre l’université et le monde extérieur. Si le programme promeut la coordination étroite à l’échelle d’un territoire académique des établissements publics d’enseignement supérieur, il est en revanche plus flou s’agissant des partenariats, pourtant indispensables, avec le monde économique et social. Enfin, la suppression des bourses au mérite, pour une économie de 14 millions d’euros en 2015 et de 35 millions en 2017, signe l’arrêt de la logique de recherche de l’excellence. Or celle-ci doit être poursuivie par l’enseignement supérieur s’il veut assumer son rôle essentiel, qui est de former la ressource humaine, laquelle constitue la plus grande richesse de la nation.
Mme Marie-George Buffet. Je tiens à saluer, comme vous le soulignez dans votre rapport, madame Tolmont, l’augmentation significative du nombre des enfants en situation de handicaps scolarisés, une augmentation qui impose de poursuivre le travail sur le statut et le déroulement de carrière des auxiliaires de vie scolaire (AVS).
Vous souhaitez que tous les enfants puissent un jour bénéficier d’un parcours commun et partager le même socle, au sein d’une école de la réussite débutant dès la maternelle : on ne verrait plus alors d’enfants en grande difficulté contraints de redoubler leur cours préparatoire. Vous soulignez toutefois qu’il faut tenir compte de la réalité : nul ne sait, en effet, quand l’école aura les moyens d’accueillir tous les enfants. C’est pourquoi nous devons saluer le travail effectué dans les SEGPA et les EREA.
Votre rapport évoque différents problèmes, notamment l’insuffisance des personnels qualifiés et l’absence de pilotage et de soutien académiques des enseignements adaptés, tout en s’interrogeant sur l’inclusion raisonnée et la manière dont l’école doit s’ouvrir à l’enseignement adapté, notamment par des échanges permettant aux enfants scolarisés en SEGPA de sortir d’un parcours tubulaire. Enfin, vous pointez l’absence de retour vers la voie « ordinaire », qui pose la question du suivi du parcours scolaire de ces enfants.
Madame Doucet, dans votre rapport pour avis sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante, vous évoquez, dans le cadre du « Plan 40 000 », le fait que les CROUS soient sollicités pour 30 000 nouveaux logements étudiants : quelle est aujourd’hui la capacité de financement des CROUS ? Je suis par ailleurs étonnée des écarts existant, selon les académies, entre les loyers des chambres en cité universitaire. Il conviendrait de se pencher sur la question.
Vous évoquez également la rénovation des formations technologiques courtes. Certes, trop souvent, les jeunes ont l’impression d’être orientés vers les filières professionnelles parce qu’ils ne sont pas capables de suivre l’enseignement général. Toutefois, pourquoi semblez-vous hésiter sur la poursuite des élèves issus de la voie professionnelle au niveau universitaire ?
M. le président Patrick Bloche. Je souhaite rassurer M. Rudy Salles, ainsi que tous les membres de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. En effet, le Premier ministre vient d’annoncer, au Sénat, que le fonds d’amorçage, destiné à soutenir les communes dans l’aménagement des rythmes scolaires, sera maintenu l’année prochaine au même niveau que cette année. Cette bonne nouvelle nous conduira sans aucun doute à corriger, en séance publique, le projet de loi de finances pour 2015. Nous avions été nombreux, sur tous les bancs, à nous inquiéter : force est de constater que le gouvernement nous a entendus, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir collectivement. Notre mobilisation n’aura pas été vaine.
Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent poser des questions.
Mme Sophie Dessus. Mme Tolmont nous a alertés sur l’avenir des SEGPA, qui jouent un rôle important, notamment en milieu rural : je l’en remercie. Sans doute le principal défaut des SEGPA est-il le manque d’inclusion : toutefois, leur suppression aggraverait la situation des élèves concernés, ce qui arriverait s’ils étaient jetés dans le bain commun des classes de collège et ne bénéficiaient plus de l’enseignement spécifique que leur offrent des enseignements spécialisés. Leur suppression ne saurait être sérieusement envisagée tant que nous ne serons pas en mesure de les remplacer.
Madame Dion, c’est dans son intégralité que le secteur de la recherche m’inquiète. Le Président de la République avait choisi de rendre hommage à Pierre et Marie Curie le jour de son investiture, le 15 mai 2012. C’était un hommage appuyé rendu au génie français et un signal fort envoyé à tous nos savants et chercheurs.
Chacun sait que la recherche conditionne notre avenir. La France doit innover si elle veut rester à la pointe, apporter des réponses aux grands enjeux environnementaux et sanitaires et trouver les moyens de maintenir le financement de son modèle social.
Il convient de stimuler, d’un côté, la recherche privée des entreprises – le crédit impôt recherche s’y emploie – et, de l’autre, la recherche publique. Or celle-ci rencontre des difficultés. Permettez-moi de citer quelques titres récents de la presse : « Mal payés, mal équipés, mal considérés, les chercheurs dépriment » ; « Les chercheurs déprimés face aux suppressions de postes » ; « Jérôme, chercheur, dix ans d’études pour 1 800 euros nets » ; « Le Gouvernement reste ferme face aux chercheurs en colère ».
Tout élu sait qu’il ne faut pas se fier aux journaux. Toutefois, ces titres révèlent un grave problème. Quels sont les moyens alloués à la recherche, qui est une priorité ? Ne peut-on faire un geste pour les 30 000 chercheurs qui ne sont pas toujours payés à la hauteur de leurs mérites ? Comment les inciter à ne pas quitter la France ? Comment sortir de la précarité les 15 000 chercheurs qui enchaînent les CDD – l’INSERM a récemment perdu un contentieux contre l’un d’entre eux devant le tribunal administratif de Paris ? Comment assurer la simplification de la jungle administrative, où se perdent bon nombre de directeurs à la seule fin d’obtenir des crédits ? Quelle réponse apporter à la marche des chercheurs qui dure depuis plusieurs semaines ?
François Mitterrand avait organisé des États généraux de la recherche pour réfléchir à l’avenir de celle-ci. Nous devons trouver des solutions pour soutenir la recherche publique.
M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, le gouvernement souhaite inscrire la prorogation du financement de la réforme des rythmes scolaires dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 : c’est une avancée, assurément, mais quid de la pérennisation, qui est le terme clé ? Vous ne l’avez pas évoquée. Pour les communes, en effet, la dépense reviendra tous les ans. C’est pourquoi nous serons très attentifs à la question de la pérennisation du fonds d’amorçage.
Le budget accordé à la recherche par projets est en deçà du seuil critique – j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de l’examen des projets de budgets pour 2013 et 2014. Le PLF pour 2015 n’améliore en rien la situation.
Quant au volet enseignement supérieur de la mission, Mme Doucet évoque de manière succincte, page 10 de son rapport pour avis, la suppression des bourses au mérite, bourses qui, je tiens à le rappeler, ne concernaient que des boursiers sur critères sociaux. Pour utiliser la terminologie gouvernementale – j’ai horreur du clivage qu’elle instaure –, il ne s’agit donc pas d’« enfants de riches ». Une fois de plus, c’est un gouvernement de gauche qui porte un coup de canif au mérite républicain, ce que nous ne pouvons que regretter car celui-ci était un ciment.
Le budget présenté par le gouvernement manque de vision et de souffle. C’est dommage pour un secteur tel que l’enseignement supérieur et la recherche, qui relève assurément de l’immatériel mais doit être considéré comme un investissement. Or le dossier de presse du gouvernement souligne que « l’optimisation de la gestion financière du secteur de l’enseignement supérieur » devrait rendre possible une nouvelle « contribution au redressement des finances publiques à hauteur de 100 millions d’euros ». Cela signifie que le gouvernement met le secteur à la diète. Il existe donc un immense décalage entre l’affirmation du gouvernement selon laquelle ce secteur est sanctuarisé et les faits, à savoir sa mise à la diète qui ne sera pas sans poser aux établissements d’enseignement supérieur un problème financier d’autant plus grave que la montée en puissance, en année pleine, de l’ordre de 45 millions d’euros, du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) creusera encore leur situation. Il manquera au bas mot 150 millions d’euros au budget des établissements d’enseignement supérieur.
De plus, le texte est muet sur le nouveau modèle d’allocation des moyens, annoncé pour 2015 par Mme Fioraso : il devrait inclure la masse salariale. Or le gouvernement a gelé ce chantier pour 2015, ce qui ne fait que confirmer le décalage entre les paroles et les actes.
Mme Isabelle Attard. Le financement des universités inquiète le monde de la recherche : suppression d’options, accueil limité des étudiants, tirage au sort dans certaines filières, gel d’emplois sont autant d’exemples glanés dans les rapports d’activité des universités. Selon la conférence des présidents d’université, les universités manqueront en 2015 de 200 millions d’euros pour financer leurs dépenses obligatoires. Si les écologistes se réjouissent du traitement, plutôt favorable, réservé aux étudiants, leur inquiétude est grande en ce qui concerne les nouvelles embauches promises par le gouvernement : celles-ci ne serviraient qu’à combler le manque de personnels administratifs. Il conviendrait donc de rétablir la situation et de se fixer l’objectif d’atteindre 3 % du PIB pour la recherche d’ici à dix ans, ce qui impliquerait d’augmenter chaque année son budget d’un milliard d’euros : nous en sommes loin !
C’est l’ensemble du modèle d’allocation qu’il convient d’ailleurs de réformer. Madame Dion, si vous avez cent fois raison d’évoquer dans votre rapport pour avis la situation de la recherche dans les zones de montagne, votre analyse vaut pour l’ensemble de la recherche. Vous concluez en soulignant que « certains domaines de recherche, qui peuvent apparaître moins attractifs à un instant donné, doivent bénéficier de moyens de financement pérennes » : le groupe écologiste réclame depuis deux ans et demi des financements ne dépendant pas de l’Agence nationale de la recherche (ANR), pour permettre aux laboratoires de travailler. Vous ajoutez qu’« il importe d’assurer aux laboratoires des soutiens de base plus conséquents » : nous sommes totalement d’accord avec vous. Le développement du financement via l’ANR s’est effectué au détriment de la subvention publique aux organismes de recherche et à leurs équipes. En 2014, les résultats des derniers appels d’offres ont déçu : 8,5 % de succès sur 8 000 demandes.
Les appels à projet contribuent à mettre en concurrence les chercheurs et les organismes, ce qui entraîne un gaspillage de temps qui serait mieux employé à la recherche elle-même : c’est ce que soulignent tous les chercheurs et tous les enseignants, ingénieurs et techniciens qui manifestent actuellement, ainsi que les 700 directeurs d’unités qui menacent de recourir à une démission administrative, comme ils l’avaient déjà fait il y a quelques années. La situation actuelle est regrettable. Madame la rapporteure, pensez-vous, comme moi, que le nécessaire relèvement des financements permanents des équipes de recherche s’impose ?
Selon les écologistes, la meilleure piste pour trouver des financements est le crédit d’impôt recherche (CIR), qui n’a pas démontré, loin de là, son efficacité à stimuler les investissements privés de recherche, n’exerçant aucun effet de levier. Avant 2012, le Parti socialiste avait demandé l’organisation d’un débat public sur le sujet : or le CIR demeure intouchable, en dépit des fortes critiques dont il fait l’objet, de toutes parts, y compris de la Cour des comptes.
M. Hervé Féron. Comment concilier, madame Doucet, l’objectif, inscrit dans la stratégie de Lisbonne, d’atteindre 50 % de diplômés du supérieur, et, plus largement, celui de répondre aux besoins de notre économie en étudiants diplômés de haut niveau, avec la promotion du BTS ou du DUT, qui sont des filières courtes ?
Depuis la publication du décret du 20 août 2014 relatif aux obligations de service des personnels enseignants, les professeurs du secondaire se sont vu assigner une mission d’orientation à l’égard de leurs élèves, en sus de leurs obligations initiales. Or cette mission supplémentaire risque de se heurter au manque de moyens horaires. Comme vous le suggérez pour les professeurs des sections de techniciens supérieurs (STS) chargés d’accompagner les élèves en difficulté, ne pensez-vous pas nécessaire d’aménager des plages horaires spéciales pour les enseignants du secondaire afin de leur permettre de remplir ces nouvelles missions d’orientation sans alourdir leur charge de travail, qui est déjà importante ?
M. Claude Sturni. Madame Doucet, je suis très sensible à l’avenir des formations supérieures dites courtes, que vous évoquez dans votre rapport pour avis – je partage un grand nombre de vos remarques. Toutefois, ces formations risquent de se voir dévaloriser si elles ne tissent pas des liens étroits avec leur environnement économique, c’est-à-dire les employeurs potentiels. Un second risque de dévalorisation est constitué par l’inadéquation du contenu de la formation avec les attentes des acteurs économiques, c’est-à-dire, là aussi, des employeurs. Dans les régions frontalières – je pense naturellement à l’Alsace –, la maîtrise d’une langue étrangère peut décider de l’obtention d’un emploi à l’issue de la formation : cette maîtrise représente donc un enjeu capital. La région Alsace développe l’enseignement bilingue franco-allemand : c’est pourquoi les employeurs sont sensibles à la possibilité, offerte aux jeunes, de poursuivre cette formation dans l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse, du reste, de l’allemand ou de l’anglais, qui s’impose de plus en plus dans le monde économique.
Je voudrais également vous faire part d’un regret : votre rapport pour avis n’approfondit pas suffisamment la question de l’apprentissage, alors même que, dans le cadre des filières courtes, l’alternance de périodes en entreprise et de périodes en établissement d’enseignement me paraît particulièrement pertinente.
Enfin, votre insistance sur la proximité entre un jeune et l’équipe pédagogique qui l’encadre me laisse dubitatif. À mes yeux, la proximité qui compte pour un jeune est celle qui s’établit entre lui et les perspectives d’emploi et d’insertion sociale et professionnelle qui l’attendent à l’issue de son parcours de formation. Il serait important de rappeler que l’objectif principal de la formation est de trouver un emploi.
Mme Colette Langlade. Madame Tolmont, si, à l’entrée en SEGPA ou en EREA, le choix des filières paraît assuré, tel n’est pas le cas à la sortie. Vous soulignez que c’est le dialogue, lorsqu’il est établi de façon continue, qui permet de former l’avis des familles et des élèves sur le choix des parcours qualifiants. Il ne faut pas non plus oublier l’apport que représentent le professionnalisme des équipes d’enseignants, notamment en EREA, et leur connaissance des réseaux de proximité.
S’agissant des outils qui permettent d’assurer le suivi des élèves des EREA, qu’en est-il du cahier de tutorat et du dossier de suivi ? Est-il facile aujourd’hui d’obtenir des données précises sur l’insertion sociale des élèves à la sortie des établissements, qu’ils aient obtenu ou non un CAP, ou sur leur parcours vers de nouvelles qualifications ?
Mme Martine Martinel. Les rapporteures ont eu le mérite de se pencher sur des aspects méconnus de leur mission, qu’il s’agisse du parcours des élèves en grande difficulté, de la recherche en zone de montagne ou des filières techniques ou professionnelles, trop souvent dévalorisées.
Madame Tolmont, pouvez-vous revenir sur le nécessaire maintien de la classe de sixième en SEGPA, alors que la loi de refondation de l’école vise à la consolidation du cycle formé par le CM1, le CM2 et la sixième ? Quelles précisions pouvez-vous également nous apporter sur l’inclusion raisonnée de ces structures dans le paysage éducatif ? Sans remettre en cause le professionnalisme des équipes pédagogiques, comment rompre avec l’aspect « ghetto » de ces classes ?
Madame Doucet, contrairement à M. Sturni, le développement de la proximité entre les jeunes et leurs équipes pédagogiques au sein des filières courtes me paraît un point très intéressant : pourriez-vous apporter des précisions à ce sujet ?
M. Pascal Demarthe. Au collège, les SEGPA accueillent des élèves présentant des difficultés d’apprentissage graves et durables. Or la loi de refondation de l’école, adoptée en juillet 2013, a posé deux principes qui pourraient bousculer le fonctionnement des SEGPA : il s’agit de la volonté de mettre fin au redoublement, qui est une condition actuellement indispensable à l’orientation en SEGPA, et de la création du cycle commun école-collège, qui devrait logiquement impliquer le report de l’orientation à la fin de la classe de sixième.
Les difficultés rencontrées par certains élèves ont des causes exogènes qui doivent trouver des solutions ailleurs que dans le strict cadre scolaire. Or, l’école elle-même produit des situations d’échecs : c’est pourquoi il convient de faire évoluer le système de notation, les programmes et la formation. Le fait que la difficulté scolaire soit inhérente à l’apprentissage n’est ni une fatalité ni une maladie.
La présence d’enseignants spécialisés auprès des maîtres, au sein de leurs classes, qui sont le premier lieu de la différenciation pédagogique, est indispensable. La suppression massive, sous le précédent quinquennat, des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) a ainsi eu un effet très négatif.
Le rapport sur « Le traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire », remis par les inspecteurs généraux Jean-Pierre Delaubier et Gérard Saurat, insiste sur l’absence de réponse apportée par le collège à la situation des élèves en grande difficulté. LA SEGPA y est présentée comme un espace de réhabilitation des élèves les plus fragiles, car ils y travaillent dans un climat de confiance et de respect propice à la réussite. Toutefois, les améliorations qui sont préconisées se révèlent difficiles à réaliser : densifier la notion de réseaux entre SEGPA et lycée professionnel ; s’ouvrir davantage vers le collège grâce à des temps d’apprentissage partagés avec les autres collégiens ; proposer des parcours plus diversifiés ; prendre en compte le nouveau cycle CM1-CM2-6e.
Pourquoi ne pas poursuivre après l’école élémentaire le travail des RASED en s’appuyant sur le cycle école-collège ? Ne pourrait-on pas également faire évoluer le travail des enseignants spécialisés de SEGPA vers une collaboration plus étroite avec les enseignants de collège, en imaginant des inclusions plus systématiques dans des classes ordinaires et en s’appuyant sur des enseignants volontaires ? Ces dispositions auraient le double avantage de lever les inquiétudes et les réticences des parents qui perçoivent trop souvent l’orientation en SEGPA comme ségrégative et de faire évoluer la représentation parfois négative des élèves entre eux, voire des adultes.
La question de l’évolution des SEGPA méritera d’être débattue dans le cadre de la réforme du collège.
Par ailleurs, la création des unités localisées pour l’insertion scolaire (ULIS), qui ont toutes pour caractéristique d’avoir un nombre d’inscrits plus élevé que celui qui est préconisé, ne doit pas se faire aux dépens des SEGPA, qui conservent toute leur pertinence pour les élèves présentant des difficultés graves et persistantes, surtout lorsqu’ils sont porteurs de handicaps.
Pouvons-nous espérer voir l’avenir des SEGPA s’inscrire dans une véritable réflexion commune, ce qui est essentiel pour lutter avec efficacité contre le décrochage et l’échec scolaire ?
M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, vos différentes interventions ont bien illustré le travail de nos trois rapporteures. Je vous en remercie.
Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. Mme Buffet a eu raison de souligner que mon rapport pour avis jette la lumière sur la grande difficulté scolaire au travers de structures qui ne devraient pas se transformer en filières.
Je ne souhaite pas la suppression des SEGPA, mais je ne suis pas ministre de l’éducation nationale. Je me félicite évidemment que Mme Vallaud-Belkacem ait annoncé la semaine dernière, en commission élargie, de nouvelles dispositions pour le collège en janvier prochain. L’objectif du rapport pour avis était non pas de critiquer les structures adaptées et les personnels qui y travaillent mais de souligner que le collège unique, décidé en 1975, doit améliorer son mode de fonctionnement. Alors qu’il a permis l’intégration de tous les élèves en son sein, force est de constater qu’il est nécessaire en 2014 de travailler à sa refonte, notamment en ce qui concerne l’adaptation de sa pédagogie à l’hétérogénéité des élèves.
Il ne faut pas se voiler la face : les SEGPA sont victimes d’une image catastrophique. Quels parents rêvent, pour leurs enfants, d’une entrée en sixième SEGPA ? Ces structures sont d’ailleurs assez mal connues, d’autant qu’elles sont souvent situées à l’écart du collège. J’ai visité dans ma circonscription un collège flambant neuf : la section SEGPA était située derrière, dans des bâtiments très anciens. Cela n’enlève évidemment rien au souci de l’équipe pédagogique d’accompagner le mieux possible les élèves mais la différence de traitement sautait immédiatement aux yeux.
La baisse des effectifs en SEGPA tient en grande partie à cette mauvaise image : elle est surtout prononcée en sixième, alors même que l’entrée au collège est particulièrement difficile pour les élèves ayant rencontré de grosses difficultés à l’école primaire. Mais peut-être cette baisse a-t-elle aussi répondu à des objectifs économiques.
Monsieur Breton, ma remarque selon laquelle la réussite des EREA tenait au désintérêt que leur manifestait l’administration de l’éducation nationale était évidemment une provocation. Nous avons pu toutefois observer que les EREA, peu connus des décideurs publics, vivent à l’écart de l’éducation nationale. Les directeurs des EREA attendent d’ailleurs un cadrage actualisé de leur action puisque leurs établissements relèvent d’une circulaire de 1995 qui n’a jamais été révisée.
Madame Langlade, nous manquons de données sur l’évolution de l’insertion des élèves de SEGPA et des EREA. Mme Moisan, qui est à la tête de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), nous a toutefois livré des éléments précis recueillis sur un échantillon de 30 000 élèves entrés en sixième en 2007. Il est nécessaire d’améliorer encore le suivi de ces élèves.
Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis. Il peut sembler original de se focaliser sur la montagne, mais celle-ci constitue un objet de recherche à part entière, dont les spécialistes ont au demeurant les mêmes besoins et les mêmes difficultés que leurs homologues, dans les sciences « dures » comme dans les sciences « molles » : insuffisamment payés, ils souffrent d’un manque de reconnaissance qui contribue à la fuite des cerveaux, alors même qu’il est de notre responsabilité d’encourager les vocations parmi les jeunes.
La plupart des chercheurs se plaignent aussi du formalisme administratif des appels à projet : il conviendrait de l’alléger, car le travail qu’il implique n’est assurément pas le cœur de leur métier.
Parce qu’elle représente un investissement en faveur de notre jeunesse, cette priorité gouvernementale qu’est la recherche devrait même être exclue du périmètre des dépenses budgétaires ; qu’on le déplore ou non, elle est soumise, au niveau international, à des exigences de compétitivité qui justifieraient un certain nombre de règles spécifiques.
Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis. Vos questions, chers collègues, en témoignent, les étudiants en STS et en IUT méritent toute notre attention. Dans la filière STS, ils sont 37 % à être issus de milieux défavorisés et, dans les IUT, 43 % sont boursiers. Ils n’ont donc pas de temps à perdre dans leur cursus ; d’où l’importance, monsieur Bréhier, de l’encadrement. Afin de proposer la meilleure orientation aux lycéens, l’article 33 de la récente loi pour l’enseignement supérieur et la recherche a aussi fixé des quotas. Le projet de loi de finances pour 2015 institue, pour les bourses, un nouvel échelon dont bénéficieront plus de 77 000 étudiants ; ce sont ainsi, si l’on y ajoute les aides d’urgence, 453 millions d’euros supplémentaires qui seront alloués au bénéfice des étudiants dans les années à venir.
Grâce au « plan 40 000 », madame Buffet, 40 000 logements étudiants seront construits en cinq ans, soit 8 000 par an : c’est presque le double des programmes précédents.
S’agissant de l’accompagnement des élèves, monsieur Féron, des expériences ont été menées pour associer les lycées d’un côté, les IUT et les BTS de l’autre ; le budget de l’enseignement supérieur, en hausse cette année de 45 millions, contribuera à pérenniser ces expériences.
Les BTS et les IUT se heurtent d’ailleurs moins à la politique des quotas, désormais soumise à une étroite concertation entre les recteurs, les proviseurs et les présidents d’université, qu’au problème de l’accueil des nouveaux bacheliers issus des voies technologique et professionnelle, profondément réformées sous la précédente législature. En effet, ces derniers ont du mal à s’adapter aux exigences requises. Je rappelle, à cet égard, que le baccalauréat professionnel se prépare désormais en trois ans et non plus en quatre.
La réforme du baccalauréat technologique a également diminué le nombre de spécialités, et donc leur adéquation aux 88 options des IUT. La réussite passe, au-delà des quotas qui favorisent l’orientation, par l’accompagnement et le tutorat. On ne peut en effet se satisfaire d’une situation où seuls 3 % des bacheliers professionnels réussissent à l’université et où seuls 60 % des étudiants en STS obtiennent leur diplôme en deux ans.
Plusieurs autres opérateurs, madame Buffet, participent au logement étudiant : les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), les offices de HLM, mais aussi des opérateurs privés dans le cadre du plafonnement des loyers. Aux efforts consentis par ces trois opérateurs s’ajoute, depuis cette année, la généralisation de la caution locative étudiante, qui fut expérimentée en Aquitaine.
Sur les bourses au mérite, monsieur Hetzel, vous aurez tout loisir d’interroger la ministre vendredi matin. En tout cas, ce système portait le ferment de ses propres dysfonctionnements, puisque rien n’avait été prévu pour l’encadrer ; il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’inflation des mentions « bien » et « très bien » ait créé des difficultés financières. L’établissement de critères sociaux profitera donc d’abord aux intéressés.
La proximité des équipes éducatives, madame Martinel, est en effet appréciée par les étudiants : leurs représentants nous l’ont confirmé. Cela permet notamment aux nouveaux bacheliers technologiques de suivre des modules d’adaptation dans certaines matières, en particulier au sein des IUT où le brassage des étudiants issus des séries technologiques et des séries générales crée une dynamique qu’il faut préserver.
Comme l’indique mon rapport, page 18, monsieur Sturni, les apprentis représentent 23 % des diplômés en BTS et en IUT. Tous appellent de leurs vœux, bien entendu, le développement de ce mode de formation, gage de réussite dans le monde professionnel.
M. le président Patrick Bloche. Mesdames les rapporteures, mes chers collègues, je vous remercie.
À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2015 de la mission « Enseignement scolaire ».
M. le président Patrick Bloche. Avant de mettre aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2015, je donne la parole à Mme Barbara Pompili pour présenter son amendement AC8.
Mme Barbara Pompili. Cet amendement de crédits était destiné à retrouver des fonds pour pouvoir pérenniser, ou tout au moins prolonger d’un an, à la rentrée 2015, le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires. Malheureusement il n’a plus de sens dès lors que mon amendement à l’article 55 auquel il était couplé a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Il semble en effet que nous n’ayons pas le droit de créer des charges, même si nous transférons des crédits pour les financer.
J’ai bien entendu Mme la ministre tout à l’heure : sa porte reste ouverte pour trouver des solutions sur cette question du fonds d’amorçage. Les communes qui se sont engagées dans l’accompagnement des nouveaux rythmes scolaires vont utiliser l’expérience de l’année scolaire en cours pour améliorer le dispositif mis en place parfois rapidement. La réforme a donc besoin de temps et, pour cela, le fonds d’amorçage doit au minimum être prolongé, si ce n’est pérennisé.
En revanche, je suis d’accord avec Mme la ministre quand elle considère que le fonds d’amorçage ne doit pas bénéficier aux communes qui se sont contentées de mettre en place de simples garderies. Il convient donc de réfléchir à une pérennisation sous condition, par exemple de mise en place d’un projet éducatif de territoire (PEDT) – car ces projets se révèlent très vertueux pour l’organisation des nouveaux rythmes – ou d’organisation d’activités périscolaires gratuites.
C’était l’objet de mes deux autres amendements à l’article 55 mais, pour le moment, je les retire, monsieur le président, ainsi que mon amendement de crédits qui est devenu inopérant.
L’amendement AC8 est retiré.
M. le président Patrick Bloche. Je mets donc aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2015, avec l’avis favorable de la rapporteure, Mme Sylvie Tolmont.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « enseignement scolaire ».
Article 55 : Prorogation du fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires dans le 1er degré pour l’année scolaire 2015-2016
La commission est saisie d’un amendement AC3 de M. Xavier Breton, de suppression de l’article.
M. Xavier Breton. Naturellement, nous ne souhaitons pas supprimer la prorogation, même partielle, du fonds d’amorçage, mais notre amendement rétablissant la part forfaitaire du fonds à la rentrée 2015 n’étant pas recevable au titre de l’article 40, le présent amendement nous donne l’occasion de poursuivre le débat sur le sujet.
Nous ne partageons pas l’optimisme de Mme la ministre sur la mise en place de la réforme. Les maires font de leur mieux mais les systèmes mis en place sont très inégaux d’une commune à l’autre. En outre, nous n’avons pas eu de réponse à nos questions sur l’évaluation du dispositif actuel : il est donc important de marquer un temps d’arrêt pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
L’amendement AC3 est retiré.
Les amendements AC5 et AC7 de Mme Barbara Pompili sont retirés.
La commission donne ensuite un avis favorable à l’adoption sans modification de l’article 55.
ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
(par ordre chronologique)
Ø Audition commune – Associations de parents d’élèves :
– Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) – Mme Liliana Moyano, trésorière nationale, et Mme Élise Roinel, chargée de mission
– Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – Mme Valérie Marty, présidente et Mme Myriam Menez, secrétaire générale
Ø Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) Ministère de l’éducation nationale – Mme Hélène Ouanas, sous-directrice du socle commun de la personnalisation des parcours scolaires et de l’orientation, Mme Sandrine Lair, cheffe du bureau de la personnalisation des parcours scolaires et de la scolarisation des élèves handicapés, M. Erwan Coubrun, chef du bureau de la synthèse budgétaire, des études et du contrôle de gestion
Ø Syndicat national des enseignements de second degré-FSU (SNES-FSU) – Mme Valérie Sipahimalani, co-secrétaire générale adjointe, Mme Fabienne Bellin, secrétaire nationale politique scolaire, et M. Bruno Mer, secrétaire national du secteur collège
Ø Audition commune – Syndicats :
– Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) – Mme Claire Krepper, secrétaire nationale, M. Gilles Laurent, délégué national, et M. François Morton, expert
– Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN-UNSA) – Mme Corinne Laurent, membre du bureau national commission pédagogie et éducation, et M. Éric Krop, secrétaire national de la commission pédagogie et éducation
Ø Syndicat national des directeurs, instituteurs et professeurs des écoles de l’enseignement public (SNUDI-FO) – M. Norbert Trichard, secrétaire fédéral, M. Christophe Dioux, responsable Indépendance et direction FO, et M. Thierry Henique, responsable Syndicat national de l’enseignement technique et professionnel des PLP et des CPE, Action, Autonome FO (SNETAA-FO)
Ø Syndicat national des lycées et collèges (SNALC-FGAF) – M. Jean-Rémi Girard, secrétaire national, et Mme Anne-Marie Le Gallo Piteau, membre du bureau national *
Ø Comité de liaison des directeurs d’EREA – M. Didier Martineau, président, directeur de l’EREA de Montpellier, Mme Emmanuelle Boutet-Gelineau, vice-présidente du comité de liaison, directrice de l’EREA « Les portes du soleil » à Montélimar, et M. Edmond Peirotes, membre du conseil d’administration du comité de liaison, directeur de l’EREA « Alexandre Dumas » à Paris
Ø M. Didier Jouault, inspecteur général de l’éducation nationale
Ø Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU) – Mme Francette Popineau, secrétaire nationale, et M. Serge Bontoux, responsable du secteur ASH
Ø M. Jean-Pierre Delaubier, inspecteur général de l’éducation nationale
Ø Ministère de l’éducation nationale – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) – Mme Catherine Moisan, directrice
Ø Déplacement du 24 septembre 2014 à l’établissement régional d’enseignement adapté (EREA) Stendhal de Bonneuil-sur-Marne :
– Mme Christine Lemière, directrice
– M. Didier Bordin, chef de travaux
– M. Philippe Rota Biesdorf, coordonnateur de l’internat
– Mme Floriane Anglio, professeur des écoles
– M. Christian Fabre, professeur des écoles spécialisé
– Mme Marjorie Gaona, professeur de lycée professionnel en lettres histoire géographie
– M. Julien Tixier, professeur d’éducation physique et sportive
– Mme Élodie Voleau, professeur des écoles
Ø Visites et entretiens de la rapporteure pour avis dans le département de la Sarthe :
– 3 septembre 2014 : entretien avec M. Philippe Cariou, directeur de la SEGPA du collège Anjou de Sablé sur Sarthe, et visite de la structure ;
– 5 septembre 2014 : entretien avec M. Jacky Crépin, directeur académique des services de l’Education nationale de la Sarthe ;
– 18 septembre 2014 : entretien avec M. Matthias Schneider, conseiller aux employeurs au sein de Cap Emploi ;
– 26 septembre 2014 : entretien avec M. Patrick Duval, directeur de l’Établissement régional d’enseignement adapté (EREA) Raphaël Elizé de Changé, et visite de l’établissement.
* Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE SEGPA ET EREA DEPUIS LA RENTRÉE 2002
France métropolitaine + DOM y compris Mayotte (public et privé)
Rentrée scolaire |
Nombre d’EREA |
Nombre de SEGPA |
Ouvertures de SEGPA |
Fermetures de SEGPA |
Solde SEGPA |
2002 |
80 |
8 363 |
|||
2003 |
80 |
8 185 |
227 |
– 405 |
– 178 |
2004 |
80 |
8 018 |
195 |
– 362 |
– 167 |
2005 |
80 |
7 824 |
138 |
– 332 |
– 194 |
2006 |
80 |
7 696 |
155 |
– 283 |
– 128 |
2007 |
80 |
7 505 |
125 |
– 316 |
– 191 |
2008 |
80 |
7 338 |
119 |
– 286 |
– 167 |
2009 |
80 |
7 235 |
143 |
– 246 |
– 103 |
2010 |
80 |
6 912 |
103 |
– 426 |
– 323 |
2011 |
80 |
6 800 |
147 |
– 259 |
– 112 |
2012 |
80 |
6 716 |
154 |
– 238 |
– 84 |
2013 |
80 |
6 612 |
118 |
– 222 |
– 104 |
Source : Réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis.
ÉLÈVES ACCUEILLIS ENTRE 2002 ET 2013
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Nombre d’élèves SEGPA |
113 803 |
112 261 |
111 227 |
109 544 |
106 597 |
103 954 |
101 314 |
99 384 |
96 111 |
95 755 |
95 625 |
94 384 |
Nombre d’élèves EREA |
10 723 |
10 791 |
10 965 |
10 838 |
10 717 |
10 755 |
10 523 |
10 540 |
10 395 |
10 337 |
10 373 |
10 250 |
Source : Réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis.
SEGPA – RÉPARTITION DES ÉLÈVES PAR ÂGE ET PAR NIVEAU DE CLASSE
Niveau |
Âge |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
6e |
11 ans |
56 |
69 |
60 |
57 |
77 |
108 |
126 |
138 |
107 |
154 |
227 |
285 |
12 ans |
21 416 |
21 744 |
21 415 |
20 623 |
19 780 |
19 585 |
19 246 |
18 750 |
19 261 |
19 119 |
19 166 |
18 800 | |
13 ans ou + |
2 108 |
1 883 |
1 782 |
1 587 |
1 302 |
1 316 |
1 139 |
1 012 |
816 |
675 |
998 |
612 | |
Total |
23 580 |
23 696 |
23 257 |
22 267 |
21 159 |
21 009 |
20 511 |
19 900 |
20 184 |
19 948 |
20 391 |
19 697 | |
5e |
12 ans |
393 |
399 |
314 |
279 |
269 |
320 |
260 |
304 |
338 |
266 |
291 |
431 |
13 ans |
24 624 |
24 744 |
25 326 |
24 731 |
24 093 |
23 644 |
23 586 |
23 050 |
22 507 |
23 072 |
22 872 |
22 627 | |
14 ans ou + |
2 080 |
1 893 |
1 757 |
1 764 |
1 567 |
1 402 |
1 350 |
1 602 |
1 473 |
1 235 |
1 145 |
986 | |
Total |
27 097 |
27 036 |
27 397 |
26 774 |
25 929 |
25 366 |
25 196 |
24 946 |
24 318 |
24 573 |
24 308 |
24 044 | |
4e |
13 ans |
366 |
339 |
323 |
351 |
285 |
424 |
307 |
282 |
274 |
334 |
288 |
344 |
14 ans |
26 376 |
26 192 |
26 381 |
26 642 |
26 076 |
25 362 |
24 945 |
24 686 |
24 201 |
23 822 |
24 195 |
23 958 | |
15 ans ou + |
2 170 |
2 112 |
1 989 |
1 889 |
1 905 |
1 703 |
1 543 |
1 413 |
1 314 |
1 421 |
1 164 |
1 028 | |
Total |
28 912 |
28 643 |
28 693 |
28 882 |
28 266 |
27 307 |
26 795 |
26 381 |
25 789 |
25 577 |
25 647 |
25 330 | |
3e |
14 ans |
474 |
423 |
419 |
426 |
375 |
323 |
333 |
331 |
310 |
300 |
342 |
318 |
15 ans |
25 726 |
25 786 |
25 535 |
25 820 |
26 010 |
25 380 |
25 594 |
24 216 |
23 934 |
23 658 |
23 414 |
23 776 | |
16 ans ou + |
2 812 |
2 549 |
2 362 |
2 221 |
2 046 |
1 997 |
1 803 |
1 581 |
1 576 |
1 699 |
1 523 |
1 219 | |
Total |
29 012 |
28 758 |
28 316 |
28 467 |
28 431 |
27 700 |
26 730 |
26 128 |
25 820 |
25 657 |
25 279 |
25 313 | |
Total SEGPA |
108 601 |
108 133 |
107 663 |
106 930 |
103 785 |
101 382 |
99 232 |
97 365 |
96 111 |
95 755 |
95 625 |
94 384 |
Nota : Clef de répartition – élèves scolarisés en SEGPA, métropole et DOM y compris Mayotte – sans formation professionnelle (CAP SEGPA jusqu’en 2010).
Source : Réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis.
RÉPARTITION DES ÉLÈVES DE SEGPA SELON L’APPARTENANCE
DE LEUR ÉTABLISSEMENT À UN RÉSEAU DE L’ÉDUCATION PRIORITAIRE
Rentrée 2013 |
Rentrée 2014* | |||||||
Collège |
EREA |
Lycée pro. |
Ensemble |
Collège |
EREA |
Lycée pro. |
Ensemble | |
Hors éducation prioritaire |
61 343 |
3 571 |
143 |
65 057 |
59 578 |
3 471 |
130 |
63 179 |
En ECLAIR |
10 380 |
0 |
0 |
10 380 |
6 193 |
0 |
0 |
6 193 |
En RRS |
18 947 |
0 |
0 |
18 947 |
18 381 |
0 |
0 |
18 381 |
En REP + |
0 |
0 |
0 |
3 938 |
0 |
0 |
3 938 | |
TOTAL |
90 670 |
3 571 |
143 |
94 384 |
88 090 |
3 471 |
130 |
91 691 |
(*) Données provisoires. Nota : ECLAIR = école, collège, lycée pour l’ambition, l’innovation et la réussite, réseau regroupant jusqu’à la rentrée 2014 les établissements les plus difficiles ; RRS : réseau de réussite scolaire ; REP+ : réseaux qui regroupent à partir de 2014 les établissements le plus difficiles.
Source : Réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure pour avis.
NIVEAUX DE FORMATION LES PLUS REPRÉSENTÉS EN EREA
Formation |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
SEGPA |
54 % |
53 % |
55 % |
53 % |
52 % |
48 % |
47 % |
35 % |
34 % |
34 % |
35 % |
LP |
35 % |
36 % |
35 % |
37 % |
38 % |
41 % |
42 % |
54 % |
55 % |
56 % |
55 % |
Collège |
9 % |
9 % |
9 % |
9 % |
8 % |
8 % |
8 % |
8 % |
9 % |
8 % |
6 % |
ULIS |
0 % |
0 % |
0 % |
0 % |
0 % |
1 % |
1 % |
1 % |
1 % |
1 % |
2 % |
LGT |
2 % |
2 % |
1 % |
1 % |
2 % |
2 % |
2 % |
2 % |
1 % |
1 % |
2 % |
Total |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
Nota : LP = lycée professionnel, ULIS = unité localisée d’inclusion scolaire, LGT : lycée d’enseignement général et technologique.
Source : Réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis.