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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2015,
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
RECHERCHE
Par Mme Sophie DION,
Députée.
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Voir les numéros : 2234, 2260 (annexe n° 37).
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA RECHERCHE 7
1. La recherche universitaire préservée 9
2. La légère inflexion des crédits dédiés à la recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire 11
3. La reconduction des crédits de la recherche spatiale et de la recherche duale 14
C. DES ÉVOLUTIONS PLUS CONTRASTÉES POUR CERTAINS PROGRAMMES 15
1. Des moyens en baisse pour la plupart des opérateurs de la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables 15
2. Les crédits de la recherche économique et industrielle en diminution 16
3. L’augmentation bienvenue des crédits de la recherche culturelle et de la culture scientifique 18
4. Un soutien affirmé à la recherche agricole 19
D. LES PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE FRANÇAISE 19
1. Quel avenir pour l’emploi scientifique ? 19
2. Le soutien à la recherche privée par le crédit d’impôt recherche en voie de stabilisation ? 22
3. Le démarrage du deuxième programme d’investissements d’avenir 25
4. Horizon 2020, un défi européen à relever 26
II. LA MONTAGNE, UN OBJET DE RECHERCHE À RECONNAÎTRE 29
A. LA MONTAGNE, UN OBJET DE RECHERCHE TRANSDISCIPLINAIRE 29
1. Un objet difficile à saisir 29
2. La montagne, un nouveau « biome » 30
3. Des ressources naturelles importantes 31
4. Les enjeux liés à l’anthropisation de la montagne 31
B. UNE COMMUNAUTÉ DE CHERCHEURS À FÉDÉRER 32
1. La montagne, un objet de recherche à part entière 32
2. Des résultats d’ores et déjà prometteurs 35
3. Une recherche en voie de fédération 36
C. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DES MODES DE FINANCEMENT 38
1. Des projets de recherche qui nécessitent des financements de long terme 38
2. Le manque de visibilité de la recherche en montagne auprès des financeurs 38
3. La nécessité d’un soutien de base pour mener une recherche innovante 39
TRAVAUX DE LA COMMISSION 41
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 67
L’enjeu représenté par les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) est fondamental pour le développement de notre pays. Ces crédits consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur représentent en effet l’investissement qui conditionne son avenir. La lecture de ce budget doit prendre en compte ce caractère très particulier. Dès lors, augmenter le budget de la recherche ne revient pas à aggraver les déficits publics ; au contraire, de telles dépenses constituent des bénéfices, tant en termes de croissance que de perspectives pour l’ensemble des acteurs, jeunes, étudiants, enseignants et chercheurs.
À structure courante, les crédits alloués à la MIRES pour 2015 s’élèvent à 25,98 milliards d’euros en crédits de paiement, soit un recul de 20,9 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Les crédits consacrés à la seule recherche s’établissent cette année à 13,89 milliards d’euros, soit une baisse de 61 millions d’euros. Si la part de la recherche dans le budget de l’État, de 4,69 %, progresse légèrement pour retrouver le niveau atteint en 2013, cette hausse apparente n’est due qu’à la baisse, en valeur absolue, du budget général.
La stagnation des moyens dont est dotée la recherche dans le projet de loi de finances pour 2015 est préoccupante. La stabilité relative de la majeure partie des crédits doit, de plus, être nuancée. Si la recherche universitaire est préservée, dans ses grandes lignes, le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » – programme phare de la mission en matière de recherche, puisqu’il regroupe le financement de la plupart des grands organismes de recherche, généralistes ou spécialisés – connaît une baisse de ses dotations.
Plus inquiétant encore, la plupart des opérateurs du programme « Recherches dans le domaine de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » voient leurs moyens diminuer, ce qui semble pour le moins contradictoire avec les engagements très récemment pris par le Gouvernement en matière de la transition énergétique et de croissance verte, parallèlement, d’ailleurs, à une baisse des crédits de la recherche économique et industrielle. Les crédits de la recherche spatiale, encadrés par les accords internationaux auxquels la France est partie, et de la recherche duale sont simplement reconduits. Seules les recherches culturelle et agricole et la culture scientifique connaissent un redressement de leurs financements, les moyens en jeu étant, il est vrai, relativement modestes.
Dans de telles conditions de modération des moyens récurrents des laboratoires, le temps passé par les chercheurs à instruire les complexes dossiers de financement sur contrats ne peut qu’augmenter, au détriment de leur activité de recherche et au risque de décourager les mieux disposés qui, dans un contexte mondialisé, peuvent choisir de s’expatrier. Ces données budgétaires semblent peu propices à conforter une politique audacieuse en matière d’emploi scientifique, alors que nous sommes, dans ce domaine, à un tournant.
La recherche des entreprises dispose aujourd’hui d’un outil performant : le crédit d’impôt recherche. Cette dépense fiscale aux implications importantes semble se stabiliser et avoir trouvé un mode de fonctionnement donnant satisfaction à ses bénéficiaires, comme le soulignent les derniers rapports publiés sur l’évolution du dispositif, notamment pour l’insertion des doctorants dans le monde de l’entreprise.
D’ambition plus modeste que le premier, le deuxième programme d’investissements d’avenir est conçu comme devant s’articuler avec le programme européen de recherche et développement, « Horizon 2020 », et les deux stratégies nationales, de recherche et d’enseignement supérieur, prévues par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (1). Force est de constater que les moyens dont disposera la MIRES en 2015 ne permettent pas d’imaginer que ces deux stratégies, dont elle assure le principal financement, puissent traduire une dynamique à la hauteur des défis que les nouvelles générations vont avoir à affronter.
La partie thématique de ce rapport est consacrée à la montagne, thématique méconnue qui n’a, jusqu’à présent, jamais été abordée dans ce contexte. Définie par certains comme un nouveau « biome », elle dispose de ressources naturelles importantes et constitue un véritable laboratoire du changement global. Intrinsèquement pluridisciplinaire, la montagne intéresse toutes les disciplines scientifiques. Au-delà, la recherche sur la montagne est également emblématique des questions qui traversent aujourd’hui le monde de la recherche en général.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 76 % des réponses étaient parvenues. |
Les crédits dédiés à la recherche, au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), affichent une relative stabilité par rapport à 2014. En effet, les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de l’ensemble des programmes concourant à financer et soutenir la recherche diminuent de 0,6 % et 0,4 %, s’inscrivant dans un contexte de redressement des comptes publics.
L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA RECHERCHE ENTRE 2014 ET 2015
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme |
Crédits ouverts en LFI pour 2014 |
Crédits demandés pour 2015 |
Variation (en %) | |||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | |
150/ Formations supérieures et recherche universitaire (action 17) |
3 780,06 |
3 780,06 |
3 798,18 |
3 798,18 |
+ 0,48 |
+ 0,48 |
172/ Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
6 331,25 |
6 331,25 |
6 320,08 |
6 324,96 |
– 0,18 |
– 0,1 |
193/ Recherche spatiale |
1 429,11 |
1 429,11 |
1 434,5 |
1 434,5 |
+ 0,38 |
+ 0,38 |
190 / Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 380,72 |
1 390,72 |
1 396,27 |
1 404,27 |
+ 1,13 |
+ 0,97 |
192/ Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (actions 2 et 3) |
657,42 |
678,55 |
536,1 |
583,94 |
– 18,45 |
– 13,94 |
191/ Recherche duale |
192,07 |
192,07 |
192,07 |
192,07 |
0 |
0 |
186/ Recherche culturelle et culture scientifique |
112,64 |
114,54 |
117,3 |
117,14 |
+ 4,14 |
+ 2,27 |
142/ Enseignement supérieur et recherche agricole (action 2) |
35,89 |
35,89 |
36,31 |
36,31 |
+ 1,19 |
+ 1,19 |
Total |
13 919,17 |
13 952,2 |
13 830,83 |
13 891,37 |
– 0,63 |
- 0,44 |
Source : Projet annuel de performances de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » pour 2015.
Toutefois, eu égard à la croissance tendancielle des dépenses des universités et des organismes de recherche, et à la coupe budgétaire opérée l’an dernier – les crédits de paiement s’établissaient, en 2013, à 14 054,21 millions d’euros, contre 13 891,37 en 2015 –, c’est encore un effort conséquent qui est demandé à la recherche cette année.
Qui plus est, la stabilité du plafond des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (2) dans le projet de budget triennal pour les années 2014 à 2019 ne permet pas d’envisager une amélioration de la situation actuelle à court terme.
Ces évolutions portent atteinte à la politique conduite jusqu’en 2012, qui avait fait progresser de façon significative l’effort de recherche français depuis 2010. En effet, la part de la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) a atteint, pour l’année 2012, 2,23 % du produit intérieur brut (PIB). Sans atteindre l’objectif fixé au niveau européen de 3 %, la croissance de la DIRD, plus soutenue que celle du PIB, tendait à s’en rapprocher et plaçait la France au-dessus de la moyenne européenne. Cette progression était le produit d’une politique doublement volontariste, en direction de la recherche tant publique que privée, portée par la loi n° 2006-450 de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, qui prévoyait le développement d’une recherche sur projets portée par une Agence nationale de la recherche et un crédit d’impôt recherche simplifié, destiné à renforcer la recherche et l’innovation du secteur privé.
Comme l’indique le rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures annexé au PLF pour 2015, la DIRD devrait ralentir dès 2013 du fait d’une croissance plus faible des dépenses des entreprises. Il est donc pour le moins paradoxal de ralentir également l’effort public au moment où son rôle d’appui au développement de la recherche en France devient crucial.
Placées dans une perspective mondiale, les dépenses de recherche françaises pour 2015, si elles restent, en pourcentage, dans la moyenne européenne, seront donc bien loin de rattraper l’élan qu’elles reçoivent en Asie, en particulier en Corée, où elles représentent près de 4,4 % du PIB, mais aussi en Finlande ou aux États-Unis, où elles atteignent respectivement 3,5 et 2,8 % du PIB.
Parallèlement, le rapport précité constate que les dépenses de recherche vers l’étranger augmentent de 10,8 % en volume en 2012. Leur augmentation résulte de la croissance soutenue de l’externalisation des travaux de recherche et développement (R&D) des entreprises vers des entreprises étrangères, à laquelle s’ajoute une hausse des dépenses de l’État au titre du programme-cadre de recherche européen (PCRD) (3). Mais l’évolution des ressources en provenance de l’étranger connaît, quant à elle, un ralentissement particulièrement net pour les administrations. Le solde des flux des dépenses de recherche avec l’étranger, négatif depuis 2005, a donc tendance à se dégrader.
La stratégie nationale de recherche (SNR) prévue par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, parallèlement à la stratégie nationale d’enseignement supérieur, doit disposer des moyens d’un véritable renouveau. Comme le soulignaient récemment les dirigeants du comité pour la stratégie nationale de l’enseignement supérieur s’interrogeant sur les normes de calcul des déficits (4), « empêcher l’investissement dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche, au nom d’objectifs budgétaires immédiats, serait une erreur stratégique fondamentale (…) Stagner n’est pas une option. Dans un monde en mutation, cela reviendrait à reculer ».
Cette analyse est partagée par la rapporteure. Il convient de poursuivre l’élan donné par le premier programme d’investissements d’avenir en 2009, qui s’inscrivait dans la logique de la loi de programme de 2006, et de sortir du déclin préoccupant que traduisent les budgets stagnants de la recherche.
Les crédits alloués par le programme 150 relatif aux formations supérieures et à la recherche universitaire à ses opérateurs – les universités, les écoles d’ingénieur et les établissements assurant des missions d’enseignement supérieur et de recherche – pour leurs activités de recherche sont désormais regroupés au sein de l’action 17. Ainsi, les sept actions de recherche universitaire qui existaient sous la nomenclature précédente sont fusionnées en une seule action générique, déclinée en cinq alliances thématiques et un item dédié à la recherche interdisciplinaire et transversale.
Les alliances de recherche
Les alliances sont des structures légères regroupant autour d’un thème les principaux acteurs de la recherche – organismes, universités, écoles. Elles sont aujourd’hui au nombre de cinq :
– l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) qui regroupe notamment les centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU), le CNRS, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l’Institut Pasteur ;
– l’alliance des sciences et technologies du numérique (ALLISTENE), qui couvre l’ensemble des sciences et technologies de l’information et de la communication et regroupe notamment la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, l’Institut Télécom, le CNRS ainsi que la Conférence des présidents d’université (CPU) ;
– l’alliance nationale de coordination de recherche pour l’énergie (ANCRE), à laquelle participent le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l’IFP Énergies nouvelles, le CNRS et la CPU ;
– l’alliance nationale de recherche pour l’environnement (ALLENVI) fondée par douze membres dont le CNRS, le CEA, la CPU, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), Météo France et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) ;
– l’alliance des sciences humaines et sociales (ATHENA), qui réunit l’Institut national d’études démographiques (INED), le CNRS, la CPU et la Conférence des grandes écoles (CGE).
Les alliances ont vocation à renforcer la programmation de la recherche, en faisant le lien entre les orientations définies par le Gouvernement dans le cadre de la stratégie nationale de recherche et la recherche effectivement réalisée par les établissements. La réalisation de bilans formalisés des forces et faiblesses de la recherche dans leurs domaines respectifs, comme la signature d’accords-cadres avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour définir les programmes de l’Agence, ont permis à ces alliances d’investir le champ de la programmation de la recherche. Elles ont également vocation à contribuer à la compétitivité française en favorisant l’innovation, notamment par la signature d’accords stratégiques avec la filière industrielle. Enfin, les alliances participent à la construction de l’Espace européen de la recherche, à la définition des programmes de recherche européens et à la mise en œuvre de la stratégie française de coopération internationale dans le domaine de la recherche.
Les cinq alliances regroupaient, en 2013, 2 268 unités de recherche au sein desquelles travaillaient 63 058 chercheurs et enseignants-chercheurs, 20 168 autres personnels et 75 377 doctorants répartis entre 284 écoles doctorales.
Les crédits de l’action 17 s’élèvent, pour 2015, à 3 798,2 millions d’euros, soit une hausse de 0,5 % par rapport à 2014. Une subvention pour charges de service public de 3 637,3 millions d’euros en AE et en CP, qui financera principalement la masse salariale des opérateurs du programme, sera ventilée de la manière suivante dans la nomenclature retenue :
VENTILATION DES CRÉDITS DE L’ACTION « RECHERCHE » DU PROGRAMME 150
(en millions d’euros)
Crédits | |
AVIESAN |
911,1 |
ALLISTENE |
516,5 |
ANCRE |
787,8 |
ALLENVI |
205,5 |
ATHENA |
899,5 |
Recherche universitaire interdisciplinaire et transversale |
316,8 |
Source : Projet annuel de performances de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » pour 2015.
Aux crédits de l’action 17 doivent être ajoutés une partie de ceux de l’action 14 relative aux dépenses immobilières. En effet, dans le cadre des contrats de plan État-Régions, l’État a mobilisé 325 millions d’euros entre 2007 et 2014 pour la construction et la réhabilitation de laboratoires de recherche universitaire. Toutefois, le montant des crédits affectés à l’immobilier de la recherche universitaire pour 2015 ne seront connus qu’une fois les contrats de plan État-Régions pour la période 2015-2020 signés.
2. La légère inflexion des crédits dédiés à la recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire
Le programme 172 constitue sans aucun doute le programme consacré à la recherche le plus important de la MIRES. Son poids financier, tout d’abord, le place au premier rang des programmes budgétaires dédiés à la recherche, puisqu’il regroupe 45 % des crédits de la recherche. Son champ est en outre particulièrement vaste, puisqu’il réunit l’ensemble des organismes de recherche de toutes les disciplines, à l’exception du domaine spatial, le Centre national des études spatiales (CNES) étant financé par deux autres programmes (cf. infra). Notamment, la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources, qui faisait auparavant l’objet d’un programme propre, lui a été rattachée cette année. C’est également au programme 172 qu’est rattachée la dépense fiscale constituée par le crédit d’impôt recherche (CIR) (5). Ce programme a donc un rôle stratégique pour la recherche française, publique comme privée.
Ce programme comprend aujourd’hui onze actions :
– l’action 1, qui regroupe les crédits nécessaires au pilotage des activités de recherche par l’administration ministérielle ;
– l’action 2 relative aux crédits de fonctionnement et d’intervention de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ;
– l’action 11, qui finance la recherche interdisciplinaire et transversale du CNRS et du CEA ;
– l’action 12 relative à la diffusion, la valorisation et le transfert des connaissances et des technologies, qui contribue au fonctionnement des opérateurs du programme ;
– l’action 13, qui a pour objet de financer les grandes infrastructures de recherche des opérateurs du programme, comme la flotte océanographique française, le grand accélérateur national d’ions lourds ou encore le grand équipement national de calcul intensif ;
– l’action 14 relative aux moyens généraux et d’appui à la recherche ;
– les actions 15 à 19, qui regroupent les crédits dédiés à la recherche thématique : sciences de la vie et de la santé, sciences et techniques de l’information, énergie, environnement, sciences humaines et sociales.
Les crédits de ce programme, qui s’élèvent à 6 320,1 millions d’euros en AE et 6 325 millions d’euros en CP, affichent une légère inflexion par rapport à 2014. En effet, les AE et les CP diminuent respectivement de 0,2 % et 0,1 %. Cela se traduit par la diminution des crédits de la plupart des opérateurs du programme, comme le montre le tableau ci-contre.
Ainsi, le CNRS participe à hauteur de 4,2 millions d’euros au redressement des comptes publics, tandis que le BRGM voit sa subvention diminuer de 6,6 millions d’euros (6). L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), l’Institut national d’études démographiques (INED), l’Institut Paul-Émile Victor, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ou encore l’INSERM sont également touchés par ces diminutions.
Deux actions notamment supportent l’effort budgétaire : l’action 12, qui finance l’information scientifique et technique – acquisition de revues et d’archives, archivage, numérisation, etc. – à hauteur de 4,4 millions d’euros, et l’action 13 relative aux grandes infrastructures de recherche, à hauteur de 1,5 million d’euros, ce qui paraît particulièrement dommageable. En revanche, la subvention de l’ANR, stable en AE, augmente en CP de 4,88 millions d’euros.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DES OPÉRATEURS DU PROGRAMME 172
(en millions d’euros)
Opérateur |
Crédits demandés au titre du programme 172 |
Variation LFI 2014/PLF 2015 |
ANR |
610,03 |
+ 0,81 |
BRGM |
49,53 |
- 11 ,68 |
CEA |
514,6 |
+ 0,24 |
CIRAD |
130,53 |
- 0,05 |
CNRS |
2 596,24 |
- 0,16 |
Génopole |
3 |
0 |
IFREMER |
150,64 |
- 0,29 |
INED |
16,83 |
- 0,43 |
INRA |
676,2 |
+ 0,1 |
INRIA |
169,61 |
+ 0,3 |
INSERM |
619,23 |
- 0,11 |
IPEV |
22,64 |
- 2,56 |
IRD |
204,68 |
- 0,33 |
IRSTEA |
59,06 |
+ 0,18 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire.
Si les crédits de ce programme sont presque préservés en 2015, on peut cependant remarquer la légère augmentation des crédits de paiement de l’ANR qui vont à l’encontre des évolutions que cet opérateur a connues au cours des dernières années. En effet, comme l’a montré l’an passé le rapport pour avis de notre collègue Patrick Hetzel, l’ANR subit, depuis 2012, d’importantes coupes budgétaires. Rappelons en effet que les crédits prévus pour 2015 sont inférieurs à ce qu’ils étaient en 2006, année de lancement véritable de l’agence, et que la loi de programme pour la recherche de 2006 fixait un objectif de financement de l’ANR de 1,5 milliard d’euros à partir de 2010.
On pourrait se féliciter de ce que, cette année, le Gouvernement ait consenti à augmenter les ressources de cet organisme. En réalité, seuls les crédits de paiement de l’ANR augmentent, ce qui ne traduit pas une inflexion budgétaire réelle en sa faveur. Par ailleurs, c’est au détriment d’organismes de recherche comme le CNRS, l’IFREMER, l’INED ou encore l’INSERM que se fait l’accroissement, du reste très relatif, des crédits de paiement de l’ANR. Au total, l’évolution dessinée par le projet de loi de finances n’est pas suffisante pour rendre à l’ANR la place qu’elle mérite, en même temps qu’elle pénalise plus encore les laboratoires en leur ôtant des moyens de fonctionnement supplémentaires.
Ni maintien d’une réorientation des financements des laboratoires par le renforcement des crédits récurrents, ni reprise d’un développement de la recherche sur contrat, il apparaît que la loi de finances se contente, pour 2015, de parer au plus pressé, sans véritablement offrir de perspectives lisibles aux acteurs de la recherche.
● Le programme 193, relatif à la recherche spatiale, comprend sept actions, dont les trois premières portent sur les grands domaines d’utilisation des technologies et systèmes spatiaux : l’étude et l’exploration de l’univers, la physique fondamentale, les sciences de la vie et de la matière ; l’observation de la Terre par le biais de satellites d’observation optique, de satellites océanographiques et météorologiques ; les activités de télécommunication.
Deux autres actions concernent les lanceurs spatiaux et les technologies orbitales – station spatiale internationale, plateformes de mini et microsatellites, etc. Enfin, l’action 6 est consacrée aux moyens généraux de la recherche spatiale, tandis que l’action 7 retrace les crédits liés à la contribution de la France à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT).
À l’exception de cette dernière action, toutes les autres financent tant le Centre national des études spatiales (CNES), que l’Agence spatiale européenne (ESA). Au total, ce programme bénéficie de 1 434,5 millions d’euros de crédits en AE et CP, contre 1 429,1 en 2014, soit une augmentation de 0,4 %, entièrement imputable à la hausse de la contribution française à l’ESA.
La contribution française à l’ESA, la seconde agence spatiale après la NASA, s’établit à 816,8 millions d’euros. La France contribue également à hauteur de 42,6 millions d’euros au fonctionnement de l’EUMETSAT. Le CNES, seul opérateur du programme, bénéficie, au titre du programme 193, de 575,1 millions d’euros de subvention pour charges de service public, soit un montant identique à 2014.
● Les crédits dédiés à la recherche duale, qui concernent les activités de recherche dont les applications sont à la fois civiles et militaires, bénéficient de la même stabilité. En effet, les crédits du programme 191 font l’objet d’une exacte reconduction par rapport à 2014 et s’établissent ainsi à 192,1 millions d’euros pour 2015.
Le programme 191 finance les activités de recherche duale du CNES mais aussi du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dans le domaine des sciences du vivant, des sciences et techniques de l’information et de la communication, de l’aérospatial. Par exemple, en matière de sciences du vivant, les activités de recherche du CEA s’orienteront cette année vers la biologie de synthèse, en particulier la synthèse de molécules réactives aux matériaux énergétiques, comme les explosifs, ou la médecine personnalisée destinée aux combattants. Dans le domaine de l’aérospatial, c’est ainsi le programme européen Multinational space-based imaging system for surveillance (MUSIS), destiné à fournir une capacité multi-capteur d’observation de la Terre – radar, optique –, qui sera financé par le biais du CNES, qui a la charge de sa composante spatiale optique.
La stabilité globale des crédits de la recherche masque des évolutions plus contrastées entre les programmes, voire entre les actions d’un même programme. Ainsi, si les crédits dédiés à la recherche agricole comme à la recherche culturelle sont en augmentation, ceux affectés à la recherche économique et industrielle ou à la recherche énergétique connaissent des évolutions dommageables. De telles diminutions de crédits sont particulièrement regrettables compte-tenu du fait que ces deux programmes sont porteurs d’enjeux d’avenir.
1. Des moyens en baisse pour la plupart des opérateurs de la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
La recherche dans le domaine de l’énergie, des risques, des transports, de la construction et de l’aménagement, mais aussi de l’aéronautique civil, fait l’objet du programme 190, qui comprend six actions distinctes :
– l’action 10, relative à la recherche dans le domaine de l’énergie, notamment nucléaire : elle finance les activités de recherche du CEA et celle d’IFP Énergies nouvelles, organisme public de recherche qui œuvre dans le domaine de l’énergie, des transports et de l’environnement ;
– l’action 11 regroupe, quant à elle, les crédits de la recherche dans le domaine des risques industriels, notamment nucléaires, et finance les activités de recherche de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques ;
– l’action 12, relative à la recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l’aménagement, soutient les activités de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ;
– l’action 13 a pour but de favoriser la recherche dans le domaine du développement et de la mobilité durables, par le financement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail et le soutien à des projets de recherche sur des sujets émergents, comme la qualité de l’air, les perturbateurs endocriniens ou encore la gestion durable du littoral ;
– l’action 14 porte, quant à elle, sur l’aéronautique civil et le développement de technologies de rupture favorables au développement durable du transport aérien ; elle soutient ainsi une cinquantaine de projets de recherche industrielle chaque année – avions, hélicoptères, moteurs, etc. – et permet à l’État, sous forme d’avances remboursables, de participer aux programmes de développement aéronautique des entreprises du secteur ;
– enfin, l’action 15 a vocation à financer les opérations de démantèlement et d’assainissement des installations nucléaires à l’arrêt conduites par le CEA.
Les crédits de ce programme s’établissent, pour l’année 2015, à 1 396,3 millions d’euros en AE et 1 404,3 millions d’euros en CP, soit une progression respective de 1,13 % et 0,97 %. Toutefois, cette légère augmentation traduit une évolution contrastée entre, d’une part, les crédits de l’action 15 relative aux charges nucléaires de long terme du CEA et, d’autre part, celle des autres actions du programme.
En effet, l’action 15 du programme voit ses crédits augmenter de 60 millions d’euros pour assurer la couverture financière des charges nucléaires de long terme du CEA. Au total, ce sont 369 millions d’euros qui seront consacrés, en 2015, au démantèlement et à l’assainissement des installations nucléaires à l’arrêt.
À l’inverse, toutes les autres actions de ce programme connaissent d’importantes diminutions. Notamment, au sein de l’action 13, la dotation aux programmes incitatifs de recherche est supprimée, seuls des crédits de paiement, permettant d’honorer les engagements pris antérieurement, étant maintenus ; de la même façon, la dotation de 26,3 millions d’euros dont bénéficiait l’Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie est supprimée. Au total, les crédits de cette action accusent une diminution de 95 % en AE et de 74,6 % en CP.
De fait, la plupart des opérateurs de ce programme voient leurs crédits diminuer. La dotation de l’IFP Énergies nouvelles diminue à hauteur d’un million d’euros tandis que celle de l’IRSN connaît une baisse de 7,4 millions d’euros, qui doivent toutefois être compensés par l’augmentation des taxes qui lui sont affectées. La subvention du CSTB diminue également de 5,5 millions d’euros, et celle de l’IFSTTAR de 0,7 million d’euros.
Le programme 192 vise à améliorer la compétitivité des entreprises par le soutien apporté à la recherche, l’innovation et les transferts de technologie. Il comprend trois actions, dont deux seulement intéressent directement la recherche :
– l’action 2, relative au soutien et à la diffusion de l’innovation technologique ; elle vise à accroître les capacités d’innovation des petites et moyennes entreprises (PME) comme des entreprises de taille intermédiaire (ETI) en accompagnant leurs projets par l’entremise de Bpifrance Financement, en stimulant la diffusion des technologies de l’électronique par le biais du programme national CAP’TRONIC et en exonérant de cotisations sociales patronales les jeunes entreprises innovantes par le biais d’un dispositif participant pleinement à la compétitivité des entreprises ;
Le dispositif « Jeune entreprise innovante »
Depuis le 1er janvier 2004, les jeunes PME indépendantes, exerçant une activité nouvelle et consacrant plus de 15 % de leurs charges à des dépenses de recherche et développement bénéficient d’une exonération de cotisations sociales patronales pour les emplois des personnels de recherche et d’appui à la recherche. Depuis le 1er janvier 2014, le caractère incitatif du dispositif a été renforcé. Prolongé jusqu’au 31 décembre 2016, la dégressivité des exonérations à partir de la quatrième année introduite en 2011 a été supprimée, afin de ne pas pénaliser les entreprises dont le décollage serait plus lent. Par ailleurs, comme pour le crédit d’impôt recherche, le dispositif a été étendu aux personnels ayant une activité de conception de prototype ou d’installation pilote de produits nouveaux. En 2014, ce sont ainsi 2 775 entreprises qui ont bénéficié d’une exonération pour l’emploi de 12 700 salariés. Ces cotisations sont compensées par l’État à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Pour 2015, une dotation de 162 millions d’euros est prévue à ce titre.
Source : Projet annuel de performances de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » pour 2015.
– l’action 3, relative au soutien à la recherche industrielle stratégique, qui repose sur le Fonds de compétitivité des entreprises (FCE) et les 71 pôles de compétitivité rassemblant sur tout le territoire des entreprises, des unités de recherche et des centres de formation, dont les projets, lorsqu’ils sont retenus, sont financés par le Fonds unique interministériel (FUI).
Les crédits de ces actions, qui s’élèvent, pour 2015, à 536,1 millions d’euros en AE et 583,9 millions d’euros en CP, connaissent une baisse respective de 18,5 % et 13,9 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances pour 2014. Ainsi, les crédits dédiés à l’action n° 2 connaissent une diminution, en valeur absolue, de 10,8 millions d’euros en AE et CP, tandis que ceux de l’action 3 diminuent de 110,5 millions d’euros en AE et 83,8 millions d’euros en CP.
Cette diminution est principalement imputable, pour ce qui est de l’action 2, à la baisse de 11% de la dotation pour l’accompagnement financier et en conseil de Bpifrance Financement, banque publique d’investissement qui accompagne la croissance des entreprises et soutient leur compétitivité. Il a été fait le choix, pour 2015, de recentrer l’activité de Bpifrance Financement sur les aides individuelles aux PME et ETI innovantes, et de faire porter le soutien à l’innovation stratégique industrielle par un programme financé par les investissements d’avenir.
Quant à l’action 3, qui supporte la majeure partie de la diminution du programme, la dotation du Fonds de compétitivité des entreprises est en nette régression, puisqu’elle passe de 166,2 à 66 millions d’euros. Toutefois, cela résulte d’un changement de périmètre de ce fonds, notamment du financement du programme « Nano 2017 » dédié aux technologies de production des semi-conducteurs par les investissements d’avenir à partir de 2015. Un fonds de concours de 98,2 millions d’euros assurera une partie du financement de ce dispositif de soutien à la nanotechnologie.
Au total, en tenant compte de la création de ce fonds de concours, la diminution des crédits de l’action 3 est surtout portée par le Fonds unique interministériel, dont les crédits baissent de 10,3 millions d’euros. Même si deux appels à projet par an continueront d’être lancés, il est extrêmement dommageable de faire porter la réduction des déficits publics par les pôles de compétitivité.
Le programme 186, relatif à la recherche culturelle et à la culture scientifique, vise, d’une part, à promouvoir la diffusion de la culture scientifique et technique et, d’autre part, à soutenir l’effort de recherche du ministère de la culture et de la communication dans le domaine du patrimoine
– archéologie, histoire de l’art, restauration, etc. – et de la création – architecture, arts plastiques, spectacle vivant, etc.
Les crédits de ce programme connaissent une nette augmentation entre la loi de finances initiale pour 2014 et le projet de loi de finances pour 2015. En effet, les autorisations d’engagement, de 112,6 millions d’euros en 2014, s’établissent à 117,3 millions d’euros pour 2015, soit une croissance de 4,1 % ; les crédits de paiement, quant à eux, passent de 114,5 à 117,1 millions d’euros, soit une augmentation de 2,3 %.
Toutefois, cette évolution est exclusivement imputable aux moyens dédiés à la diffusion de la culture scientifique et technique, les crédits de l’action 1 relative à la recherche culturelle étant inchangés par rapport à 2014 et s’établissant à 8,8 millions d’euros en AE et CP. Les crédits de l’action 3 passent ainsi, entre 2014 et 2015, respectivement en AE et CP, de 103,9 et 105,8 millions d’euros à 108,5 et 108,4 millions d’euros.
La rapporteure se félicite tant de la préservation des crédits de la recherche culturelle, qui sont indispensables à la politique du patrimoine comme au processus de création artistique, que de l’augmentation des crédits alloués à Universcience. Cet établissement public issu du rapprochement, en 2010, du Palais de la Découverte et de la Cité des sciences, a pour mission d’offrir à tous les publics les clés pour comprendre les enjeux de la recherche scientifique, notamment par la production d’expositions et de ressources documentaires.
En 2015, Universcience bénéficiera d’une dotation en fonds propres de 10,7 millions d’euros en AE et de 10,6 millions d’euros en CP – contre 6,1 et 8 millions d’euros en 2014 – pour poursuivre les travaux d’aménagement des espaces intérieurs de la Cité des Sciences et de l’Industrie. Cette augmentation permettra de mettre rapidement en chantier les travaux urgents – sécurité, incendie, étanchéité, etc. – et d’entamer la modernisation de l’actuelle bibliothèque.
L’action 2 du programme 142, relative à la recherche, au développement et au transfert de technologies dans le domaine agricole, agroalimentaire, forestier et rural, est portée par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Les crédits de cette action connaissent une hausse de 1,2 % en 2015 et s’établissent ainsi à 36,3 millions d’euros. Ils assurent le financement de certaines activités de recherche de l’Institut national de recherche en sciences et techniques pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) et de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) (7), qui bénéficient respectivement de 22,2 millions – contre 21,8 millions d’euros en 2014 – et 1,7 million d’euros de subventions au titre de ce programme.
Ils permettent également de financer, à hauteur de 3,7 millions d’euros, la formation par la recherche des établissements publics d’enseignement supérieur agricole, mais aussi, pour 4,6 millions d’euros, des organismes agréés associant les instituts et centres techniques agricoles et agro-industriels avec des établissements de recherche ou d’enseignement agricole.
Près de dix ans après les États généraux de la recherche et huit ans après la loi de programme pour la recherche, alors que le budget pour 2015 de la recherche montre une inquiétante stagnation des moyens directement consacrés aux personnels de la recherche publique, il semble plus que jamais nécessaire de s’interroger sur les perspectives de l’emploi scientifique en France aujourd’hui.
Le système de formation français reste, malgré ses failles, performant. Il permet à beaucoup de poursuivre des études scientifiques, d’accéder aux écoles doctorales, d’envisager une thèse. Mais se pose la question de l’accès aux professions correspondant aux diplômes, aux qualifications, aux compétences et aux vocations qui traduisent ces études supérieures d’excellence.
Le nombre de doctorats délivrés a augmenté de manière continue depuis 2001-2002 pour atteindre 12 200 doctorats environ en 2011-2012, soit une hausse de 54 %. Cette hausse vient surtout du nombre de doctorats délivrés à des étrangers qui ont presque été multipliés par trois. En 2011-2012, les doctorats délivrés à des étrangers constituent ainsi 42 % des doctorats délivrés, contre 22 % en 2001-2002, ce qui traduit la reconnaissance de la qualité des formations proposées par notre système universitaire, mais aussi la légitime inquiétude des étudiants français sur l’apport incertain du doctorat pour leur insertion professionnelle en France.
Pour les jeunes docteurs, les débouchés professionnels s’inscrivent majoritairement dans le secteur de la recherche, publique ou privée. Une fois le doctorat obtenu, nombreux sont ceux qui effectuent un post-doctorat, en France ou à l’étranger, sur un projet de recherche avec un contrat à durée déterminée dépendant des financements alloués au projet.
La répartition entre les secteurs public et privé a évolué entre 1997 et 2012. Si l’accès à la recherche publique demeure majoritaire, le recrutement de docteurs par le secteur privé a nettement augmenté – il concerne 25 % des docteurs en 2012 contre 15 % en 1997 –, au détriment principalement du secteur privé hors recherche.
Dans un tel contexte, l’évolution des emplois de la recherche publique telle qu’elle est présentée dans le projet de loi de finances pour 2015 devient réellement préoccupante. Ainsi, les emplois sous plafond des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élèvent à 50 034 équivalent temps plein (ETP) contre 50 048 en 2014 soit une baisse de 14 ETP. Cette variation nette s’explique par le transfert de 3 ETP vers le programme 150, destinés à renforcer certains secteurs de l’administration centrale du ministère, et un redéploiement en interne du programme 172 au profit de l’Agence nationale de la recherche et de l’Académie des technologies, gagé par des suppressions dans les instituts.
ÉVOLUTION DE L’EMPLOI STATUTAIRE ENTRE 2014 ET 2015 POUR LES EPST
Tableau 1 : présentation des emplois sous plafond
EPST |
Mesures au PLF 2015 (ETP = ETPT) Créations, suppressions, transferts | |||
Total 2014 |
Mesures de transfert |
Mesures de périmètre |
Total 2015 | |
CNRS |
28 629 |
– 5 |
28 624 | |
INSERM |
6 245 |
– 3 |
6 242 | |
INRIA |
1 794 |
– 1 |
1 793 | |
INED |
208 |
208 | ||
INRA |
10 004 |
– 4 |
10 000 | |
IRSTEA |
1 047 |
1 047 | ||
IRD |
2 121 |
– 1 |
2 120 | |
Total |
50 048 |
0 |
– 14 |
50 034 |
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Tableau 2 : présentation des emplois globaux
EPST |
Emplois globaux | |||
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
Budgets primitifs votés (ETPT) |
Budgets primitifs votés (ETPT) |
Budgets initiaux votés (ETPT) |
PAP (ETPT sous plafond et hors plafond) | |
CNRS |
35 700,0 |
34 627,0 |
33 485 |
35 977 |
INSERM |
8 365,6 |
8 086,7 |
8 055 |
8 490 |
INRIA |
2 573,5 |
2 530,5 |
2 535 |
2 654 |
INED |
226,0 |
238,1 |
236 |
252 |
INRA |
10 138,0 |
9 909,1 |
9 875 |
11 146 |
IRSTEA |
1 299,7 |
1 299,7 |
1 282 |
1 291 |
IRD |
2 176,0 |
2 077,2 |
2 058 |
2 120 |
Total |
60 478,8 |
58 768,2 |
57 526 |
61 930 |
NB : pour les budgets primitifs votés pour 2012 et 2013, les emplois sont exprimés en ETPT (sous plafond et hors plafond) ; pour le PLF 2014 et le PAP 2014, les emplois sont exprimés en ETP, les effectifs hors plafonds reconduisent les budgets 2013.
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Certes, les emplois hors plafond, relevant des seuls opérateurs et correspondant à des emplois non permanents, progressent quant à eux pour passer de 7 478 à 11 896. Une telle situation ne saurait satisfaire, dans la mesure où ils ne donnent aucune assurance de pérennité, ni aux opérateurs, ni aux personnels concernés.
Pour les cinq établissements à caractère industriel et commercial subventionnés par le biais des programmes 172, 187 et 193 – CEA, CIRAD, IFREMER, BRGM et CNES –, le nombre des emplois proposé en 2015, de 18 079 équivalents temps plein, est le même qu’en 2014.
ÉVOLUTION DE L’EMPLOI STATUTAIRE ENTRE 2014 ET 2015 POUR LES EPIC
EPIC |
PAP 2014 |
PAP 2015 |
CEA |
11 630 |
11 630 |
CIRAD |
1 779 |
1 779 |
IFREMER |
1 332 |
1 332 |
BRGM |
921 |
921 |
CNES |
2 417 |
2 417 |
Total |
18 079 |
18 079 |
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Dans sa présentation du projet annuel de performance de la mission pour 2015, le ministère précise qu’« une attention toute particulière sera portée à l’emploi scientifique afin que, nonobstant l’effort de maîtrise budgétaire auquel ils doivent contribuer et une pyramide des âges moins favorable au renouvellement des chercheurs dans les années à venir, les organismes de recherche puissent maintenir un flux suffisant de recrutements de jeunes chercheurs. » Force est de constater que les éléments réellement programmés ne traduisent pas cette volonté.
Les effectifs de chercheurs et ingénieurs de recherche et développement dans le secteur privé étaient de près de 157 000 en 2012. Il convient de souligner qu’ils progressent de façon nette et régulière. Leur croissance était de 5,5 % entre 2011 et 2012, dernières données connues, même si, à l’image du secteur public, le nombre des autres personnels de soutien à la recherche diminue.
Si la France conserve un positionnement international élevé, elle le doit davantage au dynamisme passé qu’à une inflexion politique nouvelle. En nombre total de chercheurs en 2012, notre pays continuait d’occuper la cinquième place parmi les six pays les plus importants de l’OCDE et, au sein de l’Union européenne, la deuxième, derrière l’Allemagne mais devant le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie.
Rapporté à la population active, toujours en 2012, le nombre de chercheurs et ingénieurs de R&D en France, avec 9,1 pour mille actifs, nous place toujours derrière la Corée du Sud et le Japon, où il s’établit respectivement à 12,4 ‰ et 9,9 ‰, mais devant l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni, où il atteint respectivement 8,2 ‰, 8,1 ‰ et 7,9 ‰.
Un socle existe donc, qu’il convient de renforcer. Offrir de réelles perspectives de carrière dans la recherche tant publique que privée aux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur est une nécessité. L’accueil doit être à la hauteur de la démographie étudiante, au risque de décourager et de pousser à l’expatriation un nombre croissant de nos chercheurs. Le doctorat, loin d’être uniquement un exercice intellectuel, doit être valorisé par les entreprises, car il est un élément essentiel pour leur activité de recherche et développement. Dans le secteur public, la relance d’une politique de recrutement devrait également s’accompagner d’une revalorisation de la rémunération des jeunes diplômés et des chercheurs, notre pays se caractérisant, là aussi, par une inquiétant stagnation.
La principale dépense fiscale associée à la MIRES est, bien sûr, et de très loin, le crédit d’impôt recherche (CIR). Cette aide publique permet de soutenir l’effort des entreprises en matière de recherche et développement (R & D) c’est-à-dire en recherche fondamentale, en recherche appliquée et en développement expérimental, mais aussi en matière d’innovation, ce qui correspond aux dépenses de réalisation de prototypes ou aux installations pilotes de nouveaux produits. Il vise ainsi à améliorer l’environnement en R & D et en innovation des entreprises et l’attractivité du territoire français.
Bénéficient du CIR R & D toutes les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles, ainsi que les associations régies par la loi de 1901 et, pour le crédit d’impôt innovation, seulement les PME au sens communautaire. Les dépenses éligibles sont les dépenses relatives aux projets de R & D, les moyens humains et matériels affectés aux projets, les travaux de R & D sous-traités. Le CIR soutient aussi les brevets et leur défense, la veille technologique et la normalisation ainsi que les dépenses d’innovation, depuis 2013.
Le CIR est assis sur le volume des dépenses éligibles déclaré par les entreprises. Il est égal à 30 % des dépenses de R & D pour une première tranche jusqu’à 100 millions d’euros. Au-delà de ce seuil, le taux du crédit d’impôt passe à 5 % du montant des dépenses de R & D. L’assiette relative à la prise en compte de certaines dépenses d’innovation est plafonnée à 400 000 euros par an et le taux du crédit d’impôt est de 20 %.
Le dernier rapport publié sur le CIR par la Direction générale de la recherche et de l’innovation du ministère de la recherche, au mois de septembre dernier, porte sur le crédit d’impôt recherche en 2012. Dernier bilan connu d’un dispositif clé pour diffuser les activités de recherche dans le secteur privé, il souligne que, depuis 2008, le CIR est la première source de soutien public des dépenses de R&D des entreprises et son financement touche le plus grand nombre, en particulier les PME. Les nouveaux entrants, très nombreux depuis 2008, sont en effet des entreprises de moins de 250 salariés. En outre, son taux est d’autant plus faible que l’effectif du bénéficiaire est élevé : le CIR représente 32 % des dépenses éligibles pour les TPE et 24 % pour les entreprises de plus de 5 000 salariés.
La part du CIR bénéficiant aux secteurs manufacturiers est de 60 % et celle bénéficiant aux services de 38 %. Cette dernière connaît toutefois une augmentation due à l’entrée de nombreuses petites entreprises des secteurs de l’informatique et de l’ingénierie au cours des dernières années, parallèlement aux taux majorés dont bénéficient les nouveaux déclarants. L’industrie électrique et électronique, premier secteur déclarant, est bénéficiaire pour 843 millions d’euros de CIR, suivi du secteur du conseil et de l’assistance en informatique pour 633 millions d’euros, les services d’architecture et d’ingénierie pour 530 millions d’euros, le secteur de la pharmacie pour 476 millions d’euros et l’industrie automobile pour 344 millions d’euros.
Près de la moitié des dépenses financées par le CIR correspondent à des salaires. L’augmentation des dépenses de recherche et développement déclarées correspondent ainsi à l’accroissement continu des effectifs employés dans la recherche en entreprises depuis une dizaine d’années relevé précédemment. Entre 2007 et 2012, le nombre d’entreprises déclarant des dépenses relatives à l’embauche de jeunes docteurs a ainsi été multiplié par trois pour atteindre 1 305 jeunes docteurs, correspondant à un crédit d’impôt de 90 millions d’euros. Environ 3 000 entreprises ont par ailleurs déclaré un total de 449 millions d’euros de recherche contractuelle avec des institutions publiques de recherche pour un CIR correspondant de 268 millions d’euros, ce qui représente une multiplication par 2,7 du financement de la recherche contractuelle par le CIR depuis 2007, où elle n’était que de 99 millions d’euros.
Année* |
Nombre de déclarants |
Montant du CIR |
2004 |
5 833 |
428 |
2005 |
6 287 |
885 |
2006 |
7 539 |
992 |
2007 |
8 261 |
1 533 |
2008 |
9 886 |
1 802 |
2009 |
14 012 |
4 452 |
2010 |
17 193 |
4 880 |
2011 |
19 214 |
5 250 |
2012 |
20 807 |
5 210 |
2013 |
20 441 |
5 333 |
(*) Au titre de l’année N – 1.
Note : ces données sont provisoires. Pour une année n, les données du CIR sont définitives en décembre n + 3 car les entreprises ont trois ans pour déposer des déclarations rétroactives. Les données 2012 étant les plus récentes, elles subiront plus de modifications que celles de 2010 et 2011. Les données 2012 définitives devraient donc être plus élevées que 2011, contrairement à ce qu’indiquent ces données provisoires.
Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, données actualisées en juin 2014.
Entre 2008 et 2012, le nombre d’entreprises déclarantes a ainsi augmenté de 52 %, dépassant 20 400 en 2012, pour un montant de dépenses de R & D déclarées de 19,2 milliards d’euros, générant un crédit d’impôt de 5,3 milliards d’euros.
Le projet de loi de finances pour 2015 évalue la dépense fiscale représentée par le CIR pour 2015 – qu’il convient de distinguer de la créance pour une même année telle qu’elle est présentée dans le tableau ci-contre, celle-ci cumulant les droits acquis antérieurement et présentant donc un montant nettement supérieur – sur la seule base des mesures votées antérieurement, à 5,34 milliards d’euros après une estimation de 5,55 milliards d’euros pour l’année 2014, soit une légère baisse.
Il convient de mettre en regard ce montant avec les 14 milliards d’euros de financements directs de la recherche publique sur le budget de la mission. Il est dès lors essentiel que l’articulation entre les deux versants de la recherche en France soit optimale et que les pratiques d’optimisation fiscale liées en particulier à la sous-traitance soient évitées.
La dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE) s’élevait à 1,44 % du PIB en 2012. Elle n’était que de 1,27 % du PIB en 2007 et n’a cessé de progresser depuis. Le rapport entre la DIRDE par rapport au PIB avait atteint son précédent maximum en 1993, avec 1,42 % du PIB pour décroître depuis. Corrigée de l’évolution des prix, la DIRDE a progressé de 2,8 % en 2010. Le CIR répond donc bien à son objectif. Pour autant, il suppose une recherche publique forte avec des financements renforcés, afin qu’un versant de la recherche ne se substitue pas à l’autre, et que le CIR constitue bien un levier tendant à développer l’ensemble des activités de recherche et leur valorisation, tant publiques que privées, en France et donc les emplois qui en dépendent.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2014, 5,3 milliards d’euros issus du deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA 2) ont été affectés à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». La part des crédits dédiés à la recherche est toutefois inférieure à ce montant. En effet, le programme 409 « Écosystèmes d’excellence » a par exemple vocation à financer l’émergence de nouveaux campus universitaires à rayonnement international par le biais d’une dotation non consommable (8) de 3,1 milliards d’euros. Si l’on retient l’hypothèse formulée par la Cour des comptes à propos des initiatives d’excellence (IDEX) du PIA 1 (9), alors seuls 50 % de ces crédits seront effectivement dédiés à la recherche, la partie restante finançant l’enseignement supérieur. À l’inverse, d’autres crédits a priori fléchés en direction de la recherche, comme ceux de l’action « Recherche hospitalo-universitaire en santé » ou les équipements d’excellence (EQUIPEX), participeront en réalité au financement d’actions de soins ou d’enseignement supérieur. Au total, il est difficile d’estimer quelle part reviendra effectivement à la recherche au sein du PIA 2.
Le deuxième programme d’investissement d’avenir (PIA 2)
Le programme 409 qui réunissait les crédits dédiés aux « Écosystèmes d’excellence » comprenaient cinq actions :
– les équipements d’excellence (EQUIPEX), dotés de 365 millions d’euros, dont 165 millions de dotation non consommable, ont vocation à renforcer l’acquisition d’équipements et d’instruments de recherche par les laboratoires ;
– les initiatives d’excellence (IDEX), qui bénéficient de 3,1 milliards d’euros en dotation non consommable, doivent favoriser la constitution de pôle d’enseignement supérieur et de recherche d’excellence ;
– l’action « Technologies-clés génériques », dotée de 150 millions d’euros, vise à renforcer le dispositif national de recherche à finalité industrielle ;
– l’action « Espaces, lanceurs, satellites », qui bénéficie de 50 millions d’euros, doit permettre de rallonger la coiffe d’Ariane 5, pour permettre le transport de satellites plus volumineux, et de développer les plateformes à propulsion électrique pour les satellites ;
– l’action « Recherche hospitalo-universitaire en santé », dotée de 400 millions d’euros, doit permettre de financer des projets de recherche ayant un fort potentiel de transfert vers l’industrie ou la société ;
– l’action « Calcul intensif », qui bénéficie de 50 millions d’euros, doit assurer le développement de supercalculateurs.
Enfin, une dotation de 1,2 milliard d’euros a été votée l’an dernier pour le financement du programme 410 relatif aux démonstrateurs technologiques aéronautiques. Elle doit permettre le développement de nouveaux aéronefs.
Les crédits votés dans le cadre de la loi de finances pour 2014 doivent être transférés avant la fin de l’année 2014 de la MIRES aux opérateurs chargés de la mise en œuvre du PIA 2 dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche : l’ANR, le CEA, le CNES et l’Office national d’études et de recherches aérospatiales. Deux conventions ont d’ores et déjà été signées avec l’ANR, pour le volet « IDEX », et le CNES, pour l’action « Espace », en juin dernier, qui ont permis le transfert de 3,1 milliards d’euros de dotation non consommable à l’ANR et 50 millions d’euros de dotation consommable au CNES. Les premiers appels à projet de l’action « IDEX » devraient ainsi être lancés en 2015.
Le bilan du 7e programme-cadre européen de recherche et de développement technologique (PCRD) a été, pour la France, plutôt décevant, notamment à partir de 2011. En effet, par rapport au 6e PCRD, l’implication des équipes françaises a montré un certain repli et s’établit, pour le 7e PCRD qui vient de s’achever, à 11,4 % du montant des contributions (10), derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni. La participation des équipes françaises, démobilisées, est ainsi inférieure à ce que les capacités de recherche de la France pourraient permettre. Ainsi, la France se place en 5e position seulement en termes de participation aux appels à projet. Le faible taux de projets coordonnés par la France, de 10,5 % en moyenne sur la période, fait également craindre une sortie durable du circuit européen de financement de la recherche.
Cependant, le taux de succès des équipes françaises, quand elles participent, est significativement plus élevé que la moyenne, puisqu’il est de 24,4 %, contre 20 % pour l’ensemble des pays participant au PCRD. Par ailleurs, la France connaît une réussite plus marquée dans certains secteurs comme l’aérospatial, le nucléaire, les transports et les infrastructures, où la part des contributions financières revenant à des équipes françaises s’établit respectivement à 22,5 %, 20,3 %, 15,6 % et 13,3 %. De la même façon, les équipes françaises sont relativement bien placées dans les appels à projet du Conseil européen de la recherche (ECR), premier organisme européen de financement de la recherche exploratoire, dont le fonctionnement se rapproche de celui de l’ANR.
Un nouveau programme-cadre, « Horizon 2020 », couvre la période 2014-2020. Doté d’un budget de 77 milliards d’euros, contre 50 milliards d’euros pour le 7e PCRD, il consacre une nouvelle vision de la politique européenne de recherche, couvrant l’ensemble de la chaîne de l’innovation. Ainsi, en moyenne, les projets financés seront à un stade plus proche de la mise sur le marché et les PME bénéficieront de financements plus élevés. Pour compenser ce recentrage sur l’innovation et continuer à soutenir la recherche fondamentale et exploratoire, le budget de Conseil européen de la recherche est porté à 13,1 milliards d’euros, tandis que les infrastructures de recherche bénéficieront de 2,5 milliards d’euros sur la période.
Le nouveau programme-cadre, plus lisible, est organisé autour de trois priorités qui concentrent l’essentiel des financements : l’excellence scientifique, qui doit garantir à long terme des recherches de classe mondiale ; la primauté industrielle, qui a pour but de réaliser des investissements ciblés sur des technologies industrielles clés pour la compétitivité européenne et d’aider les PME européennes innovantes ; les défis sociétaux auxquels l’Europe est confrontée
– santé, sécurité alimentaire, agriculture et sylvicultures durables, énergies sûres, climat et environnement, utilisation durable des ressources, sécurité des citoyens.
L’enjeu, dans le cadre du programme-cadre « Horizon 2020 », est de bénéficier de davantage de financements européens, en augmentant la participation des équipes françaises, sans pour autant sacrifier leur taux de succès. La simplification des conditions de participation au programme-cadre devrait favoriser de façon significative la mobilisation des équipes françaises. En effet, les mêmes règles de participation s’appliqueront, sauf exception, à l’ensemble des projets et initiatives du programme-cadre. Par ailleurs, le remboursement des coûts sera également largement simplifié et le délai entre la clôture de l’appel et la signature du contrat ne pourra plus excéder huit mois.
Cette réforme, si elle est bien relayée auprès des équipes françaises par le ministère en charge de la recherche, a toutes les chances de porter ses fruits. Le ministère a d’ailleurs organisé un ensemble d’opérations visant à préparer la communauté scientifique au nouveau programme-cadre : mise en place d’un réseau de points de contact nationaux (PCN) et d’un site internet pour relayer l’information disponible sur les appels à projet ; sessions de formation et campagne de communication ; valorisation de la participation aux projets européens par le biais de la création du trophée des « Étoiles de l’Europe ».
Il convient toutefois de s’interroger sur l’adéquation des moyens mis en œuvre pour aider les chercheurs français à accéder aux financements européens avec les enjeux financiers portés par ce programme-cadre. Une aide appuyée à certaines disciplines en retrait – alimentation, agriculture, industrie, sciences humaines et sociales, nouvelles technologies de l’information et de la communication, nanosciences, etc. – comme à la coordination de programmes permettrait à la France d’améliorer sa participation au programme-cadre « Horizon 2020 ».
Alors qu’elle couvre 29 % du territoire national, la montagne est aujourd’hui à la périphérie des sciences. Rarement étudiée en tant que telle, la montagne fournit pourtant d’importants services écosystémiques – comme l’eau, le bois, l’agriculture et l’élevage – à la population. Elle est depuis longtemps le lieu d’expériences et de réalisations industrielles et énergétiques majeures en même temps qu’elle constitue un objet privilégié de coopération transfrontalière entre chercheurs. C’est pourquoi la montagne doit devenir un objet de recherche à part entière, reconnu de tous et notamment des principaux financeurs de la recherche française et européenne.
La montagne est un objet de recherche qui traverse toutes les disciplines, des sciences de l’environnement aux sciences de la terre, en passant par les sciences humaines et sociales. Les enjeux de la recherche en montagne sont en effet considérables ; véritable laboratoire du changement global, la montagne est un indicateur de l’avenir de nos écosystèmes.
La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dans son article 3, définit ainsi la montagne : « Les zones de montagne se caractérisent par des handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l’exercice de certaines activités économiques. Elles comprennent, en métropole, les communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d’utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux dus :
1° Soit à l’existence, en raison de l’altitude, de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ;
2° Soit à la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l’utilisation d’un matériel particulier très onéreux ;
3° Soit à la combinaison de ces deux facteurs lorsque l’importance du handicap, résultant de chacun d’eux pris séparément, est moins accentuée ; »
Au plan administratif, chaque zone de montagne est délimitée par un arrêté interministériel et rattachée par décret à l’un des massifs ainsi énumérés, pour la métropole, dans l’article 5 de la même loi : les Alpes, la Corse, le Massif central, le Massif jurassien, les Pyrénées, et le Massif vosgien.
Une telle définition n’est pas sans poser quelques difficultés concrètes pour la communauté des chercheurs, qui entretiennent, selon les disciplines, des conceptions différentes. Le ministère de la recherche, dans sa réponse au questionnaire budgétaire, note ainsi qu’« il n’existe pas de définition simple et partagée des zones de montagne et [que] de nombreuses recherches sur le sujet ont un caractère générique et transversal. »
Bien qu’approximatif, le recensement effectué par le ministère dans une approche diversifiée de la notion de montagne permet néanmoins d’estimer le budget consacré à la recherche sur la montagne à environ 100 millions d’euros par an.
Certains défendent l’idée que la montagne constitue un nouveau biome, au même titre que le littoral ou les zones urbaines – c’est-à-dire un ensemble d’écosystèmes caractéristique d’une aire biogéographique –, qui doit être étudié en tant que tel.
De fait, la montagne présente un intérêt particulier pour les chercheurs en écologie et en environnement. En effet, les milieux se modifient sur de très courtes distances du fait des changements d’altitude et de température existants. Ainsi, c’est presque tout l’hémisphère nord qui peut être observé dans les Alpes.
Les différences d’ensoleillement, d’exposition aux vents, de pente, de sols et de versants font également de la montagne un écosystème très riche. Mais la montagne constitue également un espace de plus en plus fragmenté. De ce fait, les espèces animales et végétales passent plus fréquemment d’un milieu à un autre, ce qui permet d’étudier plus précisément la façon dont elles s’adaptent à leur environnement.
Véritable réservoir de la biodiversité – le milieu alpin français héberge par exemple 30 000 espèces animales, 4 500 espèces de plantes vasculaires (11) et 5 000 espèces de champignons –, la montagne est également un milieu fragile. Il est notamment plus sensible que d’autres écosystèmes au changement climatique. Ainsi, au cours du siècle dernier, alors que la température globale de la Terre a augmenté de 0,5 degré, celle des Alpes a connu une évolution trois fois plus importante en s’élevant d’un degré et demi. Parce que le changement climatique y est plus prégnant, étudier la montagne du point de vue écologique permet de donner des indications sur les conséquences de ce phénomène sur les autres écosystèmes.
Enfin, la montagne peut également être appréhendée comme une forme de mémoire. C’est précisément l’objet de l’étude des paléoenvironnements dont la montagne garde nécessairement la trace. Là encore, la reconstitution, sur plusieurs millénaires, des événements climatiques permet de donner des informations sur la façon dont l’écosystème montagnard s’est adapté et sur les seuils à partir desquels des changements notables sont susceptibles d’intervenir.
La montagne, du fait de ses glaciers, concentre d’importantes ressources en eau sur lesquelles la science dispose aujourd’hui de peu de données. Là encore, l’impact du changement climatique constitue un enjeu de recherche majeur, puisqu’il peut jouer, de façon contradictoire, sur l’enneigement et la pluviométrie, l’augmentation des précipitations pouvant compenser partiellement la diminution de l’enneigement et la fonte des glaciers. Le rôle de la couverture forestière dans la rétention d’eau et de celui de l’allongement de la saison végétative sur la disponibilité de ces ressources constituent également des questions majeures.
La montagne offre également d’importantes ressources minières – fer, or, argent, zinc, cuivre, etc. –, pétrolifères ou gazières, qui ont d’ailleurs été exploitées par le passé et ont donné lieu à une intense activité de recherche. Toutefois, l’envolée des cours des principales ressources minières, qui pourrait rendre à nouveau rentable l’exploitation de certaines mines, conduit à relancer la recherche dans ce domaine. Or, cette question touche tous les domaines de la recherche, qu’il s’agisse de la connaissance des gisements, de la valorisation des minerais, mais également des impacts environnementaux, économiques et sociétaux de l’exploitation des mines, voire du gaz de schiste.
L’anthropisation de la montagne est porteuse d’enjeux majeurs, qu’il s’agisse de protéger les populations face aux risques géologiques, de préserver la santé des sportifs de montagne ou d’analyser la ségrégation spatiale des territoires urbanisés de montagne.
La montagne fait ainsi l’objet d’une recherche active en ce qui concerne les risques spécifiques – avalanches, glissements de terrain, éboulements, chutes de roches, crues, etc. – qu’elle présente. Un important travail de modélisation, à partir d’expériences de terrain, est réalisé pour permettre de mieux comprendre ces phénomènes et les éventuels éléments naturels, comme les arbres, susceptibles d’en limiter les effets. De la même façon, en tant que zone géologique active, la montagne est particulièrement observée, notamment dans l’optique de prévenir les risques sismiques ou volcaniques.
La montagne est le terrain privilégié de nombreux sports et activités physiques, mais elle constitue également un environnement rassemblant des conditions spécifiques de pression et de température. C’est pourquoi des recherches sont également conduites dans le domaine de la médecine et de la physiologie, qu’il s’agisse d’étudier des pathologies propres à la montagne, d’analyser les performances sportives en altitude ou encore les effets de certaines pratiques sportives sur la circulation sanguine.
Enfin, la montagne mobilise également les sciences humaines et sociales. La forte anthropisation dont elle fait l’objet, du fait de ses usages agricoles ou industriels comme du développement du tourisme et des moyens de transport, conduit à étudier tant la dynamique de construction des territoires et des paysages que la transformation des activités agricoles face au changement climatique. La géographie, l’histoire, l’économie, le droit, la sociologie et l’anthropologie sont ainsi mobilisés au même titre que les autres disciplines scientifiques sur les questions relatives à la montagne.
Le ministère de la recherche estime que près de 1 000 chercheurs ont aujourd’hui comme objet de recherche la montagne, sous toutes ses formes. Si leur mise en réseau a d’ores et déjà commencé, la recherche sur la montagne mériterait de faire l’objet d’une interdisciplinarité accrue.
La montagne constitue un objet de recherche relativement récent. En effet, la plupart des laboratoires de recherche qui existent aujourd’hui sont nés au cours des deux dernières décennies.
En outre, si on estime que près de 1 000 chercheurs travaillent aujourd’hui sur la montagne, les structures de recherche qui existent actuellement sont extrêmement diverses, allant de l’unité mixte de recherche à l’association, en passant par les grands laboratoires spécialisés.
Deux instituts du CNRS sont concernés par ce champ de recherche : l’Institut Écologie et Environnement (INEE) et l’Institut national des sciences de l’Univers (INSU). Au sein de l’INEE, six unités mixtes de recherche et une unité mixte de service réunissant 380 scientifiques, ont comme objet de recherche, exclusif ou non, la montagne. Ce sont notamment :
– le laboratoire d’écologie alpine (LECA), créé il y a vingt ans, placé sous l’égide du CNRS, de l’Université Joseph Fourier de Grenoble et de l’Université de Savoie de Chambéry, dont une partie de 30 chercheurs et enseignants-chercheurs étudie le massif alpin sous son aspect écologique et environnemental ;
– le laboratoire « Environnements, Dynamiques et Territoires de montagne », rattaché à l’Université de Savoie et au CNRS, dont les 35 enseignants-chercheurs ont développé une approche pluridisciplinaire de la montagne réunissant les géosciences, les sciences de l’environnement et les sciences humaines ;
Ces deux laboratoires relèvent du Centre interdisciplinaire scientifique de la montagne créée en 1990 au sein de l’Université de Savoie, autour de la thématique des milieux de montagne, leur aménagement et leur équipement. Pour réaliser son ambition interdisciplinaire, cette unité de recherche et de formation a associé, dans une même démarche, les sciences de la vie et de la terre à une discipline s’intéressant à l’étude des milieux naturels, mais également très liée aux sciences humaines et sociales : la géographie. Depuis 1997, la filière des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) a également été rattachée à cet ensemble sans en dénaturer la vocation originelle. Au total, cette importante unité forme près de 1 200 étudiants répartis entre tous les cycles, dans des filières aussi bien généralistes que professionnalisantes. Les effectifs de ses six laboratoires – 120 enseignants-chercheurs, 30 personnels techniques et administratifs, 60 doctorants et 10 contractuels – stagnent, tandis que ses crédits de fonctionnement et d’équipement récurrents sont en baisse depuis dix ans.
Au sein de l’INSU, qui mène des recherches fondamentales dans le domaine des sciences de la terre, plusieurs laboratoires ont entre autres comme objet de recherche la montagne. Il s’agit notamment du laboratoire « Géosciences Environnement Toulouse » de l’Observatoire Midi-Pyrénées, qui étudie la terre de son noyau à sa surface et dont 50 des 110 chercheurs et enseignants-chercheurs travaillent sur la montagne sous l’angle de la tectonique des plaques, de son interaction avec le climat et des risques associés. Trois observatoires de l’environnement, situés en montagne, lui sont également rattachés. Ils étudient les grands lacs périalpins, les glaciers et les hydrosystèmes méditerranéens de montagne. Au total, on estime à 200 le nombre de scientifiques impliqués dans ces recherches. L’INSU exerce également une tutelle conjointe avec deux autres instituts du CNRS sur le laboratoire Chrono-Environnement, qui décrypte les dynamiques passées des écosystèmes afin d’élaborer des modèles prédictifs.
L’Institut de recherche sur le développement (IRD) dispose également d’unités mixtes de recherche qui étudient la montagne par le biais des aléas sismiques et volcaniques, des ressources en eau, de la conservation de la biodiversité, de la gestion durable des milieux vulnérables, etc. Au total, les programmes de recherche consacrés à la montagne réunissent environ 30 chercheurs, ingénieurs, techniciens et doctorants de l’institut.
Il existe également un certain nombre d’unités de recherche, au sein des universités françaises, qui traitent de questions relatives à la montagne. C’est notamment le cas du Centre d’études et de recherches appliquées au Massif central, à la moyenne montagne et aux espaces fragiles, créé en 1989 et qui réunit des géographes et des sociologues autour des dynamiques des territoires sensibles et de leur gestion.
Certains grands organismes spécialisés nationaux mènent, dans leurs domaines respectifs, des recherches ayant trait à la montagne. C’est notamment le cas de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Environ 230 personnes environ se consacrent plus particulièrement à la montagne, qu’il s’agisse d’étudier la dynamique des forêts de montagne, la gestion durable des systèmes d’élevage herbagers, la durabilité des filières et produits animaux, ou encore les chaînes alimentaires des écosystèmes des lacs périalpins.
L’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) constitue également l’un des plus importants centres de recherche dédiés à la montagne. Plus tourné vers l’action publique, il dispose en effet de trois unités de recherche, réunissant 160 équivalent temps plein, parmi lesquels 60 chercheurs dont les travaux portent exclusivement sur la montagne :
– l’unité de recherche « Développement des territoires montagnards » mobilise les sciences humaines et sociales pour étudier les évolutions des activités agricoles en zone de montagne, mais également les trajectoires d’évolution des systèmes touristiques et la ségrégation spatiale des territoires montagnards ;
– l’unité de recherche « Écosystèmes montagnards » conduit des recherches sur les services écologiques rendus par la montagne, l’effet du changement climatique, des usages et des pratiques de gestion sur l’écosystème montagnard, la restauration de l’écosystème montagnard atteint par des phénomènes naturels ou liés à l’anthropisation ;
– l’unité de recherche « Érosion torrentielle, neiges et avalanches » analyse quant à elle les risques naturels associés à la montagne et la formation de phénomènes tels que les avalanches, les crues torrentielles ou les chutes de blocs, dans le but d’élaborer des outils de prévention.
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), établissement public à caractère industriel et commercial de géologie, conduit notamment des études relatives aux ressources minières et en eau, aux risques naturels et d’exploitation, à la gestion des flux en montagne et à la pollution par l’amiante environnementale et participe donc à la recherche en montagne.
D’autres structures publiques, notamment dans le domaine du sport, conduisent des recherches sur la montagne. C’est notamment le cas de l’École nationale de ski et d’alpinisme, établissement public d’enseignement et de recherche, qui s’est doté d’un département de recherche biomédicale. Celui-ci mène des recherches sur les facteurs d’optimisation des performances sportives, la protection de la santé des sportifs de montagne et la lutte contre le dopage. Eu égard à la taille extrêmement réduite de ce département qui ne dispose que de 0,5 équivalent temps plein, ces recherches sont conduites en partenariat avec des universités françaises et étrangères, mais aussi avec l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP).
Au-delà des structures publiques de recherche, des associations se sont également emparées de la montagne comme d’un objet de recherche. De taille nécessairement réduite, ces associations, tels que le Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude (CREA) créé en 1996, ou l’Institut de formation et de recherche en médecine de montagne (Ifremmont), n’en mènent pas moins des recherches d’une grande importance, qu’il s’agisse de mettre en évidence les effets du changement climatique sur l’écosystème alpin ou d’analyser les effets de l’altitude et du froid sur le corps humain.
En dépit du caractère relativement récent de la recherche en montagne, celle-ci a d’ores et déjà commencé à donner des résultats notables et ce dans tous les domaines considérés.
Dans le domaine environnemental, par exemple, l’impact du changement climatique sur la flore est désormais bien documenté. Le LECA a, par exemple, collaboré au projet européen Global Observation Research Initiative In Alpine Environments, qui a conduit les chercheurs du monde entier à suivre l’évolution de la flore d’une centaine de massifs montagneux. Ainsi, entre 2001 et 2008, de nombreuses espèces végétales ont migré en hauteur en raison de la hausse des températures. La flore des sommets est donc aujourd’hui plus diversifiée ; mais cette diversification s’est opérée au détriment des espèces très spécifiques, adaptées au froid, qui y vivaient jusqu’alors. D’après les modélisations réalisées par le LECA, ces espèces pourraient être amenées à disparaître à certains endroits, là où l’invasion des plantes des étages inférieurs sera la plus importante. Le lycopode à rameaux pourrait ainsi disparaître du Vercors d’ici cent ans.
Le CREA conduit également, depuis dix ans, un programme scientifique participatif permettant au grand public de mesurer l’évolution de la végétation de montagne. Les arbres de 200 zones, dans les Alpes et le Massif central, sont ainsi analysés par 1 600 observateurs. Cette association est également à l’origine du projet d’Atlas scientifique du Mont-Blanc, qui a vocation à assurer le suivi, aux plans climatique, glaciologique et écologique, de ce site emblématique. En collaboration avec le LECA, le CREA a par exemple modélisé la distribution de la renoncule des glaciers, une plante dont l’optimum climatique se situe aujourd’hui à 2 600 mètres d’altitude. La hausse des températures, d’après ce modèle, pourrait se traduire par la perte de 70 % de l’aire de distribution de cette plante.
En ce qui concerne la prévention des risques naturels, le transfert des recherches de l’IRSTEA a donné des résultats significatifs. Notamment, la dangerosité des avalanches lentes est aujourd’hui mieux appréhendée. De la même façon, le projet « Risques hydrométéorologiques en territoires de montagnes et méditerranéens » a pour but de prévenir les crues torrentielles par le croisement de données issues de cartes géographiques de susceptibilités et de mesures de pluviométrie réalisées par radar. Enfin, la modélisation par les chercheurs de l’IRSTEA du parcours d’un bloc de pierre en chute permet de gérer la forêt de sorte à ce qu’elle fournisse la protection la plus efficace contre ce phénomène.
Le BRGM a, quant à lui, initié une reprise de l’inventaire minier de la France arrêté en 1991, afin d’établir un état des lieux complet des zones identifiées à l’époque et qui sont, pour l’essentiel, situées au cœur de chaînes de montagnes anciennes comme le Massif central ou les Vosges, mais aussi récentes, comme les Alpes et les Pyrénées. De telles recherches permettent de mieux évaluer et d’optimiser le potentiel minier français. Le BRGM entreprend également la mise en place d’un référentiel géologique de la France, qui assure la modélisation en trois dimensions des sous-sols. Ce programme revêt une importance particulière pour l’aménagement des zones montagneuses, notamment la création de tunnels.
En matière médicale, le département de recherche biomédicale de l’ENSA mène des recherches particulièrement intéressantes sur les effets physiologiques de la pratique du trail, une course à pied d’endurance en milieu naturel à laquelle un nombre croissant de sportifs participe. Eu égard aux accidents cardiaques et cérébraux qui ont parfois lieu lors de ces courses, la recherche conduite par l’ENSA répond à un véritable enjeu de santé publique. De la même façon, l’étude des comportements à risque de certains alpinistes – prise de produits dopants, de drogues, de somnifères, etc. – peut permettre de mieux former les professionnels de la montagne aux risques encourus par ceux qu’ils accompagnent.
De son côté, l’Ifremmont conduit des recherches importantes sur l’intolérance à l’altitude – en altitude, la raréfaction de l’oxygène peut induire un mal aigu des montagnes, mais aussi des œdèmes pulmonaires et cérébraux – et le développement d’une méthode ostéopathique visant à réduire la pression intracrânienne et d’un masque favorisant l’oxygénation. Faisant le lien avec l’innovation, il propose également des modélisations de tests pour les équipements sportifs ou produits, adaptés à la montagne. À cet égard, l’Association des structures de recherche sous contrat a souligné, lors de son audition par la rapporteure, la valorisation potentielle des recherches menées sur les équipements de montagne en matière de transports, de sécurité, de matériaux ou de procédés industriels.
La recherche en montagne se fait plus interdisciplinaire et se fédère à mesure que ses enjeux se font plus nets. Deux laboratoires d’excellence soutiennent aujourd’hui la recherche en montagne, l’un orienté vers les sciences humaines et sociales, l’autre vers les sciences de la terre et de l’environnement.
Ainsi, en 2011, un laboratoire d’excellence (LABEX) entièrement dédié aux problématiques montagnardes a vu le jour. Le LABEX « Innovation et territoires de montagne » (ITEM), porté par le pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Grenoble, concerne en premier lieu les sciences humaines et sociales. Doté d’un budget de 530 000 euros et réunissant les chercheurs de sept laboratoires, il conduit des recherches relatives à l’histoire, la géographie, l’économie et le droit et a pour vocation d’apporter aux territoires de montagne la capacité d’analyse et d’expertise nécessaire face au changement global auquel ils sont confrontés. Le laboratoire « Environnements, dynamiques et territoires de montagne » et l’IRSTEA en font notamment partie.
Le laboratoire d’excellence OSUG 2020 a quant à lui été créé en 2012 au sein de l’Observatoire des sciences de l’univers de Grenoble. Il réunit 13 unités de recherche, parmi lesquelles le LECA et deux des trois unités de recherche de l’IRSTEA de Grenoble. Il a pour mission d’observer et modéliser les systèmes naturels avec de nouveaux instruments, d’améliorer les capacités de prédiction et de conseil et de mieux connecter et traiter les données collectées à des fins de modélisation.
Doté de six millions d’euros pour la recherche et l’équipement des laboratoires, l’OSUG 2020 lance des appels à projet dans tous les domaines ayant trait aux sciences de la terre, de l’univers et de l’environnement. C’est à ce titre que plusieurs projets ayant trait à la montagne ont pu être financés. Par exemple, le laboratoire d’excellence a financé un projet franco-sino-italien visant à mieux comprendre la structure profonde des Alpes par le déploiement de 55 stations sismiques en France et en Italie. Il a également financé une campagne héliportée de mesure de l’épaisseur de la glace du glacier d’Argentière, mais aussi un dispositif expérimental permettant de mieux appréhender les mécanismes de séquestration du carbone organique des sols de montagne face au changement global.
Parmi les alliances de recherche, l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement (AllEnvi) coordonne la recherche environnementale française et réunit, à ce titre, les grands instituts que sont l’IRSTEA, le BRGM, l’INRA, l’INEE du CNRS ou encore l’IRD. La montagne, si elle n’a pas donné lieu à la constitution d’un groupe thématique en tant que tel, innerve pourtant la majeure partie de ceux-ci – eau, climat, biodiversité, risques, etc. Il existe également une Zone Atelier Alpes, labellisée par le CNRS et AllEnvi, qui réunit le laboratoire « Environnements, dynamiques et territoires de montagne », le laboratoire d’écologie alpine et l’IRSTEA. Elle a pour objet de promouvoir des recherches aux interfaces entre l’écologie des écosystèmes, les géosciences et les sciences humaines et sociales et finance chaque année, dans le cadre d’appels à projets, des recherches ayant trait à la montagne.
Si la recherche a commencé à se fédérer, peu de structures ont aujourd’hui pour objet exclusif la montagne. Par ailleurs, la recherche sur la montagne est encore trop peu interdisciplinaire, les sciences dures et les sciences humaines ayant peu d’interactions sur ce thème à l’heure actuelle. Pourtant, les sciences humaines ont beaucoup à apporter aux autres sciences, notamment dans l’analyse des changements auxquels est confrontée la montagne, et inversement. C’est d’ailleurs le message porté par le LABEX ITEM, dont le prochain appel à projets sélectionnera des projets de recherche notamment sur la base de leur capacité à mobiliser les sciences dures aux côtés des sciences humaines et sociales. Il est donc aujourd’hui nécessaire d’encourager chaque discipline à élargir ses perspectives. Au-delà, un besoin s’exprime en matière de données intégratives et partagées, qui devra également être pris en compte, notamment dans la création de bases de données interconnectées.
Le financement de la recherche par le biais des appels à projet fait l’objet d’un certain nombre de critiques au sein de la communauté scientifique. Toutefois, il apparaît que les problèmes rencontrés par les laboratoires sont plus prégnants dans le domaine de la recherche en montagne, du fait des spécificités qu’elle présente.
La recherche en montagne, du fait même de son objet, prend du temps. En effet, d’un point de vue environnemental, les cycles de vie des végétaux sont parfois lents et certaines plantes préparent par exemple leurs fleurs pendant trois ans. De la même façon, pour obtenir des données fiables, il est nécessaire de réaliser des observations sur une période de temps relativement longue pouvant aller jusqu’à une quinzaine d’années. En effet, l’écosystème montagnard pouvant être soumis à des variations climatiques importantes d’une année à l’autre, les données doivent être collectées sur un temps plus long pour obtenir des moyennes correspondant à la réalité. Ce constat est également valable en matière de géologie ou de glaciologie, disciplines qui ont besoin d’acquérir de longues séries de données.
Or, le financement actuel des projets de recherche se fait généralement sur des périodes de trois à cinq ans, qu’il s’agisse du financement des thèses ou des contrats de l’Agence nationale pour la recherche, sur trois ans, ou des financements européens, comme ceux du Conseil européen de la recherche, dont les contrats durent cinq ans. Ces durées ne sont donc pas suffisantes pour organiser efficacement la prise de données sur le long terme, et peuvent mettre prématurément un terme à ces recherches si les chercheurs ne parviennent pas à retrouver des financements à mi-parcours. Enfin, ces modes de financements, lorsqu’ils se généralisent, fragilisent, outre la continuité de leurs travaux, les équipes de recherche elles-mêmes.
La montagne, en tant que telle, ne semble pas être un sujet particulièrement porteur aujourd’hui. De fait, plusieurs chercheurs entendus par la rapporteure ont fait état de difficultés pour obtenir des contrats dans le cadre d’appels à projet généralistes, au sein desquels les thèmes de recherche liés à la montagne se trouvent marginalisés.
En outre, comme l’ont indiqué à la rapporteure beaucoup des chercheurs auditionnés, la lourdeur administrative inhérente aux appels à projet prend un caractère particulièrement prégnant dans le cas de laboratoires disposant d’équipes peu nombreuses ou très spécialisées.
Le manque de soutien dont pâtit aujourd’hui la recherche en montagne appelle, pour certains, à la constitution d’une structure dédiée aux enjeux de la recherche en montagne, à l’image du « cluster Montagne » pour l’aménagement des territoires de montagne. Beaucoup d’interlocuteurs ont également insisté sur la nécessité, dans le plan d’actions de l’Agence nationale de la recherche, de faire apparaître plus clairement la montagne comme thème de recherche, à l’instar du littoral par exemple. De la même façon, la recherche en montagne devrait être portée au niveau européen et mondial, par exemple dans le cadre du Belmont Forum qui regroupe les agences de financement de la recherche dans le domaine environnemental.
La marginalisation de la montagne dans les appels à projet conduit également à ce que des projets pour lesquels la perspective de résultats est moins nette ne trouvent pas de financement. Si l’ANR octroie des financements dans le cadre de programmes blancs, sans thématique particulière, les projets doivent déjà être quelque peu avancés pour être retenus. Ainsi, les recherches qui en sont encore à leur balbutiement ne peuvent être financées par ce biais.
Ce fut notamment le cas, il y a quelques années, des recherches conduites par le LECA sur l’ADN environnemental, en lesquelles peu de personnes croyaient. Or, cette méthode, qui permet d’extraire de l’ADN à partir d’échantillons d’eau, d’air ou de sol, constitue un moyen innovant de reconstituer, par exemple à travers une carotte lacustre, la végétation des lacs versants sur plusieurs années. Cette avancée n’aurait pas pu voir le jour si son financement hors contrats n’avait pas été assuré par le laboratoire. Ces recherches connaissent aujourd’hui un grand développement, dans les travaux de l’INRA, par exemple.
De la même façon, certains domaines de recherche, qui peuvent apparaître moins attractifs à un instant donné, doivent bénéficier de moyens de financement pérennes si l’on souhaite conserver des spécialistes en France. Ainsi, si la demande sociale en matière de gisements miniers n’était pas réapparue récemment, la France ne compterait aujourd’hui que peu de spécialistes de ces ressources.
Pour bénéficier d’une recherche innovante dans des domaines qui ne sont pas encore nécessairement porteurs, il importe d’assurer aux laboratoires des soutiens de base plus conséquents, comme le fait l’Institut national des sciences de l’Univers (INSU) en ce qui concerne les services d’observation géologique. Il serait également nécessaire d’augmenter les préciputs des contrats de recherche, qui ont vocation à financer le fonctionnement des laboratoires et qui sont aujourd’hui particulièrement faibles en France.
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède le vendredi 31 octobre 2014, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2015 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (12).
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de Mme Sylvie Tolmont, sur les crédits pour 2015 de la mission « Enseignement scolaire », et de Mme Sophie Dion (Recherche), et Mme Sandrine Doucet (Enseignement supérieur et vie étudiante) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », lors de sa séance du mardi 28 octobre 2014.
M. le président Patrick Bloche. Permettez-moi de rappeler au préalable quelques points de méthode. Comme vous le savez, l’examen des crédits comporte trois temps : nos dix rapports pour avis font l’objet d’une présentation et d’une discussion au sein de notre Commission, consacrées plus particulièrement aux thèmes que les rapporteurs ont choisi de traiter dans la seconde partie de leur travail ; les crédits des missions dont nous sommes saisis sont également examinés en commission élargie, avec nos collègues de la commission des finances et, le cas échéant, d’autres commissions ; puis arrive le temps de la discussion en séance publique.
Les trois rapports pour avis qui nous seront présentés aujourd’hui portent sur les crédits de missions relevant d’un même ministère, celui de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons déjà examiné en commission élargie les crédits de la mission « Enseignement scolaire », mais pas ceux de la mission « Enseignement supérieur et recherche ». Le bureau de la Commission a néanmoins considéré qu’il y avait une certaine cohérence à traiter globalement de crédits concernant l’intégralité du parcours des élèves, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur.
Nos trois rapporteures, Sylvie Tolmont, Sophie Dion et Sandrine Doucet, ont chacune choisi de traiter une thématique spécifique afin de mettre l’accent sur un secteur ou un enjeu particulier des politiques publiques en faveur de l’enseignement et de la recherche. Leurs projets de rapports vous ont été adressés vendredi dernier et hier.
Je vais tout d’abord donner la parole à Sylvie Tolmont, qui, dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », a centré son rapport sur les structures d’enseignement adapté du secondaire, les sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA), qui sont des dispositifs souvent méconnus.
Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je commencerai par quelques éléments de contexte avant de présenter les pistes de réflexion développées dans ce rapport qui porte en effet, monsieur le président, sur les sections SEGPA et les EREA à l’heure de la refondation de l’école.
Les SEGPA et les EREA scolarisent, à partir de la classe de sixième, des élèves présentant des difficultés graves et durables d’apprentissage et ne maîtrisant pas toutes les compétences attendues à la fin du CE1.
Ces deux structures se distinguent toutefois sur un point essentiel. Les premières, qui accueillaient 94 384 élèves à la rentrée 2013, font partie intégrante des collèges. Les secondes, en revanche, sont des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) qui scolarisent des élèves – 10 250 l’année dernière – présentant des difficultés comparables à celles des élèves de SEGPA mais dont la situation personnelle justifie un hébergement en internat.
Le positionnement et le fonctionnement mêmes de ces structures contredisent deux grands objectifs corrélés que posait la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, à savoir la réaffirmation du collège unique et la promotion de l’école inclusive.
En outre, le nouveau cycle regroupant le CM1, le CM2 et la sixième remet en question la pertinence d’une orientation vers l’enseignement adapté à l’issue du CM2. C’est autour de cette première grande réflexion que s’articulent les questions posées dans ce rapport.
Toutefois, l’examen de la situation des SEGPA et des EREA suppose que l’on dépasse le cadre de cette première interrogation, dont les contours doivent du reste être nuancés. En effet, les objectifs poursuivis par ces structures et les bénéfices indéniables qu’elles apportent à des élèves, qui relèvent tous de la grande difficulté scolaire, sont d’une telle évidence qu’ils ne permettent pas de réduire la question à une simple contradiction avec des principes. L’organisation de dispositifs dérogatoires permet effectivement d’offrir un cadre bienveillant à ces élèves.
Comme le montre le tableau figurant en page 15 du rapport pour avis, les élèves de SEGPA sont ceux qui souffrent des plus grandes inégalités en termes d’apprentissages et de statut socio-économique. La classe de cours préparatoire (CP) a pesé très lourdement sur leur « destin scolaire » : 84 % d’entre eux ont redoublé leur CP.
Quant aux élèves des EREA, leur situation est avant tout synonyme de fragilité exceptionnelle. Pour reprendre les propos entendus lors de ma visite à l’établissement de Bonneuil-sur-Marne, les jeunes qui y sont scolarisés sont souvent « abîmés » par la vie.
Face à ces publics très particuliers, les structures adaptées disposent de réels atouts. J’en citerai trois :
– d’abord, un taux d’encadrement optimal par rapport aux conditions d’enseignement ordinaires du second degré. Pour les SEGPA, ce taux est la résultante d’une norme nationale fixant le nombre maximal d’élèves par classe à seize, ce plafond étant d’ailleurs rarement atteint. Dans les EREA, on compte en général un adulte pour deux élèves, un taux d’encadrement évidemment exceptionnel qui explique la quasi-absence de décrochage dans ces établissements ;
– ensuite, la présence d’équipes enseignantes qui comprennent des spécialistes de la grande difficulté scolaire et qui se concertent chaque semaine, ce qui permet une réelle mise en cohérence des apprentissages ;
– enfin, dans les EREA, une articulation entre les activités éducatives de l’internat et le projet pédagogique de l’établissement, qui permet de prendre en charge l’enfant ou l’adolescent dans sa globalité.
Ce cadre protecteur favorise de facto la personnalisation de la réponse apportée à la situation de chaque élève.
Malgré ces atouts, l’enseignement adapté reste critiquable ou fragile sur certains points.
Premièrement, la procédure d’orientation vers ces structures, qui repose sur les commissions départementales d’orientation vers les enseignements adaptés (CDOEA), donne trop de place aux tests psychométriques et au préjugé selon lequel il existerait un « profil d’élève de SEGPA », et prend insuffisamment en compte les acquis scolaires. En outre, une fois l’orientation vers la SEGPA établie, les dossiers des élèves ne sont plus réexaminés en cours de scolarité, ce qui empêche toute sortie de cette filière et toute réintégration dans le cursus ordinaire.
Deuxièmement, les élèves de SEGPA et ceux du collège pratiquent très rarement des activités communes alors qu’ils sont scolarisés dans le même établissement, ce qui accentue le déficit de connexion entre SEGPA et collège. Des points de rencontre réguliers entre la SEGPA et d’autres enseignants, d’autres élèves, d’autres disciplines, ne pourraient qu’encourager les possibles retours des élèves de SEGPA dans le parcours classique.
Les EREA, quant à eux, vivent trop souvent en vase clos, n’ayant que très peu de contacts ou d’échanges avec les collèges et lycées professionnels voisins.
Troisièmement, si le taux de spécialisation des enseignants d’EREA et de SEGPA est encore assez élevé, les départs en formation pour obtenir les certifications correspondantes sont en chute libre. Dans le cas des EREA, on atteint même un seuil critique en ce qui concerne les professeurs des écoles éducateurs chargés de l’internat puisque leur recrutement n’est plus ouvert depuis que le Conseil d’État a annulé, en 2002, le texte qui régissait leurs obligations de service. Leurs postes sont de plus en plus occupés par des assistants d’éducation recrutés par contrat, alors qu’il faudrait les confier à des personnels qualifiés et chevronnés.
Quatrièmement, les parcours scolaires en SEGPA ou en EREA s’apparentent à des « voies sans retour » : une fois entrés, leurs élèves n’en ressortent quasiment jamais pour rejoindre les classes ordinaires du collège ou du lycée professionnel. Cette vision « tubulaire », que révèle l’absence de passerelles avec le cursus ordinaire, est préoccupante, alors même que la refondation de l’école réaffirme le principe du collège unique.
Cinquièmement, la terminologie retenue dans le code de l’éducation – qui qualifie les difficultés des élèves concernés de « graves et permanentes » – suggère, à elle seule, le caractère immuable de leur orientation, sans autre issue possible que d’achever son parcours de formation en SEGPA ou en EREA.
Sixièmement, la configuration des plateaux techniques où sont dispensés les enseignements préprofessionnels de SEGPA réduit considérablement le champ des possibles en matière d’orientation professionnelle et ne donne pas toujours lieu à des formations adaptées au tissu économique local et aux enjeux actuels de l’emploi.
Enfin, contrairement aux objectifs fixés par les deux circulaires qui les encadrent, ces structures ne garantissent pas à tous leurs élèves un accès à une qualification de niveau 5, du type du certificat d’aptitude professionnelle (CAP).
Je tiens à dire encore une fois que les réussites humaines des SEGPA et des EREA sont incontestables et nombreuses. Mais les performances des SEGPA, dont un quart seulement des élèves arrivent à une classe terminale de l’enseignement secondaire qui les conduira à un diplôme, devraient nous interpeller. Je me félicite donc que le ministère de l’éducation nationale ait mis en place deux groupes de travail pour réfléchir à l’avenir de ces structures.
Je voudrais maintenant aborder l’autre champ de réflexion dans lequel s’inscrit cette étude. En effet, pour légitimes qu’ils soient, ces questionnements ne doivent pas conduire à sacrifier des structures qui offrent ce que l’enseignement secondaire n’est pas aujourd’hui en mesure d’apporter à ces élèves, à savoir un cadre exceptionnellement attentif à leurs besoins et qui leur permet d’apprendre autrement. La fermeture des SEGPA constituerait, de fait, une perte irréparable pour le collège d’aujourd’hui. À long terme, en revanche, lorsque des équipes pluridisciplinaires enseigneront une culture commune de la maternelle au collège – et à cette condition seulement ! –, la question de leur suppression pourra se poser.
En attendant, il convient d’adapter ces structures en tenant compte des limites du système actuel.
D’abord, l’orientation vers l’enseignement adapté devrait reposer sur des critères scolaires et donner lieu, chaque année, à un réexamen du dossier de l’élève pour faciliter les retours vers la voie ordinaire. Ensuite, cette orientation ne devrait pas être conditionnée au redoublement de l’élève en primaire, car le redoublement représente à la fois un coût pour l’éducation nationale et une souffrance pour l’enfant qui n’est pas défendable.
Parallèlement, la sixième de SEGPA devrait laisser la place, à titre expérimental dans un premier temps, à une « sixième mixte » permettant une scolarisation partielle en sixième ordinaire. Dans le même esprit, des groupes rassemblant plusieurs heures par semaine les élèves de la SEGPA et ceux du collège devraient être institués dans quelques disciplines, dont, à tout le moins, la technologie, l’éducation artistique et l’éducation physique et sportive. En outre, les échanges de service entre professeurs de SEGPA et de collège gagneraient à être développés pour inciter plus systématiquement les élèves de SEGPA à passer le brevet. De même, des liens plus étroits avec les lycées professionnels voisins permettraient de pousser les élèves des SEGPA, mais aussi ceux des EREA, à préparer le baccalauréat professionnel.
Le travail remarquable des personnels enseignants d’EREA et de SEGPA devrait être davantage valorisé. Il conviendrait notamment de permettre l’intégration des directeurs de ces structures dans le corps des personnels de direction, par le biais de listes d’aptitudes spécifiques, et de prévoir un grade de reclassement attractif.
Dans le même ordre d’idées, les EREA, en pointe en matière éducative et pédagogique, devraient devenir des établissements « supports » pour les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Pour cette raison, le maintien de ces établissements m’apparaît indispensable, même dans le cadre d’une école inclusive.
Ce travail m’a permis de découvrir un aspect méconnu de l’éducation nationale qui, à bien des égards, pourrait être une source d’inspiration pour la refondation pédagogique de l’école. Les SEGPA et les EREA ne sont que la pointe émergée d’un phénomène, celui de la grande difficulté scolaire, qui concerne plus de 10 % des élèves. Ce constat me conduit à formuler un vœu : les enseignants – pas seulement ceux des SEGPA et EREA – devraient tous apprendre à faire progresser des élèves différents ayant des besoins différents. Pour l’école républicaine, dont le principe d’inclusion est une des raisons d’être, pour la richesse et la qualité de la formation délivrée dans les ESPE – un des objectifs prioritaires de la refondation –, c’est un beau défi à relever !
M. le président Patrick Bloche. La parole est maintenant à Sophie Dion, qui a choisi, pour son avis sur les crédits de la recherche, une thématique originale : « Recherche et montagne ».
Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis pour les crédits de la recherche. J’ai en effet choisi, dans le cadre de l’examen du budget de la recherche, d’étudier un sujet qui l’est trop peu souvent : la montagne. Je ne pensais pas, du reste, que le Premier ministre confirmerait officiellement ce choix en proclamant, le 17 octobre 2014 : « La montagne est l’avenir de la France. » Avenir de la France, certainement, mais aussi incomparable laboratoire de recherche à ciel ouvert !
La montagne reste pourtant à la périphérie des sciences. Alors qu’elle couvre 29 % du territoire national, elle ne mobilise que peu de moyens de recherche : 100 millions d’euros par an seulement selon les estimations, ce qui ne paraît pas à la hauteur des enjeux.
Au plan environnemental et climatique, la montagne est un véritable laboratoire du changement global. Parce qu’elle constitue un écosystème très riche, c’est aussi un important réservoir de la biodiversité. Mais ce milieu riche est aussi un milieu fragile, plus sensible que la plaine, par exemple, au changement climatique : alors que la température du globe s’est élevée de 0,5 degré au cours du siècle dernier, celle des Alpes a crû de 1,5 degré. La montagne est donc un bon indicateur des conséquences du changement climatique. Elle concentre par ailleurs des ressources naturelles importantes, notamment en eau. Elle fournit aussi des ressources minières et pétrolières.
Il faut avoir à l’esprit tous les enjeux liés à l’anthropisation de ce milieu si particulier. Les risques naturels y sont plus prégnants qu’ailleurs, qu’il s’agisse des avalanches, des éboulements ou des crues. En tant que zone géologique active, la montagne fait l’objet d’une surveillance sismique particulière.
Elle est aussi le terrain privilégié de nombreuses activités sportives et de loisirs, donc d’enjeux relatifs à la santé et aux pathologies liées à l’altitude.
Si la montagne intéresse la médecine et la physiologie, elle intéresse également les sciences humaines et sociales. Développement du tourisme, changements intervenus dans les usages agricoles ou industriels, gestion des flux : toutes ces questions mobilisent les chercheurs en économie, en droit, en sociologie, en histoire ou en géographie.
À Grenoble, à Chambéry, à Toulouse, à Clermont-Ferrand, différents laboratoires d’écologie, de sciences de la terre et de sciences humaines et sociales conduisent des recherches passionnantes. Certains sont rattachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), d’autres appartiennent à de grands organismes de recherche comme l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) ou l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Certains ont même un statut associatif, comme le Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude ou, dans le domaine médical, l’Institut de formation et de recherche en médecine de montagne.
La recherche sur la montagne est relativement récente. Beaucoup de ces laboratoires sont nés dans les années 1990 et 2000. Les résultats sont néanmoins très prometteurs. Dans le domaine environnemental et écologique par exemple, on peut aujourd’hui modéliser les effets du changement climatique sur la végétation. Dans le domaine des risques, on comprend mieux les avalanches, et l’on peut limiter les chutes de blocs de pierre par une couverture forestière appropriée. Dans le domaine de la santé, on évalue mieux les effets de l’altitude et on combat mieux le mal aigu des montagnes.
Pour autant, la recherche sur la montagne a encore du mal à se fédérer. Il existe certes un laboratoire d’excellence (LABEX) qui regroupe des laboratoires de sciences humaines et sociales sur ce sujet, et un autre, dans le domaine des sciences de la vie et de la terre, qui se préoccupe en partie de ces questions. L’Alliance dans le domaine de la recherche environnementale, de son côté, réunit les principaux acteurs de la recherche en montagne, mais sous le seul aspect environnemental. Les sciences humaines et les sciences dures ne se parlent pas encore, ou trop peu.
Là plus qu’ailleurs, les financements sont difficiles à trouver. En effet, les projets de recherche sur la montagne prennent plus de temps que les autres, que ce soit en écologie, en géosciences ou en sciences humaines. Pour être valables, les recherches doivent accumuler de longues séries de données, ce qui peut s’avérer impossible dans le cadre de contrats de recherche de trois ou cinq ans.
La montagne manque également de visibilité en tant qu’objet de recherche, si bien que les chercheurs ont du mal à se positionner pour répondre à des appels à projets qui, dans la plupart des cas, sont généralistes. Comme le littoral, la montagne devrait faire l’objet d’un intérêt accru dans le cadre du financement sur projet.
Les contrats de recherche sont une bonne chose, dans la mesure où ils orientent la recherche vers des enjeux que les pouvoirs publics considèrent comme prioritaires. Mais le soutien de base est également important pour mener des recherches qui sont, à un instant donné, moins attractives. C’est pourquoi je crois qu’il est impératif à la fois de faire une place à la montagne dans les appels à projets et de permettre aux laboratoires de bénéficier de financements suffisants pour mener les recherches qu’ils estiment porteuses d’avenir.
M. le président Patrick Bloche. Notre troisième rapporteure pour avis à intervenir ce matin est Sandrine Doucet, pour les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante ; elle a porté son attention sur la rénovation des formations technologiques courtes dispensées par les sections de technicien supérieur et les instituts universitaires de technologie.
Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. J’ai en effet choisi de centrer mon rapport sur les sections de technicien supérieur (STS) et les instituts universitaires de technologie (IUT), qui sont directement concernés par une des mesures phares de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche : l’institution de quotas d’accès en faveur des bacheliers professionnels et technologiques.
Au-delà de la question des quotas, j’ai souhaité me pencher sur l’avenir de ces filières technologiques courtes, qui sont en quête de nouveaux équilibres.
Le fonctionnement et les résultats – en termes de diplomation et d’insertion professionnelle – des STS et les IUT sont l’une des grandes réussites de notre système d’enseignement supérieur. Ces filières ont su offrir une formation professionnalisée aux futurs cadres intermédiaires de nos entreprises et de nos services, tout en étant un vecteur d’ascension sociale pour de nombreux jeunes issus de milieux modestes. Elles sont en outre appréciées des PME car leurs cursus sont le fruit d’une co-construction entre les formateurs et les employeurs. Enfin, elles sont plébiscitées par les familles : l’encadrement qu’elles proposent à leurs étudiants assure une transition « en douceur » entre le lycée et l’enseignement supérieur.
Pourtant, force est de constater que les STS et les IUT traversent aujourd’hui une zone de turbulences que j’ai tenté de cartographier dans mon rapport en l’articulant autour de deux grandes problématiques : d’une part, la démocratisation de l’accès à ces filières sélectives et de la réussite au diplôme ; d’autre part, la cohérence entre les niveaux de qualification et les besoins en compétences des entreprises.
Commençons par l’enjeu de la démocratisation. Il suppose que l’on corrige les flux de bacheliers à l’entrée des STS et IUT car ceux-ci sont devenus un facteur d’iniquité. Le processus d’orientation et de sélection dans notre système éducatif étant dominé par le baccalauréat général et la série S, les titulaires de ce diplôme prennent dans les IUT des places aux bacheliers technologiques qui, de ce fait, s’orientent vers les STS au détriment des candidatures de bacheliers professionnels. C’est ainsi que de nombreux bacheliers professionnels s’orientent par défaut vers l’université, où leur taux de réussite en trois ans à la licence est de 3,1 % seulement. Cet échec est un gâchis humain d’autant plus inacceptable qu’il pénalise des jeunes issus de milieux peu favorisés : je rappelle que l’on compte chez les ouvriers trois fois plus de titulaires du baccalauréat professionnel que du baccalauréat général.
Le contrat social proposé à ces jeunes est donc faussé. C’est bien pourquoi nous avons adopté, l’année dernière, le dispositif des quotas. Mais je ne pense pas qu’il suffise d’ouvrir la porte des IUT et des STS à certains bacheliers pour démocratiser l’accès à ces filières : il faut aussi accompagner ces bacheliers vers la réussite.
Cette politique d’accompagnement devrait mobiliser – comme c’est d’ailleurs le cas dans certains IUT et STS – une large palette d’instruments : établissement de bilans de compétences en fin de premier semestre, institution de « modules passerelles » entre la terminale et la première ou les deux années de STS, politique d’orientation des bacheliers professionnels prenant en compte le fait que ceux-ci réussissent mieux lorsque leur lycée accueille aussi des STS, recours au tutorat et développement des parcours permettant d’obtenir le diplôme universitaire de technologie en deux ans et demi ou trois ans.
Parallèlement à ces mesures, l’accueil en STS et en IUT des bacheliers professionnels et technologiques qui sont en échec à l’université devrait être facilité par la mise en place de « rentrées décalées » ou de semestres d’adaptation.
Tout ceci demande des moyens, ce qui implique que les référentiels de formation des STS accordent une large place aux heures d’accompagnement des étudiants fragiles et que les IUT et les universités jouent sans arrière-pensées le jeu des contrats d’objectifs et de moyens prévus par la loi du 22 juillet 2013 et encadré par deux décrets adoptés l’été dernier.
J’en viens maintenant à la seconde problématique, celle de la cohérence entre formation et besoins des entreprises. Dans ce domaine, je dois avouer que les interrogations, voire les tensions à l’œuvre, sont très nombreuses.
J’évoquerai notamment les inquiétudes des entreprises et des formateurs concernant le positionnement du brevet de technicien supérieur (BTS) et du diplôme universitaire de technologie (DUT) ainsi que la qualité des baccalauréats rénovés.
Premièrement, nous constatons un « déport » des sorties de l’enseignement supérieur de bac + 2 vers bac + 3, c’est-à-dire du BTS ou du DUT vers la licence professionnelle ou au-delà, ce qui complique le recrutement par les PME des techniciens dont elles ont besoin. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a même parlé de « dévoiement » du DUT, qui est devenu un passeport pour la poursuite d’études pour 87 % de ses diplômés. Ce phénomène de grande ampleur a d’ailleurs conduit un de mes interlocuteurs à considérer que certaines spécialités d’IUT pourraient se transformer en classes préparatoires intégrées à l’université, une option vivement contestée par le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Ces poursuites d’études ne sont pas étrangères au fait que les jeunes se détournent des métiers de l’industrie alors que toutes les études prospectives démontrent que celle-ci offrira, dans les dix prochaines années, de nombreux emplois qualifiés, souvent à forte composante numérique.
Deuxièmement, la qualité des nouveaux baccalauréats professionnels et technologiques, notamment celle du fameux baccalauréat « sciences et technologies de l’industrie et du développement durable » (STI2D), fait débat. Pour certains, le « bac pro » obtenu en trois ans a réduit l’employabilité de ses titulaires et ses modalités d’obtention relativement souples pourraient, du fait de l’afflux des bacheliers professionnels résultant des quotas, avoir des répercussions sur le niveau du BTS. En outre, le « fléchage » de ces bacheliers vers cette filière pourrait donner une forme de prépondérance aux apprentissages par le geste au détriment d’une approche un peu plus conceptuelle, ce qui entraînerait des pertes de compétences. Quant aux nouveaux « bacs techno », mes interlocuteurs ont été jusqu’à les qualifier de « bacs sans technologie ». Cette évolution suscite une certaine perplexité chez les responsables du réseau des IUT.
Troisièmement et dernièrement, nous sommes confrontés à un réel problème d’articulation des objectifs fixés par la nation concernant le pourcentage de bacheliers – 80 % d’une classe d’âge – et celui de diplômés de l’enseignement supérieur – 50 % d’une classe d’âge. Nous allons certainement atteindre les 80 % de bacheliers, mais uniquement grâce à la progression du nombre de bacheliers professionnels, et cette tendance ne nous aidera pas à accroître le niveau de qualification de la population. Tel est le constat de la Conférence des présidents d’université et du comité chargé de rédiger la stratégie nationale pour l’enseignement supérieur. Ce dernier rappelle que France Stratégies a retenu comme objectif un taux de titulaires d’un diplôme de niveau bac + 5 égal à 21,5 % en 2020 et que la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs a identifié un besoin de formation de 13 000 diplômés supplémentaires par an.
Aussi la mobilisation autour des quotas de bacheliers professionnels ne doit-elle pas nous faire oublier qu’il est de notre intérêt d’accroître le nombre de bacheliers technologiques et généraux. Comme le suggère le Syndicat général de l’éducation nationale, affilié à la Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT), nous pourrions peut-être fixer des objectifs en termes de types de bacheliers formés et augmenter, à partir de là, la part des bacheliers généraux issus des milieux défavorisés, ce qui permettrait une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur long.
Mon travail, vous l’aurez compris, ne vise pas à proposer des recettes toutes faites : il établit une sorte de questionnaire qui appelle des réponses nuancées, loin de toute posture dogmatique. Le modèle de formation proposé par les IUT et les STS garde, certes, toute sa pertinence, mais il doit désormais concilier des exigences de plus en plus nombreuses. C’est sans doute l’occasion ou jamais de s’appuyer sur les acquis de ces deux réseaux pour réfléchir aux contours d’une filière universitaire technologique complète, qui irait du « post-bac » au doctorat et qui proposerait des parcours de formation plus souples afin d’accroître la mobilité sociale à tous les âges de la vie.
M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie, mes chères collègues, pour le travail qui a permis l’élaboration de ces trois beaux rapports, et donne maintenant la parole aux représentants des groupes.
M. Émeric Bréhier. Je m’associe à ces remerciements.
Chacun des trois rapports traite, à sa manière, de la mise en application de textes que nous avons adoptés et donne la mesure du chemin qui reste à parcourir entre le vote de la loi et son application effective. Nous devons rester à cet égard extrêmement attentifs.
Vous mettez bien en lumière, madame Tolmont, le paradoxe qui existe entre des structures d’enseignement adapté qui résultent de la priorité donnée par l’éducation nationale à la lutte contre l’échec scolaire, et le principe d’inclusion que nous avons longuement discuté lors des débats sur la loi pour la refondation de l’école. Selon vous, à quel horizon peut-on raisonnablement envisager une disparition des SEGPA par intégration dans le dispositif global de l’éducation nationale ? Parallèlement, comment améliorer l’intégration des EREA dans le système éducatif général ?
J’espère que vous pardonnerez à un député de plaine de poser une question aussi triviale, madame Dion : dans les laboratoires dont vous soulignez la pertinence du projet de recherche, avez-vous relevé une évolution favorable des crédits pérennes, sachant que les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR), chère au cœur de notre collègue Patrick Hetzel, ont, eux, diminué ?
Au-delà d’un accès aux formations dont vous avez souligné les effets parfois paradoxaux, madame Doucet, comment faire pour que les étudiants de STS et d’IUT réussissent et pour que ces diplômes contribuent véritablement à l’ascenseur social ?
M. Xavier Breton. Je remercie également les trois rapporteures.
Je concentrerai mon intervention sur l’enseignement scolaire. Votre rapport, madame Tolmont, mérite d’être salué : souvent méconnues, les structures d’enseignement adapté accomplissent dans l’ombre un travail remarquable. Votre coup de projecteur est très opportun.
Je souscris également à votre approche pragmatique : le fonctionnement de ces structures, avez-vous démontré, contredit certes les principes réaffirmés du collège unique et de l’école inclusive, mais on ne peut ignorer le travail souvent remarquable réalisé par les SEGPA et les EREA, et l’impossibilité, pour le second degré, de scolariser dans de bonnes conditions des élèves qui se situent parfois, écrivez-vous, « au-delà de la grande difficulté scolaire et psychologique ». Votre rapport souligne bien l’intérêt de ces enseignements adaptés, qu’il s’agisse des effectifs réduits ou de la personnalisation de la réponse apportée à chaque élève selon sa situation.
J’ai relevé trois propositions particulièrement intéressantes : le développement des échanges avec les collégiens et enseignants hors SEGPA ; la remise en cause de la pertinence du critère du redoublement, lequel correspond à une interprétation étroite de la circulaire du 29 août 2006 et ignore les effets négatifs du redoublement ; la mise en place d’une évaluation permettant d’assurer un meilleur suivi des élèves.
Votre rapport relève que les effectifs des SEGPA ont baissé de 17 %, passant de 113 800 élèves en 2002 à 94 400 en 2013. Quelles sont les raisons de cette baisse, sachant que le taux d’encadrement n’a pas diminué dans la même période ?
Vous regrettez par ailleurs que les plateaux techniques des SEGPA soient peu modernes et peu diversifiés. Que proposez-vous à cet égard ?
Pour ce qui est de la trajectoire des élèves concernés, tout semble joué dès l’entrée en primaire, dites-vous. La scolarité du premier cycle ne permet pas de remédier à leurs difficultés. Dès lors, ne conviendrait-il pas de s’orienter vers un repérage précoce des difficultés dès l’école maternelle ? Bien que cette question soulève toujours de vifs débats et se heurte, sur certains bancs, à une opposition culturelle, le diagnostic que vous établissez nous conduit à la poser.
Enfin, vous indiquez avoir « parfois eu la tentation, sans doute provocatrice, de croire que la réussite des EREA tenait au fait que l’administration de l’éducation nationale s’en était désintéressée ». Est-ce un plaidoyer pour une plus grande autonomie des établissements ?
En tout cas, je vous remercie encore pour ce rapport. Là où vous voyez une contradiction, je vois plutôt une interrogation sur la manière de faire vivre et de décliner les principes du collège unique et de l’école inclusive.
Mme Barbara Pompili. Madame Tolmont, je tiens à vous remercier du travail d’investigation que vous avez conduit sur des secteurs souvent mal connus et pourtant, aujourd’hui encore, malheureusement nécessaires !
Alors que la loi pour la refondation de l’école promeut l’école inclusive et que la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées reconnaît le droit à la scolarisation aux élèves en situation de handicap, l’existence de structures adaptées comme les SEGPA ou les EREA n’est pas sans nous interpeller, tout en justifiant l’intérêt de votre rapport.
Si nous prônons l’école inclusive et l’adaptation du système aux besoins de chaque élève, incluant le parcours individualisé et l’accompagnement humain, nous constatons aujourd’hui que nous sommes encore loin d’atteindre cet idéal. Oui, l’existence même des SEGPA et des EREA est la preuve que l’école inclusive n’existe pas encore. C’est pourquoi quiconque prônerait leur disparition immédiate prendrait le risque d’aggraver les difficultés scolaires et sociales de nombreux élèves qui, ne sachant vers quelles structures se tourner, seraient très mal accueillis dans le milieu dit ordinaire.
Or, c’est précisément sur le milieu ordinaire qu’il convient d’agir pour le rendre capable, à terme, d’accueillir les élèves en grande difficulté. Il n’est pas acceptable que le système scolaire continue de reproduire et d’aggraver les inégalités sociales, alors qu’il devrait servir de tremplin à ces élèves. Nous ne pouvons plus accepter que les plus fragiles soient extraits du milieu ordinaire pour être placés dans des filières vues et vécues comme des voies de garage, où l’on essaie de les oublier en limitant au maximum les relations entre milieu adapté et milieu ordinaire – c’est un point que vous soulignez. C’est comme si ces deux mondes coexistaient sans se voir, puisque, même lorsqu’ils partagent le même site, ils ne partagent pas les mêmes locaux, ce qui interdit tout mélange ou tout échange entre les élèves et les professeurs de ces deux mondes, qu’il s’agisse des cours, des activités sportives et artistiques, des voyages scolaires, des dynamiques d’établissement, voire de la cantine – il y a fort heureusement quelques exceptions. Il est donc urgent d’agir pour pallier les défaillances de notre système, qui rejette une partie des jeunes.
La loi de refondation de l’école constitue une première étape, notamment parce qu’elle redonne la priorité au primaire – les professionnels de SEGPA le soulignent : il faut s’attaquer aux difficultés dès le primaire – et qu’elle restaure la formation des enseignants. Il faut toutefois aller plus loin. Devant les difficultés spécifiques rencontrées par certains élèves, nombre d’enseignants se sentent encore aujourd’hui trop démunis. Le manque de formation de l’ensemble des équipes pédagogiques à l’accueil des élèves en situation de handicap ou en grande difficulté étant une des racines du mal, il faut tout faire pour y remédier.
Il convient également d’assouplir le système, afin de permettre à chaque élève de bénéficier d’un suivi et d’un parcours individualisés. Il devrait être possible de mieux « circuler » à l’intérieur d’un cycle et de fonctionner par petits groupes et par projets. Il faut également augmenter les moyens humains pour accompagner chaque élève et mieux ouvrir l’établissement à son milieu.
Je tiens à insister sur la nécessité d’améliorer l’existant car, de l’avis même des professionnels travaillant en SEGPA, la suppression à court terme de ces structures relève de l’utopie. En attendant que l’inclusion en milieu ordinaire puisse devenir la norme, il convient d’améliorer le fonctionnement des SEGPA et des EREA pour leur permettre de répondre aux difficultés des élèves que ces structures accueillent.
Vos préconisations, madame la rapporteure pour avis, vont dans le bon sens puisqu’elles tendent à renforcer les liens entre le milieu ordinaire et le milieu adapté pour les élèves et les enseignants, à réviser les critères d’orientation, à supprimer la condition devenue absurde du redoublement, à systématiser le réexamen des situations des élèves scolarisés en milieu adapté, à accroître les sorties d’élèves vers la voie « ordinaire », notamment grâce aux liens créés lors du réexamen des situations, à revoir les missions des EREA en les intégrant à leur environnement scolaire, à mieux valoriser le travail des personnels et à mettre l’accent sur leur formation. J’espère que vos conclusions trouveront rapidement un écho favorable et concret.
M. Rudy Salles. La France se situe seulement au dix-huitième rang de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour la performance de ses élèves. Quant au rapport de la Cour des comptes « Gérer les enseignants autrement », rendu public le 22 mai 2013, il souligne que les résultats insatisfaisants de notre école ne proviennent ni d’un excès ni d’un manque de moyens budgétaires ou d’enseignants. Il était donc indispensable d’engager une réforme d’ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants : or cette réforme est totalement absente du projet de loi de finances.
Nous regrettons tout d’abord que ce texte ne réponde pas à la principale difficulté soulevée par la réforme des rythmes scolaires, à savoir l’absence de financement pérenne. Comptez sur nous pour le rappeler ! Le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires, reconduit à la rentrée 2015 au bénéfice des communes les plus fragiles, ne peut constituer une solution satisfaisante. L’inquiétude demeure particulièrement importante pour les collectivités territoriales qui doivent financer cette réforme, alors même que le gouvernement leur demande simultanément de contribuer à hauteur de 11 milliards d’euros aux 50 milliards d’euros d’économies annoncées.
L’UDI apportera par ailleurs une attention toute particulière à la lutte contre le décrochage et soutiendra le développement des expériences peu coûteuses, fondées sur la mise en confiance en soi et sur des jeux collectifs et individuels, menées de manière concluante par des associations comme Coup de Pouce Clé.
S’agissant des crédits de la recherche, notre groupe s’interroge sur les orientations prises, qui visent à faire participer la mission aux efforts partagés de rationalisation et d’économies. En matière de soutien à la recherche et à l’innovation, nous nous inquiétons notamment de la suppression du programme 410 qui porte sur la « Recherche dans le domaine de l’aéronautique », secteur d’excellence employant 320 000 personnes, qui continue de se développer en période de crise et représente le premier secteur d’exportation de notre économie. Nous déplorons également que les moyens alloués au programme 191 – « Recherche duale (civile et militaire) » –, qui vise à maximiser les retombées civiles de la recherche de la défense et à faire bénéficier la défense des avancées de la recherche civile, n’aient pas été amplifiés.
Nous regrettons enfin que la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne préfigure pas les grandes orientations soutenues par notre groupe. Nous défendons tout d’abord la création d’écosystèmes économiques permettant de rapprocher les universités et les centres de recherche des entreprises, et de lier le développement des infrastructures à celui des bassins économiques. Nous souhaitons également affirmer le rôle stratège de l’État en matière de recherche et d’innovation au service de la compétitivité, afin de soutenir massivement les entreprises dans ces secteurs d’excellence que sont l’aéronautique, la chimie, la santé, la transition écologique et le numérique. De plus, l’enjeu de l’enseignement supérieur ne saurait, pour notre groupe, se résumer au déploiement de moyens supplémentaires, alors qu’il convient surtout de créer des liens toujours plus forts entre l’université et le monde extérieur. Si le programme promeut la coordination étroite à l’échelle d’un territoire académique des établissements publics d’enseignement supérieur, il est en revanche plus flou s’agissant des partenariats, pourtant indispensables, avec le monde économique et social. Enfin, la suppression des bourses au mérite, pour une économie de 14 millions d’euros en 2015 et de 35 millions en 2017, signe l’arrêt de la logique de recherche de l’excellence. Or celle-ci doit être poursuivie par l’enseignement supérieur s’il veut assumer son rôle essentiel, qui est de former la ressource humaine, laquelle constitue la plus grande richesse de la nation.
Mme Marie-George Buffet. Je tiens à saluer, comme vous le soulignez dans votre rapport, madame Tolmont, l’augmentation significative du nombre des enfants en situation de handicaps scolarisés, une augmentation qui impose de poursuivre le travail sur le statut et le déroulement de carrière des auxiliaires de vie scolaire (AVS).
Vous souhaitez que tous les enfants puissent un jour bénéficier d’un parcours commun et partager le même socle, au sein d’une école de la réussite débutant dès la maternelle : on ne verrait plus alors d’enfants en grande difficulté contraints de redoubler leur cours préparatoire. Vous soulignez toutefois qu’il faut tenir compte de la réalité : nul ne sait, en effet, quand l’école aura les moyens d’accueillir tous les enfants. C’est pourquoi nous devons saluer le travail effectué dans les SEGPA et les EREA.
Votre rapport évoque différents problèmes, notamment l’insuffisance des personnels qualifiés et l’absence de pilotage et de soutien académiques des enseignements adaptés, tout en s’interrogeant sur l’inclusion raisonnée et la manière dont l’école doit s’ouvrir à l’enseignement adapté, notamment par des échanges permettant aux enfants scolarisés en SEGPA de sortir d’un parcours tubulaire. Enfin, vous pointez l’absence de retour vers la voie « ordinaire », qui pose la question du suivi du parcours scolaire de ces enfants.
Madame Doucet, dans votre rapport pour avis sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante, vous évoquez, dans le cadre du « Plan 40 000 », le fait que les CROUS soient sollicités pour 30 000 nouveaux logements étudiants : quelle est aujourd’hui la capacité de financement des CROUS ? Je suis par ailleurs étonnée des écarts existant, selon les académies, entre les loyers des chambres en cité universitaire. Il conviendrait de se pencher sur la question.
Vous évoquez également la rénovation des formations technologiques courtes. Certes, trop souvent, les jeunes ont l’impression d’être orientés vers les filières professionnelles parce qu’ils ne sont pas capables de suivre l’enseignement général. Toutefois, pourquoi semblez-vous hésiter sur la poursuite des élèves issus de la voie professionnelle au niveau universitaire ?
M. le président Patrick Bloche. Je souhaite rassurer M. Rudy Salles, ainsi que tous les membres de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. En effet, le Premier ministre vient d’annoncer, au Sénat, que le fonds d’amorçage, destiné à soutenir les communes dans l’aménagement des rythmes scolaires, sera maintenu l’année prochaine au même niveau que cette année. Cette bonne nouvelle nous conduira sans aucun doute à corriger, en séance publique, le projet de loi de finances pour 2015. Nous avions été nombreux, sur tous les bancs, à nous inquiéter : force est de constater que le gouvernement nous a entendus, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir collectivement. Notre mobilisation n’aura pas été vaine.
Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent poser des questions.
Mme Sophie Dessus. Mme Tolmont nous a alertés sur l’avenir des SEGPA, qui jouent un rôle important, notamment en milieu rural : je l’en remercie. Sans doute le principal défaut des SEGPA est-il le manque d’inclusion : toutefois, leur suppression aggraverait la situation des élèves concernés, ce qui arriverait s’ils étaient jetés dans le bain commun des classes de collège et ne bénéficiaient plus de l’enseignement spécifique que leur offrent des enseignements spécialisés. Leur suppression ne saurait être sérieusement envisagée tant que nous ne serons pas en mesure de les remplacer.
Madame Dion, c’est dans son intégralité que le secteur de la recherche m’inquiète. Le Président de la République avait choisi de rendre hommage à Pierre et Marie Curie le jour de son investiture, le 15 mai 2012. C’était un hommage appuyé rendu au génie français et un signal fort envoyé à tous nos savants et chercheurs.
Chacun sait que la recherche conditionne notre avenir. La France doit innover si elle veut rester à la pointe, apporter des réponses aux grands enjeux environnementaux et sanitaires et trouver les moyens de maintenir le financement de son modèle social.
Il convient de stimuler, d’un côté, la recherche privée des entreprises – le crédit impôt recherche s’y emploie – et, de l’autre, la recherche publique. Or celle-ci rencontre des difficultés. Permettez-moi de citer quelques titres récents de la presse : « Mal payés, mal équipés, mal considérés, les chercheurs dépriment » ; « Les chercheurs déprimés face aux suppressions de postes » ; « Jérôme, chercheur, dix ans d’études pour 1 800 euros nets » ; « Le Gouvernement reste ferme face aux chercheurs en colère ».
Tout élu sait qu’il ne faut pas se fier aux journaux. Toutefois, ces titres révèlent un grave problème. Quels sont les moyens alloués à la recherche, qui est une priorité ? Ne peut-on faire un geste pour les 30 000 chercheurs qui ne sont pas toujours payés à la hauteur de leurs mérites ? Comment les inciter à ne pas quitter la France ? Comment sortir de la précarité les 15 000 chercheurs qui enchaînent les CDD – l’INSERM a récemment perdu un contentieux contre l’un d’entre eux devant le tribunal administratif de Paris ? Comment assurer la simplification de la jungle administrative, où se perdent bon nombre de directeurs à la seule fin d’obtenir des crédits ? Quelle réponse apporter à la marche des chercheurs qui dure depuis plusieurs semaines ?
François Mitterrand avait organisé des États généraux de la recherche pour réfléchir à l’avenir de celle-ci. Nous devons trouver des solutions pour soutenir la recherche publique.
M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, le gouvernement souhaite inscrire la prorogation du financement de la réforme des rythmes scolaires dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 : c’est une avancée, assurément, mais quid de la pérennisation, qui est le terme clé ? Vous ne l’avez pas évoquée. Pour les communes, en effet, la dépense reviendra tous les ans. C’est pourquoi nous serons très attentifs à la question de la pérennisation du fonds d’amorçage.
Le budget accordé à la recherche par projets est en deçà du seuil critique – j’ai déjà eu l’occasion de le souligner lors de l’examen des projets de budgets pour 2013 et 2014. Le PLF pour 2015 n’améliore en rien la situation.
Quant au volet enseignement supérieur de la mission, Mme Doucet évoque de manière succincte, page 10 de son rapport pour avis, la suppression des bourses au mérite, bourses qui, je tiens à le rappeler, ne concernaient que des boursiers sur critères sociaux. Pour utiliser la terminologie gouvernementale – j’ai horreur du clivage qu’elle instaure –, il ne s’agit donc pas d’« enfants de riches ». Une fois de plus, c’est un gouvernement de gauche qui porte un coup de canif au mérite républicain, ce que nous ne pouvons que regretter car celui-ci était un ciment.
Le budget présenté par le gouvernement manque de vision et de souffle. C’est dommage pour un secteur tel que l’enseignement supérieur et la recherche, qui relève assurément de l’immatériel mais doit être considéré comme un investissement. Or le dossier de presse du gouvernement souligne que « l’optimisation de la gestion financière du secteur de l’enseignement supérieur » devrait rendre possible une nouvelle « contribution au redressement des finances publiques à hauteur de 100 millions d’euros ». Cela signifie que le gouvernement met le secteur à la diète. Il existe donc un immense décalage entre l’affirmation du gouvernement selon laquelle ce secteur est sanctuarisé et les faits, à savoir sa mise à la diète qui ne sera pas sans poser aux établissements d’enseignement supérieur un problème financier d’autant plus grave que la montée en puissance, en année pleine, de l’ordre de 45 millions d’euros, du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) creusera encore leur situation. Il manquera au bas mot 150 millions d’euros au budget des établissements d’enseignement supérieur.
De plus, le texte est muet sur le nouveau modèle d’allocation des moyens, annoncé pour 2015 par Mme Fioraso : il devrait inclure la masse salariale. Or le gouvernement a gelé ce chantier pour 2015, ce qui ne fait que confirmer le décalage entre les paroles et les actes.
Mme Isabelle Attard. Le financement des universités inquiète le monde de la recherche : suppression d’options, accueil limité des étudiants, tirage au sort dans certaines filières, gel d’emplois sont autant d’exemples glanés dans les rapports d’activité des universités. Selon la conférence des présidents d’université, les universités manqueront en 2015 de 200 millions d’euros pour financer leurs dépenses obligatoires. Si les écologistes se réjouissent du traitement, plutôt favorable, réservé aux étudiants, leur inquiétude est grande en ce qui concerne les nouvelles embauches promises par le gouvernement : celles-ci ne serviraient qu’à combler le manque de personnels administratifs. Il conviendrait donc de rétablir la situation et de se fixer l’objectif d’atteindre 3 % du PIB pour la recherche d’ici à dix ans, ce qui impliquerait d’augmenter chaque année son budget d’un milliard d’euros : nous en sommes loin !
C’est l’ensemble du modèle d’allocation qu’il convient d’ailleurs de réformer. Madame Dion, si vous avez cent fois raison d’évoquer dans votre rapport pour avis la situation de la recherche dans les zones de montagne, votre analyse vaut pour l’ensemble de la recherche. Vous concluez en soulignant que « certains domaines de recherche, qui peuvent apparaître moins attractifs à un instant donné, doivent bénéficier de moyens de financement pérennes » : le groupe écologiste réclame depuis deux ans et demi des financements ne dépendant pas de l’Agence nationale de la recherche (ANR), pour permettre aux laboratoires de travailler. Vous ajoutez qu’« il importe d’assurer aux laboratoires des soutiens de base plus conséquents » : nous sommes totalement d’accord avec vous. Le développement du financement via l’ANR s’est effectué au détriment de la subvention publique aux organismes de recherche et à leurs équipes. En 2014, les résultats des derniers appels d’offres ont déçu : 8,5 % de succès sur 8 000 demandes.
Les appels à projet contribuent à mettre en concurrence les chercheurs et les organismes, ce qui entraîne un gaspillage de temps qui serait mieux employé à la recherche elle-même : c’est ce que soulignent tous les chercheurs et tous les enseignants, ingénieurs et techniciens qui manifestent actuellement, ainsi que les 700 directeurs d’unités qui menacent de recourir à une démission administrative, comme ils l’avaient déjà fait il y a quelques années. La situation actuelle est regrettable. Madame la rapporteure, pensez-vous, comme moi, que le nécessaire relèvement des financements permanents des équipes de recherche s’impose ?
Selon les écologistes, la meilleure piste pour trouver des financements est le crédit d’impôt recherche (CIR), qui n’a pas démontré, loin de là, son efficacité à stimuler les investissements privés de recherche, n’exerçant aucun effet de levier. Avant 2012, le Parti socialiste avait demandé l’organisation d’un débat public sur le sujet : or le CIR demeure intouchable, en dépit des fortes critiques dont il fait l’objet, de toutes parts, y compris de la Cour des comptes.
M. Hervé Féron. Comment concilier, madame Doucet, l’objectif, inscrit dans la stratégie de Lisbonne, d’atteindre 50 % de diplômés du supérieur, et, plus largement, celui de répondre aux besoins de notre économie en étudiants diplômés de haut niveau, avec la promotion du BTS ou du DUT, qui sont des filières courtes ?
Depuis la publication du décret du 20 août 2014 relatif aux obligations de service des personnels enseignants, les professeurs du secondaire se sont vu assigner une mission d’orientation à l’égard de leurs élèves, en sus de leurs obligations initiales. Or cette mission supplémentaire risque de se heurter au manque de moyens horaires. Comme vous le suggérez pour les professeurs des sections de techniciens supérieurs (STS) chargés d’accompagner les élèves en difficulté, ne pensez-vous pas nécessaire d’aménager des plages horaires spéciales pour les enseignants du secondaire afin de leur permettre de remplir ces nouvelles missions d’orientation sans alourdir leur charge de travail, qui est déjà importante ?
M. Claude Sturni. Madame Doucet, je suis très sensible à l’avenir des formations supérieures dites courtes, que vous évoquez dans votre rapport pour avis – je partage un grand nombre de vos remarques. Toutefois, ces formations risquent de se voir dévaloriser si elles ne tissent pas des liens étroits avec leur environnement économique, c’est-à-dire les employeurs potentiels. Un second risque de dévalorisation est constitué par l’inadéquation du contenu de la formation avec les attentes des acteurs économiques, c’est-à-dire, là aussi, des employeurs. Dans les régions frontalières – je pense naturellement à l’Alsace –, la maîtrise d’une langue étrangère peut décider de l’obtention d’un emploi à l’issue de la formation : cette maîtrise représente donc un enjeu capital. La région Alsace développe l’enseignement bilingue franco-allemand : c’est pourquoi les employeurs sont sensibles à la possibilité, offerte aux jeunes, de poursuivre cette formation dans l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse, du reste, de l’allemand ou de l’anglais, qui s’impose de plus en plus dans le monde économique.
Je voudrais également vous faire part d’un regret : votre rapport pour avis n’approfondit pas suffisamment la question de l’apprentissage, alors même que, dans le cadre des filières courtes, l’alternance de périodes en entreprise et de périodes en établissement d’enseignement me paraît particulièrement pertinente.
Enfin, votre insistance sur la proximité entre un jeune et l’équipe pédagogique qui l’encadre me laisse dubitatif. À mes yeux, la proximité qui compte pour un jeune est celle qui s’établit entre lui et les perspectives d’emploi et d’insertion sociale et professionnelle qui l’attendent à l’issue de son parcours de formation. Il serait important de rappeler que l’objectif principal de la formation est de trouver un emploi.
Mme Colette Langlade. Madame Tolmont, si, à l’entrée en SEGPA ou en EREA, le choix des filières paraît assuré, tel n’est pas le cas à la sortie. Vous soulignez que c’est le dialogue, lorsqu’il est établi de façon continue, qui permet de former l’avis des familles et des élèves sur le choix des parcours qualifiants. Il ne faut pas non plus oublier l’apport que représentent le professionnalisme des équipes d’enseignants, notamment en EREA, et leur connaissance des réseaux de proximité.
S’agissant des outils qui permettent d’assurer le suivi des élèves des EREA, qu’en est-il du cahier de tutorat et du dossier de suivi ? Est-il facile aujourd’hui d’obtenir des données précises sur l’insertion sociale des élèves à la sortie des établissements, qu’ils aient obtenu ou non un CAP, ou sur leur parcours vers de nouvelles qualifications ?
Mme Martine Martinel. Les rapporteures ont eu le mérite de se pencher sur des aspects méconnus de leur mission, qu’il s’agisse du parcours des élèves en grande difficulté, de la recherche en zone de montagne ou des filières techniques ou professionnelles, trop souvent dévalorisées.
Madame Tolmont, pouvez-vous revenir sur le nécessaire maintien de la classe de sixième en SEGPA, alors que la loi de refondation de l’école vise à la consolidation du cycle formé par le CM1, le CM2 et la sixième ? Quelles précisions pouvez-vous également nous apporter sur l’inclusion raisonnée de ces structures dans le paysage éducatif ? Sans remettre en cause le professionnalisme des équipes pédagogiques, comment rompre avec l’aspect « ghetto » de ces classes ?
Madame Doucet, contrairement à M. Sturni, le développement de la proximité entre les jeunes et leurs équipes pédagogiques au sein des filières courtes me paraît un point très intéressant : pourriez-vous apporter des précisions à ce sujet ?
M. Pascal Demarthe. Au collège, les SEGPA accueillent des élèves présentant des difficultés d’apprentissage graves et durables. Or la loi de refondation de l’école, adoptée en juillet 2013, a posé deux principes qui pourraient bousculer le fonctionnement des SEGPA : il s’agit de la volonté de mettre fin au redoublement, qui est une condition actuellement indispensable à l’orientation en SEGPA, et de la création du cycle commun école-collège, qui devrait logiquement impliquer le report de l’orientation à la fin de la classe de sixième.
Les difficultés rencontrées par certains élèves ont des causes exogènes qui doivent trouver des solutions ailleurs que dans le strict cadre scolaire. Or, l’école elle-même produit des situations d’échecs : c’est pourquoi il convient de faire évoluer le système de notation, les programmes et la formation. Le fait que la difficulté scolaire soit inhérente à l’apprentissage n’est ni une fatalité ni une maladie.
La présence d’enseignants spécialisés auprès des maîtres, au sein de leurs classes, qui sont le premier lieu de la différenciation pédagogique, est indispensable. La suppression massive, sous le précédent quinquennat, des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) a ainsi eu un effet très négatif.
Le rapport sur « Le traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire », remis par les inspecteurs généraux Jean-Pierre Delaubier et Gérard Saurat, insiste sur l’absence de réponse apportée par le collège à la situation des élèves en grande difficulté. LA SEGPA y est présentée comme un espace de réhabilitation des élèves les plus fragiles, car ils y travaillent dans un climat de confiance et de respect propice à la réussite. Toutefois, les améliorations qui sont préconisées se révèlent difficiles à réaliser : densifier la notion de réseaux entre SEGPA et lycée professionnel ; s’ouvrir davantage vers le collège grâce à des temps d’apprentissage partagés avec les autres collégiens ; proposer des parcours plus diversifiés ; prendre en compte le nouveau cycle CM1-CM2-6e.
Pourquoi ne pas poursuivre après l’école élémentaire le travail des RASED en s’appuyant sur le cycle école-collège ? Ne pourrait-on pas également faire évoluer le travail des enseignants spécialisés de SEGPA vers une collaboration plus étroite avec les enseignants de collège, en imaginant des inclusions plus systématiques dans des classes ordinaires et en s’appuyant sur des enseignants volontaires ? Ces dispositions auraient le double avantage de lever les inquiétudes et les réticences des parents qui perçoivent trop souvent l’orientation en SEGPA comme ségrégative et de faire évoluer la représentation parfois négative des élèves entre eux, voire des adultes.
La question de l’évolution des SEGPA méritera d’être débattue dans le cadre de la réforme du collège.
Par ailleurs, la création des unités localisées pour l’insertion scolaire (ULIS), qui ont toutes pour caractéristique d’avoir un nombre d’inscrits plus élevé que celui qui est préconisé, ne doit pas se faire aux dépens des SEGPA, qui conservent toute leur pertinence pour les élèves présentant des difficultés graves et persistantes, surtout lorsqu’ils sont porteurs de handicaps.
Pouvons-nous espérer voir l’avenir des SEGPA s’inscrire dans une véritable réflexion commune, ce qui est essentiel pour lutter avec efficacité contre le décrochage et l’échec scolaire ?
M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, vos différentes interventions ont bien illustré le travail de nos trois rapporteures. Je vous en remercie.
Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. Mme Buffet a eu raison de souligner que mon rapport pour avis jette la lumière sur la grande difficulté scolaire au travers de structures qui ne devraient pas se transformer en filières.
Je ne souhaite pas la suppression des SEGPA, mais je ne suis pas ministre de l’éducation nationale. Je me félicite évidemment que Mme Vallaud-Belkacem ait annoncé la semaine dernière, en commission élargie, de nouvelles dispositions pour le collège en janvier prochain. L’objectif du rapport pour avis était non pas de critiquer les structures adaptées et les personnels qui y travaillent mais de souligner que le collège unique, décidé en 1975, doit améliorer son mode de fonctionnement. Alors qu’il a permis l’intégration de tous les élèves en son sein, force est de constater qu’il est nécessaire en 2014 de travailler à sa refonte, notamment en ce qui concerne l’adaptation de sa pédagogie à l’hétérogénéité des élèves.
Il ne faut pas se voiler la face : les SEGPA sont victimes d’une image catastrophique. Quels parents rêvent, pour leurs enfants, d’une entrée en sixième SEGPA ? Ces structures sont d’ailleurs assez mal connues, d’autant qu’elles sont souvent situées à l’écart du collège. J’ai visité dans ma circonscription un collège flambant neuf : la section SEGPA était située derrière, dans des bâtiments très anciens. Cela n’enlève évidemment rien au souci de l’équipe pédagogique d’accompagner le mieux possible les élèves mais la différence de traitement sautait immédiatement aux yeux.
La baisse des effectifs en SEGPA tient en grande partie à cette mauvaise image : elle est surtout prononcée en sixième, alors même que l’entrée au collège est particulièrement difficile pour les élèves ayant rencontré de grosses difficultés à l’école primaire. Mais peut-être cette baisse a-t-elle aussi répondu à des objectifs économiques.
Monsieur Breton, ma remarque selon laquelle la réussite des EREA tenait au désintérêt que leur manifestait l’administration de l’éducation nationale était évidemment une provocation. Nous avons pu toutefois observer que les EREA, peu connus des décideurs publics, vivent à l’écart de l’éducation nationale. Les directeurs des EREA attendent d’ailleurs un cadrage actualisé de leur action puisque leurs établissements relèvent d’une circulaire de 1995 qui n’a jamais été révisée.
Madame Langlade, nous manquons de données sur l’évolution de l’insertion des élèves de SEGPA et des EREA. Mme Moisan, qui est à la tête de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), nous a toutefois livré des éléments précis recueillis sur un échantillon de 30 000 élèves entrés en sixième en 2007. Il est nécessaire d’améliorer encore le suivi de ces élèves.
Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis. Il peut sembler original de se focaliser sur la montagne, mais celle-ci constitue un objet de recherche à part entière, dont les spécialistes ont au demeurant les mêmes besoins et les mêmes difficultés que leurs homologues, dans les sciences « dures » comme dans les sciences « molles » : insuffisamment payés, ils souffrent d’un manque de reconnaissance qui contribue à la fuite des cerveaux, alors même qu’il est de notre responsabilité d’encourager les vocations parmi les jeunes.
La plupart des chercheurs se plaignent aussi du formalisme administratif des appels à projet : il conviendrait de l’alléger, car le travail qu’il implique n’est assurément pas le cœur de leur métier.
Parce qu’elle représente un investissement en faveur de notre jeunesse, cette priorité gouvernementale qu’est la recherche devrait même être exclue du périmètre des dépenses budgétaires ; qu’on le déplore ou non, elle est soumise, au niveau international, à des exigences de compétitivité qui justifieraient un certain nombre de règles spécifiques.
Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis. Vos questions, chers collègues, en témoignent, les étudiants en STS et en IUT méritent toute notre attention. Dans la filière STS, ils sont 37 % à être issus de milieux défavorisés et, dans les IUT, 43 % sont boursiers. Ils n’ont donc pas de temps à perdre dans leur cursus ; d’où l’importance, monsieur Bréhier, de l’encadrement. Afin de proposer la meilleure orientation aux lycéens, l’article 33 de la récente loi pour l’enseignement supérieur et la recherche a aussi fixé des quotas. Le projet de loi de finances pour 2015 institue, pour les bourses, un nouvel échelon dont bénéficieront plus de 77 000 étudiants ; ce sont ainsi, si l’on y ajoute les aides d’urgence, 453 millions d’euros supplémentaires qui seront alloués au bénéfice des étudiants dans les années à venir.
Grâce au « plan 40 000 », madame Buffet, 40 000 logements étudiants seront construits en cinq ans, soit 8 000 par an : c’est presque le double des programmes précédents.
S’agissant de l’accompagnement des élèves, monsieur Féron, des expériences ont été menées pour associer les lycées d’un côté, les IUT et les BTS de l’autre ; le budget de l’enseignement supérieur, en hausse cette année de 45 millions, contribuera à pérenniser ces expériences.
Les BTS et les IUT se heurtent d’ailleurs moins à la politique des quotas, désormais soumise à une étroite concertation entre les recteurs, les proviseurs et les présidents d’université, qu’au problème de l’accueil des nouveaux bacheliers issus des voies technologique et professionnelle, profondément réformées sous la précédente législature. En effet, ces derniers ont du mal à s’adapter aux exigences requises. Je rappelle, à cet égard, que le baccalauréat professionnel se prépare désormais en trois ans et non plus en quatre.
La réforme du baccalauréat technologique a également diminué le nombre de spécialités, et donc leur adéquation aux 88 options des IUT. La réussite passe, au-delà des quotas qui favorisent l’orientation, par l’accompagnement et le tutorat. On ne peut en effet se satisfaire d’une situation où seuls 3 % des bacheliers professionnels réussissent à l’université et où seuls 60 % des étudiants en STS obtiennent leur diplôme en deux ans.
Plusieurs autres opérateurs, madame Buffet, participent au logement étudiant : les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), les offices de HLM, mais aussi des opérateurs privés dans le cadre du plafonnement des loyers. Aux efforts consentis par ces trois opérateurs s’ajoute, depuis cette année, la généralisation de la caution locative étudiante, qui fut expérimentée en Aquitaine.
Sur les bourses au mérite, monsieur Hetzel, vous aurez tout loisir d’interroger la ministre vendredi matin. En tout cas, ce système portait le ferment de ses propres dysfonctionnements, puisque rien n’avait été prévu pour l’encadrer ; il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’inflation des mentions « bien » et « très bien » ait créé des difficultés financières. L’établissement de critères sociaux profitera donc d’abord aux intéressés.
La proximité des équipes éducatives, madame Martinel, est en effet appréciée par les étudiants : leurs représentants nous l’ont confirmé. Cela permet notamment aux nouveaux bacheliers technologiques de suivre des modules d’adaptation dans certaines matières, en particulier au sein des IUT où le brassage des étudiants issus des séries technologiques et des séries générales crée une dynamique qu’il faut préserver.
Comme l’indique mon rapport, page 18, monsieur Sturni, les apprentis représentent 23 % des diplômés en BTS et en IUT. Tous appellent de leurs vœux, bien entendu, le développement de ce mode de formation, gage de réussite dans le monde professionnel.
M. le président Patrick Bloche. Mesdames les rapporteures, mes chers collègues, je vous remercie.
À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2015 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. le président Patrick Bloche. Nous sommes saisis d’un amendement AC11 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement concerne le crédit d’impôt recherche (CIR) dont nous venons de discuter. Il suit, comme plusieurs autres, les recommandations de la Cour des comptes en la matière. Nous demandons, par cet amendement, une réaffectation de 2,64 milliards d’euros du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » vers le programme 150 « formations supérieures et de la recherche universitaire ». Malgré ce que vient de dire Mme la ministre sur les 6 millions d’euros de crédits supplémentaires l’an prochain, nous considérons que la Conférence des présidents d’université n’exagère pas dans ses demandes.
Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis. Cet amendement consiste à retirer 2,64 milliards d’euros du programme 172 « Recherche scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » pour les attribuer au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». L’exposé des motifs précise qu’il s’agit de soustraire cette somme du CIR, qui est une dépense fiscale rattachée au programme 172.
Or, en pratique, l’amendement que vous présentez ne modifiera pas la dépense fiscale, dont le dispositif relève de l’article 244 quater B du code général des impôts.
En revanche, tel qu’il est rédigé, cet amendement prive bel et bien le programme 172 de moyens supérieurs à l’ensemble de la dotation du CNRS pour 2015, ou encore à la somme des dotations dont disposeront l’INRA, l’INSERM, l’ANR et le CEA civil par exemple.
Sur le fond, je rappelle que notre pays connait un vrai problème d’emploi scientifique ; il serait déraisonnable de se priver de quelque instrument que ce soit contribuant à le développer. La dotation du programme 172 pour la recherche publique – qui connaît déjà une inflexion négative fort contestable dans le projet de loi de finances – et le CIR pour la recherche dans le secteur privé, sont deux éléments indispensables au maintien de l’emploi scientifique.
Le CIR est essentiel pour les doctorants, comme l’a évoqué tout à l’heure M. Emeric Bréhier ; il est également essentiel pour les entreprises et Mme la ministre elle-même a insisté sur la sanctuarisation de ce crédit d’impôt.
Je donne donc un avis défavorable à votre amendement.
M. Emeric Bréhier. Cet amendement n’est pas anodin puisqu’il propose un transfert de 2,64 milliards d’euros. Je comprends bien les préoccupations de Mme Attard, qui souhaite allouer plus de moyens aux universités pour leur permettre de récupérer les réductions budgétaires des années passées. Toutefois, je ne peux soutenir cet amendement qui retire des crédits au programme 172, déjà très tendu. En outre, comme le souligne bien le rapport du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Alain Claeys, le CIR est plutôt bénéfique pour l’emploi des chercheurs, même si son utilisation pourrait encore mieux être contrôlée.
Mme Isabelle Attard. Les sommes déplacées par notre amendement sont effectivement importantes mais je rappelle qu’au départ, le CIR ne coûtait que 2,7 milliards d’euros. Nous en sommes aujourd’hui à 4,5 milliards. J’ai bien entendu les arguments de Mme la rapporteure en faveur du CIR mais, pour d’autres, ce dispositif n’est qu’une niche fiscale. La Cour des comptes ne dit pas autre chose. Nous considérons quant à nous qu’il convient de plafonner le CIR, de le concentrer sur les PME-PMI et d’interdire le cumul avec le crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE). Le CIR doit être utilisé de façon plus juste pour en faire un véritable outil de soutien à la recherche.
Il n’est évidemment pas question de retirer de l’argent aux organismes de recherche et d’ailleurs l’amendement est ciblé sur les actions correspondant à la dépense fiscale du CIR.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je me permets d’intervenir dans ce débat pour signaler que le CIR est pour la France un élément d’attractivité internationale particulièrement important pour nombre de laboratoires de recherche et de développement. Il convient donc d’être prudent par rapport à un outil essentiel pour la création d’emploi dans le secteur.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Patrick Bloche. Je consulte maintenant la commission sur les crédits pour 2015 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », avec un avis défavorable de Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis sur les crédits de la recherche, et un avis favorable de Mme Sandrine Doucet, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.
La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits 2015 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS
(par ordre chronologique)
Ø Audition commune :
– École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA) – M. Paul Robach, en charge du département de recherche biomédicale
– Institut de formation et de recherche en médecine de montagne (IFREMMONT) – Dr. Hugo Nespoulet, chef de projet Mountain Lab
Ø Centre d’études et de recherches appliquées au massif central, à la moyenne montagne et aux espaces fragiles (CERAMAC) de l’Université de Clermont-Ferrand – M. Daniel Ricard, directeur
Ø Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – Mme Stéphanie Thiébault, directrice de l’Institut Écologie et Environnement (INEE)
Ø Laboratoire d’écologie alpine (LECA) – Mme Irène Till-Bottraud, directrice
Ø Centre de recherches sur les écosystèmes d’altitude (CREA) de Chamonix – Mme Anne Delestrade, directrice, et Mme Irène Alvarez, directrice des programmes
Ø Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) – Mme Marie-Pierre Arlot, directrice régionale, et M. François Véron, responsable de l’unité de recherche Écosystèmes montagnards
Ø Observatoire Midi-Pyrénées (OMP) – M. Pierre Soler, directeur, et M. Michel Grégoire, directeur de l’UMR Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP)
Ø Association des structures de recherche sous contrat (ASRC) – M. Xavier Benoit, président, M. Jérôme Billé, délégué général, et Mme Valérie Jarry, conseillère du président
Ø Institut national de la recherche agronomique (INRA) – M. Jean-François Soussana, directeur scientifique de la structure Environnement, et M. François Hequet, conseiller affaires publiques au cabinet du Président *
Ø Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) – M. Jean-Luc Foucher, directeur de la prévention des risques, et M. Gilles Grandjean, adjoint au directeur de la prévention des risques
Ø Laboratoire d’excellence Innovation et territoires de montagne (ITEM) – Mme Marie-Christine Fourny, responsable scientifique du Labex ITEM, et M. René Favier, ancien responsable scientifique
Ø Conférence des présidents d’université (CPU) – M. Jean-Loup Salzmann, président, Mme Sibylle Rochas, chargée de mission, M. Michel Dellacasagrande, consultant moyens CPU, et M. Karl Stoeckel, conseiller parlementaire
* Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.