N° 2262
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234)
TOME VII
ÉCONOMIE
COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
PAR Mme Corinne ERHEL
Députée
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Voir les numéros : 2234, 2260
SOMMAIRE
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Pages
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE 9
II. LE BUDGET DE L’ARCEP 10
III. LE BUDGET DE L’ANFR 13
IV. UNE NOVATION : LE PROGRAMME 343 CONSACRÉ AU PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT 14
V. LA VALORISATION DE LA BANDE 700 MHZ 17
VI. LES INVESTISSEMENTS D’AVENIR EN DIRECTION DU NUMÉRIQUE 17
DEUXIÈME PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE 23
I. L’ÉTAT NUMÉRIQUE 24
II. UN ÉTAT CONFORTÉ PAR LE NUMERIQUE 26
A. LE PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT 26
B. AMÉLIORER LA QUALITÉ DU SERVICE PUBLIC 27
C. RELANCER LA CROISSANCE ET L’EMPLOI 28
Alors que l’économie française demeure atone, le numérique constitue un puissant vecteur de croissance et d’emplois. La conversion numérique de la société bouleverse tous les secteurs de l’économie, et modifie en profondeur nos modes de vie, de communication, de production et de consommation. Au final, c’est le quotidien des citoyens, des entreprises et plus largement des organisations qui est chamboulé, face à l’émergence d’une nouvelle forme d’économie. Comme votre rapporteure a déjà eu l’occasion de le souligner, le numérique est porteur de changements aussi importants que ceux générés par le développement de l’électricité. Si, par certains aspects, la révolution numérique suscite des inquiétudes, elle est pourtant le moyen de placer à nouveau notre pays sur la voie de la création de richesse et d’améliorer la vie de chacun : que l’on pense simplement à la e-santé et plus largement l’amélioration de la prise en charge médicale et du suivi de la santé humaine, la e-éducation et l’essor de l’accès à la connaissance, la création des industries de demain et l’apparition de métiers jusqu’à présent pas imaginés, l’essor de la robotique et des imprimantes 3D, à même de faciliter la vie de nos concitoyens et de décupler les possibilités de création, la construction des villes intelligentes grâce à la multiplication des objets connectés… les exemples sont légion.
Le secteur des télécommunications a, cette année encore, connu d’importants bouleversements. Du côté des opérateurs, l’intensification de la concurrence sur le marché mobile a généré de nouveaux plans de restructuration. En 2013, l’emploi des opérateurs a baissé de 3,3 % par rapport à 2012, l’effectif des cinq principaux opérateurs français ayant diminué de 3 271 postes. En juin 2014, Bouygues Telecom a annoncé un plan de réduction de l’emploi touchant 1 404 personnes, au lieu des 1 516 suppressions d’emplois prévues initialement (17 % des effectifs). Quelques semaines auparavant, Vivendi a accepté l’offre de rachat de SFR par Numericable-Altice. Si ce rapprochement, confirmé le 23 juin, ne devrait pas entraîner de destructions d’emplois selon les engagements de M. Patrick Drahi, il incarne les profondes mutations qui affectent le secteur. Les MVNO sont, quant à eux, confrontés à de sérieuses difficultés depuis 2012, notamment car ils ne parviennent pas à accéder dans des conditions économiquement viables aux réseaux des opérateurs ayant acquis des licences. Du côté des équipementiers, la situation d’Alcatel-Lucent semble s’être redressée depuis le deuxième trimestre 2013, même si elle demeure très tendue. Si, initialement, 900 suppressions de postes étaient prévues en France dans le cadre du plan Shift, ce chiffre a été ramené aujourd’hui à 595. La stratégie du groupe est désormais recentrée sur deux sites : Lannion et Villarceaux. Cette amélioration récente a été permise par la concrétisation de partenariats – comme avec Thales en cybersécurité et Altran sur la 4G – ainsi que par la bonne exécution du volet financier du plan Shift : succès de l’augmentation de capital, de l’émission d’obligations, amélioration du flux de trésorerie opérationnelle. Même si des incertitudes continuent à peser sur l’avenir du groupe Technicolor, le groupe a confirmé son redressement débuté en 2012. Les équipementiers étrangers connaissent également des difficultés, notamment Cisco ou NSN, et mettent en place des plans de restructuration qui affectent notre pays. Les autres acteurs
– centres d’appels ou distributeurs – peinent encore à se remettre de la crise qui affecte le secteur depuis deux ans. Ces difficultés sont apparues concomitamment à l’éclosion de nouveaux enjeux, nécessitant d’importants investissements de la part des acteurs économiques : déploiement du très haut débit fixe et mobile, alors que la qualité de service et la couverture pourraient être améliorées, augmentation des trafics en raison de l’émergence de nouveaux usages, libération de la bande des 700 MHz au profit des télécommunications. S’il est incontestable que le consommateur a bénéficié de ces changements, votre rapporteure a constamment appelé à la vigilance des pouvoirs publics quant au maintien d’un équilibre entre l’intérêt du consommateur et la préservation de la capacité d’investissement et d’innovation des acteurs économiques. C’est bien cette recherche permanente d’équilibre sur l’ensemble de la filière qui doit motiver l’action publique.
En parallèle, l’année écoulée a également été celle de la traduction concrète de l’engagement du Gouvernement dans la conversion numérique de la France. Après avoir été longtemps réduit à une simple filière industrielle, le numérique a enfin acquis un caractère prioritaire pour les politiques publiques. Comme votre rapporteure a souvent eu l’occasion de le souligner, le numérique bouleverse notre quotidien, en impactant nos modes de vies et le fonctionnement des entreprises et des organisations. Le rapport d’information qu’elle a remis cette année avec Mme Laure de La Raudière a rappelé l’urgence d’engager pleinement la conversion numérique de notre pays, et identifié trente-trois propositions principales dont on ne peut que se réjouir de voir certaines reprises à son compte par le Gouvernement. Au-delà de la poursuite du déploiement du très haut débit fixe, l’année 2014 a aussi vu l’essor de la French Tech, dont les premiers écosystèmes seront prochainement labellisés, et l’intégration croissante du numérique dans la définition des politiques publiques, comme l’ont confirmé le 2 juillet dernier devant la commission des affaires économiques M. Benoît Hamon, ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la communication, Mme Fleur Pellerin, secrétaire d’État chargée du Commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, auprès du ministre des Affaires étrangères et du développement international, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du Numérique, auprès du ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, et M. Thierry Mandon, secrétaire d’État à la Réforme de l’État et à la simplification, auprès du Premier ministre.
Votre rapporteure se réjouit de ces évolutions, même si elle note quelques points méritant une vigilance accrue. Il lui semble ainsi que l’importance accordée au numérique demeure fragile, et qu’il faille sans cesse rappeler combien les changements qu’il porte en lui sont aussi importants que ceux générés par l’apparition et la diffusion de l’électricité en son temps. À ce titre, il est indispensable de maintenir constante l’action en faveur de la conversion numérique et de la préserver de l’effort budgétaire qu’il est indispensable de mener par ailleurs pour assurer la reprise de la croissance et le respect des engagements européens de la France. Renier les engagements formulés serait une faute politique, en plus d’une erreur de stratégie industrielle. Ensuite, il lui paraît évident que de nombreuses questions ne peuvent être traitées qu’au niveau européen. Ainsi de la modernisation de la fiscalité à l’ère numérique, de la législation des données ou de la neutralité du net. Votre rapporteure a déjà exprimé, à plusieurs reprises, ses positions sur ces différents sujets, et il n’est pas lieu ici de les rappeler à nouveau. Toutefois, elle maintient son jugement selon lequel la France doit jouer un rôle moteur à l’échelle européenne et internationale afin de définir un cadre législatif et réglementaire harmonisé et adapté aux enjeux du numérique. Notre pays doit aujourd’hui approfondir les initiatives lancées à ce sujet après l’élection de M. François Hollande à la présidence de la République. Il est impératif de poursuivre nos efforts en la matière. Par ailleurs, bien que l’échelon européen paraisse le plus pertinent, nous nous devons de montrer l’exemple et votre rapporteure ne peut que regretter le report sans cesse renouvelé d’une « loi numérique » pourtant maintes fois annoncée. Enfin, il est temps de redonner du sens à la conversion numérique de notre pays, en diffusant un discours fédérateur, ambitieux et exaltant. Trop souvent le numérique est perçu comme source de destruction de nos repères, de nos emplois, de nos habitudes. Même au sein de l’État le numérique est parfois présenté comme une chance de rationaliser l’action publique sous le seul aspect de la coupe budgétaire et comptable alors qu’il constitue le vecteur de la relance et une formidable chance d’engager pleinement notre pays dans la modernité. À ce titre, les potentialités qu’il génère ne sont même pas imaginées, même si chacun sent que sa vie pourrait être grandement facilitée et améliorée grâce à la e-santé, la e-éducation, de nouveaux modes de transports et de communications, de nouvelles possibilités de création…
Le présent avis budgétaire est consacré aux crédits affectés aux communications électroniques et à l’économie numérique au sein de la mission « Économie ». Votre rapporteure livrera donc une analyse budgétaire précise, en première partie, du budget des deux grandes institutions intervenant dans le champ des télécommunications – l’Agence nationale des fréquences et l’Autorité de régulation des communications électroniques – ainsi que du financement du très haut débit. Elle abordera également la question du financement de l’économie numérique dans le cadre du deuxième volet du Programme d’investissements d’avenir (PIA 2) et celle de la bande 700 MHz, traitées en dehors de la mission « Économie ». En seconde partie, votre rapporteure a souhaité exposer l’impérieuse nécessité de conforter l’État numérique. À l’heure où le numérique irrigue tous les secteurs de l’économie et notre quotidien le plus intime, les citoyens et les entreprises ont plus que jamais besoin d’un État fort, agile, présent et efficace. Le numérique est une formidable chance de moderniser l’État, non pas pour l’amoindrir mais pour renforcer l’efficacité des politiques publiques, et assurer l’égalité sur l’ensemble du territoire.
PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE BUDGÉTAIRE
La mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2015 participe au financement du secteur des communications électroniques et de l’économie numérique via deux programmes : le programme 134, à travers les financements alloués à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), à l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et à certaines associations qui accompagnent le développement de l’économie numérique, aussi bien en tant que relais ou complément de l’action des pouvoirs publics qu’au titre de la défense des intérêts des consommateurs ou des utilisateurs ; le nouveau programme 343 dédié au financement du très haut débit. Par ailleurs, le financement de l’économie numérique est en partie assuré par les investissements d’avenir, à travers les crédits encore disponibles sur le premier Programme des investissements d’avenir, issus de l’ancien programme 323, et, ceux du PIA 2, issus de l’ancien programme 407 prévu par la loi de finances initiale pour 2014 et qui ne devaient être engagés qu’à compter du 1er janvier 2015.
Au sein du programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi », les crédits consacrés spécifiquement au secteur des communications électroniques sont répartis entre l’action n° 4 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information » et l’action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) »
AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE=CP) RELATIVES AUX COMMUNICATIONS
ÉLECTRONIQUES PROGRAMME 134 (EN EUROS)
LFI 2014 |
PLF 2015 | |
Action n° 4 |
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Dépenses de fonctionnement - dotation de fonctionnement de l’ANFR |
33 772 172 |
32 498 630 |
Dépenses d’intervention – transferts aux autres collectivités |
9 460 000 |
9 098 240 |
Action n° 13 |
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Dotation de fonctionnement de l’ARCEP |
22 794 053 |
22 700 239 |
Source : projet annuel de performance 2015.
Les dépenses de fonctionnement de l’action n° 4 correspondent à la dotation de fonctionnement accordée à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), pour 32,5 millions d’euros.
Les dépenses d’intervention de l’action n° 4 correspondent à des subventions à des organismes internationaux (8,5 millions d’euros) comme l’Union internationale des télécommunications (UIT) ou la Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications (CEPT), les organisations internationales de satellites, ainsi qu’à des subventions des associations (55 000 euros) qui accompagnent le développement des télécommunications et de la société de l’information comme l’Association française des utilisateurs de télécommunications (AFUT) ou l’Association de droit suisse Digital video broadcasting project office (DVB project), dont le rôle est de rédiger les normes dans le domaine de la plateforme de télévision numérique en rassemblant différents acteurs du secteur. Par ailleurs, ces dépenses couvrent la subvention de 540 000 euros correspondant aux dépenses d’intervention de la Délégation aux usages de l’Internet (DUI).
L’action n° 13 retrace exclusivement les crédits relatifs au budget de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
Le nouveau programme 343 « Plan France très haut débit » est composé d’une action unique destinée au financement, à terme, des réseaux d’initiative publique (RIP). Concrètement, il s’agit d’adresser un signal fort de soutien aux RIP et de permanence de l’engagement de l’État dans le financement du très haut débit. En effet, les autorisations d’engagement prévues au sein de ce programme, d’un montant de 1,412 milliard d’euros, pourront être ouvertes dès 2015 avant que, dans une seconde phase, des crédits de paiement puissent être engagés au bénéfice de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ce dispositif vise à assurer la continuité entre le mode actuel de financement des RIP – le Fonds national pour la société numérique (FSN) – et le dispositif futur de financement. En effet, l’intervention financière de l’État, estimée à 3 milliards d’euros d’ici 2022, est essentiellement destinée à soutenir le déploiement des RIP pour lesquels l’État prend en charge, en moyenne, la moitié du besoin de financement public. Ce soutien était jusqu’à présent entièrement financé par les crédits du FSN. Toutefois, le montant d’aide découlant des projets ayant fait l’objet d’une décision favorable du Premier ministre dépassant les crédits disponibles dans le cadre du FSN
– environ un milliard d’euros, au 30 août 2014, pour 27 projets de RIP contre 900 millions d’euros disponibles – le nouveau programme 343 a été créé dès cette année afin de prendre le relais des crédits du FSN, d’abord, dès 2015, pour ce qui est des autorisations d’engagement, puis, après 2017, pour les crédits de paiement.
Au moment de la discussion du projet de loi de finances, l’ARCEP a consommé 99,9 % de son budget disponible en AE ce qui reflète l’extrême tension de l’exercice 2014. De manière générale, il ressort de l’examen de son budget que l’Autorité est confrontée à de sérieux enjeux de rationalisation et de réduction de ses dotations de fonctionnement. Alors que son mandat prend fin au tout début de l’année 2015, le président de l’Autorité aura mené un important chantier de rationalisation des dépenses de fonctionnement de l’Autorité. Hormis les dépenses liées au loyer des locaux situés à proximité de la gare Montparnasse à Paris, l’Autorité a réduit de près de moitié ses dépenses de fonctionnement en cinq ans. En parallèle, les moyens humains mis à disposition de l’ARCEP ont baissé au cours des dernières années : au-delà d’une légère baisse de son plafond d’emplois autorisé décidé en loi de finances initiale pour 2014, pour permettre la constitution de la mission « très haut débit », elle a vu ses moyens passer de 173 à 171 ETPT en 2013 et à 166 en PLF 2015. Cette baisse se poursuivra, l’Autorité devant au final perdre entre 20 et 27 ETP sur trois ans, soit une diminution de 15 à 20 % de ses effectifs !
Aujourd’hui, la trajectoire budgétaire triennale 2015-2017 envisagée pour l’ARCEP suscite donc quelques inquiétudes. Votre rapporteure n’a jamais caché son souhait de voir les compétences des administrations centrales renforcées, peut-être en assurant un transfert de moyens du régulateur vers les ministères. Toutefois, force est de constater que l’ARCEP a mené d’importants efforts de gestion au cours des dernières années, alors que le nombre de ses missions s’accroît sans cesse.
À titre d’exemple, l’Autorité devra mener au cours des prochaines années les chantiers suivants :
– attribution des fréquences 4G dans les départements d’outre-mer ;
– attribution de la bande « 700 MHz » ;
– poursuite des activités d’études et de contrôle, notamment en matière de couverture et de qualité des services mobiles ;
– régulation des déploiements du très haut débit sur l’ensemble du territoire, dans un contexte d’accroissement du nombre de réseaux et d’opérateurs à réguler.
D’après ses estimations, l’ARCEP n’est notamment plus en mesure de financer les trois fonctions suivantes :
– les travaux de prospective, pourtant indispensables dans un secteur où le progrès technique est aussi important ;
– les actions de formation permanente de ses agents fonctionnaires ou contractuels en CDI, qui sont nécessaires compte tenu de l’évolution constante des technologies et des problématiques de la régulation ;
– la modernisation et la sécurisation des systèmes d’information, nécessaires à la mise en œuvre de gains de productivité pour pallier la baisse des effectifs au cours des dernières années.
Cette situation est fortement regrettable, et votre rapporteure considère que le législateur se doit d’être cohérent, et de garantir aux opérateurs de l’État les moyens d’assurer les missions qu’il leur a confié.
L’Agence nationale des fréquences est confrontée à des enjeux similaires à ceux de l’ARCEP : un accroissement des missions dans un contexte de réduction des dotations budgétaires. La subvention pour charges de service public, qui s’élève à 32,5 millions d’euros en PLF 2015, reste la ressource principale de l’Agence, dont les ressources propres sont limitées :
– 338 000 euros de recettes de prestations de contrôles des fréquences, à la demande d’administrations affectataires ou de tiers privés – organisateurs d’événements sportifs, tels Roland Garros, les 24 heures du Mans ou le Tour de France, que l’Agence facture depuis 2012 ;
– 100 000 euros de produits exceptionnels constitués essentiellement de refacturations de coûts aux éditeurs numériques, conformément au décret n° 2012-821 relatif à la répartition, entre éditeurs de services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre, du coût des réaménagements des fréquences nécessaires à la diffusion de nouveaux services ;
– 130 000 euros de frais de gestion pour couvrir les coûts complets de la gestion du dispositif « Mesures » ;
– 10 000 euros de produits financiers ;
– 58 000 euros de produits de cession et divers.
L’an dernier, votre rapporteure avait souligné les difficultés de l’Agence à assurer le financement de la mission de protection de la réception TV (PRTV), non totalement compensée. Cette mission, exercée avec le CSA, consiste pour l’ANFR à traiter les brouillages empêchant la bonne réception de la TNT. Pour ce faire, l’Agence a mis en place en 2012 un centre d’appels, réalise des études sur pièce et doit parfois dépêcher des agents sur place afin d’affiner les diagnostics et de traiter les problèmes relevés. Cette mission représente un coût avoisinant 1,5 million d’euros annuellement. En 2012 et en 2013, l’Agence a été autorisée par ses tutelles à prélever sur son fonds de roulement les ressources nécessaires aux dépenses de la mission PRTV, ces dépenses étant in fine financées par un prélèvement sur le Fonds d’aide au numérique (1,5 M€ et 1,4 M€ respectivement). Cette année, l’Agence a prélevé 1,3 million d’euros sur son fonds de roulement, sans que cette dépense ne soit couverte par le FAN, encore doté d’un peu plus de 8 millions d’euros. Si, votre rapporteure le conçoit, le fonds de roulement de l’Agence peut paraître quelque peu élevé – 11,3 millions d’euros –, il sert essentiellement à financer les dépenses de fonctionnement des quatre premiers mois de l’année, dans l’attente du versement de la dotation budgétaire, et n’a aucunement vocation à financer la PRTV. Votre rapporteure tient donc à souligner, cette année encore, la nécessité de trouver une solution pérenne au financement de la PRTV, afin de ne pas empêcher l’Agence de mener sereinement ses missions essentielles.
Si la dotation de l’ANFR est relativement épargnée dans un contexte de contraction budgétaire, force est de constater que l’Agence se voit doter de nouvelles missions alors que les crédits se réduisent. Parmi ces nouvelles missions, l’on peut noter l’accroissement des interventions sollicitées par les opérateurs mobiles en raison des réaffectations de bandes, la libération de la bande 700 Mhz au profit du secteur des télécommunications, la PRTV, la mission de contrôle de l’exposition des populations aux champs électromagnétiques. À titre d’exemple, l’Agence estime que l’attribution au secteur des télécommunications de la bande 700 Mhz nécessiterait de constituer une équipe d’une quinzaine de personnes, alors même qu’elle devrait se voir priver de 15 ETP au cours des trois prochaines années. Pour l’heure, l’Agence parvient à tenir son budget en diminuant l’effort d’investissement, notamment sur les achats d’équipements de mesure (camions laboratoires, analyseurs, stations mobiles), mais de fortes inquiétudes existent pour les prochaines années.
Votre rapporteure espère donc que la signature du contrat d’objectifs et de performance 2015-2017 permettra de garantir à l’Agence les moyens de réaliser ses missions.
Le nouveau programme 343 « Plan France très haut débit » a vocation à inscrire en loi de finances les modalités de financement des réseaux d’initiative publique (RIP) du plan « France Très Haut Débit ». Le déploiement des nouveaux réseaux représente plus de 20 milliards d’euros d’investissements au cours de la prochaine décennie. Les modalités du nouveau plan de déploiement du très haut débit, érigé en priorité nationale par le Président de la République, ont été précisées le 28 février 2013 par le Premier ministre à l’occasion de la présentation de la feuille de route numérique du Gouvernement.
Pour rappel, l’ambition à long terme du plan est le déploiement de réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH - Fiber to the Home) sur l’intégralité du territoire, sous réserve de situations exceptionnelles, afin de doter le pays d’infrastructures numériques de pointe. Au fil des mois, l’objectif de couverture en fibre optique, s’il demeure à très long terme, a été remplacé par un objectif de couverture en très haut débit – débit descendant supérieur ou égal à 30 Mbit/s – d’ici 2022, grâce à la mobilisation de l’ensemble des technologies susceptibles d’apporter du très haut débit : les réseaux FttH mais aussi les réseaux cuivre et câble modernisés (Fiber to the Node, FttN) et les futurs réseaux hertziens terrestres et satellitaires. Le plan vise également un objectif intermédiaire de couverture de l’intégralité du territoire en haut débit de qualité (3 à 4 Mbit/s) d’ici 2017, par l’utilisation de toutes les technologies qui peuvent s’inscrire dans l’objectif final, notamment le recours à la modernisation du réseau cuivre.
Le financement des déploiements des nouveaux réseaux mobilisera l’ensemble des acteurs : l’État, les collectivités territoriales et les opérateurs. D’après leurs engagements, les opérateurs investiront 6 à 7 milliards d’euros pour déployer des réseaux optiques dans plus de 3 600 communes : les 106 communes classées en zones très denses par l’ARCEP et les communes recensées lors de l’appel à manifestations d’intentions d’investissement (les zones « AMII »). Au total, l’investissement des opérateurs devrait couvrir 57 % de la population et 10 % du territoire d’ici 2020. À ce jour, l’investissement des opérateurs s’élève à près de 3 milliards d’euros.
Le reste du territoire français, qui représente 43 % de la population, sera couvert par les réseaux déployés par les collectivités territoriales : ces réseaux d’initiative publique (RIP) nécessitent un investissement de 13 à 14 milliards d’euros, dont la moitié sera financée par les recettes d’exploitation des RIP et le cofinancement des opérateurs, l’autre étant financée directement par les pouvoirs publics : collectivités territoriales, État, fonds européens, la part revenant à l’État s’élevant à 3 milliards d’euros.
Le soutien de l’État était pour l’heure financé à hauteur de 900 millions d’euros par les crédits affectés au Fonds national pour la société numérique (FSN). Or, cette enveloppe n’est plus suffisante au regard des besoins de financements. Pour rappel, le processus d’attribution des financements comporte deux phases successives :
– un accord préalable de principe du Premier ministre, permettant à la collectivité d’obtenir une indication du niveau de financement de l’État et les conditions de l’attribution de celui-ci, établies à partir d’un projet prévisionnel ;
– une décision de financement qui se traduit par la signature d’une convention entre la Caisse des dépôts et consignations et la collectivité.
L’an dernier, un guichet « réseaux d’initiative publique » a été ouvert afin d’examiner les demandes de financement des collectivités territoriales. Or, au moment de l’élaboration du projet de loi de finances, 20 projets de collectivités territoriales, recouvrant 23 départements, avaient reçu un accord préalable de principe de la part du Premier ministre, tandis que d’ici la fin de l’année, le nombre total de projets susceptibles de recueillir son aval pourrait approcher la quarantaine. En conséquence, l’enveloppe de 900 millions d’euros est apparue insuffisante. La création du programme 343 témoigne donc tant de l’engagement des collectivités territoriales dans les déploiements de RIP que du souci d’anticipation de l’État, l’ouverture de capacités d’autorisations d’engagement complémentaire permettant ainsi d’assurer la continuité du plan France THD. Ainsi, le programme 343 est doté de 1,412 milliard d’euros, l’ensemble de ces crédits ayant vocation à être versés aux collectivités territoriales à compter de 2017.
Votre rapporteure se félicite de la création de ce nouveau programme, qui témoigne de l’engagement du Gouvernement dans le déploiement des nouveaux réseaux. Cela est d’autant plus essentiel que le déploiement de la fibre optique a pu paraître un temps déclassé au profit d’autres politiques publiques, et menacé par le contexte budgétaire contraint auquel fait face notre pays. Si les efforts sont évidemment nécessaires, votre rapporteure considère néanmoins que sacrifier le déploiement de la fibre optique reviendrait à hypothéquer les chances de la France de maintenir sa place parmi les leaders économiques mondiaux. Il s’agirait donc d’une erreur stratégique.
Votre rapporteure note à ce stade que la mission « Très haut débit » mériterait d’être renforcée. Créée le 9 novembre 2012, pour accompagner les collectivités territoriales dans le déploiement des RIP, la mission THD est chargée :
– d’assurer un suivi détaillé des déploiements et des services disponibles sur l’ensemble des territoires notamment grâce à la mise en place d’un observatoire national ;
– d’encourager et d’encadrer les déploiements réalisés à l’initiative des opérateurs privés, notamment par l’intermédiaire de conventions tripartites (opérateurs privés - collectivités territoriales - État) ;
– de contribuer à l’harmonisation des référentiels techniques et des modalités d’accès aux différents réseaux à très haut débit ;
– d’apporter un soutien opérationnel et technique aux collectivités territoriales ;
– d’instruire les demandes de soutien financier de l’État que les collectivités territoriales présenteront ;
– de passer des conventions avec les collectivités territoriales pour assurer le versement du soutien financier de l’État aux réseaux d’initiatives publics ;
– d’assurer le suivi administratif et technique de ces conventions.
Les effectifs de la mission comptaient initialement six agents. Huit agents ont depuis complété les effectifs et la mission compte désormais 14 personnes, l’ambition de la mission étant de voir ce nombre porté à 20 ETP. Si, au regard des engagements pris par le Gouvernement, la mission devrait donc encore être renforcée de six personnes d’ici la fin de l’année, votre rapporteure considère comme essentiel de conforter encore les ressources de la mission, alors que l’année 2015 concentrera les demandes des collectivités territoriales. Si le déploiement du très haut débit est retardé en raison d’une incapacité de l’administration à instruire les dossiers faute de personnels, les engagements de la puissance publique en faveur du THD n’auront plus aucun sens. Par ailleurs, votre rapporteure souligne les difficultés de recrutement de personnels dotés de compétences si spécifiques pour atteindre les objectifs assignés à la mission. Cela est d’autant plus préoccupant que la mission THD a vocation à s’éteindre une fois le très haut débit déployé et qu’il existe une réelle urgence de voir l’État se doter des compétences nécessaires à la réussite de ce projet.
À terme, la mission THD a vocation à intégrer l’Agence du numérique, qui devrait être créée par décret d’ici la fin de l’année, aux côtés de la mission French Tech et de la Délégation aux usages de l’internet. Cette Agence, dont les missions seront surtout techniques, devrait être rattachée au ministère de l’Économie.
L’article 23 de la première partie du projet de loi de finances pour 2015 tire les conséquences de l’adoption de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (LPM), qui prévoit des recettes exceptionnelles au profit du ministère de la défense à hauteur de 6,1 milliards d’euros, dont environ 3,5 milliards devraient être issus de la vente, par voie de mise aux enchères, de la bande de fréquences comprise entre 694 MHz et 790 MHz. La libération de cette bande 700 MHz au profit du secteur des télécommunications a fait l’objet de développements de la part de votre rapporteure dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2014. Elle souhaite néanmoins rappeler combien le calendrier de mise aux enchères et de libération devra permettre d’assurer à l’ensemble des acteurs concernés – opérateurs de télécommunications et acteurs du secteur audiovisuel – les conditions d’assurer une transition en douceur, ne mettant pas en cause les services offerts aux utilisateurs.
S’agissant des modalités budgétaires de libération de cette bande de fréquences, votre rapporteure renvoie le lecteur intéressé aux pages 376 et suivantes du rapport de Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015 (1).
À ce stade de ses réflexions, votre rapporteure a souhaité évoquer brièvement le financement de l’économie numérique par les investissements d’avenir alors qu’il lui semble que l’affectation des crédits des programmes des investissements d’avenir manque de lisibilité, notamment s’agissant du numérique.
Pour rappel, le premier Programme d’investissements d’avenir (PIA 1), décidé en 2010, avait été abondé par la mission « Économie » par la création, en loi de finances rectificative pour 2010 relative aux investissements d’avenir, de deux nouveaux programmes dotés de 5,44 milliards d’euros : le programme 322 « Croissance des petites et moyennes entreprises », doté de 2 140 millions d’euros, et le programme 323 « Développement de l’économie numérique » doté de 3,3 milliards d’euros, ventilés entre les actions suivantes :
– au titre de l’action n° 1 « Développement des réseaux à très haut débit », un milliard d’euros ;
– au titre de l’action n° 2 « Soutien aux usages, services et contenus numériques innovants », 2,3 milliards d’euros.
Le Fonds national pour la société numérique (FSN) a été créé en vue de financer ces deux actions.
L’action n° 1 recouvrait le guichet « soutien aux réseaux d’initiative publique », doté de 900 millions d’euros et dont le programme 343 a vocation à prendre la suite, un appel à projet « écoles connectées » lancé au début de l’année 2014 (5 millions d’euros), ainsi qu’un volet « satellite », doté de 70 millions d’euros engagés en deux tranches dans le cadre de conventions signées avec le CNES, 40 millions d’euros fin 2011, puis 30 millions d’euros début 2014. Par ailleurs, six projets pilotes de déploiement de réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) ont été menés en 2011 pour un montant de 2,25 millions d’euros.
L’action n° 2 s’était, quant à elle, traduite selon deux modalités d’intervention :
– le versement de subventions et d’avances remboursables ;
– la prise de participation et l’octroi de prêts.
Le montant initialement alloué à l’action 2 a plusieurs fois évolué. En premier lieu, près de 650 millions d’euros ont été retirés du programme au premier semestre de l’année 2012, afin de financer la Banque de l’industrie et le Fonds national d’amorçage (prélèvement de 500 millions d’euros de fonds propres) et d’apporter des ressources à la Banque de l’industrie pour son activité de prêts (150 millions d’euros). De plus, à la suite de la remise au Premier du ministre du rapport sur la compétitivité française, dit rapport « Gallois », l’enveloppe « subventions » a été augmentée de 50 millions d’euros pour le financement d’appels à projets, tandis que les fonds propres du FSN et l’enveloppe « prêts » ont été gelés aux montants déjà engagés. Au final, 1,3 milliard a été effectivement versé dans le cadre de l’action 2 du programme 323 du premier volet du Programme d’investissements d’avenir.
S’agissant des subventions et avances remboursables, elles ont essentiellement été consacrées au financement de projets de recherche et développement (R&D) ou d’usage sélectionnés après appels à projets. À ce titre, 19 appels à projets ont été lancés entre 2010 et 2012, couvrant l’ensemble des thématiques du programme « développement de l’économie numérique » : numérisation et valorisation des contenus scientifiques, éducatifs et culturels, technologies de base du numérique (nanoélectronique et briques génériques du logiciel embarqué), cloud computing, nouveaux services numériques (e-éducation, e-santé, sécurité et résilience des réseaux, systèmes de transport intelligents, ville numérique). En définitive, 182 projets collaboratifs ont ainsi été sélectionnés, représentant 878,5 millions d’euros d’aide. Depuis 2012, quatre nouveaux appels à projets ont été lancés en 2013 et 2014 sur le logiciel embarqué et les objets connectés, la sécurité numérique, le cloud computing et le big data, ainsi que le calcul intensif et la simulation numérique, et deux appels à manifestation d’intérêt ont été publiés sur le big data et la diffusion de la simulation numérique, pour un montant total de 150 millions d’euros.
Enfin, deux nouvelles actions ont été engagées récemment : un appel à projets portant sur les « services et contenus numériques innovants pour les apprentissages fondamentaux à l’école », pour un montant de 10 millions d’euros de subventions, et le programme « territoires de soin numériques » destiné à améliorer la prise en charge coordonnée des patients dans et hors de l’hôpital, tout au long de la chaîne de soins, pour un montant de 80 millions d’euros.
S’agissant des prises de participation et des prêts, l’élément central est la constitution du FSN-PME Ambition numérique, un fonds commun de placement dans l’innovation constitué le 1er décembre 2011 et géré par Bpifrance depuis l’année 2013. Le FSN-PME a pour objectif de soutenir les PME du numérique présentant un fort potentiel de croissance, au stade du capital-risque et du capital développement, en intervenant en tant que co-investisseur et pour des prises de participation limitées à 33 % du capital. Doté initialement d’une enveloppe de 400 millions d’euros, le FSN-PME a été ramené à 300 millions. À l’été 2014, seuls 16 investissements avaient été réalisés, pour un montant total de l’ordre de 46,3 millions d’euros. Il est donc temps que cet instrument prenne réellement son envol, au service de nos start-up.
Par ailleurs, le volet « prises de participation et prêts » a amené le FSN à participer également au financement de sociétés de projet. À l’été 2014, 15 projets avaient été contractualisés ou étaient en voie de l’être, pour un montant total de 215 millions d’euros. C’est dans ce cadre que l’État avait apporté son soutien aux projets Cloudwatt et Numergy, à hauteur de 150 millions d’euros. Les 65 millions d’euros de solde correspondent à des projets portés par de grands établissements publics culturels (BNF, INA, RMN, Centre Pompidou), et concernant la numérisation et la valorisation d’une partie du patrimoine de ces établissements.
Depuis, le Gouvernement a lancé un nouveau Programme d’investissements d’avenir (PIA 2), de 12 milliards d’euros, et ce afin de prendre le relais du premier PIA de 2010, dont le montant global s’élevait à 35 milliards d’euros. Comme en 2010, le choix a été fait de déployer des programmes au sein de missions existantes, sur de nombreuses thématiques : recherche et universités, transition énergétique, rénovation thermique et ville de demain, innover pour une industrie durable, aéronautique et espace, économie numérique, jeunesse, formation, modernisation de l’État, excellence technologique des industries de défense. La part revenant à la mission « Économie » comprenait en loi de finances initiale pour 2014 trois nouveaux programmes, mis en œuvre par la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) :
– le programme 405 « Projets industriels », doté de 420 millions d’euros ;
– le programme 406 « Innovation », doté de 690 millions d’euros ;
– le programme 407 « Économie numérique », doté de 615 millions d’euros.
Ces crédits avaient vocation à être consommés en 2014 sur le plan budgétaire, mais décaissés sur un rythme pluriannuel par des opérateurs, Bpigroupe et la Caisse des dépôts et consignations, dans le cadre d’appels à projets. C’est ce qui explique la disparition de ces trois programmes en projet de loi de finances pour 2015. En somme, les crédits ont été affectés aux opérateurs, et n’ont plus vocation à figurer en PLF.
L’an dernier, le programme consacré à l’investissement dans l’économie numérique était doté de 615 millions d’euros répartis entre :
– 215 millions d’euros pour l’action n° 1 « Quartiers numériques », devenue entre-temps la French Tech, des prises de participations dans des projets portés par des associations ou des collectivités, afin de financer des accélérateurs de start-up en France mais aussi des lieux emblématiques de la création de valeur numérique à l’étranger, à l’instar du French tech hub de San Francisco, pour un montant de 200 millions d’euros, ainsi que pour la création de fablabs pour un montant de 15 millions d’euros de subventions ;
– 400 millions d’euros au titre de l’action n° 2 « Usages et technologies du numérique » dont les appels à projets sont gérés par Bpigroupe et ventilés entre 100 millions d’euros de subventions, 75 millions d’euros d’avances remboursables et 175 millions d’euros de prises de participations. Une enveloppe de 50 millions s’ajoute pour des prêts.
Ce volet, dit « cœur de filière et usages », s’inscrit dans la continuité des actions déjà conduites dans le cadre du FSN, afin de financer la recherche et développement dans les domaines clefs du numérique : logiciel embarqué et objets connectés, cloud computing, big data, simulation numérique, technologies de l’usine numérique, cybersécurité notamment. Par ailleurs, une partie de cette enveloppe servira à soutenir l’effort d’investissement des acteurs au centre de la transition numérique et à stimuler le développement des entreprises innovantes dans les filières, soutenant ainsi le développement de l’offre nationale en services économiques innovants.
TOTAL |
Subventions |
Avances remboursables |
Prêts |
Fonds propres | |
Cœur de filière et usages |
400 M€ |
100 M€ |
75 M€ |
50 M€ |
175 M€ |
Quartiers numériques – French Tech |
215 M€ |
15 M€ |
0 |
0 |
200 M€ |
TOTAL |
615 M€ |
115 M€ |
75 M€ |
50 M€ |
375 M€ |
Par ailleurs, d’autres programmes des investissements d’avenir contribuent au développement de l’économie numérique. Il s’agit tant de programmes sectoriels qui ne relèvent pas a priori du numérique mais dans lesquels les technologies numériques jouent un rôle critique (smart grids par exemple) que de programmes « transversaux » concernant potentiellement de nombreux secteurs et notamment le numérique (Fonds national d’amorçage, plateformes mutualisées d’innovation, Instituts de recherche technologiques). De la même manière, le volet « modernisation de l’État » du « PIA 2 » (150 M€) comprendra également une partie numérique. Enfin, dans le cadre du redéploiement des crédits des investissements d’avenir de l’automne 2012, le Premier ministre a décidé de la création d’un dispositif de « prêts numériques » à destination des PME et ETI. Ces prêts sont destinés à faciliter l’intégration d’outils numériques dans les procédés des entreprises, de la conception des produits à leur production et à leur distribution, en vue de renforcer leur compétitivité et de dynamiser leur croissance.
De manière générale, votre rapporteure regrette un manque de lisibilité sur l’attribution et la consommation des crédits mis à disposition dans le cadre des investissements d’avenir. Alors même que ces crédits sont stratégiques pour l’avenir de l’innovation en France, elle souhaite que la dispersion de ressources budgétaires ne conduise pas à leur dilution et n’empêche pas un contrôle efficace de la dépense publique par le Parlement.
* * *
Votre rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » en faveur des communications électroniques et de l’économie numérique.
DEUXIÈME PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE
L’État est concerné au premier chef par la révolution numérique, alors que la diffusion de la nouvelle culture numérique explique en partie, comme le rappelait M. Thierry Mandon lors de son audition devant la Commission des affaires économiques, la distance séparant l’État et la société. Selon les mots du secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, « cette culture repose sur des réponses individualisées, rapides et horizontales, soit l’inverse de celles fournies par l’État ». L’État demeure encore trop souvent pris dans des logiques hiérarchiques pesantes, fonctionnant en silos qui l’empêchent d’agir avec agilité et de muer pleinement vers un fonctionnement « 2.0 », voire « 3.0 ».
Le numérique constitue une formidable chance de moderniser l’État, et ce afin de le renforcer. Pendant trop longtemps, l’informatisation des services de l’État a été perçue comme un moyen de réaliser d’importantes économies, via une rationalisation des procédures, et une réduction de la « machine administrative ». Ce modèle ne fonctionne pas comme le démontre l’échec de la révision générale des politiques publiques (RGPP), mise en place trop rapidement, de façon trop cloisonnée et imposée par le haut sans réflexion globale. La réforme de l’État doit être avant tout guidée par la volonté d’améliorer la qualité et l’efficacité du service public et de garantir l’égalité des citoyens.
L’actuel Gouvernement a pris une série de mesures qui ont d’ores et déjà porté leurs fruits. C’est d’ailleurs ce qui a amené l’Organisation des Nations Unies à classer la France au 4e rang mondial en matière d’e-gouvernement, consacrant ainsi les efforts de la majorité pour engager et accélérer la conversion numérique du pays. L’État a notamment pu s’appuyer sur les initiatives ambitieuses des collectivités territoriales, souvent en pointe, et sur un tissu d’acteurs économiques audacieux et innovants.
Ces réformes et initiatives doivent être approfondies et multipliées. Mais bâtir un État numérique n’est pas une tâche aisée, tant il s’agit de faire évoluer des représentations solidement ancrées. Pour réussir, il faut mettre en place une pédagogie claire au sein de l’État, et ceci d’autant plus que la modernisation de l’État amène à déployer de nouvelles méthodes de conduite des politiques publiques. Il est donc nécessaire d’associer pleinement les acteurs à cette transition, c’est-à-dire tant les personnels que l’ensemble des acteurs publics intervenant dans la définition des politiques publiques, au premier rang desquels les collectivités territoriales.
De plus, la révolution numérique renouvelle les relations entre les citoyens et les pouvoirs publics. Face au schéma d’une relation descendante souvent génératrice de rigidités et d’incompréhensions, le développement d’Internet permet d’améliorer la participation des citoyens, et les rapproche de leur administration grâce à la mise en place d’un service public plus efficace et plus réactif.
Le Gouvernement a annoncé, par la voix de M. Thierry Mandon, l’organisation au début de l’année prochaine d’une conférence consacrée à la thématique de « l’État de demain ». Il s’agira ainsi de définir l’évolution de l’organisation de l’État grâce au numérique, en sortant du discours purement budgétaire et comptable mais dans le but d’améliorer les procédures et son fonctionnement interne. D’abord, ce sont les méthodes d’administration qui sont amenées à évoluer. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la stratégie de transformation numérique de l’État, présentée en Conseil des ministres le 17 septembre dernier.
L’abandon de la RGPP au profit de la modernisation de l’action publique (MAP) par la majorité actuelle s’est accompagné de la création d’un Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), rattaché aux services du Premier ministre et non plus au ministère de l’Économie et des finances comme l’était l’ancienne Direction générale de la modernisation de l’État (DGME). Ce changement est porteur de symbole, car il met en lumière la transversalité des objectifs guidant la réforme de l’État. En outre, cette dimension interministérielle est pertinente car la conversion numérique de l’État irrigue l’ensemble de la société et des secteurs économiques.
Au sein du SGMAP, deux entités sont dédiées à la question du numérique : la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication (DISIC) et la mission Etalab chargée de la stratégie d’ouverture des données publiques de l’État.
Etalab incarne une nouvelle manière de concevoir l’action publique, sous la forme d’une mission. Composée d’agents de l’État comme d’acteurs extérieurs, Etalab fonctionne sur le modèle d’une « start-up d’État ». Ainsi du projet d’amélioration de l’interface data.gouv.fr dans le cadre de la stratégie d’ouverture des données publiques, mis en œuvre en trois mois, notamment grâce à la mobilisation de talents issus du monde de l’innovation. Comme le souligne M. Henri Verdier, directeur de la mission Etalab, « l’équipe s’efforce d’agir en permanence avec et comme les innovateurs numériques, start-up, hackers, activistes ».
La DISIC est, quant à elle, chargée de mettre en œuvre le système d’information unique entériné par le décret du 1er août 2014 dont la première concrétisation prendra la forme d’un réseau interministériel de l’État (RIE). Il s’agit de mutualiser les réseaux des différents ministères afin de renforcer les liens entre ces derniers et de créer une véritable culture commune aux administrations. Le RIE est la première étape de la modernisation et de l’unification du système d’information de l’État. Selon le Gouvernement, il offrira début 2015 un accès sécurisé et haut débit à Internet et des interconnexions vers les réseaux des partenaires, comme les opérateurs de l’État. Il sera ainsi « le support indispensable aux services interministériels actuels ou futurs (messagerie unifiée, cloud d’État, etc.) ». Si le réseau est déjà opérationnel sur 2 000 sites, il est engagé sur 8 500 sites de différentes administrations comme les ministères de la Culture, de l’Agriculture, de l’Écologie, de la Santé, de l’Intérieur et des Finances. En 2015, 4 500 sites de la gendarmerie et 1 500 sites du ministère de la Justice seront reliés, l’objectif final étant d’atteindre un niveau de 17 000 sites reliés en 2017.
En parallèle, un nouveau poste d’administrateur général des données (2), sur le modèle anglo-saxon du Chief data officer (CDO), a été confié à M. Henri Verdier, le directeur d’Etalab. Ce dernier a notamment pour mission de mettre en œuvre des améliorations du service public par l’utilisation des données publiques. Le CDO français contribuera à la qualité des données produites par l’État, facilitera leur circulation en interne comme en externe, dans le respect de la vie privée et du secret des affaires. C’est sûrement ce dernier point qui suscite le plus de réticences au sein des services et qui nécessitera le plus de pédagogie de la part du CDO. Au-delà, ce dernier devra également stimuler le recours à de nouvelles méthodes d’actions fondées sur la donnée au sein de la puissance publique : big data, valorisation de la donnée, ouverture, etc. Le CDO est ainsi autorisé à demander aux différentes administrations l’inventaire des données produites, reçues ou collectées, et remettra chaque année un rapport public sur la politique de l’État en matière de données. Votre rapporteure note également que le CDO est habilité à mener des expérimentations sur l’utilisation des données. Votre rapporteure, favorable à la création d’un principe d’innovation dans le numérique, pendant du principe de précaution, ne peut que souscrire à cette possibilité.
À terme, l’État pourra ainsi évoluer en un « État plateforme ». Dans leur rapport sur le développement de l’économie numérique française de mai 2014, Mme Laure de La Raudière et votre rapporteure avaient déjà appelé à cette évolution. Votre rapporteure se réjouit donc de voir cet appel entendu. Pour se muer en plateforme, l’État doit ainsi susciter la création de nouveaux services publics. Pour ce faire, une triple évolution est nécessaire : les administrations doivent accepter que leurs données relèvent du bien commun, dans le respect des règles de sécurité adaptées, les données seront exposées conformément à un cadre d’architecture unique, l’accès aux données se fera par le biais d’interface (API) ouvertes.
Ces évolutions ne sont pas sans poser question s’agissant de la conduite du changement au sein des services de l’État. En effet, rendre l’État plus agile suppose de profonds changements qui, s’ils ne sont pas menés en associant l’ensemble des acteurs concernés, pourraient crisper les agents et ainsi annihiler les efforts de conversion numérique.
La transition numérique doit être menée de manière concertée avec l’ensemble des acteurs concernés. Déjà, au XVIIe siècle, le Cardinal de Richelieu indiquait dans son Testament politique qu’« un architecte qui, par l’excellence de son art, corrige les défauts d’un ancien bâtiment et qui, sans l’abattre, le réduit à quelque symétrie supportable, mérite bien plus de louange que celui qui le ruine tout à fait pour refaire un nouvel édifice parfait et accompli. »
En somme, une réforme de l’action publique ne doit pas être destructrice, alors que la conversion numérique n’est pas sans engendrer de résistances, parfois de principe, parfois de bonne foi face aux inquiétudes que peut susciter le numérique en raison de l’importance des changements qu’il génère.
Afin de garantir l’efficacité de la réforme de l’État et éviter les écueils de la RGPP, l’accent doit être mis sur l’implication des personnels concernés. À ce propos, la méthode utilisée par M. Paul Quilès, alors ministre des Postes, télégraphes et téléphones, pour conduire la réforme de l’administration des PTT pourrait être une source d’inspiration. À l’issue d’une phase de recueil de témoignages, d’auditions et de visites sur le terrain, un débat public ayant vocation à laisser la parole à tous les acteurs des administrations des PTT a été mis en place. Ainsi, les personnels ont eu la possibilité d’être entendus par un délégué du débat public, de participer en interne à des réunions de service répétées, ainsi qu’à des audiences publiques et des colloques organisés dans toute la France. Les représentants syndicaux ont également pu s’exprimer. Au final, la consultation et l’information menées ont permis de mener la réforme en toute transparence, d’impliquer les personnels et de cette manière de lever leurs inquiétudes. Une démarche similaire et bien sûr actualisée pourrait être adoptée dans le cadre de la conversion numérique de l’État. De nombreux chantiers ont déjà été ouverts, et les personnels répondent favorablement. Il faut poursuivre cette association. Par ailleurs, puisque l’État n’est pas le seul concerné par le développement du numérique, l’association des collectivités territoriales est indispensable.
Le déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire, et en particulier de la fibre optique, est souvent présenté comme un défi technique et technologique, une chance pour la France de constituer une filière industrielle d’avenir à haute valeur ajoutée, tout en répondant à la nécessité de mettre en place les infrastructures indispensables à la relance de la croissance. Votre rapporteure partage bien évidemment ces constats et elle a déjà rappelé avec force sa position : selon elle, seul le déploiement à terme de la fibre optique permettra de doter la France d’infrastructures pérennes à la hauteur des enjeux. Le développement des usages nécessitera en effet une augmentation des capacités de trafics, que seule la fibre pourra assurer. La conversion numérique de l’État, le développement de la e-santé, de la e-éducation, de l’internet des objets, de la réalité augmentée, des villes intelligentes, de la robotique ou la constitution de nouvelles plates-formes et l’émergence de nouveaux services sont intimement liés au déploiement d’un très haut débit de qualité.
Mais au-delà de ces enjeux économiques, votre rapporteure considère que le déploiement du très haut débit correspond plus simplement à un enjeu d’égalité entre les citoyens et les territoires, le deuxième mot de la devise nationale suffisant à justifier un investissement important des acteurs publics.
Le plan Freycinet visant à doter la France d’un réseau ferroviaire dense, l’électrification des territoires ruraux à compter des années 1920, la fixation d’un nombre minimum de 17 000 points de contacts pour La Poste, l’histoire de notre pays est jalonnée d’exemples de politique d’aménagement du territoire visant à assurer l’égalité territoriale.
Le Plan France Très haut débit, dont les modalités ont été détaillées en première partie du présent avis, répond pleinement à un enjeu d’aménagement du territoire et d’égalité entre les citoyens. Alors que la fracture numérique est déjà une réalité sur les territoires, il est primordial de maintenir l’effort financier, conséquent, en faveur des déploiements du très haut débit et d’assurer que les engagements pris par les opérateurs, notamment dans le cadre des zones « AMII » seront respectés.
Dans le rapport d’information précité, votre rapporteure avait déjà souligné que le numérique constituait une chance pour les pouvoirs publics de retrouver de l’efficacité et de la légitimité. Le numérique constitue en effet un formidable levier pour mieux déployer les services de l’État, mieux toucher les citoyens, mieux accompagner les Français et leurs entreprises tout au long de leurs vies.
La numérisation et la dématérialisation des relations entre les administrations, les citoyens et les entreprises se poursuivront au bénéfice d’une amélioration des services fournis. Afin de mesurer les progrès réalisés, le Gouvernement a annoncé sa volonté de publier régulièrement un baromètre de l’usage des services publics numériques qui se développeront, notamment grâce à l’essor du support mobile.
Plus généralement, en matière de services publics numériques, chacun a en tête le service de déclaration d’impôts sur l’Internet mis en place par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), auquel recourent 13,5 millions de contribuables pour télédéclarer leur impôt sur le revenu. Mais au-delà de cet exemple bien connu, le numérique permet d’améliorer les services publics d’aujourd’hui tout en inventant ceux de demain.
Ainsi, la numérisation permettra d’améliorer la qualité des services publics selon deux modalités. D’abord, le numérique permet de faciliter les démarches entreprises par nos concitoyens. À titre d’exemple, le Gouvernement s’est fixé pour la fin de l’année 2015 un objectif de dématérialisation de 100 % des démarches concernant l’État ne demandant pas de présence d’un agent en guichet. Votre rapporteure tient néanmoins à attirer l’attention sur la nécessité de maintenir une présence physique autant que possible, notamment afin d’assurer l’égal accès de nos concitoyens aux services publics : il serait pour le moins hasardeux de négliger une partie de nos concitoyens qui, en raison de leur âge, de leur manque d’appétence ou d’habitude, ou bien de leurs ressources, n’ont pas la possibilité d’avoir recours qu’à des rapports dématérialisés avec la puissance publique et pourraient ainsi se trouver marginalisés. Ensuite, le numérique permet de toucher nos concitoyens parfois éloignés, physiquement, des lieux habituels de contact avec les services publics. Ainsi, votre rapporteure salue la volonté du Gouvernement, inscrite dans le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires, toujours en navette parlementaire, d’approfondir le déploiement des maisons de services au public (MSP), afin d’améliorer l’accès des populations aux services via le numérique, notamment s’agissant des relations avec des opérateurs nationaux comme La Poste, EDF, la SNCF, GDF Suez, Pôle emploi, l’Assurance maladie, les Allocations familiales, la Mutualité sociale agricole ou l’Assurance retraite. Une nouvelle fois, cette avancée technologique ne doit pas conduire à négliger la présence territoriale.
Comme l’a déjà souligné votre rapporteure, le numérique permettra ainsi d’apporter des réponses plus rapides et plus personnalisées à nos concitoyens. Il sera également le moyen pour l’État de participer activement à la relance de la croissance et de l’emploi.
La stratégie digitale de l’État permettra de générer des gains de productivité et d’efficacité non seulement en interne, mais également dans la mise en œuvre des politiques publiques, au service de la croissance et de l’emploi.
Votre rapporteure a déjà longuement eu l’occasion de souligner combien le numérique était porteur de croissance. Ainsi, comme elle l’indiquait dans le rapport d’information précité, le numérique aurait, de manière directe, contribué à hauteur de 72 milliards d’euros au PIB français en 2010, soit davantage que des secteurs clés de l’économie française tels l’énergie, les transports ou encore l’agriculture, en valeur ajoutée. De même, si l’ensemble du système est numérisé, il serait possible de réaliser des économies de 20 à 30 %.
La numérisation de l’action publique générera ainsi des économies et du temps pour les acteurs économiques, notamment par un allégement des charges qui pèsent sur les entreprises. Votre rapporteure a déjà eu l’occasion de présenter le programme « Dites-le nous une fois », qui vise à ce que d’ici 2017, une entreprise n’ait qu’un identifiant à fournir en remplacement des autres données d’identité demandées, ne fournisse qu’une fois la même donnée comptable et la même donnée sociale issue de la paie et ne fournisse plus aucune pièce justificative dès lors que l’information est produite par l’administration.
D’autres programmes destinés à faciliter la vie des entreprises ont été lancés depuis. Ainsi de l’expérimentation « Marchés publics simplifiés », qui permet aujourd’hui aux entreprises de répondre à certains marchés publics en ne fournissant qu’un numéro de SIRET pour s’identifier, ainsi que leur offre technique et commerciale. Dans sa première phase, le dispositif concerne les marchés de moins de 134 000 euros HT pour l’État et de moins de 207 000 euros HT pour les collectivités territoriales. À terme, l’ensemble des marchés publics seront accessibles via une procédure dématérialisée et simplifiée. Selon les estimations, l’impact de ce programme, s’il se généralisait à l’ensemble des appels d’offres lancés par l’administration, générerait un gain de temps pour les entreprises équivalent à une diminution de leurs charges de l’ordre de 60 millions d’euros, et de 30 millions d’euros pour l’administration.
Par ailleurs, une politique ambitieuse en matière de données publiques, qui devrait être approfondie dans le cadre d’un projet de loi dédié au cours de l’année 2015, permettra de stimuler l’innovation. Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de mesures, comme en témoigne l’engagement de la France au sein du Partenariat pour le Gouvernement ouvert. Lancé en septembre 2011, cette initiative multilatérale regroupe aujourd’hui 64 États membres, ainsi que des ONG et des représentants de la société civile, afin de promouvoir la transparence de l’action publique et la gouvernance ouverte, de renforcer l’intégrité publique et d’exploiter les nouvelles technologies et le numérique. La France a rallié ce partenariat en avril dernier sous l’impulsion du Président de la République, M. François Hollande, et notre pays a été élu le 4 août dernier pour un mandat de deux ans au sein du Comité directeur du partenariat. L’adhésion au Partenariat a eu pour corollaire l’engagement de la France à l’élaboration d’un Plan d’action national, qui devrait être publié au printemps 2015. Ce plan permettra de libérer encore davantage les données publiques, et de contribuer à l’émergence d’un État plateforme, au service des citoyens et des entreprises.
En parallèle, votre rapporteure est convaincue de la nécessité d’encourager les entreprises, et en particulier les TPE et les PME, à poursuivre leur conversion numérique. Bien évidemment, les acteurs économiques ont pour nombre d’entre eux saisi depuis longtemps les enjeux du numérique, en particulier lorsqu’ils évoluent dans des secteurs technologiques, ou lorsque les artisans et entrepreneurs dont le numérique n’est pas le cœur de métier ont une appétence particulière pour ces innovations, et ainsi anticipé les évolutions à venir afin de renouveler leur offre, modifier l’organisation de leur entreprise et engager la conversion numérique. Toutefois, comme votre rapporteure l’a souligné dans le rapport d’information sur le développement de l’économie numérique précité, l’immense majorité des PME semble en retard car trop souvent, le numérique n’est perçu que comme l’élaboration d’un site internet dédié au commerce électronique. Le Syntec numérique soulignait ainsi en octobre 2013 que « bien que conscients du lien entre numérique et performance, les dirigeants français tardent à franchir le cap de la transformation numérique de leur entreprise » (3). L’achèvement de la conversion numérique des entreprises est une condition essentielle de leur compétitivité à l’échelle internationale comme à l’échelle nationale, et indispensable pour leur permettre de se mouvoir avec succès dans cette nouvelle économie, et de bénéficier des initiatives menées par les pouvoirs publics.
Il en est d’ailleurs de même s’agissant de l’appropriation du numérique par les citoyens. Si la rapidité des changements économiques et sociaux récents n’est que le reflet de la vitesse d’appropriation des outils du numérique par la population, il est nécessaire d’initier encore davantage les citoyens aux nouveaux codes véhiculés par le numérique, d’une part pour leur permettre d’évoluer sereinement à l’ère numérique, et d’autre part afin de susciter l’innovation et la création de la « multitude », c’est-à-dire de « l’ensemble des individus pouvant créer de la valeur dans une organisation sans pour autant être employés ou mandatés par cette organisation » selon la définition de Nicolas Colin et Henri Verdier (4).
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Réformer l’État fait l’objet d’un large consensus. Néanmoins, alors que certains voient en cette réforme un moyen de diminuer la place de l’État dans la société – c’est la logique de la RGPP – votre rapporteure est convaincue de la nécessité de réformer l’État et d’améliorer la mise en œuvre des politiques publiques et de rendre les services publics plus efficaces et plus réactifs. En somme, le consensus n’est qu’apparence, une ligne de fracture forte existant entre les partisans d’un affaiblissement de l’État, qui ont longtemps recouru à un dogme de rationalisation pour réduire ses moyens d’action, et ceux qui, comme votre rapporteure et la majorité parlementaire, souhaitent moderniser et transformer les outils de l’action publique, au service des citoyens. Le numérique adresse des enjeux d’importance aux élus, aux particuliers, aux entreprises et aux administrations. Il bouleverse notre quotidien et nous avons plus que jamais besoin d’un État fort, mais adapté à son temps. Depuis 2012, les choses ont heureusement évolué et la conversion numérique de notre société a enfin été érigée en priorité. Il faut approfondir les actions menées depuis deux ans et demi et, dans ce contexte, votre rapporteure ne peut qu’inviter à l’adoption des crédits de la mission « Économie » destinés au financement des communications électroniques et de l’économie numérique.
Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de MM. Lionel Tardy (Entreprises), Joël Giraud (Commerce extérieur), Mme Corinne Erhel (Communications électroniques et économie numérique), M. Jean Grellier (Industrie) et Mme Michèle Bonneton (Postes), les crédits de la mission « Économie » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 30 octobre 2014, sur le site internet (5) de l’Assemblée nationale).
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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Économie ».
Conformément aux avis favorables de M. Joël Giraud, rapporteur pour avis sur les crédits du Commerce extérieur, Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis sur les crédits des Communications électroniques, M. Jean Grellier, rapporteur pour avis sur les crédits de l’Industrie, Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis sur les crédits des Postes et contrairement à l’avis défavorable de M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis sur les crédits des Entreprises, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » pour 2015.
——fpfp——
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Agence nationale des fréquences (ANFR)
– M. Gilles Brégant, directeur général
– M. Jean-Marc Salmon, directeur général adjoint
– Mme Isabelle Hautbois, chef du service de la communication et des relations Institutionnelles
Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)
– M. Jean-Ludovic Silicani, président
– M. François Philipponneau, conseiller du président
Alternative Mobile
– M. Jacques Bonifay, président de Transatel, président d’Alternative Mobile
– M. Arnaud Hacquart, directeur général de Prixtel, vice-président d’Alternative Mobile
– M. François Richard, directeur général de Coriolis Télécom
– Mme Lénaïg Saliou, direction de la Stratégie de EI Télécom
– M. Léonidas Kalogeropoulos, délégué général d’Alternative Mobile
– Mme Caroline Blanchard, coordinatrice de l’Association Alternative Mobile
Audition commune de représentants de Syndicats
– CFDT F3C
Mme Isabel Lejeune To, secrétaire national en charge du Pôle Télécom-Prestataires, et M. Denis Vandermeersch
– FO Télécom
M. Bernard Allain, secrétaire fédéral national branche Télécom, et M. Frédéric Jusko, responsable branche Télécom
– SUD PTT
M. Frédéric Madelin, secrétaire fédéral à SUD pour le secteur des télécoms-centre d’appels, et Mme Nicole Jullian
Bouygues Telecom
M. Didier Casas, secrétaire général
Cabinets de M. Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, et de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique :
– M. Christian Guénod, conseiller télécoms et numérique
– Mme Maeva Level, conseillère parlementaire de M. Emmanuel Macron
Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
– M. Emmanuel Gabla, membre du collège du CSA
– M. Julien Mourlon, direction des technologies
– M. Jean-Pierre Camby, conseiller auprès du Président
Etalab
M. Henri Verdier, directeur, administrateur général des données
Fédération française des Télécoms
– M. Yves Le Mouël, directeur général
– M. Pierre-Yves Lavallade, directeur général adjoint
Iliad
M. Maxime Lombardini, directeur général d’Iliad
Mission Très Haut Débit (THD)
M. Antoine Darodes, directeur
Mission French Tech
M. David Monteau, directeur
Numericable
Mme Brigitte Laurent, directeur des relations Institutionnelles et de la règlementation
Orange
– M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques
– Mme Florence Chinaud, directrice des relations institutionnelles
SFR
– M. Olivier Henrard, directeur exécutif
– M. Vincent Talvas, directeur des affaires publiques
TDF
M. Arnaud Lucaussy, directeur de la Réglementation et des affaires publiques
UFC Que Choisir
M. Antoine Autier, chargé de mission « nouvelles technologies »
© Assemblée nationale