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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234),
TOME V
ECOLOGIE, DEVELOPPEMENT ET MOBILITE DURABLES
PAR M. Pierre-Yves Le Borgn’
Député
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Voir le numéro 2260
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
I. LES PRINCIPALES DONNÉES DE LA QUESTION CLIMATIQUE 13
A. LES GAZ À EFFET DE SERRE : DES EFFETS BIEN IDENTIFIÉS SUR LE BILAN CARBONE DE LA TERRE 13
B. LA CONSÉQUENCE DU DÉVELOPPEMENT DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE APRÈS 1945 14
C. UNE CROISSANCE DES ÉMISSIONS GLOBALES QUI SE POURSUIT 15
D. UN ENJEU CHARBONNIER AU SEIN DES ÉNERGIES FOSSILES 15
1. La prépondérance du charbon dans les émissions de gaz à effet de serre 15
2. Quelques Etats très charbonniers, dont la Chine et l’Inde 17
E. DES NIVEAUX D’ÉMISSIONS INÉGAUX PAR PAYS SELON LE NIVEAU DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE ET LE BOUQUET ÉNERGÉTIQUE 19
1. Une concentration de la majorité des émissions sur un petit nombre de pays, en l’état 19
2. Des émissions par tête très variables : l’Union européenne en situation intermédiaire 21
3. Des niveaux d’efficacité énergétique et des bouquets énergétiques assez différents 22
4. Un développement des renouvelables de plus en plus général dans les pays en développement, qui donne un espoir pour l’avenir 25
F. UNE MAÎTRISE GLOBALE DE LA QUESTION CLIMATIQUE QUI REPOSE SUR LE FRANCHISSEMENT ASSEZ RAPIDE DES PICS D’ÉMISSIONS PAR LA MAJORITÉ DES PAYS 25
II. L’UNION EUROPÉENNE : UNE STRATÉGIE ÉNERGIE–CLIMAT VOLONTARISTE QUI VIENT D’ÊTRE PROLONGÉE ET AMPLIFIÉE JUSQU’EN 2030 PAR LE CONSEIL EUROPÉEN ET DOIT EN OUTRE SURMONTER, PARMI D’AUTRES, LE NOUVEAU DÉFI DE LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE 27
A. UN NOUVEAU CADRE POUR LE CLIMAT À ÉCHÉANCE 2030 POUR CONSOLIDER LES RÉUSSITES DU PAQUET ÉNERGIE-CLIMAT DE 2008 27
1. La réalisation des trois fois 20 % à l’horizon 2020 27
a. La réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre 27
b. 20 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique 28
c. Un gain de 20 % pour l’efficacité énergétique 28
2. Une étape clef dans la perspective de la conférence Paris Climat 2015 : l’adoption par le Conseil européen, le 23 octobre dernier, du cadre énergie–climat 2030 30
a. Les propositions de la Commission européenne : 40 %, 27 % et 30 % 30
b. Le cadre d’action adopté par le Conseil européen du 23 octobre : 40 %, 27 % et 27 % 31
c. La certitude pour l’Union européenne de rester moteur en présentant au premier trimestre 2015 sa contribution au futur accord climat 32
d. La déception des membres du Parlement européen, des associations environnementales et du secteur économique des renouvelables 33
B. UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE QUI DOIT SURMONTER TROIS DÉFIS AUSSI IMMÉDIATS QUE MAJEURS : LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE, LE RÉTABLISSEMENT DU MARCHÉ CARBONE ET LA MAÎTRISE DES MÉCANISMES ÉCONOMIQUES DU RENOUVELABLE 34
1. Les projets d’Union de l’énergie et la stratégie de sécurité énergétique présentée par la Commission européenne 34
a. La stratégie de sécurité énergétique présentée par la Commission européenne le 28 mai dernier 34
b. Les projets d’Union de l’énergie de MM. Donald Tusk et Jean-Claude Juncker 37
c. Les décisions du Conseil européen du 23 octobre dernier en matière de marché intérieur et de sécurité énergétique 38
2. Les difficultés du prix du carbone : le SEQE et la révision de la directive de 2003 sur la taxation des produits énergétiques 39
a. Le nécessaire rétablissement du marché du carbone 39
b. La décision du Conseil européen du 23 octobre dernier 42
c. La difficile révision de la directive de 2003 sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité 42
3. La réaffirmation du lien entre la production d’électricité d’origine renouvelable et le marché 44
a. Les difficultés du développement des renouvelables ces dernières années dans les pays les plus engagés : problèmes techniques, perturbation du marché et coût des dispositifs d’aide 44
b. Le nouveau régime européen : les lignes directrices concernant les aides d’Etat pour la protection de l’environnement et l’énergie 45
c. Les ajustements opérés en Allemagne et en Espagne 46
III. LA CONFÉRENCE PARIS CLIMAT 2015 : UNE NÉGOCIATION QUI S’ANNONCE PARTICULIÈREMENT DIFFICILE, MAIS UNE PRÉPARATION TRÈS BIEN ENGAGÉE 49
A. UN OBJECTIF CLAIREMENT IDENTIFIÉ : UN ACCORD UNIVERSEL SUR LE CLIMAT APPLICABLE À PARTIR DE 2020 49
1. Le Protocole de Kyoto prolongé par l’amendement de Doha : un dispositif partiel de contrôle et de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui ne concerne que peu d’Etats et qui s’achève en 2020 49
2. Un objectif très clair pour la conférence Paris Climat 2015 : un accord universel applicable pour l’après-2020 50
a. La plate-forme de Durban et les acquis de la COP 18 de Doha et de la COP 19 de Varsovie 50
b. Différents profils possibles pour le futur accord 51
c. L’absence de solution alternative à un accord à Paris en raison de l’urgence à agir, notamment rappelée par l’accroissement du nombre des réfugiés climatiques 52
B. UN BUDGET DÉJÀ ALLOUÉ ET UNE PRÉPARATION MATÉRIELLE BIEN AVANCÉE 52
C. LES RÉSULTATS, JUGÉS POSITIFS, DU SOMMET CLIMAT DE NEW YORK EN SEPTEMBRE DERNIER 54
1. L’acquis politique d’une mobilisation réussie 54
a. La mobilisation des chefs d’Etat et de Gouvernement, premier objectif du Secrétaire général des Nations Unies 54
b. Les résultats encourageants de l’Agenda des solutions, associant la société civile, les collectivités et les entreprises à la question climatique 55
2. Un volet à suivre avec attention : la décarbonation des investissements financiers 57
3. L’adhésion des entreprises au principe d’un coût du carbone 57
a. Un engagement bien affirmé 57
b. Une position de principe en phase avec le développement des marchés du carbone dans l’ensemble des pays 58
D. DEUX ÉCHÉANCES CRUCIALES DANS LES PROCHAINES SEMAINES ET LES PROCHAINS MOIS 60
a. La COP 20 de Lima en décembre prochain 60
b. La remise des contributions nationales au premier trimestre 2015 pour un premier projet d’accord dans la foulée 62
E. UNE PROBLÉMATIQUE D’ENSEMBLE ÉCLAIRÉE PAR LES TRAVAUX DU GIEC COMME DU GLOBAL CARBON PROJECT SUR LE BUDGET CARBONE 63
1. Le cinquième rapport du GIEC : un nouvel appel justifié sur l’urgence à agir 63
2. L’approche économique du climat par le rapport « Stern-Calderon » de la commission mondiale sur l’économie et le climat (the Global Commission on the Economy and Climate) 64
3. L’intérêt de l’approche « budgétaire » du Global Carbon Project et ses limites 66
F. UNE NÉGOCIATION QUI S’ANNONCE TRÈS DIFFICILE ET QUI DÉPEND BEAUCOUP DES ENGAGEMENTS QUI SERONT PRIS PAR LA CHINE ET PAR LES ETATS-UNIS 68
a. Les positions générales actuelles 68
b. L’expression des positions américaine et chinoise lors du sommet climat de New York 70
c. Quelques points essentiels des discussions en cours sur la teneur de l’accord 72
d. Un élément clef : les transferts financiers en faveur des pays du Sud 74
e. Un élément supplémentaire à ajouter impérativement au débat et même à l’accord : l’innovation technologique pour bien appuyer la lutte contre le changement climatique sur une nouvelle révolution énergétique 75
TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 79
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 81
Mesdames, Messieurs,
Depuis la Révolution industrielle, l’enchaînement des progrès et mutations économiques a apporté d’immenses progrès, mais ceux-ci ne peuvent trouver leur plein accomplissement que si l’on y apporte les correctifs nécessaires.
Les premiers ont été assez vite identifiés. La mise en place de l’industrie et le développement du salariat ont d’emblée posé la question sociale. A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, sous l’impulsion des mouvements politiques inspirés pour l’essentiel du socialisme comme des engagements et actions des syndicats, les politiques sociales se sont développées dans les pays occidentaux, avec plus ou moins d’ampleur, de rapidité, d’intensité et d’efficacité.
La nécessité des seconds correctifs, d’ordre environnemental, n’a été mise au jour qu’un siècle après.
Même si ses prévisions ont été trop pessimistes et si la situation du début du XXIe siècle est meilleure qu’il ne l’avait prédit, c’est au Club de Rome, créé en 1968, et à son rapport de 1972 intitulé « The limits of the growth – Halte à la croissance », qu’il revient d’avoir mis en évidence l’importance de la question environnementale et d’avoir ainsi fait sortir la problématique des limites de la planète de la simple question de la « course aux matières premières » qui préoccupait les économistes depuis l’Entre-deux-guerres et même pour ce qui concerne les Malthusiens, depuis le XIXe siècle.
Parmi l’ensemble des sujets environnementaux, le plus difficile est celui du changement climatique ou plus communément du réchauffement climatique.
Ses conséquences peuvent être non seulement irréversibles, car imposant aux espèces vivantes et aux milieux naturels une adaptation majeure dans un délai infiniment plus bref que lors des variations climatiques naturelles enregistrées par la passé, mais aussi fatales, car menaçant jusqu’à la pérennité de la vie sur terre à commencer par celle des espèces les plus fragiles, ce qui n’exclut naturellement pas l’Homme. L’exemple des premiers réfugiés climatiques avec le Darfour est là pour nous le montrer sans parler des îles menacées par la montée des eaux.
Dès les années 1980, les organisations internationales s’en sont préoccupées.
D’abord, il a fallu étudier la question sur le plan scientifique.
C’est ainsi en 1987 qu’a été créé, à la demande du G7, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l'évolution du climat (GIEC), par deux organismes spécialisés de l’ONU : l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).
En 1990, le GIEC a publié son premier rapport et a fait le constat d’un lien très vraisemblable entre les émissions de gaz à effet de serre résultant principalement de l’utilisation des combustibles fossiles émetteurs de CO2 et le changement climatique.
C’est ensuite, sur cette base, que la question a été portée au plus haut niveau de l’agenda international.
En 1992, le sommet de la Terre à Rio a ainsi conduit à l’adoption de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), puis, sur la base du deuxième rapport du GIEC, en 1995, à l’élaboration du Protocole de Kyoto prévoyant, pour les Etats industrialisés, une réduction ou une limitation de leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’année 1990. Des objectifs chiffrés ont été fixés.
Les limites du protocole de Kyoto sont très vites apparues. D’abord, il ne concernait pas les pays émergents, suivant en-cela une logique antérieure à la mondialisation et à la disparition progressive du Tiers monde par la diffusion de plus en plus large de la croissance. Ensuite, les Etats-Unis l’ont signé mais pas ratifié en raison, notamment mais pas uniquement, du scepticisme du président George W. Bush. Le fait que le Protocole ne s’applique pas à la Chine, devenue en 2005 le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, a aussi pesé. Enfin, le Protocole s’achevait en 2012 sans que rien ne soit prévu pour la suite.
C’est à la conférence de Copenhague en 2009 (la 15ème conférence des parties ou COP 15 de la CCNUCC) qu’aurait dû être adopté l’instrument général de contrôle et de réduction d’ensemble des émissions de gaz à effet de serre applicable à partir de 2012.
Tel n’a pas été le cas, comme on le sait.
Celle-ci s’est, en effet, limitée à adopter l’objectif d’une limitation à 2° Celsius de l’augmentation des températures terrestres par rapport à l’ère préindustrielle.
Elle a donc été globalement un échec, car elle n’a pas été en mesure d’aboutir à l’accord sur les moyens de parvenir à cet objectif pourtant ô combien nécessaire de limitation des émissions, et ainsi sur le dispositif qui devait succéder au Protocole de Kyoto.
C’est à la Conférence climat de Paris en 2015, la COP 21, qu’il reviendra d’établir un tel accord international universel et contraignant. Entretemps, l’amendement de Doha a prévu pour une minorité d’Etats représentant 15% des émissions de gaz à effet de serre, les pays européens pour l’essentiel, une prolongation et une accentuation du Protocole de Kyoto jusqu’en 2020.
La préparation de la conférence de 2015 bénéficie d’un triple éclairage.
D’abord, de manière que l’année qui vient soit celle de l’Ambition, le Secrétaire général de l’ONU a organisé à New York le 23 septembre dernier un sommet Climat. Plus de 120 chefs d’Etats et de Gouvernement y ont été présents. La prise de conscience est donc intervenue. De même, comme l’ont montré les réunions en marge du Sommet, la société civile, les entreprises, les collectivités locales, notamment les plus grandes villes, se sont mobilisées sur ce que l’on appelle l’Agenda des solutions aussi appelé l’Agenda positif. Plusieurs projets concrets sont donc envisagés, étudiés voire expérimentés.
Ensuite, l’information tend à se développer et chacun peut prendre conscience des effets du changement climatique, notamment sur les zones climatiques ou géographiques particulières. Les images d’un Arctique inhabituellement chaud ou d’archipels du Pacifique menacés par la montée des eaux et dont les habitants seront prochainement des réfugiés climatiques sont largement diffusées. Même s’il est difficile d’attribuer chacun d’entre eux au changement climatique, la multiplication d’événements météorologiques extrêmes ou inhabituels ne peut plus être ignorée.
Enfin, sur le plan technique, la question climatique fait l’objet d’une documentation particulièrement bien étayée. La publication du dernier rapport du GIEC vient de s’achever, avec le rapport de synthèse du 2 novembre dernier, mais les quatre premiers tomes sur les éléments scientifiques, sur les impacts du changement climatique, l’adaptation et les vulnérabilités, ainsi que sur l’atténuation, ont été diffusés à partir de l’automne 2013, bien avant le rapport de synthèse dont la publication est venue à point nommé. De plus, les derniers travaux du Global Carbon Project publiés le 21 septembre dernier portent sur le budget global carbone, c’est-à-dire sur la question clef de la répartition des émissions restant possibles pour respecter avec suffisamment de certitude l’objectif des 2° Celsius. Enfin, l’économiste anglais Sir Nicholas Stern et l’ancien président du Mexique, M. Felipe Calderon, ont rendu publiques leurs conclusions en septembre dans leur dernier rapport sur les enjeux économiques de la lutte contre le changement climatique, intitulé « une meilleure croissance pour un meilleur climat ».
Sur le fond, la question est éminemment complexe, car il s’agit de gérer une nouvelle rupture en matière énergétique.
Pour les pays industrialisés, c’est celle de la transition énergétique, c’est–à–dire du passage d’une économie qui reste carbonée, en dépit des efforts entrepris depuis la crise pétrolière de 1974 en matière d’intensité énergétique, à une économie décarbonée ou de type circulaire dans laquelle les émissions éventuelles de CO2 proviennent de sources renouvelables.
Pour les pays émergents et surtout pour les pays en développement, la difficulté tient à la nécessité de réaliser simultanément la transition économique et la transition énergétique.
Dans cette lutte contre le changement climatique, l’Union européenne a un rôle moteur et pionnier.
D’une part, elle a créé très tôt, dès 2003, un système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, dont la mise en œuvre a été effective dès 2005.
Ensuite, à partir de 2008, elle a mis en place, avec le paquet « énergie-climat 2020 » et les objectifs des trois fois 20 %, une stratégie intégrée reposant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec l’objectif d’une réduction de 20 % en 2020 par rapport à 1990, ainsi que sur le renforcement de la part des renouvelables dans le mix énergétique, portée à 20 %, et de l’efficacité énergétique, avec un gain de 20 %.
Cette stratégie vient d’être prolongée avec le cadre énergie climat 2030 adopté par le Conseil européen le 24 octobre dernier et fondé sur une réduction de 40 % au moins des émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre, un rehaussement à 27 % de la part des renouvelables et à 27 % des gains d’efficacité énergétique.
Pour sa part, la France s’inscrit dans cette perspective avec l’adoption par l’Assemblée nationale, en première lecture, le 14 octobre dernier, du projet de loi sur la transition énergétique et la croissance verte.
La portée du volontarisme de l’Union européenne est d’autant plus remarquable qu’elle doit gérer dans un contexte géopolitique de plus en plus délicat sa dépendance énergétique.
Dans cette perspective, le présent rapport vise cette année à examiner, d’une part, la politique de l’Union européenne en matière de climat et d’énergie, et d’autre part, la préparation de la conférence Paris Climat en 2015.
Il ne saurait naturellement prétendre épuiser le sujet puisque celui-ci va faire, tout au long de l’année qui vient, l’objet d’un suivi particulier : en effet, les trois commissions concernées de l’Assemblée nationale, la commission des affaires étrangères, la commission du développement durable et la commission des affaires européennes, ont constitué un groupe de travail commun en juin dernier, dont tant les trois présidents de commission que votre rapporteur sont, notamment, membres.
Auparavant, votre Rapporteur ne peut donc que souligner que la dotation de la mission Ecologie, développement et mobilité durables prévue pour 2015, soit 7,88 milliards d’euros en autorisations de programme et 7,327 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent les 179 millions d’euros en autorisations de programme et 43,4 millions en crédits de paiement prévus au titre du ministère de affaires étrangères pour la conférence Paris Climat 2015, paraissent tout à fait justifiés au regard de l’objectif à atteindre d’un accord global permettant à l’ensemble des pays de s’engager sur la voie de la transition énergétique et de la décarbonation progressive de l’économie mondiale.
Le protocole de Kyoto a établi la liste des secteurs économiques et activités humaines à l’origine des émissions de gaz à effet de serre : l’énergie, les procédés industriels, l’utilisation de solvants et autres produits similaires, l’agriculture en raison des changements dans l’utilisation des sols et de la déforestation des sols qui l’accompagnent.
La combustion des sources d’énergie fossiles et les activités des cimenteries sont la principale source d’émissions, à raison de 32,6 milliards de tonnes de CO2 par an en moyenne sur la période 2004-2013, contre 3,3 pour les changements d’affectation des terres, selon les données publiées par le Global Carbon Project en septembre dernier. Un peu moins de la moitié du total reste dans l’atmosphère (15,8 milliards de tonnes) et le reste est absorbé à raison d’un peu plus de la moitié (10,6 milliards de tonnes) par les puits de carbone terrestres – les forêts – et de l’autre partie (9,5 milliards de tonnes par an) par les mers et océans. Le schéma suivant permet de visualiser comment l’équilibre naturel du cycle du carbone est actuellement perturbé.
Perturbation du cycle du carbone par les activités humaines : moyennes sur la période 2004-2013
Source : Global Carbon Project 2014
Les émissions de gaz à effet de serre distinguent ainsi les sources d’énergie fossiles – charbon, gaz et pétrole – des sources d’énergie décarbonées, à savoir les renouvelables et le nucléaire.
Sur le plan historique, les émissions de gaz à effet de serre sont essentiellement la conséquence du développement économique depuis 1945 avec non seulement la consommation d’énergie liée à la croissance économique, mais aussi celle imputable aux transports.
Le phénomène n’a fait que s’accentuer, car c’est non seulement le développement matériel, mais aussi le commerce international et dernièrement la mondialisation qui ont été les principaux moteurs de la consommation d’énergie.
On observe avec intérêt que le premier choc pétrolier, s’il a bien entraîné une rupture dans les pays occidentaux, à partir de 1974, avec la réduction de l’intensité énergétique de la croissance et du PIB, n’a pas eu d’effet visible au niveau global, comme le montre le graphique suivant, également publié en septembre dernier par le Global Carbon Project.
Evolution sur le long terme des émissions de gaz à effet de serre
Source : Global Carbon Project
En 2013, les émissions de gaz à effet de serre ont battu un nouveau record, avec 39,3 milliards de tonnes de CO2, en augmentation de 2,3 % par rapport à 2012.
Ce total se décompose ainsi : 36 milliards pour sa composante essentielle – la combustion des ressources énergétiques fossiles : gaz, pétrole et charbon, et les cimenteries – et 3,3 milliards pour les changements dans l’utilisation des sols.
La croissance de la première composante est continue et si son rythme ralentit, ce n’est encore qu’assez peu marqué : on est passé de 3,3 % par an pour la décennie 2000 à 2,3 % pour les années récentes. Le graphique suivant récapitule ces éléments.
Evolution de la croissance des émissions globales
Source : Global Carbon Project
Les trois combustibles fossiles ne sont pas comparables en matière de gaz à effet de serre.
L’utilisation du gaz naturel est beaucoup moins émettrice que celle des dérivés du pétrole, lesquels sont moins émetteurs que le charbon.
Comme le rappellent les données de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (Energy Information Administration – EIA), les émissions de CO2 par unité thermique sont plus de deux fois plus importantes pour le charbon que pour le gaz naturel. Les chiffres sont en effet les suivants en livres de CO2 émises par milliers d’unité thermique britannique (Mbtu).
Emissions de CO2 lors de la combustion des sources d’énergie fossiles
(en livres américaines par Mbtu)
Charbon (anthracite) |
228,6 |
Charbon (bitumineux) |
205,7 |
Charbon (lignite) |
215,4 |
Charbon (subbitumineux) |
214,3 |
Diesel et fuel domestique |
161,3 |
Essence |
157,2 |
Propane |
139,0 |
Gaz naturel |
117,0 |
Source : EIA
Il faut en outre tenir compte des différences de rendement des centrales électriques, principales utilisatrices de combustibles carbonés. Les rendements les plus importants sont obtenus avec les centrales à gaz à cycles combinés, qui dépassent ceux des centrales à charbon supercritiques ou ultracritiques, au regard des émissions de CO2.
Sur le plan mondial, les données du Global Carbon Project sur l’évolution de la répartition des émissions entre le gaz, le pétrole et le charbon mettent en évidence le problème du charbon.
Comme l’indique le graphique suivant, l’essentiel de la croissance des émissions à partir des années 2000 s’explique par son utilisation. Sa part a presque doublé ces dernières années, passant d’un peu plus de 8 milliards de tonnes de CO2 en 2000 à un peu moins de 16 maintenant.
Décomposition des émissions par combustible fossile (avec rappel des émissions des cimenteries)
Source : Global Carbon Project
Dans le cadre d’une stratégie séquentielle et progressive de réduction des gaz à effet de serre, l’élimination du charbon comme source d’énergie, sauf dans les installations munies d’un dispositif de capture et séquestration, apparaîtrait donc prioritaire.
Or, au niveau mondial, on constate bien au contraire un retour du charbon dans le bouquet énergétique.
Ainsi, le charbon représente actuellement 28,8 % de la demande énergétique mondiale en source d’énergie primaire, contre 24,4 % en 1973, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
En 2012, l’Agence a relevé dans son rapport annuel World Energy Outlook que le charbon avait pourvu à la moitié de la demande supplémentaire d’énergie de la première décennie du XXIe siècle, et a estimé que, sous l’effet de sa consommation en Chine et en Inde, le mouvement se poursuivrait, ce qu’il fait.
Cela concerne essentiellement la production d’électricité, comme le montre au point suivant l’analyse des données charbonnières par pays.
Pour s’en tenir à l’essentiel, les statistiques de l’AIE rappellent que, pour l’année 2012, la Chine a été le premier producteur de charbon, à raison de 3,549 milliards de tonnes et 45,3 % de la production mondiale, devant les Etats-Unis (935 millions de tonnes et 11,9 %) et l’Inde (595 millions de tonnes et 7,6 %).
Viennent ensuite l’Indonésie (443 millions de tonnes et 5,7 %), l’Australie (421 millions de tonnes et 5,4%), la Russie (354 millions de tonnes et 4,5 %), l’Afrique du Sud (259 millions de tonnes et 3,3 %), l’Allemagne (197 millions de tonnes et 2,5 %), la Pologne (144 millions de tonnes et 1,8 %) et enfin le Kazakhstan (126 millions de tonnes et 1,6 %).
La production est très concentrée puisque le reste du monde ne représente que 808 millions de tonnes et 10,4 % de la production mondiale, alors que les cinq premiers producteurs en représentent les deux tiers.
En outre, cinq pays représentent à eux seuls 78 % des réserves mondiales : les Etats-Unis (28,9 %), la Fédération de Russie (19 %), la Chine (13,9 %), l'Australie (9,2 %) et l'Inde (7,1 %). Les quelques 60 autres pays en représentent en tout 22 %, dont les Etats membres de l’Union européenne (6 %), l’Afrique (3,9 %), ainsi que l’Ukraine, le Kazakhstan et l’Afrique du Sud, de 3,5 à 4 % chacun.
Du coté des importateurs nets, on observe trois producteurs importants :
– la Chine, premier importateur, avec 278 millions de tonnes, soit un peu moins de 10 % de sa production, alors qu’elle est déjà le premier producteur mondial ;
– l’Inde, troisième importateur avec 158 millions de tonnes, et 25 % de sa production, qui est aussi le troisième producteur mondial ;
– l’Allemagne, sixième importateur net, avec 45 millions de tonnes, soit le quart de sa production. L’Allemagne est le huitième producteur mondial.
Les autres importateurs nets de charbon ne sont sinon pas des producteurs : le Japon, deuxième importateur avec 184 millions de tonnes ; la Corée du Sud, quatrième importateur avec 126 millions de tonnes ; Taïwan, cinquième importateur avec 65 millions de tonnes ; le Royaume-Uni, septième importateur à raison de 44 millions de tonnes.
Pour ce qui concerne les exportateurs nets, ce sont essentiellement l’Indonésie (383 millions de tonnes) et l’Australie (302 millions de tonnes), à raison de 60 % des exportations totales à eux deux, puis les Etats-Unis (106 millions de tonnes), la Russie (103 millions de tonnes), la Colombie (72 millions de tonnes), l’Afrique du Sud (72 millions de tonnes) et le Kazakhstan (32 millions de tonnes), ainsi que le Canada (25 millions de tonnes).
Le détail de la production d’électricité à partir du charbon est également très éclairant. Selon les chiffres de l’Association des producteurs de charbon (World Coal Association), les niveaux sont de 93 % pour l’Afrique du Sud, 87 % pour la Pologne, 79 % pour la Chine, 78 % pour l’Australie, 75 % pour le Kazakhstan et 68 % pour l’Inde, ainsi que 58 % pour Israël, 54 % pour la Grèce, 51 % pour la République tchèque et le Maroc, 45 % pour les Etats-Unis et 41 % pour l’Allemagne.
Il y a donc encore quelques Etats très charbonniers : la Chine, l’Australie, les Etats-Unis, l’Inde, le Kazakhstan et l’Afrique du Sud, mais aussi l’Allemagne et la Pologne en Europe.
E. DES NIVEAUX D’ÉMISSIONS INÉGAUX PAR PAYS SELON LE NIVEAU DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE ET LE BOUQUET ÉNERGÉTIQUE
Les émissions de gaz à effet de serre sont essentiellement concentrées sur un faible nombre de pays, ou d’organisations régionales intégrées pour retenir le qualificatif habituellement utilisé pour l’Union européenne.
La Chine est le premier émetteur mondial avec 28 % du total des gaz à effet de serre. C’est essentiellement depuis 2000 qu’elle a connu une croissance très forte de ses émissions, celle-ci allant de pair avec une croissance économique à deux chiffres. Ses émissions globales ont presque triplé depuis 2000. En 2013, elles ont augmenté de 4,2 %. La Chine a dépassé les Etats-Unis au milieu de la dernière décennie.
Avec 14 % du total mondial, ces derniers sont au deuxième rang, mais contrairement à la Chine, leurs émissions diminuent globalement. Les Etats-Unis ont ainsi franchi leur pic d’émissions au milieu de la précédente décennie. Ils devraient en 2020 respecter leur projet d’engagement de réduction de 17 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005, avancé dans la perspective de Copenhague.
C’est essentiellement le résultat de la modification des normes relatives aux automobiles et, aussi, de la substitution du gaz au charbon dans la production d’électricité sous l’effet de la révolution du gaz de schiste et de ses très bas prix.
Le troisième émetteur de gaz à effet de serre est l’Union européenne, avec 10 %. Celle-ci a franchi le pic d’émissions dès les années 1980, effet de la crise économique, des plans d’économie d’énergie mis en place après le premier choc pétrolier, mais aussi de la montée en puissance du parc des centrales nucléaires dans la production d’électricité, notamment en France. La stratégie énergie– climat a accru la réduction des émissions européennes depuis les années 2000.
Le quatrième émetteur est l’Inde, avec 7 % des émissions mondiales.
Cet ensemble couvre 58 % des émissions mondiales.
Le graphique suivant publié par le Global Carbon Project récapitule ces éléments.
Les quatre principaux émetteurs de gaz à effet de serre
Source : Global Carbon Project
Si l’on considère l’empreinte carbone des pays – en corrigeant ces éléments par le contenu carbone des importations, ce qui avantage la Chine dont le rôle d’atelier du monde fait qu’une partie non négligeable de ses émissions sont directement liées aux produits exportés – , le niveau des émissions des Etats-Unis et de l’Union européenne est rehaussé, notamment pour cette dernière, mais les conclusions ne sont nullement changées sur le franchissement du pic d’émissions. Le graphique suivant illustre ce constat.
Empreinte carbone des principaux émetteurs
Source : Global Carbon Project
Pour ce qui concerne les émissions par habitant des principaux émetteurs, les Etats-Unis restent les premiers émetteurs, à raison de 16,4 tonnes par personne.
Ensuite, la Chine est depuis cette année à la deuxième place, à raison de 7,2 tonnes de CO2 par tête, devant l’Union européenne avec 6,8 tonnes et l’Inde (1,9 tonnes).
La moyenne mondiale des émissions est de 5 tonnes par habitant.
Le graphique suivant récapitule ces éléments.
Emissions par habitant des principaux pays émetteurs
Source : Global Carbon Project
Le rapport sur les tendances en matière d’émissions de gaz à effet de serre de 2013 publié sous l’égide de la Commission européenne par l’Agence néerlandaise d’évaluation environnementale comprend des données plus précises (Trends in Global Emissions : 2013 Report).
Celles-ci montrent, si l’on fait exception des pays pétroliers du Golfe ou d’autres pays faiblement peuplés, que le pays qui a les émissions par tête les plus élevées est l’Australie, avant même l’Arabie saoudite.
En outre, dans ces pays, le niveau des émissions par habitant s’est élevé au cours de ces dernières années.
Le graphique suivant présente ces éléments.
Evolution depuis 1990 des émissions par habitant de gaz à effet de serre
Source : Trends in Global Emissions - 2013 Report
Globalement, les différences dans les émissions de gaz à effet de serre entre les pays s’expliquent non seulement par le niveau global de consommation énergétique, mais aussi par la teneur du bouquet énergétique et les écarts d’efficacité énergétique.
Pour ce qui concerne le bouquet énergétique des différents Etats, la prédominance des énergies fossiles reste la caractéristique principale, avec toutefois une part moindre pour l’Union européenne (77 %), que pour les Etats-Unis (86 %) ou pour la Chine (90 %).
La part des énergies fossiles a connu une baisse depuis 2010, où elle était de 79 % dans l’Union européenne, 87 % aux Etats-Unis, 92 % en Chine, grâce au développement des énergies renouvelables. Seul le Japon fait exception, la part des énergies fossiles ayant progressé de 81 à 93 %, en raison de l’indisponibilité de la majeure partie du parc nucléaire, à la suite de l’accident de Fukushima en 2011. La Chine et l’Inde se distinguent par la prédominance du charbon, prédominance qui s’est renforcée dans le mix indien depuis 2010, mais a diminué en Chine, grâce au rôle accru du gaz et des renouvelables.
Le pétrole reste la première énergie du mix primaire pour les pays européens, les Etats-Unis et le Japon.
Les différences de performance en matière de gaz à effet de serre tiennent donc à la part du nucléaire, particulièrement élevée en France et à celle des renouvelables, qui est plus élevée en Europe que dans les autres pays. Globalement c’est par la production d’électricité à partir des renouvelables et du nucléaire que s’expliquent les performances de l’Union européenne.
Les tableaux suivant illustrent et récapitulent ces éléments.
Transmis par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Pour ce qui concerne l’efficacité énergétique, les données du rapport précité, établi par l’Agence d’évaluation environnementale des Pays-Bas sur une base plus large, montrent la persistance d’écarts très significatifs entre les pays, pour ce qui concerne les émissions par unité de PIB, même si ces écarts se sont réduits depuis 1990.
L’Arabie saoudite fait exception comme d’ailleurs probablement d’autres pays pétroliers de la même région, avec une augmentation des émissions par point de PIB.
Un grand nombre d’Etats n’ont pas encore de très bonnes performances, notamment parmi les pays de l’ex-bloc soviétique, à commencer par l’Ukraine et la Fédération de Russie, mais aussi parmi les pays producteurs d’énergie comme l’Iran, où la consommation est même subventionnée dans la logique d’un accès direct de la population à la richesse nationale, ainsi qu’en Australie ou dans des pays émergents comme l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Indonésie.
Au sein de l’Union européenne, c’est en Pologne, puis ensuite en Allemagne, que l’intensité énergétique du PIB est la plus élevée.
Evolution depuis 1990 des émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB
Source : Trends in Global Emissions - 2013 Report
4. Un développement des renouvelables de plus en plus général dans les pays en développement, qui donne un espoir pour l’avenir
Très récemment publié, le rapport Climatoscope 2014 (Climatescope 2014) de Bloomberg New Energy Finance souligne que les pays émergents deviennent moteurs dans l’équipement en renouvelables.
Ce rapport annuel recense et étudie les investissements de 55 pays émergents, les plus impliqués dans les renouvelables, et plus précisément dans les technologies propres suivantes : le solaire ; l’éolien ; la biomasse ; la géothermie ; et les petits barrages hydroélectriques, d’une capacité de moins de 50 mégawatts par an.
Une attention particulière est accordée à la Chine et à l’Inde.
Le rapport 2014 a conclu à un investissement particulièrement important, et donc remarquable, des pays émergents dans les renouvelables, notamment par le biais de la microfinance. Un total de 114 organisations intervenant dans ce secteur en faveur des renouvelables a été identifié.
Globalement, les pays émergents prennent la main sur les pays de l’OCDE en matière d’énergies nouvelles.
De 2008 à 2013, la croissance des équipements en renouvelables a été de 143 % dans les pays émergents suivis par le rapport, contre 84 % dans les pays de l’OCDE.
Ceci relativise l’écart des nouvelles puissances installées, de 142 gigawatts dans les pays émergents contre 213 gigawatts dans les pays développés.
En outre, en 2013, cet écart tend à se réduire, car les capacités installées dans les 55 émergents se sont élevées à 37,3 gigawatts contre 43,3 gigawatts dans les pays de l’OCDE.
Le simple prolongement de ces tendances permet d’anticiper que les pays en développement vont bientôt dépasser les pays développés, en termes d’installations nouvelles dans un premier temps, puis de capacités.
D’ailleurs, le rapport indique que la seule puissance installée en Chine cette année dans la technologie solaire pourrait faire passer les 55 émergents concernés avant les pays de l’OCDE.
F. UNE MAÎTRISE GLOBALE DE LA QUESTION CLIMATIQUE QUI REPOSE SUR LE FRANCHISSEMENT ASSEZ RAPIDE DES PICS D’ÉMISSIONS PAR LA MAJORITÉ DES PAYS
La solution à la question climatique dépend d’une logique de pic et de pente de décroissance.
Elle repose ainsi sur la capacité de la communauté internationale à faire passer aux différents pays le pic des émissions et ensuite à leur permettre un taux de décroissance des émissions qui soit suffisamment réaliste pour ne pas menacer les acquis du développement économique, mais aussi suffisamment volontariste pour que la transition vers la décarbonation de l’économie mondiale intervienne avant que l’irréparable ne se produise.
Actuellement, seuls l’Union européenne et les Etats-Unis ont franchi leur pic d’émissions, mais le rythme de la réduction peut clairement être amélioré.
Tel est notamment le cas pour les Etats-Unis dont le niveau d’émissions par tête est au-dessus du niveau européen.
Tout l’enjeu du futur accord climatique est de créer les conditions permettant aux pays en développement et notamment aux grands émergents de faire de même, avec en arrière-plan la définition de scénarios technologiques leur permettant de poursuivre leur développement en passant directement au stade de l’économie décarbonée.
L’un des principaux défis est de déjouer l’inertie des systèmes énergétiques.
Globalement, en effet, en dépit de l’augmentation considérable du prix du pétrole, ainsi que de celui du gaz, qui lui est lié, la part des combustibles fossiles dans le mix énergétique mondial n’a que très peu varié depuis 1973 selon l’Agence internationale de l’énergie : 86 % des sources d’énergie primaire alors et 81 % en 2011.
C’est pourquoi il est nécessaire de ne pas raisonner à technologie constante, et de parvenir à définir une stratégie reposant sur l’anticipation et la structuration du progrès technologique pour, à la fois, le favoriser et s’appuyer sur lui.
II. L’UNION EUROPÉENNE : UNE STRATÉGIE ÉNERGIE–CLIMAT VOLONTARISTE QUI VIENT D’ÊTRE PROLONGÉE ET AMPLIFIÉE JUSQU’EN 2030 PAR LE CONSEIL EUROPÉEN ET DOIT EN OUTRE SURMONTER, PARMI D’AUTRES, LE NOUVEAU DÉFI DE LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE
A. UN NOUVEAU CADRE POUR LE CLIMAT À ÉCHÉANCE 2030 POUR CONSOLIDER LES RÉUSSITES DU PAQUET ÉNERGIE-CLIMAT DE 2008
Le paquet énergie-climat, adopté en décembre 2008 pour l’ensemble de l’Union européenne, a prévu un triple objectif à l’horizon 2020 : réduire les émissions de CO2 des pays de l’Union de 20 %, faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 20 % et accroître l’efficacité énergétique de 20 %.
Pour respecter l’objectif d’atténuation du changement climatique, le paquet énergie climat de 2008 a prévu une diminution des émissions de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, réduction ventilée à raison d’une réduction de 21 %, par rapport à 2005, pour les secteurs soumis aux quotas d’échange (SEQE ou ETS) et, dans le cas de la France, de 14 % pour les autres secteurs dits « hors ETS ».
On rappellera que le SEQE, qui fait l’objet de développements séparés au a) du 2 ci-dessous, couvre depuis 2005 les émissions de CO2 des installations des secteurs particulièrement émetteurs, et tel est le cas de la production d’électricité et de nombreux secteurs intensifs en énergie. Depuis 2013, les émissions de proto-oxyde d’azote (N2O) et de perfluorocarbures (PFC) des secteurs de la chimie et de l’aluminium sont également prises en compte. Jusqu’en 2012, la quasi-totalité des quotas était allouée gratuitement. Depuis 2013, une partie significative des quotas est vendue aux enchères. Le SEQE connaît aujourd’hui une crise grave. Après avoir atteint plus de 30 euros la tonne de CO2 à la mi-2008, le cours du quota a chuté à des niveaux proches de 3 euros à la mi-avril 2013 et des enchères ont été annulées faute de demande. Depuis, les cours se sont rétablis et sont autour de 6 euros la tonne.
Pour les secteurs « hors ETS », les mesures déjà prévues devraient permettre l’atteinte de l’objectif fixé à l’horizon 2020.
Comme indiqué dans le rapport n° 2202 sur le projet de loi autorisant la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto, l’objectif de réduction de 20 % des gaz à effet de serre devrait être dépassé en 2020.
Selon les derniers éléments communiqués, la réduction étant déjà de 19 % en 2012, elle devrait atteindre 21 % voire davantage en 2020.
Conformément au paquet énergie climat de 2008, la directive 2009/28/CE « énergies renouvelables » du Paquet énergie climat a fixé l’objectif d’une proportion de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie totale de l’Union européenne à l’horizon 2020.
Comme indiqué dans le rapport précité n° 2202, cet objectif devrait être atteint en 2020.
Le niveau global de l’Union européenne a été de 14,1 % en 2012 contre 8,3 % en 2004, soit un gain de moins de 1 point par an qui permet d’envisager d’atteindre l’objectif en 2020 d’une manière générale
Pour sa part, la France s’est engagée, selon les informations communiquées au Rapporteur, à porter la part des énergies renouvelables de sa consommation énergétique finale d’à peine 10 % en 2005 à 23 % en 2020. Il s’agit de produire 20 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtep) d’énergies renouvelables en plus, en faisant plus que doubler le niveau initial. Celui-ci était déjà significatif avec le bois-énergie et l’hydroélectricité. C’est donc une ambition significative.
Le rapport remis fin 2013 à la Commission européenne indique que la part de l’énergie renouvelable dans la consommation finale brute d’énergie était de 13,7 %, pour l’année 2012, en léger retard sur la cible de 14 % prévue initialement. Cependant, on peut estimer que la trajectoire que la France s’est fixée, est presque respectée.
Pourtant, l’objectif de 23 % en 2020 sera difficile à atteindre car l’effort à réaliser entre 2012 et 2020 doit être beaucoup plus important que celui accompli entre 2005 et 2012. La production supplémentaire de chaleur et d’électricité renouvelables devra ainsi être environ 3,5 fois supérieure à la progression déjà réalisée.
Les efforts doivent donc être fortement amplifiés sur l’ensemble des filières électriques et thermiques. L’augmentation de la dotation du fonds chaleur et son doublement en 2017 annoncés lors de la présentation du projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte constituent une avancée importante pour ce faire.
Afin d’atteindre, conformément au paquet énergie–climat de 2008, l’objectif d’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique de l’Union européenne en 2020, la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique a été adoptée en 2012, offrant à l’Union européenne le cadre ambitieux dont elle avait besoin et complétant les dispositifs antérieurs.
L’objectif de l’Union en matière d’efficacité énergétique a été défini avec précision, car quantifié : « limiter sa consommation énergétique à 1474 Mtep d'énergie primaire et/ou à 1078 Mtep d'énergie finale d'ici à 2020». Avec l’adhésion de la Croatie, cet objectif a été ajusté à «1 483 Mtep d'énergie primaire ou 1 086 Mtep d'énergie finale ».
La mesure la plus importante a été l’objectif, contraignant, de réduction de 1,5 % par an de l’ensemble des ventes d’énergies, hors transports, avec des flexibilités pour les États membres limitées à 25 % de l'ambition initiale.
Tous les États membres sont tenus de fixer des objectifs indicatifs nationaux d'efficacité énergétique, selon des critères de leur choix, par exemple sur la base des économies ou de la consommation d’énergie primaire ou finale, ou de l’intensité énergétique.
Ils sont aussi tenus de réaliser certaines économies d’énergie durant la période dite d’obligation allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020, en mettant en place des exigences contraignantes en matière d'efficacité énergétique ou d’autres mesures ciblées pour stimuler l'amélioration de l’efficacité énergétique pour les ménages, comme les secteurs de l’industrie et des transports.
Les grandes entreprises doivent effectuer un audit énergétique au moins tous les quatre ans, le premier devant être réalisé au plus tard le 5 décembre 2015. Des mesures sont prévues pour inciter les petites et moyennes entreprises (PME) à commander des audits énergétiques, lesquels les aideront à déterminer leurs possibilités de réduire leur consommation.
Le secteur public a une obligation d’exemplarité : à partir du 1er janvier 2014, les administrations centrales devront rénover 3 % des bâtiments qu'elles possèdent et occupent. Elles devront tenir compte de l'efficacité énergétique dans leurs procédures de marchés publics, dans la mesure où certaines conditions sont réunies (rapport cout/efficacité et faisabilité économique, par exemple), afin d'acquérir des bâtiments, des produits et des services présentant un bilan énergétique favorable.
Dans sa communication du 23 juillet 2014 relative à l’efficacité énergétique, la Commission européenne estime, en se fondant sur une analyse des mesures prises par les Etats membres et sur de nouvelles prévisions, que l’Union européenne parviendra à réaliser 18 % à 19 % d'économies d'énergie en 2020. Elle considère également que si tous les Etats membres sans exception s’emploient activement à mettre en œuvre la législation adoptée, l'objectif de 20 % pourra être atteint sans qu'il ne soit nécessaire de prendre d'autres mesures.
2. Une étape clef dans la perspective de la conférence Paris Climat 2015 : l’adoption par le Conseil européen, le 23 octobre dernier, du cadre énergie–climat 2030
La Commission a publié le 22 janvier 2014 son livre blanc sur le cadre énergie climat 2030, lequel a été accompagné d’une proposition législative sur une réforme du système d’échange de quotas d’émissions (SEQE).
Les principales propositions ont été :
– un objectif contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) domestiques de 40 % par rapport à 1990 ;
– un objectif de 27 % d’énergies renouvelables pour la consommation énergétique de l’Union européenne, objectif contraignant au niveau européen mais non décliné par Etat membre, et dont le niveau, selon la Commission européenne, correspond au point de passage pour atteindre un niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 1990 ;
– une réforme structurelle du SEQE reposant notamment sur un mécanisme de régulation des quantités (réserve de stabilité) à partir de 2021.
Ce projet s’inscrit donc largement dans la continuité du paquet de 2008 pour l’horizon 2020, tout en tirant les leçons de l’expérience avec des réformes structurelles répondant aux principales difficultés rencontrées jusqu’à maintenant.
Il s’inscrit aussi dans une perspective de long terme avec l’objectif d’une réduction des émissions de 80 % à 95 % en 2050.
Le 23 juillet 2014, la Commission a ajouté un objectif supplémentaire en matière d’efficacité énergétique, proposant de fixer celui-ci à 30 %.
Elle a publié une communication complémentaire sur l'efficacité énergétique, intitulée : « Efficacité énergétique: quelle contribution à la sécurité énergétique et au cadre d'action 2030 en matière de climat et d'énergie ? ».
Pour sa part, sur le rapport de M. Arnaud Leroy, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale s’est prononcée le 22 octobre sur le cadre européen en adoptant la proposition de résolution européenne n° 2309 sur le second paquet énergie climat.
Souscrivant aux trois objectifs chiffrés proposés par la Commission européenne, celle-ci a cependant estimé que « l’objectif de 27 % d’énergie renouvelable dans la consommation énergétique finale européenne à l’horizon 2030 constitue une étape a minima vers la diversification des bouquets énergétiques nationaux et la réduction de notre dépendance aux sources extérieures » et que l’objectif d’efficacité énergétique « devienne à terme contraignant pour acquérir une pleine efficacité ».
Quant au Parlement européen, il s’est prononcé pour des objectifs sérieux et contraignants à 40 %, 30 % et 30 %.
Le 23 octobre dernier, le Conseil européen a adopté le nouveau « cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030. »
Compte tenu de l’absence de compétence de l’Union européenne sur le bouquet énergétique des Etats membres, c’est à ce niveau-là que la décision de principe doit intervenir. Ensuite, les directives d’application peuvent quant à elles être prises à la majorité qualifiée.
Le texte du Conseil prévoit bien comme pour le paquet 2008, trois objectifs pour l’horizon 2030 :
– 40 % au moins pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau de 1990, à raison de 43 % pour les secteurs relevant du SEQE et 30% pour les secteurs qui n’en relèvent pas ;
– 27 % pour la part des renouvelables dans le bouquet énergétique de l’Union européenne, cet objectif étant contraignant pour l’Union dans son ensemble mais pas pour les Etats membres ;
– 27 % également pour l’objectif, totalement indicatif et non contraignant, d’amélioration de l’efficacité énergétique au niveau de l’Union européenne dans son ensemble. Il s’agit d’un objectif temporaire car une clause de rendez-vous prévoit que la question sera réexaminée d’ici 2020 « dans l’optique d’un objectif de 30 % ». Selon les informations communiquées au Rapporteur, les simulations montrent qu’un niveau de 24% aurait été spontanément atteint en l’absence de mesures de la part de l’Union européenne.
Le texte prévoit aussi la révision des modalités de fonctionnement du SEQE, mais ce point est évoqué au b) du 2 ci-après, et pour les secteurs non soumis au SEQE, la réduction des émissions s’applique à tous les Etats membres, avec des niveaux de réduction allant de 0 % à 40 % selon les secteurs et aussi avec des souplesses en faveur des pays les moins riches de l’Union européenne.
Enfin, le texte prévoit aussi la reconduction de l’initiative NER300 (New Entrant Reserve 300), y compris pour le piégeage et le stockage du CO2 et les énergies renouvelables. Il est étendu aux innovations à faibles émissions de CO2.
Il s’agit d’un mécanisme financier créé dans le cadre du Paquet climat-énergie de 2008. Il associe la Commission européenne, la Banque européenne d’investissement et les Etats membres, conformément à l’article 10 bis de la directive SEQE 2009/29/CE) et il est mis en œuvre par la décision NER 300 de la Commission (2010/670/CE). Il a été doté de 300 millions de quotas d’émissions de CO2 correspondant à une aide de 2,1 milliards d’euros dans le contexte actuel de prix bas du carbone (5,45 euros en moyenne). Il a permis de financer par la vente de ces quotas des projets « démonstrateurs » (c’est-à-dire de taille suffisamment conséquente pour démontrer la faisabilité des technologies et les rapprocher du marché) dans les domaines du captage et du stockage du CO2 (CSC) et des énergies renouvelables innovantes (dont les biocarburants et l’éolien marin).
Les négociations ont été difficiles et le texte du Conseil est un texte de compromis.
Ainsi, l’objectif de 27 % pour les renouvelables a suscité l’opposition des pays du groupe de Višegrad (la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie) qui a jugé sa mise en œuvre trop coûteuse. La Grande-Bretagne s’est dite également opposée à cet objectif, alors que l’Allemagne, la Grèce, le Danemark et le Luxembourg auraient souhaité le porter à 30 %. Le Portugal et la Suède sont, pour leur part, favorables à un objectif de 40 % d’énergies renouvelables.
De même, pour l’efficacité énergétique, l’Allemagne, la France, le Danemark, l’Autriche, la Belgique, le Portugal, l’Irlande, la Grèce et la Suède ont soutenu un objectif de 30 % d’amélioration ou plus, mais se heurtent à l’opposition résolue de la Grande-Bretagne et des pays de l’Europe de l’Est.
Le Royaume-Uni notamment était hostile, pour des raisons non pas de fond, mais de principe, à l’objectif d’efficacité énergétique et la gestion des quotas d’émissions a été assouplie au bénéfice des pays d’Europe centrale et orientale.
Les conclusions du Conseil européen mentionnent la faculté de revenir sur le cadre énergie climat 2030 à l’issue de la conférence de 2015, mais les décisions seront de nouveau prises à l’unanimité.
c. La certitude pour l’Union européenne de rester moteur en présentant au premier trimestre 2015 sa contribution au futur accord climat
Les conclusions du Conseil européen du 23 octobre dernier prévoient explicitement que l’Union européenne présentera sa contribution en vue du futur accord global sur le climat au cours du premier trimestre 2015 et a invité tous les pays à en faire autant suffisamment longtemps avant la conférence.
La contribution de l’Union européenne est donc la première dans la perspective du futur accord climat.
Par conséquent, l’obtention d’un accord le 23 octobre était le préalable indispensable pour envisager un succès de la conférence Paris Climat 2015 dans des conditions qui soient aussi peu difficiles que possible.
d. La déception des membres du Parlement européen, des associations environnementales et du secteur économique des renouvelables
Aussitôt connue, les conclusions du Conseil européen du 23 octobre ont suscité des réserves.
Selon les éléments recueillis par le Bulletin quotidien Europe et publiés le 28 octobre, la déception a été profonde non seulement dans le groupe des Verts/ALE, mais aussi au sein du groupe S&D (PSE) et du PPE, en raison de la faiblesse des objectifs.
Des réserves ont aussi été exprimées par les associations environnementales, les ONG, notamment les Amis de la terre, Oxfam, Greenpeace et le Bureau européen de l’environnement (BEE).
On peut les résumer en deux mots : manque d’ambition et contraintes insuffisantes, ce qui fait peser des obligations comparativement plus fortes sur les pays en développement dès lors que les pays industrialisés réduisent leurs ambitions.
Le BEE a ainsi estimé que c’était un résultat minimaliste. Son secrétaire général a évoqué des objectifs d’une réduction de 40 % des gaspillages d’énergie, grâce à un effort soutenu d’efficacité énergétique, d’une diminution de 60 % des émissions de gaz à effet de serre et d’un rehaussement à 45 % de la part des renouvelables dans le mix énergétique.
Sur le fond, la crainte est donc que le rythme de décroissance des émissions européennes de gaz à effet de serre ne soit insuffisant.
Pour ce qui la concerne, la Fédération européenne des industries renouvelables s’est dite très déçue.
A ce stade, la question n’est cependant pas d’ordre scientifique ou technique, mais politique.
En effet, comme on vient de le voir, dans le contexte de la préparation des négociations climatiques et de la conférence Paris Climat 2015, il était impératif que l’Union européenne affirme bien la faisabilité politique d’une action ambitieuse en matière de climat et d’énergie. En l’absence d’un tel message à la communauté internationale, la perspective d’un accord à la hauteur des ambitions aurait été beaucoup plus compliquée ce qui aurait été encore plus dommageable pour le climat.
Le processus engagé dans la perspective de la COP 21 est fragile et il est impératif de ne pas créer la moindre occasion de blocage.
B. UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE QUI DOIT SURMONTER TROIS DÉFIS AUSSI IMMÉDIATS QUE MAJEURS : LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE, LE RÉTABLISSEMENT DU MARCHÉ CARBONE ET LA MAÎTRISE DES MÉCANISMES ÉCONOMIQUES DU RENOUVELABLE
1. Les projets d’Union de l’énergie et la stratégie de sécurité énergétique présentée par la Commission européenne
L’Union européenne est extrêmement dépendante sur le plan énergétique. A l'heure actuelle, plus de 50 % de ses besoins sont couverts par des fournisseurs extérieurs. Ainsi, en 2012, près de 90 % du pétrole, de 66 % du gaz et de 42 % des combustibles solides ont été importés, soit une facture de plus d’un milliard d’euros par jour.
Cette dépendance extérieure est particulièrement préoccupante pour le gaz naturel, car celui-ci n’est amené en Europe que par des infrastructures lourdes : gazoducs ou terminaux de GNL. Le marché du GNL est en effet encore insuffisamment développé. Les gazoducs jouent un rôle clef et les pays qui les alimentent bénéficient donc d’une situation prépondérante.
Par conséquent, contrairement au pétrole, pour lequel il existe un marché mondial bien approvisionné avec un prix lui aussi mondial, il n’y a pas de marché mondial pour le gaz naturel. On constate trois compartiments séparés avec chacun un prix : le marché nord-américain, avec un prix très bas de l’ordre de 3,5 dollars le Mbtu sur le Henry Hub ; l’Europe avec 9 à 10 dollars ; l’Asie avec 15 à 16 dollars sur l’Asie.
C’est essentiellement pour l’Europe, l’éventuel problème du gaz russe.
En 2013, 39 % du volume des importations de gaz de l’Union européenne a été acheté à la Russie, 33 % à la Norvège et 22 % en Afrique du Nord (Algérie et Libye).
La crise ukrainienne a fait apparaître le risque de cette dépendance en 2009. Les tensions actuelles entre l’Ukraine et la Russie, et avec l’Union européenne, qui soutient l’Ukraine, ont fait resurgir cette menace.
En janvier 2009, en effet, les tensions entre l’Ukraine et la Russie ont provoqué une interruption d’abord partielle puis totale de l’approvisionnement de l’Union européenne par l’intermédiaire du gazoduc qui traverse l’Ukraine, pendant l’essentiel du mois. Ces interruptions ont affecté la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce, ainsi que la Slovaquie et la Hongrie.
Actuellement, environ la moitié du gaz russe livré à l’Europe transite ainsi par l’Ukraine.
Pour les différents membres de l’Union européenne, les niveaux de la dépendance vis-à-vis du gaz russe sont indiqués dans la carte suivante :
La stratégie européenne de sécurité de l’approvisionnement énergétique a par conséquent prévu trois types de mesures.
Pour le court terme, la Commission européenne a proposé de réaliser des évaluations globales des risques (tests de résistance ou stress tests), en simulant une rupture de l’approvisionnement en gaz, pour vérifier comment le système peut faire face aux risques liés à la sécurité de l'approvisionnement et, sur cette base, d’établir des plans d'urgence et de créer des mécanismes de secours (accroissement des stocks de gaz, réduction de la demande moyennant l’utilisation de combustibles de substitution, notamment pour le chauffage, mise en place d'infrastructures de secours, et de flux rebours, ainsi que la mise en commun d’une partie des stocks de sécurité existants).
Pour faire face aux problèmes de sécurité de l'approvisionnement susceptibles de se poser à moyen et à long termes, la Commission européenne a proposé d’agir dans plusieurs domaines clés :
– achever le marché intérieur de l’énergie et construire les maillons manquants dans les infrastructures, pour réagir rapidement en cas de rupture de l'approvisionnement et diriger les flux d'énergie en temps voulu et en fonction des nécessités partout en Europe. Au total, 33 projets d'infrastructures critiques ont été recensés. Il a également été proposé de relever l’objectif en matière d’interconnexion de la capacité de production d’électricité installée à 15 % d'ici à 2030, contre 10 % d’ici 2020 ;
– diversifier les pays fournisseurs et les voies d’acheminement, notamment en établissant des liens avec de nouveaux pays partenaires et en recherchant de nouvelles routes d’approvisionnement, par exemple dans le bassin de la mer Caspienne, par la prolongation du corridor gazier sud-européen, le développement du hub gazier méditerranéen et l’accroissement des sources d’approvisionnement en GNL ;
– renforcer les mécanismes d'urgence et de solidarité et protéger les infrastructures critiques. A cet égard, la Commission européenne réexaminera, par exemple, les dispositions du règlement sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz et en contrôlera la mise en œuvre ;
– renforcer également la production énergétique indigène : il s’agit d'intensifier l'utilisation des sources d'énergie renouvelables et de veiller à la pérennité sur le territoire de l’Union européenne de la production des combustibles fossiles ;
– améliorer la coordination des politiques énergétiques nationales, avec une volonté de coordination face à l’extérieur, sous l’égide de la Commission européenne ;
– progresser dans la mise au point de technologies énergétiques ;
– renforcer l’efficacité énergétique, notamment dans le secteur du bâtiment qui représente 40 % de la consommation d'énergie dans l’Union européenne et un tiers de la consommation de gaz naturel.
Les tests de résistance ont été effectués et le 16 octobre dernier, la Commission européenne a présenté ses conclusions.
La principale est que l’Union européenne est en mesure de faire face à une rupture d’approvisionnement bien mieux qu’en 2009, même si certains Etats membres, notamment la Finlande, les Etats Baltes, la Grèce et la Bulgarie, devraient avoir recours à des mesures exceptionnelles « hors marché ».
Le tableau suivant montre la durée possible de résistance à la rupture d’approvisionnement de six mois en gaz russe.
Parmi les recommandations, figurent celles de laisser jouer les mécanismes de marché le plus longtemps possible, de faire pleinement jouer la coopération entre les Etats membres, ainsi que de jouer sur le stockage et l’interconnexion, avec notamment le développement des flux inversés pour faciliter le fonctionnement du marché intérieur.
En avril dernier, M. Donald Tusk, alors Premier ministre de la Pologne, a proposé de créer une Union de l’énergie pour faire face aux difficultés de la sécurité énergétique.
Il a repris une idée notamment émise par M. Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, de la Communauté européenne de l’énergie, en 2010, dans le cadre de son rapport sur l’avenir de la politique énergétique européenne.
Le projet de M. Tusk a été articulé autour de six propositions :
– la création d’une agence européenne unique qui achèterait le gaz pour les vingt-huit membres de l’Union européenne, pour peser face à Gazprom ;
– un « mécanisme de solidarité » dans l’éventualité où un ou plusieurs pays membres seraient confrontés à une rupture d’approvisionnement en gaz ;
– un financement européen, jusqu’à 75% dans certains cas, des investissements nécessaires (stockages, conduites) dans les pays qui sont actuellement les plus dépendants du gaz russe ;
– une mise en valeur totale des ressources en combustibles fossiles de l’Union européenne, dont le charbon et le gaz de schiste ;
– la diversification des approvisionnements avec la signature d’un accord prévoyant l’achat de GNL chez un fournisseur extra-européen comme les États-Unis ou l’Australie ;
– la consolidation de la Communauté de l’énergie avec les voisins de l’Est pour élargir le marché du gaz dans cette direction.
Pour sa part, M. Jean-Claude Juncker a repris ces éléments en y ajoutant une dimension relative aux sources d’énergie renouvelables.
Il a en effet considéré que : « Nous devons mettre en commun nos ressources, combiner nos infrastructures et parler d’une seule voix lors des négociations avec des pays tiers. Nous devons diversifier nos sources d’énergie, et réduire la dépendance énergétique de plusieurs de nos États membres vis-à-vis des autres pays.»
« Je veux garder notre marché européen de l'énergie ouvert à nos voisins. Toutefois, si le prix de l'énergie importée de l’Est devient trop cher, politiquement ou économiquement, l'Europe doit être capable d’avoir accès très rapidement à d'autres sources d’approvisionnement. Et nous avons besoin de renforcer la part des énergies renouvelables sur notre continent pour mener une politique responsable de lutte contre le réchauffement climatique. C’est également un impératif pour la politique industrielle, si nous voulons toujours avoir accès à une énergie à un prix abordable disponible à moyen terme. Je veux donc que l’Union européenne de l’énergie devienne le numéro un mondial des énergies renouvelables. »
Depuis lors, M. Donald Tusk a été désigné président du Conseil européen et M. Jean-Claude Juncker a été investi comme président de la Commission européenne.
Ces propositions ont été prises en compte dans les conclusions du dernier Conseil européen.
c. Les décisions du Conseil européen du 23 octobre dernier en matière de marché intérieur et de sécurité énergétique
Le Conseil européen a pris plusieurs décisions clefs en matière de marché intérieur de l’énergie et de sécurité énergétique lors de sa dernière réunion du 23 octobre dernier.
En matière de marché intérieur, il a demandé à la Commission européenne et aux Etats membres de prendre les mesures urgentes pour atteindre l’objectif de 10 % d’interconnexion électrique en 2020 pour au moins les pays qui n’ont pas atteint un niveau minimum d’intégration au marché intérieur, à savoir les Etats baltes et la péninsule ibérique, ainsi que pour les Etats membres qui constituent leur principal point d’accès à l’énergie. L’objectif de 15 % en 2030 a été présenté comme le but à atteindre. Une mention spécifique vise les projets d’intérêt commun.
Pour la sécurité énergétique proprement dite, la Commission européenne a retenu pour l’essentiel cinq objectifs :
– la diversification des fournisseurs et des voies d’approvisionnement et la mise en œuvre de projets d’intérêts communs cruciaux dans le domaine du gaz, notamment le corridor gazier Nord-Sud, pour éviter les effets de compartiments en Europe de l’Ouest, le corridor gazier sud-européen, pour le désenclavement de la Grèce et des Balkans, ainsi que les grands projets d’infrastructure améliorant la sécurité énergétique de la Finlande et des Etats baltes ;
– un meilleur usage des capacités de regazéification et de stockage ;
– l’amélioration de la position de négociation de l’Union dans le domaine de l’énergie, notamment en appliquant la décision instituant un mécanisme d’échange d’informations pour les accords intergouvernementaux avec les pays tiers en matière d’énergie ;
– le renforcement de la Communauté de l’énergie, qui vise à étendre l’acquis de l’Union européenne en la matière aux pays candidats et aux pays voisins ;
– l’amorce d’une stratégie politique en matière d’énergie vis-à-vis des pays tiers, en adressant des messages cohérents en particuliers aux partenaires stratégiques et aux grands fournisseurs d’énergie.
2. Les difficultés du prix du carbone : le SEQE et la révision de la directive de 2003 sur la taxation des produits énergétiques
L’objectif du marché du carbone est de fixer de manière assez souple le prix de la tonne de CO2, de manière à ne pas entraver les activités des entreprises, tout en lui donnant un prix suffisamment significatif et stable pour que les investissements des entreprises soient orientés vers les techniques peu émettrices de gaz à effet de serre ou décarbonées.
Le marché carbone européen, ou système communautaire d'échange de quotas d'émission (SEQE), ou en anglais European Union Emissions Trading Scheme (EU ETS) est entré en vigueur en 2005.
Il associe les vingt-huit Etats membres, ainsi que la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. Les émissions de gaz à effet de serre de plus de 11 000 installations européennes sont donc couvertes, dont plus de 1 000 en France.
A l’horizon 2020, l’objectif est de réduire les émissions de 21 % par rapport au niveau de 2005.
Le marché carbone européen a permis des réductions d’émissions entre 150 et 300 millions de tonnes de CO2 depuis son lancement et pourrait encore réduire les émissions de plus de 1,5 millions de tonnes à l’horizon 2030.
Pour que tel soit le cas, il convient de rétablir un cours du carbone. L’actuel, de l’ordre de 6 euros la tonne, est inférieur au cours de 25 euros au minimum pour favoriser les stratégies sans carbone ou moins productrices d’émissions.
En effet, le SEQE est entré dans une crise sans précédent depuis 2011.
En novembre 2012, sans aucune mesure pour rétablir la crédibilité du système, la Commission européenne estimait à la lumière des projections des principaux analystes du marché que les cours du quota seraient en moyenne de 5 euros par tonne de CO2 de 2013 à 2015.
Le 16 avril 2013, le prix du quota a atteint son plus bas niveau historique depuis 2008 avec une cotation à 2,63 euros la tonne.
Depuis le début des enchères de quotas de phase III fin octobre 2012, le prix d'adjudication est passé de 8 euros à leur lancement à une moyenne de 4 euros en 2013, soit une baisse de près de 50 %, pour remonter légèrement depuis début 2014, à 5/6 euros la tonne.
Les raisons de l’effondrement des cours des actifs carbones sont plurielles : la dégradation du contexte économique, depuis 2008, entraînant un fort déséquilibre entre l’offre et la demande avec un excédent de 900 millions de tonnes ; le manque de perspectives quant aux objectifs de réduction d’émissions ; les difficultés de la coordination des outils de politique énergie–climat, puisque les politiques d’efficacité énergétique et de déploiement technologique d’énergies sobres en carbone ont un impact sur les réductions d’émissions des secteurs qui sont couverts par le SEQE et donc sur le prix du carbone.
Les mesures correctrices ont été de trois ordres.
D’abord, il a été opté pour un report d’enchères ou backloading pour une quantité de quotas correspondant au surplus de l’offre par rapport à la demande. Plutôt que de suivre en 2012 la proposition du Parlement européen en faveur d’un retrait des quotas excédentaires, le Conseil a préféré une telle modification du calendrier d’enchères. Le report à 2019 et 2020 de la mise aux enchères de 900 millions de tonnes prélevées en début de phase a été décidé.
Le dispositif adopté le 16 décembre 2013, par le Parlement européen, et le 18 décembre par tous les Etats Membres au Conseil, à l’exception de la Pologne, précise que la mesure ne peut s’appliquer qu’une fois par phase et dans la limite de 900 millions de tonnes, pour éviter toute intervention discrétionnaire des autorités publiques sur le marché.
Depuis cette mesure de backloading et le lancement des discussions sur le cadre énergie–climat 2030, les cours du carbone ont passé au-dessus de la barre des 6 euros la tonne.
Pour le long terme, la Commission européenne a conjointement publié en janvier dernier la proposition de cadre énergie–climat pour 2030 et une proposition législative visant à instaurer une réserve de stabilité du marché (market stability reserve) à compter de 2021.
Cette réserve doit permettre d’établir un corridor définissant un seuil maximal et minimal de quotas dits en circulation (surplus). L’excédent constaté lors d’une diminution des cours au-dessous du plancher serait versé dans une réserve pour être remis sur le marché quand le seuil minimal serait atteint.
L’objectif est une meilleure flexibilité de l’offre de quotas et ainsi de donner au SEQE la faculté de s’adapter à des chocs de demande non ou mal anticipés.
Cette réserve permettrait d’ajuster automatiquement l’offre de quotas aux enchères en fonction de règles prédéfinies, connues à l’avance par le marché, et empêchant tout élément discrétionnaire dans le pilotage.
Pour sa part, la France soutient la mise en place d’une telle réserve de stabilité, car elle estime que le SEQE doit en effet être consolidé en ce sens pour créer des incitations appropriées aux opérateurs économiques, l’objectif prioritaire étant de réduire le surplus actuel que connaît le SEQE afin que les cours soient cohérents avec la trajectoire de décarbonation de l’économie à l’horizon 2050.
Le mécanisme de report d’enchères et ensuite celui de la réserve permettraient, selon les simulations communiquées au Rapporteur, d’atteindre un prix de 8 euros la tonne de CO2 en 2020 et de 33 euros en 2030.
Ces niveaux de prix peuvent paraître faibles, mais pour les investisseurs, le prix de 2030 devrait sembler suffisamment certain pour engager les investisseurs dans des opérations de long terme sobres en carbone ou décarbonées.
Il est estimé qu’à terme, une fois passée la phase des démonstrateurs, la technologie du captage et de la séquestration de CO2 (CSC) pourrait être économiquement exploitable à partir de 37 euros la tonne.
Le 13 décembre dernier, le Conseil européen a pris plusieurs décisions essentielles concernant le SEQE, pour le consolider, l’assouplir et le mettre en conformité avec l’objectif des -40 % en 2030 pour les émissions de gaz à effet de serre.
D’abord, il a fixé le nouveau facteur de réduction du plafond des émissions à 2,2 % à partir de 2021, contre 1,74 %.
Ensuite, il a maintenu le principe de l’attribution gratuite des quotas pour les secteurs à risque de fuite de carbone, tant que les autres économies n’ont pas de mesures comparables à celles de l’Union européenne, et a prévu d’améliorer le fonctionnement des mécanismes de lutte contre les fuites de carbone.
Enfin, il a prévu trois mécanismes pour les pays les moins riches de l’Union européenne :
– pour les Etats membres dont le PIB est inférieur à 60 % de la moyenne européenne, les conclusions du Conseil européen mentionnent la faculté d’allouer jusqu’en 2030 gratuitement des quotas au secteur énergétique, ce qui vise la Pologne et les centrales à charbon, dans la limite de 40 % des quotas répartis entre Etats membres sur la base des émissions vérifiées ;
– pour ces mêmes Etats membres dont le PIB est inférieur à 60 % de la moyenne de l’Union, une nouvelle réserve de 2 % des quotas est constituée pour répondre à des besoins d’investissements complémentaires. Les quotas seront mis aux enchères et le produit servira à abonder un fonds géré par les Etats membres bénéficiaires, la BEI participant à la sélection des projets ;
– 10 % des quotas seront enfin répartis entre les pays dont le PIB par habitant ne dépasse pas 90 % de la moyenne européenne en 2013, « dans un souci de solidarité, de croissance et d’interconnexion ».
c. La difficile révision de la directive de 2003 sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité
La fiscalité des produits énergétiques, notamment des produits pétroliers et des combustibles fossiles, est actuellement harmonisée par la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.
En 2011, la Commission européenne a proposé d’en réviser le dispositif pour rationnaliser la taxation de ces produits en l’asseyant sur deux composantes : leur teneur en énergie ; leur composante carbone mesurée par les émissions de CO2.
L’objectif initial était l’instauration d’une fiscalité de l’énergie davantage orientée vers la protection de l’environnement et une certaine cohérence avec le SEQE en taxant à concurrence de 20 euros la tonne les émissions de CO2, car tel était le montant espéré à l’époque sur le marché.
Ce texte n’a pas encore été adopté par le Conseil. L’unanimité des Etats membres est en effet nécessaire en matière fiscale.
Face à l’opposition de certains Etats membres, l’introduction obligatoire d’une composante carbone dans le système communautaire de taxation de l’énergie a été abandonnée au profit d’un objectif moins ambitieux consistant à fixer les taux minimums communautaires sur la base d’une structure double à partir du contenu énergétique et du contenu en CO2 de chaque produit, mais aussi à laisser chaque Etat membre libre de fixer son niveau de taxation comme il le souhaite pour autant que le montant du minimum communautaire soit respecté.
Malgré le caractère facultatif de l’introduction d’une composante carbone, les discussions sur ce texte demeurent encore difficiles dans la mesure où certains Etats membres restent opposés au principe de la double structure proposée, même si celle-ci n’a aucun caractère contraignant pour les Etats membres.
Dans ces conditions, les négociations sous la présidence grecque au cours du dernier semestre n’ont pas beaucoup évolué. Il y a peu d’espoir de voir ce texte aboutir rapidement.
Le point central qui reste encore en discussion concerne le niveau des taux minimums communautaires avec une sensibilité plus marquée de certains Etats membres sur les combustibles. La présidence grecque avait proposé de baisser les minima des produits énergétiques utilisés comme combustibles en réduisant la valeur de la composante CO2. En outre, elle avait proposé que les minima des carburants soient augmentés de façon très progressive en fixant une échéance à horizon 2026.
Pour le reste, les discussions doivent se poursuivre sur le régime du gazole professionnel, le régime des installations intensives en énergie, les exonérations et réductions dites de l’article 15, les dérogations régionales, le régime des biocombustibles et biocarburants pour ne retenir que les questions les plus saillantes.
La présidence italienne a déposé un texte de compromis qui n’a pas encore été adopté.
a. Les difficultés du développement des renouvelables ces dernières années dans les pays les plus engagés : problèmes techniques, perturbation du marché et coût des dispositifs d’aide
Le développement des renouvelables pour la production d’électricité à grande échelle s’est révélé moins aisé que prévu.
D’abord, les dispositifs d’incitation financière se sont avérés très coûteux.
En Allemagne, les subventions prévisionnelles pour 2014 vont dépasser les 23 milliards d’euros. L’EEG-Umlage, équivalent de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) française, représentait en 2013 un montant de 52,77 euros par mégawatt heure sur la facture d’électricité des consommateurs allemands et a atteint depuis le 1er janvier 2014, la valeur de 62,40 euros par mégawatt heure, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2013, après une augmentation de 47 % entre 2012 et 2013.
En Espagne, l’Etat a versé plus de 50 milliards d’euros d'aides aux renouvelables entre 1998 et 2013, avec une hausse de 800 % à partir de 2005. Les surcoûts cumulés en 10 ans s’élève ainsi fin 2012 à 30 milliards d’euros, soit 3 % du PIB. Un surcoût de 6,4 milliards d’euros en 2011 et 8 milliards d’euros en 2012 a été supporté par les consommateurs.
Ensuite, l’impossibilité d’assurer, en l’état actuel de la technique, le stockage de l’électricité a conduit à perturber les marchés.
La production d’électricité renouvelable étant intermittente et n’ayant aucun coût autre que l’investissement et l’entretien de l’équipement, les prix de gros s’effondrent et deviennent même parfois négatifs en cas d’afflux, ce qui met en difficulté l’exploitation des centrales électriques traditionnelles.
Les garanties de rachat font, en effet, que la production des renouvelables alimente directement le marché même s’il n’y a pas en face de demande pour la production correspondante.
Se pose aussi en arrière-plan le problème des centrales assurant la continuité de l’approvisionnement en back up, et de leur financement.
En Allemagne, la fermeture ou la mise sous cocon des centrales à gaz, et l’exploitation moins onéreuse des centrales à charbon grâce au faible prix, notamment, du charbon américain, conduit ainsi, couplé avec la sortie du nucléaire d’ici 2022, à une reprise préoccupante des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, les zones de production éoliennes étant éloignées des zones traditionnelles de consommation, les infrastructures de transport d’électricité se sont avérées inadaptées : d’une part, leurs tracés ne correspondent pas aux nouveaux besoins de transport des renouvelables ; d’autre part, les équipements ne sont pas adaptés à l’intermittence et à la réversibilité des flux ; enfin, les interconnexions aux frontières conduisent à déstabiliser les marchés des pays voisins, notamment de ceux de l’Allemagne.
Certains estiment ainsi qu’un blackout généralisé pourrait survenir.
C’est pourquoi tant au niveau européen qu’au niveau national, une reconnexion au marché de l’exploitation des équipements de production d’énergie renouvelable a été opérée.
b. Le nouveau régime européen : les lignes directrices concernant les aides d’Etat pour la protection de l’environnement et l’énergie
Adoptées le 9 avril 2014, les nouvelles lignes directrices concernant les aides d’Etat pour la protection de l’environnement et l’énergie visent à remédier aux distorsions du marché qui peuvent résulter des subventions accordées aux sources d’énergie renouvelables et favorisent ainsi une évolution progressive vers des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables fondés sur le marché.
Elles établissent également des critères sur le fondement desquels les Etats membres peuvent dispenser les entreprises grandes utilisatrices d'énergie particulièrement exposées à la concurrence internationale, des redevances prélevées pour soutenir les énergies renouvelables.
De plus, elles contiennent de nouvelles dispositions applicables aux aides en faveur des infrastructures énergétiques et des capacités de production d’énergie destinées à renforcer le marché intérieur de l'énergie et à garantir la sécurité d'approvisionnement.
Elles s’appliquent du 1er juillet 2014 à la fin de 2020.
Elles prévoient notamment :
– le recours progressif aux mécanismes fondés sur le marché, avec l’introduction progressive de procédures de mise en concurrence pour l’octroi des aides publiques tout en laissant aux Etats membres une marge de manœuvre suffisante pour tenir compte des particularités nationales. Une phase pilote étalée sur 2015 et 2016 leur permet de tester ces procédures de mise en concurrence sur une petite partie de leurs nouvelles capacités de production d’électricité ;
– le remplacement progressif des prix fixes de rachat par des primes de rachat, lesquelles rendent les sources d'énergie renouvelables sensibles aux signaux du marché. Les petites installations seront soumises à un régime spécial et pourront encore bénéficier d’un soutien sous la forme de prix de rachat ou d’autres mesures équivalentes. En outre, les nouvelles règles n'affectent pas les régimes déjà en place ;
– la promotion de la compétitivité de l’industrie européenne, en autorisant la réduction de la charge des redevances prélevées pour financer le soutien accordé aux énergies renouvelables pour un nombre limité de secteurs fortement intensifs en énergie ;
– un soutien aux infrastructures énergétiques transfrontalières ;
– la mise en place de mécanismes de backup ou de capacités afin, par exemple, d’encourager les producteurs à créer de nouvelles capacités de production ou de les empêcher de fermer des installations existantes ou encore de récompenser les consommateurs qui réduisent leur consommation d’électricité aux heures de pointe.
Le contexte législatif du soutien aux énergies renouvelables en Allemagne a évolué récemment avec l’adoption le 11 juillet 2014 de la nouvelle législation relative aux énergies renouvelables (dite « loi EEG ») et son entrée en vigueur le 1er août 2014.
Le premier objectif vise à hausser la part des énergies renouvelables dans la consommation d’électricité de 25 % actuellement à 40/45 % d’ici 2025 et à 55/60 % d’ici 2035 avec les déclinaisons suivantes par filière :
– pour l’éolien offshore, la baisse des objectifs est confirmée avec, pour 2020, 6,5 gigawatts au lieu de 10 et, pour 2030, 15 gigawatts au lieu de 25 ;
– pour l’éolien terrestre, le rythme de développement est plafonné à 2 500 mégawatts par an. Cet objectif est une valeur nette, ne prenant pas en compte le remplacement des installations en vue d’une optimisation de la production ;
– pour le solaire, le développement de 2500 mégawatts par an en valeur brute est confirmé ;
– pour la biomasse, le rythme de progression annuelle est à ce stade maintenu au plus à 100 MW (valeur brute).
Le deuxième grand objectif de la réforme est la généralisation de la commercialisation directe et le maintien à la marge des tarifs d’achat.
Le principe de la commercialisation directe sur le marché avec prime sera progressivement généralisé aux nouvelles installations, si bien qu’en 2016, tous les producteurs d’électricité « verte » à partir de 100 kilowatts de puissance seront contraints de vendre directement leur production. Ce dispositif, comme substitut aux tarifs d’achat garantis, est perçu par bon nombre d’acteurs comme un remède à la production d’électricité déconnectée de la demande, menant à l’inflation des coûts de développement des énergies renouvelables. Les producteurs pourront prétendre à une prime de marché, dont la valeur sera calculée mensuellement sur la base de la différence entre le tarif d’achat et le prix moyen de l’électricité, la demande de prime étant adressée au gestionnaire de réseau. Cette prime ne sera pas versée si les prix du marché sont négatifs pendant au moins 6 heures consécutives, sauf pour les installations de puissance inférieure à 500 kilowatts ou 3 mégawatts pour l’éolien terrestre.
Les tarifs d’achat subsisteront pour les petits producteurs, au-dessous des seuils évoqués, et seront dégressifs en fonction du dépassement ou non des objectifs cibles par filière.
La nouvelle loi prévoit par ailleurs la généralisation des appels d’offres à compter du 1er janvier 2017, avec le lancement d’un appel d’offres pilote dès 2015 pour les grandes installations photovoltaïques, dont le règlement de mise en œuvre sera adopté fin 2014.
Pour satisfaire la Commission européenne, l’Allemagne a également fait un pas en introduisant dans la loi une nouvelle disposition, qui prévoit que 5 % des appels d’offres (y compris l’appel d’offres pilote) seront ouverts à des installations étrangères.
Ce soutien financier s’effectue via la contribution de l’ensemble des consommateurs, y compris les autoconsommateurs, sous certaines conditions, à l’EEG-Umlage.
Le troisième volet concerne les exonérations des électrointensifs à l’EEG-Umlage.
Il s’agit de répondre à la Commission européenne qui avait ouvert une procédure d’examen au titre des aides d’Etat le 18 décembre 2013.
Les entreprises sont dorénavant éligibles à des exonérations d’EEG-Umlage dès lors qu’elles justifient les conditions suivantes, celles-ci étant cumulatives :
– leur consommation d’électricité excède 1 gigawatt-heure ;
– elles relèvent d’un des 219 secteurs d’activité, compris dans l’annexe 1 de la loi et répartis en deux listes ;
– elles supportent une part des coûts d’électricité dans la valeur ajoutée brute, respectivement d’au moins 16 % pour les entreprises relevant de la liste 1 à partir de 2015 (puis 17 % à compter de 2016) et d’au moins 20 % pour les entreprises relevant de la liste 2 ;
– elles exploitent un système certifié de gestion énergétique ou environnementale.
De manière symbolique, toutes les entreprises éligibles paient l’EEG-Umlage à taux plein pour le premier gigawatt heure.
Au-delà, les entreprises éligibles paient 15 % de l’EEG-Umlage en règle générale, mais quelques exceptions sont prévues en faveur des électrointensifs.
Selon le ministère allemand de l’économie et de l’énergie, environ 1 600 électrointensifs devraient bénéficier d’exonérations partielles contre environ 2 000 auparavant.
L’Espagne est l’un des pays de l’Union européenne dont la dépendance énergétique est la plus forte à raison de 77 % de son approvisionnement.
Elle a donc mis en place au cours de la dernière décennie une politique de développement des énergies renouvelables très incitative s’appuyant en particulier sur la production hydraulique et éolienne, et, depuis 2009, sur l’énergie solaire photovoltaïque.
Depuis 2000, le dispositif de soutien reposait ainsi sur un système de garantie de prix de rachat de l’électricité produite, au choix du producteur, soit sous forme de tarif d’achat fixé par filière, soit sous forme d’un complément de rémunération à la vente sur le marché de l’électricité produite.
Ce système a été très incitatif et a permis le développement des énergies renouvelables mais en créant une bulle spéculative, en particulier dans le secteur photovoltaïque, et s’est accompagné de surcoûts élevés.
En raison des coûts, un moratoire a marqué un arrêt brutal en 2012 du soutien des énergies renouvelables, puis ensuite est intervenue une réforme du secteur de l’électricité en 2013 pour couvrir les surcoûts liés au développement des énergies renouvelables.
Le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’a pas été en mesure de fournir au Rapporteur le détail des mesures adoptées cette année.
III. LA CONFÉRENCE PARIS CLIMAT 2015 : UNE NÉGOCIATION QUI S’ANNONCE PARTICULIÈREMENT DIFFICILE, MAIS UNE PRÉPARATION TRÈS BIEN ENGAGÉE
1. Le Protocole de Kyoto prolongé par l’amendement de Doha : un dispositif partiel de contrôle et de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui ne concerne que peu d’Etats et qui s’achève en 2020
La ratification de l’amendement de Doha au Protocole de Kyoto a récemment permis au Rapporteur de rappeler les limites du dispositif actuel de réduction et de limitation des gaz à effet de serre (voir rapport n° 2202 autorisant la ratification de l’amendement au protocole de Kyoto du 11 décembre 1997, présenté par M. Pierre-Yves Le Borgn’).
D’abord, le Protocole de Kyoto, seul instrument international de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre, a certes été signé en 1997, mais il n’est entré en vigueur qu’en 2007. Il n’a en outre porté que sur la période 2008-2012 dite première période d’engagement et n’a concerné que les seuls pays développés dits de l’annexe 1 à la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC). En outre, sa portée a été encore réduite en raison de l’absence de ratification de la part des Etats-Unis, dont le président était alors George W. Bush.
Ensuite, l’amendement de Doha, qui vise sa prolongation, concerne un champ encore plus restreint, notamment en raison de la sortie du Canada du Protocole de Kyoto en 2012 et en raison de l’absence de réengagement de plusieurs Etats, avec un nouvel objectif, notamment la Fédération de Russie, le Japon, touché par Fukushima et le basculement de la production électrique sur le gaz, ainsi que la Nouvelle-Zélande.
En fait, seuls les Etats européens se sont réengagés et ont accepté des objectifs plus ambitieux, qui sont d’ailleurs ceux précédemment évoqués sur le paquet énergie-climat de 2008 à l’horizon 2020.
Au total, le Protocole de Kyoto tel que prolongé par l’amendement de Doha ne concerne que 15 % des émissions mondiales.
Enfin, l’amendement de Doha ne couvre que la période 2013-2020 et rien n’est prévu au-delà.
Tel est l’objet de l’accord climatique pour l’après-2020 qui constitue l’ordre du jour et l’objectif de la conférence Paris Climat en 2015.
2. Un objectif très clair pour la conférence Paris Climat 2015 : un accord universel applicable pour l’après-2020
Normalement, la conférence de Copenhague en 2009, la COP 15, aurait dû permettre l’adoption du dispositif applicable à l’après-Kyoto, à l’après-2012, avec un accord universel permettant de corriger rapidement la trajectoire des émissions de manière efficace et coordonnée pour l’ensemble de la planète.
Le résultat a été plus modeste avec la seule affirmation politique de la volonté de limiter à 2°C le réchauffement global à l’horizon de la fin du XXIème siècle.
Cet échec a conduit à un nouveau calendrier.
C’est en 2011, lors de la Conférence de Durban (COP 17), qu’une procédure de négociations, dite Plate-forme de Durban pour « Durban Platform for Enhanced Action », a été décidée en vue de l’accord universel et contraignant qui apparaît comme éminemment nécessaire.
L’ensemble des pays a souscrit à la feuille de route menant à l’adoption d’un accord applicable à tous en 2015.
Ce cadre comprend deux volets.
Le premier volet ou workstream 1 concerne l’après-2020 et s’attache à définir les principaux traits du futur accord climat.
Le second volet ou workstream 2 s’adresse en fait à l’avant-2020, et concerne pour l’essentiel les pays qui ne sont pas soumis à l’amendement de Doha au Protocole de Kyoto. Son objectif est de parvenir, avant même l’entrée en vigueur du futur accord climat, à des solutions concrètes pour limiter ou réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il repose largement sur les initiatives non pas des Etats, mais de la société civile et des entreprises.
Par la suite, la COP18, à Doha en 2012, a permis de clore le cycle de négociations ouvert en 2007 à Bali, afin de se concentrer dorénavant sur la mise en œuvre des décisions adoptées pour la période allant de 2013 à 2020 et d’entamer les discussions sur un nouveau régime international de lutte contre le changement climatique pour l'après-2020.
Ensuite, la conférence de Varsovie (COP19) de 2013 a marqué de nouveaux progrès dans la perspective de la COP20 à Lima en 2014 et de la conférence Paris Climat 2015 (COP 21) :
– d’abord, les pays doivent établir leur contribution ou INDC (Intented Nationally Determined Contribution) au futur accord et la transmettre aussitôt que possible, suffisamment en amont de la conférence de Paris et, pour ceux, qui le peuvent, dès le premier trimestre de l’année 2015. L’objectif est de faciliter la transparence et la compréhension des propositions de réduction des émissions de gaz à effet de serre bien avant la conférence de manière à pouvoir agir à temps si les propositions ne sont pas suffisantes pour atteindre l’objectif collectif à Paris. Le contenu exact des contributions et la nature des informations qui devront accompagner les propositions doit être décidée à Lima ;
– ensuite, un programme de travail pour 2014 sur les actions immédiates à mener d’ici 2020 a été également décidé à Varsovie. Incitant notamment à un partage d’expérience concernant l’action des villes et des régions, il illustre l’implication croissante des acteurs non étatiques face au défi climatique ;
– enfin, la COP 19 a également permis des progrès dans la mise en œuvre des décisions des précédentes conférences. Ainsi a-t-elle décidé le lancement d’un « mécanisme international de Varsovie sur les pertes et les dommages », visant à mobiliser plus d’assistance aux pays particulièrement vulnérables aux conséquences du dérèglement climatique. Les règles de mesure des émissions (système dit « MRV » : mesure, rapportage et vérification) s’appliquant aux pays en développement ont été définies, ce qui rend le système « MRV » complet et opérationnel. Les règles pour les actions de réduction de la déforestation et de la dégradation forestière (le mécanisme « REDD+ ») ont également été finalisées.
Sur cette base, les travaux se sont poursuivis cette année, notamment lors des réunions de Bonn en juin et en octobre avec quelques avancées.
Selon les décisions de la COP 17 de Durban de 2011, doit être élaboré, au titre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), « un protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique » (a new and universal greenhouse gas reduction protocol, legal instrument or other outcome with legal force).
Cette formulation recouvre donc une large palette de formats juridiques différents, plus ou moins contraignants.
Chacune des options ouvertes par le mandat comporte des avantages et des inconvénients sachant qu’il convient de définir un équilibre entre souplesse et efficacité, substance et gouvernance, responsabilité et souveraineté nationale.
Les négociations en cours sur la forme du compromis ou encore la portée juridique des différents éléments sont évoquées au F ci-après.
Dans l’ensemble, comme il l’a été confirmé au Rapporteur, le futur accord devra reposer sur quatre piliers : l’obtention d’un accord global ; un ensemble de contributions nationales, correspondant à un engagement qui ne sera pas nécessairement international ; des dispositions sur les finances soit dans l’accord, soit autour de l’accord ; un Agenda des solutions accompagnant l’accord.
c. L’absence de solution alternative à un accord à Paris en raison de l’urgence à agir, notamment rappelée par l’accroissement du nombre des réfugiés climatiques
La conférence Paris Climat 2015 doit impérativement aboutir à un accord général et efficace sur le climat.
En cas d’échec, aucun processus alternatif ultérieur n’apparaît crédible ni même possible.
Comme l’a très bien exprimé au mois de septembre dernier le secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon : « Il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B. ».
En outre, on ne le répètera jamais assez, l’urgence à agir est patente.
Sans même rappeler la multiplication des années et des saisons plus chaudes que la normale depuis plus d’une décennie ou l’augmentation spectaculaire du nombre des événements climatiques extrêmes, la conférence de Paris sera placé sous le spectre des réfugiés climatiques.
Publié en septembre dernier, le rapport du Conseil norvégien pour les réfugiés (Norwegian Refugee Council - NRC) a comptabilisé 22 millions de nouveaux « réfugiés climatiques » sur l’année écoulée.
En trente ans, le nombre des réfugiés et déplacés en raison des catastrophes naturelles a été multiplié par trois, principalement en Asie et en Afrique subsaharienne.
Les pays développés sont également touchés, notamment les Etats-Unis, le Canada et le Japon.
La zone subsaharienne, notamment le Soudan et le Sud-Soudan, est estimée particulièrement fragile.
Conformément à la décision de la COP 19 à Varsovie en 2013, la COP 21, également appelée conférence Paris Climat 2015, se tiendra au Bourget, sur le site du Parc des expositions, du 30 novembre au 11 décembre 2015.
Elle sera accompagnée d’un volet parlementaire.
En plus des Etats parties à la CUNCC, la conférence accueillera pour les associer aux travaux de nombreux acteurs représentant la société civile : professionnels, entreprises, ONG intervenant en matière d’environnement, représentants des collectivités locales, représentants des populations autochtones, instituts de recherche et représentants des sociétés agricoles, notamment.
Environ 40.000 personnes sont attendues à Paris.
Succédant à M. Jacques Lapouge, récemment nommé ambassadeur en Suède, Mme Laurence Tubiana, a été nommée en mai dernier ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015. Mme Tubiana préside notamment le conseil d’administration de l’Agence française du développement (AFD) et a fondé l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
Pour sa part, M. Pierre Henri-Guignard est secrétaire général, chargé de la préparation et de l’organisation de la conférence.
Sur le plan budgétaire, les premières dépenses liées à l’organisation de la COP 21 ont été cofinancées par le ministère des Affaires étrangères et du Développement international et le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, à hauteur de 1,5 million d’euros chacun, en 2014.
A partir de 2015, un nouveau programme est consacré à l’organisation de la COP 21, le programme 341, au sein de la mission Action extérieure de l’Etat.
Les grands postes de dépenses seront la préparation et le suivi de la COP21 (conférences et réunions préparatoires, dépenses du Secrétariat général chargé de la préparation et de l’organisation de la COP 21, de l’équipe de négociation et de communication) à hauteur de 20,5 millions d’euros en 2015, l’organisation de la COP 21 (location et aménagement des espaces, fonctionnement des espaces, transports locaux) pour un total estimé à 151 millions d’euros en 2015, ainsi que l’accueil de délégations étrangères qui pourrait représenter un coût de 7,5 millions d’euros.
Le coût total de la COP 21 en 2015 est donc estimé à 179 millions d’euros en autorisations de programme et 43,4 millions d’euros en crédits de paiement, ce chiffrage n'incluant pas les coûts liés à la sûreté et à l’ordre public (à la décision du ministère de l’Intérieur), ni les dispositifs d’assistance médicale.
Les crédits qui devront être engagés pour 2016, principalement pour des dépenses techniques liées au fonctionnement du site ainsi que pour l’informatique et les télécommunications, sont actuellement estimés à 8 millions d’euros en autorisations de programme et à 143,6 millions d’euros en crédits de paiement compte tenu des autorisations de programme de l’année précédente. Ils devront également permettre la certification ISO de la conférence et sa compensation carbone.
Au total, sur trois ans, la charge budgétaire imputable à la conférence Paris Climat 2015 devrait s’établir à 188,5 millions d’euros, dont 1,5 million en 2014, 179 en 2015 et 8 millions en 2016.
a. La mobilisation des chefs d’Etat et de Gouvernement, premier objectif du Secrétaire général des Nations Unies
Le Sommet sur le climat organisé par le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, le 23 septembre dernier, a permis une mobilisation politique au plus haut niveau, indispensable au moment où s’engage la négociation de l’accord universel sur le climat qui doit être adopté en décembre 2015 à Paris.
Cet événement est globalement une réussite. Il faut notamment retenir une forte participation, avec la présence de quelque 120 chefs d’Etat et de gouvernement, représentant environ les deux tiers des Etats membres de l’ONU, mais aussi de nombreux représentants de la société civile et de dirigeants d’entreprises, ainsi que le lancement d'initiatives concrètes réunissant ces différents partenaires, notamment dans des secteurs clés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (financements privés et publics, villes, énergie, forêts, transports, agriculture).
On peut également en retenir une volonté assez largement partagée d’aboutir à un accord universel en 2015 à Paris, permettant de limiter le réchauffement climatique à 2°Celsius, qui reste l’objectif de la communauté internationale. C’est notamment le cas des principaux émetteurs, les Etats-Unis et la Chine.
Nombreux ont été les chefs d’Etat et de Gouvernement qui ont indiqué qu’ils remettraient leur contribution nationale dès le début 2015.
Les Etats insulaires, les plus menacés par le changement climatique et la montée des eaux, ont insisté sur la nécessité d’un accord en 2015 et sur le respect des engagements financiers pris à Copenhague.
Certains pays, tels que le Costa Rica, l’Equateur et l’Ethiopie, ont indiqué avoir engagé de leur propre initiative les politiques et actions en vue d’une énergie d’origine entièrement renouvelable.
Globalement, donc, au niveau politique, les esprits sont mobilisés.
Le Président de la République, qui a participé à plusieurs séquences de ce sommet, a souligné la détermination de la France à tout mettre en œuvre pour aboutir à un accord substantiel en 2015, notamment sur la base d’une proposition européenne ambitieuse. L’annonce de l’importante contribution française au Fonds vert, 1 milliard de dollars au titre de l’effort indispensable de solidarité internationale, a été applaudie. Enfin, l’idée – soutenue par la France – de compléter l’accord intergouvernemental qui doit être adopté à Paris par une série d’initiatives complémentaires, gouvernementales ou impliquant des acteurs non gouvernementaux (entreprises, collectivités locales, etc.), commence à faire son chemin.
En contrepoint de ces résultats, on notera cependant :
– un attentisme de plusieurs grands acteurs de la négociation, incluant à la fois des pays développés hors Etats-Unis et Union européenne, et pays émergents. Certains n’ont pas confirmé leur engagement à présenter leur contribution nationale à l’accord au premier trimestre 2015, comme décidé lors de la conférence de Varsovie de décembre 2013. Parmi les pays restés en retrait, il faut souligner des pays développés (Australie, Canada, Japon), comme des pays émergents (Inde, Brésil) ou encore la Bolivie, laquelle représente les pays du G77, et parmi eux les pays du Like Minded Group of Developing Countries (LMDC) ;
– l’inégal degré de précision des initiatives concrètes présentées au sommet.
Pour sa part, Mme Laurence Tubiana a déclaré lors d’une intervention au Brookings Institution, le 16 octobre dernier, à Washington DC, observer « l’émergence d’une position intermédiaire entre le Nord et le Sud » et a noté qu’il « n’est plus tabou d’envisager des réductions d’émissions nettes par les pays en développement ».
Le résultat d’ensemble du Sommet a été considéré comme satisfaisant par le secrétaire général de l’ONU, qui a notamment observé une convergence des visions de long-terme et des progrès considérables pour ce qui concerne la mobilisation des fonds, le prix du carbone et le renforcement de la résilience face aux conséquences négatives du changement climatique.
Il a également observé que de nouveaux cadres de coopération entre acteurs, des nouvelles « coalitions » se mettaient en place pour affronter ce qui apparaît comme le plus grand des défis.
b. Les résultats encourageants de l’Agenda des solutions, associant la société civile, les collectivités et les entreprises à la question climatique
Du côté de « l’Agenda positif » ou de « l’Agenda des solutions », c’est-à-dire des mesures concrètes de la lutte contre le changement climatique, les réunions organisées dans le cadre du Sommet ont montré l’extraordinaire richesse des initiatives au niveau des collectivités locales, de la société civile et des entreprises, y compris du secteur de la finance.
Les thèmes et secteurs abordés dans le cadre de cette approche de type workstream 2 ont été très larges, avec notamment le renforcement de la résilience, les forêts, l’agriculture, l’énergie, les transports et l’industrie.
Pour les collectivités locales, les maires de certaines des plus grandes villes (Séoul, Rio et Paris) ont insisté sur leur volonté d’adopter des programmes ambitieux pour réduire leurs émissions et M. Michael Bloomberg, envoyé spécial de l’ONU pour les villes et le changement climatique, a indiqué qu’il poursuit la mobilisation par l’intermédiaire de son réseau C40. Celui-ci fédère 69 villes, représentant 8 % de la population totale et 18% du PIB mondial.
Il faut rappeler que la participation des collectivités locales à la lutte contre le réchauffement climatique a fait l’objet en 2013 d’un rapport de MM. Ronan Dantec, sénateur, et Michel Delebarre, ancien ministre, sénateur, intitulé « Les collectivités locales dans la perspective de Paris 2015 : de l’acteur local au facilitateur global ».
En matière de renouvelables, l’initiative du « couloir africain de l’énergie propre », soutenue par l’Agence internationale des énergies renouvelables (Irena) et qui vise à faire passer de 12 % à 40 % les renouvelables dans le bouquet énergétique africain, a commencé à prendre corps. L’objectif est de développer les interconnexions électriques entre l’ensemble des pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe.
Il faut également mentionner le projet, dit d’électrification off grid des îles, mené par le SIDS-Lighthouse Initiative de l’Agence internationale pour de l’énergie renouvelable (IRENA), qui a été lancé lors du Sommet. Il propose aux territoires insulaires des démarches individualisées de montée en puissance de leur capacité électrique bas carbone. L’objectif d’avoir d’ici 5 ans un plan d’action pour toutes les îles. 500 millions d’euros ont été mobilisés. Les Iles Samoa et les Iles Marshall sont moteurs. La Réunion et la Martinique y participent au titre de la France, qui soutient ainsi fortement le projet. La Norvège et l’Allemagne, de même que le Japon, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, les Emirats arabes unis et la Nouvelle-Zélande sont mobilisés.
Mérite également une mention particulière le projet en.lighten, co-piloté par le PNUE et Philips Lighting, qui vise à retirer du marché les ampoules à incandescence et promouvoir les LED, ainsi que les appareils de contrôle. 64 pays en sont déjà membres. Au titre des partenaires impliqués, on observe Philips, Osram, FEM, PNUE, PNUD, ONUDI et BM. Le siège de l’initiative est à Paris (PNUE).
Enfin, six entreprises de l’industrie pétrolière et gazière se sont engagées à réduire leurs émissions de méthane d’ici 2020. Le méthane a, en effet, un pouvoir dix-huit fois plus élevé que le CO2 sur l’effet de serre.
Compte tenu de la masse des capitaux qu’il représente, de la très forte concentration des transactions sur un nombre somme toute assez réduit d’opérateurs et, en outre, des effets d’imitation qui le caractérisent, le secteur de la finance a fait des annonces qui méritent une grande attention.
D’abord, la décarbonation des portefeuilles d’investissement est amorcée. Plusieurs investisseurs institutionnels, principalement européens comme les fonds de pension scandinaves ou Amundi, se sont engagés à décarboner 100 milliards de dollars d’investissements et à évaluer l’impact carbone de 500 autres milliards.
Ensuite, les banques commerciales ont annoncé l’émission de 30 milliards d’obligations vertes pour le climat et les banques de développement ont annoncé l’objectif de 100 milliards de dollars en faveur du financement d’infrastructures bas carbone d’ici la fin 2015.
Enfin, de manière complémentaire, un groupe d’investisseurs, d’agences de notation et d’assurances a lancé le projet d’intégrer le risque climatique, dont relèvent les événements météorologiques extrêmes, dans le système financier international, de manière à prendre en compte le coût de l’inaction en la matière.
Le secteur de l’assurance s’est engagé à créer un mécanisme d’investissement dans le risque climatique (Climate Risk Investment Framework) d’ici la COP 21 et l’African Capacity Risk, instrument financier visant à réduire le risque lié aux événements extrêmes en Afrique, a annoncé l’élargissement de ses activités, avec, entre autres, des obligations pour catastrophes naturelles (catastroph bonds).
A l’occasion du déjeuner organisé par le Pacte mondial, initiative mondiale d’entreprises citoyennes qui regroupe 12 000 participants répartis dans plus de 145 pays, et co-présidé par le Secrétaire général de l’ONU, 74 Etats, 11 autorités fédérées ou décentralisées de premier niveau, 11 villes et 1 000 grandes entreprises ont souscrit à l’initiative de la Banque mondiale pour un prix du carbone intitulée Put a Price on Carbon.
Une trentaine d’entreprises ont aussi rejoint l’initiative de la coalition du prix du carbone intitulée Carbon Price Leadership Coalition, lancée par le Pacte mondial et qui impose d’intégrer un prix du carbone implicite dans leurs calculs d’investissements comme de défendre le principe d’un prix du carbone.
b. Une position de principe en phase avec le développement des marchés du carbone dans l’ensemble des pays
Le grand développement des systèmes d’échange de quotas (ETS) depuis une dizaine d’années a conduit à l’élaboration d’une trentaine de systèmes d’échange de quotas dans le monde qui sont soit en vigueur, soit sur le point d’être lancés, soit à l’étude, en plus du SEQE de l’Union européenne.
Douze ETS sont d’ores et déjà en activité dans des pays ou entités infra-nationales aux profils économiques et d’émissions différents. Ainsi, entre 2005 et 2014, l’Australie, la Californie, le Kazakhstan, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, le Québec, neuf Etats de l’Est des Etats-Unis (Regional Greenhouse Gazes Initiative – RGGI), les zones économiques chinoises de Shenzhen, Beijing, Shanghai, Chongqing et Tianjin, mais aussi les provinces de Guangdong et Hubei et, enfin, le Japon ont progressivement instauré ce type de dispositif. Le système d’échange de quotas en Corée du Sud sera lancé en 2015 et couvrira 60 % des émissions nationales avec un objectif de réduction de 30 % en 2020 par rapport à un scénario d’émissions projetées. Quatorze autres systèmes sont à l’étude, certains soutenus dans leur démarche par l’initiative de la Banque Mondiale « Partnership for Market Readiness » (PMR). Tel est le cas au Brésil, au niveau national et infranational (Rio de Janeiro et Sao Paulo), Chili, Chine au niveau national et infranational (ville de Hangzhou), au Japon, au Canada, en Colombie Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Mexique, en Thaïlande, en Turquie et en Ukraine. Le graphique suivant permet de visualiser ces éléments.
Panorama des ETS dans le monde en 2013
Source: DGEC d’après Mapping Carbon Pricing Initiatives, Banque Mondiale, mai 2013. Note de lecture :WCI – Western Climate Initiative. Les juridictions participantes sont la Colombie Britannique, Manitoba, l’Ontario, le Québec et la Californie RGGI – Regional Greenhouse Gas Initiative Note 1: la taille des cercles n’est pas représentative de la taille des systèmes.
Par ailleurs, entre 2005 et 2013, la part des émissions mondiales couvertes par un système d’échange de quotas a augmenté de 73 %. A l’heure actuelle, les systèmes d’échange de quotas en activité couvrent 3,7 milliards de tonnes équivalent CO2, représentant environ 10 % des émissions totales dans le monde. Le graphique suivant en donne une illustration.
Répartition de la couverture des émissions par un ETS
Source : Chaire économie du climat, 2013.
Sur le fond, certains pays comme le Mexique adoptent une approche hybride originale. Fin 2013, le gouvernement mexicain a ainsi entériné une taxe carbone de 1 à 4 dollars américains la tonne de CO2 émise, sur le contenu carbone des combustibles fossiles utilisés à compter de 2014, par référence au gaz naturel.
En vue d’effectuer leur mise en conformité, les assujettis ont toutefois la possibilité de s’acquitter du paiement de la taxe en restituant des crédits de compensation issus de projets Kyoto (mécanisme de développement propre –MDP) faits sur le territoire mexicain.
L’année 2014 a cependant vu l’échec de la mise en place d’un prix du carbone en Australie avec la suppression de son mécanisme d’échange de quotas entérinée par le Sénat le 17 juillet 2014. Ainsi, le Clean Energy Future Plan, adopté fin 2011, avait instauré un système d’échange de quotas débutant sa première phase par une période de prix fixe du quota avant de laisser progressivement place à un prix déterminé par les fondamentaux du marché mais limité à la hausse par un prix plafond. Le système d’échange de quotas devait initialement être connecté au marché européen partiellement à compter de 2015 et totalement en 2018, moyennant l’abandon, dès 2015, du prix plancher de la tonne carbone australienne (qui devait être de 15 dollars australiens entre 2015 et 2018). Le mécanisme australien ne devant plus tendre vers un système d’échange de quotas au sens strict du terme, le projet de connexion entre le système européen d’échange de quotas d’émissions et le système australien est bloqué.
En revanche, la connexion entre marchés carbone entre dans une nouvelle étape avec les systèmes californiens et québécois. Le projet de connexion entre le marché californien et le marché québécois initié en 2013 s’est, en effet, concrétisé en 2014. La première enchère commune aux deux systèmes devrait se tenir en novembre 2014. Ce sont les deux premiers marchés carbone au monde à se connecter totalement et directement. Par ailleurs, la Californie cherche à nouer de nombreuses coopérations avec d’autres pays ou régions. En 2013, l’administration californienne a signé des accords de coopération avec l’Oregon, l’Etat de Washington et la Province canadienne de la Colombie Britannique, malgré l’absence de loi instaurant un prix au carbone dans ces régions. Un accord similaire a été signé avec la Commission nationale pour le développement et les réformes chinoises en 2013 (c’est le premier accord de ce type entre la Chine et un Etat américain). De plus, la Californie et le Mexique travaillent dorénavant de concert à travers un accord de coopération sur le développement des mécanismes de tarification du carbone signé le 29 juillet dernier. L’accord appelle également à une exploration des voies possibles pour permettre une meilleure harmonisation des deux systèmes dans le futur.
La prochaine COP, la COP 20, la dernière avant la conférence de Paris, se déroulera à Lima du 1er au 12 décembre 2014.
Ce ne sera pas seulement une conférence d’étape. En effet, son succès sera crucial pour la réussite de la conférence Paris Climat 2015, qui verra l’adoption du nouvel accord sur le climat. Il appartient donc à la conférence de Lima de capitaliser sur les engagements des chefs d’Etat et de Gouvernement qui ont indiqué vouloir un accord politique à Paris en 2015.
De ce point de vue, l’adoption par le Conseil européen du 23 octobre dernier du cadre énergie-climat 2030 dans la perspective d’une réduction de 80 % au moins des émissions à l’horizon 2050 est un élément très positif.
Quatre résultats principaux sont attendus de la COP de Lima, sachant qu’elle devra maintenir la mobilisation amorcée par le sommet de New York.
Tout d’abord, la COP de Lima devra parvenir, conformément au mandat donné à la conférence de Varsovie en novembre 2013, à identifier les éléments du texte de l’accord de 2015, à savoir les grands blocs du futur texte ébauchant ainsi le contenu de l’accord, ainsi que la prise en compte des engagements chiffrés et des financements. Le calendrier est, en effet, très contraignant pour l’année prochaine, puisque le premier projet d’accord devra être établi pour la fin du mois d’avril.
Ensuite, la nature et le format des contributions restant encore à définir, la COP 20 devra se prononcer avec précision sur le contenu des contributions nationales et les informations qui les accompagneront. Ces informations conditionneront la bonne compréhension et donc la crédibilité des contributions qui contiendront, entre autres, les réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Elles faciliteront la transparence, la confiance et l’acceptabilité des contributions et garantiront la qualité du travail multilatéral de préparation de la conférence de Paris.
Une question en apparence annexe mais qui a son importance, est celle de l’échéance des contributions. Comme on l’a vu, l’Union européenne a prévu l’année 2030. Certains pays, dont les Etats-Unis, ont une préférence pour une autre échéance, plus rapprochée, 2025.
Par ailleurs, une décision sur le renforcement des actions de court terme du deuxième volet de la plate-forme de Durban ou Workstream 2 est attendue à Lima. Ce volet de la négociation a donné lieu à des échanges techniques sur les meilleures pratiques afin de réduire les émissions et de s’adapter au dérèglement climatique dans la logique de « l’Agenda positif » porté par la France, consistant à promouvoir des initiatives associant notamment les acteurs économiques et les collectivités locales visant à réduire les émissions. Il s’agira d’enregistrer à Lima les résultats obtenus et de préparer le cadre qui permettra, à Paris, d’intégrer cette dimension aux côtés de l’accord intergouvernemental.
Cette prise en compte de l’Agenda positif est perçue avec scepticisme par certains pays, mais il est parfaitement clair notamment dans l’esprit dans lequel la France le porte, qu’il s’agit d’un complément et non d’un substitut des Etats aux objectifs d’atténuation.
Enfin, la mobilisation des financements en faveur du climat sera essentielle. La prévisibilité des sources de financement à long terme est nécessaire pour bâtir la confiance entre tous les pays et engager la transition vers une économie sobre en carbone. La présidence péruvienne organisera une réunion ministérielle dédiée à la question du financement à Lima et plusieurs réunions préparatoires, dont une en marge des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international à l’automne.
Des travaux sont également en cours pour améliorer le suivi des flux financiers, y compris privés – une base méthodologique essentielle pour évaluer la mise en œuvre de l’objectif international de mobilisation de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique dans les pays en développement.
La capitalisation du Fonds vert pour le climat, qui devrait débuter avant la conférence de Lima sera certainement un élément clef du succès de la conférence.
b. La remise des contributions nationales au premier trimestre 2015 pour un premier projet d’accord dans la foulée
C’est au cours du premier trimestre 2015 que devront être remises les contributions nationales ou INDC.
Sur la base de ces contributions nationales, l’objectif est ensuite d’obtenir d’ici mai 2015 un premier projet de texte devant être négocié jusqu’en décembre et conclu à Paris.
De manière plus précise, dès l’achèvement de la période de remise des contributions, fin mars 2015, une première session de négociation du groupe de travail de la plateforme de Durban est programmée et devrait notamment faire le point sur l’avancement du projet de texte de l’accord et sur l’ensemble des contributions présentées à la CCNUCC.
Les organes subsidiaires de la convention se réuniront comme chaque année en juin 2015 afin de progresser dans la mise en œuvre des décisions passées. En parallèle, une nouvelle session de travail sous la plateforme de Durban se tiendra.
Deux nouvelles intersessions du groupe de travail de la plateforme de Durban sont envisagées fin août-début septembre 2015 et fin octobre 2015. La pré-COP, réunion préparatoire dont les dates sont encore à définir, aura lieu quelques semaines avant la COP 21 qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris.
En parallèle de ces échéances formelles du cadre onusien, les présidences péruvienne et française des COP 20 et 21 pourront proposer des consultations informelles au niveau ministériel à un nombre restreint de pays, afin de faire avancer les discussions sur les points les plus difficiles de la négociation.
Pour la conférence, la présidence française sera aidée par deux vice-présidences qui restent à désigner, l’une pour les pays industrialisés, l’autre pour les pays en développement.
Enfin, des enceintes informelles devraient également faciliter la préparation de la conférence Paris Climat 2015 au niveau ministériel. Il s’agit par exemple du Forum des économies majeures (trois réunions par an) ou encore du Dialogue de Petersberg (en juillet chaque année).
E. UNE PROBLÉMATIQUE D’ENSEMBLE ÉCLAIRÉE PAR LES TRAVAUX DU GIEC COMME DU GLOBAL CARBON PROJECT SUR LE BUDGET CARBONE
C’est le 2 novembre dernier qu’a été publié le dernier volume – la synthèse – du cinquième rapport du GIEC.
Une nouvelle fois, le GIEC tire la sonnette d’alarme. Comme l’a indiqué son président lors de la présentation du rapport de synthèse, M. Rajendra Kumar Pachauri, il reste peu de temps avant que « la possibilité de rester sous les 2° Celsius ne disparaisse ».
Précédé d’un résumé à l’attention des décideurs, le rapport rappelle d’abord la certitude du changement climatique, étayée par trois constats : les années 1983-2012 correspondent aux trente années les plus chaudes depuis 1 400 ans et le réchauffement a été de 0,85° Celsius depuis 1850 ; le réchauffement concerne aussi les eaux marines, avec une température accrue de 0,11° Celsius par décennie, une élévation du niveau de 0,19 mètre depuis 1900 et, en outre, une acidification par absorption de CO2 ; les glaciers et banquise sont en voie de régression avérée, ce qui s’accompagne d’une aggravation de l’augmentation du niveau des océans.
L’explication tient directement aux émissions de gaz à effet de serre, car leur concentration dans l’atmosphère a atteint des niveaux sans précédent depuis au moins 800 000 ans et a augmenté de 40% depuis l’ère préindustrielle.
Sur l’évolution du climat, le GIEC a utilisé plusieurs modèles climatiques. Ces derniers montrent que l’élévation de la température sera très certainement en 2100 d’au moins 1,5° Celsius par rapport à la moyenne des années 1850-1900, et qu’elle sera probablement supérieure à 2° Celsius, sans excéder 4° le plus probablement.
Les différentes régions du monde ne seront pas affectées de manière uniforme. Le contraste des précipitations entre régions sèches et régions humides, ainsi qu’entre les saisons sèches et les saisons humides, s’aggravera. Le climat de chaque région restera également soumis à variations d’une année sur l’autre.
Les conséquences de ces évolutions sont rappelées par le GIEC :
– le risque de disparition de la vie côtière, en raison des inondations ;
– le risque sur les grandes villes côtières ;
– le risque systémique sur les grandes infrastructures de réseau et la délivrance des grands services essentiels comme l’eau ou l’électricité, en raison des événements extrêmes ;
– la surmortalité et la surmorbidité, en raison d’un risque infectieux accru et des fortes chaleurs ;
– un risque alimentaire, à cause de la perturbation des cycles agricoles et des méthodes d’irrigation, qui pourrait réduire les rendements agricoles ;
– un risque de désertification et de départ des populations des zones actuellement semi-arides ;
– les risques sur la vie sauvage et les écosystèmes terrestres et marins.
On observera que trois catégories de réfugiés climatiques possibles sont identifiées :
– les réfugiés côtiers des zones rurales et des îles, notamment des petits Etats insulaires du Pacifique ;
– les réfugiés des grandes villes côtières et portuaires ;
– les personnes déplacées en provenance des zones devenues arides.
Le GIEC rappelle donc que seule la réduction notable et durable des émissions de gaz à effet de serre permettra de limiter le changement climatique à 2° Celsius, sachant cependant que l’inertie du système climatique est telle que la plupart des caractéristiques du changement climatique persistera pendant des siècles, même après l’arrêt des émissions de gaz à effet de serre.
Le rapport estime clairement que les solutions ne sont pas inatteignables.
En outre, comme le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, l’a indiqué une nouvelle fois, le coût de l’inaction en matière climatique est beaucoup plus élevé que le coût de l’action.
La réduction de la croissance imputable à la lutte contre le réchauffement climatique est estimée entre 0,04% et 0,14%, soit 0,06% en valeur médiane, laquelle est la plus vraisemblable, en l’état.
Enfin, comme l’ont indiqué tant le ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius, que la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal, la réponse politique doit être en 2015 à la hauteur du constat des scientifiques et la mobilisation doit donc être universelle et immédiate.
2. L’approche économique du climat par le rapport « Stern-Calderon » de la commission mondiale sur l’économie et le climat (the Global Commission on the Economy and Climate)
C’est le 16 septembre dernier qu’a été publié le dernier en date des rapports « Stern-Calderon », dans le cadre de la commission mondiale sur l’économie et le climat (the Global Commission on the Economy and Climate). Il est intitulé « Une meilleure croissance pour un meilleur climat ». Il a été rédigé sous l’égide de Sir Nicholas Stern, économiste et ancien vice-président senior de la Banque mondiale, et de M. Felipe Calderon, ancien président du Mexique.
Conformément à la conception initiale du projet, ce rapport vise à montrer que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas un coût, mais au contraire une formidable opportunité économique, et que c’est paradoxalement l’absence d’action qui engendre des coûts croissants, avant même les catastrophes climatiques ultimes.
Le rapport de septembre dernier part du constat que les évolutions spontanées de l’économie, la croissance démographique, l’urbanisation et la croissance économique s’accompagnent d’un flux massif d’investissements, dont le quart est destiné aux infrastructures urbaines et aux transports, puisque plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes.
Cette somme de 70.000 milliards d’euros d’ici 2030 peut jouer un rôle stratégique. Si elle est investie selon les même modalités qu’actuellement, le modèle économique fortement consommateur de ressources naturelles et d’énergie fossile et fortement émetteur de CO2 sera pérennisé. Si elle est, au contraire, investie dans la réalisation d’un nouveau modèle de développement urbain fondé sur la sobriété, avec des réseaux de transport, d’eau et d’énergie adaptés, alors la transition vers une économie durable est au contraire assurée.
Le surcoût du scénario du basculement par rapport à celui de l’inertie est jugé tout à fait supportable au regard du coût de 4,4 % du PIB mondial des effets dommageables de l’actuel modèle économique.
Le rapport « Stern-Calderon » conclut par conséquent à un plan d’action mondial reposant sur les dix propositions suivantes :
– une intégration de l'impact du changement climatique dans toutes les décisions économiques, publiques et privées ;
– la signature d’un accord mondial sur le climat ambitieux et équitable ;
– la suppression des subventions aux énergies fossiles qui s’élèvent à plus de 460 milliards d’euros, un montant six fois supérieur aux aides consenties aux énergies renouvelables ;
– la mise en place d’une taxation ou tarification suffisamment forte des émissions de CO2 au niveau mondial ;
– l’octroi d’avantages financiers aux investissements « bas carbone » ;
– le triplement des dépenses de recherche et de développement en faveur des technologies propres ;
– une modification profonde de la conception des villes, de manière qu’elles soient beaucoup plus denses et donc moins consommatrices d’énergie ;
– l’arrêt de la déforestation d’ici à 2030 ;
– la restauration d’au moins 500 millions d’hectares dégradés, soit environ 12 % des terres agricoles, d’ici à 2030, ce qui permettrait de nourrir en principe 200 millions de personnes supplémentaires à la même échéance ;
– la renonciation, au niveau mondial, à l’utilisation du charbon.
Les plus emblématiques sont naturellement celles de la fixation à un niveau suffisant du prix du carbone pour orienter les décisions d’investissement vers les choix les moins émetteurs de gaz à effet de serre et la renonciation au charbon.
Le 21 septembre dernier, le Global Carbon Project a présenté la problématique d’ensemble de la lutte contre le changement climatique selon l’approche dite du « budget carbone ».
Le constat est le suivant. Pour tenir l’objectif d’une limitation à 2° Celsius de l’augmentation des températures par rapport à l’ère préindustrielle, l’humanité ne dispose plus que d’une quantité limitée de gaz à effet de serre à émettre.
La question est donc celle de la répartition de ce « budget carbone ».
Plus précisément, selon une étude collective, dont le premier auteur est M. Pierre Friedlingstein de l’université d’Exeter (Royaume-Uni), publiée par la revue Nature Geoscience le 21 septembre dernier, le capital total qui pouvait être émis initialement est de 3 200 milliards de tonnes de CO2 pour avoir deux chances sur trois de rester sous le seuil des 2 °Celsius.
Depuis la Révolution industrielle, environ 2.000 milliards de tonnes ont déjà été émis.
Il en reste donc 1.200 à émettre, soit trente-trois ans d'émissions mondiales au niveau de celles de 2013. L’échéance est donc pour 2046.
La question clef est celle de la répartition de ce « reste à émettre ».
Trois scénarios de référence sont étudiés : les deux extrêmes et leur milieu.
Le premier, fondé sur l’inertie, le répartit selon les émissions actuelles des pays.
Dans ce cas, la Chine, qui a été responsable de 28 % des émissions mondiales en 2013, recevrait 28 % des ultimes 1 200 milliards de tonnes de CO2. De même, les Etats-Unis, ayant émis en 2013 19 % du CO2 mondial, se verraient attribuer 19 % des derniers 1 200 milliards de tonnes. L’Union européenne disposerait d’un quota de 13 %, l’Inde de 6 % et le reste du monde de 37 %.
Le second scénario est fondé sur une répartition égale des émissions possibles par personne, par tête d’habitant. Dans ce cas, la Chine recevrait 17 %, l’Inde 19 %, les Etats-Unis 4 % et l’Union européenne 7 %. Le reste du monde se verrait allouer 53 %.
Aucun de ces scénarios n’est réaliste : le premier car il n’incite pas à la transition énergétique ; le second car il impose des contraintes insurmontables aux pays développés.
Ainsi les Etats-Unis devraient-ils réduire leurs émissions de 15 % par an, la Chine de 10 % par an et l’Union européenne de 6 % par an.
Le scénario intermédiaire fondé sur une ventilation par moitié entre les deux hypothèses extrêmes est plus réaliste : 22 % pour la Chine, 11 % pour les Etats-Unis, 10 % pour l’Union européenne et 12 % pour l’Inde, ainsi que, par conséquent, 45 % pour le reste du monde.
Néanmoins, il reste lui aussi assez théorique car il ne tient pas compte de l’essentiel, à savoir de la manière dont vont se diffuser les innovations technologiques nécessaires à la décarbonation de l’économie. Celles-ci concerneront davantage les pays en fonction de leur niveau de développement que de leur peuplement.
Les premières économies qui seront décarbonées le seront avant l’échéance de 2044 et n’auront plus besoin de quota.
Toute l’alchimie du futur accord climatique consiste donc à ce que les mécanismes d’engagements des Etats aboutissent à l’un de ces scénarios intermédiaires.
Un article, également publié en septembre, par la revue Nature Climate Change, et dont Mme Corinne Le Quéré, directrice du Tyndall Centre de l'université d’East Anglia, est la première co-auteure, démontre la nécessité d’un accord climatique et d’entreprendre des actions correctrices dès maintenant.
En effet, en l'absence de politique climatique, 200 milliards de tonnes de CO2 seront encore émises d’ici 2020 et, comme le niveau des émissions aura augmenté, la totalité du « capital carbone » sera alors épuisée sur vingt ans, soit en 2041.
F. UNE NÉGOCIATION QUI S’ANNONCE TRÈS DIFFICILE ET QUI DÉPEND BEAUCOUP DES ENGAGEMENTS QUI SERONT PRIS PAR LA CHINE ET PAR LES ETATS-UNIS
La session de négociation organisée en juin dernier à Bonn, a confirmé qu’une très large majorité des 196 Etats parties (CCNUCC) manifeste sa volonté d’aboutir à un résultat à Paris en 2015, malgré la permanence de divergences sur le contenu du futur accord. Le Sommet de New York a étayé ce constat.
La plupart des pays apporteront leur soutien à l’objectif commun entériné à la conférence de Cancun en 2010 de limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale en-dessous de 2° Celsius par rapport à l’époque pré-industrielle. Cependant, le groupe réunissant les pays africains, de même que les pays les moins avancés et l’Alliance des petits États insulaires militent en faveur d’un renforcement de cet objectif en demandant de le fixer à 1,5°C.
Par ailleurs, et c’est un autre élément essentiel de convergence, beaucoup de grands pays émetteurs voient aujourd’hui dans l’économie sobre en carbone, une voie crédible de développement. La Chine a ainsi fait de la « civilisation écologique » un de ses objectifs explicites. Elle est devenue le premier marché mondial pour les énergies renouvelables. Son dernier plan quinquennal actuel (2011-2015) fixe pour la première fois un objectif de réduction de l’intensité carbonique (émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB) de son économie (- 17 % sur la période). Elle a annoncé son intention de mettre en place un marché national du carbone d’ici 2020, sur la base des expérimentations en cours. Du fait de l’importance croissante de la pollution de l’air, le gouvernement chinois voit des co-bénéfices à lutter contre le dérèglement climatique, et l’opinion publique chinoise se mobilise de plus en plus sur ce sujet.
Aux Etats-Unis, le président Obama, qui avait pris à la conférence de Copenhague en 2009 le premier engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre américaines, a annoncé en juin 2013 un plan d’action sur le climat qui prévoit plusieurs mesures réglementaires à défaut d’avoir pu faire adopter une législation introduisant un marché carbone. L’administration américaine a notamment proposé de fixer un objectif de réduction de 30 % en 2030 par rapport à 2005 des émissions de gaz à effet de serre issues de la production électrique. Ce serait une mesure importante. Les Etats-Unis ont également renforcé leur coopération avec la Chine et l’Inde dans ce domaine.
Tout en restant très attaché au respect du principe de « responsabilités communes mais différenciées », le Brésil agit à titre national : il est en voie de tenir son objectif de réduction de 80 % de la déforestation entre 2005 et 2020.
L’Islande, le Costa Rica et des petites îles vulnérables comme les Maldives se sont engagés sur la voie de la neutralité carbone. Ce sont là quelques exemples : au total, près d’une centaine de pays ont annoncé des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
C’est dans ce contexte assez positif que de nombreux Etats parties préparent actuellement leur contribution à l’accord de Paris, attendue pour le printemps 2015. Celle-ci devrait, entre autres éléments, contenir leur objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si certains Etats ne seront pas en mesure de présenter une contribution durant le premier trimestre 2015 (notamment en raison d’échéances électorales ou de procédures internes), un grand nombre devrait respecter ce délai.
Ce devrait notamment être le cas des deux plus grands émetteurs, les Etats-Unis et la Chine. La Chine a évoqué en septembre dernier la fixation d’un pic des émissions aussi tôt que possible.
L’Union européenne, forte de l’adoption du cadre énergie-climat 2030, les pays du groupe dit « de l’intégrité environnementale » (Suisse, Mexique, Corée du Sud, Liechtenstein, Monaco) ou encore la Norvège, œuvrent pour jouer un rôle constructif dans les négociations climatiques et défendent des positions ambitieuses, c’est-à-dire la fixation d’objectifs de réduction des émissions aussi élevés que possible et compatibles avec une hausse de la température limitée à 2°Celsius.
Certains pays développés tels que le Canada, le Japon ou l’Australie, se montrent en revanche plus réservés.
De même, au sein du groupe hétérogène dit des « BASIC » (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine), certains restent hésitants à s’imposer des contraintes qu’ils jugent trop fortes et qui pourraient selon eux brider leur développement, alors que d’autres se montrent plus ouverts.
L’un des points sensibles de la négociation du futur accord concerne la prise en compte d’une notion d’équité entre les pays. Beaucoup de pays développés et en développement souhaitent en effet dépasser le système binaire d’obligations inscrit dans la convention, dans lequel les pays émergents sont répertoriés parmi les pays en développement exemptés d’obligations juridiques en matière de lutte contre le changement climatique. Mais la plupart de ces pays considèrent que les contraintes juridiques doivent s’appliquer aux pays développés afin qu’ils honorent leur « dette carbone » passée.
La question du soutien aux pays en développement, qu’il s’agisse des financements alloués à la lutte contre le dérèglement climatique, des transferts de technologies ou encore de l’appui spécifique à apporter aux pays les plus vulnérables pour l’adaptation, fait également l’objet de discussions. Les pays les moins avancés et ceux du Groupe « Afrique » demandent que les montants financiers prévus soient accrus. Une capitalisation suffisante du Fonds vert constitue un objectif prioritaire, auquel la France a fortement contribué en décidant d’y allouer un milliard de dollars.
Enfin, des divergences subsistent quant à la manière de mettre en œuvre les mesures sectorielles et volontaristes de lutte contre le changement climatique en dehors du cadre de la convention cadre des Nations Unies.
Les deux discours les plus attendus lors du Sommet climat de New York étaient ceux des Etats-Unis et de la Chine.
Pour les Etats-Unis, le président Obama a reconnu la responsabilité de son pays dans le réchauffement climatique, mais a souligné que l’ampleur du problème exige un effort de tous les Etats. Il a aussi appelé la Chine et les Etats Unis - qui représentent à eux deux 42 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre - à jouer un rôle directeur. Il a aussi confirmé que la contribution américaine serait bien présentée début 2015, ce qui est essentiel, et a également rappelé que les initiatives récentes et en cours de son Administration ont considérablement réduit les émissions américaines.
En revanche, le président Obama ne s’est pas engagé sur la contribution américaine au Fonds vert, mais a annoncé deux initiatives en faveur des pays du Sud. La première vise à rendre tous les programmes internationaux des Etats-Unis compatibles avec l’objectif d’adaptation ; la seconde tend à créer une aide pour réagir aux catastrophes naturelles.
La position des Etats Unis vient d’être précisée par l’intervention à l’Université de Yale, le 14 octobre dernier, de M. Todd Stern, envoyé spécial des Etats-Unis pour le changement climatique sous le titre: Seizing the Opportunity for Progress on Climate.
Dans son discours, M. Stern met en lumière les lignes directrices de la politique américaine pour la conférence Paris Climat 2015.
Les points saillants sont les suivants, selon les éléments transmis par l’Ambassade des Etats-Unis à Paris.
Les Etats-Unis espèrent que la conférence aboutira à un accord ambitieux, qui mettrait en place une structure internationale durable sur la question climatique pour les décennies à venir. L’accord doit être équitable et inclure un maximum de pays.
L’accord doit être fondé sur des contributions déterminées au niveau national (« nationally determined commitments »), ce qui permettra aux Etats de prendre des engagements réalistes correspondant à leurs capacités et qu’ils sont actuellement préparés à mettre en œuvre.
Les Etats mettent en avant leurs contributions entre six et neuf mois avant la Conférence de Paris, afin de permettre une période de consultation et d’évaluation pour encourager des contributions aussi ambitieuses que possible.
Une mise à jour des contributions sera opérée tous les cinq ans.
Concernant le cadre juridique de l’accord, la proposition actuelle de la Nouvelle-Zélande est très intéressante.
Les Etats-Unis soutiennent le principe de responsabilités communes mais différenciées. La proposition de contributions déterminées au niveau national est pleinement en accord avec ce principe : chaque Etat prend des engagements de réduction des émissions qui correspondent à ses capacités et à ses circonstances. Mais le nouvel accord qui reflète les réalités économiques, politiques et environnementales de la prochaine décennie et au-delà. Il n’existe aucune justification pour préserver les catégories fixées dans l’Annexe 1 de la CNUCC dans la détermination des responsabilités que prendront les Etats dans l’accord de 2015, un accord qui définira l’avenir du système climatique international pour les décennies à venir.
Sur le volet adaptation, l’accord doit appeler les Etats signataires à intégrer la résilience aux effets du changement climatique dans leurs processus de développement national, et souligner l’importance de la finalisation par les pays signataires de plans d’adaptation nationaux clairs et efficaces.
Sur le volet financement, les autorités américaines estiment qu’il est dans l’intérêt national des États-Unis et des autres pays développés d’assister les pays les plus pauvres dans l’augmentation de leur résilience aux effets du changement climatique, et dans la construction d’économies bas-carbone.
Enfin, l’accord de 2015 doit appeler les pays signataires à réaffirmer l’importance du support financier pour les pays les plus pauvres, à mettre en place des plans nationaux d’adaptation et de développement bas-carbone y compris en attirant les flux d’investissements privés et à mettre un terme aux subventions pour les énergies fossiles, lesquelles sont estimées à plus de 500 milliards de dollars par an.
Pour la Chine, le Vice-Premier ministre, M. Zhang Gaoli a lui-aussi rappelé à New-York les actions en cours au niveau national pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, mais a surtout souligné la détermination de son pays à remplir ses obligations internationales en tant que pays majeur responsable.
Trois éléments ont été plus particulièrement importants.
D’abord, la Chine a annoncé la réduction de ses émission de carbone « le plus tôt possible », mais sans fixer de date. Cette annonce d’une annonce n’est guère précise, mais elle est essentielle car une fois que le principal émetteur aura franchi son pic d’émissions, alors la décarbonation sera bien mieux engagée au niveau mondial.
Ensuite, le Vice-Premier ministre a évoqué les conditions de la Chine à un accord : le respect du principe de responsabilités communes mais différenciées comme de la totalité des engagements notamment financiers de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC).
Enfin, M. Zhang Gaoli a annoncé le lancement d’un fonds de coopération Sud-Sud sur le climat, faiblement doté, de 200 millions de yuans (30 millions de dollars), et un soutien supplémentaire de 6 millions de dollars des efforts du Secrétaire général de l’ONU pour les pays engagés dans la lutte contre le changement climatique.
Plusieurs questions clefs se posent sur la teneur du futur accord et font déjà l’objet de travaux et de discussions.
Celles-ci concernent d’abord les éléments essentiels de l’accord, lesquels pourront toujours être ultérieurement complétés par des décisions d’application.
Parmi ces éléments indispensables à l’accord, il y a naturellement les engagements nationaux d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, qui en constitueront le cœur et dériveront des « contributions nationales », attendues au premier trimestre 2015. La démarche de l’accord est du bas vers le haut selon le principe dit du « bottom up ».
La principale question est celle du statut des engagements chiffrés. Deux solutions sont possibles : soit un accord de principe sur un ensemble de règles avec, à part, des contributions nationales, ce qui est la position des Etats-Unis ; soit un accord avec en annexe les contributions des différents pays, ce qui est la position européenne, sachant que ces annexes seraient légalement contraignantes.
C’est cette deuxième hypothèse que contestent notamment les Etats-Unis et la Chine, et aussi la Nouvelle-Zélande, entre autres. La Chine est ainsi attachée à des engagements contraignant sur le plan interne et non international à ce stade, et il est certain que sur une telle question de principe, les Etats-Unis ne peuvent que rester attachés au principe d’égalité des Parties, sans non plus méconnaître les contraintes inhérentes à la ratification de certains traités par le Sénat à la majorité des deux tiers, selon leur contenu.
La proposition de la Nouvelle-Zélande, estimée comme on l’a vu, très intéressante par les Etats-Unis, suggère que l’accord inclurait des obligations juridiquement contraignantes sur la présentation d’un calendrier de réduction des émissions, les mesures de notification et de vérification des progrès réalisés, de même que la mise à jour périodique de ce calendrier. Par contre, les contributions de réductions des émissions pour chaque Etat ne seraient pas juridiquement contraignantes sur le plan international.
A l’arrière-plan, il y a aussi la pertinence de la distinction entre les pays de l’annexe 1 à la CNUCC, les pays anciennement développés, ceux du Protocole de Kyoto, avec en outre les Etats-Unis et autres non engagés pour des raisons similaires, et les autres, les pays en développement. Cette distinction commande les modalités de l’application du principe des responsabilités communes mais différenciées.
Un autre débat porte sur les principes de transparence et de comptabilité des réductions d’émissions entreprises, qui devront être également définis le plus clairement possible.
L’accord devra également comprendre un cadre de coopération pour l’adaptation des pays, notamment les plus vulnérables, la diffusion des technologies bas carbone, et la facilitation des investissements requis.
C’est notamment l’intégration de la question de la résilience, c’est-à-dire des mesures permettant aux pays de surmonter les défis météorologiques nouveaux en en réparant le plus aisément possible les dommages.
L’accord devra enfin être flexible et évolutif, pour refléter à la fois la complexité du monde et son évolution économique, sociale et technologique depuis 1992, date de la signature de la CCNUCC. La discussion concerne notamment l’échéance de la révision des contributions nationales. Comme on l’a vu, les Etats-Unis souhaitent un rythme quinquennal.
Ainsi, pour dépasser les conceptions normatives (top down) ou uniquement participatives (bottom up) utilisées par le passé, l’accord pourrait être fondé sur une architecture hybride, reposant, d’une part, sur la détermination par les pays de leurs propres engagements, et, d’autre part, sur un ensemble de règles applicables à tous et de principes communs visant notamment la transparence et le renforcement progressif de ces engagements. Une certaine souplesse sera donc vraisemblablement privilégiée dans l’accord, afin de faciliter un renforcement de l’ambition des États à mesure qu’ils se développent, et les différents éléments de l’accord pourront être de nature juridique différente.
En outre, certains grands mécanismes créés pour soutenir la mise en œuvre des engagements des pays en développement, comme le mécanisme technologique, le mécanisme d’adaptation ou encore le Fonds vert, ont des liens juridiques différents avec la Conférence des Parties. L’accord de Paris devra donc prévoir des synergies avec ces mécanismes, afin de faciliter le développement bas carbone des pays concernés.
La troisième grande question est celle des contributions des acteurs non gouvernementaux à la dynamique d’ensemble, et en fait de l’association ou de l’implication des acteurs de la société civile à la gouvernance globale du climat.
Deux hypothèses sont envisageables : soit ces contributions non étatiques seront complètement séparées ; soit elles seront incluses dans l’accord.
Elles font déjà partie du processus puisqu’elles correspondent, comme on l’a vu, au workstream 2.
Cependant, certains pays en développement sont hostiles à l’inclusion car ils y voient le moyen pour les Etats développés de s’abstenir de leurs obligations.
En fait, il s’agit d’un faux débat, car les engagements de réduction des émissions des Etats ne valent que si les entreprises et les autres acteurs établis sur leurs territoires font les actions nécessaires pour atteindre cet objectif.
Il s’agit bien comme on l’a vu d’un complément et non d’un substitut.
L’accord pourrait ainsi reconnaître et encourager les efforts engagés par les États et les composantes de la société civile (entreprises, villes, ONG..) dans le cadre de la Convention (contributions nationales avancées par les Etats eux-mêmes) ou en dehors de celle -ci (initiatives internationales mises en œuvre par tous les acteurs, étatiques ou non). Le sommet organisé par le Secrétaire général des Nations unies le 23 septembre dernier a, comme on l’a vu, mis à l’honneur les coopérations les plus prometteuses mises en œuvre par des acteurs étatiques et non-étatiques.
La dernière question est celle des moyens financiers et fait l’objet d’un traitement à part.
De manière justifiée, les pays du Sud estiment ne pas pouvoir effectuer sans l’aide des pays riches la transition énergétique qu’implique le futur accord climatique.
Les pays du Nord se sont donc engagés politiquement à une montée en puissance de l’aide qui doit atteindre 100 milliards de dollars par an à l’horizon 2020, lors de la conférence de Copenhague, la COP 15, en 2009.
Cet engagement a été inscrit dans la décision de la COP 16 de Cancun en 2010, qui a également créé le Fonds vert.
C’est en effet autour de lui que s’articule cet « objectif consistant à mobiliser ensemble 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement ».
Sans reprendre les éléments mentionnés dans le rapport n° 2202 précité, on peut considérer que les financements actuellement mobilisés ne sont pas suffisants, avec pour l’instant, 56 milliards de promesses de contribution tous financeurs confondus.
Pour le seul Fonds vert, les annonces de contribution des Etats sont les suivantes : Allemagne : 750 millions d'euros (près d'un milliard de dollars) ; France: un milliard de dollars ; Suède: 4 milliards de couronnes suédoises (550 millions de dollars) ; Suisse: 100 millions de dollars ; Corée du Sud : 100 millions de dollars ; Danemark: 70 millions de dollars ; Norvège: 33 millions de dollars ; Mexique: 10 millions de dollars ; Luxembourg : 6,8 millions de dollars ; République tchèque: 5,5 millions de dollars.
Le total est à près de 2,875 milliards de dollars.
Il est clair que la communauté internationale doit faire un effort accru de solidarité
e. Un élément supplémentaire à ajouter impérativement au débat et même à l’accord : l’innovation technologique pour bien appuyer la lutte contre le changement climatique sur une nouvelle révolution énergétique
De manière malheureusement récurrente, la question climatique est trop souvent abordée de manière indépendante de la question énergétique dont elle n’est cependant que la conséquence, comme on l’a vu au I.
Or, de même que la révolution énergétique a permis la Révolution industrielle grâce à la combustion des sources d’énergie fossiles issue des acquis de la physique et de la chimie tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, c’est la dynamique technologique qui est en cours qui va permettre la décarbonation de l’énergie de même que la maîtrise de sa consommation.
Comme l’a indiqué Mme Laurence Tubiana au Rapporteur, la comparaison des scénarios de prospective des différents pays est extrêmement intéressante, car elle révèle la manière dont les différents pays se projettent dans l’avenir.
Il est essentiel que ce volet soit pris en compte dans les débats et dans l’accord car les trois éléments essentiels de la décarbonation, à savoir le stockage de l’électricité, le rendement des technologies renouvelables qui ne sont pas encore arrivées à maturité et font encore des progrès technologiques, comme le solaire, mais pas l’éolien, et le captage et la séquestration du CO2, qui ne dépend pas que du seul prix du carbone, doivent en effet faire l’objet d’une vision partagée au niveau de l’ensemble des pays.
Dans ces trois domaines clefs, il y a de la part des chercheurs comme des entreprises une vision stratégique de long terme, mais partielle, qu’il appartient au futur accord de parvenir à agréger et structurer dans le cadre d’une vision collective, stratégique, globale et partagée à l’échelle de la planète et pour plusieurs décennies.
CONCLUSION DU RAPPORTEUR
La question la plus difficile qui se pose actuellement et à laquelle tous les interlocuteurs du Rapporteur n’ont d’ailleurs pas donné la même réponse, est celle des critères de succès de la conférence de Paris.
Cette question va être en permanence à l’esprit de ceux qui vont œuvrer pour contribuer à sauver la Planète durant les 400 jours qui restent avant cette échéance essentielle.
L’impossibilité d’envisager un seul instant un quelconque plan B implique qu’il y ait un accord à Paris et que celui-ci soit crédible, en ce qu’il engage l’économie mondiale sur la voie de la maîtrise puis de la décroissance des émissions de gaz à effet de serre, et ensuite de l’inéluctable décarbonation.
Cette crédibilité repose d’abord sur l’engagement des principales économies de la planète, des principaux émetteurs. C’est déjà fait pour l’Union européenne, qui ne se départit pas de son rôle d’éclaireur et de pionnier. Cela reste à faire pour les autres. Ni la Chine ni les Etats-Unis ni aucun grand émergent, et l’on pense à l’Inde ou au Brésil, ne pourront rester en dehors ou en marge de l’accord sans entamer cette crédibilité.
Elle exige aussi sur un dispositif qui n’engendre pas des exigences formelles trop fortes pour un grand Etat. Pour autant qu’elles soient fondées, les contraintes institutionnelles des Etats-Unis ne peuvent être méconnues. Rien ne serait pire qu’une nouvelle manifestation du syndrome du traité de Versailles. La Chine aussi a semble-t-il, pour d’autres raisons, une même difficulté à translater au niveau international une obligation nationale impérative.
Elle repose enfin et surtout, et c’est ce qui balaiera toutes les réticences, sur la capacité du texte à dégager une perspective chronologique d’ensemble, un chemin de franchissement du pic d’émissions et de transformation de l’économie qui s’appuie sur une vision construite du progrès technologique et de son articulation avec les financements et les transferts de capacités vers les pays en développement.
De ce point de vue, l’association, la coordination et la mise en harmonie dans un cadre structuré des capacités de la société civile, notamment des entreprises, des collectivités locales et des ONG s’avèrent essentielles.
À l’issue de l’audition, le 6 novembre 2014, en commission élargie, de Mme Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie (1), la commission des affaires étrangères examine, pour avis, les crédits pour 2015 des programmes « Ecologie, développement et mobilité durables », sur le rapport de M. Pierre-Yves Le Borgn’.
Suivant l’avis du rapporteur, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 32 du projet de loi de finances pour 2015.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
– Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, représentante spéciale pour la conférence Paris Climat 2015 ;
– Mme Véronique Aulagnon, conseillère organisations internationales, Nations Unies, G 8, climat, Droits de l'Homme au cabinet du ministre des Affaires étrangères et du Développement international ;
– Mme Sylvie Lemmet, directrice des affaires européennes et internationales du ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, ainsi que M. Benoît Piguet, conseiller du Secrétaire général et M. Pascal Dupuis, chef du service du climat et de l'efficacité énergétique de la direction générale de l’énergie et du climat.