N° 2264 tome VII - Avis de M. Bernard Perrut sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)


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N° 2264

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2015,

TOME VII

TRAVAIL ET EMPLOI

FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT
ET DE LA MODERNISATION DE L’APPRENTISSAGE

Par M. Bernard PERRUT,

Député.

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Voir les numéros : 2234, 2260 (annexe n° 47).

SOMMAIRE

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Pages

I. UNE PROFONDE RÉFORME DU FINANCEMENT DE L’APPRENTISSAGE QUI MODIFIE CONSIDÉRABLEMENT LA CONFIGURATION DU CAS FNDMA 7

A. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DE L’APPRENTISSAGE MENÉE PAR LE GOUVERNEMENT 7

1. Des mesures défavorables à l’apprentissage qui expliquent largement sa décrue 7

2. La réforme de la taxe d’apprentissage 9

a. La situation ex ante 10

b. Le financement après réforme 12

B. UNE PROFONDE RECONFIGURATION DU CAS FNDMA 16

1. La configuration préexistante du CAS 17

2. Le CAS « nouvelle version » 19

II. LA NÉCESSITÉ D’UNE AMBITION À LA HAUTEUR DES ENJEUX, QUI DOIT ENCORE ÊTRE CONFIRMÉE 21

A. DES MESURES TRÈS DÉFAVORABLES QUI SE LISENT DANS LES CHIFFRES D’ENTRÉES EN APPRENTISSAGE 22

1. Des freins à l’apprentissage identifiés de longue date, qui se doublent d’une série de mesures défavorables… 22

a. La nouvelle réglementation relative à l’accès aux machines dangereuses des apprentis mineurs 22

b. Les lacunes du système scolaire en partie responsables des problèmes de l’apprentissage 23

c. Le chevauchement des dispositifs en faveur des jeunes, en particulier des emplois d’avenir 26

2. …qui expliquent en grande partie la chute constatée à partir de 2013 26

B. UNE AMBITION QUI DOIT ÊTRE PLUS FORTE POUR PARVENIR AUX OBJECTIFS FIXÉS 28

1. L’école et l’entreprise : deux mondes qui restent aujourd’hui trop éloignés, ce dont pâtit fortement l’apprentissage 28

2. Valoriser l’apprentissage suppose de valoriser l’apprenti comme son tuteur 30

3. Valoriser l’apprentissage auprès des entreprises 32

TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 35

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 45

INTRODUCTION

Le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS FNDMA) traduit, pour l’exercice 2015, les profondes modifications qui ont affecté la politique de l’apprentissage au cours des deux dernières années. La réforme de la taxe d’apprentissage se traduit en particulier par une très importante majoration des recettes du CAS pour 2015, à la faveur de l’affectation aux régions d’une fraction de 51 % de la nouvelle taxe d’apprentissage qui réunit les deux contributions préexistantes, qui devrait représenter un total de 1,49 milliard d’euros en 2015, contre des recettes à hauteur de 774 millions d’euros pour le CAS au titre de 2014.

Le périmètre du CAS est également appelé à évoluer profondément en 2015 : il retracera désormais uniquement les modalités de la répartition, au niveau régional, de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage avec une part fixe qui maintient pour chaque région le montant des ressources précédemment affectées au titre de la taxe d’apprentissage comme au titre de la compensation des compétences transférées aux régions et en particulier des primes d’apprentissage qu’elles versent, et une part dynamique, destinée à assurer une péréquation entre les régions. Disparaissent donc les sommes jusqu’alors allouées aux contrats d’objectifs et de moyens (COM), qui ont logiquement été supprimés par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, en raison de l’affectation directe aux régions d’une fraction de la taxe d’apprentissage à compter du 1er janvier 2015. Disparaissent également du périmètre du CAS les sommes jusqu’alors allouées au titre du « bonus alternants », ce dernier ayant été transformé en réduction de taxe d’apprentissage, autrement dit, en mesure d’assiette ; ainsi que le financement des centres de formation d’apprentis (CFA) à recrutement national, dont le transfert aux régions a également été organisé dans le cadre de la loi du 5 mars 2014.

À la faveur de la réforme du financement de l’apprentissage, la question du maintien du CAS pouvait se poser. En effet, dès lors que celui-ci ne retrace plus que la fraction de la taxe d’apprentissage affectée aux régions, l’existence d’un compte spécial dédié ne paraît plus absolument indispensable : on pourrait en effet tout à fait concevoir que cette affectation soit opérée directement, comme le sont beaucoup d’autres recettes fiscales aux collectivités territoriales. Néanmoins, il a paru opportun de conserver le principe d’un compte spécial, qui permet de conserver une plus grande lisibilité des modalités de répartition entre les régions de la ressource pour l’apprentissage qui leur est affectée, et en particulier, de l’ampleur de la péréquation ainsi opérée. Votre rapporteur pour avis approuve en tout cas le choix du maintien de cette présentation budgétaire, qui permet aussi au Parlement d’assurer le suivi nécessaire de la mise en œuvre de la réforme du financement de l’apprentissage.

Ce suivi est d’autant plus nécessaire que les paramètres du soutien financier à l’apprentissage ont également été largement revus depuis 2013, avec la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) et son remplacement par une prime de 1 000 euros réservée aux seules entreprises de moins de 11 salariés, ainsi que par le resserrement du crédit d’impôt apprentissage. Ces mesures, intervenues dans un contexte de l’emploi déjà difficile, ont donc entraîné les conséquences que l’on connaît, à savoir une chute des entrées en apprentissage de plus de 8 % en 2013 et de l’ordre de 14 % sur les premiers mois de l’année 2014.

À l’été, néanmoins, le Gouvernement est en partie revenu sur ce désengagement, en promettant le rétablissement d’une prime aux employeurs d’apprentis et en annonçant une série de dispositions destinées à lever les freins au recours à l’apprentissage pour les apprentis et les employeurs et à adapter l’offre d’orientation et de formation aux besoins de développement de l’apprentissage. Si la plupart des mesures ainsi annoncées sont très positives, il semble nécessaire d’aller plus loin, mais surtout de stabiliser les règles encadrant l’apprentissage - en particulier sur le plan des incitations financières -, si l’on souhaite parvenir à l’objectif de 500 000 apprentis à l’horizon 2017.

Le recul important des entrées en apprentissage enregistré depuis 2013 n’est pas sans lien avec la réforme des incitations financières à l’apprentissage qui a été initiée par le Gouvernement fin 2013.

Au motif que certaines aides bénéficiant à l’apprentissage n’étaient pas assez ciblées et étaient insuffisamment incitatives, la loi de finances pour 2014 (1) a en effet procédé à deux modifications majeures.

● Elle a tout d’abord resserré les conditions d’accès au crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, mis en place en 2005, et qui bénéficiait aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, à hauteur de 1 600 euros par apprenti dont le contrat a atteint une durée d’au moins un mois dans l’entreprise : ce crédit d’impôt est, depuis cette année, limité aux entreprises qui embauchent des apprentis dans la première année d’une formation et pour la préparation d’un diplôme de niveau inférieur ou égal à bac+2. Un dispositif transitoire est prévu pour les crédits d’impôt calculés en 2013, afin de permettre aux entreprises de continuer à bénéficier d’un avantage pour ces contrats au titre des deuxième et troisième années de cycle de formation et pour les diplômes de niveau supérieur à bac+2, à hauteur de 800 euros par contrat. Au total, d’un coût du crédit d’impôt dans sa version antérieure estimé à 530 millions d’euros en 2014, le coût du nouveau dispositif était estimé à 412,6 millions d’euros en 2014, et 295 millions d’euros les années suivantes, soit une économie de 117,4 millions d’euros en 2014 et de 235 millions d’euros les années suivantes.

● La loi de finances pour 2014 a ensuite substitué à l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) égale à au moins 1 000 euros par apprenti recruté et pour chaque année du cycle de formation une nouvelle prime de 1 000 euros par apprenti et par année de formation, versée comme l’ICF par les régions, mais aux seules entreprises de moins de 11 salariés. De la même manière que pour le crédit d’impôt, un dispositif transitoire a été mis en place pour les contrats conclus avant le 31 décembre 2013, qui prévoit le maintien de l’ICF pour la première année de formation, puis, pour les deuxième et troisième années de formation, une prime de 1 000 euros par apprenti pour les entreprises de moins de 11 salariés, et pour les entreprises de plus de 11 salariés, une prime de 500 euros pour la deuxième année de formation et de 200 euros pour la troisième année de formation.

Au total, la suppression “en sifflet” de l’ICF et la montée en charge de la nouvelle prime aux seules entreprises de moins de 11 salariés généraient un coût de 431 millions d’euros pour 2014 (au lieu de 550 millions d’euros sous le régime de l’ICF), qui se réduit progressivement avec la sortie de l’ancien régime de primes pour s’établir à 231 millions d’euros à horizon 2017. Pour 2014, le coût de la réforme des “primes” à l’apprentissage a été assuré par :

– la mobilisation d’une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à hauteur de 117 millions d’euros, gagée pour l’État par le recentrage du crédit d’impôt apprentissage ;

– 50 millions d’euros issus du fonds de roulement du CAS FNDMA ;

– et 264 millions d’euros issus du programme 103 de la mission Travail et emploi, par redéploiement de crédits, à hauteur de 200 millions d’euros au titre de la révision à la baisse de la prévision de dépense au titre du contrat de génération (20 000 contrats seulement signés en 2013 et 50 000 nouveaux contrats prévus en 2014, contre une prévision initiale de 100 000), et de 64 millions d’euros sur les exonérations de cotisations sociales des contrats d’apprentissage, grâce à un ajustement technique de l’assiette de calcul des exonérations ARRCO.

Pour 2015, c’est l’article 13 du présent projet de loi de finances qui doit assurer l’essentiel de la compensation aux régions du coût de la réforme des “primes” à l’apprentissage, par le biais de l’affectation d’une fraction de TICPE à hauteur de 255 millions d’euros. Cette somme est complétée par la mobilisation de 23,5 millions d’euros au titre de la dotation de décentralisation, sur le programme 103 de la mission Travail et emploi.

La remise en cause pour le moins brutale des aides en faveur de l’apprentissage explique en grande partie l’attentisme dont ont fait preuve les entreprises vis-à-vis de l’apprentissage dans les deux dernières années. Non seulement les annonces faites dès l’été 2013 et qui se sont concrétisées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 ont conduit à une chute des entrées en apprentissage pour la campagne de l’automne 2013, mais le tout aussi brusque revirement opéré à l’été 2014, et réitéré lors des Assises de l’apprentissage du 19 septembre dernier, ne suffira sans doute pas à rétablir la confiance des employeurs à court terme.

● En effet, à la suite du Plan de relance de l’apprentissage présenté lors de la Grande conférence sociale des 7 et 8 juillet dernier, le principe d’une prime de 1 000 euros pour l’embauche d’un premier apprenti par les entreprises de moins de 50 salariés a été adopté dans le cadre du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 22 juillet dernier (2). Dans le cadre des Assises de l’apprentissage du 19 septembre dernier, les conditions pour bénéficier de cette prime ont été assouplies : elle devrait ainsi s’appliquer à toutes les entreprises de moins de 250 salariés et pour tout apprenti embauché (et non plus seulement pour le premier apprenti recruté). À compter du 1er juillet 2015, le bénéfice de la prime serait conditionné à la conclusion d’un accord de branche comportant des engagements en matière d’alternance. Cette mesure n’a toutefois pas encore trouvé de traduction législative ; elle devrait être présentée dans le cadre du débat sur le présent projet de loi de finances par le biais d’un amendement du Gouvernement. Son coût est estimé à 70 millions d’euros pour 2015, mais votre rapporteur pour avis n’a néanmoins pas obtenu d’éléments sur les modalités de financement de ce coût supplémentaire. En outre, il s’interroge sur la condition de conclusion d’un accord de branche pour bénéficier de la prime à partir de juillet 2015, dans la mesure où, par exemple, dans le secteur de l’artisanat, entre 20 et 30 % des entreprises ne relèvent d’aucune branche.

Votre rapporteur pour avis se réjouit de cette récente prise de conscience de l’importance du soutien financier à l’apprentissage. L’élargissement aux entreprises de moins de 250 salariés de la nouvelle prime de 1 000 euros en faveur de l’apprentissage est une bonne chose, car, rappelons-le, près de 85 % des contrats d’apprentissage sont le fait de ces entreprises. Il doute néanmoins de l’effet immédiat de cette nouvelle mesure sur les entrées en apprentissage : en effet, les entrées en apprentissage étant quasiment exclusivement réalisées en septembre ou octobre, la mesure, bien que rétroactive puisqu’elle s’appliquera aux contrats conclus depuis le 1er juillet 2014, n’aura a priori pas d’effet cette année. Il reste à espérer qu’elle suffira à rétablir la confiance des entreprises, et en particulier, des plus petites d’entre elles, pour la rentrée 2015.

Il faut enfin rappeler que la loi de finances rectificative pour 2014 a transformé le « bonus » alternants en incitation fiscale. Le « bonus » s’appliquait aux entreprises de plus de 250 salariés qui emploient plus de 4 % de jeunes en apprentissage, sous la forme d’une aide forfaitaire de 400 euros versée pour la proportion de salariés en alternance comprise entre 4 et 6 % de l’effectif annuel moyen. Cette aide spécifique a été remplacée par un dispositif de réduction de la taxe d’apprentissage, calculée selon la même formule que l’ancien « bonus alternants », mais qui ne pourra donc plus faire l’objet d’une restitution dans l’hypothèse où le montant de la réduction excéderait celui de l’impôt dû.

La réforme de la taxe d’apprentissage a été initiée à partir de la fin de l’année 2013 et devrait trouver son point d’aboutissement dans ce projet de loi de finances. Elle s’est déroulée en plusieurs étapes successives, et avait pour principaux objectifs d’une part de faire en sorte que davantage de taxe d’apprentissage soit bien affecté in fine à des formations en apprentissage et d’autre part, de renforcer le rôle des régions en matière de pilotage de la politique d’apprentissage.

Rappelons avant tout qu’avant réforme, la taxe d’apprentissage (TA), au taux de 0,5 % de la masse salariale, qui a représenté 1 960 millions d’euros de collecte et 1 929 millions d’euros finalement répartis en 2013, était divisée en deux fractions : le « quota » et le « hors quota ».

● Le « quota » est réservé au financement de l’apprentissage. En 2013, il représente 55 % de la taxe, soit 1 047 millions d’euros, et se divise lui-même en deux parties :

– une fraction de 33 %, soit 637 millions d’euros, de concours financiers aux centres de formation d’apprentis (CFA) et aux sections d’apprentissage (SA). Au-delà des versements obligatoires au CFA de l’apprenti, les fonds de cette fraction sont régis par le principe de libre affectation par les entreprises : à défaut d’un choix d’affectation par l’entreprise, il appartient aux organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage (OCTA) d’affecter ces « fonds libres » ;

– et une fraction de 22 %, soit 424 millions d’euros, dédiés au compte d’affectation spéciale FNDMA. Cette dernière fraction alimentait les fonds régionaux de l’apprentissage et de la formation professionnelle continue (FRAFPC) pour le financement des contrats d’objectifs et de moyens (COM) régionaux et la péréquation de la taxe d’apprentissage.

● Le « hors quota » également appelé « barème », qui représente 45 % de la taxe, soit 882 millions d’euros en 2013, est destiné au financement des premières formations technologiques et professionnelles, qu’elles se déroulent sous statut scolaire (lycées professionnels par exemple) ou sous statut d’apprentis en contrat de travail.

La contribution au développement de l’apprentissage (CDA), au taux de 0,18 % de la masse salariale, qui a représenté 750 millions d’euros en 2013, était directement affectée aux fonds régionaux de l’apprentissage.

La contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), due par les entreprises de plus de 250 salariés qui emploient moins de 4 % d’alternants, et dont le taux est progressif par rapport au nombre d’alternants employés, était intégralement affectée au compte d’affectation spéciale FNDMA pour le financement des COM régionaux et de la péréquation de la taxe d’apprentissage. Elle a représenté 235 millions d’euros en 2013. On notera que le seuil en deçà duquel ces entreprises sont assujetties à la CSA doit d’ailleurs passer à 5 % en 2015.

Il convient enfin de noter que les régions bénéficiaient également de la compensation de l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) par le biais d’une dotation budgétaire inscrite sur la mission Travail et emploi, à hauteur de 550 millions d’euros en 2013.

Le schéma de financement avant réforme est présenté par le graphique suivant, les montants afférents correspondant à l’exercice 2013.

● La loi de finances rectificative pour 2013 (3) a procédé à la fusion de la taxe d’apprentissage (TA) de 0,5 % de la masse salariale, et de la contribution au développement de l’apprentissage (CDA), de 0,18 % de la même assiette, en une taxe d’apprentissage unique, au taux de 0,68 %. Les modalités de répartition de la taxe faisaient l’objet d’un renvoi à un décret en Conseil d’État ; la loi se contentait de prévoir l’affectation aux régions d’une fraction minimale de 55 %, sans que la clé de répartition entre la deuxième fraction, du « quota », et la troisième fraction, du « hors quota » n’ait été clairement indiquée.

Cette loi a également réaffecté la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), taxe additionnelle à la taxe d’apprentissage qui pèse sur les entreprises de plus de 250 salariés qui emploient moins de 4 % d’alternants (5 % à compter de 2015), au financement des centres de formation d’apprentis (CFA) et des sections d’apprentissage (SA).

Dans sa décision n° 2013-684 DC du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a censuré pour incompétence négative l’ensemble des dispositions relatives aux règles d’affectation du produit de la taxe d’apprentissage, considérant que le législateur aurait dû encadrer les règles de cette répartition.

● La loi de finances rectificative pour 2014 (4) a donc remis en chantier la réforme, pour préciser les nouvelles modalités de répartition de la taxe d’apprentissage, en trois fractions distinctes :

– la première fraction, dédiée aux régions, est fixée à 51 % du produit de la taxe d’apprentissage, soit 1 491 millions d’euros au total. Elle a vocation à être complétée par une fraction de TICPE de 146 millions d’euros (5), pour atteindre 1 637 millions d’euros au total pour 2015, somme qui représente donc la nouvelle « ressource régionale pour l’apprentissage ».

Elle se décompose en deux parts : une part fixe, qui représente 1 544 millions d’euros pour 2015, est reversée entre les 26 régions et le département de Mayotte, les montants correspondant, pour chaque collectivité, à la somme des financements perçus antérieurement ; et une part variable, qui représente 92,91 millions d’euros pour 2015, correspondant à l’excédent du produit de la fraction régionale au-delà du montant de la part fixe, qui a vocation à être répartie entre les régions en fonction de critères prenant en compte les disparités régionales dans le versement de la taxe d’apprentissage, mais également l’évolution des effectifs régionaux d’apprentis inscrits dans les CFA et les SA et leur répartition dans les formations conduisant aux premiers niveaux de qualification (niveaux IV et V) et celles de niveau supérieur (post bac) ;

– la deuxième fraction, dite du « quota », est donc fixée à 26 % du produit total de la taxe, au lieu de 21 % comme cela était initialement prévu par le projet de loi (cf. supra) ;

– et la troisième fraction, dite du « hors quota » ou du « barème », est fixée à 23 % du produit de la taxe.

● Enfin, l’article 13 du présent projet de loi de finances apporte, souhaitons-le, son point final à cette laborieuse réforme de la taxe d’apprentissage, en prévoyant l’affectation aux régions d’une fraction de TICPE afin de compenser le manque à gagner résultant de la diminution de 56 à 51 % de la part du produit de la taxe d’apprentissage qui leur est affectée. Cette fraction est fixée à 146,27 millions d’euros pour 2015, et évoluera à compter de 2016 en fonction de l’évolution du rythme de la masse salariale privée de l’avant-dernière année. Cette règle d’indexation doit permettre d’assurer le dynamisme de cette recette, en l’alignant sur la dynamique d’évolution de la taxe d’apprentissage, elle-même assise sur la masse salariale.

Le nouveau schéma de financement, qui s’applique à compter de l’exercice 2015, est retracé par le graphique suivant.

Schéma de répartition en 2015 de la taxe d’apprentissage
























Au total, par rapport aux objectifs poursuivis, cette réforme de la taxe d’apprentissage conduit à maintenir inchangé le niveau de financement des régions. D’après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, les éléments mis sur la table sont de nature à les rassurer sur la réalité de la compensation dont elles pourront bénéficier par rapport à la situation avant réforme.

En revanche, s’agissant de l’objectif de flécher davantage de sommes issues de la taxe d’apprentissage aux formations en apprentissage, les observations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès des différents acteurs de la politique de l’apprentissage sont plus contrastées.

En effet, de nombreux interlocuteurs se sont montrés préoccupés par la réduction de la fraction du « hors quota », dont le périmètre a, qui plus est, été restreint dans le cadre de la loi du 5 mars 2014 (6) qui a procédé à la rénovation des listes de formations initiales technologiques et professionnelles et des organismes éligibles à un financement du « barème » de la taxe d’apprentissage. Après réforme, la part du « hors quota », fixée à 23 % de la taxe d’apprentissage refondue, soit 672 millions d’euros pour 2015, baisse donc fortement – de l’ordre de 100 millions d’euros - par rapport à l’ancien schéma de financement, dans lequel le « hors quota » pour ces mêmes formations représentait 773 millions d’euros (7). Les CFA ne seront plus éligibles à cette part du « hors quota » que pour le complément du concours financier obligatoire d’une entreprise qui a des apprentis aux CFA qui les forment, lorsque le montant de la part « quota » s’avérera insuffisant. Des craintes ont été formulées quant aux conséquences de cette diminution du « barème », qui est souvent interprétée comme une diminution du libre-choix des entreprises pour le financement des formations en apprentissage. Plusieurs acteurs ont également fait part de leurs craintes quant à la diminution du financement des formations de niveau supérieur, qui risquent de pâtir plus fortement de la baisse du « barème ».

En outre, s’agissant des CFA et des SA, leur financement sort a priori renforcé de la réforme menée, puisqu’ils bénéficieront désormais du « quota » à hauteur de 26 %, soit 760 millions d’euros, ainsi que de l’affectation directe de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), dont le montant est estimé pour 2015 à 250 millions d’euros. Le financement global des CFA et des SA atteindrait donc 1,01 milliard d’euros en 2015, contre 827 millions d’euros avant réforme – soit 33 % de l’ancien « quota » et 150 millions d’euros en 2013 au titre du « hors quota ». Néanmoins, la reconfiguration des sources de financement du « quota » suscite de nombreuses craintes parmi les personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis : en effet, le fait d’affecter au financement des CFA une contribution qui est en réalité un « malus », puisqu’elle s’applique aux entreprises de plus de 250 salariés ne respectant pas le quota de 4 % d’alternants, est quelque peu paradoxal. Le rendement de cette contribution, qui est donc lié aux entreprises non vertueuses, est en outre très incertain et a théoriquement vocation à diminuer avec le développement de l’apprentissage et l’augmentation du recrutement d’apprentis par les entreprises. La CSA, qui figure à l’article 1609 quinvicies du code général des impôts, est enfin très corrélée à la présence territoriale de sièges sociaux : son affectation directe au financement des CFA et des SA pose donc un problème de péréquation, dans la mesure où elle risque de privilégier certains CFA au détriment d’autres, plus éloignés des sièges sociaux des entreprises. Alors que dans le schéma de financement antérieur, la CSA faisait l’objet d’une péréquation à travers le compte d’affectation spéciale, celle-ci disparaît avec la réforme. Le risque existe donc bien que des CFA voient leurs ressources diminuer fortement à l’issue de la réforme de la taxe d’apprentissage, cette diminution ne pouvant plus être compensée au titre du « hors quota » comme c’était le cas auparavant.

Enfin, la loi du 5 mars 2014 a profondément modifié le système de collecte de la taxe d’apprentissage, en faisant passer le nombre d’organismes collecteurs de la taxe (OCTA) de 147 actuellement à 46, soit 20 collecteurs nationaux et 26 collecteurs régionaux. Rappelons que la loi a prévu qu’au niveau national, seuls les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA) de branche professionnelle ou interprofessionnelle pourront désormais collecter et reverser les fonds, et qu’au niveau régional, la collecte sera confiée à un seul collecteur interconsulaire. En outre, les entreprises devront désormais verser la taxe à un seul organisme collecteur, que ce soit au niveau national ou au niveau régional.

S’agissant de la répartition des fonds collectés par les OCTA, ceux-ci doivent bien justifier de la répartition par organisme de formation des dépenses libératoires des entreprises au titre de la taxe. Quant à la répartition des fonds libres – non affectés préalablement par les entreprises –, les organismes collecteurs devront désormais consulter les régions dans le cadre du CREFOP sur une proposition de répartition de ces fonds non affectés par les entreprises. Il s’agit d’une rationalisation bienvenue du système de collecte et de répartition de fonds issus de la taxe d’apprentissage. Toutefois, on aurait pu aller plus loin et prévoir un encadrement renforcé des règles d’affectation des fonds libres par les organismes collecteurs, dans le respect notamment de critères relatifs au nombre d’apprentis et à leur niveau de formation.

En conséquence de la réforme de la taxe d’apprentissage, le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS FNDMA) voit son périmètre profondément modifié dans le cadre du présent projet de loi de finances.

Rappelons que le CAS a été créé par l’article 23 de la loi de finances rectificative pour 2011 (8), et n’aura donc connu que trois années de fonctionnement sous sa configuration initiale. Il s’est substitué au Fonds national du développement et de la modernisation de l’apprentissage, en vue de renforcer le suivi des recettes et des dépenses qui concourent au financement de cette politique publique. Les comptes d’affectation spéciale, définis à l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (9), permettent en effet une « sanctuarisation » des crédits, qui ne peuvent être reversés au budget de l’État que par dérogation expresse d’une loi de finances. Cet article précise en outre que le compte d’affectation spéciale doit être voté « à l’équilibre », autrement dit que les dépenses qui lui sont imputées ne peuvent en aucun cas être supérieures aux recettes qui lui sont affectées.

Jusqu’alors, le compte retraçait en recettes, la fraction de 22 % du « quota » de la taxe d’apprentissage, le produit de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), ainsi que le report du solde des crédits des exercices antérieurs.

Étaient inscrites au compte trois catégories de dépenses, qui constituaient trois programmes :

– le programme n° 787, qui regroupait d’une part le mécanisme de péréquation des produits de taxe d’apprentissage perçus par les centres de formation d’apprentis (CFA) et les sections d’apprentissage (SA) dans les régions, et d’autre part, la compensation aux régions des compétences transférées en matière d’apprentissage, et en l’occurrence, des primes d’apprentissage versées par les régions ;

– le programme n° 788, qui retraçait d’une part les moyens financiers consentis dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens (COM) régionaux pour le développement et la modernisation de l’apprentissage, et d’autre part, le financement de plusieurs centres de formation d’apprentis (CFA) nationaux ;

– et enfin, le programme n° 789, qui comportait l’ensemble des aides directes de l’État aux entreprises, en faveur de l’apprentissage : le « bonus alternants » pour les entreprises de plus de 250 salariés qui emploient plus de 4 % d’apprentis ; le financement de campagnes de communication et le dispositif des développeurs de l’apprentissage ; et une catégorie subsidiaire destinée à permettre le remboursement des sommes indûment perçues par le compte, par exemple, un prélèvement trop élevé au titre de la taxe d’apprentissage.

Le tableau suivant retrace, pour l’exercice 2014, les prévisions de recettes et de dépenses du compte d’affectation spéciale.

ÉQUILIBRE PRÉVISIONNEL DU CAS FNDMA EN 2014

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Fraction du quota de la taxe d’apprentissage (22 %)

460

Péréquation entre régions et compensation au titre de l’ICF

490,77

Contribution supplémentaire à l’apprentissage

314

Péréquation des disparités de la taxe d’apprentissage

200

 

Compensation au titre des compétences transférées aux régions

290,77

Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

360

COM pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

355

Modernisation de l’apprentissage dans les CFA à recrutement national

5

Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance

15

Aide de l’État au titre du « bonus alternants »

10

Actions nationales de communication et de promotion de l’apprentissage

4,9

Reversement de recettes indûment perçues

0,1

Total des recettes

774

Total des dépenses

865,77

Solde

-91,77

Fonds de roulement

120

Nouveau solde après mobilisation du fonds de roulement

28,23

Source : ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle eu du dialogue social.

D’après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, les recettes attendues de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) ne seront pas au rendez-vous, le niveau de collecte actuel de la CSA n’atteignant que 224 millions d’euros au 19 septembre 2014. Afin de maintenir l’équilibre du CAS, une révision de la prévision d’exécution est donc envisagée, à hauteur de 793 millions d’euros : grâce à la sollicitation de l’excédent de trésorerie des exercices antérieurs, le compte parviendrait à un solde nul en fin d’exercice.

La révision à la baisse des dépenses pourrait concerner :

– la compensation des compétences transférées aux régions, qui serait ramenée de 290,77 millions d’euros à 230,77 millions d’euros. La diminution ne pourrait, à ce titre, porter que sur la part des dépenses ne relevant pas de l’obligation constitutionnelle de compensation par l’État ;

– et le financement des contrats d’objectifs et de moyens (COM) des régions, pour lesquels la dépense est réduite de 2 millions d’euros, à 353 millions d’euros.

En conséquence de la réforme de la taxe d’apprentissage et de la mise en place de la fraction régionale pour l’apprentissage, la configuration du compte d’affectation spéciale se voit profondément modifiée pour 2015.

Le CAS n’accueillera plus, en recettes, que la fraction régionale de 51 % de la taxe d’apprentissage – qui est issue, rappelons-le, de la refonte de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage (CDA) -, ainsi que, de manière marginale, les sanctions prévues en matière de taxe d’apprentissage et des fonds de concours.

En dépenses, le compte a vocation à financer quasi exclusivement aux régions la ressource régionale pour l’apprentissage – en complément d’une fraction de TICPE -, ainsi que, de manière marginale le reversement de recettes indûment perçues au titre des années antérieures.

Jusqu’au 31 décembre 2016, le CAS assure également le reste à payer des dépenses engagées avant le 1er janvier 2015 sur les postes de dépenses antérieurement financés au titre du compte spécial.

Au total, les recettes du compte s’établiraient à 1,49 milliard d’euros pour 2015 au titre de la fraction régionale de 51 % de la taxe d’apprentissage ; le tableau suivant retrace la répartition prévisionnelle des dépenses du CAS, désormais réparties en deux programmes.

PRÉVISIONS DE DÉPENSES DU CAS FNDMA POUR 2015

(en millions d’euros)

 

PLF 2015
AE = CP

Programme n° 787 : Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage

1 397,82

Programme n° 790 : Correction financière des disparités régionales de taxe d’apprentissage et incitations au développement de l’apprentissage

92,91

Total

1 490,73

Source : projet annuel de performances pour 2015.

La répartition de la ressource régionale à l’apprentissage distingue en effet :

– une part fixe définie pour chaque région, au programme n° 787 ;

– et une part variable, définie au programme n° 790, et qui doit faire l’objet d’une péréquation en tenant compte des disparités régionales dans les versements de la taxe d’apprentissage et de l’évolution des effectifs régionaux d’apprentis inscrits dans les CFA et les SA et leur répartition dans les formations conduisant aux premiers niveaux de qualifications (niveaux IV et V) et celles de niveau supérieur (post-bac).

Le tableau suivant retrace la répartition des crédits de la part fixe de la ressource régionale à l’apprentissage, dont le montant total est fixé à 1 544,09 millions d’euros pour 2015, soit 1 398 millions d’euros au titre du CAS et 146 millions d’euros au titre de la fraction de TICPE prévue à l’article 13 du présent projet de loi de finances.

RÉPARTITION DE LA PART FIXE DE LA RESSOURCE RÉGIONALE À L’APPRENTISSAGE POUR 2015

(en euros)

Alsace

46 941 457

Aquitaine

69 767 598

Auvergne

34 865 479

Bourgogne

38 952 979

Bretagne

68 484 265

Centre

64 264 468

Champagne-Ardenne

31 022 570

Corse

7 323 133

Franche-Comté

29 373 945

Ile-de-France

237 100 230

Languedoc-Roussillon

57 745 250

Limousin

18 919 169

Lorraine

64 187 810

Midi-Pyrénées

57 216 080

Nord-Pas-de-Calais

92 985 078

Basse-Normandie

38 083 845

Haute-Normandie

46 313 106

Pays de la Loire

98 472 922

Picardie

40 698 224

Poitou-Charentes

57 076 721

Provence-Alpes-Côte d’Azur

104 863 542

Rhône-Alpes

137 053 853

Guadeloupe

25 625 173

Guyane

6 782 107

Martinique

28 334 467

La Réunion

41 293 546

Mayotte

346 383

Total

1 544 093 400

Source : article L. 6241-2 du code du travail.

Ces montants doivent a priori garantir, pour chacune des régions, la collectivité territoriale de Corse et le département de Mayotte, le maintien des ressources perçues en 2013 au titre de :

– la contribution au développement de l’apprentissage (CDA) ;

– la péréquation des disparités de la taxe d’apprentissage ;

– les contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015, correspondant à la moyenne des enveloppes versées de 2011 à 2013 et des enveloppes plafonds 2014 et 2015, inscrites dans les COM, lesquels ne seront plus conclus à compter de 2015 ;

– ainsi que la compensation au titre des compétences transférées aux régions en matière d’apprentissage.

S’agissant de la part dynamique de la ressource régionale pour l’apprentissage, à hauteur de 92,91 millions d’euros pour 2015, l’article L. 6241-2 du code du travail fixe les modalités de sa mise en œuvre, qui obéit aux critères de répartition suivants :

– pour 60 %, à due proportion du résultat du produit calculé à partir du nombre d’apprentis inscrits dans les CFA et les SA dans la région au 31 décembre de l’année n-1, selon un quotient dont le numérateur est la taxe d’apprentissage par apprenti perçue en n-1 par les CFA et SA pour l’ensemble du territoire national, et dont le dénominateur est la taxe d’apprentissage par apprenti perçue en n-1 par les CFA et les SA de la région ;

– pour 26 %, au prorata du nombre d’apprentis inscrits dans les CFA et SA dans la région au 31 décembre de l’année n-1 et préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalent au plus au bac professionnel enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ;

– et enfin, pour 14 %, au prorata du nombre d’apprentis inscrits dans les CFA et SA dans la région au 31 décembre de l’année n-1 et préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle supérieur au bac professionnel enregistré au RNCP.

Avec la forte décrue des entrées en apprentissage constatée en 2013 et 2014, il était nécessaire de réaffirmer l’apprentissage comme une priorité. C’est chose faite avec les mesures annoncées dans le cadre du Plan de relance de l’apprentissage présenté lors de la Grande conférence sociale des 7 et 8 juillet dernier, ainsi que lors des Assises de l’apprentissage du 19 septembre dernier. Toutefois, l’objectif affiché de 500 000 apprentis d’ici 2017 apparaît extrêmement ambitieux au regard de la situation actuelle, qui reste très dégradée. Pour parvenir à cet objectif, il est nécessaire d’aller encore plus loin encore que les engagements qui ont été pris. Ces engagements doivent en outre être résolus et constants, car les entreprises sont plus que jamais soucieuses d’obtenir les garanties de la stabilité des règles pour l’avenir, afin que leur confiance puisse être rétablie.

On ne reviendra pas sur la remise en cause du soutien financier à l’apprentissage, à travers le resserrement du crédit d’impôt apprentissage et la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF), trop tardivement remplacée par une nouvelle prime qui reste en tout état de cause inférieure à son niveau antérieur. La quasi-totalité des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis ont pointé du doigt autant sinon davantage le manque de lisibilité sur les incitations financières que la baisse de leur niveau. Les valses-hésitations qui ont caractérisé les mesures prises successivement à ce titre depuis la mi-2013 ont indéniablement introduit un climat de méfiance en donnant aux entreprises le sentiment que l’État se désengageait de l’apprentissage. Nous ne faisons aujourd’hui que payer les pots cassés de ces atermoiements.

Au-delà des aspects financiers, une série de mesures défavorables ont contribué à complexifier le recrutement et la formation des apprentis, et cela, alors même que des freins importants préexistaient.

Conformément à la directive 94/33/CE du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, les dérogations à l’interdiction du travail des mineurs sont particulièrement encadrées par le droit du travail, et en particulier, dans le cas de travaux présentant des risques pour leur santé et leur sécurité. Certains travaux leur sont ainsi formellement interdits, tandis que les conditions d’emploi de mineurs pour certains autres travaux sont interdites mais susceptibles de dérogation.

S’agissant de ces derniers, le décret n° 2013-914 du 11 octobre 2013 relatif à la procédure de dérogation prévue à l’article L. 4153-9 du code du travail est venu modifier le régime applicable aux apprentis mineurs, en théorie pour l’assouplir : en effet, il prévoit de passer d’une procédure de dérogation annuelle et individuelle demandée à l’inspection du travail par l’employeur à une dérogation triennale et collective, attachée à un lieu de travail.

La nouvelle procédure se révèle, dans les faits, quasiment impraticable dans certains secteurs d’activité et en particulier pour les petites entreprises. En effet, la procédure de dérogation requiert la mise à jour du document unique d’évaluation des risques, qui est difficile à mettre en œuvre pour une petite structure. En outre, alors que le passage d’une autorisation individuelle à une autorisation collective, attachée à un site, doit constituer un facteur d’assouplissement, son application à des travaux de chantier s’avère particulièrement complexe.

Les employeurs mettent à juste titre en avant le fait qu’une telle procédure d’autorisation préalable conduit à déporter la responsabilité de l’employeur vers un tiers, l’inspecteur du travail ; il s’agit, de ce point de vue, d’une mauvaise chose. Le sujet est en tout cas épineux et pose problème dans de très nombreux secteurs d’activité, notamment dans le secteur agricole où l’accidentalité est encore importante, et où les exploitants maîtres d’apprentissage peuvent aujourd’hui se montrer réticents à recruter des apprentis en raison de cette réglementation. D’après certains interlocuteurs, les employeurs refusent désormais de recruter un apprenti mineur, ce qui a également des conséquences sur le profil des apprentis et conduit à évincer les tout jeunes apprentis issus de milieux sociaux souvent moins avantagés que leurs aînés.

Il pourrait ainsi être envisagé de passer d’une procédure d’autorisation préalable à une déclaration préalable par l’employeur, qui donnerait lieu à des contrôles en aval. Lors des Assises de l’apprentissage, le Président de la République a annoncé que le comité d’orientation sur les conditions de travail (COCT) serait rapidement saisi pour arrêter une solution permettant, « à conditions de sécurité égales, de protéger efficacement les apprentis des risques inhérents à certains travaux dangereux sans créer de contrainte nouvelle de gestion ». Votre rapporteur pour avis souhaiterait que l’on s’achemine résolument vers une procédure de déclaration préalable, sans qu’il s’agisse évidemment de renoncer d’une quelconque manière aux exigences de sécurité qui entourent l’emploi d’un mineur : une telle procédure aurait l’avantage de responsabiliser les employeurs qui, par ailleurs, le souhaitent unanimement. Qui pourrait en effet croire qu’un employeur cherche à mettre en danger ses apprentis mineurs ou qu’il soit volontairement négligent en matière de sécurité pour eux ? Il est également nécessaire de fluidifier les relations entre le tuteur de l’entreprise et le tuteur du CFA pour que la gestion des travaux dangereux pour les apprentis mineurs soit assurée de manière optimale pendant tout le temps de sa formation, théorique et pratique.

La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation, de programmation pour la refondation de l’école de la République a supprimé le dispositif de la formation d’apprenti junior qui permettrait à des jeunes de 14 ans d’entrer dans un parcours d’initiation aux métiers avant d’entrer à 15 ans en apprentissage ; elle a également vidé de son contenu le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), formation en alternance effectuée sous statut scolaire pendant un an maximum et partagée entre l’établissement de formation et des stages en milieu professionnel. Ce dispositif avait été consacré par décret en 2010 et étendu par la loi du 28 juillet 2011 (10) aux élèves ayant accompli leur scolarité au collège. La loi du 8 juillet 2013 a restreint le DIMA aux jeunes d’au moins 15 ans, ce qui conduisait en réalité à laisser sur le bord de la route les élèves sortant de troisième et ayant 15 ans entre la rentrée et le 31 décembre de l’année, alors même qu’ils pouvaient avoir un projet précis de formation professionnelle par l’apprentissage. Si la loi du 5 mars 2014 (11) a aménagé le parcours de formation pour ces jeunes, en prévoyant leur inscription, sous statut scolaire, dans un lycée professionnel ou dans un CFA, dans l’attente du début de leur formation en apprentissage, ces multiples modifications témoignent de l’incertitude qui pèse aujourd’hui sur l’entrée en apprentissage des jeunes.

La suppression du DIMA pour les jeunes de 14 ans est en tout cas emblématique du problème structurel des passerelles entre le collège et les CFA, entre la voie scolaire générale, considérée comme classique, et la voie de l’alternance et de l’apprentissage, qui continue d’être considérée dans notre pays comme une voie de seconde zone. Or, il s’agit de l’une des plus grandes carences de notre système scolaire et d’orientation : celle de son incapacité à faire de l’apprentissage une voie normale de poursuite de la formation initiale.

Votre rapporteur pour avis se réjouit de ce point de vue des initiatives prises – malheureusement sans doute trop récemment – par le ministère de l’Éducation nationale pour faire du développement de l’apprentissage une priorité. Ainsi, les enseignants et personnels d’orientation et d’encadrement seront à l’avenir sensibilisés et formés aux enjeux et aux apports de l’apprentissage, dans la mesure où ils sont les premiers « prescripteurs » en matière d’orientation des jeunes. L’apprentissage sera également intégré dans la journée d’information sur les métiers et dans les applications informatiques servant à orienter et affecter les jeunes (AFFELNET à la sortie du collège et APB pour les admissions post-bac) : il s’agit là d’une demande qui avait déjà été formulée par le prédécesseur de votre rapporteur pour avis, M. Gérard Cherpion ; il faut se réjouir de cette décision.

En outre, dès la rentrée prochaine, la découverte de l’apprentissage sera obligatoirement incluse dans le parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel mis en place au collège dès la 5ème et jusqu’à la fin du lycée. Il s’agit là d’un progrès important, qui s’inscrit dans le sillage de l’initiative prise en application de la loi du 28 juillet 2011 (12) avec l’instauration d’un parcours de découverte des métiers et de l’apprentissage pour les jeunes des classes de 4ème et de 3ème.

L’organisation même de la formation dans notre système scolaire peut constituer un obstacle au développement de l’apprentissage. C’est en tout cas l’analyse faire par de nombreux interlocuteurs entendus par votre rapporteur pour avis sur la réforme, entrée en vigueur en 2008, du bac professionnel en trois ans, que d’aucuns considèrent comme une « épine dans le pied » de l’apprentissage. Comme le note le rapport d’inspection relatif aux freins non financiers au développement de l’apprentissage (13), de nombreuses régions ont constaté une baisse du nombre d’apprentis préparant un bac pro en trois ans par rapport à la configuration antérieure du BEP en deux ans, puis du bac pro en deux ans. En outre, la frilosité des employeurs à s’engager sur trois ans avec des jeunes qui n’ont pas acquis de compétences professionnelles, puisque relevant d’une formation sous statut scolaire, a été soulignée par de très nombreux acteurs. Sans remettre en cause cette réforme qui a par ailleurs contribué à l’élévation du niveau des diplômes professionnels, à égalité avec la voie de l’enseignement général, il convient de répondre aux difficultés soulevées par la promotion de parcours mixtes et de passerelles entre le statut scolaire et celui d’apprenti, qui serait de nature à favoriser l’apprentissage en bac professionnel en trois ans.

Votre rapporteur pour avis est très sensible à la promotion de la mixité des parcours, qui doit permettre de conjuguer des périodes de formation sous statut scolaire et des périodes d’apprentissage. De ce point de vue, le développement des lycées des métiers ainsi que des campus des métiers et des qualifications est une bonne chose. Outre la promotion de la voie de l’apprentissage, il est aussi essentiel que les jeunes orientés vers l’apprentissage le vivent comme un vrai choix, et non comme le fruit d’un parcours écrit d’avance. Ce n’est qu’à cette condition que l’on réussira à réduire le taux de rupture anticipé de contrat d’apprentissage qui, rappelons-le, est de l’ordre de 25 % tous secteurs d’activité confondus. La restauration d’un dispositif de préapprentissage serait de ce point de vue assez opportune : c’est ce que préconisait, entre autres, la proposition de loi n° 2165 de M. Gérard Cherpion relative à la simplification et au développement du travail, de la formation et de l’emploi, cosignée par votre rapporteur pour avis, et qui a malheureusement été rejetée par notre Assemblée le 8 octobre dernier. La réintroduction d’un dispositif de « formation d’apprenti junior » sous statut scolaire sur un an, à partir de 14 ans, serait en effet de nature à permettre aux élèves ayant une appétence pour l’apprentissage, de découvrir des métiers en vue d’un projet d’apprentissage, et ainsi, de favoriser la prévention des ruptures prématurées de contrats qui ont parfois pour origine une orientation des jeunes vers des métiers dont ils ignorent les tenants et les aboutissants. De la même manière, il conviendrait de réfléchir à la définition d’un cadre juridique permettant véritablement aux élèves de découvrir des métiers en entreprise avant de débuter une formation en apprentissage, par le biais de la mise en place d’une « session d’accueil sécurisée » : une telle période d’immersion préalable permettrait au futur apprenti de découvrir la réalité d’un métier avant de s’y lancer. Là encore, nul doute qu’un tel dispositif serait de nature à contribuer à la prévention de l’échec des jeunes en apprentissage.

Le recul des entrées en apprentissage constaté depuis 2013 n’est pas sans lien avec la multiplication des dispositifs en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes. L’enchevêtrement des outils en faveur de l’emploi des jeunes a en effet certainement nui à l’apprentissage : c’est en particulier le cas des emplois d’avenir. Mis en place fin 2012, les emplois d’avenir (14) avaient initialement vocation à être développés dans le secteur non marchand, avant que leur élargissement au secteur marchand n’ait été décidé dès le début de l’année 2013. Votre rapporteur pour avis estime que cet élargissement a constitué un mauvais signal pour l’apprentissage, les deux dispositifs pouvant clairement se révéler « concurrents ». En outre, nul n’est besoin de rappeler que les missions locales qui ont été mobilisées massivement par les emplois d’avenir – avec la mise en place d’objectifs chiffrés de contrats à conclure – ont misé tous leurs moyens sur les emplois d’avenir, délaissant ainsi l’orientation des jeunes vers d’autres dispositifs, et en particulier, vers l’apprentissage.

Votre rapporteur pour avis regrette de ce point de vue les conséquences que peut avoir l’engagement récemment pris par le Gouvernement d’augmenter les recrutements en apprentissage dans la fonction publique avec la fixation d’un objectif de 10 000 apprentis supplémentaires d’ici 2017 : on ne peut par ailleurs que souscrire à cet objectif de développement de l’apprentissage dans les collectivités publiques, et votre rapporteur pour avis est convaincu de l’intérêt de cette démarche, en particulier dans les collectivités locales. Néanmoins, dès lors qu’ont été mis en place par ailleurs des dispositifs spécifiques en faveur des jeunes et dédiés au secteur non marchand, le risque d’enchevêtrement est grand. Alors que la priorité avait justement été donnée aux emplois d’avenir dans le secteur non-marchand, voilà qu’à peine deux ans plus tard, une nouvelle priorité est fixée : celle de l’apprentissage ; une telle volte-face ne contribue pas à la lisibilité de la politique d’insertion professionnelle des jeunes dans notre pays.

La remise en cause du soutien financier aux employeurs pour le recrutement d’apprentis, ainsi que diverses mesures prises depuis 2012 et conjuguées à des freins structurels au développement de l’apprentissage, expliquent en grande partie le recul important des entrées en apprentissage constaté dans les deux dernières années.

Alors que les entrées en apprentissage sont passées de l’ordre de 230 000 en 2003 à 297 000 en 2012 – avec, dans l’intervalle, une augmentation constante à peine relativisée par un léger recul avec la crise de 2008 -, l’année 2013 enregistre une véritable chute, de plus de 8 % avec moins de 273 000 entrées. Ces évolutions sont retracées par le graphique suivant.

NOMBRE DE NOUVEAUX CONTRATS D’APPRENTISSAGE ENREGISTRÉS PAR ANNÉE SELON LE NIVEAU DE FORMATION PRÉPARÉ

Source : direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES)

L’année 2014 serait encore plus mauvaise, avec une nouvelle diminution de l’ordre de 14 % sur les premiers mois de 2014. Bien que l’on ne dispose pas encore des chiffres définitifs sur la campagne d’apprentissage de la rentrée 2014, l’ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis annoncent des chiffres provisoires en forte baisse : chute de 19 % du nombre de contrats conclus entre le 1er juin 2013 et le 30 mai 2014 dans le secteur agricole, baisse estimée entre 10 et 20 % en 2014 dans les secteurs du ressort des chambres des métiers et de l’artisanat, avec une diminution de l’ordre de 10 % dans la coiffure et de 15 à 20 % dans le bâtiment.

On peut certes arguer que le recul de l’apprentissage va de pair avec une économie au point mort et un tassement de l’emploi au cours de la même période. Il est clair que l’apprentissage ne progresse pas si l’emploi global ne progresse pas, et on a pu constater un léger repli des entrées en apprentissage en 2009 et 2010, au plus fort des effets de la crise de 2008. Néanmoins, le recul constaté à partir de 2013 ne peut être entièrement imputé à la crise : en effet, en 2013, l’économie a détruit quatre fois moins d’emplois au total qu’en 2009, et pourtant, la diminution de l’apprentissage constatée en 2009 est presque trois fois inférieure à celle enregistrée en 2013 !

Le graphique précédent permet également de mettre en évidence le net recul des diplômes de niveau infra bac et, par conséquent, l’élévation du niveau de formation des jeunes recrutés en apprentissage : ainsi, si les jeunes de niveau BEP/CAP restent les principaux bénéficiaires des contrats d’apprentissage (61 % en 2012), ils ne représentent plus que 21 % des nouveaux contrats conclus cette année-là. Cette évolution correspond aussi aux évolutions du marché du travail et de la demande des entreprises ; elle n’est néanmoins pas sans poser de questions sur l’avenir des jeunes diplômés de niveau V. Car les besoins restent aussi importants, quoi qu’on en dise, s’agissant des faibles niveaux de qualification. Votre rapporteur pour avis a souhaité entendre plusieurs représentants de grandes entreprises qui recourent traditionnellement de manière importante à l’alternance, que ce soit sous la forme de l’apprentissage ou sous la forme du contrat de professionnalisation : si le Crédit agricole privilégie assez logiquement le recrutement d’alternants de niveau supérieur au bac, tel n’est pas le cas d’autres grandes entreprises comme PSA ou Veolia Environnement, où les besoins en main-d’œuvre de niveau BEP ou CAP sont beaucoup plus importants.

Votre rapporteur pour avis ne nie pas l’importance des initiatives, pour l’essentiel malheureusement trop récentes, qui ont été prises pour stopper l’hémorragie issue de mesures défavorables à l’apprentissage et en particulier, de la réforme du financement de l’apprentissage. Ce revirement est bienvenu, et il faut s’en féliciter. L’effort doit néanmoins encore être amplifié si l’on veut véritablement parvenir à « redresser la barre » de l’apprentissage dans notre pays et atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement de 500 000 apprentis l’horizon 2017.

L’un des axes majeurs de réforme qui mérite encore largement d’être exploré est constitué par la trop forte étanchéité qui continue d’exister aujourd’hui en France entre le monde de l’éducation et le monde de l’entreprise.

L’offre de formation gagnerait en effet à être plus adaptée aux besoins des entreprises, ce qui valoriserait mécaniquement la voie de l’apprentissage. Si des progrès doivent éventuellement être attendus de la mise en place des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) créés par la loi du 5 mars 2014, qui doivent permettre une meilleure articulation des régions, des rectorats et des partenaires sociaux dans l’élaboration de la carte des formations professionnelles initiales, il est indispensable que ce travail de concertation tienne davantage compte du taux d’accès à l’emploi et des débouchés professionnels. De la même manière, l’implication des branches professionnelles dans la construction des diplômes représente un enjeu important pour l’apprentissage : une expérimentation de co-construction des diplômes au sein des commissions professionnelles consultatives (CPC) est en cours entre l’Éducation nationale et huit branches professionnelles ; cette démarche gagnerait à être généralisée. Des engagements ont en outre été pris pour réduire fortement les délais de création de nouveaux diplômes et certifications professionnelles : ce délai est aujourd’hui de six ans, soit le double d’un cycle économique, conduisant à une décorrélation totale des diplômes préparés et des débouchés professionnels réels. Aucun objectif de réduction du délai n’a toutefois été fixé : celui-ci devrait en toute rigueur être au plus de trois ans. Afin de contribuer à la mise en phase des formations et des besoins économiques des bassins d’emploi, il serait également intéressant de permettre aux entreprises de se passer de l’aval de la région pour la création de CFA ou de sections d’apprentissage dès lors que ceux-ci seraient financés intégralement par les entreprises et les branches professionnelles.

La procédure de création et de révision des diplômes et l’élaboration de la carte des formations professionnelles supposent également une capacité de prospection qui ne peut guère exister à l’intérieur de l’appareil éducatif, mais qui doit forcément émaner de l’appareil productif. Votre rapporteur pour avis tient à ce titre à souligner l’importance que revêtent des instances comme l’Institut des métiers des Compagnons du devoir qui mène des travaux de prospection des métiers futurs, afin de détecter les potentiels de développement et de formation d’avenir dans notre pays, tout en œuvrant pour le maintien de sections d’apprentissage dédiées à des métiers traditionnels mais en voie d’extinction, comme la tonnellerie ou la fromagerie.

Le sujet de l’apprentissage des jeunes travailleurs handicapés est un bon exemple des barrières persistantes qui continuent de cloisonner le monde de l’école et le monde de l’entreprise : en fonction de la nature de son handicap, il peut en effet parfois être difficile pour un jeune sortant du système scolaire classique et se tournant vers l’apprentissage de bénéficier de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et cela, alors même qu’il bénéficiait d’une reconnaissance de son handicap dans le cadre de son parcours scolaire. Une meilleure transition entre les sphères éducative et professionnelle doit donc être organisée.

Enfin, l’ouverture de l’école sur le monde de l’entreprise et le monde économique en général suppose également une adaptation du calendrier des sessions d’examen dans le cadre du parcours scolaire. En effet, de nombreux représentants du monde économique regrettent que les entrées en apprentissage soient systématiquement concentrées sur le mois de septembre, autrement dit, qu’elles soient rythmées par le calendrier scolaire. Les entreprises qui recrutent le font toute l’année, et il est en effet absurde d’exiger des entreprises qu’elles calent leurs projets d’embauche sur les rythmes scolaires. Il faut donc se réjouir de la décision prise lors des Assises de l’apprentissage du 19 septembre dernier de mettre en place plusieurs sessions d’examen en cours d’année scolaire afin de fluidifier les entrées en apprentissage ; reste à espérer que cette mesure sera mise en œuvre avec rapidité.

Des progrès importants ont été réalisés dans les dernières années pour améliorer le statut de l’apprenti, qui vont de la création de la carte « Étudiant des métiers » par la loi du 28 juillet 2011 à l’instauration d’un CDI en apprentissage par la loi du 5 mars 2014, en passant par la prise en compte intégrale des périodes d’apprentissage dans le calcul des droits à retraite pour laquelle le décret d’application de la loi du 20 janvier 2014 (15) est en attente de parution. Des avancées méritent néanmoins encore d’être réalisées pour conforter ce statut, mais également pour valoriser la pratique de l’apprentissage par ceux qui, dans les entreprises, assument ces fonctions souvent lourdes et responsabilisantes.

De nombreux interlocuteurs entendus par votre rapporteur pour avis se sont prononcés en faveur d’une refonte du système de rémunération des apprentis, qui est aujourd’hui déterminée, en pourcentage du SMIC, en fonction de l’âge de l’apprenti et de sa progression dans le cycle de formation : de l’ordre de 361 euros par mois pour un mineur en première année de formation, le salaire d’un apprenti est fixé à 766 euros pour un mineur en 3ème année de formation ou pour un apprenti de 21 ans ou plus en première année de formation ; il atteint environ 1 127 euros pour un apprenti de 21 ans ou plus en 3ème année de formation. Ce système présente trois inconvénients majeurs : d’une part, il est relativement dévalorisant pour les apprentis les plus jeunes, tandis qu’il peut constituer un obstacle à l’embauche pour les apprentis plus âgés ; d’autre part, il ne tient pas compte du niveau du diplôme préparé, ce qui revient toutes choses égales par ailleurs, à une dévalorisation des niveaux de qualification les plus élevés ; enfin, il peut conduire des employeurs à préférer recruter des apprentis sur des contrats plus courts, le coût de l’apprenti s’élevant au fur et à mesure de la durée de sa formation. Une refonte de la grille de rémunération des apprentis serait donc opportune, pour tenir davantage compte du cursus et gommer les effets pervers produits par le système actuel. Les partenaires sociaux ont été invités à se pencher sur le sujet ; il est en tout état de cause essentiel qu’ils s’en emparent.

Le parachèvement du statut de l’apprenti doit également passer par la levée des freins périphériques à l’apprentissage, comme par exemple les problèmes d’hébergement ou de mobilité des apprentis qui tiennent à l’existence de trois différents lieux de vie pour l’apprenti : le domicile, le centre de formation des apprentis (CFA) et le lieu de travail. Ces difficultés sont souvent d’autant plus aiguës en milieu rural, où les distances sont plus importantes et où l’absence de transports collectifs rend parfois indispensable l’obtention du permis de conduire. Il est donc indispensable que des aides suffisantes soient apportées aux apprentis pour lever ces obstacles à l’entrée en apprentissage, mais aussi que ces aides soient bien connues d’eux. Ainsi, beaucoup d’interlocuteurs ont fait valoir que les régions développent très souvent ce type d’aides complémentaires à destination des apprentis – aides au transport, au logement, à l’équipement pédagogique, à la restauration, etc. –, mais que celles-ci ne sont malheureusement souvent pas suffisamment connues des apprentis comme d’ailleurs de leur employeur. Une enveloppe financière spécifique de 14 millions d’euros issue du programme communautaire « Initiative pour l’emploi des jeunes » doit être débloquée pour permettre la mise en place d’un tel socle de prestations au bénéfice des apprentis sur l’ensemble du territoire. Il n’est pas certain toutefois qu’une telle enveloppe soit suffisante ; en tout état de cause, elle ne peut se substituer au rôle crucial des régions en matière de financement des aides à l’apprentissage.

La valorisation de l’apprentissage suppose également de valoriser ceux qui assument le rôle de tuteurs des apprentis dans l’entreprise. Or, il n’existe pas aujourd’hui de véritable statut du maître d’apprentissage. La plupart des grandes entreprises entendues par votre rapporteur pour avis estiment que la valorisation du rôle du tuteur ne doit pas passer par une rémunération spécifique, mais par une reconnaissance interne à l’entreprise, et en particulier, dans le cadre de l’évolution de la carrière. Toutefois, les pratiques en la matière apparaissent aujourd’hui beaucoup trop contrastées et l’absence de véritable reconnaissance de l’implication des maîtres d’apprentissage rend cette fonction finalement peu attractive, alors même qu’elle peut mobiliser au moins 20 % du temps de travail de la personne qui assume ce rôle, en particulier dans les plus petites entreprises. La question se pose donc de savoir s’il ne convient pas de mettre en place un statut du maître d’apprentissage, dont la fonction ferait l’objet d’une rétribution financière et d’un aménagement des horaires de travail ; les branches professionnelles ont en tout cas été saisies de cette question et doivent entamer une concertation sur ces sujets. Il serait à cet égard intéressant que les partenaires sociaux soient informés, en amont de cette concertation, du bilan de l’expérimentation menée à partir de 2013 dans 14 régions d’un accompagnement renforcé des maîtres d’apprentissage et qui devait permettre le développement de formations aux techniques pédagogiques et de suivis d’expérience (16) : votre rapporteur pour avis appelle de ses vœux un tel bilan, qui n’a pas encore pu être dressé à la date de publication du présent rapport.

Ensuite, la fonction de maître d’apprentissage requiert des compétences particulières, même et parfois d’autant plus dans les métiers peu qualifiés : votre rapporteur pour avis se réjouit, de ce point de vue, de la décision prise lors des Assises de l’apprentissage du 19 septembre dernier, de la création d’un certificat de qualification professionnel (CQP) qui doit permettre une reconnaissance pleine et entière des compétences spécifiques d’un maître d’apprentissage.

Une meilleure formation et une plus grande reconnaissance du rôle des maîtres d’apprentissage sont de nature à contribuer à la lutte contre le nombre malheureusement trop élevé de taux de rupture anticipée des contrats d’apprentissage qui atteint en moyenne 20-25 %. Votre rapporteur pour avis estime qu’il s’agit là d’un problème crucial, autant pour les apprentis que pour les entreprises, pour lequel peu de mesures concrètes ont pour l’heure été mises en œuvre : la plupart du temps, les initiatives prises pour prévenir ou lutter contre les ruptures précoces de contrats d’apprentissage le sont au niveau local, comme le montre la coopération engagée par exemple par l’Association nationale des apprentis de France (ANAF) avec la région Île-de-France pour proposer un accompagnement renforcé des entreprises et des jeunes apprentis et identifier les problèmes éventuellement rencontrés afin de prévenir une potentielle rupture anticipée de contrat, qui, dans la plupart des cas, peut être évitée grâce à un tel accompagnement. Il est en tout cas essentiel que l’inscription de l’apprenti dans le milieu de travail et son insertion progressive dans l’entreprise puissent faire l’objet d’un suivi étroit : à cet égard, le modèle des inspecteurs de l’apprentissage, spécificité du droit local de l’Alsace et de la Moselle en matière de contrôle de la formation donnée aux apprentis dans les entreprises, gagnerait sans doute à être étendu ; de la même manière, le développement des « médiateurs de l’apprentissage » doit être poursuivi.

La revalorisation de l’apprentissage ne pourra enfin être menée à son terme si les entreprises ne sont pas pleinement associées à son développement et si elles ne sont pas disposées à accueillir des apprentis. On ne reviendra pas, à ce titre, sur l’importance du soutien financier aux entreprises pour le recrutement d’un apprenti, car faut-il le rappeler, embaucher un apprenti ne revient pas à embaucher un salarié : un apprenti doit être formé, sa formation a un coût, elle demande du temps ; et qui plus est, un apprenti n’a donc pas au départ de compétences ou de qualifications à faire valoir pour l’entreprise.

C’est pourquoi votre rapporteur pour avis juge qu’il est absolument indispensable que le cadre réglementaire de l’apprentissage, ainsi que sa gestion administrative, soient accessibles et gérables par les entreprises, et en particulier par les plus petites d’entre elles, puisque, rappelons-le, plus de 75 % des apprentis sont recrutés par des entreprises de moins de 50 salariés et 39 % des apprentis par des entreprises de moins de 5 salariés. Les représentants des secteurs d’activité à forte concentration de petites structures ont tous plaidé en ce sens : en effet, les très petites entreprises ne sont pas armées pour assumer le montage d’un dossier administratif particulièrement lourd – c’est, par exemple, particulièrement le cas dans le secteur agricole, où les toutes petites exploitations dominent.

La mobilisation des entreprises est la principale raison d’être des développeurs de l’apprentissage. Financés depuis 2009 sur le fondement de conventions conclues avec les réseaux consulaires, les développeurs de l’apprentissage sont chargés, en région, d’aller à la rencontre des entreprises pour promouvoir le recours à l’alternance et, en particulier, à l’apprentissage et offrir un appui aux entreprises dans leurs démarches administratives. Au nombre actuellement de 266 sur l’ensemble du territoire, les développeurs de l’apprentissage sont aujourd’hui rattachés aux chambres consulaires et ont, jusqu’alors fait l’objet d’un cofinancement de l’État, via le compte d’affectation spéciale, et des réseaux consulaires. La disparition de ces financements de l’État dans le cadre de la réforme de la taxe d’apprentissage suscite des craintes de la part d’un certain nombre d’acteurs auditionnés par votre rapporteur pour avis ; en effet, le financement des développeurs de l’apprentissage et leur pilotage dépendront vraisemblablement à l’avenir des régions, qui auront a priori pour première mission de rationaliser les réseaux de développeurs qui existent actuellement sur le territoire, car les développeurs des chambres consulaires coexistent en réalité sur le terrain avec les développeurs des branches professionnelles ou encore avec les développeurs de Pôle emploi. En particulier, il serait dommage que les développeurs de l’apprentissage perdent leurs attaches avec les entreprises dont ils bénéficient aujourd’hui pleinement grâce à leur adossement aux réseaux consulaires.

Enfin, si l’on souhaite véritablement valoriser l’apprentissage auprès des entreprises, il est nécessaire que les collectivités publiques fournissent également un effort dans ce domaine : on le sait, à l’heure actuelle, l’apprentissage dans la sphère publique reste très marginal, avec 9 800 entrées en 2012, dont 70 % qui sont le fait des collectivités territoriales. Votre rapporteur pour avis souscrit donc pleinement à l’objectif fixé par le Gouvernement de recrutement de 10 000 apprentis supplémentaires dans la fonction publique d’État d’ici 2017, dont 4 000 dès 2015. Une enveloppe financière de 20 millions d’euros doit d’ailleurs être débloquée pour assurer la rémunération et la formation de ces nouveaux recrutements d’apprentis en 2015 : votre rapporteur pour avis n’a toutefois pas réussi à obtenir d’information précise sur les modalités de ce financement, qui doit quoi qu’il en soit vraisemblablement intervenir dans le cadre du présent projet de loi de finances. Il faut en effet que les collectivités publiques donnent l’exemple : cela suppose néanmoins de surmonter un certain nombre d’obstacles propres à la sphère publique, comme la comptabilisation des apprentis dans le plafond d’emploi budgétaire des administrations d’État, le coût de la formation des apprentis pour les personnes publiques qui ne sont pas soumises à la taxe d’apprentissage, ou encore la question de l’insertion durable dans l’emploi des apprentis qui ne peuvent être titularisés en l’absence d’admission aux concours d’entrée dans la fonction publique. Les collectivités locales représentent sans doute un vivier important pour le développement de l’apprentissage : malheureusement, celui-ci ne pourra être exploité tant que l’on n’aura pas trouvé de solution s’agissant de la prise en charge du coût de la formation, qui reste l’obstacle majeur, notamment dans les communes qui sont aujourd’hui dans une situation financière difficile.

L’exemplarité des collectivités publiques en matière d’apprentissage peut également passer par la commande publique : votre rapporteur pour avis soutient à cet égard la mesure décidée dans le cadre des Assises de l’apprentissage du 19 septembre dernier visant à encourager le recours aux apprentis dans les marchés de maîtrise d’ouvrage. Une disposition visant à inclure une clause de recours à l’apprentissage dans le cadre de la procédure d’attribution d’un marché public devrait ainsi être introduite dans le projet de loi relatif à la promotion de la croissance qui a vocation à être discuté par notre Assemblée en janvier prochain, à l’image de ce qui existe déjà dans le code des marchés publics en matière d’insertion professionnelle des personnes en difficulté (« clause d’insertion »).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (17), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2015 de la mission « Travail et emploi » sur les rapports de Mme Monique Iborra (Emploi), de M. Francis Vercamer (Travail), et de M. Bernard Perrut (Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »).

Mme la vice-présidente Martine Carrillon-Couvreur. Nous sommes saisis de dix amendements, dont une série d’amendements identiques ou ayant le même objet sur les maisons de l’emploi et pour lesquels le débat me semble avoir déjà largement eu lieu.

La Commission est saisie de l’amendement II-AS 19 de la rapporteure pour avis, Mme Monique Iborra, et des commissaires socialistes.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je présente très rapidement cet amendement, qui est identique à l’amendement que vient d’adopter la commission des Finances et auquel le Gouvernement, par la voix de son ministre du Travail, M. François Rebsamen, a affiché son soutien lors de la commission élargie qui vient de se terminer. Cet amendement propose donc de majorer l’enveloppe prévue pour 2015 au titre des contrats aidés…

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Cette majoration concerne-t-elle les contrats du secteur marchand ou du secteur non-marchand ?

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. …dans le secteur non marchand, en l’occurrence des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et des emplois d’avenir, pour répondre à notre collègue Francis Vercamer, puisqu’il ne vous a pas échappé que le budget 2015 repose sur un doublement de l’enveloppe des contrats aidés du secteur marchand, alors que les contrats du secteur non marchand s’inscrivent en baisse.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Je ne suis pas opposé à l’augmentation de l’enveloppe des contrats aidés, dans un contexte économique difficile où il peut paraître justifié de faire un traitement social du chômage. Toutefois, je ne suis pas persuadé de la pertinence de l’augmentation de l’enveloppe des contrats dans le secteur non marchand, dès lors que la conclusion d’un contrat aidé dans le non-marchand, qui concerne donc essentiellement le secteur associatif et les collectivités territoriales, requiert un cofinancement, et que les associations comme les collectivités sont soumises à des difficultés financières importantes.

M. Christophe Cavard. Je suis plutôt favorable à une augmentation de l’enveloppe des contrats aidés dans le secteur non-marchand, d’autant que, contrairement à ce que pense M. Vercamer, le taux de prise en charge dans le cas d’un CAE est très élevé, et que le reste à charge pour les employeurs est donc très limité, et en tout cas, ne constitue pas à mon sens un frein à l’embauche sous cette forme de contrat aidé. Il me semble en revanche que la vraie question est celle de la formation, car contrairement aux emplois d’avenir, les contrats aidés ne sont pas assortis d’une formation, sauf lorsque la collectivité fait le choix de financer une telle formation, ce qui reste rare. Or, il est essentiel que les publics qui soient orientés vers des contrats aidés puissent, à la sortie, bénéficier d’une véritable plus-value : c’est pourquoi l’obligation de formation dans le cadre des contrats aidés est un débat que nous devons avoir. Mais je soutiendrai néanmoins cet amendement.

Mme Isabelle Le Callenec. Il ne me semble pas que sur le terrain, il y ait une demande plus forte de contractualiser sur des contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) ou sur des emplois d’avenir, car, – et je rejoins notre collègue Vercamer sur ce point -, ces contrats nécessitent un abondement. Je me réjouis en revanche de l’augmentation prévue dans le budget 2015, des contrats initiative-emploi (CIE), car il existe en effet une demande des entreprises en ce sens. Ensuite, les 200 millions d’euros qui doivent abonder l’enveloppe des contrats aidés d’après cet amendement, proviennent-ils de la minoration des crédits du contrat de génération ou non ?

M. Arnaud Richard. Je constate que le groupe socialiste se substitue au Gouvernement pour pallier son manque de volontarisme sur les contrats aidés. Je comprends que l’on puisse regretter une forme de politique de stop and go en la matière, mais il me semble que traditionnellement, sur les contrats aidés, on opère un suivi très fin des enveloppes, avec des ouvertures au fil de l’eau, en cours d’année, quand cela est nécessaire. Au vu des montants très importants mis en jeu dans cet amendement, je m’abstiendrai, comme mon collègue Francis Vercamer.

M. Jean-Patrick Gille. Vous regrettez la légère diminution du budget de l’emploi pour 2015, mais cet amendement permettrait justement d’opérer un rattrapage en volume : en effet, le projet de loi de finances initiale repose sur une prévision de diminution des CAE de 70 000 contrats ; autrement dit, cet amendement permettrait de juguler la baisse, pour la limiter à 35 000 contrats. S’agissant des emplois d’avenir, 150 000 contrats ont été signés, et le « stock » s’établit à environ 100 000 : l’enveloppe de 50 000 emplois d’avenir supplémentaires pour 2015 apparaît légèrement insuffisante pour parvenir à l’objectif d’un « stock » équivalent à 150 000 contrats, et c’est pourquoi cet amendement prévoit 15 000 emplois d’avenir supplémentaires. L’évaluation est certes difficile à opérer, car la durée moyenne des contrats est d’un peu plus de deux ans, avec des contrats de trois ans, mais aussi des contrats d’un an, comme dans les collectivités publiques, où il n’est pas possible de procéder autrement. Il s’agit précisément avec cet amendement de ne pas avoir d’effet de stop and go, et de maintenir un niveau stable de contrats aidés. Je souligne enfin que dans cette enveloppe, 15 millions d’euros iraient à l’accompagnement des missions locales pour assurer la prescription et le suivi des jeunes en emploi d’avenir.

M. Gérard Cherpion. Au vu de la situation très tendue des finances publiques, et du coût déjà très important des emplois d’avenir, il me semble qu’il conviendrait d’en rester là concernant l’enveloppe des contrats aidés, d’autant que les résultats de cette politique ne sont pas au rendez-vous, puisque l’on constate depuis début septembre une légère reprise du chômage des jeunes.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Si nous n’avions rien proposé, vous auriez été les premiers à nous le reprocher au vu du contexte économique actuel ! Certes, nous souhaiterions ne pas avoir besoin de majorer l’enveloppe des emplois aidés, mais en attendant la confirmation de la reprise économique, il nous semble qu’il s’agit d’un palliatif nécessaire.

La Commission adopte l’amendement II-AS 19.

Puis elle examine l’amendement II-AS 21 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Il s’agit de majorer les crédits d’accompagnement des missions locales. Comme je l’ai dit, les emplois d’avenir constituent un dispositif inédit, qui a conduit les missions locales à prospecter auprès des employeurs, négocier les termes du contrat en emploi d’avenir, mettre en place le plan de formation, opérer un suivi du jeune en emploi, puis préparer sa sortie. À cet effet, 15 millions d’euros sont prévus en 2015 pour 50 000 emplois d’avenir supplémentaires, mais on oublie que ce faisant, les missions locales continuent de devoir suivre les 100 000 jeunes qui sont toujours en emploi. C’est pourquoi mon amendement proposait de majorer de 30 millions d’euros les crédits d’accompagnement des missions locales à ce titre, pour retrouver le niveau qui était celui de 2014. En effet, il s’agit d’éviter un effet de rupture pour ces structures, qui se sont fortement investies dans le dispositif et ont souvent dû procéder à des embauches pour assurer le suivi des jeunes ; en outre, le coût pour les missions locales est aussi constitué de frais de déplacement, car le suivi en emploi suppose un déplacement du conseiller sur le site de travail du jeune. Dans la mesure où nous avons adopté l’amendement II-AS 19, qui majore de 15 millions d’euros les crédits d’accompagnement des missions locales, je suis prêt à retirer cet amendement.

M. Arnaud Richard. Je remercie Jean-Patrick Gille d’avoir soulevé ce problème, car on peut en effet s’étonner que le Gouvernement ait fixé le montant des crédits initiaux aux missions locales au titre des emplois d’avenir à seulement 15 millions d’euros.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je remercie notre collègue Jean-Patrick Gille d’accepter de retirer son amendement et de se rallier à l’amendement II-AS 19 que nous avons adopté et qui flèche bien 15 millions d’euros supplémentaires pour renforcer les missions locales dans leur rôle de suivi des emplois d’avenir.

L’amendement II-AS 21 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements identiques II-AS 15 de M. Francis Vercamer et II-AS 2 de Mme Isabelle Le Callenec.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de majorer de 15 millions d’euros la dotation aux maisons de l’emploi. Je suis en effet un défenseur des maisons de l’emploi, qui me semblent être le bon moyen d’associer les élus locaux à la problématique de l’emploi local. Ces structures permettent en effet de rassembler l’ensemble des acteurs de l’emploi au service du développement économique et du développement de l’emploi, en lien avec les collectivités locales, en matière d’implantation des entreprises, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), mais aussi en lien avec les structures de la formation professionnelle et de l’accompagnement des salariés. Il est essentiel que les maisons de l’emploi disposent des moyens suffisants pour vivre : quand le Ministre déclare que la dotation des maisons de l’emploi est maintenue par rapport à 2014, il oublie que nous avions voté un amendement qui les renforçait à hauteur de 10 millions d’euros, et que jusqu’alors, les maisons de l’emploi pouvaient également bénéficier du Fonds social européen (FSE) par le biais des contrats de plan État-régions, ce qui ne sera plus le cas désormais. Je présente également un amendement de repli à hauteur de 10 millions d’euros. Mais l’idée qui consiste à tuer à petit feu les maisons de l’emploi me semble mauvaise : si l’État ne veut plus soutenir ces structures, il doit le dire clairement pour que les élus locaux puissent prendre, le cas échéant, leurs responsabilités.

Mme Isabelle Le Callenec. Je ne pense pas que le Ministre souhaite un total désengagement de l’État des maisons de l’emploi ; néanmoins, il y a eu des victimes déjà cette année, car de nombreuses maisons de l’emploi ont dû procéder à des licenciements et on a dénombré une quinzaine de fermetures de structures. Or, les travaux de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) montrent que certaines maisons de l’emploi rendent un réel service et apportent une réelle valeur ajoutée sur le territoire. Il est donc indispensable qu’il y ait au moins un maintien des crédits, ce qui n’est pas le cas pour le moment, puisque 26 millions d’euros sont prévus, alors que l’an passé, la dotation atteignait au moins 36 millions d’euros, et qui plus est, les régions pouvaient abonder ces structures. Je me réjouis que plusieurs amendements, émanant autant de l’UMP que de l’UDI et du groupe SRC, aient été déposés pour soutenir les maisons de l’emploi. Cet amendement est gagé sur le contrat de génération, dont nous savons qu’il ne rencontre pas le succès escompté. Je ne comprendrais pas que l’on s’engage sur une enveloppe supplémentaire de 50 000 contrats aidés et que l’on refuse dans le même temps de donner à ces structures les moyens de remplir leurs missions.

M. Arnaud Richard. Cela fait plusieurs années que nous avons le même débat sur les maisons de l’emploi, qui oppose les parlementaires, qui défendent ces structures, au Gouvernement. Or, il arrive que les ministres eux-mêmes soient personnellement favorables aux maisons de l’emploi. En réalité, la représentation nationale et les élus locaux y sont favorables, et c’est l’administration qui s’oppose aux maisons de l’emploi, au motif qu’il faudrait un seul acteur du service public de l’emploi, à savoir Pôle emploi. Or, je le rappelle : les maisons de l’emploi sont un moyen d’associer véritablement les élus locaux à la problématique de l’emploi sur le territoire.

M. Christophe Cavard. Je souhaite modérer les propos de notre collègue Arnaud Richard : tous les parlementaires ne sont pas d’ardents défenseurs des maisons de l’emploi. Lors de leur création sous la houlette de Jean-Louis Borloo, je m’étais déjà inquiété du risque de démantèlement du service public de l’emploi lié à leur mise en place, d’autant que cela coïncidait avec un renvoi aux collectivités locales du problème de l’emploi, et aussi de son financement. Les maisons de l’emploi n’ont pas été dépouillées dans le dernier budget : les crédits ont été maintenus en 2014, simplement avec le fléchage d’une partie de ces crédits sur les actions reconnues comme étant les plus efficaces, et donc aussi sur les structures les plus efficaces. Plutôt que de vouloir à tout prix augmenter la dotation de fonctionnement des maisons de l’emploi, il est indispensable de réfléchir aux critères d’efficacité qui doivent encadrer leur financement.

La Commission examine également l’amendement II-AS 7 de Mme Kheira Bouziane, en discussion commune avec les amendements II-AS 2 et II-AS 15.

Mme Kheira Bouziane. Il est nécessaire de maintenir les maisons de l’emploi sur le territoire ainsi que leur financement. Je ne reviens pas sur les conclusions du rapport Bouillaguet, qui ne tarit pas d’éloges que les maisons de l’emploi qui remplissent leur rôle avec efficacité. Les trois amendements proposés offrent un choix sur les modalités de financement en proposant soit d’affecter 15 millions d’euros à partir des crédits dédiés au contrat de génération, soit de répartir ce financement. Ils ne m’apparaissent pas en tout cas en contradiction avec les propos du Ministre, qui nous indique que les maisons de l’emploi doivent pouvoir émarger sur les fonds de la GPEC. Il me semble qu’il est indispensable de leur dédier précisément ces crédits. Cet amendement est cosigné par deux collègues, mais je ne doute pas que de nombreux autres collègues s’y rallieront.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. La série d'amendements de crédits mis en discussion commune concernant les maisons de l'emploi visent à majorer leur dotation pour 2015. Je souhaite avant tout faire un bref rappel des dotations dont ont bénéficié les maisons de l'emploi en 2014, qui se sont en effet établies à 50 millions d'euros au total. Ces sommes recouvraient 26 millions d'euros au titre du fonctionnement, 10 millions d'euros au titre du solde de conventions d'investissement conclues avant 2010, 10 millions d'euros supplémentaires issus du débat budgétaire au titre d'appels à projets de GPEC territoriale enfin, 4 millions d'euros au titre des contrats de projet État-région. Autrement dit, la subvention de fonctionnement des maisons de l'emploi est donc stable en 2015 : elle était de 26 millions d'euros l'an passé ; elle sera de 26 millions d'euros l'an prochain ; on ne peut pas en dire autant pour de nombreux opérateurs de l’État. L’État n’est ensuite pas le seul financeur des maisons de l’emploi, qui sont, en milieu urbain, principalement portées par les communautés d’agglomération. Les 10 millions d'euros qui soldaient des conventions d'investissement conclues par le passé n'ont pas vocation à être reconduites ; les maisons de l’emploi sont d’ailleurs aujourd’hui très bien installées. Les nouveaux contrats de plan 2014-2020 reposent sur une redéfinition des axes prioritaires de financement. Je rappelle d’ailleurs que les régions peuvent tout à fait intervenir en soutien des maisons de l’emploi sur les crédits de droit commun Enfin, s'agissant des appels à projets de GPEC territoriale, il s'agit d'un financement au titre d'une action spécifique, qui, pour la plupart des maisons de l’emploi est d'ailleurs toujours en cours.

D'autre part, nous avons demandé à la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) un premier bilan des appels à projets de GPEC territoriale confiés aux maisons de l’emploi en 2014 et il n'est pas des plus concluants. En effet, ce bilan montre que si le financement des maisons de l'emploi sur des actions et un cahier des charges spécifiques est en soi une bonne chose, car elle force ces structures à travailler sur un mode projet, les actions financées dans le cadre des appels à projets GEPC territoriale sont finalement redondantes avec d'autres actions financées au titre de la GPEC sur le programme 103. Le bilan est plutôt à ce stade en demi-teinte, car ces appels à projets ont aussi mis en évidence l'incapacité de certaines maisons de l’emploi à travailler en coopération, à monter en compétence et à répondre de manière opérationnelle au cahier des charges. Enfin, les maisons de l'emploi n'étant pas implantées de manière égale sur le territoire, cela pose des problèmes d'équité entre les territoires, ce qui n'est pas le cas des actions de GPEC et d'EDEC financées à partir du programme 103.

Au total, toutes ces raisons militent en faveur du maintien de la dotation de fonctionnement à son niveau antérieur, soit 26 millions d'euros, et du rejet de l'ensemble de ces amendements. Enfin, s’agissant du gage, deux amendements minorent les crédits du contrat de génération ; le dernier, présenté par Mme Bouziane, minore notamment les crédits consacrés à la santé et à la sécurité au travail, qui financent l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), le Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (FACT) et l’évaluation des risques professionnels. Cela ne semble pas du tout opportun.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. La rapporteure nous indique le montant des crédits dédiés aux maisons de l’emploi en 2014, qui totalisent 50 millions d’euros. Si l’on passe in fine à 26 millions d’euros en 2015, c’est qu’il y a bien une baisse importante. S’agissant de la GPEC, si le bilan n’est pas satisfaisant à ce stade, c’est aussi parce que les Direccte n’ont notifié que très tardivement les instructions aux maisons de l’emploi. En outre, chaque année, il est question de répartir la diminution en fonction des structures et non uniformément : or, cette année, la diminution de 57 % a porté uniformément sur toutes les maisons de l’emploi.

Mme Kheira Bouziane. Mme la rapporteure estime qu’une partie du gage de mon amendement n’est pas opportune. Nous pouvons sans doute trouver un compromis en prenant l’ensemble des crédits sur le programme 103 dans ce cas.

M. Arnaud Richard. On a souhaité spécialiser les maisons de l’emploi en leur confiant des actions de GPEC territoriale. C’est donc un mauvais procès que de venir leur reprocher ensuite de mener des actions redondantes avec des financements qui existent par ailleurs sur le programme 103.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Mais précisément, le Ministre a indiqué tout à l’heure que les maisons de l’emploi pouvaient tout à fait émarger, si elles le souhaitent, sur ces crédits de GEPC qui figurent sur le programme 103.

Mme Isabelle Le Callenec. La rapporteure nous indique que les crédits relatifs à la GPEC peuvent être ouverts aux maisons de l’emploi. Mais les 10 millions d’euros que nous avions fléchés l’an passé sur les actions de GPEC territoriale confiées aux maisons de l’emploi disparaissent bel et bien, puisqu’ils ne se retrouvent plus non plus sur le programme 103.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je le répète, les maisons de l’emploi pourront bien bénéficier des crédits de droit commun au titre de la GPEC qui figurent sur le programme 103 : celles qui fonctionnent suffisamment bien et qui sont suffisamment efficaces pourront passer une convention avec la Direccte pour bénéficier de ces financements.

La Commission rejette les amendements II-AS 15, II-AS 2 et II-AS 7.

Puis elle examine l’amendement II-AS 14 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de repli, à hauteur de 10 millions d’euros en faveur des maisons de l’emploi, à partir de la dotation prévue au titre du contrat de génération. Je reviens rapidement sur l’amendement II-AS 7 de Mme Bouziane, pour dire que je n’ai pas voté en sa faveur, précisément parce que le gage portait, à hauteur de 5 millions d’euros sur les crédits de prévention et de sécurité de l’emploi, ce qui me semblait excessif au regard de la dotation globale de cette action, de seulement 25 millions d’euros.

La Commission rejette l’amendement II-AS 14.

Puis elle examine l’amendement II-AS 20 de la rapporteure pour avis.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Il s’agit du même amendement que celui qui a été adopté tout à l’heure par la commission des Finances, qui majore de 7 millions d’euros la dotation allouée au financement de l’aide au poste dans les entreprises adaptées, pour permettre le financement de 500 postes supplémentaires.

La Commission adopte l’amendement II-AS 20.

Puis elle examine l’amendement II-AS 10 de M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Cet amendement tend à majorer de un million d’euros les crédits en faveur du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE). En effet, le secteur a connu une grande avancée, grâce à la réforme mise en œuvre, qui a permis de le financer à hauteur de 25 millions d’euros supplémentaires. Toutefois, il reste une incertitude sur la mise en œuvre du contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) qui se substitue aux anciens contrats aidés, par le biais de la généralisation de l’aide au poste. Concernant la partie modulable de cette aide, il n’y a pas de garantie véritable que les montants soient maintenus par rapport à la situation avant réforme. En tout cas, certaines Direccte estiment que les crédits ne seront pas suffisants pour couvrir la totalité des besoins afférents à cette part modulable. Or, cela mettrait en danger les structures concernées.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je comprends l’intention de votre amendement, qui pointe en particulier les craintes relatives à la mise en place d’un CDD d’insertion qui conduirait à remettre en cause le bénéfice des exonérations de cotisations dont pouvaient jusqu’alors bénéficier certaines structures de l’IAE. Ces craintes sont néanmoins infondées, car l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a expressément prévu le maintien des exonérations dans le cadre du CDD d’insertion : autrement dit, il n’existe pas de surcoût que l’aide au poste ne couvrirait pas totalement.

M. Christophe Cavard. Je retire cet amendement, mais je le redéposerai en séance car je souhaiterais avoir des engagements précis du Ministre sur ce point.

L’amendement II-AS 10 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits, ainsi modifiés, de la mission Travail et emploi figurant à l’état B de l’article 32.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » figurant à l’état D de l’article 34.

Article 62 rattaché à la mission Travail et emploi.

La Commission est saisie de l’amendement II-AS-13 de M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Dans un contexte financier difficile, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) a obtenu des résultats importants : en effet, le nombre de placements durables, supérieur à un an, a progressé de 58 % en deux ans ; le plan de développement de l’alternance a porté ses fruits, puisque 4 700 contrats d'apprentissage ont bénéficié de l'aide de l'AGEFIPH en 2013, soit 20 % de plus qu'en 2012. En 2014, une nouvelle progression de 28 % est attendue avec 6 000 contrats en apprentissage, alors même que les chiffres de l'apprentissage sont en baisse au niveau national. En outre, 56 000 actions de formation ont été financées ou cofinancées par l'AGEFIPH en 2013, dont plus de 21 000 formations qualifiantes, soit une progression de 11 % par rapport à l’année passée. Enfin, au premier semestre 2014, le nombre de maintiens dans l'emploi a crû de 7 % par rapport à 2012. Le prélèvement de 29 millions d’euros prévu chaque année sur le fonds de roulement de l’AGEFIPH entre 2015 et 2017 opère une fragilisation de la dynamique qui avait été enclenchée, et qui est particulièrement malvenue s’agissant de publics fragiles, c’est-à-dire des personnes porteuses d’un handicap, qui devraient au contraire bénéficier d’un soutien accru. C’est pourquoi cet amendement propose de supprimer l’article 62, qui instaure ce prélèvement.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Votre amendement propose de supprimer le prélèvement, proposé par l'article 62 rattaché, sur le fonds de roulement de l'AGEFIPH, à hauteur de 29 millions d'euros. Je rappelle d'abord que les travailleurs handicapés bénéficient, en milieu ordinaire de travail, aussi des contrats aidés classiques au même titre que des aides de l'AGEFIPH : en particulier, ils représentent de l'ordre de 10 % des bénéficiaires de l'ensemble des contrats aidés en 2013. Vous pointez ensuite la diminution du budget de l'AGEFIPH, qui s'établit autour de 400 millions d'euros contre environ 600 millions d'euros il y a sept ans, mais cette diminution est précisément à mettre au compte du fait que les entreprises remplissent de mieux en mieux leurs obligations en matière d'emploi de personnes handicapées, puisque je rappelle que l'AGEFIPH est financée par la contribution des entreprises qui ne respectent pas le ratio de 6 % de personnes handicapées parmi leurs salariés. Ensuite, il s'agit d'un prélèvement annuel, programmé sur trois ans, sur un fonds de roulement qui s'établit à des niveaux relativement élevés, puisque les réserves de trésorerie de l'AGEFIPH atteignent près de 320 millions d'euros cette année. Rappelez-vous quand la majorité précédente ponctionnait le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)… Enfin, ces montants seront reversés à l'Agence de services et de paiement (ASP) et participeront bien au financement des emplois aidés en faveur des travailleurs handicapés.

M. Gérard Cherpion. Il me semble que l’on ne peut pas comparer les prélèvements sur le FPSPP et ceux prévus ici sur l’AGEFIPH, bien que j’aie par ailleurs toujours dénoncé par le passé ces prélèvements sur le Fonds paritaire. S’agissant du fonds de roulement de l’AGEFIPH, les montants que vous mentionnez sont exacts, mais il s’agit de sommes engagées, prévues pour répondre à des besoins en cours. C’est une erreur de vouloir opérer ces prélèvements répétés sur trois ans.

M. Jean-Patrick Gille. Il faut modérer les propos de notre collègue Gérard Cherpion. Cela fait quelques années que le fonds de roulement de l’AGEFIPH est très important, il me semble donc légitime que de l’ordre d’un peu moins de 10 % de ce fonds de roulement fassent l’objet d’un prélèvement. Le véritable enjeu est celui des contrats aidés bénéficiant aux personnes handicapées : il est indispensable de s’assurer que les opérateurs du service public de l’emploi, qu’il s’agisse de Pôle emploi ou des Cap emploi, fassent bien bénéficier les personnes handicapées qui le souhaitent d’un contrat aidé.

Mme Isabelle Le Callenec. Nous pourrions parvenir à un consensus si nous avions bien la certitude que ces fonds de l’AGEFIPH vont bien aller in fine aux travailleurs handicapés. Ils seront reversés à l’ASP ; mais de quelles garanties disposons-nous que les personnes handicapées seront bien les seules bénéficiaires de ces fonds ? Nous avons besoin d’un engagement clair du Ministre à ce sujet dans l’hémicycle, car nous avons des exemples de fonds initialement dédiés aux personnes handicapés ou à d’autres publics spécifiques qui finalement ne leur ont pas bénéficié.

M. Christophe Cavard. Je présente d’emblée mon amendement II-AS-18, qui rejoint les préoccupations de mon collègue Gérard Cherpion. On est en droit en effet d’être inquiet de voir que 29 millions d’euros vont être prélevés sur le fonds de roulement de l’AGEFIPH. Certes, il est indispensable que les fonds de l’AGEFIPH soient bien mobilisés et ne fassent pas l’objet d’une thésaurisation. Mais il est indispensable que dans l’hémicycle, des garanties soient apportées au sujet de l’affectation à 100 % de ces fonds vers des contrats aidés en faveur des travailleurs handicapés.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis. Je partage tout à fait ces interrogations et ces préoccupations, et je pense qu’il conviendra que le Ministre nous apporte sur ce point toutes les garanties nécessaires dans l’hémicycle.

Les amendements II-AS-13 et II-AS-18 sont retirés.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente. Il me semble qu’il s’agit d’une proposition qui peut faire l’unanimité. En effet, un effort important est fait dans le cadre du budget pour favoriser l’accès à l’emploi des personnes handicapées ; il faut néanmoins s’assurer que les crédits pris sur l’AGEFIPH iront bien aux travailleurs handicapés.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 62 rattaché.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Table ronde des organisations syndicales de salariés :

– Force Ouvrière (FO) – M. Nicolas Faintrenie, technicien sur les questions de formation professionnelle

– Confédération Française de l’Encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Franck Mikula, secrétaire national, secteur emploi formation, et M. Fabrice Tyack,  délégué national, chargé de l’emploi des jeunes

– Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) – M. Jean-Pierre Therry, membre du conseil confédéral, en charge du dossier sur la formation professionnelle, et M. Michel Charbonnier, conseiller du cabinet

Ø Table ronde des organisations patronales :

– Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – M. Jean-Michel Pottier, président de la commission formation éducation

– Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – Mme Florence Poivey, présidente de la commission éducation, formation et insertion, M. Antoine Foucher, directeur des relations sociales, de l’éducation et de la formation, et Mme Emeline Touzet, chargée de mission à la direction des affaires publiques *

Ø Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) – Mme Odile Menneteau, présidente, et M. Pierre-Yves Leclercq, directeur général

Ø Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) – M. Jean-Philippe Violet, vice-président, M. Dominique Bouvier, responsable du service « entreprises », et M. Guillaume Baugin, conseiller parlementaire*

Ø Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) – M. François Moutot, directeur général, Mme Béatrice Saillard, directrice des relations institutionnelles, et M. Philippe Perfetti, directeur adjoint de l’emploi et de la formation *

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

Ø CCI France – Mme Danielle Dubrac, vice-présidente de la CCID de Seine-Saint-Denis, membre du bureau de la CCIR Paris Ile-de-France, M. Patrice Guezou, directeur formation et compétences, et Mme Véronique Etienne-Martin, responsable du département affaires publiques et valorisation des études à la CCI Paris-Ile-de-France*

Ø Les Compagnons du devoir – M. Jean-Claude Bellanger, secrétaire général

Ø PSA Peugeot Citroën – M. Philippe Dorge, directeur des ressources humaines, Mme Catherine Campet, responsable recrutement, et Mme Mathilde Lheureux, déléguée pour les relations avec le Parlement

Ø Professionnels de l’intérim, services et métiers de l’emploi (PRISME) – M. François Roux, délégué général

Ø Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) – Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale, Mme Marianne Kermoal-Berthomé, sous-directrice du financement et de la modernisation, et M. Michel Ferreira-Maia, chef de la mission des politiques de formation et de qualification

Ø Fédération nationale du Crédit agricole – Mme Camille Beraud, directrice générale adjointe en charge de la direction des ressources humaines, et M. Denis Faure, directeur général de l’IFCAM, université du groupe Crédit Agricole*

Ø VEOLIA Environnement – M. Jean-Marie Lambert, directeur des ressources humaines, et Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante, directrice des relations institutionnelles*

Ø Centre d’étude et de recherche sur les qualifications (CEREQ) – M. Alberto Lopez, directeur

Ø Association nationale des apprentis de France (ANAF) – M. Morgan Marietti, délégué général

Ø Association des régions de France (ARF) – Mme Sylvie Eslan, vice-présidente chargée de l’apprentissage à la Région Pays de la Loire, et Mme Isabelle Cocaud, directrice apprentissage de la Région Pays de la Loire

Ø Ministère de l’éducation nationale – Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – Mme Maryannick Malicot, adjointe à la sous-directrice des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie, et Mme Stéphanie Roucou, adjointe au chef du bureau de la formation professionnelle initiale

Ø Cabinet du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – Mme Myriam Metais, conseillère budgétaire, Mme Mathilde Tournier, conseillère « politiques territoriales et financements communautaires », Mme Nadine Richard, conseillère « formation professionnelle, alternance », et M. Damien Ranger, conseiller parlementaire

Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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