N° 2265 tome IV - Avis de M. Joaquim Pueyo sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)



N
° 2265

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2015 (n° 2234)

TOME IV

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

FORCES TERRESTRES

PAR M. Joaquim Pueyo

Député

——

Voir les numéros : 2260 (annexe 12)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE L’ARMÉE DE TERRE POUR 2015 : UNE DOTATION CONFORME À UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE CALIBRÉE « AU PLUS JUSTE » 9

I. LES CRÉDITS DE L’ARMÉE DE TERRE POUR 2015 SONT CONFORMES AUX ORIENTATIONS FIXÉES PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2014 À 2019 9

A. LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2014 À 2019 A DÉFINI UN NOUVEAU MODÈLE POUR L’ARMÉE DE TERRE 9

1. Des effectifs resserrés et des formations différenciées 9

2. Un programme d’équipement dont la réalisation est cruciale, et dont la clé de voûte est l’opération SCORPION 10

B. POUR CE QUI CONCERNE L’ARMÉE DE TERRE, LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 EST FIDÈLE AUX ORIENTATIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 12

1. Un effort visant à contenir les dépenses de personnel et de soutien 13

a. Une maîtrise accrue des dépenses de personnel 13

b. Une maîtrise accrue des dépenses de fonctionnement et de soutien 14

2. Un effort au profit des dépenses concourant directement à maintenir et à améliorer la capacité opérationnelle de l’armée de terre 15

a. Un effort notable au profit de l’entretien programmé du matériel (EPM) 15

b. La poursuite des efforts au profit des équipements de préparation opérationnelle (EAC) 16

II. LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE ÉTANT CALIBRÉE « AU PLUS JUSTE », LES CRÉDITS DE L’ARMÉE DE TERRE OFFRENT PEU DE MARGES DE MANœUVRE 19

A. MÊME FIDÈLE À LA LOI DE PROGRAMMATION, LE BUDGET 2015 PERMET SEULEMENT DE METTRE UN TERME À LA DÉGRADATION CONTINUE DES CONDITIONS DE PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DES FORCES 19

1. Une tendance à la baisse de l’intensité de la préparation opérationnelle jusqu’en 2014 19

a. Des modifications dans la construction des indicateurs de préparation opérationnelle qui compliquent les comparaisons à long terme 19

b. Des résultats presque systématiquement inférieurs aux objectifs fixés, faute de financements. 20

2. Un coup d’arrêt à cette baisse – mais pas davantage –, qui ne fait qu’ouvrir la voie à un redressement progressif de la préparation opérationnelle des forces terrestres 21

a. Concernant les forces terrestres 21

b. Concernant les forces aéroterrestres 21

B. L’ÉTALEMENT DU CALENDRIER DE REMPLACEMENT DE PLUSIEURS MATÉRIELS VIEILLISSANTS ENTRAÎNE UN IMPORTANT SURCOÛT DE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE 23

SECONDE PARTIE : LE « RÔLE SOCIAL » DE L’ARMÉE DE TERRE 25

I. L’ARMÉE DE TERRE A TOUJOURS FONCTIONNÉ COMME UN « ESCALIER SOCIAL » EFFICACE 27

A. LE RECRUTEMENT ET LA FORMATION DES PERSONNELS 27

1. Des recrutements ouverts à des jeunes de tous horizons 27

a. Dans le régime général de l’armée de terre 27

b. Dans la Légion étrangère 30

2. Un solide dispositif de formation initiale 32

B. LA PROMOTION ENCOURAGÉE PAR L’EFFORT ET LE MÉRITE, OU L’« ESCALIER SOCIAL » 34

1. Des conditions de vie perçues comme la marque de la considération que porte l’État aux militaires 34

a. Les conditions de rémunération 34

b. Les conditions de vie 35

2. De réelles possibilités d’ascension sociale par l’effort : l’« escalier social » dans l’armée de terre 38

a. La formation continue 38

b. La promotion interne 40

i. Pour les militaires du rang 40

ii. Pour les sous-officiers 41

II. AUJOURD’HUI PLUS QUE JAMAIS, L’ARMÉE DE TERRE A UN RÔLE SOCIAL À JOUER PLEINEMENT, TANT AU SEIN DE L’INSTITUTION QU’À L’ÉCHELLE DE LA NATION ENTIÈRE 43

A. POUR QUE L’« ESCALIER SOCIAL » NE SE CHANGE PAS EN CORDE À NœUD : PRÉSERVER LES COMPÉTENCES ET LE MORAL DE CEUX QUI RESTENT, ASSURER UN RECLASSEMENT À CEUX QUI PARTENT 43

1. Préserver les compétences et le moral des personnels appelés à continuer à servir au sein de l’armée de terre 43

a. Le moral de l’armée de terre : un point d’attention à ne pas négliger 44

i. Des circonstances qui expliquent la baisse du moral 44

ii. Des « canaux » de transmission qui sont appelés à évoluer 45

b. Le maintien des compétences : éviter des déflations « aveugles » 46

2. Accompagner efficacement et dignement les personnels qui doivent quitter l’institution 47

a. Des défis majeurs pour la chaîne de reconversion 47

i. Un dispositif existant, qui a fait preuve d’efficacité 47

ii. Des défis importants 49

b. Un suivi encore insuffisant des personnels ayant quitté l’institution 52

B. POUR QUE L’ARMÉE DE TERRE APPORTE SA CONTRIBUTION À LA SOCIÉTÉ ENTIÈRE : RÉFLÉCHIR À LA PLUS-VALUE DE LA CULTURE MILITAIRE DANS LES POLITIQUES D’INSERTION DES JEUNES 53

1. L’exemple du service militaire adapté 53

i. Une structure militaire d’insertion socio-professionnelle des jeunes 53

ii. De remarquables résultats en matière d’insertion socio-professionnelle 54

2. Une proposition « gagnant-gagnant » : mettre les personnels et les moyens « déflatés » au service d’une politique d’insertion socio-professionnelle des jeunes les plus fragiles 56

TRAVAUX DE LA COMMISSION 59

I. AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE BOSSER, CHEF D’ÉTATMAJOR DE L’ARMÉE DE TERRE 59

II. EXAMEN DES CRÉDITS 79

ANNEXE : Auditions et déplacements du rapporteur pour avis 83

INTRODUCTION

Les crédits de l’armée de terre tels qu’ils ressortent du projet de loi de finances pour 2015 sont conformes à ce qui est prévu par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, il ne faudrait pas négliger l’effort que cela représente.

Mais il ne faudrait pas non plus en conclure que l’armée de terre bénéficie d’un traitement de faveur : le nouveau modèle d’armée défini par cette loi de programmation militaire correspond au strict minimum de moyens compatible avec le maintien de capacités terrestres crédibles, et la trajectoire permettant de l’atteindre suppose de mettre en œuvre des restructurations complexes, accompagnées d’importantes déflations d’effectifs.

Dans ce contexte, le rapporteur a choisi de consacrer une large part de ses travaux au « rôle social » de l’armée de terre. En effet, même si une armée professionnelle doit être jugée avant tout à ses résultats opérationnels, l’armée de terre a toujours joué, joue encore et doit continuer à jouer un rôle majeur d’intégrateur social.

Cela vaut pour la façon dont elle recrute ses personnels – souvent, des jeunes auxquels l’armée de terre est la seule institution à offrir une seconde chance –, dont elle les forme, les emploie, les promeut. Bien sûr, au sein de l’armée de terre, c’est par l’effort que l’on s’élève : on y parle d’ailleurs d’« escalier social » et non d’« ascenseur social ». Mais il ne faudrait pas que les réformes en cours aient pour effet de rompre ces mécanismes d’intégration et de promotion qui concourent au rôle social joué par l’armée de terre en son sein.

Surtout, l’armée de terre joue un rôle social au-delà même de son rôle d’employeur : elle a en cela une place particulière dans la société française. L’exemple du service militaire adapté (SMA) dans les outre-mer en témoigne : elle peut réussir l’intégration de jeunes là où d’autres institutions ont échoué. C’est pourquoi le rapporteur propose une réforme « gagnant-gagnant » : plutôt que de renvoyer à la vie civile les personnels qui sont appelés à quitter l’armée de terre d’ici 2019, pourquoi ne pas les affecter à des structures d’insertion sociale et professionnelle nouvelles, de nature militaire, s’inscrivant par exemple dans le cadre du plan de triplement des effectifs du service civique ? Une telle initiative, inspirée du SMA, pourrait être financée par les crédits de la formation professionnelle ainsi que, comme le SMA, par les fonds européens dont c’est l’objet. Elle rendrait ainsi plus aisée la conduite des restructurations à mener dans l’armée de terre, tout en mettant les savoir-faire et les savoir-être de ses personnels au service de la jeunesse de France.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2014, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 44 réponses sur 44 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE L’ARMÉE DE TERRE POUR 2015 : UNE DOTATION CONFORME À UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE CALIBRÉE « AU PLUS JUSTE »

Le rapporteur ne peut que se féliciter de voir que le projet de loi de finances pour 2015, en ce qui concerne l’armée de terre, est conforme aux orientations fixées par la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019. Si, comme le chef d’état-major des armées l’a dit devant la commission, « l’année 2015 s’annonce comme l’année charnière de la LPM, l’année de vérité » (1), le projet de loi de finances y est conforme – il restera certes à en suivre l’exécution avec la plus haute attention. Force est, en tout état de cause, de constater que même fidèle à la programmation 2014-2019, le budget 2015 de l’armée de terre n’en représente pas moins une équation budgétaire très serrée, sans réelle marge de manœuvre, tant est exigeante cette programmation pluriannuelle calculée « au plus juste ».

Le nouveau modèle d’armée défini pour l’armée de terre par le Livre blanc de 2013 et précisé par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 prévoit que l’armée de terre doit disposer d’une capacité opérationnelle de l’ordre de 66 000 hommes projetables, articulée en sept brigades interarmes organisées selon le principe dit de la « différenciation », avec :

– deux brigades adaptées à l’entrée en premier sur un théâtre d’opération ;

– trois brigades multi-rôles ;

– deux brigades légères.

Les forces terrestres disposeront également d’unités d’appui et de soutien opérationnel : une brigade logistique, une brigade de renseignement, une brigade de transmission et d’appui au commandement, ainsi que des régiments d’hélicoptères de combat. Elles disposeront aussi de forces spéciales terrestres dont le volume est en cours de renforcement (2) –, d’unités prépositionnées à l’étranger et d’unités implantées outre-mer, ainsi que de la contribution française à la brigade franco-allemande.

Ce nouveau modèle d’armée se traduit par un plan de déflation d’effectifs exigeant, y compris parmi les forces. Certes, le choix a été fait de préserver au maximum les capacités opérationnelles de nos forces armées, en faisant peser les deux tiers environ des suppressions de postes sur les soutiens – qu’ils soient assurés par les armées ou par des structures interarmées. Mais, selon les précisions statistiques fournies au rapporteur par le ministère de la Défense, il n’en demeure pas moins que sur un total de 33 675 suppressions de postes prévues par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, 15 500 suppressions seront opérées au sein des trois armées. Selon ces mêmes précisions, le cadencement et la répartition exacte de ces suppressions de postes entre les trois armées pour les années 2016 à 2019 ne serait pas encore définitivement arrêtée.

Enfin, en matière de préparation opérationnelle, la loi de programmation militaire détermine des normes d’entraînement pour l’armée de terre, cohérentes avec celles de l’OTAN :

– 90 jours de préparation opérationnelle (JPO) par homme (hors temps d’activité en opération extérieure) ;

– 180 heures de vol (HdV) par pilote d’hélicoptère.

En matière d’équipement, la période 2014-2019 constitue une étape déterminante dans le renouvellement des équipements de l’armée de terre, dans la mesure où la vétusté de certains équipements et son impact sur leur disponibilité opérationnelle sont bien connus (cf. les développements consacrés à ce sujet par le rapporteur dans son rapport pour avis sur les crédits de l’armée de terre pour 2014).

La clé de voûte de ce plan de renouvellement des équipements des forces terrestres est l’opération dite SCORPION, qui a pour objectif de renouveler les moyens de combat de contact terrestre en les organisant en un tout évolutif et cohérent – ce qui a, entre autres avantages, celui de réduire très sensiblement ses coûts de maintien en condition opérationnelle. Cette opération comprend notamment :

– la mise en place d’un système d’information de combat propre aux équipements de l’opération SCORPION (SICS), dont une première version (« SICS V0 ») doit être livrée mi-2016 puis faire l’objet d’une première évolution d’ampleur (aboutissant à un système dit « SICS V1 ») en 2018 ;

– la rénovation de la composante blindée, avec le début de la rénovation de 200 chars Leclerc en 2018, le développement de 248 engins blindés de reconnaissance de combat (EBRC) dont les premières commandes interviendront en 2018, et la livraison à compter de 2018 des premiers des 2 080 véhicules blindés multi-rôle (VBMR) en remplacement des véhicules de l’avant blindés (VAB), dont le vieillissement a été maintes fois souligné.

Devant la commission (3), le ministre de la Défense s’est engagé à ce que la phase de réalisation de l’opération SCORPION soit lancée avant la fin de l’année 2014, soulignant : « il est temps d’aboutir : SCORPION est une nécessité pour l’armée de terre ». Le ministre a par ailleurs déclaré que l’ensemble de programmes SCORPION « sera exécuté conformément à la loi de programmation militaire ».

En plus de l’opération SCORPION, la loi de programmation militaire a planifié le lancement ou la livraison de plusieurs équipements majeurs pour l’armée de terre :

– la livraison de 13 lance-roquettes unitaires (LRU) en 2014 ;

– la livraison en 2015 des derniers véhicules blindés de combat de l’infanterie (VBCI) ;

– la livraison des premiers armements individuels du futur (AIF) à partir de 2017, en remplacement des FAMAS ;

– les dernières livraisons, en janvier 2015, des équipements du combattant FELIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés) commandés à ce jour ;

– la livraison d’ici 2017 de 450 camions dits « porteurs polyvalents terrestres » (PPT) ;

– la livraison de 21 hélicoptères de combat Tigre HAD entre 2013 et 2020 en remplacement des hélicoptères Gazelle ;

– la livraison de 38 hélicoptères NH 90 TTH avant 2019 ;

– la livraison de drones tactiques modernes en remplacement de l’actuel système de drone tactique intérimaire (SDTI).

Le projet de loi de finances pour 2015 traduit effectivement les orientations fixées par la loi de programmation militaire 2014-2019.

Certains changements intervenus dans la nomenclature budgétaire compliquent la comparaison à périmètre constant des crédits de l’armée de terre. Le principal de ces changements concerne les dépenses de personnel (dites « de titre 2 »). En effet, en application des orientations fixées par la loi de programmation militaire, le ministre de la Défense a réformé la gouvernance de ses effectifs et le pilotage de la masse salariale, désormais centralisé sous la responsabilité de la direction des ressources humaines du ministère (DRHMD), qui s’est vue confier une autorité fonctionnelle renforcée sur les directions des ressources humaines des armées.

Ainsi, les crédits de personnel de l’armée de terre et les effectifs associés sont, à partir du projet de loi de finances pour 2015, retracés non plus au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », mais inscrits, avec l’ensemble des crédits de personnel du ministère, au programme 212 « Soutien de la politique de la défense », placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration (SGA) du ministère. Au sein de ce programme, les crédits sont désormais répartis, essentiellement, par gestionnaire des ressources humaines, chacun pour ce qui le concerne en charge d’un budget opérationnel de programme. Néanmoins, afin de préserver l’information des employeurs et des responsables de programmes, la nouvelle nomenclature du programme 212 identifie les dépenses de titre 2 et les effectifs associés à chaque action du programme 178. Ainsi, les dépenses de personnel précédemment inscrites à l’action 2 « Préparation des forces terrestres » du programme 178 constituent désormais la sous-action 55-01 « Ressources humaines des forces terrestres » de l’action 55 « Préparation des forces terrestres – Personnels travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces » » du programme 212.

Par ailleurs, les ressources affectées à la fonction « habillement » – (dites : « crédits d’entretien programmé des personnels » (EPP)) – ont été transférées de l’action 2 « Préparation des forces terrestres » du programme 178 à la sous-action 85 « Service du commissariat des armées » de l’action 5 « Logistique et soutien interarmées » du programme 178. Comme l’explique le projet annuel de performances (PAP) annexé au présent projet de loi de finances, ce transfert est cohérent avec « la généralisation de la démarche dite « de bout en bout » (c’est-à-dire la mise en place d’une chaîne de soutien continue, de la conception à la fourniture des prestations) à l’ensemble des domaines de l’administration générale et des soutiens communs, organisés dorénavant selon une logique de filière […] jusque dans les groupements de soutien des bases de défense (GSBdD), rattachés hiérarchiquement au Service du commissariat des armées à compter du 1er septembre 2014 ».

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU BUDGET OPÉRATIONNEL DE PROGRAMME
DE L’ARMÉE DE TERRE (BOP 178-0011)

(périmètre 2014, en millions d’euros courants)

AE : autorisations d’engagement ; CP : crédits de paiement

 

LFI 2013

LFI 2014

PLF 2015

évolution 2015/2014

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

titre 2*

6 342,41

6 342,41

6 160,33

6 160,33

5 944,95

5 944,95

– 3,50%

– 3,50%

titre 3**

1 396,37

1 227,23

1 304,84

1 261,08

1 312,80

1 193,64

+ 0,61%

– 5,35%

titre 5***

85,86

84,16

89,49

88,22

82,97

80,94

– 7,29%

– 8,25%

titre 6****

5,20

5,20

5,13

5,13

5,13

5,13

* dépenses de personnel : les sommes relatives au projet de loi de finances pour 2015 sont celles inscrites à l’action 55 « Préparation des forces terrestres – Personnels travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces » » du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » ;

** dépenses de fonctionnement ; *** dépenses d’investissement ; **** dépenses d’intervention.

Source : ministère de la Défense et projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015.

Ainsi, les grands équilibres du projet de loi de finances pour 2015 sont, en ce qui concerne l’armée de terre, la traduction fidèle des orientations de la loi de programmation militaire : une maîtrise des dépenses de personnel et de soutien, au profit d’un effort en faveur des dépenses liées à l’activité opérationnelle, permettant à l’armée de terre de respecter son contrat opérationnel.

Le plafond d’emplois autorisés pour l’armée de terre – exprimé en équivalents temps plein travaillés (ETPT) et qui traduit le plafond théorique maximum moyen de consommation d’emploi au titre de l’annuité budgétaire – est établi pour 2015 sur le périmètre de la nouvelle architecture budgétaire du ministère, marquée par le regroupement des dépenses de titre 2 au sein du programme 212. Le document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel de l’armée de terre est donc désormais décrit, pour ce qui concerne les personnels militaires, au sein du budget opérationnel de programme (BOP) 0212-0081-AT01 « Personnels militaires de l’armée de terre ».

Il est établi à hauteur de 108 152 ETPT, 3 865 ETPT de moins qu’en 2014. Cette réduction est traduite à travers le schéma d’emploi 2015 qui se décompose comme suit pour le personnel militaire :

– 3 676,15 ETPT seront supprimés au titre des mesures de réduction d’effectifs liées à la programmation militaire. Ce solde net résulte de mouvements différents : on retiendra principalement l’extension en année pleine des économies réalisées en 2014 et les suppressions liées aux mesures prises d’économies qui seront prises en 2015, se traduisant respectivement par la suppression de 1 190,09 et de 2 493,39 ETPT. À l’inverse, on note des créations de postes (« gagées » pour certaines) à hauteur de 31,61 ETPT, notamment dans les domaines de la sécurité des systèmes d’information et du renseignement ;

– 139,5 ETPT seront supprimés au titre de transferts de personnels internes ou externes au ministère ;

– enfin, au titre de l’effort de rééquilibrage entre personnels militaires et personnels civils, 49 ETPT militaires seront supprimés.

Ces mesures doivent permettre de réduire de 3,5 % les dépenses de titre 2 relatives aux personnels des forces terrestres travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces ». Cette réduction prévue pour 2015 s’inscrit dans la lignée d’une réduction de 2,8 % de ces dépenses en 2014.

L’évolution des crédits de l’armée de terre placés sous l’opération stratégique « Fonctionnement et activités spécifiques » (FAS) illustre bien l’effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement et de soutien. Ces crédits des titres 3 et 6 contribuent essentiellement au soutien des ressources humaines (changements de résidence, recrutement et formation, etc.) et la contribution de l’armée de terre au fonctionnement des états-majors multinationaux.

En effet, dans le projet de loi de finances pour 2015, les sommes retracées par cette opération stratégique pour l’armée de terre restent constantes en autorisations d’engagement (95,1 millions d’euros) mais diminuent de 2,4 millions d’euros en crédits de paiement, pour s’établir à 92,8 millions d’euros. Cette évolution est permise par les mesures d’économies décidées dans les dépenses de fonctionnement, notamment dans les dépenses de communication.

De même, au sein de l’agrégat « Fonctionnement », l’évolution des crédits de l’armée de terre regroupés sous l’opération stratégique « Activités opérationnelles » (AOP) est elle aussi révélatrice des efforts de maîtrise des dépenses de fonctionnement et de soutien consentis en vue de préserver la capacité opérationnelle de l’armée de terre. En effet, ces crédits regroupent à la fois :

– les sommes destinées à financer les activités et l’entraînement des forces, c’est-à-dire les activités réalisées par l’armée de terre en métropole, dans les outre-mer ou à l’étranger, tant dans les garnisons et les camps d’entraînement qu’en terrain libre : ces sommes augmentent de 6,2 % en autorisations d’engagement et de 1,59 % en crédits de paiement ;

– d’autres postes de dépenses, notamment l’alimentation et les frais de transport, qui font l’objet de réductions, à hauteur respectivement de 7,87 % et de 24,07 % comme il ressort de la lecture comparée des projets annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2014 et pour 2015, résumée par le tableau ci-après. La réduction des dépenses d’alimentation s’explique principalement par les réductions d’effectifs affectés à cette fonction.

ÉVOLUTION DES DIFFÉRENTS POSTES DE DÉPENSES DE L’ARMÉE DE TERRE REGROUPÉS AU SEIN DE L’OPÉRATION STRATÉGIQUE « ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES » (AOP)

(en millions d’euros courants)

 

LFI 2014

PLF 2015

évolution 2015/2014

 

AE

CP

AE

AE

CP

AE

Activités et entraînement des forces

106,90

106,90

113,53

108,60

6,20 %

1,59 %

Alimentation

81,79

81,79

75,35

75,35

– 7,87 %

– 7,87 %

Carburants opérationnels hors carburéacteur et combustibles de navigation

42,03

42,03

30,90

30,90

– 26,48 %

– 26,48 %

Carburéacteur

15,96

15,96

25,40

25,40

59,15 %

59,15 %

Déplacement et transports

19,61

19,61

14,89

14,89

– 24,07 %

– 24,07 %

Total

266,30

266,30

260,08

255,15

– 2,34 %

– 4,19 %

Source : projets annuels de performances annexés respectivement aux projets de loi de finances pour 2014 et pour 2015.

Les crédits destinés à l’entretien programmé du matériel (EPM) sont retracés par le projet annuel de performances (PAP) annexé au présent projet de loi de finances au sein d’une opération stratégique spécifique.

Au sein de cette opération stratégique, les crédits inscrits pour 2015 sont marqués par une augmentation sensible par rapport à 2014, passant de 720,02 millions d’euros à 782,29 millions d’euros en 2015 en crédits de paiement – soit une hausse de 8,64 %. Cette augmentation traduit la volonté de maintenir, en matière d’EPM, un niveau d’activité au moins égal à celui atteint en 2014 tout en prenant en compte à la fois :

– la montée en puissance des parcs de matériels de nouvelle génération (notamment les hélicoptères NH 90 et Tigre, ainsi que les VBCI) ;

– la prolongation de matériels d’ancienne génération (dont les coûts d’entretien ont tendance à croître avec l’ancienneté), en raison des décalages de livraisons de matériels neufs opérés par la loi de programmation militaire.

Cet effort est d’autant plus important que le niveau de ressources inscrit à cette opération stratégique conditionne directement la disponibilité des matériels et leur niveau d’activité (heures de vol pour les aéronefs, potentiel des véhicules, notamment pour les chars) ainsi que la poursuite de la montée en puissance des équipements de nouvelle génération. Par ailleurs, l’armée de terre doit prendre en compte le besoin de remise en condition de nombreux matériels utilisés en opérations extérieures dans des conditions d’emploi et d’environnement climatique particulièrement exigeantes – conditions particulièrement abrasives dans la bande sahélo-saharienne et en République centrafricaine. Cet effort portera notamment sur les VAB.

Le rapporteur souligne que cet effort au profit de l’entretien programmé du matériel s’inscrit de surcroît dans le long terme, comme en témoigne l’ouverture supplémentaire d’autorisations d’engagement dites « de montée en puissance », c’est-à-dire permettant de planifier l’entretien programmé des matériels de nouvelle génération. La comparaison des projets annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2014 et pour 2015 fait en effet apparaître une croissance, de 763,08 millions d’euros à 890,03 millions d’euros (soit une hausse de 16,64 %), des autorisations d’engagements retracées sous l’opération stratégique « EPM » concernant les forces terrestres. Cette hausse porte principalement sur les autorisations d’engagement relatives à l’entretien programmé du parc d’hélicoptères NH 90, qui sont multipliées par deux et demi, et sur celles relatives à l’EPM des autres flottes aéroterrestres (hors parc d’hélicoptères Tigre), qui augmentent de plus de 50 %.

L’opération stratégique « Équipements d’accompagnement et de cohérence » (EAC) recouvre plusieurs postes de dépenses directement nécessaires au maintien des capacités opérationnelles de l’armée de terre :

– l’acquisition des munitions et le suivi technique des missiles, au titre desquels les besoins de financement dépendent notamment de la remise à niveau des stocks après les consommations de l’année écoulée ;

– l’acquisition des équipements de cohérence organique en petites séries, des équipements techniques de la maintenance, des matériels d’outillage, de stockage, d’instrumentation et du génie ainsi que des véhicules de la gamme commerciale spécifiques non-externalisables (incendie, etc.) ;

– les expérimentations et évaluations de la section technique de l’armée de terre (STAT), la poursuite de la montée en puissance des systèmes d’information nécessaires à la maintenance et aux équipements de préparation opérationnelle ;

– la montée en puissance des équipes légères de guerre électronique (ELGE) et des unités de renseignement de brigades (URB) renforçant l’efficacité de l’armée de terre dans la fonction stratégique « connaissance et anticipation » ;

– la poursuite du développement de logiciels destinés à l’évolution des outils de simulation opérationnelle ;

– l’acquisition de divers petits équipements de guerre électronique ;

– les dépenses d’infrastructure en opérations extérieures redéployables (notamment les groupes électrogènes).

Les acquisitions prévues pour 2015 concernent principalement de multiples équipements en petites séries, destinés par exemple au « combat de contact » (équipements des forces spéciales et des unités spécialisées, matériels d’optique, etc.), à l’appui à la mobilité, au contrôle de zone et à l’aide aux populations (matériels de travaux publics, équipements du sapeur au combat, etc.), à la logistique, aux moyens de transmission et la surveillance du champ de bataille et de guerre électronique. Ces acquisitions concernent aussi, pour une part importante, des munitions d’instruction et de « recomplètement » des stocks.

Les crédits inscrits au titre de cette opération stratégique permettront ainsi à l’armée de terre de reconstituer ses stocks et de poursuivre ses efforts au profit des équipements de préparation opérationnelle, dans la lignée de plusieurs programmes développés ces dernières années :

– la nouvelle génération du simulateur d’instruction technique du tir aux armes légères (SITTAL NG2) ;

– le parcours Symphonie du centre d’entraînement au tir interarmes (CETIA) à Suippes ;

– le parcours Opéra du centre d’entraînement au tir interarmes (CETIA) à Canjuers ;

– le développement de la ciblerie robotisée au complexe de tir en zone urbaine (CTZUB) du camp de Sissonne.

Le rapporteur souligne que s’il faut se féliciter de ce que le projet de loi de finances pour 2015 respecte les orientations de la loi de programmation militaire, en dépit d’un contexte budgétaire particulièrement complexe, il ne faudrait pas pour autant voir l’armée de terre comme disposant de larges marges de manœuvre budgétaires. Cette loi de programmation militaire a en effet été calculée « au plus juste », et même son strict respect se traduit par des compromis, des adaptations et des efforts non négligeables.

Deux secteurs illustrent particulièrement bien les difficultés que fait peser la contrainte budgétaire sur le potentiel opérationnel de l’armée de terre : la préparation opérationnelle des hommes, et l’entretien des matériels vieillissants dont la loi de programmation militaire a différé le remplacement.

Jusqu’en 2008, l’activité est exprimée en nombre de « journées d’activité » (JA) par homme, avec et sans matériel organique (AMO / SMO) et en heures de vol (HdV) par pilote d’hélicoptère. Ces indicateurs sont remplacés, dans le cadre de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, par les « journées de préparation et d’activités opérationnelles » (JPAO), qui intègrent les journées passées en opérations extérieures. Dans un souci de rationalisation de ces standards, ceux-ci ont été de nouveau réformés par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, qui retient désormais l’indicateur dit de « journées de préparation opérationnelle » (JPO), excluant les activités en opérations extérieures.

Ces modifications ne facilitent pas les comparaisons précises, sur longue période, de l’intensité réelle de la préparation opérationnelle des forces terrestres.

Année

Nombre de JA
avec matériels

Nombre de JA
sans matériels

Total JA

Nombre d’HdV par pilote

Objectifs LPM 2003-2008

50

50

100

180

2008

33

58

91*

168

*dont 4 JA financées par le BOP « Emploi des forces » de l’EMA.

Source : ministère de la Défense.

LA SOUS-RÉALISATION DES OBJECTIFS DE PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE
DANS LA PÉRIODE DE PROGRAMMATION 2009-2014

Année

Nombre de JPAO

Nombre d’HdV par pilote

Objectifs LPM 2009-2014

150

180

2009

105

170

2010

119

177

2011

117

180

2012

109

170

2013

120

157

Source : ministère de la Défense.

LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE
DANS LA PÉRIODE DE PROGRAMMATION 2014-2019

Année

Nombre de JPO

Nombre d’HdV par pilote

Objectifs LPM 2014-2019

90

180 (hors simulation)

Prévisions PAP* 2014

83

156 (hors simulation)

Prévisions PAP 2015

83

156 (hors simulation)

* PAP : projet annuel de performances concernant la mission « Défense », annexé au projet de loi de finances

Source : ministère de la Défense.

Cette sous-réalisation des objectifs s’explique essentiellement par une insuffisance de crédits. Comme le montre le tableau ci-après, les montants consacrés à l’activité ont nettement décru de 2009 à 2011, et ne retrouveront qu’en 2015 leur niveau de 2008.

RESSOURCES BUDGÉTAIRES DISPONIBLES POUR LA PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE

(en millions d’euros courants)

Année

Montant total consacré à l’activité

2008

112,02

2009

137,08

2010

63,91

2011

66,84

2012

79,05

2013

94,50

2014

106,90

PLF 2015

113,53

Source : ministère de la Défense.

Les réformes qui sont engagées dans le domaine du soutien conjuguées à l’effort financier consenti sur la période de programmation 2014-2019 doivent permettre au niveau d’activité de tendre vers les cibles de la loi de programmation militaire à partir de 2016, au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle. Pour l’heure, le projet de loi de finances pour 2015 permettra de tenir les objectifs de préparation opérationnelle fixés pour 2015 par cette loi de programmation militaire (83 JPO en 2015), la trajectoire établie par cette loi de programmation ayant pour cible l’atteinte du niveau de 90 JPO en fin de période de programmation.

Il n’en demeure pas moins que la poursuite des opérations au Mali et en République centrafricaine en 2014 nécessite que l’armée de terre fasse porter l’effort sur la préparation opérationnelle dite « spécifique » – c’est-à-dire adaptée à ces théâtres d’emploi très particuliers – au détriment de l’entraînement dit « générique ». Cette tendance devrait perdurer en 2015. Cette contrainte, ajoutée au niveau de préparation opérationnelle prévu pour 2015 qui est encore inférieur à l’objectif de la loi de programmation militaire, permettra seulement à l’armée de terre de « limiter la fragilisation des savoir-faire fondamentaux des forces terrestres (conduite des blindés, tir missiles anti-chars, entraînement des troupes aéroportées) », comme l’indique au rapporteur le ministère de la Défense.

Dans le domaine aéronautique et pour tenir les contrats opérationnels de l’armée de terre, le seuil des 156 heures de vol par pilote, hors simulation, constitue la limite basse permettant aux équipages de s’engager dans des conditions satisfaisantes en opération. Le niveau élevé d’engagement des forces exige en outre une régénération constante des équipages et des capacités. Aussi, l’objectif de 180 heures de vol (hors simulation) prévu par la loi de programmation militaire reste-t-il pertinent pour maintenir les qualifications des pilotes. Le ministère de la Défense précise par ailleurs que « les prévisions 2015 ont été évaluées sous réserve de disponibilité des aéronefs ».

En effet, le standard de 180 heures de vol se décline de la façon suivante :

– pour un pilote d’hélicoptère de reconnaissance et d’attaquede type Gazelle : un minimum de 180 HdV sur hélicoptère d’armes ;

– pour un pilote d’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque detype Tigre : un minimum de 150 HdV sur Tigre complétées par 30 HdV sur un appareil de substitution (Gazelle ou Fennec) et des HdV sur simulateur ;

– pour un membre d’équipage d’hélicoptère de manœuvre et d’assaut de type Puma ou Cougar : un minimum de 180 HdV sur hélicoptère d’armes complétées par 10 HdV sur un appareil de substitution (Gazelle ou Fennec) ;

– en ce qui concerne les forces spéciales, les équipages effectuent leurs HdV exclusivement sur des hélicoptères d’armes (pour 200 HdV au minimum), la simulation venant en complément de leur préparation opérationnelle spécifique.

Or, à l’heure actuelle, les difficultés liées à la disponibilité des appareils ne permettent pas d’atteindre ces seuils d’heures de vol pour l’ensemble des pilotes. L’armée de terre a donc mis en place un processus de préparation opérationnelle différenciée en fonction de la probabilité d’engagement des équipages :

– les équipages dits de « rang 1 » prévus pour une relève ou en régime d’alerte opérationnelle bénéficient d’un minimum de 180 heures de vol avant projection, dont 140 heures dans les 12 derniers mois ;

– les équipages non prioritaires, dits de « rang 2 » et de « rang 3 », disposent d’un niveau de préparation opérationnelle qui s’établit respectivement à 124 et 146 heures, comme le montre le tableau ci-après. Un délai de six mois pourra être nécessaire pour permettre le passage d’un pilote du rang 3 au rang 1.

HEURES DE VOL PAR VIVIER DE PILOTES D’HÉLICOPTÈRE

 

entraînement individuel ou en équipage

entraînement en groupe aéro-mobile (GAM) ou sous-GAM

entraînement interarmes ou interarmées

total

pilotes de rang 1

124 heures

22 heures

54 heures

200 heures

pilotes de rang 2

124 heures

22 heures

 

146 heures

pilotes de rang 3

124 heures

   

122 heures

Source : ministère de la Défense.

En outre, la préparation opérationnelle est recentrée sur l’entraînement individuel et collectif de base au détriment des entraînements interarmes et interarmées. Certaines qualifications spécifiques ne sont plus entretenues (appontage, « poser » sans visibilité sur zone poussiéreuse, etc.). Ces qualifications sont renouvelées en fonction du besoin lors des préparations à la projection ou, à défaut, à l’arrivée sur les théâtres d’opération.

L’ensemble de ces mesures d’adaptation engendre toutefois deux risques :

– la capacité de l’armée de terre à amener les équipages de « rang 2 » au standard de projection (« rang 1 ») est tributaire de la disponibilité des appareils en métropole ;

– certains pilotes sont susceptibles de ne jamais atteindre le standard de projection : ils risquent ainsi de constituer avec le temps un vivier de pilotes aux capacités d’emploi opérationnel limitées à des missions simples, restreignant ainsi le potentiel d’équipages opérationnels.

L’équilibre économique de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, établi « au plus juste », s’est traduit par des décalages calendaires dans la commande et la livraison de matériels terrestres et aéroterrestres destinés à remplacer des parcs vieillissants, comme l’a détaillé précédemment l’avis précité du rapporteur sur les crédits de l’armée de terre pour 2014.

Ces décalages, pour nécessaires qu’ils soient à l’équilibre de l’équation financière sous-tendant cette loi de programmation militaire, n’en ont pas moins un coût. En effet, les besoins de maintien en condition opérationnelle des matériels sont croissants avec leur ancienneté, et de ce fait, le maintien en service de matériels anciens suppose de consentir un effort supplémentaire pour leur maintien en condition opérationnelle. La prolongation de la durée d’utilisation d’un matériel se traduit en effet par un accroissement de la fréquence des pannes sur le matériel concerné, l’obsolescence technique de certains composants, la nécessité d’anticiper la fin de production de certaines pièces, ainsi que par des opérations de mise en conformité avec les nouvelles normes en vigueur.

Selon les évaluations fournies au rapporteur par le ministère de la Défense, ce « prix du vieillissement » s’élève, pour l’armée de terre, à 383 millions d’euros pour la période 2015-2020. Le tableau ci-dessous présente une synthèse par parc de matériels des principales difficultés prévisibles.

LE « COÛT DU VIEILLISSEMENT » DES MATÉRIELS TERRESTRES

Type de matériel

Fin programmée /

âge moyen

Probabilité

Volume concerné

Nombre en 2014

Part du parc

Camions

(VTL, TRM 10 000, TRM 2 000)

2018 /

23 ans

1

700

100 %

1

210

25 %

VAB

2006 /

32 ans

1

500

16 %

VLTT P4

2011 /

26 ans

0,7

750

16 %

AMX 10 RCR

2011 /

28 ans

1

248

100 %

VBL

2030 /

15 ans

0,7*

1 470

100 %

FAMAS

2008 /

25 ans

1

25 000

22 %

Châssis AMX 30

1996 /

35 ans

1

151

100 %

* en cas de non régénération pour 2017

Source : ministère de la Défense.

SECONDE PARTIE :
LE « RÔLE SOCIAL » DE L’ARMÉE DE TERRE

Suivant l’habitude prise depuis 2012, le rapporteur a choisi cette année encore de consacrer une partie de ses travaux à l’étude approfondie d’un des aspects de l’armée de terre : son « rôle social ».

Qu’il n’y ait pas de méprise : il ne s’agit nullement pour le rapporteur d’ignorer que depuis la professionnalisation de nos armées, l’efficacité de notre outil militaire est jugée avant tout à l’aune de ses résultats opérationnels. Mais il s’agit également que nul n’ignore non plus qu’une armée de métier, c’est aussi un employeur ; et que, par son action comme par sa place dans la société et l’imaginaire français, l’armée de terre est bien davantage qu’un simple « outil ». C’est une institution, faite d’hommes et de femmes qui s’y engagent, y sont employés, y font carrière et que, aujourd’hui plus que jamais, il faut accompagner sur le chemin d’une reconversion parfois difficile. Recruter, former, promouvoir, diriger, gérer les conditions de vie et de travail de plus de 100 000 personnels et préparer la reconversion d’un grand nombre d’entre eux : voilà une partie de ce que le rapporteur appelle le « rôle social » de l’armée de terre.

Mais une partie seulement. Car nos armées, et particulièrement l’armée de terre, tirent de leur longue histoire quelque « supplément d’âme » qui fait d’elles davantage qu’un employeur comme un autre. En effet, la vocation du métier des armes n’est pas celle de tout le monde, et ne serait-ce qu’avec la Légion étrangère ou le service militaire adapté aux outre-mer, l’armée de terre contribue encore très directement à intégrer dans une société française en perte de repères nombre de femmes et d’hommes auxquels elle offre une seconde chance.

Ce n’est pas parce qu’aucun des indicateurs dits « de performance » présentés par la documentation budgétaire ne traite de ce véritable rôle social que celui-ci doit être éludé. Bien au contraire.

Les voies de recrutement dans l’armée de terre sont diverses :

– pour les militaires du rang (MDR), le recrutement se fait uniquement par voie directe, sur dossier, parmi les jeunes gens issus du civil ou de la réserve ;

– pour les sous-officiers, le recrutement se fait soit par voie directe sur dossier parmi les jeunes gens issus du civil ou de la réserve, soit par voie semi-directe, sur dossier également, parmi les militaires du rang ;

– pour les officiers, le recrutement se fait, pour les officiers sous contrat, par voie directe ou en interne, et pour les officiers de carrière, par voie directe via l’ESM (école spéciale militaire de Saint-Cyr) et l’école Polytechnique, et en interne via l’EMIA (école militaire interarmes), les OAEA (officiers d’active des écoles des armes), les OAES (officiers d’active des écoles de spécialités) et au choix (pour les recrutements issus du rang).

Comme le général Frédéric Servera, directeur des ressources humaines de l’armée de terre (DRHAT) l’a indiqué au rapporteur, généralement, les engagés volontaires de l’armée de terre viennent « de milieux sociaux défavorisés » et « de régions en crise ». Globalement, leurs qualifications professionnelles, à leur entrée dans l’armée de terre sont « faibles » : il s’agit de personnes qui « quittent précocement l’école », et ont besoin de poursuivre leur formation dans un cadre qui offre des valeurs non inculquées auparavant. Ainsi, selon le DRHAT :

– l’armée de terre joue pleinement son rôle d’« incubateur de la citoyenneté », en confiant aujourd’hui encore à l’officier ce que le maréchal Lyautey appelait en 1891 son « rôle social », c’est-à-dire, notamment, la charge de combler pour ses hommes leurs « lacunes culturelles et comportementales » ;

– l’armée de terre recrute 11 % de ses effectifs outre-mer, et 25 % environ dans ce que l’on appelle la « diversité ethnique ».

Il faut en effet souligner que ce sont près de 8 000 jeunes de moins de 25 ans qui sont recrutés tous les ans par l’armée de terre au rang d’engagé volontaire, ce qui, dans un conteste de chômage élevé pour cette catégorie d’âge, fait de l’armée de terre un recruteur important. Le général Frédéric Servera a d’ailleurs rappelé au rapporteur qu’au moment de la professionnalisation des armées, l’armée de terre avait recensé 400 métiers différents : c’est donc dans une large gamme de compétences qu’elle recrute.

Selon les précisions fournies par le ministère de la Défense, ce n’est qu’en 2013 que pour la première fois, 50 % des engagés volontaires de l’armée de terre (EVAT) ont été recrutés au moins un niveau « baccalauréat ». Et parmi les engagés volontaires sous-officiers (EVSO), issus de recrutement direct, les recrutés ne sont que 30 % à avoir un niveau d’études supérieur au baccalauréat (BTS, DUT, licence).

Les taux de sélection varient selon les catégories de personnels recrutés. Ainsi, selon les statistiques les plus récentes dont dispose la DRHAT, le taux de sélection au recrutement s’établirait à 2,3 candidats pour un recruté parmi les EVAT, à cinq candidats pour un recruté à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, et à dix-sept candidats pour un officier recruté sous contrat. Toutefois, d’après le général Frédéric Servera, des tensions existent pour certains métiers, notamment en matière d’informatique et de transmissions.

Le tableau ci-après présente le niveau d’études des personnels recrutés.

NIVEAU D’ÉTUDES DES PERSONNELS RECRUTÉS

Niveau scolaire EVAT

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

NS 2

Sait lire et écrire en classes de 6ème et 5ème

0,5 %

0,3 %

0,5 %

0,6 %

0,5 %

0,5 %

0,7 %

0,8 %

1,5 %

NS 3

CEP – Classe de 4ème et 3ème

Diplôme de fin d’études obligatoire

FPA 1er degré

6,0 %

10,0 %

11,0 %

13, 0 %

13,0 %

13,0 %

10,0 %

8,0 %

6,0 %

NS 4

BEPC

Classes de 1ère et seconde

CAP- BEP

67,0 %

62,0 %

61,0 %

60,0 %

59,0 %

59,0 %

53,0 %

47,0 %

41,0 %

NE 5

Terminale – FPA 2ème degré

Certificat de fin d’étude secondaire

BEI, BEC, BES, BEA

3,2 %

5,2 %

4,3 %

4,1 %

4,0 %

4,1 %

5,7 %

6,8 %

6,7 %

NS 6

Baccalauréat – Capacité en droit

BT : BTI, BTH, BTA

22,0 %

20,0 %

22,0 %

20,0 %

22,0 %

22,0 %

28,0 %

34,0 %

41,0 %

NS > 6

2ème année validée de l’enseignement sup.

DEUG, DEUS, DUEL, BTS, DUT, PCEM

Admis entrée grandes écoles

1,3 %

1,5 %

1,2 %

1,3 %

15,0 %

1,4 %

2,6 %

3,4 %

3,8 %

Niveau scolaire EVSO

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

NS 6

Baccalauréat – Capacité en droit

BT : BTI, BTH, BTA

81,0 %

80,9 %

78,1 %

80,4 %

80,2 %

76,9 %

70,1 %

74,0 %

68,7 %

NS 7

2ème année validée de l’enseignement sup.

DEUG, DEUS, DUEL, BTS, DUT, PCEM

Admis entrée grandes écoles

17,3 %

15,9 %

17,1 %

15,1 %

14,9 %

18,1 %

23,3 %

18,9 %

21,6 %

NS 8

2ème cycle de l’enseignement supérieur

Licence, Maîtrise, CAPES

Ingénieur (3 ans d’études)

1,7 %

3,2 %

4,8 %

4,5 %

4,9 %

5,0 %

6,6 %

7,1 %

9,7 %

Niveau scolaire OSC

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

BAC (uniquement pour OSC Pilote 1er REC)

       

10,4 %

11,0 %

10,0 %

15,3 %

13,6 %

BAC + 2

7,7 %

4,0 %

4,7 %

1,8 %

3,2 %

1,6 %

1,7 %

5,0 %

0,8 %

Licence

15,8 %

18,0 %

15,4 %

25,1 %

22,9 %

27,5 %

27,8 %

19,8 %

21,3 %

Maîtrise

23,8 %

19,3 %

24,2 %

65,5 %

31,3 %

11,4 %

17,4 %

6,3 %

10,2 %

Grandes écoles

6,0 %

6,0 %

6,0 %

2,3 %

4,4 %

8,2 %

4,1 %

2,3 %

6,8 %

BAC + 5 et plus

46,7 %

52,7 %

49,7 %

5,3 %

27,8 %

40,3 %

39,0 %

51,3 %

47,5 %

EVAT : engagé volontaire de l’armée de terre ; EVSO : engagé volontaire sous-officier ; OSC : officier sous contrat.

Source : ministère de la Défense.

Le tableau ci-après présente l’origine géographique des recrutés. Si la présence d’un centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) dans chaque département garantit un minimum de présence militaire, il n’en demeure pas moins, selon le général Frédéric Servera, que c’est la présence d’un régiment dans un territoire qui est déterminante pour l’attractivité des carrières militaires pour les jeunes de la région.

ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES PERSONNELS RECRUTÉS

Origine rec EVAT

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Région IDF

13 %

12 %

11 %

13 %

12 %

12 %

13 %

13 %

12 %

Région Nord-Est

25 %

28 %

28 %

25 %

24 %

26 %

22 %

20 %

23 %

Région Sud-Est

19 %

18 %

20 %

20 %

22 %

22 %

22 %

20 %

21 %

Région Sud-Ouest

15 %

15 %

13 %

13 %

13 %

11 %

13 %

14 %

15 %

Région Nord-Ouest

20 %

20 %

20 %

21 %

21 %

20 %

19 %

19 %

20 %

CORTOME

7 %

7 %

8 %

8 %

8 %

9 %

11 %

14 %

9 %

Origine rec EVSO

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Région IDF + OM

16 %

21,%

17 %

17 %

16 %

18 %

17 %

23 %

22 %

Région Nord-Est

21 %

20 %

20 %

22 %

23 %

22 %

19 %

20 %

17 %

Région Sud-Est

24 %

18 %

24 %

22 %

25 %

22 %

30 %

23 %

25 %

Région Sud-Ouest

21 %

19 %

17 %

16 %

14 %

15 %

14 %

13 %

11 %

Région Nord-Ouest

18 %

22 %

22 %

23 %

22 %

22 %

20 %

21 %

25 %

Origine rec OSC

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Région IDF

26 %

29 %

28 %

17 %

18 %

16 %

23 %

17 %

26 %

Région Nord-Est

26 %

19 %

17 %

18 %

23 %

21 %

17 %

16 %

15 %

Région Sud-Est

16 %

21 %

28 %

33 %

30 %

32 %

29 %

37 %

24 %

Région Sud-Ouest

16 %

16 %

13 %

15 %

14 %

14 %

14 %

14 %

13 %

Région Nord-Ouest

15 %

15 %

14 %

16 %

15 %

17 %

16 %

14 %

19 %

CORTOME

1 %

0 %

0 %

1 %

0 %

0, %

1 %

2 %

20 %

CORTOME : commandement organique « terre » de l’outre-mer et de l’étranger.

Source : ministère de la Défense.

Les tableaux ci-après détaillent le nombre de recrutements par catégorie de personnel, ainsi que le taux de féminisation des candidats et des recrutés.

RATIO DE SÉLECTION ET TAUX DE FÉMINISATION

ARMÉE DE TERRE

Dossiers constitués au 31/12/2012

Recrutements réalisés au 31/12/2012

Dossiers constitués au 31/12/2013

Recrutements réalisés au 31/12/2013

Population globale

Dont femmes

DS et ratio

Dont femmes

Population globale

Dont femmes

DS et ratio

Dont femmes

Officiers

Carrière

2 376

422

164

24

1 755

327

150

16

 

18 %

14,5

14,63 %

 

18,63 %

11,7

10,67 %

OSC

2 065

482

222

50

1 926

486

113

29

 

23 %

9,3

22,52 %

 

25,23 %

17,0

25,66 %

Sous-total

4 441

904

386

74

3 681

813

263

45

 

20 %

11,5

19,17 %

 

22,09 %

14,0

17,11 %

S/Officiers

4 759

1 181

732

124

5 017

1 268

694

107

 

25 %

6,5

16,94 %

 

25,27 %

7,2

15,42 %

MdR engagés

16 279

1 640

6 739

462

15 519

1 470

6 402

491

 

10 %

2,4

6,86 %

 

9,47 %

2,4

7,67 %

Volontaires

Aspirants

0

0

0

0

0

0

0

0

               

Autres

700

69

1 013

46

599

72

845

30

 

10 %

0,7

4,54 %

 

12,02 %

0,7

3,55 %

Sous-total

700

69

1 013

46

599

72

845

30

 

10 %

0,7

4,54 %

 

12,02 %

0,7

3,55 %

TOTAL

26 179

3 794

8 870

706

24 816

3 623

8 204

673

 

14 %

3,0

7,96 %

 

14,60 %

3,0

8,20 %

DS : dossiers sélectionnés

Source : ministère de la Défense.

La Légion étrangère est composée à 90 % de militaires servant « à titre étranger », issus de près de 150 nationalités différentes. Au sein de l’armée de terre, la spécificité de la Légion est en effet d’être autorisée à recruter, dès le temps de paix, des étrangers pour servir les armes de la France.

Le profil recherché par la Légion étrangère demeure simple : celui d’un combattant, volontaire, apte à servir physiquement, et capable de s’intégrer au sein d’une communauté atypique et internationale à travers la pratique du français. Le taux de sélection est stable, aux environs de 12,5 pour un. Il n’existe pas de statut « de carrière » au sein de la Légion étrangère : le légionnaire sert sous contrat. Cette règle est adaptée à la démarche originale qu’est celle du légionnaire : servir un pays qui n’est pas le sien. Ainsi, il est légitime et opportun de demander régulièrement au légionnaire si sa détermination initiale est toujours la même.

La carte suivante présente l’origine des légionnaires, montrant :

– un tropisme slave, héritage de la fin du bloc communiste à l’Est de l’Europe, qui est récurrent ;

– une augmentation de la part des pays occidentaux, que la Légion rapporte à la crise économique qui les frappe ;

– une Afrique noire francophone de plus en plus présente ;

– une part moins grande prise par l’Asie et l’Amérique latine.

ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES LÉGIONNAIRES









Source : ministère de la Défense.

Lors de son déplacement au 2e régiment étranger de parachutistes (REP) à Calvi, le rapporteur a pu constater que le recrutement au sein de la Légion étrangère est particulièrement éclectique. Néanmoins, les tendances dégagées sont les suivantes :

– un homme « en rupture », en moyenne âgé de vingt-trois ans et six mois (le recrutement étant possible de 17 à 42 ans), décrit souvent comme « en recherche de repères » ;

– un homme doté d’une certaine maturité et, souvent, d’une expérience professionnelle (parfois au sein des forces armées de son pays d’origine) ;

– un homme au caractère parfois instable : l’engagement dans la Légion est quelquefois impulsif, décidé à la suite d’échecs ou de déceptions, et témoigne souvent d’un profond « besoin d’aventure ».

Les personnels recrutés par l’armée de terre bénéficient d’une formation initiale solide. Par la pluralité et la diversité de son recrutement, elle forme et éduque ses militaires sur la base d’un socle de valeurs communes qui débute dès la formation initiale. Ce socle assure la cohérence de l’organisation et la cohésion des hommes et des femmes composant la communauté militaire. La formation initiale est définie comme « le processus d’acquisition de savoirs, de savoir-faire et de comportements qualifiant un individu pour tenir une fonction dans la collectivité militaire. Elle comprend l’instruction individuelle et l’éducation ». Comme le précisent les explications fournies au rapporteur par le ministère de la Défense, elle a pour but « l’intégration de l’individu quelles que soient son origine sociale, ses confessions religieuses ou ses opinions politiques, qu’il soit homme ou femme ». Cette formation est réglée par trois instructions : l’instruction n° 953 du 26 mai 2014 relative à la formation des militaires du rang ; l’instruction n° 954 du 11 avril 2014 relative à la formation des sous-officiers ; l’instruction n° 955 du 14 janvier 2009 relative à la formation des officiers.

S’agissant de la formation des officiers, dispensée depuis 1945 au sein des écoles de Saint-Cyr à Coëtquidan (ESCC) – établissement d’enseignement supérieur reconnu comme une « grande école » –, la formation initiale s’articule autour d’un projet pédagogique global qui associe instruction, enseignement et éducation, et poursuit un triple objectif :

– former des chefs militaires animés du « culte de la mission », aptes à commander et à affronter les situations les plus difficiles qui caractérisent les engagements opérationnels ;

– former des hommes ouverts sur le monde, disciplinés et autonomes ;

– former des citoyens auxquels les responsabilités de chefs militaires confèrent, en termes d’éthique et de déontologie, des devoirs particuliers.

Les élèves volontaires sous-officiers (EVSO, dits « d’origine directe » car ils n’ont pas de carrière militaire préalable) et les élèves sous-officiers (ESO, dits « d’origine semi-directe » car ils sont issus du rang) suivent d’emblée une formation élémentaire, d’un niveau supérieur à la formation initiale, dispensée à l’école nationale des sous-officiers d’active (ENSOA). Cette formation générale est commune à tous les sous-officiers de l’armée de terre. Suivant des principes de progressivité et de continuité, son contenu est adapté par niveau de formation. L’objectif est de former un sous-officier apte à :

– tenir son rôle d’encadrement dans les activités quotidiennes de la communauté militaire, à l’instruction, dans l’accomplissement des missions opérationnelles et dans la gestion de ses subordonnés ;

– participer aux actions générales de protection et de défense pour réaliser les missions communes de l’armée de terre en projection.

La formation initiale des militaires du rang vise quant à elle à permettre :

– l’intégration à la communauté militaire par l’adaptation au mode de vie spécifique des militaires et à l’éthique du métier des armes (code du soldat) ;

– la bonne tenue du premier emploi ;

– l’acquisition des savoir-faire individuels au sein du trinôme dans le cadre des missions communes de l’armée de terre (MICAT).

Cette formation initiale intervient pendant la période probatoire. Cette dernière est renouvelée uniquement dans le cas où le militaire du rang n’a pas obtenu le certificat pratique (CP), sanctionnant la fin de sa formation initiale.

Il est à noter que les taux d’attrition durant la formation initiale sont relativement faibles, et orientés à la baisse.

TABLEAU DE L’ATTRITION DES ÉLÈVES OFFICIERS LORS DE LA FORMATION INITIALE

(en effectifs)

Année de recrutement

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

École militaire interarmes (EMIA – recrutement semi-direct)

0

0

1

0

1

0

1

École spéciale militaire (ESM – recrutement direct)

3

0

3

2

9

4

3

Officiers sous contrat (OSC)

23

16

13

21

20

11

8

Total

26

16

17

23

30

15

12

Source : ministère de la Défense.

TAUX D’ATTRITION DES ENGAGÉS VOLONTAIRES SOUS-OFFICIERS

Année

Incorporés

Taux attrition

Taux de non nomination

2010

1 154

14,26 %

15,91 %

2011

842

14,45 %

16,05 %

2012

698

9,41%

11,82%

2013

693

13,53%

14,99%

2014

651

7,63%

10,37%

Source : ministère de la Défense.

TAUX D’ATTRITION DES ENGAGÉS VOLONTAIRES EN COURS DE FORMATION INITIALE

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Taux en %

23,3

24,3

22,4

22,9

27,1

27,2

24,9

23,5

22,5

14,7

Source : ministère de la Défense.

L’engagement dans l’armée de terre ouvre droit à une rémunération qui, si elle est loin d’être particulièrement élevée par rapport aux traitements des autres fonctions publiques et aux standards du secteur privé, n’en permet pas moins aux personnels de vivre décemment et d’espérer, avec l’avancement, une augmentation progressive de leur niveau de vie, comme le montre le tableau ci-après. Il est à noter que ces conditions de rémunération peuvent être vues comme attractives par les militaires servant à titre étranger et issus de pays où le niveau de vie est nettement inférieur aux standards français.

RÉMUNÉRATIONS MENSUELLES NETTES PERÇUES PAR LE PERSONNEL MILITAIRE.

Source : ministère de la Défense.

L’amélioration des conditions de vie des personnels du ministère de la Défense est présentée comme un des axes d’effort de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Si la contrainte budgétaire ne permet pas de mobiliser des sommes importantes au titre des mesures catégorielles, il n’en demeure pas moins que le projet de loi de finances pour 2015 permet de consacrer 14,1 millions d’euros à l’amélioration des conditions de rémunération des militaires de l’armée de terre, contre 9,35 millions d’euros en 2014. Cette augmentation s’explique essentiellement par la transposition de la revalorisation de la catégorie C au profit des militaires du rang et des jeunes sous-officiers.

L’armée de terre a élaboré un plan d’amélioration de la condition du personnel (PACP) suivant trois axes :

– compenser les contraintes du statut au quotidien ;

– s’adapter aux évolutions sociétales et organisationnelles actuelles ;

– réduire l’impact de l’engagement opérationnel.

L’encadré ci-après en présente les modalités détaillées.

Le plan d’amélioration de la condition du personnel de l’armée de terre

1. Compensation des contraintes du statut au quotidien

1.1 Mobilité et changement de résidence

Au titre de la mobilité, le militaire bénéficiant d’un congé de longue maladie ou de longue durée pour maladie résultant de blessures reçues au cours d’une opération extérieure conserve le droit d’utiliser sa carte de circulation militaire. Au titre du changement de résidence, le militaire a droit, en règle générale, à l’indemnisation des frais liés au transport du mobilier, de bagages et de transport de personnes, y compris les indemnités journalières de frais d’hôtel et de restaurant. En outre, il peut également bénéficier d’une avance de 90 % en constituant un dossier au préalable. Par ailleurs, des dispositions spécifiques sont prévues dans le cadre d’une reconnaissance de garnison des couples de militaires mutés simultanément, qui accordent à chacun des conjoints, trois jours de frais de mission. De plus, les changements de résidence (CR) permettent :

– de prendre en charge le déménagement d’un militaire muté moins de trois ans avant sa limite d’âge, décidant de déménager par anticipation vers son lieu de retraite ;

– aux militaires mutés dans une formation transférée l’année suivante, de bénéficier de la prise en charge de leurs frais de changement de résidence sur la base de la distance entre l’affectation initiale et la garnison dans laquelle sera transférée la formation.

1.2 Hébergement

En 2013, le chef d’état-major des armées a mis en place une politique de l’hébergement interarmées qui se substitue aux politiques de chaque armée et service. Désormais, l’attribution des places respecte une logique de proximité du lieu de travail et des impératifs de service. Par ailleurs, la gratuité de la mise à disposition d’une place permanente d’hébergement et la fourniture de prestations qui peuvent être mises à la charge des occupants, sont reconduites. La politique d’attribution des hébergements répond à un principe de différenciation fondé sur le caractère impérieux ou statutaire des demandes d’hébergement. Ainsi, trois catégories de personnel ont été définies par une note du 14 juin 2013 relative à la politique d’attribution de l’hébergement permanent :

– personnel à loger pour nécessité de service (équipes d’unités navigantes, etc.) ;

– personnel dont le droit à l’hébergement est statutaire (militaires du rang, volontaires dans les armées) ;

– personnel que le ministère de la Défense souhaite héberger dans le cadre de sa politique de condition du personnel (célibataires géographiques, etc.).

1.3 Disponibilité

Le personnel logé et nourri au cours de manœuvres à l’étranger bénéficie du versement de l’indemnité de service en campagne (ISC). Depuis 2012, le droit à l’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE) est étendu aux militaires envoyés en opération extérieure ou en renfort temporaire pour une durée inférieure à 15 jours.

2. Adaptation aux évolutions sociétales et organisationnelles actuelles

2.1. Évolutions sociétales

Une politique de lutte contre la consommation excessive d’alcool et l’usage de produits stupéfiants est conduite par l’armée de terre, en collaboration avec la caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et la mutuelle UNEO. Une campagne d’information a été réalisée en novembre 2013.

Par ailleurs, depuis 2011, une aide est disponible lorsque des contraintes professionnelles imposent une activité en horaires atypiques. Cette aide permet le recours à une tierce personne rémunérée ou aux services d’une structure de garde collective. Le chèque emploi service du ministère de la Défense permet également aux familles des militaires de pallier les conséquences d’un départ en OPEX ou d’une hospitalisation de longue durée. Cette prestation permet au conjoint et aux enfants d’avoir recours à des services à la personne.

Enfin, pour ce qui relève de la prévention face aux harcèlements, discriminations et violences, l’armée de terre a identifié des pistes de progrès pour lutter énergiquement contre ces agissements (renforcement de la formation, mise en place d’un guide, développement du suivi statistique et harmonisation des pratiques disciplinaires, etc.).

Le chef d’état-major de l’armée de terre a également défini un plan d’action visant à renforcer l’organisation de la mixité des locaux d’hébergement.

2.2. Évolutions organisationnelles

En raison de la réforme ministérielle de la fonction restauration / hôtellerie / loisirs et de son incidence sur le financement de la condition du personnel, l’armée de terre entend réorganiser le système de financement de l’« entraide Terre ». Un nouveau dispositif est à l’étude, suivant les décisions du comité ministériel des soutiens (CMS) du 22 juillet 2014.

3. Réduction de l’impact de l’engagement opérationnel

3.1. Reconnaissance des actions de combat

Depuis 2010, la définition réglementaire des actions de combat permet de qualifier de « combattantes » des unités qui, jusque-là, ne pouvaient pas l’être. Ainsi, les militaires de ces unités peuvent être distingués à titre individuel ou collectif (et à titre normal ou exceptionnel) pour des actions conduites par leurs unités dorénavant qualifiées de combattantes.

3.2. Dispositif Internet en opérations extérieures

Depuis 2012, les militaires projetés bénéficient de l’accès à Internet. Un cadre d’utilisation à usage privé est fixé, permettant à la fois de respecter la sécurité de la mission comme d’améliorer les moyens de communication des soldats avec leurs familles.

3.3. Soutien psychosocial des combattants et de leurs familles

Depuis 2009, en matière de soutien psychologique, les militaires bénéficient d’un dispositif pérenne et adapté : un numéro vert « écoute défense », dispositif assuré par des psychologues du service de santé des armées, qui assurent une prestation d’écoute, de soutien et d’information aux personnes qui ont été exposés à des situations de stress et de traumatismes psychiques en service et notamment au cours de leurs missions opérationnelles. Les appelants sont, s’ils le souhaitent, orientés vers un parcours de soins adapté, auprès du service de santé des armées ou vers le réseau civil de proximité. De plus, l’armée de terre a formalisé la constitution de cellules de crise au sein de ses unités. Enfin, les familles bénéficient également d’un accompagnement pendant les opérations extérieures ou la mission intérieure de leur conjoint.

Pour ce qui est du suivi des blessés, un comité national évalue tous les ans l’efficacité du soutien apporté, et définit des pistes de progrès. La cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT) assure un rôle essentiel dans le suivi individuel, de la blessure jusqu’à la reprise de service ou la réinsertion. Les blessures invisibles (stress post-traumatique) sont mieux identifiées et un plan d’action ministériel pour 2013-2015 s’attache les prévenir et à en améliorer la prise en compte.

Source : ministère de la Défense.

Le rapporteur, qui a par le passé relevé l’obsolescence de certaines infrastructures de vie en soulignant que leur dégradation avait un impact direct sur le moral des personnels – ne serait-ce que parce qu’il est perçu comme un manque de considération –, a profité de ses déplacements pour faire le point sur l’avancement du plan de valorisation de l’infrastructure de vie des engagés volontaires (dit plan VIVIEN), lancé en 1996 et revu en 2008.

Les standards retenus sont les suivants :

Population concernée

Hébergement normé

Sous-officiers célibataires

Chambre individuelle / sanitaire / cuisinette

MDR caporaux-chefs

Chambre de 1 ou 2 / lavabo individuel

MDR permanent

Chambre de 4 / lavabo individuel

MDR de passage

Chambre 6 à 8 / sanitaires collectifs

Source : ministère de la Défense.

Le plan VIVIEN n’a pas pu être achevé sur la période de programmation militaire 2009-2014 : 1,1 milliard d’euros d’investissements ont été accomplis, mais pour ce qui concerne l’armée de terre, 157 millions d’euros restent à dépenser pour atteindre les objectifs du plan. Les investissements restant à opérer sont reprogrammés jusqu’en 2020. Le plan d’urgence des bases de défense (doté de 30 millions d’euros en 2013) a ainsi permis de réaliser des travaux d’entretien courant, et en 2014, le plan d’urgence ministériel concernant les infrastructures ouvre 14 millions d’euros de crédits (toutes armées confondues) pour financer des besoins urgents relevant pour une bonne part des infrastructures de vie courante. Cet effort est d’autant plus important qu’une large part des jeunes engagés de l’armée de terre vit au sein des casernes.

BILAN DU PLAN VIVIEN AU 31 DÉCEMBRE 2013

 

Sous-officiers

MDR

Total

Cible

9 965

41 573

51 538

Réalisé au 31/12/2013

9 313

37 761

47 074

Reste à faire

652

3 812

4 464

% de réalisation

93,5 %

90,8 %

91,3 %

Source : ministère de la Défense.

L’amélioration des conditions de vie passe aussi par des éléments de considération qui ne se traduisent pas toujours par des dépenses. Ainsi, lors de ses entretiens avec les présidents des catégories des légionnaires du 2e REP, l’attention du rapporteur a été appelée non pas sur les conditions de rémunération ou la qualité des infrastructures, mais sur un point particulier : les militaires se sont sentis humiliés de devoir se soumettre aux contrôles aéroportuaires de droit commun alors qu’ils embarquaient sur un vol militaire de Paris à Calvi, en corps constitué et en présence du commandement.

La formation continue des militaires du rang est composée :

– du certificat de qualification technique (CQT) sanctionnant l’acquisition des connaissances délivrées au cours de la formation de niveau élémentaire ;

– du certificat de qualification technique supérieur (CQTS), qui valide les compétences et les aptitudes à occuper un poste de niveau fonctionnel supérieur, et est requis pour pouvoir prétendre servir au-delà de onze ans.

89 % des militaires du rang ont obtenu le CQT en cinquième ou sixième années de service. 84 % des militaires du rang sont titulaires du CQTS entre leur huitième et leur dixième année de service.

La formation continue des sous-officiers est sanctionnée par le brevet supérieur de technicien de l’armée de terre (BSTAT). Pour diminuer le taux d’échec mesuré dans les années 2005 à 2008 (entre 20 et 25 % des candidats) et répondre aux nouveaux besoins du ministère, un BSTAT rénové a été mis en œuvre à compter de 2011. L’objectif est désormais d’atteindre 90 % de réussite.

TAUX DE RÉUSSITE AU BREVET SUPÉRIEUR
DE TECHNICIEN DE L’ARMÉE DE TERRE (BSTAT)

 

2011

2012

2013

2014

Candidats

1 861

1 517

1 609

1 317

Réussite BSTAT

1 687

1 425

1 536

1 255

Échec

174

91

73

62

% réussite

91 %

94 %

95%

95 %

Source : ministère de la Défense.

Quant aux officiers, ils sont éligibles à quatre formations d’état-major différentes. Le choix de la formation se fait lors du cours de formation des futurs commandants d’unité (CFCU), formation ouverte à tous les capitaines du corps des officiers des armes entre un et deux ans de grade. Il s’agit de :

– la « formation supérieure d’état-major » (FSEM), sanctionnée par le diplôme d’état-major (DEM). Lors de la session d’avril 2014, 163 officiers stagiaires sur 164 l’ont obtenu ;

– la « formation générale élémentaire d’état-major » (FGEEM), sanctionnée par un diplôme technique (DT) décliné en cinq options : sciences de l’ingénieur (SI), systèmes de télécommunication et d’information (STI), sciences de l’homme et de la société (SHS), administration et gestion logistique (AGL) et langues et relations internationales (LRI). Ce brevet peut être attribué soit sur titres (principalement pour les officiers de recrutement direct ayant échoué au concours de l’école de guerre), soit sur épreuves (principalement pour les officiers de recrutement semi-direct). En 2014, 61 officiers sur 212 candidats l’ont obtenu ;

– la formation d’état-major (FEM), qui aboutit à l’obtention du diplôme d’aptitude aux emplois d’officiers supérieurs (DAEOS) et permet aux officiers de recrutement semi-direct tardif ou issus du rang d’accéder au grade de commandant. En 2013, 50 officiers ont obtenu ce diplôme ;

– la formation générale complémentaire d’état-major (FGCEM), qui prépare au concours de l’école de guerre, dans le cadre de l’enseignement militaire supérieur du deuxième degré.

Il convient avant tout de souligner que le recrutement dans l’armée de terre est vu comme l’accompagnement des candidats dans l’élaboration d’un véritable projet professionnel. Comme l’a indiqué au rapporteur le directeur des ressources humaines de l’armée de terre, les candidats se présentent souvent avec un projet reposant sur une connaissance partielle des métiers de l’armée de terre et, le plus souvent, la région d’affectation constitue un des éléments déterminants de leur choix. Même ceux qui ont été formés à un métier technique sont souvent plus attirés par les métiers de combat. C’est un véritable « dialogue de recrutement » qui se déroule alors. Il s’agit parfois d’inciter un candidat possesseur d’une qualification technique à s’orienter vers les régiments au sein desquels il pourra exercer sa compétence, par une procédure de « reconnaissance individuelle de diplôme » et une éventuelle formation de mise à niveau.

Ainsi, le recrutement a vocation à s’inscrire dans la perspective d’un développement de carrière, que rend concret la promotion interne.

L’objectif de l’armée de terre est de recruter deux tiers de ses sous-officiers parmi la population des militaires du rang. Cet objectif est atteint. 82 % des militaires du rang ainsi promus ont été recrutés entre trois et neuf ans de service, par voie dite « semi-directe », les 18 % restant l’ayant été entre 12 et 15 ans de service : ils atteignent le grade de sergent par la voie dite du « rang ». À titre d’exemple, d’anciens opérateurs peuvent exercer des responsabilités de techniciens, d’anciens agents de service celles d’adjoint au gérant d’activités, et un soldat de première classe peut accéder à des fonctions de chef d’un groupe de combat, voire de chef de section. Par ailleurs, l’engagement des militaires servant à titre étranger s’effectue en qualité de militaire du rang : tout sous-officier ou officier servant à titre étranger est issu du rang.

LE RECRUTEMENT DE SOUS-OFFICIERS PARMI LES MILITAIRES DU RANG

Type de recrutement

Nombre d’admis

2013

2014*

Semi-direct

889

972

Rang

220

201

Légion

90

105

TOTAL

1199

1278

* prévisions

Source : ministère de la Défense.

Depuis 2009, les textes statutaires permettent aux militaires du rang de se présenter aux concours d’officiers, par l’école militaire interarmes (EMIA), le corps technique et administratif (CTA) ou celui des officiers d’active des écoles d’armes (OAEA). 15 militaires du rang ont ainsi réussi ces concours en 2013.

Type de recrutement

Concours

Nombre d’admis

2013

2014*

Semi-directs

EMIA sur épreuves

61

48

EMIA sur titres

17

14

CTA sur épreuves

8

6

Semi directs (tardif)

OAEA

84

78

OAES**

15

15

Rang (recrutement au choix)

COA***

63

51

CTA

16

13

* Chiffres consolidés au 30 juin 2014.

** OAES : Officier d’active des Écoles des Services.

***COA : Corps des officiers des armes.

Source : ministère de la Défense.

La majorité des sous-officiers qui accèdent au corps des officiers est issue de la voie dite « semi-directe tardive ». Cette voie permet à des sous-officiers d’intégrer le corps des officiers en deuxième partie de carrière (à partir de l’âge de 31 ans). Ainsi, ils peuvent atteindre, sous condition de diplôme, le grade de commandant, et très exceptionnellement le grade de lieutenant-colonel. La voie semi-directe tardive destine à une « carrière courte » d’officier de carrière (de 15 à 20 ans).

La mise en œuvre de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 se traduit, pour l’armée de terre, par un nouveau plan de déflations d’effectifs, cadencé sur quatre ans. En 2015, l’armée de terre est appelée à supprimer ainsi 3 862 emplois, dont 521 postes d’officiers, 1 229 postes de sous-officiers, 2 105 postes de militaires du rang et sept postes de volontaires.

Le rythme de cette déflation est particulièrement soutenu : lors de la précédente période de programmation militaire, l’armée de terre supprimait environ 3 000 postes par an. Et la tâche est d’autant plus complexe que les déflations s’ajoutent aux déflations. Pour le rapporteur, il est un niveau minimum d’effectifs en deçà duquel il sera techniquement très difficile de réduire le format de l’armée de terre sans perte irrémédiable de capacité, et la cible fixée par la loi de programmation militaire – moins de 100 000 hommes – peut déjà être vue comme le strict minimum viable.

Dans ce contexte de gestion très tendue des effectifs, il importe que l’armée de terre ne sacrifie pas son rôle d’« escalier social ». Au contraire, une solution « gagnant-gagnant » pourrait consister à mettre à profit les compétences des militaires dont il est envisagé de supprimer le poste pour créer des structures militaires d’insertion sociale et professionnelle des jeunes, à l’image de ce que fait le service militaire adapté dans les outre-mer.

Le peu de visibilité laissé aux personnels de l’armée de terre sur les restructurations en cours – notamment les dissolutions d’unités – est très fréquemment mentionné comme un facteur déterminant de la baisse du moral. S’il n’ignore pas la difficulté qu’il y a, du point de vue du ministère, à établir d’emblée un vaste plan de restructurations et à s’y tenir, le rapporteur souligne néanmoins que, du point de vue des hommes, pouvoir n’apprendre la dissolution de son unité et la suppression de son emploi qu’avec quelques mois seulement de préavis crée un sentiment d’insécurité. Le cas du 1er régiment d’artillerie de marine est souvent cité en exemple : le fait qu’il ait déménagé à Châlons-en-Champagne à l’été 2012 avait pu laisser penser à ses personnels qu’il ne serait pas dissous, ce qui a conduit ceux-ci à envisager une installation pérenne dans la région – achats immobiliers, recherche d’emplois stables pour les conjoints, etc.

Le moral d’une unité est d’autant meilleur que celle-ci est fréquemment projetée en opération extérieure (OPEX), comme tel est par exemple le cas du 2e REP. Ce phénomène s’explique non seulement par le fait que les personnels en OPEX exercent le cœur de leur métier et bénéficient d’un régime indemnitaire favorable ainsi que d’un certain dépaysement, mais surtout parce que, paradoxalement, leurs conditions de travail y sont à certains égards meilleures qu’en métropole. Cela tient notamment à la disponibilité technique opérationnelle (DTO) des matériels : ceux projetés en OPEX ont une DTO très satisfaisante, alors que ceux laissés en métropole sont souvent vieillissants. À titre d’exemple, les véhicules de transport logistique (VTL) du 503e RT affichent une DTO de 45 % seulement, ce qui limite les possibilités d’entraînement et d’obtention de qualifications des hommes restés en métropole ; pour les personnels rencontrés par le rapporteur, il y a là un facteur important de baisse du moral.

La dégradation des conditions matérielles de vie et de travail dans l’armée de terre contribue puissamment à la baisse du moral. Or, force est de constater que le contexte budgétaire actuel laisse peu de marges de manœuvre pour améliorer significativement ces conditions. Parmi les remarques le plus souvent présentées au rapporteur à ce titre, il retient par exemple :

– s’agissant de l’entretien des infrastructures : le fait que les crédits d’entretien des bâtiments aient été ramenés à un euro par an et par mètre carré, alors qu’il en faudrait trois à quatre au minimum ;

– s’agissant de la restauration : le fait que le forfait de référence par homme et par repas ait été ramené à 3,10 euros, ce qui paraît très limité ;

– s’agissant de l’habillement : le fait que plusieurs régiments constatent des pénuries de treillis, des retards dans la livraison des nouveaux modèles de treillis, et des pénuries de chaussures réglementaires ;

– s’agissant des conditions de rémunération : si la revalorisation de la condition des militaires du rang, en parallèle de celle de la catégorie C de la fonction publique, doit être saluée, il faut noter qu’elle a pour effet d’« écraser » la pente de progression des revenus de ces personnels : en effet, entre son engagement et l’issue de son premier contrat de cinq ans, un militaire du rang ne gagne désormais que sept points d’indice ;

– s’agissant de l’avancement : le plan de déflation conjugué à l’objectif de « dépyramidage » qui lui est assorti a pour conséquence de réduire parfois drastiquement les postes ouverts aux tableaux d’avancement : à titre d’exemple, ce nombre a baissé de 30 % depuis 2013 pour l’accès au grade de colonel. C’est là une des principales modalités de l’« escalier social » qui est atteinte.

Lors de ses déplacements, le rapporteur a tenu systématiquement à rencontrer les représentants de toutes les catégories de personnel afin de mesurer l’efficacité du dialogue social dans l’armée de terre.

Il en ressort que l’architecture actuelle du système de concertation – les présidents de catégories élus par leurs pairs (même s’il y a parfois peu de candidats), les commissions participatives de corps, les journées régionales préalables aux sessions du conseil de la fonction militaire de l’armée de terre (CFMT), le CFMT et le conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) – n’est pas critiquée. Tout au plus certains souhaitent-ils qu’une plus grande visibilité soit donnée aux travaux de ces instances, notamment en ce qui concerne l’instance nationale qu’est le CFMT. Les indications qui ressortent des travaux de ces instances sur le moral des armées sont utilement complétées par les « rapports sur le moral » établis tous les deux ans au sein de chaque unité, et par les sondages effectués en alternance avec ces rapports. Même si certains des personnels rencontrés ont estimé devant le rapporteur que la formulation des questions pourrait être améliorée, il n’en demeure pas moins que ces instruments de sondage constituent une occasion pour les personnels d’exprimer pleinement leurs insatisfactions éventuelles – au risque même, parfois, qu’ils servent d’exutoire.

Surtout, le rapporteur a pu constater quelle importance le commandement accorde à la concertation « informelle », c’est-à-dire au dialogue permanent entre le commandement et les hommes. Les considérations du maréchal Lyautey sur « le rôle social de l’officier » (4) sont loin d’être obsolètes – en tout cas sont-elles fréquemment citées. Voir dans le chef le « premier représentant syndical des troupes » est, en quelque sorte, « dans l’ADN » de l’armée de terre.

Le rapporteur s’interroge sur les suites qui seront données aux deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en date du 2 octobre 2014, qui s’est prononcée défavorablement sur la compatibilité des dispositions du droit français, qui n’autorisent pas les militaires français à s’organiser, à créer et à adhérer à des associations professionnelles ou à des syndicats, avec l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui prévoit cette liberté syndicale et les restrictions possibles à cette liberté pour les forces armées. S’il est vrai que certains militaires étrangers jouissent déjà d’une liberté syndicale, il conviendrait d’étudier de façon approfondie l’impact que la syndicalisation peut avoir sur leur réactivité, ainsi que la façon dont les hommes vivent le passage d’un régime de liberté syndicale en métropole à un régime nécessairement moins libéral en OPEX.

La loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 a enrichi l’éventail des incitations au départ dont dispose le ministère de la Défense pour mener à bien son plan de déflation d’effectifs (5).

Si elle n’est pas adossée à des outils d’analyse fonctionnelle et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences suffisamment rôdés, la mise en œuvre d’un tel plan comporte deux risques :

– un risque d’effet d’aubaine, si les personnels qui bénéficient de ces outils sont ceux qui se reclassent le plus facilement dans le secteur civil ;

– un risque de perte de compétences critiques, si le ministère ne parvient pas à retenir ses éléments les plus prometteurs.

Le maintien des compétences nécessaires pour préserver la capacité opérationnelle de l’armée de terre constitue ainsi un enjeu majeur : il faut éviter les déflations « aveugles ». La tâche est d’autant plus ardue que le cadencement des déflations suit un rythme soutenu : la loi de programmation militaire prévoit qu’elles doivent être toutes réalisées dès 2018.

b. Fidéliser suffisamment les personnels pour « amortir » ce qui a été investi dans leur formation

Les gestionnaires des ressources humaines de l’armée de terre sont placés aujourd’hui dans une situation paradoxale : d’une part, l’investissement consenti en faveur de la formation des personnels – de toute catégorie – doit, dans un souci de bonne gestion et de maintien des compétences, être « amorti » par une durée de service suffisamment longue, mais d’autre part, ils doivent procéder à des déflations massives sur la base du volontariat tout en conservant un volume de recrutement suffisant pour satisfaire à l’impératif de jeunesse de la force.

Or, s’agissant des militaires du rang, la durée moyenne de service est encore inférieure à l’objectif fixé par la DRHAT, à savoir huit ans. De plus, il apparaît clairement que les opérations de restructuration ou de déménagements d’unités se traduisent par des pertes massives de militaires du rang, qui sont souvent attachés à leur région.

Le dispositif d’aide à la reconversion des militaires repose principalement sur un service interarmées à compétence nationale créé en 2009 et issu de la fusion des services compétents de chaque armée : l’agence de reconversion de la Défense (ARD), dite « Défense mobilité ». Comme le détaille l’encadré ci-après, l’ARD se définit comme un opérateur public de placement spécifique aux armées.

L’agence de reconversion de la Défense

L’article L. 4139-5 du code de la défense précise que le militaire peut bénéficier, sur demande agréée : 1° de dispositifs d’évaluation et d’orientation professionnelle destinés à préparer son retour à la vie civile ; 2° d’une formation professionnelle ou d’un accompagnement vers l’emploi destinés à lui permettre de réaliser son projet professionnel, que ce soit vers le secteur privé comme vers les trois fonctions publiques.

Service à compétence nationale, l’agence de reconversion de la Défense a été créée en juin 2009 à cette fin. La politique de reconversion mise en œuvre par l’agence s’inscrit dans le cadre des recommandations du Haut comité d’évaluation de la condition militaire de 2009, visant à améliorer les conditions d’accès à l’emploi des militaires quittant l’institution.

En amont du départ de l’institution, Défense Mobilité propose des séances d’information tant collectives qu’individuelles, de manière à favoriser la préparation du retour à la vie civile et à faciliter la mise en œuvre ultérieure de la démarche de transition professionnelle du militaire.

Le processus de « reconversion » commence par un premier « entretien diagnostic » avec un conseiller en emploi, dans le but d’établir un diagnostic général sur les attentes de l’intéressé et d’identifier les prestations les mieux adaptées pour préparer son retour à l’emploi civil. L’étape suivante consiste à aider le candidat à s’orienter puis à élaborer un projet professionnel réaliste au regard de ses souhaits et capacités, ainsi que réalisable au regard de la situation du marché du travail dans la zone géographique de son choix.

À l’issue de ces étapes (obligatoires), et selon les caractéristiques de son projet professionnel et les besoins de sa mise en œuvre, le militaire pourra se voir proposer :

– des actions d’accompagnement vers l’emploi ;

– des actions de formation professionnelle, dispensées soit dans le secteur civil, soit au centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte (qui dispense une trentaine de formations, adaptées aux publics les plus « fragiles ») ;

– un dispositif d’incitation au recrutement vers le secteur privé ;

– un dispositif d’accès à la fonction publique.

Enfin, Défense Mobilité accompagne le militaire en lui proposant des actions d’acquisition des outils nécessaires pour se présenter sur le marché de l’emploi. Ces prestations se traduisent par une aide à la rédaction du curriculum vitae et de la lettre de motivation, par la simulation d’entretiens d’embauche ainsi que par une mise en relation entre candidats et employeurs, et par un suivi lors des premiers pas dans l’entreprise ou l’administration. Cette aide s’étend jusqu’à trois ans après la radiation des contrôles.

Défense Mobilité s’efforce aussi de lier des partenariats avec les grandes entreprises et les différents ministères, et à développer des relations de proximité avec les petites et moyennes entreprises et les collectivités territoriales. Ainsi, par le biais des conseillers de Défense Mobilité, les candidats peuvent être mis directement en relation avec les entreprises afin d’étudier les possibilités d’une embauche.

Défense Mobilité effectue, en outre, un suivi personnalisé des anciens militaires en situation de chômage indemnisé et mène également des actions en coopération avec Pôle emploi. Une convention de collaboration avec Pôle emploi a été signée le 14 juin 2010, puis complétée le 19 décembre 2011. Outre le maintien des conseillers référents Pôle emploi dans chacun des pôles Défense Mobilité, cette nouvelle convention permet la mise en œuvre de l’offre de service « coaching placement » au profit des anciens militaires.

Un accompagnement spécifique est proposé pour les militaires blessés en opérations ainsi que pour les conjoints.

Les prestations complètes de l’ARD sont accessibles sous condition d’ancienneté : cinq ans de service dans le régime général, et huit ans pour les légionnaires. Toutefois, même en deçà de cette ancienneté, les candidats à la reconversion peuvent bénéficier de diverses prestations d’accompagnement, mais pas de formations professionnelles. Selon le général Arnaud Martin, directeur de l’ARD, 70 % des personnels éligibles aux services de l’agence y font appel, et 68 % des bénéficiaires disposent d’un emploi stable dans le secteur privé un an après leur départ des armées. Si l’on tient compte de ces reclassements dans le secteur public, ce taux s’élève à 76 % pour un objectif de 75 %.

Ainsi, pour 2014, le conseil de gestion de l’ARD a fixé quatre objectifs globaux : 9 600 reclassements dans le secteur privé ; 2 100 reclassements dans les fonctions publiques ; 2 900 reclassements de conjoints ; 1 500 reclassements d’anciens militaires demandeurs d’emploi indemnisés. Globalement, l’ARD a réussi à maintenir le niveau des reclassements en dépit de conditions économiques difficiles. Le nombre de reclassements dans le secteur privé a constamment progressé ces dernières années, passant de 7 077 en 2008 à 9 227 en 2013, principalement dans les secteurs du transport et de la logistique (28 %), des services à la personne et à la collectivité (14 %), ainsi que dans le secteur de l’installation et de la maintenance (13 %).

La manœuvre de « dépyramidage » des effectifs se traduit, pour l’armée de terre, par une augmentation de plus de 40 % du nombre d’officiers appelés à quitter l’institution. Cet effectif atteint ainsi 521 en 2014, 372 l’année précédente. Or la population des officiers présente plusieurs spécificités qui rendent leur reconversion compliquée :

– la culture de la carrière complète au sein des armées est encore relativement prégnante dans les corps d’officiers ;

– les officiers de carrière n’étant pas éligibles à la jouissance immédiate de leur pension de retraite avant 27 ans de services, ils sont nombreux à envisager une reconversion civile après l’âge de 45 ans. Or le marché du travail n’est pas favorable aux personnes de cette catégorie d’âge ;

– les officiers des armes n’ont pas toujours de compétences immédiatement transposables dans le secteur civil.

Selon le général Arnaud Martin, les spécificités du reclassement des officiers ont conduit l’ARD à créer un dispositif d’accompagnement mixte, en lien avec des consultants extérieurs, qui sera mis en place à la fin de l’année 2014. Il devrait permettre de doubler la capacité d’accompagnement d’officiers.

Une directive de la direction des ressources humaines du ministère de la Défense du 9 juillet 2013 vise à redynamiser le dispositif de certification professionnelle et de VAE. L’enjeu est d’accroître le nombre de certifications professionnelles enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Ainsi, un militaire ayant obtenu un diplôme militaire correspondant à une certification professionnelle correspondante enregistrée au RNCP détient deux diplômes : le diplôme militaire et la certification professionnelle « miroir » des compétences attestées par le diplôme militaire, qui, du fait de son enregistrement au RNCP, est reconnue par les employeurs civils.

Il ressort toutefois des travaux du rapporteur que la mise en œuvre de ce dispositif est freinée par plusieurs difficultés :

– la commission nationale des certifications professionnelles s’attache à mettre en corrélation la certification enregistrée avec l’existence immédiate de débouchés professionnels. Dès lors, l’enregistrement de certifications professionnelles décrivant des compétences exercées dans des fonctions spécifiquement militaires se révèle peu aisé : tous les militaires n’ont pas des compétences transposables dans le secteur civil ;

– la complexité de l’ingénierie à mettre en place pour faire procéder à l’enregistrement de la certification est souvent soulignée ;

– tous les titres de qualification militaires ne sont pas reconnus, de fait ou de droit, par les employeurs civils. Ainsi, bien que les permis de conduire obtenus à titre militaire dans un régiment du train soient théoriquement reconnus dans le privé, de fait, les employeurs préfèrent que les anciens militaires postulant pour un emploi présentent l’attestation de formation initiale minimale obligatoire (FIMO) civile. Par ailleurs, les compétences acquises par les militaires du rang en matière de prévention et de sécurité dans un régiment du matériel ne sont pas reconnues équivalentes du certificat de qualification professionnelle « agent de prévention et de sécurité » (CQPAPS), alors que les mêmes compétences le sont lorsqu’il s’agit de sous-officiers ;

– en outre, nombre de personnels rencontrés par le rapporteur ont estimé que le dispositif de VAE (qu’elle soit interne au ministère ou externe) est trop complexe. Dans l’armée de terre, il repose sur une démarche individuelle et volontaire, alors que la procédure serait plus systématique dans la marine nationale. Ceci peut expliquer qu’en 2013, seulement 230 militaires ou anciens militaires de l’armée de terre aient déposé un dossier de VAE. On notera toutefois que le ministère cherche à développer des partenariats de VAE dite collective avec des organismes certificateurs externes : ainsi en 2012, une convention entre les ministères de la Défense et de l’Éducation nationale a été établie au profit des militaires peu ou pas qualifiés.

En théorie, les militaires disposent de voies d’accès privilégiées vers les trois fonctions publiques, que ce soit au titre des emplois dits « réservés » ou au titre d’une procédure prévue par l’article L. 4139-2 du code de la Défense.

Le dispositif des emplois réservés

La procédure des emplois réservés concerne tous les militaires (hormis les militaires de carrière et les militaires commissionnés) souhaitant réaliser une seconde carrière dans la fonction publique. Pour bénéficier de ce dispositif, il faut remplir les conditions suivantes :

– être en activité ou libéré depuis moins de trois ans ;

– être de nationalité française, sauf pour les militaires servant à titre étranger ;

– avoir effectué quatre ans de services minimum ;

– la limite d’âge générale de 40 ans, propre aux emplois réservés, a été supprimée, mais celle du corps d’accueil demeure.

En outre, des conditions spécifiques (aptitude physique et psychologique) à certains corps (gardiens de la paix, surveillants de l’administration pénitentiaire, etc.) peuvent également être exigées.

La loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés a profondément réformé la procédure en remplaçant les examens par la reconnaissance des qualifications et des acquis de l’expérience professionnelle formalisée par la délivrance d’un passeport professionnel et l’inscription sur une liste d’aptitude. Entrée en vigueur le 1er juillet 2009, cette nouvelle procédure cible particulièrement les jeunes engagés de l’armée de terre, pour qui l’examen s’avérait trop académique, en leur permettant de valoriser leur expérience militaire auprès de leur futur employeur. En 2013, 737 militaires dont 312 gendarmes ont ainsi été recrutés dans la fonction publique.

Conformément aux articles L. 400 et R. 398 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, un taux uniforme de réservation de 10 % des postes ouverts au recrutement est imposé à la fonction publique d’État et à la fonction publique hospitalière. En 2013, 1 031 postes ont été ouverts par la fonction publique d’État. Au 10 juillet 2014, 9 202 militaires étaient inscrits sur les listes d’aptitude pour l’accès aux emplois réservés, dont la durée d’inscription a été portée de trois à cinq ans.

Le rapporteur a pu constater qu’en pratique, le reclassement des militaires dans les fonctions publiques est compliqué. Certes, le fait que la plupart des ministères voient leurs effectifs placés sous contrainte n’aide pas à l’ouverture de débouchés. Mais il semble que, de surcroît, certains ministères susceptibles de bénéficier des savoir-faire et des savoir-être des anciens militaires ouvrent très peu de postes ; tel est le cas notamment du ministère de l’Intérieur, au moins pour la police. Le rapporteur souligne également que des liens plus étroits mériteraient d’être noués entre l’ARD et les collectivités territoriales.

Pour le directeur de l’ARD, le délai idéal pour préparer une reconversion se situe entre 12 et 18 mois avant le départ de l’institution. Un retour à la vie professionnelle civile effectué sans préparation ne permet pas le mûrissement d’un projet professionnel réaliste et réalisable, et se traduit donc par une perte de chances pour les intéressés.

Or il apparaît que les militaires entament souvent trop tardivement les démarches nécessaires, ce qui peut s’expliquer par plusieurs raisons :

– les modifications du plan de stationnement n’ayant été, pour l’heure, annoncée qu’à court préavis, les personnels concernés par des dissolutions ou des déménagements n’ont pas pu mûrir leur décision de départ dans les délais idoines ;

– l’intense activité des forces ne permet pas à tous les personnels de consacrer le temps nécessaire à leur démarche de reconversion ;

– comme l’ont indiqué au rapporteur les commandants des 503e RT et 4e RMAT, les chefs de corps sont placés dans une situation de dilemme : aider un personnel à se consacrer à sa reconversion se traduit par un déport de charge sur les autres personnels, ce qui peut créer des difficultés. Si la plupart des chefs de corps « jouent le jeu », y voyant un devoir moral de l’institution envers celui qui la sert, il n’en demeure pas moins que leurs marges de manœuvre sont limitées.

Pour le rapporteur, un dispositif efficace de reconversion est indispensable à deux titres au moins : d’une part, il permet d’éviter des déflations « sèches » qui ne seraient pas fidèles aux valeurs de l’institution ; d’autre part, dans un contexte où la carrière complète au sein de l’armée de terre n’est plus le modèle dominant, l’existence de débouchés valorisants après une carrière militaire constitue un élément d’attractivité pour le métier des armes.

Tout cela plaide en faveur d’une consolidation des moyens et du réseau de l’ARD. Le nombre de ses pôles régionaux est déjà passé de dix en 2010 à six en 2014, le nombre total d’implantations passant dans le même temps de 208 à 81 (dont 52 antennes). Quant aux effectifs de l’agence, ils ont diminué de moitié depuis 2008. Compte tenu des enjeux, la stabilisation de ces ressources est nécessaire à la réussite de la manœuvre des ressources humaines prévue par la loi de programmation militaire.

Le rapporteur entend un nombre croissant de personnels, de tout niveau hiérarchique, souligner la difficulté de la manœuvre des ressources humaines qui est engagée, voire émettre des réserves sur sa faisabilité. Le risque est grand, dès lors, que le plan de déflation soit conduit « à marche forcée ». Une solution mériterait d’être étudiée : plutôt que de renvoyer à la vie civile plusieurs milliers d’hommes de l’armée de terre sur la base d’un volontariat sans enthousiasme, pourquoi ne pas mettre leurs compétences à profit pour accomplir ce que la société française a aujourd’hui le plus de mal à réaliser, à savoir : l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté ? L’armée de terre possède en la matière des savoir-faire et des savoir-être indispensables, et l’exemple du service militaire adapté l’a prouvé.

Nombre de volontaires stagiaires en 2013

4 334

Taux d’illettrés de niveau 1-2*

36 %

Taux de jeunes non détenteurs du brevet*

69,5 %

Taux de féminisation

25,2 %

Taux de volontaires originaires des ZUS***

25 %

* non titulaire du diplôme national du brevet (DNB) ou d’un titre V

** zone urbaine sensible

Source : Commandement du service militaire adapté, rapport d’activité 2013.

La mission du SMA est de faciliter l’insertion socioprofessionnelle du stagiaire : en emploi durable (CDI ou CDD de plus de six mois), en emploi de transition (CDD de un à six mois) ou en poursuite de formation qualifiante. Il a également deux missions complémentaires :

– participer aux plans civils de gestion des crises : à ce titre, il a été mobilisé dans le cadre de la lutte contre le chikungunya en 2007 à La Réunion, en Haïti en 2010, et en Martinique en 2014 contre l’invasion d’algues sargasses ;

– contribuer à la mise en valeur des outre-mer, ce qui consiste pour les compagnies de travaux des régiments du SMA à assurer des « chantiers de l’impossible » (telle la construction d’infrastructures dans des espaces à la géographie très hostile) trop coûteux pour les maîtres d’ouvrage publics ou trop complexes pour les entreprises locales de travaux publics.

Le général Philippe Loiacono décrit les principes d’organisation et d’action du SMA en trois points principaux :

– la « militarité », que le général présente comme « un atout pour l’employabilité » : le SMA est une structure pleinement militaire, dont l’organisation régimentaire et les personnels (qu’il s’agisse de l’encadrement ou des volontaires stagiaires du SMA) sont militaires ;

– la globalité des compétences : le SMA a vocation à inculquer aux jeunes des compétences à la fois sociales et professionnelles ;

– l’employabilité comme but principal : l’accent est mis sur l’emploi, plus encore que sur le diplôme.

Le SMA comprend huit unités : six régiments (en Guyane, à la Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion, en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française), un bataillon (à Mayotte) et un détachement (à Périgueux). Le siège du SMA est situé au ministère des Outre-mer, qui exerce seul sa tutelle. S’il a été maintenu après la suspension du service national, c’est à la demande unanime des représentants des territoires ultramarins, conscients de l’attachement des populations ultramarines à ces unités.

La formation professionnelle dont bénéficient les stagiaires du SMA est dispensée soit au sein même des régiments, soit dans le cadre de partenariats avec tous types de structures de formation présentes sur les territoires concernés, notamment des centres de formation d’apprentis (CFA). Cette organisation permet d’optimiser les capacités locales de formation, en évitant les doublons et en élargissant le spectre des formations proposées, qui s’étend aujourd’hui à 52 métiers – étant entendu que la politique du SMA consiste à ne former qu’à des métiers pour lesquels des débouchés locaux existent effectivement.

La durée de parcours des stagiaires du SMA diffère selon le type de public et le métier choisi ; elle s’établit ainsi à six, huit, dix ou douze mois, suivant des modalités présentées par l’encadré ci-après.

La formation se décline en plusieurs modules :

– une remise à niveau dans le domaine des savoirs de base, sanctionnée par l’obtention du certificat de formation générale (CFG), dont le taux de réussite dépasse 90 %. Au sein de ce module, la prise en charge de l’illettrisme est réalisée avec le concours de cadres civils issus de l’Éducation nationale et de répétiteurs du service civique ;

– une formation éducative permanente visant, selon les termes du dernier rapport d’activité du SMA, « à réapprendre le vivre ensemble et les comportements sociaux adaptés à tout citoyen et tout salarié ». Ce module de savoir-être est sanctionné par une attestation de formation citoyenne (AFC) ;

– une formation à la prévention et aux gestes de premier secours, sanctionnée par l’obtention d’une attestation de PSC1 (premier secours civique de niveau 1) ou un certificat de secouriste du travail (CSST). Ce module participe au développement de la citoyenneté du jeune « qui prend conscience de sa responsabilité sociale, le savoir donner » ;

– un parcours de préformation professionnelle d’environ mille heures, durant lequel le jeune acquiert des compétences professionnelles dans un cadre pédagogique collectif axé sur la pratique et effectue une à deux périodes d’application en entreprise. Ce module, ciblé sur le savoir-faire, est sanctionné par une attestation de formation professionnelle (AFP) délivrée par un jury extérieur.

Cette formation globale est sanctionnée par l’attribution du certificat d’aptitude personnelle à l’insertion (CAPI), « véritable passeport pour l’insertion » délivré par le ministère des Outre-mer. Ce parcours est enfin complété par une préparation et une présentation à l’examen du permis de conduire qu’ils obtiennent à près de 80 %.

À la suite des événements survenus dans les Antilles françaises en 2008, il a été décidé de doubler l’offre de stages au sein du SMA, pour le porter de 3 000 à 6 000 à l’horizon 2017. En 2013, 5 429 jeunes ont d’ores et déjà bénéficié du SMA, 4 334 à titre de volontaires stagiaires (VS) et 1 095 à titre de volontaire technicien (VT) – ce statut spécial étant destiné à des jeunes aptes à tenir un premier emploi, qui bénéficient au sein du SMA d’une première expérience professionnelle en contrat d’adaptation d’un an renouvelable quatre fois.

EFFECTIFS DU SMA

 

2010

2011

2012

2013

2014*

2015*

RSMA-Martinique

VS

335

461

489

573

625

707

VT

121

141

161

166

173

173

RSMA-Guadeloupe

VS

335

513

682

743

805

823

VT

121

153

171

182

190

190

RSMA-Guyane

VS

335

461

502

528

520

526

VT

117

126

139

140

144

139

RSMA-La Réunion

VS

550

847

942

1076

1075

1074

VT

210

248

282

280

282

280

BSMA-Mayotte

VS

170

236

392

445

490

497

VT

62

72

103

109

117

115

RSMA-Polynésie française

VS

175

220

402

514

495

494

VT

64

75

108

114

129

132

RSMA-Nouvelle Calédonie

VS

190

204

369

455

445

451

VT

64

75

106

104

110

116

DSMA-Périgueux

VS

173

173

131

158

95

0

VT

7

8

11

11

13

13

TOTAL

VS

2 263

3 115

3 909

4 334

4 455

4 572

VT

766

898

1 081

1 095

1 145

1 158

total

3 029

4 013

4 990

5 429

5 600

5 730

* prévisions

Source : Commandement du service militaire adapté.

Des résultats remarquables

Comme le montrent les tableaux ci-après, le SMA réussit à insérer dans l’emploi plus de 76 % de ses volontaires, avec un taux d’attrition faible.

RÉSULTATS OBTENUS DURANT LA FORMATION

Taux de réussite au CAPI

Certificat d’aptitude personnelle à l’insertion

84,4 %

Taux de réussite au permis B pour les volontaires éligibles

79,6 %

Taux de réussite à l’AFC

Attestation de formation citoyenne

91,5 %

Taux de réussite au CFG

Certificat de formation générale

95,4 %

Taux de réussite au PSC1 ou CSST

Gestes de premiers secours

92,1 %

Taux d’attribution négative

Abandon au cours du parcours SMA pour une cause autre que la signature d’un contrat d’embauche

12,1 %

Source : Commandement du service militaire adapté, rapport d’activité 2013.

RÉSULTATS EN MATIÈRE D’INSERTION

Taux de sorties dynamiques

76,3 %

Taux d’insertion vers l’emploi durable

34,3 %

Taux d’insertion vers l’emploi de transition

32,2 %

Taux de poursuite en formation

33,5 %

Taux de jeunes insérés sur le territoire

80,4 %

Taux de jeunes insérés en métropole, via une mesure mobilité

19,6 %

Taux de VS insérés dans tous secteurs d’activité (hors Défense)

97,3 %

Taux de jeunes contractant un engagement dans les armées

2,7 %

Source : Commandement du service militaire adapté, rapport d’activité 2013.

Certes, en métropole, le dispositif du « contrat de volontaire pour l’insertion » a été créé par une ordonnance du 2 août 2005 et a conduit à la mise en place de l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDE), qui gère vingt établissements répartis en métropole. Cette expérience, qui se voulait inspirée du SMA, n’est toutefois pas concluante. En effet, les objectifs initiaux sont loin d’être atteints : 2 000 jeunes accueillis pour un objectif de 20 000. Le contrat d’objectifs et de moyens de l’EPIDE prévoyait qu’en 2011, au moins la moitié d’entre eux devaient provenir des quartiers relevant de la politique de la ville, mais cette proportion n’était que d’un tiers en 2009. Et dans son rapport public de 2011, la Cour des comptes relevait que le pourcentage de jeunes ayant un emploi durable était de 24,6 % seulement.

Ces difficultés s’expliquent par des choix d’implantation sur des sites essentiellement ruraux, en décalage avec le public ciblé, et surtout par une triple tutelle (ministères chargés de la défense, de l’emploi et, depuis 2008, de la ville) qui peut expliquer les atermoiements constatés dans le pilotage du projet. Le rapporteur ajoute qu’en ne conférant à l’EPIDE qu’un statut hybride et non pas franchement militaire, on a privé le dispositif de tous les avantages de la « militarité » : savoir-être favorablement perçu par les employeurs, souplesse dans l’organisation du travail, etc.

Néanmoins, pour le rapporteur, il n’est pas impossible de faire fonds sur l’existant. Et ce d’autant que le président de la République a annoncé le 24 juin 2014 que le service civique devrait accueillir chaque année 100 000 jeunes d’ici 2017, contre 32 000 aujourd’hui. L’objectif est très ambitieux, et les secteurs dans lesquels ces 68 000 nouveaux postes seraient créés ne sont pas définis avec précision. Dès lors, pour atteindre cet objectif, pourquoi ne pas utiliser les ressources humaines de haute valeur dont le ministère de la Défense doit se séparer dans le même temps ?

Le rapporteur considère qu’il serait judicieux, plutôt que de supprimer des postes de militaires de l’armée de terre, de les transférer sous la tutelle d’un (et d’un seul) autre ministère – par exemple celui chargé de l’emploi – et de les affecter à de nouvelles unités, établies en métropole avec des objectifs et des principes d’action seraient aussi proches que possible de ceux du SMA.

La question du financement de telles unités n’est pas la plus compliquée à résoudre. En effet, le budget total du SMA s’établit à 200 millions d’euros environ pour la prise en charge de 6 000 jeunes : ce ratio montre qu’une structure militaire peut atteindre un niveau d’efficience bien plus élevé que des structures civiles. Or le total des fonds consacrés à la formation professionnelle en France atteint presque 32 milliards d’euros – un montant dont on notera qu’il est légèrement supérieur au budget de la Défense… –, dont l’emploi est très régulièrement et très vivement critiqué. Mobiliser une partie de ces fonds est parfaitement envisageable. On notera de surcroît que le budget de fonctionnement et d’investissement du SMA est éligible à des fonds de concours européens, qui en constituent 25 % : une structure métropolitaine du type du SMA pourrait probablement bénéficier de ces financements qui ne pèsent pas sur le budget l’État.

Une telle solution mériterait d’être mise sérieusement à l’étude : la Défense libère des hommes et des infrastructures dont la société française a le plus grand besoin pour l’insertion de sa jeunesse. Et l’armée de terre serait, une fois de plus, au rendez-vous de son « rôle social ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2015 (n° 2234), au cours de sa réunion du mercredi 15 octobre 2014.

M. Philippe Nauche, président. Je vous prie de bien vouloir excuser la présidente Patricia Adam, retenue dans sa circonscription.

La commission est heureuse d’accueillir le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre, pour sa première audition, qui porte le projet de loi de finances pour 2015. Les sujets concernant l’armée de terre sont nombreux, allant du plan de déflation des effectifs au lancement imminent du programme Scorpion, sans oublier l’ampleur atteinte par l’engagement opérationnel de nos forces.

Général Jean-Pierre Bosser, chef de l’état-major de l’armée de terre. Certains d’entre vous me connaissent, puisque j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant la délégation parlementaire au renseignement et devant la représentation nationale, en tant que directeur de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD).

Ayant pris mes fonctions actuelles depuis quarante-cinq jours, je m’en tiendrai à une présentation synthétique de la manière dont je perçois cette armée, au moment où je prends mon commandement.

Qu’il me soit d’abord permis de rendre hommage à mon prédécesseur, le général d’armée Bertrand Ract Madoux. Le mérite du constat positif que je dresse sur l’armée de terre lui revient en grande partie. Il a réussi notre retrait d’Afghanistan avec deux semestres d’avance, l’intervention aéroterrestre au Mali et le déploiement de la force Sangaris en République centrafricaine. Je salue la clairvoyance de ses choix en matière de préparation opérationnelle, mission majeure du chef de l’état-major de l’armée de terre, et l’énergie qu’il a déployée pour doter l’armée de terre des équipements dont elle a besoin.

La portée des enjeux ainsi que les risques que courent nos soldats et, de plus en plus, nos concitoyens justifient la tonalité grave de mes propos. Celle-ci traduit le niveau d’exigence qui m’anime et le désir d’une transparence totale vis-à-vis de vous. Nous partageons la même ambition pour la France et le même objectif pour nos armées.

Celles-ci étant plus que jamais au cœur du débat national, nous devons nous assurer qu’elles pourront continuer à être à la hauteur des enjeux sécuritaires de notre pays. Pour ce qui est de l’armée de terre, vous pouvez être sûrs de ma détermination.

Je vous remercie d’inviter une nouvelle fois le chef de l’état-major de l’armée de terre à vous faire part de son analyse sur l’adéquation entre les ressources mises à la disposition de l’armée et la mission qui lui est confiée.

La loi de programmation militaire (LPM) offre le meilleur point d’équilibre possible entre l’indispensable redressement des comptes publics et la nécessité de conserver une défense forte. L’économie générale du texte, en cohérence avec les ambitions stratégiques de la France, repose sur des hypothèses de ressources volontaristes et innovantes – le ministre de la Défense a évoqué le rôle potentiel de sociétés de projets –, ainsi que sur des équilibres budgétaires fragiles. Dans un contexte économique qui se durcit, la nation consent un effort réel pour la période 2015-2019.

Dans l’attente d’un retour à meilleure fortune, la LPM peut venir renforcer la tension sur les finances publiques et contrarie parfois le plan d’économies de l’État. Reste que la concrétisation de l’effort de défense passe par un respect scrupuleux des équilibres instaurés par la LPM, le rendez-vous des capacités militaires avec les besoins opérationnels étant un enjeu commun aux armées. À cet égard, je salue le rôle capital joué par les membres de votre commission.

L’année 2015 est un jalon essentiel pour la défense, particulièrement pour l’armée de terre. Les politiques menées devront respecter une trajectoire de ressources tendue, dont dépend la préservation des intérêts de sécurité et de défense. En concrétisant les priorités affichées, en matière de renouvellement des équipements aéroterrestres et de capacité de remontée de l’activité opérationnelle, l’année 2015 doit permettre à l’armée de terre d’atteindre les objectifs fixés par le Livre blanc, tout en répondant aux enjeux opérationnels du moment. Toutefois, l’amélioration des conditions d’exercice du métier et la réussite de la déflation des effectifs constituent deux défis majeurs d’ici à 2019.

Mon propos portera d’abord sur les missions et les engagements de l’armée de terre, puis sur les moyens qui lui sont nécessaires, enfin sur le moral de l’armée de terre.

L’état du monde valide de manière assez dramatique l’analyse stratégique du Livre blanc. La situation géopolitique confirme la nécessité de disposer de moyens militaires complets et cohérents, à même de dissuader d’éventuels agresseurs, de défendre ou de protéger nos concitoyens, et d’intervenir rapidement en cas de crise. Ce constat nous conforte dans le choix d’un modèle d’armée équilibré, reposant sur la complémentarité des composantes terrestres, aériennes et navales. La conjugaison des moyens et de leur emploi combiné sur le terrain permet à nos forces de couvrir tout le spectre des opérations, comme l’attestent les opérations Barkhane et Sangaris. Les équilibres internes entre les capacités offrent aux autorités politiques la liberté de choisir parmi plusieurs opérations militaires différenciées la réponse la mieux adaptée.

Je ne détaillerai pas les principaux fronts d’insécurité auxquels notre pays fait face. Le ministre de la Défense les a répartis en trois catégories : les menaces de la force, qu’on voit ressurgir en Europe, les risques de la faiblesse – qui alimentent le chaos en RCA ou en Libye -, et le terrorisme transnational, qui expose directement la France et l’Europe aux plus grands dangers.

La réalité de nos engagements opérationnels et l’évolution des menaces m’amènent à quatre constats qui orienteront mes choix en matière d’efforts à maintenir et d’inflexions à apporter dans les domaines de l’entraînement, des équipements et de l’organisation de l’armée de terre.

Premier constat : l’armée de terre contribue de façon globale à la défense et à la sécurité des Français, parce qu’elle dispose d’une gamme complète de capacités complémentaires et polyvalentes, ce qui lui permet de couvrir l’ensemble du spectre stratégique. Ses capacités conventionnelles crédibilisent la force de frappe nucléaire et constituent en quelque sorte un premier échelon de dissuasion. Quelque 12 000 soldats de l’armée de terre assurent la protection de nos concitoyens en remplissant des missions de sécurité intérieure, de sécurité civile et de service public en plus du contrat opérationnel qui prévoit un engagement de 10 000 hommes sur le territoire national. Actuellement, 12 000 hommes sont déployés hors de métropole, dont plus de la moitié en opérations extérieures, sur une force que le Livre blanc établit, pour 2019, à 66 000 hommes projetables. En réalité et au quotidien, ce sont près de 22 000 soldats et plus de 3 000 matériels majeurs qui sont placés tous les quatre mois en posture opérationnelle.

Deuxième constat : l’urgence s’impose désormais comme une probabilité commune de nos interventions, ce qui implique une capacité réactive de mobilisation et de mise en mouvement de nos forces. Le déclenchement de l’opération Harmattan s’est traduit par l’appareillage en quatre jours et sans préavis de dix-huit hélicoptères de combat sur le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Tonnerre. Lors de l’opération Serval, quelques heures après l’ordre présidentiel, les unités prépositionnées en Afrique ont convergé vers le Mali, pour repousser dès le lendemain les forces djihadistes, avec les forces spéciales et l’armée de l’air. La liberté d’action et la réactivité, qui permettent à la France d’agir partout avec ses forces terrestres, reste un atout de premier ordre et un facteur de puissance qui nous singularise. Notre dispositif outre-mer et à l’étranger, ainsi que notre dispositif d’alerte Guépard, intégré depuis septembre à l’échelon national d’urgence décrit dans le Livre blanc, joueront un rôle crucial dans cette réactivité. Il faut donc les préserver.

Troisième constat : au durcissement des opérations militaires répond une exigence individuelle et collective de protection de la force et des hommes. Je veux à cette occasion saluer le courage et le dévouement dont nos soldats témoignent quotidiennement, comme ils l’ont fait cette nuit encore, en Centrafrique. Sur tous les théâtres d’opération, ils exécutent leur mission avec le sens du devoir que vous leur connaissez.

La première protection de nos combattants tient à la qualité de leur préparation opérationnelle, dont le niveau d’exigence conditionne l’aptitude à faire face à la diversité des situations et à la brutalité des combats. Ce fut le cas au Mali, dans l’Adrar des Ifoghas. L’opération Sangaris les met chaque jour face à des hommes déterminés. Ce sont l’entraînement, l’aguerrissement et l’expérience qui permettent aux soldats français de conserver l’avantage tactique et de surclasser les forces morales de l’adversaire.

La deuxième protection des combattants est la qualité des équipements. Entre 2008 et 2013, 109 véhicules terrestres ont subi des dommages de guerre lourds, dont la moitié par engins explosifs improvisés (Improvised Explosive Device, IED), et dix-huit hélicoptères ont été touchés par des tirs directs. Le 11 mars 2014 au Mali, nos soldats sont sortis indemnes d’une attaque par explosifs parce qu’ils étaient embarqués à bord d’un engin blindé.

Quatrième constat, s’il est prématuré de parler de rupture ou de surprise stratégique, je suis convaincu que nous assistons à une dégradation brutale de la sécurité nationale et internationale. La menace terroriste devenue transnationale fait tache d’huile. Elle modifie la nature des dangers qui pèsent sur la France et l’Europe. Elle accroît l’ampleur des défis à relever. Dans la bande sahélo-saharienne, l’ennemi contre lequel se bat la force Barkhane s’affranchit des frontières, du sud de la Libye aux confins de la Mauritanie. Au Levant, Daech ne constitue pas qu’un groupe terroriste, mais une armée de 25 000 djihadistes qui manœuvrent et poursuivent des objectifs stratégiques, en affichant leur volonté expansionniste. Plus de 1 000 combattants européens enrôlés dans ses rangs sont revenus dans l’espace Schengen. Ma connaissance du sujet me persuade de la nécessité d’intégrer dans notre réflexion le retour sur le sol national d’une menace qui pendant les vingt dernières années restait confinée à l’extérieur. On ne peut exclure l’hypothèse que cette menace agisse en utilisant des modes d’action militaires et se concrétise par des actions armées contre des militaires. La nature des opérations et l’envergure des défis sécuritaires inscrivent désormais – de manière durable – l’action militaire hors et à l’intérieur de nos frontières. Ce constat conforte le contrat opérationnel de l’armée de terre, qui est réaliste et structurant. Son corollaire est qu’il faut entretenir à son meilleur niveau une capacité d’action terrestre, réactive et apte au combat de contact alors qu’elle est déjà éprouvée par deux décennies d’opérations et qu’elle ne bénéficie pas toujours des niveaux de ressources pour s’entraîner et se moderniser au rythme prévu.

La deuxième partie de mon propos portera sur les équipements et la remontée de l’activité opérationnelle.

Le PLF pour 2015 concrétise les efforts de renouvellement des équipements aéroterrestres et de remontée de l’activité opérationnelle, dans la limite des incertitudes qui planent encore sur le budget. Les prochaines années doivent nous permettre d’achever le renouvellement de la gamme d’équipements – véhicules de l’avant blindé (VAB), AMX 10RC, Gazelle et Puma – entrés en service dans les années 1970, quand il s’agissait de répondre aux besoins de la Guerre froide. Depuis 2005, l’arrivée de nouveaux équipements renforce incontestablement la capacité opérationnelle de l’armée de terre. Le système fantassin à équipements et liaisons intégrés (FELIN) fait de notre infanterie une des plus modernes du monde. Le déploiement des véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) en RCA et leur engagement immédiat en opérations confirment l’extraordinaire plus-value tactique de ce matériel, avérée au Mali, en Afghanistan et au Liban. Le camion équipé d’un système d’artillerie (CAESAR) offre à nos forces des capacités d’appui mobiles et rapides, fortement sollicitées en Afghanistan et au Mali. Les cinq premiers lance-roquettes unitaires (LRU) livrés au premier régiment d’artillerie de Belfort donnent à la France une capacité de frappe ciblée à 70 kilomètres de distance, quelles que soient les conditions météorologiques. L’hélicoptère Tigre s’est imposé comme une pièce maîtresse d’appui feu dans nos engagements en Afghanistan, en Libye, en Somalie et dans la bande sahélo-saharienne. Enfin, en matière d’équipements, je ne veux pas oublier la commande, en 2013, du missile moyenne portée (MMP), successeur du Milan.

L’année 2015 confirme la dynamique positive en faveur de l’armée de terre, notamment grâce à la fin du plan d’équipements VBCI et FELIN, et la poursuite de l’arrivée des hélicoptères de nouvelle génération Tigre HAD et Caïman. La pertinence des choix capacitaires est confirmée par l’épreuve des opérations. Nous n’avons jamais connu d’échec ni d’impasse dans nos choix programmatiques, au contraire. Cela m’amène à saluer la performance de notre industrie d’armement terrestre, qui associe, à des industriels innovants, des armées exigeantes et une DGA compétente. Nos choix capacitaires privilégient une gamme de moyens médians et compacts, reposant sur un compromis mobilité-projection-protection parfaitement adapté aux opérations actuelles. Ce bilan positif ne doit pas masquer les conséquences de trois ans d’économies. Les reports de commandes et de livraisons étirent la période de recouvrement entre deux générations de matériels, ce que j’estime regrettable pour plusieurs raisons.

D’un point de vue opérationnel, nous sommes contraints d’employer des équipements d’anciennes générations parvenus à leur point limite d’évolutivité. Le VAB, conçu en 1970 pour une charge utile de douze tonnes, en porte seize dans sa dernière version dite à dessein Ultima. Autrement dit, on arrive aux limites de l’engin.

D’un point de vue économique, l’allongement de la période de recouvrement représente un surcoût majeur, tant humain que financier. Les matériels modernes n’ayant rien à voir avec les anciens, la coexistence des parcs de nouvelle génération et des parcs anciens impose d’assurer la permanence et la concomitance des soutiens. La bonne maîtrise du vieillissement de ces matériels hors d’âge, qui devra être assurée pour encore une quinzaine d’années, a un coût qui devient prohibitif. C’est pourquoi il est capital de respecter la LPM, qui prévoit, fin 2015, le lancement de nos programmes prioritaires. Tout le monde a les yeux fixés sur la première étape du programme Scorpion, indispensable au renouvellement du combat de contact, notamment sur le segment médian. Cette notification devrait intervenir dans les prochaines semaines.

Ne nous cachons pas cependant, que, avec la LPM 2014-2019, nous serons loin d’atteindre l’objectif capacitaire du programme Scorpion. La première étape prévoit la livraison de 92 véhicules blindés multirôles (VBMR) sur 980, de quatre engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) sur 110 et la rénovation de 12 Leclerc sur les 200 initialement prévus. Il faudra donc faire preuve d’un volontarisme budgétaire répété, année après année, pour pouvoir projeter en 2021 un groupement tactique interarmes sur VBMR, et disposer en 2023 d’une première brigade interarmes SCORPION projetable. En 2015, interviendront deux opérations majeures. La première concerne la mobilité des forces spéciales, avec le lancement d’un programme de véhicules destinés à remplacer les P4 et les véhicules légers de reconnaissance et d’appui (VLRA). La seconde a trait au successeur du système de drone tactique intérimaire (SDTI), qui sera à bout de souffle en 2017 et qu’il faut songer à remplacer pour éviter une rupture capacitaire. La nécessité, déjà avérée en Afghanistan, de disposer de drones tactiques se confirme dans la bande sahelo-saharienne. Il s’agit en effet de compléter la gamme de drone MALE dont les priorités d’emploi de niveau stratégique ne permettent de couvrir qu’à hauteur de 20 % les besoins vitaux en renseignement du chef tactique. Les obsolescences incompatibles avec le maintien en service du SDTI au-delà de 2017 nécessitent le lancement de son successeur dès 2015, pour lequel le financement est programmé.

Pour la première fois depuis cinq ans, la LPM laisse espérer une remontée de l’activité opérationnelle, grâce à une augmentation du budget consacré à l’entretien programmé des matériels (EPM) terrestres et aéroterrestres, conformément à l’objectif que s’était fixé le général Ract Madoux. Une hausse de 9 % est prévue pour l’entretien des matériels terrestres et de 7 % pour les matériels aéroterrestres. L’augmentation de l’EPM doit s’inscrire dans la durée, afin de faciliter ou d’accélérer la remise en condition – la « régénération » – des matériels de retour d’Afghanistan et du Mali. À ce jour environ 1 500 engins rentrés d’Afghanistan et du Liban et 500 du Mali doivent être remis en état dont notamment 620 VAB, dont la moitié provient des régiments d’infanterie. Pour les intégrer dans leur chaîne de remise en condition, nos industriels ont besoin d’une visibilité sur deux à trois ans. Sur les 620 VAB, que j’ai mentionnés, seulement 102 ont rejoint les forces après avoir été remis en condition.

L’armée de terre a pu répondre, grâce à son niveau d’entraînement, à une période de fort engagement. Pour l’heure, le capital d’expérience constitué en opération compense les insuffisances dues à nos faibles ressources en matière d’instruction et d’entraînement. La LPM prévoit quatre-vingt-dix journées de préparation opérationnelle et 180 heures de vol pour les pilotes, hors simulation ; ces niveaux ne sont pas atteints. C’est pourquoi nous prenons certaines mesures, dont une, emblématique, touche tous les théâtres d’opérations : l’armée de terre a réparti ses équipages entre trois familles. Si le premier rang, représentant 60 % des personnels, est prêt à être engagés dans une opération, les deuxième et troisième rangs requièrent une remise à niveau pouvant durer six mois à un an. De même, toutes les troupes aéroportées n’effectuent pas le nombre minimal de six sauts par an, entraînant des difficultés pour répondre aux besoins de l’échelon national d’urgence. La préparation est un enjeu capital car au combat le niveau d’entraînement du soldat participe autant que son casque et que son gilet de protection à sa sauvegarde. Les incertitudes classiques qui pèsent encore sur la fin de gestion 2014, donc sur l’exercice budgétaire 2015, m’incitent à une certaine prudence.

Ne voulant pas vous laisser penser, de manière un peu naïve, que tout va bien dans l’armée de terre, je consacrerai la dernière partie de mon exposé au moral des soldats, qui m’importe pour des raisons tant opérationnelles qu’humaines : c’est un enjeu capital. Je veux le redresser en métropole pour l’amener au niveau que l’on rencontre sur les théâtres d’opérations extérieures. Les soldats que l’on voit sur le terrain, heureux d’exercer leur métier, ont souvent un moral beaucoup plus moyen, voire fragile, quand on les retrouve quatre mois plus tard dans leur garnison. Cette lente érosion, qui se confirme d’année en année, tient d’abord au manque de visibilité sur l’avenir, imputable à l’empilement des réformes comme à la dégradation des conditions de vie et d’exercice du métier. C’est à travers leurs conditions de travail que les personnels de l’armée de terre – dont 70 % sont sous contrat – apprécient la reconnaissance de la Nation et la solidité de son lien avec les armées.

Ne vivant pas bien le présent et ne pouvant se projeter dans l’avenir, nos soldats doutent de la pertinence des réformes, qui leur semblent imposées par un mode technocratique et dictées par des enjeux économiques de court terme. Ils s’interrogent sur leur devenir professionnel, personnel et familial, faute de posséder une vision pluriannuelle du volume de déflation. Le point positif est que nos hommes éprouvent encore le besoin de faire remonter cette inquiétude par la voie du commandement, dont ils reconnaissent la légitimité et sur lequel ils savent pouvoir s’appuyer pour porter l’intérêt collectif.

L’état de l’infrastructure illustre parfaitement les difficultés que rencontrent nos hommes. Le soldat de l’armée de terre vit au quotidien, jour et nuit, en caserne. Le quartier constitue son environnement, sa maison, sa chambre. Or les crédits d’entretien et de maintenance ont baissé ces quatre dernières années, pour atteindre aujourd’hui le seuil d’un euro par mètre carré… Fin 2013, au lendemain d’une visite dans un régiment l’Île-de-France, le ministre a déclenché un plan d’urgence pour améliorer les conditions de vie et de travail. Ce plan a permis de recenser 700 points noirs, dont la moitié concerne les formations de l’armée de terre. Les difficultés persistant en matière de soutien et d’infrastructure tirent vers le bas un moral fragilisé par les dysfonctionnements du système LOUVOIS et cristallisent le ressentiment contre la réforme. Une des préoccupations majeures du chef de l’état-major des armées est d’améliorer, au-delà du niveau de ressources, la gouvernance du soutien. Nous avançons avec lui pour résoudre ce problème, dont dépend en partie l’adhésion de la communauté militaire au changement.

Les dysfonctionnements du logiciel LOUVOIS ont touché 59 000 militaires de l’armée de terre, autrement dit un « terrien » sur deux, et parfois plusieurs fois durant la même année. On imagine les dégâts causés sur le plan du moral et de la confiance dans l’administration. Les difficultés familiales engendrent des situations de stress prononcé, surtout quand le militaire, engagé dans une OPEX, est éloigné de sa base arrière. Je mesure chaque jour les effets destructeurs que produit ce système d’information encore instable. Le ministre de la Défense en a fait une affaire personnelle et mobilise toute son administration pour résoudre ce problème. Le centre expert des ressources humaines et de la solde (CERHS) de la direction des ressources humaines de l’armée de terre est passé de 300 à 700 personnes, grâce à l’arrivée de 128 militaires, de 257 vacataires et de 10 réservistes. Il traite en priorité les victimes des moins-perçus. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail remarquable des agents et des militaires, auxquels j’ai rendu visite lundi dernier.

Enfin concernant les déflations, si l’armée de terre était habituée à des réductions d’environ 3 000 postes, celles-ci seront d’environ 4 000 en 2015, soit une augmentation d’un tiers. À cet égard, la LPM fixe des objectifs non pour 2019 mais pour 2018, ce qui nous oblige à avancer sur quatre temps au lieu de cinq. L’objectif de dépyramidage, qui touche prioritairement les officiers, se heurte à des questions d’acceptabilité et de faisabilité. Beaucoup de départs anticipés ayant été sollicités ces dernières années, il ne reste plus guère de réserve pour réaliser nos objectifs, d’autant que les officiers jouent un rôle moteur dans l’acceptation de la réforme par leurs hommes. Quoi qu’il en soit, nous devrons dynamiser encore notre politique d’aide aux départs volontaires, et identifier, sélectionner et accompagner nos jeunes plus qu’aujourd’hui vers le départ. Au moment où je vous parle, et compte tenu de ma présence devant vous, j’ai demandé à mon adjoint, le général Bertrand Houitte de La Chesnais, d’aller annoncer aujourd’hui à Châlons-en-Champagne les mesures de restructuration qui touchent l’armée de terre, à commencer par la dissolution, à l’été 2015, de la 1ère brigade mécanisée et de son régiment d’artillerie de marine. Je me rendrai sur place vendredi matin.

J’ai reçu pour mission de présenter au ministre, avant la fin de l’année, un projet pour la future armée de terre, visant à donner de la visibilité à nos hommes au moins jusqu’en 2020. Le général Ract Madoux avait pensé, à juste titre, pouvoir franchir la LPM 2014-2019 à partir du modèle reconfiguré en 2008, mais la déflation actuelle ne nous permettra pas de conserver la maquette de 2008, d’où l’importance de créer un nouveau modèle. Il faut une architecture plus lisible et plus pérenne, une chaîne de commandement plus simple et plus verticale, qui s’appuie sur cinq pôles d’excellence que sont les ressources humaines, la maintenance logistique, les forces classiques, les forces spéciales et notre expertise au profit du territoire national. L’étape suivante consistera à proposer les grandes lignes consolidées de cette armée de terre nouvelle au chef d’état-major des armées et au ministre de la Défense. J’aurai besoin de votre soutien pour porter ce projet, il en va de notre responsabilité commune de conserver pour la France une armée de terre à la hauteur de son besoin.

Mesdames, messieurs les députés, nous portons le même regard sur la qualité de l’engagement de nos soldats. Vous partagez ma fierté quand vous voyez nos hommes sur le terrain. Je vous remercie de l’attachement que vous leur témoignez par vos visites et vos paroles élogieuses, auxquelles ils sont très sensibles. La reconnaissance que nous devons à leur sens du bien commun, qu’ils mettent au service de l’intérêt supérieur de la Nation avec un dévouement sans égal, doit aussi se manifester de façon tangible. Elle passe par les moyens qu’ils sont légitimement en droit d’attendre pour remplir leurs missions.

C’est tout l’enjeu du PLF 2015 qui marquera de façon concrète le volontarisme que notre pays affiche pour soutenir sur la période 2015-2019 l’ambition stratégique qu’il poursuit. Cet enjeu repose d’une part sur une fin de gestion 2014 équilibrée et d’autre part sur la mise à disposition d’un niveau de ressources 2015 cohérent avec l’ambition de la LPM. Je vous remercie de votre attention.

M. Joaquim Pueyo. En 2013, l’armée de terre a eu du mal à se faire rembourser des dépenses comme l’entretien programmé de matériel, qui ne peuvent techniquement être imputées sur le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX. En 2014, celui-ci prendra-t-il plus facilement en charge les dépenses effectuées pour les opérations en Afghanistan, au Kosovo ou en Côte d’Ivoire, qui ont été imputées sur le BOP « Terre » ?

Quelles avancées a connu en 2014 le programme Scorpion ? Quelles sont vos priorités pour les équipements sur le court terme ?

On imagine l’effet qu’aura, sur le moral des troupes, le départ de 4 000 hommes. J’ai été surpris d’apprendre par anticipation à la radio ce matin les suppressions de poste prévues à Châlons-en-Champagne. Quels secteurs et quels régiments seront touchés ? Quels transferts seront opérés ? Confirmez-vous que le budget pour 2015 affecte 204 millions à l’accompagnement des personnels ? Enfin, un plan spécifique est-il prévu pour améliorer l’hébergement des personnels ?

M. Jean-Jacques Candelier. Dans quelques minutes, le ministre annoncera des décisions importantes. Faut-il s’attendre à d’autres dissolutions que celle du régiment d’artillerie de Châlons-en-Champagne ? Pouvez-vous en dire un peu plus sur le projet de fermeture ou de rénovation du Val-de-Grâce ? À quel moment interviendra le remplacement du VAB, devenu obsolète ?

M. Damien Meslot. Confirmez-vous la livraison, avant la fin de l’année, des huit LRU du 1er régiment d’artillerie ? Une deuxième livraison est-elle prévue ? Quand le nouveau logiciel destiné à remplacer LOUVOIS entrera-t-il en service ? Pouvez-vous enfin nous annoncer clairement, mon général, quels régiments et quelles bases aériennes seront dissous ou démantelés ?

M. Gilbert Le Bris. Le fonds d’urgence dédié aux bases de défense, d’un montant de 30 millions, a-t-il été utilisé pour effectuer des dépenses concrètes, comme l’avait prévu le ministre ? Celles-ci ont-elles joué sur le moral des troupes ?

La Cour des comptes a pointé les insuffisances du maintien en condition opérationnelle et notamment regretté que le taux de disponibilité des aéronefs de l’armée de terre se limite à 41 % en 2013. Envisagez-vous de mutualiser la flotte d’hélicoptères avec la marine ou l’armée de l’air ?

M. Philippe Nauche, président. Nous nous interrogeons surtout sur la méthode envisagée pour la future restructuration : procédera-t-on par des fermetures pures et simples, ou par le biais d’un échenillage ?

Général Jean-Pierre Bosser. S’agissant des restructurations, la première question à laquelle nous devons répondre est celle du modèle d’armée dont nous avons besoin. En 1972, le premier Livre blanc sur la défense nationale mettait en avant un corps blindé mécanisé tourné vers l’est pour faire face à la menace soviétique et une force d’action rapide destinée aux interventions extérieures. À partir de ces principes a été créé un modèle d’armée qui a perduré jusqu’en 1994 et au deuxième Livre blanc, très rapidement suivi de la décision du président de la République de professionnaliser les armées. Le Livre blanc de 2008 a obéi à un double impératif dicté à la fois par l’évolution des menaces et par les économies à réaliser. Il s’est traduit par le resserrement du format de l’armée de terre. Entre 2009 et 2013 environ 22 000 postes ont été supprimés, et 21 régiments et sept états-majors opérationnels ont été dissous.

Le Livre blanc de 2013 ne fut, quant à lui, pas accompagné de la mise en œuvre d’un nouveau modèle, le précédent ne datant que de cinq ans – une durée insuffisante pour rebâtir un nouveau modèle d’armée de terre. Aujourd’hui, nous devons nous projeter dans l’avenir en tenant compte des menaces et des besoins futurs. L’aérocombat, les forces spéciales, le command and control, le cyber et le renseignement sont des fonctions qu’il faut mettre en avant. Force est de constater que nous nous retrouvons avec deux brigades lourdes, trois brigades médianes et deux brigades légères, déséquilibrées en volume et en qualité d’équipement, ce qui complique le quotidien de nos hommes, leur préparation opérationnelle et la constitution d’éléments de projection. Voilà pourquoi, il faut développer un nouveau modèle.

S’agissant des déflations d’effectif, il existe trois leviers pour parvenir à la cible : les dissolutions, les effets de structure et les mises en sommeil propices à une remontée en puissance. Une dissolution d’unité dans un département est de plus en plus difficile à admettre, surtout si le département concerné est en difficulté économiquement. Je pense donc que les dissolutions de régiments seront désormais très peu nombreuses et ciblées sur des territoires où le « niveau d’acceptabilité » le permet – ce qui laisse une marge de manœuvre très faible. Les déflations 2015 portent sur environ 4 000 postes pour l’armée de terre, un régiment n’en compte que 900 : même à raison d’un régiment par an, vous voyez qu’on est loin du compte.

Les effets de structures ont déjà été largement utilisés – peut-être reste-t-il un peu de marge au sein des états-majors, et encore cela reste à vérifier si on veut bien prendre en compte qu’entre 2008 et 2013, l’armée de terre a divisé son nombre d’état-major par deux et réduit leurs effectifs de 47 %. La méthode dite par « échenillage » n’est pas raisonnable. Mieux vaut procéder par suppression de capacités cohérentes, dans le cadre d’un choix tactique – ainsi, nous avons supprimé cette année toutes les sections de reconnaissance des régiments d’infanterie, et si nous devions remonter en puissance ultérieurement, il serait toujours temps de recréer ces unités. Cela me semble plus responsable que d’éparpiller les postes à gagner de façon aléatoire et bêtement mathématique parmi toute la ressource.

En 2015, les seules dissolutions de grandes unités toucheront d’une part l’état-major et la compagnie de commandement et de transmission de la 1re brigade mécanisée, d’autre part le 1er régiment d’artillerie de marine, tous deux implantés à Châlons-en-Champagne. Toutes les autres suppressions, parfaitement géolocalisées, concernent soit des escadrons, soit des sections, soit des structures dans l’environnement des forces – ainsi allons-nous probablement supprimer une musique militaire.

Aucun régiment d’infanterie ne sera dissous en 2015. La conquête de l’Adrar des Ifoghas a montré que nous avons besoin de combattants qui soient capables, chargés à 45 kg, de se confronter à l’adversaire, les yeux dans les yeux. En République centrafricaine, dans le cadre de l’opération Sangaris, ce sont encore les combattants débarqués qui font face aux ex-Séléka à Bambari. Tous les spécialistes reconnaissent que les pays dotés d’une armée manquent actuellement de troupes à pied, capable de s’engager au sol au contact, au péril de leur vie. Nous n’avons pas voulu entamer les études du modèle futur en dissolvant des unités dont nous aurons peut-être besoin ultérieurement.

S’agissant de LOUVOIS, le logiciel continue à donner des signes de faiblesses. Ainsi, il est très fréquent que, sans avoir changé de situation familiale, certains personnels ne perçoivent pas la même solde d’un mois sur l’autre. À chaque dysfonctionnement, on essaie de corriger les erreurs par des « patchs », mais nous n’obtenons pas pour autant une amélioration sensible de la situation. Le ministre met toute son énergie pour que soit mis en place un nouveau système informatique de paiement des soldes. L’horizon 2015 constitue un objectif ambitieux, mais nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état. Je précise que si les moins-perçus ne sont jamais agréables, les trop-perçus créent des situations très difficiles à régler notamment avec toutes les complications fiscales que cela implique. Bref, si les moins-perçus sont inacceptables, les trop-perçus nous mettent vis-à-vis de nos hommes dans une situation intenable. Moi qui fais partie d’une génération où les chefs aidaient autrefois certains de leurs subordonnés à tenir leurs comptes bancaires, je constate que nous en sommes presque revenus, bien malgré nous, à cette pratique – ce qui me conforte dans l’idée que la solde est, au même titre que les ressources humaines, une affaire de commandement.

En matière d’hébergement, le plan d’urgence 2014 a effectivement eu des effets physiques. Lors de chacune de ses visites, le ministre demande d’ailleurs à mesurer les effets concrets du plan d’urgence dans les bâtiments. J’étais récemment à ses côtés au 11e RAMA et, à cette occasion, je l’ai accompagné dans des chambres afin de vérifier ce qui avait été fait pour réparer des dégâts liés à des infiltrations.

Pour ce qui est des départs volontaires, nous disposons des moyens permettant à chacun de se situer en fonction de son âge et de son grade. S’il exprime le souhait de quitter l’institution militaire, il peut choisir parmi des dispositifs d’aide au départ, comprenant notamment la pension afférente au grade supérieur (PAGS) – qui n’a pas connu un très grand succès lors de sa première année de fonctionnement, faute de pédagogie. Nous veillons également à mieux sélectionner, identifier et accompagner les démarches volontaires de départ. Si tous les moyens sont mis en œuvre pour atteindre l’objectif considérable de déflation qui nous a été fixé, je ne suis pour autant pas en mesure de garantir aujourd’hui que nous y parviendrons.

Autrefois, celui qui partait était vu comme un « mouton noir ». Si ce n’est plus le cas aujourd’hui, il reste encore difficile de convertir certains métiers militaires en métiers civils ; c’est même un vrai challenge excepté pour ceux qui ont obtenu une formation avant de nous rejoindre et qui peuvent donc exercer le métier correspondant quand ils retournent à la vie civile. Il en va tout autrement des garçons qui sont arrivés en situation d’échec scolaire, familial ou professionnel, à qui il faut beaucoup donner.

En matière d’équipement, concernant la fonction artillerie, la cible est de 13 LRU, la deuxième tranche de 13 lanceurs a été abandonnée dans le cadre de la LPM 14-19. Les deux derniers lanceurs seront livrés à la DGA au mois d’octobre.

Concernant les forces spéciales : si elles obéissent à des modes d’action et une sélection particulière, il ne faut pas qu’elles soient un monde à part. Nous devons combiner au mieux l’emploi des forces classiques, des forces spéciales, de l’aérocombat et des drones. Si nous disposons déjà de bons schémas tactiques nous permettant d’utiliser toutes ces capacités intelligemment, la réflexion est à pousser sur ce point dans la bande sahélo-saharienne – un territoire grand comme dix fois la France, et que nous devons contrôler avec 3 000 hommes. Pour le faire efficacement nous devons combinons nos moyens. Nous devons donc doter les forces spéciales des équipements leur permettant d’aller très loin en s’affranchissant de risques particuliers, notamment celui des mines. À l’heure actuelle, nos hommes ne conçoivent plus de lancer une opération sans disposer d’un éclairage tactique : de ce point de vue, l’embuscade d’Uzbin a été un électrochoc. Nous ne pouvons plus nous passer des hélicoptères ni des drones tactiques.

En 2015, la cible fixée pour les véhicules blindés de combat de l’infanterie (630 VBCI) sera atteinte avec l’équipement du dernier régiment prévu, le 2e régiment étranger d’infanterie. Je m’en félicite, car il s’agit d’un matériel remarquable. Par ailleurs, nos troupes vont ainsi pouvoir retrouver en opération le matériel sur lequel elles s’entraînent en métropole, ce qui est une bonne chose. Il y a quinze jours, j’ai pu voir dans le cadre de l’opération Sangaris à quel point les hommes du 16e bataillon de chasseurs, ont été soulagés de percevoir des VBCI, qui les protègent des attaques directes, qu’il s’agisse de jets de pierres ou de tirs d’armes automatiques, et qu’ils connaissent parfaitement. Nous allons donc être convenablement pourvus en VBCI, ce qui nous permettra de déployer nos fantassins à équipements et liaisons intégrés (FELIN) dans des conditions optimales. L’enjeu pour 2015 sera la notification du programme SCORPION, dont il faudra suivre l’évolution avec attention. Les livraisons des équipements SCORPION (VBMR et EBRC) s’étalent sur une durée relativement longue – ce qui signifie qu’il va falloir faire durer encore de nombreuses années le VAB et l’AMX 10RC.

En ce qui concerne le budget, le remboursement du coût des OPEX constitue un enjeu majeur afin de pouvoir couvrir nos dépenses. Le phénomène de la régénération des parcs n’avait pas été évalué à sa juste mesure, ce qui s’explique en partie par le fait que les opérations se sont durcies depuis finalement assez peu de temps. Ainsi nos VAB s’usent six fois plus vite au Mali qu’en Afghanistan – ce qui n’a en fait rien d’étonnant quand on sait que les véhicules ont été énormément sollicités, qui plus est sur un terrain très agressif. 113 millions d’euros seront consacrés à la régénération des matériels – un budget dont la nécessité désormais reconnue n’a pas été facilement admise. Les matériels concernés par cette régénération, dont 600 VAB, entreront progressivement chez les industriels, et n’en ressortiront que dans deux à quatre ans – manquant cruellement dans l’intervalle à nos régiments.

M. Christophe Guilloteau. Il est toujours déplaisant d’apprendre par la presse la fermeture de telle ou telle unité de son territoire, et je veux espérer qu’aucune de ces fermetures ne résulte d’un coup de ciseaux malicieux.

Lors d’un déplacement effectué en Afghanistan, mes collègues et moi-même avions été impressionnés par le nombre de VAB qui repartaient dans un état de délabrement avancé – ce que vous confirmez en citant le chiffre de 600 véhicules actuellement en cours de régénération. Cela va finir par poser des problèmes en termes de disponibilité des matériels s’il vous faut attendre quatre ans pour les récupérer.

Vous avez dit être très attentif aux forces spéciales. J’ai pu observer qu’elles étaient souvent obligées d’utiliser de simples P4 pour se déplacer. Ce problème ne relève-t-il pas de la direction générale de l’armement, qui devrait faire en sorte que certaines évolutions se fassent plus vite dans le cadre des futures acquisitions ?

Enfin, la concertation vous paraît-elle suffisante ? La parole est-elle assez libre dans l’armée de terre et ne faudrait-il pas la repositionner d’une manière différente de la représentation actuelle, résultant des prérogatives des grades ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. En 2015, pour l’ensemble du ministère de la Défense, il est prévu de procéder à un rééquilibrage en remplaçant 200 postes de militaires par autant de postes civils. Combien de postes, et de quel type, concerneront l’armée de terre ?

M. Philippe Vitel. Je veux évoquer les 600 VAB, mais aussi les 300 camions et les 140 véhicules blindés légers (VBL) aujourd’hui totalement immobilisés. Dans la mesure où votre prédécesseur nous disait avoir besoin d’une augmentation de budget d’entretien programmé du matériel (EPM) de 50 % pour satisfaire à la régénération du matériel, il me semble que les 9 % que vous nous annoncez vont difficilement suffire, d’autant plus qu’il n’est pas prévu de mettre fin aux interventions extérieures : l’usure accélérée des matériels va donc se poursuivre, et il est à craindre que nous nous trouvions confrontés tôt ou tard à un problème majeur de disponibilité.

Vous nous dites qu’avec la livraison de 25 VBCI, nous aurons atteint la cible pour 2015. Comment est-ce possible, quand votre prédécesseur nous disait, il y a trois mois, que la moitié seulement des régiments était équipée ?

Enfin, le général Ract Madoux qualifiait de « déraisonnables et déstructurants » les objectifs de dépyramidage de l’armée de terre, et déclarait lui-même ne pouvoir supprimer plus de 350 postes d’officiers sur les 1 000 affichés dans l’objectif officiel. Comment allez-vous donc résoudre cette équation qui semblait insoluble il y a trois mois ?

M. Olivier Audibert Troin. Chacun sait qu’il manquait 2,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles pour boucler le budget 2015. Le ministre Le Drian a proposé de contourner l’obstacle grâce au montage de sociétés de projets et, questionné hier à ce sujet, le délégué général pour l’armement nous a indiqué que ces sociétés pourraient être mises en place pour juillet 2015. Ce délai, qui implique que l’État puisse céder un certain nombre de ses participations, met-il en péril les livraisons de matériels prévues pour 2015 ? En d’autres termes, pouvez-vous nous confirmer la livraison de la totalité des matériels prévus dans le cadre de la loi de programmation militaire ? Quel type de matériels l’armée de terre pourra-t-elle faire financer par ces sociétés de projets – étant précisé que, selon le délégué général pour l’armement, il ne peut s’agir de matériels létaux ?

Nos collègues Gwendal Rouillard et Yves Fromion ont déposé il y a quelques semaines un remarquable rapport d’information sur l’évolution de la présence militaire française en Afrique, soulignant les difficultés rencontrées sur le terrain par nos soldats, qui n’ont souvent à leur disposition que des matériels à bout de souffle – on imagine la vie à bord d’un VAB par une température de 50 ou 60 degrés. Pouvez-vous nous confirmer qu’un effort tout particulier va être accompli dans le cadre de la loi de finances pour 2015 afin d’améliorer les conditions de vie, donc de sécurité, de nos soldats en Afrique ?

Par ailleurs, vous comprendrez qu’un élu de la circonscription de Draguignan vous interroge au sujet de l’artillerie. Vous nous avez dit tout à l’heure que les canons CAESAR avaient été d’une très grande efficacité en Afrique. Or, nous savons que la livraison de 90 exemplaires destinés à renforcer l’équipement de notre armée avait été repoussée, sans qu’une date soit fixée, à une prochaine loi de programmation militaire.

Je terminerai avec la déflation des effectifs d’officiers. Alors que vous évoquez la difficulté qu’il y aura à atteindre l’objectif fixé sur ce point, le chef d’état-major de l’armée de l’air nous disait hier après-midi que, s’il s’engageait à maîtriser la masse salariale globale, il lui serait absolument impossible de tenir l’objectif relatif de déflation du nombre d’officiers.

Général Jean-Pierre Bosser. J’ai cru comprendre en arrivant que vous aviez été surpris d’apprendre un certain nombre de dissolutions en lisant la presse. Pour ma part, j’ai déploré hier de ne pas pouvoir annoncer moi-même à mes hommes les décisions qui les concernent en raison d’une indiscrétion commise de façon assez indélicate. Du coup, ce n’est pas par l’autorité militaire que l’armée de terre a appris la dissolution des unités de Châlons-en-Champagne… De telles pratiques ne sont pas de nature à renforcer la crédibilité du commandement, et nous n’avions vraiment pas besoin de cela en ce moment. Sachant à quel point la situation est anxiogène, nous avons essayé de garder, comme cela nous avait été demandé, le caractère confidentiel de la décision jusqu’à ce qu’elle soit définitivement prise. Il me revenait d’annoncer moi-même à mes hommes la nouvelle, les yeux dans les yeux.

M. Yves Fromion. Vous avez raison.

Général Jean-Pierre Bosser. Je vous rejoins au sujet de l’équipement des forces spéciales : les véhicules P4 ont fait leur temps. La DGA comprend tout l’enjeu de ces petits programmes aux montants somme toute assez faibles, même s’il n’est pas toujours facile de protéger ces crédits en période de forte turbulence budgétaire. De plus, en raison du degré de spécification de ces équipements, on est parfois tenté d’attendre quelques années le matériel parfait alors qu’on en a besoin rapidement et qu’il est peut-être déjà disponible sur étagère. Quand on sait que la rénovation de nos P4 coûte 27 000 euros pièce, je me demande s’il ne serait pas plus judicieux de ferrailler ce parc et, pour le même prix, d’acheter d’autres matériels.

L’artillerie fait partie des armes d’appui et n’est donc en rien menacée : à l’heure actuelle, nos fantassins n’imaginent pas progresser sans l’appui d’un sapeur ou d’un artilleur. On ne saurait remettre en cause la fonction artillerie. Cela étant, la puissance de feu des LRU est sans commune mesure avec celle des anciens canons : ainsi, un régiment LRU sur le terrain aura une puissance de tir équivalente à celle dont on disposait autrefois avec quatre ou cinq régiments. Autrefois, on raisonnait suivant le modèle des réservoirs de forces : on mettait tous les fantassins dans un sous-ensemble, les cavaliers dans un autre, les sapeurs dans un troisième, puis les artilleurs, etc. Un autre modèle a été choisi à partir de 2008 et a démontré sa pertinence en opération : c’est celui de la brigade interarmes, qui permet à des fantassins, des cavaliers, des sapeurs et des artilleurs se connaissant bien au quotidien pour s’être entraînés ensemble de se retrouver sur le terrain. L’une des particularités de ce modèle est qu’il garantit la présence d’un régiment d’artillerie au sein de chaque brigade interarmes. Reste à définir combien il y en aura : c’est une autre question, à déterminer dans le cadre du modèle.

En ce qui concerne la concertation, j’ai assisté aux progrès accomplis en la matière au cours des années 1997-1998, à la suite de l’impulsion donnée par le ministre Alain Richard. Ainsi l’élection des présidents de catégorie a-t-elle constitué à l’époque une véritable révolution – ce que l’on a un peu oublié aujourd’hui –, de même que l’obligation de siéger aux conseils de la fonction militaire d’armée (CFM) pour siéger au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), ou encore l’instauration de la concertation aux niveaux intermédiaires – au niveau régional, extrêmement important. Très sincèrement, je pense que le niveau de concertation aujourd’hui atteint permet de maintenir un vrai dialogue entre le commandement et les CFM d’armée, sous réserve que les CFM traduisent bien des préoccupations collectives et non individuelles – ce qui est le cas. Enfin, le groupe de liaison récemment créé par le ministre a encore amélioré la situation. Je sais qu’une réflexion a été engagée afin de renforcer le dispositif de concertation, mais en tant que chef d’état-major de l’armée de terre, je tiens à ce que le dispositif actuel de concertation soit conservé : je ne souhaite pas qu’un autre système vienne s’y substituer.

Sur les déflations d’officiers, je n’ai pas l’expérience du général Mercier ou de l’amiral Rogel ; si je vous confirme que nous mettrons tout en œuvre pour atteindre l’objectif qui nous a été assigné, je ne suis pas pour autant certain d’y parvenir. Sur le fond, je mesure le caractère considérable de la charge de déflation qui est imposée en particulier pour la catégorie des officiers. La règle du contingentement et la clause d’autoassurance nous incitent évidemment à réussir cette déflation, car dans le cas contraire les économies à réaliser dans un contexte budgétaire contraint seront à trouver ailleurs, éventuellement dans le recrutement. Cela dit, le fait de ne pas réussir pourrait constituer le premier signe objectif que les déflations successives auxquelles il a été procédé ces dernières années arrivent aujourd’hui en butée.

M. Philippe Vitel. C’est sûr, il faudra bien que ça s’arrête un jour !

Général Jean-Pierre Bosser. Pour ce qui est de la répartition de la déflation d’effectifs entre personnels militaires et personnels civils. la cible de déflation 2015 est de 3 960 postes militaires et de 300 postes civils. Dans un cas comme dans l’autre, les suppressions de postes ne sont pas réjouissantes d’autant plus que je me réjouis de l’excellente collaboration que j’ai constatée au sein de l’armée de terre entre personnels militaires et personnels civils.

En ce qui concerne les sociétés de projets, chacun sait qu’il ne faut plus compter sur des recettes exceptionnelles issues du produit de cessions de fréquences pour 2015. L’armée de terre souhaite que ses besoins en équipements soient couverts, quel que soit le mode de financement. En tout état de cause, si le système n’est pas opérationnel avant l’été 2015, vous savez comme moi que cela va poser un problème.

M. Olivier Audibert Troin. C’était bien le sens de ma question.

Général Jean-Pierre Bosser. La vraie question n’est pas tant de savoir à qui ce dispositif innovant a vocation à profiter – marine, armée de terre ou de l’air – que le moment où il va être opérationnel : il faut impérativement que ce soit avant l’été ; si c’est en novembre, ce sera trop tard. Nous n’aurons pas la capacité de consommer les ressources dont nous pourrions disposer, et j’y vois pour ma part un vrai challenge.

M. Olivier Audibert Troin. Et pour ce qui est des matériels ?

Général Jean-Pierre Bosser. Ils n’ont pas encore été identifiés. Cela se fera dans le cadre d’une gestion globale au niveau du ministère.

J’ai demandé à ce que votre récent rapport fasse l’objet d’une fiche de synthèse, monsieur Fromion, et nous serons très attentifs à vos préoccupations. Comme je l’ai dit au CEMA, je souhaite que nos hommes interviennent en opérations avec leurs matériels de métropole, et il semble que les choses commencent à évoluer en ce sens – des VBCI sont arrivés en République centrafricaine, et deux hélicoptères récents vont être déployés dans la bande sahélo-saharienne –, ce qui est une bonne chose, car il serait très difficile d’expliquer à nos hommes qu’ils sont moins bien équipés et protégés en opérations extérieures qu’ils ne le sont sur le territoire national.

M. Alain Moyne-Bressand. Je veux rendre hommage à nos soldats, en particulier ceux de l’armée de terre, qui se trouvent sur les théâtres d’opérations. Je vous ai trouvé assez optimiste, mon général, sur la présentation de la LPM, alors qu’il y a tout de même de quoi être inquiet en constatant la réduction des moyens qui, à mon avis, va forcément avoir un impact sur le moral des troupes, donc sur leur action. Que comptez-vous faire pour soutenir le moral de vos hommes, et les réservistes pourraient-ils être associés à votre action ?

M. Yves Fromion. Mon général, je veux vous féliciter pour la qualité de votre intervention et surtout pour la sincérité avec laquelle vous vous êtes exprimé, qui tranche avec le caractère brumeux des déclarations qui sont faites devant notre commission par certains intervenants – je ne cite personne. Au sujet de l’opération Barkhane, il semble de plus en plus évident qu’il est impossible de contrôler une zone grande comme dix fois la France avec 3 000 hommes, d’autant que l’on nous annonce l’installation d’un point d’appui supplémentaire à proximité de la frontière libyenne. Cette opération a-t-elle été anticipée et va-t-on passer à 4 000 hommes, comme on l’a entendu dire, ce qui aurait un impact immédiat sur la loi de finances ? Le général Mercier disait hier, au sujet du basculement de l’état-major vers les bases de N’djamena, Gao, Niamey et Tessalit, que la base de N’djamena présentait la particularité d’être très excentrée, et que la piste d’atterrissage de Gao était en si mauvais état qu’un de nos Mirage a été perdu faute d’avoir pu s’y poser. La remise en état de cette piste située au cœur du dispositif ne constitue-t-elle pas une priorité ?

Enfin, je ne suis pas tout à fait d’accord quand vous dites que personne n’avait anticipé l’usure des matériels. Pour notre part, nous avions alerté sur ce point – je vous renvoie aux déclarations que nous avons faites dans le cadre de l’examen du budget 2014, visant à souligner l’écart croissant entre les capacités nominales figurant au Livre blanc et la réalité du terrain. Cette dégradation conduit à une véritable attrition de nos forces armées, qui oblige à se demander, à chaque nouvelle mission, si nous disposons réellement des capacités matérielles pour l’accomplir efficacement.

M. Francis Hillmeyer. Au sujet du terrorisme transnational, vous avez indiqué que Daech disposait de 25 000 combattants, alors que le ministre venait d’avancer le chiffre de 50 000. Comment cette évaluation peut-elle varier du simple au double ?

Général Jean-Pierre Bosser. C’est forcément le ministre qui a raison !

M. Francis Hillmeyer. En tout état de cause, n’y a-t-il pas de quoi être inquiet quand on sait que nous ne disposons que de 12 000 hommes déployés hors de nos frontières, et que les déflations ne vont en rien arranger les choses ?

Général Jean-Pierre Bosser. Ce qui frappe les esprits au sujet de Daech, c’est la rapidité avec laquelle ce mouvement parvient à accroître ses effectifs et à diversifier son matériel – on a même vu ses combattants utiliser des chars. Ce n’est pas tant l’effectif de Daech qui pose problème que son organisation : c’est devenu une véritable armée. C’est également un peu ce qui se passe, toutes proportions gardées, en République centrafricaine, avec les ex-Séléka ; autrefois, on assistait à des pics de crise qui duraient trois jours, puis les protagonistes revenaient dans leurs villages et reprenaient leurs activités habituelles. Désormais, cela ne cesse plus, tout simplement parce que l’on a affaire à des gens dont c’est devenu le métier, de véritables mercenaires appointés. La problématique n’est donc pas seulement militaire, mais porte également sur les flux financiers qui viennent alimenter des forces de métier. Il y avait 25 000 combattants hier, il y en a 50 000 aujourd’hui et il y en aura peut-être 75 000 demain, et c’est cette évolution même qui est inquiétante – d’autant que nous n’avions jamais été confrontés à un phénomène de ce genre en Afrique.

Au sujet de l’opération Barkhane, je souligne que nous répondons à une menace transnationale par un dispositif transnational, ce qui constitue une évolution originale, ambitieuse et ayant de bonnes chances de réussite pourvu que nous nous gardions de tomber dans une logique du type Fort Saganne en installant des postes trop isolés. La clé de la réussite, c’est la combinaison des hommes et de la technique – les moyens d’observation dont nous disposons nous offrant un avantage majeur sur nos adversaires – ainsi que sur la combinaison dynamique des moyens : forces conventionnelles, forces spéciales, aérocombat, renseignement, que nous devons développer. Et nous ne devons pas perdre de vue l’autre menace que constitue Boko Haram en Afrique – mais je n’en dirai pas plus, ne voulant pas anticiper les décisions que doit prendre le ministre à l’issue de la réflexion en cours.

Enfin, pour ce qui est de l’optimisme que j’affiche, et qui étonne certains d’entre vous, imaginer ce que l’on dirait si l’on avait désigné à la tête de l’armée de terre un chef ayant lui-même le moral dans les rangers ! Vous connaissez le dicton : « quand le chef s’assoit, les hommes se couchent… »

Mme Émilienne Poumirol. C’est bien vrai !

Général Jean-Pierre Bosser. Entendons-nous bien : je ne suis pas naïf, je vois très bien quelles sont les difficultés. Comme je l’ai dit à l’ensemble des officiers et des chefs de corps à qui je me suis adressé il y a peu de temps, je suis frappé par l’écart énorme qui existe entre le moral qu’ont nos hommes lorsqu’ils sont en opérations extérieures et celui qu’ils affichent en métropole. L’une de mes ambitions majeures consiste à réduire cet écart par tous les moyens d’action en ma possession. Nous devons redonner un peu d’horizon à nos gens, peut-être les rassurer sur leur avenir professionnel, leur maison, le travail de leur conjoint. Si nous parvenons à faire baisser la pression qui pèse sur eux, peut-être attacheront-ils moins d’importance aux difficultés du quotidien. Mais ne vous fiez pas à ma bonne humeur : je suis parfaitement conscient des problèmes qui se posent à nous et suis bien déterminé à m’y attaquer.

M. Philippe Nauche, président. Mon général, au nom de notre commission, je vous remercie pour votre grande disponibilité et votre franc-parler.

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2014 à 9 heures (6)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2015.

Article 32 : État B – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN21 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Le présent amendement a pour but, d’une part, de transférer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, à hauteur de 230 millions d’euros, au profit de la dotation annuelle destinée au financement des OPEX.

Les dépenses effectives au titre de ces dernières sont en effet significativement supérieures à la dotation initiale, et même si j’ai bien entendu l’argumentation du ministre sur l’intérêt d’une mutualisation des surcoûts entre ministères, force est de constater que l’exercice n’est pas aisé en période de forte contrainte budgétaire.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Cet amendement, récurrent, propose de supprimer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, alors même que les forces aériennes stratégiques (FAS) fêtent leur cinquantième anniversaire. Le cycle d’auditions sur la dissuasion nucléaire nous a permis d’entendre beaucoup d’interlocuteurs mais je n’en ai pas tiré les mêmes conclusions que vous, et il me semble qu’un large consensus existe en faveur du maintien des deux composantes.

Je retiens notamment les propos du général Mercier, qui nous a rappelé que la dissuasion, au lieu d’avoir un effet d’éviction sur les capacités conventionnelles, les alimente et les tire vers le haut grâce au niveau d’exigence qu’elle impose à ses hommes. Les FAS contribuent en outre aux missions conventionnelles. Ravitaillement en vol, planification des missions, niveau d’entraînement de très haute intensité, réactivité : toutes ces qualités et atouts de la composante aéroportée méritent d’être conservées.

C’est pour ces raisons que j’émets un avis défavorable.

M. Christophe Guilloteau. Cet amendement menace la philosophie même de notre défense, ce que les gaullistes au sein de mon groupe ne peuvent admettre. En outre, il est presque impossible d’estimer la réalité de l’économie ; n’oublions pas non plus que la composante aéroportée repose en partie sur la marine nationale et que sa remise en question conduirait à menacer également notre porte-avions.

M. François de Rugy. Il n’y a aucun lien entre la suppression progressive de la composante aéroportée et celle du porte-avions. Celui-ci a potentiellement d’autres utilités, même s’il peut être en soi un autre sujet de débat. Lors des auditions précitées de notre commission, l’ambassadeur du Royaume-Uni a bien indiqué que la suppression de la composante aéroportée britannique avait permis d’importantes économies.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN21. Elle examine ensuite l’amendement DN22 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous proposons d’identifier les pistes d’économies possibles sans pour autant supprimer la dissuasion nucléaire. Le présent amendement prévoit donc de diviser par deux la dotation allouée aux études amont « nucléaires » afin d’abonder très concrètement les crédits d’équipement pour le combat en milieu hostile. En effet, ces crédits de recherche associés à la dissuasion connaissent une forte argumentation en 2015 par comparaison à celle des crédits d’équipement.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je vous ferai la même réponse que pour la composante aéroportée. Ces crédits d’études amont se situent au niveau juste suffisant et toute diminution entraînerait une perte de compétence technologique, et par voie de conséquence de crédibilité de la dissuasion.

Avis défavorable, donc.

M. Christophe Guilloteau. Il s’agit d’un amendement de repli, auquel je suis défavorable.

M. Philippe Nauche. Nous nous situons dans le cadre de l’exécution d’une loi de programmation militaire, qui fait elle-même suite à un Livre blanc ayant effectué des choix en matière de dissuasion. Il importe donc de demeurer cohérent avec ceux-ci. J’ajoute par ailleurs que ces crédits d’études amont présentent une forte nature duale, contribuant ainsi au niveau technologique d’ensemble de l’industrie nationale. Le groupe SRC ne peut donc approuver cet amendement.

M. François de Rugy. Il ne s’agit pas pour nous de tactiques parlementaires, mais de faire apparaître à nos concitoyens que des choix sont possibles dans le cadre de ce budget – dont je reconnais qu’ils s’opposent à ceux effectués dans le cadre de la LPM. Nous pouvons dépenser moins pour la dissuasion et davantage pour les équipements conventionnels ou les OPEX.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN22.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense ».

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Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption les crédits « Préparation et emploi des forces : Forces terrestres » de la mission « Défense ».

ANNEXE :
Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

1. Auditions

—  M. le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre ;

—  M. le général Frédéric Servera, directeur des ressources humaines de l’armée de terre (DRHAT) ;

—  M. le général Arnaud Martin, directeur de l’agence de reconversion de la Défense (ARD) ;

—  M. le général Philippe Loiacono, commandant du service militaire adapté, accompagné de M. le lieutenant-colonel Pierre-Louis Dubois ;

—  M. le colonel Stéphane Caïazzo, secrétaire général du conseil de la fonction militaire de l’armée de terre (CFMT).

2. Déplacements

—  les 15 et 16 octobre 2014 à Calvi, auprès du 2e régiment étranger de parachutistes (2e REP) ;

—  le 21 octobre 2014 à Nîmes, auprès du 503e régiment du train (503e RT), du 4e régiment du matériel (4e RMAT) et du Centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA).

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