N° 2267 tome VII - Avis de M. Jean-Michel Clément sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)



N
° 2267

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2234)
de
finances pour 2015

TOME VII

JUSTICE

ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE ET AIDE AUX VICTIMES

PAR M. Jean-Michel CLÉMENT

Député

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Voir les numéros : 2260-III-31.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2014, pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE POUR 2015 7

I. L’AIDE JURIDICTIONNELLE 8

A. UN FINANCEMENT EN LÉGÈRE AUGMENTATION GRÂCE À DE NOUVELLES RECETTES 8

B. UNE EXTENSION DU CHAMP DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE 9

C. LA SUPPRESSION DE LA « DÉMODULATION » 10

D. LA RATIONALISATION DES DÉPENSES D’AIDE JURIDICTIONNELLE 10

II. L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 10

III. L’AIDE AUX VICTIMES 11

IV. MÉDIATION FAMILIALE ET ESPACES DE RENCONTRE 13

V. L’INDEMNISATION DES AVOUÉS 14

DEUXIÈME PARTIE : REFONDER LA POLITIQUE D’ACCÈS AU DROIT 17

I. L’ÉTAT DES LIEUX DE LA POLITIQUE D’ACCÈS AU DROIT 17

A. DES OBJECTIFS AMBITIEUX 17

B. DES STRUCTURES HÉTÉROGÈNES 18

1. Le pilotage national de la politique d’accès au droit 18

2. Les conseils départementaux de l’accès au droit 20

3. Les maisons de la justice et du droit (MJD) 22

a. Statut et création des MJD 22

b. Implantation des MJD 22

c. Moyens et financement des MJD 23

d. Activité des MJD 24

4. Les points d’accès au droit (PAD) 24

II. DOUZE PROPOSITIONS POUR RELANCER LA POLITIQUE D’ACCÈS AU DROIT 26

A. RÉFORMER LE PILOTAGE NATIONAL ET LOCAL DE L’ACCÈS AU DROIT 26

1. Renforcer le pilotage national 26

2. Réformer la gouvernance des conseils départementaux de l’accès au droit 27

a. Impliquer davantage les autres juridictions du département et les MJD 27

b. Confier une vice-présidence au représentant de l’État dans le département 27

c. Étendre la compétence des CDAD à l’aide aux victimes 28

B. CRÉER LES MAISONS DE LA JUSTICE ET DU DROIT « DE TROISIÈME GÉNÉRATION » ET CONTINUER À DÉVELOPPER LE RÉSEAU DES POINTS D’ACCÈS AU DROIT 28

1. Créer des maisons de la justice et du droit « de troisième génération » 28

a. Réviser les critères d’implantation des MJD 28

b. Affecter un greffier dans chaque MJD 28

c. Faire des MJD de véritables points d’accès à la justice 29

2. Développer le réseau des points d’accès au droit 29

C. RENFORCER LES MOYENS ALLOUÉS À L’ACCÈS AU DROIT 29

D. DIFFUSER LES « MEILLEURES PRATIQUES » AFIN D’ALLER À LA RENCONTRE DES PUBLICS LES PLUS FRAGILES 30

EXAMEN EN COMMISSION 31

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS FORMULÉES PAR LE RAPPORTEURE POUR AVIS 61

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 63

Mesdames, Messieurs,

Le budget de la Justice restera prioritaire en 2015, conformément aux orientations données par le président de la République. Il connaîtra ainsi une hausse globale de ses crédits de 2,3 %, avec un total de 7,98 milliards d’euros. 1 834 créations d’emplois sont prévues sur la période triennale 2015-2017, ainsi que des mesures catégorielles de 19 millions d’euros en 2015.

Le programme « Accès au droit et à la justice », auquel cet avis est consacré, connaîtra cependant une légère baisse de ses crédits, qui s’élèveront à 364,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 363 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 0,95 % en autorisations d’engagement et de 1,34 % en crédits de paiement par rapport à 2014. Les crédits consacrés à l’aide aux victimes connaissent cependant une augmentation significative (+ 22 % par rapport à 2014) qui traduit la priorité accordée à cette politique, que votre rapporteur pour avis tient à saluer.

La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique, modifiée et complétée notamment par la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits, constitue le socle de la politique publique en matière d’aide juridique. Son article premier précise que l’aide juridique comprend trois composantes :

– l’aide juridictionnelle ;

– l’aide à l’accès au droit ;

– l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue et en matière de médiation pénale et de la composition pénale.

Compte tenu de la mission temporaire auprès de la garde des Sceaux confiée le 8 juillet 2014 par le Premier ministre à notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec sur le financement et la gouvernance de l’aide juridictionnelle, votre rapporteur a décidé de consacrer, cette année, son avis à la seconde de ces composantes de l’aide juridique, l’aide à l’accès au droit, dans le prolongement des travaux menés sous la précédente législature par la mission d’information de la commission des Lois sur l’amélioration de l’accès au droit et à la justice (1).

La politique d’accès au droit présente en effet des enjeux considérables en termes de justice sociale et d’égalité des territoires, mais est loin de recueillir toute l’attention qu’elle mériterait de la part des pouvoirs publics, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités territoriales, et des professionnels du droit qui en sont partie prenante. L’accès au droit fait en effet figure de « parent pauvre » au sein de la politique publique, plus large, de l’aide juridique, au regard des moyens consacrés et de l’attention portée à l’aide juridictionnelle.

On notera d’ailleurs que le renforcement de la politique d’accès au droit constitue la troisième des quinze actions prioritaires engagées par le ministère de la Justice dans la perspective de la construction de la « Justice du 21e siècle » initiée par le Gouvernement (2).

Le présent rapport, après avoir retracé l’évolution des crédits du programme « Accès au droit et à la justice », a pour objet de dresser un état des lieux de la politique d’accès au droit et de formuler des propositions visant à refonder et à relancer cette politique.

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE POUR 2015

Pour l’année 2015, le présent projet de loi de finances prévoit de doter le programme 101 « Accès au droit et à la justice » de 364,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 363 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 0,95 % en autorisations d’engagement et de 1,34 % en crédits de paiement par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014, qui s’élevaient à 368 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

À périmètre constant, la diminution des crédits est légèrement plus marquée (– 1,14 % en autorisations d’engagement et – 1,8 % en crédits de paiement), car le programme « Accès au droit et à la justice » intègre, pour la première fois cette année, une nouvelle action n° 5 relative à l’indemnisation des avoués (voir infra) dotée de 1,7 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Toujours à périmètre constant, si l’on intègre les ressources affectées, le montant de la ressource totale (crédits budgétaires + ressources affectées) est en revanche en augmentation.

En 2014, la ressource affectée constituée par le reliquat de la contribution pour l’aide juridique (CPAJ) d’un montant de 35 euros (3) supprimée par l’article 128 de la loi n° 2013-1278 de finances pour 2014 a représenté environ 27,7 millions d’euros (4). L’article 19 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit, pour sa part, l’affectation de nouvelles recettes au financement de l’aide juridictionnelle, pour un montant total estimé à 43 millions d’euros (voir infra). La ressource totale est donc en augmentation de 2,54 % en autorisations d’engagement (405,7 millions d’euros prévus en 2015 contre 395,7 millions d’euros en 2014) et de 2,2 % en crédits de paiement (404,36 millions d’euros en 2015 contre 395,7 millions d’euros en 2014).

Le programme 101 comporte cinq actions, chacune correspondant à un axe de la politique publique en matière d’accès au droit et à la justice :

– l’aide juridictionnelle ;

– le développement de l’accès au droit ;

– l’aide aux victimes ;

– la médiation familiale et les espaces de rencontre parents-enfants ;

– l’indemnisation des avoués.

Elle fait l’objet de l’action n° 1 du programme, dont elle représente 92,3 % des crédits budgétaires. Le projet de loi de finances initiale pour 2015 prévoit de la doter de 336,26 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une diminution des crédits de 2,6 % par rapport à 2014.

Comme cela a été indiqué précédemment, le montant des ressources extra-budgétaires est en revanche en augmentation : le montant des recettes nouvelles affectées au financement de l’aide juridictionnelle est estimé à 43 millions d’euros en 2015, tandis que le reliquat de la contribution pour l’aide juridique a représenté 27,7 millions d’euros en 2014 (soit une augmentation de 55,2 %). Ces recettes nouvelles sont mises en place par l’article 19 du présent projet de loi de finances, qui prévoit :

– une augmentation de 2,6 points de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de protection juridique, qui passerait de 9 % à 11,6 %, pour un montant estimé à 25 millions d’euros en 2015 ;

– une revalorisation de 40,6 % du montant du droit fixe de procédure (5), qui était resté inchangé depuis le 1er janvier 1998, dont le montant est estimé à 7 millions d’euros ;

– une revalorisation de 22 % de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice, restée inchangée depuis le 1er janvier 1998, qui est actuellement fixée à 9,15 euros et qui sera relevée à 11,6 euros, pour un montant estimé à 11 millions d’euros en 2015.

Le montant des ressources totales affectées au financement de l’aide juridictionnelle (crédits budgétaires + ressources extra-budgétaires) passe de 373,1 millions d’euros à 379,26 millions d’euros, soit une augmentation de 6,15 millions d’euros (+ 1,65 %).

L’introduction de ces ressources nouvelles tient compte des recommandations formulées par notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, qui s’est vu confier par le Premier ministre une mission temporaire auprès de la garde des Sceaux portant sur le financement et la gouvernance de l’aide juridictionnelle, le 8 juillet 2014, dont le rapport a été présenté en septembre dernier (6).

L’aide juridictionnelle connaîtra une évolution importante en 2015, avec la mise en œuvre de deux nouveaux droits à l’assistance par un avocat :

– le premier concerne le droit de toute personne soupçonnée entendue librement à bénéficier du droit d’être assisté par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d’office par le bâtonnier de l’ordre des avocats. Ce nouveau droit est prévu par l’article premier de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales et prendra effet le 1er janvier 2015. Ladite loi précise que les frais d’assistance ne sont pas à la charge de la personne entendue si elle remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle. Le coût de cette nouvelle mesure est estimé à 16,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, qui correspondent à environ 157 000 interventions d’un coût moyen prévisionnel de 105 euros ;

– le second est le droit des personnes déférées devant le procureur de la République parce qu’il envisage de les poursuivre de bénéficier de l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office. Il est prévu par l’article 8 de la loi du 27 mai 2014 précitée. Les crédits prévus pour financer cette nouvelle mesure s’élèvent à 2,48 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Le nombre d’interventions prévues est de 45 000, avec un coût moyen prévisionnel de 55 euros.

L’article 19 du présent projet de loi de finances revient sur la suppression de la possibilité de moduler l’unité de valeur – aussi appelée « démodulation » de l’unité de valeur – servant de base au calcul de la rémunération des avocats pour les justiciables bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale (7) prévue par l’article 128 de la loi de finances pour 2014 à compter du 1er janvier 2015. Le Gouvernement a décidé de tenir compte des critiques de la profession d’avocat ainsi que des recommandations du rapport de notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec. La démodulation est par conséquent supprimée : les dispositions du III, du 1° du V et du VI de l’article 128 de la loi de finances pour 2014 sont abrogées. Cet abandon de la démodulation a un coût estimé à 11,2 millions d’euros en 2015.

L’action n° 2, intitulée « développement de l’accès au droit et de la justice de proximité », vise à mettre en œuvre une politique d’accès au droit, permettant à tout citoyen, et notamment à ceux qui rencontrent le plus de difficultés, de connaître leurs droits afin de pouvoir les exercer et de se rapprocher de la justice.

Pour 2015, le projet de loi de finances prévoit de doter cette action de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (soit 1,4 % des crédits du programme), en diminution de 9,1 % par rapport à 2014.

Ces crédits servent, en premier lieu et à hauteur de 4,13 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à cofinancer les 101 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et les lieux d’accès au droit, au nombre d’environ 1 200. Ces groupements d’intérêt public sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, d’impulser des actions nouvelles, de dresser et de diffuser l’inventaire des actions menées et d’évaluer la qualité des dispositifs auxquels l’État apporte son concours.

Ils servent, en deuxième lieu et à hauteur de 768 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à cofinancer les maisons de la justice et du droit (MJD). Ces crédits serviront :

– à verser des subventions d’investissement à des collectivités locales pour réaliser les travaux d’aménagement des bâtiments qui accueilleront cinq nouvelles maisons de la justice et du droit ;

– à verser une dotation de premier équipement pour ces cinq nouvelles maisons de la justice et du droit, de 13 000 euros par site (soit 65 000 euros au total), pour l’achat de mobilier et de postes informatiques ;

– à financer le renouvellement du matériel informatique ou du mobilier de huit maisons de la justice et du droit, à hauteur de 53 000 euros ;

– à assurer la maintenance des bornes interactives « contacts visio-justice » (CVJ) présentes dans certaines maisons de la justice et du droit, à hauteur de 50 000 euros. Ces crédits sont en diminution de 164 000 euros entre 2014 et 2015, à la suite de la décision du ministère de la Justice de ne plus déployer de nouvelles bornes (voir infra). Les crédits prévus se limitent donc au coût de maintenance des bornes existantes.

Enfin, ces crédits, à hauteur de 100 000 euros, permettent de soutenir dix associations spécialisées réalisant des actions d’envergure nationale, excédant le champ de compétence locale des CDAD, notamment en faveur de publics fragiles (jeunes, population issue de l’immigration, personnes incarcérées, gens du voyage, etc.).

L’action n° 3 du programme, intitulé « Aide aux victimes », vise à améliorer la prise en charge des victimes d’infractions pénales, en leur apportant un soutien matériel et psychologique tout au long du parcours judiciaire et jusqu’à leur indemnisation. Elle est dotée de 18,26 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 16,85 millions d’euros en crédits de paiement et ses crédits représentent 5 % de ceux du programme. Ils sont en augmentation de 3 millions d’euros, soit 22 %, par rapport à 2014.

Sur le triennal (2015-2017), l’augmentation sera de 6 millions d’euros, traduisant la priorité accordée à cette action, qui avait déjà connu une augmentation significative en 2014 (+ 6 % par rapport à 2013) et en 2013 (+ 25 % par rapport à 2012).

Cette politique repose essentiellement sur un réseau de 167 associations locales d’aide aux victimes, conventionnées par les cours d’appel, qui, de manière gratuite et confidentielle, reçoivent les victimes, les aident dans leurs démarches et, pour certaines, les accompagnent à cette occasion. Certaines tiennent également des permanences dans les bureaux d’aide aux victimes (BAV). En 2013, elles ont aidé 246 316 victimes (contre 216 924 en 2012, soit une augmentation de 13,5 %). Ces associations bénéficieront de 14,71 millions d’euros en 2015 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, auxquels s’ajouteront 1,59 million d’euros en faveur des associations et fédérations intervenant au niveau national et pour des actions de dimension nationale.

La politique d’aide aux victimes s’appuie également sur les bureaux d’aide aux victimes (BAV) ouverts au siège des tribunaux de grande instance (TGI) et dont la mission est d’informer, d’orienter et d’accompagner les victimes. Ils seront au nombre de 160 fin 2014 et l’objectif est que tous les tribunaux de grande instance en soient dotés à la fin de 2015. Les crédits prévus en 2015 pour les BAV s’élèvent à 100 000 euros pour le premier équipement de huit bureaux devant être créés cette année et le renouvellement du matériel informatique ou du mobilier des autres BAV.

Des crédits d’un montant de 1,86 million d’euros en autorisations d’engagement et 450 000 euros en crédits de paiement pour financer un dispositif d’assistance téléphonique social à destination des victimes, le numéro « 08VICTIMES », qui offre à toute victime une première écoute et une orientation personnalisée, 7 jours sur 7, de 9 à 21 heures.

En 2015, la protection des victimes connaîtra trois évolutions importantes.

En premier lieu, la directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité, dite « directive victimes », qui doit être transposée au plus tard le 16 novembre 2015, introduit de nouveaux droits en faveur des victimes. Elle prévoit notamment, en son article 22, le droit de toute victime, sous réserve de son consentement exprès et préalable, de bénéficier d’une évaluation de ses besoins particuliers de protection, afin de la protéger contre les risques de représailles ou d’intimidation. Cette évaluation personnalisée a été expérimentée dans le ressort de 7 tribunaux de grande instance en 2014. Elle sera généralisée en 2015, avec un coût estimé à 1,68 million d’euros, fondé sur un coût annuel prévisible de 20 000 euros par an et par tribunal de grande instance.

En deuxième lieu, l’article 36 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit la généralisation du dispositif de téléprotection des personnes en grave danger, dit « TGD ». Des crédits d’un montant de 265 000 euros sont prévus pour soutenir les associations d’aide aux victimes intervenant pour la mise en œuvre de ce dispositif.

En troisième lieu, l’article 18 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales consacre l’existence de mesures de « justice restaurative » permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction (et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission). En 2015, des crédits d’un montant de 378 000 euros sont prévus pour l’expérimentation de ces mesures dans trois cours d’appel supplémentaires, couvrant neuf départements et complétant l’expérimentation engagée en 2014 en Île-de-France dans deux cours d’appel et quatre départements.

L’action n° 4, intitulée « Médiation familiale et espaces de rencontre », est dotée de 3,25 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 0,9 % des crédits du programme. Ses crédits sont stables par rapport à 2014.

Cette action regroupe les crédits ayant pour objet, d’une part, de développer une résolution amiable des conflits dans le domaine familial et, d’autre part, de maintenir des liens entre parents et enfants grâce à des espaces de rencontre.

La médiation familiale a été reconnue par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale et par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce. En 2013, 17 400 mesures de médiation familiale ont été achevées dont 5 435 mesures judiciaires et 11 965 mesures spontanées.

Deux expérimentations menées au sein des tribunaux de grande instance de Bordeaux et d’Arras, désignés par deux arrêtés du garde des Sceaux du 16 mai 2013, seront poursuivies au cours de l’année 2015 :

–  la première concerne la « double convocation », prévue par le décret n° 2010-1395 du 12 novembre 2010 : l’article 1er de ce décret permet au juge aux affaires familiales, dès qu’il est saisi d’un litige, d’enjoindre les parties de rencontrer, avant l’audience, un médiateur familial. Les parties reçoivent alors une double convocation, l’une devant le médiateur familial, et l’autre, devant le juge aux affaires familiales pour l’audience d’examen de l’affaire ;

–  la seconde, prévue à l’article 15 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, vise, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, à instituer une médiation préalable obligatoire afin de limiter ou de faciliter les procédures contentieuses ultérieures. Dans les deux tribunaux précités, par dérogation aux dispositions de l’article 373-2-13 du code civil, la saisine du juge aux affaires familiales pour fixation des modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant doit être précédée, à peine d’irrecevabilité, d’une tentative de médiation familiale, sauf dans trois cas : lorsque la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l’homologation d’une convention ; lorsque l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ; lorsque la tentative de médiation préalable risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.

Les espaces de rencontre parents-enfants sont des lieux permettant à un enfant de rencontrer l’un de ses parents ou un tiers, ou de faire l’objet d’une remise à un parent ou à un tiers, notamment à la suite d’une séparation, lorsque le droit de visite ne peut être exercé au domicile du parent titulaire de ce droit. Ces espaces contribuent au maintien des relations entre un enfant et ses parents ou un tiers, notamment en assurant la sécurité physique et morale et la qualité d’accueil des enfants, des parents et des tiers.

Les crédits de l’action n° 4 permettent de soutenir un réseau d’associations locales mettant en œuvre ces dispositifs (8). Une dotation de 3,18 millions d’euros est prévue pour les financer, dont :

– 1,045 million d’euros pour les associations locales gérant un service de médiation familiale ;

– 0,5 million d’euros pour la poursuite de l’expérimentation au sein des deux tribunaux de grande instance précités de la « double convocation » et du « préalable obligatoire de médiation » ;

– 1,635 million d’euros pour les associations gérant un espace de rencontre parent/enfant.

Ces crédits sont complétés par une dotation de 70 000 euros pour le développement du partenariat avec les fédérations et les associations nationales de médiation familiale et d’espaces de rencontre.

L’action n° 5 concerne l’indemnisation des avoués. Cette action est nouvelle et est dotée de 1,7 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 0,5 % des crédits du programme.

L’article 19 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel a institué un fonds d’indemnisation des avoués (FIDA), ceux-ci ayant perdu le bénéfice du monopole de représentation en appel. Ce fonds créé auprès de la Caisse des dépôts et consignations et géré par elle, est principalement alimenté par un droit de timbre (relevé à 225 euros et prolongé jusqu’en 2026 par l’article 56 du présent projet de loi de finances) payé par les parties faisant appel dans les procédures civiles.

Après trois années de fonctionnement du fonds, un déséquilibre entre les montants des indemnisations allouées aux avoués et les ressources prévisibles du FIDA est apparu. L’État doit donc abonder le fonds pour préserver son équilibre et financer ses engagements, qui s’élèveront à 480 millions d’euros environ.

DEUXIÈME PARTIE : REFONDER LA POLITIQUE D’ACCÈS AU DROIT

La politique d’accès au droit a pour objectif de permettre à toute personne qui le souhaite d’avoir connaissance de ses droits, quelle que soit sa situation sociale et où qu’elle se situe sur le territoire. Dans un contexte marqué par une complexification croissante des règles de droit et une inflation normative, l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » devient de plus en plus illusoire. Il est indispensable de mettre en place des dispositifs d’aide à l’accès au droit, en particulier pour que les populations les plus fragiles puissent connaître leurs droits.

La connaissance de ses droits est un préalable indispensable à leur exercice, et à leur effectivité. Il ne peut y avoir d’accès aux droits, au pluriel, sans accès au droit, au singulier. Le non-recours aux droits, sociaux en particulier, est un phénomène de grande ampleur, qui représente plusieurs milliards d’euros par an (9). L’accès au droit est par conséquent au cœur de la lutte contre les inégalités, qu’elles soient sociales ou territoriales.

Après avoir dressé un état des lieux de la politique d’accès au droit (I), votre rapporteur pour avis souhaite formuler plusieurs propositions visant à refonder cette politique (II).

Les objectifs de la politique d’accès au droit, tels qu’ils sont définis par les textes applicables, sont ambitieux. L’article 53 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoit ainsi que l’aide à l’accès au droit comporte :

– l’information générale des personnes sur leurs droits et obligations ainsi que leur orientation vers les organismes chargés de la mise en œuvre de ces droits ;

– l’aide dans l’accomplissement de toute démarche en vue de l’exercice d’un droit ou de l’exécution d’une obligation de nature juridique et l’assistance au cours des procédures non juridictionnelles ;

– la consultation en matière juridique ;

– l’assistance à la rédaction et à la conclusion des actes juridiques.

Le même article précise que les conditions dans lesquelles s’exerce l'aide à la consultation en matière juridique sont déterminées par le conseil départemental de l’accès au droit en conformité avec les règles de déontologie des personnes chargées de la consultation et dans le respect des dispositions du titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Il convient en effet de distinguer :

– d’une part, l’information juridique, qui se définit comme l’information générale des personnes sur leurs droits et leurs obligations, leur orientation vers les organismes chargés de la mise en œuvre de ces droits ou les professionnels et associations habilités par la loi et la diffusion en matière juridique de renseignements et informations à caractère documentaire dans les différents domaines du droit (explication de textes juridiques, description des procédures et du fonctionnement général de la justice) ;

– d’autre part, la consultation juridique, qui ne fait l’objet d’aucune définition dans la loi mais que l’on peut définir comme une « prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis sur une situation soulevant des difficultés juridiques ainsi que sur les voies possibles pour les résoudre, concourant, par les éléments qu’elle apporte, à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation » (10). Celle-ci est réservée, en principe, aux membres des professions judiciaires ou juridiques. La loi du 10 juillet 1991 autorise cependant, sous conditions, les personnes exerçant des activités professionnelles réglementées autres que judiciaires ou juridiques, les personnes exerçant une profession non réglementée ainsi que certains organismes à donner des consultations en matière juridique.

Au plan national, le pilotage de la politique d’accès au droit incombe à la Chancellerie et, plus précisément, au service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes (SADJAV), rattaché au secrétariat général du ministère de la Justice, au sein duquel le bureau de l’accès au droit coordonne la politique menée.

Le Conseil national de l’aide juridique (CNAJ), prévu par l’article 65 de la loi du 10 juillet 1991, est par ailleurs chargé, s’agissant de l’accès au droit :

– de recueillir toutes les informations quantitatives et qualitatives sur le fonctionnement de l’aide à l’accès au droit ;

– de proposer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à l’améliorer ;

– de faire aux conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) des suggestions en vue de développer et d’harmoniser les actions menées localement ;

– d’établir chaque année un rapport sur l’activité d’aide juridique.

Il est également consulté sur les projets de loi et de décret relatifs à l’aide à l’accès au droit (11).

Le CNAJ est actuellement présidé par un conseiller d’État et vice-présidé par une présidente honoraire à la Cour de cassation. Il comprend en outre un président de conseil départemental de l’accès au droit, des représentants de plusieurs ministères (Justice, Affaires sociales, Budget), un greffier en chef des services judiciaires, des représentants des professions juridiques (huit avocats désignés sur proposition du Conseil national des barreaux, deux notaires désignés sur proposition du Conseil supérieur du notaire, deux huissiers de justice désignés sur proposition de la chambre nationale des huissiers de justice), une conseillère générale, un représentant de l’association des maires de France, deux représentants d’associations œuvrant dans le domaine de l’aide juridique et un représentant des Français établis hors de France désigné sur proposition de l’Assemblée des Français de l’étranger.

En pratique, d’après les informations transmises à votre rapporteur pour avis par son président, le CNAJ a consacré l’essentiel de ses travaux, au cours des dernières années, à l’aide juridictionnelle, et n’a accordé que peu d’attention à l’accès au droit.

Le pilotage de la politique d’accès au droit relève, à titre principal et quasi-exclusif, du ministère de la Justice, même si d’autres ministères sont représentés au sein du CNAJ. Le ministère de la Justice la mène d’ores et déjà en concertation avec d’autres ministères, notamment avec le ministère délégué à la Ville, avec lequel une convention triennale d’objectifs pour les quartiers populaires a été signée le 11 juillet 2013, qui prévoit de conforter l’accès au droit dans ces quartiers.

Au niveau local, l’organisation de l’accès au droit est confiée aux conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD). Les CDAD sont, depuis 2012, des groupements d’intérêt public (GIP), dotés de la personnalité morale et jouissant de l’autonomie juridique et financière, créés à l’initiative du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département. Ils sont, aux termes de l’article 54 de la loi du 10 juillet 1991, chargés :

– de recenser les besoins ;

– de définir une politique locale ;

– d’impulser des actions nouvelles ;

– de dresser et de diffuser l’inventaire des actions menées

– d’évaluer la qualité des dispositifs auxquels l’État apporte son concours.

Ils peuvent participer au financement des actions poursuivies et doivent établir chaque année un rapport sur leur activité.

Les premiers CDAD ont été créés en 1992. Ils sont actuellement au nombre de 100. Les plus récents sont ceux de Mayotte (2012), de la Vendée (2012), du Doubs (2013) et de la Haute-Loire (2014). Ce chiffre devrait être porté à 101 dans les mois à venir avec la création du CDAD de la Lozère.

La composition des CDAD est fixée par l’article 55 de la loi du 10 juillet 1991. Chaque CDAD est présidé par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu de département, qui a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. Le procureur de la République près ce même tribunal exerce la fonction de commissaire du Gouvernement. Sont également membres de droit :

– le préfet du département ;

– le président du conseil général ;

– un représentant de l’association départementale des maires ;

– un représentant de l’ordre des avocats du département ou, si le département compte plus d’un ordre, de l’un des ordres établis dans le département choisi par leurs bâtonniers respectifs ;

– un représentant de la caisse des règlements pécuniaires de ce barreau (CARPA) ;

– un représentant de la chambre départementale des huissiers de justice ;

– un représentant de la chambre départementale des notaires ;

– à Paris, d’un représentant de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ;

– d’un représentant d’une association œuvrant dans le domaine de l’accès au droit, désigné conjointement par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département et les membres précités, sur la proposition du préfet.

D’autres membres peuvent en outre être membres du CDAD, tels que des représentants des communes ou des groupements de communes du département. Ils ont alors voix délibérative.

Au 30 juin 2014, les CDAD employaient 160 personnes, dont :

– 57 agents du personnel judiciaire : 23 greffiers en chef, 4 greffiers et secrétaires administratifs, 2 adjoints administratifs et 28 assistants de justice ;

– 103 autres agents : 71 recrutés directement et 32 mis à disposition.

Ces 160 personnes représentent un peu plus de 110 équivalents temps plein annuel travaillé.

Les CDAD bénéficient d’un cofinancement de leurs membres, qui peut être en numéraire ou en nature (mise à disposition de personnels ou de locaux, prise en charge des fluides, délivrance d’informations juridiques ou de consultations juridiques, etc.). Les modalités du cofinancement sont prévues par la convention constitutive du CDAD. En 2013, le montant du budget des CDAD a été de 10,56 millions d’euros, dont :

– environ la moitié (45,68 %) de ce financement a été assurée par la subvention versée par le ministère de la Justice ;

– 13,76 % proviennent du conseil général ;

– 9,22 % de la préfecture du département ;

– 3,36 % des professionnels du droit ;

– 0,52 % des CARPA ;

– 0,90 % de l’association des maires et de la ville de Paris ;

– 0,06 % de l’association membre de droit ;

– 8,53 % des communes ;

– 7,15 % du conseil régional.

Le solde provient d’un trop-perçu et d’un prélèvement sur le fonds de roulement.

Ces CDAD ont créé environ 1 200 points d’accès au droit (PAD), dont certains sont généralistes, tandis que d’autres sont spécialisés et sont exclusivement dédiés à des publics spécifiques (PAD jeunes, PAD en établissements pénitentiaires, PAD en hôpital psychiatrique, etc.).

Les maisons de la justice et du droit sont, depuis la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998, des établissements judiciaires, mentionnés aux articles R. 131-1 du code de l’organisation judiciaire. Elles sont placées sous l’autorité du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles sont situées, et du procureur de la République près ce tribunal. Aux termes du code de l’organisation judiciaire, elles ont pour objectifs d’assurer une présence judiciaire de proximité, de concourir à la prévention de la délinquance, à l’aide aux victimes et à l’accès au droit. Leur mission ne se limite pas au seul accès au droit.

La création des MJD repose sur une convention constitutive, signée, après autorisation du garde des Sceaux, par l’ensemble des partenaires de la structure : le préfet de département, le chef du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est située la MJD, le maire du lieu d’implantation ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale incluant cette commune, le bâtonnier de l’ordre des avocats, une ou plusieurs associations œuvrant dans le domaine de la prévention de la délinquance, de l’aide aux victimes ou de l’accès au droit, et le cas échéant, le président du conseil départemental de l’accès au droit, les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration pénitentiaire. La MJD est ensuite créée par arrêté du garde des Sceaux.

Il existe aujourd’hui 137 MJD réparties au sein de 29 cours d’appel, couvrant 60 départements. Elles sont pour la plupart (91 %) implantées dans des zones urbaines sensibles ou à proximité de celles-ci.

Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, le ministère de la Justice avait cependant décidé, en 2008, de créer de nouvelles MJD en zone rurale, afin de maintenir une présence judiciaire des lieux où une ou plusieurs juridictions avaient été supprimées. Leur implantation a privilégié des sites ruraux, dotés d’une densité démographique significative (15 000 habitants au moins) et éloignés d’au moins 50 km de toute juridiction. Depuis 2010, 12 MJD dites « de nouvelle génération » ont ainsi été créées :

– en 2010 à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Châteaubriant (Loire-Atlantique), Toul (Meurthe-et-Moselle), Lodève (Hérault) et Porto-Vecchio (Corse-du-Sud) ;

– en 2011 à Briançon (Hautes-Alpes), Faulquemont (Moselle) et Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) ;

– en 2012 à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) et Romilly-sur-Seine (Aube) ;

– en 2013 à Loudéac (Côtes-d’Armor) et Saint-Lô (Manche).

Ces nouvelles MJD ont été équipées de bornes visio, nommées « contacts visio justice » (CVJ), qui permettent à l’usager d’entrer en contact à distance et d’échanger des documents avec le greffier de la juridiction de rattachement. Le bilan qui a été dressé par le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes du fonctionnement de ces bornes a révélé les limites de cet équipement. À Toul, par exemple, aucune connexion n’a eu lieu. À Châteaubriant, le nombre de connexions, qui était de 45 en 2012, a chuté à 15 en 2013. À Nogent-le-Rotrou, il est tombé de 70 à 15 entre 2012 et 2013. À Lodève, il est passé de 2 à 1. Compte tenu de ce bilan, ces dispositifs seront progressivement abandonnés au profit de l’affectation d’un greffier dans les établissements concernés. Votre rapporteur pour avis estime, sur ce point, que les causes de l’échec de ce dispositif devraient être analysées, afin de déterminer sous quelles conditions ce type d’équipement peut apporter une contribution utile en matière d’accès au droit.

D’après les textes applicables (12),les MJD devraient toutes se voir affecter un greffier. Tel n’est pas le cas en pratique. Ainsi, en 2014, 27 des 137 MJD fonctionnent sans aucun greffier et 25 MJD fonctionnent avec un greffier allant de 0,10 à 0,50 équivalent temps plein annuel travaillé.

Les postes dans les MJD sont dans certains cas pourvus grâce à la mise à disposition de contrats aidés par les CDAD, l’affectation d’agents de catégorie C des services judiciaires ou la mise à disposition d’agents par les collectivités territoriales. Sur l’ensemble des MJD ouvertes, 106,8 équivalents temps plein annuel travaillé sont comptabilisés.

Le ministère de la Justice prend en charge les traitements des magistrats, du greffier, des adjoints administratifs, des agents de la protection judiciaire de la jeunesse et du service pénitentiaire d’insertion et de probation, une partie des frais de renouvellement du matériel informatique ou du mobilier, les frais de justice, et éventuellement les frais de téléphonie. Les collectivités locales prennent en charge la mise à disposition des locaux (avec les charges afférentes) et leur équipement, ainsi que la mise à disposition de personnel d’accueil et leur traitement.

En 2013, les MJD ont reçu 684 961 personnes, convoquées ou visiteuses, dont 490 056 personnes dans le domaine de l’accès au droit (13).

Selon le dernier rapport d’activité des MJD (14), en 2012, les principaux domaines dans lesquels des informations ont été sollicitées sont : le droit de la famille (23,2 %), le droit social et du travail (10,3 %), le droit du logement (8,7 %), le droit pénal (7,7 %) et le droit de la consommation (7,5 %).

Le personnel permanent a assuré 63 % des interventions en matière d’accès au droit, les associations 20 % et les professionnels du droit 17 %.

On notera que coexistent avec les MJD des antennes de justice, au nombre de 39 en 2012, dont 18 à La Réunion et 3 en Martinique.

Les points d’accès au droit (PAD) sont des structures de proximité, mises en place par les conseils départementaux de l’accès au droit en partenariat avec les acteurs locaux. En 2013, on recensait environ 1 200 PAD répartis sur l’ensemble des départements. Seuls les départements de la Lozère et de l’Yonne n’en dispensent pas encore à ce jour.

Les PAD sont implantés essentiellement en milieu urbain. Ils se développent cependant en milieu rural (en 2012, il existait ainsi 25 PAD ruraux).

Les PAD accueillent de manière régulière, anonyme et confidentielle tous les publics. Ils offrent des services diversifiés :

– un primo-accès au droit assuré par un agent d’accueil, avec le cas échéant une orientation vers d’autres organismes ;

– une information juridique dispensée par des associations, avec, si nécessaire, un accompagnement dans les démarches juridiques ;

– des consultations juridiques effectuées par des professionnels du droit ;

– une assistance à la rédaction de documents par des écrivains publics.

Les PAD sont situés dans différents lieux : mairies, maisons de services publics (MSP), maisons de justice et du droit (MJD), locaux mis à disposition par des associations.

À côté de ces PAD généralistes, les CDAD se sont attachés à créer des PAD spécialisés destinés à accueillir des publics ciblés (jeunes, personnes détenues, patients en hôpital psychiatrique, étrangers, etc.).

En particulier, ils ont créé 154 PAD en établissements pénitentiaires, à la suite de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Ces PAD répondent au besoin de mieux garantir les droits des personnes incarcérées, par nature éloignées de tout dispositif d’information juridique de proximité. Ils visent à leur apporter une réponse claire, précise et rapide à leurs questions de nature juridique (problèmes de droit de la famille, de droit du logement, de droit du travail, de droit des étrangers, etc.) et ce, indépendamment de leur dossier pénal.

Les PAD bénéficient d’un cofinancement de la part des membres du CDAD. La contribution des membres peut être en numéraire ou en nature (mise à disposition de personnels ou de locaux, prise en charge des fluides, délivrance d’informations juridiques ou de consultations juridiques, etc.). Le ministère de la Justice alloue chaque année une dotation au soutien de l’activité des CDAD, qui sert notamment à financer les PAD. Outre le ministère de la Justice, les principaux autres financeurs des CDAD sont les conseils généraux, les barreaux, les préfectures, les communes et les conseils régionaux. La part du ministère de la Justice – plus de 60 % – est prépondérante.

Le point d’accès au droit du 20e arrondissement de Paris

Le point d’accès au droit (PAD) du 20e arrondissement de Paris est coordonné par l’association Droit d’urgence depuis son ouverture le 15 février 2006. Cette association de juristes engagés dans la lutte contre l’exclusion, créée en 1995, gère notamment les points d’accès des 13e, 18e et 20e arrondissements de Paris, dans le cadre d’un marché de services passé avec la Ville de Paris, l’État, la région Île-de-France et le Conseil départemental de l’accès au droit de Paris. Son équipe compte 21 salariés et 300 bénévoles, professionnels du droit.

Le PAD du 20e arrondissement présente la particularité de partager ses locaux avec le PIMMS (point d’information et de médiation multi-services) 20, dont l’objet est de faciliter l’accès des Parisiens aux services publics. Les deux structures se complètent ainsi dans leurs interventions respectives.

Au cours de l’année 2013, 15 629 personnes ont été accueillies et aidées par ce PAD. Les demandes ont porté en priorité sur le droit des étrangers (16 %), le droit civil (16 %), le droit pénal (14 %) et le droit du logement (12 %).

Les permanences et les intervenants présents dans ce PAD sont très divers :

– permanence en matière de logement (agence départementale d’information sur le logement – ADIL 75) ;

– permanences en droit de la consommation et de surendettement (associations Léo Lagrange et UFC Que choisir) ;

– permanence en droit des étrangers et de la nationalité française (Ligue des droits de l’homme) ;

– permanence d’information relative au droit des victimes d’infraction pénale ou d’accident de la circulation (Paris Aide aux victimes) ;

– permanence spécialisée en droits des femmes victimes de violences (association « Ni putes ni soumises ») ;

– permanence généraliste en matière d’accès au droit (Accès au droit solidarité Paris) ;

– permanence de l’équipe départementale logement ;

– permanences en droit de la famille, du droit des étrangers et du droit du travail par des avocats du barreau de Paris et le délégué du Défenseur des droits ;

– permanence du représentant de la médiatrice de la Ville de Paris ;

– permanence d’écrivains publics.

Un accueil renforcé des victimes de violences conjugales a été organisé au sein du PAD depuis son ouverture. En 2013, 787 actions ont été réalisées à ce titre.

Source : Rapport d’activité 2013 de l’association Droits d’urgence.

Au niveau national, le pilotage de la politique d’accès au droit repose, on l’a vu, quasi exclusivement sur le ministère de la Justice. Il serait souhaitable que la dimension interministérielle de cette politique, qui présente des enjeux significatifs en termes d’égalité et d’accès aux droits, soit réaffirmée.

Votre rapporteur pour avis recommande que le rôle d’impulsion et de pilotage du Conseil national de l’aide juridique (CNAJ) – qui comporte des représentants des autres ministères concernés – en matière d’accès au droit soit par conséquent renforcé, ce qui implique que cette instance consacre une part plus significative de ses travaux à cette politique.

Cette proposition rejoint celle présentée par la garde des Sceaux dans le plan d’action pour la Justice du 21e siècle, dans lequel elle indique que le Conseil national de l’aide juridique sera chargé de faire des recommandations annuelles sur les besoins des territoires en matière de justice et de droit. Sa composition sera modifiée en conséquence, notamment afin d’associer davantage les acteurs et les élus locaux, qui ont une connaissance fine de leur territoire.

La création d’une vice-présidence ou d’une co-présidence associant au président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département, le président de l’autre tribunal de grande instance du département, lorsque le département compte deux TGI, ou d’une présidence tournante entre ces deux chefs de juridiction, a été évoquée par certaines des personnes auditionnées. La mission d’information de la commission des Lois avait, pour sa part, proposé de confier une vice-présidence au président du conseil général (15).

Ces propositions paraissent présenter certains inconvénients :

– la vice-présidence ou la co-présidence confiée à deux chefs de juridiction pourrait, dans certaines situations, être génératrice de conflits et nuire à la cohérence de l’action menée ;

– la présidence tournante pourrait nuire à la continuité de la politique menée, les priorités changeant en fonction du président ;

– la présidence confiée au président du conseil général politiserait les CDAD et pourrait créer des tensions avec certaines des collectivités territoriales membres ou partenaires du CDAD.

Votre rapporteur pour avis recommande par conséquent d’étudier une autre option, qui consisterait à confier une vice-présidence du CDAD au préfet ou à son représentant. Ce vice-président, représentant de l’État, pourrait décharger les présidents de TGI d’une partie de leurs attributions, en particulier de celles relatives à la recherche de cofinancements, qui sont lourdes et ne paraissent pas toujours pleinement compatibles, d’un point de vue déontologique, avec leur statut de chef de juridiction.

Parmi les 15 actions pour la justice du quotidien annoncées par la garde des Sceaux, le 11 septembre 2014, à la suite des travaux sur la justice du 21e siècle, figure une expérimentation relative à l’accueil unique des justiciables. L’objectif de cet accueil unique est de permettre aux justiciables de pouvoir effectuer ses démarches depuis n’importe quelle juridiction du territoire, même s’il ne s’agit pas de la juridiction compétente. Les juridictions retenues pour effectuer cette expérimentation sont situées sur le ressort de cinq tribunaux de grande instance (Bobigny, Brest, Dunkerque, Privas et Saint-Denis-de-La-Réunion).

Votre rapporteur pour avis propose d’étudier la possibilité d’engager une telle expérimentation également dans une maison de la justice et du droit, qui préfigurerait les « MJD de la troisième génération ».

Il pourrait aussi être envisagé d’aller plus loin et de tenir des « audiences foraines » dans des MJD, s’agissant de certains contentieux simples et aux enjeux limités.

Les moyens humains et matériels alloués à l’accès au droit paraissent encore insuffisants au regard des besoins rencontrés. L’efficacité des actions menées repose sur l’énergie et l’enthousiasme des acteurs de l’accès au droit, qui doivent souvent faire face à une pénurie de moyens et à une absence de prévisibilité des financements qui nuit à la pérennité des projets. Il serait souhaitable d’accroître ces moyens et de renforcer leur stabilité.

Il serait par ailleurs souhaitable de renforcer l’implication de certains professionnels du droit. La contribution de ces professionnels est en effet très diverse. Le dernier bilan d’activité des MJD fait ainsi apparaître que, en 2012, 2 479 avocats ont assuré, en moyenne, 207 heures par an et par MJD, tandis que 399 notaires ont assuré 37 heures par an et par MJD, et que 197 huissiers ont assuré 25 heures par an et par MJD en moyenne. Dans certains cas, leur intervention est inexistante ou très éloignée des lieux où les besoins se font sentir.

Il serait utile de recenser les « meilleures pratiques » développées par les CDAD et d’en assurer la diffusion sur l’ensemble du territoire national.

Certains CDAD mènent, par exemple, des actions très intéressantes à destination des jeunes et, en particulier, des collégiens et des lycéens, en organisant des concours de plaidoiries et des simulations de procès, avec la participation de nombreux professionnels du droit.

Les actions consistant à aller à la rencontre des publics les plus fragiles, telles que les permanences juridiques assurées dans les « Restos du Cœur » ou les PAD itinérants, dits « Justi’Bus », qui permettent de couvrir des zones d’accès difficile, devraient également être développées.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 23 octobre 2014, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » pour 2015.

M. le président Gilles Carrez. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, Jean-Jacques Urvoas et moi-même sommes heureux de vous accueillir au sein de cette commission élargie pour examiner les crédits de la Mission « Justice ».

Je rappelle les règles qui s’appliquent aux commissions élargies afin de permettre un échange aussi interactif que possible.

Je commencerai par donner la parole aux rapporteurs, chacun d’entre eux disposant de cinq minutes. Il vous reviendra ensuite de leur répondre, madame la garde des sceaux. Puis je donnerai la parole aux orateurs des groupes ainsi qu’aux autres députés qui le souhaitent pour une intervention limitée à deux minutes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. La commission des lois a désigné quatre rapporteurs pour avis sur les crédits de la Mission « Justice » qui constitue son cœur de métier. Chacun d’eux a choisi un thème pour illustrer les politiques publiques conduites grâce à ces crédits.

Ainsi, Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour la justice administrative et judiciaire, revient dans son avis sur le mouvement des greffiers et sur les solutions qui ont été trouvées pour réformer le statut de ces personnels qui sont un rouage essentiel de l’institution judiciaire. Je tiens, comme l’a fait la garde des Sceaux, à saluer l’esprit de service public dont ils ont fait la preuve, lors de leur mouvement de revendication, en évitant au maximum de perturber le fonctionnement des juridictions.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour l’accès au droit et à la justice, a porté son attention sur l’accès au droit qui apparaît comme une nécessité dans une société de plus en plus complexe. Cette question est également abordée dans le cadre de la réforme des professions juridiques réglementées à laquelle nous travaillons avec le ministère de la justice.

Mme Nathalie Nieson, rapporteur pour la protection judiciaire de la jeunesse, a choisi d’évoquer les jeunes filles auteures d’infractions dont la prise en charge s’avère délicate en dépit du faible nombre de cas.

Enfin, pour M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour l’administration pénitentiaire, il n’est sans doute pas nécessaire de présenter le thème qu’il a choisi puisque la presse s’en est largement fait l’écho, avant même que les parlementaires aient pu en avoir connaissance. La radicalisation en prison ne manquera pas de susciter des débats.

M. Étienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits relatifs à la justice. Les réponses au questionnaire budgétaire ont été tardives. Je remercie néanmoins les services qui y ont travaillé sans désemparer.

Le budget de la justice pour 2015 présente la particularité d’être, encore plus que l’an dernier, problématique quant à l’adéquation des moyens aux besoins.

C’est vrai pour les dotations de crédits de personnel, qui ne sont pas en rapport avec les créations d’emplois annoncées. L’immobilier pénitentiaire, réputé prioritaire, a subi de fortes annulations de crédits en 2013 et en 2014. Les frais de justice et les moyens de fonctionnement des juridictions sont insuffisamment dotés. Le financement de l’aide juridictionnelle ne semble pas encore assuré.

La justice constitue une fonction régalienne de l’État. Comme l’écrit la Cour des comptes dans sa note sur l’exécution du budget 2013, « les annulations et les redéploiements de crédits du titre 5 au profit des dépenses de fonctionnement manifestent un renoncement aux projets à moyen et long terme, au profit de préoccupations de gestion plus immédiates. La Cour estime que le ministère de la justice ne peut durablement sacrifier les crédits d’investissement sans compromettre à terme la mise en œuvre de ses missions. »

J’aurai cinq questions à poser. La première porte sur la maîtrise budgétaire des frais de justice. La Cour des comptes a réalisé, à la demande de la commission des finances, une enquête exhaustive, qui met en évidence l’absence de maîtrise de ce poste de dépenses : la liberté des ordonnateurs de fait est totale, le contrôle des engagements défectueux, la mesure des engagements souscrits très approximative.

Pour 2015, la dotation annoncée est manifestement sans rapport avec les besoins : 450 millions, dont au moins 378 millions pour des restes à payer mal connus, sachant que la dépense effective en 2013 s’établit à 474 millions. Vos propres services considèrent qu’il manque 147 millions sur le poste des frais de justice pour assurer l’exécution budgétaire de 2014.

Comment arriver à maîtriser ce poste de dépenses ? Des économies, que nous jugeons minimes, sont annoncées grâce à la systématisation du recours à la plateforme d’interception judiciaire et grâce à une réforme de la médecine légale.

Il est prévu également que la direction des services judiciaires s’engage dans la mise en œuvre d’un plan d’actions en faveur de la maîtrise des frais de justice, articulé autour de plusieurs axes : le premier relatif à la mobilisation de l’ensemble des acteurs en matière de frais de justice ; le deuxième portant sur l’achat public en matière de frais de justice ; le troisième ayant trait au renforcement du pilotage et du suivi budgétaire.

Cela peut-il suffire ? Je ne le pense pas. La Cour des comptes formule des préconisations beaucoup plus audacieuses. Elle propose de réexaminer la catégorie des frais de justice pour en exclure les dépenses qui se rapportent au fonctionnement courant des juridictions ; elle envisage l’application du droit commun de la comptabilité publique au paiement des dépenses tarifées ; elle plaide pour l’amélioration de la connaissance des composantes des dépenses de frais de justice.

Ne faut-il pas aller plus loin que ce que propose le Gouvernement et suivre les préconisations de la Cour ?

Ma deuxième question porte sur l’évolution des indicateurs. La mesure de la performance fait l’objet d’une vaste réforme. Curieusement, le taux de réponse pénale disparaît, sans explication. Certains indicateurs ne sont pas renseignés ou incomplètement : c’est le cas des délais de traitement des procédures pénales, du nombre d’affaires traitées par magistrat ou fonctionnaire, du taux de mise à exécution ou encore des délais de mise à exécution. Les données de stock des peines fermes en attente d’exécution ne sont pas disponibles pour 2013.

Pouvez-vous m’expliquer ce déficit d’information et y remédier afin que les rapporteurs puissent convenablement exercer leur mission ?

La troisième question a trait au décalage entre les créations d’emplois annoncées et la réalité. La masse salariale est insuffisamment calibrée.

L’exécution budgétaire 2013 a mis en évidence la réalisation d’économies sur les effectifs, alors que le budget de la justice avait été présenté comme prioritaire. Alors que les plafonds d’emplois devaient être portés à 77 542 ETPT en 2013 – contre 75 508 ETPT réalisés en 2012 –, la réalisation 2013 s’établit à 75 833 ETPT, à peine supérieure à celle de 2012, sachant de surcroît que les transferts nets sortants ont été inférieurs de 101 ETPT aux prévisions de la loi de finances initiale. La non-réalisation des ETPT au regard du plafond fixé en loi de finances initiale est de 1 709, hors transferts. Alors que le PAP 2013 faisait de la protection judiciaire de la jeunesse une priorité pour les créations d’emplois en 2013, ses effectifs budgétaires sont inférieurs en 2013 à ceux de 2012.

Si le Gouvernement tient vraiment à augmenter les effectifs du ministère de la justice, il lui est loisible, plutôt que d’annoncer des créations d’emplois, d’augmenter les dotations de masse salariale.

Ma quatrième question se rapporte à l’application de la contrainte pénale. La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines suppose des créations de postes, en particulier de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Or, selon vos services, le nombre de dossiers suivis par CPIP a augmenté de 2012 à 2013 et continuera d’augmenter sauf création de postes massive.

Enfin, les constructions pénitentiaires constituent une autre priorité pour le Gouvernement. Mais les dotations de crédits de paiement d’investissements pénitentiaires progressent peu de 2014 à 2015, de 20 millions d’euros pour atteindre 373,5 millions d’euros. La gestion 2013 a été caractérisée par un niveau inédit d’annulations sur l’immobilier pénitentiaire. Nous aimerions là aussi connaître les intentions du Gouvernement, notamment au regard du plan triennal.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à la justice administrative et judiciaire. Mon avis budgétaire est consacré à la réforme du statut des personnels des greffes. Je souhaiterais néanmoins dire quelques mots rapides du budget de la justice judiciaire.

Je me félicite que le budget de la justice reste, cette année encore, un budget prioritaire. Bien que prenant sa part dans l’effort de redressement de nos finances publiques, il augmentera de 2,3 % en 2015. Cet effort mérite d’être salué tant l’ampleur du retard accumulé au cours de la précédente législature le justifie. Les juridictions et les personnels qui assurent le fonctionnement quotidien de la justice continuent en effet à se trouver plongés, pour beaucoup, dans des situations difficiles.

J’avais vivement regretté, l’année dernière, lors de l’examen du budget, que rien ne soit fait pour revaloriser les rémunérations et le statut des personnels des greffes, qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des juridictions. Il m’apparaissait indispensable que le Gouvernement adresse un message fort de reconnaissance à ces personnels, dont les tâches et les responsabilités n’ont cessé de s’accroître, alors que leur statut n’a pas été revalorisé depuis 2003. C’était d’autant plus indispensable que les greffiers joueront un rôle considérable dans les actions pour la justice du quotidien que vous avez engagées pour construire la justice du XXIe siècle.

Vous m’aviez réaffirmé votre volonté d’avancer sur ce dossier. Vos paroles ont été suivies par des actes. Je me félicite que, grâce à vos efforts, les négociations avec les organisations syndicales représentatives, mais aussi les ministères du budget et de la fonction publique – ce qui n’était pas rien – aient abouti, le 15 juillet dernier, à un protocole d’accord sur les perspectives d’évolution statutaire des personnels des greffes.

Ce protocole, que j’ai étudié attentivement, prévoit une réforme ambitieuse du statut des greffiers en chef et des greffiers, ainsi que d’importantes avancées pour les fonctionnaires des corps communs du ministère de la justice qui travaillent dans les greffes.

La transformation du corps des greffiers en chef en un corps de directeurs de greffe, la revalorisation de leur grille et la création d’un statut d’emploi de directeur de greffe fonctionnel permettent de mieux reconnaître les fonctions d’encadrement de ces fonctionnaires.

La revalorisation de la grille des greffiers et la création, unique pour un corps de catégorie B, d’un statut d’emploi valorisant leurs compétences constituent également des avancées dont nous pouvons tous nous réjouir.

Les secrétaires administratifs et les adjoints administratifs et techniques, qui jouent un rôle essentiel au sein des greffes, n’ont pas été oubliés et je me félicite, en particulier, de l’accélération du dispositif d’intégration dans le corps des greffiers des secrétaires administratifs « faisant fonction », qui sont nombreux, et de la garantie qui leur est offerte de bénéficier d’une affectation de proximité.

Ce protocole est une étape importante, mais je ne le considère pas comme un point d’arrivée. Il doit s’inscrire dans une démarche plus large, qui conduira à redéfinir les missions des greffiers. Cette réflexion, vous l’avez engagée dans le cadre des travaux de la réforme « justice du XXIe siècle ».

L’un des rapports des groupes de travail, le rapport Delmas-Goyon, a proposé de créer un véritable greffe juridictionnel, auquel certaines des compétences actuellement exercées par les magistrats pourraient être confiées, afin de permettre à ces derniers de se recentrer sur la prise de décision et sur les contentieux complexes.

Je songe, par exemple, à la possibilité d’ordonner des mesures d’instruction avec l’accord des parties, de soulever d’office l’incompétence territoriale ou des irrecevabilités manifestes, ou encore à une compétence générale propre en matière d’homologation gracieuse ou à une compétence déléguée en matière d’injonction de payer. Que pensez-vous de ces propositions ?

Vous avez par ailleurs annoncé, dans vos deux circulaires du 8 octobre dernier relatives aux expérimentations sur l’assistance au magistrat et sur l’accueil unique du justiciable, que les juridictions dans lesquelles ces expérimentations seront menées bénéficieront de renforts, ce qui est une condition indispensable à leur réussite. Pourriez-vous nous préciser les effectifs qui seront affectés à cette fin ?

Une autre condition de la réussite de la réforme « justice du XXIe siècle » est, à mon sens, que le tandem « greffier-magistrat » fonctionne bien, sans tensions. Cela n’est pas toujours le cas. Ne pensez-vous pas qu’il serait utile pour bâtir, dès la formation initiale, une culture professionnelle commune, de développer les formations communes aux auditeurs de justice et aux futurs greffiers et greffiers en chef ?

Enfin, pourriez-vous confirmer que les primes exceptionnelles prévues par le protocole du 15 juillet dernier seront bien versées au 30 octobre 2014, comme le prévoit ledit protocole ?

M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à l’administration pénitentiaire. La lutte contre la radicalisation islamiste dans les prisons est un sujet très compliqué sur lequel nous devons nous garder de toute caricature, de tout amalgame mais aussi de tout déni.

Il faut être très à l’écoute des acteurs de terrain qui ont envie de s’exprimer sur ces questions, en particulier les personnels surveillants, qui font un travail très difficile.

J’ai la conviction qu’il faut anticiper le traitement à venir par l’administration pénitentiaire des Français ou étrangers résidant en France qui sont partis faire le djihad dans la zone irako-syrienne et qui seront probablement incarcérés à leur retour. Au nombre de 53 aujourd’hui, disséminés dans les maisons d’arrêt d’Île-de-France, ils seront hélas plus nombreux demain.

Monsieur le président, je n’ai pas l’intention de m’excuser de vouloir porter ce débat, au-delà du Parlement, sur la place publique car il s’agit d’un sujet d’intérêt national.

Je présente dans mon rapport quatre axes de propositions qui ne se veulent pas polémiques mais aussi concrètes et opérationnelles que possible.

En premier lieu, je souhaite une réflexion pour améliorer la capacité de renseignement au sein de l’administration pénitentiaire. Il faut systématiser les efforts de renseignement déjà engagés mais aussi mieux organiser la coopération avec les services de contre-espionnage du ministère de l’intérieur et privilégier le renseignement humain, ce qui suppose d’améliorer la formation des personnels au recueil et à l’analyse du renseignement ainsi que certaines évolutions techniques.

En deuxième lieu, il convient de définir un discours anti-radicalisation. Cela signifie apporter un plus grand soutien aux aumôniers musulmans agréés par l’État, qui sont au nombre de 178 aujourd’hui, en les outillant pour s’opposer aux imams autoproclamés dans le milieu pénitentiaire. En outre, nous gagnerions à nous inspirer de l’exemple britannique. J’ai noté avec satisfaction que la Chancellerie en avait pris le chemin en publiant un appel d’offres pour élaborer avec des sociologues des outils anti-radicalisation. Je sais que Dounia Bouzar que j’ai auditionnée y travaille.

En troisième lieu, il faut réduire la capacité d’essaimage des radicaux dans les établissements pénitentiaires. Sur ce sujet très compliqué, je ne plaide pas pour la concentration des détenus radicaux, radicalisés ou radicalisateurs, en un seul établissement qui deviendrait une sorte de Guantanamo à la française mais je refuse le statu quo : la dissémination des radicaux dans ce que les surveillants appellent le tour de France des prisons me semble lourde de dangers. Je propose donc d’expérimenter la création dans certains établissements d’unités spécialisées anti-radicalisation – des quartiers réservés avec des personnels formés spécialement.

Enfin, quatrième idée, la prison est un lieu clos qui a vocation à le rester. Or, trop souvent, elle permet les échanges avec l’extérieur, en particulier du fait de l’intrusion illégale de téléphones portables et donc d’internet. En dépit des progrès dans la lutte contre les téléphones portables, des solutions techniques devraient être recherchées en liaison avec les opérateurs téléphoniques.

Mon rapport contient vingt propositions soumises à votre sagacité, madame la garde des sceaux. À ce stade, l’effort d’anticipation reste perfectible. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à la protection judiciaire de la jeunesseDans un contexte budgétaire très difficile, la justice est bien une priorité pour le Président de la République. Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » connaît une quasi-stabilité de ses crédits de paiement et une augmentation de ses effectifs de 60 postes. Si elle paraît modeste, cette évolution est à mettre en regard de plusieurs années de baisses brutales de crédits sous les précédentes législatures.

Je m’inscris dans la continuité des rapports présentés par mon collègue Jean-Michel Clément.

Pour nourrir mon rapport sur les jeunes filles mineures auteures d’infractions, je suis allée à la rencontre des professionnels dans les établissements pénitentiaires pour mineurs, les centres éducatifs renforcés ou des foyers. Ces personnels sont très investis dans un métier difficile qui demande beaucoup d’engagement et d’humanité. Ils remplissent leur mission avec une grande lucidité.

À rebours de certains a priori, les jeunes filles sont très minoritaires dans la délinquance des mineurs. Elles représentent 17 % des mineurs condamnés, 10 % des mineurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse et 1,4 % des mineurs incarcérés.

Pour autant, la prise en charge de ces jeunes filles en grande souffrance constitue un défi à plusieurs titres : le premier d’entre eux est celui de la mixité. Si elle est un impératif pour le bien vivre dans notre société, elle peut être vécue comme une difficulté pour les professionnels, en particulier pour ceux qui s’occupent de jeunes filles ayant subi des violences de la part du sexe opposé. Elles doivent réapprendre le respect d’elles-mêmes et des autres.

Il me semble également important de lutter contre le cloisonnement des informations. Le grand nombre d’intervenants auprès des mineures est souvent responsable d’une mauvaise circulation de l’information entre les différents professionnels, en particulier entre le personnel médical et le personnel pénitentiaire. Il faut favoriser le travail en équipe pour faciliter une prise en charge globale des mineurs et une plus grande efficacité de celle-ci.

Il faut enfin veiller à la cohérence et à la continuité des actions dans le cadre du parcours judiciaire, en permettant par exemple d’assurer une sortie en douceur de l’emprisonnement vers un centre éducatif puis vers un placement dans une famille ou un foyer.

À cet égard, l’idée d’un mandat global mérite d’être étudiée même si elle compte aussi quelques détracteurs. Ces questions seront sans doute abordées dans le cadre de la réforme de la justice des mineurs que nous attendons.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à l’accès au droit et à la justiceJe suis pour la première année les crédits du programme « Accès au droit et à la justice », dont la rapporteure pour avis était Nathalie Nieson. Je tiens à saluer le travail qu’elle a accompli sur ce sujet, et en particulier sur l’aide aux victimes, au cours des deux dernières années.

J’ai choisi de consacrer mon avis à l’accès au droit. L’aide juridictionnelle représente, certes, plus de 90 % des crédits dont je suis le rapporteur, et son financement fait l’objet d’une réforme importante cette année, mais notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec ayant été chargé d’une mission auprès de vous, Mme la garde des Sceaux, sur ce même sujet, il m’a semblé que nous ferions un peu double emploi.

La politique de l’accès au droit ne recueille pas toute l’attention qu’elle mériterait et fait figure de parent pauvre de l’aide juridique, au regard de l’aide juridictionnelle. Cette politique représente pourtant des enjeux considérables en termes de justice sociale et d’égalité des territoires. Sans accès au droit, l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » devient illusoire, surtout pour les populations les plus fragiles. Sans accès au droit, il ne peut y avoir d’accès aux droits. La connaissance de ses droits est un préalable indispensable à leur exercice, et donc à leur effectivité. Le non-recours aux droits sociaux est d’ailleurs un phénomène de grande ampleur, évalué à plusieurs milliards d’euros par an.

J’ai rencontré, pour rédiger mon rapport, des représentants de tous les acteurs impliqués dans cette politique : le service de l’accès au droit et à la justice et de l’aide aux victimes du ministère, naturellement, le Conseil national de l’aide juridique, des représentants des professions juridiques, des conseils départementaux de l’aide juridique et des maisons de la justice et du droit (MJD). Je me suis également rendu dans la MJD de Saint-Denis et dans le point d’accès au droit (PAD) du 20ème arrondissement, géré par l’association Droits d’urgence. J’ai pu constater le dynamisme, l’enthousiasme et la générosité des personnes qui agissent pour que cette politique d’accès au droit soit une réalité sur le terrain.

C’est grâce à ces personnes que, depuis sa mise en place par la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique, l’accès au droit s’est considérablement développé. 101 conseils départementaux de l’accès au droit ont été créés ; il existe aujourd’hui 137 MJD ainsi que 1 200 PAD répartis sur l’ensemble du territoire - seuls les départements de la Lozère et de l’Yonne n’en sont pas dotés. Des PAD spécialisés ont été créés en établissements pénitentiaires et dans les hôpitaux psychiatriques, ce qui est une excellente initiative car les personnes concernées ont besoin d’être informées sur leurs droits.

Il reste cependant beaucoup à faire, et je me félicite que vous ayez retenu le renforcement de l’accès au droit parmi les priorités de l’action que vous menez pour bâtir la justice du XXIe siècle. Vous avez annoncé le dépôt, au premier semestre 2015, d’un projet de loi qui réformera la loi du 10 juillet 1991. Je formule dans mon avis une douzaine de propositions qui contribueront, je l’espère, à nourrir les travaux préparatoires de ce futur projet de loi. J’ai pu constater que la connaissance de ses droits permet d’éviter le recours à la justice. Les associations me l’ont dit, lorsque l’usager est correctement informé, 25 % des contentieux seraient évités.

Je propose de renforcer le rôle de pilotage de cette politique par le Conseil national de l’aide juridique, qui m’a paru être beaucoup plus impliqué, ces dernières années, sur l’aide juridictionnelle que sur l’accès au droit, ce qui est dommage. J’approuve votre proposition de réformer la gouvernance des conseils départementaux de l’accès au droit, afin d’impliquer davantage toutes les juridictions du département et les MJD. L’extension de leur compétence à l’aide aux victimes me paraît aussi aller dans le bon sens.

Je partage pleinement votre volonté de doter chaque MJD d’un greffier, comme le prévoit d’ailleurs le code de l’organisation judiciaire depuis longtemps. Un greffier en MJD, c’est un greffier en moins dans une juridiction : atteindre cet objectif exigera donc de procéder à des créations d’emplois de greffiers supplémentaires. Parmi les 30 créations d’emplois de greffiers en 2015, pourriez-vous nous indiquer combien seront affectés en MJD ?

Je me félicite, par ailleurs, de la création de nouvelles MJD. Pourriez-vous nous confirmer que l’une d’entre elles, celle de Pontivy d’après mes informations, participera à l’expérimentation de l’accueil unique des justiciables ? Ne faudrait-il pas, à terme, aller plus loin, et créer des MJD de troisième génération, dans lesquelles pourraient se tenir des audiences ? Ce serait une manière de lutter contre les déserts judiciaires que la réforme de la carte judiciaire a créés.

Enfin, ne pensez-vous pas que les points d’accès au droit devraient être plus largement encouragés au travers des futures maisons de l’État qui ont vocation à se déployer sur certains territoires ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je remercie les rapporteurs pour leurs travaux de grande qualité.

Je répondrai à leurs questions sur les thèmes qu’ils ont choisi d’explorer tout en m’efforçant de faire apparaître la cohérence et l’esprit de ce budget qui demeure prioritaire. En hausse de 2,3 %, il fait en effet partie des quatre budgets qui connaissent une augmentation cette année et qui autorisent des créations d’emplois – 500.

Ce budget répond à la préoccupation du Président de la République et du Gouvernement d’assurer un service public de la justice, au plus proche des citoyens, plus diligent et plus performant. Il donne également les moyens de mettre en œuvre les lois adoptées depuis le début de la législature et les précédentes. Sont notamment prises en compte les dispositions relatives à la prévention de la récidive et au renforcement de l’efficacité des sanctions pénales, la réforme pour « la justice du XXIe siècle », les mesures relatives à l’hospitalisation sans consentement ainsi qu’au juge des libertés et de la détention.

S’agissant des créations d’emplois, elles sont ventilées, selon les besoins créés par les dispositions législatives, vers les services judiciaires, la protection judiciaire de la jeunesse et l’administration pénitentiaire.

La capacité de création d’emplois est renforcée par des efforts supplémentaires dans certains domaines. Nous avons ainsi décidé de combler les vacances identifiées dans les services pénitentiaires.

Afin d’éclaircir un mystère sur les créations d’emplois – en l’occurrence, l’écart récurrent entre effectifs théoriques et réels de l’administration pénitentiaire –, j’ai diligenté un audit de l’Inspection générale des finances. Depuis deux ans, j’en étais venue à m’interroger sur la capacité de l’administration pénitentiaire à créer des emplois et à maîtriser la masse salariale. Or, il ressort de cet audit que l’écart est dû au défaut de création des emplois annoncés dans les trois derniers projets de loi de finances de la précédente législature.

Ce n’est pas pour vous être désagréable que je vous donne ces indications mais je suis satisfaite d’avoir résolu une énigme, ce que même la perspicacité de M. Blanc n’avait pas permis de faire …

J’ai donc obtenu que ces postes vacants soient comblés et qu’ils s’ajoutent aux 500 postes créés dans l’administration pénitentiaire pour atteindre 534 postes supplémentaires dont 200 sont créés depuis septembre 2014.

Il reste certains écarts inévitables, qualifiés d’écarts frictionnels, qui sont imputables au temps de formation – 31 mois pour les magistrats, 24 mois pour les greffiers et l’administration pénitentiaire.

Nous avons fait des efforts pour améliorer les indicateurs de performance. Le taux de réponse pénale est stable et élevé – plus de 85 % et 95 % pour les mineurs.

Les frais de justice permettent aux juridictions d’exercer leur activité juridictionnelle. Il est inconcevable de décider en début d’année de limiter la capacité des juridictions à ordonner des expertises ou à recourir à des interprètes. Nous appliquons donc le principe de la liberté de prescription pour les magistrats tout en faisant des efforts de maîtrise des coûts. Des économies seront réalisées notamment grâce à la plateforme nationale d’interception judiciaire, à une rationalisation de certains frais médicaux ainsi qu’à la possibilité de communication électronique que vous avez validée en première lecture dans le projet de loi d’habilitation.

Monsieur Jean-Yves Le Bouillonnec, je vous remercie d’avoir rappelé le rôle important joué par les greffiers dans les juridictions ; ceux-ci représentent en effet des acteurs clés de la réforme « justice du XXIe siècle ». Contrairement au passé, nous créons les postes de greffiers qui doivent accompagner les nouveaux magistrats. Nous avons décidé de dédier 30 postes de greffiers à l’élaboration de la justice du XXIe siècle en 2015, puis 20 nouveaux agents en 2016 et en 2017. Dans ce cadre, des expérimentations, qui concernent le service d’accueil unique de la justice, ont débuté.

Cela fait une dizaine d’années que les greffiers n’ont pas connu de revalorisation statutaire et indemnitaire ; j’avais indiqué, les deux années précédentes, que nous n’étions pas en mesure de fournir cet effort, mais que nous le programmions pour 2015 : nous tenons parole, puisque nous avons signé un protocole de 11 millions d’euros avec les trois principales organisations syndicales, qui permet de procéder à cette revalorisation, d’améliorer le statut d’emploi et le lissage de la carrière, et d’offrir des perspectives plus intéressantes en termes de qualification.

Nous menons parallèlement un effort d’intégration des adjoints administratifs et de croissance de la rémunération des personnels de catégorie C qui reçoivent un salaire modeste et pour lesquels nous avons augmenté les primes exceptionnelles depuis deux ans puisqu’il s’avère difficile de décider d’une hausse du traitement hors primes.

Nous organisons des échanges entre magistrats et greffiers pour développer la mixité de la culture professionnelle, les écoles nationales de la magistrature et des greffes (ENM) et (ENG).

Nous avons lancé une expérimentation sur l’équipe de travail autour du magistrat, qui vise à permettre aux greffiers d’exercer des missions plus conformes à leurs qualifications et à la qualité des services qu’ils fournissent, et, partant, plus valorisantes.

Monsieur Guillaume Larrivé, nous avons décidé de réarticuler les politiques carcérale et pénale afin d’accroître la cohérence de la politique publique de la justice et de la présentation du budget. La disjonction entre ces deux piliers, opérée au cours du précédent quinquennat, s’avérait néfaste. La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales crée la contrainte pénale, qui constitue un progrès, puisque cette peine sera exécutée en milieu ouvert tout étant encadrée par des dispositions précises, mais contient également plusieurs mesures qui touchent au milieu fermé.

Nous effectuons les efforts budgétaires nécessaires pour mettre en œuvre efficacement les dispositions relatives au milieu ouvert, et nous conduisons la même action pour le milieu fermé en créant des postes, selon la disponibilité de nos crédits, pour bien doter les nouveaux et les anciens établissements parlementaires.

La politique pénitentiaire repose également sur la création de nouvelles places. Dans les trois prochaines années, nous consacrerons 1 milliard d’euros en AE pour 3 200 places supplémentaires nettes, compte tenu de la suppression de plus de 1 000 places vétustes.

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) verront leurs effectifs augmenter de 1 000 agents et leurs crédits de fonctionnement de 10 %.

Nous créons des postes de magistrats depuis 2013 pour appliquer les nouveaux textes : 40 nouveaux emplois en 2015, dont 24 dans le cadre de la réforme « justice du XXIe siècle.

Monsieur Guillaume Larrivé, vous avez décidé de mettre la lumière sur la radicalisation islamiste en prison. Certains de vos collègues se sont plaints d’avoir été informés après les journalistes, et je regrette que vous n’ayez pas auditionné les membres de mon cabinet, le ministère de la justice dans son ensemble se trouvant toujours à la disposition du Parlement. Nous aurions pu ainsi vous renseigner sur ce sujet, que vous avez raison de qualifier de « délicat » et de vouloir aborder avec responsabilité. J’ai le plaisir ou le regret de vous informer que la plupart de vos propositions sont déjà mises en œuvre et produisent leurs effets.

Je ne comprends pas comment vous pouvez avancer des estimations chiffrées sur la population musulmane en prison, puisque les statistiques ethniques et religieuses n’existent pas dans notre pays. En conséquence, j’ignore les enseignements que l’on peut tirer de vos données, si ce n’est une stigmatisation qui mériterait au moins d’être argumentée.

Nous avons renforcé le renseignement pénitentiaire en 2012 puis en 2013 dans le cadre du plan de sécurisation de 33 millions d’euros élaboré en juin de l’année dernière. À cette occasion, nous avons créé sept nouveaux postes dans ce domaine et avons réorganisé le renseignement pénitentiaire dans l’ensemble du territoire. L’école nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP) assurera la formation initiale et continue de ces personnels. Nous avons également créé 30 postes d’aumôniers musulmans ; il y en a maintenant 178 au total, alors qu’ils n’étaient que 151 lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Le problème que vous soulevez, monsieur le député, n’est pas récent, mais il n’avait été traité ni dans sa composante de renseignement, ni dans celle de la présence d’aumôniers musulmans, puisque seuls quatre postes avaient été créés entre 2009 et 2012.

Vous nous suggérez de travailler avec le ministère de l’intérieur, mais nous le faisons déjà ! Ainsi, nos personnels de renseignement pénitentiaire participent aux états-majors de sécurité à l’échelle départementale, ce qui permet un échange d’informations. Nous signalons aux services du ministère de l’intérieur les détenus sortant de prison lorsqu’une suspicion de radicalisation violente existe. Le directeur pénitentiaire est associé aux actions de l’unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLAT). M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, et moi-même avons publié deux circulaires communes ; nous avons élaboré, en lien avec les ministères des affaires étrangères, et de l’intérieur, un plan gouvernemental qui a permis l’installation d’une plateforme téléphonique et numérique pour les signalements de comportements suspects ; nous avons ainsi pu empêcher 70 départs de personnes vers le Moyen-Orient.

Le plan de sécurisation des prisons, déployé en deux étapes cette année, vise à lutter contre les projections, à installer des portiques à masse métallique et à ondes millimétriques et à développer des équipes cynotechniques – qui existent depuis juillet dernier à Reims et à Lyon.

Aux ressentis, j’oppose des faits qui, eux, sont probants.

Madame Nathalie Nieson, je connais votre sensibilité à la question des victimes. Notre politique d’aide aux victimes s’avère vigoureuse depuis notre arrivée au pouvoir, le budget qui lui est consacré augmentant de 22 % – pour atteindre 16,8 millions d’euros – dans ce projet de loi de finances (PLF) par rapport à l’année dernière. En 2012, les crédits atteignaient 10 millions d’euros, et nous les avons augmentés de 26 % à 12,8 millions d’euros en 2013, puis de 7 % à 13 millions en 2014. Nous poursuivrons cet effort dans les prochaines années.

Ces crédits aident les associations dans leur remarquable travail auprès des victimes. Nous avons ouvert une centaine de bureaux d’aide aux victimes, tous les tribunaux de grande instance (TGI) devant en compter un.

Nous expérimentons, dans huit TGI depuis janvier 2014, des dispositions de la directive du 25 octobre 2012, non encore transposée dans notre droit, comme le suivi individualisé des victimes.

Nous avons un établissement réservé aux jeunes filles auteurs d’infraction, mais la règle générale reste la mixité. Lorsqu’une seule fille se trouve dans un centre mixte, cela pose des difficultés. Le temps passé dans un établissement ne constitue qu’une étape au sein d’un parcours. Parmi les mineurs incarcérés, 4 % sont des filles ; elles représentent 10 % des jeunes suivis par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). La délinquance des filles est estimée à 17 %, et la moitié des filles condamnées le sont pour des faits de vol.

Monsieur Jean-Michel Clément, la question de l’accès au droit touche celle des professions réglementées. Un accès au droit facilité permet de prévenir et de résoudre des litiges avant l’enclenchement d’une procédure judiciaire. Nous cherchons à faire des maisons de la justice et du droit de véritables sites judiciaires, comme le prévoit le code de l’organisation judiciaire, et nous y affectons, dans cette optique, des greffiers. L’accès au droit participe de la justice du XXIe siècle et s’intègre dans l’architecture des sites judiciaires dans l’ensemble du pays. Nous avons commencé par lutter contre les déserts judiciaires en procédant à la réouverture de TGI et à la création de chambres détachées. Nous réformons la gouvernance des conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et des points d’accès au droit (PAD). Le service d’accueil de la justice, aujourd’hui en expérimentation, remplira une mission d’information, assurée par des greffiers ayant reçu une formation spécifique. Nous élaborerons prochainement, en associant étroitement la représentation nationale, la cartographie de l’accès au droit, qui montrera le maillage territorial de l’ensemble des structures qui permettent aux citoyens, selon leurs besoins, d’avoir accès au droit.

Mme Cécile Untermaier. Le budget pour l’année 2015 augmente par rapport à l’année précédente pour le troisième exercice consécutif ; cela confirme le caractère prioritaire de la justice pour le Gouvernement.

La plupart des programmes de la Mission « Justice » bénéficient de cette poussée budgétaire ; ainsi les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » affectés à l’aide aux victimes progressent. Ce programme comporte également la hausse indispensable de l’aide juridictionnelle, qui garantit l’accès au droit des plus pauvres et de ceux qui rencontrent de nombreuses difficultés. Il convient également de saluer la revalorisation de l’indemnité versée aux avocats, tant pour prendre en compte le travail consacré à l’étude du dossier que pour valoriser l’expertise de cet auxiliaire de justice ; cette hausse devrait atteindre 50 millions d’euros comme le préconise notre collègue M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

Le programme de la « Protection judiciaire de la jeunesse » connaît une croissance remarquable de ses crédits dans le contexte de crise que nous connaissons. Cette augmentation se traduit par la création de nouveaux équivalents temps plein (ETP), utiles à l’application de nos réformes.

Le programme « Justice judiciaire » accuse une légère baisse par rapport à celui de 2014 ; pour autant, le nombre d’ETP progressera légèrement, cette augmentation s’avérant particulièrement salutaire au vu des conditions dans lesquelles les agents du service public de la justice remplissent leurs missions après les coupes budgétaires effectuées par la précédente majorité. Le point d’indice des greffiers se trouve revalorisé, ce qui répond à l’une des revendications exprimées lors du mouvement du printemps dernier.

Enfin, la hausse des frais de justice, certes modeste, doit être soulignée, car ils participent au bon fonctionnement de notre justice.

M. Guy Geoffroy. Nous regrettons que le temps offert aux porte-parole des groupes ait été réduit de cinq à deux minutes.

Certes, les crédits augmentent légèrement, mais un Français verse 61,2 euros par an pour la justice, soit à peine plus de la moitié du montant allemand, qui atteint 114 euros. La France se classe au 37e rang européen en la matière – sur 45 pays et derrière des pays comme la Géorgie et la Turquie ! Les procureurs français sont parmi les moins nombreux d’Europe, puisqu’on n’en compte que 2,9 pour 100 000 justiciables, la moyenne européenne se situant à 11,8.

Le nombre de conseillers sera-t-il suffisant en 2014 et en 2015 pour faire face aux conséquences de la contrainte pénale, sachant qu’il en faudrait 1 000 nouveaux ? Au mieux, ils ne pourraient être, compte tenu des temps de formation, que 300 en 2015. Comment comptez-vous gérer cette situation ?

Vous aviez évoqué la construction de 6 500 nouvelles places de prison ; or la lecture des documents budgétaires ne fait apparaître que 2 881 nouvelles places. Comment justifiez-vous cet écart ?

L’article 56 du PLF, rattaché à la mission « Justice », dispose que le droit de timbre pour interjeter appel augmentera de 150 à 225 euros, soit une progression de 50 % ! Or vous n’aviez pas cessé de vilipender notre action lorsque nous avions osé financer l’aide juridictionnelle par une contribution de 35 euros par justiciable. Qu’avez-vous à nous dire à ce propos, madame la garde des sceaux ?

M. Sergio Coronado. Monsieur Guillaume Larrivé, votre rapport alimente depuis ce matin la presse de droite et d’extrême droite sur le fondement de déclarations alarmistes et de chiffres contestables ; or nous avons découvert ce rapport en arrivant dans cette salle, et il aurait été bien plus correct à l’égard de la représentation nationale que la présentation du rapport devant la commission précède ce plan médias.

Je me réjouis que la hausse des moyens dévolus à la justice se poursuive.

La hausse continue du nombre de places dans les prisons – 10 000 en dix ans – n’a pas réglé le problème de la surpopulation carcérale, le taux d’occupation des maisons d’arrêt, stable depuis 2012, atteignant 134 %. L’article 100 de la loi pénitentiaire avait repoussé la perspective de l’encellulement individuel au 24 novembre 2014, après un premier report après celui de la loi de 2003. Comment le Gouvernement compte-t-il mettre en place l’encellulement individuel, dont la perspective se trouve encore une fois retardée ? Utilisera-t-il les mêmes mauvaises règles que celles déployées par le Gouvernement précédent en 2008 ? Quel est le nombre de cellules ? Quelle est leur ventilation en fonction de leur taille et du nombre de places ? Pourrions-nous connaître le nombre de détenus en surnombre, prison par prison, et celui de prisonniers dormant sur un matelas à même le sol.

M. Marc Dolez. Le recours de l’administration pénitentiaire aux partenariats entre le public et le privé (PPP) continuera de croître en 2015 et représentera un montant total supérieur à 300 millions d’euros en 2018.

Pourquoi n’avez-vous pas retenu, madame la garde des sceaux, la proposition de l’ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) de rétablir progressivement l’encellulement individuel plutôt que de le repousser à 2017 ?

Quel est le calendrier de présentation du projet de loi prévoyant la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, à laquelle le Gouvernement s’est engagé ? Quand sera refondée l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ?

Depuis le 1er janvier 2014, la prise en charge d’un mineur délinquant par les services éducatifs doit s’effectuer dans un délai de cinq jours à compter de la date du jugement. Pourriez-vous nous dresser un premier bilan de l’application de cette mesure ?

Pourquoi prolonger et augmenter la taxe acquittée pour interjeter appel, qui constitue une restriction financière à l’accès au juge ?

Quelle appréciation portez-vous sur la réforme des prud’hommes telle que M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, l’a esquissée la semaine dernière ?  

M. François Rochebloine. Madame la garde des sceaux, la situation de la maison d’arrêt de La Talaudière dans le département de la Loire illustre les problèmes quotidiens de la condition carcérale. Votre administration considère cet établissement comme l’un des quinze plus vétustes de notre pays.

La première urgence a trait à la rénovation des locaux, indispensable à défaut de reconstruction, puisque cette maison d’arrêt ne répond pas aux normes actuelles. Plusieurs tranches de ces travaux sont en cours ou programmées, l’état de dégradation des locaux s’avérant préoccupant. Le réseau d’eau est à reconstruire, la cour de promenade n’est toujours pas achevée, la cour des sports figure en tranches conditionnelles. Que dire de l’absence de dispositifs empêchant les projections depuis l’extérieur, sans parler des nuisances et de l’insécurité que subissent les riverains ?

Le taux d’occupation de la maison d’arrêt dépasse constamment la capacité théorique d’accueil des locaux. Avec 349 détenus à la fin septembre, dont 21 femmes, ce taux dépasse 120 % dans le secteur des hommes.

Les personnels se trouvent en sous-effectif, et, bien que ce problème ne soit pas propre à cette maison d’arrêt, cette situation ne facilite pas la mission des agents de surveillance. L’effectif théorique pour la surveillance est de 106 agents, mais près de dix postes ne sont pas pourvus. Au total, l’établissement ne compte que 137 agents sur 154 théoriques. Les personnels sont découragés et certains d’entre eux ont démissionné.

Après la découverte d’une grenade défensive dans les locaux en mars dernier, j’avais espéré qu’une fouille générale soit organisée puisque la dernière remonte à 2005. L’administration s’est contentée d’une fouille partielle qui a quand même donné d’excellents résultats : il faut aller plus loin !

Madame la garde des sceaux, la situation s’avère urgente, et je serais heureux de vous accueillir dans ma circonscription pour visiter cette maison d’arrêt.  

Mme Laurence Dumont. Madame la garde des sceaux, les augmentations de crédits n’empêchent pas la justice française de rester trop pauvre, car la situation de départ était trop dégradée. Trop longtemps, le dévouement des personnels, qui ont parfois travaillé dans des conditions à la limite de la décence, a compensé l’insuffisance budgétaire. Il reste du chemin à parcourir malgré les effets de la politique que vous avez mise en œuvre depuis trois ans.

Ce budget, dont les crédits sont maintenus dans un cadre financier pourtant très contraint, permet de dégager les moyens nécessaires à l’application de la loi pénale grâce aux importants recrutements prévus dans les SPIP et à l’augmentation de leurs crédits de fonctionnement et d’investissement. Ces services apportent un accompagnement essentiel à l’insertion des personnes détenues et au recul de la récidive. Si les créations de postes sont indispensables, la formation le sera tout autant.

En milieu fermé, les personnes doivent bénéficier un traitement digne, ce que permet le programme de construction de nouveaux établissements palliant la fermeture des prisons trop vétustes. Quels méthodes et principes le ministère entend suivre pour le dimensionnement, l’implantation, le coût et le financement des reconstructions ? Par ailleurs, il convient de concrétiser l’objectif de l’encellulement individuel, essentiel au traitement digne des personnes détenues.

La conjonction des politiques mises en œuvre depuis trois ans et l’effort important porté par ce budget doivent permettre d’agir efficacement sur les conditions de détention et sur la surpopulation carcérale, celle-ci atteignant des niveaux trop élevés.

Avec mon collègue M. Philippe Duron et le maire de Caen, M. Joël Bruneau, nous vous avons écrit au sujet de la situation de la maison d’arrêt de Caen en juillet dernier. Je dénonce le projet depuis plus de dix ans – date à partir de laquelle les parlementaires peuvent visiter les établissements pénitentiaires. La dignité des prisonniers et des personnels qui y travaillent quotidiennement en dépend. Quels sont vos arbitrages sur la reconstruction de cette maison d’arrêt ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la garde des sceaux, alors même que votre budget augmente de 1,6 % dans cette période de forte contrainte financière, et qu’une priorité est fixée en faveur de la justice, je souhaiterais attirer votre attention sur les délais – voire les carences – d’affectation de magistrats et de greffiers dans certaines juridictions, notamment en milieu rural. Il faut parfois attendre plus d’un an pour qu’un substitut au procureur de la République ou un greffier soient nommés, ou qu’un magistrat du siège vienne compléter une formation de jugement d’un TGI.

Ce problème n’est certes pas nouveau, mais il menace la qualité des décisions judiciaires et allonge le temps nécessaire à la justice pour statuer. Les chefs de juridiction dénoncent cette situation. Alors que le nombre de juridictions reste stable, pourquoi la gestion des ressources humaines s’avère-t-elle si difficile dans ce ministère ?

M. Dominique Raimbourg. J’attendais avec impatience l’exposé de notre collègue, M. Guillaume Larrivé, car j’ai dû commenter son rapport à la télévision, alors que je n’en connaissais que ce que Le Figaro en disait ce matin. Je le rejoins en tout cas pour refuser de polémiquer sur un tel sujet qui nécessite le rassemblement.

La loi du 15 août 2014 vise à mettre fin aux sorties sèches. Ne peut-on pas utiliser le dispositif mis en place pour surveiller ceux qui auraient pu se radicaliser sans que les personnels pénitentiaires ne s’en aperçoivent ? Quel est le calendrier de l’application de cette loi ? Quels seront les moyens déployés pour suivre les personnes quittant la prison ?

M. Philippe Goujon. Madame la garde des sceaux, vous n’avez pas chiffré l’indemnisation que l’État devra verser aux notaires ayant déjà une étude en cas d’instauration de la liberté totale d’installation ? Ceux-ci évoquent un montant total de 8 milliards d’euros. M. Emmanuel Macron prévoit aussi de fusionner les professions d’huissier de justice, de mandataire judiciaire, de commissaire-priseur judiciaire. Comment envisagez-vous de maintenir le maillage territorial de la justice et d’indemniser les cabinets en place ?

La loi du 15 août 2014 créera un surcroît de travail considérable pour les juges correctionnels et les procureurs, et certains ont laissé entendre dans la presse qu’ils n’appliqueraient pas la nouvelle contrainte pénale. Les juges d’application des peines (JAP) devront examiner les dossiers de tous les condamnés arrivant aux deux tiers de leurs peines, ce qui devrait concerner de 3 500 à 7 000 détenus. Que répondez-vous à ces inquiétudes ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour éviter que soient relâchés sans suivi de dangereux délinquants ?

Enfin, comptez-vous achever la réforme sur les transfèrements, qui se trouve en sommeil depuis 2012 puisque seules sept ou huit régions l’appliquent ?

M. Joaquim Pueyo. Madame la garde des sceaux, ce budget prévoit un effort soutenu pour poursuivre la rénovation des établissements pénitentiaires, puisque 6 500 places supplémentaires seront créées entre 2015 et 2017. Néanmoins, cette réponse en termes de places ne peut suffire. La lutte contre la radicalisation passe également par le renforcement des programmes d’insertion en prison fondés sur l’éducation et la formation. Dans le même temps, il convient de développer l’encellulement individuel, qui permet de mieux surveiller les détenus et d’accompagner les plus vulnérables qui pourraient se laisser influencer par une longue exposition à des idées radicales.

La lutte contre la surpopulation carcérale ne constitue pas qu’une question de dignité et de réinsertion, car elle renvoie aussi à la sécurité des personnels qui doivent faire face à des conditions de travail délicates.

Certains critiquent la trop grande taille des nouveaux établissements, suspectés de ne pouvoir assurer la bonne application des politiques que nous souhaitons engager. Ce n’est pas la taille des établissements mais l’organisation de la vie en leur sein qui constitue l’élément primordial ; il vaut mieux une maison d’arrêt accueillant 800 détenus dans des conditions dignes et adaptées aux objectifs d’accompagnement et de réinsertion qu’un établissement de petite taille dans lequel les détenus s’entassent à plusieurs par cellule et où la violence entre les prisonniers et envers les personnels s’avère forte.

Le droit pénal nous donne déjà les moyens d’isoler les éléments radicalisés ou les prosélytes ; nous pouvons déjà renforcer le renseignement pénitentiaire et augmenter le nombre d’aumôniers. En revanche, on ne doit pas imiter ce qu’ont mis en place certains pays en matière de quartiers spécifiques, comme l’Irlande avec l’armée républicaine irlandaise (IRA). La France avait souhaité regrouper tous les prisonniers basques il y a quelques années, et ce fut un échec total. Je vous recommande d’adopter une grande prudence sur ce sujet.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je m’élève contre la limitation du temps de parole qui nous est imposée. Ce n’est pas la tradition à la commission des lois, et les commissaires respectent une autodiscipline qui permet de contenir les débats dans une durée normale. Je déplore que, sur un tel budget, nous en soyons réduits à ne pouvoir interroger que si brièvement la garde des sceaux. À ma demande, le bureau de la commission des lois traitera de cette question.

M. le président Gilles Carrez. Les modalités de la discussion du projet de loi de finances ont été fixées par la conférence des présidents. Le choix, qu’à titre personnel je regrette, a été fait d’examiner chacune des trente missions et en commission élargie et en séance publique. Parce que cela demande beaucoup de temps aux députés et aux ministres, des règles strictes ont été établies que je suis tenu de faire respecter et que je m’efforce d’appliquer avec discernement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne l’ignore pas, monsieur le président, et ma remarque ne vous visait pas personnellement. Mais puis-je faire observer que laisser cinq minutes au lieu de deux à six représentants de groupe pour donner leur point de vue sur un budget d’une telle importance, c’est « perdre » 18 minutes ? Cette méthode de travail, qui prive les parlementaires du droit de s’exprimer comme ils le souhaitent, n’est pas la bonne. Je ne doute pas que vous transmettrez mes observations à la conférence des présidents. Je les ferai moi-même connaître largement.

Quels sont, madame la garde des sceaux, l’évolution, le volume et la répartition du budget consacré aux associations d’aide à la réinsertion des détenus ? J’avais appelé votre attention, l’an dernier, sur les problèmes de trésorerie des établissements pénitentiaires, incapables, en fin d’année notamment, de régler leurs factures dans des délais normaux ; comment cela a-t-il évolué ? Enfin, je m’associe aux questions qui vous ont été posées sur l’allongement du moratoire pour l’encellulement individuel et sur la réforme des conseils de prud’hommes.

Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis. Vous avez parlé, madame la garde des sceaux, des financements destinés aux associations d’aide aux victimes et je vous en remercie. Cependant, les besoins demeurent importants. Nous pensions avoir trouvé une ressource nouvelle en prévoyant, dans la loi relative à l'individualisation des peines, la majoration des amendes pénales et de la « contribution victime ». Malheureusement, ce dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 7 août 2014, l’a jugé contraire au principe de l’individualisation des peines. Avez-vous exploré des pistes alternatives ?

Mme Cécile Untermaier. Depuis quelques années, la dématérialisation des procédures entre les services de la gendarmerie, de la police et de la justice est engagée dans la juridiction judiciaire. Les bienfaits du logiciel Cassiopée de suivi des procédures pénales sont connus, mais des difficultés d’application persistent. Le budget pour 2015 prévoit son extension aux cours d’appel et la création d’un pendant, le logiciel Portalis, dans les juridictions civiles. La maîtrise de ces outils informatiques par les agents des services de la justice justifie sans doute une organisation particulière ; le budget pour 2015 en prévoit-il les moyens et le suivi ?

M. Guy Geoffroy. La presse a évoqué l’hypothèse d’un amendement du Gouvernement visant à instaurer un moratoire pour l’encellulement individuel jusqu’en 2018. Est-ce une erreur ?

M. François Rochebloine. Il fut un temps où les personnels de direction ayant choisi l’administration pénitentiaire y accomplissaient toute leur carrière. Aujourd’hui, nombre d’entre eux rejoignent d’autres administrations, ce qui pose un problème réel. Il est tout aussi problématique que de jeunes surveillants ayant réussi le concours et suivi la formation de l’École nationale d’administration pénitentiaire quittent leur administration trois mois après leur première affectation ; le salaire du personnel de surveillance devrait être revu.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. La loi du 24 novembre 2009 avait prévu en son article 100 que, dans la limite de cinq ans, il pourrait être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt. Il apparaît évident qu’étant donnée la surpopulation carcérale, cette disposition ne pourra pas être respectée à la date dite. La surpopulation carcérale n’est pas un phénomène nouveau. Elle existait lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, la population carcérale ayant augmenté de 35 % en dix ans – quelles que soient les protestations, ces chiffres sont incontestables – et elle existe malheureusement toujours, car même si de nouveaux établissements sont construits, il faut attendre qu’ils sortent de terre.

On compte à ce jour, monsieur Coronado, 1 041 matelas au sol dans les établissements pénitentiaires ; ce chiffre est à peu près stable.

Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires étant ce qu’il est, le principe de l’encellulement individuel sera matériellement inapplicable en novembre 2014. Le Gouvernement vous soumettra donc un amendement proposant de proroger le moratoire jusqu’en décembre 2017. Mais alors que le précédent moratoire ne prévoyait aucun dispositif d’accompagnement, le Gouvernement s’engagera cette fois à présenter au Parlement un état budgétaire et opérationnel de l’encellulement individuel – et d’ici décembre 2017, nous aurons construit 3 200 places nettes. Toutes les nouvelles prisons construites doivent prendre en compte l'objectif de 90 % de cellules individuelles. De plus, la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales produira ses effets, puisqu’il n’y aura pas nécessité d’encellulement individuel pour les personnes mises sous contrainte pénale, sanction alternative à la prison.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez la parole, monsieur Poisson, si votre intervention porte sur le même sujet.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est le cas. Je tiens à rappeler qu’en 2000 déjà, dans son rapport rédigé au nom de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises, Jacques Floch, député socialiste, pointait la surpopulation pénale. La situation que nous connaissons maintenant ne résulte donc pas seulement de l’action conduite par les gouvernements qui se sont succédé entre 2002 et 2012 ; vos prédécesseurs, madame la garde des sceaux, s’y étaient eux aussi trouvés confrontés.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. La population carcérale a augmenté de 35 % en France entre 2001 et 2011; c’est un fait. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait jamais eu surpopulation carcérale auparavant dans notre histoire.

M. le président Gilles Carrez. Il suffit pour s’en convaincre de se remémorer que le programme Chalandon, dans les années 1980, visait déjà à remédier à la surpopulation carcérale.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Il n’empêche que lorsque la population carcérale augmente de 35 % en dix ans, sans corrélation ni avec le taux de croissance démographique ni avec le taux de croissance de la délinquance, cela ne s’explique que par un autre paramètre, la politique pénale. Mais je n’entrais pas dans ces considérations ; je me limitais à décrire la situation telle qu’elle est.

M. Dominique Raimbourg. Je ne conteste pas que le rapport de Jacques Floch ait été rendu en 2000. Mais, en 2002, on comptait environ 48 000 détenus dans les prisons françaises pour 42 000 à 43 000 places ; la surpopulation carcérale était donc bien moindre, puisque le nombre de détenus en présence permanente est passé de quelque 48 000 à 68 000 en une dizaine d’années.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Cette question est très compliquée. Pour la troisième fois depuis la loi sur la présomption d’innocence de 2000, un gouvernement propose un amendement tendant à prolonger le moratoire sur l’encellulement individuel. En 2000, Mme Elisabeth Guigou avait demandé un moratoire de trois ans ; en 2003, le moratoire a été prolongé pour cinq ans – par amendement du gouvernement au détour d’une loi renforçant la lutte contre la violence routière ! – ; en 2007, le gouvernement posait par décret le principe du « libre choix » du détenu qui pouvait faire la demande d’une cellule individuelle et accepter, si celle-ci ne pouvait être satisfaite dans son établissement, un éventuel transfert. Lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire de 2008, le gouvernement de l’époque avait proposé de faire une croix sur l’encellulement individuel ; l’Assemblée l’a accepté, le Sénat ne l’a pas voulu, et le principe de l’encellulement individuel a finalement été maintenu par la commission mixte paritaire. Un nouveau moratoire de 5 ans a alors été fixé qui vient à échéance en novembre 2014 et que Mme la garde des sceaux nous demandera de proroger dans les conditions qu’elle a dites.

Nous devrons débattre du fond, non du seul amendement du Gouvernement. La question de l’encellulement individuel figure dans le code de procédure pénale depuis 1875 et on en parle comme si c’était l'alpha et l'oméga de la dignité des personnes détenues. La semaine dernière, je suis allé visiter, à Orléans, le nouvel établissement que vous avez inauguré en juillet, madame la ministre. Il s’agit de deux maisons d’arrêt de 210 places chacune, où l’encellulement individuel est la règle. Mais cela ne durera pas, m’a indiqué le directeur : des établissements vétustes ont été fermés, ce dont chacun se félicite, mais il en résulte qu’arrivent les premiers détenus venus de Blois. Autrement dit, on ne s’en sortira pas par la seule logique manichéenne consistant à construire des prisons pour parvenir, demain, à l’encellulement individuel. Franchement, madame la garde des sceaux, l’amendement n’est pas la bonne méthode, et je suggère que la commission des lois débatte du fond, c’est-à-dire de ce qu’est la dignité des personnes incarcérées. Vivre à deux dans une cellule où l’on ne passe que la nuit, ce n’est pas très grave ; y passer 23 heures par jour à trois est une autre histoire.

M. Guy Geoffroy. Je suis heureux que ce débat ait lieu ; je le suis un peu moins qu’il s’ouvre parce que nous avons dû faire valoir que l’histoire de France ne se résume pas à ce qui se serait passé entre 2002 et 2012. L’admettre, et admettre que la majorité actuelle est maintenant au pouvoir depuis deux ans et demi, voilà qui nous permettrait de progresser sur des sujets d’intérêt commun. Je fais miens les propos du président Urvoas. De longs débats ont eu lieu à ce sujet au début de la législature 2002-2007, M. Pascal Clément, alors président de la commission des lois, étant comme nous tous très préoccupé par la surpopulation carcérale constatée en 2003, dont on ne peut prétendre qu’elle résultait des lois votées en juillet 2002. Pour y remédier, il préconisait toutes solutions d’urgence, par exemple la réaffectation de bâtiments laissés libres par la réforme des armées. Il faut effectivement débattre du fond, sans s’en tenir au pire des arguments, la pirouette selon laquelle il ne se serait rien passé en dix ans, alors que, c’est avéré, nous nous étions préoccupés de cette importante question.

Mme Laurence Dumont. Il suffit ! Qui peut nier qu’il existe un lien entre politique pénale et politique pénitentiaire ? Les faits sont têtus, et ils disent que la surpopulation carcérale est aussi la conséquence de la politique pénale menée pendant dix ans. L’amendement gouvernemental à venir a une explication : nous sommes piégés par loi pénitentiaire de 2009 – et il est heureux qu’à l’époque la droite au Sénat et la gauche à l’Assemblée nationale ait permis le maintiens du principe de l’encellulement individuel. Je souscris entièrement à la proposition de M. Urvoas visant à un débat de fond. Dans ce cadre, la réflexion de la commission des lois devra notamment porter sur l’instauration d’un numerus clausus, plusieurs fois suggérée par notre collègue Dominique Raimbourg.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Geoffroy me cherche querelle, et pourtant : le moratoire que l’ancienne majorité a décidé dans la loi pénitentiaire était un impératif pour elle. Vous aviez aussi prévu un plan de 80 000 places de prison, mais sans en financer le premier euro. Devoir résorber une augmentation de 10 % ou de 35 % de la population carcérale, ce n’est pas la même chose. Pour notre part, nous sommes au pouvoir depuis deux ans et demi et nous ne fuyons pas nos responsabilités. La question est effectivement de définir ce qu’est la dignité des personnes incarcérées. Nous avons été durement critiqués pour ne pas vouloir construire des prisons à tout-va, mais je pense, comme le président Urvoas, qu’il ne s’agit pas de construire de plus en plus d’établissements pour appliquer le principe de l’encellulement individuel.

L’amendement du Gouvernement tient au risque de contentieux qui découlerait du non-respect de l’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt à partir du 24 novembre 2014, date d’échéance du moratoire fixé dans la loi de 2009. Cela ne signifie pas qu’il faille faire l’économie d’une réflexion sur l’organisation des journées en prison et sur les éléments qui caractérisent la dignité des personnes détenues. D’ailleurs, les textes européens ne traitent pas de l’encellulement individuel en tant que tel mais des conditions de détention respectueuses de la dignité de la personne.

M. Morel-A-L’Huissier a évoqué ce qu’il tient être un problème de gestion des ressources humaines mais qui relève de l’attractivité des territoires ruraux. Nous ouvrons des postes au concours tous les ans, mais cela ne suffit, les 1 400 départs à la retraite qui auront lieu au cours du présent quinquennat n’ayant pas été anticipés alors qu’ils étaient sus. Pour ma part, prévoyant que 45 % des greffiers en poste actuellement seront partis à la retraite en 2023, j’ai commencé à préparer le renouvellement de ce corps. Il aurait fallu ouvrir 300 postes de magistrats chaque année ; 100 seulement l’ont été. Nous en ouvrons en moyenne 300 tous les ans pour combler les postes vacants et remplacer les départs mais les candidatures manquent pour certains ressorts. La seule solution est d’y affecter ceux qui sortent de l’École : ils ne travaillent pas isolément mais en immersion dans une juridiction, avec des magistrats expérimentés. Il ne s’agit pas, je le redis, de gestion des ressources humaines mais des disparités d’attrait entre les territoires. Les campagnes ne sont pas les seules affectées : le problème touche aussi l’Île-de-France où, en raison de la cherté de la vie, le taux de rotation du personnel est très élevé.

Je répondrai ultérieurement, de manière précise, aux questions spécifiques de M. Rochebloine et de Mme Dumont.

Monsieur Dollez, la refonte de l’ordonnance de 1945 et de texte supprimant les tribunaux correctionnels pour mineurs ne font qu’un. Le calendrier annoncé par le Gouvernement lors du débat sur la loi relative à l’individualisation des peines demeure et le texte pourra vous être soumis au premier semestre 2015.

M. Guy Geoffroy, la taxe de 35 euros s’imposant à tout justiciable souhaitant introduire une instance instauré par l’ancienne majorité constituait objectivement une entrave à l’accès au droit. C’est ce qui nous a conduits à la supprimer, en compensant par des fonds publics les 60 millions d’euros de perte de ressources potentielle pour l’aide juridictionnelle.

Je rappelle d’autre part que le droit de timbre dû par les parties à l'instance d'appel a été instauré pour financer le Fonds d’indemnisation de la profession des avoués. Ce droit est augmenté parce que les ressources du Fonds sont insuffisantes pour lui permettre de remplir sa mission, et aussi pour financer l’aide juridictionnelle. La dépense passera de 150 à 225 euros pour les parties qui interjettent appel. Permettez-moi de rappeler que ce droit de timbre remplace la rémunération précédemment due à l’avoué, et qui était de 900 euros en moyenne. Par ailleurs, l’indemnisation des avoués sera achevée fin 2023.

Le régime des agents de la fonction publique prévoit la possibilité de passerelles entre les différentes administrations, mais l’intéressant est qu’ils reviennent dans leur corps d’origine. Or les métiers de l’administration pénitentiaire sont des métiers difficiles, avec des contraintes spécifiques, et que la surpopulation carcérale ramène bien souvent à de la surveillance et, de plus en plus, à de la garde pure et simple. Aussi avons-nous fait des efforts et signé l’année dernière avec l’organisation syndicale majoritaire un protocole de valorisation de ces métiers. Il concerne les surveillants, les brigadiers et les directeurs d’établissement, et il est assorti d’une enveloppe de 20 millions d’euros pour permettre des promotions en suspens depuis plusieurs années.

M. François Rochebloine. J’ai rencontré plusieurs responsables syndicaux, et ce ne sont pas les échos que j’ai entendus.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le protocole a bel et bien été signé, car nous savons le sujet épineux. Nous constatons environ 5 % d’abandon au début des formations ; nous nous attachons donc à ce que, le plus tôt possible, les stagiaires sachent ce qu’est le métier auxquels ils se préparent, afin d’éviter toute ambiguïté.

J’en viens aux conseils de prud’hommes. Ces conseils doivent rester paritaires mais être plus intégrés aux juridictions. Dans le rapport consacré à l’avenir des juridictions du travail qu’il m’a remis, M. Alain Lacabarats, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, propose d’améliorer les procédures mais aussi la formation des conseillers prud’homaux. Il note en effet que le taux de conciliation est de 6 %, une proportion dérisoire pour une instance conçue pour régler les litiges liés à l’exécution et à la rupture du contrat de travail précisément sur cette base. Les conseillers prud’homaux sont très attachés au paritarisme. Mais, parce que le taux de conciliation est très faible, le juge professionnel intervient très fortement dans les conflits du travail : le taux de renvoi au départage est élevé – quelque 20 % – et le taux d’appel très élevé – 60 % –, tout comme le taux de réformation totale ou partielle, qui est de 70 %. Le très faible taux de conciliation a aussi pour conséquence l’allongement du délai au terme duquel les décisions sont rendues. Tout cela conduit M. Lacabarats à proposer des aménagements procéduraux favorisant la conciliation tout en inscrivant plus fortement les conseils prud’homaux au sein des juridictions.

Nous vous proposerons par ailleurs, dans le projet « Justice du XXIe siècle » d’organiser les tribunaux de grande instance par pôles, dont un pôle social.

Je pense avoir répondu à l’ensemble des questions posées.

M. Philippe Goujon. Pas encore exactement, madame la garde des sceaux, puisque vous n’avez rien dit ni de l’indemnisation des notaires ni des JAP, des procureurs et des transfèrements.

M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis. Pouvez-vous préciser, madame la garde des sceaux, si la réforme des conseils de prud’hommes se fera par ordonnance, comme le Gouvernement y a été habilité, ou dans le cadre du projet de loi sur la libéralisation de l'économie que présentera le ministre de l’économie, et selon quel calendrier ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Le vecteur prévu est le projet de loi sur la libéralisation de l'économie.

M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis. Le ministre du travail a fait adopter un projet de loi d’habilitation autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions en matière prud’homale. Quels seront les champs respectifs des deux textes ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. L’ordonnance du ministère du travail concernera la désignation des conseillers prud’hommes ; le texte de fond sera du ressort du ministre de l’économie.

Si des modifications sont introduites dans les modalités de délégation de service public à certaines professions réglementées, il reviendra aux juridictions éventuellement saisies de déterminer l’existence d’un préjudice et de le chiffrer.

Comment les juges de l’application des peines auront-ils connaissance de la situation du condamné ? me demandez-vous. Nous avons reporté l’entrée en vigueur de ces dispositions à janvier 2015 pour avoir le temps de faire en sorte que l’information, sur les casiers judiciaires notamment, soit totalement fluide et à la disposition des juges de l’application des peines.

La contrainte pénale engorgerait les tribunaux qui fonctionnent déjà à flux tendu, dites-vous. En tant que telle, la contrainte pénale ne génère pas d’audiences particulières, puisque ce n’est qu’une peine parmi d’autres dans notre arsenal judiciaire. La juridiction fonctionne et elle peut prononcer une contrainte pénale, une peine de prison ou autre.

Monsieur le député Goujon, vous m’avez aussi interrogée sur les extractions judiciaires, c'est-à-dire le déferrement des détenus devant les autorités judiciaires. Ces missions, qui étaient auparavant réalisées par les seules forces de police et de gendarmerie, peuvent désormais être effectuées par des agents pénitentiaires. Ce transfert de compétences s’effectue progressivement, par régions et selon un calendrier qui va jusqu’en 2019. Il s’accompagne d’un transfert de postes du ministère de l’intérieur vers le ministère de la justice.

Malheureusement, le premier arbitrage interministériel rendu en ce qui concerne ces postes était très défavorable au ministère de la justice, et il était en passe de poser de gros problèmes d’efficacité des extractions. J’ai donc demandé un nouvel arbitrage. J’ai rencontré les syndicats de police et le groupe de liaison de la gendarmerie nationale. Au terme d’un travail entre le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice, un nouvel arbitrage a été trouvé, plus favorable à mon ministère en termes de postes équivalent temps plein.

M. Philippe Goujon. Quels sont les chiffres précis sur les emplois ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Nous avons obtenu 1 200 postes contre 800 lors du premier arbitrage. C’est moins que ce que nous aurions souhaité mais nous allons nous en contenter pour assurer ces extractions judiciaires en toute sécurité. Le transfert des missions va reprendre en 2015 en commençant par l’Alsace, l’Aquitaine et le Nord-Pas-de-Calais. En 2016, il concernera la Bourgogne, la Bretagne, le Centre, la Haute-Normandie, le Limousin, les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes. En 2017, ce sera le tour de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Languedoc-Roussillon et de Rhône-Alpes. En 2018… Oh quelle audace !

M. Guy Geoffroy. Bref instant de lucidité !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. En fait non, l’administration c’est la continuité de l’État. J’ai un absolu respect du suffrage universel et de l’état de droit. En 2018, donc, le transfert s’étendra à Paris et aux départements du Val-de-Marne et de l’Essonne. Enfin, en 2019, il s’achèvera par la Corse et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

M. le président Gilles Carrez. La garde des sceaux a-t-elle répondu à toutes les questions ?

M. François Rochebloine. Je souhaiterais une réponse écrite sur la maison d’arrêt de La Talaudière.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. J’y veillerai, monsieur le député.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je constate une absence de réponse concernant le montant de l’aide aux associations d’insertion.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous ferai parvenir cette réponse avant le débat public, monsieur le député. Vous voulez des données sur les associations de la fédération Citoyens et Justice qui travaillent dans le cadre de mesures judiciaires en pré et post-sententiel, n’est-ce pas ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Sur toutes celles qui aident les détenus à se réinsérer.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. On m’indique que l’aide à l’insertion des détenus serait de 7,9 millions d’euros pour 2015, mais je préfère vous fournir par écrit une réponse plus complète.

Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis. Quant à l’aide aux victimes ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Comme vous le savez, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 49 de la réforme pénale qui prévoyait d’instaurer une majoration automatique de 10 % pour les amendes pénales, douanières et certaines amendes prononcées par des autorités administratives, afin de financer l’aide aux victimes. Les services du ministère de la justice et du ministère des finances travaillent sur un autre dispositif. Vous serez associée à la réflexion, madame Nieson, même si vous êtes désormais rapporteur pour la protection judiciaire de la jeunesse. Cette réflexion devrait aboutir à la rédaction d’un amendement qui sera proposé par le Gouvernement lors de la discussion de la loi de finances.

M. le président Gilles Carrez. Merci, madame la garde des sceaux d’avoir répondu à ces dizaines de questions qui ont permis de faire le tour de votre ministère.

*

* *

À l’issue de l’audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, sur les crédits de la mission « Justice », la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission Justice (M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis « Accès au droit et à la justice et aide aux victimes » ; M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire » ; M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis « Justice administrative et judiciaire » ; Mme Nathalie Nieson, rapporteure pour avis « Protection judiciaire de la jeunesse »).

Conformément aux conclusions de M. Jean-Michel Clément, de M. Jean-Yves Le Bouillonnec et de Mme Nathalie Nieson, rapporteurs pour avis, mais contrairement à l’avis de M. Guillaume Larrivé, rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2015.

Article 56 : Augmentation du droit de timbre en appel

La Commission examine l’amendement II-CL3 de M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. L’amendement vise à limiter la hausse du droit de timbre en appel dans des proportions raisonnables, en le faisant passer de 150 à 185 euros, au lieu de l’augmentation de 50 % proposée par le Gouvernement à l’article 56.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. Le coût du recours à un avoué était au moins de 900 euros par partie. Le droit de timbre, même augmenté, reste bien inférieur à ce coût et n’est pas de nature à faire obstacle au droit de former appel.

M. Guy Geoffroy. Dire que les justiciables font une économie de 900 euros, grâce à la suppression des offices des avoués, me paraît contestable. Beaucoup d’avocats semblent en effet avoir intégré dans leurs honoraires le montant des émoluments que les justiciables devaient auparavant verser aux avoués. Il ne faudrait pas qu’une hausse aussi importante – de 50 % – du droit de timbre prive les justiciables de leur droit fondamental d’aller en appel.

M. Dominique Raimbourg. Cela nous conduit à nous pencher sur la manière dont a été opérée la suppression des offices des avoués. Cette suppression n’a pas été un succès total. Il faudra en tenir compte lorsque nous examinerons la réforme des professions juridiques réglementées. La commission des Lois du Sénat a présenté il y a quelques mois un rapport d’information à ce sujet, dressant un premier bilan mitigé de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel. Ce rapport montre que la plupart des avoués se sont reconvertis et que leur préjudice est donc différent de celui qui avait été estimé sur la base d’une cessation d’activité. Il apparaît aussi que les plus grandes victimes de cette réforme ont été les salariés des avoués, dont près d’un tiers n’a pas retrouvé de travail. Lorsque l’on réforme les professions réglementées, l’approche purement économique doit être extrêmement prudente car on a parfois des déconvenues.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis. Je souscris entièrement à ce qu’a dit notre collègue Dominique Raimbourg. Je rappelle par ailleurs que l’indemnisation des avoués a été réduite d’environ un tiers, heureusement d’ailleurs à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2011 sur la loi du 25 janvier 2011. Avant de parler d’indemnisation, il faut déterminer s’il reste réellement un préjudice à indemniser. Beaucoup d’avoués se sont reconvertis dans la profession d’avocat et se sont spécialisés dans les procédures d’appel. La dématérialisation des procédures est également un gain pour le fonctionnement de la justice et en termes de coût. La hausse du droit de timbre proposée ne fera pas obstacle au droit de former appel.

L’amendement n° II-CL3 de M. Guy Geoffroy est rejeté et la Commission donne un avis favorable à l’article 56.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS FORMULÉES
PAR LE RAPPORTEURE POUR AVIS

I. Réformer le pilotage national et local de l’accès au droit

Proposition n° 1 :

Renforcer le rôle d’impulsion du Conseil national de l’aide juridique (CNAJ) en matière d’accès au droit et réformer sa composition afin d’associer davantage les acteurs et les élus locaux

Proposition n° 2 :

Réformer la composition et la gouvernance des conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) afin d’impliquer davantage toutes les juridictions du département ainsi que les maisons de la justice et du droit (MJD)

Proposition n° 3 :

Confier la vice-présidence du conseil départemental de l’accès au droit au représentant de l’État dans le département

Proposition n° 4 :

Étendre la compétence des conseils départementaux de l’accès au droit à l’aide aux victimes

II. Créer les maisons de la justice et du droit « de troisième génération » et continuer à développer le réseau des points d’accès au droit

Proposition n° 6 :

Réviser les critères d’implantation des nouvelles maisons de la justice et du droit

Proposition n° 7 :

Affecter un greffier dans chaque maison de la justice et du droit

Proposition n° 8 :

Faire des maisons de la justice et du droit de véritables points d’accès à la justice, en y expérimentant l’accueil unique du justiciable et, à plus long terme, en y expérimentant l’organisation d’« audiences foraines » pour des contentieux simples et aux enjeux limités

Proposition n° 9 :

Développer le réseau des points d’accès au droit, notamment en les implantant dans les maisons de service public, dans les sous-préfectures et dans les sièges des regroupements de communes

III. Renforcer les moyens alloués à l’accès au droit

Proposition n° 10 :

Accroître les moyens matériels et humains consacrés à l’accès au droit, qui contribue à désengorger les juridictions et est donc générateur d’économies pour la justice

Proposition n° 11 :

Renforcer l’implication de certaines professions du droit, en particulier celle des huissiers et des notaires

IV. Diffuser les « meilleures pratiques » afin d’aller à la rencontre des publics les plus fragiles

Proposition n° 12 :

Recenser et diffuser les « meilleures pratiques » développées par les conseils départementaux de l’accès au droit, par exemple les actions menées à destination des jeunes (concours de plaidoiries, simulations de procès, etc.) et celles consistant à aller à la rencontre des publics les plus fragiles, telles que les permanences juridiques dans les « Restos du Cœur » ou les points d’accès au droit itinérants

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Ministère de la justice

—  Mme Céline Roux, conseillère pour l’accès aux droits au cabinet de la ministre

––  Mme Laurence Chaintron, chef du bureau de l’accès au droit

• Conseil national de l’aide juridique

—  M. Olivier Rousselle, conseiller d’État, président

• Droits d’urgence

—  M. Jean-Luc Bedos, président

—  Mme Marianne Yvon, responsable du projet communication

—  M. Julien Hartmann, responsable des relais d’accès au droit

• Conseil national des Barreaux (CNB) *

—  Mme Myriam Picot, présidente de la commission Accès au droit et à la justice

—  Mme Maryvonne Lozachmeur, vice-présidente de la Conférence des Bâtonniers en charge de l’Accès au droit et à la justice

—  M. Jacques Édouard Briand, conseiller, service Relations avec les pouvoirs publics

—  Mme Françoise Louis-Tréfouret, responsable des relations avec les pouvoirs publics

• Syndicat des avocats de France (SAF)

—  Me Florian Borg, vice-président

• Table ronde réunissant des représentants de maisons de la justice et du droit (MJD)

—  Maison de la justice et du droit de Nogent-le-Rotrou : Mme Françoise Barbier-Chassaing, présidente du tribunal de grande instance de Chartres et M. Gilles Masiat, secrétaire général, directeur du greffe du tribunal de grande instance de Chartres

—  Maison de la justice et du droit de La Rochelle : Mme Chantal Thomelet, greffière

• Table ronde réunissant des représentants de conseils départementaux d’accès au droit (CDAD)

––  Conseil départemental d’accès au droit de Paris : M. Jean-Michel Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris, président du CDAD et Mme Dominique Pena, secrétaire générale

––  Conseil départemental d’accès au droit de la Vienne : Mme Gracieuse Lacoste, présidente, présidente du tribunal de grande instance de Poitiers

* Cet organisme a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

• Déplacement au point d’accès au droit du 20e arrondissement de Paris

––  Mme Marinette Bache, conseillère de Paris déléguée, chargée de l’accueil des usagers, de la modernisation de l’administration et des affaires funéraires à la Mairie du 20e arrondissement de Paris

––  Mme Dominique Pena, secrétaire générale du CDAD de Paris

––  Mme Sandy Esquerre, chef de la Mission accès au Droit, Direction des affaires juridiques de la Mairie de Paris

––  M. Julien Hartmann, responsable des relais d’accès au droit, association Droits d’urgence 

––  Mme Marianne Yvon, responsable innovation et communication, association Droits d’urgence 

––  Mme Marie Artzimovitch, coordinatrice du PAD du 20e arrondissement 

––  Mme Anne Thalia Crespo, agent d’accueil au PAD du 20e arrondissement

––  Mme Christine Pittion, agent d’accueil au PAD du 20e arrondissement

––  Mme Brigitte Barbaray, juriste consultante d’accès au droit, association Droits d’urgence

––  M. Etheline Touboulic, juriste, Ligue des droits de l’homme 

––  Mme Karine Vallet, adjointe à la cheffe de la mission de la médiation, Médiateur de la Ville de Paris

––  Mme Annick Borissoff, représentante du Médiateur de la Ville de Paris

––  M. Laurent Renou, directeur de l’association PIMMS (point d’information et de médiation multi-services) de Paris

––  Mme Thérèse Jacob, agent médiateur au PIMMS du 20e arrondissement de Paris

• Déplacement à la maison de la justice et du droit de Saint-Denis

––  Mme Christine Renaud, greffière en chef, secrétaire générale du conseil départemental de l’accès au droit de Seine-Saint-Denis

––  M. Vincent Toussaint, greffier, maison de la justice et du droit de Saint-Denis

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