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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2234)
de finances pour 2015
TOME XIV
SÉCURITÉ CIVILE
PAR M. PIERRE MOREL-A-L’HUISSIER,
Député.
Voir les numéros : 2260-III-44.
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2014 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, l’intégralité des réponses attendues était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’Intérieur de leur collaboration. |
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
PREMIÈRE PARTIE : LE BUDGET 2015 7
DEUXIÈME PARTIE : LA VALORISATION DES MOYENS HUMAINS DE LA SÉCURITÉ CIVILE 11
I. L’ÉVOLUTION STATUTAIRE DES SAPEURS-POMPIERS PROFESSIONNELS 11
II. LA PRÉSERVATION DU VOLONTARIAT 12
A. LES MESURES DE SOUTIEN AU VOLONTARIAT 12
1. Le nécessaire perfectionnement du management des sapeurs-pompiers volontaires 13
2. L’amélioration de la situation matérielle des sapeurs-pompiers volontaires 13
3. Les dispositifs destinés aux employeurs 14
B. LA CAMPAGNE DE COMMUNICATION EN FAVEUR DU VOLONTARIAT ET LA SENSIBILISATION DU PUBLIC JEUNE 15
C. LES RISQUES LIÉS À LA FUTURE DIRECTIVE SUR LE TEMPS DE TRAVAIL 16
III. LA RÉINSERTION DE PERSONNES HANDICAPÉES AU SEIN DE LA SÉCURITÉ CIVILE 17
IV. LA COORDINATION DES SDIS ET DES AUTRES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ CIVILE 18
A. L’ARTICULATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE ET DU SAMU 18
1. La complémentarité des dispositifs ORSEC et ORSAN 19
2. L’articulation du secours à personne et de l’aide médicale urgente 19
B. L’INTÉRÊT D’UNE IMPLICATION PLUS FORTE DES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE SÉCURITÉ CIVILE 20
C. L’AMÉLIORATION DE LA GOUVERNANCE DES SDIS DANS LE CADRE DES PROJETS DE RÉFORME TERRITORIALE 21
1. L’absence de remise en cause du cadre départemental des SDIS par les réformes territoriales envisagées 21
2. L’opportunité offerte d’améliorer l’organisation et la gouvernance des services d’incendie et de secours 22
TROISIÈME PARTIE : L’INÉVITABLE RATIONALISATION DES MOYENS AÉRIENS 24
I. L’ÉVOLUTION DES MOYENS AÉRIENS HORS HÉLICOPTÈRES 24
A. L’EXCELLENTE PROGRESSION DU TRANSFERT DE LA BASE AÉRIENNE DE LA SÉCURITÉ CIVILE 24
B. LA MODERNISATION DE LA FLOTTE AÉRIENNE FACE AUX VIELLISSEMENT DES AVIONS 25
II. L’UNIFICATION OPPORTUNE DES FLOTTES HÉLIPORTÉES DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR 26
A. DES FLOTTES SOUS-EMPLOYÉES FACE À LA MONTÉE EN PUISSANCE DES HÉLICOPTÈRES DU SAMU 26
B. L’INSUFFISANCE DE LA MUTUALISATION 28
C. L’UNIFICATION DE FLOTTES RÉDUITES 29
1. Une réduction nécessaire du nombre appareils au regard des contraintes financières et des besoins réels 30
2. Une répartition géographique des appareils davantage rationalisée 30
3. Un recours aux renforts ponctuels 31
4. Des obstacles à l’unification surmontables 32
D. UNE COORDINATION INDISPENSABLE AVEC LA FLOTTE HÉLISMUR, PREMIER PAS VERS UNE ÉVENTUELLE MUTUALISATION 34
En 2013, huit sapeurs-pompiers, cinq professionnels et trois volontaires, ont perdu la vie en service commandé ; trois volontaires ont également trouvé la mort au cours des huit premiers mois de l’année 2014. On doit déplorer, par ailleurs, 13 427 accidents de service l’année dernière. Si ces chiffres diminuent d’année en année, ce dont il faut naturellement se réjouir, ils restent pour autant beaucoup trop élevés et rappellent à chacune et chacun d’entre nous que le dévouement aux populations civiles et le service des autres supposent de devoir faire face à d’importants dangers. Dédier son existence à l’assistance à autrui dans des conditions de dangerosité évidente est un sacerdoce, et tous ceux qui l’ont embrassé, professionnellement ou volontairement, méritent notre admiration, notre soutien et notre plus vigilante attention.
Le dispositif français de sécurité civile, sous l’égide de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’Intérieur, est d’une remarquable facture et repose sur une organisation de qualité qui s’appuie sur un personnel efficace et dévoué, à même de faire face aux nombreuses situations qui supposent son intervention. Ainsi, en 2013, les équipes de la sécurité civile ont dû intervenir sur 2 273 feux de forêt mais ont été également mobilisées à l’occasion d’événements climatiques critiques tels que les cyclones qui ont frappé l’outre-mer, les épisodes neigeux dont celui de mars 2013 en Normandie, la tempête de décembre 2013 ou encore les importantes inondations qui ont touché la même année le bassin de la Seine, celui de la Garonne et la Bretagne, ainsi que le séisme d’avril dernier centré à Barcelonnette dans les Alpes-de-Haute-Provence, qui a causé des dégâts dans cinq départements. Plus récemment, ces équipes ont fait montre de leur professionnalisme à l’occasion des intempéries exceptionnelles qui ont frappé le Sud-ouest cet automne. Des missions à l’étranger ont également eu lieu, afin de venir en renfort d’États partenaires. À ces événements d’ampleur, il faut nécessairement ajouter les millions d’interventions de secours à personne. Enfin, la sécurité civile est un acteur déterminant dans la prévention des risques, forte d’un dispositif étoffé et évolutif.
La place éminente de la sécurité civile en France n’a ainsi pas à être démontrée. Pourtant, comme d’autres administrations, elle fait face à des contraintes budgétaires qui pourraient compromettre son bon fonctionnement si des choix stratégiques n’étaient pas faits. C’est l’étude de ce constat et des solutions susceptibles d’être apportées que ce rapport pour avis se propose de développer, au travers de trois thèmes principaux : la situation des sapeurs-pompiers, bien sûr, en portant une attention toute particulière à la préservation indispensable du volontariat ; l’impact de la réforme territoriale sur l’organisation de la sécurité civile, ensuite, afin d’éviter une dégradation de la réponse des secours ; les moyens matériels, enfin, et notamment les réformes touchant la flotte héliportée du ministère de l’Intérieur et ses relations avec les appareils de santé.
PREMIÈRE PARTIE : LE BUDGET 2015
Les crédits destinés à la sécurité civile formaient, jusqu’en 2013, une mission à part entière. Depuis le projet de loi de finances pour 2014, ils sont réunis au sein du programme 161 « Sécurité civile », qui fait partie de la mission « Sécurités », avec trois autres programmes : le programme 176 « Police nationale », le programme 152 « Gendarmerie nationale » et, enfin, le programme 207 « Sécurité et éducation routières ».
Ce regroupement obéit à la logique de réunir dans une mission unique les moyens financiers affectés à la sécurité de la population sur tout le territoire, fournissant au ministère de l’Intérieur une vision d’ensemble sur les actions à conduire dans ce domaine.
Le programme 161 « Sécurité civile » répond à deux enjeux :
- un enjeu touchant à la stratégie de la sécurité civile poursuivie sur le territoire national : il consiste, d’une part, à illustrer le niveau de rigidité des dépenses, d’autre part, à permettre de mieux rendre compte de leur programmation et de leur exécution sur la base des éléments figurant aux rapport et projet annuels de performance ;
- un enjeu plus fonctionnel consistant à la fois à mesurer le poids financier éventuel des aléas et à permettre la comparaison dans le temps des évolutions par activité comme par opération.
Il regroupe quatre actions distinctes, identiques à celles retenues l’année passée, chacune étant déclinée en sous-actions qui correspondent aux missions d’une même sous-direction de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) :
- l’action « Prévention et gestion de crises », sous la responsabilité du sous-directeur de la planification et de la gestion des crises ;
- l’action « Préparation et intervention spécialisées des moyens nationaux », animée par le sous-directeur des moyens nationaux ;
- l’action « Soutien aux acteurs de la sécurité civile », qui relève du directeur des sapeurs-pompiers et, sous son autorité, du sous-directeur des ressources, des compétences et de la doctrine d’emploi, d’une part, et du sous-directeur des services d’incendie et des acteurs de secours, de l’autre ;
- enfin, l’action « Fonctionnement, soutien et logistique », sous l’égide du sous-directeur des moyens nationaux.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »
(en euros)
Actions du programme 161 |
LFI 2014 |
PLF 2015 |
Évolution |
11 – Prévention et gestion des crises |
30 643 116 |
33 687 891 |
+ 9,9% |
12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux |
259 831 508 |
258 234 745 |
– 0,6% |
13 – Soutien aux acteurs de la sécurité civile |
140 229 471 |
144 354 213 |
+ 2,9% |
14 – Fonctionnement, soutien et logistique |
6 189 965 |
3 273 817 |
– 47,1% |
Total du programme 161 |
436 894 060 |
439 550 666 |
+ 0,6% |
La sécurité civile bénéficie, en outre, de crédits provenant d’autres programmes dont les activités concourent à son action. Sont ainsi concernés, pour un total de 14 306 000 euros :
- le programme 176 « Police nationale », relevant de la même mission « Sécurités », qui contribue à hauteur de 561 000 euros ;
- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », relevant de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », dont 13,674 millions d’euros bénéficient à la sécurité civile ;
- enfin, le programme 309 « Entretien des bâtiments de l’État », inclus dans la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et qui concourt à la mise en œuvre de la politique de sécurité civile à hauteur de 70 000 euros.
L’ambition affichée du projet de loi de finances pour 2015 est de poursuivre les axes de renforcement de l’efficience de la sécurité civile suivis en 2014, en développant les synergies entre les moyens nationaux, en développant des partenariats avec l’ensemble des acteurs de la sécurité nationale – notamment en matière de médicalisation –, en renforçant l’unité mobile de démantèlement des munitions identifiées et, enfin, en développant l’efficacité du soutien et de la gestion, désormais tous regroupés sous une autorité unique.
Cinq objectifs ont été assignés à la DGSCGC pour 2015, contre neuf en 2014 et ce, afin de mieux identifier les priorités de la direction :
- objectif n° 1 : assurer l’efficacité et l’efficience des dispositifs de lutte contre les feux de forêt ;
- objectif n° 2 : assurer l’efficacité et l’efficience des opérations de secours aux personnes en hélicoptères en milieu difficile ;
- objectif n° 3 : faire évoluer la cartographie des centres de déminage pour éliminer les munitions historiques et faire face à la menace terroriste ;
- objectif n° 4 : assurer la solidarité nationale à travers la mise en œuvre de la réserve nationale par les préfectures et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ;
- objectif n° 5 : harmoniser les moyens des SDIS.
Le projet de loi de finances pour 2015 entame une démarche triennale de modernisation technologique de la police, de la gendarmerie mais également de la sécurité civile, au travers du déploiement d’actions de modernisation des systèmes d’information et de communication et de la rénovation des processus de travail, afin de supprimer progressivement les charges indues. Cela permettra aux forces de sécurité, parmi lesquelles les femmes et les hommes de la sécurité civile, de se concentrer sur leur cœur de métier. Parallèlement à ces actions, la mutualisation de certaines activités relevant du ministère sera poursuivie, à l’image de ce qui a déjà été entrepris en matière de gestion des crédits d’équipement de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile avec la création en 2013 du service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI).
L’avis budgétaire sur les crédits de la sécurité civile doit être l’occasion de réaliser un examen rigoureux de la situation des pompiers, en raison des évolutions dont ils font l’objet et de leur place éminente et incontournable dans l’organisation de la sécurité civile. Or, depuis plusieurs années, les effectifs des sapeurs-pompiers volontaires déclinent. Comprendre les raisons de cette diminution et tenter de trouver des solutions pour y remédier est essentiel ; cet avis sur le projet de loi de finances pour 2015 est pour votre rapporteur l’occasion de faire état, face à ce constat, des mesures prises ou à l’étude.
L’efficacité de la sécurité civile repose également sur ses moyens matériels. La recherche permanente d’efficience dans ce domaine s’est notamment traduite par la décision de procéder au transfert de la base aérienne de la sécurité civile de son site de Marignane, dans les Bouches-du-Rhône, vers celui de Nîmes-Garons, dans le Gard, chantier dont la progression donne pleinement satisfaction.
Elle passe également par une rationalisation des flottes héliportées de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile. Ce thème, qui avait déjà fait l’objet d’une étude par votre rapporteur dans l’avis sur le projet de loi de finances pour 2014, revêt une importance toute particulière pour la pérennité d’une organisation des secours et de gestion des crises efficace et financièrement supportable. Aussi est-il apparu nécessaire de consacrer à nouveau une partie de cet avis budgétaire à la question. La mutualisation récemment entreprise n’a pas produit les résultats escomptés et n’apparaît pas entièrement satisfaisante au regard des obstacles qu’elle rencontre. Votre rapporteur pour avis estime qu’une autre piste, plus ambitieuse, devrait être privilégiée : celle de l’unification des flottes.
En tout état de cause, la réflexion touchant les flottes héliportées du ministère de l’Intérieur devra associer tous les acteurs concernés, dans une démarche de coordination maximale de la réponse publique aux crises et de l’organisation des secours. À cet effet, un rapprochement avec la flotte du ministère de la Santé serait, sinon indispensable, extrêmement opportune.
DEUXIÈME PARTIE : LA VALORISATION DES MOYENS HUMAINS DE LA SÉCURITÉ CIVILE
La France compte 245 000 sapeurs-pompiers, dont 40 000 professionnels, 12 000 militaires, implantés notamment à Paris et Marseille, et 193 000 volontaires, qui représentent le plus fort contingent avec 79 % du total. Avec plus de 4 millions d’interventions chaque année à raison d’une intervention toutes les sept secondes, la mobilisation des sapeurs-pompiers est permanente et croissante. Le statut de ces femmes et hommes qui vouent leur vie au service des autres et leurs conditions d’intervention doivent leur permettre d’exercer leurs activités de façon optimale.
Les sapeurs-pompiers professionnels ont déjà connu, en 2012, une refonte statutaire importante touchant le personnel de catégorie B (lieutenants) et C (hommes du rang et sous-officiers). Afin de compléter la réforme ainsi engagée, des mesures concernant le personnel de catégorie A sont prévues. Précisons à titre liminaire que les infirmiers des services de santé et de secours médical (SSSM) se sont vus reconnaître un statut relevant de la catégorie A et une revalorisation indiciaire correspondante. La clause de revoyure prévue entre les différents acteurs est, en l’état, subordonnée à l’adoption d’un certain nombre de textes de nature réglementaire en cours d’élaboration, qui devrait intervenir au début de l’année prochaine.
Le personnel de catégorie A des sapeurs-pompiers regroupe les officiers du grade de capitaine jusqu’à celui de colonel. L’esprit de la réforme envisagée consiste à dynamiser les parcours professionnels et à renforcer la dimension managériale. Un alignement, ou à tous le moins un rapprochement avec le reste de la fonction publique et l’identification d’un niveau A+, est notamment souhaité par les intéressés.
Cependant, la démarche pose plusieurs difficultés. En premier lieu, à mesure que les pompiers montent dans la hiérarchie, le poids de la double autorité à laquelle ils sont soumis se fait plus prégnant (conseil d’administration du SDIS d’une part, préfet et maire de l’autre). En second lieu, la réflexion sur les postes de directeur et de directeur-adjoint des SDIS doit intégrer les besoins de reclassement lorsque le conseil d’administration du SDIS met fin aux fonctions de ces agents. Elle pose pour certains la question d’un éventuel rattachement à la fonction publique de l’État si le risque d’abus de la part du SDIS paraît trop important.
Une solution autre, mise en avant par le ministre de l’Intérieur, semble devoir retenir l’attention. L’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP, établissement public, pourrait être un réceptacle d’officiers qui se trouveraient alors détachés sur les postes au sein des SDIS. Si le conseil d’administration du SDIS pourrait naturellement toujours mettre fin à leurs fonctions, les perspectives de reclassement se trouveraient considérablement facilitées en ce qu’elles ne seraient plus cantonnées aux quelque 200 emplois de direction des SDIS. Le détachement pourrait être orienté vers les administrations de l’État sur des postes de sous-directeur d’administration centrale ou de sous-préfet, par exemple. Cette possibilité de carrières au sein des administrations de l’État, appelée de leurs vœux par les sapeurs-pompiers, recueille le soutien de la DGSCGC.
Au-delà de cet aspect purement statutaire, tous les acteurs concernés s’accordent sur l’impérieux besoin de refondre les modalités d’encadrement supérieur des sapeurs-pompiers, pour y intégrer pleinement les spécificités du volontariat.
Ainsi que votre rapporteur le soulignait dans le précédent avis, le volontariat traverse, depuis maintenant plusieurs années, une crise qui entraîne une diminution importante et régulière des effectifs. En cinq ans, pas moins de 6 000 sapeurs-pompiers volontaires sont partis sans pouvoir être remplacés. Les 193 000 volontaires représentant près de 80 % des effectifs totaux des pompiers français, l’endiguement de cette fuite constitue une priorité bien prise en compte par les autorités : faute de solution tangible, c’est le système français de sécurité civile qui risque d’être compromis. L’État ne peut, en effet, se permettre de remplacer les volontaires par du personnel professionnel, le coût estimé d’une telle mesure s’élevant à 2,5 milliards d’euros (soit 15 fois la dotation annuelle allouée aux dépenses de personnel de la sécurité civile).
Afin de combattre ce mouvement baissier, plusieurs initiatives ont été entreprises ces dernières années pour améliorer les conditions statutaires et matérielles des volontaires et mettre en œuvre des dispositifs incitatifs auprès de leurs employeurs. Un « Engagement pour le volontariat » a été signé le 11 octobre 2013 par le Premier ministre et les différents acteurs concernés, reposant sur un dispositif composé de cinq volets déclinés en 25 mesures destinées à redynamiser l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Chacun des cinq volets de l’Engagement pour le volontariat a fait ou fera prochainement l’objet de différentes actions. Le premier volet, dont l’ambition est l’inversement de la tendance à la baisse des effectifs, a ainsi conduit à des actions tendant à un élargissement du vivier traditionnel de recrutement en portant la communication vers les femmes et les jeunes, en assouplissant l’aptitude médicale exigée et en développant des partenariats avec les employeurs. Les deuxième et troisième volets, qui tendent à reconnaître la place essentielle des volontaires, notamment dans les échelons d’encadrement, ont eu pour effet l’envoi d’instructions aux préfets et directeurs des SDIS pour accroître le nombre de volontaires parmi les officiers et sensibiliser à l’importance du management des sapeurs-pompiers volontaires. Le quatrième volet, qui cible particulièrement les jeunes, accroît les équivalences reconnues aux jeunes sapeurs-pompiers. Enfin, dans le cadre du cinquième et dernier volet, portant sur l’équilibre entre l’indemnité horaire touchée par les volontaires et les charges qu’ils supportent au titre de leur mobilisation, un décret devrait prochainement être pris.
La résorption des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires suppose, en premier lieu, une amélioration des conditions des personnes déjà engagées, au travers d’une refonte du management.
L’encadrement des sapeurs-pompiers volontaires n’est, de l’avis de tous les acteurs entendus, pas satisfaisant. Plutôt que de voir ces personnes comme une ressource précieuse dont l’atout principal est une disponibilité remarquable, le personnel d’encadrement des SDIS, constitué de sapeurs-pompiers professionnels, les perçoit comme une force supplétive qui n’est pas assez mise en valeur. Ces dysfonctionnements, ce gaspillage humain, qui risquent non seulement de dissuader les citoyens à s’engager, mais surtout de désenchanter des volontaires malgré une vocation de servir affichée, ont été identifiés afin d’être corrigés, notamment au travers du deuxième volet de l’Engagement pour le volontariat.
La formation à l’encadrement des volontaires des officiers de l’ENSOSP a ainsi été substantiellement étoffée. Parallèlement à cet enseignement, la DGSCGC a diffusé un guide de bonnes pratiques pour l’encadrement des volontaires, approuvé par le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires et tiré à 11 000 exemplaires.
Les sapeurs-pompiers volontaires, armature indispensable du système français de sécurité civile, n’ont pas à s’adapter aux SDIS ; c’est aux SDIS de prendre en compte leurs spécificités et d’en tirer profit. Si cette prise de conscience, faite par les instances dirigeantes, n’est pas suivie d’effets sur le terrain, c’est le modèle d’organisation des secours tel que nous le connaissons qui risque, à terme, d’être compromis.
2. L’amélioration de la situation matérielle des sapeurs-pompiers volontaires
De plus en plus sollicités, les sapeurs-pompiers volontaires ont, parmi leurs doléances, formulé le souhait d’une revalorisation à la hausse de leur indemnité horaire. Cette demande, dont la légitimité n’est pas contestée, ne paraît guère avoir de chance de prospérer eu égard aux contraintes budgétaires actuelles et en raison de la fragilisation de la position française qu’elle entraînerait au regard de la question du temps de travail pendante au niveau de l’Union européenne. Une augmentation de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, qui permet aux volontaires de bénéficier d’une forme de retraite au titre des activités réalisées dans le cadre des sapeurs-pompiers, semble tout aussi délicate.
En revanche, l’une des mesures de l’Engagement pour le volontariat conclu en octobre 2013 (la mesure n° 25) prévoit une garantie de l’équilibre entre le montant de l’indemnité horaire et les charges que les volontaires supportent au titre de leurs activités, afin de prendre en compte l’inflation. Un projet de décret a été soumis au Conseil national d’évaluation des normes, qui a émis un avis favorable sur le texte le 11 septembre 2014. Les arrêtés d’application du futur décret rendront possible une revalorisation annuelle améliorée de l’indemnité.
L’une des principales mesures de l’Engagement pour le volontariat, particulièrement suivie par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, porte sur l’accès aux logements sociaux des engagés volontaires. Cette question est stratégique dans la mesure où, en garantissant aux intéressés un logement à proximité de leur caserne, elle participe à l’effort de résorption des effectifs et au renforcement de l’attrait du volontariat. Sa résolution, ainsi qu’il ressort des annonces faites par le ministre de l’Intérieur lors du Congrès national des sapeurs-pompiers en Avignon le 4 octobre 2014, passera par la conclusion de conventions entre le ministère de l’Intérieur, les acteurs du logement social et les associations d’élus ; sera parallèlement entreprise une démarche interministérielle afin de lever les obstacles réglementaires qui s’opposent à une allocation préférentielle de logements sociaux aux pompiers volontaires.
3. Les dispositifs destinés aux employeurs
La pérennisation du volontariat, parallèlement au soutien des engagés volontaires et à la campagne de communication réalisée auprès de la population française, doit trouver sa traduction au travers de mesures touchant les employeurs des sapeurs-pompiers volontaires.
Par la loi n° 2003-709 du 1er août 2003, précisée par une circulaire de 2005, a été mis en place un dispositif de mécénat conduisant à qualifier la mise à disposition à titre gratuit au profit d’un SDIS, par une entreprise, d’employés sapeurs-pompiers volontaires sur leur temps de travail, de don en nature ouvrant droit à une réduction de 60 % de son montant (dans une limite de 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise). Si les dispositions statutaires applicables aux volontaires prohibent tout licenciement et toute sanction en raison des absences liées à l’exercice des activités de pompiers, il n’en reste pas moins certain que ces absences peuvent ne pas toujours être bien ressenties par les entreprises. L’objectif de ce dispositif est donc de permettre à l’entreprise de tirer un avantage tangible de l’emploi de sapeurs-pompiers volontaires, voire d’encourager ses salariés à s’engager.
Votre rapporteur n’a malheureusement pu obtenir d’éléments chiffrés concernant l’impact du dispositif de mécénat sur l’engagement volontaire, lacune déjà évoquée dans l’avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2014 dans lequel était par ailleurs soulignée la complexité du dispositif. Une évaluation exhaustive du dispositif par l’administration, incluant son coût et le nombre d’engagements qu’il a pu entraîner, apparaît indispensable pour apprécier la qualité réelle de la mesure et identifier d’éventuels ajustements à lui apporter.
Faute de données exploitables sur ces initiatives financières, les mesures intéressant les entreprises se concentrent sur la valorisation de l’emploi salarié de sapeurs-pompiers volontaires par les entreprises, qui participe à leur image de marque. La valorisation du rôle des entreprises dans le volontariat français est également mise en avant par la DGSCGC, au travers de la conclusion de conventions-cadres avec les grands employeurs de volontaires. D’autres partenariats sont envisageables, avec des entreprises plus modestes. Plus difficile à conclure et à mettre en œuvre, ils ne doivent cependant pas être écartés pour autant : ce dispositif a pu, après des efforts de part et d’autre, être conduit avec succès dans les Hautes-Alpes. Enfin, doit être mentionné le dispositif de remplacement pour les agriculteurs engagés volontaires, pour lequel une convention a été signée le 28 février 2014 et qui facilite l’exercice des activités de pompiers en milieu rural.
L’ensemble des actions entreprises ou prévues dans le cadre de l’engagement signé en octobre 2013 devrait permettre de répondre à la crise que traverse actuellement le volontariat. Votre rapporteur pour avis estime néanmoins qu’un suivi précis de l’adoption des mesures recensées et de leurs effets est indispensable aux fins de garantir à cet ambitieux et nécessaire projet toute sa portée.
Une vaste campagne de communication a été lancée en juin 2014 pour inciter le plus large public possible à s’engager comme sapeurs-pompiers volontaires. D’un coût total de 500 000 euros, dont 70 000 émanant de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, elle s’est assurée une large diffusion en reposant sur la presse quotidienne régionale. Le public jeune a constitué une cible privilégiée de cette campagne, notamment à travers le slogan « sapeur-pompier + volontaire = moi aussi ». Les premiers retours obtenus par le ministère de l’Intérieur semblent encourageants ; il est cependant trop tôt pour savoir si cette initiative aura un impact suffisant sur l’état des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires.
Parmi les mesures retenues dans l’Engagement de 2013, quatre ciblent particulièrement la jeunesse, dont la sensibilisation au volontariat est l’une des clefs essentielles pour assurer à ce dernier une pérennité viable (mesures n°s 21 à 24, dans le quatrième volet). Des mesures ont d’ailleurs été prises afin de favoriser l’accès au volontariat aux personnes engagées au sein des Jeunes sapeurs-pompiers (JSP), au nombre de 27 400. Vivier privilégié pour les futurs sapeurs-pompiers volontaires, les JSP permettent à de jeunes femmes et hommes âgés de moins de dix-huit ans de se former aux gestes de premiers secours et à la lutte contre les incendies. Favoriser leur vocation à s’engager à leur majorité comme volontaires et développer le nombre de JSP sont deux axes susceptibles de participer à l’enrayement du déclin du volontariat en France. À cet effet, le quatrième volet de l’Engagement pour le volontariat a prévu des équivalences entre le brevet de JSP, le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) et le diplôme de service de sécurité incendie et d’assistance à personnes de premier niveau (SSIAP 1).
Plus généralement, le public scolaire doit être privilégié dans les démarches de communication de la sécurité civile, notamment au sein des collèges et des lycées. L’apprentissage des gestes de premiers secours peut être l’occasion de sensibiliser les élèves aux actions de la sécurité civile ainsi qu’au volontariat au sein des sapeurs-pompiers, afin de susciter des vocations. Il serait également opportun de profiter de ces opérations pour présenter aux collégiens le baccalauréat professionnel dédié à la sécurité, profondément rénové pour la rentrée 2014 : l’ancien baccalauréat « sécurité-prévention » a été remplacé par un baccalauréat professionnel « métiers de la sécurité », plus large et permettant des débouchés plus nombreux, notamment dans le secteur privé.
Enfin, le service civique doit pouvoir être l’occasion de donner aux jeunes qui le suivent l’envie de rejoindre les sapeurs-pompiers volontaires. Si sa durée relativement restreinte (neuf mois dont trois consacrés à la formation) peut limiter le nombre d’engagements à son issue, on doit constater qu’il reste un vecteur intéressant pour attirer de nouvelles personnes. Une expérimentation sur le sujet est en cours en Meurthe-et-Moselle ; elle pourra être généralisée en fonction des résultats produits.
Ainsi que votre rapporteur le soulignait l’année dernière, la refonte actuellement en cours de la directive européenne de 2003 relative au temps de travail (2003/88/CE) fait peser sur les sapeurs-pompiers volontaires un risque qui ne doit en aucun cas être sous-estimé. Si les craintes que ce projet peut susciter se réalisaient, le principe même de l’organisation française de la sécurité civile se trouverait remis en question.
La Commission européenne retient, pour qualifier une personne de « travailleur », l’existence d’un lien de subordination dans l’exercice d’une activité planifiée ; la perception d’une rémunération est un élément s’ajoutant à ces critères. Or, la qualité de « travailleur » a pour effet de faire obstacle à ce qu’une personne puisse travailler au-delà d’un quota d’heures consécutives. Si les volontaires devaient entrer dans le champ d’application de la future directive, ils ne pourraient plus exercer leurs activités pour la sécurité civile, ou de façon très insatisfaisante, le plafond horaire étant très rapidement atteint. La loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011, qui a établi un cadre juridique pour les sapeurs-pompiers volontaires, avait, pour éviter cet écueil, expressément exclu la qualification d’activité professionnelle pour les volontaires.
En l’état des négociations, l’incertitude demeure quant à la pérennité du volontariat tel que conçu et organisé en France. L’administration française s’efforce d’obtenir une exclusion des sapeurs-pompiers volontaires et des bénévoles du champ d’application de la directive, soutenue dans cette démarche par plusieurs autres États-membres, dont l’Italie et l’Allemagne. La position française présente néanmoins une faiblesse par rapport à certains de ses partenaires, due à l’indemnisation horaire des volontaires (qui n’est pas pratiquée dans tous les autres pays), qui tend à faciliter la reconnaissance de la qualité de « travailleur ».
Votre rapporteur estime donc que la situation doit faire l’objet d’une attention toute particulière du Parlement et de l’ensemble des acteurs concernés, administration et associations, afin de se prémunir de toute interprétation européenne de nature à compromettre la pérennité même de la sécurité civile française.
Service public par excellence, la sécurité civile se doit d’être exemplaire en tout, et notamment en matière de handicap. Ce sujet la concerne au demeurant particulièrement dans la mesure où les dangers qu’affrontent ses équipes peuvent entraîner des accidents graves et d’importantes séquelles.
L’association Castel-Mauboussin, dont le siège se trouve à Cuers, dans le Var, s’est spécialisée dans la réinsertion dans les métiers de l’aéronautique de personnes handicapées. Cette initiative, que votre rapporteur pour avis ne peut naturellement que saluer, intéresse la sécurité civile à double titre.
D’une part, plusieurs personnes ayant bénéficié des formations proposées par cette association ont pu obtenir des emplois auprès de SDIS en qualité de pilote d’avion de surveillance d’incendie et d’assistant de vol. Ces initiatives diversifient les profils de recrutement de la sécurité civile et permettent à toute personne motivée de participer à sa mission d’intérêt général, sans qu’y fassent obstacle les handicaps.
D’autre part, l’association Castel-Mauboussin propose la mise en place d’une cellule d’aide aux blessés au bénéfice du personnel de la sécurité civile. Ce projet supposerait la conclusion d’un partenariat avec le ministère de l’Intérieur, à l’image de celui qui existe entre l’association et le ministère de la Défense. Dans un tel cadre, chaque SDIS compterait un référent handicap afin de faciliter le recensement des personnes en difficulté. La cellule pourrait alors proposer aux personnes concernées des parcours de réinsertion par la formation et l’adaptation des postes de travail.
L’association Castel-Mauboussin a également vocation à intervenir dans le cadre des nouvelles obligations européennes liées à la présence d’un assistant de vol, portant sur 130 emplois. Si les équipages de la sécurité civile respectent déjà cette règle, qui renforce la sécurité des vols en permettant à l’assistant de suppléer le pilote en tant que de besoin, il en va autrement des hélicoptères du SAMU. Certes, ces derniers ne relèvent pas des crédits du programme « Sécurité civile » ; il est toutefois apparu à votre rapporteur pour avis opportun d’évoquer le sujet dans la mesure où la coordination des appareils de la sécurité civile avec ces hélicoptères est nécessaire. L’association Castel-Mauboussin a établi, en coopération avec le ministère chargé du travail, un référentiel permettant de certifier les assistants de vol en garantissant qu’ils détiennent bien les compétences requises.
L’initiative de cette association, dont l’intérêt a été salué par l’administration et les sapeurs-pompiers, fera prochainement l’objet d’une étude approfondie, susceptible de conduire à la conclusion d’un partenariat formel avec le ministère de l’Intérieur.
Par la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, l’organisation de la sécurité civile en France, dont les principes avaient été posés en 1987, a été actualisée afin d’améliorer la réponse publique aux crises diverses et de tirer les enseignements des crises passées. Elle a, notamment, rénové le dispositif ORSEC (« organisation de la réponse de sécurité civile ») et conforté l’échelon départemental dans la gestion des SDIS. Elle a été abrogée en grande partie par l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012, ses dispositions relatives à l’organisation de la sécurité civile, des secours, aux associations agréées de sécurité civile et à la réserve civile ayant été codifiées à droit constant dans le livre VII du code de la sécurité intérieure.
À l’occasion des dix ans de cette importante loi, il est apparu utile à votre rapporteur d’étudier la réalité de sa mise en œuvre opérationnelle en se penchant, d’une part, sur l’articulation de la sécurité civile et du SAMU, d’autre part, sur les autres acteurs qui concourent au bon fonctionnement du dispositif français de secours. Les évolutions éventuelles que pourraient apporter les réformes territoriales envisagées se devront par ailleurs d’être analysées, l’échelon départemental, sacralisé en 2004, étant en passe de subir de profondes mutations.
Le dispositif ORSEC a été mis en place par la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile dans la continuité du plan ORSEC créé en 1952 (et dont l’acronyme signifiait « organisation des secours »). La gouvernance de cet outil indispensable à la gestion efficace de crises de grande ampleur a ainsi été orientée vers une souplesse et une polyvalence opportunes et associe un réseau d’acteurs publics et privés.
1. La complémentarité des dispositifs ORSEC et ORSAN
La réponse publique aux situations de crise s’articule autour de deux dispositifs, ORSEC et ORSAN (« organisation de la réponse sanitaire »), le premier relevant de la sécurité civile tandis que le second échoit à l’organisation des soins. Ces deux dispositifs sont complémentaires mais pas nécessairement mis en œuvre de façon concomitante. Le dispositif ORSAN, en effet, porte sur la planification de l’organisation de la réponse sanitaire au travers notamment de la mobilisation des véhicules ambulanciers, du nombre de lits disponibles ou encore de la capacité d’accueil des établissements de santé. Il arrive donc fréquemment que seul le dispositif ORSAN soit lancé, notamment dans le cadre de pandémies ou d’épidémies (l’illustration la plus récente étant à cet égard la mobilisation face aux risques suscités par le virus Ebola).
Cette mise en œuvre a été précisée au travers de la circulaire interministérielle n° 2013-374 du 26 septembre 2013, qui confie l’organisation de la réponse sanitaire à l’agence régionale de santé territorialement compétente. Elle n’a pas pour objet, et ne saurait donc avoir pour effet, de déposséder le préfet de sa qualité de directeur de l’organisation des secours. Le commandement sur la zone de crise reste donc, comme il se doit, intégralement confié au préfet compétent, l’agence régionale de santé ne se trouvant aucunement investie d’une telle responsabilité. De la même manière, l’articulation du service de santé et de secours médical (SSSM), qui relève de la sécurité civile, et des SMUR reste du ressort du préfet, non de l’ARS.
En conséquence, plutôt que d’institutionnaliser une quelconque concurrence entre administrations, comme cela a pu être un temps craint, cette circulaire traduit la complémentarité du dispositif ORSAN avec le dispositif ORSEC. Ce constat est d’ailleurs confirmé par une instruction de la ministre des Affaires sociales et de la santé du 15 mai 2014, qui indique expressément que le dispositif ORSAN organise l’offre de soins en aval d’une crise et est mis à disposition des préfets compétents.
2. L’articulation du secours à personne et de l’aide médicale urgente
Les sapeurs-pompiers sont les acteurs naturels du secours à personne, cette activité les mobilisant d’ailleurs à l’occasion de près de trois interventions sur quatre réalisées. L’aide médicale urgente, elle, relève des acteurs du système de soins, le SAMU régulant les interventions des SMUR.
Afin de garantir une articulation efficace de l’action des deux acteurs, et pour se prémunir de toute concurrence délétère pour les bénéficiaires de ces services, a été mis en place le 25 juin 2008 un référentiel commun relatif à l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente (référentiel SAP-AMU). En vertu de ce référentiel, publié en 2009, le SAMU organise la régulation médicale (1), ce qui suppose de la part des sapeurs-pompiers d’attendre les résultats de celle-ci. Cela ne fait toutefois pas obstacle à ce qu’ils interviennent en cas d’urgence dans la mesure où, en vertu du principe selon lequel le doute profite à l’appelant, une urgence commandant une intervention immédiate déclenche un départ réflexe qui relève exclusivement des pompiers et qui précède la régulation. Dans ces hypothèses, le SAMU ne régule qu’a posteriori.
Là non plus, il n’existe pas de concurrence ou d’empiètements entre SDIS et SMUR, chacun restant dans son domaine d’intervention privilégié. L’éventuelle entorse faite à ce principe, celle du départ réflexe, est au demeurant justifiée au regard des attributions des pompiers en matière de secours à personne, qui motivent l’immédiateté de l’envoi de leurs équipes.
Si les SDIS sont les principaux acteurs de la sécurité civile, d’autres structurent y concourent et pourraient voir leur rôle croître afin d’améliorer la réponse aux crises ou encore de pallier la diminution des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires.
Les associations agréées de sécurité civile, consacrées au chapitre V du titre II du livre VII du code de la sécurité intérieure, peuvent, sur demande des autorités de police ou en cas de déclenchement du dispositif ORSEC, apporter leur concours aux opérations de secours aux populations. L’emploi des membres de ces associations se fait dans des conditions similaires à celles relatives aux volontaires pour ce qui touche aux relations avec les employeurs, qui ne peuvent exciper de la mobilisation des salariés concernés pour infliger des sanctions, des déclassements professionnels ou procéder à des licenciements. Parmi les 16 associations agréées au niveau national, peuvent être cités à titre d’exemple la Croix-Rouge française, le Secours catholique, les Œuvres hospitalières françaises de l’Ordre de Malte, la Fédération française de sauvetage et de secourisme ou encore la Fédération nationale de protection civile.
Un recours plus fréquent aux associations agréées, conjugué à une mobilisation accrue des réserves communales de sécurité civile, permettrait de combler au moins partiellement la diminution des effectifs déjà évoquée et assurerait ainsi une réponse constante aux crises. En outre, les associations pourraient se substituer partiellement aux sapeurs-pompiers afin de permettre à ces derniers de se redéployer, dans l’hypothèse de crises multiples ou d’envergure exceptionnelle qui supposeraient leur intervention.
Les moyens dont disposent ces associations sont considérables, avec 1 350 véhicules et surtout près de 189 000 adhérents dont 60 000 pouvant être mobilisés dans des délais très courts. L’intérêt d’un accroissement de leur rôle dans le cadre de crises est ainsi évident et a d’ailleurs conduit l’administration à étudier officiellement, depuis le 15 septembre 2014, les modalités d’une intégration renforcée, à l’image de ce qui existe par exemple pour le secours en mer, auquel contribue de façon décisive la Société nationale de secours en mer (SNSM).
Depuis 1996, l’organisation de la sécurité civile est départementalisée et les conseils généraux se trouvent placés au centre de la gestion des SDIS. Or, le département pourrait, d’ici 2020, disparaître en tant que collectivité locale présente sur l’ensemble du territoire, si l’on en croit les déclarations du Premier ministre faites le 16 septembre dernier devant l’Assemblée nationale. Il devrait par ailleurs, au regard des dispositions prévues par le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République, voir sa substance considérablement amoindrie avant cet horizon par des transferts de compétences au profit des régions. Dans ces conditions, les réformes territoriales en cours ou envisagées suscitent de nombreuses interrogations de la part des acteurs de la sécurité civile. Il apparaît en réalité qu’elles ne font pas peser de menace particulière sur la pérennité des SDIS et qu’au contraire, elles pourraient être mises à profit pour rénover le dispositif actuel afin d’en améliorer la gouvernance.
1. L’absence de remise en cause du cadre départemental des SDIS par les réformes territoriales envisagées
Le périmètre départemental dans lequel s’inscrivent les SDIS n’est pas menacé dans la mesure où il s’agit également d’une circonscription de l’action de l’État au niveau local. Il existera donc toujours, avec des limites clairement définies (quitte à ce que, à l’occasion d’une réforme, ces dernières soient modifiées). C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’allocution du ministre de l’Intérieur prononcée le 26 juin 2013 pour le baptême des promotions de l’ENSOSP, où il est dit que, si la réforme territoriale « implique à terme la suppression du conseil général, [elle] consacre le département comme unité cohérente pour la mise en œuvre de certaines politiques publiques », et notamment pour « l’organisation de la sécurité civile ». Cette position a été réaffirmée lors du Congrès national des sapeurs-pompiers, le 4 octobre dernier, à l’occasion duquel le ministre a rappelé que les réformes envisagées n’auront pas d’effet sur le rôle du département pris en tant que structure administrative. La réponse opérationnelle de proximité conserve donc toute sa force et voit sa pérennité garantie.
S’agissant du fonctionnement des SDIS, si son conseil d’administration est souvent présidé par le président du conseil général, l’article L. 1424-27 du code général des collectivités territoriales prévoit qu’un autre de ses membres peut assurer cette présidence, qui peut ainsi échoir par exemple à un maire. Par ailleurs, l’emploi des SDIS au niveau opérationnel ne relève pas du conseil général ou de son président, mais, aux termes de l’article L. 1424-3 du même code, des maires ou du préfet.
S’agissant des ressources, si la part des départements dans le financement des SDIS s’élève à 2,4 milliards d’euros (sur un total de 4,2 milliards), un milliard d’euros provient d’un transfert par l’État d’une partie des ressources tirées de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance. La part départementale propre reste certes élevée, mais les moyens de substitutions existent : prise en charge par l’État ou par les autres acteurs au moyen d’un transfert par l’État, d’une modification de la fiscalité locale ou d’un panachage entre ces solutions. Le ministre de l’Intérieur, dans son discours du 4 octobre susmentionné, a d’ailleurs précisé que le financement des services d’incendie et de secours ne sera pas compromis par les réformes territoriales et a fait part de son souhait de voir l’État garantir les ressources de ces services. Il convient toutefois de noter que, sur l’aspect du financement de l’organisation des secours, l’état du droit en vigueur bride considérablement certaines initiatives locales, notamment communales ou intercommunales, en faisant des SDIS les uniques maîtres d’ouvrage en ce qui concerne la conduite de travaux relatifs à l’équipement ou aux casernes. Une modification législative pourrait ainsi assouplir cette situation afin de permettre aux communes de construire, en tant que de besoin, toute infrastructure requise.
Il ressort ainsi de ces différents éléments qu’une poursuite de la gouvernance actuelle, tirant les conséquences de la suppression du département, n’est pas impossible. Toutefois, cela supposera d’éviter l’écueil consistant à attendre la concrétisation de la suppression du département pour modifier les SDIS. Or, si la disparition ou la transformation du département comme forme de collectivité territoriale est annoncée d’ici 2020, de profondes réformes videront avant même cette échéance cet échelon de sa substance. Le maintien d’un lien privilégié entre les SDIS et des départements désincarnés constituerait un risque important de léthargie et de limitation d’action pour les secours. Il faut donc anticiper le plus possible les effets des réformes projetées, et profiter de l’occasion présentée pour améliorer l’organisation des services d’incendie et de secours.
2. L’opportunité offerte d’améliorer l’organisation et la gouvernance des services d’incendie et de secours
L’organisation des services d’incendie et de secours ne peut se permettre de faire l’économie d’un pilotage national, qui fait actuellement défaut. Les conseils généraux s’affirment comme les seuls gestionnaires des SDIS au détriment des acteurs communaux et intercommunaux, ce qui peut porter préjudice à la proximité nécessaire en matière d’organisation des secours. Cette affirmation se fait également au détriment d’une vision plus large que celle du département, limitant la mutualisation de certaines fonctions. Fournir une véritable doctrine d’emploi à ce qui est par excellence une politique régalienne est indispensable et recueille l’ensemble des suffrages parmi les acteurs concernés.
L’intérêt d’un tel pilotage national serait accru si était retenue l’idée d’une adaptation de l’organisation des secours aux spécificités de chaque territoire. Cette organisation à géométrie variable serait alors fonction des besoins locaux et du cadre juridique territorial.
Parallèlement à ces évolutions envisageables, les services d’incendie et de secours gagneraient à associer plus étroitement les acteurs communaux et intercommunaux afin d’assurer une proximité plus forte (ce qui devrait par ailleurs avoir un impact positif sur le volontariat).
Plusieurs scénarios sont envisageables, chacun comprenant un pilotage national. Le premier, le plus décentralisé, consiste en la conservation de l’établissement public local pour la dimension opérationnelle, et d’y adjoindre un échelon régional (ou zonal) afin de mutualiser certaines fonctions (planification, gestion des risques, équipements, etc.). Le deuxième, fondé sur une logique de déconcentration, prévoit la création d’un établissement public national servi par des relais locaux, les élus des collectivités et intercommunalités étant associés aux décisions nationales. Le troisième, enfin, repose sur une étatisation complète au travers d’une régie.
La première hypothèse semble, de l’avis de votre rapporteur, la plus souhaitable dans la mesure où, tout en assurant une efficacité accrue au travers d’un pilotage national et d’une mutualisation régionale, elle conserve au profit des autorités locales la gestion des services, garantissant ainsi une proximité essentielle. Elle assure en outre un réinvestissement des maires et des élus communautaires, actuellement éclipsés par le poids des conseils généraux. Ces maires, pour la plupart, n’ont pas la culture d’une intervention communale forte, les élections municipales tenues depuis la départementalisation de 1996 ayant conduit à un fort renouvellement des exécutifs locaux. Le schéma proposé assure ainsi aux élus communaux et des structures de coopération intercommunale un poids réel, une assise tangible dans la gestion des services d’incendie et de secours.
Soulignons par ailleurs qu’un tel dispositif contribuera à la résorption des effectifs des sapeurs-pompiers volontaires en ce qu’il accentuera la proximité géographique des pompiers avec leurs bases et renforcera l’implication des agents communaux dans le volontariat.
TROISIÈME PARTIE : L’INÉVITABLE RATIONALISATION DES MOYENS AÉRIENS
Le transfert de la base aérienne de la sécurité civile (BASC) implantée à Marignane avait été évoqué dans l’avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2013 et approfondi dans l’avis suivant, lorsque le choix du site finalement retenu, celui de Nîmes-Garons, avait été connu.
Certains ont estimé que la localisation de la BASC plus à l’ouest, dans le Gard, allongeait le temps de vol vers les départements du Sud-est, où l’on constate le plus de départs de feux, des appareils qui y sont stationnés, circonstance de nature à permettre un développement des feux de forêt plus importants avant que la réponse aérienne ne puisse être apportée. Néanmoins, il convient de préciser que le temps de vol entre le nouveau site et celui de Marignane n’est que d’une dizaine de minutes, la BASC se trouvera donc au centre des différents théâtres d’opération de lutte contre les feux de forêt. Au demeurant, les nombreux atouts présentés par le site compensent largement un éventuel allongement de la durée d’intervention (présence sur site du prestataire chargé de la maintenance des appareils, locaux adaptés existants).
Le transfert de la BASC est actuellement dans sa phase « conception », qui sera suivie à partir du mois de juillet 2015 de la phase « réalisation ». L’objectif est de disposer d’une BASC pleinement opérationnelle sur le nouveau site à compter de la saison des feux de forêt 2017, avec un terme de l’implantation programmé en février de la même année.
Parallèlement aux opérations touchant les infrastructures et les appareils, un dispositif d’accompagnement social a été mis en place. Il offre aux personnes réaffectées par le changement de site une prime, une aide à la mobilité des conjoints et une indemnité de déménagement. Des mesures de soutien et d’assistance dans les démarches administratives consécutives aux déménagements sont également prévues, pour la recherche de logements, d’emplois des conjoints ainsi que la scolarisation des enfants. Le coût de ces mesures, indispensables, est évalué à 2,86 millions d’euros.
Enfin, la BASC gagnerait à accueillir un site de formation afin de constituer un pôle d’excellence de la sécurité civile. Elle pourra, à terme, servir à valoriser le modèle français de sécurité civile auprès des États européens. Il convient à cet égard de souligner que l’aide apportée à la Suède par les avions français en août 2014 s’est traduite par une évolution du paradigme suédois en matière de lutte contre les feux de forêt, en atténuant considérablement les réticences de ce pays vis-à-vis de l’usage d’avions bombardiers d’eau.
La flotte aérienne de la sécurité civile – hors hélicoptères – est constituée de 12 Canadair (CL415), de 9 Tracker (S2FT), de 2 DASH 8 et de 3 Beechcraft 200.
La modernisation des avions est l’un des principaux sujets touchant à l’équipement matériel de la sécurité civile. Si les DASH 8 sont récents, d’autres appareils ne tarderont pas à être obsolètes, voire à ne plus être en mesure de voler. Les Beechcraft, qui ont en moyenne 27 ans, ont été pour partie rénovés afin de prolonger leur durée de vie ; trois d’entre eux ont en outre reçu un équipement particulier en optronique, technique qui associe des systèmes utilisant à la fois l’optique et l’électronique, afin de pouvoir mieux accomplir leurs missions.
Les Tracker, qui devront être retirés du service en 2020-2022, n’ont pas encore trouvé de remplaçants. Une expérimentation a été réalisée en 2013 avec un appareil de type Air Tractor, sans résultats concluants. Cet appareil, conçu pour l’épandage agricole, s’est révélé inadapté aux missions de sécurité civile dans la mesure où il ne peut emporter une charge d’eau très importante, dispose d’un rayon d’action limité et s’avère être d’un usage délicat dans des conditions météorologiques difficiles, notamment en cas de grands vents. D’autres solutions ont été étudiées, telles que l’équipement de CASA, appareils construits par Airbus, d’un kit bombardier d’eau, ou encore le recours à des Beriev Be-200, avions bombardiers d’eau russes. Pour l’instant, aucune décision n’a été prise. Le chantier suppose en tout état de cause des efforts de la part des avionneurs afin de répondre aux exigences manifestées par la sécurité civile française.
Les Canadair CL415, avions emblématiques de la lutte contre les feux de forêt, devraient pouvoir continuer de réaliser leur mission pour une quinzaine d’années et ce, malgré les projections pessimistes faites en 2005, prédisant une caducité de la flotte d’ici 2022. Néanmoins, la maintenance de ces appareils pose un problème sérieux. Le constructeur, Bombardier, applique des tarifs élevés sur les pièces les plus fréquemment renouvelées, sans que l’administration française puisse disposer d’une réelle capacité de négociation dans la mesure où le marché est captif. Par ailleurs, Bombardier a annoncé récemment la possibilité de fermer sa chaîne de production d’ici deux à trois ans si de nouvelles commandes n’étaient pas passées. Un renouvellement complet de la flotte (que ce soit pour profiter de ces deux années ou assurer la continuité de la chaîne) ne paraît pas envisageable, les Canadair de la sécurité civile, révisés entre 2013 et 2014, n’étant pas menacés par une obsolescence prochaine.
La question d’un appareil de substitution ne pourra néanmoins être évitée. Elle est délicate dans la mesure où, actuellement, le CL415 est le seul appareil spécialement conçu pour la lutte contre les feux de forêt qui apparaît pleinement satisfaisant.
Toujours dans un souci de modernisation et d’accroissement de l’efficacité de la flotte, un drone léger de reconnaissance a été acquis en 2011 par les formations militaires de la sécurité civile. Malgré l’indéniable atout qu’il représente en matière de surveillance et de détection des feux de forêt, ce type d’appareils risque toutefois de ne pas voir son utilisation croître eu égard à une réglementation restrictive qui rend son emploi très contraignant, sauf à ce que des évolutions normatives soient adoptées.
L’exigence de la modernisation de la flotte aérienne face au vieillissement des appareils pourrait, si les solutions envisagées s’avéraient insatisfaisantes ou trop coûteuses, conduire à un changement radical de politique en associant le secteur privé. L’État se désengagerait alors partiellement de la flotte pour recourir, en tant que de besoin, à des appareils exploités par des compagnies aériennes, tels que le DASH, initialement conçu pour le transport de passagers.
Les moyens aériens, et plus particulièrement les hélicoptères, se trouvent au cœur de la stratégie de la sécurité civile et sont indispensables à l’accomplissement, dans les meilleures conditions possibles, des missions qui sont dévolues à ses unités.
Pour essentiels qu’ils soient, les hélicoptères n’en présentent pas moins d’importantes contraintes, parmi lesquelles, pour ne faire état que des plus saillantes, la dangerosité intrinsèque de ces véhicules et des conditions dans lesquelles ils opèrent, la haute technicité requise de leurs équipages et, enfin, le coût important qu’ils impliquent. Les appareils héliportés de la sécurité civile supposent en effet une maintenance et un entretien permanents tandis que les pilotes et autres membres d’équipages se doivent d’être parfaitement formés, ce qui commande un entraînement régulier.
La sécurité civile compte, dans ce que l’on nomme parfois la « flotte rouge », 35 hélicoptères, du modèle EC145, très performant, répartis sur 24 bases dont 3 en outre-mer et auxquelles s’ajoutent les sites de détachements saisonniers. La gendarmerie nationale, quant à elle, dispose de 56 appareils (15 EC145, 15 EC135 et 26 AS350 Écureuil). Ces deux flottes, relativement importantes, sont malheureusement sous-employées. Ce sous-emploi, s’il limite les risques liés aux interventions sur le terrain, ne diminuent pas pour autant les coûts liés à l’entretien et à l’entraînement et ne peut, sur le long terme, perdurer.
Au-delà du gaspillage de moyens, le sous-emploi des flottes entraîne une diminution de la capacité opérationnelle des équipages due à la perte de temps de vol en mission. L’une des conséquences pernicieuses du sous-emploi opérationnel des appareils est l’utilisation abusive des moyens héliportés dans des situations qui ne l’exigent aucunement et pour lesquelles des moyens terrestres seraient parfaitement adaptés. Ces missions superflues offrent un avantage, celui de fournir aux équipages un temps de vol suffisant et de leur permettre de conserver leurs compétences. Néanmoins, il n’est pas acceptable de répondre à la question de la formation des équipages par un emploi des hélicoptères non justifié et coûteux.
Deux raisons principales expliquent ce sous-emploi. En premier lieu, les contraintes financières limitent la possibilité de voler, la dotation en carburant étant à cet égard stratégique. Il convient d’ailleurs de souligner que si le projet de loi de finances qui vous est soumis tire les conséquences des critiques formulées en la matière et prévoit une augmentation de deux millions d’euros des crédits alloués au carburant (soit un total de 4,4 millions d’euros pour les appareils de la sécurité civile), la dotation reste insuffisante au regard des consommations constatées, qui l’excèdent de près de deux millions d’euros. Le principal défi auquel devra faire face la flotte héliportée sera toutefois l’adaptation technologique. Les EC145 de la sécurité civile, puissants et polyvalents, ne sont pas en stricte conformité avec les standards internationaux de la navigation aérienne. Ceux-ci commandent en effet une modification des équipements embarqués d’ici 2017, notamment des moyens embarqués guidés par satellite. Le coût total de cette mise aux normes est estimé à 30 millions d’euros, soit plus de 850 000 euros par appareil. Ne pas procéder à cette mise aux normes conduirait à considérablement limiter les possibilités de vol, accentuant ainsi le sous-emploi des appareils. La gendarmerie fait, elle aussi, face à des difficultés financières, sur la question du carburant mais également en raison des remplacements d’hélicoptères qui devraient intervenir dans les années à venir, les AS350 Écureuil étant anciens.
En second lieu, l’accroissement de la flotte héliportée des établissements de santé a, par endroit, pour effet de créer une concurrence avec les hélicoptères de la sécurité civile, les premiers réalisant des missions au détriment des seconds.
Les 47 hélicoptères du ministère de la Santé (hélismur), parfois appelés hélicoptères « blancs », ont pour attribution de principe le transport inter-hospitalier, lorsque l’urgence médicale ou la géographie difficile limitent les possibilités des moyens terrestres. Ces hélicoptères sont cependant employés pour des missions d’aide médicale urgente mais aussi de secours à personne, qui relèvent pourtant de la sécurité civile. Ils s’inscrivent dans la réponse apportée à l’engagement de l’accès aux soins sur tout le territoire en trente minutes et connaissent une activité en forte progression, qui croît de 4 % par an. Les hélicoptères de santé se distinguent des appareils de la sécurité civile en ce qu’il ne s’agit pas d’hélicoptères de l’État mais d’appareils privés, loués au travers de marchés publics pour des prestations de service ; leurs caractéristiques techniques sont également différentes de celles des EC145, qui sont plus performants. Au-delà du déclin de l’emploi des hélicoptères de la sécurité civile, il existe donc un risque d’amoindrissement de la qualité de service rendu lorsqu’un hélismur intervient à la place d’un EC145.
Cette concurrence de fait entre administrations a été à l’origine d’un climat relativement tendu entre les ministères de l’Intérieur et de la Santé, l’action de ce dernier étant parfois vue comme une immixtion irrégulière dans le secours à personne au détriment des usagers et de l’organisation générale de la sécurité civile française. Le ministre de l’Intérieur a ainsi relevé, en octobre 2014 à l’occasion du Congrès national des sapeurs-pompiers, qu’un « acteur ne peut pas décider de son propre chef sans se poser la question de l’allocation de l’argent public ». Ce gaspillage de ressource concerne au premier chef la sécurité civile mais touche également le ministère de la Santé lui-même dans la mesure où l’implantation d’un hélismur n’étant pas toujours indispensable lorsque le territoire est déjà couvert par des moyens héliportés, le coût qu’il induit n’apparaît pas nécessaire (en moyenne, chaque hélismur coûte entre un et un million et demi d’euros). Le climat est désormais apaisé et les ministères coopèrent ; les effets des implantations non concertées des hélicoptères « blancs » n’en restent pas moins présents.
En plus des contraintes financières et du sous-emploi des flottes du ministère de l’Intérieur (qui devrait se stabiliser avec les efforts entrepris sur la coordination des flottes « rouges » et « blanches »), des incohérences internes au ministère de l’Intérieur ont été constatées, entre la flotte de la gendarmerie nationale et celle de la sécurité civile. La réponse apportée à ces dysfonctionnements et ces difficultés a été la mutualisation des flottes du ministère ; elle pourrait s’accentuer pour tendre vers leur unification.
La mutualisation des flottes héliportées de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile fut la première réponse apportée pour remédier aux problèmes constatés, au travers de la création d’un groupe de travail en 2009. Séduisante sur le papier, en ce qu’elle met en commun des ressources tout en laissant à chaque administration son autonomie et bien que toujours en cours, elle s’avère, après cinq ans, insuffisante.
En 2013, avec la création du SAELSI – le service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure –, la fonction achat de la police nationale, de la gendarmerie et de la sécurité civile a été mutualisée. Le SAELSI, dont l’activité a débuté en 2014, est destiné à centraliser le recueil des besoins, la conception, l’achat et la maintenance des ressources matérielles de ces trois administrations, y compris les véhicules de la flotte aérienne de la sécurité civile. Cette mutualisation devrait permettre la réalisation d’économies importantes au profit de tout le ministère ; le caractère récent du dispositif ne permet toutefois pas d’apprécier pleinement la réussite de l’opération.
La mutualisation de la maintenance reste inaboutie. Des sites abritent des équipes des deux flottes ; la base de Nîmes, qui accueille le groupement héliporté de la sécurité civile, réalisera les visites d’entretien des EC145 des deux flottes. Pour autant, les résultats pourraient être plus satisfaisants dans un domaine a priori perçu comme un terrain d’élection pour la mutualisation. Des inspections montrent ainsi que les mécaniciens et, pour le matériel, les pièces de rechange, n’ont pas intégralement suivi le mouvement de mutualisation, conduisant à des situations parfois absurdes où des pièces ont été apportées à grands frais alors que l’équipe de l’autre administration disposait de l’équipement idoine sur site.
Les efforts entrepris en matière de formation produisent des résultats mais également dans ce domaine, on doit faire face à certaines réticences tirées des spécificités alléguées des missions de chaque flotte. Là encore, la mutualisation reste inachevée.
Enfin, la mutualisation des bases d’hélicoptères, destinée à permettre le stationnement d’appareils de la gendarmerie et de la sécurité civile et à se prémunir de doublons coûteux, ne présente pas les résultats escomptés. Chacune des deux administrations poursuit une réflexion qui lui est propre, en fonction de « ses » appareils et missions. Les doublons existent encore, personne n’étant prêt à renoncer à ses bases, emportant comme conséquence le maintien de sites qui ne se justifient pas. En outre, ce qui est au moins tout autant regrettable, les mutualisations abouties localement sont en réalité restées infructueuses : les bases mutualisées sont en réalité deux bases juxtaposées, la gendarmerie et la sécurité civile conservant chacune ses équipes, ses appareils et ses moyens.
La démarche de mutualisation des flottes de la gendarmerie et de la sécurité civile s’avère ainsi peu convaincante. La conséquence de la dualité trop fréquemment maintenue est un surdimensionnement des deux flottes, un sous-emploi des appareils et, à terme, un assombrissement de l’avenir d’une sécurité civile efficace. Ce constat n’est toutefois guère surprenant dans la mesure où, si en théorie la mutualisation impliquait une approche rationalisée des moyens, la coexistence maintenue de deux directions qui ont chacune la mainmise sur leurs flottes et les équipements afférents et qui sont empreintes d’une forte identité culturelle limite la possibilité d’aboutir à un schéma commun cohérent.
Au regard de ces résultats mitigés, il semble nécessaire de retenir une solution plus ambitieuse, celle de l’unification des flottes de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale. Une telle réforme, audacieuse et qui ne sera pas sans écueils, apparaît néanmoins à votre rapporteur pour avis indispensable dans une perspective à moyen terme et inévitable à long terme, sauf à compromettre l’accomplissement des missions de ces administrations dans de bonnes conditions.
L’unification offrirait la garantie d’une meilleure gouvernance financière et logistique. Un schéma directeur unique pourrait ainsi être adopté afin de garantir l’effectivité de la rationalisation des moyens aériens déjà évoquée. Les doublons, les implantations injustifiées car finalement peu utiles seraient réellement éliminés, au profit d’une modification de la carte des bases calquée sur les besoins réels. Un pilotage unique au niveau ministériel permettrait de passer outre les aspects identitaires de chaque administration et, à terme, de les atténuer.
1. Une réduction nécessaire du nombre appareils au regard des contraintes financières et des besoins réels
S’il peut paraître paradoxal de réduire le volume de flottes héliportées pour améliorer l’utilisation des appareils dans le cadre des missions de sécurité civile, il n’en reste pas moins que la démarche est, en l’état, celle qui est la plus à même de rendre possible l’évitement du mur financier qui se profile.
D’un point de vue fonctionnel, il a été souligné que le sous-emploi des appareils de la sécurité civile débouchait sur un surdimensionnement de la flotte, qui gagnerait ainsi à être réduite afin d’accroître ses facultés opérationnelles. D’un point de vue financier, réduire le nombre d’appareil dégagera des économies (gains sur les postes de maintenance et de carburant), quelques recettes (par la cession) et diminuera proportionnellement le montant total de la mise aux normes exigées par les standards internationaux, moins d’appareils étant concernés. Cette solution doit être privilégiée par rapport à celle reposant sur l’emploi limité des machines qui, cela a été vu, n’entraînera pas de gains substantiels et n’est guère satisfaisant dans son principe, puisqu’il conduirait à disposer d’une flotte de plus en plus coûteuse mais de moins en moins employée.
En plus des 35 EC145 de la sécurité civile, le ministère dispose de 15 appareils du même modèle alloués à la gendarmerie nationale. Sur ces 50 EC145, 46 se trouvent en métropole, essentiellement dans les massifs montagneux – 17 appareils –. Une réduction de la flotte de douze EC145 paraît possible sans compromettre l’exercice par chaque administration de ses missions. Seuls les appareils stationnés en métropole seraient concernés, la configuration géographique particulière en outre-mer ne permettant pas l’économie d’un hélicoptère.
L’unification facilitera considérablement les opérations de réduction, en fournissant une vision d’ensemble et en assurant une décision au niveau ministériel, qui s’imposera aux acteurs concernés. Elle garantira une rationalisation efficace, tenant compte des besoins propres à chaque territoire afin d’offrir un maillage pertinent et de ne pas laisser orphelines certaines zones.
Le corollaire nécessaire à la réduction d’une flotte héliportée unifiée du ministère de l’Intérieur est une modification de la carte géographique des implantations d’appareils. Si l’hélicoptère est un moyen précieux en montagne et un vecteur privilégié des secours, il ne doit pas pour autant être systématisé dans les cas où des moyens terrestres suffisent amplement. Ce constat, partagé par l’ensemble des acteurs entendus, vaut également pour les hélicoptères de santé qui, s’ils constituent un moyen d’assurer le respect de l’engagement de l’accès aux soins en trente minutes, ne sont néanmoins pas la seule réponse, ni même la réponse première à cet objectif.
Le redécoupage de l’implantation territoriale des hélicoptères sera facilité par la possibilité d’adopter un schéma directeur unique consécutif à l’unification des deux flottes actuelles. Il devra en outre, inévitablement, tirer les conséquences du développement des hélicoptères « blancs » du SAMU mais également de ceux de la Marine nationale sur le littoral, afin de se prémunir de tout doublon et de privilégier les implantations sur des sites présentant une réelle utilité.
Plusieurs principes pourraient présider à sa mise en œuvre. En premier lieu, la fin du doublement systématique des appareils sur les bases actuelles permettrait une diminution et/ou une réallocation des hélicoptères concernés. Les bases devant ainsi abandonner leur second EC145 seraient celles situées à proximité d’autres bases ou dont les appareils enregistrent un nombre d’heures de vol faible. En deuxième lieu, la complémentarité avec les autres acteurs (SAMU et Marine nationale) devrait conduire à faire l’économie d’appareils, voire de sites. En troisième lieu, enfin, la fongibilité des appareils des deux administrations garantirait une capacité opérationnelle indifférenciée, que les missions relèvent des secours aux personnes ou de la sécurité publique (missions qui au demeurant peuvent, ainsi qu’il sera vu, être prises en charge par les deux administrations).
L’équité territoriale devra en tout état de cause irriguer cette réforme, en tenant compte de données démographiques mais également des pics saisonniers. Ainsi, si le Sud-est de la France jouit d’une dotation en hélicoptères particulièrement riche, le nombre d’appareils ne se justifie pas sur une année entière (seule la période estivale commandant de disposer d’une flotte suffisante en raison des risques accrus d’incendies et de l’afflux touristique). À l’inverse, le Nord-est apparaît relativement dépourvu, malgré des bassins de populations parfois considérables et des risques d’inondation réels.
L’unification d’une flotte propre au ministère de l’Intérieur, associée à un redécoupage territorial de l’implantation des appareils, ne devrait pas avoir de conséquence sur la qualité de la réponse publique. En tout état de cause, si cette nouvelle flotte devait s’avérer, ponctuellement et localement, insuffisante pour faire face à certaines crises ou à des accidents isolés, des solutions de renfort existent. Elles sont, au demeurant, déjà mises en œuvre.
Le système du détachement saisonnier constitue l’une des modalités les plus utilisées pour renforcer une zone de façon provisoire. Simple dans son principe, il consiste à transférer un appareil d’une base où sa présence n’est ponctuellement pas justifiée vers un site démuni d’hélicoptères ou qui en compte un nombre insuffisant. Les régions du Sud de la France sont familières du dispositif pendant la période estivale, le tourisme et les risques accrus de feux de forêt augmentant considérablement les besoins, malgré une présence héliportée forte. D’autres territoires, en revanche, comptent presque uniquement sur les appareils détachés, faute d’en disposer en temps normal. Tel est par exemple le cas de zones rurales à faible densité démographique qui connaissent l’été un afflux touristique fort, notamment pour des activités dangereuses telles que le canyoning.
Aucun changement ne semble prévu en matière de procédure de détachements saisonniers. Ce constat paraît regrettable dans la mesure où, sans modifier substantiellement le principe du détachement et sans porter atteinte à la prévisibilité nécessaire à la DGSCGC, il aurait été souhaitable d’uniformiser les modalités selon lesquelles les appareils sont détachés, qui varient considérablement d’un territoire à l’autre. Si, comme c’est le vœu de votre rapporteur pour avis et la préconisation de l’inspection générale de l’administration, l’unification des flottes héliportées du ministère de l’Intérieur devait se concrétiser, un changement dans les procédures de détachement serait opportun. Il pourrait porter sur les délais dans lesquels la demande de détachement doit être faite afin de les raccourcir, offrant une souplesse accrue et, par conséquent, une meilleure réponse aux crises sans pour autant porter atteinte à la gestion d’ensemble du parc héliporté.
Autre source potentielle de renfort ponctuel qui a fait ses preuves en matière de lutte contre les feux de forêt, le secours de l’Armée de terre au titre du plan Héphaïstos. Dans ce cadre bien établi, l’Aviation légère de l’Armée de terre (ALAT) appuie les unités des SDIS dans le Sud de la France, les SA330 Puma militaires se trouvant alors placés sous la responsabilité des autorités civiles. Notons, dans un souci d’exhaustivité, que ce plan n’est qu’un aspect de la contribution de l’Armée de terre aux missions de la sécurité civile, qui se manifeste également en cas de crises, pour prendre le relai des équipes de sapeurs-pompiers, et lorsque des mesures préventives doivent être adoptées (évacuation de population, surveillance, établissement de périmètres de sécurité, etc.).
Enfin, rien n’empêche aux autorités de louer des appareils privés. Les missions de reconnaissance en matière de lutte contre les incendies ne supposent aucun équipement particulier ni des compétences spécifiques que seuls les équipages du ministère détiendraient ; le secours à personne lui non plus ne fait pas obstacle à l’utilisation d’hélicoptères privés.
L’articulation d’un maillage rationalisé et des renforts ponctuels garantissent ainsi aux populations une couverture héliportée optimale en matière de secours et de gestion de crise, pour un coût maîtrisé.
La spécificité des missions de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale (secours aux personnes et lutte contre les incendies d’une part, sécurité publique et participation à des opérations judiciaires de l’autre), régulièrement invoquée pour justifier le maintien de deux flottes distinctes, ne s’oppose pas sérieusement à une telle démarche. De nombreuses dérogations à cette apparente cloison fonctionnelle existent : les appareils de la sécurité civile effectuent régulièrement des opérations de sécurité publique tandis que les gendarmes assurent des missions de secourisme. Il existe d’ailleurs une concurrence entre les deux administrations pour le prestigieux secours à personne en montagne, preuve de l’interchangeabilité de certaines missions et des appareils employés. Il ressort d’ailleurs des éléments fournis par le ministère que les hélicoptères de la sécurité civile, tout comme d’ailleurs ses avions, participent à un grand nombre de missions de police, ainsi que le prévoit l’instruction n° 92-850 du 29 septembre 1992 modifiée relative à l’emploi des aéronefs du groupement des moyens aériens de la sécurité civile. Les appareils et leurs équipages sont donc formés et expérimentés pour assurer les deux volets des missions du ministère de l’Intérieur, permettant leur fongibilité au sein d’un ensemble unique.
Par ailleurs, si certaines missions peuvent supposer un équipement spécifique (notamment médical pour le secours à personne), son installation sur un hélicoptère est très rapide. Au demeurant, il pourrait être décidé de mettre en place une flotte composée d’une « majeure » et de deux « mineures », la première constituée d’appareils aux équipements standardisés, les secondes utilisant des matériels spécialement conçus pour les opérations commandant expressément leur usage. L’étanchéité fonctionnelle alléguée ne saurait donc constituer un frein réel à l’unification des flottes.
L’obstacle statutaire, souvent invoqué, ne saurait pas plus emporter la conviction. L’unification des deux flottes n’aurait pas pour nécessaire conséquence – ou n’exigerait pas comme prérequis indispensable – une uniformisation des statuts. Rien n’impose, en effet, de soumettre le personnel de la gendarmerie nationale et celui de la sécurité civile à un statut unique. Il ne s’agit pas de créer un corps spécial, mais simplement d’organiser les appareils en une seule et même entité, à la disposition des équipages en fonction des missions à accomplir.
En réalité, plutôt que les spécificités des missions, des équipes et des statuts, le principal écueil relève des identités et des cultures de la gendarmerie et de la sécurité civile. Ainsi que l’a souligné le ministre de l’Intérieur le 4 octobre 2014 devant le Congrès national des sapeurs-pompiers, « il n’était pas tolérable que les services d’une même maison interviennent simultanément, (…) créant de la tension voire de l’humiliation ». Ces propos illustrent bien la réalité d’une différence de culture et d’une concurrence entre services ; ils mettent également en évidence les gains susceptibles d’être obtenus par l’unification des flottes avec la disparition de telles tensions.
Ces difficultés ne constituent pas des obstacles dirimants ; elles devront toutefois inévitablement être prises en compte pour éviter, au nom d’une volonté d’efficacité et d’optimisation des moyens héliportés, l’écueil d’une flotte unie inadaptée, peu cohérente et, partant, contre-productive. Toute réforme en la matière doit être conduite avec le souci du renforcement de la qualité des secours aux personnes et de la lutte contre les incendies et autres crises. C’est avec ce constant souci à l’esprit que votre rapporteur pour avis, tout en appelant de ses vœux une réforme ambitieuse et salutaire, préconise une concertation de tous les acteurs concernés afin de garantir le succès de l’unification proposée.
A. UNE COORDINATION INDISPENSABLE AVEC LA FLOTTE HÉLISMUR, PREMIER PAS VERS UNE ÉVENTUELLE MUTUALISATION
La rationalisation de la flotte du ministère de l’Intérieur au travers d’une unification de ses deux composantes majeures ne peut se faire sans coopération avec le ministère de la Santé, sauf à risquer de compromettre l’ensemble de la réforme proposée et d’aboutir à une flotte unique peu efficace et mal employée. La répartition des appareils doit nécessairement tenir compte de l’implantation des hélicoptères « blancs ».
En conséquence, la réponse publique aux problématiques de sécurité civile doit, tout en restant naturellement sous le contrôle du ministère de l’Intérieur eu égard à sa responsabilité en matière de secours à personne, associer tous les acteurs, donc le ministère de la Santé.
Les relations entre les ministères de l’Intérieur et de la Santé, après les tensions constatées au printemps, se sont apaisées. Une démarche constructive a été entreprise au travers de la création d’un comité de pilotage national, réuni pour la première fois le 10 septembre 2014 et associant la DGSCGC et la direction générale de l’offre de soins du ministère de la Santé.
L’une des premières mesures décidées par ce comité consiste à subordonner tout projet d’implantation d’un hélismur à l’information de la DGSCGC, afin que celle-ci puisse faire état de ses observations en fonction des sites choisis. Il convient toutefois de souligner que, malgré ce nouveau cadre, certains hélicoptères « blancs » seront prochainement implantés sans concertation préalable, à Besançon et au Havre, les marchés publics de location d’appareils ayant été conclus avant la mise en œuvre du nouveau protocole.
Votre rapporteur pour avis se réjouit de cette coordination, qui devrait produire de substantielles avancées. Il estime d’ailleurs qu’il serait opportun de lancer une étude fouillée, conduite par les corps d’inspection des deux ministères (Inspection générale de l’administration et Inspection générale des affaires sociales), afin d’identifier les modalités d’une mutualisation entre flottes. Parmi celles-ci figurent les moyens à mettre en œuvre pour franchir l’obstacle tiré d’une gouvernance fondamentalement différente des appareils, ceux du ministère de la Santé étant, ainsi qu’il a été vu, mis à disposition des établissements de santé par un prestataire privé.
Cette difficulté, dont votre rapporteur pour avis a pleinement conscience, ne doit toutefois pas conduire à abandonner ce projet, certes audacieux, mais dont les bénéfices compenseraient largement les coûts. D’une part, une mutualisation des flottes devrait conduire à un nivellement par le haut de la gamme d’appareils, c’est-à-dire à l’heure actuelle celle des EC145, améliorant les services rendus aux usagers. D’autre part, l’efficience du vecteur héliportée se trouvera profondément renforcée, plus encore que ce que la coordination actuellement entreprise permettrait.
Lors de sa réunion du 27 octobre 2014, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » pour 2015.
M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis très heureux de vous accueillir, en compagnie de Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois, et de Nicolas Bays, vice-président de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Sécurités ».
Je rappelle les règles qui président à nos débats en commission élargie : la parole sera d’abord donnée aux rapporteurs des commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes, sous la forme de questions au ministre. S’exprimeront ensuite, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes.
Enfin, tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre, leur intervention étant limitée à deux minutes.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Pour ce qui est de la Commission des lois, nous avons deux rapporteurs pour avis. Pascal Popelin, rapporteur pour avis pour la Sécurité, a porté son regard avisé sur la partie sécurité proprement dite et s’est intéressé notamment aux mutualisations entre la police et la gendarmerie, afin de voir si elles peuvent être développées ou s’il faut, au contraire, arrêter ce mouvement souvent présenté comme vertueux. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis pour la Sécurité civile, connaisseur parfait de ces questions, s’est penché sur la valorisation des moyens humains dans la sécurité civile et notamment sur les difficultés que connaît volontariat. Il revient aussi sur la rationalisation des moyens aériens, sujet sur lequel nous travaillons depuis le début de la législature.
M. Nicolas Bays, président. La Commission de la défense est saisie pour avis, comme il est de tradition, des crédits de la gendarmerie au sein de la mission « Sécurités ». Nous demeurons très attachés, comme les gendarmes eux-mêmes, au statut militaire de cette institution. Notre rapporteur pour avis, Daniel Boisserie, s’est attaché cette année à traiter un sujet peu connu : la sécurité des installations nucléaires, qui joue un rôle essentiel dans le contrôle gouvernemental de l’outil de dissuasion.
M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances pour la police, la gendarmerie, la sécurité routière, le contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Les crédits du programme « Police nationale » s’élèveront en 2015 à 9,66 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 0,7 %, et à 9,69 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0,5 %.
Les crédits du programme « Gendarmerie nationale » s’élèveront en 2015 à 8,07 milliards d’euros en autorisations d’engagement – + 1,6 % – et à 8,06 milliards d’euros en crédits de paiement – + 0,4 %.
En 2015, comme en 2014, les effectifs de la police seront augmentés de 243 fonctionnaires et ceux de la gendarmerie de 162 militaires.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de me féliciter de cette évolution et de saluer les efforts consentis par le Gouvernement. Ces chiffres sont à rapprocher des 7 000 emplois perdus dans chacune de ces forces entre 2007 et 2012.
Les crédits de la police et de la gendarmerie, comme en 2014, seront en hausse. En ces temps de contrainte budgétaire, ces augmentations traduisent clairement la volonté du Gouvernement de faire de la sécurité l’une des priorités de sa politique.
Malgré les augmentations d’effectifs et l’entrée en application de quelques mesures catégorielles, les dépenses de rémunérations et de charges sociales n’augmenteront que faiblement, signe d’une gestion rigoureuse – + 9,8 millions d’euros pour la police et + 32,3 millions pour la gendarmerie. En conséquence, la part des moyens consacrés au fonctionnement et aux investissements augmente, passant de 10 à 11 % pour la police et dépassant les 15 % pour la gendarmerie.
Je me félicite également du plan de réhabilitation immobilière de 70 millions d’euros, que vous avez mis en place pour l’immobilier de la gendarmerie. La gendarmerie sort de plusieurs années « blanches », pendant lesquelles seuls des moyens dérisoires étaient disponibles pour faire face aux opérations d’urgence. Or, en 2015, grâce à ce plan, les investissements immobiliers vont pouvoir reprendre et une trentaine d’opérations de réhabilitation lourde va pouvoir être lancée. Ce sujet touche non seulement au bon fonctionnement de l’institution, mais aussi à la vie privée des gendarmes, qui sont logés par nécessité absolue de service. Il est donc primordial d’y apporter la plus grande attention.
Monsieur le ministre, je souhaiterais, dans le temps qui m’est imparti, appeler votre attention sur trois points.
J’évoquerai d’abord les difficultés que rencontrent tant la police que la gendarmerie pour renouveler leur parc de véhicules. Certes, la nouvelle majorité a inversé la courbe, et les commandes de véhicules sont reparties à la hausse. En 2013, les achats ont permis de stopper la contraction du parc automobile de la police, qui se réduisait année après année. Pendant longtemps, le parc auto de la police a compté plus de 30 000 véhicules. Au 1er janvier 2013, il avait atteint son étiage avec seulement 27 980 véhicules. Depuis cette date, il a commencé à se reconstituer et comptait au 1er janvier 2014 28 190 véhicules.
En 2015, comme en 2014, ce sont 1 200 à 1 400 véhicules qui seront achetés selon les forces. C’est un effort que je salue, mais qui reste insuffisant. L’âge moyen des véhicules augmente – six ans pour la police et six ans et demi pour la gendarmerie –, le kilométrage moyen également – 150 000 à 200 000 kilomètres. La gendarmerie envisage de conserver ses véhicules en service pendant dix ans. Il faudrait commander pratiquement le double de ce qui est actuellement acheté pour permettre un renouvellement satisfaisant du parc. Quel est, monsieur le ministre, votre sentiment sur ce sujet ?
Je voudrais ensuite appeler votre attention sur une forme de criminalité dont on parle peu, mais qui constitue une réelle menace pour notre pays : la cybercriminalité. Le tissu industriel français de la cybersécurité, dominé par le groupe Airbus et par Alcatel-Lucent, est aujourd’hui dynamique et diversifié. Il compte des acteurs de toutes tailles couvrant la plupart des sujets structurants de la cybersécurité.
Ne pensez-vous pas qu’il serait utile de créer une structure administrative chargée de soutenir à l’exportation les services français de cybersécurité et qui aurait pour vocation de concentrer les moyens et la stratégie d’ensemble ? Je suis, pour ma part, convaincu de la nécessité d’une telle structure de coordination.
Enfin, je souhaiterais saluer l’initiative prise par votre prédécesseur – que vous avez confortée, monsieur le ministre – de créer un médiateur interne à la police nationale. Mis en place l’an dernier, ce médiateur, personne de grande qualité, a déjà traité, à la tête d’une équipe réduite, plusieurs centaines de dossiers. Il tente de remettre de l’humanité dans un monde qui en manque parfois, en essayant notamment d’expliquer des décisions administratives qui ne sont pas toujours bien comprises. Son action est révélatrice d’un besoin qui existait au sein de la police. Je souhaitais vous demander, monsieur le ministre, votre sentiment sur cette médiation, en vous suggérant de conforter son rôle qui me semble très utile.
M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances pour la Sécurité civile. J’ai l’honneur de vous présenter le rapport portant sur les crédits du programme 161 « Sécurité civile », inscrits depuis le budget pour 2014 dans la mission d’ensemble « Sécurités ».
Pour 2015, avec 439,55 millions d’euros, les crédits de paiement sont en augmentation de 2,66 % par rapport à 2014. Les autorisations d’engagement, qui atteignent 401 millions d’euros, sont en diminution de 187,51 millions d’euros. Cette réduction résulte du montant qui avait été inscrit dans la loi de finances pour 2014 pour le financement pluriannuel du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle des avions de la sécurité civile.
J’insiste sur le fait que les grandes actions et les programmes d’investissements touchant à la sécurité civile sont maintenus en 2015. Nous savons tous l’importance des actions de l’État en ce domaine et l’obligation qui nous est faite de consacrer des moyens significatifs à la protection des populations au quotidien ou lors de catastrophes majeures, qu’elles soient naturelles, technologiques ou industrielles. C’est pour ces raisons que je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de cette mission.
J’aurais cependant souhaité, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter un éclairage sur les sujets suivants.
Pourriez-vous refaire le point devant nous sur l’évolution des moyens du programme Sécurité civile, sur les actions majeures retenues en 2015 et sur l’effort de rationalisation des dépenses que traduit ce budget ?
Quel bilan tirez-vous ensuite du rassemblement des crédits de la sécurité civile, opéré depuis le budget pour 2014 dans un seul programme, le programme 161 ?
Quel bilan tirez-vous, par ailleurs, de la création décidée, il y a maintenant trois ans, de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ?
La réforme territoriale annoncée, avec la disparition possible de l’échelon départemental, aura sans doute un impact sur le dispositif de sécurité civile et sa structuration. Quels éléments pouvez-vous nous communiquer aujourd’hui sur ce point ?
La période récente semble marquée par la survenue fréquente d’inondations sur le territoire national. D’autres risques, comme le risque pandémique, sont par ailleurs bien réels. Quelles adaptations opérationnelles pensez-vous apporter, en lien avec d’autres acteurs publics ?
Quel est l’état précis de réalisation ou de fonctionnement, en octobre 2014, des grands équipements indispensables à la politique de prévention et de gestion des crises ? Je pense au réseau ANTARES, autrement dit l’Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours, qui vise à une interopérabilité des moyens de communication des différents intervenants en sécurité civile ; à la mise en place du service d’alerte et d’information des populations (SAIP), qui remplace le système actuel d’alerte, devenu obsolète ; à la création du Centre national d’alerte aux tsunamis (CENALT) pour la Méditerranée et l’Atlantique du nord-est, ou encore à la mise en œuvre du centre de formation civile et militaire en matière de lutte contre les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques et explosives, dont l’existence doit mettre un terme à l’hétérogénéité des formations jusque-là dispensées aux décideurs.
Concernant plus particulièrement les sapeurs-pompiers, 80 % d’entre eux sont des volontaires qui réalisent 70 % des interventions, mais leur nombre tend à stagner. Or l’augmentation de leur effectif est indispensable à la pérennité de notre système. Quel bilan peut être fait de l’application de la loi de 2011 et, plus récemment, de l’Engagement pour le volontariat, conclu en 2013 à l’incitation du Président de la République ?
Les moyens aériens sont essentiels dans la lutte contre les feux de forêts, même si la saison « feux » 2013 a vu un recul inédit des surfaces incendiées et que les hélicoptères de la sécurité civile jouent un rôle indispensable, reconnu et croissant, dans le domaine du secours à la personne.
Pouvez-vous nous rappeler brièvement l’état l’avancement de plusieurs dossiers majeurs, tels que le transfert de la base aérienne de sécurité civile à Nîmes, le renouvellement des contrats de maintenance et celui de la flotte d’avions elle-même, particulièrement des Tracker ?
Les actions de sécurité civile tendent de plus en plus à s’internationaliser face à des problèmes récurrents, tels que les cyclones, les inondations ou les séismes. Quelles indications pouvez-vous nous donner sur les interventions récentes à l’étranger et sur les modifications touchant le mécanisme européen de sécurité civile ? Quels progrès peuvent, selon vous, être réalisés en matière de coopération européenne, s’agissant, notamment, de la préparation à la gestion des crises et de l’information du public ?
Pour conclure sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, j’aurais souhaité avoir vos retours sur les expérimentations de moyens héliportés mutualisés entre la sécurité civile, la gendarmerie et le SAMU, les fameux hélicoptères bleus-blancs-rouges. Quelle appréciation faites-vous de l’expérimentation menée en Guyane depuis le début de l’année ? Imaginez-vous un déploiement similaire à La Réunion, où la sécurité civile ne dispose, rappelons-le, d’aucun moyen héliporté propre ?
M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la Gendarmerie nationale. Je tiens tout d’abord à saluer l’action de l’ensemble de nos forces de sécurité, et en particulier nos gendarmes. Je souhaite leur manifester ici tout mon soutien et toute mon admiration.
Je ne m’attarderai pas sur les évolutions de crédits pour 2015, qui sont présentées en détail dans mon rapport. Je me contenterai de souligner avec satisfaction que le budget de la gendarmerie est globalement préservé.
Monsieur le ministre, mes premières questions auront trait à la réserve : le suis conscient qu’elle est nécessaire au pilotage de la dépense publique, mais, telle qu’elle est mise en œuvre, elle me semble parfois inadaptée.
Le dégel en fin de gestion est un jeu « perdant-perdant » : perdant pour Bercy, car les crédits sont finalement dépensés ; perdant pour leur bénéficiaire, qui est contraint de les engager dans l’urgence, sans politique d’acquisition cohérente. Entre-temps, les négociations sur la réserve se traduisent par une perte de temps et d’énergie considérable pour tous les ministères, les « régulateurs » comme les « dépensiers ».
Le reliquat des crédits mis en réserve en 2014, s’il existe, sera-t-il rapidement et intégralement dégelé ? Pouvez-vous m’indiquer si la réserve 2015 fera l’objet d’une levée, au moins partielle, dès le début de gestion, afin de pouvoir engager des dépenses de manière efficace et rationnelle ? Il ne s’agit évidemment pas de dépenses de confort, accessoires ou superflues, mais de dépenses qui répondent à un véritable impératif opérationnel.
Autre thème, malheureusement traditionnel : l’immobilier. Je ne rappellerai pas l’état du parc, bien connu de tous.
Je suis constamment à la recherche de leviers pour accélérer la remise à niveau du parc domanial et réduire les dépenses de fonctionnement. Depuis 2006, le ministère de la défense bénéficie d’un retour intégral des produits de cessions immobilières qu’il réalise. La gendarmerie était soumise à ce régime jusqu’à 2009 et son rattachement à votre ministère. Depuis, ses produits de cessions se voient appliquer une décote d’environ 50 %, principalement au titre de la participation au désendettement de l’État.
Il ne s’agit pas de demander le retour d’un droit acquis qui aurait été perdu ; l’argument serait un peu court. Mais, compte tenu des besoins pour remettre le parc à un niveau acceptable, il serait légitime que le retour intégral soit de nouveau appliqué à la gendarmerie. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Je ne suis pas drogué à la dépense publique. Toutefois, j’estime qu’entre deux devoirs, assurer des conditions de vie et de travail décentes à nos gendarmes et à leurs familles, d’une part, et résorber – parfois aux dépens de notre sécurité – l’endettement du pays, d’autre part, c’est le premier qui doit primer. Un plan de réhabilitation ambitieux est prévu, et je m’en réjouis, mais compte tenu de l’urgence, j’estime que tous les leviers possibles doivent être actionnés.
Quelques remarques sur la massification des marchés publics. Chaque marché est unique et, dans le cas des marchés de fournitures, la passation de gros marchés peut permettre des économies d’échelle. Pour ce qui concerne les marchés de prestations de services, les résultats sont parfois moins positifs. D’une part, ces gros marchés excluent de fait les petites entreprises locales ; d’autre part, ils peuvent se traduire par une baisse de la qualité de service. Pourrait-on redonner davantage de pouvoir aux gestionnaires locaux en la matière ? Cela soutiendrait le tissu économique local et améliorerait sans doute le service rendu. Cela conduirait aussi à une responsabilisation plus grande des gestionnaires.
Je terminerai par quelques observations sur la protection des centrales nucléaires.
Il est inutile de rappeler le contexte géopolitique et sécuritaire actuel, et l’importance vitale que représentent les centrales nucléaires. Or on constate aujourd’hui une décorrélation totale entre la sensibilité extrême de ces sites et le cadre légal relatif à leur protection. Les auteurs d’intrusions sont condamnés à des peines relativement clémentes : quelques mois de prison avec sursis, éventuellement assortis d’amendes. L’infraction retenue par les magistrats est celle de la violation de domicile. N’est-il pas temps d’adapter notre régime juridique et de créer, enfin, un délit spécifique punissant de manière réellement dissuasive ces intrusions ? Un tel renforcement ne violerait aucune liberté publique ni aucun droit fondamental. La liberté d’expression et de manifestation peut parfaitement s’exercer à l’extérieur des centrales, sans réduire la force ou la portée du message de ceux qui exercent ces libertés. Le drame qui vient de se produire dans le Tarn ne fait que me renforcer dans la conviction que mes propositions sont fondées.
S’il est nécessaire que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités en la matière, il faudrait que l’opérateur EDF fasse de même en menant les investissements indispensables au renforcement des mesures de sécurité passive.
Dans le même domaine, nous devrions également prendre en considération la question des drones, en interdisant par exemple de façon permanente le survol des installations nucléaires civiles. Ils peuvent en effet constituer un risque réel de collecte d’informations sensibles, d’intrusion, voire d’endommagement. Monsieur le ministre, quel est votre point de vue sur ce vaste sujet ?
M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Sécurité. Les crédits de fonctionnement et d’investissement de nos deux forces de sécurité s’inscrivent dans un contexte financier plus que jamais contraint, même s’ils font l’objet d’une priorité politique de la part du Gouvernement et de la majorité parlementaire. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi, cette année, d’évaluer les effets des mutualisations entre la police et la gendarmerie nationales, cinq ans après le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, décidé par la loi du 3 août 2009. Les réflexions en matière de mutualisation semblent être une piste qu’il faut continuer d’explorer pour dégager des moyens nouveaux en faveur des politiques de sécurité publique attendues par les Français.
Les mutualisations logistiques de soutien des forces sont bien engagées, tant à l’échelle centrale avec, par exemple, pour les achats, le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), qu’au plan déconcentré, avec la création des Secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI).
J’ai toutefois identifié deux domaines où l’effort de mutualisation doit être, de mon point de vue, renforcé : l’informatique et la formation.
À titre d’exemple, les logiciels de rédaction des procédures des deux forces, déployés depuis peu, ne sont pas exactement les mêmes. De l’avis unanime, le logiciel de rédaction des procédures de la police nationale (LRPPN) semble beaucoup plus lourd à utiliser par les policiers que le logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale (LRPGN) des gendarmes. La police et la gendarmerie nationales appliquent pourtant le même code de procédure pénale. Une convergence – pour ne pas dire une unité – des deux systèmes ne m’apparaîtrait pas illogique. Elle serait source de simplification pour les utilisateurs et d’économies pour l’État. Comptez-vous, monsieur le ministre, engager cette réflexion ?
La formation constitue un domaine particulièrement sensible en matière de mutualisation. Des réticences ont ainsi pu être exprimées, au motif qu’il convenait de respecter l’identité de chacune des deux forces. J’ai toutefois listé dans mon rapport une série de domaines dans lesquels des progrès pourraient être accomplis : la cynotechnie, l’intervention en haute montagne, la plongée, les unités motocyclistes. Partagez-vous, monsieur le ministre, cette analyse ? D’autres domaines font-ils l’objet de réflexions ?
Au-delà des mutualisations logistiques, des efforts supplémentaires de mutualisation opérationnelle peuvent et doivent, à mon sens, être réalisés rapidement.
La coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT) permet aux responsables territoriaux de développer, sur des zones contiguës, des opérations coordonnées. Il semble pourtant que la dynamique instaurée par les CORAT s’essouffle. Quel bilan tirez-vous de ce dispositif, monsieur le ministre, et entendez-vous lui donner un nouveau souffle ?
J’ai aussi la conviction, même si je mesure le chemin à parcourir pour la faire partager, que des expérimentations de mutualisation des salles de commandement départementales, où sont centralisés les appels téléphoniques, notamment la nuit, doivent être engagées. Ces expérimentations pourraient, dans un premier temps, prendre la forme d’un regroupement en un lieu unique des centres opérationnels de la police et de la gendarmerie. Certains centres pourraient même totalement fusionner, afin de permettre une réponse plus efficace aux appels, par l’emploi des forces disponibles les plus proches.
Le maillage territorial de la police et de la gendarmerie doit aussi continuer d’évoluer. Dans mon rapport, j’invite, par exemple, à réfléchir à l’opportunité de redéfinir les compétences des deux forces sur les grands axes autoroutiers. L’expérimentation envisagée en 2015, concernant l’autoroute A 36, à la faveur de la redéfinition des compétences entre la Direction départementale de la sécurité publique de la police nationale et du groupement de gendarmerie dans le Haut-Rhin, sera, de ce point de vue, intéressante.
Enfin, je suis arrivé à la conclusion qu’une mutualisation plus poussée des deux forces de sécurité suppose une réorganisation préalable de chacune d’entre d’elles. Les limites de l’organisation « en tuyaux d’orgues » de la police nationale sont régulièrement évoquées. Outre la convergence des différentes directions de la police nationale, je note dans mon rapport des réorganisations internes envisageables pour chacune d’entre d’elles. De la même manière, la réorganisation territoriale de la gendarmerie doit être poursuivie : des brigades de trois à cinq gendarmes, même regroupées en communautés de brigade avec d’autres unités proches, ne peuvent assumer correctement leur mission de sécurité publique. Elles sont même parfois qualifiées de « faux vecteurs de sécurité ». Leurs horaires d’ouverture au public sont souvent pointés. Ces pistes de réorganisation vous paraissent-elles souhaitables, monsieur le ministre ?
J’en terminerai par la police technique et scientifique (PTS), qui illustre parfaitement l’ensemble des enjeux de mutualisation entre les deux forces. En effet, le développement de la PTS « de masse » ne sera soutenable, dans un cadre budgétaire contraint, qu’au prix de lourds efforts de mutualisation entre elles. D’où ma dernière question : une réforme d’ampleur de la « filière » commune de PTS est-elle envisagée ?
M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Sécurité civile. Je me réjouis d’avoir une nouvelle fois le privilège de rapporter devant vous, au nom de la Commission des lois, l’avis budgétaire relatif aux crédits de la Sécurité civile, non seulement en raison de l’intérêt que je porte à ce thème, mais aussi parce que ce sujet transcende les clivages entre familles politiques et nous permet de nous retrouver sur la question essentielle de la sécurité de nos concitoyens. Il nous offre également la possibilité, à travers nos débats, de réaffirmer notre reconnaissance, notre admiration et notre soutien aux femmes et aux hommes qui, au sein des équipes de la sécurité civile, s’investissent et risquent leurs vies pour venir au secours des autres.
Les crédits du programme « Sécurité civile », à la différence de nombreux autres postes de dépenses, n’ont fort heureusement pas été trop durement touchés par le contexte budgétaire. S’élevant dans le projet de loi à 439 550 666 euros, ils ont même légèrement augmenté par rapport à l’année dernière.
Néanmoins, d’un avis budgétaire à l’autre, j’ai pu constater la fragilisation progressive de la situation de la sécurité civile française. Cette fragilisation porte sur les moyens humains, et plus particulièrement sur les sapeurs-pompiers volontaires dont les effectifs diminuent de façon inquiétante, sur la gouvernance, dans le contexte actuel de réformes territoriales de grande ampleur, et sur les moyens matériels, notamment les hélicoptères.
Ce sont ces trois thèmes que j’ai souhaité approfondir dans cet avis budgétaire, afin que celui-ci puisse contribuer à l’identification de solutions, non seulement nécessaires, mais aussi urgentes, pour assurer la pérennité de notre sécurité civile, ce modèle français auquel, monsieur le ministre, je vous sais attaché ; j’ai pu le constater lors de votre visite dans le département de la Lozère.
J’évoquerai d’abord le volontariat, qui connaît depuis de nombreuses années une crise démographique préoccupante. En dix ans, pas moins de 14 000 volontaires sont partis sans pouvoir être remplacés : les effectifs, depuis 2004, sont passés de 207 000 à 193 000. En cinq ans, pas moins de 600 casernes ont dû fermer sur tout le territoire. Or les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % du contingent des pompiers français. La préservation du volontariat revêt donc un caractère essentiel.
À mon initiative, le Parlement, en 2011, a doté les volontaires d’un statut plus clair, plus protecteur et plus valorisant. Votre prédécesseur a poursuivi l’effort sur les volontaires et a conclu, en octobre 2013, l’Engagement pour le volontariat dont les vingt-cinq mesures ont vocation à stopper l’hémorragie actuelle. Si je ne peux que saluer cette initiative, à laquelle j’ai participé en qualité de représentant de l’Association des Maires de France, je reste sensible à ce qu’elle ne se limite pas à des annonces sans suite, à un effet d’affichage stérile. Des actions concrètes sont indispensables, assorties d’un dispositif de suivi précis, qui serait parallèle à l’action du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, créé par la loi de 2011.
Je suis naturellement prêt à m’investir personnellement dans cette tâche essentielle à l’enrayement de la diminution des effectifs, et me tiens, pour ce faire, à votre disposition. Des mesures, qui pourraient être réglementaires, me paraissent devoir être rapidement prises pour fournir aux volontaires salariés un crédit d’heures au sein de leurs entreprises, notamment pour pouvoir se former, sans que cela soit à la charge de ces dernières, et pour octroyer aux employeurs privés de volontaires des aides fiscales. À cet égard, je ne peux que déplorer, comme l’année dernière, l’absence d’éléments sur le mécénat d’entreprise, prévu par la loi du 1er août 2003. Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de nous fournir des précisions sur l’impact concret de ce dispositif ? Bercy est toujours resté très silencieux sur l’impact de la loi sur le mécénat, dans le secteur des pompiers volontaires.
Plus généralement, disposez-vous d’éléments ou de projections concernant certaines des mesures prévues par l’engagement de 2013 ? Pourriez-vous notamment indiquer les modalités envisagées pour faciliter l’accès des volontaires aux logements sociaux ? Cette question est stratégique, dans la mesure où, en plus d’assurer une stabilité matérielle bienvenue aux sapeurs-pompiers volontaires, elle garantit aux intéressés une proximité géographique avec leur caserne.
Enfin, disposez-vous d’informations concernant l’avancement des négociations sur le projet de directive européenne, consacré au temps de travail, dont les orientations risquent de mettre à mal le principe même du volontariat français ? J’insiste sur le volontariat, car, depuis quatre ans, malgré la loi de 2011 et en dépit du plan national, on constate toujours une perte de SPV, qui se considèrent comme des supplétifs par rapport à des professionnels et qui se sentent aujourd’hui mal aimés.
Le deuxième thème principal de l’avis porte sur la gouvernance des Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et leur articulation avec les autres acteurs de la sécurité civile. Deux points appellent plus particulièrement des observations.
Tout d’abord, selon quelles modalités les associations agréées de sécurité civile pourraient-elles voir leur rôle renforcé dans la gestion de crises ? Au regard des moyens et de l’expérience dont elles disposent, il s’agit en effet d’une précieuse ressource dont il convient de tirer le meilleur parti possible.
Ensuite, s’agissant des projets de réforme territoriale, vous avez, à l’occasion du Congrès national des sapeurs-pompiers, tenu en Avignon au début du mois, fourni plusieurs garanties, dont la pérennité du département comme structure administrative et le maintien du volume financier des SDIS. Une poursuite de la gouvernance actuelle apparaît donc possible.
Est-elle pour autant souhaitable ? Je ne le crois pas, ou plutôt, je crois qu’il nous faut profiter de l’opportunité créée par ces réformes pour améliorer la gouvernance de nos services d’incendie et de secours. Cette amélioration passe d’abord par une réaffirmation des communes et des intercommunalités, acteurs de proximité essentiels, mais qui se sentent délaissés au profit des conseils généraux. Elle suppose ensuite une mutualisation de certaines fonctions, notamment logistiques, à un échelon territorial pertinent. Elle appelle enfin un pilotage national nécessaire afin de fournir des orientations claires à une politique régalienne, aussi indispensable que l’est la sécurité civile.
Ce souci d’un meilleur pilotage se retrouve dans le troisième axe développé par l’avis et consacré aux moyens héliportés.
Face aux résultats mitigés de la mutualisation des flottes héliportées de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale, quelle solution vous paraît devoir être adoptée afin de renforcer l’efficience de la « flotte rouge », sans gaspillage d’argent public et d’énergie ? Le statu quo est inacceptable ; les obstacles financiers dus à la maintenance, à l’approvisionnement en carburant et à l’adaptation technologique des appareils ne pourront être surmontés qu’au travers de mesures énergiques et ambitieuses.
À cet égard, une solution que j’avais déjà abordée l’année dernière devant votre prédécesseur me paraît opportune : l’unification des flottes de la sécurité civile et de la gendarmerie, associée à leur rationalisation. Cette rationalisation suppose une réduction du nombre d’appareils et un meilleur maillage territorial pour adapter le volume des flottes aux besoins réels. Elle me semble indispensable ; elle pourra au demeurant être associée à des dispositifs de renforts ponctuels, tels que le détachement saisonnier.
Enfin, après un été tumultueux entre votre ministère et celui de la santé au sujet de la concurrence entre les hélicoptères « rouges » et « blancs », j’ai pu constater avec satisfaction que l’apaisement prévalait, traduit notamment par la mise en place d’une réflexion concertée entre ces deux acteurs du secours. Pourrait-on envisager, monsieur le ministre, d’aller plus loin dans cette coordination, dont les prémices sont palpables, pour aboutir à une mutualisation des deux flottes ? Quelles sont les perspectives en la matière ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je redoutais de ne pouvoir alimenter le débat, mais vos questions pourraient me permettre de tenir jusqu’à demain matin…
Je rappellerai pour commencer quelques ordres de grandeur, qui permettront de mesurer les efforts que nous faisons en faveur de la mission « Sécurités », définie par le Président de la République et le Premier ministre comme étant prioritaire.
La police et la gendarmerie, vous vous en souvenez, ont connu des déflations d’effectifs extrêmement importantes durant la période 2007-2012 : ce sont, d’un côté, 6 000 emplois, de l’autre, 7 000, soit au total 13 000 emplois qui ont été supprimés. Dans le budget pour 2015, nous confirmons, pour la mission « Sécurités », une orientation définie par le Président de la République et le Premier ministre au début du quinquennat et visant à renverser cette tendance en recréant des postes pour permettre à nos forces d’assumer leurs missions dans de bonnes conditions, compte tenu des défis nouveaux auxquels nous sommes confrontés, et particulièrement à la montée des risques liés au terrorisme. Nous consentons un effort considérable en créant cette année 405 postes ; cette tendance se poursuivra puisque nous en créerons 500 jusqu’en 2017.
Sur les crédits hors titre II nous faisons également des efforts très significatifs. Alors que les crédits d’investissement pour la police, destinés notamment à la rénovation des commissariats, avaient diminué de 17 % durant la période 2017-2012, nous reprenons un effort assez significatif à la hausse : + 22 % d’autorisations d’engagement, + 9,7 % de crédits de paiement. Je le dis pour tous ceux qui considèrent qu’il n’y a pas assez de policiers, alors qu’ils ont soutenu des budgets dans lesquels on en a supprimé beaucoup, ou qu’il n’y a pas suffisamment d’efforts d’investissements, alors que, dans une période assez récente, les crédits d’investissement avaient diminué de 17 %. Car créer des postes de policiers et de gendarmes, si ceux-ci ne sont pas correctement équipés, ne sert absolument à rien ; c’est la raison pour laquelle le Premier ministre et le Président de la République ont souhaité que 108 millions d’euros soient affectés à l’équipement de nos forces, dans le cadre du programme dit « Sécurité 3.0 », au cours des trois prochaines années.
Pour ce qui concerne la gendarmerie, vous avez insisté, monsieur Boisserie, sur la nécessité d’investir de façon significative dans les casernes. Le logement des gendarmes est consubstantiel à leur mission ; créer des conditions de logement convenables pour les gendarmes, c’est aussi créer les conditions d’un bon déploiement de leurs missions sur le territoire national. Là aussi, alors qu’il y avait une diminution des crédits, 70 millions d’euros seront affectés au logement des gendarmes au cours des trois prochaines années.
En ce qui concerne la sécurité civile, vous avez évoqué vingt-cinq mesures en faveur du volontariat. Ces engagements ont été pris par le Président de la République et le Premier ministre à Chambéry, en octobre 2013 ; il nous appartient de les faire vivre.
Après ce cadrage général rappelant des ordres de grandeur, des priorités politiques et quelques évolutions de crédits, je vais entrer dans le détail en répondant aux rapporteurs.
Monsieur Galut, vous constatez les efforts que nous faisons, mais vous, vous vous demandez s’il y a une adéquation entre ces efforts et la nécessité de combler des retards accumulés depuis longtemps. C’est une question que je me pose moi-même, et je me suis mobilisé afin que nous ayons un budget convenable. Pour ce qui concerne les automobiles, nous avons obtenu, en fin de gestion 2014, des dégels de crédits significatifs, qui permettront de commander 2 000 véhicules avant la fin de l’année 2014. Ces véhicules permettront à nos forces d’atteindre un niveau d’équipement conforme aux objectifs que mon prédécesseur s’était assignés à lui-même et que, dans mes fonctions de ministre du budget, j’avais accompagnés de ma bienveillance. Le Premier ministre a, à son tour, accompagné de sa bienveillance les demandes que j’avais formulées pour tenir les engagements qu’il avait pris à une autre époque…
Au 1er janvier 2014, le parc automobile se composait de 28 190 véhicules, répartis entre les deux-roues, les véhicules légers et les véhicules utilitaires. Entre 2009 et 2014, le nombre de véhicules, dans la police, a sensiblement diminué – environ moins 8,7 % –, le parc ayant été ramené à 2 418 véhicules. Toujours au 1er janvier 2014, l’âge moyen des véhicules était de six ans, en augmentation constante depuis 2008. Un plan exceptionnel a ramené l’âge moyen à 4,8 années. Le renouvellement des véhicules dépend, non seulement de leur âge, mais aussi de leur kilométrage. Pour 2015, le budget prévisionnel est de 40 millions d’euros, afin de remédier à la dégradation du parc automobile. Nous consacrerons 34,4 millions d’euros aux véhicules à quatre roues, 2,6 millions aux deux-roues et 3 millions aux poids lourds. Nous faisons aussi des économies sur l’entretien du parc de véhicules pour dégager des marges de manœuvre, dans le cadre d’une mutualisation avec notamment la gendarmerie.
Le parc automobile de la gendarmerie a également vieilli, avec une durée moyenne de vie des véhicules de sept ans et sept mois et des kilométrages très significatifs. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules, pour un montant de 60 millions d’euros. Cet effort est permis grâce, notamment, à la décision prise par le Premier ministre de dégeler, en septembre 2014, 51,8 millions d’euros dont 28 au titre de l’acquisition de véhicules dans la gendarmerie, soit 1 400 véhicules.
Vous m’avez aussi interrogé, monsieur Galut, sur la lutte contre la cybercriminalité. C’est l’une des priorités qu’avait fixées mon prédécesseur pour 2014, en adoptant un plan ministériel relatif aux cybermenaces. Les deux forces sont largement engagées dans la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, qui résultent de l’utilisation des technologies numériques par les filières organisées du crime.
Le dispositif de prévention et de répression a été considérablement renforcé. Ce plan de lutte contre la cybercriminalité recouvre un certain nombre d’enjeux : la mise en adéquation du dispositif opérationnel, dans nos forces, à la menace, en termes de moyens juridiques, humains et matériels, la prise en compte des contentieux de masse par une approche qui doit être de plus en plus innovante et efficace, compte tenu de la criminalité, et le développement de la coopération internationale. À ce titre, nous réunirons le 6 novembre prochain à Paris un G6, c’est-à-dire une réunion restreinte des ministres de l’intérieur de l’Union européenne, où la question de la cybercriminalité et de son lien avec le terrorisme sera abondamment abordée.
J’en termine par le développement des partenariats industriels et académiques.
L’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, en application d’un décret pris en 2000, coordonne l’ensemble des actions relatives à la lutte contre cette forme de criminalité. Outre les améliorations mises en œuvre par le travail de l’OCLCTIC, je nommerai d’ici à la fin de l’année un préfet coordonnateur en charge de la lutte contre la cybercriminalité, qui coordonnera notre action et qui travaillera à la mise en relation de nos propres services avec les services du ministère de l’économie et des finances. Vous avez travaillé avec moi, dans une autre configuration, sur la lutte contre la fraude fiscale ; vous savez à quel point les grands fraudeurs utilisent les moyens numériques et les technologies modernes de communication pour commettre leurs méfaits. Nous avons, dans ce domaine, un travail important à mener et, de ce point de vue, le préfet en charge de la lutte contre la cybercriminalité sera très utile pour assurer cette coordination.
Vous avez insisté à juste titre, monsieur Galut, sur le rôle du médiateur interne de la police nationale, dont la fonction a été créée par la circulaire du 31 décembre 2012. M. Frédéric Lauze, inspecteur général de la police nationale, a été nommé à ce poste en janvier 2013. Ainsi que vous l’avez souligné, sa mission est très utile, voire stratégique : il favorise la prévention et la diminution des contentieux entre les citoyens et la police nationale ; il donne à l’administration l’occasion de mieux expliquer ses actions ; il trouve une solution à des problèmes et stoppe les dynamiques conflictuelles ; il émet des avis indépendants qui visent à proposer des solutions dans les situations de litige ou de contentieux entre l’administration et l’administré. Ce travail est important et doit être encouragé.
Je réponds maintenant aux questions que M. Lebreton et M. Morel-A-L’Huissier m’ont posées sur la sécurité civile.
La loi de finances pour 2014 a opéré la fusion des deux programmes de sécurité civile, qui peinaient à atteindre une taille critique : 168 millions d’euros pour l’un, 280 millions pour l’autre. Leur regroupement facilite la gestion, donne une assiette financière beaucoup plus large, permet des redéploiements et une fongibilité entre les actions, offre davantage de possibilités au ministère de l’intérieur pour répartir les gels entre différents postes – nous essayons de les concentrer sur des postes qui ont vocation à être mécaniquement dégelés, afin précisément d’obtenir plus facilement ces dégels. La fusion ne nuit en rien à l’identification de la sécurité civile comme une activité spécifique : elle apparaît très clairement comme un programme au sein de la mission « Sécurités ».
J’en viens aux grandes priorités du budget de la sécurité civile pour 2015. Premier objectif : le maintien en condition opérationnelle de nos équipements – essentiel pour assurer une couverture du territoire face aux risques sécuritaires à tout moment –, ainsi que la modernisation et le fonctionnement des moyens nationaux de sécurité civile. Cela concerne toute la palette des instruments dont nous avons besoin pour intervenir sur les théâtres où peuvent se produire des inondations ou des incendies sérieux : bombardiers d’eau, hélicoptères, formations militaires de la sécurité civile, crédits d’urgence, etc. Deuxième objectif : poursuivre les grands programmes d’investissement dans les infrastructures de communication – notamment dans le réseau ANTARES – et le soutien de l’État à d’autres structures d’intérêt national, telles que le Centre d’alerte aux tsunamis et le Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive.
Je me suis exprimé sur la réforme territoriale et les services départementaux d’incendie et de secours à l’occasion du congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon il y a quelques semaines. Je répète ce que j’y ai dit : la réforme territoriale ne compromet pas l’organisation des SDIS. Cela tient tout d’abord à la structure de financement particulière de ces services : le budget global des SDIS s’élève à 4,8 milliards d’euros. Les intercommunalités, on ne le sait pas assez, apportent 41 % de ce budget et les départements prétendent financer le solde, oubliant que sur ces 2,3 à 2,5 milliards d’euros qu’ils s’attribuent, 800 millions à 1 milliard correspondent à l’affectation par l’État aux départements d’une partie du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance.
M. Éric Ciotti. Ce n’est pas exact.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Si. Ces éléments sont incontestables et je les tiens à votre disposition. Et si cela ne correspond pas à la réalité, je vous convie dans le meilleur restaurant de votre choix à Paris…
M. Éric Ciotti. Je prends le pari ! Et si vous avez raison, je vous convie à Nice…
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Et comme je vous sais extrêmement gourmand et gourmet, j’ai conscience de prendre un risque considérable : c’est dire à quel point je suis sûr de ce que j’avance. Les départements ont fait beaucoup pour les SDIS – il faut le reconnaître –, mais la contribution qu’ils affichent en matière de financement des SDIS ne correspond pas à la réalité. Le dispositif est en réalité assez équilibré. Aussi, compte tenu du montant de la contribution financière de l’État et du rôle de garant qu’il joue en matière d’égalité des citoyens devant les secours d’urgences aux personnes et les SDIS, compte tenu par ailleurs du développement de la coopération européenne et de l’engagement de plus en plus fréquent de nos forces sur des théâtres européens, j’estime, en ma qualité de ministre de l’intérieur, que l’État doit contribuer à définir les orientations de la politique nationale de sécurité civile ; celle-ci ne peut pas se résumer à la juxtaposition des politiques des différents SDIS.
S’agissant de l’assise territoriale des SDIS, même si les conseils départementaux devaient disparaître dans un certain nombre de territoires où le fait urbain est prédominant, le département lui-même ne disparaîtra pas : il restera une circonscription administrative de l’État. C’est même à l’échelon du département que doit se faire la déconcentration. Il n’y a donc aucune raison de modifier l’organisation départementale des SDIS. Nous avons d’ailleurs d’autant plus d’intérêt à la maintenir que 80 % des agents des SDIS sont des sapeurs-pompiers volontaires : nous ne pourrions pas préserver le modèle français sans ancrage territorial. L’organisation départementale est de ce point de vue tout à fait optimale.
Quant aux territoires dans lesquels les conseils départementaux viendraient à disparaître, j’ai donné la garantie que les dotations affectées par l’État à ces départements pourraient être utilisées pour le financement des SDIS. Je le confirme devant la représentation nationale. Nous avons réfléchi avec la DGSCGC à la meilleure manière d’organiser territorialement les SDIS et les secours d’urgence aux personnes pour éviter tout préjudice.
En matière de prévention des risques d’inondation, nous menons deux types d’actions. Sur le plan opérationnel, les outils de prévision sont affinés et renforcés. La DGSCGC travaille très étroitement avec Météo-France et le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations : cela nous a permis d’éviter bien des difficultés lors des récentes inondations dans l’Hérault. Je me suis rendu dans ce département à trois reprises et j’ai constaté, avec les élus locaux, que les services dépendant de la DGSCGC, les autres administrations de l’État compétentes en matière de prévention, Météo-France et les SDIS travaillaient ensemble dans des conditions satisfaisantes.
En ce qui concerne les risques pandémiques, un plan national de prévention et de lutte contre une pandémie grippale a été élaboré en 2009 et 2010 au moment de l’épisode de grippe H1N1 et décliné aux échelons zonaux et départementaux ; actuellement, il sert de matrice pour l’élaboration du plan Ebola par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. D’autre part, nous avons réformé la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de telle manière que le Conseil des ministres se prononce lors de la réunion qui suit immédiatement la catastrophe constatée, afin que le processus d’indemnisation puisse s’engager dans les meilleurs délais.
Vous m’avez également interrogé, messieurs, sur l’état d’avancement d’un certain nombre de grands dossiers qui concernent la sécurité civile. Le déploiement du réseau ANTARES se poursuit conformément au calendrier prévu. Nous pensons que l’objectif de couverture de 100 % des SDIS à l’horizon 2017 sera tenu. En 2015, malgré les contraintes budgétaires, l’État consacrera 17,7 millions d’euros en crédits de paiement et 7,6 millions en autorisations d’engagement à la poursuite du développement d’ANTARES. Quant au Centre d’alerte aux tsunamis, il est opérationnel depuis le 1er juillet 2012 et a confirmé sa pertinence. Sa mission est d’alerter les autorités dans les quinze minutes qui suivent un événement potentiellement dangereux et d’avertir les centres d’alerte relais. À terme, il pourra surveiller l’océan Indien et les Antilles françaises. L’État a financé la totalité des investissements et appuiera les missions de ce centre. Enfin, la mise en place du centre civilo-militaire de formation NRBCE se poursuit. L’objectif est de rapprocher les formations et de disposer d’une compétence unifiée en matière de risques NRBCE.
J’ai fait un point précis sur le plan d’action pour le volontariat devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Avignon. Nous nous employons à le mettre en œuvre de façon précise, cadencée et volontariste. Au cours des dernières semaines, nous avons lancé une grande campagne nationale de communication baptisée « Sapeur-pompier + volontaire = moi aussi ». Elle s’intensifie actuellement. D’autre part, nous sommes en train de négocier des conventions avec les grands employeurs pour aménager le temps de travail afin de faciliter l’engagement citoyen. De telles conventions ont déjà été signées avec l’Association des maires de France, AREVA et les services de remplacement des salariés agricoles. Cette démarche implique aussi un grand nombre de collectivités territoriales. Mon objectif est de conclure des conventions de ce type avec le maximum d’acteurs socio-économiques afin de faciliter l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Nous incitons en particulier les jeunes à devenir sapeurs-pompiers : la formation initiale et les conditions d’aptitude médicale ont été aménagées à cette fin. L’insertion professionnelle des jeunes est encouragée avec la rénovation du baccalauréat professionnel « sécurité-prévention ». Enfin, nous préparons avec la ministre du logement des dispositions destinées à favoriser l’accès des sapeurs-pompiers volontaires au logement social, y compris dans des conditions incitatives. La demande est très forte en la matière. Je souhaite que nous puissions travailler sur ce sujet avec les grands bailleurs sociaux, dans l’intérêt des territoires et du développement du secours aux personnes.
En ce qui concerne le projet de directive communautaire relatif au temps de travail, nous poursuivons notre mobilisation afin que le modèle français en matière de secours, qui repose sur la juxtaposition entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, ne soit pas remis en cause. D’autres États membres présentant un modèle comparable au nôtre, les sapeurs-pompiers volontaires se sont rassemblés à l’échelle européenne et sont intervenus auprès de la Commission pour tenter de la convaincre. Des contacts ont été pris avec la nouvelle Commission, qui n’a pas encore pris ses fonctions. Elle semble assez compréhensive à l’égard des demandes formulées.
S’agissant de la flotte d’hélicoptères du ministère de l’intérieur, la coordination opérationnelle entre la gendarmerie et la sécurité civile monte en puissance. Elle est déjà effective au centre de maintenance de Nîmes-Garons. En visitant cette base cet été, j’ai pu constater que les hélicoptères bleus et rouges étaient désormais entretenus par des équipes intégrées qui font un travail remarquable. Les techniciens échangent leur expérience et suivent des formations communes. Il convient de conforter ce centre de maintenance et de faire en sorte que l’expérience continue à se développer positivement. Je souhaite d’ailleurs aller plus loin encore dans la mutualisation de la maintenance des flottes d’hélicoptères qui concourent à la sécurité civile, en intégrant notamment les hélicoptères blancs. Il n’y a pas de raison de ne pas le faire à un moment où l’argent public est rare. J’ai saisi le Premier ministre par lettre en ce sens.
En ce qui concerne la modernisation des moyens nationaux, je ne reviens pas sur le transfert de la base de Marignane à Nîmes-Garons que j’ai déjà évoquée. Par ailleurs, je vous confirme que le renouvellement des contrats de maintenance est en cours. Il doit permettre d’améliorer le taux de disponibilité opérationnelle et de réaliser des économies. Les discussions avec les différents prestataires s’étant révélées insatisfaisantes, le marché a été déclaré infructueux. Cependant, nous relançons le processus de manière à aboutir à un dispositif conclusif. Pour ce qui est du renouvellement de la flotte de bombardiers d’eau Tracker d’ici à 2020, le choix interviendra en 2015.
Je sais, monsieur Boisserie, à quel point le budget de la gendarmerie vous tient à cœur. Vous vous mobilisez en permanence et de manière très efficace sur ce sujet. S’agissant de la mise en réserve des crédits de la gendarmerie, je suis comme vous obsédé par le dégel, avant même que le gel n’intervienne : je tiens à m’assurer que les crédits votés par le Parlement sont utilisés en totalité. Je partage votre analyse sur ce point. Chaque année depuis 2012, nous avons obtenu des dégels importants pour la gendarmerie nationale : 64 millions d’euros en 2012, 69 millions en 2013, 52 millions en 2014. Pour 2015, nous devrons à nouveau nous mobiliser. Les discussions auront lieu le moment venu et je ne peux pas vous indiquer aujourd’hui le niveau des crédits mis en réserve ni les conditions dans lesquels le dégel pourra intervenir. Je peux simplement vous dire que, jusqu’à présent, nous avons réussi à faire en sorte que les crédits nécessaires à l’exercice de leur mission par nos forces soient débloqués dans de bonnes conditions. Tel a notamment été le cas en septembre dernier.
La création du SAELSI a permis d’optimiser les achats. Néanmoins, ainsi que vous l’avez relevé, la massification des marchés n’est qu’un des leviers de la performance en matière d’achats. Les gains issus de cette massification pour les marchés notifiés en 2014 notamment par le SAELSI ne représentent qu’un peu plus de 20 millions d’euros sur les 88 millions qui ont déjà été enregistrés. Mais nous espérons que la montée en puissance de la mutualisation et de la politique des achats permettra d’obtenir des résultats plus significatifs.
La protection des centrales nucléaires est un sujet que j’ai eu à connaître à Cherbourg. Les centres nucléaires de production d’électricité sont classés « points d’importance vitale ». La création d’un délit spécifique d’intrusion à l’intérieur des CNPE fait l’objet de réflexions au sein de différents ministères, en particulier de ceux de l’intérieur et de la justice. La coordination interministérielle est menée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Monsieur Popelin, l’objectif de convergence des logiciels de rédaction des procédures de la police et de la gendarmerie est pertinent. Mais, si les deux logiciels ont le même usage en front office – la rédaction des procédures –, tel n’est pas le cas en back office : à la différence du LRPGN, le LRPPN sert également à l’élaboration des statistiques de la police nationale. De même, l’organisation des deux logiciels est différente. Nous devons donc prendre un minimum de précautions en matière de convergence.
La formation continue est un domaine intéressant pour la mutualisation, en même temps qu’un sujet sensible. Si la formation initiale doit rester du ressort de chaque force, il est possible d’aller beaucoup plus loin – j’en suis convaincu – dans la mutualisation de la formation, notamment des formations spécialisées que vous avez citées, monsieur Popelin. Il convient de s’appuyer sur les pôles d’excellence de chaque force et d’identifier les économies potentielles en termes d’investissement, notamment dans l’immobilier. Ce chantier doit être relancé, sans renoncer à chercher des éléments de mutualisation avec d’autres ministères, notamment avec celui de la défense en matière de cynotechnie ou d’interventions en montagne, comme cela se pratique déjà dans le domaine de la plongée. Des travaux ont été engagés et vont se poursuivre pour certaines formations techniques, notamment pour celle des unités motocyclistes et celle des unités cynophiles.
La CORAT a pour objectif de renforcer l’efficacité des forces de gendarmerie et de police dans le respect des compétences et de la culture professionnelle de ces forces, notamment dans les zones limitrophes jouxtant la zone gendarmerie nationale et la zone police nationale, ainsi que dans les zones de sécurité prioritaires mixtes. Concrètement, cela passe par plusieurs éléments : l’approfondissement de la coopération opérationnelle au niveau des responsables départementaux ; le renforcement de la coordination dans le domaine judiciaire ; le partage de l’information opérationnelle en temps réel ; l’amélioration de la coordination en matière d’emploi des moyens spécialisés et dans les situations d’urgence. Nous sommes déterminés à avancer sur l’ensemble de ces sujets.
En ce qui concerne les salles de commandement départementales, je suis très favorable à l’extension du traitement des appels par des plates-formes communes, afin que chaque centre opérationnel n’ait à traiter que ce qui le concerne.
Le maillage territorial de la police et de la gendarmerie doit continuer à évoluer. Nous procédons à des redéploiements réguliers et permanents à l’échelle nationale. Je souhaite qu’ils puissent se faire dans la concertation, afin d’éviter les heurts. Nous déployons des policiers là où intervenaient auparavant des gendarmes, et inversement, afin de tenir compte de la spécificité d’un certain nombre de zones et d’être ainsi plus efficaces. Les redéploiements assez significatifs que nous avons effectués cette année ont fait peu parler d’eux, car ils ont été conduits dans le cadre d’un dialogue aussi étroit que possible avec les personnels. Nous poursuivons les redéploiements sur plusieurs axes routiers, notamment sur l’autoroute A 36.
Nous avons engagé la mutualisation entre la police et la gendarmerie au moyen de trois grands outils : le SAELSI, les SGAMI et le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure dit STSI2. Nous allons poursuivre ces efforts. En 2015, la mutualisation pourrait s’intensifier dans deux domaines : la cybercriminalité et la police scientifique et technique. La mise en commun de certains outils peut permettre non seulement de réaliser des économies et de dégager des marges de manœuvre, mais aussi de faciliter le travail d’élucidation.
M. Hugues Fourage. En 2012, un Français sur deux ne faisait plus confiance à sa police. De son côté, le personnel était amer, voire démoralisé, en raison de l’absence d’objectifs clairs, qui avaient laissé place à une politique du chiffre effrénée. Le nouveau gouvernement a donc trouvé non seulement une situation dégradée et un outil obsolète, mais aussi des Français exigeants en matière de sécurité et un personnel impatient de voir sa situation s’améliorer. Dès 2012, le Gouvernement a assuré que le budget de la sécurité serait prioritaire, au même titre que ceux de la justice et de l’éducation nationale. Prioritaire, ce budget l’est resté depuis lors : en 2013, des moyens ont été débloqués dans la mesure du possible ; en 2015, le budget augmentera, certes trop modestement aux yeux de certains, mais conformément à nos capacités budgétaires, que chacun connaît.
En 2014, nous avons voté la mise en place de nouveaux outils juridiques en matière de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance, de géolocalisation et de lutte contre le terrorisme, notamment contre sa forme actuelle, le djihadisme. Ces outils vont dans le sens d’une réelle modernisation. Dans la même logique, la présentation stratégique de la mission « Sécurités » donne la priorité à la poursuite globalisée des délinquances : l’amélioration de la sécurité quotidienne implique de lutter contre les réseaux, notamment contre le vol et le trafic international de voitures. Dans le cadre de cette mission, la sécurité est envisagée dans sa dimension globale, tant à l’échelon local que national, voire international. Cette approche, qui consiste à se battre sur tous les fronts, est à la fois réaliste et novatrice. Les députés du groupe SRC soutiennent bien évidemment votre politique, monsieur le ministre.
M. Éric Ciotti. Je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez finalement obligé de m’inviter, mais ce sera avec grand plaisir : nous avons d’excellentes adresses à Nice… En effet, si la TSCA a été effectivement transférée aux départements par l’article 53 de la loi de finances pour 2005, ce transfert avait été gagé par une réduction à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement : c’est donc bien l’État, et non les départements, qui a réalisé une économie. Les départements assument seuls la charge des SDIS.
Le budget que vous nous présentez s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour la sécurité de nos concitoyens, ainsi qu’en témoignent les derniers chiffres de la délinquance : les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes ont augmenté de 2,64 % entre août 2013 et août 2014 ; les atteintes aux biens ont connu une hausse de 0,8 % et les cambriolages, de 0,7 %. De plus, la présentation de ce budget intervient à un moment où, d’une part, le risque terroriste n’a jamais été aussi élevé dans notre pays et où, d’autre part, les flux migratoires explosent tant à Calais qu’à Menton – où 20 000 immigrés clandestins ont été interpellés depuis le mois de mars.
Face à cette situation très préoccupante et à ce degré élevé de menace, le budget ne nous paraît pas correspondre aux enjeux. S’agissant des augmentations d’emplois que vous évoquez, je vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget de 2013, qui souligne la forme de supercherie que contient votre discours en passant sous silence l’écart considérable qui se confirme d’année en année entre le plafond d’emplois annoncé en loi de finances initiale et son exécution, dont vous ne parlez guère. En exécution, le nombre d’emplois dans la police et la gendarmerie nationales a baissé de 1 200 entre 2011 et 2013. La Cour explique très précisément ce phénomène à la page 34 de son rapport et fait le commentaire suivant, lui aussi très clair : « Malgré la volonté affichée de donner une visibilité accrue aux forces de l’ordre, la gestion suivie paraît obéir à une logique rigoureusement inverse. » Je ne voudrais pas qu’on laisse perdurer l’idée que les emplois augmentent ! Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP s’opposera à ce budget, qui ne répond en rien aux urgences de la situation que connaît notre pays.
M. Michel Zumkeller. Pour le groupe UDI, la mission « Sécurités » concerne une des prérogatives essentielles de l’État : assurer la protection de nos concitoyens et améliorer l’efficacité de la lutte contre la délinquance. Or les forces de l’ordre doivent faire face, dans des conditions difficiles, à une délinquance qui ne cesse de croître et qui devient toujours plus violente. En effet, les chiffres sont mauvais et, fait récent, la délinquance touche particulièrement les territoires ruraux.
Comme l’an dernier, ce budget en légère hausse est présenté comme salvateur pour la sécurité de notre pays, mais nous craignons qu’il ne s’agisse seulement d’un budget d’affichage. Il se résume à la création de 405 emplois supplémentaires dans la police et la gendarmerie, chiffre identique à celui qui était prévu dans le PLF pour 2014. Compte tenu des 1 200 postes non pourvus, nous risquons de ne pas voir les effets de cette politique sur le terrain. En outre, il conviendrait de remédier à l’inégalité persistante dans la répartition des effectifs de police d’un département à l’autre.
La réalité quotidienne des forces de police et de gendarmerie est devenue très problématique. Les équipements essentiels – véhicules, téléphones portables, ordinateurs – manquent. L’essence est pratiquement rationnée dans certains départements. Le renouvellement du parc automobile de la gendarmerie nécessiterait l’achat de 3 000 véhicules par an, alors que 2 000 seulement sont prévus pour 2015. L’an dernier, le ministre de l’intérieur avait obtenu le dégel de 111 millions d’euros, chiffre que nous avions jugé insuffisant au regard des difficultés de fonctionnement que connaissent la gendarmerie et la police. Qu’en sera-t-il cette année ?
Enfin, concernant le programme « Sécurité civile », le groupe UDI souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour endiguer la crise du volontariat qui sévit chez les pompiers. Il convient de rendre l’engagement volontaire plus attractif par une politique nationale ambitieuse. Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera contre les crédits de cette mission.
M. André Chassaigne. L’ensemble de la mission « Sécurités » figure au rang des priorités affichées par le Gouvernement. Cela étant, les crédits ne progressent que légèrement, avec une enveloppe de 12,17 milliards d’euros en 2015, soit une hausse de 0,2 % contre 1 % l’an dernier. En réalité, il s’agit d’un budget stable par rapport à 2014. Il prévoit, comme l’année dernière, la création de 405 emplois dans la police et la gendarmerie. Les crédits des différents programmes sont tous en augmentation, sauf ceux de la sécurité routière, qui reculent de 5,7 %. Le budget de la police nationale progresse de 0,7 % et celui de la gendarmerie nationale, de 1,6 %. Mais les crédits de l’action « Ordre et sécurité publics » baissent de 4,7 % et ceux des missions qui relèvent de la sécurité routière de 17,8 %.
En ce qui concerne la police, je cite les propos tenus par un ancien directeur général de la police nationale : « L’Intérieur a beau mettre en avant un budget global préservé, il ne dit pas tout. Sur les 9 milliards de budget de la police, 8 milliards concernent les traitements et pensions. Mais les crédits de fonctionnement ne cessent de baisser : de 1,2 milliard d’euros en 2010 à 900 millions aujourd’hui. » De fait, les syndicats dénoncent unanimement depuis des années une paupérisation de la police, notamment pour ce qui est des moyens matériels, obsolètes ou périmés.
Quant à la gendarmerie nationale, elle sort de dix années de réforme, pendant lesquelles toutes les marges de manœuvre ont été exploitées en matière de maîtrise de la dépense, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Je rappelle à nos collègues de droite que 6 700 postes ont été perdus au cours de la précédente législature, notamment entre 2008 et 2012. Les réductions d’effectifs ont lourdement pesé sur le service quotidien.
J’appelle plus particulièrement votre attention sur la nécessité de maintenir une présence des gendarmes en milieu rural. En effet, depuis quelques années, la délinquance en milieu rural est en augmentation constante : de septembre 2013 à août 2014, 11 158 vols dans les exploitations agricoles – hors vols de carburant et de tracteurs – ont été déclarés aux services de police et de gendarmerie, soit une augmentation de 60 % par rapport à 2009. Afin de dégager des marges de manœuvre financières, la gendarmerie a entrepris, semble-t-il, une réforme de ses échelons de commandement territoriaux ; l’objectif est de gagner en performance et de libérer des effectifs qui pourraient être redéployés dans les zones où les enjeux de sécurité sont les plus importants. Encore faudrait-il que cela ne se fasse pas au détriment des territoires ruraux !
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je vous remercie de votre action et de vos paroles, monsieur le ministre, concernant les inondations dramatiques qui ont touché de nombreuses localités de l’Hérault, des Hauts cantons jusqu’au littoral, de Lamalou-les-Bains jusqu’à Montpellier.
Je vous remercie également pour la mutualisation de la maintenance de la flotte d’hélicoptères – les bleus de la gendarmerie, les rouges de la sécurité civile et les blancs du SAMU –, notamment sur la base de Nîmes. Cela ne va pas sans difficulté, car les imputations budgétaires et les cultures ne sont pas les mêmes. D’une manière générale, l’effort de rationalisation que vous avez conduit permet de disposer d’un budget de la sécurité civile évolutif et stabilisé sur trois ans : 439 millions d’euros, puis 435 millions, puis à nouveau 439 millions. Vous parvenez à tenir les budgets tout en augmentant les effectifs, grâce à la rationalisation des missions, au dialogue avec les services et à la construction d’outils communs. L’inflation constante n’est pas une fatalité.
S’agissant de la diminution du nombre de pompiers volontaires – de 200 000 à 137 000 –, il faut aussi s’interroger sur le changement de monde que nous vivons : nous assistons à un rééquilibrage en faveur des villes et au détriment des campagnes, ainsi qu’à une évolution des attitudes à l’intérieur des familles, où l’on devenait auparavant pompier de père en fils, voire de père en fille. Ainsi que vous l’envisagez, il convient en effet de lancer une vaste réflexion nationale et un grand chantier dans les départements qui sont très impliqués dans la gestion des SDIS – ils le sont tous, notamment l’Hérault.
Quant au déminage, il ne concerne plus seulement les armes anciennes : il prend une dimension nouvelle avec le développement du terrorisme. Enfin, on parle peu du deep web – l’internet caché –, qui constitue pourtant un nouvel espace pour la grande criminalité, non seulement le terrorisme, mais aussi le trafic de drogue et la traite des êtres humains. Quel est votre sentiment sur ces questions, monsieur le ministre ?
M. Philippe Goujon. Ainsi que viennent de l’évoquer tous les orateurs, la police et la gendarmerie ont déjà bien des difficultés à remplir leur mission. Or, comment vont-elles faire pour assumer le surcroît de travail que va leur apporter la loi Taubira du 15 août 2014 ? En effet, cette loi a décidé d’un transfert de charges très lourd de la justice vers la police – notamment en matière de suivi de la contrainte pénale et de transaction pénale – qui ne s’accompagne d’aucun transfert de moyens correspondant. De plus, d’autres évolutions de la procédure pénale auront un impact considérable sur le fonctionnement des services et sur la qualité des investigations qu’ils mènent. La réforme de la garde à vue et celle de l’audition libre, notamment, vont alourdir les tâches administratives des policiers et des gendarmes. Les formalités multiples représentent aujourd’hui environ les deux tiers du temps consacré à un dossier. Il ne reste donc plus qu’un tiers du temps pour l’enquête, et encore ! Les officiers de police judiciaire passent désormais plus de 40 % de leur mission à des tâches administratives, ce qui contribue au malaise dans la police, voire à une désaffection pour les services de police judiciaire. Comment allez-vous procéder, monsieur le ministre ? Vous devrez soit alléger les procédures, soit renforcer encore les moyens, ce que votre budget ne permet pas de faire.
M. Luc Belot. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les efforts réalisés pour favoriser la présence des policiers et gendarmes sur le territoire, toujours appréciée d’une population à la recherche d’une bien légitime sécurité. Toutefois, la présence de ces hommes, pour utile qu’elle soit, n’est pas toujours suffisante car la délinquance a su, ces dernières années, se nourrir des progrès technologiques et des nouveaux usages des outils numériques. C’est évidemment le cas du terrorisme qui, par ce moyen, forme, recrute et guide vers les lieux de djihad, ainsi que d’escrocs de nouvelle génération, et de façon générale, de toutes les bandes organisées. Il n’est pas pour moi question de hurler avec les loups passéistes contre la nécessaire évolution digitale de notre société, bien au contraire : convaincu de l’utilité de bonnes pratiques et du bon usage de ces outils, j’estime nécessaire que, nos forces de gendarmerie et de police s’adaptent en conséquence. Trop de retard a été pris au cours de ces dix dernières années, notamment avec la politique du chiffre et la diminution des effectifs et du peu d’attention portée à ces enjeux d’équipement. Vous avez évoqué tout à l’heure dans votre propos les moyens nationaux et les coopérations internationales et industrielles face au cyberterrorisme ; mais dans chacun de nos territoires, la modernisation de nos forces est également une urgence, leur équipement en techniques et matériels sophistiqués et leur formation une nécessité. Qu’avez-vous prévu pour faire en sorte que nos policiers et gendarmes puissent remplir leurs missions de prévention comme celles de police judiciaire ?
M. Guillaume Larrivé. Je souhaiterais revenir sur la question du rapprochement entre la police nationale et la gendarmerie nationale, initié par une loi de 2009 – rapprochement qui prouve bien, contrairement à ce que vous venez d’affirmer à l’instant, que sous le quinquennat précédent, nous ne nous sommes pas préoccupés que de chiffres ; nous avons eu le souci d’engager des réformes structurelles que, d’ailleurs, vous poursuivez. Quel bilan tirez-vous de ces cinq années de rapprochement ? Si vous en avez beaucoup parlé du point de vue budgétaire, qu’en est-il sur le plan opérationnel ? Cette politique, que vous n’avez sans doute pas votée en 2009, vous paraît-elle bénéfique ? Quelles perspectives souhaitez-vous lui conférer d’ici à 2017 ?
Au-delà des questions budgétaires, j’attire votre attention sur le respect de l’identité militaire de la gendarmerie nationale alors que, le 2 octobre, une chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu contre la France un arrêt Mately ouvrant la voie à l’introduction des syndicats dans les armées en général et au sein de la gendarmerie nationale en particulier. Il me semble nécessaire que le Gouvernement demande le renvoi de cette affaire Mately devant la grande chambre de la Cour européenne, comme il en a le pouvoir dans les trois mois qui suivent un arrêt de celle-ci. Le rapprochement fonctionnel et opérationnel des deux forces de la sécurité intérieure sera d’autant plus efficace que l’on respectera leurs identités respectives et que le Gouvernement continuera, comme l’ont fait les précédents, à s’opposer à la légalisation des syndicats au sein des armées en général et de la gendarmerie en particulier.
M. René Dosière. Ma question concerne la sécurité dans les outre-mer : en 2013, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a souligné une hausse vertigineuse des faits de délinquance – dans les Antilles, en particulier, où des augmentations à deux chiffres ont été relevées en ce qui concerne les cambriolages de locaux industriels et commerciaux, les violences contre les personnes et la délinquance liée au trafic de stupéfiants, particulièrement forte en raison de la situation géographique de ces territoires. Moins connue, mais tout aussi inquiétante est la situation policière de Saint-Martin, particulière en raison de l’existence de la zone refuge que constitue la partie hollandaise où nos forces de sécurité ne sont pas en mesure d’intervenir. Au début de cette année, le Président de la République a fait part, lors d’un de ses déplacements en outre-mer, de sa préoccupation à l’égard de cette délinquance dans la zone caraïbe et préconisé un renforcement des forces de gendarmerie et des zones de police. Quelles actions ont-elles été menées et sont-elles prévues dans ces régions ? Quels progrès concrets envisagez-vous en matière de coopération policière avec la partie hollandaise de Saint-Martin ?
M. Alain Moyne-Bressand. Empêtrés dans une procédure pénale envahissante, policiers et gendarmes ont de plus en plus de mal à accomplir leurs missions. Cet inquiétant constat émane du rapport de la mission d’information sur la lutte contre l’insécurité présidée par notre collègue Jean-Pierre Blazy. Selon ce document, la réforme de la garde à vue s’est traduite par la multiplication du nombre d’actes de procédure, qui limite par voie de conséquence le temps consacré à l’investigation et à la présence sur le terrain, qui devraient pourtant constituer une priorité. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour réduire la paperasserie et les rapports de toute nature et favoriser la présence de nos policiers et de nos gendarmes sur le terrain ? Un plan de réorganisation des commissariats de police et des gendarmeries est-il prévu au niveau national ?
Par ailleurs, mon collègue Didier Quentin m’a prié de vous interroger concernant les renforts saisonniers de CRS ou de gendarmes, qui se réduisent à une période de quatre, voire trois semaines, dans les stations balnéaires ou touristiques l’été. Le corollaire en est, par exemple, l’augmentation de plus de 40 % des cambriolages dans la circonscription de sécurité de Royan. Qu’envisage le ministère ? Pouvons-nous espérer un retour à deux mois complets de renforts durant ces périodes de pic de fréquentation ?
Mme Catherine Troallic. En matière de sécurité, notre pays possède un atout considérable : un gisement de forces mobiles, de gendarmes et de policiers chargés du maintien de l’ordre, très utile dans la lutte contre la délinquance. Ces femmes et ces hommes peuvent être envoyés partout sur le territoire national à tout moment. Je veux ici leur rendre hommage, saluer leur engagement et leur dévouement. De quelle manière les forces mobiles peuvent-elles être employées ? Nous avons au Havre la chance de disposer en caserne d’un escadron de gendarmerie et d’une compagnie de CRS. En outre, deux zones de sécurité prioritaire (ZSP) ont été créées : les forces qui y sont présentes ont souvent grand besoin de l’appui de leurs collègues CRS ou gendarmes mobiles pour accomplir pleinement leurs missions. Ils ne sont pas seulement une force d’appoint mais aussi une force d’appui. Or ces gendarmes ou CRS peuvent être envoyés vers d’autres régions ; cela a été le cas par exemple il y a quelque temps vers Marseille. De tels déplacements, qui ont un coût, ne sont évidemment pas sans conséquences opérationnelles sur place. Quelles sont vos intentions quant à l’emploi de ces forces mobiles – notamment au regard de la nécessité de lutter contre la délinquance dans les ZSP et de maîtriser les dépenses budgétaires ?
M. Jean-Pierre Decool. L’examen du budget de la sécurité est un moment important du débat au sein de notre assemblée. Je profite de cette prise de parole pour rendre un hommage appuyé aux gendarmes, aux sapeurs-pompiers et aux policiers. Je peux témoigner de la qualité des actions qu’ils mènent dans le cadre de leurs missions, ayant souvent l’occasion de les voir à l’œuvre dans ma circonscription et d’y apprécier l’efficacité de leur engagement. Cette année encore, le manque de crédits de fonctionnement reste criant. Dans la gendarmerie, la situation s’aggrave chaque année et les tensions persistent – qu’il s’agisse de l’entretien des véhicules, de l’accès au carburant ou de l’immobilier de l’État. Composé de 30 000 véhicules, le parc automobile de la gendarmerie se dégrade de façon inquiétante. Dans le Nord-Pas-de-Calais, 20 % des véhicules du groupement ont déjà plus de dix ans d’âge. Le budget 2015 prévoit l’achat de 2 000 véhicules alors que le besoin annuel s’élève à 3 000 véhicules. En outre, pour les années 2013 et 2014, 2 650 véhicules seulement ont été achetés. Le véhicule fait pourtant partie du système d’armes de la gendarmerie de sorte que l’état actuel du parc altère la capacité opérationnelle de cette dernière. Ce constat alarmant est d’ailleurs le même dans la police. Monsieur le ministre, je vous alerte aujourd’hui sur la nécessité de renforcer rapidement les moyens dont disposent la gendarmerie et la police. De ces moyens dépendront leur action de proximité et leur efficacité future. Pour la police, je pense plus particulièrement aux nécessaires travaux de réhabilitation du commissariat de Dunkerque.
Permettez-moi aussi d’évoquer la nécessité pour l’État de soutenir le remarquable modèle français de sécurité civile, qui repose en grande partie sur le volontariat des sapeurs-pompiers. La France compte 250 000 sapeurs-pompiers dont 80 % sont des volontaires. Or, depuis une dizaine d’années, le nombre de ces volontaires diminue dangereusement, ce qui remet en cause la disponibilité des secours pour tous. C’est pourquoi il convient aujourd’hui de concrétiser le plan d’action de vingt-cinq mesures signé par votre prédécesseur, notamment l’encouragement du recrutement de sapeurs-pompiers volontaires par les collectivités territoriales ou encore à l’accès privilégié de ceux-ci aux logements sociaux situés à proximité des casernes.
Mme Elisabeth Pochon. Il est un phénomène qui alourdit le sentiment d’insécurité de nos concitoyens au quotidien : l’usage intempestif d’engins motorisés en milieu urbain – motos, quads. Le coût social de ce phénomène récurrent est très élevé. Les nuisances sonores troublent la tranquillité des habitants, l’été en particulier, et provoquent l’exaspération des populations. Plus grave encore, ces rodéos constituent un vrai danger aussi bien pour ceux qui s’y livrent que pour ceux qui en sont les témoins, voire les victimes. Enfin, les difficultés d’intervention rencontrées par les fonctionnaires de police et les risques importants d’accident que génèrent les interpellations constituent un véritable facteur d’explosion sociale. Souvenons-nous de Villiers-le-Bel. Plus récemment, dans ma circonscription, à Villemonble dans le 93, une course-poursuite s’est terminée par un drame au pied des immeubles, et une femme a perdu un œil lors d’affrontements entre des jeunes et la police. La loi du 26 mai 2008 réglemente la commercialisation et l’utilisation de ces engins, mais son efficacité est limitée. Récemment, une proposition de loi a été déposée par le groupe socialiste afin de lutter contre ces circulations abusives en aggravant les sanctions existantes et en renforçant les pouvoirs de la police en matière de confiscation, mais l’enjeu est moins juridique que pratique. Je tenais donc à vous interpeller quant aux moyens ou techniques nouvelles que vous comptez dédier à la lutte contre ce fléau, et à évoquer la trentième proposition du rapport d’information sur la lutte contre l’insécurité sur tout le territoire : celle-ci vise à étendre le dispositif de caméra piéton ou embarquée à de multiples territoires, ce qui faciliterait l’élucidation et le repérage à moindre risque des contrevenants. L’exploration de cette piste serait-elle envisageable sur le plan budgétaire ? Le nombre de questions posées par les parlementaires à ce sujet au cours des précédentes législatures témoigne de la pérennité de cet enjeu et de la nécessité d’y trouver des solutions concrètes.
M. Jean-Luc Reitzer. Je souhaiterais vous interpeller, monsieur le ministre, au sujet de l’inégale répartition des forces de police, ce à partir d’un exemple précis. Notre assemblée a auditionné récemment M. Falcone, le directeur général de la police nationale, lequel a annoncé que la répartition des effectifs de policiers et de gendarmes sur le terrain devait désormais s’opérer à partir de nouveaux outils de pilotage. Dans ma circonscription du Haut-Rhin se trouve le commissariat de police de Saint-Louis-Huningue qui rayonne sur une circonscription de sécurité publique au carrefour de trois frontières – l’Allemagne, la France et la Suisse – et à proximité immédiate de la ville de Bâle, zone urbaine dépassant les 800 000 habitants. Par sa situation frontalière, ce territoire fait l’objet de nombreux passages et est la porte d’entrée de nombreux trafics. S’y ajoutent un aéroport trinational – le septième de France pour son trafic de passagers – et le plus grand lycée d’Alsace. Quarante-trois personnes sont affectées à ce commissariat, ce qui peut paraître normal pour un établissement de cette importance. À ceci près qu’il s’agit d’un effectif théorique : dans les faits, manquent en permanence une dizaine d’agents, pour des raisons diverses : accidents de travail, dépression, maladie de longue durée… Or, si le travail effectué par le personnel restant est particulièrement remarquable, ce personnel est à bout, usé et fatigué à tel point que l’an dernier, treize agents ont demandé leur mutation. De plus, quatre OPJ seulement sont affectés à ce commissariat pour gérer une circonscription de 30 000 habitants dans une conurbation de près d’un million d’habitants. À titre de comparaison, dans un commissariat voisin, où les délits sont trois fois inférieurs, il y en a dix-sept ! Compte tenu des espoirs que le directeur de la police nationale a fait naître en annonçant l’instauration de nouveaux outils de pilotage, comment pensez-vous pouvoir réagir à la situation particulière du commissariat de Saint-Louis-Huningue, qui me tient particulièrement à cœur ?
M. Patrick Lebreton. L’an passé, j’ai été missionné par le Gouvernement pour réfléchir aux solutions permettant une meilleure intégration professionnelle des ultramarins dans leur région d’origine. Or un des points de crispation que j’ai identifiés concerne les gardiens de la paix originaires des outre-mer qui éprouvent les plus grandes difficultés à obtenir un retour dans leur région d’origine, compte tenu des règles de mutation défavorables en vigueur. Ces blocages sont particulièrement forts en ce qui concerne les gardiens de la paix d’origine réunionnaise qui ne peuvent espérer un retour dans leur île d’origine avant d’avoir effectué plus de vingt-cinq années de service dans l’hexagone. J’ai donc proposé l’octroi d’une bonification pour les agents justifiant d’un centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) et le retour à la règle dite de l’ancienneté de la demande, en lieu et place de celle de l’ancienneté administrative, remise en cause en 2002 par un précédent ministre de l’intérieur. Lors de son déplacement à la Réunion au mois d’août dernier, le Président de la République s’est engagé à prendre en compte ces propositions et à les traduire dans les textes dès le début de l’année 2015. Quel est l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces deux décisions ?
M. Olivier Marleix. Monsieur le ministre, je vous ai trouvé moins précis sur le nombre de véhicules de la gendarmerie que de ceux de la police nationale. Pour ce qui est de la gendarmerie, les bleus budgétaires de l’an dernier et de cette année font état de la disparition d’un millier de véhicules, preuve de l’épuisement du parc. Et il y a quelques jours, j’ai constaté dans la compagnie de Dreux l’existence d’un véhicule d’intervention que l’on essayait tant bien que mal de faire avancer avec 360 000 kilomètres au compteur… C’est dire si la situation est préoccupante.
Ma première question rejoint le propos tenu tout à l’heure par Philippe Goujon lorsqu’il a évoqué ses vives inquiétudes à l’égard de l’exécution des mesures de contrainte pénale : cette préoccupation est largement partagée par l’ensemble des organisations syndicales du ministère de l’intérieur qui ont peur de voir les OPJ se transformer en agents de probation. Le président de Synergie a d’ailleurs eu une formule assez juste, affirmant que la seule contrainte existant dans la loi Taubira, c’est celle que subira la police… Nous aurions donc souhaité connaître l’état de vos échanges avec la chancellerie en la matière.
Ma deuxième question porte sur une proposition avancée par notre collègue Jean-Pierre Blazy dans le cadre de la mission d’information relative à la lutte contre l’insécurité, qui vise à confier aux futures régions la construction de commissariats de police et de bâtiments pour la gendarmerie. Il est vrai que dans le passé, certains conseils généraux ont, de manière volontaire, fait preuve de beaucoup de détermination pour construire des bâtiments pour leurs brigades de gendarmerie. Mais ce n’a pas été le cas de tous, ce qui montre à quel point il serait inquiétant que cette préconisation soit généralisée demain. Il ne me semble pas qu’une mission régalienne puisse devenir une compétence régionale. Qu’en pensez-vous ?
M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la contribution des communes et intercommunalités au SDIS. Or, si jusqu’à une certaine date, les intercommunalités pouvaient se substituer aux communes en ce domaine, on nous indique que ce n’est plus possible aujourd’hui. À l’avenir, les intercommunalités pourraient-elles reverser le produit de cette taxe directement au SDIS ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je commencerai par réagir aux interventions à caractère général des orateurs des groupes afin d’apporter une contribution au débat.
M. Ciotti m’ayant interrogé concernant l’exécution des plafonds d’emploi par le ministère dans le domaine de la police et de la gendarmerie, je vous fournirai des chiffres vérifiables par ceux qui bénéficient d’un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place. En ce qui concerne la police, la LFI 2013 avait prévu 142 317 équivalents temps plein. L’exécution de cette loi de finances a porté les effectifs de la police à 142 286 ETP, soit une sous-exécution de 31 ETP. Pour 2014, l’objectif est de 142 963 ETP. Or, compte tenu des recrutements, les effectifs auraient augmenté de 677 ETP par rapport à 2013. Ces chiffres illustrent notre volonté de procéder à des recrutements, après qu’on a supprimé 13 000 emplois entre 2007 et 2012 dans la police et la gendarmerie.
M. Éric Ciotti. Dans la gendarmerie, les effectifs ont diminué de 1 812 ETP !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Voici les chiffres de la gendarmerie : l’exécution 2012 : 95 168 ETP ; exécution 2013 : 95 283 ETP ; prévision pour 2014 : 95 387 ETP. Je tiens à l’entière disposition des parlementaires ici présents l’ensemble des tableaux et des éléments statistiques qui illustrent qu’à l’exception de 2013, année marquée par une sous-exécution de 31 ETP. Cette exécution sera en 2014 de + 577 pour la police. Et pour la gendarmerie, nous sommes entre 2012 et 2013 à + 115, et la prévision pour 2014 s’élève à + 104 ETP.
En ce qui concerne les éléments qui ne relèvent pas du titre II, je vous ai fourni tout à l’heure les chiffres relatifs à l’investissement immobilier, qui ne sont pas sans compter dès lors que nous décidons de moderniser nos forces. Si les investissements dans la police ont diminué de 17 % entre 2007 et 2012, les perspectives budgétaires pour 2017 en la matière, qui se traduiront par des engagements dès 2015, prévoient une augmentation de 9,7 % des crédits de paiement et de 22 % en autorisations d’engagement. Que l’on nous reproche de ne pas en faire assez avec plus 500 ETP par an alors que l’on en a supprimé 13 000, c’est un raisonnement auquel je peux accéder à cette heure tardive, mais au prix, je le reconnais, d’un énorme effort sur moi-même !
J’en viens à présent aux statistiques de la délinquance depuis le début de l’année 2014 : ces chiffres présentent l’intérêt d’intégrer l’effet des plans engagés par le Gouvernement, et en particulier ceux du plan de lutte contre les cambriolages décidé par mon prédécesseur au mois de septembre dernier et qui donne des résultats. Comme je souhaite être exhaustif en la matière et m’interdire toute manœuvre d’enfumage, je vous fournirai aussi bien les bons chiffres que les mauvais. Je précise que ces statistiques sont élaborées à l’aide d’un nouveau système statistique ministériel résultant d’un rapport de l’inspection générale de l’administration, celle-ci ayant pointé les incongruités du système précédent.
Les violences aux personnes se sont globalement stabilisées : au cours des premiers mois de l’année 2014, la police et la gendarmerie ont constaté 376 255 faits de violence aux personnes contre 365 534 faits au cours de la même période en 2013 – soit une augmentation de 2,93 %. Les violences physiques crapuleuses, durement ressenties par les Français, sont, elles, en très nette diminution, de 7,69 %. La délinquance crapuleuse – qui était en très nette progression depuis 2011 en raison de la hausse de certains comportements, de celle du cours de l’or et de l’intérêt des délinquants pour les smartphones – semble aujourd’hui contenue. En revanche, les violences physiques non crapuleuses augmentent et expliquent la hausse globale des violences aux personnes : il s’agit de violences intrafamiliales face auxquelles nous menons un travail interministériel : nous n’allons pas mettre un policier dans chaque famille…
Les atteintes aux biens sont globalement stabilisées : si elles étaient orientées à la hausse de 2,63 % en 2013, elles diminuent en 2014. La hausse des cambriolages a été jugulée : l’évolution est de -0,06 % entre janvier et septembre. Et depuis plusieurs mois, le nombre de cambriolages de résidences principales est orienté à la baisse, de 6 %.
J’insisterai également sur l’activité très soutenue des services. Les taux d’élucidation progressent : pour les homicides, ils sont de 84,21 % contre 79 % en 2013 ; pour les vols à main armée, de 46,13 % contre 37,21 % en 2013. Ces taux d’élucidation ont également progressé pour les cambriolages. Ces chiffres témoignent du très fort engagement des services de police et de la gendarmerie pour réduire les faits de délinquance constatés. Et comme je me suis engagé à vous rendre compte tous les six mois des statistiques de la délinquance élaborés à l’aide de notre nouveau système statistique ministériel, vous aurez la possibilité de mesurer au long cours le décalage qui peut exister entre les objectifs que nous nous assignons et les résultats que nous obtenons.
Je conclurai ma réponse à MM. Zumkeller et Ciotti en insistant sur trois points : premièrement, les effectifs augmentent ; deuxièmement, nos crédits d’investissement sont en hausse ; et troisièmement, depuis le début de l’année 2014, notre politique ainsi que plusieurs plans transversaux, tels que le plan de lutte contre les cambriolages, commencent à produire leurs effets, de sorte que les résultats en matière de prévention de la délinquance ne sont pas négligeables.
M. Luc Belot m’a interrogé sur le défi technologique auquel sont confrontées les forces de sécurité intérieure. Par le biais d’une lettre de mission du 19 septembre 2013, signée par le directeur général de la police nationale, nous avons créé un groupe de travail chargé d’identifier les apports des technologies dans la modernisation des forces de sécurité intérieure. Ce groupe était composé de représentants de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise, de la direction générale de la gendarmerie nationale et de la direction générale de la police nationale, auxquels ont été associés des experts extérieurs. Le groupe de travail propose que la modernisation technologique du ministère se concentre sur quatre enjeux stratégiques. Le premier consiste à répondre à une société de plus en plus numérique par une proximité renouvelée ; il s’agit d’utiliser les technologies numériques pour favoriser la proximité entre la police, la gendarmerie et les citoyens, d’unifier les plateformes d’appel du 15, du 17, du 18 et du 112 en raison de l’augmentation constante du volume d’appels en lien avec la multiplicité des sources, et de développer un réseau social de l’intérieur réservé aux seuls agents. Le deuxième axe consiste à améliorer l’efficacité du primo-intervenant ; le troisième, à développer les capacités d’anticipation et de conduite opérationnelle ; le quatrième axe enfin, à lutter contre la criminalité à l’aide de moyens technologiques mieux adaptés à la menace. Nous vous transmettrons une fiche présentant avec précision la totalité des actions que recoupent ces quatre axes prioritaires.
Monsieur Dosière, les forces de sécurité outre-mer s’élèvent globalement à 8 360 policiers et gendarmes : dont 3 500 personnels permanents pour la gendarmerie, renforcés par près de 1 500 gendarmes mobiles et environ un millier de réservistes. L’évolution globale des effectifs de la police nationale dans les DOM-COM est marquée par une hausse de quatre-vingt-huit unités entre le 31 décembre 2008 et le 30 septembre 2014 – la dotation passant de 4 772 à 4 860, soit un gain d’effectifs de 1,8 %. La police de l’air et des frontières enregistre une forte progression, avec quarante-trois agents supplémentaires ; vient ensuite la sécurité publique hors services de renseignement territorial, avec une hausse de vingt-quatre.
Les forces de sécurité outre-mer font face, dans les départements que vous avez mentionnés, à des formes de délinquance très variées et à des phénomènes de violence bien supérieurs à ceux constatés en France métropolitaine. Les violences crapuleuses et homicides commis à l’aide d’armes à feu sont notablement surreprésentés dans les Antilles et en Guyane. Et les violences non crapuleuses sont partout très présentes, y compris en Nouvelle Calédonie, à La Réunion et en Polynésie française. Nous avons alloué des moyens supplémentaires à la lutte contre la délinquance économique et financière (DEFI) à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, tels les enquêteurs DEFI à la brigade de recherche de Saint-Martin. De même, peut intervenir la section de recherche de Guadeloupe de la DIPJ aux Antilles ou du GIE. Il est certain que les unités de recherche se concentrent sur les phénomènes les plus violents puisque l’on approchera sans doute en 2014 la centaine de vols à main armée sur la seule partie française de Saint-Martin. Par ailleurs, je me rendrai très prochainement en Guyane afin de définir les modalités d’adaptation du dispositif existant, compte tenu des actes de délinquance qui ont pu y être constatés.
M. Larrivé m’a interrogé au sujet de l’arrêt de la CEDH condamnant la France pour avoir rendu le syndicalisme incompatible avec le statut militaire. Notre approche est très pragmatique sur ce point : des instances de dialogue existant déjà au sein de la gendarmerie, elles ne sont plus à inventer. Elles ont évolué en profondeur depuis quatre ans et ont permis de renforcer le dialogue interne au sein de la gendarmerie nationale. Notre objectif est donc de valoriser l’existant pour apporter la démonstration que nous avons depuis longtemps intégré les préoccupations de la CEDH, que nous avons constamment développé le dialogue au sein de la gendarmerie nationale et que le point auquel nous en sommes arrivés nous paraît une réponse adaptée à ces préoccupations.
Madame Troalic, les services territoriaux peuvent bénéficier de l’appui des compagnies républicaines de sécurité là où elles sont implantées dans le cadre de la lutte contre la délinquance. Ce renfort de forces peut s’effectuer de deux manières : tout d’abord, dans le cadre du principe de la zonalisation des forces mobiles, le préfet de zone peut décider de l’affectation des unités du ressort de sa compétence. Cela correspond au dispositif zonal de sécurisation ; en complément de celui-ci, à la demande de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et dans le cadre d’un dispositif centralisé, la DGPN peut mettre à disposition de l’autorité l’emploi d’unités de forces mobiles. C’est ce que nous avons fait cet été à Calais, ainsi que dans les villes soumises à des risques de débordements au terme de manifestations sportives ou accueillant de grands événements justifiant que l’on renforçât les moyens de sécurité publique pour assurer le bon déroulement de ces événements, comme lors du 70e anniversaire du débarquement.
MM. Goujon et Moyne-Bressand m’ont interpellé sur l’importance des tâches qui seront confiées à la police nationale en raison des multiples réformes et de la complexification des procédures. J’ai eu l’occasion, à la faveur du discours que j’ai prononcé devant les forces de sécurité il y a quelques semaines, en présence du président Urvoas, d’exprimer ma préoccupation de voir ces procédures et ces réformes ne pas alourdir le travail de la police nationale. Je propose pour ce faire de travailler dans deux directions dans le courant de l’année 2015, d’abord en associant très étroitement le ministère de l’intérieur à l’élaboration des textes d’application de la réforme Taubira de manière à ce que le contenu de ces textes d’application donne toutes garanties à nos forces sur les conditions dans lesquelles elles exerceront les missions qui leur sont confiées au titre de cette réforme pour ne pas alourdir leurs tâches ; ensuite en vérifiant si, dans le cadre de la réflexion conduite par le président de la République sur la simplification, on pourrait adopter des ordonnances de simplification dans les domaines là où cela est juridiquement possible. Nous pourrons ainsi alléger les tâches de notre police.
Madame Pochon, s’agissant des nuisances occasionnées par les quads et les mini-motos, je vous transmettrai des éléments précis par écrit : cette question très pointue appellerait des développements très longs sur le port des équipements de sécurité, le respect des règles de circulation, la mobilisation de moyens de lutte contre les nuisances sonores et les conditions d’engagement de nos forces pour répondre à ces enjeux et la prévention.
Monsieur Decool, l’hôtel de police de Dunkerque va faire l’objet d’un investissement de 580 000 euros dont 250 000 en 2015, notamment au titre de la rénovation de son accueil.
Monsieur Reitzer, je vous fournirai également une réponse détaillée et chiffrée par écrit sur la CSP de Saint-Louis. D’ici au 31 décembre 2014, deux départs devraient intervenir ; quatre gradés et gardiens de la paix doivent également arriver. À la fin de l’année 2014, la dotation d’agents du corps d’encadrement et d’application (CEA) se situera ainsi légèrement au-delà des effectifs de référence.
En ce qui concerne l’affectation d’agents d’origine d’outre-mer dans les DOM-TOM, monsieur Lebreton, le droit en vigueur offre la possibilité d’opter, selon le lieu de naissance, pour un régime commun ou un régime dérogatoire. Nous avons évoqué cette question à l’occasion de mon déplacement à La Réunion. Les candidats métropolitains comme ultramarins au concours de recrutement de sous-officier sont soumis, depuis l’instauration du concours national en 2012, aux principes d’égalité de traitement et d’égalité d’accès à la fonction publique. Si nous modifiions le dispositif existant, nous courrions le risque considérable de voir certains fonctionnaires ultramarins pénalisés.
Monsieur Marleix, la gendarmerie possède au 1er juillet 2014 30 155 véhicules dont 1 537 proviennent du marché de l’externalisation pour lequel l’option d’achat a été levée. Les véhicules légers sérigraphiés et deux-roues du parc opérationnel ont en moyenne sept ans d’ancienneté et 175 000 kilomètres au compteur. Le maintien de la capacité de mobilité repose sur un renouvellement annuel de 3 000 véhicules pour un montant de 60 millions d’euros. Or il n’est plus satisfait à une telle exigence depuis quatre ans. En 2014, la construction initiale du budget de l’équipement prévoyait 40 millions d’euros de crédits au titre du renouvellement du parc automobile. L’ensemble de ces crédits a fait l’objet d’un gel dans le cadre de la mise en réserve. Toutefois, 12 millions d’euros ont été annulés au titre de la loi de finances rectificative pour 2014 sur cette même enveloppe – ramenant celle-ci à 28 millions d’euros. Au 30 septembre 2014, nous avons obtenu le dégel de 51,8 millions dont 28 millions au titre de l’acquisition de 1 400 véhicules.
M. Dominique Lefebvre, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre. Je rappelle que la discussion et le vote en séance publique de cette mission auront lieu le jeudi 30 octobre prochain.
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À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Sécurités » (M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis « Sécurité » ; M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).
Conformément aux conclusions de M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis « Sécurité » et de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis « Sécurité civile », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » pour 2015.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
• Ministère des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes – Direction générale de l’offre de soins
- M. Jean Debeaupuis, directeur général ;
- Mme Perrine Ramé-Mathieu, cheffe du bureau premier recours à la sous-direction de la régulation de l’offre de soins.
• Ministère de l’Intérieur – Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
- M. Laurent Prévost, préfet, directeur général ;
- M. Jean-Philippe Vennin, sous-directeur des ressources, des compétences et de la doctrine d’emploi ;
- M. Benoît Trévisani, sous-directeur des services d’incendie et des acteurs du secours ;
- M. Christophe Reynaud, adjoint au sous-directeur des services d’incendie et des acteurs du secours ;
- M. Arnaud Lauga, adjoint au sous-directeur des moyens nationaux ;
- M. Victor Devouge, chef du bureau des moyens aériens à la sous-direction des moyens nationaux.
• Ministère de l’Intérieur – Inspection générale de l’administration
- M. Rémi Duchêne, inspecteur général de l’administration ;
- Mme Valérie Péneau, inspectrice générale de l’administration.
• Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
- Colonel Éric Faure, président ;
- M. Guillaume Bellanger, directeur de cabinet.
• Association Castel-Mauboussin
- M. Luc Adrien, président ;
- M. Olivier Villedieu de Torcy, responsable des relations avec le ministère de la Défense.