N° 3111
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,
TOME IV
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
PAR Mme Barbara POMPILI,
Députée.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 25).
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Pages
INTRODUCTION 5
I. UN PROJET DE BUDGET QUI CONFIRME LA PRIORITÉ ACCORDÉE PAR LA NATION À L’ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE 7
II. L’ÉCOLE PRIMAIRE INCLUSIVE À L’AN III DE LA REFONDATION 11
A. UNE ÉCOLE QUI COMMENCE À MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES ENFANTS À BESOINS ÉDUCATIFS PARTICULIERS 11
1. De plus en plus d’élèves en situation de handicap accueillis par l’école depuis 2005 11
2. Des parcours mieux individualisés qui prennent mieux en compte toutes les difficultés d’apprentissage 13
a. La clarification et l’homogénéisation des parcours personnalisés de scolarisation 14
b. La reconnaissance de l’impact des troubles d’apprentissage sur la scolarisation grâce à la mise en place des plans d’accompagnement personnalisé 15
c. Le programme personnalisé de réussite éducative, un outil prometteur et pleinement respectueux de la démarche d’inclusion 16
3. Des dispositifs d’enseignement spécial qui se rapprochent de plus en plus du cadre de la classe ordinaire 17
a. La nécessaire articulation entre les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS écoles) et la classe ordinaire 17
b. Le rôle irremplaçable des RASED encore en convalescence après les saignées des années 2007-2012 21
c. Les dispositifs à l’efficacité éprouvée mais aux missions très complexes au service des enfants allophones et des familles itinérantes 23
d. Un mouvement puissant d’intégration et de perfectionnement des unités d’enseignement des élèves affectés par un handicap dans les écoles ordinaires 26
B. DE NOMBREUX OUTILS POUR L’INCLUSION 27
1. L’indispensable culture du travail en équipe 28
a. La nécessité de donner à l’école les responsabilités et les moyens de l’inclusion 29
b. Les nouveaux parcours personnalisés 35
c. Vers des « pôles ressources inclusion » fédérant l’ensemble des solutions et des acteurs au service des enseignants et des parents 36
2. Une nécessaire évolution du métier d’enseignant, qui doit reposer sur une refondation de la formation 39
a. Des enseignements sur l’inclusion trop parcellaires 40
b. Un recours insuffisant aux expertises extérieures et aux expériences de terrain 40
c. Une trop faible valorisation des démarches d’inclusion dans la formation et les concours 41
d. Des formations des enseignants et des professionnels médico-sociaux trop étanches entre elles 41
e. Une formation continue encore en jachère, qui ne laisse qu’une place marginale à l’enjeu de l’inclusion 42
f. L’indispensable révision des maquettes pédagogiques des ESPE 42
g. Le développement nécessaire de la pédagogie différenciée 43
TRAVAUX DE LA COMMISSION 45
ANNEXES 87
ANNEXE N° 1 : PRINCIPALES PROPOSITIONS DE L’AVIS 87
ANNEXE N° 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 89
ANNEXE N° 3 : RÉPARTITION PRÉVISIONNELLE DU NOMBRE D’UNITÉS D’ENSEIGNEMENT LOCALISÉES DANS LES ÉCOLES À LA RENTRÉE 2015 93
Le présent rapport pour avis porte sur des programmes qui totalisent, à eux seuls, 65,72 milliards d’euros en crédits de paiement et constituent le premier budget de l’État. Ainsi, par rapport à 2015, les crédits la mission de l’Enseignement scolaire progresseront de 693 millions d’euros (+ 1,0 %) et permettront d’accompagner l’an III de la refondation de l’école (I du présent rapport).
Le détail de ce budget et des créations d’emplois étant examiné par le rapporteur spécial de la commission des Finances, M. Alain Fauré, la rapporteure pour avis a centré son travail sur l’école primaire inclusive (II du présent rapport).
Plus de deux ans après l’adoption de la loi de refondation de l’école, il lui est en effet apparu nécessaire de dessiner un premier bilan des progrès accomplis mais aussi des obstacles qui demeurent dans cette véritable révolution qu’est l’inclusion de tous les élèves, quelles que soient les difficultés d’apprentissage auxquelles ils sont confrontés, dans notre éducation nationale.
Le diagnostic est aujourd’hui largement partagé. L’une des principales limites de notre système scolaire est que, s’il sait très bien s’occuper et dégager des élites et même apporter une qualification de qualité à la majorité des élèves, il ne parvient que très imparfaitement et éprouve même parfois des réticences pour prendre en compte et vaincre les difficultés d’apprentissage des élèves à besoins éducatifs particuliers : enfants en situation de handicap, précoces, DYS, enfants en grande difficulté familiale ou sociale, enfants allophones nouvellement arrivés en France, issus de familles itinérantes et voyageurs...
Toutes les enquêtes internationales, au premier rang desquelles l’enquête internationale Pisa (décembre 2013), mais aussi l’étude internationale PIRLS 2011 (étude internationale sur la lecture des élèves au CM1), les évaluations nationales CEDRE en fin de collège pour le français et les langues vivantes (2004-2010), l’histoire-géographie et l’éducation civique (2006-2012) et les mathématiques (2008-2014), ont montré sans discontinuité l’aggravation préoccupante des inégalités de performances des élèves. La proportion d’élèves faibles a partout augmenté fortement, passant de 15 % à 20 %, tandis que les écarts se sont accrus entre les élèves les plus performants et ceux qui sont de plus en plus distancés. Pire, le creusement de ce fossé est encore plus marqué géographiquement, avec des écarts de performances moyennes dépassant les 20 % entre les élèves de l’enseignement public hors éducation prioritaire et ceux en éducation prioritaire. C’est en France que la corrélation entre les performances scolaires et les hiérarchies socio-économiques des professions est la plus marquée et la plus obstinée.
Dans ce contexte inquiétant, l’inclusion s’impose comme le principal défi de l’école, celui non plus de « faire briller quelques pics superbes » comme le dénonçait le philosophe Alain dès le début du vingtième siècle, mais de donner à tous les chances de progresser dans leurs apprentissages.
Sur ce constat, l’article L.111-1 du code de l’éducation introduit, non sans débat, par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a donné la pleine mesure de ce changement complet de perspective en disposant que le service public de l’éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Il veille également à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement. Pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit leur origine sociale. Elle s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative ».
La feuille de route assignée au système éducatif par la nation est donc très claire, et profondément novatrice. Son inspiration décisive est la conviction que tous les enfants ont un droit fondamental à la réussite scolaire, ce qui suppose de comprendre que la réussite est accessible à tous les enfants. Cette approche est exigeante, elle repose sur le principe d’éducabilité qui postule que tous les individus sont éducables. L’inclusion scolaire ne se limite ainsi pas à la simple présence physique de l’élève aux besoins particuliers dans l’école ordinaire, première étape incontournable en bonne voie d’être franchie dans le sillon tracé par la loi de 2005 sur le handicap (1 du A du II du présent rapport). Elle embrasse également et surtout l’ensemble des mesures que l’école ordinaire doit mettre en place pour favoriser l’apprentissage et la socialisation de ces élèves, dans une démarche nécessairement individualisée, dont l’actuelle majorité a su forger les instruments (2 du A du II).
L’école inclusive va au-delà, définissant une nouvelle posture éthique. C’est à l’école de s’adapter aux besoins et aux différences de l’enfant, et non à l’enfant de se fondre dans la « normalité » présupposée de l’élève tel que le rêve l’institution scolaire. Elle exige de dépasser l’objectif traditionnel d’« intégrer » l’enfant affecté de handicaps ou de troubles médicalement constatés au cadre scolaire, au terme d’une période plus ou moins longue de « normalisation » dans des structures fractionnées, aux compétences souvent remarquables mais qui courent toutes le risque d’isoler l’enfant de ses pairs, en tendant sans faillir vers l’ambition d’une inclusion pleine et entière dans la classe ordinaire. Elle implique donc que tous les acteurs sachent coordonner leurs efforts et partager leurs compétences au service de la continuité des apprentissages, en lien étroit avec les parents (1 du B du II). Et elle repose bien évidemment en premier et en dernier ressorts sur les enseignants, garants de l’enseignement, qui doivent être accompagnés, notamment par la formation, à mieux intégrer cette dimension de leur métier (2 du B du II).
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 83 % des réponses étaient parvenues.
Le présent projet de budget s’inscrit dans la programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2015-2017 et respecte la trajectoire ambitieuse de progression des moyens tracée par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
En dépit d’un contexte budgétaire contraint, les crédits des cinq programmes qui relèvent du ministère de l’éducation nationale dans la mission « Enseignement scolaire » (le programme 143 relève du ministère de l’agriculture) s’élèveront ainsi à 65,72 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2016, soit une progression de 693 millions d’euros (+ 1,0 %).
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | ||
Ouvertes en LFI pour 2015 |
Demandées pour 2016 |
Ouverts en LFI pour 2015 |
Demandés pour 2016 | |
140 – Enseignement scolaire public du premier degré |
19 829,26 |
20 199,82 |
19 829,26 |
20 199,82 |
141 – Enseignement scolaire public du second degré |
30 975,96 |
31 278,73 |
30 975,30 |
31 278,73 |
230 – Vie de l’élève |
4 807,41 |
4 836,91 |
4 855,00 |
4 852,39 |
139 – Enseignement privé du premier et du second degré |
7 174,42 |
7 202,94 |
7 174,42 |
7 202,94 |
214 – Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 159,91 |
2 142,13 |
2 192,32 |
2 185,93 |
Total Éducation nationale |
64 946,30 |
65 660,54 |
65 026,30 |
65 719,81 |
143 – Enseignement technique agricole |
1 377,32 |
1 386,78 |
1 377,32 |
1 386,78 |
Source : Projet annuel de performances 2016 de la mission « Enseignement scolaire ». Hors fonds de concours.
– Comme pour toutes les années depuis 2013, cette augmentation s’appuie principalement sur le renforcement des moyens humains de l’éducation grâce à la création de 11 711 postes supplémentaires (en équivalent temps plein, ETP) dont 10 711 pour l’enseignement scolaire, soit un effort budgétaire en 2016 de 388 millions d’euros, et 1 000 pour l’enseignement supérieur.
Les créations nettes depuis l’alternance de 2012 atteignent 47 078 postes (42 338 pour les premiers et seconds degrés et 4 000 pour l’enseignement supérieur), conformément au rythme de déploiement prévu dans la loi de refondation. Le Gouvernement prévoit d’ailleurs de poursuivre cette augmentation des effectifs avec 12 922 nouveaux postes en 2017, respectant l’engagement du Président de la République de créer 60 000 postes pendant la durée de la législature.
Seront ainsi ouverts en 2016 6 420 nouveaux postes d’enseignants titulaires, dont 3 911 affectés dans le premier degré public, 2 805 dans le second degré public et 500 dans l’enseignement privé. S’y ajouteront 795 postes supplémentaires consacrés à la formation initiale des enseignants, 550 postes de personnels non enseignants, en particulier pour renforcer les effectifs des personnels éducatifs du secteur médico-social et ceux des accompagnants pour les élèves en situation de handicap (voir infra), ainsi que 2 150 postes d’assistants d’éducation recrutés dans le cadre du renforcement de l’éducation prioritaire.
7 600 des 10 711 nouveaux postes, pour un coût de 220 millions d’euros, seront ainsi affectés dans le nouveau réseau d’éducation prioritaire désormais resserré au profit des 20 % des élèves scolarisés dans les 1 089 collèges et 6 500 écoles primaires situés dans les territoires dont l’indice social reflète la grande précarité des populations, et prioritairement en leur sein dans les 350 collèges des REP + et les écoles qui leur sont associées, lesquels concentrent les plus grandes difficultés. Ces créations permettront de consolider et d’étendre les nouvelles mesures introduites par la loi de refondation de l’école, en particulier le dispositif « plus de maîtres que de classes » et l’encouragement à la scolarisation des enfants de moins de trois ans.
En parallèle, l’effort de recrutement des 2 805 nouveaux enseignants dans le second degré sera concentré sur le collège, avec là encore une priorité pour les REP et REP + qui accueilleront 1 200 nouveaux professeurs.
– 116 millions supplémentaires seront consacrés à des mesures catégorielles confortant la reconnaissance et les rémunérations des personnels de l’éducation. L’effort de la nation pour cette revalorisation atteindra ainsi 400 millions d’euros depuis 2012.
La reconnaissance de l’ensemble des missions inhérentes au métier d’enseignant par les décrets n° 2014-930 et n° 2012-941 du 20 août 2014 s’est en effet accompagnée de la création d’une indemnité pour mission particulière (IMP) permettant de rétribuer, en fonction de cinq échelles d’indemnisation fixées à 312,50, 625, 1 250, 2 500 et 3 750 euros, les fonctions de coordonnateur de discipline, de cycle d’enseignement ou de niveau d’enseignement, celles de référent culture, numérique ou décrochage scolaire, celles de tutorat des élèves ainsi que toute autre mission déterminée par l’établissement. Les décrets ont aussi instauré deux nouvelles indemnités de sujétion allouées respectivement aux enseignants du second degré dont les classes dépassent trente-cinq élèves et à ceux qui assurent un service en classe de première, de terminale ou qui préparent à un certificat d’aptitude professionnel (CAP). Ces trois nouvelles indemnités, au coût de 83 millions d’euros pour la première et de 13 millions d’euros pour les secondes, sont toutefois financées grâce au redéploiement de crédits auparavant destinés à la rémunération des heures supplémentaires ou à des mesures désormais obsolètes (96 millions d’euros d’économie).
L’augmentation prévue dans le présent projet de loi se concentre donc sur l’importante revalorisation des indemnités des enseignants dans les nouveaux réseaux d’éducation prioritaire, qui doublent pour les professeurs en REP +, pour atteindre 2 300 euros par an, et augmentent de moitié pour ceux des REP, pour s’établir à 1 734 euros par an.
– D’autres mouvements de crédits affectent les actions de formation des personnels enseignants dont le financement progressera des trois quarts, soit 31 millions d’euros supplémentaires, pour atteindre 72 millions d’euros. Cette croissance permettra de faire bénéficier 171 000 enseignants et conseillers principaux d’éducation d’une journée de formation centrée, dans le cadre de la réforme du collège, sur la nouvelle organisation pédagogique, sur l’accompagnement personnalisé, sur les enseignements pratiques interdisciplinaires et sur les nouveaux programmes. Dans cette même perspective, 148 millions d’euros seront consacrés à la première moitié du renouvellement de l’ensemble des manuels scolaires de la 6ème à la 3ème induit par l’introduction des nouveaux programmes.
– En outre, 163 millions d’euros permettront, après une préfiguration en 2015, de déployer des ressources pédagogiques et des équipements numériques individuels pour les élèves de cinquième dans 40 % des collèges publics et privés sous contrat, dans le respect des objectifs fixés par le plan numérique pour l’éducation.
– Il importe de relever par ailleurs que le plan de mobilisation de l’école pour les valeurs de la République bénéficiera de 28 millions d’euros de crédits en 2016, dont 15 millions d’euros affectés à l’enveloppe dédiée aux fonds sociaux afin de renforcer les aides aux élèves en situation de pauvreté et de développer les aides en faveur des départements d’outre-mer les plus défavorisés, 8 millions d’euros pour développer les temps d’échange et les expériences innovantes avec les parents d’élèves, 3 millions d’euros pour conforter les actions entreprises avec les associations partenaires dans les programmes « rétablir l’autorité des maîtres et les rites républicains » et « mobiliser toutes les ressources du territoire » ainsi qu’un million d’euros permettant de doubler les fonds de vie lycéenne.
– Enfin, comme il sera vu infra, l’école inclusive fait l’objet d’un renforcement de ses moyens, bénéficiant de 44 millions d’euros complémentaires (+ 6 %) dans la mission « Enseignement scolaire ». Ces crédits supplémentaires financeront, à hauteur de 9 millions d’euros, la création de 350 nouveaux postes en équivalent temps plein (ETP) d’accompagnants des élèves en situation de handicap, portant leurs effectifs globaux à 28 000. Et 5 millions d’euros de crédits nouveaux porteront à 15 millions d’euros les moyens consacrés aux actions de formation au bénéfice de ces accompagnants des élèves en situation de handicap. 28 millions d’euros couvriront la part de la rémunération à la charge de l’Éducation nationale des 10 000 nouveaux contrats uniques d’insertion qui lui seront affectés en 2016. Sur ces désormais 79 000 bénéficiaires de contrats aidés engagés dans les écoles et les établissements, 48 000, soit 7 000 de plus qu’en 2015, assumeront les fonctions d’auxiliaire de vie scolaire.
L’école primaire a accompli des progrès considérables dans la scolarisation des enfants en situation de handicap depuis que la loi du 11 février 2005 sur le handicap a posé le principe que la place de tous les élèves est à l’école.
Le nombre des enfants handicapés accueillis à l’école primaire a ainsi doublé en dix ans pour dépasser 150 000 élèves, soit 2,2 % du total des élèves scolarisés, le taux de progression s’accélérant même depuis 2012 en passant de 6,9 % par an entre 2005 et cette date à 11 % depuis.
Cette évolution s’est essentiellement appuyée sur l’accueil de ces enfants dans le cadre de la classe ordinaire, qui rassemble 69 % d’entre eux. Pour parvenir à cette situation, le nombre d’auxiliaires de vie scolaire a été multiplié par quatre pour atteindre 28 512 équivalents temps plein (ETP) en 2014-2015, accompagnant 42 % des élèves handicapés intégrés dans les classes, auxquels s’ajouteront 350 nouveaux postes en 2016.
De plus, dans le détail des missions de ces auxiliaires, une évolution a eu lieu avec l’apparition, aux côtés des accompagnants individuels (7 948 accompagnants des élèves en ETP en situation de handicap individuels dits AESH-I), d’accompagnants consacrés à plusieurs élèves (2 488 ETP accompagnants des élèves en situation de handicap mutualisés dits AESH-M) ou à une classe entière en collaboration étroite avec l’enseignant (1 022 ETP accompagnants des élèves en situation de handicap en dispositif collectif dits AESH-CO). Cette politique continue de reposer en outre sur une forte sollicitation complémentaire des contrats aidés, le nombre de personnels recrutés sur contrat unique d’insertion (CUI) et cofinancés par le ministère chargé de l’éducation nationale et le ministère chargé du travail dépassant les 17 000 ETP en 2014-2015, correspondant aux 41 000 personnes employées en contrats aidés pour l’accompagnement de ces élèves auxquels s’ajouteront 7 000 nouveaux contrats en 2016.
Dans le même temps, la fraction des enfants scolarisés, pour tout ou partie de leur temps scolaire, dans les classes spécialisées dans les écoles, les classes pour l’inclusion scolaire (CLIS), opportunément tout récemment transformées en unités pour l’inclusion scolaire (ULIS écoles), s’est réduite de 40 % à 31 % des élèves affectés par un handicap.
Par ailleurs, le nombre d’élèves scolarisés dans les établissements de soins ou médico-sociaux (EMS) au titre de premier degré est resté dynamique, avec toutefois une stabilisation à partir de la rentrée 2012, pour atteindre 65 585 contre 53 650 dix ans plus tôt.
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS D’ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP SCOLARISÉS
DANS LES ÉCOLES DU 1ER DEGRÉ SELON LE MODE DE SCOLARISATION
Mode de scolarisation (public + privé) |
Rentrée 2006 |
Rentrée 2007 |
Rentrée 2009 |
Rentrée 2009 |
Rentrée 2010 |
Rentrée 2011 |
Rentrée 2012 |
Rentrée 2013 |
Rentrée 2014 |
évolution rentrée 2006 à rentrée 2014 | |
effectifs |
% | ||||||||||
classe ordinaire |
53 650 |
62 127 |
68 985 |
74 964 |
80 299 |
86 089 |
90 900 |
94 782 |
103 908 |
+ 50 258 |
+ 94 |
classe pour l’inclusion Scolaire (CLIS) |
35 395 |
39 380 |
40 136 |
40 987 |
42 914 |
44 428 |
45 521 |
46 783 |
47 504 |
+ 12 109 |
+ 34 |
Total 1er degré |
89 045 |
101 507 |
109 121 |
115 951 |
123 213 |
130 517 |
136 421 |
141 565 |
151 412 |
+ 62 367 |
+ 70 |
% élèves CLIS |
40 % |
39 % |
37 % |
35 % |
35 % |
34 % |
33 % |
33 % |
31 % |
Sources : Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR).
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS D’ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP SCOLARISÉS
DANS LES ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS ET MÉDICO-SOCIAUX
SOUS TUTELLE DU MINISTÈRE DE LA SANTÉ
2006/ 2007 |
2007/ 2008 |
2008/ 2009 |
2009/ 2010 |
2010/ 2011 |
2011/ 2012 |
2012/ 2013 |
2013/ 2014 |
2014/ 2015 | |
1er degré |
55 594 |
64 209 |
63 115 |
63 307 |
67 032 |
68 089 |
66 622 |
66 447 |
65 567 |
2nd degré |
8 645 |
7 870 |
8 366 |
8 186 |
8 427 |
8 891 |
9 496 |
8 993 |
8 771 |
Niveau indéterminé |
12 712 |
4 334 |
4 023 |
3 352 |
2 653 |
2 798 |
3 755 |
3 777 |
3 624 |
Total |
76 951 |
76 413 |
75 504 |
74 845 |
78 112 |
79 778 |
79 873 |
79 217 |
77 962 |
dont scolarités partagées |
nd |
6 108 |
6 209 |
6 763 |
6 626 |
7 132 |
7 075 |
7 524 |
7 656 |
Source : MENESR.
Les moyens budgétaires sollicités pour cet accueil ont en conséquence connu une très vive progression. Les crédits consacrés par l’Éducation nationale aux enfants handicapés atteignent désormais 1 529 millions d’euros, dont 590 millions pour la rémunération des auxiliaires de vie scolaire, 698 millions d’euros pour celle des enseignants spécialisés et 200 millions pour celle des personnels d’animation et d’encadrement.
Pour mieux appréhender l’efficacité de ses efforts, l’État s’est parallèlement doté de moyens d’analyse permettant de mieux cerner les résultats des politiques engagées. La direction de l’évaluation et de la prévision au ministère de l’éducation nationale (DEPP) a ainsi mis en place à partir de 2013 un panel de 13 000 enfants nés en 2005 permettant de suivre les parcours des élèves handicapés et d’observer la progression de leurs résultats et leur perception de la qualité de leur inclusion. Les premières données issues de ces travaux seront disponibles à la fin de l’année 2015.
Il serait cependant prématuré de croire que l’essentiel du chemin a été d’ores et déjà parcouru.
D’abord, même si ces phénomènes forment un angle mort de l’éducation nationale dont les services ont indiqué en réponse aux questions de la rapporteure pour avis qu’ils « ne disposent pas de données fiables sur les enfants instruits par leur famille à domicile », les remontées de terrain suggèrent qu’au moins dix à trente mille enfants en situation de handicap ne se voient aujourd’hui offrir aucune solution adaptée de scolarité, au prix de difficultés indescriptibles pour les familles.
Ensuite, l’accessibilité, ne serait-ce que matérielle, n’est toujours pas une réalité garantie. L’observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement (ONS) a pu observer dans son rapport annuel pour 2014, à partir des réponses apportées à son questionnaire par 15 039 directeurs des écoles primaires publiques et privées de France, que 25 % des écoles construites depuis 2008 ne respectent pas les règles pour l’accueil des élèves handicapés pourtant fixées avec précision par la loi de 2005, les difficultés les plus criantes étant constatées dans l’accès aux cantines scolaires dont près du tiers de celles bâties depuis 2008 demeurent inaccessibles. Face à l’aberration de cette situation, la rapporteure pour avis rappelle l’urgence de rendre accessibles les établissements scolaires.
2. Des parcours mieux individualisés qui prennent mieux en compte toutes les difficultés d’apprentissage
Cet effort constant pour intégrer à l’école les enfants affectés par un handicap ne forme cependant qu’une étape, incontournable mais insuffisante, vers l’inclusion des élèves dans leur école, c’est-à-dire dans une école qui fournit une éducation adaptée à leurs besoins, dans leur complexité et leur individualité, une école qui ne se contente pas d’être un lieu où ils passent, parfois sans réelles opportunités d’apprentissage, quelques heures par semaine.
Dans l’esprit et la lettre de la refondation de l’école, la nouvelle majorité s’est attachée à dépasser l’exigence, importante mais factice lorsqu’elle ne se donne pas les moyens d’offrir à chaque enfant la possibilité de réussir, de l’accueil des élèves handicapés en mettant en œuvre une réelle individualisation des parcours, définissant clairement les besoins de chaque élève et les outils que l’école peut mobiliser pour y répondre.
À cet effet, elle a mis en place, dans un cadre national, normalisé et donc égalitaire, des outils de contractualisation afin de fournir les adaptations scolaires nécessaires à la prise en compte des besoins particuliers des élèves confrontés à des difficultés d’apprentissage.
L’adaptation des parcours est d’autant plus nécessaire que, depuis la loi de refondation de l’école, le redoublement est une solution exceptionnelle qui doit répondre à des situations spécifiques comme, par exemple, les difficultés de scolarisation pour raison d’hospitalisation.
Concernant les enfants malades qui ne peuvent se rendre à l’école, l’Éducation nationale assure un enseignement à domicile ou dans un établissement sanitaire. Des enseignants peuvent intervenir dans le cadre du service d’assistance pédagogique à domicile (SAPAD). À la rentrée de 2014, ils sont près de 5 000 à enseigner à l’extérieur de l’école. D’autres dispositifs existent aussi comme le CNED (Centre national d’enseignement à distance), le numérique pouvant être un outil intéressant dans cette configuration.
Les élèves atteints d’un handicap, tel qu’il est reconnu par les maisons départementales des personnes handicapés (MDPH), sur le fondement de l’article 2 de la loi précitée de 2005 qui définit cet état comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives, psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant », bénéficient d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS).
Dans un souci d’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, le décret n° 2014-185 du 11 décembre 2014 portant diverses dispositions relatives à la scolarisation des élèves en situation de handicap a précisé les compétences des différents acteurs de la scolarisation des élèves. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a vu ses prérogatives renforcées, ce qui a permis de clarifier le champ des domaines dans lesquels elle peut prendre des décisions contraignantes en matière de scolarisation.
En application de ce décret, deux arrêtés ont été publiés le 6 février 2015. Le premier définit un modèle national de projet personnalisé de scolarisation (PPS) afin d’harmoniser les pratiques d’évaluation des différentes équipes pluridisciplinaires. Le second détaille un modèle national de recueil des informations sur la situation de l’élève.
Le projet personnalisé de scolarisation (PPS) est élaboré par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation (EPE) de la MDPH à partir des besoins identifiés de l’élève. Il organise le déroulement de la scolarité de l’élève en situation de handicap, assure la cohérence et garantit la qualité des accompagnements, des aménagements, des aides et des adaptations pédagogiques nécessaires.
C’est sur la base du PPS que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) statue sur l’orientation, notamment dans les structures spécialisées (ULIS, IME, etc.) et sur les moyens nécessaires, tant s’agissant du matériel pédagogique adapté que des aides humaines. Il comporte également des mesures d’adaptation pour encourager l’inclusion de l’élève dans la classe ordinaire
Le PPS s’appuie sur une évaluation des besoins, définis dans un document normalisé au niveau national qui a vocation à rassembler toutes les informations utiles sur l’élève : le guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (Geva-Sco). Ce Geva-Sco est renseigné par les équipes éducatives au sein de l’établissement scolaire. Il est ensuite complété par les équipes de suivi de la scolarisation réunies par l’enseignant réfèrent. Sa vocation est de garantir une continuité entre toutes les étapes de la scolarité. Le Geva-sco facilite la transmission d’informations entre les acteurs et la mise en place de parcours cohérents.
Concernant l’enseignant référent, il assure le suivi de la mise en œuvre du PPS. Il doit favoriser la cohérence et l’articulation entre les actions conduites par les équipes pédagogiques des établissements scolaires, des services ou établissements de santé et médico-sociaux, et des autres professionnels intervenant auprès de l’élève, quelle que soit la structure dont ils dépendent, en particulier en animant les équipes de suivi de la scolarisation (ESS) et en assurant la diffusion de leurs débats auprès de tous les acteurs. L’enseignant référent a aussi pour mission d’être l’interlocuteur privilégié des parents. Cependant, les différents retours des auditions montrent que ce lien doit être renforcé : les parents souhaiteraient être plus et mieux associés à la définition et à la mise en œuvre des PPS, notamment à travers l’équipe de suivi de scolarisation mais aussi au cours des autres étapes de la procédure. Par ailleurs, la rapporteure pour avis alerte sur les décalages qui existent encore trop souvent entre les préconisations des PPS et la réalité telle que vécue sur le terrain (manque de places en ULIS, manque d’AVS …).
b. La reconnaissance de l’impact des troubles d’apprentissage sur la scolarisation grâce à la mise en place des plans d’accompagnement personnalisé
La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a créé le plan d’accompagnement personnalisé (PAP) à l’attention des enfants qui, s’ils ne souffrent pas d’un handicap au sens reconnu par la loi, demeurent néanmoins confrontés à des difficultés scolaires durables en raison d’un trouble des apprentissages. Le contenu et les modalités d’adoption de ce PAP ont été précisés par le décret n° 2014-1377 du 18 novembre 2014 relatif au suivi et à l’accompagnement pédagogique des élèves et la circulaire n° 2015-016 du 22 janvier 2015.
Rédigé par les équipes pédagogiques sur le fondement d’un modèle national, ce plan individualisé est révisé à chaque cycle scolaire, de la maternelle jusqu’au lycée, afin d’éviter toute rupture dans l’accompagnement de la scolarité.
Il est proposé par le conseil d’école ou le conseil de classe, avec l’accord de la famille, ou demandé par la famille elle-même, mais toujours sur le fondement d’un constat des troubles d’apprentissage dressé par un médecin scolaire au vu des examens qu’il réalise ou des bilans psychologiques et paramédicaux effectués et transmis par la famille. Il comporte tous les aménagements et les adaptations estimés nécessaires, dans le seul champ toutefois de la pédagogie. Ainsi, s’il peut aller jusqu’à s’étendre le cas échéant à l’aménagement des examens, il ne peut pas comporter de décisions relevant de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), qu’il s’agisse de l’orientation en dispositif collectif ou de l’attribution de matériels pédagogiques ou d’aide humaine.
La rapporteure pour avis considère que le PAP incarne une évolution très intéressante à encourager vers l’individualisation des apprentissages et donc, le cas échéant, vers une pédagogie différenciée. Par ailleurs, comme cela sera évoqué plus loin, elle constate qu’il est nécessaire de remédier au problème du manque de médecins scolaires, véritable point de blocage pour la mise en place des PAP.
c. Le programme personnalisé de réussite éducative, un outil prometteur et pleinement respectueux de la démarche d’inclusion
Poursuivant la logique inclusive d’extension de la personnalisation des parcours au-delà du champ des handicaps et des troubles de l’apprentissage, la loi de refondation a instauré un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE), qui s’étend aux élèves, hors toute notion de trouble ou de handicap, dont il apparaît aux équipes éducatives qu’ils risquent de ne pas maîtriser certaines connaissances et compétences attendues à la fin d’un cycle d’enseignement.
Mis en place par le directeur de l’école à partir d’un bilan précis et personnalisé des besoins de l’élève effectué par les enseignants, il décrit l’ensemble des moyens mobilisés pour répondre aux difficultés rencontrées par l’élève. Cela va de l’accompagnement pédagogique différencié conduit en classe par ses professeurs des écoles aux aides spécialisées ou complémentaires fournies, le cas échéant, par les enseignants spécialisés du RASED ou des UPE2A (voir infra). Organisé lui aussi sur l’étendue de chaque cycle scolaire, il comporte des échéances précises et les modalités d’évaluation de l’efficacité des actions entreprises.
Ce programme ne se substitue évidemment pas aux enseignements adaptés qui répondent à des difficultés scolaires plus globales, graves et durables. Sa vocation est d’être temporaire, afin de permettre à l’élève de rattraper le train de la scolarité ordinaire, et d’être général, pouvant concerner aussi les élèves présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. La rapporteure pour avis relève avec satisfaction, en pleine cohérence avec les dispositions de la loi de refondation de l’école, que ce dispositif a été mis en place sous une forme passerelle, entre la classe de CM2 et celle de 6ème afin d’éviter toute transition brutale entre l’école et le collège.
La rapporteure pour avis considère que cet instrument est un premier pas décisif vers une individualisation des parcours. Sa montée en puissance est manifeste puisqu’il concerne dès à présent 7,5 % des élèves hors éducation prioritaire et 13 % de ceux de cette dernière. Il peut particulièrement apporter un soutien intéressant aux enfants en grande difficulté familiale ou sociale. Il sera intéressant, dans les années à venir, d’évaluer ses résultats sur la durée.
ÉLÈVES AYANT BÉNÉFICIÉ D’UN PPRE DANS LES ÉCOLES DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC
Année scolaire concernée |
Hors éducation prioritaire |
éducation prioritaire |
Total |
2013-2014 (1) |
7,1 % (dont 57,6 % parmi les élèves redoublants) |
12,9 % (dont 56,1 % parmi les élèves redoublants) |
8,1 % |
2014-2015 (2) |
7,4 % (dont 53,5 % parmi les élèves redoublants) |
13,2 % (dont 61,5 % parmi les élèves redoublants) |
8,4 % |
(1) Données établies au 6 septembre 2014 sur la base de 27 académies.
(2) Données établies au 9 septembre 2015 sur la base de 26 académies.
Source : MENESR.
3. Des dispositifs d’enseignement spécial qui se rapprochent de plus en plus du cadre de la classe ordinaire
Les instruments nouveaux d’individualisation des parcours peuvent aussi solliciter des structures plus spécialisées. On peut qualifier celles-ci de « remédiation » scolaire dans le sens où, conformément à l’impératif d’inclusion, leur but doit essentiellement viser à accompagner temporairement l’élève confronté à des difficultés d’apprentissage tout en encourageant, aussi vite qu’il est possible, le retour dans une classe ordinaire.
a. La nécessaire articulation entre les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS écoles) et la classe ordinaire
Il existe bien sûr des situations où il est manifeste que l’enfant ne peut pas être totalement scolarisé en classe ordinaire, soit parce que les conditions d’organisation et de fonctionnement de ces classes paraissent incompatibles en l’état avec les contraintes qui résultent de sa situation de handicap ou avec les aménagements dont il a besoin, soit parce que ses besoins récurrents d’adaptation pédagogique peuvent sembler trop spécifiques pour être confiés uniquement aux seuls enseignants de l’école dans le cadre d’un cursus scolaire ordinaire. Dans ces cas, mais dans ces cas seulement, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) peut proposer d’orienter l’enfant dans une classe pour l’inclusion scolaire (CLIS), dispositif collectif de scolarisation prenant la forme d’une classe installée dans une école élémentaire ou maternelle et confiée à un enseignant spécialisé. À noter que les CLIS viennent d’être transformées en ULIS écoles (unités localisées pour l’inclusion scolaire écoles), afin de privilégier encore davantage l’intégration en classe ordinaire pour certains enseignements, avec un accompagnement spécialisé en fonction des besoins des élèves.
La rapporteure pour avis rappelle en effet que les CLIS ont pour vocation d’accueillir les élèves de façon temporaire, idéalement en alternance avec la classe ordinaire. L’objectif est bien de leur permettre de suivre totalement ou partiellement un cursus scolaire ordinaire. Elle approuve donc l’harmonisation de la dénomination et du fonctionnement des dispositifs collectifs de scolarisation des élèves en situation de handicap dans le 1er et le 2nd degrés (ULIS-école, ULIS-collège, ULIS-lycée, ULIS-lycée professionnel) permise pleinement par l’affirmation de cette mission dans la circulaire n° 2015-129 du 21 août 2015 relative aux unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS). En effet, cela a permis de mieux poser le principe selon lequel ces dispositifs doivent intervenir en appui et non en substitution de la scolarisation prioritaire dans la classe ordinaire.
À cette fin, la circulaire a mieux détaillé l’organisation des ULIS afin d’offrir aux élèves concernés une prise en charge cohérente et adaptée en fonction de leur trouble. Les mentions des troubles sont ainsi désormais harmonisées et étendues aux troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA). En parallèle, la circulaire a utilement encouragé, sous l’autorité des inspecteurs d’académie, une vaste révision des cartographies et, partant, une meilleure lisibilité des implantations.
Les CLIS ont connu un réel dynamisme au cours des années récentes, le nombre de leurs élèves augmentant de plus d’un tiers en dix ans. Ce rythme d’augmentation des effectifs (2,6 % par an) est toutefois resté très inférieur à celui des élèves handicapés scolarisés en classe ordinaire (8 %).
NOMBRE ET EFFECTIFS DES CLASSES POUR L’INCLUSION SCOLAIRE
Rentrée scolaire | |||||||
Nombre de CLIS |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
public |
3 871 |
3 933 |
4 032 |
4 121 |
4 162 |
4 259 | |
privé |
251 |
261 |
267 |
285 |
291 |
308 | |
total |
4 060 |
4 122 |
4 194 |
4 299 |
4 406 |
4 453 |
4 567 |
évolution |
+ 1,5 % |
+ 1,7 % |
+ 2,5 % |
+ 2,5 % |
+ 1,1 % |
+ 2,6 % |
Source : MENESR.
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
évolution | ||
effectifs |
% | ||||||||||
Nombre d’élèves en CLIS |
35 395 |
39 380 |
40 136 |
40 987 |
42 914 |
44 428 |
45 521 |
46 783 |
47 504 |
+ 12 109 |
+ 34% |
% des élèves en CLIS par rapport à ceux en classe ordinaire |
40 % |
39 % |
37 % |
35 % |
35 % |
34 % |
33 % |
33 % |
31 % |
Source : MENESR.
Deux constats peuvent être effectués quant à la qualité de la solution apportée par ces enseignements spécialisés.
En premier lieu, malheureusement, les moyens qui leur sont dévolus n’ont longtemps pas suivi la croissance tendancielle de leurs effectifs. Un léger rééquilibrage a cependant été opéré par la présente majorité puisque les CLIS bénéficient désormais de 7 071 postes en équivalent temps-plein (ETP), dont 4 270 ETP au titre des personnels enseignants, 1 565,75 ETP à celui des enseignants référents et 82 ETP à celui des personnels coordonnateurs assistants de vie scolaire (AVS-co). Il en résulte des inégalités territoriales d’implantation dont l’ampleur est préoccupante, avec un nombre d’unités pour 1 000 élèves, de 30 en moyenne nationale, allant de moins de 20 dans l’académie de Lille à près de 45 dans les académies de Clermont-Ferrand ou de Besançon.
NOMBRE D’ULIS POUR 1 000 ÉLÈVES PAR ACADÉMIE
Académie |
Nombre d’ULIS pour 1 000 élèves |
AIX-MARSEILLE |
24,4 |
AMIENS |
30,0 |
BESANÇON |
42,3 |
BORDEAUX |
30,4 |
CAEN |
31,9 |
CLERMONT-FERRAND |
43,6 |
CORSE |
34,3 |
CRÉTEIL |
31,6 |
DIJON |
29,3 |
GRENOBLE |
27,8 |
GUADELOUPE |
70,5 |
GUYANE |
50,4 |
LA RÉUNION |
38,1 |
LILLE |
19,4 |
LIMOGES |
27,3 |
LYON |
31,8 |
MARTINIQUE |
29,9 |
MAYOTTE |
66,7 |
MONTPELLIER |
30,9 |
NANCY-METZ |
28,8 |
NANTES |
39,3 |
NICE |
27,5 |
ORLÉANS-TOURS |
34,6 |
PARIS |
26,3 |
POITIERS |
33,2 |
REIMS |
30,8 |
RENNES |
24,2 |
ROUEN |
23,8 |
STRASBOURG |
43,5 |
TOULOUSE |
23,5 |
VERSAILLES |
30,0 |
NATIONAL |
30,3 |
Source : MENESR
En second lieu, la scolarisation dans les CLIS est souvent trop peu articulée avec une fréquentation régulière d’une classe ordinaire. D’un côté, les CLIS exercent des effets manifestement positifs sur les parcours des élèves, les quatre-cinquièmes d’entre eux poursuivant leur scolarité au collège et seul le tiers le faisant avec un retard de scolarité. Malheureusement, d’un autre côté, les modalités de fréquentation des classes ordinaires apparaissent très hétérogènes et, surtout la durée réelle de scolarisation en classe ordinaire est faible, de l’ordre de 15 %. Cela est dû en grande partie aux contraintes imposées par les prises en charge thérapeutiques et la durée souvent importante des déplacements des élèves dont il résulte des journées très lourdes imposant une importante fatigue aux enfants concernés.
La rapporteure pour avis appelle à une réflexion de l’ensemble des acteurs concernés pour une meilleure articulation entre les temps de scolarisation et les temps de prise en charge thérapeutique. Elle indique également la nécessité de veiller à ce que la transformation des CLIS en ULIS écoles ne soit pas un simple changement terminologique mais reflète réellement une plus grande et meilleure inclusion des élèves de ces structures en classe ordinaire. Enfin, elle déplore les inégalités territoriales dans l’accès à ces dispositifs qui nécessitent donc d’être développés. Aujourd’hui, trop d’enfants, faute de solution, doivent s’expatrier dans des établissements en Belgique : on dénombre ainsi 1 500 enfants français accueillis en instituts médico-éducatifs (IME) en Belgique auxquels il convient d’ajouter celles et ceux scolarisés en école ordinaire pour lesquels les estimations manquent. Outre l’atteinte au droit à une vie de famille, l’exclusion de ces enfants de l’école française est inacceptable.
Pour les élèves en grande difficulté, quelle qu’en soit l’origine, des groupes d’enseignants spécialisés du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) ont été déployés dès 1990 à l’échelle des académies. Leur objectif est de renforcer les équipes pédagogiques des écoles, en aidant les enseignants à analyser les situations, à construire des réponses adaptées et, lorsque des fragilités particulières l’imposent, à fournir directement aux enfants une aide spécialisée. Cette dernière est délivrée pendant les heures de classe et peut intervenir à tout moment de la scolarité à l’école primaire. Elle est adaptée aux besoins de l’élève tels qu’ils sont appréciés par l’équipe pédagogique dans le cadre du PPRE.
Les aides spécialisées à dominante pédagogique concernent les élèves qui éprouvent des difficultés pour comprendre et apprendre. Elles ont pour objectifs la maîtrise des méthodes et des techniques de travail, la stabilisation et l’appropriation des acquis et la prise de conscience des divers éléments qui conduit à la réussite, trop souvent requis implicitement des enfants sans que l’école sache toujours les exposer avec clarté. Ces aides sont dispensées par les enseignants spécialisés titulaires du CAPA-SH option E.
Les aides spécialisées à dominante rééducative concernent quant à elles les élèves qui ont des difficultés à s’adapter aux exigences scolaires. Elles se concentrent sur le développement de l’envie d’apprendre et sur l’adaptation des comportements au milieu scolaire. Elles recourent aux enseignants spécialisés titulaires du CAPA-SH option G.
Enfin, en cas de difficultés importantes, le psychologue scolaire réalise un bilan approfondi de la situation de l’enfant, en concertation avec les parents, et suit son évolution.
Par pure opportunité budgétaire, profitant de la faible visibilité auprès des parents de ces enseignants mobiles, la précédente majorité a décimé à bas bruit les effectifs de ces équipes au mépris de leurs missions pourtant absolument fondamentales dans la prise en charge des difficultés scolaires les plus lourdes.
La rapporteure pour avis rappelle que ces enseignants occupent une place essentielle qui n’est substituable à aucune autre. Leur travail spécifique, complémentaire de celui des enseignants des classes, permet en effet de solliciter une meilleure réponse en équipe aux difficultés d’apprentissage et d’adaptation aux exigences scolaires qu’éprouvent certains élèves.
La saignée des années 2007-2012, qui a fait fondre les effectifs des RASED de 35 % en cinq ans et qui s’est effectuée de manière aléatoire au gré des tensions sur la carte scolaire, a fragilisé ces réseaux au point d’organiser une véritable pénurie, avec un nombre d’enseignants allant de 1 pour 300 à 1 pour 1 000 selon les départements et 1 psychologue en moyenne pour 2 000 enfants contre 1 pour 300 par exemple en Finlande. Et leur répartition s’est faite sans aucune corrélation avec le tissu socio-économique ou même l’ampleur de l’éducation prioritaire sur le terrain.
Les aires d’intervention pour chaque « maître E » vont désormais de six écoles en milieu rural à quarante-cinq en milieu urbain. Cette dispersion anarchique des moyens a conduit de nombreux départements à n’offrir désormais qu’une seule des deux spécialités d’enseignants. Elle a eu pour effet désastreux de les isoler de plus en plus hermétiquement des équipes scolaires, alors même que leurs missions les plus efficaces reposent sur l’engagement d’échanges réguliers avec tous les professeurs des écoles. Cela permet de les aider dans l’analyse des difficultés scolaires auxquelles ils sont confrontés et de leur apporter des conseils pédagogiques découlant de la qualité de leur spécialisation. Tous les retours de terrain nous montrent pourtant que ce sont ces « petits riens » pédagogiques qui, pourvu qu’ils soient déployés à la racine des premiers décrochages, suffisent dans la vaste majorité des cas à remettre l’élève dans le train des apprentissages.
ÉVOLUTION DU NOMBRE DES POSTES DE RASED EN MÉTROPOLE
(en équivalents temps plein)
Total maîtres E + G |
Psychologues scolaires |
Total personnels affectés | |
2003 |
14 816 | ||
2004 |
10 762 |
3 327 |
14 766 |
2005 |
10 777 |
3 392 |
14 169 |
2006 |
10 850 |
3 451 |
14 301 |
2007 |
10 955 |
3 476 |
14 431 |
2008 |
10 583 |
3 482 |
14 065 |
2009 |
8 535 |
3 516 |
12 051 |
2010 |
8 181 |
3 510 |
11 691 |
2011 |
7 401 |
3 475 |
10 876 |
2012 |
5 866 |
3 476 |
9 342 |
2013 |
5 850 |
3 543 |
9 393 |
2014 |
5 849 |
3 548 |
9 396 |
2015 |
5 872 |
3 550 |
9 422 |
Source : MENESR.
À son arrivée, la nouvelle majorité s’est attachée à stopper cette hémorragie, sans parvenir toutefois à rétablir des effectifs suffisants. En effet, les chiffres de l’année scolaire 2014-2015 montrent que l’on n’est toujours pas revenu aux effectifs de 2011 pour la Franc entière avec 10 062 emplois dont 6 334 maîtres E et G et 3 729 psychologues scolaires. On est bien loin d’un retour aux effectifs de 2007. Cependant, le Gouvernement a rénové en profondeur leurs modalités d’intervention, aspect complémentaire indispensable à leur reconstitution.
La circulaire du 18 août 2014 a ainsi clairement redéfini les missions de chacun des enseignants spécialisés tout en réaffirmant leur appartenance aux équipes pédagogiques. De même, le fonctionnement des réseaux a été précisé. Dans chacune des circonscriptions du 1er degré, un pôle ressource auquel les membres du RASED participent est désormais systématiquement mis en place pour organiser l’aide aux élèves et aux enseignants. La rapporteure pour avis considère qu’il faut continuer dans la restauration des effectifs des RASED
– pour revenir a minima à ceux de 2007 – et qu’il est essentiel d’opérer un rééquilibrage de leur présence dans les académies.
c. Les dispositifs à l’efficacité éprouvée mais aux missions très complexes au service des enfants allophones et des familles itinérantes
D’autres dispositifs dérogatoires à la classe ordinaire sont nécessaires pour les enfants qui ne maîtrisent pas, ou mal, le français en raison de leur arrivée récente sur le territoire ou, pour ceux dont les conditions de vie, en raison notamment de l’itinérance de leurs familles ou de l’extrême précarité de leur logement (bidonvilles, squats, hôtels, foyers, voie publique…), sont difficilement conciliables avec le suivi d’une scolarité de droit commun.
Pour ces élèves, la circulaire n° 2012-143 du 2 octobre 2012 a mis en place dans chaque académie des centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV).
Ces pôles d’expertise apportent, d’une part, leur contribution au pilotage, à l’organisation et à l’évaluation des dispositifs académiques relatifs à ces différents publics, grâce au suivi quotidien d’un tableau de bord des solutions apportées à ces élèves, au recensement des moyens mobilisés, à l’appui opérationnel aux recteurs et aux directeurs académiques et à l’organisation de réunions de concertation avec les équipes éducatives des établissements dans lesquels sont scolarisés ces élèves. Il leur appartient en outre d’encourager la coopération et d’assumer la médiation entre les services académiques départementaux, les communes, les services sociaux, les associations et les familles. Surtout, les CASNAV forment un précieux centre de ressources et de formation pour les personnels des écoles, au moyen notamment de l’animation d’actions de formations initiale et continue, de la coordination de groupes de travail pédagogique et de la publication et de la diffusion de documentations. La rapporteure pour avis souhaite que le rôle de formation et d’accompagnement des équipes éducatives par les CASNAV soit renforcé.
Sur le terrain, le principe qui inspire les actions des intervenants est l’inclusion des élèves dans le droit commun des classes ordinaires, réaffirmé par la circulaire précitée.
À l’école élémentaire, les élèves allophones sont ainsi obligatoirement inscrits dans les classes du cursus ordinaire. Ils sont parallèlement regroupés dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A) pour suivre un enseignement spécifique en français en fonction de leurs besoins. L’objectif de ces unités est d’amener chaque enfant à une maîtrise de la langue française compatible avec les exigences des apprentissages en milieu scolaire et de soutenir son insertion dans le cursus ordinaire.
Les UPE2A sont confiées à des enseignants formés et certifiés pour l’enseignement du français langue seconde ou langue de scolarisation. Là encore, si les pratiques sont extrêmement diverses, la tentation étant souvent forte pour les enseignants confrontés aux rudes parcours de vie de nombreux de leurs élèves de les protéger par leur maintien excessivement long dans des classes « cocoon », l’objectif doit bien être de limiter cette scolarité dérogatoire à la durée nécessaire à l’acquisition des aptitudes linguistiques indispensables pour accéder aux apprentissages scolaires. Ces unités doivent donc constituer soit un sas de courte durée, soit une forme de soutien tout au long de l’année scolaire qui permet aux enfants de participer dans le même temps aux activités de leur classe ordinaire.
L’actualité a mis en lumière ces dispositifs avec l’annonce du gouvernement d’accueillir 24 000 réfugiés en deux ans, ce qui implique une augmentation des élèves allophones scolarisés estimée à environ 5 000 enfants. Ces chiffres sont à mettre en parallèle aux 20 000 enfants allophones nouvellement arrivés scolarisés ces dernières années. Le gouvernement a annoncé des moyens supplémentaires et la rapporteure pour avis souhaite qu’un plan clair soit établi au plus vite en concertation avec l’ensemble des acteurs.
SCOLARISATION DES ÉLÈVES ALLOPHONES NOUVELLEMENT ARRIVÉS DANS LE PREMIER DEGRÉ AU COURS DES SEPT DERNIÈRES ANNÉES
2006-2007 |
2007-2008 |
2008-2009 |
2009-2010 |
2010-2011 |
2011-2012 |
2012-2013 | |
Nombre moyen d’élèves |
17 590 |
17 280 |
16 950 |
17 350 |
18 490 |
19 024 |
20 808 |
Effectifs d’élèves en CLIN ou en CRI (1) |
13 860 |
13 700 |
13 520 |
13 890 |
14 550 |
14 994 |
– |
Effectifs d’élèves en UPE2A (2) |
– |
– |
– |
– |
– |
– |
16 022 |
(1) CLIN : classe d’initiation pour non francophones ; CRI : cours de rattrapage intégré.
(2) En 2012-2013, le dispositif UP2EA se substitue aux dispositifs existants précédemment (CLIN ou CRI) pour le premier degré.
Source : MENESR.
Les enfants de familles itinérantes et de voyageurs (EFIV) sont, comme tous les autres, soumis au respect de l’obligation d’instruction et d’assiduité scolaire. Leur scolarisation relève du droit commun, quelles que soient la durée et les modalités du stationnement et de l’habitat familial.
Les conditions générales pour la scolarisation des EFIV sont rappelées dans la circulaire n° 2012-142 du 2 octobre 2012 qui vise à favoriser pour ces élèves la fréquentation régulière d’un établissement scolaire dès l’école maternelle. Il s’agit là d’une étape absolument décisive de la scolarité à laquelle les familles demeurent trop souvent indifférentes voire rétives, alors même que son suivi joue un rôle fondamental dans l’aptitude de ces enfants à bénéficier des apprentissages scolaires et est étroitement corrélé à la prévention de la déscolarisation, notamment au collège.
Dans ces cas, il apparaît que l’élément le plus efficace pour conduire ces enfants vers l’école est la mise en place de médiations efficaces et régulières avec les familles. Ces missions souvent assumées avec succès par des associations ou des équipes pédagogiques particulièrement motivées sur ces questions que la rapporteure pour avis souhaite saluer. Mais elle rappelle que l’Éducation nationale doit aussi contribuer à cette mission.
d. Un mouvement puissant d’intégration et de perfectionnement des unités d’enseignement des élèves affectés par un handicap dans les écoles ordinaires
Même avec l’appui des dispositifs spécialisés décrits plus haut, certains enfants ne peuvent objectivement pas être scolarisés dans de bonnes conditions sans souffrance pour eux-mêmes et avec une réelle perspective, même modeste, de progression des apprentissages. Ces derniers sont alors le plus souvent accueillis dans des instituts médico-sociaux. Ces élèves ne doivent pas pour autant être isolés de l’école, dans la mesure où cette dernière apporte beaucoup plus que des apprentissages.
La socialisation précoce, le sentiment d’inclusion que procure le simple fait d’aller dans les mêmes écoles que les autres enfants, sont des missions fondamentales, des promesses républicaines que l’école doit tenir pour tous ses enfants.
Dans cet esprit, le Gouvernement s’est attaché à accélérer le mouvement de localisation des unités actuellement placées dans les établissements médico-sociaux en unités d’enseignement (UE) en école ordinaire engagé dès 2005. L’objectif de ces unités d’enseignement externalisées (UEE) est de permettre à des enfants scolarisés en établissement médico-social de bénéficier de l’inclusion scolaire.
Ainsi, aux deux cents unités installées pour tout ou partie dans des établissements scolaires en 2014 s’ajoutent dès la rentrée scolaire 2015 cent nouvelles unités, conformément aux conclusions de la conférence nationale du handicap (CNH) du 11 décembre 2014. Chaque département bénéficiera de la sorte d’au moins une nouvelle implantation (voir annexe n° 2).
Dans un même esprit, en application du plan autisme 2013-2017, 60 nouvelles unités d’enseignement (UE autisme) s’ajouteront aux rentrées 2015 et 2016 aux 29 existantes pour recevoir plus de six cents élèves d’âge préélémentaire entre 3 et 6 ans et relevant de troubles du spectre autistique. En effet, la trop vaste majorité d’entre eux est aujourd’hui prise en charge dans les établissements médico-sociaux ou scolarisée, de manière très insatisfaisante par faute de moyens, en école maternelle avec par exemple un accompagnement par un AVS parfois à temps partiel.
Le nombre de ces unités devrait atteindre 100 avant la fin de la présente législature.
Implantées dans des écoles maternelles ordinaires, elles apportent une solution novatrice et réellement adaptée au défi de l’accompagnement et de la scolarisation de ces élèves en limitant leurs effectifs à sept par unité et en mettant en place des interventions à la fois intensives et plus précoces permettant, par le développement des modes de communication, de réduire l’expression des troubles et de faciliter l’apprentissage.
Afin d’accompagner ce mouvement général, une note de cadrage produite conjointement par la direction générale de l’enseignement scolaire au ministère de l’éducation nationale et la direction générale de la cohésion sociale au ministère des affaires sociales, ainsi qu’un modèle-type de convention de création et de fonctionnement d’unité d’enseignement, ont été adressés aux recteurs d’académie ainsi qu’aux agences régionales de santé au mois de juin 2015.
Les conditions matérielles de fonctionnement de l’unité d’enseignement externalisée (UEE) font l’objet d’une convention ad hoc entre l’organisme gestionnaire de l’établissement médico-social et la collectivité territoriale, qui prévoit les conditions de mise à disposition et d’entretien des locaux (à titre gratuit ou dans le cadre d’un bail locatif), du mobilier et des équipements des salles. Très opportunément, la prise en charge des frais de transport et des frais de restauration des élèves scolarisés est assurée conformément aux modalités applicables à l’établissement ou au service médico-social qui porte l’unité.
La rapporteure pour avis constate que ces transferts sont encore trop récents pour que l’on puisse en tirer tous les enseignements. Ils ont néanmoins le mérite d’enclencher un mouvement d’inclusion. Si celui-ci a été difficile et parfois contesté dans ses premières étapes lorsque le faible nombre d’unités éloigne les enfants de leur domicile, la rapporteure pour avis considère qu’il doit avoir pour vocation de se généraliser rapidement.
L’école accueille plus d’élèves, reconnaît plus de troubles et s’attache de mieux en mieux à personnaliser les chemins d’apprentissage des enfants. Pour autant, on aurait tort de croire que pour devenir inclusive l’école n’a plus qu’à attendre le déploiement des moyens et la diffusion des bonnes pratiques.
L’école inclusive demande certes encore plus de moyens humains et financiers, ne serait-ce que pour donner réalité aux très importantes innovations mises en œuvre à la suite de la loi de refondation de l’école. Mais la profusion des instruments d’inclusion n’épuise en aucune manière le champ des réponses que pose à l’école le défi de l’inclusion.
Ce défi requiert avant tout un profond changement d’état d’esprit, qui envisage la différence non comme un défaut à corriger, voire à reléguer dans des structures extérieures, mais comme une opportunité pour l’école de changer ses méthodes afin que celles-ci œuvrent réellement à la réussite de tous les élèves.
L’inclusion pousse l’école à dialoguer et à recourir aux acteurs multiples de la vaste communauté éducative, sans lesquels il lui est impossible de vaincre certaines difficultés d’apprentissage. Il s’agit là d’une véritable coéducation encore à construire.
Or, face à ces défis, le sentiment que la rapporteure pour avis a rencontré au cours de toutes ses auditions des équipes éducatives, dont elle salue la volonté unanime pour avancer vers une école inclusive, peut-être résumé en une phrase si souvent entendue : « nous sommes démunis ».
Démunis face à des handicaps, des troubles ou des difficultés dont les enseignants constatent qu’ils exigent de nouveaux chemins pédagogiques, mais dont ils peinent à trouver les directions au fil des réponses qu’ils improvisent, parfois avec succès mais toujours avec l’appréhension de mal faire.
Démunis face à des familles, qu’ils doivent parfois alerter sur les difficultés, le trouble ou le handicap découvert à l’école, douloureux prélude au « deuil de l’enfant normal », et qu’ils peinent d’autant plus à associer aux progrès de leurs enfants que leur prise en charge mobilise un nombre considérable d’autres acteurs avec lesquels ils ne dialoguent pas.
Démunis enfin face à l’institution scolaire, qui leur confie une mission si difficile et si essentielle (et bien éloignée des modèles disciplinaires qui motivent encore nombre de vocations) sans jamais en reconnaître ni en récompenser la difficulté.
Pour réussir, l’école inclusive exige ainsi l’émergence d’une culture commune, de dialogue et de mobilisation des ressources, partagée et nourrie des débats de tous les acteurs éducatifs et médico-sociaux et centrée autour de l’enseignant de la classe ordinaire (1). Surtout elle impose que ces derniers soient à tout le moins correctement formés à cette mission, ce qui n’est malheureusement pas encore le cas (2).
Le premier défi de l’inclusion est de mettre l’enfant au centre des démarches, dans son unicité et dans la complexité de ses besoins, dans toutes les étapes de sa vie sociale. Cette exigence de personnalisation impose que l’ensemble des temps soit appréhendé en cohérence, sans rupture dans les modalités d’accompagnement, et exige par conséquent que les différents acteurs acquièrent une réelle culture de travail en équipe au service de chaque enfant, dans la spécificité de ses difficultés d’apprentissage. Cette démarche, absolument décisive au succès de la scolarisation des enfants à besoins éducatifs particuliers, est aussi le préalable à une refondation de l’école au profit de tous les élèves.
Cette exigence de personnalisation permettrait de lutter contre deux tentations qui existent : la déscolarisation subie qui laisse la famille seule face aux difficultés de son enfant, ou la tentation pour ceux qui en ont les moyens de se tourner vers des établissements privés, le plus souvent hors contrat, qui pratiquent ce genre de pédagogies.
Cette démarche doit également éviter que les réponses apportées soient trop tardives, trop stéréotypées et trop fragmentées. C’est ce que la rapporteure pour avis appelle le « piège de la médicalisation », c’est-à-dire le maintien, dans les mentalités et les pratiques, d’une posture éducative qui parte du postulat que les difficultés d’apprentissage résultent de l’élève, et non de l’école, et nécessitent d’être traitées à part par des acteurs spécialisés.
C’est la tentation, face aux difficultés d’apprentissage, de médicaliser la différence, de la remédier dans des structures ou au soin d’acteurs externes ou spécialisés. Cela donne parfois l’impression que les résistances rencontrées dans l’acquisition du socle scolaire devraient nécessairement trouver leurs causes dans les caractéristiques intrinsèques de l’enfant, et non dans les failles de l’institution, et que les solutions exigeraient qu’elle s’en remette à d’autres acteurs.
• La responsabilité de l’école dans la détection précoce des troubles
Se pose ainsi, tout d’abord, la question de la détection des premières difficultés et, le cas échéant, des premiers troubles d’apprentissage.
Le rôle de l’école est central. Près de la moitié des troubles d’apprentissage sont aujourd’hui découverts à l’école maternelle, lorsque l’enfant fait ses premiers pas dans la vie sociale. Or, dans le même temps, il est attesté qu’une grande partie de ces troubles peut être efficacement prise en charge et rendue compatible avec le suivi d’une scolarité ordinaire dès lors qu’ils font l’objet d’actions aussi précoces que possible.
La condition de cette détection rapide est d’abord que l’enfant soit présent dans les structures de prises en charge de la petite enfance. Cette nécessité se heurte au constat préoccupant de la chute du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, divisé par trois, de 34,6 % en 1999 à 11 % en 2012. Cette baisse est plus marquée encore pour les enfants issus des foyers les plus modestes, alors même que c’est pour eux, qui ont moins spontanément et moins aisément accès aux prises en charge médicales précoces, que l’école a un plus grand rôle à jouer. Il n’est ainsi pas indifférent de remarquer qu’un bilan ergothérapique, souvent indispensable à la détection des troubles DYS mais non remboursé par la sécurité sociale, atteint fréquemment des montants prohibitifs pour de nombreuses familles pouvant aller de 100 à 250 euros.
Consciente des intérêts d’une scolarisation précoce, la présente majorité s’est attachée à renforcer l’offre scolaire pour les enfants les plus jeunes, en particulier dans le réseau d’éducation prioritaire. Dans ce dernier, ces efforts ont commencé à porter leurs premiers fruits, avec une remontée du taux de scolarisation à deux ans de 17,8 % à 20,6 %. Toutefois d’importantes disparités géographiques demeurent : douze académies ont ainsi atteint ou dépassé 30 % des enfants de moins de trois ans scolarisés en éducation prioritaire tandis que quatre académies se heurtent toujours au plafond des 10 %.
Certaines initiatives locales prennent parfois le relais de ces actions sur les territoires. On peut ainsi mentionner l’action « passerelle », conduite depuis 2005 en zone d’éducation prioritaire à Metz, qui est parvenue à faire remonter le taux d’accueil des enfants de deux ans de plus de 40 % grâce à une étroite collaboration entre l’éducation nationale, la municipalité et le centre communal d’action sociale. De même, le Pas-de-Calais dispose d’un observatoire départemental à partir duquel la mission départementale pour l’école maternelle a pu solliciter la participation de plus de deux cents parents les plus éloignés de l’institution scolaire dans des rencontres organisées pendant quatre jours aux rentrées 2014 et 2015. Pour la rapporteure, s’il est impératif de renforcer encore sur l’ensemble du territoire la scolarisation des enfants dès deux ans, il n’en demeure pas moins que ces initiatives locales sont intéressantes et doivent être encouragées.
De manière plus générale, il apparaît que ces expériences se révèlent plus efficaces lorsqu’elles ciblent des familles particulièrement détachées de la préoccupation de la scolarisation précoce, lorsqu’elles associent tous les partenaires intéressés (municipalités, service de la protection maternelle et infantile (PMI), services petite enfance, CAF, etc.) et, surtout, lorsqu’elles trouvent le relais d’équipes enseignantes motivées et préalablement sensibilisées et formées à cet enjeu important.
Toutefois, même lorsque les enfants sont présents suffisamment tôt à l’école, la détection des troubles, l’adaptation des premiers gestes scolaires et le dialogue avec les familles sollicitent des compétences très particulières chez les enseignants. Elles exigent qu’ils y soient préalablement formés et qu’ils disposent d’une connaissance, même schématique, des principaux instruments de prise en charge à la disposition des familles. Or, là encore, si la boîte des outils d’inclusion s’est considérablement enrichie, il faut bien constater que trop peu d’acteurs en connaissent le mode d’emploi.
• Les limites du « tout AVS »
Pour les handicaps les plus importants, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) jouent efficacement leur rôle d’orientation pour autant que les départements disposent d’offres à la mesure des demandes, en particulier pour les établissements médicaux-sociaux dont les disparités d’implantation restent excessives et confrontent certaines familles à des situations dramatiques.
On constate aussi que beaucoup de MDPH éprouvent de fortes difficultés pour évaluer les besoins des enfants. De ce fait, elles peuvent avoir tendance à recourir à des réponses stéréotypées, reposant essentiellement sur la généralisation de l’aide humaine fournie par les auxiliaires de vie sociale (AVS). C’est en effet sur le recrutement de ces personnels qu’a porté l’essentiel de l’effort budgétaire consenti par l’État pour l’inclusion scolaire. Comme il a été vu supra, le nombre d’élèves bénéficiaires a ainsi été multiplié par quatre depuis 2006 pour atteindre 109 199 à la rentrée 2014, soit 42 % des enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire. Le nombre d’accompagnants atteint ainsi désormais 76 000 personnes, dont 28 000 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et 48 000 personnes en contrats aidés. 613 millions d’euros sont désormais consacrés à ces financements, contre 181 millions d’euros en 2005.
Ces accompagnants fournissent le plus souvent un travail d’une qualité remarquable et constituent un élément absolument incontournable de la réponse apportée à une très vaste majorité d’enfants affectés par un handicap. Cependant, ils ne peuvent pas, à eux-seuls, épuiser le champ des possibles. Force est de constater que ces personnels sont trop souvent affectés moins pour répondre aux besoins réels des enfants que pour pallier, par une solution rapide, éprouvée et peu onéreuse compte tenu des très faibles niveaux de rémunération consentis à ces personnels, un manque de places d’accueil en structures spécialisées et, surtout, une absence d’adaptation des conditions d’enseignement en classe ordinaire.
En outre, les auxiliaires souffrent de conditions d’emploi et de formations trop souvent précaires pour que l’on puisse faire peser sur leurs seules épaules tout le poids de l’impératif d’inclusion assigné à l’école.
Il est vrai qu’un effort important a été consenti pour mieux professionnaliser ces accompagnants. S’agissant des 28 000 assistants d’éducation exerçant des fonctions d’auxiliaire de vie scolaire, la loi n° 2013-1278 du 28 décembre 2013 de finances pour 2014 a créé un nouvel article L. 917-1 dans le code de l’éducation organisant un nouveau statut d’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). Sur ce fondement, le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 a fixé les conditions de recrutement et d’emploi des AESH et prévu qu’ils accèdent à un contrat à durée indéterminée à l’issue de six années d’exercice des fonctions d’auxiliaire de vie scolaire ou d’AESH.
En parallèle, la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale a validé le nouveau diplôme de niveau V (équivalent CAP) d’accompagnant social de proximité conçu sous la forme d’un tronc commun et de trois spécialités. Enfin, ces personnels bénéficieront à compter de la rentrée scolaire 2016 d’une formation initiale en spécialité « accompagnement à l’éducation inclusive et à la vie ordinaire » et d’une validation des acquis de l’expérience dès l’année scolaire 2015-2016.
Dans le même temps, une formation d’adaptation à l’emploi a été mise en place pour les 48 000 personnes en contrats aidés exerçant des fonctions d’accompagnement des élèves en situation de handicap. Elle est mise en œuvre par les inspecteurs des premier et second degrés à partir de 20 modules de 3 heures réalisés par l’Institut d’enseignement supérieur et de recherche Handicap et besoins éducatifs particuliers (INS HEA) ou délivrée par les réseaux des groupements d’établissements pour la formation continue de l’Éducation nationale (GRETA) dans le cadre d’une formation d’insertion professionnelle d’une durée de 60 heures sur deux ans.
En parallèle, le Gouvernement s’est attaché à développer la mutualisation des accompagnants, qui permet d’offrir aux personnels des durées de service et donc des rémunérations plus attractives. La fonction d’accompagnant des élèves en situation de handicap mutualisés (AESH-m) mobilise ainsi à la rentrée 2015 214 CDI (132 ETP) et 1 114 CDD (612 ETP), et celle d’auxiliaire de vie scolaire aide collective (AVS-CO) 3 126 CDD (1 890 ETP).
Ces adaptations, nécessaires, ne modifient cependant qu’à la marge les grands enseignements que suggère l’observation des années écoulées.
D’abord, la rapporteure pour avis ne peut que constater que le recours aux AVS est désormais profondément ancré dans l’école inclusive et que par conséquent il ne fait aucun doute que sa concrétisation exige, de manière permanente, la mobilisation d’au moins 75 000 d’entre eux. Dans cette logique, la transformation en CDI, qui ne concerne aujourd’hui qu’à peu près 10 % de ces postes, est un mouvement inéluctable qu’il faut accélérer. De même, le recours à des contrats aidés est un expédient, de surcroît trompeur. Ces emplois sont nécessaires, et ils doivent être durables. Là encore, l’effort budgétaire devra non seulement être consolidé, mais amplifié dès lors que sera assumée la vocation pérenne de ces postes.
En deuxième lieu, la professionnalisation de ces personnels, aujourd’hui insuffisante, est elle aussi un mouvement au long cours, qui ne s’interrompra pas. Elle exige une évaluation rigoureuse des formations actuellement dispensées. Elle doit en outre être relayée par le développement de réelles analyses de pratiques, aujourd’hui totalement absentes.
En troisième lieu, il est important d’œuvrer au déploiement d’AVS-CO (AESH-CO) qui accompagnent et relaient les enseignants, en particulier dans les phases de scolarisation en classe ordinaire des élèves bénéficiaires de dispositifs d’enseignement spécialisé comme les ULIS.
Les accompagnants ont un rôle essentiel dans l’école inclusive. Ils sont dans de nombreux cas indispensables à la réussite de la scolarisation d’un élève. Mais ils ne doivent pas se substituer à des adaptations pédagogiques, qui sont suffisantes dans de nombreux cas. Une définition fine des besoins de l’enfant doit être élaborée, afin de trouver la solution la mieux adaptée.
• L’urgence de prendre en compte tous les temps autour de l’école
Aujourd’hui encore, trop de projets d’école ou d’établissement, dont l’objet est de préciser les moyens mis en œuvre pour assurer la réussite de tous les élèves et pour associer les parents à cet objectif, sont encore lacunaires voire silencieux sur l’inclusion des élèves handicapés, au mépris des dispositions pourtant claires de la circulaire de préparation de la rentrée scolaire 2014.
En outre, l’accompagnement ne peut plus se limiter aux seuls temps scolaires, au risque de priver l’enfant des activités périscolaires dont le législateur a reconnu l’importance en disposant qu’elles « prolongent le service public de l’éducation ». Dans une étude publiée en février 2014, le Défenseur des Droits constatait que seulement 35 % des élèves en situation de handicap avaient accès « aux activités périscolaires de loisirs, culturelles ou sportives organisées par la commune après la classe » et seulement 66 % des enfants en situation de handicap avaient accès à la cantine scolaire. Sont particulièrement mis en cause : le manque d’accompagnement adapté ou de personnels d’encadrement ainsi que le défaut d’aménagement des activités. Lors des auditions, il est également apparu que l’organisation collective du transport des élèves en situation de handicap est déterminante dans l’accès ou non aux activités périscolaires : l’absence d’individualisation du transport ne permet bien souvent pas de répondre aux souhaits des enfants concernés quant à leur participation ou non aux activités périscolaires.
La rapporteure pour avis insiste sur le fait que, désormais, pour accompagner les collectivités territoriales dans la réalisation de projets éducatifs de territoire inclusifs, différents dispositifs existent. D’une part, la circulaire du 25 février 2015 a étendu aux collectivités territoriales la faculté de bénéficier d’un soutien financier pour l’emploi d’AVS (AESH) de la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) dans le cadre d’un projet éducatif territorial au titre du fonds « publics et territoires », doté de 380 millions d’euros pour la période 2013-2017. D’autre part, l’article L. 916-2 du code de l’éducation leur permet de demander à l’État de leur mettre à disposition des AESH, en continuité des missions assumées durant les temps scolaires.
La rapporteure pour avis, sur le constat que les collectivités disposent désormais d’instruments humains et financiers accrus pour promouvoir une réelle inclusion dans les activités périscolaires, estime que l’État ne saurait accepter de signer des projets éducatifs de territoire qui méconnaissent l’une des missions que le législateur a mise au cœur des ambitions de l’école.
Par ailleurs, comme il est aujourd’hui nécessaire de décloisonner les approches et d’appréhender les temps scolaires et périscolaires dans un continuum, la rapporteure pour avis suggère qu’une réflexion soit menée avec l’ensemble des acteurs concernés pour envisager les modalités d’une extension du projet personnalisé de scolarisation (PPS) aux activités périscolaires.
• Un adossement des dispositifs d’enseignement spécialisé aux classes ordinaires
Si les dispositifs de remédiation portés par des enseignants spécialisés sont dans de nombreux cas indispensables, cela ne doit pas pour autant conduire à acter la séparation des enfants concernés du cadre indispensable de la classe ordinaire.
Même pour ceux que leurs handicaps éloignent le plus durablement du système scolaire, les avantages du mouvement actuel d’internalisation des unités d’enseignement actuellement implantées dans les structures médico-sociales vers des écoles ordinaires sont manifestes.
Les élèves suivent le rythme des autres élèves, fréquentent les mêmes lieux et, dans la majorité des cas, peuvent participer à des projets communs avec d’autres classes, sous la forme d’événements particuliers (sorties au théâtre, au cinéma, à la bibliothèque, rencontre sportive, fête de fin d’année), de contributions à une production commune (comme le journal scolaire) et parfois même de cours décloisonnés en particulier en éducation physique et sportive. Les élèves peuvent ainsi parfois bénéficier d’une inclusion partielle dans des classes ordinaires.
Il ne faut bien sûr pas pour autant négliger les difficultés concrètes auxquelles se heurtent ces intégrations, liées notamment aux différences d’heures de fonctionnement de la classe externalisée par rapport aux classes ordinaires, aux rythmes lourds de transport que peut imposer une scolarisation dans un établissement plus éloigné pour les familles et aux besoins d’accompagnement renforcé, en particulier s’agissant de l’accès à la restauration scolaire.
Ces opérations doivent donc être précédées d’un rigoureux travail de préparation, qui doit être couronné par la rédaction d’un projet d’école précis et exhaustif, sans lequel l’accueil des unités risque fort d’être partiel et décevant. Mais elles demeurent une priorité absolue, à poursuivre avec conviction. Elles peuvent d’ailleurs très utilement prendre la forme de scolarité partagée qui consiste à effectuer un temps de scolarité dans l’unité d’enseignement et un temps dans une autre structure, qu’il s’agisse d’une classe ordinaire ou d’un dispositif spécialisé (ULIS). Ces modalités particulières sont malheureusement trop faiblement sollicitées aujourd’hui, ne concernant que 10,2 % des jeunes des établissements médico-sociaux ou sanitaires scolarisés, et la rapporteure pour avis ne peut qu’encourager vivement les établissements à s’en saisir.
Mais l’inclusion dans la classe ordinaire prend un caractère plus urgent encore pour les élèves dont les difficultés d’apprentissage nécessitent le recours à un enseignement spécialisé temporaire, qu’il s’agisse par exemple des ULIS ou des UPE2A.
Ces moments de remédiation, pour indispensables qu’ils soient, ont en effet pour vocation de permettre à l’élève de réintégrer aussi rapidement que possible le cursus scolaire ordinaire, dont ils suivent les programmes et dont ils respectent les ambitions.
Ils ne se conçoivent dès lors que comme des « bases arrière » de la classe ordinaire, cadre nécessairement central de la scolarité de l’élève.
La modernisation et le changement de dénomination des « classes » pour l’inclusion en « unités » attestent de cette volonté renouvelée. Elle ne peut toutefois être pleinement efficace qu’à deux conditions. D’une part, les enseignants de la classe ordinaire doivent travailler très étroitement avec les professeurs spécialisés de ces unités, le partage du temps scolaire et la spécificité des difficultés des élèves imposant une attention particulière à leurs besoins et à leurs progrès dans le cadre de la classe. D’autre part, chaque ULIS, dont les effectifs doivent être strictement limités à 12, doit bénéficier de l’aide d’un AVS collectif (AVS-CO) relayant l’enseignement spécialisé lorsque l’enfant retourne dans une classe ordinaire.
Dans cette perspective d’inclusion au sein des parcours scolaires ordinaires, l’harmonisation nationale et l’enrichissement des parcours personnalisés formalisés dans les PPS, les PAP et les PPRE, qui énumèrent les adaptations scolaires nécessaires à la prise en compte des besoins particuliers des élèves confrontés à des difficultés d’apprentissage, constituent des progrès très importants.
Bien que ces dispositifs soient encore très récents, ils semblent cependant affectés de certaines limites d’ores et déjà manifestes liées aux incapacités structurelles de l’Éducation nationale, dans un contexte de raréfaction de ses ressources humaines, de tenir les promesses qu’elle fait implicitement aux enfants et aux familles dans ces projets.
Cette pénurie est flagrante pour la médecine scolaire. En raison notamment de l’importance des adaptations scolaires qu’ils peuvent comporter, notamment s’agissant de l’organisation des examens, les PAP doivent être précédés d’une reconnaissance des troubles d’apprentissage par les médecins scolaires. Or leur très faible nombre, avec 1 100 médecins pour 10 millions d’élèves de l’enseignement public, c’est-à-dire un médecin pour plus de 9 000 enfants, ralentit mécaniquement le déclenchement de ces parcours personnalisés dont l’efficacité repose pourtant sur leur mise en œuvre le plus tôt possible dans la scolarité. Pire, les délais d’attente moyens – parfois jusqu’à 18 mois – et le coût prohibitif de certains tests et bilans, en particulier pour les troubles DYS, privent les enfants de la mise en place d’adaptations pédagogiques indispensables.
Une solution d’urgence serait de procéder rapidement à une couverture par la sécurité sociale des tests, notamment ergothérapiques, au moins équivalente à celle dont jouissent les examens effectués par les orthophonistes. Mais cela n’élude en rien la question plus générale de l’état de la médecine scolaire, dont le déficit d’attractivité atteint des proportions inquiétantes. En 2014, un tiers des postes mis au concours national de recrutement des médecins de l’éducation nationale n’a pas été pourvu, faute de candidats, et un nombre non négligeable de reçus a même renoncé rapidement au bénéfice de leurs concours. Dans ces conditions, le renouvellement des départs à la retraite qui va concerner près de la moitié des effectifs dans les cinq prochaines années s’annonce sous les plus sombres auspices. Cette perspective rend plus urgente que jamais une redéfinition rapide du statut de ces personnels, dont les rémunérations demeurent très faibles et les activités trop absorbées par des obligations administratives au détriment de leur mission de prévention et de dépistage. Cette nécessaire réflexion doit aussi permettre parallèlement la mise en place d’autres initiatives comme la généralisation de l’accueil d’internes en médecine au sein des services de médecine de l’éducation nationale comme cela est par exemple expérimenté avec succès en Seine-Saint-Denis et en Seine-et-Marne.
Ce constat de manques d’effectifs s’étend malheureusement à l’ensemble des services d’enseignement spécialisé. L’exemple des RASED évoqué supra est le plus emblématique. Après une chute d’un tiers des emplois, les maîtres spécialisés, dont le taux de présence se limite à un pour 585 élèves, ne peuvent désormais intervenir qu’en pompier, lorsque l’incendie a déjà compromis l’acquisition des apprentissages fondamentaux, alors même qu’ils sont le plus efficaces lorsqu’ils sont sollicités à la racine des difficultés pour rapidement aider l’enseignant à poser le premier diagnostic et à recourir à des méthodes pédagogiques plus innovantes.
c. Vers des « pôles ressources inclusion » fédérant l’ensemble des solutions et des acteurs au service des enseignants et des parents
• La nécessité de dessiner une cartographie des ressources
À côté de cette indispensable consolidation des équipes spécialisées, l’école inclusive impose le renforcement de la coordination entre tous les acteurs centrée autour du maître de la classe ordinaire, sur lequel convergent les attentes d’adaptation des parcours d’apprentissage.
À cet égard, la rapporteure pour avis ne peut que regretter la contradiction entre d’un côté le foisonnement, la qualité, l’expertise et la passion déployés par les professionnels dans chacun des secteurs concernés par l’éducation des enfants aux besoins éducatifs particuliers et, de l’autre, le sentiment de dénuement éprouvé par tant d’enseignants lorsqu’ils se trouvent confrontés, dans leur travail quotidien, à des difficultés, des troubles ou des handicaps qu’ils connaissent mal et auxquels leur formation ne les a pas préparés.
Ce fossé entre les compétences évidentes mais isolées des spécialistes et les besoins des maîtres est un dangereux obstacle sur le chemin de l’école inclusive.
Le combler exige une révolution des mentalités, grâce à laquelle tous les différents acteurs acquerraient le réflexe de partager leurs expériences et leurs projets. La conviction de la rapporteure pour avis est que le système éducatif dans sa globalité, tout comme les enseignants, tous conscients de l’importance de ce défi, y sont prêts. Pour avancer rapidement, elle estime ainsi que trois étapes, aisées mais décisives, pourraient très rapidement être franchies.
La première serait de tirer parti de la création, par la circulaire du 18 août 2014 précitée relative au fonctionnement des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) et missions des personnels qui y exercent, de « pôles ressources » dans chaque circonscription, dont les RASED ont été intégrés comme « composantes ». Placés sous l’autorité des inspecteurs de l’éducation nationale, ces pôles pourraient très utilement intégrer toutes les compétences locales utiles à l’inclusion. Ils comporteraient ainsi une cartographie précise des acteurs et des ressources étendue aux professionnels du secteur médico-social, aux CASNAV et aux associations qui concourent à l’objectif d’inclusion, notamment celles qui assument la difficile mais indispensable mission de médiation en direction des parents. Ils regrouperaient de ce fait toutes les personnes pouvant fournir une réponse adaptée et rapide aux demandes émanant d’un enseignant.
Ces « pôles ressources inclusion » seraient, dans un premier temps, l’occasion de dresser un bilan précis et de corriger sans tarder les disparités nationales dans l’implantation des professionnels aux compétences complémentaires (en particulier s’agissant des médecins scolaires, des psychologues, des enseignants spécialisés des RASED et des dispositifs d’aide aux enfants allophones).
Ils formeraient dans un second temps un cadre stable permettant aux deux mondes de l’Éducation nationale et du secteur médico-social de prendre l’habitude d’échanger et de travailler en commun, grâce par exemple à l’organisation de réunions régulières de concertation et de retours d’expériences.
Enfin, son placement sous l’autorité de l’inspecteur offrirait l’avantage d’identifier clairement un responsable, logiquement désigné du côté de l’Éducation nationale garante de la promesse d’inclusion. Outre le pilotage, celui-ci devrait définir, après une consultation appropriée de l’ensemble des membres du pôle, un plan stratégique de mise en œuvre des aides en direction des élèves et des enseignants de la circonscription dont il a la charge et assurerait sa diffusion dans le cadre de ses missions d’impulsion et de contrôle. Il lui appartiendrait de tirer parti de la constitution de ces pôles pour poursuivre et approfondir les expériences de formations conjointes entre les équipes éducatives et les professionnels des MDPH et du secteur médico-social, dont les premières sessions, réservées aux personnels d’encadrement, ont été organisées en juin 2015 en collaboration avec le fonds d’assurance formation de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale (UNIFAF), le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
En miroir, la rapporteure pour avis suggère de désigner, dans chaque école, un « maître ressources inclusion » chargé des relations régulières avec ce pôle ressource. Cet enseignant constituerait l’indispensable relais entre les vastes compétences accumulées au niveau du département et les besoins que chaque maître rencontre dans ses travaux quotidiens. Cette mission d’interface, qui devrait faire l’objet d’une légitime rémunération supplémentaire ainsi que – le cas échéant, en fonction du nombre d’élèves concernés – d’une décharge horaire, est en effet l’un des chaînons manquants de l’école inclusive.
• La désignation de référents clairs et stables pour les familles
Ce « maître ressources inclusion » interviendrait en appui de l’enseignant de la classe ordinaire qui reste l’interlocuteur quotidien des familles.
Bien que désormais reconnus, grâce à la loi de refondation, comme des partenaires de l’école et des membres de la communauté éducative, les parents ne disposent pas aujourd’hui d’une vraie place dans l’école, même lorsque le parcours de leur enfant exige leur relais. À cet égard le rapport d’information de la députée Valérie Corre sur les relations entre l’école et les parents (juillet 2014) apporte des éléments d’analyse et de perspective intéressants.
Cette difficulté à franchir les portes des écoles est particulièrement prégnante pour les parents qui ont eu eux-mêmes des difficultés avec l’institution scolaire, notamment en se retrouvant en situation d’échec pendant ou à l’issue de leur scolarité. Quand on constate que la grande majorité des élèves qui sortent de l’école sans diplôme sont issus de familles en difficulté sociale, ce travail de constitution du lien entre familles et école est fondamental.
Le barrage de la langue ou de la culture peut être également un frein réel qui doit être pris en compte.
Enfin, ce rapport avec l’école peut être particulièrement douloureux pour les parents d’enfants handicapés ou affectés de troubles durables des apprentissages, confrontés d’abord au choc de l’annonce puis à l’angoisse devant la complexité, la lenteur et parfois malheureusement encore l’opacité des solutions apportées, qui font intervenir différents acteurs qui coopèrent parfois encore trop peu (MDPH, équipes enseignantes, secteur médico-social, etc.).
Souvent privés de la vision longue que pourraient apporter des enseignants référents pleinement instruits des diverses voies qu’offre désormais l’école inclusive, ils vivent très régulièrement les choix proposés comme des enfermements sans retour, en particulier quand l’état de leur enfant impose son placement dans des structures externes à l’école. Au quotidien, en dépit des efforts remarquables consentis par les enseignants, ils peinent parfois à comprendre la stratégie suivie dans les parcours personnalisés de leurs enfants auxquels ils demeurent trop artificiellement associés.
Une source essentielle de ce sentiment est le nombre très manifestement insuffisant des « enseignants référents » au sens de la circulaire de 2014. Un référent pour près de 500 élèves ne peut en effet manifestement pas entretenir un dialogue régulier avec, d’une part, les équipes éducatives et médico-sociales et, d’autre part, les parents.
C’est pourquoi l’existence d’un « maître ressources inclusion » dans chaque école, qui prendrait le relais sur le terrain de ces « enseignants référents » serait aussi un progrès fondamental pour les familles. Outre ce dialogue qui serait désormais réellement possible, le maître pourrait leur fournir une aide dans la rédaction des dossiers, en particulier de saisine des MDPH, dont la complexité rebute tant de foyers.
2. Une nécessaire évolution du métier d’enseignant, qui doit reposer sur une refondation de la formation
Par quelque aspect que l’on identifie les préalables nécessaires à la mission d’inclusion, on arrive toujours à une même conclusion : le professionnel de l’apprentissage, le garant de l’inclusion de tous les élèves, celui qui détient, par les démarches pédagogiques, la clef du succès, c’est l’enseignant, et plus précisément le maître de la classe ordinaire dans laquelle l’enfant souffrant de difficultés d’apprentissage a vocation à poursuivre sa scolarité.
Or, comme il a été vu supra, l’enseignant éprouve de grandes difficultés à assumer cette tâche, ballotté entre les deux peurs paradoxales d’être dépossédé de ses missions, lorsque par exemple l’intervention d’autres acteurs dans sa classe est nécessaire, et celle d’être surinvesti par la société qui lui demande de faire réussir des enfants sans lui en donner les moyens La loi de refondation, qui place l’enfant au cœur de l’école et exige de l’éducation qu’elle s’adapte à la diversité des parcours d’apprentissage, suppose donc une refondation de la formation des enseignants.
À cet égard, le rétablissement d’une formation initiale digne de ce nom offrait l’opportunité unique de placer la démarche d’inclusion au centre du métier d’enseignant. L’expérience, certes encore récente, de la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) fait malheureusement craindre que cette occasion soit en train d’être manquée.
La prise en compte des besoins éducatifs particuliers dans la formation initiale des enseignants se fait en application de la loi et de l’arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF). Elle passe par l’intégration dans le tronc commun des formations portant notamment sur les « gestes professionnels liés aux situations d’apprentissage, dont la conduite de classe et la prévention des violences scolaires, la prise en compte de la diversité des publics et en particulier des élèves en situation de handicap et les méthodes de différenciation pédagogique et de soutien aux élèves en difficulté ». En pratique cependant, quatre insuffisances sont manifestes dans l’immense majorité des ESPE.
En premier lieu, l’isolement et la modicité des volumes horaires de la formation générale consacrés aux pratiques de l’école inclusive, qui d’ailleurs prend des formes extrêmement variées selon les ESPE, sont une aberration.
L’intention du législateur était que les démarches particulières et novatrices induites par l’inclusion, qui recourent à des fondements théoriques et, surtout, des gestes et méthodes d’apprentissage pratiques irradiant l’ensemble du métier d’enseignant, devaient servir de fil rouge et imprégner l’ensemble de la formation, en particulier dans sa dimension disciplinaire. Cette nécessité n’était évidemment pas exclusive de la définition de modules plus spécifiques consacrés à des aspects ou des apprentissages plus particuliers.
Or, c’est l’inverse que se passe sur le terrain. Les formations de tronc commun sont isolées du reste de la formation et, en leur sein, l’initiation progressive des étudiants à la prise en compte de la diversité des élèves fait partout l’objet de modules spécifiques de seulement quelques heures.
Il est impossible, dans des délais aussi brefs, de répondre ne serait-ce que superficiellement aux ambitions de l’école inclusive, qui doivent en effet intégrer à tout le moins des initiations à la notion d’école inclusive, à la pédagogie différenciée, à l’étayage, à la différenciation pédagogique, aux réponses pédagogiques et institutionnelles à la diversité sociale et culturelle des élèves, à la gestion spécifique des élèves à besoins particuliers…
Pire, certaines ESPE réservent même les modules de formation à la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, préalables incontournables de la compréhension des dispositifs d’inclusion, aux seuls professeurs des écoles à l’exclusion des professeurs de collèges ou de lycées. Comment un professeur peut-il faire correctement un cours s’il ne connaît pas le public qui est en face de lui ? Au-delà des spécificités de chaque élève, un enfant de 4 ans n’est pas le même qu’un enfant de 10 ans ou qu’un adolescent de 12, 15 ou 18 ans...
En second lieu, le contenu même de ces enseignements apparaît excessivement théorique, ne recourant que très marginalement aux expertises extérieures des acteurs de terrain. Les intervenants extérieurs à l’ESPE dans ces modules représentent entre 20 et 35 % seulement des formateurs, soit quelques heures dans des volumes horaires d’une quinzaine d’heures, au mieux. Ils n’interviennent majoritairement que dans les formations spécialisées et opérationnelles qui ne sont proposées qu’en options d’approfondissement ou de recherche en deuxième année. Comme le précise la loi de refondation de l’école, les ESPE doivent s’ouvrir encore davantage à l’ensemble des acteurs de l’éducation, y compris aux associations comme celles de l’éducation populaire dont les expériences de terrain peuvent être une vraie source d’enrichissement.
De même, les parcours plus robustes mis en place pour former les enseignants à l’adaptation scolaire et à la scolarisation des élèves handicapés (ASH) ou aux pratiques et ingénieries de la formation ne sont proposés que dans certaines mentions des masters, et, dans les faits, ne sont choisis que par les futurs professeurs des écoles.
Ainsi, à la rentrée 2014, seulement dix-sept ESPE avaient mis en place des masters spécialisés dans le cadre de cette dernière mention, selon des intitulés variant du « handicap, difficultés et vulnérabilité », à la « scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers », au « certificat d’aptitude au professorat des jeunes sourds » et à la « fonction de direction d’établissement, de sections ou de services spécialisés », perpétuant le réflexe de spécialisation, voire de médicalisation des difficultés scolaires alors même que l’enjeu de l’école inclusive est de diffuser ces compétences dans tous les domaines du métier d’enseignant. Le travail collaboratif avec les familles, dont on a souligné l’importance, n’est pour sa part abordé qu’en deuxième année de master, avec des modules limités en général à cinq ou six heures.
En troisième lieu, l’appropriation des enjeux et des méthodes de l’école inclusive se heurte à une absence presque totale de valorisation dans les parcours de formation. En raison notamment d’une composition des jurys faisant une part trop importante aux enseignants disciplinaires et en dépit des efforts d’adaptation des concours consentis par le Gouvernement, ces questions entrent peu dans les critères d’appréciation de l’aptitude des candidats à exercer le métier d’enseignant et, par voie de conséquence, sont reléguées au second plan par les étudiants, légitimement accaparés par la préparation du concours.
En quatrième lieu, en dépit de l’espoir de complémentarité et d’ouverture qui avait conduit le législateur à placer les ESPE dans le cadre des universités en tant que composante afin de leur permettre de mettre en place des passerelles avec tous les acteurs concourant à l’école inclusive, les formations des enseignants et des personnels de l’éducation demeurent étanches de celles des personnels des établissements ou services médico-sociaux (ESMS), des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ou des AESH. L’absence de modules communs, pourtant aisés à organiser, est là encore une belle occasion gâchée.
e. Une formation continue encore en jachère, qui ne laisse qu’une place marginale à l’enjeu de l’inclusion
En dernier lieu, la formation continue à l’école inclusive demeure notoirement insuffisante, rejoignant malheureusement les constats généraux dressés de longue date sur la formation continue des enseignants.
En 2014-2015, en dépit d’une inflexion méritant d’être relevée, la thématique « réussite éducative : élèves en difficulté d’apprentissage, en situation de handicap » n’a rassemblé que 11,2 % et 6 % du volume total des formations dans respectivement les premier et second degrés, se limitant à 47 589 et 43 663 jours stagiaires.
Quant aux formations conjointes organisées au niveau départemental sur tout le territoire pour accompagner les personnels concourant à la scolarisation des élèves en situation de handicap mentionnées supra, elles sont trop récentes, et de portée encore trop embryonnaire, pour pouvoir parler de l’émergence d’une culture commune. Ainsi seulement 130 sessions de formation de 12 heures, pour 2 500 encadrants et professionnels, sont aujourd’hui prévues.
Dans ce contexte, la formation réellement disponible pour la vaste majorité des enseignants se limite aux utiles mais brefs modules de formation interactif de trois heures, intitulés « scolarisation des élèves en situation de handicap » et au récent parcours intitulé « aider les élèves DYS grâce aux outils numériques » proposé par une équipe de l’ESPE de Reims, sur la plate-forme interactive M@gistère. Mais même cette formation modeste n’est pas offerte à tous les enseignants, son accès n’étant autorisé que si elle est préalablement intégrée au plan annuel de formation établi par l’inspecteur de circonscription. La rapporteure pour avis insiste sur l’impérieuse nécessité de renforcer la formation continue et de systématiser dans ce cadre la formation aux besoins éducatifs particuliers. Elle estime aussi nécessaire d’augmenter les moyens consacrés au remplacement des personnels bénéficiant d’une formation continue.
La rapporteure pour avis ne peut que déplorer ces blocages persistants, qui condamnent aujourd’hui l’école inclusive à n’avancer que très lentement.
Les solutions, outre une révision globale de la place de ces missions dans l’ensemble des maquettes de formation des ESPE, appellent des initiatives plus audacieuses, qu’elle a de longues dates formulées.
De toute évidence, la place du concours doit être revue. Un concours en fin de licence libérerait la première année de master de la pression excessive du bachotage, permettant de mettre en place une formation professionnelle ambitieuse alternant régulièrement stages en classes et étayement éducatif, en permettant notamment d’intégrer dans les stages une expérience obligatoire dans des classes intégrant des élèves à besoins éducatifs particuliers. Ce déplacement offrirait également un encouragement nécessaire pour développer dans les universités de réelles licences adaptées aux professionnels de l’enseignement, mariant plus efficacement l’exigence d’excellence disciplinaire avec les prérequis pédagogiques qu’implique toute démarche d’enseignement.
Au-delà de ce master professionnalisé, le déploiement d’une formation continue minimale impliquerait d’aménager, en particulier dans les trois premières années d’enseignement où les professeurs sont confrontés aux plus radicales nouveautés et aux besoins les plus pressants, des volumes de formation significatifs.
En tout état de cause, un effort particulier doit être parallèlement consenti pour élargir la place faite, tant dans les formations initiales que dans les jurys, aux professionnels de terrain.
Au-delà de l’amélioration du dépistage et des gestes professionnels face à des élèves à besoins particuliers, la formation initiale et continue des enseignants doit améliorer la diffusion des pratiques de pédagogie différenciée.
Il s’agit par-là d’intégrer qu’au-delà des situations de handicap ou de troubles identifiés des apprentissages, chaque enfant est différent dans son appréhension des apprentissages. Face à l’hétérogénéité de la classe, il s’agit de retrouver des méthodes d’enseignement adaptées à chacun et donc de faire évoluer les procédures. Pour cela, la formation des enseignants est essentielle mais des évolutions institutionnelles peuvent aussi contribuer à entraîner des modifications dans les pratiques. Le dispositif du “plus de maîtres que de classes” est un très bon exemple.
En effet, ce dispositif « plus de maîtres que de classes » est l’aboutissement le plus cohérent de logique de coéducation induite par l’inclusion, dès lors que sa mise en application respecte quelques grands principes.
D’abord, le dispositif doit exclusivement être concrétisé par l’affectation dans les écoles de maîtres supplémentaires afin de donner à l’équipe pédagogique les moyens de mieux répondre aux besoins des élèves qui éprouvent le plus de difficultés. L’idée du législateur est bien d’encourager la mise en œuvre de pratiques pédagogiques au sein de la classe permettant de prévenir l’échec scolaire et aidant directement les élèves dans l’acquisition des apprentissages indispensables à une scolarité réussie. Cette ambition est la mieux servie dans les pratiques de « co-intervention », où le maître de la classe et le maître supplémentaire sont impliqués simultanément devant les élèves mais aussi dans les temps de préparation et de bilan des séances.
La rapporteure pour avis approuve d’ailleurs le choix effectué dans la circulaire n° 2014-077 du 4 juin 2014 relative à la refondation de l’éducation prioritaire, de développer ce dispositif d’abord dans le réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) pour progressivement l’étendre à toute l’éducation prioritaire. Elle se félicite qu’il soit concentré sur le cycle des apprentissages fondamentaux. Elle relève toutefois que ces étapes, nécessaires, devraient être suivies par une généralisation à l’ensemble des écoles si l’on veut pérenniser les ressources de l’école inclusive.
Plus généralement, les expérimentations pédagogiques doivent être encouragées et renforcées, de même que la diffusion des bonnes pratiques. La rapporteure pour avis considère que l’innovation pédagogique doit être mieux valorisée dans le parcours professionnel et l’évolution des carrières des enseignants. L’école inclusive ne pourra pas s’exonérer d’une réflexion globale sur le métier enseignant.
L’école inclusive postule que tout enfant peut réussir sa scolarité. Sa situation familiale, sociale, sa culture, un handicap, une difficulté ou un trouble d’apprentissage ou du comportement ne doivent plus être des obstacles mais des spécificités à prendre en compte pour adapter les réponses pédagogiques. Un grand pas a été fait dans l’acceptation, par tous les acteurs, de cette nécessité. Il s’agit maintenant de se donner réellement les moyens d’y arriver. L’école inclusive coûte plus cher, c’est un fait. Mais grâce à elle, combien de jeunes éviteront la spirale de l’échec scolaire puis professionnel, combien de personnes en situation de handicap prendront leur autonomie et s’intégreront dans le monde du travail, combien de personnes seront tout simplement membres à part entière de notre société et non reléguées à la marge ? L’école inclusive est donc bel et bien un investissement d’avenir qu’il nous appartient de soutenir, fortement.
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de Mme Barbara Pompili, sur les crédits pour 2016 de la mission « Enseignement scolaire », et de Mme Sophie Dion (Recherche) et Mme Anne-Christine Lang (Enseignement supérieur et vie étudiante) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », lors de sa première séance du mercredi 14 octobre 2015.
M. le président Patrick Bloche. Nous entamons ce mercredi matin l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2016, avec la présentation de trois rapports pour avis sur les crédits du ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Nos trois rapporteures ont chacune choisi de traiter une thématique spécifique afin de valoriser un secteur ou un enjeu particulier des politiques publiques en faveur de l’enseignement public et de la recherche. Dans le cadre de la mission « Enseignement scolaire », Barbara Pompili a souhaité centrer son rapport sur l’école primaire inclusive, dans le prolongement de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République que nous avons adoptée en 2013. Sophie Dion, pour sa part, a choisi la thématique « Sport et recherche » pour son avis sur les crédits de la recherche. Quant à Anne-Christine Lang, son rapport pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante porte plus précisément sur le patrimoine immobilier des universités, vaste sujet aux impressionnantes implications financières.
Mme Barbara Pompili, rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». L’un des apports les plus précieux des travaux de notre commission à la loi de refondation de l’école a été l’introduction, dans le code de l’éducation, de la mission d’inclusion qui figure désormais, aux termes de l’article L. 111-1 du code de l’éducation, parmi les missions d’un service public de l’éducation. Elle repose sur la reconnaissance du fait « que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ».
Là réside, en effet, la principale lacune de notre système éducatif. S’il s’occupe très bien des élites et de leur formation, toutes les études internationales et nationales montrent que c’est en France que les performances scolaires sont le plus étroitement liées aux origines sociales. Notre école aggrave les inégalités et éprouve d’extrêmes difficultés à prendre en compte les difficultés particulières d’apprentissage des élèves et à les surmonter. C’est donc dans la réalité qu’il convient désormais d’inscrire le principe d’inclusion, ce qui appelle un profond changement de mentalité. Il s’agit non pas de demander aux enfants de se fondre dans une normalité fantasmée mais, au contraire, d’être en mesure de proposer à chacun des réponses appropriées, en fonction de ses besoins.
L’école inclusive postule que tout enfant peut réussir sa scolarité. Sa situation familiale et sociale, sa culture, un handicap, une difficulté ou un trouble d’apprentissage ou du comportement ne doivent plus être des obstacles. Ce sont des spécificités qu’il convient de prendre en compte pour adapter les réponses pédagogiques. La présentation de ce rapport est l’occasion de faire un point d’étape, deux ans après la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
J’évoquerai les nombreux outils au service de l’inclusion et les pistes d’amélioration envisageables, notamment en ce qui concerne les accompagnants d’élève en situation de handicap (les AESH), les contrats aidés et les parcours personnalisés. Je parlerai aussi du rôle essentiel que doivent jouer les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Je reviendrai sur le mouvement actuel d’internalisation des unités d’enseignement et sur la nécessité de mieux articuler les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et la classe ordinaire, car il importe vraiment de dépasser les cloisonnements qui demeurent. J’insisterai sur la nécessité de recourir à des partenariats innovants et des méthodes pédagogiques individualisées. Et, bien évidemment, j’insisterai sur la formation des enseignants qui est, pour moi, l’essentiel.
Je tiens à souligner la diversité des publics concernés. L’école inclusive évoque trop souvent le seul handicap, à tort. Les élèves à besoin éducatif particulier sont aussi ceux atteints de troubles spécifiques, comme les élèves « dys », les enfants précoces, les enfants confrontés à des difficultés familiales ou sociales, les enfants allophones, récemment arrivés en France, ou ceux issus de familles itinérantes. Les situations sont nombreuses et je n’ai pu les traiter toutes dans le rapport, mais ce qui compte, c’est la démarche d’inclusion, c’est l’évolution des méthodes. Par ailleurs, je me suis concentrée sur le premier degré, parce que c’est là que tout commence. En outre, le sujet est trop vaste, et ma collègue Sylvie Tolmont a évoqué l’an dernier le secondaire, dans le cadre de son très intéressant rapport consacré aux sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA).
Le rapport brosse, tout d’abord, un rapide tableau de la situation et des dispositifs existants.
Depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la scolarisation des enfants en situation de handicap a progressé : le nombre d’enfants handicapés scolarisés dans les écoles primaires a doublé en dix ans, pour dépasser 150 000, soit 2,2 % du total des élèves. Mieux, 69 % d’entre eux ont été scolarisés dans les classes ordinaires (dont 42 % avec un auxiliaire de vie scolaire) tandis que la part des élèves en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) régressait pour atteindre le niveau de 30 %. L’État consacre désormais 1,5 milliard d’euros par an à ces politiques : 600 millions d’euros pour la rémunération des accompagnants d’élèves en situation de handicap – c’est le nouveau nom des auxiliaires de vie scolaire –, 700 millions d’euros pour celle des enseignants spécialisés et 200 millions d’euros pour celle des personnels d’animation et d’encadrement.
Par ailleurs, en application de la loi pour la refondation de l’école, nous assistons depuis quelques années à une réelle individualisation des parcours, en fonction des besoins des élèves et des outils que l’école peut mobiliser pour offrir une réponse adaptée aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Je songe là au projet personnalisé de scolarisation (PPS), élaboré par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et l’équipe éducative pour les enfants en situation de handicap, mais aussi au plan d’accompagnement personnalisé (PAP), qui se met lentement en place depuis que la circulaire du 22 janvier 2015 permet des adaptations pédagogiques au bénéfice des élèves souffrant de troubles d’apprentissage. Enfin, le programme personnalisé de réussite éducative encourage les équipes pédagogiques à mettre en place des accompagnements différenciés pour les élèves qui risquent de ne pas maîtriser certaines compétences attendues à la fin des cycles scolaires.
Des dispositifs d’enseignement spécial demeurent encore indispensables pour accompagner temporairement les enfants dont les difficultés d’apprentissage apparaissent peu conciliables avec une scolarité dite ordinaire. Félicitons-nous cependant du rapprochement qui s’opère entre ces dispositifs et la classe ordinaire, qui a vocation à accueillir tous les élèves. Dans cet esprit, les CLIS ont été modernisées par la circulaire du 21 août 2015 qui, en les rebaptisant ULIS-écoles, signifie clairement que ces unités doivent intervenir en appui de la classe ordinaire et non, comme c’est trop souvent le cas, s’y substituer. De même, le Gouvernement a fortement accéléré l’externalisation dans les écoles ordinaires des unités actuellement situées dans les établissements médico-sociaux, avec 100 nouvelles unités ouvertes à la rentrée 2015 s’ajoutant aux 200 existantes.
Parallèlement, 100 unités autisme seront créées d’ici à la fin de la législature, pour accueillir plus de 700 élèves enfants âgés de trois à six ans dont la prise en charge était jusqu’à présent si défaillante dans notre pays. Le retard reste considérable, mais nous avançons dans la bonne direction.
Si de nombreux outils pour l’inclusion ont ainsi été forgés, en particulier à la suite de la loi de refondation, il serait illusoire de croire que, pour devenir inclusive, l’école n’a désormais plus qu’à attendre le déploiement des moyens et la diffusion des bonnes pratiques. L’école inclusive demande, en effet, une accélération des investissements. On estime ainsi que 10 000 à 30 000 enfants handicapés se trouvent aujourd’hui privés de toute solution de scolarisation. Nombreux sont ceux qui doivent se résoudre à chercher une solution en Belgique, ce qui est absolument inacceptable.
Ce manque de moyens empêche une mise en œuvre satisfaisante des parcours individualisés. Le manque, par exemple, de médecins scolaires, qui doivent valider les PAP, dont le nombre s’effondre en raison d’un déficit d’attractivité du métier – on n’en compte qu’un pour 9 000 élèves. Il y a aussi le coût prohibitif des bilans pour les enfants « dys », qui constitue une discrimination sociale dans leur accompagnement : un test ergothérapeutique non remboursé par la sécurité sociale coûte, par exemple, entre 100 et 250 euros. Les indispensables RASED, victimes d’une véritable saignée pendant la précédente législature, ont vu supprimer à bas bruit le tiers de leurs effectifs qui ne se rétablissent que très lentement depuis 2012. Un constat analogue peut être fait pour les enseignants référents, chargés de suivre les parcours individualisés : leur nombre ne dépasse pas un pour 500 élèves. Comment, dans ces conditions, suivre individuellement les élèves ? Et je n’oublie pas les précieux enseignants des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivant (UPE2A), qui devront très bientôt faire face à l’arrivée de près de 5 000 enfants réfugiés syriens, ce qui représente une augmentation des besoins d’un quart.
Parallèlement à une augmentation des moyens, l’école inclusive exige un complet changement d’état esprit. La différence doit être envisagée, non comme un défaut à corriger ou à reléguer dans des structures extérieures, mais comme une opportunité pour l’école de changer ses méthodes et d’œuvrer à la réussite de tous. Lors des auditions et sur le terrain, enseignants et acteurs de l’éducation ont tous manifesté leur volonté de relever ce défi. Je m’en réjouis, mais ils se disent aussi démunis, parfois, face à la complexité de la tâche.
Le premier enjeu est donc de faire émerger une culture du travail en équipe qui permette de faire converger les compétences et les efforts des équipes éducatives, des équipes médico-sociales et des parents au service de l’enfant, pour surmonter ses difficultés d’apprentissage spécifiques. Il faut absolument éviter des réponses trop tardives, trop stéréotypées et trop fragmentées, et préserver l’école du piège de la médicalisation, c’est-à-dire de la relégation des enfants.
Se pose aussi la question de la responsabilité de l’école dans la détection des premiers troubles. Près de la moitié des troubles d’apprentissage sont aujourd’hui découverts à l’école maternelle. Plus les troubles sont détectés rapidement, meilleures sont les chances de les prendre en charge. Or on constate aujourd’hui, en particulier dans les réseaux d’éducation prioritaire, une baisse tendancielle du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, passé de 35 % en 1999 à 11 % aujourd’hui. Dans le même esprit, il est urgent de former les enseignants à la détection et aux premiers gestes scolaires, ainsi qu’au dialogue avec les familles, essentiel pour trouver les meilleures façons d’accompagner les élèves dans leur scolarisation, qu’il s’agisse de réponses pédagogiques ou d’un nécessaire travail de médiation, notamment avec les familles les plus éloignées du milieu scolaire. Je vous renvoie, sur ce point, à l’excellent rapport rédigé par notre collègue Valérie Corre, à la suite des travaux de la mission d’information présidée par notre collègue Xavier Breton.
La culture du travail en équipe doit aussi permettre de dépasser la politique du « tout AVS » sur laquelle a longtemps été concentré l’essentiel des efforts en faveur de l’école inclusive. Entendons-nous bien : l’augmentation, par le Gouvernement, du nombre d’auxiliaires de vie scolaire, avec 28 000 AESH et 48 000 contrats aidés, est une très bonne chose. Le recours aux AVS est un élément central de l’école inclusive et ces postes doivent, sans le moindre doute, être pérennisés, et leurs personnels être mieux formés, mieux rémunérés et accéder à des statuts moins précaires ; mais il faut lutter contre le recours trop systématique aux AVS, alors que, dans certains cas, des adaptations pédagogiques seraient suffisantes pour répondre aux besoins de l’élève.
La culture du travail en équipe permettrait aussi de mettre un terme à un scandale : à la fin de l’année 2013, seuls 35 % des enfants handicapés scolarisés avaient accès aux activités périscolaires et 66 % à la cantine, alors même que, depuis le mois de février 2015, les collectivités peuvent bénéficier de soutiens financiers. Il est temps que l’État refuse de signer les projets éducatifs territoriaux (PEDT) qui méconnaissent l’une des missions essentielles de l’école, et il serait très utile que le Gouvernement envisage les modalités d’une extension des projets personnalisés de scolarisation (PPS) aux activités périscolaires.
C’est pour pallier ces difficultés que je propose de créer dans chaque circonscription scolaire des « pôles ressources inclusion » comportant une cartographie précise des acteurs et des ressources, qui permettent de dresser un premier bilan et de corriger les inégalités d’implantation, et qui offrent aux professionnels un cadre stable de dialogue et aux enseignants des interlocuteurs clairs pour les aider rapidement dans le traitement des difficultés scolaires. En miroir, je suggère d’identifier dans chaque école un « maître ressources inclusion » chargé des relations avec ce pôle. Il serait l’indispensable relais entre les compétences cumulées dans le département et les besoins que chaque enseignant rencontre dans son travail quotidien. Ce serait aussi un précieux interlocuteur pour les trop nombreuses familles qui se sentent exclues de l’accompagnement pédagogique de leurs enfants.
Cela étant, tous mes travaux m’ont convaincue qu’in fine le vrai garant de l’inclusion, celui qui détient la clef du succès des apprentissages, c’est l’enseignant de la classe ordinaire. Il doit donc nécessairement être formé à cette dimension de son métier. Or les auditions que j’ai conduites me font craindre que les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) ne soient, pour le moment, très décevantes de ce point de vue.
Tout d’abord, les pratiques de l’école inclusive, intégrées au tronc commun de formation, sont totalement isolées du reste de la formation et insuffisantes. En outre, les interventions d’experts extérieurs, si précieuses sur ces sujets, ne représentent pas plus de 20 à 35 % des intervenants. Ensuite, ces enjeux ne sont pas valorisés dans les parcours et interviennent peu dans les critères d’appréciation des concours, même si des efforts ont été faits, et les formations communes aux enseignants, aux personnels des établissements médico-sociaux et des MDPH et aux AESH sont, au mieux, embryonnaires. Enfin, la formation continue à l’école inclusive est, elle aussi, notoirement insuffisante.
Dès lors, il est urgent d’agir, en premier lieu pour modifier les maquettes des formations des ESPE, mais il faut aussi aller plus loin. Je propose ainsi de déplacer le moment du concours à la fin du cursus de licence, afin de libérer la première année de master du bachotage et de déployer une formation professionnelle digne de ce nom. Cette formation devra aussi mieux diffuser les pratiques de pédagogie différenciée permettant de trouver des méthodes d’enseignement adaptées à chacun dans des classes hétérogènes et, ainsi, de prévenir l’échec scolaire. Il faudra également encourager la diffusion des bonnes pratiques, où les professionnels pourront puiser leur inspiration, et l’innovation pédagogique devra être mieux valorisée dans le parcours professionnel des enseignants et les évolutions de carrière. De manière plus générale, si nous voulons que l’école inclusive devienne une réalité, nous devons redéfinir clairement le métier, la formation, la rémunération et l’évolution de carrière des enseignants, qui en sont le principal pilier.
C’est une évidence, l’école inclusive a un coût, mais ses effets en termes de réduction de l’échec scolaire, d’intégration dans la vie sociale et professionnelle, d’autonomisation, en font un investissement rentable pour toute la société. À nous d’accompagner l’école dans cette adaptation longue et nécessaire.
Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis sur les crédits de la recherche. La recherche la plus dynamique se fait souvent aux frontières, aux interfaces, et il m’a semblé intéressant de choisir une nouvelle fois cette année un thème transversal pour examiner comment peuvent se fédérer et se coordonner les activités des nombreux organismes sur lesquels se fonde la recherche dans notre pays. L’an dernier, la montagne, comme objet de recherche transdisciplinaire, a permis de définir un nouveau « biome » sur la base d’une géographie commune et de proposer des réflexions en termes d’organisation ; cette année, j’ai choisi pour thème la recherche sur le sport, qui n’est pas moins riche d’enseignements. Par nature transdisciplinaire, elle implique le dépassement des classifications statistiques et budgétaires habituelles. Cette transversalité permet aussi d’illustrer plus largement les forces et les faiblesses de la recherche en France : ses résultats sont excellents mais leur valorisation, tant académique que pratique, reste souvent très en deçà des possibilités qu’ils ouvrent.
Les recherches publiques menées en France sur le sport sont assez dispersées mais peuvent, finalement, s’articuler autour de quatre structures principales : l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) ; les unités de formation et de recherche de sciences et techniques des activités physiques et sportives, les STAPS ; un certain nombre d’équipes de recherche de l’INSERM et le laboratoire de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ; des instruments de recherche dédiés ou contribuant à ces travaux de recherche en cotutelle.
Depuis sa création en 1975, les activités de recherche font partie intégrante des missions de l’INSEP. L’Institut dispose d’un laboratoire de recherche Sport, expertise et performance (SEP), équipe d’accueil universitaire, qui coordonne cinq champs disciplinaires – physiologie, biomécanique, biologie, psychologie et sociologie – afin d’accompagner les sportifs de haut niveau des pôles France de l’INSEP par son analyse de la performance, ses conseils et ses innovations. Plus largement, le ministère des sports a souhaité mieux exploiter les compétences de l’Institut en lui confiant également le pilotage de la politique de recherche sur le sport au plan national, en complément de sa propre activité dans ce domaine. Ses actions d’accompagnement scientifique de la performance consistent à donner aux athlètes de haut niveau, aux entraîneurs et aux acteurs du sport de compétition des conseils fondés sur les avancées récentes de la science. Portant sur la récupération, la nutrition, les charges d’entraînement et les programmes de renforcement musculaire et de prévention de la blessure, ses recherches pourraient évidemment, à terme, profiter, au-delà des seuls sportifs de haut niveau, à l’ensemble de la population.
Par ailleurs, depuis 2006, l’INSEP abrite dans ses locaux de Vincennes l’Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport, l’IRMES.
La recherche dans les universités bénéficie aussi du rôle fédérateur des unités de formation et de recherche des STAPS. Au nombre de trente-sept, dont trente-deux sont des équipes d’accueil, ces structures dépendent de vingt-huit universités, ce qui traduit une présence assez homogène sur l’ensemble du territoire national. Ces unités de recherche mènent des travaux rattachés à des disciplines extrêmement variées. Cependant la faiblesse des crédits récurrents alloués aux laboratoires universitaires les oblige à chercher des contrats au moins autant pour survivre que pour élargir le spectre et l’impact de leurs recherches. Les petites structures de la taille d’un laboratoire sont obligées de faire preuve de beaucoup de dynamisme pour identifier des appels d’offres multiples et dispersés et y répondre dans des conditions satisfaisantes, ceux de l’Agence nationale de la recherche (ANR) étant devenus pratiquement inaccessibles.
Si le sport et la santé sont intimement liés, les recherches de l’INSERM dans le domaine du sport n’en couvrent pas moins des champs très variés. Elles s’intéressent aussi bien à une meilleure connaissance des mécanismes physiologiques mis en œuvre par l’activité physique qu’à celle du rapport des individus au corps et à leur santé ainsi qu’à la pratique sportive considérée comme un moyen préventif, thérapeutique ou de réhabilitation, ou comme une fin en soi en vue de l’amélioration des performances pour la compétition. Cet ensemble forme cependant un groupe hétérogène. Ainsi, la thématique « sport et santé », bien que largement traitée par l’INSERM, ne fait pas l’objet d’une organisation spécifique, tant les questions abordées et les objectifs poursuivis sont spécifiques à chaque équipe ou à chaque domaine thématique.
Enfin, quoiqu’elles soient moins connues, il faut mentionner les activités de recherche de l’Agence française de lutte contre le dopage. Elle est partagée entre différents acteurs : le comité d’orientation scientifique chargé, notamment, d’examiner les projets à subventionner, le conseiller scientifique du président de l’Agence et le département des analyses, avec sa section recherche et développement. Lors du débat d’orientation stratégique pour 2015, le collège de l’Agence a décidé de maintenir les moyens antérieurement consacrés à la recherche, afin de préserver la compétitivité de l’AFLD dans ce domaine, et ce dans un contexte de réduction des crédits. Il est, en effet, essentiel pour un laboratoire au rayonnement international de s’adapter aux techniques de détection nouvelles et aux évolutions des substances et des méthodes de dopage. De fait, avec son département des analyses, l’AFLD dispose, à Châtenay-Malabry, de l’unique laboratoire antidopage français accrédité par l’Agence mondiale antidopage.
Je voudrais également illustrer le caractère fédérateur des recherches sur le sport à travers les équipements dédiés à la recherche sportive. Si l’identification du sport dans le champ de la recherche est éminemment perfectible, réjouissons-nous de la mise en place, par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, à côté des structures que je viens de présenter, de structures interdisciplinaires ciblées qui intègrent, sur un même site, l’ensemble ou, à tout le moins, une partie très substantielle des compétences nécessaires. Mentionnons ces deux sites de référence que sont l’Institut des sciences du mouvement, à Marseille, et Euromov, à Montpellier. En effet, les conséquences économiques des recherches dans le domaine du sport, quel qu’en soit le sujet, quel que soit l’établissement qui les mène, sont particulièrement variées et importantes. Outre des impacts classiques en termes de transfert de technologie, de création de start-up ou de jeunes entreprises innovantes, de partenariats de recherche ou de financement de chercheurs, qu’elle partage avec l’ensemble des autres recherches académiques, la recherche sur le sport assume un rôle direct de dynamisation et de structuration d’un secteur économique suffisamment vaste pour mériter une meilleure approche. Ces enjeux économiques sont, bien sûr, fondamentaux en ce qui concerne la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024. De même, le fait que la France redevienne la première destination mondiale pour le ski, devant les États-Unis et l’Autriche, avec 53,9 millions de journées skieurs en 2014-2015 montre, s’il en était besoin, dans ce domaine sportif spécifique, l’importance des objectifs poursuivis et la nécessité d’investissements dans la recherche pour conforter cette position.
Enfin, les recherches sur le sport contribuent non seulement à faire progresser nos connaissances sur le bien-être et la santé, y compris la santé du sujet vieillissant, mais aussi à assurer la cohésion sociale et le rayonnement international de notre pays.
La valorisation de la recherche prend donc une importance décisive. Les grands établissements de recherche disposent, depuis assez longtemps, de structures de transfert permettant le développement de leurs recherches, mais un effort décisif a été entrepris, dans le cadre du programme des investissements d’avenir de 2009, avec la création des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), pour accroître les retombées sur l’économie et la société des financements en matière de recherche. La systématisation de cet instrument nouveau s’est révélée particulièrement pertinente pour valoriser la recherche universitaire menée dans les unités de formation et de recherche propres de ces établissements, y compris dans le domaine sportif.
La place des recherches sur le sport et les activités sportives reste cependant à préciser dans la nouvelle stratégie nationale de recherche définie en mars 2015. Ces recherches relèvent de facto du défi 4, « Santé et bien-être ». Ce classement a semblé naturel, puisque le sport et la santé sont étroitement associés dans l’imaginaire culturel mais aussi dans la vie quotidienne, mais les recherches menées dans ce vaste domaine conduisent à se demander si ce choix était le plus approprié. Les secteurs scientifiques qui peuvent être considérés comme des contributeurs à la recherche sur le sport et le phénomène sportif sont, répétons-le, d’une extrême variété. Dès lors, il est prévisible que la recherche fondamentale, qui a un impact sur l’ensemble des questions liées au sport, se développe, la plupart du temps, dans des laboratoires ou des structures de recherche qui ne lui sont pas expressément dédiés, voire qui ne mentionnent pas explicitement cette thématique dans leurs programmes. Une meilleure prise en compte du sport en tant que champ de recherche à part entière ne serait-elle pas nécessaire ?
L’un des trois axes de la stratégie nationale de recherche de 2009, « Santé et biotechnologie », proposait clairement un cadre transversal adapté. Il n’en va plus de même dans le cadre de la stratégie de 2013-2015. Parmi les dix défis de celle-ci, « Santé et bien-être », est trop précis ou pas assez, car il ne permet pas de traduire les aspects économiques, sociologiques et politiques du sport. Ne serait-il pas souhaitable de faire du sport un défi pour la recherche en lui-même ? Voilà qui anticiperait une déclinaison plus précise des autres défis et de leurs financements publics ou contractuels.
Mme Anne-Christine Lang, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la question du patrimoine immobilier des universités. C’est l’un des principaux enjeux financiers auquel sera confronté notre enseignement supérieur au cours des prochaines années.
Les universités disposent d’un patrimoine immobilier considérable de plus de 18,5 millions de mètres carrés. Trois phases ont caractérisé son évolution récente. À la faveur du plan Université 2000, les années 1995 à 2000 furent celles d’une vive croissance. La dynamique des constructions s’est poursuivie entre 2000 et 2006, avec près de 10 % de surfaces supplémentaires. Elle s’est finalement interrompue depuis 2010, pour ne reprendre que lentement à partir de 2014, tandis que débutait une nouvelle phase de massification. Depuis 2013, les flux de nouveaux étudiants sont passés d’une moyenne annuelle de 25 000 à 65 000
– environ 50 000 si l’on exclut les élèves de classes préparatoires aux grandes écoles qui ont une double inscription. Ce phénomène est dû à la fois au fort chômage des jeunes, qui les incite à retarder leur entrée sur le marché du travail, à la forte hausse du nombre de bacheliers professionnels et à leur désir croissant de continuer leurs études, et aussi à une plus nette appétence des jeunes pour l’enseignement supérieur. Quoi qu’il en soit, ce mouvement de fond est bienvenu et crédibilise notre objectif d’élever de 43 % à 60 % d’une classe d’âge la proportion de diplômés du supérieur d’ici à 2025.
Se pose la question de la capacité physique des établissements à accueillir ces nouveaux étudiants. Si la taille du patrimoine apparaît largement suffisante, sa qualité, son équilibre sur les territoires et son entretien sont très perfectibles. La répartition des surfaces est inégale : de 3,7 mètres carrés par étudiant à Paris 2 à 15,7 à l’université de Poitiers, la moyenne étant de 6 mètres carrés. Surtout, l’état du patrimoine est contrasté : 12 % des bâtiments sont très dégradés, 27 % supplémentaires exigent des travaux lourds de remise à niveau. La majorité des surfaces souffre d’une usure importante et est très énergivore – en termes de performance énergétique, 55 % sont classés D ou E. Le fonctionnement et l’entretien de ces bâtiments impliquent donc des charges financières importantes, qui s’alourdissent encore puisque beaucoup d’universités sont incapables de garantir ne serait-ce que le maintien en l’état des bâtiments. On estime le coût de la préservation d’un immeuble de toute dégradation supplémentaire à environ 15 euros par mètre carré. Or les universités y consacrent aujourd’hui en moyenne 6,50 euros.
Quelques chiffres permettent de prendre la mesure des enjeux financiers. Le ministère estime qu’une réhabilitation complète des 40 % de bâtiments dégradés combinée à un entretien optimal de toutes les surfaces imposerait des investissements supplémentaires d’environ 850 millions d’euros par an. Or les montants mobilisés dans le cadre des contrats de plan État-région pour répondre à ce besoin ne dépassent pas 450 millions d’euros par an. Manquent donc 400 millions d’euros par an. À cette dette implicite s’ajoutent les montants d’ores et déjà consacrés à la maintenance et à la logistique immobilière, intégrés à l’allocation globale versée par l’État aux universités : autour de 425 millions d’euros par an. J’en profite pour rappeler que le Gouvernement, dans le projet de loi de finances pour 2016, a su prendre la mesure de l’ampleur de ces besoins en augmentant de 138 millions d’euros les autorisations d’engagement pour l’immobilier (+ 12 %) et en renonçant à renouveler le prélèvement de 100 millions d’euros sur les fonds de réserve des universités qu’il avait effectué en 2015, à côté des 65 millions d’euros qui financent mille nouvelles créations de postes.
Dans ce contexte, et compte tenu des fortes tensions auxquelles les finances publiques sont soumises, il est impératif que les universités progressent dans la gestion de leur patrimoine immobilier et dégagent d’importantes marges d’économies et de rationalisation. Prenons cependant la mesure des contraintes spécifiques qui obèrent une réelle professionnalisation de la fonction immobilière des établissements d’enseignement supérieur. Tout d’abord, le fort cloisonnement qui demeure entre les composantes ralentit l’indispensable mutualisation des bâtiments, chaque composante se comportant comme le propriétaire exclusif des murs que l’histoire lui a affectés. Ensuite, le rythme original de l’enseignement universitaire, marqué par des pics d’activité intense, concentrés en général au premier semestre, avant les stages, et, dans la semaine, du mardi au jeudi, conduit spontanément à un surdimensionnement des locaux. Les ratios d’occupation de salles sont ainsi très faibles : environ 70 %.
Sous l’impulsion de l’État, une réelle prise de conscience a émergé depuis quelques années ; toutes les universités ont nommé un vice-président chargé de l’immobilier et se sont dotées de schémas pluriannuels de stratégie immobilière. Toutefois, ces progrès sont inégaux et souvent parcellaires. Seules cinq universités ont, par exemple, mené un audit énergétique complet. Les outils informatiques de gestion, qui se résument parfois à des documents Excel non mis à jour, sont très rarement étendus à la gestion de la scolarité, préalable pourtant indispensable à la mutualisation des bâtiments. Seule l’université Jean Moulin Lyon 3 utilise quotidiennement une application liant les horaires des formations et les affectations de salles. Ainsi celle-ci a-t-elle pu entreprendre une importante rationalisation de l’usage de ses surfaces. Surtout, les stratégies immobilières déployées sont le plus souvent déconnectées des stratégies de développement des formations et de la recherche. De manière générale, la qualité de la gestion immobilière dépend essentiellement de l’efficacité et de l’organisation de la gouvernance, et donc, dans les faits, de l’autorité dont jouissent le vice-président et la direction chargés de l’immobilier.
De manière plus préoccupante, j’ai constaté que les indispensables réflexions préalables sur l’évolution des modèles pédagogiques sont encore trop peu menées dans nos universités. Je pense évidemment au défi de la dématérialisation de la formation. S’il n’implique pas, contrairement à ce que l’on croit, la disparition des cours présentiels, il encourage sans ambiguïté une véritable révolution des usages. Les concepts décisifs sont ici la flexibilité et la modularité, qui peuvent, par exemple, transformer des cours magistraux en cours de pédagogie inversée. Ces mutations changent radicalement les besoins immobiliers. Il est indispensable que les universités appréhendent ces mutations avec lucidité. Il en va de même pour le défi énergétique, incontournable lorsqu’on sait que l’immobilier absorbe 40 % de la consommation d’énergie et émet 25 % des gaz à effet de serre en France.
Nous ne sommes pas parvenus à encourager efficacement les universités à prendre cette question à bras-le-corps.
En premier lieu, les financements sont souvent instables et, surtout, trop incertains pour leur permettre d’ancrer leurs stratégies immobilières dans la durée. La partie de l’allocation globale couvrant les frais d’entretien et de fonctionnement n’est garantie que pendant les cinq années du contrat d’accréditation. Par ailleurs, elle n’est plus fléchée, ce qui a pu autoriser certaines universités, confrontées à de réelles difficultés financières, à utiliser les sommes prévues pour l’immobilier pour couvrir d’autres dépenses plus voyantes.
En second lieu, les réhabilitations et les constructions nouvelles sont financées par des contrats de plan qui ont trop longtemps privilégié les constructions nouvelles, même si les contrats 2015-2020 sont l’occasion d’un opportun recentrage sur les réhabilitations. S’ajoutent à ces programmes les investissements d’avenir du plan campus, avec près de 5 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2020, mais ces derniers s’inscrivent dans une logique d’excellence et d’attractivité substantiellement différente, qui excède la seule question des locaux, et ils ne constituent pas une ressource pérenne pour toutes les universités.
En troisième lieu, les universités n’ont pas accès aux emprunts bancaires, hors quelques programmes limités de la Caisse des dépôts et consignation.
Dès lors, au-delà de la stabilisation des financements et l’accès à la future troisième génération des contrats d’avenir, que j’appelle de mes vœux, il est urgent de conforter les ressources que les universités peuvent consacrer à l’entretien de leur patrimoine. Se pose évidemment la question de la dévolution du patrimoine qu’autorise désormais l’article L. 719-14 du code de l’éducation. Même s’il est encore un peu tôt pour en tirer tous les enseignements, l’expérimentation menée par les universités de Clermont 1, Toulouse 1 et Poitiers apparaît très prometteuse. Cependant, si cette expérience mérite d’être poursuivie, cela ne peut se faire que progressivement, car elle est extrêmement onéreuse. L’État a fait le choix, en 2011, d’accorder aux universités bénéficiaires une dotation de dévolution généreuse de 50 euros par mètre carré, précédée d’une complète remise aux normes des bâtiments. Si l’on voulait répéter cette démarche pour toutes les universités et procéder à une dévolution complète, il faudrait trouver immédiatement 500 millions d’euros pour la remise aux normes, plus 500 millions d’euros supplémentaires par an. De tels efforts étant hors de portée, je suggère plutôt de réserver les prochaines dévolutions aux seules communautés d’universités et d’établissement (COMUE) ou universités fusionnées qui auront fait l’effort préalable de mutualiser leurs pôles immobiliers.
Enfin, je pense qu’il faut encourager les universités à faire preuve d’initiative et de créativité pour dégager plus de ressources propres, notamment en tirant partie de leur vaste patrimoine, qu’elles peuvent louer temporairement pour des congrès ou des summer schools, ce qui se fait couramment en Angleterre, et, surtout, en s’engageant avec force et conviction dans la mission exaltante de la formation professionnelle, dont elles ne dégagent aujourd’hui que 300 millions d’euros, alors que c’est un marché de près de 30 milliards d’euros. Cela leur permettrait de contribuer pleinement à l’objectif d’accroissement de qualification de notre société tout entière.
M. le président Patrick Bloche. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes sur la mission « Enseignement scolaire ».
Mme Colette Langlade. Tout d’abord, madame Pompili, je salue le travail approfondi que vous avez consacré à l’élaboration de ce rapport ambitieux sur l’inclusion scolaire à l’école primaire. Vous avez dressé un bilan des investissements budgétaires du Gouvernement et des perspectives d’action. Les dix-sept auditions et tables rondes que vous avez organisées vous ont permis de brosser un paysage complet des difficultés que rencontrent les jeunes élèves : illettrisme, handicap, précocité, territoires sinistrés, les motifs d’inégalités à l’école de la République sont nombreux. Par un investissement clair et ambitieux dans le cadre du projet de loi de finances, par un accompagnement des associations qui œuvrent chaque jour sur le terrain, par une mobilisation des familles et des parents d’élèves, ces inégalités, nous pouvons tous ensemble les faire reculer.
C’est l’objectif du Gouvernement qui, pour la quatrième année consécutive, propose un budget de l’éducation nationale en hausse. Premier budget de la nation, l’école se trouve consacrée dans le projet de loi de finances pour 2016 au rang de première des priorités. Les chiffres sont éloquents. Pour l’année 2016, 517 millions d’euros supplémentaires viendront abonder le budget de l’éducation nationale ; 10 711 emplois seront créés, avec toujours pour horizon l’objectif d’atteindre 60 000 postes en 2017 ; 116 millions d’euros seront consacrés à la revalorisation de la rémunération de celles et de ceux qui se destinent au métier d’enseignant.
On pourrait énumérer longuement les avancées du budget 2016, mais il me paraît plus important d’illustrer ce que représentent concrètement ces efforts pour les élèves et leurs familles.
Parlons d’inclusion scolaire, en commençant par les enfants en situation de handicap. Depuis près de dix ans, l’école primaire a su s’ouvrir à ce public : le nombre d’élèves accueillis a presque doublé, passant de 89 000 à plus de 150 000. Il s’agit d’un effort de toute l’école, renforcé par de meilleures conditions d’accueil, grâce notamment à l’augmentation récente du nombre d’auxiliaires de vie et d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, 350 postes ayant été encore créés cette année. Il reste toutefois un long chemin à parcourir : 30 000 enfants ne se voient toujours pas proposer une place adaptée en école primaire, comme vous le soulignez. C’est la preuve que les efforts et les investissements doivent être poursuivis, notamment à travers l’objectif des 60 000 postes d’ici à 2017.
Parce que la maîtrise complète de la langue française est indispensable à l’obtention d’un diplôme, votre rapport revient sur la problématique des enfants allophones et des élèves en situation d’illettrisme, déclarée grande cause nationale en 2013. Il faut l’affirmer – et vous le faites avec fermeté, madame Pompili –, le dispositif RASED joue depuis sa création un rôle indispensable dans l’accompagnement des enfants en difficulté. Les suppressions de postes inconsidérées du dernier quinquennat, motivées par une vulgaire démarche comptable, ont causé des dégâts désastreux pour l’inclusion de nombreux enfants.
La réduction des inégalités dès le premier cycle est une mission indispensable pour l’école de la République. Parce qu’être élève dans une école à deux vitesses est la plus cruelle des injustices, l’inclusion scolaire de tous est une priorité. Cette priorité doit mobiliser le budget de la nation – c’est indéniablement le cas dans le projet de loi de finances pour 2016 –, les énergies de tous les acteurs de l’éducation – les nombreuses auditions menées par la rapporteure en attestent – ainsi que notre engagement de parlementaires dans la sensibilisation et l’information du grand public. C’est précisément l’intérêt de votre rapport qui dépasse, par la richesse de son contenu, le cadre de ce projet de loi de finances.
M. Xavier Breton. Nous ferons part en commission élargie et en séance de nos interrogations sur les écarts entre créations de postes annoncées et effectives ainsi que sur divers chiffres, et évoquerons les réformes contestées comme celle des rythmes scolaires, du collège ou des programmes scolaires.
Je n’ai pu assister à toutes les auditions, madame Pompili, mais celles auxquelles j’ai participé se sont déroulées dans un excellent climat d’écoute et d’échange. Nous nous rejoignons sur le constat : il y a une aggravation des inégalités sociales et géographiques à l’école ainsi qu’une diminution des performances des élèves. Dans le même temps, force est de reconnaître les progrès considérables accomplis en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap depuis la loi du 11 février 2005, qui posait comme principe que la place de tous les enfants est à l’école. En dix ans, le nombre d’enfants handicapés accueillis à l’école primaire a doublé. Le rapport contient, on peut le regretter, des éléments de polémique puisqu’il oppose la législature précédente à la législature actuelle. D’une part, je ne suis pas sûr qu’un tel sujet se prête aux polémiques ; d’autre part, la lecture des chiffres peut être retournée : les effectifs d’élèves en situation de handicap scolarisés dans les écoles du premier degré ont augmenté de 8 300 à chaque rentrée entre 2007 et 2012 mais de moins de 7 000 depuis 2012. Ce qui compte, c’est que la dynamique soit bel et bien enclenchée.
Nous partageons votre avis, la situation est loin d’être satisfaisante : 10 000 à 30 000 enfants en situation de handicap ne se voient toujours pas offrir de solution adaptée en termes de scolarité, ce qui est source de grandes difficultés ; les inégalités territoriales marquées conduisent certaines familles à s’expatrier dans des pays voisins, en Belgique notamment.
Nous retrouvons les interrogations habituelles à nos débats sur l’éducation. D’abord, sur les moyens budgétaires. On peut regretter une insuffisance de données chiffrées dans le rapport. Néanmoins, celui-ci fait bien apparaître la nécessité de poursuivre les efforts mais aussi de s’interroger sur leur répartition. Des économies peuvent être faites en réduisant le nombre de redoublements : est-ce simplement une démarche comptable ou peut-on envisager une réaffectation des sommes ainsi dégagées ? Si oui, quels dispositifs seraient privilégiés ?
La question des moyens renvoie à l’évaluation, interrogation récurrente dans le domaine éducatif. Il existe très peu d’évaluations permettant de faire le point sur les nombreux dispositifs d’aides aux élèves en difficulté. Prenons le cas des RASED : le rapport que j’avais rédigé en 2011 avec Gérard Gaudron a montré que ces réseaux n’avaient jamais fait l’objet d’évaluations objectives. Les encenser ou leur tirer dessus est un exercice qui relève davantage de l’a priori que de données étayées. Des évaluations restent à mener au sujet des postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap. Leur statut a été amélioré et leur professionnalisation est en marche. Reste à développer et diffuser les bonnes pratiques à partir des expérimentations.
J’en viens à la formation des enseignants. Le rapport formule un jugement assez sévère, que nous partageons : « l’isolement et la modicité des volumes horaires de la formation générale consacrés aux pratiques de l’école inclusive sont une aberration ». On aurait pu penser que la mise en place des ESPE améliorerait les choses. Cela a plutôt été une occasion manquée, souligne le rapport.
La formation continue n’est pas mieux lotie : « elle est encore en jachère et ne laisse qu’une place marginale à l’enjeu de l’inclusion », toujours selon le rapport. Notons que ces enjeux de formation ne se limitent pas aux enseignants. Il faut également s’intéresser aux autres acteurs de l’école, je pense aux postes de direction, aux conseillers principaux d’éducation, aux médecins scolaires, aux personnels de secrétariat ou de restaurants scolaires qui sont chaque jour confrontés aux réalités du handicap.
Outre les questions récurrentes, le rapport soulève des interrogations spécifiques : le risque d’une trop grande médicalisation de la difficulté scolaire, l’intérêt d’une détection précoce des difficultés, l’enjeu de l’accueil des élèves allophones.
La situation est contrastée. Une dynamique est enclenchée depuis dix ans mais elle se heurte aux inerties de notre système éducatif. Trop souvent, nous entendons des enseignants démunis face aux handicaps, face aux familles mais aussi face à l’institution scolaire qui ne les accompagne pas assez. Il reste beaucoup à faire. Souhaitons que ce rapport permette d’améliorer les choses.
Mme Isabelle Attard. Je tiens d’abord à vous féliciter, madame Pompili, pour le choix du thème de votre rapport : l’inclusion scolaire, question extrêmement importante qui me tient particulièrement à cœur, constitue l’une des réussites de la loi pour la refondation de l’école.
Je souhaite revenir sur le cas des enfants qui ne peuvent être objectivement scolarisés dans de bonnes conditions. Je pense notamment aux enfants polyhandicapés souffrant de lésions cérébrales. Leur situation est trop complexe à gérer en milieu ordinaire et leurs besoins en termes d’acquisition de compétences sont trop spécifiques. Quelles solutions leur sont apportées aujourd’hui ? Je ne crois pas me tromper en répondant qu’elles résident dans les instituts médico-éducatifs (IME). Vous évoquez dans votre rapport les passerelles entre CLIS, désormais dénommées « ULIS-écoles », ULIS-collèges et le milieu ordinaire. De telles passerelles existent-elles pour les IME ? Vous signalez la relocalisation d’unités actuellement placées dans les établissements médico-sociaux en milieu ordinaire. C’est une excellente chose mais il me semble que cela reste anecdotique et surtout extrêmement compliqué à mettre en œuvre. N’y aurait-il pas d’autres solutions à inventer ?
J’ai été particulièrement touchée par les témoignages que vous avez rapportés faisant état du sentiment d’impuissance d’équipes éducatives et de familles face à certains handicaps qui nécessitent d’autres chemins pédagogiques. Il manque sans aucun doute des réponses. Je me permettrai de vous présenter une piste : l’éducation conductive. Cette méthode innovante, largement utilisée à travers le monde, peine à trouver sa place en France. Elle permet aux enfants polyhandicapés d’être accueillis dans une structure de type scolaire. Fondée sur des ateliers d’apprentissages appréhendés dans leur globalité, elle a pour but le gain d’autonomie. Elle n’oublie aucune des dimensions de l’enfant et n’en isole aucune. Tout au long de la journée, elle intègre tous les apprentissages physiques, intellectuels et sociaux nécessaires à un développement harmonieux. Elle se veut avant tout éducation et non traitement curatif. Une fois de plus, la Belgique pourrait constituer pour nous un modèle, car la méthode de l’éducation conductive y est largement utilisée. Madame la rapporteure, pouvez-vous m’indiquer si, au cours de vos auditions, cette pédagogie a été évoquée comme une solution dont la France pourrait s’emparer ?
Vous soulignez à juste titre dans votre rapport les inégalités territoriales en matière d’accès aux dispositifs CLIS et ULIS. Comme vous, je trouve insupportable que des familles soient contraintes de s’expatrier en Belgique. Comment lutter contre cette distorsion manifeste du principe d’égal accès à l’école de la République ? Question corollaire : savez-vous si l’éducation nationale est en mesure d’annoncer des remèdes à ces inacceptables inégalités ?
Après l’angoisse des familles, vous signalez ce que j’ose qualifier de désarroi des enseignants « démunis face aux troubles et handicaps, aux familles et à leur administration ». Je plaide, comme vous, pour une meilleure formation des équipes éducatives. Quelle mesure ou quel programme envisagez-vous pour les équipes éducatives, dans le cadre de la formation initiale comme de la formation continue ? Il faut, bien sûr, aller au-delà de la simple semaine d’information organisée autrefois dans les anciens IUFM.
Comme vous sans doute, madame la rapporteure, j’aimerais que plus aucune famille ne s’entende dire par un membre du personnel de l’inspection académique : « si l’école devait s’adapter à tous les handicapés, c’est elle qui finirait handicapée. »
M. Laurent Degallaix. Qu’il s’agisse du respect de la laïcité, de l’idéal démocratique ou de l’égalité des chances, l’école est au cœur de la plupart des polémiques contemporaines. À travers l’école, ce sont notre héritage, nos valeurs que nous transmettons et notre avenir que nous construisons. L’école doit, non pas se contenter de former une élite, mais offrir des perspectives d’avenir à chacun des enfants de la nation. Or, aujourd’hui, les chiffres sont accablants : 150 000 jeunes quittent chaque année l’école sans diplôme ; 20 % des élèves entrant en sixième ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux ; 2,5 millions de Français sont concernés par l’illettrisme, soit 7 % de la population ; 30 000 enfants en situation de handicap ne peuvent être accueillis dans des conditions adéquates à l’école. Je déplore, moi aussi, les inégalités territoriales dans l’accès aux dispositifs. Elles conduisent nombre de familles à scolariser leurs enfants dans des IME en Belgique – un phénomène que nous connaissons bien dans le Nord –, avec les impacts affectifs mais aussi économiques qu’on imagine.
Le constat est sans appel : l’ambition républicaine de l’école est aujourd’hui gravement contrariée. Le groupe UDI a toujours considéré les enjeux de l’éducation et de la formation comme fondamentaux. Nous nous réjouissons que l’éducation nationale continue à être le premier budget de la nation avec l’inscription de près de 48 milliards d’euros en crédits de paiement. La hausse globale du budget de l’enseignement scolaire masque toutefois certaines réalités. Je pense, par exemple, à la baisse des crédits destinés à la formation et à l’orientation. Or l’objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat n’a de sens que si le système éducatif est capable d’accompagner les jeunes à l’issue de leur cursus ou de les réorienter. Concernant l’apprentissage des langues, je ne comprends pas la décision de mettre fin aux classes bilangues qui permettent aux élèves d’apprendre de manière soutenue des langues étrangères et de s’imprégner de la culture d’un autre pays grâce à des partenariats privilégiés facilitant les études à l’étranger. Il apparaît que les moyens alloués ne sont pas à la hauteur pour permettre aux élèves la maîtrise des langues étrangères, un mal français encore trop présent.
Enfin, de manière plus générale, nous déplorons qu’il ne soit pas répondu à l’appel de la Cour des comptes d’une réforme en profondeur du lycée à travers une réduction de l’offre de formations, notamment en termes d’options, et une simplification du baccalauréat, d’une réforme qui remette l’impératif pédagogique et l’exigence des acquis fondamentaux au cœur de l’enseignement scolaire et qui permette à chacun de s’épanouir pleinement dans l’école de la République.
M. Jean-Noël Carpentier. J’aimerais dire ma satisfaction de voir le budget de la mission « Enseignement scolaire » encore à la hausse par rapport à l’année précédente. L’opposition, qui avait, en son temps, supprimé la formation des maîtres et des dizaines de milliers de postes d’enseignant, aura beau critiquer ce budget scolaire et s’opposer aux différentes réformes, la réalité est bien là : l’éducation est la priorité de notre majorité. Rarement l’exécutif aura fait preuve d’autant d’attention à l’égard de l’école.
En 2012, les résultats de l’enquête PISA nous ont alertés. Notre pays se déclassait régulièrement par rapport aux autres pays de l’OCDE. Notre système éducatif ne réduit pas assez les inégalités scolaires dues à l’origine sociale des élèves. Cela conduit à des résultats globaux insuffisants, même si notre école a à son actif de belles réussites, notamment grâce à un personnel enseignant qui fait preuve d’un dévouement jamais démenti.
C’est donc une réforme de fond dont nous avons besoin.
Trois ans après le vote de la loi pour la refondation de l’école, 2016 est une année décisive au cours de laquelle les effets de la réforme se feront sentir. Pour permettre la réussite de chaque élève et augmenter le niveau de tous, l’objectif est de donner la priorité au primaire. Cette priorité doit mieux entrer dans le quotidien des salles de classe. J’espère, par exemple, une amplification du dispositif « Plus de maîtres que de classes » ou encore une plus forte généralisation de l’accueil des enfants de moins de trois ans en zone d’éducation prioritaire.
S’agissant de la refonte des programmes, plusieurs couacs se sont fait entendre récemment. Il faut les éviter. Une meilleure concertation des enseignants et des parents devrait être la règle.
Pour ce qui est du plan numérique pour l’école, l’ambition est là mais il faut hâter le pas. L’ensemble du territoire doit être équipé. Cela passe par des décisions budgétaires plus importantes que celles actuellement proposées ; cela passe aussi par une meilleure coordination entre l’État et les collectivités territoriales. Pour encourager les innovations pédagogiques autour de cet outil, il importe d’accorder plus de soin à la formation des enseignants.
D’une manière générale, je me félicite de l’accroissement des crédits alloués à la formation des enseignants et de la création des ESPE. Je me permets néanmoins d’insister sur l’importance de la formation continue, qui reste malheureusement insuffisante.
Enfin, concernant l’accompagnement des élèves en situation de handicap, je tiens à dire ma satisfaction devant l’engagement du Gouvernement en faveur d’une école toujours plus inclusive. Il faut continuer : aider ceux qui en ont le plus besoin permet à tous de progresser.
Je tiens à dire à Mme la rapporteure combien j’ai apprécié son rapport, précis, humain, parfois militant. Il constitue un apport précieux pour améliorer encore la prise en compte du handicap dans notre système éducatif. Vous soulignez les avancées, vous dites les manques mais vous faites aussi des propositions, madame Pompili.
Je partage votre démonstration selon laquelle il n’y a pas suffisamment de coopération entre les différents professionnels qui agissent en faveur de l’enfant porteur de handicap. À ce sujet, j’aimerais connaître votre opinion sur les IME. Ne pensez-vous pas qu’un rapprochement beaucoup plus affirmé avec le système scolaire dit classique permettrait un enrichissement mutuel entre deux mondes de l’éducation qui ont bien du mal à se côtoyer ?
J’apprécie également votre proposition de rendre plus transparents les différents dispositifs en désignant des référents clairs et stables pour les familles.
Au sujet des AESH, je partage aussi votre constat. Il faut sans doute accélérer le processus de professionnalisation avec une formation spécifique, des contrats solides et des salaires bien plus élevés que ceux actuellement pratiqués. Parallèlement, il faut mieux former les enseignants sur la question du handicap, c’est une évidence.
Si je reste convaincu que l’objectif d’une école plus inclusive est partagé par l’immense majorité des acteurs de terrain, je considère, comme vous, que des mesures pratiques doivent être mises en place rapidement pour que les bonnes intentions trouvent une traduction concrète dans le quotidien des enfants et de leurs familles.
Mme Marie-George Buffet. Nous avons tous reçu dans nos permanences des familles confrontées au problème de l’accès à la scolarité de leur enfant touché par le handicap. Je ne peux que vous féliciter, madame Pompili, d’avoir choisi l’inclusion scolaire comme thématique.
Vous avez abordé la question des moyens, et j’aimerais insister sur la situation des auxiliaires de vie scolaire. Il faut reconnaître à l’ensemble d’entre eux un véritable statut. Cela implique un contrat de la fonction publique, une formation renforcée et un salaire à la mesure de leur contribution à l’inclusion scolaire.
S’agissant des RASED, nous ne sommes pas revenus au niveau de 2011, loin de là. Il faut donc maintenir l’effort et favoriser un travail d’équipe s’appuyant sur la mise en œuvre effective du dispositif « Plus de maîtres que de classes » de la loi pour la refondation de l’école.
J’aimerais insister sur la médecine scolaire, qui n’est presque plus présente. Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, il n’y a plus de suivi régulier des enfants, alors qu’un fort besoin se fait sentir. Quelles seraient vos propositions pour revaloriser cette profession et accroître son attrait pour les étudiants ?
Enfin, il importe d’agir pour développer les places en IME. Certains enfants se retrouvent en ULIS alors qu’ils auraient besoin d’un passage par ces instituts.
J’en viens à la mission « Recherche ». Dans votre rapport, que j’ai beaucoup apprécié, madame Dion, vous avez insisté sur le rôle de pilotage de l’INSEP. Je regrette que des moyens lui soient retirés. Vous avez aussi souligné le rôle du laboratoire de Châtenay-Malabry. Pouvez-vous nous en dire plus sur les nouvelles molécules dopantes ?
J’aurai une question sur l’accompagnement scientifique de la performance, sujet absent de votre rapport. Cette approche peut se comprendre pour ce qui est du matériel – je lisais récemment un article sur les nouvelles performances qui pourraient résulter de la modification du poids des perches. Mais il faut prendre garde aux interventions sur l’humain. Quelles limites éthiques placer ? Nous avons vu apparaître de nouvelles méthodes, comme les cabines cryogéniques, qui ne sont pas considérées comme du dopage mais qui posent tout de même des questions déontologiques.
Enfin, madame Lang, je dois dire que la lecture de votre rapport m’a permis de mesurer l’étendue des dégâts en matière de patrimoine immobilier universitaire. Les chiffres que vous citez sont impressionnants : près de huit milliards d’euros seraient nécessaires pour sa rénovation complète. Je vous remercie de nous avoir alertés.
Votre notion de sous-occupation me laisse toutefois interrogative alors que sur les réseaux sociaux, à l’appel de l’UNEF et d’autres syndicats étudiants, circulent des images d’amphithéâtres bondés. Y aurait-il un problème de gouvernance dans la gestion du patrimoine ? Ne faudrait-il pas mettre en place un plan d’urgence associant État et régions, en fléchant bien les crédits afin qu’ils ne soient pas utilisés à d’autres fins que les nécessaires réhabilitations ?
J’ai reçu hier des représentants du syndicat national de l’éducation physique (SNEP) qui lance une grande campagne sur la pratique sportive à l’université. On sait que le sport universitaire en France est très en retard par rapport à d’autres pays. Quelle est votre appréciation sur les équipements sportifs dans l’enseignement supérieur ?
M. le président Patrick Bloche. L’intervention de Marie-George Buffet a assuré la transition : nous en venons donc maintenant aux orateurs des groupes sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. Émeric Bréhier. Notre objectif pour l’enseignement supérieur est moins la massification, déjà atteinte – même si nous vivons aujourd’hui une nouvelle phase –, que la réelle démocratisation de l’accès à la diversité des études supérieures. Le budget qui nous est présenté permet de répondre à ces impératifs : l’éducation nationale demeure le premier budget de l’État, ce qui n’était pas chose courante ces dernières années.
Je relève, pour m’en féliciter, que nous examinons en même temps ce matin les rapports sur les missions « Enseignement scolaire » et « Recherche et enseignement supérieur ». Il n’aura échappé à personne que l’éducation nationale ne s’arrête pas au bac. Il n’est pas mauvais de montrer dans nos travaux la continuité de parcours de la maternelle aux études supérieures.
Lors de la dernière rentrée, l’université française a accueilli 65 000 étudiants supplémentaires, 50 000 hors étudiants des classes préparatoires désormais obligatoirement inscrits à l’université, ce qui a entraîné de réelles difficultés dont les réseaux sociaux se sont fait l’écho, heureusement surmontées au cours de l’été. Il importe de considérer cet afflux, non comme une menace, mais comme une opportunité dont nous devons nous féliciter.
J’aimerais insister sur l’immobilier universitaire, thème du rapport d’Anne-Christine Lang, qui s’appuie sur un travail de qualité et fournit des informations précises. Nous savons tous qu’il s’agit d’une bombe à retardement qui risque d’exploser très bientôt. Il faut toutefois se réjouir que les autorisations d’engagement augmentent en cette année de transition des contrats de plan État-région 2007-2013 à ceux pour 2015-2020.
Pour finir, j’aborderai la méthode de la pédagogie inversée, qui consiste à proposer aux étudiants, qui ont préalablement pris connaissance du cours mis en ligne, de tirer parti de la présence de l’enseignant pour approfondir des points qu’ils maîtrisent moins bien que d’autres. Cette innovation pédagogique va à l’encontre de bon nombre d’idées reçues, celle notamment de l’université comme acteur de l’indifférenciation et de l’apprentissage de masse qu’illustrent les images d’amphis bondés. Elle soulève des questions en termes d’utilisation des locaux qui, pensés pour des méthodes plus traditionnelles, se trouvent parfois inadaptés. Est-il possible d’avoir des précisions sur cette pédagogie qui offre des perspectives intéressantes tant en matière de démocratisation de notre système d’enseignement supérieur que d’utilisation des locaux universitaires ?
M. Patrick Hetzel. J’adresse tout d’abord mes remerciements aux rapporteures pour le très pertinent éclairage qu’elles ont apporté sur la recherche en sport et l’immobilier universitaire.
En introduction, j’aimerais insister sur le fait que plus que jamais, il serait nécessaire d’affirmer l’autonomie des universités. En 2007, le Gouvernement avait décidé d’aller dans cette voie en faisant voter la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU. Le gouvernement actuel va en sens inverse, hélas ! En 2015, il a décidé d’opérer des prélèvements sur les fonds de roulement de certaines universités, les plus vertueuses de surcroît, ce qui est bien une façon de reprendre la main en matière de gestion. C’est un très mauvais signal que l’on envoie à des universités qui consentent des efforts très importants. Ce faisant, on ne récompense vraiment pas la vertu. Pour que les universités soient vraiment autonomes, il faut leur donner les moyens de lever des fonds et que l’enseignement supérieur et la recherche soient considérés comme prioritaires, ce qui n’est pas le cas, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement.
Je regrette que les chiffres du PLF ne soient que pur affichage et communication, qu’il s’agisse de 2016 ou de l’exécution du budget pour 2015. Pour savoir ce qui se passe véritablement dans le périmètre concerné, il faut étudier la manière dont les récents budgets ont été exécutés et intégrer dans notre raisonnement les très nombreuses annulations de crédits réalisées en cours d’année. Certains crédits dûment votés par notre assemblée ne sont jamais versés au budget des universités, ni à celui des grandes écoles ou des organismes de recherche. Au nom du groupe Les Républicains, j’aimerais avoir une réponse précise sur cet aspect stratégique.
Sur un an, on constate qu’il y a eu 230 millions d’euros d’annulation de la réserve de précaution des universités qui devait financer le fameux GVT, le glissement vieillesse technicité. Quelles sont les raisons d’une telle annulation ? Il y a, par ailleurs, 123 millions de suppressions budgétaires opérées dans le cadre du système d’allocation des moyens aux universités (SYMPA) : le Gouvernement avance que cela tient à la réorganisation de ce système ainsi qu’à la modernisation et la mutualisation du fonctionnement des opérateurs – jolie formulation ! À cela s’ajoutent 90 millions de coups de rabot de dernière minute opéré par l’amendement n° 267 du Gouvernement en loi de finances rectificative et les 100 millions de prélèvements sur les fonds de roulement. Je finirai par les contrats de plan État-région : ils représentaient en 2007-2013, allongés d’une année, donc sur une période de six ans, 3 milliards d’euros, soit 480 millions chaque année. Les nouveaux contrats 2015-2020 mobilisent 2 milliards d’euros en cinq ans, soit 400 millions d’euros par an. Au total, plus de un milliard d’euros a été amputé sur le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous aimerions connaître la raison de telles coupes budgétaires, au-delà des effets de communication. Il y a un grand écart entre ce que dit le Gouvernement et les faits. Il affirme que ce secteur stratégique est préservé : cherchez l’erreur !
Pour finir, il me semble important de rappeler que la loi LRU avait pour objectif de mettre l’accent sur le transfert de la gestion directe de l’immobilier universitaire par les universités. Vous avez indiqué, madame Lang, que trois universités s’étaient emparées de ces nouvelles missions et vous avez souligné que la généralisation du dispositif représenterait 500 millions d’euros de remise aux normes, auxquels s’ajouteraient 500 millions d’euros annuels. Le processus de responsabilisation des universités enclenché par loi du 10 août 2007 était fondé sur le volontariat. Pourquoi le Gouvernement l’a-t-il interrompu ? Si cette responsabilité en matière d’immobilier n’est pas transférée aux universités, il faudra, tous les vingt ans, lancer des programmes de rénovation des locaux universitaires qui seront bien plus coûteux à financer. Je vous invite à faire les calculs consolidés depuis le fameux plan université 2000. Votre argumentation selon laquelle ces 500 millions d’euros de remise aux normes et ces 500 millions d’euros annuels sont hors de portée est discutable.
Mme Isabelle Attard. Madame Lang, votre excellent rapport sur le patrimoine immobilier de nos universités nous place, dès le début, dans le vif du sujet : « 40 % de locaux dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante pour 12 % d’entre eux ». Ces chiffres sont éloquents, ils sont cependant trop généraux et abstraits pour que nous puissions collectivement en mesurer la portée. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à visiter le site universiteenruines.tumblr.com. Vous y trouverez plusieurs dizaines de photos montrant le dénuement auquel l’État français condamne des centaines de milliers d’étudiants.
Vous pointez plusieurs pistes d’amélioration pour remédier à cette situation désastreuse. Première piste : le recours aux emprunts. En l’état actuel des finances des universités, j’ai du mal à percevoir l’intérêt de cette solution. Ne revient-elle pas à repousser à demain un problème qui devrait être réglé aujourd’hui ?
Deuxième piste : les opportunités offertes par la location. Il y a certes des rentrées d’argent possibles mais je m’inquiète des éventuels dévoiements auxquels pourraient conduire ces opérations. N’y a-t-il pas des risques d’abus, voire d’utilisations publicitaires nuisibles ? Et dans les universités dont les locaux sont « dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante », les locations ont de faibles chances de se faire, voire sont à déconseiller, compte tenu des risques sanitaires.
Troisième piste : les flux financiers générés par la formation professionnelle. Je vous rejoins sur cette possibilité. Il est tout à fait souhaitable que l’université s’ouvre au plus grand nombre, donc à ceux qui envisagent une formation au cours de leur carrière professionnelle.
Quatrième piste : la dévolution de bâtiments. Comme elle implique l’inscription au bilan des opérateurs des biens transférés et de leurs amortissements, elle ne me paraît soutenable financièrement pour les universités que si la dotation aux amortissements est actualisée chaque année, ce qui est loin d’être garanti aujourd’hui.
Vous ne mentionnez pas, dans vos recommandations, la possibilité de réorienter certains budgets vers nos universités. Elles ont une activité de recherche très importante et le crédit d’impôt recherche est une niche fiscale au coût croissant et, dans de nombreux cas, sans aucun lien avec une réelle activité de recherche. Que pensez-vous de la possibilité de limiter les coûts du CIR pour mieux financer l’entretien et la rénovation des bâtiments de nos universités ?
Cette évocation de la dépense massive et inutile que constitue le CIR me fournit une transition logique vers le rapport de Mme Sophie Dion. Il revient à plusieurs reprises sur la faiblesse des dotations des laboratoires de recherche, citant entre autres le cas du laboratoire « Motricité, Interactions, Performance » dont le financement n’est assuré par sa dotation qu’à hauteur de 10 %. Comment ne pas mettre en rapport cette faiblesse dans le financement et les plaintes ciblées et répétées à l’égard du CIR ? Le rapport de la Cour des comptes en 2013, les critiques du conseil scientifique du CNRS, la lettre adressée au Président Hollande par 660 directeurs de laboratoire en 2014, le rapport de l’association « Sciences en marche » en 2015, toutes les critiques vont dans le même sens : le CIR coûte une fortune sans effet démontré, alors que l’efficacité de notre recherche publique n’est plus à prouver. J’aurais aimé ajouter à cette liste le rapport de la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin, mais vous savez comme moi qu’il n’a pas été publié.
M. Laurent Degallaix. La mission « Recherche et enseignement supérieur » est au cœur de la préparation de l’avenir, de la compétitivité et du rayonnement de la France à l’étranger. À ce titre, le maintien pour 2016 des crédits alloués à la mission en 2015 constitue un signal positif, mais en apparence seulement. En effet, on peut s’inquiéter des orientations qui ont été privilégiées pour faire participer la mission aux efforts partagés de rationalisation et d’économie.
Certes, les budgets augmentent, mais, ainsi que l’a rappelé Émeric Bréhier, le nombre d’étudiants augmente lui aussi : ils ont été 65 000 de plus à la rentrée de 2015, après une hausse de 30 000 en 2014. Aussi les établissements d’enseignement supérieur doivent-ils fonctionner avec des dotations toujours plus resserrées. Je veux voir, moi aussi, dans la progression du nombre d’étudiants une occasion à saisir plutôt qu’une contrainte. Mais, si les universités sont capables d’accueillir un nombre croissant d’étudiants, les conditions de cet accueil posent problème, ainsi que vous l’avez rappelé dans votre rapport, madame Lang : 40 % des locaux sont dans un état dégradé et 12 % d’entre eux dans un état très dégradé. Vous le soulignez, il est impératif que les universités se dotent rapidement d’une stratégie immobilière.
En 2007, la loi LRU a fait de l’insertion professionnelle la troisième mission de l’université. Or cette volonté d’améliorer l’accès à l’emploi de nos étudiants n’a pas été transposée dans le budget. D’après le rapport de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), à peine 45 % des universitaires de niveau bac + 5 sont en CDI un an après avoir obtenu leur diplôme, contre 70 % des étudiants sortis d’école de commerce ou d’ingénieurs. On constate donc que les efforts budgétaires nécessaires sur cette thématique ne sont pas réalisés aujourd’hui, ce qui obère la qualité de l’insertion professionnelle des étudiants de l’université. Nous nous dirigeons, hélas ! vers une insertion à deux vitesses pour les étudiants des écoles privées, d’une part, et ceux de l’université, d’autre part. Une politique pour l’enseignement supérieur ne peut se limiter au déploiement de moyens supplémentaires : il faut créer des liens entre le monde du travail et l’université. Car les inégalités se creusent entre établissements, entre étudiants et entre laboratoires de recherche.
Nous dénonçons également la baisse des crédits alloués au programme 192 « Recherche économique et industrielle » et à la recherche agricole. Il est paradoxal de réduire les crédits dans ces secteurs alors que notre pays est touché par une grave crise agricole et industrielle.
Enfin, je ne peux que regretter que la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne tienne pas compte de deux grandes orientations défendues par le groupe Union des démocrates et indépendants : d’une part, au niveau de l’enseignement supérieur, la création d’écosystèmes économiques qui permettent de rapprocher les universités et les centres de recherche des entreprises, et de lier le développement des infrastructures et celui des bassins économiques ; d’autre part, l’affirmation de l’État stratège en matière de recherche et d’innovation au service de la compétitivité, afin de soutenir massivement les entreprises dans les secteurs d’excellence tels que l’aéronautique, la chimie, la santé, la transition écologique et le numérique.
M. Jean-Noël Carpentier. Avec près de 26 milliards d’euros, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est le troisième budget de l’État, après celui de l’enseignement scolaire et celui de la défense. Malheureusement, il ne pourra pas répondre à tous les besoins. C’est inquiétant, tant nous savons que l’enseignement supérieur et la recherche sont indispensables au dynamisme du pays. Nous regrettons que l’effort engagé sur l’enseignement scolaire ne soit pas prolongé dans cette mission. De nombreuses organisations syndicales de personnel et d’étudiants manifestent actuellement leur mécontentement : ils dénoncent un budget insuffisant pour accueillir correctement des étudiants de plus en plus nombreux ; ils souhaitent notamment plus d’enseignants et des locaux plus adaptés.
À ce sujet, madame Lang, votre rapport met en lumière la situation préoccupante du patrimoine immobilier de nos établissements d’enseignement supérieur. Au vu des chiffres, mais aussi des nombreux témoignages des étudiants et du personnel, on peut légitimement s’inquiéter et regretter l’insuffisance des crédits alloués à ce patrimoine. Vous évoquez « 40 % de locaux dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante pour 12 % d’entre eux ». Certes, le besoin de locaux est moins prégnant à partir du second semestre universitaire, et les modèles pédagogiques évoluent vers le numérique, mais, à terme, il y aura toujours besoin de locaux. En tout cas, il s’agit aujourd’hui de trouver des solutions pour accueillir convenablement les étudiants, le flux annuel de nouveaux inscrits étant passé de 25 000 au début des années 2000 à 65 000 lors de la dernière rentrée.
Le Gouvernement vise une élévation du niveau de qualification de la population en portant à 50 % d’une classe d’âge le taux de titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. C’est un bel objectif. En 2013, ce taux a atteint 47,5 %.
Au-delà des diplômes, il faut également permettre une meilleure insertion professionnelle des diplômés. En 2013, si 86 % des titulaires de licence, de master ou de doctorat étaient employés au niveau cadre ou profession intermédiaire, seuls 67 % d’entre eux étaient embauchés en CDI trois ans après leur sortie de formation initiale. La loi de 2013 tente de répondre à ce problème avec la refonte du cadre national des formations et une meilleure lisibilité des filières. En outre, plusieurs actions gouvernementales contribuent à une meilleure insertion professionnelle des diplômés à l’issue de leurs études : le principe de continuité entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur ; une meilleure information des étudiants sur les débouchés de chaque formation ; le développement des stages. Mais, bien entendu, c’est notre modèle économique qu’il faut repenser si l’on veut éviter la précarisation de nos jeunes.
Vous l’aurez compris, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche suscite des interrogations au sein du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste. Nous espérons que le débat budgétaire permettra d’y répondre.
M. le président Patrick Bloche. Je donne maintenant la parole aux membres de la commission qui souhaitent poser des questions sur l’une ou l’autre des missions.
Mme Sandrine Doucet. Merci, mesdames les rapporteures, de vos rapports très détaillés et précis. Dans l’introduction au vôtre, madame Dion, vous indiquez que « la recherche sur le sport et les pratiques sportives implique un dépassement des classifications statistiques et budgétaires habituelles ». Vous passez ainsi rapidement sur le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur. Est-ce pour éviter de dire qu’il est en nette augmentation ? En 2016, les crédits de l’enseignement supérieur s’élèveront à plus de 12,7 milliards d’euros, dont 5,2 milliards consacrés à la recherche universitaire, et ceux de la recherche hors enseignement supérieur augmenteront de 6 millions d’euros pour s’établir à 7,7 milliards. Est-ce aussi pour éviter de dire que, sur les dix-neuf universités qui étaient en déficit en 2012, seules quatre le sont encore actuellement ? Est-ce pour éviter de dire, enfin, que 450 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2013 sont désormais dédiés aux bourses pour les étudiants considérablement étendues et revalorisées ?
Au-delà des chiffres, il convient de relever tous les changements en cours dans le domaine de la recherche. Concernant la politique de site, que vous évoquez à la fin de votre rapport, le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Thierry Mandon, a déclaré que les instituts de recherche technologique (IRT) devraient davantage travailler en réseau. En outre, nous avons eu un aperçu des mutations actuelles lors de l’audition de M. Michel Cosnard, candidat à la présidence du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Outre les chiffres et les annonces, je tiens à saluer un événement moins visible mais bien réel : lundi dernier, lors de la rentrée solennelle de l’université de Bordeaux, à laquelle j’ai assisté, les trois prix de thèse remis au titre de l’initiative d’excellence (IDEX) ont été remportés par trois jeunes femmes. À cet égard, madame la rapporteure, dans votre travail consacré à la recherche sur le sport, vous êtes-vous intéressée au lien entre le sport et les sciences humaines, notamment aux questions d’égalité ?
M. le président Patrick Bloche. Personne n’a relevé que ce sont trois rapporteures qui interviennent ce matin, sans doute parce qu’il s’agit d’une évidence dans notre commission, ce qui est une bonne chose.
Je donne maintenant la parole aux membres de la commission qui souhaitent poser des questions sur l’une ou l’autre des missions.
Mme Dominique Nachury. Merci, mesdames les rapporteures, pour vos travaux et vos présentations. Madame Lang, il est en effet intéressant de mettre l’accent sur le patrimoine immobilier des universités, mais il convient de mettre cette question en perspective avec la forte augmentation du nombre d’étudiants à chaque rentrée : comment les accueillir ? Vous avez souligné qu’une évolution était nécessaire dans l’approche des bâtiments, avec un décloisonnement des composantes, une flexibilité accrue pour s’ajuster aux différents temps de l’année universitaire et une adaptation aux nouvelles technologies. C’est nécessaire, mais ce ne sera pas suffisant, car il faudra bien affronter la réalité d’un état des lieux parfois sévère. À cet égard, plusieurs d’entre nous ont cité cette phrase marquante de votre rapport : « 40 % des locaux sont dans un état de dégradation inquiétante et même franchement préoccupante pour 12 % d’entre eux ». Il faut réhabiliter les locaux, mais aussi les adapter, sans quoi il ne pourra pas y avoir d’évolution dans la gestion et dans la maintenance. Pensez-vous sincèrement que ce budget donne un signal positif, alors même que l’augmentation des postes que vous évoquiez est financée par une baisse de 60 millions d’euros des crédits de paiement consacrés à l’immobilier ?
Mme Julie Sommaruga. Merci, madame Pompili, du travail complet que vous avez effectué sur le sujet très important de l’école inclusive. S’agissant de l’accueil des élèves en situation de handicap dans le cadre des activités périscolaires, la question de la formation des intervenants se pose. Comment faire pour améliorer encore le travail en équipe dans ce cadre ?
La formation continue des enseignants a été renforcée, mais elle reste insuffisante, ainsi que vous l’avez indiqué. Pouvez-vous préciser vos propositions à ce sujet ?
L’objectif du Gouvernement est non seulement d’accueillir les élèves en situation de handicap, mais aussi de les scolariser et de leur offrir une place réellement adaptée. Pour atteindre cet objectif, il faut aller plus loin dans les outils mis à la disposition des équipes éducatives. Vous proposez, entre autres, la désignation d’un « maître ressources inclusion ». Pouvez-vous préciser son rôle, notamment en ce qui concerne le lien avec les familles ? Rien ne se fera en effet sans ces dernières.
Grâce au Gouvernement, l’école dispose désormais de 28 000 AESH et 48 000 contrats aidés pour les élèves en situation de handicap. Là encore, la question de la formation se pose : comment l’adapter aux différents types de handicap et aux besoins éducatifs particuliers ?
Mme Claudine Schmid. Merci, mesdames les rapporteures, de vos travaux. En concluant votre présentation, madame Pompili, vous avez indiqué qu’il était nécessaire de définir l’évolution du métier d’enseignant et de revoir la rémunération, car il s’agissait d’un investissement rentable pour la société. Je n’ai pas trouvé semblable mention dans votre rapport, mais je vais tout à fait dans votre sens. S’agissant de la rémunération, reprenez-vous à votre compte les propos que M. Benoît Hamon a tenu le 11 octobre, au cours d’une émission de radio ? Comptez-vous soutenir son amendement ou le dénoncer ? Il suggère de baisser la rémunération des professeurs des classes préparatoires pour augmenter celle des professeurs des écoles. Nous ne vous suivrons pas dans cette politique des vases communicants, qui revient, selon moi, à stigmatiser une catégorie d’enseignants dont notre système scolaire a tant besoin. Tous les professeurs sont méritants, quel que soit le degré dans lequel ils exercent.
Mme Martine Martinel. Merci, mesdames les rapporteures. Dans votre rapport, madame Lang, vous soulignez toute l’importance du parc immobilier universitaire, véritable actif stratégique des établissements d’enseignement supérieur, directement lié à leurs activités académiques et scientifiques. Notre collègue Patrick Hetzel a suggéré qu’une apocalypse avait dévasté les universités à partir de 2012. L’autonomie reconnue en 2007 a-t-elle conduit les universités à investir dans l’entretien et la rénovation de leurs bâtiments ? Avez-vous pu mesurer cela au cours de l’élaboration de votre rapport ?
M. Hervé Féron. À la lecture de votre rapport, madame Pompili, on réalise que la dynamique d’inclusion est souvent bénéfique pour les élèves et qu’elle est de plus en plus efficiente. Des avancées réelles et quantifiables ont été réalisées ces dernières années s’agissant de l’école inclusive, mais il est certainement nécessaire de faire encore évoluer les dispositifs.
La CLIS était une classe distincte des autres classes, comptant un effectif maximal de douze élèves en situation de handicap reconnu par la MDPH. Les élèves de CLIS étaient inclus pour des temps plus ou moins longs dans des classes ordinaires. Depuis la rentrée de 2015, on parle désormais, comme au collège, d’ULIS ou d’ULIS-école. Les mêmes élèves, qui relèvent toujours de la MDPH, seront désormais rattachés à une classe de référence correspondant approximativement à leur âge. Ce changement pose clairement un problème d’efficacité quant à l’inclusion pratiquée, celle-ci se faisant dans des classes aux effectifs parfois très chargés. On peut s’interroger sur le bénéfice qu’en retirent les enfants concernés.
Ne pourrait-on envisager, pour les écoles dotées d’une CLIS, un statut particulier tel que celui qui existe pour les réseaux de réussite scolaire (RSS) ? Ce statut limiterait les effectifs par classe afin d’assurer une inclusion optimale des élèves. Ne pourrait-on également prévoir des temps institutionnels de concertation afin que les enseignants puissent élaborer efficacement les projets individuels de ces élèves ?
Une partie de votre rapport est consacrée aux RASED. Il s’agit d’un dispositif qui comprend au minimum deux enseignants spécialisés – un « maître E », qui fournit une aide spécialisée à dominante pédagogique, et un « maître G », qui apporte une aide spécialisée à dominante rééducative –, ainsi qu’un psychologue scolaire. Ce réseau prend en charge des élèves de classes ordinaires pour des aides qui sont plus ou moins limitées dans le temps. Or, très souvent, les RASED sont incomplets et doivent intervenir dans des zones géographiques très étendues. Après avoir presque disparu, le dispositif se reconstitue, mais trop lentement : il souffre d’un manque de maîtres G dans de très nombreuses régions et d’un déficit chronique de psychologues scolaires. La faiblesse des moyens attribués au RASED est très pénalisante pour l’aide aux élèves en difficulté. Il faudrait accélérer la reconstitution des réseaux et en améliorer le maillage sur le territoire pour redonner sa destination première à ce dispositif, qui contribue lui aussi à l’inclusion des élèves en difficulté.
Je tiens à faire remarquer que de nombreux élèves qui relèveraient de structures spécialisées, IME ou instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP), restent à l’école primaire, parfois en ULIS-école, faute de places dans lesdits établissements. Pour certains, ce maintien à l’école primaire peut être profitable, car il s’agit d’un milieu toujours stimulant et socialisant. Toutefois, pour d’autres, notamment pour ceux qui présentent des troubles graves du comportement, le maintien à l’école primaire est néfaste tant pour eux-mêmes, car ils ont besoin de soins et d’un environnement éducatif adapté, que pour les autres élèves et les enseignants. Ils se retrouvent parfois en ULIS-école alors qu’ils n’y ont pas toujours toute leur place. Trop souvent, ils sont orientés trop tardivement vers les ITEP. Ce problème pourrait être résolu en développant les capacités d’accueil de certains établissements spécialisés, notamment des ITEP.
J’insiste à nouveau sur le fait qu’aucun temps institutionnel n’est actuellement prévu pour la concertation entre les professeurs des écoles, les directeurs et les enseignants spécialisés en ULIS. Or il ne peut y avoir d’école inclusive sans préparation et concertation, en amont et tout au long du parcours inclusif de l’élève.
M. Christophe Premat. À la fin de votre rapport, madame Pompili, vous appelez de vos vœux la mise en œuvre d’une pédagogie différenciée. Vous montrez que le rôle des quelque 75 000 auxiliaires de vie scolaire est essentiel. Leur formation est donc cruciale. Peut-on envisager une professionnalisation de leur rôle avec, à la clé, la transformation de leur poste en CDI ? Cette professionnalisation est primordiale, notamment pour aider les enfants qui présentent un handicap moins visible. La question de la formation concerne aussi les professeurs des écoles, premier pilier de la refondation de l’école. À ce titre, je précise que l’amendement déposé par Benoît Hamon, que j’ai cosigné, n’incrimine en rien les professeurs de classes préparatoires : il prévoit simplement une baisse de la rémunération des colles.
Dans votre panorama de la recherche sur le sport, madame Dion, vous vous limitez au domaine de la santé publique. J’aurais aimé en savoir plus sur les possibilités de lever des fonds pour financer des recherches en matière de lutte contre les discriminations. Le Conseil national du sport, « parlement » du sport, émet des recommandations en la matière. Y a-t-il une articulation étroite entre ce conseil et les laboratoires de recherche pour affiner une véritable stratégie nationale en matière de sport ? Quid des projets européens de recherche qui pourraient justifier cette levée de fonds ?
Le diagnostic que vous portez sur le patrimoine immobilier universitaire, madame Lang, est alarmant. Votre rapport a le mérite de montrer les limites du modèle actuel. Il est d’autant plus nécessaire de rénover et d’adapter ce patrimoine que l’on affiche un objectif ambitieux en matière d’accès aux études supérieures. Force est de constater que nos locaux ne sont ni adaptés ni préparés à cette massification voulue des publics. En ce qui concerne la mise aux normes, il faut aussi tenir compte des normes énergétiques, conformément à la loi relative à la transition énergétique, et des normes en matière d’accessibilité.
Je reviens sur les limites du modèle que vous décrivez. Que pensez-vous de la proposition de faire des partenariats public-privé ? Comment lever des fonds pour créer de véritables campus, qui dynamiseraient la vie étudiante ? Les locaux sont sur-occupés à certaines périodes de la semaine, mais sous-occupés à d’autres. Les fonds de roulement sont en deçà des limites conseillées. Comment associer l’État et les collectivités territoriales à une forme de mécénat universitaire, qui reste très modeste, afin de rénover et d’adapter ce patrimoine ? Il arrive que les dépenses immobilières et de fonctionnement empêchent de véritables investissements dans la recherche et l’innovation, ce qui est toujours alarmant.
Mme Valérie Corre. Merci, mesdames les rapporteurs, de vos intéressants rapports. Je vous remercie, madame Pompili, d’avoir choisi l’inclusion à l’école primaire comme thème de votre rapport : il s’agit d’un aspect essentiel de la refondation de l’école. Je vous félicite aussi pour la richesse de ce rapport.
Parler d’inclusion, c’est parler de l’accueil de tous les élèves. Précisons, ainsi que vous l’avez fait dans votre rapport, qu’il peut s’agir non seulement d’enfants en situation de handicap, mais aussi, entre autres, d’enfants précoces, allophones ou souffrant d’un trouble « dys » – dyslexie, dysphasie, dyspraxie.
L’inclusion scolaire, qui permet d’assurer la dimension égalitaire de notre école en « donnant à tous les chances de progresser dans les apprentissages », ainsi que vous l’écrivez dans votre rapport, donne du sens aux investissements que nous réalisons depuis 2012 en matière éducative à travers les différents budgets que nous adoptons. Le budget de l’enseignement scolaire connaîtra une hausse en 2016. Pour le sujet qui nous occupe, cela se traduira par la création de plus de 350 AESH et de plus de 10 000 contrats aidés.
Au-delà de la dimension budgétaire, la réussite de l’inclusion dès l’école primaire passe par la mobilisation de tous les acteurs de l’éducation, des parents d’élèves aux enseignants. À cet égard, madame la rapporteure, vous évoquez la place insuffisante accordée à la thématique de l’inclusion scolaire dans les concours et la formation des enseignants. Les enseignants ont-ils eux-mêmes formulé des propositions à ce sujet au cours de la table ronde que vous avez organisée dans le cadre de vos auditions ?
Par ailleurs, vous proposez de désigner dans chaque école un « maître ressources inclusion », qui interviendrait en appui de l’enseignant de la classe ordinaire et comme relais entre les différents partenaires, dont les parents. On ne peut que souscrire à cette proposition sur le papier. Selon vous, l’enseignant qui assurera cette mission devra être rémunéré, voire bénéficier d’une décharge. Avez-vous pu évaluer, au moins dans les grandes lignes, le coût de votre proposition ?
Mme Martine Faure. Pour ma part, monsieur le président, j’avais bien constaté que les budgets de l’enseignement et de la recherche étaient aux mains de trois femmes, sans parler de la ministre de l’éducation nationale ! Cela nous remplit d’espoir. Merci, mesdames les rapporteures.
Merci, madame Pompili, d’avoir choisi comme sujet de votre rapport l’accueil de tous les élèves au sein de l’école de la République. Comment cet accueil a-t-il évolué depuis l’impulsion donnée par la loi pour la refondation de l’école ? Vous avez dressé un état des lieux sans concession de l’école primaire dite inclusive. Le terme « inclusive » heurtant quelque peu l’oreille, je préférerais d’ailleurs que l’on parle d’« école pour tous ». De même, il est souvent question d’écoles ou de zones « prioritaires », alors que l’éducation doit être prioritaire partout.
Pour avoir eu des enfants en inclusion ou en intégration dans ma classe, ce qui relevait à l’époque du parcours du combattant, je peux dire que beaucoup d’efforts ont été faits en matière d’accueil de ces élèves depuis quinze ans.
Vous le rappelez avec beaucoup d’énergie et de détermination, madame la rapporteure, chaque enfant doit trouver à l’école toutes les conditions pour apprendre et progresser. L’intégration, je le dis avec force, est une grande chance non seulement pour l’enfant en difficulté, mais aussi pour tous les autres élèves, qui apprennent ainsi à vivre ensemble. L’expression « s’enrichir des différences » prend ici tout son sens. Nous devons tous continuer à œuvrer sans relâche, ainsi que vous le faites ce matin, afin que l’école obtienne tous les moyens nécessaires pour que chaque enfant soit accompagné vers sa propre réussite. Merci, madame la rapporteure, et au travail, chers collègues !
M. Stéphane Travert. Je tiens à souligner, madame Pompili, la qualité de votre rapport et de vos conclusions sur l’école primaire inclusive ou « pour tous », selon la jurisprudence Martine Faure ! Je salue également le budget alloué à l’enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 2016 : avec 47,99 milliards d’euros, l’éducation est le premier budget de l’État pour la deuxième année consécutive. Il est important de le rappeler.
L’objectif de l’école est de donner à chacun les chances de progresser dans les apprentissages. C’est pourquoi l’inclusion scolaire est aujourd’hui l’un des principaux défis de notre système éducatif. Plus d’enseignants, un meilleur temps scolaire, de nouveaux programmes : tels sont les chantiers que nous devons mener à bien pour remplir cet objectif majeur du quinquennat.
Dans votre rapport, vous portez votre attention sur le dispositif essentiel des RASED. Vous soulignez à juste titre que la précédente majorité a « décimé à bas bruit les effectifs » de ces équipes spécialisées. Vous parlez même de « saignée », terme auquel je souscris, puisque le nombre de poste dans les RASED est passé de 14 431 en 2007 à 9 342 en 2012.
La circulaire du 18 août 2014 a clarifié les missions de ces enseignants spécialisés et redéfini les contours de cette profession. Au regard du travail que vous avez conduit, de quelle façon les enseignants spécialisés se fondent-ils dans les équipes pédagogiques afin de soutenir les élèves en difficulté ? Comment le dispositif pourrait-il être renforcé à l’avenir ? Quel regard portez-vous sur le devenir de ces accompagnements aujourd’hui indispensables ?
M. Pascal Demarthe. Je vous remercie, madame Pompili, de votre très intéressant rapport. « C’est à l’école de s’adapter aux besoins et aux différences de l’enfant, et non à l’enfant de se fondre dans la “normalité” présupposée de l’élève tel que le rêve l’institution scolaire. » Je cite l’introduction de votre rapport avec d’autant plus d’enthousiasme que ce principe est aussi le mien. À mes yeux, le concept d’école inclusive doit être le fil conducteur de nos réflexions sur l’école et le handicap. Vous abordez ce sujet plus précisément dans un chapitre dédié et constatez que de plus en plus d’élèves en situation de handicap sont accueillis par l’école depuis 2005.
Vous connaissez mon intérêt pour la question de l’école et du handicap. Avec d’autres parlementaires, j’ai participé, le 16 juin 2015, à une table ronde sur ce sujet. Chacune et chacun d’entre nous constate, dans sa circonscription, un déficit important de places, qui compromet gravement l’accueil des enfants les plus en difficulté. Le manque de places en IME, souvent vérifié, plaide pour que les enfants qui sortent d’une CLIS poursuivent leur scolarité en milieu scolaire avec un auxiliaire de vie. En outre, certains établissements spécialisés en surcapacité risquent de perdre leur agrément pour des raisons de sécurité parfaitement compréhensibles. Selon vous, madame la rapporteure, le budget de l’enseignement scolaire pour 2016 permettra-t-il de répondre à ces problèmes et de soulager ainsi la détresse des parents, au-delà du nécessaire respect de l’égalité de toutes et de tous en matière d’éducation ?
Mme Brigitte Bourguignon. Je vous remercie, mesdames les rapporteures, pour la qualité de vos travaux. Je vous félicite, madame Pompili, d’avoir choisi le thème de l’école « pour tous » – plutôt qu’« inclusive », pour aller dans le sens de Martine Faure. L’école n’est plus épargnée par les problèmes économiques et sociaux massifs qui affectent notre pays. Vous avez su faire la part des choses entre les résultats que nous avons obtenus dans notre travail de reconstruction de l’école républicaine et les efforts qu’il nous reste à accomplir pour permettre la réussite des élèves qui rencontrent le plus de difficultés au sein de notre système scolaire.
Je souhaite mettre l’accent sur les questions de pauvreté, que vous avez vous-même évoquées. Vous avez notamment auditionné M. Jean-Paul Delahaye, qui a remis en mai dernier un rapport plus que remarquable sur la grande pauvreté et la réussite scolaire. En partant des réalités quotidiennes, il aborde la question des apprentissages et du décrochage scolaire, mais aussi l’impact de difficultés liées à la santé, au logement, à l’alimentation et même aux vêtements, que nous évoquons moins et que nous sous-estimons souvent. Ce matin même, la ministre de l’éducation nationale préside une conférence nationale destinée à mobiliser les académies pour mettre en œuvre les principales recommandations du rapport. Parmi ces mesures, nous devons être particulièrement attentifs à celles qui concernent l’école primaire.
Ainsi que vous l’avez indiqué, madame la rapporteure, nous devons consolider les dispositifs d’inclusion scolaire. Nous avons l’objectif ambitieux de scolariser 50 % des enfants de moins de trois ans dans les réseaux d’éducation prioritaire. Dans votre rapport, vous citez d’ailleurs l’exemple de mon département, le Pas-de-Calais, où l’observatoire départemental de l’école maternelle fait un très bon travail sur la question.
Je viens moi-même de remettre au Premier ministre un rapport sur le travail social. J’y préconise notamment de favoriser l’intervention des éducateurs de jeunes enfants dans les écoles maternelles, afin de faciliter la socialisation et la découverte des apprentissages, ainsi que cela se fait dans de nombreux pays européens. De la même manière, on pourrait imaginer l’intervention d’éducateurs spécialisés dans les écoles primaires. Qu’en pensez-vous ?
Mme Sylvie Tolmont. Je salue, à mon tour, le travail de nos excellentes rapporteures. Madame Pompili, votre travail très riche apporte un éclairage précieux sur l’école primaire inclusive ou « pour tous », pour reprendre les termes de Martine Faure, ou, plus précisément encore, « adaptée à tous ». C’est un sujet majeur, au cœur de l’ambition de réussite éducative pour tous défendue par notre gouvernement. Cette année encore, les crédits alloués à l’enseignement scolaire sont en hausse. Ils permettront d’accompagner l’an III de la refondation de l’école, grande réforme courageuse et nécessaire que mène notre gouvernement depuis 2012.
Votre rapport souligne que l’école peine à prendre en compte et à vaincre les difficultés scolaires et d’apprentissage de certains élèves. Ainsi que vous l’avez rappelé, j’étais l’année dernière rapporteure pour avis pour les crédits de l’enseignement scolaire. Dans ce cadre, j’avais consacré mon rapport à l’enseignement adapté dans le secondaire. J’avais notamment plaidé pour une plus grande inclusion et une meilleure formation des enseignants face à la grande difficulté scolaire. Vous faites aujourd’hui le même constat, avec autant de gravité. Je partage votre point de vue : l’inclusion s’impose comme le principal défi de l’école. La loi de 2013 a posé cette exigence associée à celle de la mixité. La construction d’une école pour la réussite de tous demeure notre premier combat. Je me réjouis de votre soutien à ces orientations, ainsi qu’aux avancées permises par la loi.
Dans ce contexte, vous rappelez que le professionnel de l’apprentissage et le garant de l’inclusion de tous les élèves est précisément le maître de la classe ordinaire. À cet égard, vous appelez à une refondation de la formation des enseignants, car vous craignez que les ESPE forment trop peu aux besoins éducatifs particuliers et déplorez que ces enjeux ne soient pas assez pris en considération dans le cadre de la formation continue. Là encore, je partage vos préoccupations, que j’avais soulignées dans mon rapport. Convaincue du caractère essentiel de la formation des enseignants et de la nécessité de développer la pédagogie différenciée – dont on parle trop peu de mon point de vue –, vous appelez également de vos vœux des évolutions institutionnelles afin d’agir sur les pratiques. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces évolutions ? D’autre part, quelles sont vos pistes pour inciter les ESPE à intégrer la formation concernant la difficulté scolaire au tronc commun pour tous les futurs enseignants, plutôt que d’en faire un domaine de spécialisation ?
Mme Régine Povéda. À mon tour, je salue l’excellent travail de nos collègues rapporteures. Madame Pompili, je vous remercie d’avoir choisi le sujet particulièrement important de l’école « pour tous » – j’adhère à l’opinion de Martine Faure. Je prends note des avancées en matière d’accompagnement des élèves en difficulté, en situation d’exclusion ou en situation de handicap. L’éducation nationale fait des efforts sans précédent pour améliorer la scolarisation de ces derniers en milieu ordinaire.
Dans votre rapport, vous vous concentrez sur l’école primaire. Je souhaite néanmoins vous interroger sur la situation des élèves après l’école primaire. L’accueil des élèves dans les établissements sous tutelle du ministère de la santé baisse dans le secondaire. A-t-on une explication à ce sujet ? De nombreuses familles se retrouvent sans solution. Tel est le cas dans mon village, Meilhan-sur-Garonne : les jeunes concernés ne peuvent pas être scolarisés ou rencontrent des difficultés pour être accueillis dans les IME, trop peu nombreux en Lot-et-Garonne. Dans le secondaire, le manque d’accompagnants disponibles et de places dans les structures telles que les IME est cruel. Selon vous, est-il possible d’améliorer cette prise en charge, dans l’intérêt des enfants et de leur famille ?
Mme Colette Langlade Dans votre rapport, madame Dion, vous illustrez parfaitement tout l’intérêt qu’il y a pour notre pays à accroître la recherche scientifique dans le domaine du sport. Il s’agit d’innover dans les pratiques sportives, d’améliorer les conditions d’activité pour les sportifs professionnels et amateurs ou encore de renforcer les contrôles en matière d’équité sportive. Vous montrez également comment se répartissent les unités de recherche en STAPS sur le territoire. La nouvelle grande région Aquitaine en comptera deux, une à Bordeaux et une à Poitiers. Dans le cadre de vos travaux, avez-vous pu évaluer la place de la France en matière de recherche sur le sport par rapport à ses voisins européens ?
M. le président Patrick Bloche. Mesdames les rapporteures, je vous redonne la parole pour répondre aux questions qui vous ont été posées.
Mme Sophie Dion, rapporteure pour avis sur les crédits de la recherche. Monsieur Premat, madame Doucet et madame Langlade, la vision actuelle est, en effet, réductrice : le sport est envisagé uniquement comme un facteur de bien-être, et la recherche sur le sport est rattachée, de ce fait, au défi « santé et bien-être » de la nouvelle stratégie nationale de recherche. Je suis tout à fait d’accord avec vous, il est nécessaire de passer à une approche plus globale et intégrée. Nous pourrions faire du sport un objet de recherche autonome, afin qu’il soit traité dans toute sa dimension, en particulier dans sa dimension humaniste, en effet essentielle. Tel était d’ailleurs l’objectif de mon rapport : montrer que beaucoup de choses étaient faites dans le domaine du sport, mais qu’elles étaient mal connues, car elles restaient enfermées dans des circuits trop confidentiels – je suis allée « débusquer » des informations –, et essayer de faire prévaloir une vision plus générale et intégrée du sport.
S’agissant du budget de la recherche, madame Doucet, je comprends des annonces du Gouvernement qu’il serait, au mieux, sanctuarisé en 2016. Cependant, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les observations de mon collègue Patrick Hetzel : si l’on supprime des crédits par la suite, ces promesses, pourtant minimales, ne seront même pas tenues. Nous aurons probablement une discussion sur ce point dans le cadre de la commission élargie.
Madame Attard, nous sommes, bien sûr, tous d’accord pour renforcer les crédits récurrents. Pour autant, selon moi, il ne faut pas supprimer le crédit d’impôt recherche, car c’est grâce à lui que les laboratoires trouvent des entreprises qui leur confient des activités de recherche sur contrat. C’est très important. Il faut maintenir ce dispositif, tout à fait compatible avec le renforcement des dotations.
Madame Buffet, l’identification d’une nouvelle molécule dopante par le laboratoire de Châtenay-Malabry permet à la France d’être, encore une fois, aux avant-postes en matière de lutte contre le dopage. Quant au sport à l’université, nous pourrions en parler longuement, mais c’est un tout autre sujet.
M. le président Patrick Bloche. C’est une idée de thème pour un rapport.
Mme Barbara Pompili, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement scolaire. L’école est aujourd’hui le miroir de notre société. En France, nous avons tendance à vouloir cacher la différence, contrairement à ce qui peut se passer à l’étranger. Pendant très longtemps, l’école a eu cette tendance. Aujourd’hui, même si une vraie démarche d’inclusion est menée depuis 2005, et s’est accentuée en 2013, elle doit faire face à de lourdes résistances.
Un exemple assez révélateur est l’accessibilité des bâtiments. J’ai été sidérée d’apprendre, lors d’une audition, qu’un quart des nouveaux bâtiments scolaires construits depuis 2008 ne sont pas accessibles, alors qu’ils ont été construits trois ans après la loi de 2005. Cette aberration montre à quel point la nécessité de l’accessibilité et de l’inclusion – même si j’entends les réserves de Martine Faure sur ce terme – n’est pas encore spontanée. C’est encore quelque chose qu’il faut un peu forcer.
On le voit à l’école. De par une longue tradition, le maître y est seul face à sa classe. Quand un enfant sort de la norme, pour quelque raison que ce soit, il considère que s’en occuper n’est plus de son rôle et que cela revient à des enseignants spécialisés ou des structures. C’est tout cet état d’esprit qui est à revoir, et cela prendra du temps – je ne m’attendais pas à ce que tout change d’un coup de baguette magique. Je constate néanmoins que la volonté de changement est là, et c’est très important.
Comment faire changer les choses ? Le point absolument essentiel est d’abord la construction du travail en équipe. Les professeurs doivent apprendre à décloisonner, les systèmes médico-sociaux doivent se rapprocher de l’école, et tous les acteurs doivent travailler ensemble. Une fois encore, les habitudes de cloisonnement sont très fortes, et il faut changer cela.
Il a fallu faire accepter aux professeurs la présence des auxiliaires de vie scolaire dans les classes, les AESH aujourd’hui. S’ils sont désormais acceptés, nous avons plusieurs problèmes les concernant. Leur professionnalisation, tout d’abord. La majorité des accompagnants ne sont pas des AESH professionnels, mais des contrats aidés, qui n’ont pas eu la formation suffisante. Or nous voyons bien que l’école inclusive ne saura se passer des AESH, et des AVS de façon générale, il faudra donc bien pérenniser ces postes. Aujourd’hui, on nous répond que cela coûte trop cher, je l’entends mais je constate aussi que l’on est obligé de reconduire ces postes d’une année sur l’autre : c’est bien qu’ils sont nécessaires. Leur nombre a vocation à plafonner, et il faut maintenant pérenniser et professionnaliser ces postes.
Par ailleurs, il faut faire attention à une tendance actuelle à attribuer des AVS à tous les élèves en difficulté. Il y a des AVS absolument nécessaires : le parent d’un enfant autiste m’a dit un jour que l’AVS était comme son fauteuil roulant. Imagine-t-on de demander à un enfant non-valide de renoncer à son fauteuil roulant sous prétexte de gagner en autonomie ? Évidemment pas. Les AVS sont donc indispensables, et il faut les garder. Mais un travail de coordination, en équipe, doit être fait pour analyser les besoins spécifiques de chaque élève. S’ils montrent l’utilité d’un AVS, il faut le prendre, mais il est souvent largement suffisant de mettre en place des adaptations pédagogiques. Et pour les mettre en place, il faut ce travail en équipe.
C’est à ce stade qu’entre en compte le rôle des RASED. Leur nombre a beaucoup diminué, et, de plus, les trois catégories de personnel qui les constituent ne sont pas toujours représentées, ce qui pose de grosses difficultés pour faire travailler tout ce monde ensemble. Un professeur, même très bien formé sur le handicap ou la différence, ne va pas pouvoir répondre à tous les besoins spécifiques des enfants ; ce n’est pas possible. Si l’on veut qu’il mette en place des pédagogies adaptées, il doit le faire en partenariat avec des professionnels. Les RASED peuvent jouer ce rôle de conseil et de transfert d’expérience auprès du professeur de l’école, qui reste évidemment maître dans sa classe. Pour cela, il faudrait augmenter leur nombre, leurs effectifs sont bien insuffisants. La mise en place d’un pôle de ressources départemental et d’un « maître ressources inclusion » pour jouer le rôle de courroie de transmission, que je propose, permettrait de fluidifier tout cela. Aujourd’hui, certains professeurs qui ont dans leur classe un élève en difficulté se retrouvent démunis. C’est la fluidité du travail en équipe qu’il faut absolument améliorer.
S’agissant de la formation, je n’irai pas aujourd’hui jusqu’à dire, comme Xavier Breton, que les ESPE sont une occasion manquée. Elles pourraient le devenir, mais l’intérêt d’un rapport d’étape est justement de pointer les possibilités d’amélioration pour décider ce qu’il faut réorienter. Certaines vieilles habitudes tardent à disparaître, et particulièrement l’attachement à la discipline : un bon professeur doit avoir de bonnes bases dans les matières telles que les mathématiques, le français ou l’histoire, et il est trop jugé sur ce point. Les choses se sont un peu améliorées pour le primaire : au concours, il y a maintenant un module plus spécifique sur la pédagogie. Il n’empêche que ces apprentissages sont encore annexes. On n’apprend pas à prendre en compte le public qui nous fait face, or c’est le point nodal de la problématique de l’école inclusive. L’enseignant se retrouve complètement démuni devant des élèves en difficulté parce qu’il n’a pas été formé à faire face à la différence. Son métier, tel qu’il le perçoit, c’est de bien transmettre du français, des mathématiques, de bien apprendre à lire et à écrire à des enfants qui vont rester dans le cadre. Hors de ce cadre, beaucoup d’enseignants pensent que ce n’est plus leur métier.
C’est précisément toute la question : quel est le métier de l’enseignant ? C’est de pouvoir apporter des réponses à tous les élèves, y compris les plus éloignés. Isabelle Attard parlait du polyhandicap, qui est vraiment un cas extrême. Ce sont les situations les plus éloignées d’une scolarisation normale. Cela dit, il me semble important de rapprocher même ces enfants-là des structures scolaires.
Cela m’amène à la question des IME et des établissements médico-sociaux. Les établissements médico-sociaux ont pour habitude de travailler séparément. Un effort est en cours sur ce point, et je salue ce qui a été fait s’agissant des ULIS-écoles. Plutôt que de parler d’externalisation, je préfère employer le terme d’internalisation : cela consiste à faire venir les établissements médico-sociaux dans les écoles. Même si ces enfants ne pourront pas être intégrés dans des classes ordinaires, qu’ils soient physiquement localisés dans l’école montre qu’ils sont à leur place dans l’école de la République. Qu’on leur dispense ensuite des pédagogies très différenciées, c’est une évidence, mais il s’agit des cas extrêmes. La grande majorité des autres enfants en situation de handicap ont vocation à être intégrés dans des classes ordinaires, avec des mécanismes de sas – par exemple des ULIS, ou dans le cas des enfants allophones que l’on ne peut pas lâcher en classe sans un temps d’adaptation. Mais tout cela demande un réel travail en équipe.
Aujourd’hui, le manque de places est problématique. Tout d’abord, parce que l’on ne prend pas assez en compte le handicap de manière générale, on ne se donne pas les moyens de créer un nombre de places suffisant. C’est ainsi que l’on se retrouve dans une situation complètement aberrante, qui fait dépenser des sommes folles à notre sécurité sociale pour utiliser des places en Belgique. Je vais d’ailleurs proposer, avec certains collègues, un amendement, qui relaie une proposition de l’UNAPEI sur la question, pour sanctionner chèrement cette pratique, alors que le financement de ces places en France permettrait de créer des emplois.
De plus, parce que l’on n’a pas suffisamment adapté l’école au handicap et à la différence, on envoie dans des structures spécialisées des enfants qui n’ont pas vocation à y être. A contrario, on envoie dans des classes ordinaires, avec des AVS, des enfants qui auraient besoin d’être en IME mais qui n’y ont pas de place. On prétend qu’il s’agit d’inclusion alors que cela ne fonctionnera pas parce que la pédagogie n’est pas adaptée et que les professeurs ne sont pas formés. Les enfants se retrouvent alors très vite déscolarisés, à la charge de parents complètement désemparés.
Marie-George Buffet a soulevé la question de la médecine scolaire. C’est un vrai problème, car pour mettre en place des accompagnements personnalisés, il est aujourd’hui nécessaire d’avoir le visa du médecin scolaire. Le nombre de médecins scolaires diminue fortement, et le problème de remplacement des départs en retraite va se poser : la moitié des effectifs sera concernée dans les cinq ans à venir. Or, en 2014, un tiers des postes ouverts au concours n’a pas été pourvu faute de candidats. Il y a un problème d’attractivité et de rémunération sur lequel il faudra travailler, et une redéfinition du statut semble nécessaire : les médecins scolaires sont très absorbés par des tâches administratives, il faudrait les recentrer sur leur métier. Des expérimentations ont été mises en œuvre, notamment en Seine-Saint-Denis, pour faire venir travailler des internes en médecine dans les services de médecine scolaire. C’est une expérimentation ; nous verrons si elle produit des résultats intéressants.
La question du coût a été soulevée, et Claudine Schmid a parlé de l’amendement de Benoît Hamon. Ne l’ayant pas lu, je ne répondrai pas particulièrement sur ce point. Mais l’un des problèmes que rencontrent les professeurs est que, quelle que soit leur attitude à l’égard de l’innovation pédagogique ou de l’expérimentation, cela ne change strictement rien à leur carrière ni à leur rémunération. Or l’école inclusive demande précisément de tels efforts, et il faut valoriser les professeurs qui se donnent beaucoup de mal, réfléchir à leur carrière et à leur rémunération à l’aune de tout ce travail. Beaucoup nous ont dit lors des auditions être découragés par l’absence d’aboutissement de leurs efforts et de débouchés d’expérimentations intéressantes, et par le manque de soutien de leur administration. Ces nombreuses richesses dans nos différents établissements, il faut en tirer bénéfice. Il y a vraiment un effort à faire.
Pour la formation initiale, un travail important doit être réalisé par les ESPE. Pour la formation continue, il faut prévoir des décharges horaires pour que les professeurs puissent se former. Valérie Corre a posé une question sur les « maîtres ressources inclusion », et le coût de ce dispositif. Il n’a pas été possible de faire une évaluation précise, mais une évaluation rapide sur le fondement de deux heures de décharge horaire par semaine dans les 52 000 écoles induirait un coût de l’ordre de 150 millions d’euros.
L’école inclusive a donc indéniablement un coût, mais c’est un investissement. Toutes les prestations qu’il faudra offrir aux enfants qui, devenus adultes, ne seront pas autonomes, seront en échec, hors du système professionnel, représentent aussi des coûts à mettre en regard de ceux d’une école inclusive. Puisque l’école est le reflet de la société, je souhaite qu’elle devienne un exemple de société pour tous, une société qui fait de la place à tous les enfants, sans cacher ceux qui sont en situation de handicap, pour qu’ils ne soient pas regardés par les autres comme des extraterrestres. Ce sont des enfants comme les autres, et comme tous les enfants, ils ont leurs spécificités.
Mme Anne-Christine Lang, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Je me félicite que mes collègues aient été sensibles aux forts enjeux financiers liés au thème que j’ai choisi pour mon rapport. Sur un sujet sur lequel on accumule des retards depuis des décennies, il faut se garder de toute arrogance, car chacun porte sa part de responsabilité. Nous n’allons certainement pas apporter toutes les réponses dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, mais j’espère que nous allons commencer à améliorer la situation.
Mme Buffet m’a interrogée sur le paradoxe qui existe entre la sous-occupation des locaux dont j’ai fait état et les photos d’amphis bondés qui circulent. C’est le résultat de la conjugaison de l’extrême diversité des situations et des pics d’activité sur la semaine et sur l’année. Les amphis sont bondés du mardi au jeudi, et entièrement vides les lundis et vendredis. La répartition sur l’année est du même ordre. C’est pourquoi le rapport souligne l’adaptation très mal pensée des locaux à l’utilisation pédagogique, et appelle à un effort de rationalisation.
Mme Buffet plaidait pour un plan d’urgence en faveur de l’immobilier universitaire ; nous préconisons, pour notre part, d’avancer, sous certaines conditions, dans la dévolution. Ainsi les besoins immobiliers seront-ils fléchés puisque la subvention ne sera plus fondue dans la dotation globale. D’une certaine façon, la dévolution répond à l’urgence.
Quelques chiffres concernant la sous-occupation : on estime que le taux d’occupation des locaux dédiés aux étudiants dans les universités est de l’ordre de 70 %, mais sur une occupation optimale calculée à 1 120 heures par an, contre 1 900 heures pour les lycées et 2 500 heures pour les administrations. Il y a donc une énorme marge de progression.
S’agissant des équipements sportifs, comme le pressentait Mme Buffet, la situation est également assez préoccupante. L’état du patrimoine sportif des universités correspond à peu près à celui du patrimoine global : 10 % du patrimoine est en état « E », c’est-à-dire très dégradé, et 31 % en état « C » et « D », mauvais.
Pour répondre à M. Bréhier sur l’inadaptation des locaux à la pédagogie, il est vrai que la modularité des locaux devient la norme. C’est une donnée importante que les universités doivent intégrer dans leur réflexion sur le devenir des salles, dans le cadre de la pédagogie inversée. Je cite dans mon rapport l’exemple de l’université de Grenoble où l’amphithéâtre de la première année commune aux études de santé a été scindé en deux salles entièrement modulables, qui permettent de faire des cours magistraux mais aussi du travail en petit groupe. Ainsi, les étudiants prennent connaissance du cours, notamment par internet, et viennent à l’université pour obtenir des explications, approfondir ou faire des exercices. De fait, le modèle de l’amphithéâtre en devient obsolète. Dans le cadre de cette réflexion sur l’adaptation de l’immobilier à l’évolution des usages, le ministère a mis en place en son sein une mission d’expertise et de conseil pour accompagner les universités dans cette stratégie immobilière de long terme. On peut regretter que, pour l’heure, une seule université y ait fait appel.
Je ne pense pas, comme l’a suggéré Mme Attard, que le rapport préconise le recours massif aux emprunts. Nous nous contentons de proposer que l’accès à l’emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations soit élargi aux universités qui ne font pas partie du plan Campus. D’autant que ce sont des dépenses qui assurent un retour sur investissement, puisqu’elles sont largement consacrées aux économies d’énergie et au développement durable. Quand on voit la piètre qualité énergétique des bâtiments, c’est une nécessité.
Je conviens qu’il faudrait veiller à ne pas totalement dévoyer la vocation des locaux universitaires s’ils étaient loués. L’organisation des summer schools en Angleterre, à destination des étudiants et des élèves étrangers venus apprendre l’anglais pendant la période estivale, permet, semble-t-il, tout à la fois de préserver cette vocation et de dégager des ressources importantes. Si les universités françaises se lançaient dans des plans ambitieux pour l’enseignement du français sur ce mode, tout le monde y trouverait son intérêt.
Ce type de location reste toutefois anecdotique et ne permettra pas de faire face aux besoins considérables des universités. La piste de la formation professionnelle semble nettement plus prometteuse. On pourrait imaginer par exemple que l’intégralité de la formation continue des médecins soit organisée à l’université. Outre l’apport de recettes importantes, cela aurait un vrai sens citoyen en replaçant l’université au centre de la formation professionnelle, élargie au-delà de celle des enseignants.
Tout en renvoyant les débats approfondis sur les questions budgétaires à la commission élargie, je précise qu’une grande partie des annulations de crédits des contrats de plan concernent des projets dont la maturité était insuffisante. Il arrive souvent, pour ce type d’investissements de long terme, que les projets tardent à trouver un montage satisfaisant et accumulent du retard. Les crédits annulés de ce fait ont été reprogrammés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 : 138 millions d’autorisations d’engagement supplémentaires ont été affectés à l’immobilier.
S’agissant de la dévolution que M. Hetzel appelle de ses vœux, c’est-à-dire le transfert du patrimoine de l’État aux universités, il ne concerne pour l’instant que les trois universités qui se sont portées candidates pour l’expérimentation. Actuellement, beaucoup d’universités ne sont pas prêtes à gérer ce patrimoine, car cela suppose d’avoir mené une réflexion approfondie, tant du point de vue pédagogique qu’immobilier, donc une administration et un travail extrêmement important en amont.
Quant aux 500 millions nécessaires à la remise en état, dont je fais état dans le rapport, il faut bien comprendre que, sauf à creuser immédiatement le déficit de 500 millions supplémentaires, ils ne peuvent être inscrits dès le présent projet de loi de finances. En attendant, le financement peut être assuré à travers la troisième phase du programme d’investissements d’avenir et la poursuite de la dévolution, notamment en direction des COMUE, de manière à faire entrer les universités qui ont déjà fait des efforts de rationalisation, de mutualisation et de fusion dans un cercle vertueux.
Enfin, il faut diffuser les bonnes pratiques, qui sont encore très peu répandues. L’exemple d’adaptation et de modularité des locaux à Grenoble reste exceptionnel, les efforts de mutualisation sont trop rares, et seule l’université de Caen a sollicité la mission d’expertise du ministère. Les universités peinent à rentrer dans la logique de rationalisation et de mutualisation du patrimoine immobilier, alors que, le rapport le montre, il y a urgence.
Une précision s’agissant des 100 millions d’euros prélevés dans les fonds de réserve des universités : seules ont été visées celles qui accumulaient des réserves excessives et réalisaient le moins d’investissements, donc qui entretenaient relativement mal le patrimoine. Cette ponction ne sera pas reconduite en 2016. Il faut continuer à encourager les universités à utiliser leurs réserves pour investir massivement, notamment dans les restructurations et réhabilitations immobilières, et pas seulement dans des constructions neuves, même si elles font très plaisir aux élus.
Pour finir, il est vrai, madame Martinel, qu’avant 2007 et la mise en place de l’autonomie des universités, les crédits étaient fléchés et la part réservée à l’investissement immobilier était donc sanctuarisée. La dotation globale, qui inclut les investissements immobiliers, a pour effet pervers que les universités en situation inconfortable sont tentées de consacrer ces crédits à d’autres dépenses. Mais nous savons bien que le vrai problème est que l’autonomie n’était pas financée, l’immobilier en fournit un exemple éloquent.
M. le président Patrick Bloche. Merci, mesdames les rapporteures, pour ces très intéressants rapports.
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède le mardi 20 octobre 2015, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits pour 2016 de la mission « Enseignement scolaire » (1).
À l’issue de la commission élargie, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Enseignement scolaire ».
M. le président Patrick Bloche. Notre commission n’étant saisie d’aucun amendement, je vais mettre aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2016, avec l’avis favorable de la rapporteure, Mme Barbara Pompili.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « enseignement scolaire ».
ANNEXE N° 1 :
PRINCIPALES PROPOSITIONS DE L’AVIS
1. Garantir l’accessibilité de tous les bâtiments scolaires.
2. Renforcer l’offre des places et l’équité territoriale dans l’implantation des dispositifs d’enseignement spécialisés (IME, ULIS, RASED, unités d’enseignement notamment autisme, etc.).
3. Poursuivre le mouvement d’internalisation des unités d’enseignement dans les écoles ordinaires et mieux équilibrer et articuler les temps de scolarisation ordinaire et ceux de prise en charge spécifique.
4. Rétablir rapidement les effectifs des RASED, diminués d’un tiers entre 2007 et 2012.
5. Accentuer l’effort de scolarisation précoce en particulier dans les réseaux d’éducation prioritaire.
6. Pérenniser le financement d’au moins 75 000 accompagnants des enfants handicapés, et améliorer leur formation et la revalorisation de leur statut.
7. Mettre fin à la pénurie de médecins scolaires, notamment via une revalorisation de leur statut. Organiser la prise en charge par la sécurité sociale de certains tests et bilans notamment ergothérapiques.
8. Étendre l’exigence de l’école inclusive au périscolaire en l’intégrant dans les PEDT. Intégrer le périscolaire aux PPS.
9. Mieux valoriser les innovations pédagogiques et la diffusion des bonnes pratiques.
10. Mieux articuler la complémentarité entre les différents dispositifs et acteurs en fonction des besoins de chaque élève (AESH, parcours personnalisés, accueil en milieu ordinaire et spécialisé, soutien scolaire, adaptations pédagogiques…)
11. Identifier, mutualiser et faire dialoguer tous les acteurs de l’inclusion (dans l’éducation nationale et dans le secteur médico-social) par l’institution dans chaque département d’un « pôle ressources inclusion ».
12. Désigner en miroir dans chaque école un « maître ressources inclusion », interlocuteur régulier des parents d’élèves et relais entre les ressources du « pôle ressources inclusion » et les besoins de tous les enseignants. Valoriser cette mission.
13. Revoir les modalités d’enseignement de l’inclusion dans la formation initiale délivrée par les ESPE en diffusant ses méthodes et enjeux dans tous les enseignements et non en les cantonnant dans certains modules. Recourir plus intensément aux expertises extérieures et aux expériences de terrain dans les formations et dans les jurys de concours. Valoriser ces compétences dans les concours. Multiplier les formations communes aux acteurs de l’éducation nationale et aux professionnels médico-sociaux.
14. Déplacer le concours en fin de licence afin d’étendre la formation initiale à deux années.
15. Renforcer la formation continue qui doit mieux prendre en compte les enjeux liés à l’école inclusive.
ANNEXE N° 2 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
(par ordre chronologique)
Ø Ministère de l’Éducation nationale – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) – Mme Catherine Moisan, directrice
Ø M. Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, auteur du rapport sur la « Grande pauvreté et la réussite scolaire »
Ø M. Jean-Pierre Delaubier, ancien inspecteur général de l’éducation nationale
Ø Table ronde sur la formation des enseignants et des équipes éducatives à l’accueil des élèves en situation de handicap et/ou en difficultés :
– Agence nationale de la lutte contre l’illettrisme (ANLCI) – Mme Marie-Thérèse Geffroy, présidente
– École supérieure du professorat et de l’éducation de l’académie de Paris (ESPE Paris) – M. Alain Frugière, directeur, et M. Christian Lussiez, responsable de l’ASH
– Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et des enseignements adaptés (INS-HEA) – M. José Puig, directeur, et Mme Murielle Mauguin, directrice des études de l’INS HEA
Ø Audition commune :
– Association nationale d’associations d’adultes et de parents d’enfants dyslexiques (ANAPEDYS) – Mme Agnès Vetroff, présidente, Mme Anne Partiot, vice-présidente et Mme Fabienne Miramand, secrétaire
– Mme Sandrine Garcia, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne, auteur de l’ouvrage « À l’école des dyslexiques » (juin 2014), et Mme Anne-Claudine Oller, doctorante en sociologie, coauteure de l’ouvrage « Réapprendre à lire : de la querelle des méthodes à l’action pédagogique », aux Éditions du Seuil
– M. Claude Seibel, inspecteur général honoraire de l’INSEE
Ø Ministère de l’Éducation nationale – Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – M. Xavier Turion, chef de service adjoint à la directrice générale, Mme Sandrine Lair, cheffe du bureau de la personnalisation des parcours scolaires et de la scolarisation des élèves handicapés, et Mme Sarah Roux-Perinet, cheffe de bureau de la formation des personnels enseignants et d’éducation
Ø M. Charles Gardou, anthropologue, Professeur à l’université Lumière Lyon 2 et à l’IEP de Paris, fondateur de la collection « Connaissances de la diversité »
Ø M. Serge Thomazet, Professeur à l’ESPE de Clermont-Ferrand, auteur de l’ouvrage « De l’intégration à l’école inclusive »
Ø M. Régis Guyon, historien de l’intégration, rédacteur en chef de la revue « Diversité »
Ø Mme Maryse Esterle, maître de conférences en sociologie à l’université d’Arras, spécialiste du décrochage scolaire
Ø Table ronde axée sur le traitement général de la difficulté scolaire et de la différence (représentants de parents)
– Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) – M. Hervé-Jean Le Niger, vice-président, et Mme Alizée Ostrowski, chargée de mission
– Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – Mme Valérie Marty, présidente nationale, et M. François Lasne, vice-président
– Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL nationale) – Mme Caroline Saliou, présidente, M. Christophe Abraham, secrétaire général adjoint, et Mme Catherine Romuald
Ø Table ronde des représentants des parents d’enfants en situation de handicap
– Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) – M. Emmanuel Jacob, administrateur, et Mme Aude Bourden, responsable du service Travail, Éducation, Politiques publiques de santé
– Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap (FNASEPH) – Mme Sophie Cluzel, présidente, et Mme Marie Christine Philbert, administratrice
Ø Audition commune :
– Mme Marie-Odile Maire-Sandoz, chercheure ENS Lyon
– Collectif pour le droit des enfants Roms à l’éducation - Collectif National Droits de l’Homme Romeurope – Mme Clotilde Bonnemason, chargée de mission
Ø Table ronde Collectif national RASED :
– Fédération nationale des associations des rééducateurs de l’éducation nationale (FNAREN) – Mme Isabelle Guillard, présidente
– Fédération nationale des associations de maîtres E (FNAME) –Mme Thérèse Auzou-Caillemet, présidente
– Association française des psychologues de l’éducation nationale (AFPEN) – M. Daniel Tramoni, vice-président
– Association des groupes de soutien au soutien (AGSAS) – Mme Maryse Métra, présidente
– Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé (SNICS-FSU) – M Christian Allemand, secrétaire général, et Mme Carole Pourvendier, membre du bureau national
– Syndicat de l’inspection de l’éducation nationale (SIENUNSA) – M. Franck Montuelle, secrétaire général adjoint chargé du secteur 1er degré, et M. Patrick Pochard, membre du Bureau National du SI.EN-UNSA et responsable du pôle ASH dans notre organisation
– Syndicat national des personnels de l’inspection (SNPI-FSU) – M. Paul Devin, secrétaire général, inspecteur de l’éducation nationale
Ø Table ronde enfants précoces :
– Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces (ANPEIP) – Mme Emmanuelle Brunet, présidente, Mme Sylviane Yzet, enseignante et vice-présidente, Mme Marie Line Voredini, et Mme Hélène Ribeiro, enseignante et formatrice
– Association française pour les enfants précoces (AFEP) – Mme Vlinka Antelme, présidente, Mme Anne-Marie François, enseignante, responsable pédagogique, Mme Anne-Marie Vandenweghe, enseignante, coordinatrice formation
Ø Table ronde syndicats d’enseignants :
– Association générale des enseignants des écoles et classes maternelles publiques (AGEEM) – Mme Isabelle Racoffier, présidente nationale, et Mme Catherine Bon
– Fédération de l’enseignement privé-CFDT – M. Alain Deboutte, secrétaire national, Mme Fabienne Breysse-Monteil et Mme Béatrice Frisoni, chargées de mission
– Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA) – Mme Stéphanie De Vanssay, conseillère technique, et M. Gilles Laurent, délégué national
– Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT (SGEN-CFDT) – Mme Claudie Paillette, secrétaire nationale, Mme Annie Catelas, secrétaire fédérale
– Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (SNUipp-FSU) – M. Laurent Bernardi, responsable ASH du secteur éducatif
Ø Table ronde périscolaire
– Fédération générale des PEP – M. Jean-Pierre Villain, président, Mme Agnès Bathiany, directrice générale, et Mme Martine Salomé, vice-présidente
– Association de la Fondation Étudiante pour la Ville (AFEV) – M. Thibault Renaudin, secrétaire général, et Mme Eunice Mangado Lunetta, directrice déléguée
– Ligue de l’enseignement – M. David Cluzeau, membre du bureau délégué à l’action sociale et à l’éducation à la citoyenneté
Ø Mme Danielle Zay, professeure émérite à l’université de Lille 3, auteur de l’ouvrage « L’éducation inclusive. Une réponse à l’échec scolaire ? » (septembre 2012), membre de l’Association PRISME (Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs)
Ø Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) – Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente, Mme Diane Cabouat, animatrice de la commission « Éducation, scolarité, enseignement supérieur, coopération éducation ordinaire/éducation adaptée » du CNCPH, et M. Emmanuel Guichardaz, rapporteur de la commission « Éducation, scolarité, enseignement supérieur, coopération éducation ordinaire/éducation adaptée »
Ø Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Somme
Ø École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) d’Amiens
ANNEXE N° 3 :
RÉPARTITION PRÉVISIONNELLE DU NOMBRE D’UNITÉS D’ENSEIGNEMENT LOCALISÉES DANS LES ÉCOLES À LA RENTRÉE 2015
Numéro |
Départements |
Académies |
|
01 |
AIN |
LYON |
1 |
05 |
HAUTES-ALPES |
AIX-MARSEILLE |
2 |
06 |
ALPES MARITIMES |
NICE |
1 |
07 |
ARDÈCHE |
GRENOBLE |
1 |
08 |
ARDENNES |
REIMS |
1 |
09 |
ARIÈGE |
TOULOUSE |
1 |
11 |
AUDE |
MONTPELLIER |
1 |
12 |
AVEYRON |
TOULOUSE |
2 |
13 |
BOUCHES-DU-RHÔNE |
AIX-MARSEILLE |
2 |
14 |
CALVADOS |
CAEN |
2 |
15 |
CANTAL |
CLERMONT-FERRAND |
1 |
16 |
CHARENTE |
POITIERS |
1 |
17 |
CHARENTE-MARITIME |
POITIERS |
3 |
19 |
CORRÈZE |
LIMOGES |
1 |
21 |
CÔTE-D’OR |
DIJON |
1 |
22 |
CÔTES-D’ARMOR |
RENNES |
1 |
23 |
CREUSE |
LIMOGES |
1 |
24 |
DORDOGNE |
BORDEAUX |
1 |
25 |
DOUBS |
BESANÇON |
1 |
25 |
DOUBS |
BESANÇON |
1 |
25 |
DOUBS |
BESANÇON |
1 |
26 |
DROME |
GRENOBLE |
1 |
29 |
FINISTÈRE |
RENNES |
2 |
30 |
GARD |
MONTPELLIER |
1 |
31 |
HAUTE-GARONNE |
TOULOUSE |
2 |
32 |
GERS |
TOULOUSE |
1 |
33 |
GIRONDE |
BORDEAUX |
1 |
34 |
HÉRAULT |
MONTPELLIER |
1 |
37 |
INDRE-ET-LOIRE |
ORLÉANS-TOURS |
1 |
38 |
ISÈRE |
GRENOBLE |
1 |
39 |
JURA |
BESANÇON |
1 |
40 |
LANDES |
BORDEAUX |
2 |
41 |
LOIR-ET-CHER |
ORLÉANS-TOURS |
1 |
42 |
LOIRE |
LYON |
1 |
44 |
LOIRE-ATLANTIQUE |
NANTES |
1 |
45 |
LOIRET |
ORLÉANS-TOURS |
1 |
46 |
LOT |
TOULOUSE |
1 |
47 |
LOT-ET-GARONNE |
BORDEAUX |
1 |
48 |
LOZÈRE |
MONTPELLIER |
1 |
49 |
MAINE-ET-LOIRE |
NANTES |
1 |
49 |
MAINE-ET-LOIRE |
NANTES |
1 |
49 |
MAINE-ET-LOIRE |
NANTES |
1 |
50 |
MANCHE |
CAEN |
1 |
51 |
MARNE |
REIMS |
1 |
52 |
HAUTE-MARNE |
REIMS |
1 |
53 |
MAYENNE |
NANTES |
1 |
56 |
MORBIHAN |
RENNES |
2 |
57 |
MOSELLE |
NANCY-METZ |
1 |
58 |
NIÈVRE |
DIJON |
1 |
59 |
NORD |
LILLE |
1 |
61 |
ORNE |
CAEN |
1 |
62 |
PAS-DE-CALAIS |
LILLE |
1 |
64 |
PYRÉNÉES-ATLANTIQUES |
BORDEAUX |
1 |
65 |
HAUTES-PYRÉNÉES |
TOULOUSE |
1 |
66 |
PYRÉNÉES-ORIENTALES |
MONTPELLIER |
1 |
67 |
BAS-RHIN |
STRASBOURG |
1 |
68 |
HAUT-RHIN |
STRASBOURG |
1 |
69 |
RHÔNE |
LYON |
1 |
71 |
SAÔNE-ET-LOIRE |
DIJON |
1 |
72 |
SARTHE |
NANTES |
1 |
73 |
SAVOIE |
GRENOBLE |
1 |
74 |
HAUTE-SAVOIE |
GRENOBLE |
1 |
75 |
PARIS |
PARIS |
1 |
76 |
SEINE-MARITIME |
ROUEN |
1 |
77 |
SEINE-ET-MARNE |
CRÉTEIL |
1 |
78 |
YVELINES |
VERSAILLES |
1 |
79 |
DEUX-SÈVRES |
POITIERS |
4 |
81 |
TARN |
TOULOUSE |
1 |
82 |
TARN-ET-GARONNE |
TOULOUSE |
1 |
83 |
VAR |
NICE |
2 |
85 |
VENDIT |
NANTES |
1 |
87 |
HAUTE-VIENNE |
LIMOGES |
1 |
89 |
YONNE |
DIJON |
1 |
91 |
ESSONNE |
VERSAILLES |
1 |
92 |
HAUTS-DE-SEINE |
VERSAILLES |
2 |
93 |
SEINE-SAINT-DENIS |
CRÉTEIL |
1 |
94 |
VAL-DE-MARNE |
CRÉTEIL |
1 |
95 |
VAL-D’OISE |
VERSAILLES |
1 |
971 |
GUADELOUPE |
OUTRE MER |
2 |
973 |
GUYANE |
OUTRE MER |
1 |
974 |
LA RÉUNION |
OUTRE MER |
1 |
975 |
MAYOTTE |
OUTRE MER |
3 |
TOTAL |
FRANCE |
100 |
Source : MENESR.