N° 3113 tome VII - Avis de M. Jean-Pierre Dufau sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096),

TOME VII

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

PAR M. Jean-Pierre DUFAU

Député

——

Voir le numéro 3110

SOMMAIRE

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Pages

I. UNE PRESSION IMPORTANTE AUX FRONTIÈRES EXTÉRIEURES DE L’UNION EUROPÉENNE, AVEC UN IMPACT JUSQUE-LÀ LIMITÉ EN FRANCE 9

A.  LES FRANCHISSEMENTS IRRÉGULIERS DES FRONTIÈRES EXTÉRIEURES DE L’UNION EUROPÉENNE ONT CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉ EN 2015 9

1. Des flux qui s’accélèrent 9

a. Un nouveau « record » depuis le début de l’année 9

b. Trois routes principales, mais d’importance inégale 10

2. Une accumulation de crises dans le voisinage européen 12

a. La guerre civile qui se poursuit en Syrie 12

b. La situation en Libye 14

c. Des défis à prendre en compte en Afrique 14

B. UN IMPACT DIRECT QUI RESTE LIMITÉ EN FRANCE 15

1. Les demandes de titres de séjour 15

a. Un volume globalement stable 15

b. Des dynamiques différentes selon les motifs de demande 15

2. L’évolution de la demande d’asile en France 17

a. Après plusieurs années de hausse continue, une inflexion depuis 2013 17

b. Une situation plus problématique dans d’autres pays européens 18

3. L’impact en matière de séjour irrégulier sur le territoire français 18

a. La France, pays de transit 19

b. La situation à Calais 19

II. DES DISPOSITIFS QUI CONTINUENT À SE RENFORCER AU PLAN NATIONAL 21

A. LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » : DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES GLOBALEMENT EN HAUSSE 21

a. Le programme 303 « Immigration et asile » 22

b. Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » 23

B. LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE 27

1. Parachever les efforts de réduction des délais d’instruction des demandes à l’OFPRA 27

a. La réforme interne de l’OFPRA 28

b. Un renforcement des moyens de l’OFPRA qui s’inscrit dans la durée 28

c. La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l’asile 29

2. Rationnaliser et améliorer l’accueil des demandeurs d’asile 30

a. L’hébergement directif 30

b. La poursuite des efforts de création de places nouvelles 30

c. Une nouvelle allocation pour les demandeurs d’asile 31

C. LES ÉTRANGERS EN SITUATION RÉGULIÈRE 32

a. La réforme du parcours d’accueil et d’intégration 33

b. La réforme des titres de séjour 33

c. La réforme du dispositif « étrangers malades » 34

D. LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE 34

1. Une lutte contre les filières qui continue à s’intensifier 34

2. Des éloignements forcés en hausse 35

3. La réforme des aides au retour volontaire et à la réinsertion 37

III. MALGRÉ UNE CERTAINE PRISE DE CONSCIENCE ET PLUSIEURS AVANCÉES, LA RÉPONSE DEMEURE INCOMPLÈTE AU PLAN EUROPÉEN 41

A. METTRE EN PLACE UN RÉGIME EUROPÉEN D’ASILE PLUS INTÉGRÉ 41

1. La mise en œuvre des relocalisations décidées au plan européen 41

a. Des engagements d’accueil pour 160 000 personnes ayant besoin d’une protection internationale 42

b. Deux corollaires indispensables à la relocalisation : la mise en place effective des « hot spots » et le renforcement de la politique de retour 43

2. Des questions en suspens 44

a. La création d’un mécanisme permanent de relocalisation 44

b. La question de l’avenir du règlement de Dublin 45

c. L’adoption d’une liste commune de pays d’origine sûrs 45

B. GÉRER PLUS EN COMMUN LES FRONTIÈRES EXTÉRIEURES DE L’UNION EUROPÉENNE 46

1. Les opérations maritimes « Triton », « POSEIDON Sea » et « EUNAVFOR Sophia » 46

2. Les perspectives de renforcement 48

C. DÉVELOPPER DAVANTAGE LA « DIMENSION EXTÉRIEURE » DES POLITIQUES EUROPÉENNES D’IMMIGRATION ET D’ASILE 49

1. Traiter les causes à la racine 49

a. Les principaux conflits dans le voisinage européen 49

b. L’aide publique au développement 50

2. Le renforcement de la coopération avec les pays tiers 50

a. Prendre exemple sur les coopérations développées par l’Espagne ? 50

b. Les attentes placées dans le prochain sommet de la Valette 51

c. La Turquie et les autres pays tiers qui accueillent des réfugiés 51

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

EXAMEN DES CREDITS 53

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 55

INTRODUCTION

Depuis son premier avis budgétaire annuel sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », fin 2012, votre Rapporteur insiste sur la nécessité de renforcer la dimension européenne de ces différentes politiques. La pression migratoire qui s’est accentuée depuis deux ans aux frontières extérieures de l’Union le démontre clairement.

Cette crise met en lumière la nécessité de gérer les frontières européennes de manière plus collective, et donc plus responsable, de mettre en place une politique plus intégrée en matière d’asile, de renforcer la politique de retour au plan européen et de développer davantage les coopérations avec les pays tiers.

Une prise de conscience s’est engagée sur tous ces sujets et des avancées ont déjà pu avoir lieu, mais il reste beaucoup à faire pour mettre en œuvre le cap tracé par le Conseil européen du 15 octobre dernier. A bien des égards, l’Europe reste au milieu du gué.

Les efforts qui doivent être réalisés au plan européen ne dispensent pas, bien au contraire, de renforcer les dispositifs nationaux en parallèle. Telle est précisément l’action du Gouvernement. Elle trouve une traduction concrète dans les crédits demandés pour 2016, mais aussi dans les réformes engagées depuis le début de cette législature dans le cadre de la présente mission budgétaire.

L’accélération des flux migratoires vers l’Europe, qui a commencé dès 2014, s’est poursuivie et amplifiée depuis le début de cette année. Il s’agit d’un phénomène de nature européenne, car ce sont les frontières extérieures de l’Union qui sont franchies dans plusieurs Etats membres, avec des répercussions au-delà des pays situés en première ligne. L’impact est toutefois variable au plan national. Ainsi, contrairement à l’Allemagne, la France voit aujourd’hui ses principaux indicateurs demeurer relativement stables.

Selon l’Agence Frontex (1), le nombre des franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union européenne a atteint un nouveau record, avec 710 000 détections au cours des neuf premiers mois de l’année 2015. Le nombre de franchissements irréguliers détectés s’est élevé à 190 000 au mois d’août et à 170 000 en septembre.

La hausse est très significative par rapport à 2014, où 280 000 franchissements irréguliers avaient été détectés sur l’ensemble de l’année.

COMPARAISON DES ARRIVÉES MENSUELLES PAR MER

Source : HCR

Afin de prendre la mesure des flux actuels, il faut aussi rappeler que les chiffres enregistrés en 2014 étaient déjà deux fois supérieurs à ceux des « printemps arabes » de 2011.

La Méditerranée constitue le principal point d’entrée des flux migratoires en Europe.

En 2014, 60 % des passages se concentraient sur la Méditerranée centrale, avec un peu plus de 170 000 détections, contre environ 51 000 dans la partie Est de la Méditerranée.

En 2015, les flux restent très significatifs en Méditerranée centrale, avec une pression migratoire toujours forte en provenance de la Libye et des accidents tragiques en mer (2). Mais c’est la Méditerranée orientale qui connaît désormais les flux les plus importants.

Le directeur exécutif de Frontex, M. Fabrice Leggeri, appelait en juin dernier l’attention de la commission sur les passages de plus en plus nombreux à travers la Turquie et la Grèce, ainsi que sur la montée en puissance de la route balkanique (3). Cette situation s’est confirmée au cours des derniers mois, comme le montre la carte ci-après.

Source : HCR, octobre 2015

– En Italie, où votre Rapporteur s’est rendu cette année dans le cadre de la préparation du présent avis, le nombre des arrivées par mer s’établirait à un peu plus de 130 000 au cours des neufs premiers mois de l’année (4). Les évolutions mensuelles sont très similaires à celles constatées en 2014, à l’exception du mois de septembre, marqué par une baisse de 40 % des flux. Depuis l’année dernière, la plupart des migrants sont interceptés en mer avant d’être débarqués sur les côtes italiennes. Les flux proviennent à près de 90 % de Libye, principalement depuis la région de Tripoli, même si des départs ont également été enregistrés depuis la Turquie, l’Egypte et la Tunisie. Les autorités italiennes s’inquiètent désormais de l’émergence d’un nouveau flux au Nord-Est de l’Italie, en provenance des Balkans et transitant par la Croatie et la Slovénie.

Selon le HCR, les étrangers arrivés en Italie sont originaires de plus de 65 pays, en particulier l’Erythrée (pour près d’un tiers du total), le Nigéria, la Somalie et le Soudan. Depuis le début de l’année, le nombre des arrivées en provenance de Syrie a diminué de 80 % par rapport à la même période en 2014. L’introduction de visas pour les Syriens par certains pays d’Afrique du Nord et la détérioration des conditions de sécurité en Libye pourraient contribuer à expliquer des reports sur la Méditerranée orientale, considérée comme moins dangereuse.

Au vu de l’origine des personnes débarquées en Italie jusqu’au mois de juillet dernier, le HCR considérait que 59 % d’entre elles devaient être éligibles à l’une des formes de protection internationale qui existent dans ce pays – statut de réfugié, conformément à la convention de Genève, protection subsidiaire ou protection humanitaire. Pourtant, beaucoup ne font pas de demande d’asile en Italie, car ils préfèrent rejoindre d’abord d’autres Etats européens, notamment l’Allemagne et les pays nordiques.

– En Grèce, la situation reste préoccupante, bien qu’elle ait évolué depuis le déplacement effectué par votre Rapporteur à la fin de l’année 2012. Alors que la pression migratoire s’exerçait alors essentiellement sur la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie, jusqu’à la mise en œuvre de l’opération « Bouclier », ce sont maintenant les îles grecques, en particulier celle de Lesbos, qui sont confrontées à des flux massifs.

Mi-septembre, les entrées irrégulières se maintenaient à un niveau élevé de 3 000 à 4 000 arrivées par jour. Les garde-côtes grecs réaliseraient en moyenne entre 5 et 10 opérations de sauvetage toutes les 24 heures. À l’issue des rotations de ferries mises en place par les autorités vers le Pirée, les migrants quittent le pays en empruntant la voie balkanique. Une grande majorité d’entre eux ne seraient ni enregistrés ni identifiés en Grèce.

– Les franchissements massifs des frontières extérieures de l’Union européenne à travers les îles grecques ont des répercussions directes sur la route dite balkanique. Ce flux arrive par la Grèce, puis transite par l’Europe centrale vers l’Autriche et l’Allemagne, plaçant des pays tels que la Serbie, la Hongrie, la Slovaquie et la Slovénie dans des situations difficiles.

La Hongrie a rapporté plus de 204 000 détections à ses frontières, soit 13 fois plus qu’au cours de la même période en 2014 (5). On estime aussi qu’environ 100 000 personnes seraient entrées dans l’Union européenne en passant par la Croatie dans la seconde partie du mois de septembre, après que la Hongrie a fermé sa frontière avec la Serbie. La décision des autorités hongroises de fermer la frontière avec la Croatie, dans la nuit du 16 au 17 octobre dernier, a ensuite eu pour conséquence de replacer immédiatement la Slovénie sur la route migratoire.

– Un troisième flux est constitué par des migrants économiques en provenance d’Europe de l’Est et des Balkans vers l’Allemagne. Lors de son audition précitée devant les commissions des affaires étrangères et européennes réunies conjointement, le ministre de l’intérieur a estimé que 40 % des 800 000 migrants attendus en 2015 par les Allemands étaient issus, jusqu’à une période récente, de ce flux.

Selon le HCR, les dix premiers pays d’origine des étrangers arrivés par la Méditerranée depuis le début de l’année 2015 sont la Syrie (53 %), l’Afghanistan (16 %), l’Erythrée (6 %), l’Irak (5 %), le Nigéria (3 %), le Pakistan (2 %), la Somalie (2 %), le Soudan (1 %), la Gambie (1 %) et le Bangladesh (1 %).

L’accélération de la pression migratoire aux frontières extérieures de l’Union européenne résulte des situations de crise qui s’aggravent dans son voisinage – en particulier en Syrie et en Irak, en Libye, mais aussi en Erythrée. Si une partie des migrants qui arrivent en Europe peut relever de la protection internationale en raison de la situation dans leur pays d’origine, une autre partie s’apparente en revanche à des migrations économiques et s’explique davantage par des problèmes de développement.

Le conflit syrien, qui n’a pas cessé de s’aggraver depuis 2011, se traduit aujourd’hui par environ 250 000 morts, 8 millions de personnes déplacées à l’intérieur des frontières et environ 4 millions de réfugiés à l’extérieur du pays. Les populations civiles fuient les combats et les destructions qui en résultent – bombardements à coup de baril de TNT perpétrés par le régime, attaques au chlore, exactions commises par Daesh, l’organisation du prétendu État islamique, et par d’autres groupes extrémistes.

Le conflit syrien s’est considérablement radicalisé depuis son déclenchement, à mesure que la répression du régime augmentait et que les groupes djihadistes montaient en puissance. Les lignes de front se sont également complexifiées, entre le régime et la rébellion, entre les groupes « modérés » et Daesh, ou encore entre des forces kurdes et cette même organisation terroriste. Le conflit s’est aussi régionalisé et internationalisé de manière croissante avec le soutien apporté à la rébellion par un certain nombre de pays du Golfe, avec celui de l’Iran au régime syrien, et désormais avec l’intervention militaire directe de la Russie.

A ce stade, une très grande majorité des réfugiés syriens sont accueillis dans les pays voisins. Ces réfugiés sont au moins 2 millions (enregistrés) en Turquie, 1,1 million au Liban et plus de 600 000 en Jordanie.

Source : HCR

Les pays voisins de la Syrie ont fait preuve d’une grande hospitalité, mais le poids qui en résulte pour eux est devenu très lourd, notamment au Liban, où les réfugiés syriens représentent environ 25 % de la population. Dans le même temps, les besoins de financement recensés par les Nations Unies en réponse à la crise syrienne n’étaient couverts, mi-septembre, qu’à hauteur de 40 % pour l’année 2015. Les conditions d’accueil des réfugiés se dégradant et aucune perspective de règlement de la situation en Syrie ne se dessinant, les départs vers les pays européens s’accélèrent, principalement via la Turquie.

Les demandes d’asile présentées en Europe par des ressortissants syriens continuent à augmenter en 2015, mais elles ne représentent à ce stade qu’un peu plus de 10 % des départs depuis la Syrie. Selon le HCR, 507 421 demandes d’asile ont été introduites dans les pays européens entre avril 2011 et septembre 2015, dont 137 947 au cours de l’année 2014.

La crise très grave qui s’est nouée en Libye depuis la chute de Kadhafi est un des principaux facteurs ayant conduit à la montée de la pression aux frontières de l’Union européenne. Bien que d’autres routes migratoires aient gagné en importance depuis le début de l’année 2015, les itinéraires ont d’abord eu tendance à converger vers la Libye. Alors que l’Espagne s’était dotée depuis une dizaine d’années, en lien avec ses voisins, des moyens pour contrôler les flux provenant de l’Afrique de l’Ouest et de l’Est en direction de son territoire (6), le chaos libyen a ouvert une nouvelle brèche dans laquelle des organisations criminelles se sont infiltrées.

En l’absence d’État et de gouvernement exerçant une autorité réelle sur le pays, la Libye n’est pas en mesure de mettre un terme au développement du trafic des êtres humains sur son territoire, d’agir sur les flux migratoires, ni de lutter contre le terrorisme. Il faut espérer que le projet d’accord politique qui a été présenté le 9 octobre dernier puisse déboucher sur la constitution d’un gouvernement d’union nationale qui parvienne à reprendre le contrôle du pays, dans l’intérêt des Libyens eux-mêmes mais aussi des pays de la région et de l’Union européenne.

Au regard des crises qui se déroulent au Moyen-Orient et en Libye, le volet africain des questions migratoires est souvent moins évoqué dans le débat. En effet, comme l’a rappelé devant la commission M. Jean-Christophe Belliard, directeur d’Afrique et de l’Océan indien au ministère des affaires étrangères (7), 90 % des migrants africains ne se rendraient pas en Europe, mais ailleurs en Afrique. Les flux migratoires africains sont davantage dirigés vers le Sud que vers le Nord : Sahéliens en Côte d’Ivoire, Maliens au Gabon, ou encore Congolais en Afrique du Sud.

En ce qui concerne l’Erythrée, qui impose à ses jeunes un service militaire illimité, ce qui pousse aux départs, la principale filière d’émigration est néanmoins tournée vers la Suède et, dans une moindre mesure, vers le Royaume-Uni. Par ailleurs, bon nombre de personnes se déclarant érythréennes à leur arrivée en Europe seraient en réalité soudanaises ou éthiopiennes (8). L’Éthiopie, pays de 90 millions d’habitants, ne parvient pas à offrir du travail à tous, ce qui conduit à une émigration surtout économique. Le Soudan est quant à lui le théâtre de plusieurs guerres.

Outre la question plus générale du développement en Afrique, celle de la démographie mériterait de faire l’objet d’une plus grande attention au plan international. À titre d’exemple, le Nigéria devrait compter autant d’habitants que les États-Unis dans vingt ans. Au Niger, le taux de fécondité est de l’ordre de 7,1 enfants par femme. Le sujet reste manifestement difficile à aborder, bien qu’un travail ait été engagé, notamment par le Fonds des Nations Unies pour la population. La question du contrôle de la natalité comporte en effet des dimensions culturelles et religieuses complexes.

Le fort accroissement des arrivées sur le territoire européen depuis deux ans, en lien avec les situations de crise dans notre voisinage et avec la structuration des routes migratoires, n’a eu qu’assez peu d’impact direct en France.

Comme le ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve, a eu l’occasion de le préciser devant la commission (9), le nombre des demandes de titres de séjour est stable dans notre pays depuis de nombreuses années ; l’augmentation des demandes d’asile a par ailleurs connu une inflexion depuis 2013.

Même si ce phénomène est par nature plus difficile à évaluer, on peut ajouter que la France semble moins concernée que d’autres pays européens par la présence d’étrangers en situation irrégulière sur son territoire.

Le nombre de nouveaux titres de séjour délivrés chaque année est stable en France. Il fluctue depuis plusieurs années aux alentours de 200 000, soit environ 0,3 % de la population. En 2014 (chiffres provisoires), on a enregistré 209 782 admissions au séjour de ressortissants de pays tiers à l’Union européenne, contre 205 393 l’année précédente.

Les évolutions restent assez contrastées selon les principaux motifs de demande de titres.

– L'immigration familiale demeure le premier motif d’immigration en France. Selon les chiffres fournis par le ministère de l’intérieur, elle représentait 44 % du total des nouvelles admissions au séjour en 2014. Après avoir progressé depuis 2012, elle serait néanmoins en léger recul en 2014, étant passée de 93 714 à 91 997 titres délivrés.

– Alors qu’elle avait reculé en raison de la politique malthusienne qui était menée par la précédente majorité, l’immigration étudiante s’est redressée. Elle représentait 31 % de l'immigration globale en 2014.

– La même année, l’immigration professionnelle a retrouvé un niveau équivalent à celui de 2011, soit environ 9,1 % des flux migratoires en France. Il faut noter que le nombre de titres délivrés pour un motif d'immigration professionnelle s’était assez sensiblement réduit après 2008, en raison de la suppression de l'obligation de détenir un titre de séjour pour les ressortissants des nouveaux États membres de l'Union européenne et de la crise économique.

– Enfin, le nombre de premiers titres de séjour délivrés pour motif humanitaire était en hausse d’environ 10 % en 2014, après une baisse de 3 % l’année précédente. En 2014, les bénéficiaires de ces titres de séjour représentaient 9,5 % de l'immigration globale.

ADMISSION AU SÉJOUR DES RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS À L’UNION EUROPÉENNE (*), À L’ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN, À LA CONFÉDÉRATION SUISSE EN MÉTROPOLE

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014
(provisoire)

A. Économique

1 – Compétences et talents

183

368

319

289

286

251

228

2 – Actif non salarié

225

98

121

121

169

140

148

3 – Scientifique

1 926

2 242

2 268

2 073

2 691

3 036

3 272

4 – Artiste

286

183

181

173

160

146

173

5 – Salarié

11 718

14 244

13 738

13 559

11 201

12 881

13 749

6 – Saisonnier ou temporaire

7 014

3 050

1 653

1 619

1 506

1 346

1 501

Total A. Économique

21 352

20 185

18 280

17 834

16 013

17 800

19 071

B. Familial

1 – Famille de Français

48 833

53 170

49 838

48 952

52 070

50 245

50 694

2 – Membre de famille

17 304

15 171

15 678

14 809

16 581

23 127

23 090

3 – Liens personnels et familiaux

17 328

17 374

17 666

17 411

18 519

20 342

18 213

Total B. Familial

83 465

85 715

83 182

81 172

87 170

93 714

91 997

C. Étudiants

52 163

58 586

65 281

64 928

58 857

62 815

65 199

D. Divers

1 – Visiteur

4 475

5 877

6 152

6 309

6 389

6 716

6 750

2 – Étranger entré mineur

3 015

3 365

3 704

3 918

4 762

4 993

5 361

3 – Rente accident du travail

98

123

70

45

39

24

22

4 – Ancien combattant

193

225

153

141

154

257

201

5 – Retraité ou pensionné

1 398

1 200

906

544

573

547

666

6 – Motifs divers

488

553

587

676

707

611

647

Total D. Divers

9 667

11 343

11 572

11 633

12 624

13 148

13 647

E. Humanitaire

1 – Réfugié et apatride

10 742

10 764

10 073

9 715

10 000

9 936

10 579

2 – Asile territorial/protection subsidiaire

753

1 797

1 759

1 618

2 024

1 956

2 329

3 – Étranger malade

5 733

5 965

6 325

6 122

6 396

5 986

6 897

4 – Victime de la traite des êtres humains

18

55

63

32

36

38

63

Total E. Humanitaire

17 246

18 581

18 220

17 487

18 456

17 916

19 868

Total 

183 893

194 410

196 535

193 054

193 120

205 393

209 782