N° 3114
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈMELÉGISLATURE
EnregistréàlaPrésidencedel’Assembléenationalele 8 octobre 2015.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,
TOME II
SANTÉ
PAR Mme Bernadette LACLAIS,
Députée.
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 42).
SOMMAIRE
___
Pages
I. UN PROJET DE BUDGET AU SERVICE DE LA STRATÉGIE NATIONALE DE SANTÉ 7
A. LES CRÉDITS DESTINÉS À LA PRÉVENTION, LA SÉCURITÉ SANITAIRE ET L’OFFRE DE SOINS 7
1. Le renforcement du pilotage de la politique de santé publique 7
2. La création de l’Agence nationale de santé publique 9
3. La recherche de gains d’efficience dans les dépenses de prévention 11
a. L’optimisation des dépenses en faveur de l’accès et de l’éducation à la santé 11
b. Des moyens consacrés à la prévention des risques 11
4. La gestion des crises et l’optimisation des vigilances 13
a. La réponse aux alertes et urgences sanitaires 13
b. L’effort en faveur de la vigilance en matière de produits de santé 13
5. Le soutien aux projets régionaux de santé 14
6. L’engagement en faveur de la modernisation de l’offre de soins 14
B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA PROTECTION MALADIE 15
1. L’adaptation des moyens consacrés à l’aide médicale de l’État 15
2. Un financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante essentiellement assuré par la branche Accidents du travail-Maladies professionnelles 19
II. LE FONDS D’INTERVENTION RÉGIONAL, UN OUTIL FINANCIER AUX MAINS DES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ POUR DÉCLOISONNER LE SANITAIRE ET LE MÉDICO-SOCIAL 21
A. LE FIR, UN OUTIL FINANCIER NON STABILISÉ 22
1. Un périmètre en constante évolution et des missions très hétérogènes 23
2. Des critères de répartition entre régions peu transparents 25
3. Des modalités de gestion trop complexes entre l’assurance maladie et les ARS 28
a. La cogestion entre les ARS et les CPAM, source de rigidité 28
b. Les règles de fongibilité asymétriques ont accru la complexité du FIR 30
B. LE TRANSFERT DE LA GESTION COMPTABLE AUX AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ EST UNE RÉFORME OPPORTUNE MAIS COMPLEXE À METTRE EN ŒUVRE 31
1. Une nécessité de simplification des méthodes de gestion 31
2. Une réforme nécessaire à mener de front avec la réorganisation territoriale 34
C. LE FIR RÉVOVÉ DONNERA DES MARGES DE MANœUVRE AUX ARS 35
1. Un outil favorable pour décloisonner le sanitaire et le médico-social 35
2. L’amélioration du pilotage du FIR 36
3. L’accélération de la procédure d’attribution des crédits 39
4. La programmation pluriannuelle des actions financées 39
5. L’amélioration de l’évaluation des dispositifs financés pour dégager des marges financières de redéploiement 40
TRAVAUX DE LA COMMISSION : EXAMEN DES CRÉDITS 43
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 47
Programmes et actions |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2016/2015 |
204 – Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins |
515 |
501,5 |
– 2,6% |
Pilotage de la politique de santé publique |
91,3 |
91,4 |
+ 0,1% |
Accès à la santé et éducation à la santé |
25,8 |
24,6 |
– 4,7% |
Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins |
7,9 |
6,9 |
– 13,8% |
Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades |
62,6 |
54,3 |
– 13,4% |
Prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation |
18,2 |
19,2 |
+ 5,5% |
Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires |
11,5 |
11,3 |
– 2,2% |
Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain |
138,6 |
134,6 |
– 2,9% |
Projets régionaux de santé |
124,2 |
124,5 |
+ 0,2% |
Modernisation de l’offre de soins |
34,6 |
34,7 |
+ 0,3% |
183 – Protection maladie |
686,4 |
754,5 |
+ 9,9% |
Aide médicale de l’État |
676,4 |
744,5 |
+ 10,1% |
Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante |
10 |
10,0 |
0,0 % |
Total de la mission |
1 201,4 |
1 257,4 |
+ 4,7% |
Source : projet annuel de performances 2015 et 2016.
L’effort exigé en termes d’effectifs, mesuré en équivalents temps plein (ETP) sur le programme n° 204 devrait porter sur 4 postes plus 25 pour les opérateurs du programme comme l’ANESM, l’Agence de Biomédecine… Dans le même temps, le nombre d’emplois hors plafond sera stabilisé à 119.
Le tableau suivant récapitule la baisse des effectifs au sein des agences sanitaires du programme :
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS DU PROGRAMME 204
(En ETPT sous plafond et hors plafond)
Opérateur |
2014 (réalisation) |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
écart 2015/2016 |
ABM (agence de biomédecine) |
263 |
267 |
263 |
– 4 |
ADALIS (addiction Drogue Alcool Info service) |
39 |
36 |
36 |
|
ANSM (agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) |
999 |
989 |
976 |
– 13 |
EHESP (école des hautes études en santé publique) |
387 |
400 |
396 |
– 4 |
EPRUS (établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) |
30 |
30 |
30 |
0 |
INCa (institut national du cancer) |
161 |
163 |
161 |
– 2 |
INPES (institut national de prévention et d’éducation pour la santé) |
130 |
132 |
132 |
0 |
INVS (institut de veille sanitaire) |
408 |
401 |
420 |
19 |
TOTAL |
2 417 |
2 418 |
2 414 |
– 4 |
Source : projet annuel de performances 2016.
Le projet de loi de finances pour 2016 fait donc apparaître une réduction de 4 ETPT au total, correspondant à une baisse de 25 ETPT sous plafond. Rappelons que l’InVS s’est vu transférer 21 ETPT liés au transfert des effectifs des cellules de l’InVS en région (CIRE), qui relevaient jusqu’à aujourd’hui du programme 123 Conduite et soutien des politiques sanitaires de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
Cet effort sur les effectifs va de pair avec la baisse des subventions pour charge de service public qui en moyenne sont réduites de 3,2 %, la baisse la plus forte étant de -5,4 % pour l’Agence de la Biomédecine.
LFI 2014 |
LFI 2015 |
Écart 2014/2015 | |
EPRUS |
17,3 |
10,7 |
– 38,2 % |
INPES |
24,1 |
24 |
– 0,4 % |
InVS |
55,5 |
54,3 |
– 2,2 % |
TOTAL |
96,9 |
89 |
– 8,2 % |
Source : projet annuel de performances 2015.
En réalité, l’écart entre 2014 et 2015 est moindre car les crédits de subvention consommés au cours de l’exercice 2014 sont bien inférieurs aux crédits votés, témoin d’un important effort de gestion en amont de la fusion : 16,1 millions d’euros pour l’EPRUS, 21,2 millions d’euros pour l’INPES et 49,5 millions d’euros pour l’InVS.
Dans le projet de loi de finances pour 2016, la participation à l’effort de maîtrise des dépenses publiques a été limitée à 0,6 % du total des subventions accordées en 2015, ceci afin de tenir compte des surcoûts induits par le regroupement de 585 agents et l’harmonisation des systèmes d’information.
Le directeur général de l’InVs a été chargé des travaux préparatoires à cette fusion et il a remis un rapport au Gouvernement portant sur les orientations prioritaires de travail pour cette nouvelle Agence. L’objectif est de renforcer la prévention primaire en développant des synergies entre les résultats de la surveillance de l’état de santé de la population et des actions de prévention à conduire. Des négociations sociales sont en cours pour accompagner la transition vers un seul établissement. Un nouveau contrat d’objectifs et de moyens sera élaboré en y associant l’assurance maladie. Il comportera un volet relatif aux opérations immobilières pour la future agence visant à regrouper l’ensemble des équipes actuellement à Saint Denis et Saint Maurice. La nouvelle agence devrait s’installer à Saint Maurice dans le Val de Marne.
Le pilotage stratégique des agences nationales sanitaires sera renforcé avec la création d’un comité stratégique d’animation du système d’agences qui aura pour objectif de coordonner les stratégies de recherche et d’assurer une bonne coordination entre ces agences et les autres acteurs du système de santé (Assurance maladie, agences régionales de santé (ARS).
Les moyens qui y sont consacrés pour s’établir à 124,54 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont stables par rapport à 2015. Il convient de rappeler que les crédits du programme n° 204 sont complétés par un financement spécifique des trois régimes d’assurance maladie abondant le FIR, en provenance notamment de leurs fonds de prévention.
Année |
Dépenses |
Nombre de bénéficiaires | ||
En millions d’euros |
Évolution annuelle |
Effectifs |
Évolution annuelle | |
2009 |
540 |
13,3 |
215 763 |
6,5 |
2010 |
580 |
7,4 |
228 036 |
5,7 |
2011 |
609 |
4,9 |
208 974 |
– 8,4 |
2012 |
581 |
– 4 |
252 437 |
20,8 |
2013 |
715 |
23 |
282 425 |
11,8 |
2014 |
759,9 |
6,2% |
||
2015 estimation |
780,1 |
Source : Ministère des affaires sociales et de la santé.
L’écart entre les dépenses prévisionnelles et les dépenses réelles a conduit à ce que l’État ait une dette vis-à-vis de la CNAMTS
(En millions d’euros)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 | |
Dépenses AME |
608,8 |
581,6 |
715,1 |
717,2 |
Dotation initiale |
540,0 |
543,0 |
543,0 |
560 |
Redéploiement et report |
12,6 |
3,2 |
3,2 |
2,1 |
Ouverture LFR |
35,0 |
0,0 |
156,0 |
155,1 |
Solde au titre de l’année |
21,2 |
35,4 |
12,9 |
5,7 |
Solde cumulé |
6,2 |
38,7 |
51,6 |
57,3 |
La dette cumulée à fin 2014 s’élève ainsi à 57,3 M€.
Malgré une rationalisation du pilotage de la dépense, les dépenses estimées en année pleine 2015 montrent un besoin de financement :
PRÉVISIONS DE DÉPENSES ET BESOINS DE FINANCEMENT 2015
(En millions d’euros)
LFI |
Besoin de financement prévisionnel 2015 |
Écart | |
AME de droit commun |
632,7 |
736,3 |
103,6 |
Soins urgents |
40 |
40 |
0,0 |
Autres dispositifs |
3,8 |
3,8 |
0,0 |
TOTAL |
676,4 |
780,1 |
103,7 |
Source : ministère de la Santé.
Avec une consommation estimée à 780 millions d’euros pour 2015, la prévision pour 2016 à 744,5 millions d’euros affiche d’ores et déjà un montant inférieur aux crédits consommés en 2015 de 35,5 millions d’euros. Seul le dispositif de l’AME de droit commun, qui dépend de la variation de la demande de soins est responsable de cet écart.
L’aide médicale de l’État au titre des soins urgents voit sa dotation reconduite, comme en 2014 et depuis 2008, au montant forfaitaire de 40 millions d’euros. Cette participation forfaitaire de l’État couvrait, en 2013, 38 % des dépenses de soins à la charge de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).
Enfin, les autres dispositifs au titre de l’aide médicale (humanitaire, destinée aux personnes gardées à vue, ou finançant les hospitalisations de patients évacués par l’hôpital de Mayotte) bénéficient de 4,5 millions d’euros, montant en hausse de 20 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.
Un certain nombre de dispositions ont été prises pour maîtriser les dépenses de l’AME.
Les premiers efforts ont porté sur le contrôle des dossiers administratifs justifiant le bénéfice de l’AME.
Depuis 2005, il est fait obligation à tout demandeur de l’AME de faire connaître toutes les informations relatives à son identité, sa résidence, sa situation de famille, ses ressources, ses biens et ses charges ainsi qu’à un régime de base ou complémentaire d’assurance maladie. Le recours aux déclarations sur l’honneur a donc été supprimé et la liste des pièces justificatives nécessaires à l’admission à l’AME a été réglementairement fixée.
En outre, depuis 2010, il a été mis en place un titre d’admission à l’AME, imprimé sur un papier sécurisé et comportant la photo du bénéficiaire. Contenu dans une pochette plastique scellée, son modèle est fixé par arrêté et il fait l’objet d’une procédure de remise en mains propres systématique, par la caisse, à son titulaire.
Enfin, après l’instauration en 2004 d’une condition de résidence stable de plus de 3 mois pour pouvoir être éligible à l’AME, le bénéfice des prestations en cours d’année de droit est soumis à la stabilité de la résidence, selon des modalités définies par décret, durant les douze mois qui précèdent le service des prestations.
Cela signifie qu’en plus des trois mois de résidence ininterrompue en France requis pour l’ouverture des droits à l’AME, les intéressés doivent, pour garder leurs droits ouverts, avoir en France leur foyer permanent (lieu où les personnes ont leur lieu de résidence habituelle) ou leur lieu de séjour principal (présence effective de plus de six mois ou 180 jours sur l’année civile ou les 12 mois qui précèdent). Les justificatifs requis sont de tous ordres : passeport, justificatif de scolarisation des enfants, bail, etc. Les caisses peuvent donc à ce titre vérifier en cours d’année de droit, pour le service des prestations, que la personne remplit cette condition notamment en cas de doute sur le caractère effectif de la stabilité de la résidence sur la période considérée.
Des contrôles sont par ailleurs mis en place tant par les services du contrôle médical que par les services administratifs.
Depuis 2008, il est en effet reconnu au service du contrôle médical une compétence générale pour les soins dispensés aux bénéficiaires de l’AME dans les mêmes conditions que pour les assurés. Il peut ainsi être procédé à l’analyse de l’activité des professionnels de santé dispensant des soins aux bénéficiaires de l’AME. De même, le bénéfice de certaines prestations peut être subordonné à l’accord préalable du service du contrôle médical, cet accord étant notamment exigé pour les reconnaissances d’affections de longue durée. Enfin, le service des prestations non justifiées médicalement peut être suspendu.
Rappelons que le Décret n° 2015-120 du 3 février 2015 relatif à la prise en charge des frais de santé par l'aide médicale de l'Etat, a exclu du panier de soins les médicaments dont le service médical rendu a été classé comme faible. Pour mémoire ce panier de soins exclut aussi les frais des cures thermales et ceux liés à la procréation médicalement assistée (PMA).
Afin de garantir que le dispositif, tout en assurant un accès effectif au droit et aux soins, ne bénéficie qu’aux personnes qui en remplissent les conditions légales d’attribution, l’instruction des dossiers est modélisée dans le cadre d’un plan de maîtrise afin que le processus d’instruction soit harmonisé sur l’ensemble du territoire et réponde aux exigences des règles de contrôle interne.
Sur l’ensemble du territoire national, 160 agents spécialement formés sont ainsi chargés de contrôler les dossiers de demande et les conditions d’attribution de la prestation, pour environ 294 000 bénéficiaires.
Par ailleurs, tous les dossiers de demande pour lesquels les demandeurs ont déclaré n’avoir aucune ressource font l’objet d’un contrôle approfondi des moyens d’existence, avec convocation du demandeur à la CPAM ou CGSS pour un entretien.
Pour l’année 2014, il peut être indiqué qu’au niveau national, pour 204 480 notifications d’ouverture de droit adressées, 29 405 refus ont été notifiés, soit un taux de refus de 10 %.
2. Un financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante essentiellement assuré par la branche Accidents du travail-Maladies professionnelles
II. LE FONDS D’INTERVENTION RÉGIONAL, UN OUTIL FINANCIER AUX MAINS DES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ POUR DÉCLOISONNER LE SANITAIRE ET LE MÉDICO-SOCIAL
Financé à l’origine à partir des fonds de prévention de l’assurance maladie et de reprise de crédits du Fonds de modernisation des établissements de santé, du Fonds d’intervention pour la qualité des soins ainsi que d’une dotation de l’État au titre du programme 204 du budget, il a bénéficié de crédits en augmentation constante, passant de 1,3 milliard en 2012 à 3,3 milliards en 2015, au fur et à mesure que son périmètre s’étendait.
Les ARS peuvent redéployer les crédits au sein des différentes missions composant le FIR sous réserve que les crédits de prévention et de santé publique soient sanctuarisés et que les crédits du médico-social ne puissent être affectés au financement d’activités de soins.
La circulaire relative à la mise en œuvre du FIR du 9 mars 2012 (1) indiquait que le FIR devenait le levier financier privilégié des ARS. Elle indiquait que le FIR « vise à donner aux agences régionales de santé (ARS) une plus grande souplesse dans la gestion de certains de leurs crédits, au service d’une stratégie régionale de santé transversale » et que « le fonds doit également permettre aux ARS d’optimiser la dépense, l’objectif étant de passer d’une logique de moyens sur des lignes fléchées à une logique d’objectifs et de résultats vérifiés dans le cadre d’un reporting organisé. ».
Il doit être un outil majeur des ARS dans la réalisation de leurs projets régionaux de santé ; participant notamment à une logique de décloisonnement des prises en charges entre les secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social.
Le FIR avait donc pour objectif de déléguer aux ARS une enveloppe globale, au service de la mise en œuvre de leurs projets régionaux de santé et permettant de hiérarchiser les actions à financer.
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2014.
FIR 2015 prévisions de dépenses |
en euros | |
Mission 1 |
Promotion de la santé et prévention des maladies, des traumatismes, du handicap et de la perte d’autonomie |
464 181 338 |
Mission 2 |
Organisation et promotion de parcours de santé coordonnés et amélioration de la qualité et de la sécurité de l’offre sanitaire et médico-sociale |
802 002 186 |
Mission 3 |
Permanence des soins et amélioration de la répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire |
957 604 216 |
Mission 4 |
Efficience des structures sanitaires et médico-sociales et amélioration des conditions de travail de leurs personnels |
1 224 689 002 |
Mission 5 |
Développement de la démocratie sanitaire |
5 804 138 |
Autres |
12 941 129 | |
Total |
3 467 222 009 |
Source : données issues des EPRD des ARS.
Le FIR finance ainsi trois types de dépense de natures différentes :
– Des dépenses de guichet payées à des professionnels de santé comme la permanence des soins et permanence des soins en établissement ou à des personnels pour les indemniser comme par exemple pour les indemnités de départ volontaire,
– Des dépenses d’intervention : aides régionales à l’investissement, aides à la performance et aux réorganisations hospitalières, soutien à des expérimentations innovantes,
– Des dépenses de fonctionnement de structures pérennes : équipes mobiles de soins palliatifs, groupe d’entraide mutuelle…
Certaines dépenses résultent d’une décision des directeurs des ARS et d’autres sont des dépenses fléchées ou « contraintes » au niveau national pour des raisons principalement historiques et pour lesquelles les marges de manœuvre au niveau régional sont faibles.
L’hétérogénéité des mesures financées est une source majeure de la complexité du dispositif puisque les procédures comptables applicables sont différentes selon la nature des dépenses.
Très rapidement il est apparu que l’objectif d’utilisation plus souple des financements serait difficile alors même que le FIR était constitué d’une année sur l’autre pour des financements existants déjà alloués à des établissements de santé ou associations pour le financement d’activités pérennes (les missions d’intérêt général) ou des engagements à long terme (les aides à la contractualisation) et non par des mesures nouvelles libres de tout engagement.
De ce fait, les ARS si elles veulent augmenter leurs marges de manœuvre, sont contraintes de réduire les financements alloués à des établissements pour faire fonctionner des structures pérennes ce qui est très difficile à faire dans le secteur social où il est délicat de trouver des financements alternatifs et stables.
ORIGINE DES CRÉDITS DÉLÉGUÉS AUX AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ DE 2013 À 2015
(En millions d’euros)
2012 |
2013 |
2014 |
2015 (montants provisoires) | |
Total des crédits délégués |
1 328 |
3 170 |
3 252 |
3 229 |
dont crédits assurance maladie |
1 155 |
2 959 |
3 045 |
3 015 |
dont crédits État |
173 |
137 |
121 |
114 |
dont crédits CNSA |
0 |
73 |
86 |
101 |
Source : arrêtés fixant le montant des crédits attribués aux ARS.
Les circulaires annuelles de mise en œuvre du FIR après le vote en loi de financement du sous objectif de l’ONDAM pour le FIR, donnent aux directeurs d’ARS des directives quelque peu ambivalentes. D’un côté, il est affirmé que l’attribution des crédits est laissée à la libre attribution des directeurs sous réserve de respecter le principe de fongibilité asymétrique mais d’un autre coté certains crédits sont rigoureusement fléchés comme pour les MIG relatifs au plan cancer, aux plans relatifs aux maladies rares ou à la télémédecine. Ce fléchage correspond à une logique de construction des plans de santé publique. Il est dès lors permis de s’interroger sur l’opportunité de les avoir intégrés dans le FIR.
La liberté de manœuvre des ARS a aussi été limitée par la pratique de gels de crédits en début d’exercice budgétaire qui se sont combinés notamment en 2013 avec la non délégation de crédits en fin d’année. Le montant de ces gels est venu minorer le montant des enveloppes régionales qui avaient été déléguées aux ARS. Le directeur général de l’ARS Bourgogne a ainsi donné l’exemple de l’année 2014 : sur une dotation de 84 millions, les gels ont atteint 3 millions et en plus, 1,2 million était fléché pour le plan maladies rares. Cette année-là les crédits « non protégés » ont donc connu une baisse de 5,5 % par rapport à 2013 pour cette région.
ARS |
CRÉDITS |
crédits de prévention (art. L. 1435-9 a) du CSP |
Dont crédits de prévention des handicaps (au b de l’art. L. 1435-9 du CSP) |
Dont crédits pour télémédecine (II de l’article 36 de la LFSS 2014) | |||
(crédits assurance maladie) |
(crédits État) |
Total |
Dont PAERPA | ||||
Total |
Dont démocratie sanitaire | ||||||
Alsace |
98,022 |
2,384 |
0,067 |
1,778 |
3,208 |
0 |
0,178 |
Aquitaine |
150,822 |
4,395 |
0,119 |
4,124 |
9,009 |
2,745 |
0 |
Auvergne |
73,057 |
2,707 |
0,049 |
2,501 |
3,049 |
0 |
0 |
Bourgogne |
86,469 |
3,564 |
0,059 |
3,150 |
3,330 |
0,217 |
1,594 |
Bretagne |
142,806 |
5,243 |
0,117 |
4,613 |
6,091 |
0 | |
Centre-Val de Loire |
111,595 |
4,596 |
0,093 |
4,006 |
5,613 |
0,697 |
0,411 |
Champagne-Ardenne |
67,257 |
2,960 |
0,048 |
2,294 |
2,516 |
0 |
0 |
Corse |
17,678 |
892,492 |
0,020 |
0,786 |
0,897 |
0 |
0 |
Franche-Comté |
60,501 |
1,653 |
0,042 |
1,582 |
2,569 |
0 |
0 |
Île-de-France |
566,700 |
22,244 |
0,433 |
18,372 |
15,711 |
1,583 |
0 |
Languedoc-Roussillon |
119,186 |
4,853 |
0,098 |
4,468 |
5,042 |
0 |
1,096 |
Limousin |
56,138 |
1,680 |
0,026 |
1,364 |
3,859 |
1,518 |
0 |
Lorraine |
136,645 |
5,038 |
0,084 |
4,554 |
5,210 |
1,048 |
0 |
Midi-Pyrénées |
143,575 |
6,119 |
0,106 |
5,113 |
6,891 |
0,207 |
0 |
Nord-Pas-de-Calais |
184,441 |
6,997 |
0,146 |
6,529 |
7,540 |
1,399 |
0 |
Basse-Normandie |
77,840 |
2,655 |
0,053 |
2,219 |
2,900 |
0 |
0,685 |
Haute-Normandie |
85,274 |
3,269 |
0,066 |
2,891 |
3,318 |
0 |
0,822 |
Pays de la Loire |
168,424 |
7,980 |
0,132 |
6,194 |
7,438 |
1,677 |
1,097 |
Picardie |
95,575 |
3,874 |
0,069 |
3,296 |
2,324 |
0 |
0,690 |
Poitou-Charentes |
82,828 |
3,485 |
0,064 |
2,228 |
3,127 |
0 |
0 |
PACA |
225,149 |
8,166 |
0,178 |
6,465 |
7,663 |
0 |
0 |
Rhône-Alpes |
291,737 |
10,166 |
0,231 |
8,421 |
9,259 |
0 |
0 |
Guadeloupe |
41,389 |
3,579 |
0,020 |
3,433 |
0,045 |
0 |
0 |
Guyane |
29,497 |
4,959 |
0,020 |
3,757 |
0,371 |
0 |
0 |
Martinique |
43,402 |
2,317 |
0,020 |
2,319 |
0,549 |
0 |
0,023 |
Océan Indien |
73,070 |
7,129 |
0,030 |
6,827 |
1,072 |
0 |
0 |
Total |
3 229,089 |
13,215 |
2,400 |
113,296 |
119,315 |
11,095 |
6,600 |
Source : Ministère de la Santé
La rapporteure insiste sur la nécessité que les critères de répartition soient explicitement exposés à la représentation nationale.
Selon les informations communiquées par le ministère des Affaires sociales et de la Santé, il existe deux mécanismes de péréquation entre les régions.
Depuis la création du FIR en 2012, les crédits relatifs à la prévention inscrits dans les budgets des agences font l’objet d’une péréquation entre régions qui repose d’une part sur un indice de population pondéré par des facteurs de précarité et de mortalité prématurée évitable et d’autre part sur un indice qui tenait compte du poids des dépenses structurelles de prévention gérées et financées ou non au sein de chaque agence (actions dites recentralisées).
Pour 2015, cette première modalité de péréquation concerne 8 % des crédits qui ont été délégués aux ARS (247 M€).
Une part des autres crédits sanitaires, qui avaient effectivement été répartis entre régions selon des bases historiques a fait l’objet à compter de 2015 d’une péréquation afin de renforcer l’adéquation des moyens aux besoins de santé régionaux. Trois critères sont pris en compte afin de pondérer la répartition des dotations en fonction de la population : la mortalité brute, un indice synthétique de précarité et le taux d’affection de longue durée standardisé pour tenir compte des maladies chroniques. Ce mécanisme de péréquation a anticipé la future carte territoriale des régions de 2016. Il est mis en place progressivement à compter de 2015 sur une période de dix ans afin d’encadrer l’évolution des dotations de chaque région de sorte que l’évolution de la dotation totale d’une région au titre de la péréquation ne puisse observer une baisse ou une hausse supérieure à 1 %. Pour 2015, cette seconde modalité de péréquation concerne 54 % des crédits délégués aux ARS (1 746 M€).
Une part des crédits du FIR continue à être exclue de ce périmètre de péréquation car devant prendre en compte d’autres impératifs, notamment la répartition territoriale de l’offre de soins. Il s’agit notamment du financement des dispositifs relatifs à la permanence des soins et les mesures relatives au pacte territoire santé.
Ce sont ainsi plus de 60 % des crédits du FIR qui font l’objet d’une péréquation sur critères de santé publique (et non au regard de l’évolution de l’offre de soins).
Avec le regroupement des ARS à compter de 2016, la question de l’équité territoriale deviendra un sujet très sensible surtout dans certaines grandes régions marquées par une forte hétérogénéité des territoires. La rapporteure estime qu’une réflexion devra être engagée pour veiller à la répartition équitable des crédits au sein d’une même région.
Missions |
Attributions ARS-CPAM | ||
Engagement |
Liquidation (service fait, calcul exact du montant) |
Paiement | |
Permanence des soins en établissement de santé |
ARS |
CPAM |
CPAM |
PDSA (rémunérations forfaitaires) |
ARS/CPAM* |
CPAM | |
Autres actions concourant à l’amélioration de la PDSA |
ARS |
CPAM | |
Amélioration de la qualité et coordination des soins – champ hôpital |
ARS |
CPAM | |
Amélioration de la qualité et coordination des soins – champ médico-social |
ARS |
CPAM/ARS | |
Modernisation, adaptation et restructuration de l’offre |
ARS |
CPAM | |
Amélioration des conditions de travail des personnels des ES et accompagnement social |
ARS |
CPAM | |
Prévention, santé publique et sécurité sanitaire |
ARS |
ARS/CPAM | |
Mutualisation moyens structures sanitaires |
ARS |
CPAM | |
Prévention et prise en charge des handicaps et de la perte d’autonomie |
ARS/CPAM * |
ARS | |
PAERPA |
ARS |
CPAM (paiements directement aux professionnels de santé) /ARS (autres) |
(*) L’ARS valide les derniers tableaux de garde transmis par le conseil de l’ordre, afin de s’assurer du respect du cahier des charges régional et donc de l’enveloppe financière avant de les transmettre à la CPAM.
Source : Circulaire N° SG/DGOS/2014/96 du 31 mars 2014 relative aux modalités de mise en œuvre du fonds d’intervention régional en 2014.
Cette dualité est renforcée par le fait que le législateur a confié à la CNAMTS la responsabilité comptable et financière du Fonds. Ainsi les dotations de l’État sur le programme 204 et celle de la CNSA au titre du FIR sont affectées à la CNAMTS qui les redistribue aux ARS. De leur côté les ARS, étant responsables de l’attribution des crédits du FIR raisonnent comme si les crédits « leur appartenaient ». Les ARS souhaitaient intervenir dans un cadre pluriannuel pour viser une réorganisation de l’offre de soins alors que l’assurance maladie est soumise aux principes de la comptabilité basée sur les droits constatés qui limite fortement la possibilité de reporter les crédits non utilisées d’une année sur l’autre.
B. LE TRANSFERT DE LA GESTION COMPTABLE AUX AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ EST UNE RÉFORME OPPORTUNE MAIS COMPLEXE À METTRE EN ŒUVRE
La situation actuelle |
Mise en place de la réforme : Gestion du FIR directement par les ARS |
• Pour le FIR intégré dans le budget des ARS (Prévention Santé publique/médico-sociale – environ 10 % du total) La gestion du FIR intégré au sein du budget des ARS s’inscrit dans le calendrier et le cadre budgétaire de l’État et de ses opérateurs. Pour construire le budget de l’année n : Une pré-notification des crédits FIR intégrée au sein du budget des ARS correspondant à une fraction des crédits de l’année n-1 est effectuée en fin de l’année N-1 afin de permettre aux ARS de construire leur budget initial n pour sa partie intervention. Cette notification prévisionnelle correspond à des acomptes. Pour les budgets initiaux des ARS 2015, elle a représenté, selon les différents types de crédits, entre 40 et 70 % des crédits alloués en 2014 (crédits de prévention : 60 % des crédits notifiés 2014, GEM : 70 % des crédits notifiés 2014) Le budget doit être voté par le conseil de surveillance et approuvé par l’autorité de tutelle au plus tard le 15 décembre de l’année N-1 pour pouvoir être exécutoire au 1er janvier de l’année N. Les dotations de l’année N sont notifiées vers la fin avril et sont intégrées en recettes et traduites en dépenses dans le cadre de budgets rectificatifs. Lorsque les ARS reçoivent leur notification de dotation du FIR elles doivent arrêter définitivement leur état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) qui liste les projets à financer et le faire approuver par le conseil de surveillance. Cette étape se déroule généralement fin mai début juin. Les services de l’ARS doivent alors préparer la notification des financements aux établissements et structures bénéficiaires qui ne sont donc fixés sur leur dotation financière que fin juin. Cette procédure budgétaire conduit à stériliser la moitié de l’année calendaire. Ce phénomène est encore plus important s’il faut lancer un appel à projet pour attribuer des crédits pour des nouveaux projets. • Pour le FIR non intégré dans le budget des ARS (environ 90 % du total géré par la branche maladie) C’est la CNAMTS et son réseau (CPAM) qui assure la gestion financière et comptable de ces crédits FIR, les ARS jouant uniquement le rôle de donneur d’ordre (ordonnateur des dépenses). Ces crédits ne sont donc pas inscrits dans le budget des ARS. Ils sont programmés par l’intermédiaire d’un état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD), et engagés par le directeur financier de l’ARS (décision attributive puis arrêté) Ces crédits ne sont donc pas soumis au calendrier budgétaire propre à l’État et à ses opérateurs. Après notification des dotations régionales FIR, les ARS engagent la dépense et ce sont les CPAM qui les payent selon des modalités différentes suivant la nature des dépenses et des bénéficiaires. |
• La création du budget annexe FIR L’article 56 LFSS 2015 précise que l’ensemble des crédits du FIR seront gérés dans le cadre d’un budget annexe des ARS à compter du 1er janvier 2016. Elles assureront également le paiement des dépenses à l’exception de celles payables directement aux professionnels de santé qui continueront d’être confiées aux CPAM. L’ERPD FIR, outil de pilotage de l’allocation du FIR jusqu’à présent, va disparaître pour laisser la place à un budget annexe FIR qui sera adopté dans les mêmes formes et calendrier que le budget de fonctionnement de l’ARS., c’est-à-dire avant la fin de l’année n-1 pour le budget de l’année n+1 Le budget annexe FIR sera doté de 2 enveloppes : intervention et fonctionnement, dont le niveau sera soumis au vote du conseil de surveillance. Il présentera également la répartition des crédits entre les cinq sous-enveloppes correspondant aux missions du FIR (article L. 1435-8 du code de la santé publique). Le budget annexe FIR devra, comme le budget principal, être exécutoire au 1er janvier 2016. À compter de cette date, les ARS seront compétentes en matière d’engagement, de liquidation, de paiement, et de comptabilisation des dépenses du FIR. Une seule exception à ce principe général, la possibilité de confier aux organismes locaux d’assurance maladie le paiement des dépenses payables directement aux professionnels de santé (PDSA, PDSE). En conséquence, les ARS assureront l’engagement de ces dépenses au travers de leur budget annexe, mais la liquidation et le paiement seront effectués pour le compte des ARS par les caisses primaires d’assurance maladie Le décret en Conseil d’État du 2 octobre 2015 relatif au FIR précise les conditions juridiques permettant de sécuriser cette gestion des paiements par l’assurance maladie pour le compte des ARS en faisant référence à l’article 40 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Cet article prévoit la signature d’une convention de mandat entre l’ARS et les CPAM dont l’objet est de définir le périmètre des dépenses concernées, les rôles entre chacun au niveau de la liquidation et du paiement, ainsi que les conditions de reddition des comptes. Les CPAM transmettront donc périodiquement aux ARS les données de paiement effectués pour leur compte. Ces données permettront aux ARS de suivre la consommation des crédits engagés dans le cadre de leur budget et d’assurer la consolidation financière totale du FIR pour leur région. Ce sont donc bien les ARS qui seront en charge du contrôle de l’ensemble des dépenses du FIR à compter de 2016. • Le rôle de la CNAMTS et des CPAM à compter du 1er janvier 2016 La majeure partie des crédits du FIR est constituée de la contribution de l’assurance maladie votée dans le cadre du 6ème sous objectif de l’ONDAM en loi de financement de la sécurité sociale. La CNAMTS ne sera plus en charge à compter du 1er janvier 2016 de la consolidation financière du compte FIR mais conservera un rôle dans les flux financiers vers les ARS de la contribution assurance maladie, et dans les transmissions d’information en provenance de son réseau (balances comptables). Son réseau (CPAM) sera mobilisé pour continuer d’assurer le paiement des dépenses du FIR directement payables aux professionnels de santé. |
5. L’amélioration de l’évaluation des dispositifs financés pour dégager des marges financières de redéploiement
Pour l’instant, la démarche d’évaluation est très simple. Elle consiste à vérifier que l’association ou l’établissement a bien utilisé la somme versée pour telle ou telle réalisation. Le partenaire doit fournir un rapport d’activité mais très rares sont les cas où l’ARS définit les informations à donner pour mesurer les résultats de l’action subventionnée.
L’appréciation de l’impact d’une action est dans certains domaines particulièrement délicate comme par exemple en matière de prévention et la mise au point d’indicateurs pour mesurer l’impact d’une mesure est un travail complexe. Il serait sans doute utile que pour cette démarche d’évaluation certaines ARS mutualisent leur expertise pour mener en commun un travail de réflexion sur l’appréciation de l’évolution de l’offre de soins ou de l’état sanitaire.
Il serait utile que les ARS puissent disposer d’informations communes sur les résultats de certaines campagnes de prévention par exemple pour mieux connaître les facteurs qui se sont révélés déterminants dans telle région, les échecs sur tels aspects…
L’amélioration de l’évaluation des dispositifs passe aussi par une meilleure coopération avec les partenaires bénéficiaires des crédits du FIR.
En Bourgogne par exemple, la rapporteure a pu rencontrer des représentants des organismes et associations ayant reçu des crédits du FIR. Ils ont été unanimes à présenter comme un grand atout le fait d’être associé à la discussion des priorités à définir pour chaque exercice budgétaire du FIR. De même, l’Agence publie sur son site les projets qui ont été sélectionnés avec l’attribution des crédits correspondants. Cet effort de démocratie sanitaire permet une discussion des projets prioritaires qui au final améliore la qualité des projets financés. Cette méthode de transparence n’est pas observée partout alors qu’elle a un effet pédagogique certain : elle permet de montrer que malgré un contexte budgétaire très contraint des projets innovants peuvent être financés alors qu’a priori ils n’entraient dans aucun dispositif réglementaire préétabli.
Cet effort de transparence devrait aussi porter sur l’évaluation car expliquer les raisons de l’échec de tel projet ou les raisons du désengagement de l’ARS sur tel dispositif permettrait à l’ensemble des acteurs de mieux connaître les facteurs de réussite comme les faiblesses des grands dispositifs sanitaires.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
EXAMEN DES CRÉDITS
À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (2), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Santé » sur le rapport pour avis de Mme Bernadette Laclais.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous sommes saisis de l’amendement, n° II-AS 16 présenté par M. Dominique Tian au sujet des crédits de l’Aide médicale d’État et sur lequel le débat me semble avoir déjà largement eu lieu mais je laisse la parole à son auteur pour le présenter.
M. Dominique Tian. Comme l’a très bien expliqué tout à l’heure M. Claude Goasguen, rapporteur spécial des crédits de la mission Santé, les dépenses consacrées à l’Aide médicale d’État (AME) ont véritablement explosé, passant de 75 millions d’euros en 2000 à 686 millions aujourd’hui. Il est difficilement compréhensible pour nos concitoyens que des personnes étrangères, entrées irrégulièrement en France bénéficient de soins pris en charge à 100 % et sans aucune condition alors que l’assuré social qui contribue au financement de l’assurance maladie se voit opposer des franchises médicales et doit supporter un reste à charge parfois considérable s’il ne bénéficie pas d’une assurance complémentaire pour les soins de santé. C’est pourquoi cet amendement vise à soumettre les bénéficiaires de l’AME au ticket modérateur applicable à l’ensemble des assurés sociaux. Il est tout à fait normal que ces personnes supportent un reste à charge.
Mme Bernadette Laclais, rapporteure pour avis. Je ne partage pas du tout votre point de vue sur cette question, vous n’en serez pas étonné. Le dispositif de l’AME a un objectif de santé publique, il vise à éviter la diffusion de certaines maladies contagieuses. Il est donc tout à fait néfaste d’adopter des mesures qui conduiront en fait à différer les soins et qui se traduiront par un recours plus fréquent au dispositif des soins urgents qui est finalement plus onéreux pour la collectivité. J’émets donc un avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement II-AS 16.
Puis la Commission examine l’amendement II-AS 10 de M. Dominique Tian et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains.
Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement vise à rétablir deux dispositifs qui ont été abrogés par le Gouvernement lors de l’examen de la loi n° 2012-598 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. Ces deux mesures nous paraissent essentielles pour maîtriser efficacement les dépenses de l’AME. Il s’agit en premier lieu de rétablir le droit annuel forfaitaire pour tout bénéficiaire majeur, cette mesure devant rapporter annuellement une recette de 5 millions d’euros. Pour mémoire je rappelle que cette participation était fixée à 30 euros, ce qui paraît très raisonnable au regard des franchises médicales payées par les assurés. La deuxième mesure consiste à rétablir la procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers les plus coûteux, qu’avait instauré la loi de finances pour 2011.
Mme Bernadette Laclais. Les mesures dont vous proposez le rétablissement n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, bien au contraire. Je rappellerai simplement que le droit de timbre a procuré une recette relativement modeste (environ 5,5 millions d'euros) sans empêcher les dépenses de progresser de 4,9 % en 2011 alors même que les effectifs connaissaient une baisse sensible de 8,4 %. En réalité il n’existe pas de dispositif réellement efficace. Nous devons considérer que ces dépenses sont nécessaires aussi bien pour traiter dignement ces personnes que pour des raisons sanitaires. L’essentiel est d’éviter que les soins médicaux ne soient différés. Pour ces raisons, je donne un avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement II-AS 10.
Elle examine l’amendement II-AS 11 de M. Dominique Tian.
M. Gilles Lurton. Cet amendement, purement budgétaire, vise à transférer 389 millions du programme 183 relatif aux dépenses d’AME, au programme 204 consacré à la prévention et à la sécurité sanitaire.
Face à l’explosion des dépenses d’AME qui sont passées de 75 millions en 2000 à 744 millions aujourd’hui, il faut réagir. Il existe une profonde inégalité entre les bénéficiaires de l’AME, pris en charge à 100 % et les assurés sociaux qui ont dû faire des efforts financiers pour la pérennité du système de protection sociale.
Mme Bernadette Laclais, rapporteure pour avis. Votre amendement conduit à diviser par deux les dépenses de l’AME. Je tiens à souligner qu’en 2001, les bénéficiaires n’étaient que 125 000 et vous voulez revenir à ce niveau de dépenses, alors qu’aujourd’hui 300 000 personnes sont concernées. Cette proposition est totalement irréaliste et dangereuse en termes de sécurité sanitaire. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement II-AS 11.
Puis la Commission examine l’amendement II-AS 12 de M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Cet amendement vise à maintenir les crédits consacrés à l’AME au niveau de l’année précédente et d’abonder les crédits du programme 204 du montant des économies réalisées sur l’AME. Il nous paraît indispensable de faire participer les bénéficiaires de l’AME au redressement des comptes publics. Les étrangers en situation irrégulière accèdent sans condition à ce système très avantageux pour eux alors que tous les autres assurés sociaux doivent rendre des comptes. Il est urgent de lutter contre cette forme de tourisme médical alors que l’État n’a plus les moyens d’organiser une prévention efficace.
Mme Bernadette Laclais, rapporteure pour avis. Vos propos donnent l’impression que le plus grand laxisme règne alors que des mesures importantes ont été prises pour renforcer les contrôles lors de l’instruction des demandes et que le panier de soins a été revu pour parvenir à maîtriser les dépenses. Vous caricaturez la réalité lorsque vous parlez de tourisme médical alors que des raisons objectives conduisent à l’augmentation des bénéficiaires comme l’extension des guerres civiles dans plusieurs pays. Il est stérile d’opposer les deux programmes de cette Mission Santé. Grâce à de gros efforts de réorganisation dans les agences sanitaires, nous pouvons poursuivre nos campagnes de prévention tout en maîtrisant les dépenses. Il faut saluer cette réussite. Quant aux dépenses de l’AME, ne cherchons pas les mesures spectaculaires mais continuons notre effort pour améliorer la gestion du dispositif. Je donnerai un avis défavorable à cet amendement.
M. Gérard Sebaoun. Pour renforcer les propos de Mme Laclais, je voudrais souligner qu’il existe de vrais problèmes de santé publique comme par exemple la recrudescence de formes de tuberculoses résistantes aux traitements classiques. Il est donc de notre devoir d’offrir des soins rapides et de qualité pour éviter toute propagation de ces maladies.
La Commission rejette l’amendement II-AS 12.
Mme la Présidente Catherine Lemorton. Je voudrais indiquer, en réponse à votre question M. Lurton, que certains amendements ont été déclarés irrecevables car ne respectant pas le domaine spécifique des projets de loi de finances comme par exemple celui traitant des soins palliatifs qui sont financés sur des fonds de l’assurance maladie. Sur un autre plan, et sans vouloir polémiquer, je tiens à rappeler à mes collègues de l’opposition que la majorité qu’ils soutenaient avait instauré les franchises médicales, entre autres, pour financer l’extension des équipes de soins palliatifs. On peut se demander pourquoi les soins palliatifs n’ont pas pleinement profité de ces recettes qui s’élèvent tout de même à 1,2 milliard d’euros.
La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Santé tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 24.
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
POUR AVIS
(par ordre chronologique)
- M. Christian Lannelongue, directeur général
- Mme Françoise Saïd, agent comptable et chargée de la direction des affaires financières
- Mme France Charbit, adjointe à la direction des affaires financières et responsable du FIR
- M. Didier Jacotot, délégué territorial de la Côte d’or
- Dr Jean François Dodet, chef du département Promotion de la santé
- M. Florent Baquès, responsable du financement et du suivi des actions menées à la direction de la santé publique
- Mme Chantale Mehay, cheffe du département Soins de proximité
- M. Pascal Avezou, chef du département Filière de soins
- Mme Ivanka Victoire, cheffe du département Modernisation de l’offre de soins
- M. Alain Morin, directeur de la santé publique
- M. Gilles de Lacaussade, directeur général adjoint
- M. Eric Virard, secrétaire général
- M. Patrick Vandenbergh, directeur de la stratégie et des projets
- Dr Anne Marie Durand, directrice de la santé publique