N° 4126
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,
TOME III
CULTURE
PATRIMOINES
Par M. Michel HERBILLON,
Député.
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 10).
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 7
I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME « PATRIMOINES » POUR 2017 : UNE PROGRESSION QUI PERMET DE RETROUVER LE NIVEAU DE LA LOI DE FINANCES POUR 2014 9
1. Action 1 : Patrimoine monumental 12
2. Action 2 : Architecture 13
3. Actions 3 et 8 : Patrimoine des musées de France et enrichissement des collections publiques 14
4. Action 4 : Patrimoine archivistique et célébrations nationales 14
5. Action 7 : Patrimoine linguistique 15
6. Action 9 : Patrimoine archéologique 15
II. LA PROTECTION ET LA VALORISATION DES MONUMENTS NATIONAUX : UN BUDGET QUI N’EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX 17
A. LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX, INSTITUTION INCONTOURNABLE DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE NATIONAL 18
1. Une institution centenaire en charge de la protection et de la valorisation d’une centaine de monuments 18
2. Un mode de fonctionnement en réseau, fondé sur une péréquation des ressources et un partage des compétences entre les monuments 23
a. Un mode de fonctionnement original… 23
b. …que le rapporteur pour avis a souhaité comparer avec celui d’un établissement public dédié à un monument : l’exemple du Château de Fontainebleau 24
3. Une institution qui a su se rénover et retrouver un rôle central sur les territoires 28
a. Des réformes internes ont contribué au rétablissement d’un climat social plus apaisé 28
b. Le CMN a retrouvé un rôle central au plan national comme sur les territoires 30
B. DES CRÉDITS STRUCTURELLEMENT INSUFFISANTS POUR PERMETTRE AU CMN DE MENER À BIEN TOUTES SES MISSIONS 31
1. Un fort taux d’autofinancement des dépenses de fonctionnement 31
2. Une sous-dotation structurelle en crédits monuments historiques qui impliquera pour le CMN, à l’épuisement de son fonds de roulement, le report de certaines campagnes de restauration 33
a. Le transfert de la maîtrise d’ouvrage au CMN ne s’est pas traduit par la pérennisation d’une dotation budgétaire suffisante 33
b. Les conséquences de la sous-dotation budgétaire seront visibles dès cette année 38
3. D’autres dépenses prioritaires insuffisamment budgétées 42
a. Le cas des dépenses pour la démocratisation culturelle et l’éducation artistique et culturelle 42
b. Le cas des équipements de sécurité 43
C. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES MOYENS DU CMN AU SERVICE D’UN PROJET AMBITIEUX 43
1. Faire de cette institution centenaire un atout pour le développement culturel et touristique de notre pays 43
a. Poursuivre et amplifier les actions destinées à renforcer la visibilité internationale des monuments du réseau 44
b. Poursuivre et amplifier les actions de promotion des monuments du réseau sur internet 44
2. Continuer d’innover en s’inspirant des bonnes pratiques récentes 45
a. La Villa Kerylos : vers un élargissement du statut des monuments gérés par le CMN ? 45
b. Un mode de financement original : le cas de la campagne de rénovation de l’hôtel de la Marine 45
3. Clarifier le régime de l’emploi au CMN 46
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 73
ANNEXE 2 : DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS 74
ANNEXE 3 : CODE DU PATRIMOINE – DISPOSITIONS LÉGISLATIVES RELATIVES AU CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX (CMN) 75
ANNEXE 4 : LISTE DES MONUMENTS NATIONAUX DONT LE CMN À LA CHARGE 76
Ce projet de loi de finances constitue la dernière annuité du triennal 2015-2017, et le dernier budget de l’actuelle législature. Il est donc temps de dresser le bilan des cinq années écoulées afin de mesurer si, au-delà des discours, la priorité a bien été donnée à la culture sous ce quinquennat.
Les crédits inscrits à la mission « Culture » pour 2017 sont certes en forte augmentation (+ 6,9 % sur un an à périmètre constant, hors contribution au CAS pensions), et on ne peut que se réjouir de leur progression, mais encore faut-il, d’une part, se replacer dans la durée de la législature et, d’autre part, analyser sur quelles lignes budgétaires s’imputent effectivement les augmentations de crédits.
Sur le premier point, il faut rappeler que le budget de la culture avait baissé successivement de 4 % en 2013 et de 2 % en 2014 – des réductions qualifiées, en mai 2015, d’« erreur » et de « signe négatif » par le Premier ministre – avant de connaître une stabilisation en 2015 et une progression de 2,7 % l’an dernier. La réduction des crédits de la culture au début du présent quinquennat, inédite depuis le début de la Cinquième République, a constitué une véritable saignée qui a considérablement réduit les moyens du ministère et nécessitera plusieurs années pour être corrigée.
En outre, la forte progression des crédits alloués à la culture dans le présent budget reflète pour l’essentiel la mise en place d’un fonds pour l’emploi pérenne dans le spectacle, qui sera doté de 90 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 55 millions d’euros en crédits de paiement (CP) (1), afin de favoriser l’emploi durable dans le secteur du spectacle, notamment par le soutien de la conclusion de contrats à durée indéterminée.
Le présent avis budgétaire porte sur les crédits du programme « Patrimoines » de la mission « Culture », programme qui finance les politiques « publiques destinées à constituer, préserver, enrichir et mettre en valeur le patrimoine muséal, monumental, archéologique, archivistique et immatériel, ainsi que l’architecture, et à assurer la diffusion de ces patrimoines auprès du public le plus large » (2). Ces crédits progressent sur un an de 3,9 % en CP et même 6,1 % en AE, mais là encore, il est nécessaire de se replacer dans la durée de la législature, ce que fera le présent avis (I).
Le cadre juridique des patrimoines a été profondément renouvelé par l’adoption de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi « LCAP » (3). Cette loi a, s’agissant des procédures de protection du patrimoine urbain et paysager, fusionné les différentes catégories existantes pour instituer les « sites patrimoniaux remarquables ». En matière d’archéologie préventive, elle a réaffirmé le rôle et les missions de l’État dans le contrôle scientifique et technique des opérations réalisées et reconnu les biens archéologiques comme biens communs de la Nation. Elle a également renforcé la lutte contre le trafic des biens culturels, en particulier par l’introduction d’une faculté de contrôle douanier à l’importation, et mis en place un régime de protection du patrimoine en danger, notamment par l’instauration de refuges pour la mise à l’abri des biens culturels menacés.
L’étude des crédits des patrimoines, qui sont analysés avec davantage de précision par le rapporteur spécial de la commission des Finances, constitue l’occasion pour le rapporteur pour avis de se pencher, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, sur un thème ayant trait aux patrimoines ; il a choisi cette année de centrer ses travaux sur la protection et la valorisation des monuments nationaux (II).
La liste des auditions et déplacements du rapporteur pour avis figure respectivement en annexes 1 et 2.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre 2016 la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Après l’envoi de quelques dernières réponses le 11 octobre, ce sont 100 % des réponses qui sont parvenues au rapporteur pour avis quasiment dans les délais. Le rapporteur pour avis salue l’effort très important engagé par les services du ministère de la Culture et de la Communication et les en remercie vivement. |
I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME « PATRIMOINES » POUR 2017 : UNE PROGRESSION QUI PERMET DE RETROUVER LE NIVEAU DE LA LOI DE FINANCES POUR 2014
L’évolution des crédits du programme « Patrimoines » depuis le début de l’actuelle législature est retracée dans les deux tableaux ci-après, le premier en autorisations d’engagement (AE), le second en crédits de paiement (CP).
Il ressort de leur lecture que, si les crédits de paiement inscrits au programme « Patrimoines » augmentent de 3,9 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016, cette évolution globalement favorable doit être doublement nuancée : en premier lieu, cette hausse globale cache des évolutions contrastées selon les actions ; plus encore, si on rapporte les crédits inscrits dans le présent projet de loi de finances non à la dernière loi de finances mais à celle pour 2012, on s’aperçoit que les crédits du patrimoine monumental (action 1) ont chuté en cinq ans de près de 11 %, ceux des musées (action 3) de près de 5 %, ceux des archives (action 4) de plus de 40 % et ceux dédiés à l’enrichissement des collections publiques de plus de 40 %.
Du fait de la modification du périmètre de l’action 9 relative au patrimoine archéologique opérée par la loi de finances initiale pour 2016, avec la rebudgétisation de la redevance d’archéologie préventive (RAP) à hauteur de 118 millions d’euros, il est nécessaire de retraiter les données disponibles pour la loi de finances 2012 pour les comparer au présent projet de loi de finances. En ajoutant, pour corriger les effets de périmètre, 118 millions d’euros aux 850,9 millions d’euros de CP inscrits pour le programme en loi de finances 2012, on constate une réduction de ces crédits de 6,8 % sur cinq ans. Les autorisations de programme croissent quant à elles de 5,7 % sur la même période en raison de leur très forte progression dans le cadre du présent exercice.
Au total, pour ce qui est des crédits de paiement, l’augmentation des crédits inscrits au programme « patrimoines » pour 2017 leur permet de retrouver le niveau qu’ils avaient dans le cadre de la loi de finances pour 2014.
ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT DU PROGRAMME 175 – PATRIMOINES
(hors fonds de concours et attribution de produits)
(en millions d’euros)
LFI 2012 |
LFI 2013 |
LFI 2014 |
LFI 2015 |
LFI 2016 |
PLF |
PLF 2017/LFI 2016 |
PLF 2017/LFI 2012 | |
Action 1 – Patrimoine monumental |
341,8 |
339,6 |
344,4 |
341,4 |
349,57 |
375,8 |
+ 7,5 % |
+ 9 % |
Action 2 – Architecture |
26,8 |
27,9 |
27,8 |
27,8 |
28,9 |
31,6 |
+ 9,3 % |
+ 17,9 % |
Action 3 – Patrimoine des musées de France |
368,4 |
353,7 |
336,6 |
331,3 |
343,6 |
371,5 |
+ 8,1 % |
+ 0,8 % |
Action 4 – Patrimoine archivistique et célébrations nationales |
37,3 |
21 |
23,5 |
23,8 |
43,8 |
36,1 |
– 17,6 % |
– 3,2 % |
Action 7 – Patrimoine linguistique |
2,6 |
2,6 |
2,6 |
2,9 |
3,0 |
3,2 |
+ 6,7 % |
+ 23 % |
Action 8 – Acquisition et enrichissement des collections publiques |
16,7 |
8,6 |
8,4 |
8,4 |
8,9 |
9,9 |
+ 11,2 % |
– 40,7 % |
Action 9 – Patrimoine archéologique |
0,1 |
7,2 |
16,8 |
11,3 |
130,9 |
135,9 |
+ 3,8 % |
Non significatif |
Total programme |
793,7 |
760,5 |
760,0 |
746,9 |
908,5 |
964,0 |
+ 6,1 % |
Non significatif |
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 175 – PATRIMOINES
(hors fonds de concours et attribution de produits)
(en millions d’euros)
LFI 2012 |
LFI 2013 |
LFI 2014 |
LFI 2015 |
LFI 2016 |
PLF |
PLF 2017/LFI 2016 |
PLF 2017/LFI 2012 | |
Action 1 – Patrimoine monumental |
376,6 |
328,8 |
331,4 |
328,9 |
324,1 |
335,8 |
+ 3,6% |
– 10,9 % |
Action 2 – Architecture |
27,8 |
28,0 |
27,8 |
27,9 |
29,0 |
31,6 |
+ 9,0 % |
+ 13,7 % |
Action 3 – Patrimoine des musées de France |
378,3 |
375,7 |
339,5 |
339,7 |
338,5 |
360,0 |
+ 6,4 % |
– 4,8 % |
Action 4 – Patrimoine archivistique et célébrations nationales |
48,9 |
25,2 |
27,1 |
24,8 |
28,4 |
29,1 |
+ 2,5 % |
- 40,5 % |
Action 7 – Patrimoine linguistique |
2,6 |
2,6 |
2,6 |
2,9 |
3,0 |
3,2 |
+ 6,7 % |
+ 23 % |
Action 8 – Acquisition et enrichissement des collections publiques |
16,7 |
8,6 |
8,4 |
8,4 |
8,9 |
9,9 |
+ 11,2 % |
– 40,7 % |
Action 9 – Patrimoine archéologique |
0,2 |
7,3 |
8,8 |
19,8 |
137,9 |
134,0 |
– 2,8 % |
Non significatif |
Total programme |
850,9 |
775,9 |
745,5 |
752,3 |
869,8 |
903,6 |
+ 3,9 % |
Non significatif |
Sources : Réponse ministérielle aux questions des rapporteurs budgétaires et projet annuel de performances de la mission « Culture » pour 2017.
L’analyse de l’évolution des crédits selon la nature de ceux-ci est également édifiante : ainsi que l’illustre le tableau ci-après, les dépenses d’investissement du programme sont passées, en autorisations d’engagement, de 223 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2011 à 146 millions dans le cadre du présent projet de loi de finances (soit une diminution de 34 %). L’évolution en crédits de paiement est encore plus défavorable : – 52 % en six ans.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME PATRIMOINES PAR TITRE DEPUIS 2011
(en millions d’euros)
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement | |||||||||||||
LFI 2011 |
LFI 2012 |
LFI 2013 |
LFI 2014 |
LFI 2015 |
LFI 2016 |
PLF |
LFI 2011 |
LFI 2012 |
LFI 2013 |
LFI 2014 |
LFI 2015 |
LFI 2016 |
PLF | |
Titre 3. Dépenses |
418 |
414 |
355 |
339 |
342 |
434 |
436 |
410 |
418 |
355 |
339 |
345 |
427 |
440 |
Titre 5. Dépenses d’investissement |
223 |
183 |
136 |
129 |
118 |
132 |
146 |
220 |
199 |
136 |
114 |
106 |
101 |
104 |
Titre 6. Dépenses d’intervention |
206 |
207 |
202 |
214 |
205 |
252 |
273 |
238 |
244 |
214 |
219 |
224 |
264 |
270 |
Titre 7. Dépenses d’opérations financières |
75 |
78 |
80 |
89 |
109 |
70 |
74 |
77 |
76 |
90 | ||||
Total programme Patrimoines |
848 |
804 |
769 |
760 |
746 |
907 |
964 |
868 |
860 |
776 |
745 |
751 |
869 |
904 |
Sources : Réponse ministérielle aux questions des rapporteurs budgétaires.
Le tableau ci-après présente le montant des subventions à certains des opérateurs du programme pour 2017, en autorisations d’engagement et crédits de paiement.
SUBVENTIONS AUX OPÉRATEURS DU PROGRAMME 175 – PATRIMOINES
(subventions pour charges de service public et dotations en fonds propres)
(en millions d’euros)
Opérateur |
PLF 2017 Autorisations d’engagement |
PLF 2017 Crédits de paiement |
Musée du Louvre |
100,9 |
100,9 |
Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou |
100,2 |
86,2 |
Institut national de recherches archéologiques préventives |
81,1 |
81,1 |
Réunion des monuments nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées |
31,7 |
31,7 |
Centre des monuments nationaux |
27,4 |
27,4 |
Établissement public du musée du Quai Branly – Jacques Chirac |
23,2 |
23,2 |
Établissement public du musée et du domaine national de Versailles |
19,4 |
14,6 |
Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée |
19,2 |
19,2 |
Cité de l’architecture et du patrimoine |
18,2 |
18,2 |
Musée des arts décoratifs |
16,3 |
16,3 |
Établissement public du château de Fontainebleau |
13,7 |
13,7 |
Établissement public du domaine de Chambord |
3,4 |
3,4 |
Les crédits de l’action 1, « patrimoine monumental », destinés, d’une part à assurer la conservation et la protection des immeubles et objets mobiliers protégés au titre des monuments historiques et, d’autre part, à recenser, étudier, et faire connaître au plus large public ces monuments, ne représentent plus, dans le cadre du présent projet de loi de finances, que 39 % de l’ensemble des autorisations d’engagement du programme (et même 37 % des crédits de paiement), contre respectivement 43 % en AE et 44 % en CP dans le cadre de la loi de finances pour 2012.
Sur un an, les crédits de paiement inscrits à l’action 1 progressent de 3,6 %, ce qui leur permet, après deux années de baisse, de retrouver un niveau légèrement supérieur à celui des crédits inscrits en loi de finances pour 2014.
L’essentiel des crédits de cette action représente l’effort financier de l’État en matière d’entretien et de restauration des monuments historiques dont les crédits s’élèvent à 358,7 millions d’euros en AE et 318,7 millions d’euros en CP.
Le tableau ci-après compare la répartition des crédits consacrés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques (MH) dans le cadre des quatre derniers projets de loi de finances, en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) :
CRÉDITS CONSACRÉS À L’ENTRETIEN
ET À LA RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES
(en millions d’euros)
PLF 2014 |
PLF 2015 |
PLF 2016 |
PLF 2017 |
||||||||||||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
||||||||||
Monuments historiques hors « grands projets » |
313,04 |
297,78 |
304,86 |
293,85 |
307,13 |
293,84 |
313,09 |
293,85 | |||||||||
Crédits d’entretien |
47,93 |
47,93 |
48,10 |
48,10 |
48,10 |
48,10 |
48,85 |
48,86 | |||||||||
– Dont MH État |
26,22 |
26,22 |
26,39 |
26,39 |
26,39 |
26,39 |
26,39 |
26,39 | |||||||||
– Dont MH hors État |
21,71 |
21,71 |
21,71 |
21,71 |
21,71 |
21,71 |
22,47 |
22,47 | |||||||||
Dotation MH versée aux opérateurs |
10,26 |
10,26 |
11,45 |
11,45 |
11,45 |
11,45 |
11,95 |
11,95 | |||||||||
Crédits de restauration |
254,86 |
239,60 |
245,31 |
234,30 |
247,58 |
234,29 |
252,28 |
232,39 | |||||||||
– Dont MH État |
121,05 |
100,16 |
114,9 |
95,36 |
115,17 |
95,36 |
111,60 |
91,79 | |||||||||
– Dont MH hors État |
133,81 |
139,43 |
130,41 |
138,93 |
132,41 |
138,93 |
140,68 |
140,60 | |||||||||
Monuments historiques « grands projets » |
20,00 |
15,00 |
24,00 |
18,60 |
32,36 |
20,29 |
45,58 |
25,55 | |||||||||
Total Monuments historiques |
333,04 |
312,78 |
328,86 |
312,45 |
339,49 |
314,13 |
358,67 |
318,75 |
Source : Réponse ministérielle aux questions des rapporteurs budgétaires.
Hors grands projets, on relève parmi les éléments les plus notables une baisse des crédits de restauration consacrés aux monuments historiques appartenant à l’État (réduction des crédits de 8,4 millions d’euros en crédits de paiement en trois ans). Compte tenu de l’état bien souvent déjà dégradé de ce patrimoine, cette baisse constitue une nouvelle inquiétante, que ne vient pas compenser la très légère progression des crédits d’entretien.
S’agissant des monuments historiques n’appartenant pas à l’État, les crédits de restauration restent stables sur la même période, autour de 140 millions d’euros en crédits de paiement.
Les crédits de l’action 2 « Architecture », dotée de 31,6 millions d’euros de crédits de paiement, représentent 3,3 % de l’ensemble des crédits de la mission (4). Ils progressent sur un an de plus de 9 % en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.
Le rapporteur pour avis, qui était membre de la mission d’information créée en 2014 par la Commission sur la création architecturale et dont le président Patrick Bloche était rapporteur (5), demeure particulièrement attentif aux actions menées en la matière.
Les crédits de l’action 2 recouvrent notamment la subvention pour charges de service public de la Cité de l’architecture et du patrimoine (CAPA), établissement public référent dans le domaine de la valorisation de l’architecture, qui s’élève dans le cadre du présent projet de loi de finances à 17,3 millions d’euros. Ils comprennent en outre 13,2 millions d’euros de dépenses d’intervention, destinées pour l’essentiel au soutien de l’État au réseau des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) et des maisons de l’architecture (à hauteur de plus de 4 millions d’euros), ainsi qu’à l’accompagnement de la création des nouveaux « sites patrimoniaux remarquables » mis en place par la loi LCAP du 7 juillet 2016 (à hauteur de 7,9 millions d’euros). Rappelons que ces sites remplacent et intègrent désormais les anciens secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP). Dans ces sites patrimoniaux remarquables, un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine seront élaborés dans le cadre d’un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales.
L’action 3 « Patrimoine des musées de France », qui représente 38,5 % de l’ensemble des crédits du programme, voit ses crédits très nettement augmentés dans le cadre du présent projet de loi de finances : + 8,1 % en autorisations d’engagement et + 6,4 % en crédits de paiement. Cette progression doit être cependant relativisée puisqu’elle fait suite à plusieurs années de baisse de crédits, si bien qu’en cinq ans, les autorisations de programme n’ont progressé que de 0,8 % tandis que les crédits de paiement ont accusé une baisse de 4,8 %.
Les crédits de l’action 3 permettent de financer les actions menées en faveur des collections des musées, au travers notamment des plans de récolement, des plans d’informatisation des collections, de la mise aux normes de certains équipements ou de plans de conservation préventive. Les opérations du premier récolement général des collections publiques, qui devaient être achevées en juin 2014, ont été prolongées jusqu’en décembre 2015, « date à laquelle il s’est officiellement achevé avec un taux de récolement de 66,1 % » peut-on lire dans le projet annuel de performances de la mission « Culture » pour 2017 (6). Le rapporteur pour avis, qui était également corapporteur, aux côtés de Mme Isabelle Attard, M. Marcel Rogemont et M. Michel Piron, de la mission d’information constituée au sein de notre Commission sur la gestion des réserves et dépôts des musées (7), ne juge que peu satisfaisant ce taux global, même s’il sait qu’il cache des situations très contrastées selon les musées.
Dans le même temps, les crédits de l’action 8, « Acquisition et enrichissement des collections publiques », s’élèvent à 9,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une progression de 11,2 % sur un an. Malgré cette hausse importante en fin de législature, les crédits inscrits à cette action se sont néanmoins réduits sur cinq ans de plus de 40 %. Pour 2017, les crédits d’investissement représentent 3,05 millions d’euros, dont la moitié destinés au fonds du patrimoine réservé aux acquisitions par l’État d’œuvres ayant une grande importante patrimoniale (en particulier des trésors nationaux ou des œuvres dites d’intérêts patrimonial majeur) ; des crédits d’intervention, à hauteur de 3,88 millions d’euros permettent, quant à eux, de contribuer à l’enrichissement des collections publiques n’appartenant pas à l’État.
L’action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » enregistre une réduction de plus de 17 % de ses crédits en autorisations d’engagement mais une progression de 2,5 % en crédits de paiement. Ses crédits représentent 3,7 % des crédits de l’ensemble du programme.
La réduction des autorisations d’engagement pour 2017 s’explique par le proche achèvement de l’aménagement du site de Pierrefitte-sur-Seine, qui ne nécessite plus, dans le cadre du présent projet de loi de finances, autant de crédits que dans l’exercice précédent ; cette réduction est néanmoins partiellement compensée par la progression des autorisations d’engagement nécessaires pour le schéma directeur du Quadrilatère Rohan-Soubise.
L’action 4 comprend également les crédits alloués à la mission des commémorations nationales, placée au sein du Service interministériel des archives de France à la Direction générale des patrimoines. Cette mission a, pour 2017, sélectionné 109 anniversaires (contre 113 en 2016), susceptibles d’être célébrés avec l’aide et sous le patronage du ministère de la Culture et de la Communication et touchant tous les domaines de l’histoire (institutions et vie politique, littérature et sciences humaines, arts, sciences et techniques, économie et société). Comme les années passées, un nombre important de ces anniversaires concerne la Première Guerre mondiale, mais on célébrera aussi l’an prochain l’anniversaire de la fondation du Havre par François Ier (1517), la prise du pouvoir par Louis XIII (1617), la naissance de d’Alembert (1717) ou celle de Benjamin Constant (1767), la mort de Charles Baudelaire (1867) ou celle d’Auguste Rodin (1917).
Ce sont 3,2 millions d’euros (8), soit un montant en progression de plus de 6 % par rapport à l’an passé, qui financent les actions menées par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), rattachée au ministère de la Culture et de la Communication. La DGLFLF assure la coordination et l’animation de la politique linguistique de l’État au plan interministériel, jouant un rôle d’observation, de veille, d’impulsion et de proposition sur tous les dossiers impliquant l’emploi de la langue française dans notre société et sa place dans le monde, ainsi que dans la promotion sur le plan interne des langues régionales.
Les crédits en faveur du patrimoine archéologique inscrits à l’action 9 représentent désormais 14,1 % des crédits du programme ; ils s’élèvent à plus de 134 millions d’euros (soit une progression sur un an de 3,8 % en autorisations d’engagement et une réduction de 2,8 % en crédits de paiement).
Jusqu’à la loi de finances pour 2016, les montants alloués à cette action ne dépassaient pas 20 millions d’euros, mais à compter du précédent exercice budgétaire, une dotation budgétaire de 118 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement supplémentaires est venue compenser l’échec du financement direct de l’archéologie préventive sur les recettes de la redevance d’archéologie préventive (RAP).
Sur ces crédits, la subvention pour charges de service public de l’Institut national de recherches archéologiques préventive (INRAP) s’élève à 72 millions d’euros.
*
* *
L’étude des crédits du programme « patrimoines » constitue l’occasion pour le rapporteur pour avis de se pencher, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, sur un thème relatif à ce programme.
Il a choisi cette année de centrer ses travaux sur la protection et la valorisation des monuments nationaux.
II. LA PROTECTION ET LA VALORISATION DES MONUMENTS NATIONAUX : UN BUDGET QUI N’EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX
Le Centre des monuments nationaux (CMN), établissement public qui assure la gestion d’une centaine de monuments sur tout le territoire, est sans doute assez mal connu du grand public, contrairement à certains des monuments dont il a la charge, à Paris comme en régions : l’Arc de Triomphe, le Panthéon, la Sainte-Chapelle, l’Abbaye du Mont-Saint-Michel ou le château et les remparts de la cité de Carcassonne, pour n’en citer que quelques-uns.
Les dernières années ont été particulièrement riches d’événements pour l’établissement. Le plus emblématique est sans contexte la cérémonie qui a vu, le 27 mai 2015, l’entrée solennelle au Panthéon de Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay, cérémonie dont l’organisation a été dévolue, en maîtrise d’ouvrage déléguée, au CMN, gestionnaire du monument. 2015 a également été marquée par la réouverture de plusieurs monuments : la Villa Cavrois à Croix dans le Nord, qui a fait suite à une campagne de travaux de restauration de près de douze ans, mais également l’hôtel de Sade à Saint-Rémy-de-Provence – qui abrite les collections archéologiques issues du site de Glanum, tout proche – ou l’hôtel de Lunas à Montpellier. Le CMN s’est en outre vu attribuer le dossier de la réhabilitation de l’hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris. L’année 2016 a, quant à elle, vu la réouverture des châteaux de Montal et de Villeneuve-Lembron après deux ans de travaux, et la présentation, après restauration, des cuisines de la Conciergerie, qui avaient été fermées à la visite pendant plus de quatorze années.
De manière bien plus tragique, la vague d’attentats terroristes qui a endeuillé notre pays en janvier et novembre 2015 et juillet 2016 a eu des conséquences importantes sur le fonctionnement du CMN, comme d’ailleurs des autres grands établissements culturels français. Ces événements ont en effet eu des retombées négatives sur la fréquentation de la plupart des monuments, notamment celle des touristes étrangers, et par conséquent sur les capacités d’autofinancement du CMN, alors même qu’il devenait nécessaire de doter les monuments de nouveaux équipements de sécurité.
Dans ce contexte difficile, le rapporteur pour avis a souhaité étudier les deux principaux enjeux que doivent relever le CMN et son réseau de monuments : en premier lieu, la protection, la conservation et la restauration des monuments ; en deuxième lieu, l’accès du public le plus large à la visite de ces lieux, qu’il s’agisse des visiteurs étrangers, afin de contribuer au rayonnement international de notre pays, ou des visiteurs français, publics scolaires – dans le cadre d’actions d’éducation artistique et culturelle – ou visiteurs individuels. Sur ce dernier point, le rapporteur pour avis rappelle d’ailleurs que, compte tenu de la politique de gratuité de l’entrée de tous les monuments du réseau pour les jeunes âgés de moins de 25 ans, la visite d’un monument national constitue un des loisirs culturels les plus abordables pour les familles.
Le rapporteur s’est interrogé sur le modèle du CMN, opérateur original qui adopte une approche intégrée de la gestion des monuments dont il a la charge, mais aussi établissement assurant la péréquation des ressources entre les différents monuments de son réseau. Il a souhaité comparer ce modèle à celui des établissements publics dédiés à un seul monument, prenant l’exemple du Château de Fontainebleau (A). Il s’est aussi penché sur les dotations budgétaires du CMN et a pu constater que les crédits qui lui sont alloués au titre de la protection des monuments historiques n’étaient pas suffisants pour lui permettre de mener à bien ses missions (B). Fort de ces analyses, il plaide pour un renforcement des moyens du CMN au service d’une ambition forte pour le rayonnement des monuments nationaux (C).
A. LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX, INSTITUTION INCONTOURNABLE DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE NATIONAL
Le CMN, qui s’est historiquement vu doté de toujours davantage de missions, est aujourd’hui devenu l’un des plus importants établissements publics culturels de l’État ; opérateur culturel autonome et intégré, il doit mettre en cohérence les deux missions qui sont au cœur de son action : la conservation des monuments et leur présentation au public.
Institution centenaire en charge de la protection et de la valorisation d’une centaine de monuments sur tout le territoire (1), le CMN a depuis l’origine un mode de fonctionnement original, fondé sur une péréquation des ressources et un partage des connaissances entre les monuments du réseau (2). L’établissement, qui a connu des difficultés internes dans les années récentes, a adopté des réformes qui ont contribué au rétablissement d’un climat social désormais plus apaisé et permis au CMN de retrouver un rôle central sur les territoires (3).
1. Une institution centenaire en charge de la protection et de la valorisation d’une centaine de monuments
— Le statut et les missions du CMN sont fixés par le code du patrimoine
Le CMN, qui a fêté son centenaire il y a deux ans – il est l’héritier de la Caisse nationale des monuments historiques et préhistoriques, créée en 1914 (9) – est chargé de conserver et de mettre en valeur une centaine de monuments appartenant à l’État ou, pour quelques-uns, propriété propre du CMN (cf. infra), répartis sur l’ensemble du territoire français et qui sont placés sous sa responsabilité. Ces monuments, certains aussi réputés que l’Abbaye du Mont-Saint-Michel, l’Arc de triomphe, la Sainte-Chapelle, le site mégalithique de Carnac ou le château d’Azay-le-Rideau, d’autres moins connus, illustrent tous, par leur diversité, la richesse exceptionnelle du patrimoine français de toutes les époques : sites archéologiques, grottes préhistoriques, abbayes, châteaux, maisons d’architectes (10).
Le CMN est constitué en établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Son président est nommé par décret du Président de la République pour trois ans, sur proposition du ministre en charge de la culture. M. Philippe Bélaval, conseiller d’État, assume ces fonctions depuis le 1er juillet 2012, son mandat ayant été renouvelé en 2015 pour trois ans (11).
L’article L. 141-1 du code du patrimoine (12) confie au CMN trois grandes missions complémentaires :
– la conservation des monuments historiques et de leurs collections, qui implique également l’entretien et, le cas échéant, la restauration – dont le CMN assure désormais la maîtrise d’ouvrage (cf. infra) ;
– la diffusion de leur connaissance et leur présentation au public le plus large ;
– le développement de leur fréquentation lorsqu’elle est compatible avec leur conservation et leur utilisation.
Le CMN assure la conservation aussi bien des monuments que des collections – pas moins de 110 000 biens culturels sont inscrits à son inventaire – et des parcs et espaces naturels. Il est chargé de les entretenir, sous le contrôle scientifique et technique des services du ministère de la Culture et de la Communication, mais également de rendre ces monuments accessibles au plus grand nombre, notamment aux publics prioritaires – publics éloignés de la culture ou en situation de handicap, notamment –, et de contribuer à la politique d’éducation artistique et culturelle, notamment par l’accueil de nombreux publics scolaires (13).
Le CMN promeut en outre la participation des monuments nationaux à la vie culturelle et au développement du tourisme, au travers de manifestations réalisées en concertation avec les directions régionales des affaires culturelles, les collectivités territoriales et les réseaux d’institutions culturelles.
Le CMN assure par ailleurs une mission plus originale pour un établissement public culturel, celle d’éditeur public sous la marque des « Éditions du patrimoine » : il publie ainsi nombre de guides de visite, beaux livres
– ouvrages photographiques et ouvrages de vulgarisation –, monographies d’architectes ou d’édifices, textes théoriques, techniques ou scientifiques, livres pour enfants, ouvrages pour aveugles et malvoyants et pour sourds et malentendants… Le CMN contribue ainsi à la connaissance et à la promotion du patrimoine au-delà même de son réseau de monuments.
— Le périmètre des monuments dont le CMN a la charge n’est pas figé
La Cour des comptes (14) a plusieurs fois dénoncé l’absence de réflexion sur la cohérence d’ensemble du parc géré par le CMN, celui-ci ayant fluctué au gré des évolutions législatives. En 1914, le parc regroupait l’ensemble des monuments historiques propriétés de l’État ouverts au public et donnant lieu à perception d’un droit d’entrée ; puis, son périmètre s’est étendu à mesure que de nouveaux sites ont fait l’objet d’une protection – sites préhistoriques récemment découverts ou patrimoine du XXe siècle, notamment.
Dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, une procédure a été mise en place qui a conduit plusieurs monuments à sortir du réseau, soit qu’ils aient été dévolus à des collectivités territoriales, soit qu’ils aient été transformés en établissements publics (cf. encadré ci-après).
Les dispositions de la loi de décentralisation du 13 août 2004
Il avait été envisagé en 2003 de recentrer le CMN sur un parc restreint de monuments d’« envergure nationale », dont l’identification avait été confiée à une commission présidée par M. René Rémond. Mais finalement le législateur a fait le choix, avec l’adoption de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales d’un dispositif de dévolution des monuments historiques de l’État aux collectivités territoriales sur une base volontaire.
L’article 97 de cette loi a, dans une perspective de décentralisation culturelle, ouvert la possibilité de transférer aux collectivités territoriales la propriété de certains immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques appartenant à l’État ou au CMN, ainsi que des objets mobiliers classés ou inscrits, à l’exclusion notamment des cathédrales, des grands palais nationaux, des monuments d’intérêt national ou fortement symboliques pour la Nation.
Le décret n° 2005-837 du 20 juillet 2005 fixant la liste des monuments proposés au transfert et déterminant les conditions de transfert de la propriété de ces monuments a établi une liste de 176 monuments et sites « transférables ». À compter de la publication de ce décret, les collectivités territoriales disposaient d’un délai d’un an pour faire connaître leur intérêt pour l’acquisition des monuments situés sur leur territoire. Si près de soixante-dix monuments ont alors fait l’objet de candidatures officielles, ce sont, in fine, douze monuments nationaux, tels les châteaux du Haut-Koenigsbourg et de Chaumont-sur-Loire ou les Abbayes de Jumièges et de Silvacane à La Roque d’Anthéron qui ont été transférés à des collectivités territoriales. Parallèlement, cinq monuments ont été confiés à des opérateurs culturels – dont le Domaine national de Chambord, érigé en établissement public à caractère industriel et commercial, tandis que le domaine des Tuileries était remis en dotation au Louvre.
Le délai de transfert prévu par la loi de 2004 ayant expiré, la question de la définition du périmètre pourrait sembler close. Mais le débat a été rouvert dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, dont un des articles prévoyait la reprise du dispositif de la loi de 2004, sans l’assortir d’un délai – avant que l’article ne soit censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier budgétaire (15).
Le rapporteur pour avis souligne que toute modification du périmètre peut être susceptible de modifier l’équilibre financier de tout le réseau et de remettre en cause la cohérence et l’existence même de ce réseau. Que la liste des monuments dont le CMN a la charge soit davantage le produit de l’histoire qu’une liste fondée sur des critères préétablis ne pose pas de difficulté en soi. Cette souplesse du statut du CMN lui a d’ailleurs permis d’accueillir récemment de nouveaux monuments dans son réseau : ainsi en 2014, il a été chargé de la résidence présidentielle du fort de Brégançon, ouvert à la visite chaque été. Depuis le 1er janvier 2016, dans le cadre d’une délégation de service public consentie par l’Institut de France, le CMN gère en outre la Villa Kerylos à Beaulieu-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes.
Le CMN s’est également vu attribuer le projet de restauration de l’hôtel de la Marine, place de la Concorde à Paris, ce transfert ayant été symbolisé par deux journées exceptionnelles d’ouverture au public, les 2 et 3 janvier 2016, qui ont rencontré un très grand succès : quelque 8 000 personnes ont visité le monument à cette occasion (cf. encadré ci-après).
Le projet de reconversion de l’hôtel de la Marine à Paris
Construit en 1774 sur la place de la Concorde, alors « place Louis XV », l’hôtel de la Marine est un élément remarquable du patrimoine national. Conçu pour accueillir le Garde-meuble de la Couronne, il a vu s’installer dès 1789 le secrétariat d’État à la Marine, qui lui a laissé son nom, avant de devenir le siège du commandement et de l’administration de la Marine. La décision, prise en 2009, de transférer cet état-major dans les nouveaux bâtiments du ministère de la Défense, à Balard, a posé la question de l’avenir du monument. L’état-major de la Marine nationale a quitté définitivement le site à l’automne 2015.
Le rapport de M. Valéry Giscard d’Estaing, remis au Président de la République le 19 juillet 2011, proposait que le musée du Louvre soit désigné comme opérateur de référence pour la gestion d’un projet de mise en valeur du monument. La complexité de l’opération et l’ampleur des autres projets devant être menés par le Louvre ont conduit le ministère de la Culture et de la Communication à rechercher une autre solution.
Dans le cadre des recommandations du rapport de M. Giscard d’Estaing, M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, a été chargé par les ministres chargés respectivement de la culture, de la défense et du budget, de formuler des propositions détaillées sur l’avenir du monument. Son rapport a été remis en avril 2014.
Le projet initialement présenté par le CMN prévoyait, outre l’ouverture à la visite du public des appartements du XVIIIe siècle des intendants du Garde-meuble, des appartements d’apparat du XIXe siècle avec accès à la loggia donnant sur la place de la Concorde et des bureaux du chef d’état-major, une valorisation des espaces professionnels, non ouverts au public. Le projet a été par la suite complété, en mars 2015, par un projet relatif à la présentation du patrimoine gastronomique français qui prendra place au rez-de-chaussée.
Ainsi, à l’issue de la campagne de restauration, un parcours de visite thématique et unifié permettra aux visiteurs de circuler dans l’hôtel de la Marine : les espaces patrimoniaux du premier étage seront pour la première fois ouverts en permanence au public et le rez-de-chaussée du bâtiment sera conçu pour faire découvrir au public le patrimoine gastronomique français, autour d’un restaurant donnant sur la cour d’honneur, un espace de café-vente à emporter ainsi que des espaces consacrés aux ateliers et aux animations, avec des modules spécifiques pour les jeunes publics, scolaires, adultes, groupes (entresol).
L’arrière du bâtiment, constitué depuis l’origine de bureaux et de locaux techniques, restera composé de bureaux qui seront loués à des utilisateurs privés, les ressources tirées de cette commercialisation servant à financer les travaux de restauration du monument.
Le programme de la première phase des travaux, qui concerne la restauration extérieure – à l’exception du péristyle, restauré dans les années 2000 grâce à un mécénat de compétence de la société Bouygues –, a été établi et soumis à la Commission nationale des monuments historiques en juin 2016. L’appel d’offres correspondant a été lancé. La deuxième phase, en cours de finalisation, inclura les travaux de restauration intérieure – à l’exception des salons déjà restaurés dans le cadre du même mécénat – et l’aménagement des espaces destinés aux autres activités, notamment culturelles, proposées au public.
Les travaux de restauration du clos et du couvert devraient débuter en janvier 2017.
Parmi les monuments dont le CMN assure la gestion, dix sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Certains sont inscrits en tant que sites uniques, comme le Mont-Saint-Michel, la cité et les remparts de Carcassonne ou encore les cathédrales de Chartres et d’Amiens. D’autres le sont au titre d’inscriptions en série ou en « chemins », comme la place-forte de Mont-Dauphin, au titre des fortifications de Vauban, le cloître de la cathédrale du Puy-en-Velay et l’abbaye de la Sauve-Majeure, au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, ou encore le château d’Azay-le-Rideau, au titre du classement du Val de Loire, paysage culturel classé.
L’ensemble des monuments du réseau accueille chaque année environ 9 millions de visiteurs (16), ce qui fait du CMN un opérateur touristique et patrimonial de premier plan.
Le tableau ci-après illustre la fréquentation des vingt monuments les plus visités en 2015.
FRÉQUENTATION DES MONUMENTS DU CMN LES PLUS VISITÉS EN 2015
Fréquentation totale |
Gratuits |
Dont scolaires |
Payants |
% Gratuits |
% Payants | |
Arc de Triomphe |
1 765 351 |
617 109 |
74 659 |
1 148 242 |
34,96 % |
65,04 % |
Abbaye du Mont Saint-Michel |
1 265 991 |
365 954 |
68 211 |
900 037 |
28,91 % |
71,09 % |
Sainte-Chapelle |
903 049 |
231 857 |
28 996 |
671 192 |
25,67 % |
74,33 % |
Panthéon |
667 832 |
287 791 |
26 533 |
380 041 |
43,09 % |
56,91 % |
Cite de Carcassonne |
538 866 |
200 125 |
24 454 |
338 741 |
37,14 % |
62,86 % |
Tours de Notre-Dame de Paris |
475 059 |
149 098 |
17 470 |
325 961 |
31,39 % |
68,61 % |
Conciergerie |
420 340 |
141 092 |
21 541 |
279 248 |
33,57 % |
66,43 % |
Château d’Azay-Le-Rideau |
214 551 |
75 595 |
6 342 |
138 956 |
35,23 % |
64,77 % |
Château d’Angers |
201 159 |
78 447 |
13 809 |
122 712 |
39,00 % |
61,00 % |
Remparts d’Aigues-Mortes |
166 000 |
73 441 |
12 251 |
92 559 |
44,24 % |
55,76 % |
Basilique de Saint-Denis |
155 472 |
58 047 |
13 004 |
97 425 |
37,34 % |
62,66 % |
Château de Pierrefonds |
144 608 |
63 239 |
15 480 |
81 369 |
43,73 % |
56,27 % |
Domaine de Saint-Cloud |
136 158 |
551 |
- |
135 607 |
0,40 % |
99,60 % |
Abbaye de Cluny |
132 984 |
29 120 |
4 082 |
103 864 |
21,90 % |
78,10 % |
Tours de La Rochelle |
125 748 |
64 733 |
1 857 |
61 015 |
51,48 % |
48,52 % |
Château d’If |
106 693 |
28 209 |
2 834 |
78 484 |
26,44 % |
73,56 % |
Château de Vincennes |
105 260 |
51 361 |
13 135 |
53 899 |
48,79 % |
51,21 % |
Abbaye du Thoronet |
103 260 |
24 696 |
7 607 |
78 564 |
23,92 % |
76,08 % |
Fort de Salses |
80 499 |
31 345 |
4 928 |
49 154 |
38,94 % |
61,06 % |
Site de Glanum |
71 270 |
24 950 |
12 587 |
46 320 |
35,01 % |
64,99 % |
Total |
9 210 443 |
3 144 555 |
442 537 |
6 065 888 |
34,14 % |
65,86 % |
2. Un mode de fonctionnement en réseau, fondé sur une péréquation des ressources et un partage des compétences entre les monuments
Les fonctions du CMN sont réparties entre le siège parisien (17) et la centaine de monuments nationaux, propriétés de l’État pour l’immense majorité d’entre eux ou appartenant en propre au CMN en raison de legs ou donations (18). La gestion de proximité des monuments est assurée par une trentaine d’administrateurs, certains chargés de la gestion d’un seul monument, d’autres assurant celle de plusieurs monuments situés dans un périmètre rapproché.
Ce qui fait l’originalité du CMN est son fonctionnement en réseau. Il existe ainsi un principe de péréquation des ressources entre les différents monuments, les recettes issues de l’exploitation de tous monuments étant versées au budget de l’établissement qui répartit par la suite l’ensemble des crédits disponibles aux différents monuments du réseau selon leurs besoins. C’est ce mode de fonctionnement original de redistribution horizontale des « grands » monuments vers les « petits » qui permet au CMN d’ouvrir au public l’immense majorité des monuments, sans souci de rentabilité « individualisée ».
Sur un plan fonctionnel également l’organisation du CMN repose sur la mutualisation des projets et des moyens et le partage des compétences. Des initiatives mutualisées ont ainsi été prises depuis plusieurs années, telle l’itinérance de certaines expositions. Ainsi, l’exposition « Si les châteaux m’étaient contés… », reprise de la grande exposition « Rêve de monuments » présentée à la Conciergerie à l’automne 2012, a été présentée en 2014 successivement dans les châteaux de Maisons-Laffitte, de Puyguilhem, de Châteaudun et de Carcassonne. De même, des saisons ont pu être organisées autour de thèmes rassemblant plusieurs monuments : ainsi, « l’année Saint Louis » en 2014 a été célébrée dans huit monuments du réseau, que sont le château d’Angers, les tours et remparts d’Aigues-Mortes, la Conciergerie, la Sainte-Chapelle, le château de Vincennes, la Cathédrale de Saint-Denis, le château de Castelnau-Bretenoux et l’Abbaye du Mont-Saint-Michel. Il serait aussi possible d’évoquer le partenariat, noué pour la première fois en 2013, avec le Tour de France, qui a également contribué à mettre en valeur les monuments du réseau.
b. …que le rapporteur pour avis a souhaité comparer avec celui d’un établissement public dédié à un monument : l’exemple du Château de Fontainebleau
Il a semblé tout particulièrement intéressant au rapporteur pour avis de comparer le mode de fonctionnement original du réseau du CMN avec celui des monuments gérés par des établissements publics en propre, tels les Châteaux de Versailles ou Fontainebleau, gérés par des établissements publics administratifs, ou le Domaine national de Chambord, géré par un établissement public industriel et commercial (19).
Il ne s’agit pas, au travers de cette comparaison, d’envisager la sortie d’un monument du périmètre du CMN, tant le fonctionnement du réseau repose sur un équilibre aujourd’hui solide que toute modification importante du périmètre pourrait remettre en cause, mais, bien au contraire et plus simplement, de percevoir toute l’originalité du modèle du CMN.
Le rapporteur pour avis a reçu en audition M. Jean-François Hebert, président de l’établissement public du château de Fontainebleau, pour entendre son point de vue.
L’établissement public du château de Fontainebleau a été créé en 2009 (20) en lieu et place l’ancien service à compétence nationale qui assurait la gestion du château, de l’ensemble des parcs, jardins, bâtiments et dépendances, ainsi que des collections réunies au sein du musée national.
Le changement de statut, impulsé par Mme Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication, visait, dans le cadre du mouvement général de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et dans la continuité de l’évolution des statuts de certains grands musées nationaux depuis les années 1990, à simplifier la gestion et l’administration de l’édifice, à renforcer l’unité de gestion des collections, des bâtiments et du domaine, à responsabiliser l’établissement et à favoriser son développement culturel, scientifique et économique. Le choix qui a alors prévalu dans la transformation de certains services en établissements publics a fait privilégier le niveau de fréquentation et le potentiel de développement (illustré par des partenariats, du mécénat…), critères qui permettaient de transformer Fontainebleau en établissement public.
Cet établissement public administratif est placé sous la tutelle du ministre de la Culture et de la Communication : sa politique scientifique et culturelle, ses activités et ses investissements font l’objet d’un contrat pluriannuel conclu avec l’État. Ses règles de gouvernance s’inspirent très largement de celles du Château de Versailles, premier château-musée érigé en établissement public (21). Les responsabilités exécutives sont assumées par le président de l’établissement, qui préside également le conseil d’administration. Il est assisté d’un administrateur général et d’un directeur du patrimoine et des collections.
Pour M. Jean-François Hébert, il est possible, sept ans après la transformation de Fontainebleau en établissement public, de dresser un bilan très largement positif de ce changement de statut, sans pour autant occulter certaines limites. En premier lieu, la fréquentation s’est sensiblement accrue : alors que 350 000 visiteurs venaient chaque année à Fontainebleau avant 2009, ils étaient 520 000 en 2014, année faste pour l’établissement en raison des événements particuliers qu’ont constitué cette année-là la célébration du bicentenaire des adieux de l’Empereur Napoléon Ier et la réouverture du théâtre de Napoléon III (22).
Le président de l’établissement a, lors de son audition par le rapporteur pour avis, donné des exemples de décisions qu’il lui a été plus aisé de prendre du fait du statut d’établissement public. L’élaboration d’un schéma directeur de rénovation, qui donne une plus grande prévisibilité de moyen-long terme pour l’usage des crédits alloués aux rénovations, figure parmi elles.
Le schéma directeur de rénovation du château de Fontainebleau (2015-2026)
L’établissement s’est doté en 2015, à la suite de longues années de travail en collaboration avec le ministère de la Culture et de la Communication, d’un schéma directeur de rénovation. Fontainebleau est ainsi le deuxième château-musée à s’en être doté après celui de Versailles. Ce schéma directeur couvre une période de douze ans, scindée en trois phases ; il est doté de 115 millions d’euros, soit environ 10 millions d’euros par an.
La phase 1 (2015-2018) concerne les travaux prioritaires de sécurité et de sûreté, la rénovation des espaces dédiés aux publics et aux personnels et l’installation du « pôle d’excellence du tourisme » de Seine-et-Marne.
La phase 2 (2019-2022) comprend l’achèvement de la mise en sécurité, le lancement d’un chantier des réserves, la création d’équipements favorisant la médiation culturelle et le lancement du programme de rénovation des jardins et du parc du domaine.
La phase 3 (2023-2026) sera consacrée à la reconfiguration du musée Napoléon Ier et à l’achèvement de la revitalisation du quartier Henri IV avec l’installation d’un pôle dédié aux jeunes publics.
Le schéma directeur de rénovation inclut en outre l’agenda d’accessibilité programmée de l’établissement, dont ce dernier s’est doté en application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Le Château de Fontainebleau a surtout, grâce à son statut d’établissement public, pu nouer des partenariats exemplaires avec les collectivités territoriales, qui ont permis l’installation en mars 2015 du « pôle d’excellence du tourisme » de Seine-et-Marne dans le quartier Henri IV du Château qui s’est ainsi trouvé revitalisé.
De la même manière, l’autonomie permise par le statut a sans nul doute favorisé le choix du Château de Fontainebleau comme lieu d’accueil du Festival d’histoire de l’art qui s’y tient chaque année depuis 2011, en association avec le ministère de la Culture et de la Communication et l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Un service à compétence nationale aurait assurément eu bien plus de peine à faire aboutir ce type d’initiatives.
Le rapporteur pour avis se félicite du modèle retenu pour le Château de Fontainebleau qui a fait la preuve de toute son efficacité.
En contrepartie de ces avantages – qui demeurent bien supérieurs – la constitution en établissement public comporte pour le Château de Fontainebleau une limite importante, de nature budgétaire : l’établissement public reste dépendant de la dotation qui lui est allouée chaque année par l’État ; or, dans le cas de Fontainebleau, cette dotation a été, dès la création de l’établissement, sous-évaluée par rapport aux besoins. Dès lors, l’établissement peine chaque année à réaliser tous ses projets – les crédits manquent tout particulièrement en fonctionnement et en personnel – et se trouve, pour reprendre les termes de son président, « au bord de la sortie de route » en permanence.
Interrogé par le rapporteur pour avis sur les avantages du système intégré du CMN, M. Philippe Bélaval, président du CMN, a fait valoir que le système de péréquation des ressources permet, en premier lieu, l’ouverture au public de monuments dont les recettes de billetterie ne permettraient pas cette ouverture s’ils étaient gérés par un seul établissement ; les recettes des uns viennent compenser les pertes des autres. Pour le président du CMN, « l’avenir est aux grands réseaux », ce qui répond pleinement à l’intuition des fondateurs de l’ancêtre du CMN en 1914.
Le président du CMN a en outre estimé que, sur un plan plus conjoncturel, le système de péréquation allait permettre aux monuments gérés par le CMN de mieux résister que d’autres aux difficultés liées à la baisse quasi générale de fréquentation enregistrée en 2015 et 2016 du fait de la vague d’attentats.
Selon les dernières estimations, les monuments du réseau devraient accueillir environ 8,5 millions de visiteurs cette année, ce qui constitue une diminution très sensible si on les compare aux 9,5 millions de visiteurs en 2014 (- 10,5 % en deux ans). La réduction globale de fréquentation des monuments du réseau s’explique non seulement par la plus faible présence des touristes étrangers, effrayés par la vague d’attentats qui a touché le pays, mais également la réduction du tourisme des provinciaux à Paris qui se sont davantage tournés vers des destinations en province, ou encore des difficultés pour certains monuments parisiens à faire face à l’afflux ponctuel de visiteurs lors de certaines dates particulières, du fait du renforcement des dispositifs de sécurité exigés par la Préfecture de Police et qui ont conduit à fermer certains monuments quelques heures par jour. Rien que pour l’année 2015, la baisse de fréquentation de la Sainte-Chapelle, très largement liée aux restrictions des conditions d’accès au monument en raison de son enclavement au sein du Palais de Justice, a atteint plus de 164 000 visiteurs en moins, expliquant à elle seule 63 % de la baisse de fréquentation sur l’ensemble du réseau.
Entre 2015 et 2016, la baisse enregistrée est de l’ordre de 7 %, mais ce chiffre global cache des situations contrastées : si les recettes de billetterie de l’Arc-de-Triomphe ou des tours de Notre-Dame à Paris ont accusé un net repli (évalué sur un an à environ 30 %), celles en forte progression enregistrées dans plusieurs monuments en régions, tels les tours de La Rochelle ou les remparts d’Aigues-Mortes, la Villa Cavrois (170 000 visiteurs contre 35 000 attendus) ou la maison des mégalithes de Carnac permettent au CMN d’espérer une moindre réduction de ses recettes, que bon nombre d’établissements publics pourraient sans doute lui envier (23). Ainsi, le modèle en réseau du CMN a joué un rôle d’amortisseur significatif de la baisse de fréquentation en 2015, même si l’impact financier global reste significatif.
— Les monuments ont été replacés au centre de l’action de l’établissement
Depuis 2012, le CMN a opéré un rééquilibrage dans son fonctionnement interne entre siège parisien et monuments, visant à donner plus de poids aux seconds, conformément à la lettre de mission adressée par la ministre de la Culture et de la Communication au nouveau président le 17 septembre 2012. La direction a souhaité rompre avec l’idée d’un siège tout puissant, incarnant à lui seul l’établissement dont la véritable richesse réside dans le réseau de monuments. Ce rééquilibrage, formalisé dans le contrat de performance pour 2015-2017 (24), se traduit, notamment, par l’élaboration depuis 2014 de « projets de monuments » conçus comme des outils de pilotage partagé, définissant un plan d’action détaillé pour le monument concerné à court et moyen termes, articulé avec une éventuelle programmation de travaux. L’objectif est que tous les monuments aient prochainement finalisé leur projet.
Les fonctions exercées par les administrateurs, qui ont autorité sur un ou plusieurs monuments, ont été parallèlement renforcées, pour ce qui est de la gestion des sites et des équipes, mais également de l’élaboration de la stratégie de l’établissement, de sa programmation et de l’allocation de ses ressources.
Lors de ses déplacements au château d’Azay-le-Rideau et au Panthéon, le rapporteur pour avis a pu échanger avec les administrateurs en charge de ces deux monuments. Ces administrateurs sont en dialogue permanent avec les différentes directions du siège, qu’il s’agisse de l’organisation d’événements particuliers, d’opérations de communication ou, plus encore, dans le cadre d’un chantier de rénovation, comme cela vient d’être le cas dans ces deux monuments. Sans doute l’articulation entre les différentes directions du siège et les monuments serait-elle néanmoins perfectible, le calendrier des premières n’étant pas nécessairement adapté aux seconds, ce qui pose parfois des difficultés sur le terrain. L’absence de réel statut des administrateurs, aux profils d’ailleurs très variés, certains étant conservateurs du patrimoine ou attachés de conservation, d’autres non, pourrait également conduire le CMN à préciser les choses dans les années à venir.
Les fonctions de maîtrise d’ouvrage demeurent centralisées au siège à Paris, ce qui se justifie pleinement au regard des arbitrages qu’il est nécessaire d’opérer chaque année entre les différents projets. Trop de déconcentration en la matière nuirait sans doute au modèle de fonctionnement du CMN en réseau. Un effort de coordination et de partage d’informations entre services du siège et équipes des monuments est toutefois mené depuis 2012, qui se traduit par la mise en place de comités de pilotage associant les équipes pour tous les projets importants de l’établissement.
Le CMN a opéré une réorganisation des services du siège, effective au 1er février 2014, visant à traduire sur le plan fonctionnel son approche intégrée du patrimoine : une Direction de la conservation, de la restauration et de la présentation du patrimoine bâti, mobilier et naturel est désormais chargée de mettre en œuvre la politique de conservation et restauration tant sur les immeubles que sur les meubles ; elle est issue de la fusion entre l’ancienne direction de la maîtrise d’ouvrage et une partie de l’ancienne direction scientifique, mettant fin à la séparation organisationnelle entre gestion des monuments et gestion des collections qui prévalait jusqu’alors.
La réorganisation, pourtant précédée d’une démarche participative ayant impliqué les agents du siège comme les administrateurs des monuments (organisation de groupes de travail, de réunions…), ne s’est pas déroulée sans heurts, tant le climat social s’était dégradé au cours des années précédentes.
— Le climat social au sein de l’établissement est désormais plus apaisé
M. Philippe Bélaval a, lors de son audition par le rapporteur pour avis, estimé que le CMN était désormais très largement sorti des difficultés qu’il avait pu connaître par le passé – difficultés qui avaient conduit l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) à mener deux enquêtes, faisant état, dans un rapport non rendu public, de « sentiments de souffrance et d’expression collective de mal-être » au sein du CMN, puis de lacunes dans la mise en œuvre des préconisations de ce premier rapport. Le prédécesseur de M. Bélaval avait démissionné en juin 2012.
Un nouveau rapport de l’IGAC, remis en mars 2015, a établi que le fonctionnement des instances de dialogue social était redevenu normal, que la répartition des fonctions entre le président, le directeur général et les directions du siège avait été clarifiée et que les relations avec les administrateurs des monuments, mieux associés aux décisions, avaient été sensiblement améliorées. Il n’en demeure pas moins qu’aux yeux des inspecteurs, certains agents continuent de connaître des difficultés à titre individuel et que la formation aux risques psychosociaux doit encore être améliorée.
Le rapport a aussi pointé que la localisation du siège sur deux sites est un point négatif, source de fatigue et de perte de temps pour les personnels. Le deuxième contrat de performance de l’établissement, établi pour les années 2015-2017 (25), se fixe d’ailleurs comme objectif à atteindre d’ici 2017 de trouver une solution permettant le regroupement sur un seul site, si possible dans le domaine de l’État. Ce projet de regroupement inclura une réflexion sur l’usage de l’Hôtel de Béthune-Sully, qui a vocation à rester un des monuments du réseau du CMN et à s’ouvrir plus largement qu’aujourd’hui au public.
— L’établissement a noué des partenariats avec d’autres grands établissements culturels au plan national
Lors de son audition, le président du CMN a indiqué avoir mené depuis plusieurs années des opérations de « décloisonnement » du CMN, nouant des partenariats avec les établissements culturels tels le musée du Louvre, ou l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (EPV). Un partenariat est également envisagé avec le Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou. Des relations privilégiées sont en outre entretenues en régions avec certains centres chorégraphiques nationaux ou scènes nationales.
Ces collaborations trouvent leur traduction dans les saisons culturelles du CMN : l’emblématique exposition consacrée à Saint Louis à la Conciergerie en 2014 a ainsi été réalisée en partenariat avec le musée du Louvre et la Bibliothèque nationale de France ; l’exposition au palais de Tau à Reims consacrée la même année aux « Sacres royaux de Louis XIII à Charles X » a été quant à elle coproduite avec l’EPV.
— L’établissement joue un rôle central sur les territoires
Chargé de mettre en valeur le patrimoine dont il a la charge, d’en développer l’accessibilité au plus grand nombre et d’en améliorer la qualité de l’accueil, le CMN participe au développement des territoires. Avec leur implication forte dans plus de 400 manifestations par an, les monuments nationaux participent à la vie culturelle et au développement du tourisme sur le territoire sur lequel ils sont implantés. Le CMN, attentif à l’insertion des monuments dans leur territoire, se veut d’ailleurs un partenaire de premier plan des collectivités territoriales et des institutions culturelles locales, en lien avec les services déconcentrés de l’État (DRAC), qui exercent par ailleurs le contrôle scientifique et technique sur les travaux.
Au cours de son audition par le rapporteur pour avis, M. Philippe Bélaval, président du CMN, a indiqué que la perception qu’ont les élus de l’établissement avait sensiblement évolué : le CMN, tant décrié il y a quelques années, est redevenu un interlocuteur privilégié des collectivités territoriales. De nombreux accords ont d’ailleurs été signés avec ces dernières : 90 accords étaient en cours en 2014, contre seulement 37 en 2012. Il a estimé que la légitimité du CMN est bien davantage reconnue sur le terrain qu’il y a quelques années.
En retour, le CMN a fait évoluer ses relations avec les instances locales chargées du tourisme : là où elles étaient souvent inexistantes il y a encore quelques années, le CMN a conclu une convention cadre avec Atout-France, tandis que des partenariats locaux ont été conclus entre les monuments et les offices de tourisme (cf. infra). Dernier exemple emblématique de cette bonne entente : la gestion de la billetterie du Fort de Brégançon, monument ouvert à la visite uniquement en période estivale, est, pour des raisons pratiques, entièrement déléguée à l’office de tourisme de la ville de Bormes-les-Mimosas.
B. DES CRÉDITS STRUCTURELLEMENT INSUFFISANTS POUR PERMETTRE AU CMN DE MENER À BIEN TOUTES SES MISSIONS
Ayant analysé la triple mission dévolue au CMN – assurer la bonne conservation du patrimoine en vue de sa transmission aux générations futures et donc son entretien et sa restauration ; permettre l’accès le plus large de tous les publics à ce patrimoine ; participer au développement culturel, économique et social des territoires sur lesquels sont implantés les monuments – le rapporteur pour avis s’est interrogé sur la manière dont le CMN parvient à remplir ses missions, compte tenu des moyens qui sont mis à sa disposition. Si le CMN maintient, grâce essentiellement à ses recettes de billetterie, un fort taux d’autofinancement de ses dépenses de fonctionnement (1), il apparaît que le transfert au CMN de la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration qu’il mène ne s’est pas traduit par la pérennisation d’une dotation budgétaire suffisante, ce qui le conduit à reporter des campagnes de restauration (2). D’autres dépenses, pourtant prioritaires – ou affichées comme telles – semblent en outre insuffisamment budgétées (3).
Le dernier rapport d’activité du CMN consultable en ligne est celui de 2014. Il mentionne un budget total de 132,2 millions d’euros, dont 96,8 millions d’euros en fonctionnement et des effectifs de 1 365 ETPT, dont 424 fonctionnaires titulaires mis à disposition du CMN par le ministère de la Culture et de la Communication et 941 contractuels, recrutés directement par l’établissement. Les éléments contenus dans le rapport pour 2015, qui n’est pas encore publié, ont été transmis au rapporteur pour avis : le budget total du CMN pour 2015 est de 130,6 millions d’euros, dont 95,2 millions d’euros en fonctionnement, tandis que les effectifs sont stables (1 365,8 ETPT dont 424,9 titulaires et 940,9 contractuels).
Le taux d’autofinancement de l’établissement en fonctionnement s’établit à 82,7 % en 2015. Si on intègre la valorisation des emplois de titre 2
– fonctionnaires titulaires – mis à la disposition de l’établissement par le ministère de la Culture et de la Communication, ce taux est rapporté à 65 %, ce qui reste élevé.
Traditionnellement, le taux d’autofinancement important du CMN est lié à la bonne tenue des ressources propres de l’établissement : produit des droits d’entrée des visiteurs, mais également des visites-conférences, des Éditions du Patrimoine, de la vente de produits en librairies-boutiques et du mécénat. En 2015, ces ressources propres ont accusé une baisse moins importante que redouté, la diminution des recettes de droits d’entrée, liée à la baisse de fréquentation, étant partiellement compensées par la hausse des revenus de valorisation domaniale et par la bonne tenue des recettes commerciales.
Il faut dire que le CMN mène une activité commerciale intense. Qu’il s’agisse de l’animation de son réseau de soixante-dix librairies-boutiques dans les monuments ou du développement d’autres types de ressources propres (mécénat, locations d’espaces et concessions, valorisation de ses fonds photographiques), le CMN poursuit l’objectif d’autofinancer une part croissante de ses dépenses de fonctionnement et d’entretien afin de concentrer la contribution du budget de l’État sur la conservation-restauration du patrimoine. La baisse de fréquentation que connaissent ses principaux monuments « contributeurs » pourrait néanmoins l’empêcher, si elle se poursuivait, de réaliser toutes ses ambitions et devrait par conséquent le conduire à développer plus encore qu’il ne le fait aujourd’hui ses autres ressources, notamment de mécénat.
La politique de mécénat du CMN
Le réseau du CMN bénéficie d’atouts non négligeables pour séduire les entreprises : la diversité des monuments et des sites – des sites archéologiques aux villas du XXe siècle, en passant par les châteaux Renaissance ou les forts militaires - et la variété des projets ouverts à mécénat – programmation culturelle, restauration et conservation, action éducative, solidarité et accessibilité… –, offrent une palette très étendue d’opportunités d’actions de mécénat.
Le CMN dispose d’une mission « mécénat et partenariats » qui, en étroite collaboration avec les administrateurs des monuments du réseau, procède à des levées de fonds participant au financement des opérations menées par l’établissement, via des apports en mécénat de compétence ou en nature. Il offre aux entreprises et partenaires qui le soutiennent des contreparties à hauteur d’un montant maximum de 25 % du don. La teneur de ces contreparties varie selon les souhaits du mécène et les opportunités offertes par la nature du projet : visibilité sur les supports de communication, voire, dans les cas d’un mécénat important ou exclusif concernant un projet de restauration, installation d’une plaque de remerciements dans le monument ; association à des manifestations événementielles et aux relations avec la presse ; mise à disposition d’espaces privatisés pour accueillir séminaires, réunions ou colloques, ou encore des opérations de relations publiques des entreprises mécènes.
Le projet le plus emblématique à ce jour concerne le mécénat conclu en 2008 par les fondations Velux pour la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle à Paris. Le mécénat s’est élevé à hauteur de 5 millions d’euros sur cinq ans, soit 50 % du budget global nécessaire.
Depuis cette date néanmoins, les montants récoltés par le CMN connaissent une baisse tendancielle : en 2015, le montant des conventions signées par le CMN ne s’élève qu’à 800 000 euros en apports financiers et 340 000 euros en apports en nature.
Cette tendance s’explique à la fois par une réduction des budgets alloués par les mécènes et une baisse du nombre d’entreprises mécènes, ce qui conduit la mission mécénat et partenariats du CMN à désormais concentrer son action de prospection en direction des petites et moyennes entreprises (PME). Ces dernières représentent désormais 93 % des mécènes du CMN (contre 85 % en 2010). Elles présentent un double avantage pour l’établissement : outre que le bassin potentiel des PME est adapté à la nature du réseau du CMN, les PME sont un excellent outil d’intégration des monuments dans leur territoire. Les administrateurs du réseau sont donc encouragés à mener des démarches de recherche de mécénat de proximité.
Enfin, afin de diversifier encore davantage ses modes de financement, le CMN a inauguré, au printemps 2016, une plateforme de dons en ligne à direction des particuliers : www.mapierrealedifice.fr ; à l’automne 2016, la mission mécénat a par ailleurs testé dans trois monuments des bornes de micro-dons sans contact.
La subvention de fonctionnement allouée par le ministère de la Culture et de la Communication au CMN dans le cadre du présent projet de loi de finances augmente de manière significative, afin notamment de compenser la réduction de ses ressources propres : passant de 6,66 à 8,2 millions d’euros, elle connaît une progression de 23 % sur un an.
2. Une sous-dotation structurelle en crédits monuments historiques qui impliquera pour le CMN, à l’épuisement de son fonds de roulement, le report de certaines campagnes de restauration
a. Le transfert de la maîtrise d’ouvrage au CMN ne s’est pas traduit par la pérennisation d’une dotation budgétaire suffisante
Depuis la loi de finances pour 2007 (26), l’article L. 141-1 du code du patrimoine donne pour mission au CMN, au-delà de ses activités traditionnelles de gestion des monuments, d’assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration des monuments nationaux qui lui sont remis en dotation.
Le CMN assure – depuis 2010 dans les faits – la maîtrise d’ouvrage de l’ensemble des travaux réalisés sur les monuments nationaux et leurs collections, qu’ils relèvent de la restauration, de la réparation, de l’entretien, de l’aménagement ou de la mise en valeur et l’amélioration de l’accessibilité des édifices. En confiant à un seul acteur la responsabilité d’assurer la conservation des monuments et leur présentation au public, l’État a privilégié une politique culturelle articulée à une programmation de travaux. Le CMN peut ainsi concevoir et mettre en œuvre des opérations de restauration intégrées, prenant en compte tous les éléments patrimoniaux – bâti, mobilier (27), paysage – ainsi que tous les points de vue – conservation, médiation, valorisation, aménagement du territoire – afin d’obtenir la meilleure présentation possible des monuments ou des sites au public.
En contrepartie de cette extension très salutaire de ses missions, le CMN devait à l’origine bénéficier d’une fraction du produit des droits de mutation à titre onéreux d’immeubles et droits immobiliers (DMTO), dans la limite de 70 millions d’euros (28). Mais cette ressource, que le législateur avait voulue pérenne pour permettre au CMN de faire face à ses missions, a été remplacée, dans le cadre de la loi de finances pour 2008, par l’inscription de crédits budgétaires correspondants au sein de l’action « Patrimoine monumental et archéologique » du programme « Patrimoines » de la mission « Culture ». Ces crédits figuraient sur le titre 3, en tant que subvention pour charge de service public du CMN.
Dans les faits, le CMN n’a été doté de la capacité effective d’assumer ses nouvelles attributions qu’à compter de 2010 ; dans cette attente, la maîtrise d’ouvrage a été « rétrocédée » par conventions aux différentes directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les montants correspondants étant reversés au budget de l’État par voie de fonds de concours. Dans cette période transitoire, le taux de consommation des crédits d’investissement au profit des monuments nationaux a été très faible, ce qui a permis au CMN de se constituer un fonds de roulement.
Mais dès lors qu’il a été doté de sa pleine capacité de maîtrise d’ouvrage interne, le CMN a pu engager de vastes programmes de restauration. Les budgets de travaux de restauration engagés sur cette capacité nouvelle ont été de 29 millions d’euros en 2013 et 31 millions d’euros en 2014. Pour l’année 2015, les engagements ont été plus mesurés (22 millions d’euros en autorisations d’engagement) mais les crédits de paiement en nette augmentation (34,5 millions d’euros) pour assurer le financement des chantiers lancés précédemment. Hors hôtel de la Marine, la programmation de travaux reste, avec 31 millions d’euros de crédits engagés, encore élevée en 2016, cf. encadré ci-après.
Exemples d’opérations de restauration menées en 2016
Les crédits alloués pour l’année 2016 au titre des opérations de restauration et de réparation des monuments et des collections devaient permettre plusieurs opérations, parmi lesquelles :
– une importante campagne de restauration du château de Ferney-Voltaire, pour un budget estimé à 8,15 millions d’euros, comportant la restauration des couvertures et façades du château, un réaménagement intérieur permettant la mise en place d’un parcours de visite repensé et l’installation d’un ascenseur rendant tous les niveaux accessibles aux personnes à mobilité réduite ;
– la restauration de la base de la colonne de Juillet, place de la Bastille à Paris (pour un budget de 2,7 millions d’euros) en vue de son ouverture au public en 2018, dans le cadre du projet d’aménagement de la place mené par la Ville de Paris ;
– la restauration de la dalle sur laquelle repose le cloître de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, dont les défauts d’étanchéité conduisent à des infiltrations qui détériorent la Salle des chevaliers située en dessous, mais également d’autres travaux visant à mieux protéger les sculptures en pierre calcaire usées par les intempéries et le passage des visiteurs (pour un budget de 2,19 millions d’euros) ;
– la restauration de la frise sculptée du château de Maisons-Laffitte dont l’état très dégradé est un sujet de préoccupation non seulement pour la conservation de l’édifice mais également pour la sécurité des visiteurs (pour un budget de 1,3 million d’euros) ;
– la restauration des arases et maçonneries du front nord-ouest du château de Castelnau-Bretenoux, dont l’état actuel menace la sécurité des visiteurs (pour un budget de 1,05 million d’euros) ;
– l’amélioration de l’accessibilité de l’Arc de Triomphe (pour un budget de 4,5 millions d’euros) ; l’opération porte sur l’élargissement des escaliers, le remplacement d’un ascenseur hors service, la création d’un élévateur et d’une plateforme permettant un nouvel accès en terrasse aux personnes à mobilité réduite, l’ensemble de ces opérations devant permettre d’augmenter l’effectif de visiteurs admissible à un instant donné au sein du monument.
Il s’agit par ces différents travaux de répondre aux urgences sanitaires ou d’améliorer la présentation et l’accessibilité de certains monuments, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la loi « handicap » de 2005 (29). Sur ce dernier point, le CMN a finalisé en 2015 son agenda d’accessibilité programmé, tous les monuments ayant réalisé un audit d’accessibilité afin de définir des mesures d’adaptation physique – le plus souvent, en prenant appui sur la programmation des opérations de restauration ou d’aménagement – ou d’aménagement des monuments. Le montant total des travaux de mise en accessibilité des monuments du réseau est estimé à près de 60 millions d’euros sur quinze ans, dont 11 millions d’euros de dépenses de médiation culturelle.
D’autres chantiers engagés antérieurement se poursuivent jusqu’en 2017, comme la restauration du clos et du couvert du château de Rambouillet, ou celle de la façade occidentale et des couvertures de la Sainte-chapelle du château de Vincennes. C’est aussi le cas du château d’Azay-le-Rideau, où le rapporteur pour avis s’est rendu.
La campagne de restauration globale du château d’Azay-le-Rideau (2012-2018) :
la renaissance d’un joyau de la Renaissance
Le CMN a engagé une très importante programmation de travaux au château d’Azay-le-Rideau – classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des paysages culturels du Val-de-Loire –, échelonnée sur six ans, dont le budget prévisionnel global atteint 19,8 millions d’euros.
Propriété de l’État depuis 1905, le château d’Azay-le-Rideau a déjà fait l’objet de huit campagnes de restauration partielles, entreprises au fur et à mesure de l’apparition de diverses altérations. C’est en revanche la première campagne globale de travaux qui est lancée, portant sur les trois aspects historiques caractérisant le monument : le domaine naturel et le paysage, l’architecture et la sculpture et, enfin, le décor intérieur et les collections.
Cette campagne a débuté par la restauration du parc paysager afin de lui redonner son aspect qu’il avait au milieu du XIXe siècle, seule période pour laquelle les équipes disposent d’une documentation suffisante et au cours de laquelle ont été installés les miroirs d’eau qui entourent le château et qui en font l’identité. Le parc s’est en outre agrandi d’un nouvel espace, accessible grâce à un pont nouvellement installé : l’île de la Rémonière, classée Natura 2000.
Les travaux du château ont débuté en janvier 2015, ils doivent s’achever en 2017 ; ils porteront pour l’essentiel sur la restauration des façades, sculptures, la reprise complète de la couverture en ardoises et la remise en état de la charpente qui date du début du XVIe siècle. La reprise des couvertures était particulièrement urgente du fait des infiltrations sérieuses qui menaçaient la charpente. La restauration des faîtages en plomb constituera une étape importante tant ils constituent une des caractéristiques les plus remarquables du château. De nombreuses pierres de façades (du tuffeau, pierre calcaire issue des falaises qui bordent la Loire et l’Indre) très dégradées doivent être remplacées, notamment au niveau des bandeaux et des lucarnes.
Le projet se veut pleinement intégré : simultanément à la maîtrise d’ouvrage, le monument et les directions du CMN mettent en œuvre des opérations de médiation et parcours de visite, de marketing et de communication, toutes ces actions étant portées vers le même but : la « renaissance » du château en 2018. Un calendrier de projet unique a été établi afin de permettre la bonne coordination des différentes interventions. De plus les collectivités territoriales ont été dès l’origine associées au projet, qui comporte la réalisation, par la commune, d’une aire de stationnement adaptée à la fréquentation du château.
Un partenariat a été noué avec le Mobilier national pour le renouvellement de la présentation du rez-de-chaussée : le remeublement du salon s’est achevé en 2016, celui des autres salles (salle à manger, salle de billard et bibliothèque) est en cours. L’objectif est de proposer aux visiteurs une expérience de visite unique.
Un nouveau parcours de visite sera mis en place, qui devra mieux rendre acompte de la stratification complexe de l’histoire du château : le nouveau parcours reposera sur une répartition du discours et des espaces plus cohérente afin de tout à la fois évoquer l’architecture d’ensemble du monument, les principaux personnages présents ou représentés dans les collections et une présentation du château dans son état historique du XIXe siècle.
Les dispositifs de médiation seront parallèlement revus afin de donner de meilleures clés de lecture du monument : il s’agira de proposer une offre de médiation numérique embarquée (sur appareil du visiteur), de refondre la signalétique directionnelle et culturelle en réponse au nouveau parcours de visite, de revoir les documents de visite et d’enrichir les dispositifs de médiation humaine (visites commentées, ateliers, conférences).
Durant les opérations de rénovation, il a été décidé – et cela constitue un défi –, de maintenir le château ouvert à la visite et de mettre en scène le projet qui marque la vie du château pendant près de quatre ans. Le chantier a été vu comme une opportunité d’animer le site et de faire des différentes phases de l’opération autant d’événements marquants. L’exposition « C’est quoi ce chantier ? – les coulisses d’une renaissance » présente dans le Pressoir, depuis 2015, les grandes étapes de la campagne de restauration au travers de maquettes et de photographies. Un « effeuillage » progressif des parties restaurées est en outre prévu jusqu’au point culminant de la « renaissance » en 2018. Ce projet illustre la volonté du CMN d’une valorisation croisée des interventions de restauration et de présentation au public. Malgré ces efforts conjugués à une réduction du droit d’entrée, la fréquentation du château a connu une chute de 23 % en 2015, très largement liée à la « déprogrammation » du château des grands circuits organisés pour les touristes étrangers. Les publics individuels, eux, sont restés très nombreux et les enquêtes de satisfaction menées démontrent leur intérêt pour une visite des coulisses d’un chantier de restauration.
Une campagne de mécénat participatif a également été lancée, via la plateforme internet du CMN www.mapierrealedifice.fr qui concerne, notamment, la restauration d’Azay-le-Rideau. Cette campagne porte sur la restauration des quatre derniers épis de faîtage, pour un montant global de 40 000 euros. À ce jour néanmoins, le montant cumulé des dons reçus ne dépasse pas 5 000 euros.
Les besoins annuels du CMN en crédits d’investissement sont évalués à au moins 30 millions d’euros pour réaliser l’ensemble des travaux nécessaires sur une année ; la consommation des crédits à cette hauteur au cours des derniers exercices en atteste. Pourtant, comme le montre le tableau ci-après, la dotation en investissement du CMN reste, depuis 2011, très inférieure à cet étiage au motif que le CMN dispose encore d’un fonds de roulement important, issu de la conservation par le CMN de crédits d’investissement qui ne pouvaient être consommés entre 2007 et 2010, faute de direction de maîtrise d’ouvrage. Depuis lors, le CMN a chaque année puisé dans le fonds de roulement pour compenser la sous-dotation de l’État, au point qu’il s’épuise petit à petit.
CRÉDITS D’INVESTISSEMENTS ALLOUÉS AU CMN DEPUIS 2007
(En millions d’euros)
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 | |
AE |
0 |
36,7 |
27 |
30,7 |
23,8 |
23,5 |
21,5 |
18,5 |
18,5 |
18,5 |
18,9 |
CP |
0 |
39,7 |
30 |
29,7 |
23,3 |
23 |
21 |
18 |
18,5 |
18,5 |
18,9 |
Source : Ministère de la Culture et de la Communication.
CMN et ministère ne semblent cependant pas d’accord sur le périmètre de ce fonds de roulement, le premier distinguant entre un fonds de roulement « investissement » et un fonds de roulement « fonctionnement », tandis que le ministère les considère d’un seul tenant. Dès lors, si le CMN estime que son fonds de roulement « investissement » arrivera à épuisement en 2017-2018, le ministère, quant à lui, estime que ce sera en 2020. Il n’appartient nullement au rapporteur pour avis de trancher cette épineuse question et, s’il n’est en soi pas contestable qu’un fonds de roulement excessivement élevé pose un problème de gestion des fonds publics et doit être réduit, il souligne que son épuisement à terme doit conduire le ministère de la Culture et de la Communication à revoir la dotation allouée au CMN afin de lui permettre de continuer à mener ses opérations de restauration des monuments dont il a la charge.
Sur un an, l’enveloppe allouée au CMN pour l’entretien et la restauration des monuments historiques progresse certes de 426 000 euros (+ 2 %), ce qui représente en moyenne de l’ordre de 4 300 euros par monument, ce qui semble bien maigre, d’autant que les subventions pour entretien et restauration du Château de Versailles et du Domaine national de Chambord progressent respectivement de 540 000 euros et 500 000 euros.
D’ores et déjà, le CMN est conduit à reporter des opérations prévues pour 2017, faute de moyens suffisants, alors que certaines d’entre elles auraient contribué à enrichir l’offre de visite des monuments : citons, entre autres, la restauration de la Grande cascade et des abords du Domaine de Saint-Cloud, la restauration de la façade Sud de la Sainte-Chapelle à Paris, la reprise en étanchéité des terrasses, toitures et parements de la Villa Savoye à Poissy – monument qui vient pourtant de rejoindre la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO dans le cadre du classement en série des œuvres de Le Corbusier –, la restauration des façades de la Merveille à l’Abbaye du Mont-Saint-Michel ou la restauration du front Nord du château d’Angers. La deuxième tranche de restauration du Panthéon, qui porte sur la restauration du péristyle, ne pourra pas non plus être entreprise et se trouve reportée, sine die.
Le report de la deuxième phase de la restauration du Panthéon
L’état dégradé du Panthéon, qui n’a pas fait l’objet de toutes les opérations d’entretien qui auraient été nécessaires entre les années 1930 et les années 1980 a conduit le CMN, en accord avec la tutelle, à établir un programme de restauration complet nécessitant de l’ordre de 100 millions d’euros de travaux, dont une première phase vient de s’achever.
Entre 2013 et 2015, le CMN a ainsi procédé à la restauration du dôme et du tambour du Panthéon : le problème le plus urgent à régler concernait en effet l’étanchéité des toitures, défectueuse, qui conduisait à des infiltrations d’eau et à l’oxydation des parties métalliques, dont la dégradation menaçait la stabilité des pierres du dôme. La campagne de restauration a porté sur les couvertures, notamment celles en plomb de la grande coupole, les éléments métalliques, les maçonneries en pierre de taille, les sculptures et les menuiseries. L’objectif de cette opération, véritable défi technique, était d’assurer la stabilisation des structures. Symboliquement, cette phase de travaux, dont le budget total a été de 19,5 millions d’euros, a été achevée avec la réinstallation, le 15 septembre 2015, du pendule de Foucault.
Une deuxième phase, portant sur la restauration du péristyle, qui doit être consolidé et restauré, devait être engagée en 2017, mais faute de crédits suffisants, elle a dû être reportée ; une intervention sur les façades et les décors intérieurs doit également être prévue, l’accueil doit être restructuré, de même que la librairie-boutique et un important effort d’amélioration des dispositifs de médiation culturelle – très datés et uniquement présentés en français alors même que 70 % des visiteurs sont des touristes étrangers – autour de la visite du monument doit compléter les travaux proprement dits. Pour le président du CMN, la réalisation de l’ensemble de ces travaux serait envisageable à un horizon de 7-8 ans si le CMN bénéficiait d’une dotation suffisante en crédits d’investissement dans les années qui viennent.
Par ailleurs, le CMN ne sera pas en mesure de répondre à toutes les exigences posées par la loi du 11 février 2005 précitée en matière d’accessibilité des monuments ; seuls des chantiers d’envergure sont programmés à la Sainte-Chapelle, à Ferney-Voltaire, à l’Arc de Triomphe et au Panthéon.
Si cette dotation restait à ce niveau dans les années à venir, le CMN serait contraint de réduire drastiquement son activité, ce qui serait un non-sens à plus d’un titre.
— Les conséquences patrimoniales : la dégradation attendue à terme des monuments
Le report de campagnes de restauration aura nécessairement un impact très négatif sur l’état des monuments, seuls les chantiers absolument prioritaires étant menés au mépris de l’entretien régulier des monuments ou de la réalisation de grandes campagnes intégrées qui s’avèrent pourtant bien moins coûteuses sur le long terme que des actions au coup par coup. La perspective de renouer avec les errements du passé – songeons à l’état catastrophique des monuments historiques qui avait conduit en 2003 au lancement du « plan national pour le patrimoine » (30) qui se traduisait au premier chef par un effort budgétaire accru de l’État en faveur des monuments historiques – sera très dommageable à la conservation à long terme de notre patrimoine national.
Il faut au contraire donner à l’établissement public une visibilité de ses dotations sur plusieurs années, au travers d’une programmation pluriannuelle lui permettant d’établir un programme de restauration cohérent, fondé sur des études préalables, permettant de mener des campagnes globales de restauration, in fine bien moins coûteuses que la multiplication de petites phases de travaux.
De longue date, le CMN, conformément d’ailleurs aux instructions de sa tutelle, s’efforce de privilégier des actions préventives aux interventions curatives de réparation ou de restauration des monuments. Il s’est doté d’un tableau de bord assurant un suivi des opérations d’entretien par monument.
La restauration d’un monument s’inscrit, par nature, dans un temps long. Songeons à la restauration de la Villa Cavrois à Croix dans le Nord, villa que l’on doit à l’architecte Robert Mallet-Stevens : cette campagne de travaux aura durée, depuis les premières études préalables, près de douze ans. L’État a racheté la villa en 2001 afin de sauver ce patrimoine unique, promis à la destruction après avoir été abandonné au saccage pendant plusieurs années. La campagne de restauration, lancée par la DRAC pour le clos et le couvert, a été poursuivie par le CMN à partir de 2012, en lien étroit avec les services de l’État, afin de permettre en juin 2015 l’ouverture au public d’un monument totalement restauré dans le respect des matériaux originaux de 1932 et partiellement remeublé avec des pièces d’origine. Ce projet ambitieux a d’ailleurs immédiatement rencontré son public : à la fin de l’année 2015, soit un peu plus de six mois après l’ouverture, le monument avait déjà accueilli 90 000 personnes, pour une prévision initiale de 35 000. L’importante campagne de communication réalisée par le CMN n’y est sans doute pas étrangère.
• Une sous-utilisation dommageable des capacités du CMN
Le CMN possède désormais la capacité opérationnelle pour réaliser des grandes campagnes de travaux, il l’a démontré depuis plusieurs années. Or, nombre de dossiers de restauration en attente ont déjà été instruits et validés par les architectes des bâtiments de France. Le CMN dispose ainsi d’une capacité de maîtrise d’ouvrage inemployée alors même que certaines DRAC n’utilisent pas tous leurs crédits inscrits au titre des travaux de restauration des monuments historiques. Le rapporteur pour avis ne peut que déplorer cette utilisation sous-optimale des crédits de protection des monuments historiques dans notre pays.
L’effort de rationalisation des moyens de l’État en matière de maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration des monuments historiques lui appartenant est sans doute encore à parfaire ; on peut en effet douter que le ministère de la Culture et de la Communication ait encore les moyens d’entretenir un aussi grand nombre d’intervenants. La question de la maîtrise d’œuvre de ces travaux est également posée : aujourd’hui elle échoit automatiquement aux architectes en chef des monuments historiques, contrairement aux travaux réalisés par les propriétaires privés ou les collectivités territoriales qui peuvent les mettre en concurrence avec les architectes du patrimoine (31). Le maintien de ce monopole n’est pas sans poser parfois des difficultés lorsque les spécialités de l’ACMH désigné ne correspondent pas pleinement aux caractéristiques particulières du monument à restaurer.
• Des effets négatifs sur les entreprises locales et le tourisme
Pour la réalisation des travaux de restauration, le CMN fait appel au savoir-faire des entreprises spécialisées sur les territoires. La sous-dotation du CMN en crédits de travaux nuit directement à l’économie en régions et aux emplois très qualifiés dans les entreprises du bâtiment (charpentiers, menuisiers, couvreurs, plombiers, ébénistes, tailleurs de pierres, sculpteurs…).
Selon le ratio retenu par le ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre du plan de relance de 2009, un montant de 150 000 euros investis par l’État dans des travaux sur monuments historiques permet l’emploi, pendant un an, de 2,5 personnes à temps complet au sein des entreprises de restauration. Dès lors, un budget d’investissement de 30 millions d’euros chaque année permettrait sans doute l’emploi de 500 personnes à temps complet.
La baisse significative de l’activité du CMN aurait un impact d’autant plus visible que le CMN est, parmi les grands opérateurs de l’État, le seul à conduire une politique d’investissement en régions. Sur la centaine de monuments dont la CMN a la charge, une vingtaine seulement est localisée à Paris et en Île-de-France ; pour 2016, trois quarts des opérations de restauration, en volume de crédits, ont été menées en régions.
Les retombées touristiques seront également importantes. Le lien entre tourisme et activités culturelles est très largement connu, mais la direction générale des patrimoines du ministère de la Culture et de la Communication a récemment cherché à le quantifier, via une enquête auprès des touristes étrangers. Il est apparu dans cette enquête qu’en 2014, 50 % des touristes internationaux mentionnent la visite de sites culturels parmi leurs principales activités pratiquées en France.
Dans ces conditions, ne pas doter le CMN des crédits dont il a besoin pour restaurer et entretenir correctement le patrimoine dont il a la charge apparaît peu cohérent avec la volonté affichée en faveur de l’aménagement culturel des territoires.
L’accès au patrimoine constitue un levier majeur de démocratisation culturelle et d’éducation artistique et culturelle (EAC). Le CMN, conscient de sa responsabilité en matière de transmission de ce patrimoine, conduit de nombreuses actions à destination des nouveaux publics ; un des objectifs qu’il s’est fixé dans son dernier contrat de performance est de « mener une action structurée en matière d’éducation artistique et culturelle et envers les publics scolaires, notamment en milieu rural et dans zones urbaines périphériques » (32), en prenant notamment appui sur le réseau des chargés d’action éducative, avec le soutien des DRAC.
Le CMN est en outre l’un des principaux opérateurs contribuant à l’opération du ministère de la Culture et de la Communication en faveur des jeunes publics éloignés de la culture, dénommé « Les portes du temps ». Pour son édition 2015, seize monuments du réseau ont participé à l’opération, accueillant 6 000 participants, dont 4 800 jeunes, 500 adultes et 700 encadrants. Près de deux tiers d’entre eux étaient issus de territoires prioritaires (politique de la ville ou, dans une moindre mesure, zones de revitalisation rurale). Les activités proposées étaient essentiellement des visites dotées d’une médiation particulière, des ateliers autour du spectacle vivant (théâtre, danse, musique…) ou des arts plastiques (sculpture, peinture, bande dessinée…). Ainsi à la Basilique de Saint-Denis, ont été organisées treize journées d’activités comportant une visite théâtralisée autour de François Ier, un atelier théâtre, un atelier musique, comportant la création d’instruments de musique et de jeux sonores. Le budget total de l’ensemble des opérations a représenté 230 000 euros, dont 160 000 financés par le CMN sur ses crédits propres, le reste étant à la charge des services de l’État ou des collectivités territoriales.
S’agissant des publics scolaires, le CMN est confronté à la baisse de fréquentation liée aux consignes données par le ministère de l’Éducation nationale et les Académies à la suite des attentats de janvier et novembre 2015 : après avoir accueilli 525 000 jeunes en 2014 dans un cadre scolaire, les monuments n’en ont accueilli que 460 000 en 2015.
Les actions menées par le CMN sont en outre bridées du fait du désengagement du ministère de l’Éducation nationale qui n’a pas reconduit sa convention avec le CMN, la précédente s’achevant en 2013. Ce ministère, même s’il continue de mettre à disposition des enseignants relais, n’assume plus de financement direct des actions d’EAC du CMN. Ce désengagement ne laisse d’étonner au regard de la priorité affichée par le Gouvernement en la matière, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école (33) ayant, rappelons-le, fait de l’EAC une composante fondamentale de la formation de tous les élèves… De fait, comme l’a reconnu la direction générale des patrimoines, le financement de la politique d’EAC du CMN repose quasi exclusivement sur les crédits propres de l’établissement.
En visant l’espace public, et notamment les lieux culturels, les dernières attaques terroristes ont douloureusement rappelé que les institutions culturelles sont des cibles potentielles. Le rapport d’activité du CMN pour 2015 décrit la façon dont les équipes de l’établissement ont réagi face à la menace dans les jours qui ont suivi les attaques, avec le double souci de rétablir au plus vite de service public culturel et d’assurer la protection des agents et des visiteurs tout au long de l’année. Des dispositifs de sécurité renforcés ont d’ores et déjà et installés dans les monuments les plus exposés, notamment l’Arc de Triomphe où des portiques de détection supplémentaires ont été installés. L’objectif reste néanmoins de maintenir l’intégralité des monuments ouverts à la visite.
D’après les réponses au questionnaire budgétaire, les crédits de fonctionnement alloués au CMN progressent de 23 % cette année, sous le double effet de mesures liées à l’emploi (création de 36 postes en équivalents temps plein) et du renforcement des mesures de sûreté et sécurité de l’accueil des publics, à hauteur de 1,07 million d’euros. Cet effort important doit être salué, même s’il pourrait s’avérer insuffisant au regard des coûts liés à l’installation de portiques de sécurité dans les monuments.
1. Faire de cette institution centenaire un atout pour le développement culturel et touristique de notre pays
Comme l’a récemment rappelé le Président de la République lors d’une visite au Domaine national de Chambord, « nous avons tout avantage à faire que le tourisme soit notre pétrole » (34) ; encore faut-il ne pas en fermer le robinet, faute de crédits suffisants. Le CMN, par son réseau de monuments répartis sur l’ensemble des territoires, est en mesure de servir cette ambition pour le développement culturel et touristique du pays, si les moyens lui en sont donnés. À quoi servirait-il de poursuivre des stratégies de communication à l’international comme sur internet si le patrimoine géré par le CMN devait se dégrader, faute de moyens suffisants ? Or le CMN ne ménage pas ses efforts depuis plusieurs années dans ces deux directions.
a. Poursuivre et amplifier les actions destinées à renforcer la visibilité internationale des monuments du réseau
Afin de développer la fréquentation étrangère, malgré le contexte très troublé, il convient de poursuivre les actions menées depuis plusieurs années pour renforcer la visibilité internationale du réseau des monuments gérés par le CMN.
En 2015, les monuments nationaux ont notamment été mis en avant dans le cadre du partenariat liant le ministère de la Culture et de la Communication avec la compagnie aérienne Air France, qui prévoyait la diffusion, sur les écrans de ses vols long courrier, d’images présentant la richesse patrimoniale française.
En outre, conformément aux orientations générales de la convention cadre culture-tourisme du 6 novembre 2009 (35), le CMN a noué un partenariat avec Atout France, agence du développement touristique de la France, pour appuyer son développement international. Une convention-cadre a été signée en avril 2015 pour trois ans, afin de faire bénéficier le CMN de plans d’action personnalisés sur les marchés touristiques, de proximité ou lointains, en fonction de son actualité. Le CMN a ainsi, durant le premier semestre 2016, participé aux côtés d’Atout France à plusieurs grands rendez-vous du tourisme international, notamment l’ITB à Berlin qui constitue le plus grand salon du monde dans le domaine du tourisme. Le CMN devrait également prochainement participer au salon French Affairs à New York.
Pour 2017, le CMN et Atout France étudient un nouveau plan d’actions avec l’organisation de démarchages plus personnalisés et plus adaptés à la spécificité de l’offre de visite des monuments nationaux : recentrage sur les marchés de proximité, publicité auprès des agences de e-billetterie et intégration des monuments dans des circuits thématiques.
Le CMN, animé par l’ambition d’être un pionnier du digital culturel, a très vite pris le « virage numérique » dans différents domaines. Il a ainsi d’ores et déjà acquis une forte présence sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, notamment) et possède sa propre chaîne sur le site d’hébergement de vidéos Youtube dans le but de toucher le jeune public, moins sensible à l’affichage traditionnel.
Le site internet du CMN a par ailleurs été refondu, et chaque monument est désormais doté d’un site propre, avec une URL identifiée et une présentation adaptée. Ce site relaye notamment les campagnes de mécénat participatif mises en places par le CMN.
Au cours des dernières années, le CMN a lancé des opérations innovantes qu’il pourrait être amené à reproduire dans les années à venir.
Depuis le 1er janvier 2016, un 99e monument a rejoint le réseau du CMN, selon un régime juridique particulier : la Villa Kerylos à Beaulieu-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes, monument majeur de la côte d’Azur, est depuis cette date gérée par le CMN dans le cadre d’une délégation de service public consentie par l’Institut de France, propriétaire de la villa. Le CMN a en effet remporté l’appel à candidatures lancé par l’Institut, avec l’aval du ministère de la Culture et de la communication.
L’entrée de ce monument dans le réseau du CMN, outre qu’elle marque la confiance d’une organisation comme l’Institut de France dans les compétences du CMN, constitue une innovation juridique puisqu’il s’agit du premier monument géré par le CMN qui n’appartienne ni à l’État ni au CMN lui-même, innovation qui pourrait en appeler d’autres.
Le projet de rénovation de l’hôtel de la Marine (cf. encadré supra) est porté par un montage financier original : aux 19 millions d’euros issus du fonds de roulement de gestion propre du CMN – à distinguer du fonds de roulement dédié aux travaux monuments historiques dont il a été question précédemment – s’ajoutent 75 millions d’euros issus d’un emprunt contracté auprès d’un établissement bancaire à un taux d’intérêt intéressant, adossé à la mise en location de bureaux dont les loyers serviront à rembourser le crédit. Ce montage a été permis par la sortie du CMN de la liste des organismes divers des administrations centrales (ODAC) à qui il est interdit de recourir à l’emprunt auprès d’un établissement bancaire pour une durée supérieure à un an (36).
Lors de son audition, M. Philippe Bélaval, président du CMN, a souligné que ce projet n’emportait, grâce à son mode de financement original, aucun effet d’éviction sur les autres chantiers menés concomitamment par l’établissement. Il devrait même à terme, grâce à sa contribution attendue à la péréquation du réseau, constituer un facteur d’équilibre financier important pour le CMN.
Au sein de l’établissement coexistent deux régimes juridiques distincts pour les personnels : des fonctionnaires titulaires sont affectés au CMN par le ministère de la Culture et de la Communication, qui continue d’assumer leur gestion et leur rémunération – ils sont rattachés au titre 2 des emplois du ministère – tandis que des agents contractuels de droit public sont directement recrutés par l’établissement (37).
En 2015, l’effectif du CMN se composait de 462 fonctionnaires et 894 contractuels. Depuis 2010, la tendance est à la réduction du nombre de postes de titulaires affectés (ils étaient 542 en 2010, soit une baisse de 15 % en cinq ans) et à l’augmentation concomitante de l’emploi contractuel (le CMN employait 791 contractuels en 2010, soit une progression de 13 % sur cinq ans). La répartition entre siège et monuments reste stable sur la période, les monuments employant, tout statut confondu, trois quarts des effectifs globaux. Si on analyse les effectifs en tenant compte des statuts, il apparaît que le siège parisien emploie à 96 % des contractuels, tandis que dans les monuments, la répartition est plus équilibrée : en 2015, ils employaient 44 % de fonctionnaires et 56 % de contractuels. Le tableau ci-après retrace l’évolution depuis 2011 de la répartition entre contractuels et fonctionnaires titulaires pour les différentes fonctions exercées au sein des monuments. Il y apparaît clairement que les fonctions culturelles et éducatives, comme celles de tenue de la billetterie-boutique sont exclusivement exercées par les contractuels, tandis que les fonctions d’accueil-surveillance et d’entretien des jardins sont très majoritairement exercées par des fonctionnaires détachés du ministère de la Culture et de la communication.
ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DE L’EMPLOI CONTRACTUEL (C) ET TITULAIRE (T)
DANS LES MONUMENTS DU CMN DEPUIS 2011
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | ||||||
C |
T |
C |
T |
C |
T |
C |
T |
C |
T | |
Accueil-surveillance |
16 % |
84 % |
19 % |
81 % |
15 % |
85 % |
24 % |
76 % |
26 % |
74 % |
Administration gestion |
98 % |
2 % |
84 % |
16 % |
87 % |
13 % |
87 % |
13 % |
92 % |
8 % |
Billetterie boutique |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
Jardin |
17 % |
83 % |
20 % |
80 % |
23 % |
77 % |
28 % |
72 % |
23 % |
77 % |
Entretien et maintenance |
96 % |
4 % |
97 % |
3 % |
93 % |
7 % |
78 % |
22 % |
79 % |
21 % |
Fonctions culturelles et éducatives |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
100 % |
0 % |
Source : Centre des monuments nationaux
La gestion de l’emploi est une question complexe au CMN, notamment au sein des monuments où le double régime se révèle souvent source de difficultés dans le pilotage des emplois, comme dans les actes de gestion courante.
Si le président de l’établissement a autorité sur l’ensemble des personnels qui travaillent au CMN, c’est une autre autorité qui exerce le pouvoir de nomination, d’avancement et de sanction et rémunère les agents titulaires affectés. L’établissement se trouve ainsi privé de leviers de gestion des ressources humaines en direction de ces personnels, il peut être désavoué par la tutelle lorsqu’une promotion ou une sanction demandée par lui est refusée par le ministère. Ce système emporte également une grande rigidité dans le recrutement, ce qui est d’autant plus préjudiciable que les personnels ne restent souvent pas durablement en poste en raison de conditions de travail souvent plus difficiles (accueil en extérieur, grand nombre de visiteurs…) que dans d’autres établissements culturels. En attendant que les postes vacants soient ouverts à la mobilité, il arrive qu’ils restent vacants pendant une longue période, d’où un taux de vacance de poste structurellement élevé et des dépenses supplémentaires pour le CMN qui doit trouver des remplaçants temporaires, rémunérés sur des crédits de vacation, alors même qu’ils occupent des postes permanents à temps complet. Il en résulte une mauvaise gestion des deniers publics à laquelle il devient aujourd’hui urgent de trouver une solution pérenne.
Dans ce contexte, le CMN demande depuis plusieurs années au ministère de lui déléguer la responsabilité des différents actes de gestion à l’égard des personnels titulaires qui lui donc affectés et de lui transférer la masse salariale correspondante, à l’image de ce qui se pratique depuis plusieurs années pour l’Établissement public du musée du Louvre (38).
L’adoption de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (39) pourrait par ailleurs avoir des conséquences importantes sur l’emploi du CMN.
L’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que, sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires. L’article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État prévoit cependant qu’à titre dérogatoire, cette règle n’est pas applicable à certains établissements publics administratifs, en raison de l’exigence de « qualifications professionnelles particulières ». Le décret du 11 janvier 1984 (40) pris pour l’application de cet article, dite « décret-liste », prévoit que le CMN figure parmi les établissements disposant de ce pouvoir dérogatoire de recruter des contractuels sur des emplois permanents.
L’article 43 de la loi du 20 avril 2016 précitée modifie l’article 3 de la loi du 11 janvier 1984 afin de préciser que la dérogation à la règle générale d’emploi de titulaires porte sur « les emplois des établissements publics qui requièrent des qualifications professionnelles particulières indispensables à l’exercice de leurs missions spécifiques et non dévolues à des corps de fonctionnaires, inscrits pour une durée déterminée sur une liste établie par décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État ». Cette disposition, si elle ne remet pas en cause le principe d’une liste d’établissements bénéficiant de la dérogation, encadre plus strictement les conditions dans lesquelles ils peuvent y être inscrits. La question se pose donc de savoir quelle application aura la disposition pour le CMN, pour lequel l’emploi contractuel est décisif dans le fonctionnement des monuments. Interrogée par le rapporteur pour avis, la Direction générale des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication, a indiqué suivre de très près la nouvelle rédaction du décret-liste, qui devrait être arrêtée au printemps 2017, afin que la définition des métiers qui continueront de relever du régime dérogatoire soit la plus précise possible, dans l’intérêt du CMN.
Le projet annuel de performances de la mission « culture » pour 2017 précise que les orientations pour le programme « patrimoines » s’articulent autour des « trois axes forts de la politique ministérielle définis pour les années 2015 à 2017 :
– contribuer au projet national d’éducation artistique et culturelle qui développera l’appropriation, par tous les publics, de tous les patrimoines et des enjeux patrimoniaux, en mettant l’accent sur la diversité des publics, les conditions d’accueil et la qualité des visites ;
– assurer la transmission de ce patrimoine aux générations futures, ce qui se traduit notamment par (…) un impératif d’entretien et de restauration des monuments historiques (…) ;
– œuvrer pour l’égalité et de développement des territoires à travers leur mise en valeur patrimoniale et architecturale » (41).
L’action du CMN étant à la croisée de ces trois enjeux, il ne serait, pour le rapporteur pour avis, pas imaginable que cet établissement public voie ses crédits insuffisamment abondés pour mener à bien l’ensemble de ses missions.
La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen des rapports pour avis de M. Hervé Féron (Création ; transmission des savoirs et démocratisation de la culture), et de M. Michel Herbillon (Patrimoines) sur les crédits pour 2017 de la mission Culture lors de sa seconde séance du mercredi 26 octobre 2016.
M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous poursuivons, cet après-midi, l’examen du projet de loi de finances pour 2017, avec la présentation de deux rapports pour avis sur les crédits de la mission « Culture ».
Nous entendrons, mardi 8 novembre, Mme la ministre de la Culture et de la communication nous présenter les crédits 2017 de la mission « Culture » en commission élargie.
Je vais maintenant donner la parole à M. Marcel Rogemont, qui supplée le rapporteur pour avis sur les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Notre collègue Hervé Féron, malheureusement retenu dans sa circonscription, s’est beaucoup investi dans la rédaction de son avis budgétaire, sur un sujet qui lui tient tout particulièrement à cœur : la mise en place d’une stratégie publique d’aide au développement des artistes émergents d’expression française dans la filière musicale.
M. Marcel Rogemont, suppléant M. Hervé Féron, rapporteur pour avis sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Je vais lire le texte de notre collègue Hervé Féron, et comme le disait à l’instant le président, la partition vaut le coup d’être lue.
La musique apparaît bien souvent comme le parent pauvre de la culture, tant les politiques culturelles l’ont négligée au cours des années passées.
L’abandon du Centre national de la musique (CNM), projet qui mettait pourtant d’accord la quasi-totalité de la filière, a été, à cet égard, emblématique. Outre cela, le manque de considération envers la musique, et notamment les musiques actuelles, a des racines profondes.
En 2006, c’est un exemple parmi d’autres, un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) soulignait la marginalisation historique des musiques actuelles au sein du ministère de la culture. Si l’on ajoute à cela la situation hégémonique de la langue anglaise, on comprend aisément que les grands sacrifiés de cette politique sont tout particulièrement les artistes émergents d’expression francophone, qui sont pourtant indispensables au maintien de la diversité culturelle. Il nous a paru essentiel d’appeler votre attention sur la situation de ces artistes menacés par une précarisation et un isolement rampants, afin de souligner la nécessité d’une stratégie publique globale et cohérente pour les aider à émerger et à se développer dans la durée au sein de l’écosystème musical.
Bien sûr, des efforts ont été consentis par les pouvoirs publics, notamment au cours de ce quinquennat. Le Gouvernement et les députés de la majorité ont agi en faveur d’une plus grande considération des musiques actuelles, avec la création du crédit d’impôt pour le spectacle vivant ou la mise en place du plan pour les scènes de musiques actuelles (SMAC) par exemple. Mais ces mesures demeurent de loin insuffisantes, surtout si l’on compare ce soutien avec celui qui est aujourd’hui accordé à la filière cinématographique.
Or les enjeux sont les mêmes, voire plus considérables encore. Il faut tout d’abord rappeler le poids économique conséquent de la filière musicale, qui génère plus de 10 % du chiffre d’affaire des industries culturelles et créatives et 240 000 emplois, soit deux fois plus que le secteur du cinéma. Le soutien aux artistes émergents doit, à cet égard, être considéré comme un investissement d’avenir.
Surtout, la musique et les artistes émergents d’expression francophone en particulier sont à l’origine d’une richesse qui ne se mesure pas. C’est non seulement du maintien de la diversité culturelle qu’il est question, mais aussi de la préservation du lien social vis-à-vis duquel les arts jouent un rôle fondamental. En accompagnant les musiciens novices qui chantent en français, c’est notre patrimoine culturel que nous abondons et sauvegardons pour les années à venir. Cela revient aussi à garantir la diffusion de notre langue dans le monde, alors que la francophonie représente déjà un enjeu majeur amené à prendre encore davantage d’ampleur dans un futur proche.
Nous avons insisté, dans le cadre de ce travail, sur l’importance du droit d’auteur et du statut des intermittents, qui participent de notre exception culturelle. Il faut les défendre en priorité : ce sont les fondations indispensables de toute stratégie visant à soutenir les artistes émergents d’expression française. Sans droit d’auteur, sans statut stable, comment des musiciens, à la situation fragile par définition, peuvent-ils espérer prospérer durablement ? Ce qui vaut pour préserver la prospérité financière du secteur de la musique en général, vaut encore plus pour les acteurs les plus fragiles de ce milieu. Quand bien même nous financerions de multiples dispositifs pour aider les jeunes artistes à se former, l’absence d’une rémunération équitable en retour de l’exploitation de leurs œuvres les rendrait inopérants.
Il est difficile, aujourd’hui, de faire comprendre les principes du droit d’auteur et des droits voisins, tout particulièrement à la « génération du partage », expression sous laquelle on désigne les adolescents et jeunes adultes ayant grandi avec l’essor du numérique. La copie illicite est chez eux une pratique très répandue, et elle s’accompagne d’idées fausses sur le droit d’auteur, qui sont également présentes au sein de la Commission européenne, où l’on considère souvent le droit d’auteur comme un « obstacle » au grand marché numérique. Nous devons cependant être très prudents, car les conséquences d’un « détricotage » du cadre européen sur le droit d’auteur pourraient être extrêmement graves. L’exemple de l’Espagne, cité dans ce rapport, est particulièrement révélateur des conséquences que peut avoir la destruction du système de rémunération pour copie privée.
Au-delà des dangers qui pèsent sur les artistes émergents en raison de la remise en question du droit d’auteur, le rapporteur a cherché à comprendre les difficultés nouvelles auxquelles sont confrontés les jeunes artistes. Dans cette perspective, les auditions ont été extrêmement utiles pour prendre la mesure des évolutions de l’écosystème musical et de la façon dont elles impactent les trajectoires d’émergence.
Ces dernières ont évidemment été bouleversées par l’essor d’internet. Le web a pu les rendre à la fois plus rapides et plus indépendantes vis-à-vis du support physique que par le passé. Il suffit parfois d’une vidéo rencontrant le succès sur YouTube pour voir sa carrière décoller, de nombreux labels s’empressant de « signer » l’artiste s’étant ainsi fait remarquer. Mais de tels cas, mentionnés dans le rapport, s’ils ont un fort retentissement médiatique, ne sont finalement pas si fréquents. En effet, pour un artiste parvenant à percer grâce à internet, combien stagnent et ne parviennent pas à être entendus, faute d’un nombre de « vues » suffisant ?
Il faut par ailleurs mettre cette évolution en parallèle avec la crise du disque. Le rapporteur pour avis tient à souligner le fait que cette dernière est aussi due à des stratégies économiques choisies. Si le marché du disque s’est effondré de 50 % en quelques années, il faut rappeler que le disque représente encore 70 % des ventes de musique, ce qui n’est pas rien. De plus, le disque-objet, parce qu’il a une autre fonction, ne doit pas mourir.
Quoi qu’il en soit, une telle crise rend les producteurs particulièrement frileux lorsqu’il s’agit de « signer » des artistes inconnus du grand public. La plupart du temps, ces derniers sont amenés à se constituer une visibilité tout seuls. Selon l’expression du président du Fonds pour la création musicale (FCM), Laurent Rossi, les entreprises de production phonographique jouent donc moins le rôle de « pépinières » que d’« accélérateurs de particules » vis-à-vis d’artistes qui ont déjà un vivier de fans constitué.
Les mutations de l’écosystème musical ont des conséquences concrètes sur les débuts de carrière : plus isolés, les artistes émergents doivent souvent s’autoproduire, mais aussi se construire une image, gérer leur communication, acquérir des connaissances juridiques précises. Autant d’éléments qui les empêchent de se concentrer sur leur art et qu’une stratégie de soutien aux artistes émergents doit prendre en compte pour être véritablement efficace.
Un autre point essentiel est l’éducation artistique et musicale. Sans une politique volontariste en la matière, notre vivier d’artistes d’expression française a toutes les chances, à terme, de s’appauvrir. Certains pays ont fait de la pratique du chant ou d’un instrument de musique un pivot de leur système scolaire, et c’est tout le système éducatif qui en sort grandi : c’est le cas de la Finlande, étudié dans l’avis, mais aussi de la Suède ou de l’Allemagne.
Si plusieurs mesures ont été prises en faveur de l’éducation musicale en France, nous devons faire bien davantage pour atteindre les objectifs de la Charte présentée en juillet dernier par la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Audrey Azoulay. On pourrait notamment développer des opérations telles que l’« Orchestre à l’école » et la « Fabrique à Chansons », afin que chaque enfant, à la fin de son parcours scolaire, ait fait l’expérience d’un processus de création musicale. Une autre suggestion serait de donner les moyens à chacun des 7 100 collèges de France de développer un auditorium et un parc instrumental.
Si la musique doit être enseignée dès l’école pour donner envie aux créateurs de demain de faire de la musique, ces derniers ne pourront pourtant pas émerger durablement sans des dispositifs d’aide au développement efficaces et mis en cohérence. Il existe actuellement tout un ensemble de structures, allant du Fonds d’action et initiative rock (Fair) au Studio des variétés, en passant par le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma) ou encore l’incontournable Fonds pour la création musicale (FCM), qui ont pour mission de répondre à cet objectif.
Dans cet écosystème, les éditeurs de musique, dont le métier est mal connu et qui sont souvent confondus avec les éditeurs littéraires, occupent une place primordiale, mais trop souvent sous-estimée. En effet, l’éditeur prête des avances sur ses fonds propres à un artiste, il lui trouve des interprètes, des musiciens et, enfin, un label, une fois son projet abouti. Il n’attend pas, pour investir, que l’artiste soit « mûr » pour générer des revenus, comme c’est le cas du producteur, mais est présent, au contraire, en amont, alors que le créateur est encore largement méconnu. Une juste mesure serait de rendre éligibles les éditeurs au crédit d’impôt phonographique, qui bénéficie déjà aux autres catégories de métiers, comme les producteurs de disques.
Si ces structures sont si efficaces, c’est parce qu’elles mettent en relation des acteurs de la filière musicale encore trop souvent dispersés. Le projet de Centre national de la musique, qui devait créer des synergies en rassemblant le soutien à la musique enregistrée et au spectacle vivant dans un établissement public couvrant l’ensemble de la filière, aurait permis de regrouper une grande partie de ces dispositifs, qui ont le mérite d’exister et de bien fonctionner, mais qui restent inconnus d’une partie des artistes. Cette mission semble être désormais celle du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), qui devra néanmoins bénéficier de moyens humains et financiers suffisants pour devenir une véritable « maison commune » de la musique française.
Enfin, un aspect incontournable de l’émergence réside dans l’exposition ; ainsi, les scènes de musiques actuelles (SMAC), ainsi que les médias radio et télévision, sont indispensables pour assurer une bonne visibilité de l’artiste et lui permettre de percer. Il est difficile, aujourd’hui, pour les SMAC, d’assurer ce rôle, tant leurs moyens sont réduits par rapport aux autres scènes conventionnées. Il convient de remédier à cela en augmentant le montant de leurs subventions publiques.
Pour finir, l’audiovisuel public doit également être davantage mis à contribution, avec des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures décentes. C’est particulièrement le cas pour France Télévisions, où il manque aujourd’hui une émission intégralement consacrée à la musique, permettant de montrer des artistes émergents francophones, ainsi que des spectacles en direct. Radio France, souvent considéré comme le champion de la diversité, n’est pas non plus exemplaire : en effet, la diffusion d’œuvres musicales francophones est en recul quasiment sur l’ensemble de ses stations.
Ce travail a permis d’aborder un grand nombre de questions liées aux problématiques de la création et de l’émergence, qui ne laissent pas de doute sur la nécessité d’une approche globale de l’écosystème musical en la matière. Chaque maillon de la chaîne doit être examiné jusqu’à l’export, dont les problématiques sont abordées dans l’avis. C’est pourquoi la solution passe nécessairement par une stratégie publique ambitieuse allant du développement de la formation musicale dès l’école à l’octroi de moyens supplémentaires pour la filière de production, en passant par l’amélioration de l’exposition des nouveaux talents dans les médias publics. Vingt propositions sont ainsi formulées dans ce but. Ce procédé n’étant pas habituel dans le cadre d’un avis budgétaire, je vais les citer.
Proposition n° 1 : procéder à la gestion collective des droits issus de l’exploitation de la musique en ligne afin de remédier à la paupérisation et à l’isolement des artistes-interprètes.
Proposition n° 2 : veiller à la modification de la directive-cadre européenne sur le commerce électronique afin de mettre fin au laisser-faire fiscal dont bénéficient les géants du net.
Proposition n° 3 : développer les opérations « Orchestre à l’école » et « Fabrique à chansons » afin que chaque enfant, à la fin de son parcours scolaire, ait pu faire l’expérience d’un processus de création musicale.
Proposition n° 4 : donner les moyens aux 7 100 collèges français de développer un auditorium et un parc instrumental par établissement.
Proposition n° 5 : créer une option au baccalauréat, estampillée « musiques actuelles », où la chanson d’expression française serait mise à l’honneur.
Proposition n° 6 : faire de l’éducation musicale une matière à part entière, en développant la formation initiale et continue des enseignants et en favorisant le contact avec les musiciens intervenants.
Proposition n° 7 : accroître le soutien financier de l’État et des collectivités territoriales aux conservatoires et écoles de musique dans le but de favoriser leur accès.
Proposition n° 8 : doubler les subventions du Fair pour développer un dispositif qui a fait ses preuves dans le développement des artistes émergents et qui mérite d’être étendu à un plus grand nombre d’entre eux.
Proposition n° 9 : veiller à ce que le CNV, parmi ses autres missions, accompagne les artistes émergents d’expression francophone.
Proposition n° 10 : pour cela, supprimer le plafond de 30 millions d’euros à la taxe sur les spectacles, afin que le CNV dispose de davantage de ressources.
Proposition n° 11 : s’assurer de la rétroactivité du crédit d’impôt pour les entreprises de spectacles vivants musicaux, indispensable pour le secteur.
Proposition n° 12 : conditionner le bénéfice de ce crédit d’impôt au respect d’un critère de francophonie, comme c’est le cas pour le crédit d’impôt phonographique.
Proposition n° 13 : rendre le métier d’éditeur éligible au crédit d’impôt phonographique.
Proposition n° 14 : créer sur internet un portail public qui permettrait de présenter l’ensemble des artistes créateurs émergents d’expression française.
Proposition n° 15 : relever le plancher des subventions reçues par les SMAC de 75 000 à 150 000 euros, afin de les aider à accomplir leurs missions de service public.
Proposition n° 16 : préciser, dans le cahier des charges des SMAC, la nécessité de mieux accompagner les artistes émergents d’expression française.
Proposition n° 17 : imposer des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures d’écoute décentes sur les antennes de Radio France et surtout de France Télévisions.
Proposition n° 18 : augmenter le budget du Bureau export de la musique, afin de lui donner les moyens d’exploiter pleinement le potentiel économique de la filière musicale à l’international.
Proposition n° 19 : renforcer la coordination et la complémentarité entre les différents guichets d’aide à l’exportation et resserrer les liens entre le ministère des Affaires Étrangères et le Bureau export.
Proposition n° 20 : créer une antenne du Bureau export en Afrique afin d’exploiter le potentiel de la francophonie.
Voici, mes chers collègues, ce que j’avais à dire au nom et à la place de notre collègue Hervé Féron.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Patrimoines ». Mes chers collègues, comme le temps est compté aux rapporteurs et que la commission élargie sera l’occasion d’examiner les crédits du programme « Patrimoines » pour 2017, je consacrerai mon intervention à la présentation de la partie thématique de mon avis.
J’ai choisi de concentrer mon analyse sur la protection et la valorisation des monuments nationaux et sur l’action que mène le Centre des monuments nationaux (CMN).
Quelques mots d’abord de présentation sur le CMN, le réseau de monuments dont il a la charge et son mode de fonctionnement original.
Héritier de la Caisse nationale des monuments historiques, créée en 1914, le CMN est un établissement public, placé sous la tutelle du ministère de la culture, chargé de gérer quatre-vingt-dix-neuf monuments qui, hormis les six qui lui appartiennent en propre en vertu de legs ou de donations, appartiennent à l’État.
Ces monuments sont répartis sur l’ensemble du territoire ; certains sont aussi réputés que l’Abbaye du Mont-Saint-Michel, l’Arc de Triomphe, le Panthéon ou la Sainte-Chapelle, à Paris, le site mégalithique de Carnac ou le château d’Azay-le-Rideau, la Villa Savoye à Poissy ou les domaines nationaux de Rambouillet et de Saint-Cloud… Je citerai aussi la Villa Cavrois, qui date des années trente et a été conçue par l’architecte Robert Mallet-Stevens. Le livre magnifique, édité par le CMN, qui présente cette villa, montre la splendeur de ce monument, patrimoine du XXe siècle. D’autres sont moins connus. Je n’en ferai pas la liste, mais vous pourrez la consulter en annexe de mon avis. Ils illustrent tous, par leur diversité, la richesse exceptionnelle du patrimoine français de toutes les époques : sites archéologiques, grottes préhistoriques, abbayes, châteaux, maisons d’architectes du XXe siècle… Cela illustre tout à fait la spécificité de la culture et du patrimoine français. Ce sont des éléments extrêmement forts, constitutifs de l’histoire de notre pays, de son identité, de l’attractivité culturelle et touristique qu’exerce la France dans le monde.
Parmi les monuments gérés par le CMN, dix sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Certains sont inscrits en tant que sites uniques, comme le Mont-Saint-Michel, la cité et les remparts de Carcassonne, ou encore les cathédrales de Chartres et d’Amiens. D’autres le sont au titre d’inscriptions en série ou en « chemins », comme la place forte de Mont-Dauphin, au titre des fortifications de Vauban, le cloître de la cathédrale du Puy-en-Velay, au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, ou encore le château d’Azay-le-Rideau, au titre du classement du Val-de-Loire, paysage naturel et culturel classé.
Le CMN s’est également vu attribuer le projet de restauration de l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde, à Paris, qui permettra, à l’issue des travaux, l’ouverture au public des appartements du XVIIIe siècle des intendants du Garde-meuble, des appartements d’apparat du XIXe siècle, avec accès à la loggia donnant sur la place de la Concorde, ainsi qu’une présentation du patrimoine gastronomique français au rez-de-chaussée. Je rappelle que c’est dans cet hôtel qu’a été signé l’acte abolissant l’esclavage en 1848.
L’originalité du CMN réside dans son mode de fonctionnement en réseau, fondé sur une péréquation des ressources entre les monuments, qui implique une redistribution des « grands » vers les « petits » ; c’est ce qui permet au CMN d’ouvrir au public l’immense majorité des monuments, sans souci de rentabilité « individualisée ». Cette organisation en réseau se traduit également par un partage des compétences et la mutualisation de certains projets culturels
– expositions itinérantes dans plusieurs monuments, organisation de saisons, telle « l’année Saint-Louis », célébrée en 2014 dans huit monuments.
Ce modèle mutualisé a joué un rôle d’amortisseur significatif de la baisse de fréquentation enregistrée dans les monuments, comme dans les autres établissements culturels, après la vague d’attentats qui ont endeuillé notre pays en janvier et novembre 2015 et juillet 2016.
Après avoir accueilli 9,5 millions de visiteurs en 2014 et 9,2 millions en 2015, les monuments du réseau devraient en accueillir, d’après les dernières projections, de l’ordre de 8,5 millions en 2016, ce qui représente une baisse de 7 % sur un an et 10 % sur deux ans. Ce chiffre global cache des situations contrastées : si les recettes de la billetterie de l’Arc de Triomphe ou des tours de Notre-Dame à Paris ont accusé un net repli, avec une baisse de 30 % sur un an, plusieurs monuments en régions ont enregistré une progression marquée : c’est le cas des tours de La Rochelle, des remparts d’Aigues-Mortes, de la Villa Cavrois ou de la maison des mégalithes de Carnac. Il y a eu manifestement un déplacement du tourisme des Français vers la province, qui a en partie compensé le reflux des touristes étrangers, effrayés par les récents événements. Les chiffres de l’hôtellerie à Paris confirment ce reflux.
Le CMN ne ménage pas ses efforts pour redresser la fréquentation de ses monuments. Il a, depuis plusieurs années, noué des partenariats pour mieux les faire connaître à l’étranger, notamment avec Air France ; il est aussi présent dans les grands salons du tourisme international, aux côtés d’Atout France. Il s’assure également une présence très active sur internet et sur les réseaux sociaux, afin de toucher un public plus jeune.
Après cette rapide présentation du CMN et de son modèle original, j’en viens aux principaux défis qu’il doit relever. Le premier a trait à son financement, le second à la gestion de l’emploi.
En ce qui concerne son financement, le CMN est confronté à une difficulté particulière en matière de crédits d’investissement. Dans le cadre de la loi de finances pour 2007, le législateur a confié au CMN la charge, au-delà de ses activités traditionnelles de gestion des monuments, d’assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration des monuments nationaux qui lui ont été remis en dotation. Le CMN n’a été en capacité effective d’exercer cette compétence nouvelle qu’en 2010.
Il n’est pas question, pour moi, de remettre en cause cette mission nouvelle, qui permet au CMN de concevoir et de mettre en œuvre des opérations de restauration intégrées, prenant en compte tous les éléments patrimoniaux
– immobilier, mobilier et paysage –, ainsi que tous les points de vue
– conservation, médiation, valorisation, aménagement du territoire – afin d’obtenir la meilleure présentation du monument au public. J’ai pu mesurer les vertus d’un tel système lorsque je me suis rendu au château d’Azay-le-Rideau, où le CMN a engagé une très importante campagne de restauration globale, destinée à redonner tout son lustre à ce joyau de la Renaissance, que je vous engage tous, mes chers collègues, à aller visiter !
La difficulté à laquelle est confronté le CMN réside dans le fait que le transfert de la maîtrise d’ouvrage ne s’est pas traduit par la pérennisation d’une dotation budgétaire suffisante pour lui permettre de mener à bien tous ses projets de rénovation. Après 2007, le CMN, qui n’était pas en mesure de consommer tous ses crédits, s’est constitué un fonds de roulement anormalement élevé ; il a donc naturellement puisé dans ce fonds de roulement pour compléter la dotation de l’État réduite en raison de l’existence de ce fonds de roulement. Les chiffres précis figurent dans le projet d’avis qui vous a été remis. La perspective d’épuisement à venir du fonds de roulement rendra toutefois nécessaire une augmentation des crédits alloués au CMN, sauf à le contraindre, comme c’est déjà le cas, à reporter certaines campagnes de restauration.
Je me suis rendu au Panthéon où j’ai pu mesurer, d’abord, les travaux qui ont été réalisés sur le dôme mais, surtout, la nécessité de poursuivre l’ambitieuse campagne de restauration, dont seule la première phase a, pour l’heure, été réalisée : il faut encore consolider le péristyle, restaurer les façades et les décors intérieurs. Un travail sur l’organisation de l’accueil et les supports de médiation doit également être engagé. Le président du CMN estime que ces travaux pourraient être réalisés en sept ou huit ans, à condition que les crédits d’investissement du CMN soient portés à 30 millions d’euros chaque année.
Au-delà des querelles de chiffres – vous imaginez bien que le ministère n’a pas la même lecture des choses que le CMN –, je crois fondamental que le Centre des monuments nationaux puisse bénéficier, dans les années à venir, d’une plus grande visibilité sur les dotations de l’État afin de pouvoir engager, à l’image de ce qu’a pu faire l’établissement public en charge du château de Fontainebleau, dont j’ai rencontré le président Jean-François Hebert, un schéma directeur ou un programme pluriannuel de travaux. La rénovation des monuments s’inscrit nécessairement dans un temps long et la réalisation d’opérations globales bien construites en amont s’avère toujours moins coûteuse in fine.
Le second défi auquel est confronté le CMN a trait à la gestion de l’emploi, en raison de la coexistence de deux régimes juridiques distincts : des fonctionnaires titulaires sont affectés au CMN par le ministère de la culture, qui continue d’assurer le recrutement et la gestion de ces personnels, et des contractuels de droit public, recrutés directement par le CMN. Ce double régime se révèle très souvent source de difficultés dans le pilotage des emplois, comme dans les actes de gestion courante au sein des monuments.
Le CMN demande, depuis plusieurs années, que lui soit déléguée la responsabilité des différents actes de gestion à l’égard des personnels affectés, avec transfert de la masse salariale correspondante, à l’image de ce qui se pratique au Louvre depuis 2003. Pour le moment, le Centre des monuments nationaux n’a pas obtenu gain de cause. Pis encore pour lui, la loi récente relative à la déontologie des fonctionnaires, d’avril dernier, devrait conduire à réduire ses capacités de recrutement d’agents contractuels.
Je sais que le sujet est regardé de près au ministère et je plaide pour que le CMN obtienne gain de cause s’agissant de la gestion des titulaires affectés, tant cette question est source de difficulté au quotidien dans les monuments.
Le CMN joue désormais un rôle important sur les territoires en matière d’emplois induits et de tourisme. Ne pas doter le Centre des monuments nationaux des crédits dont il a besoin pour restaurer et entretenir correctement le patrimoine dont il a la charge apparaîtrait peu cohérent avec le souci affiché d’aménagement culturel des territoires.
Sans doute faut-il que le CMN développe encore davantage ses ressources propres et accentue ses recherches de mécénat, ce qu’il fait, d’ailleurs, en lançant des campagnes de mécénat participatif. Je vous engage, mes chers collègues, à aller consulter la page web : mapierrealedifice.fr ! Il n’est pas interdit aux députés, notamment de notre commission, de participer au mécénat en faveur du CMN. Je précise que le président Bélaval ne m’a pas chargé de passer ce message. Je le fais à titre personnel.
L’État ne saurait pour autant se désengager ni s’exonérer d’une programmation pluriannuelle des dotations, donnant une visibilité accrue au CMN.
Comme l’a estimé le Président de la République, en décembre 2014, à Chambord, « nous avons tout avantage à faire que le tourisme soit notre pétrole ». Encore faudrait-il ne pas en fermer le robinet, faute de crédits suffisants !
M. Stéphane Travert. Permettez-moi de me féliciter de la forte hausse des crédits dédiés à la mission que nous examinons, aujourd’hui, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Les programmes « Patrimoines », « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » bénéficieront de 173 millions d’euros de plus qu’en 2016, soit 6,9 % de hausse.
Ce budget, en hausse chaque année depuis 2015, s’inscrit dans un contexte marqué par des risques de division inédits dans notre histoire récente. La place de la culture doit donc être plus que jamais réaffirmée pour nous rassembler autour des valeurs de la République, parmi lesquelles la liberté de création, l’élargissement des horizons artistiques et l’ouverture à la jeunesse.
Avant d’évoquer plus longuement le programme « Patrimoines » et l’excellent rapport de notre collègue Michel Herbillon, permettez-moi de revenir sur le programme « Création » et le rapport d’Hervé Féron, magnifiquement présenté par M. Marcel Rogemont. Quelques points me semblent particulièrement importants à souligner.
Je commencerai par les 64 millions d’euros affectés à la politique d’éducation artistique et culturelle, soit 12 % de plus qu’en 2016. En tant que rapporteur de la mission d’information sur le marché de l’art, dont nous présenterons les conclusions, avec son président Michel Herbillon¸ le 16 novembre prochain, je soutiens particulièrement cette disposition en faveur de la jeunesse et de l’éducation à l’ouverture et à l’esprit critique.
Par ailleurs, 816 millions d’euros seront destinés aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), soit une hausse de 7 %. Ce budget vient rapprocher encore davantage la culture et les citoyens dans nos territoires.
Enfin, je rappelle que ce budget de soutien à la création permet de pérenniser les emplois pour les artistes et techniciens du spectacle vivant. C’est l’objet du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle, créé en 2016 et doté de 90 millions d’euros dans le budget pour 2017.
En ce qui concerne le programme « Patrimoines », je me félicite de la hausse de 30 millions d’euros prévue pour l’année 2017. Le programme « Patrimoines » finance les politiques de préservation et d’enrichissement du patrimoine culturel français, les musées, l’architecture, l’archéologie, les archives, le patrimoine immatériel, et comporte plusieurs priorités qui s’inscrivent, en 2017, dans un cadre renouvelé depuis l’adoption par notre assemblée de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP ».
La première priorité du programme « Patrimoines » en 2017 vise à rendre accessible et faire mieux comprendre à tous les publics le patrimoine sous toutes ses formes. Cet objectif est au cœur du projet national d’éducation artistique et culturelle, qui met l’accent sur les publics jeunes du champ social et le public familial de médiation. À titre d’exemple, il a été décidé d’ouvrir aux groupes scolaires trois établissements culturels majeurs – le musée d’Orsay, le musée du Louvre et le château de Versailles – le jour habituel de leur fermeture.
La deuxième priorité est de sauvegarder, protéger, mettre en valeur et enrichir ce patrimoine afin d’en assurer la transmission aux générations futures. La loi LCAP a permis de réaffirmer le rôle de l’État en matière de contrôle scientifique et technique de l’archéologie, de renforcer la lutte contre le trafic de biens culturels et de rendre plus opérationnelles les procédures de protection du patrimoine urbain et paysager. Enfin, 2017 permettra de généraliser les stratégies pluriannuelles régionales d’intervention en matière de monuments historiques.
Enfin, la troisième priorité consiste à améliorer le cadre de vie, non seulement en favorisant la protection et la mise en valeur des espaces de grande qualité patrimoniale mais, plus généralement, en encourageant la qualité architecturale sur l’ensemble du territoire – cela renvoie aux politiques de labellisation que nous avons renforcées dans la loi « LCAP ».
Monsieur Herbillon, vous vous êtes intéressé dans votre rapport à la protection et à la valorisation des monuments nationaux en proposant un regard tout à fait intéressant sur un opérateur sous tutelle du ministère, le Centre des monuments nationaux. Vous appuyant sur les auditions auxquelles vous avez procédé, dont celle de M. Philippe Bélaval, président de cet établissement depuis 2012, et sur les visites de terrain que vous avez effectuées, vous avez formulé nombre de problématiques et de préconisations sur lesquelles je vous propose de revenir brièvement.
Selon vous, le périmètre d’action du CMN est assez flou. Il s’est étendu à de nouveaux sites comme les sites préhistoriques alors que d’autres sites ont choisi l’indépendance à l’instar du château de Fontainebleau devenu établissement public administratif en 2009 selon le choix de Mme Christine Albanel, alors ministre de la Culture et de la Communication. Quels sont les avantages d’une telle indépendance selon vous ?
Le climat social au sein du CMN s’est apaisé depuis 2012, notamment grâce un rééquilibrage de son fonctionnement entre son siège parisien et les monuments, comme le souhaitait le ministère de la culture. Pouvez-vous nous indiquer quelle était la situation avant l’arrivée de son actuel président, M. Bélaval ?
Au cœur de votre rapport, vous soulignez le manque structurel de crédits destinés au Centre pour mener à bien ses missions. À juste raison, vous indiquez que la baisse de fréquentation, liée principalement aux attentats de 2015-2016, a amputé une partie de ses recettes de billetterie. D’autre part, vous soulignez que le transfert de la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration au Centre n’aurait pas été accompagné par une dotation budgétaire suffisante, ce qui a entraîné le report de certaines campagnes de restauration. Néanmoins, vous indiquez qu’« hors hôtel de la Marine, la programmation de travaux reste, avec 31 millions d’euros de crédits engagés, encore élevée en 2016 ». Ne pensez-vous pas qu’il s’agit d’une vision paradoxale de la situation ?
Enfin, vous préconisez la clarification du régime de l’emploi entre agents titulaires du ministère et contractuels du CMN. Sachez que je partage cette vision, indispensable pour le bon fonctionnement de cet établissement.
Les Français aiment leur patrimoine et nous constatons un attachement profond de la Nation à ses monuments et jardins. C’est un trait d’union avec notre histoire qui traduit un désir de culture partagé par tous. S’efforcer de regarder le présent avec l’œil de l’avenir en établissant un continuum entre la création et le patrimoine, c’est la meilleure façon de favoriser l’une et l’autre. C’est pourquoi nous nous félicitons au sein du groupe Socialiste, écologiste et républicain du budget volontariste de la mission « Culture » qui nous est soumis cette année.
Mme Annie Genevard. Monsieur Herbillon, vous avez souhaité consacrer votre avis au Centre des monuments nationaux qui constitue l’un des établissements publics culturels les plus importants de l’État puisqu’il a la responsabilité de la conservation, de la restauration et de la présentation au public de 99 monuments et près de 110 000 biens culturels de notre pays. Le président du CMN l’a déclaré publiquement : chaque sortie du périmètre de compétence de l’établissement est vécue de l’intérieur comme un traumatisme – pensons à Chambord ou au Haut-Kœnigsbourg. Il estime avoir fait du changement du périmètre un tabou tout en restant ouvert à de nouvelles entrées.
Pour votre part, monsieur le rapporteur, vous estimez avant tout qu’un nouveau changement de périmètre risquerait surtout de remettre en cause l’équilibre financier de l’établissement qui repose sur une péréquation des ressources. Cet équilibre est fragile, comme vous le démontrez fort bien. Le fonctionnement en réseau permet aux « gros » monuments de financer la renaissance des « petits » grâce à la mutualisation des projets, des moyens et des compétences. Ce modèle doit être absolument soutenu, car il constitue une garantie forte pour notre patrimoine en matière d’unité, de dynamisme et de protection. Nous avons besoin d’un CMN solide qui garantisse une gestion publique de nos monuments et qui forme un rempart contre les risques de fermeture ou de cession non maîtrisée de notre patrimoine. Dans le contexte post-attentats que nous connaissons, le CMN déplore une baisse de fréquentation et, par conséquent, une baisse de ressources propres, ce qui le rend vulnérable.
Vous dénoncez par ailleurs une sous-budgétisation de ses crédits destinés à l’investissement depuis 2009 : une dotation de 18,9 millions d’euros est programmée pour 2017 alors que 30 millions d’euros seraient nécessaires selon vous. Vous tirez la sonnette d’alarme parce que l’État a laissé le CMN compenser la sous-budgétisation de ses crédits par des prélèvements sur son fonds de roulement qui arrive à épuisement.
Dès l’année prochaine, plusieurs chantiers de restauration pourraient être ajournés et reportés, menaçant ainsi tout un secteur économique. Or le CMN est bon gestionnaire, il l’a prouvé : il a su élargir ses missions et accueillir dans son giron de nouveaux monuments qui constituent autant de défis. Il faut en effet lui donner les moyens d’agir.
Vous proposez de donner à l’établissement une visibilité de ses dotations sur plusieurs années, sur le modèle des contrats d’objectifs et de moyens, afin de lui permettre de rationaliser ses campagnes de restauration. Avez-vous eu l’occasion de faire part de vos propositions au ministère ? Quels échos avez-vous pu avoir à ce sujet ?
J’en viens aux crédits consacrés à la création. Nous partageons les regrets exprimés par notre collègue Hervé Féron sur l’absence d’ambition de ce quinquennat pour la musique, sur l’abandon du Centre national de la musique, beau projet – certes gourmand en crédits budgétaires –, et sur le désengagement de l’État à l’égard des conservatoires. Le rapporteur note lui-même la dégringolade de 50 % des crédits entre 2012 et 2015. Nous ne pouvons que souscrire à sa proposition n° 7.
En revanche, la proposition n° 1, qui consiste à procéder à la gestion collective des droits issus de l’exploitation de la musique en ligne, nous pose question. D’abord, les sociétés d’artistes ne s’appuient pas toutes sur le même modèle de gestion, tant s’en faut. Vous avez certainement eu connaissance du constat de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits à ce sujet : elle pointe un niveau de trésorerie anormalement élevée au détriment des ayants droit. La gestion collective a un coût, qui rogne nécessairement les revenus de l’artiste. Surtout, cette proposition reviendrait à complexifier la gestion des droits et à multiplier les interlocuteurs – plateformes, sociétés de perception, producteurs. Nous ne pensons pas que l’avenir de la musique et de l’offre légale en ligne passe par des modes de gestion qui risquent de se retourner contre les artistes eux-mêmes.
Concernant le soutien aux artistes émergents, nous avions pu nous retrouver lors des débats de la loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » sur la nécessité de renforcer les quotas francophones. Vous proposez entre autres de renforcer les obligations du service public en matière de nouvelles chansons francophones, notamment pour ce qui est de la diffusion à des heures décentes. Cela va dans le bon sens.
Mme Sandrine Doucet. Je remercie en premier lieu les rapporteurs pour la qualité des travaux qu’ils viennent de nous présenter. Le Premier ministre m’a récemment confié une mission parlementaire ayant pour objet la valorisation et l’évaluation de la mise en œuvre des pratiques artistiques et culturelles au profit des projets éducatifs territoriaux (PEDT) des écoles des quartiers prioritaires et, dans le rapport de M. Féron, je me suis plus particulièrement intéressée à la partie consacrée à l’éducation musicale dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle (EAC).
Le rapporteur cite l’exemple de la Finlande qui a développé une éducation musicale ambitieuse. Dispensés dès l’école primaire, les cours de musique, d’une heure au minimum par semaine, peuvent être complétés par d’autres options. Ces options sont-elles uniquement musicales ou plus largement artistiques au sens du parcours d’éducation artistique et culturelle instauré par la loi pour la refondation de l’école ?
L’éducation artistique est un fantastique vecteur de culture, de compréhension entre les individus et de lien social. C’est un outil au service des apprentissages qui fait travailler la langue, la mémoire, l’expression, le numérique. Le rapport cite divers exemples comme les actions organisées par l’association « Orchestre à l’école » ou le programme DEMOS – Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale – initié par La Philharmonie de Paris. Lors des déplacements que j’ai effectués dans le cadre de ma mission, j’ai pu découvrir d’autres actions, plus locales, comme à Pantin autour de la chanson française ou à Perpignan autour de la Casa musicale, lieu de partage multiculturel.
L’avis évoque la création d’une option « Musiques actuelles » au baccalauréat, proposition intéressante à condition qu’elle concerne tous les types de musique comme le rapporteur le suggère. J’ai pu constater que dans les quartiers prioritaires, l’éducation musicale se résume trop souvent au seul hip-hop, comme si les jeunes de ces quartiers n’avaient pas d’autres envies, d’autres penchants, d’autres appétences. Pensez-vous que l’enseignant en charge de ces cours devrait les dispenser seul ou entouré d’intervenants extérieurs ? Comment, dans cette deuxième hypothèse, assurer sur tout le territoire, notamment en zone rurale, un égal accès à la richesse des styles musicaux proposés ?
Notre collègue Michel Herbillon souligne dans son avis la capacité de nos monuments nationaux à attirer des touristes et à produire de la richesse. En quoi pourraient-ils contribuer à créer du lien social et constituer des lieux d’acculturation pour les jeunes publics ? Comment s’inséreraient-ils dans les parcours d’éducation artistique et culturelle ?
M. Christophe Premat. Je m’intéresserai plus particulièrement à ce qui relève du rayonnement international de la France dans les deux avis.
Je partage le diagnostic posé par notre collègue Hervé Féron sur la rémunération équitable. Nous avons pu aborder cette question complexe mais nécessaire à plusieurs reprises au cours des dernières années. Il est bon de la poser à nouveau. Il faut saluer la méthodologie adoptée par le rapporteur qui consiste à appeler l’attention non sur le patrimoine musical mais sur la valorisation des scènes vivantes. En cela, je me félicite de l’augmentation du budget alloué au Bureau export de la musique, qui passera en 2017 à 4,5 millions d’euros, contre 3,2 millions en 2015. Cette association mène une action précieuse, notamment en favorisant la diffusion d’un répertoire essentiel et en participant à l’élaboration de projets autour des musiques urbaines à l’étranger.
Parmi les propositions formulées à la fin du rapport – qui dépassent le cadre du simple avis budgétaire –, je me réjouis que beaucoup aient trait à la francophonie, d’autant que la francophonie musicale a pu être mise en valeur à travers la nomination récente de l’artiste camerounais Manu Dibango comme Grand témoin de la francophonie. Pour la valorisation du spectacle vivant, n’aurions-nous pas intérêt à travailler de plus près encore avec l’Organisation internationale de la francophonie qui, dans son budget, prévoit le financement de telles initiatives ?
Dans le rapport de notre collègue Michel Herbillon, il est beaucoup question de restauration et de création, mais un peu moins de valorisation. Atout France a créé des parcours culturels pour mettre en valeur notre patrimoine. Il me semblerait important d’explorer la piste de la coopération décentralisée, car cet organisme a des moyens très limités à l’étranger.
Mme Colette Langlade. Nous pouvons collectivement nous réjouir de voir le budget de la culture croître dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017. Il viendra irriguer les bibliothèques, il contribuera à protéger et à défendre notre patrimoine et facilitera, par un doublement de moyens, l’accès à l’éducation artistique et culturelle, autant d’objectifs qui justifient amplement cette augmentation des crédits.
Pour ma part, je me réjouis des propositions formulées par le rapporteur pour avis pour développer les scènes de musique actuelle (SMAC)
– particulièrement en territoire rural –, qui passent, notamment, par un relèvement du plancher des subventions reçues de 75 000 euros à 150 000 euros. Cela viendrait conforter le plan de rénovation du réseau de ces salles, qui concourent au rayonnement de la chanson francophone et à la valorisation des nombreux talents. Je tiens à citer ici le Rocksane de Bergerac en Dordogne, qui contribue à l’attractivité du territoire.
Monsieur Rogemont, je souhaiterais connaître votre avis sur la densité des SMAC, notamment dans le cadre de la stratégie publique d’aide au développement des jeunes talents ? Des demandes particulières ont-elles émergé des auditions menées par le rapporteur Hervé Féron ?
M. Christian Kert. Quand on lit l’encadré consacré dans le rapport de Michel Herbillon à l’Hôtel de la Marine, l’opération de reconversion paraît extrêmement simple. J’ai l’impression que les choses sont plus complexes en réalité, qu’il s’agisse des différents niveaux d’intervention ou de l’étage consacré à l’excellence de la gastronomie française. Tout cela donne l’impression d’un mélange des genres. Que vient faire la gastronomie française dans ce projet ? Je ne suis pas le seul à me le demander : une étude parlait du passage « du garde-meuble au garde-manger ». Le rapporteur pourrait-il nous éclairer ?
Merci à nos deux rapporteurs pour la qualité de leurs avis, qui mettent en avant la progression du budget de la Culture pour cette année.
M. Michel Pouzol. Notre collègue Michel Herbillon me pardonnera, je l’espère, de concentrer mon intervention sur le rapport de M. Hervé Féron et plus précisément sur deux de ses propositions auxquelles j’aimerais revenir.
La proposition n° 17 vise à imposer des objectifs de production et de diffusion de nouvelles chansons francophones à des heures décentes sur les antennes de Radio France et surtout de France Télévisions. Plutôt que de contraindre, ne vaudrait-il pas mieux prévoir l’organisation d’un débat avec les producteurs de musique dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions ? Certes, le groupe public a consenti des efforts notables depuis quelques années avec le retour de Taratata ou la mise en valeur des modules Alcaline mais ceux-ci restent insuffisants.
La proposition n° 18 vise à augmenter le budget du Bureau export de la musique. Ne pourrait-on pas promouvoir plutôt une refonte totale du financement de cet organisme ? L’industrie musicale française exporte plutôt bien mais elle aurait besoin d’une structuration de plus grande envergure à l’international, à l’instar de l’industrie cinématographique avec Unifrance et ses divers partenaires.
M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis suppléant. Si vous le permettez, monsieur le président, je commencerai par quelques remarques personnelles sur le rapport d’Hervé Féron.
Il pose de légitimes questions sur la structuration de la filière musicale, en désignant les résultats probants de l’organisation de la filière cinématographique comme un exemple. Ce travail d’édification du secteur musical est devant vous et l’exemple du secteur cinématographique constitue notre « étoile polaire ». Dire que les relations enfin fraternelles et harmonieuses entre la SPEDIDAM et l’ADAMI constituent une base active pleine d’avenir pour l’industrie musicale est faible. La fusion de ces deux filières de perception place la nouvelle entité au premier rang des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) au niveau européen et facilitera grandement l’objectif affiché par Hervé Féron. J’ajouterai que nous devons être attentifs à l’évolution du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) afin de faire prospérer une ambition plus large pour cette institution.
J’en viens aux questions, en précisant que j’aurai peut-être peine à me substituer à notre rapporteur Hervé Féron pour répondre à certaines d’entre elles.
Madame Genevard, je tiens à vous préciser que les financements des conservatoires et écoles de musique ont été renforcés, même si ce n’est que récemment.
S’agissant de la proposition n° 1, je rappelle que l’article 10 de la loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine » crée le principe d’une garantie minimale de rémunération pour les artistes-interprètes dont les œuvres sont exploitées sur internet.
Madame Doucet, l’option « Musiques actuelles » pour le baccalauréat pourrait s’approcher de l’option théâtre, et reposer sur l’intervention d’artistes. Je vous remercie d’avoir évoqué les initiatives mises en œuvre par certains établissements, moins connues que celles citées dans l’avis de notre collègue Hervé Féron. Quant aux parcours d’éducation artistique et culturelle instaurés par la loi pour la refondation de l’école, ils prévoient une rémunération pour les artistes intervenants. Enfin, pour ce qui est de votre question sur l’organisation des enseignements artistiques en Finlande, nous vous ferons parvenir une réponse dès que nous disposerons des informations demandées.
Monsieur Premat, la réorganisation de nos ambassades, ambitieux projet mené depuis le début de la législature, devra permettre une meilleure collaboration entre les acteurs des dispositifs qui assurent le développement de la francophonie.
Madame Langlade, vous nous avez demandé si la densité des SMAC nous paraissait suffisante. Plus que la multiplication de ces scènes, c’est l’affirmation de leur rôle qui nous paraît importante. C’est la raison pour laquelle le rapporteur a proposé une mesure ambitieuse – très ambitieuse, même – de relèvement du plancher des subventions, destinée notamment à soutenir les SMAC dans leur fonction d’accompagnement des jeunes talents.
Monsieur Pouzol, s’agissant de la proposition n° 17, je dois vous rappeler que notre commission a souhaité que l’élément que vous citez ne figure plus dans les objectifs du COM de France Télévisions. Quant au Bureau export musique, il est largement financé par le secteur privé et il fonctionne bien : mieux vaut ne pas revenir là-dessus.
M. le président Patrick Bloche. Monsieur Rogemont, ce n’est pas notre commission en tant que telle qui a agi sur le COM de France Télévisions, c’est la négociation avec le ministère qui a abouti à ces résultats.
M. Marcel Rogemont, rapporteur pour avis suppléant. En effet, mais c’est notre commission qui a mis en avant la nécessité de réduire le nombre d’objectifs.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Je remercie M. Stéphane Travert d’avoir appuyé mes remarques s’agissant de l’investissement et de l’emploi au sein du CMN. Il y a une véritable nécessité de clarifier le régime de l’emploi au sein de cet établissement.
J’aimerais, comme vous l’avez fait, revenir sur l’évolution des crédits dédiés au patrimoine. Si le budget s’accroît cette année, à périmètre constant, de 6,9 %, je voudrais souligner le fait que le constat est plus nuancé sur l’ensemble de la législature. Les crédits consacrés au patrimoine monumental ont chuté en cinq ans de 11 % ; les crédits des musées, de 5 % ; ceux des archives, de 40 %. Il ne faut pas oublier la saignée très forte qu’a subie le budget de la culture pendant les deux premières années du quinquennat, avant l’arrivée à Matignon de M. Manuel Valls.
En ce qui concerne l’éducation culturelle et artistique, évoquée par nos collègues Stéphane Travert et Sandrine Doucet, je veux regretter qu’il n’y ait plus de convention entre le ministère de l’Éducation nationale et le CMN depuis 2013. Peut-être que la visibilité que nous donnons au Centre dans le cadre de la discussion budgétaire permettra au ministère de se ressaisir. Pour l’heure, c’est le CMN qui finance sur ses fonds propres les missions d’éducation artistique et culturelle, hors mise à disposition de professeurs-relais.
Je partage le point de vue de M. Stéphane Travert selon lequel le patrimoine est un élément fédérateur : il constitue un repère pour nos concitoyens, y compris dans les villes de banlieue – je peux en porter témoignage en tant que maire de Maisons-Alfort, riche en bâtiments des années trente. Le patrimoine contribue à rassembler autour de valeurs qui constituent une part de l’identité de notre pays, il est important de le souligner. En cela, chère Sandrine Doucet, le patrimoine est créateur de lien social.
Le patrimoine repose néanmoins sur un équilibre fragile. Je remercie Mme Annie Genevard de son soutien au modèle original du CMN, fondé sur la péréquation des ressources entre monuments très réputés et d’autres qui le sont moins. La baisse de fréquentation a induit une certaine vulnérabilité des ressources propres. Toutefois, le CMN a été plutôt moins touché que d’autres établissements : d’une part, parce que le réseau des monuments dont il a la charge s’étend sur l’ensemble du territoire ; d’autre part, parce qu’il développe d’autres types de ressources. Il faut lui donner les moyens d’agir, vous avez raison d’insister sur ce point. Lui permettre de disposer d’une plus grande visibilité sur l’évolution pluriannuelle de ses ressources est indispensable, compte tenu des actions de rénovation et de restauration qu’il mène. L’audition de M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines, me laisse penser que cette demande sera favorablement accueillie par le ministère de la culture.
Monsieur Premat, vous soulignez l’importance de la valorisation des monuments nationaux à l’étranger. Atout France disposant de moyens limités, il serait bon de s’appuyer sur les réseaux diplomatiques et les instituts français. En évoquant la coopération décentralisée, peut-être suggériez-vous de développer des partenariats entre les monuments nationaux français et les monuments à l’étranger ? Cela me paraît être une idée intéressante.
Monsieur Kert, l’avenir de l’hôtel de la Marine a fait l’objet de beaucoup de polémiques, dont nous sommes fort heureusement sortis. Je dois vous dire que je suis plutôt confiant dans le projet de rénovation retenu. Le programme de restauration est clairement identifié. Il fait partie des priorités du Centre des monuments nationaux et de son président Philippe Bélaval et l’on peut penser à bon droit qu’une attention particulière y sera portée, compte tenu de l’extrême visibilité de ce bâtiment, qui donne sur la place de la Concorde. Je dois préciser que la restauration de la galerie extérieure, menée dans le cadre d’une opération de mécénat du groupe Bouygues, est déjà achevée. La mise en valeur du mobilier fait partie intégrante du projet actuel. Certaines salles, comme celle où fut signé le décret d’abolition de l’esclavage, conserveront leur configuration. Une autre partie du projet, qui n’est pas encore totalement finalisée, vise à mettre en valeur la place qu’occupe la gastronomie dans notre histoire et dans notre culture. Au rez-de-chaussée, dans la partie donnant sur la cour, un restaurant sera ouvert avec la participation de chefs emblématiques. Je tiens ici à rappeler que la gastronomie fait partie intégrante de notre patrimoine culturel – le repas gastronomique des Français a été inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO, comme vous le savez – et qu’elle constitue un élément de l’attractivité culturelle de la France qu’il ne faut pas négliger.
Je termine par Fontainebleau. Le bilan que l’on peut tirer de son autonomie est très globalement positif. Cela a permis de simplifier la gestion et l’administration de l’édifice, de renforcer l’unité de gestion des collections, des bâtiments et du domaine de Fontainebleau, de responsabiliser l’établissement et de favoriser son développement culturel, scientifique et économique. La fréquentation annuelle s’est très sensiblement accrue, passant de 350 000 visiteurs avant 2009 à 520 000 en 2014.
Le président de l’établissement public, Jean-François Hébert, a beaucoup insisté sur le fait que la prise de décisions avait été rendue bien plus aisée par ce nouveau statut. L’élaboration du schéma directeur qui couvre les années 2015 à 2026 permet au président et à ses équipes d’avoir une plus grande visibilité de moyen terme s’agissant de l’usage des crédits de rénovation. Le château de Fontainebleau a pu également nouer des partenariats exemplaires avec les collectivités territoriales, qui ont permis l’installation en mars 2015 du pôle d’excellence du tourisme de Seine-et-Marne dans le quartier Henri IV. Enfin, l’autonomie que permet le statut a favorisé le choix du château de Fontainebleau comme lieu d’accueil, depuis 2011, du Festival de l’histoire de l’art, en association avec le ministère de la culture et l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Un service de compétence nationale aurait sans doute eu plus de peine à faire aboutir ce type d’initiative.
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède le mardi 8 novembre 2016, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, sur les crédits pour 2017 de la mission « Culture » (42).
À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2017 de la mission « Culture ».
M. le président Patrick Bloche. Nous ne sommes saisis d’aucun amendement. Je demande aux rapporteurs pour avis de rappeler leur position sur les crédits.
M. Hervé Féron, rapporteur pour avis sur les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Avis favorable.
Mme Dominique Nachury, suppléant M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « Patrimoines ». Abstention.
M. le président Patrick Bloche. Je consulte donc la Commission sur les crédits de la mission « Culture ».
La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».
ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS
(par ordre chronologique)
– Centre des monuments nationaux (CMN) – M. Philippe Bélaval, président, et Mme Bénédicte Lefeuvre, directrice générale.
– Établissement public du château de Fontainebleau – M. Jean-François Hebert, président.
– Ministère de la culture et de la communication – Direction générale des patrimoines – M. Vincent Berjot, directeur général, M. Jean-Michel Loyer-Hascoët, directeur-adjoint chargé du patrimoine, et M. Kévin Riffault, sous-directeur des affaires financières et générales.
ANNEXE 2 :
DÉPLACEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS
— Château d’Azay-le-Rideau, lundi 10 octobre 2016
Rencontre avec Mme Chrystelle Laurent, administratrice du monument, en présence de Mme Bénédicte Lefeuvre, directrice générale du CMN
— Panthéon, mercredi 19 octobre 2016
Rencontre avec M. Gaëtan Bruel, administrateur du monument, en présence de M. Philippe Bélaval, président du CMN
ANNEXE 3 :
CODE DU PATRIMOINE – DISPOSITIONS LÉGISLATIVES RELATIVES AU CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX (CMN)
« Article L. 141-1. – Le Centre des monuments nationaux est un établissement public national à caractère administratif.
Il a pour mission d’entretenir, conserver et restaurer les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d’en favoriser la connaissance, de les présenter au public et d’en développer la fréquentation lorsque celle-ci est compatible avec leur conservation et leur utilisation.
Par dérogation à l’article L. 621-29-2, il peut également se voir confier la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration sur d’autres monuments historiques appartenant à l’État et affectés au ministère chargé de la culture.
Il est administré par un conseil d’administration et dirigé par un président nommé par décret. Le conseil d’administration est composé de représentants de l’État, notamment de membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, de personnalités qualifiées, parmi lesquelles figurent des élus locaux et de représentants élus du personnel.
Les ressources de l’établissement comprennent notamment les dotations de toute personne publique ou privée, le produit des droits d’entrée et de visites-conférences dans les monuments nationaux, les recettes perçues à l’occasion des expositions et des manifestations artistiques et culturelles, le produit des droits de prises de vues et de tournages, les redevances pour service rendu, les dons et legs et toute autre recette provenant de l’exercice de ses activités.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »
ANNEXE 4 :
LISTE DES MONUMENTS NATIONAUX DONT LE CMN À LA CHARGE
Aquitaine
– Site archéologique de Montcaret
– Château de Puyguilhem
– Abri de Laugerie-Haute
– Abri de Cap-Blanc
– Abri du Poisson
– Gisement de La Ferrassie
– Gisement de La Micoque
– Gisement du Moustier
– Grotte de Font-de-Gaume
– Grotte des Combarelles
– Grotte de Teyjat
– Tour Pey-Berland à Bordeaux
– Château de Cadillac
– Abbaye de la Sauve-Majeure
– Grotte de Pair-non-Pair
Auvergne
– Château de Chareil-Cintrat
– Cloître de la cathédrale du Puy-en-Velay
– Château d’Aulteribe
– Château de Villeneuve-Lembron
Bourgogne
– Château de Bussy-Rabutin
– Abbaye de Cluny
– Chapelle de Berzé
Bretagne
– Maison d’Ernest Renan à Tréguier
– Grand Cairn de Barnenez
– Sites mégalithiques de Carnac
– Site des mégalithes de Locmariaquer
Centre
– Crypte et tour de la cathédrale de Bourges
– Palais Jacques Cœur à Bourges
– Tour de la cathédrale de Chartres
– Château de Châteaudun
– Château de Bouges
– Maison de George Sand à Nohant
– Cloître de la Psalette à Tours
– Château d’Azay-le-Rideau
– Château de Fougères-sur-Bièvre
– Château de Talcy
Champagne-Ardenne
– Château de la Motte Tilly
– Palais du Tau à Reims
– Tours de la cathédrale de Reims
Franche-Comté
– Cathédrale de Besançon et son horloge astronomique
Paris
– Conciergerie
– Domaine national du Palais-Royal
– Sainte-Chapelle
– Hôtel de Béthune-Sully
– Hôtel de la Marine
– Colonne de Juillet
– Tours de la cathédrale Notre-Dame
– Panthéon
– Musée des Plans-Reliefs
– Arc de triomphe
– Chapelle expiatoire
Île-de-France
– Château de Champs-sur-Marne
– Domaine national de Rambouillet
– Villa Savoye à Poissy
– Château de Maisons
– Domaine national de Saint-Cloud
– Maison des Jardies à Sèvres
– Basilique cathédrale de Saint-Denis
– Château de Vincennes
– Château de Jossigny
Languedoc-Roussillon
– Château et remparts de la cité de Carcassonne
– Tours et remparts d’Aigues-Mortes
– Fort Saint-André de Villeneuve-lez-Avignon
– Site archéologique et musée d’Ensérune
– Château de Lunas
– Forteresse de Salses
Midi-Pyrénées
– Site archéologique de Montmaurin
– Château de Castelnau-Bretenoux
– Château d’Assier
– Château de Montal
– Château de Gramont
– Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue
Nord-Pas-de-Calais
– Colonne de la Grande Armée à Wimille
– Villa Cavrois
Basse-Normandie
– Abbaye du Mont-Saint-Michel
– Château de Carrouges
Haute-Normandie
– Abbaye du Bec-Hellouin
Pays-de-la-Loire
– Château d’Angers
– Maison de Georges Clemenceau à Saint-Vincent-sur-Jard
Picardie
– Château de Coucy
– Château de Pierrefonds
– Tours de la cathédrale d’Amiens
Poitou-Charentes
– Tours de la Lanterne, Saint-Nicolas et de la Chaîne à La Rochelle
– Château d’Oiron
– Abbaye de Charroux
– Site gallo-romain de Sanxay
Provence-Alpes-Côte d’Azur
– Place forte de Mont-Dauphin
– Trophée d’Auguste à La Turbie
– Monastère de Saorge
– Château d’If
– Abbaye de Montmajour
– Site archéologique de Glanum
– Hôtel de Sade
– Abbaye du Thoronet
– Cloître de la cathédrale de Fréjus
– Fort de Brégançon
– Villa Kérylos
Rhône-Alpes
– Monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse
– Château de Voltaire à Ferney