N° 4126
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2017,
TOME VIII
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
RECHERCHE
Par M. Vincent LEDOUX,
Député.
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 4061, 4125 (annexe n° 37).
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. L’ÉVOLUTION MESURÉE DES CRÉDITS DE LA RECHERCHE POUR 2017 7
A. LES CRÉDITS DE LA RECHERCHE EN LÉGÈRE AUGMENTATION 7
B. LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE, SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE PLURIDISCIPLINAIRE, SPATIALE ET AGRICOLE EN HAUSSE 10
C. L’ÉVOLUTION CONTRASTÉE DES CRÉDITS DE LA RECHERCHE CULTURELLE ET DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE 15
D. LA STABILITÉ TROMPEUSE DES AUTRES PROGRAMMES DE LA MIRES 16
II. LA MALADIE D’ALZHEIMER ET LE DIABÈTE : DEUX ENJEUX MAJEURS DE RECHERCHE 19
A. LA FORTE PRÉVALENCE FUTURE DE CES PATHOLOGIES A CONDUIT À UN EFFORT DE RECHERCHE CONSÉQUENT 19
1. Les maladies neurodégénératives et métaboliques : des enjeux de recherche majeurs 19
2. Un effort de recherche conséquent depuis quinze ans dans les deux domaines 21
a. La recherche sur la maladie d’Alzheimer en progrès grâce à des plans successifs assurant un financement de moyen terme 21
b. Des équipes de recherche de visibilité internationale dans le domaine du diabète 24
B. LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE CETTE POLITIQUE D’INVESTISSEMENT À LONG TERME 25
1. Pérenniser, au-delà de 2019, les structures nées dans le cadre du PIA 25
2. La nécessité d’investir massivement dans de nouvelles méthodes d’expérimentation, de recherche et de traitement des données 28
3. La recherche médicale entravée par des lourdeurs administratives et réglementaires 29
TRAVAUX DE LA COMMISSION 33
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 55
L’évolution des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » constitue un enjeu capital pour l’avenir de notre économie. Au sein de cette mission qui est l’une des plus importantes du budget de l’État, les crédits dédiés à la recherche publique et au soutien à la recherche privée doivent faire l’objet d’une attention particulière, en ce qu’ils conditionnent la capacité de la France à maintenir une recherche de haut niveau, susceptible de se traduire par des applications concrètes améliorant la compétitivité des entreprises comme la qualité de vie des citoyens.
La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) connaît une hausse mesurée par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2016. En effet, ceux-ci s’établissent cette année à 27,12 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 27,02 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation respective de 3,13 % et 3,16 % par rapport à 2016. L’évolution des crédits est même légèrement plus favorable si l’on neutralise les changements de périmètres intervenus par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 (1).
Au sein de la MIRES, les crédits de la recherche connaissent une hausse de 3,21 % des autorisations d’engagement et de 2,14 % des crédits de paiement. Le rapporteur devrait se féliciter de ce que, contrairement aux années passées, le budget de la recherche affiche une hausse globale. Pourtant, il ne peut qu’exprimer une vive inquiétude à l’égard de la pérennité d’une telle évolution à la veille d’une échéance électorale majeure, inquiétude du reste confirmée par la politique ambivalente conduite par le Gouvernement dans ce domaine. Ainsi, au cours du même mois, les annonces du Président de la République, M. François Hollande, en faveur de l’Agence nationale de la recherche étaient contrebalancées par la préparation d’un décret d’avance envisageant l’annulation des crédits de la recherche à hauteur de 256 millions d’euros.
Le présent projet de loi de finances traduit bien la tension qui existe au sein du pouvoir exécutif entre, d’une part, la nécessité de maintenir les crédits de la recherche à un niveau cohérent avec les ambitions de la France dans ce domaine et, d’autre part, la réalisation d’économies substantielles dans une perspective de réduction du déficit public.
Ainsi, si les crédits d’intervention de l’Agence nationale de la recherche augmentent de façon sensible, conformément aux engagements pris par le Président de la République, cette évolution – à laquelle le rapporteur ne peut qu’être favorable – est compensée par la reconduction de coupes budgétaires, notamment dans le domaine de l’énergie, de la recherche économique et industrielle et de la recherche duale.
Le rapporteur salue néanmoins la hausse des crédits affectés aux sciences humaines et sociales mais également aux sciences de la vie et de la santé. Il a, dans ce domaine, souhaité analyser de façon plus poussée la situation de la recherche médicale, à travers le prisme de deux pathologies appelées à se développer de façon massive au cours des décennies futures : le diabète et la maladie d’Alzheimer.
Force est de constater, dans ce domaine de recherche précis, que l’ambivalence du Gouvernement vis-à-vis du monde de la recherche trouve également à s’exprimer : en effet, alors qu’un plan portant sur les maladies neurodégénératives a été annoncé, aucun financement ne semble devoir l’abonder.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 69 % des réponses étaient parvenues. |
Les crédits spécifiquement dédiés à la recherche, au sein des programmes de la MIRES, s’établissent en 2017 à 14,41 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 14,34 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation respective de 3,21 % et 2,14 % (cf. tableau infra). Il convient, en outre, d’ajouter à ces crédits les dépenses fiscales consacrées à la recherche, dont le crédit d’impôt recherche (CIR). D’après les informations fournies au rapporteur, ces dépenses fiscales s’élèveraient à 6,14 milliards d’euros, dont 5,51 milliards d’euros pour le seul CIR.
L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA RECHERCHE ENTRE 2016 ET 2017
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme |
Crédits ouverts en LFI |
Crédits demandés |
Variation | |||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | |
150/ Formations supérieures et recherche universitaire (action 17) |
3 831,69 |
3 831,69 |
3 896,77 |
3 896,77 |
+ 1,70 |
+ 1,70 |
172/ Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
6 244,30 |
6 248,94 |
6 513,89 |
6 423,89 |
+ 4,32 |
+ 2,80 |
193/ Recherche spatiale |
1 371,72 |
1 371,72 |
1 478,08 |
1 478,08 |
+ 7,75 |
+ 7,75 |
190 / Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 718,07 |
1 724,07 |
1 718,05 |
1 724,05 |
0,00 |
0,00 |
192/ Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle (actions 2 et 3) |
454,61 |
521,47 |
463,48 |
476,98 |
+ 1,95 |
– 8,53 |
191/ Recherche duale |
180,07 |
180, 07 |
180,07 |
180,07 |
0,00 |
0,00 |
186/ Recherche culturelle et culture scientifique |
122,13 |
122,15 |
118,41 |
119,57 |
– 3,05 |
– 2,11 |
142/ Enseignement supérieur et recherche agricole (action 2) |
34,95 |
34,95 |
36,69 |
36,69 |
+ 4,96 |
+ 4,96 |
Total |
13 957,43 |
14 035,07 |
14 405,44 |
14 336,11 |
+ 3,21 |
+ 2,14 |
Source : Projet annuel de performances de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » pour 2017.
Si le budget de la recherche apparaît moins affecté par les réductions budgétaires que les années précédentes, il apparaît néanmoins que les résultats obtenus sous la précédente législature en termes d’effort de recherche ont été tout juste maintenus. Ainsi, l’effort de recherche de la France s’établit, pour 2015, à 2,23 % du produit intérieur brut (PIB), soit un montant équivalent à celui atteint en 2012 (cf. tableau infra). Dès lors, si la France fait partie des pays ayant une dépense intérieure de recherche et développement parmi les plus élevées, son effort de recherche demeure inférieur à celui de la Corée du Sud (4,29 %), du Japon (3,59 %), de l’Allemagne (2,90 %) et des États-Unis (2,74 % en 2013).
Il conviendra par ailleurs de prêter la plus grande attention à la gestion de ces crédits en cours d’exercice, le Gouvernement ayant montré, cette année, son intention de financer des mesures nouvelles relatives à l’emploi, à la sécurité sanitaire et à l’immigration par le biais d’une diminution des crédits de la MIRES. En effet, en mai dernier, un projet de décret d’avance entendait soustraire 256 millions d’euros à la mission « Recherche et Enseignement supérieur », par le biais de l’annulation de crédits mis en réserve, de crédits devenus sans emploi ou sans objet et, surtout, d’un prélèvement sur les crédits non mis en réserve de grands organismes de recherche tels le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) – à hauteur de 134 millions d’euros.
Face à l’avis défavorable rendu par la Commission des finances de l’Assemblée nationale et au « suicide scientifique et industriel » (2) dénoncé par la communauté scientifique, le Gouvernement a finalement renoncé à réaliser cette ponction sur les grands organismes de recherche. Le décret d’avance du 2 juin 2016 (3) a cependant opéré une réduction significative des crédits de certains programmes de la MIRES, en particulier le programme 193 relatif à la recherche spatiale, le programme 190 portant sur la recherche dans le domaine de l’énergie et le programme 192 relatif à la recherche et à l’enseignement supérieur en matière économique et industrielle. Au total, les crédits de la MIRES ont subi une diminution de 122 millions d’euros en AE et en CP en cours d’exercice budgétaire.
ANNULATIONS DE CRÉDITS APPLICABLES AUX PROGRAMMES DU BUDGET GÉNÉRAL OPÉRÉES PAR LE DÉCRET D’AVANCE DU 2 JUIN 2016 (EXTRAIT)
(en euros)
Intitulé de la mission et du programme |
Numéro du programme |
AE annulées |
CP annulés |
Recherche et enseignement supérieur |
122 062 799 |
122 064 098 | |
Formations supérieures et recherche universitaire |
150 |
50 181 605 |
50 181 605 |
Vie étudiante |
231 |
10 000 000 |
10 000 000 |
Recherche spatiale |
193 |
5 000 000 |
5 000 000 |
Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables |
190 |
23 068 804 |
23 068 804 |
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
192 |
26 050 000 |
26 050 000 |
Recherche culturelle et culture scientifique |
186 |
6 562 390 |
6 563 689 |
Enseignement supérieur et recherche agricoles |
142 |
1 200 000 |
1 200 000 |
Source : Décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.
Ce sont du reste ces mêmes programmes qui ont été affectés par une nouvelle diminution des crédits intervenue au début du mois d’octobre (4) : 20,86 millions d’euros en AE et 40,86 millions d’euros en CP ont ainsi été annulés sur les programmes 190, 192, 186 et 142 (cf. infra). Dès lors, l’augmentation annoncée des crédits de la recherche dans le cadre du présent projet de loi de finances pourrait n’être qu’une hausse de façade, si le Gouvernement entendait à nouveau opérer des coupes budgétaires sur les crédits de la MIRES au cours des mois à venir.
ANNULATIONS DE CRÉDITS APPLICABLES AUX PROGRAMMES DU BUDGET GÉNÉRAL OPÉRÉES PAR LE DÉCRET D’AVANCE DU 3 OCTOBRE 2016 (EXTRAIT)
(en euros)
Intitulé de la mission et du programme |
Numéro |
AE annulées |
CP annulés |
Recherche et enseignement supérieur |
20 855 679 |
40 855 679 | |
Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables |
190 |
10 349 659 |
10 349 659 |
Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
192 |
5 000 000 |
25 000 000 |
Recherche culturelle et culture scientifique |
186 |
776 000 |
776 000 |
Enseignement supérieur et recherche agricoles |
142 |
4 730 020 |
4 730 020 |
Source : Décret n° 2016-1300 du 3 octobre 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.
B. LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE, SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE PLURIDISCIPLINAIRE, SPATIALE ET AGRICOLE EN HAUSSE
● L’action 17 du programme 150, relative à la recherche universitaire, représente 29,4 % des crédits de ce programme. Dotée de 3,90 milliards d’euros en AE et CP, les crédits de la recherche universitaire connaissent une hausse de 1,70 % par rapport aux crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016.
Ces crédits sont distribués aux universités, aux écoles d’ingénieurs et aux autres opérateurs du programme par le biais de cinq alliances thématiques regroupant les acteurs publics et privés d’un même champ de recherche :
– l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) qui regroupe notamment les centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU), le CNRS, l’INSERM et l’Institut Pasteur ;
– l’alliance des sciences et technologies du numérique (ALLISTENE), qui couvre l’ensemble des sciences et technologies de l’information et de la communication et regroupe notamment la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, l’Institut Télécom, le CNRS ainsi que la Conférence des présidents d’université (CPU) ;
– l’alliance nationale de coordination de recherche pour l’énergie (ANCRE), à laquelle participent le CEA, l’IFP Énergies nouvelles, le CNRS et la CPU ;
– l’alliance nationale de recherche pour l’environnement (ALLENVI) fondée par douze membres parmi lesquels le CNRS, le CEA, la CPU, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), Météo France et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) ;
– l’alliance des sciences humaines et sociales (ATHENA), qui réunit l’Institut national d’études démographiques (INED), le CNRS, la CPU et la Conférence des grandes écoles (CGE).
Au total, les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme, qui s’élèvent cette année à 3,76 milliards d’euros et permettent de financer la masse salariale des personnels de recherche (5) comme le fonctionnement récurrent des opérateurs, se répartissent de la façon suivante entre ces cinq alliances et une action de recherche interdisciplinaire et transversale :
RÉPARTITION DES SUBVENTIONS POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC VERSÉES AUX OPÉRATEURS DU PROGRAMME N° 150
ALLIANCE |
SUBVENTION |
PART DU TOTAL |
AVIESAN |
1 005 046 181 |
26,8 |
ALLISTENE |
494 820 867 |
13,2 |
ANCRE |
789 008 217 |
21 |
ALLENVI |
184 101 917 |
4,9 |
ATHENA |
995 653 226 |
26,5 |
Recherche universitaire pluridisciplinaire et transversale |
228 551 576 |
7,7 |
Total |
3 757 181 984 |
100 |
Source : Projet annuel de performances de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » pour 2017.
Les sciences de la vie et de la santé et la recherche en sciences humaines et sociales sont les principaux bénéficiaires de la hausse des crédits de cette action, puisque les crédits qui y sont affectés connaissent une augmentation respective de 71,59 et 36,47 millions d’euros. À l’inverse, la recherche dans le domaine du numérique, comme dans le domaine de l’environnement, s’inscrivent en légère baisse par rapport à 2016.
● Le programme 172, relatif aux recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, est l’un des plus importants de la MIRES. En effet, premier programme de la mission entièrement consacré à la recherche, ses crédits s’élèvent à 6,51 milliards d’euros en AE et 6,42 milliards d’euros en CP, soit 45 % des crédits de la recherche. Ce programme a également un rôle stratégique, puisqu’il assure le financement des organismes de recherche les plus importants – CNRS, CEA, INSERM, BRGM, etc. –, de l’Agence nationale de la recherche (ANR), des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) mais également de la contribution française au Centre européen de recherche spatiale (CERN), à l’observatoire européen austral (ESO) et au laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL).
Les crédits de ce programme sont aujourd’hui répartis en onze actions :
– l’action 1, regroupe les crédits nécessaires au pilotage ministériel de la politique de recherche ; ce sont ainsi 0,18 milliard d’euros en AE et CP qui assurent le financement, notamment, des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), des contrats de projets État-Régions (CPER), des dépenses de fonctionnement de l’administration centrale, du concours de création d’entreprises « I-Lab » ou encore de l’information scientifique et technique ;
– l’action 2, qui regroupe les crédits de fonctionnement et d’intervention de l’Agence nationale de la recherche (ANR), dotée de 703,41 millions d’euros en AE et de 639,39 millions d’euros en CP, contre 585,15 millions d’euros en AE et 590,03 millions d’euros en CP votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016 ;
– l’action 11, relative aux recherches interdisciplinaires et transversales, dotée de 62,72 millions d’euros en AE et CP, regroupe les subventions pour charges de service public du CNRS – 39,31 millions d’euros – et du CEA – 23,41 millions d’euros – versées pour soutenir le caractère interdisciplinaire des recherches conduites par ces deux organismes ;
– l’action 12, portant sur la diffusion, la valorisation et le transfert des connaissances et des technologies, est dotée de 149 millions d’euros en AE et CP dans le cadre du présent projet de loi de finances pour assurer le financement des dépenses d’information scientifique et technique des organismes de recherche – le CNRS, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’INSERM perçoivent ainsi respectivement 44,22 millions d’euros, 30,15 millions d’euros et 14,84 millions d’euros à ce titre ;
– l’action 13, relative aux grandes infrastructures de recherche, regroupe les crédits nécessaires au financement des infrastructures de recherche des organismes ; le CEA, le CNRS et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) reçoivent à ce titre respectivement 55 millions d’euros, 105 millions d’euros et 53 millions d’euros de subventions pour charges de service public (cf. infra) ; cette action assure également la contribution directe de l’État au financement du Grand équipement national de calcul intensif (GENCI) à hauteur de 14 millions d’euros ;
– l’action 14 relative aux moyens généraux et d’appui à la recherche est dotée de 847,49 millions d’euros en AE et CP et regroupe les subventions pour charges de service public des organismes de recherche ;
– l’action 15 porte de façon spécifique sur les recherches en sciences de la vie et en santé ; elle est dotée de 1,22 milliard d’euros en AE et de 1,21 milliard d’euros en CP, représentant ainsi 18,7 % des crédits du programme n° 172, et finance à titre principal les recherches conduites par le CNRS et l’INSERM, mais également celles de l’Institut Pasteur et son réseau et de l’Institut Curie.
– l’action 16, relatif aux recherches en sciences et techniques de l’information, finance à hauteur de 983,22 millions d’euros en AE et CP les recherches conduites dans le domaine des mathématiques et des sciences et technologies de l’information et de la communication par le CNRS, le CEA et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ;
– les recherches dans le domaine de l’énergie sont soutenues par l’action 17 dotée de 630,36 millions d’euros en AE et de 611,49 millions d’euros en CP ; la contribution de la France au CERN comme au réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) est ainsi imputée sur cette action ;
– l’action 18, relative aux recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement, regroupe 1,10 milliard d’euros de crédits destinés à financer les recherches conduites dans ce domaine par les organismes de recherche ; l’Institut national de recherche agronomique (INRA) perçoit, par exemple, 467,93 millions d’euros de subvention pour charges de service public à ce titre ;
– enfin, l’action 19, relative aux recherches conduites en sciences humaines et sociales, est dotée de 405,09 millions d’euros en AE et CP, dont 319,41 millions d’euros à destination du CNRS.
Le financement des grandes infrastructures de recherche
Les grandes infrastructures de recherche ont pour vocation d’assurer la conduite d’une recherche d’excellence par l’utilisation d’instruments de recherche à la frontière des connaissances technologiques et scientifiques. Au nombre de 95, ces grandes infrastructures regroupent aussi bien des infrastructures localisées nécessitant un programme immobilier spécifique, que des équipements mobiles voire dématérialisés, comme des bases de données et des cohortes. L’Institut Paul-Émile Victor (IPEV) perçoit ainsi une subvention de 14,34 millions d’euros issue de l’action 13 du programme 172, afin de financer la base de recherche polaire franco-italienne implantée en Antarctique, Concordia, ainsi que la flotte océanique française (FOF), qui permet de conduire des recherches en milieu marin, en géosciences, océanographie physique et biologique, biogéochimie des océans, paléoclimatologie, etc. Le CNRS et le CEA financent également par ce biais le projet FAIR, qui doit assurer la construction d’accélérateurs d’antiprotons et d’ions, ou bien encore du Grand équipement national de calcul intensif (GENCI).
Les crédits du programme 172 connaissent, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, une augmentation de 4,32 % pour les AE et de 2,80 % pour les CP. Cette hausse significative est notamment imputable à la croissance des ressources de l’ANR, conformément aux engagements pris par le Président de la République en mars dernier. Ainsi, la dotation d’intervention de l’ANR connaît une augmentation de 118,27 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 49,16 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui doit permettre d’accroître le taux de sélection des projets financés par l’agence, qui s’élève, pour l’appel à projet générique de 2016, à 12,5 %. Au-delà, l’augmentation des crédits du programme 172 est principalement liée à des mesures salariales et de maintien de l’emploi scientifique, à hauteur de 68,19 millions d’euros, et à l’augmentation du soutien aux projets de recherche réalisés dans le cadre des contrats de projet État-Régions (CPER).
● Le programme n° 193 relatif à la recherche spatiale comprend sept actions portant sur l’étude et l’exploration de l’univers, la physique fondamentale et les sciences de la vie et de la matière, l’observation de la Terre par le biais de satellites d’observation optique, de satellites océanographiques et météorologiques, les lanceurs spatiaux et les technologies orbitales et les activités de télécommunication.
Ce programme connaît cette année une hausse notable, imputable aux contributions françaises aux organisations européennes. En effet, les crédits qui y sont rattachés augmentent, en AE et CP, de 7,75 %, pour s’établir à 1,48 milliard d’euros. Ces crédits assurent, à titre principal, le financement de la contribution française à l’Agence spatiale européenne (ESA), à hauteur de 833,43 millions d’euros, et du Centre national d’études spatiales (CNES), qui perçoit par ce biais une subvention pour charges de service public de 575,01 millions d’euros.
Si la subvention du CNES est stable par rapport à 2016, la contribution française à l’ESA connaît une augmentation de 79,29 millions d’euros cette année, en lien avec l’augmentation du budget de la seconde agence spatiale au monde après la NASA. La contribution française à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT), portée par Météo France, est également financée par le biais de ce programme et s’établit à 69,65 millions d’euros cette année.
● Enfin, les crédits du programme 142 relatifs à la recherche agricole, qui finance notamment l’IRSTEA et l’INRA, sont également en hausse cette année de 4,96 %, en AE et CP. Les crédits de l’action 2 de ce programme s’établissent en effet à 36,69 millions d’euros, contre 34,95 millions d’euros en 2016, en AE et CP. Toutefois, cette hausse ne constitue nullement un effort supplémentaire consenti en faveur de la recherche agricole, mais résulte principalement de mesures salariales et du transfert de la mission agro-biosciences de l’École nationale supérieure de formation de l’enseignement agricole (ENSFEA) à l’INRA.
Le programme 186 de la MIRES, porté par le ministère de la Culture et de la Communication, repose sur deux axes principaux :
– d’une part, le soutien aux projets de recherche culturelle, menés tant dans le domaine du patrimoine que dans celui de la création, notamment au sein des établissements d’enseignement supérieur placés sous la tutelle de ce ministère comme les écoles d’architecture et les écoles d’art ;
– d’autre part, la diffusion de la culture scientifique et technique, nécessaire au débat démocratique sur l’émergence des technosciences et leurs conséquences, portée par l’opérateur Universcience, établissement public regroupant le Palais de la découverte et la Cité des sciences.
Les crédits de ce programme s’établissent, dans le cadre du présent projet de loi de finances, à 118,41 millions d’euros en AE et à 119,57 millions d’euros en CP, soit une baisse respective de 3,05 % et 2,11 % par rapport à 2016, principalement portée par l’action 2 du programme relative à la culture scientifique et technique.
L’action 1, relative à la recherche culturelle, est dotée, dans le cadre du présent projet de loi de finances, de 9,95 millions d’euros en AE et de 9,88 millions d’euros en CP, soit une hausse de 1,12 million d’euros en AE et de 1,09 million en CP par rapport aux crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016. Cette augmentation, notable à l’échelle de l’action, doit assurer une plus grande marge de manœuvre financière aux services à compétence nationale du ministère de la Culture et de la Communication – dont le laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), le centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) ou encore le département de recherche archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), qui bénéficient d’une augmentation de 0,15 million d’euros en AE et de 0,12 million d’euros en CP – ainsi qu’aux écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA), qui bénéficient de 0,19 million d’euros supplémentaires. Le rapporteur ne peut que se féliciter de cette évolution, qui dynamisera la recherche sur l’amélioration du cadre de vie et la ville durable.
Le secrétariat général du ministère de la culture et de la communication dispose ainsi de 0,25 million d’euros supplémentaires pour donner plus de visibilité à la recherche conduite dans le domaine culturel, notamment par la création d’un prix récompensant les travaux de jeunes chercheurs. Les subventions versées à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) et à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) demeurent, quant à elles, stables. En ce qui concerne la création artistique, les écoles d’art bénéficient cette année de 0,14 million d’euros supplémentaires pour permettre la création d’un fonds dédié aux projets interdisciplinaires, tandis que l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (IRCAM), l’un des plus grands centres de recherche publique dans le domaine de la création musicale, se voit allouer 0,06 million d’euros supplémentaires. Enfin, les crédits dédiés aux recherches pluridisciplinaires ont été renforcés à hauteur de 0,42 million d’euros.
La situation budgétaire est toutefois moins favorable en ce qui concerne l’action 2 du programme, relative à la culture scientifique et technique. En effet, les crédits de cette action s’inscrivent en baisse en 2017, alors même qu’Universcience pâtit, depuis 2015, des effets des attentats sur le nombre de visites scolaires organisées en son sein. Ainsi, les crédits connaissent une diminution de 4,84 millions d’euros en AE et de 3,67 millions d’euros en CP par rapport aux crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016. Si Universcience bénéficie de 0,7 million d’euros supplémentaires afin de contribuer aux dépenses nouvelles de sécurité, sa dotation en fonds propres, qui doit assurer la poursuite des travaux d’entretien et de mise aux normes de la Cité des sciences et de l’industrie ainsi que la réalisation des études relatives aux travaux de rénovation de grande ampleur qui y seront conduits, connaît une baisse notable.
● Le programme 190, relatif à la recherche dans les domaines du développement durable, de l’énergie, des risques, des transports, de la construction et de l’aménagement, comporte six actions :
– l’action 10, relative à la recherche dans le domaine de l’énergie, finance les activités de recherches du CEA et celles d’IFP Énergies nouvelles (IFPEN) conduites dans le domaine de l’énergie nucléaire civil, l’efficacité énergétique et environnementale, la compétitivité de l’industrie et le développement d’éco-filières, les nouvelles technologies de l’énergie et les alertes aux tsunamis ;
– l’action 11 regroupe, quant à elle, les crédits de la recherche dans le domaine des risques industriels – tels que le rayonnement ionisant ou les substances toxiques –, et finance les travaux de recherche de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) ;
– l’action 12, relative à la recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l’aménagement, soutient les activités de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ;
– l’action 13 a pour but de favoriser la recherche dans le domaine du développement et de l’aménagement durable, par le financement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et le soutien à des projets de recherche sur des sujets émergents, comme la qualité de l’air, l’impact du changement climatique, les perturbateurs endocriniens, la ville durable ou encore la biodiversité ;
– l’action 14 porte, quant à elle, sur le soutien à la recherche dans le domaine de l’aéronautique civil ;
– enfin, l’action 15 a vocation à couvrir les charges nucléaires de long terme des installations nucléaires du CEA et à financer les opérations de démantèlement et d’assainissement des installations nucléaires à l’arrêt conduites par le CEA.
Au total, les crédits du programme 190, qui sont quasi identiques aux crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016, s’élèvent à 1,72 milliard d’euros en AE et CP. Si les crédits de la plupart des actions sont stables par rapport à 2016, ceux de la recherche dans le domaine de l’énergie et de l’aéronautique connaissent des évolutions contrastées, les crédits de l’action 10 étant en légère augmentation et ceux de l’action n° 14 en diminution.
Au sein de l’action 10, la subvention pour charges de service public de l’IFPEN, qui s’élève à 135,6 millions d’euros, est en hausse de 5,84 millions d’euros par rapport à 2016, sans que cette augmentation ne compense en réalité le prélèvement exceptionnel de 7 millions d’euros effectué l’année passée. Ainsi, la subvention attribuée à cet organisme ne sera pas équivalente, en 2017, à celle perçue en 2015 – qui s’élevait à 139,61 millions d’euros –, et ne permettra pas de résorber son déficit actuel, rendant nécessaire le recours à des crédits bancaires de court terme. Au-delà, la diminution régulière de la subvention pour charges de service public de cet acteur-clé de la recherche dans les domaines de l’énergie, de la mobilité et de l’environnement depuis dix ans – son budget s’élevait ainsi à 192 millions d’euros en 2006, d’après les informations fournies au rapporteur –, qui s’est notamment traduite par l’arrêt du recrutement de jeunes chercheurs, apparaît extrêmement dommageable.
● Le programme 192 relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche en matière économique et industrielle, comporte deux actions intéressant le champ du présent avis :
– l’action 2, portant sur le soutien et la diffusion de l’innovation technologique, qui vise à accroître les capacités d’innovation des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire par le biais de l’accompagnement de Bpifrance Financement, du programme CAP’TRONIC stimulant la diffusion des technologies de l’électronique et des microsystèmes, du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) ou encore du dispositif Jeune entreprise innovante (JEI) ;
– l’action 3, relative au soutien de la recherche industrielle stratégique et portée par deux dispositions : le Fonds de compétitivité des entreprises (FCE) et le Fonds unique interministériel (FUI), qui finance les projets de recherche des 71 pôles de compétitivité rassemblant sur tout le territoire des entreprises, des unités de recherche et des centres de formation.
Si les AE correspondant à l’action 3 s’inscrivent en légère baisse, passant de 118,44 millions d’euros à 110,75 millions d’euros, cette diminution est plus que compensée par la hausse des crédits affectés à l’action n° 2, qui s’établissent à 352,73 millions d’euros, liée au renforcement de l’exonération de cotisations sociales patronales pour les JEI compensée par l’État aux organismes de sécurité sociale.
Les CP de l’action 3 accusent cependant une baisse conséquente, passant de 185,30 millions d’euros en 2016 à 124,25 millions d’euros dans le cadre du présent projet de loi de finances, qui ne sera que très partiellement compensée par le dégel de la mise en réserve des crédits du FUI à hauteur de 20 millions d’euros dès le début de l’année 2017. Une telle évolution, déjà constatée sur plusieurs exercices budgétaires, apparaît extrêmement dommageable à la compétitivité des entreprises françaises.
● Le programme 191, relatif à la recherche duale, civile et militaire, et porté par le ministère de la Défense, connaît une stabilité à l’euro près par rapport aux crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016. Les crédits de ce programme s’élèvent donc à 180,07 millions d’euros en AE et CP dans le cadre du présent projet de loi de finances et la réduction de 12 millions d’euros opérée en 2015, pesant de façon égale sur le CEA et le CNES, est donc reconduite. Ainsi, la stabilité des crédits masque la perpétuation d’une diminution qui risque d’obérer les capacités du CNES et du CEA à poursuivre des travaux de recherche dans des domaines innovants et à lancer de nouveaux projets de recherche pourtant essentiels.
Les maladies neurodégénératives, comme les maladies métaboliques, représentent aujourd’hui des enjeux majeurs de santé publique. En effet, la prévalence de ces deux maladies, d’ores et déjà significative, est appelée à augmenter fortement au cours des prochaines années, du fait du vieillissement de la population. Maladies chroniques, ces pathologies nécessitent une prise en charge de plusieurs années, voire décennies, et affectent profondément la vie sociale, professionnelle et familiale des personnes atteintes. Aussi le rapporteur a-t–il souhaité consacrer la partie thématique du présent avis à la recherche médicale conduite dans ces deux domaines.
La maladie d’Alzheimer, comme le diabète, constituent, depuis plusieurs années, des enjeux de recherche majeurs ayant justifié un effort budgétaire conséquent, qui a notamment pu prendre la forme de plans gouvernementaux. Si l’action conduite par les différents gouvernements a assuré le maintien d’une recherche de haut niveau dans ces deux domaines, l’effort ainsi entrepris doit impérativement être poursuivi dans les années à venir.
Le diabète, qui se caractérise par une élévation de la concentration de glucose dans le sang liée à des perturbations métaboliques, touche aujourd’hui 3,6 millions de personnes en France, dont 700 000 ne seraient pas diagnostiquées. Au niveau mondial, 422 millions de personnes étaient atteintes de diabète en 2014, et on estime qu’en 2012, le diabète et l’hyperglycémie ont conduit au décès de 3,7 millions de personnes dans le monde. Eu égard aux complications nombreuses entraînées par la maladie – accidents cardiaques, accidents vasculaires cérébraux, insuffisance rénale, etc. – l’Organisation mondiale de la santé estime que le diabète sera la 7e cause de décès dans le monde en 2030.
Par ailleurs, on estime que 900 000 personnes sont aujourd’hui atteintes de la maladie d’Alzheimer en France, et que ce chiffre aura vraisemblablement doublé en 2050. Cette évolution est également anticipée au niveau mondial : si 46 millions de personnes sont aujourd’hui touchées par la démence – dont Alzheimer représente 70 % des cas –, elles seront 131 millions en 2050. Un nouveau cas est ainsi diagnostiqué toutes les trois secondes dans le monde. Au-delà des personnes malades elles-mêmes, la maladie d’Alzheimer a un impact important sur les personnes qui les aident, car les atteintes progressives aux fonctions cognitives génèrent une dépendance sociale majeure. Au total, on estime ainsi que ce sont 3 millions de personnes qui subissent les effets de cette maladie en France aujourd’hui.
Alzheimer, la reconnaissance récente de la maladie
La maladie d’Alzheimer doit son nom à Alois Alzheimer, un psychiatre et neurologue allemand qui découvre en 1906, chez une patiente d’une cinquantaine d’années atteinte de démence, d’importantes lésions cérébrales. Longtemps limitée à la démence pré-sénile, la pathologie est étendue, à partir des années 1980, aux cas de démence sénile, apparaissant chez des sujets âgés. La maladie d’Alzheimer n’est alors plus considérée comme un effet normal du vieillissement, mais comme une pathologie à part entière liée à l’accumulation plus ou moins rapide de protéine bêta amyloïde, jusqu’à former des plaques entre les neurones, et à la dégénérescence neurofibrillaire impliquant une autre protéine, la protéine tau. La maladie d’Alzheimer touche principalement des sujets âgés de plus 65 ans, mais il existe des formes familiales touchant des sujets jeunes.
Si la prévalence de ces deux maladies, qui ne sont d’ailleurs pas sans lien, tant au plan statistique – le risque de développer une maladie d’Alzheimer est de 65 % plus élevé chez une personne diabétique – que biologique – l’aggravation des risques cardiovasculaires liée au diabète pourrait être la cause d’un développement plus rapide de la maladie d’Alzheimer –, l’état de la recherche diffère dans ces deux domaines. Il convient en effet de distinguer les différents types de recherches qui peuvent être conduites dans le domaine médical :
– les recherches en biologie fondamentale, qui cherche à percer les mécanismes par lesquels les maladies surviennent et à identifier leurs déterminants, génétiques et environnementaux ;
– les recherches cliniques, qui visent à l’amélioration de la prise en charge des patients par la prévention, le diagnostic et la mise en œuvre de traitements ;
– les recherches en santé publique et en épidémiologie, qui étudient les liens pouvant exister entre mode de vie et désordre métabolique, afin de définir des moyens de prévention ;
– les recherches en sciences humaines et sociales.
Si la connaissance du diabète et de ses causes est aujourd’hui relativement avancée, ce qui nécessite donc de mettre l’accent sur la recherche en santé publique et sur la recherche clinique pour améliorer la prévention et la prise en charge de la maladie, tel n’est pas le cas de la maladie d’Alzheimer, dont les mécanismes physiopathologiques sont encore mal connus et pour laquelle il n’existe à ce jour aucun traitement, ni préventif, ni curatif.
a. La recherche sur la maladie d’Alzheimer en progrès grâce à des plans successifs assurant un financement de moyen terme
La forte prévalence à venir de la maladie d’Alzheimer, liée au vieillissement de la population, a justifié un investissement conséquent des pouvoirs publics au cours des dernières années. Ainsi, l’INSERM consacre annuellement un budget de 48 millions d’euros aux maladies neurodégénératives, dont 14,4 millions d’euros spécifiquement alloués à la maladie d’Alzheimer. Au total, 140 équipes travaillent sur les maladies neurodégénératives, soit autant d’équipes qu’au CNRS sur le même sujet, celui-ci consacrant 13,9 millions d’euros au financement de la recherche sur ces maladies (6). Si l’Institut Pasteur ne dispose pas d’équipes dédiées à la recherche sur la maladie d’Alzheimer, il possède un important département de neurosciences fondamentales. L’Agence nationale de la recherche (ANR) a également financé 20 projets portant directement sur la maladie d’Alzheimer, pour un montant total de 8,7 millions d’euros entre 2012 et 2014, par le biais de ses différents appels à projet, génériques ou spécifiques et en partenariat avec des structures européennes ou internationales.
La succession de plans gouvernementaux, depuis plusieurs années, consacrés à la maladie d’Alzheimer, a donné à la recherche française dans ce domaine plus de moyens et de visibilité. Si les deux premiers plans Alzheimer, de 2001 à 2007, ont surtout concerné les aspects sanitaires et sociaux de la pathologie – mise en place de « consultations mémoire », diagnostic et prévention de la maladie, prise en charge des patients, soutien des familles, etc. –, le troisième plan Alzheimer, qui s’est déployé de 2008 à 2014, a mis l’accent sur la recherche, en lui affectant environ 100 millions d’euros sur la période. De nombreux projets ont donc pu être financés par le biais d’appels à projet de la Fondation de coopération scientifique Alzheimer, du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) ou de l’Agence nationale de la Recherche (ANR) et par la création de postes de chefs de clinique et d’assistants hospitalo-universitaires, améliorant ainsi sensiblement la visibilité de la recherche français au niveau international sur la période (7).
FINANCEMENTS SUR LA MALADIE D’ALZHEIMER EN 2012-2015
(montants en euros)
Instruments de financement |
Décaissements annuels liés à la recherche sur les maladies neurodégénératives | ||||
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | ||
Appels à projets |
|||||
Agences de financement |
Total |
62 103 135 |
61 525 727 |
55 333 385 |
48 411 063 |
DGOS (PLFSS) |
PHRC maladies neurodégénératives |
6 307 987 |
6 232 070 |
4 436 188 |
2 833 695 |
spécifique Alzheimer |
5 014 679 |
4 971 872 |
3 128 161 |
2 165 494 | |
qualité des soins |
1 293 308 |
1 260 197 |
1 308 027 |
668 200 | |
DGOS/DGRI |
Salaires recherche clinique |
1 360 000 |
1 600 000 |
880 000 |
|
ANR |
ANR projets de recherche |
21 529 358 |
20 586 017 |
17 377 497 |
12 644 186 |
spécifique Alzheimer |
3 354 790 |
4 562 533 |
1 207 743 |
1 207 743 | |
maladies neurologiques |
18 174 568 |
16 023 484 |
16 169 754 |
11 436 443 | |
Plan Alzheimer |
Total recherche |
2 117 457 |
2 060 641 |
1 792 682 |
1 183 516 |
post doc |
314 600 |
593 900 |
823 639 |
750 139 | |
SHS |
802 857 |
800 074 |
635 710 |
433 377 | |
modèles de maladies |
1 000 000 |
666 667 |
333 333 |
||
PIA |
IHU, cohortes, équipes, LabEx, bioinformatique Carnot |
30 395 000 |
30 395 000 |
30 395 000 |
30 395 000 |
IReSP |
Santé publique |
60 000 |
210 000 |
452 000 |
452 000 |
CNSA |
Autonomie et handicap |
333 333 |
442 000 |
902 667 |
902 667 |
Institutionnels |
|||||
Organismes de recherche |
Total |
80 443 403 |
78 087 404 |
79 377 405 |
77 652 406 |
INSERM |
Équipes de recherche |
48 169 096 |
48 169 096 |
48 169 096 |
48 169 096 |
DGOS (PLFSS) |
Centres mémoire CMRR |
3 119 469 |
3 119 469 |
3 119 469 |
3 119 469 |
Plan Alzheimer |
Infrastructures |
5 263 012 |
2 907 013 |
4 197 014 |
2 472 015 |
CEA |
Infrastructures |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
CNRS |
Équipes de recherche |
13 891 826 |
13 891 826 |
13 891 826 |
13 891 826 |
Total général |
142 546 539 |
139 613 132 |
134 710 790 |
126 063 469 |
Source : Réponse au questionnaire budgétaire du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Si le plan « Maladies neurodégénératives » (PMND) prend la suite du troisième plan Alzheimer jusqu’en 2019, son champ a été élargi à d’autres pathologies, comme la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques. Il a permis la pérennisation des mesures précédemment engagées, comme la participation de la France au programme conjoint européen de recherche sur les maladies neurodégénératives (JPND), le centre national de recueil et d’analyse de l’imagerie cérébrale (CITA) et la cohorte MEMENTO sur la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, sept centres d’excellence dans le domaine des maladies neurodégénératives, amenés à participer au réseau international Centers of excellence in neurodegeneration (CoEN), ont été sélectionnés à Toulouse, Bordeaux, Lille, Paris, Grenoble, Aix-Marseille et Montpellier pour animer et coordonner la recherche clinique dans ce domaine.
Les initiatives prises par l’Union européenne en matière de recherche sur la maladie d’Alzheimer et le diabète de type II
Programme-cadre pluriannuel, regroupant l’ensemble des actions de l’Union européenne en matière de recherche et de développement technologique, Horizon 2020 est doté d’un budget de 75 milliards d’euros et est conçu pour répondre aux défis sociétaux que les pays de l’Union européenne ne sauraient résoudre seuls. Aussi la santé tient-elle une place importante dans ce programme-cadre.
Dès lors, la recherche sur la maladie d’Alzheimer et le diabète de type II peut être financée tant par le volet « Excellence scientifique » d’Horizon 2020 – qui a pour objectif d’élever le niveau d’excellence scientifique de l’Europe pour garantir des recherches de classe mondiale à long terme –, en particulier par le biais des appels à projets non thématiques (ou projets « blancs ») lancés par le Conseil européen de la recherche (ECR), que par le volet « Défis sociétaux », parmi lesquels se trouve une action relative à la santé, à l’évolution démographique et au bien-être dotée à elle seule de 7,3 milliards d’euros sur sept ans. En 2014 et 2015, 5 projets relatifs au diabète et un projet relatif à la maladie d’Alzheimer ont été retenus dans le cadre d’appels à projets relatifs à la santé.
Le volet « Défis sociétaux » permet également le financement d’initiatives technologiques conjointes (ITC), partenariats public-privé entre la Commission européenne et l’industrie. Une ITC sur les médicaments innovants (IMI2) a ainsi été reconduite dans le cadre d’Horizon 2020, qui comporte de temps à autre un appel à projet spécifique au diabète ou à la maladie d’Alzheimer. Ainsi, depuis 2014, 5 projets relatifs à la maladie d’Alzheimer et 3 projets relatifs au diabète ont pu être financés par ce biais.
Enfin, il convient de noter l’existence, pour la maladie d’Alzheimer, de la programmation conjointe européenne sur les maladies neurodégénératives (JPND), également financée par le programme Horizon 2020, qui vise à mettre en commun les recherches et leurs financements dans le domaine des maladies neurodégénératives que sont, par exemple, la maladie d’Alzheimer et les démences apparentées, la maladie de Parkinson et les maladies apparentées, les maladies à Prion, les maladies du motoneurone, la maladie de Huntington, etc.
Au total, l’effort de recherche de la France dans le domaine des maladies neurodégénératives est l’un des plus élevés d’Europe. En effet, comme l’indique une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parue en 2015, la France consacre annuellement à la recherche sur la démence 55 millions de dollars, soit 0,9 % du budget total de la recherche publique, contre 49 millions de dollars pour le Royaume-Uni, soit 0,4 % du budget alloué à la recherche publique dans ce pays.
Le programme d’investissements d’avenir (PIA), doté de 35 milliards d’euros en 2010, auxquels ont été ajoutés 12 milliards d’euros en 2014, a également constitué un élément indispensable de structuration de la recherche française, en permettant aux territoires bénéficiant, de ce point de vue, d’une masse critique suffisante, de recevoir des fonds supplémentaires. L’ANR, désignée par le Commissariat général à l’investissement comme opérateur du PIA pour les actions relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche, gère ainsi 19 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 4 milliards d’euros issus de la deuxième vague du PIA (PIA 2).
Les personnes entendues par le rapporteur, aussi bien pour le diabète que pour la maladie d’Alzheimer, ont unanimement reconnu les effets positifs de la première vague de PIA, qui a permis la reconnaissance de plusieurs laboratoires d’excellence (LABEX) et d’équipements d’excellence (EQUIPEX) dans ces deux domaines, comme de la deuxième vague de PIA, qui a conduit au lancement de plusieurs appels à projet dédiés à la recherche hospitalo-universitaire (RHU). Une troisième vague (PIA 3) a été récemment annoncée par le Président de la République, qui affectera 5,9 milliards d’euros supplémentaires à l’enseignement supérieur et à la recherche.
À l’heure actuelle, trois LABEX conduisent des recherches sur la maladie d’Alzheimer : BRAIN, situé à Bordeaux, qui bénéficie d’une dotation annuelle de 2,5 millions d’euros au titre des investissements d’avenir ; DISTALZ à Lille, qui reçoit 1,5 million d’euros de dotation annuelle par le biais du PIA ; CORTEC, situé à Lyon, qui bénéficie également d’une dotation annuelle de 1,5 million d’euros. Trois autres LABEX travaillent plus largement sur les maladies neurodégénératives, portant ainsi le financement total entre 2011 et 2019 à 69,5 millions d’euros. Le PIA a également permis le financement, sur la même période, de 7 EQUIPEX travaillant sur les maladies neurodégénératives, dont trois en particulier sur la maladie d’Alzheimer, pour un montant total de 30,8 millions d’euros.
Le diabète réunit, en tant que tel, moins d’équipes. Ainsi, d’après les informations fournies au rapporteur, 41 équipes de recherche travaillent actuellement, à l’INSERM, sur le diabète de type II, tandis que 170 chercheurs sont mobilisés sur ce sujet par le CNRS. Au total, l’INSERM consacre 7,8 millions d’euros par an à la recherche sur le diabète au sens strict, tandis que le CNRS y affecte annuellement 4 millions d’euros. Par ailleurs, un seul LABEX, European genomic institute for diabetes (EGID), y est spécifiquement consacré et reçoit 2,25 millions d’euros de dotation annuelle par le biais du PIA. Trois autres LABEX travaillent en partie sur cette pathologie, et deux EQUIPEX – Ligan et ImaginEx Biomed, à Lille – bénéficient également de fonds dans ce domaine.
Toutefois, il apparaît que la France dispose, en ce qui concerne la recherche sur le diabète, de leaders mondiaux, qu’il s’agisse, par exemple, de l’équipe de l’unité mixte de recherche de l’hôpital Cochin qui travaille sur la signalisation de l’insuline et du glucose, ou des recherches génétiques conduites à Lille. Il convient ainsi de noter qu’un chercheur du LABEX EGID vient d’obtenir une bourse individuelle du Conseil européen de la Recherche qui récompense les jeunes chercheurs les plus talentueux.
Le LABEX EGID
Créé en 2009, l’Institut européen de génomique du diabète (EGID) a initialement réuni trois équipes de recherche en génomique, en pharmacologie et en recherche clinique rattachées à l’Université Lille 2, au CNRS, à l’INSERM, à l’Institut Pasteur de Lille et au centre hospitalier régional universitaire de Lille, avec pour mission d’identifier les facteurs de risques du diabète, de mieux comprendre ses mécanismes, de prévenir plus efficacement sa survenue et d’améliorer la prise en charge des patients. EGID obtient, en 2011, le label « laboratoire d’excellence » (LABEX) dans le cadre du programme d’investissements d’avenir ainsi que le label « équipement d’excellence » (EQUIPEX) pour sa plate-forme de séquençage du génome de nouvelle génération (Lille Integrated Genomic Advanced Network Personalized Medecine, LIGAN). Le LABEX EGID a bénéficié d’une excellente évaluation de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur en 2014 et a reçu en 2016 deux bourses individuelles du Conseil européen de la Recherche (ECR), l’une récompensant les jeunes chercheurs les plus talentueux (ECR starting grant) et l’autre récompensant des chercheurs établis de qualité exceptionnelle (ECR advanced grant).
S’il est plus difficile de quantifier l’effort de recherche consenti en faveur de la lutte contre le diabète, la recherche étant, plus encore dans ce domaine, dispersée entre les recherches sur le métabolisme, la nutrition, la génétique, les pathologies cardiovasculaires ou encore la physiologie cellulaire, on peut néanmoins noter que 16 projets en rapport direct avec le diabète ont été financés par l’ANR en 2015 et 2016 pour un montant de 6,2 millions d’euros, sans que ces données ne traduisent l’ensemble de l’effort consenti par l’ANR en faveur de la recherche sur le diabète.
En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, il est nécessaire de continuer à investir dans la recherche fondamentale, notamment eu égard aux recherches très prometteuses sur le microbiote (8) intestinal et les liens qui peuvent exister entre un déséquilibre affectant celui-ci et la survenance de maladies neurodégénératives. Même si des progrès considérables ont été réalisés au cours des dernières années en ce qui concerne la connaissance de la maladie et de ses mécanismes, il est encore trop tôt pour rechercher une application aux patients. Seule une étude publiée récemment dans la revue Nature a donné des résultats réels en matière de réduction du peptide bêta amyloïde.
En effet, contrairement à la recherche sur le cancer, qui était suffisamment avancée pour permettre la mise en œuvre d’une recherche translationnelle, associant recherche fondamentale et recherche clinique pour permettre des avancées rapides en matière de prise en charge des patients, il est apparu, au cours des auditions conduites par le rapporteur, que tel n’était pas encore le cas pour la maladie d’Alzheimer. Un équilibre doit donc être trouvé, dans les appels à projets notamment, entre recherche fondamentale et recherche clinique pour ce qui est de la maladie d’Alzheimer. De la même façon, les équipements nécessaires étant, en sciences du vivant, de plus en plus sophistiqués et coûteux, l’initiative Equipex du programme d’investissements d’avenir doit être poursuivie dans les années à venir.
Par ailleurs, le rapporteur ne peut que déplorer qu’aucun financement supplémentaire n’ait été annoncé dans le cadre du nouveau plan consacré aux maladies neurodégénératives, qui risque de surcroît, du fait de son extension à d’autres pathologies, de conduire à un certain saupoudrage des moyens consacrés à la maladie d’Alzheimer. Ainsi, alors que le besoin de financement peut être évalué à 200 millions d’euros, seuls 0,8 million d’euros ont été affectés en 2015 par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR) à la pérennisation du centre national de recueil et d’analyse de l’imagerie cérébrale (CATI) et à la cohorte sur la maladie d’Alzheimer (MEMENTO). Au-delà de la perpétuation de ces deux actions, il apparaît indispensable d’allouer à la recherche sur la maladie d’Alzheimer des moyens supplémentaires, afin de ne pas perdre l’investissement réalisé au cours des dernières années.
Il est aussi à déplorer une certaine perte de visibilité internationale dans ce domaine, alors que la France a été un pays moteur du fait du plan gouvernemental précédent, associant de façon inédite soin et recherche. Les plans récemment lancés aux États-Unis et au Royaume-Uni apparaissent en effet d’une toute autre ampleur. Notamment, le Royaume-Uni investit 220 millions de livres sur quatre ans, dont 50 millions de livres issus de fonds privés, dans un institut de recherche sur les démences, tandis que la candidate aux élections présidentielles américaines, Mme Hillary Clinton, a annoncé un financement annuel de 2 milliards de dollars pour permettre la découverte d’un traitement d’ici 2025.
Ce mode de financement par le mécénat, très courant dans les pays anglo-saxons, soulève d’ailleurs la question de l’incitation fiscale à destination des particuliers et des entreprises en France dans ce domaine. Notamment, les entreprises se trouvent aujourd’hui limitées dans leurs possibilités de mécénat, puisqu’elles ne peuvent déduire de l’impôt dû 60 % du montant de leurs dons que dans la limite de 0,5 % de leur chiffre d’affaires, tandis qu’aux États-Unis, ce plafond est fixé à 50 % des revenus, et qu’au Royaume-Uni, aucun plafond n’est même fixé. Si le système français apparaît plus avantageux, en ce qu’il repose sur une réduction de l’impôt dû et non sur une déduction de la base fiscale imposable, il offre cependant des possibilités moindres aux entreprises. Une réflexion devrait donc être engagée sur le système prévu par l’article 238 bis du code général des impôts afin de le rendre plus incitatif. Si une telle mesure constitue un coût pour l’État, elle permettrait cependant de lever plus de fonds en faveur de la recherche, eu égard à l’effet de levier permis.
Par ailleurs, tant dans le domaine de la maladie d’Alzheimer que du diabète, il est nécessaire de poursuivre, au-delà de 2019, une recherche de haut niveau pour rester dans la compétition internationale. Dès lors, il apparaît indispensable de pérenniser les infrastructures de recherche existantes dans ces deux domaines, en particulier les LABEX et EQUIPEX concernés, mais aussi les instituts hospitalo-universitaires (cf. infra), et d’assurer le financement de la recherche fondamentale, comme de la recherche clinique et de la recherche en santé publique, pour mieux comprendre ces maladies. Si l’enjeu, en ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, est bien de mettre l’accent, encore pour un temps, sur la recherche fondamentale – ce qui nécessite de rédiger des appels à projets ciblés sur la maladie d’Alzheimer et non conditionnés à une application à court terme aux patients –, la stratégie, en ce qui concerne le diabète, pourrait être d’insister sur la recherche clinique et en santé publique pour améliorer la prévention et prévenir l’apparition de la maladie, notamment par l’identification de nouveaux biomarqueurs (9).
Il importe également de donner plus de visibilité à la recherche sur le diabète, indispensable à la lutte contre ce qui s’apparente à une future pandémie. Trop souvent aujourd’hui, cette maladie est vécue comme un véritable handicap social par les personnes qui en sont atteintes, ce sentiment de honte étant parfois aggravé par un corps médical trop peu formé à cette pathologie. De façon générale, le diabète a « mauvaise presse », comme l’ont souligné des personnes entendues par le rapporteur : ayant le plus souvent pour cause une mauvaise hygiène de vie
– surpoids, absence d’activité physique –, c’est un regard accusateur qui est généralement porté sur les diabétiques par notre société. Il conviendrait au contraire, dans ce domaine, que les pouvoirs publics fassent œuvre de pédagogie pour assurer une meilleure prévention du diabète auprès du grand public.
Dès lors, il apparaît souhaitable qu’un plan « diabète » ambitieux soit rapidement mis en œuvre. Un plan relatif à la médecine génomique, qui doit permettre le séquençage de 235 000 génomes par an d’ici 2020 par la mise en place de douze plateformes de séquençage à très haut débit, a récemment été annoncé. Il bénéficie d’un portage institutionnel relativement élevé, puisque le Premier ministre lui-même présidera le comité stratégique interministériel chargé du suivi du plan, et de crédits conséquents, puisque 670 millions doivent en financer l’application sur cinq ans. Le diabète fait partie de l’une des trois premières maladies, avec le cancer et les maladies rares, éligibles au dispositif, ce dont le rapporteur ne peut que se féliciter. Toutefois, cette initiative n’enlève rien à la nécessité de se doter d’un plan propre au diabète, associant soin et recherche, et, a minima, de faire du diabète une « grande cause nationale » dans les années à venir afin de rendre possible une opération de communication de grande ampleur.
Les instituts hospitalo-universitaires (IHU) dans le domaine du diabète et de la maladie d’Alzheimer
Dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, des appels à projet ont été lancés depuis 2010 pour permettre la création de plusieurs instituts hospitalo-universitaires (IHU), dont 6 IHU de niveau A, bénéficiant d’une dotation de 60 millions d’euros chacun, 6 IHU de niveau B bénéficiant d’une dotation de 6 millions d’euros chacun et deux pôles de recherche hospitalo-universitaire spécialisés en oncologie bénéficiant de 10 millions d’euros chacun.
Ces structures d’excellence, qui ont vu le jour sous la forme de fondations, associent un centre hospitalier, une université et des organismes de recherche autour d’une thématique de recherche précise. Elles ont vocation à rapprocher la recherche fondamentale et appliquée des préoccupations cliniques, à transférer les connaissances acquises auprès des praticiens et de valoriser les découvertes scientifiques en favorisant les partenariats avec le secteur privé. Par ailleurs, est prévue la création, dans le cadre du PIA 3, de deux à trois nouveaux IHU.
L’Institut des Neurosciences Translationnelles de Paris (IHU-A-ICM), porté au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière par l’Université Pierre et Marie Curie, l’INSERM, le CNRS et le centre hospitalo-universitaire de la Pitié Salpêtrière, porte notamment un projet relatif à la maladie d’Alzheimer, avec pour objectif de trouver de nouveaux biomarqueurs susceptibles de permettre un diagnostic plus efficace de la maladie. Une étude portant sur 320 sujets sains à risque a également été lancée, en partenariat avec l’entreprise Pfizer, pour étudier les facteurs de déclenchement de la maladie d’Alzheimer.
Dans le domaine du diabète, le CHU de la Pitié Salpêtrière accueille également l’Institut de cardiométabolisme et nutrition (IHU-A-ICAN), associant l’INSERM et l’Université Pierre et Marie Curie.
2. La nécessité d’investir massivement dans de nouvelles méthodes d’expérimentation, de recherche et de traitement des données
Plusieurs personnes entendues par le rapporteur ont souligné la difficulté qui existe en France à réaliser certaines expérimentations pourtant indispensables au progrès de la recherche. C’est notamment le cas des biopsies humaines qui, si elles sont possibles en France, aboutissent généralement dans un délai de 12 à 18 mois, là où des pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas délivrent des autorisations dans des délais deux fois plus courts. Par ailleurs, l’expérimentation animale est probablement amenée, au cours des prochaines années, à être de plus en plus limitée, pour des raisons éthiques. Cette évolution rend nécessaire la mise en œuvre de méthodes d’expérimentation alternatives. C’est d’autant plus vrai en ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, qui touche des neurones humains généralement âgés de plus 65 ans. Dans ce contexte, la modélisation de la maladie par le recours à des souris, dont les neurones ne dépassent pas l’âge de deux ans, limite la recherche sur cette pathologie. Bien que l’INSERM ait récemment déposé un brevet pour protéger un nouveau modèle animal permettant de comprendre les stades précoces de la maladie (10), il est nécessaire, dans ce domaine, de continuer à investir dans de nouvelles techniques de modélisation, notamment par le biais de cellules souches non embryonnaires.
La France accuse un retard certain dans le domaine de la bio-informatique, qui permet notamment le traitement de grandes quantités d’informations afin de générer de nouvelles hypothèses de recherche. Or, la bio-informatique apparaît aujourd’hui indispensable au développement de la recherche, tant le domaine d’Alzheimer que du diabète, en assurant l’analyse du génome ou du microbiote de nombreux individus. Toutefois, le nombre de personnes qualifiées en France, dans ce domaine, est insuffisant, les jeunes informaticiens versés en biologie ou les biologistes férus d’informatique étant généralement débauchés par le secteur privé. Les pays étrangers, notamment le Royaume-Uni, ont compris l’importance de développer ce pan de la recherche et y ont affecté des moyens spécifiques, en participant activement au projet européen Elixir visant à intégrer les données biologiques pour faciliter leur exploitation. Il apparaît donc nécessaire, d’une part, de multiplier les cursus universitaires associant informatique et biologie et, d’autre part, de former rapidement de jeunes chercheurs à ces techniques.
Enfin, il apparaît que la recherche clinique, notamment dans le domaine de la recherche sur le diabète, doit être amplifiée. En effet, les patients diabétiques participent rarement à des essais thérapeutiques, ce qui pénalise la recherche française dans la compétition internationale et explique qu’elle atteigne un meilleur niveau dans le domaine de la recherche fondamentale que dans celui de la recherche clinique. Dès lors, un effort de pédagogie et de communication doit être opéré à destination des soignants comme des patients, afin de permettre l’inclusion de patients français dans les études internationales. L’exemple du George Institute for global health en Australie, qui dispose de locaux spécifiques pour l’accueil des patients diabétiques participant à une recherche clinique, doit être étudié.
La quasi-totalité des personnes entendues par le rapporteur ont souligné le caractère irréaliste du délai de trois ans laissé aux doctorants pour achever leurs travaux de thèse dans les sciences du vivant. Généralement associé à une obligation de publication au terme des trois années de doctorat, ce délai nécessite l’acquisition de résultats tangibles dès la deuxième année de thèse, exigence impossible à respecter dans le domaine des sciences du vivant. S’il est nécessaire, pour favoriser l’insertion professionnelle de doctorants qui ne sont pas tous, loin s’en faut, destinés à la recherche, il importe d’assouplir ces règles lorsque cela est jugé utile à l’aboutissement d’un travail de recherche cohérent.
Les personnes entendues par le rapporteur ont également unanimement dénoncé les effets sur la recherche publique de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, semblables, d’après certains, à l’application du régime des 35 heures à l’hôpital public… Si le recours aux contrats à durée déterminée est encadré, depuis 2005 (11) en raison de règles issues du droit communautaire (12) – la durée maximale pour laquelle des contrats à durée déterminée successifs peuvent être conclus avec le même salarié est de six ans –, le législateur a souhaité renforcer l’application de cette règle en permettant la comptabilisation de tous les postes de même niveau hiérarchique occupés par le salarié dans le même ministère ou établissement.
Par crainte de devoir transformer des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, les organismes de recherche limitent généralement à cinq ans, voire trois ans, la durée totale des contrats à durée déterminée susceptibles d’être conclus avec le même chercheur. Ainsi, alors même que le financement de ces contrats est assuré, le chercheur contractuel engagé à l’issue de son doctorat peut être remercié avant même d’avoir vu son projet aboutir. Ce renouvellement fréquent des équipes de recherche, qui rend nécessaire, à chaque embauche, de former à nouveau le chercheur, constitue une perte d’énergie considérable pour les équipes, en même temps qu’il ne remédie en rien à la précarité professionnelle et sociale des chercheurs.
Par ailleurs, si le principe des appels à projet apparaît relativement bien accueilli par les personnes entendues par le rapporteur – même si certains ont pu critiquer le caractère relativement aléatoire du résultat de ces procédures –, il pourrait toutefois être utile de renforcer la part de crédits récurrents dont bénéficient les équipes de recherche ayant déjà fait leurs preuves, afin de leur permettre de consacrer plus de temps à une activité de recherche scientifique plutôt qu’à l’aspect administratif de la recherche de crédits.
Enfin, un effort particulier doit être consenti par les administrations, notamment de santé, lorsque des financements privés sont susceptibles d’être octroyés pour des projets de recherche clinique nécessitant le recrutement de patients. En effet, il est apparu que des délais de réponse trop longs de la part des administrations des hôpitaux avaient pu faire obstacle à l’octroi de financements privés, ce que la situation de nos finances publiques ne devrait pas permettre.
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen des rapports pour avis de M. Vincent Ledoux (Recherche) et Mme Valérie Corre (Enseignement supérieur et vie étudiante) sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », lors de sa première séance du mercredi 19 octobre 2016.
M. le président Patrick Bloche. Le travail de la Commission sur les missions budgétaires qui relèvent de sa compétence s’organisera en deux temps : une présentation de la partie thématique des avis budgétaires en commission, puis un examen des crédits de la mission en commission élargie, en présence du ou de la ministre.
M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis sur les crédits de la recherche. Puisque nous examinerons les crédits en commission élargie, je mettrai l’accent sur le portage politique de deux sujets éminemment importants.
Alors que le Président Obama reçoit son conseiller à la recherche tous les vendredis, que la Chancelière Angela Merkel préside le board de la stratégie High Tech, qui définit la politique allemande de recherche et développement, et que le Premier ministre du Japon a l’obligation – inscrite dans la Constitution – de présider la réunion mensuelle du Conseil de la recherche, on ne peut pas dire que la recherche française bénéficie du même portage politique. Cette situation est particulièrement notable dans les deux pathologies à travers lesquelles j’ai décidé d’analyser, cette année, les crédits de la mission « Recherche », qui me semblent constituer des enjeux majeurs de santé publique pour les décennies à venir : la maladie d’Alzheimer et le diabète.
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative, qui touche principalement des sujets âgés et conduit à une dégradation des fonctions cognitives et à une très forte dépendance sociale. Longtemps considérée comme une caractéristique « normale » du vieillissement, cette maladie découverte au début du XXe siècle est aujourd’hui analysée comme une pathologie à part entière. Elle touche actuellement 900 000 personnes en France, et 3 millions de personnes si l’on considère le rôle primordial que jouent les aidants et leurs familles, qui sont fortement impactées. Or ce chiffre devrait doubler d’ici à 2050. Un chercheur me signalait que, dans le monde, toutes les trois secondes, une personne est atteinte d’une maladie neurodégénérative. C’est un véritable fléau.
Le diabète est, quant à lui, une maladie métabolique aux conséquences extrêmement graves puisqu’il peut conduire à des problèmes cardiaques, à des accidents vasculaires cérébraux, à de l’insuffisance rénale et à la cécité. Il touche aujourd’hui 3,6 millions de personnes en France et va assurément devenir une véritable pandémie dans les années à venir. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le diabète sera la septième cause de décès dans le monde en 2030.
Si j’insiste sur la dimension mondiale de ces maladies, c’est que nous ne sommes pas loin, par la Méditerranée, des côtes de l’Afrique, notamment subsaharienne, où l’on voit déjà s’opérer la hiérarchie des maladies, des maladies infectieuses aux maladies chroniques, parmi lesquelles sont repérés le diabète et la maladie d’Alzheimer. Ce qui frappe aujourd’hui des sociétés extrêmement jeunes et dynamiques nous concernera inévitablement un jour, compte tenu de la proximité géographique que j’évoquais. Il s’agit d’une cause mondiale qui nous concerne tous. Ce n’est pas qu’un problème franco-français.
Eu égard au coût économique et social que représentent ces deux pathologies, un effort de recherche conséquent a été consenti au cours des deux dernières décennies.
Le diabète, s’il n’a pas fait, en tant que tel, l’objet d’un plan gouvernemental depuis 2001, a bénéficié de crédits issus du Programme d’investissements d’avenir (PIA) dont tous les chercheurs ont souhaité souligner la qualité. Il existe notamment un laboratoire d’excellence (LABEX) spécialisé dans la génétique du diabète, l’Institut européen de génomique du diabète (EGID), et trois autres qui portent sur des sujets de recherche plus transversaux, ainsi que deux équipements d’excellence (EQUIPEX). Au total, ce sont une quarantaine d’équipes de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et 170 chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui travaillent sur ce sujet.
Je voudrais également mettre l’accent sur l’excellence de la recherche française. La France est au dixième rang mondial en termes de publications ; l’Inserm et l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sont parmi les meilleurs organismes de recherche sur le sujet. Deux chercheurs d’EGID ont récemment reçu des bourses individuelles, extrêmement prestigieuses, du Conseil européen de la Recherche. La France compte peu d’équipes dans ce domaine, mais elles sont tout à fait remarquables. C’est pourquoi cet effort de recherche doit absolument être poursuivi, notamment dans le domaine de la recherche clinique et de la recherche en santé publique, afin de mieux prévenir, diagnostiquer et traiter la maladie. Sans même évoquer l’attribution de moyens supplémentaires, il me semble qu’il faudrait accéder aux demandes récurrentes des associations dans ce domaine et faire du diabète une grande cause nationale. En effet, cette pathologie est encore trop méconnue du grand public et vécue comme honteuse, puisque souvent liée à des problèmes d’hygiène de vie ou de rapport au sport. Cela constitue un frein psychologique important à la recherche clinique dans ce domaine.
La maladie d’Alzheimer, à l’inverse, fait l’objet de plans gouvernementaux depuis plusieurs années, qui ont permis des avancées notables dans la compréhension de la pathologie. Ce sont ces plans qui ont permis à la France de se hisser au huitième rang mondial en ce qui concerne les publications sur la maladie d’Alzheimer, avec 5 % de la production mondiale et deux établissements en pointe sur le sujet, l’Inserm et le CNRS.
Deux facteurs ont présidé à l’efficacité de ces plans : l’octroi de crédits supplémentaires et le portage de ces plans à un très haut niveau politique. Tous les chercheurs ont mentionné la nécessité, lorsqu’on voulait faire émerger une cause, de la porter au plus haut niveau, garantie d’une absolue transversalité et d’un rapport étroit entre tous les domaines concernés par le sujet. Or le plan récemment annoncé par le Gouvernement semble pâtir d’une certaine faiblesse à cet égard : aucun crédit supplémentaire en faveur de la recherche n’a été annoncé, et le portage politique semble se situer au niveau des cabinets ministériels et non des ministres eux-mêmes.
Par ailleurs, ce plan n’est pas consacré à la maladie d’Alzheimer, mais à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Si l’on comprend bien la volonté de répondre à la demande des familles, il n’en reste pas moins que cela risque de conduire à un saupoudrage des moyens. Le risque est également que la France perde l’avance acquise dans ce domaine, dans la compétition internationale. Je crains que ce plan ne fasse pas le poids face aux Américains et aux Anglais : la candidate à l’élection présidentielle américaine Hillary Clinton a annoncé un financement annuel à hauteur de 2 milliards de dollars, tandis que le Royaume-Uni crée un Institut de recherche sur les démences.
Par ailleurs, si la maladie d’Alzheimer a bénéficié, comme le diabète, de fonds issus du PIA, les chercheurs que j’ai entendus ont exprimé des craintes face à l’avenir. Ils ont besoin de financements pérennes, sur le moyen terme, pour pouvoir mener à bien leurs recherches. En outre, la tendance actuelle à exiger l’application immédiate aux patients dans la rédaction des appels à projet prive la recherche sur la maladie d’Alzheimer de financements, car la recherche sur cette pathologie n’en est pas encore là.
Il importe donc de soutenir sur le long terme les 280 équipes du CNRS et de l’Inserm qui travaillent sur les maladies neurodégénératives, et d’abonder le programme d’investissements d’avenir pour continuer à financer les trois LABEX, les trois EQUIPEX et l’Institut hospitalo-universitaire des neurosciences translationnelles de Paris, qui conduisent des projets de recherche sur la maladie d’Alzheimer.
Il apparaît également nécessaire d’entamer une réflexion au plus haut niveau de l’État sur les méthodes de recherche aujourd’hui accessibles à ces chercheurs. Tous ont souligné les difficultés à obtenir, en France, des autorisations pour effectuer des biopsies humaines, en particulier du muscle, dans des délais raisonnables, ce qui fait que les chercheurs ont tendance à aller chercher en Europe, notamment en Allemagne ou aux Pays-Bas, ce qu’ils n’ont pas immédiatement dans notre pays.
De la même façon, il va falloir investir dans des méthodes d’expérimentation alternatives à l’expérimentation animale, qui est de plus en plus difficilement tolérée par la société et qui n’est pas toujours adaptée aux pathologies étudiées, comme c’est le cas pour la maladie d’Alzheimer. L’espérance de vie de la souris ou son cerveau, par exemple, ne sont pas comparables à ceux de l’homme.
Il faut aussi encourager les patients à participer à des essais thérapeutiques, qui manquent cruellement à la recherche française sur le diabète. En Australie et en Grande-Bretagne, des centres spécialisés accueillent, par exemple, les patients pris en charge dans le cadre d’un essai clinique.
En outre, il me semble indispensable de prendre des mesures rapides visant à doter la recherche française de bio-informaticiens de haut niveau, car ceux-ci sont aujourd’hui trop peu nombreux en France. Les élus engagés dans les exécutifs territoriaux, comme les régions, devraient travailler à faire émerger ces filières, qui sont extrêmement importantes. Nous avons des biologistes, nous avons des informaticiens, mais le croisement entre les deux domaines, en termes de spécialité, nous fait cruellement défaut.
De façon générale, cet avis budgétaire constitue l’occasion de souligner, encore une fois, les problèmes en matière de ressources humaines rencontrés par les organismes de recherche. Qu’il s’agisse des doctorants intégrés aux équipes de recherche, qui peinent à achever leur thèse dans le délai de trois ans désormais imposé par toutes les universités françaises, ou de ceux que l’on appelle les « post-doc », qui ne peuvent pas passer plus de cinq ans dans le même organisme et sont donc contraints à la précarité, faute d’être titularisés, le monde de la recherche perd, dans ce renouvellement perpétuel des effectifs, à la fois une énergie considérable et des capitaux.
Au final, la situation des jeunes chercheurs, aujourd’hui très problématique, mériterait de faire l’objet d’une réflexion plus poussée dans le cadre des travaux de notre commission.
Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Depuis trente ans, la proportion de la classe d’âge diplômée dans l’enseignement supérieur est passée de 20 % à 44 %. S’il faut s’en réjouir, cette démocratisation demande un réel effort de la nation. Pour garantir à tous les étudiants, notamment ceux issus des catégories sociales modestes, des conditions d’études équitables et satisfaisantes, la solidarité nationale doit prendre le relais des familles ne pouvant soutenir l’effort financier inhérent à ces études.
Pour ce faire, notre pays s’est doté d’un dispositif original d’aide aux études, qui conjugue de faibles frais de scolarité et des bourses, certes conditionnées aux ressources, mais couvrant un nombre très étendu d’étudiants. La bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux complète l’aide de la famille mais n’a pas vocation à remplacer l’obligation alimentaire à la charge des parents.
Dès la rentrée 2013, pour répondre à ce défi de démocratisation, en cohérence avec notre volonté d’accompagner les plus modestes dans leur parcours dans le supérieur, notre majorité a engagé la réforme des bourses étudiantes la plus volontariste jamais entreprise depuis leur création. Dans mon rapport pour avis, j’ai choisi d’approfondir le sujet des bourses d’enseignement supérieur en dressant un premier bilan des progrès accomplis et en dessinant les grandes perspectives pouvant renforcer, à l’avenir, ce dispositif décisif en termes d’égalité des chances.
La réforme que nous avons portée en 2013 reposait sur deux constats de défaillances du dispositif alors en vigueur.
Premier constat, la réussite des étudiants dont les familles disposaient de revenus proches des seuils d’accès aux bourses était compromise par les tensions financières. Selon un rapport des inspections générales des finances et de l’éducation nationale, les étudiants issus des classes moyennes, qui ne bénéficiaient alors que d’une exonération des droits d’inscription, étaient ceux qui travaillaient le plus à côté de leurs études et sur les durées les plus longues. Le recours à l’emploi est d’autant plus fort qu’il s’impose pour pouvoir financer ses études, ce qui n’est pas sans poser question. Il ressort de toutes les auditions que nous avons menées qu’un emploi régulier, surtout s’il est exercé plus de seize heures par semaine et qu’il est dépourvu de lien avec les études, réduit très significativement la probabilité de réussite aux examens universitaires.
Deuxième constat, le montant des bourses de l’échelon 6, soit l’échelon maximal dont bénéficiaient les étudiants les plus défavorisés, était de plus en plus insuffisant pour leur permettre de suivre leurs études dans des conditions satisfaisantes. Il est intéressant de remarquer que ces étudiants se trouvaient dans une situation d’autant plus difficile qu’ils étaient, par rapport à leurs camarades, les moins enclins à travailler à côté de leurs études, pour deux raisons principales : le réseau professionnel moins étendu de leurs parents et la volonté de se consacrer à 100 % à la réussite de leurs études perçues comme l’instrument décisif de la promotion sociale.
La réforme de 2013 ciblait donc ces deux populations. Pour les premiers, un nouvel échelon 0 bis a été créé, permettant progressivement à 200 000 nouveaux étudiants de bénéficier d’une aide de 1 009 euros par an. Ainsi, tous les échelons de bourses sont désormais rémunérateurs. Pour les seconds, un nouvel échelon 7 a permis à 43 000 étudiants de bénéficier d’une bourse, augmentée de près de 1 000 euros par rapport à l’échelon 6, pour atteindre 5 550 euros par an. Au total, le nombre de boursiers a augmenté de près de 40 % et l’aide moyenne de 25 % entre 2009 et 2015.
À côté de ces bourses sur critères sociaux, les aides spécifiques accordées par les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ont également été renforcées. Ces aides ont vocation à accompagner les étudiants qui rencontrent des difficultés particulières auxquelles ne peut pas répondre le système des bourses. Les trois quarts de ces aides sont annuelles. Elles sont passées de 3 000 à 5 500 allocations attribuables chaque année. Elles permettent d’aider les étudiants qui n’entrent pas dans le schéma classique des bourses. C’est le cas, par exemple, des ruptures familiales ou d’indépendance avérée, qui connaissent une vive croissance, de 5 % par an.
Le dernier quart de ces aides est ponctuel. Elles permettent de répondre en urgence à des besoins alimentaires, de logement ou de santé. D’après les données de l’Observatoire de la vie étudiante, les bourses fonctionnent comme un véritable bouclier permettant à leurs bénéficiaires de connaître des taux de réussite supérieurs de 10 à 15 points par rapport aux étudiants en difficulté financière non aidés.
Pour autant, il ne faut pas en déduire que l’action de l’État en direction des étudiants est uniquement redistributive. À côté des 2 milliards d’euros consacrés chaque année aux bourses, l’État dépense 1,5 milliard d’euros d’aides au logement pour les étudiants. Ces aides sont, de fait, déconnectées des ressources des familles puisqu’elles sont calculées par rapport au seul revenu des étudiants.
Enfin, les aides fiscales induites par le rattachement des jeunes au foyer fiscal mobilisent 1,6 milliard d’euros. Ces aides sont d’autant plus importantes que les revenus familiaux sont élevés. Au total, l’apport global de l’État aux études supérieures dessine une courbe en « U » sur laquelle les 50 % de familles au milieu de l’échelle des revenus, exclues des bourses et ne bénéficiant guère des exonérations fiscales, sont celles qui perçoivent le plus faible montant cumulé d’aides. Pour autant, cette remarque ne remet pas en cause la pertinence du système des bourses, outil indispensable d’égalité des chances.
La très forte progression du nombre de bourses, sans précédent, n’a été possible que grâce aux efforts de qualité, de réactivité et de productivité consentis par l’ensemble des CROUS dans un contexte budgétaire contraint. Grâce à la généralisation du dossier social étudiant et à sa dématérialisation dans toutes les académies, grâce aussi à de nombreuses initiatives de mutualisation des ressources, les dossiers complets déposés avant le 31 mai déclenchent désormais partout le versement des bourses dès septembre. Le taux de réponse aux nombreuses demandes des étudiants s’est aussi fortement amélioré. À moyens constants, les CROUS ont été en mesure de faire face, non seulement à l’augmentation du nombre de bénéficiaires, mais aussi d’assurer la gestion des bourses versées par le ministère de la culture en 2008, puis celle des bourses versées par le ministère de l’agriculture en 2015.
Dans ce contexte globalement positif, je n’ignore pas les critiques récurrentes dont fait l’objet le dispositif des bourses. C’est le cas, par exemple, des difficultés induites par un système « en escalier » qui génère des effets de seuil pour les familles dont les revenus sont au plus près des prochains échelons, qui pourraient être utilement lissés par une linéarisation des bourses, réclamée de longue date par les organisations étudiantes.
Il y a également débat sur l’appréciation la plus pertinente des ressources des familles, aujourd’hui centrée sur le revenu déclaré brut, qui exclut notamment les revenus du patrimoine. Je ne suis pas convaincue par l’opportunité de lui substituer le revenu fiscal de référence, au risque d’introduire trop d’instabilité et d’illisibilité dans un système aujourd’hui bien compris par la majorité des familles. J’estime plus utile de mieux prendre en compte les capacités financières réelles dans lesquelles les patrimoines jouent un rôle de plus en plus important.
Enfin, il y a la question du contrôle de l’assiduité. À ce sujet, il me semble que le vrai problème réside dans le caractère très disparate de ce contrôle, qui est assuré par chaque établissement d’enseignement supérieur. Résultat, alors que les étudiants des classes préparatoires et des sections de technicien supérieur (STS) sont astreints à de lourdes obligations – manquer quelques cours peut interrompre le versement des bourses –, dans certaines universités, les étudiants ne sont contraints que de se présenter à quelques examens. Cela crée indéniablement une inégalité de traitement. Sur cette question, il faut se garder d’une position dogmatique, car les premiers perdants sont les étudiants non assidus, qui « gaspillent » des droits à bourse limités dans le temps et qui ne sont pas repérés suffisamment tôt par les établissements pour stopper leur décrochage. Il est donc urgent que soit défini par consensus un socle minimum de contrôle valant partout sur le territoire, fondé, par exemple, sur une note moyenne minimale aux examens ou sur l’obtention d’un seuil d’European credit transfer and accumulation system (ECTS) pendant une durée donnée.
Avant de conclure, je soumets au débat une piste pour faire évoluer notre système de bourses, là encore, dans une volonté d’égalité de traitement. Il s’agirait de transférer aux CROUS la gestion de toutes les aides directes versées aux étudiants. Je pense en particulier aux formations sanitaires et sociales, pour lesquelles les bourses sont allouées par les régions. La délégation de gestion expérimentée par la région Normandie au CROUS de Caen, dont j’ai reçu la direction, montre combien cette solution fluidifie et améliore le service des bourses. Cela permet aux bénéficiaires de faire pleinement partie de la communauté universitaire, sans nier la reconnaissance de la collectivité attributaire. Il est vrai que l’alignement de ces bourses sur les montants versés par l’enseignement supérieur a beaucoup facilité cette délégation. Mais n’y a-t-il pas, là aussi, un enjeu d’égalité qui milite pour la généralisation de cette démarche ?
J’élargis, bien sûr, cette perspective aux bourses de mobilité internationale, aujourd’hui attribuées par les établissements d’enseignement supérieur dont le nombre, 15 000 bénéficiaires pour 60 000 départs à l’étranger, et les montants, 400 euros au maximum, n’en font pas de vrais outils d’équité pour encourager l’accès des moins favorisés aux expériences internationales.
Pour conclure, ces questions renvoient plus généralement aux limites de la philosophie inspirant le système des bourses universitaires face aux besoins de l’enseignement supérieur au XXIe siècle.
Aujourd’hui, étudier efficacement, et avec justice, implique des changements structurels émancipant notre conception de l’éducation de la tyrannie du diplôme initial, qui veut que tout soit joué à vingt-cinq ans, pour avancer vers une alternance permanente et féconde entre le travail et les formations. Ces besoins nous imposent de mieux reconnaître des situations géographiques ou familiales toujours plus spécifiques et de nouveaux rythmes d’études bousculant la rigidité des semestres et des années universitaires. Ils imposent une vraie fusion entre formation initiale et continue, intégrant efficacement la validation des acquis de l’expérience (VAE).
De fait, ces défis mettent en cause certains des fondements de nos bourses, tels les revenus des parents ou l’âge limite, qui ont un sens fort lorsqu’on aborde la seule formation initiale, mais perdent toute pertinence à l’aune d’études envisagées tout au long de la vie. C’est pourquoi je trace, en conclusion, la perspective d’un stock de droits à formation, initiale comme continue, un peu sur le modèle du compte personnel de formation, qui permettrait à chacun d’être aidé dans ses études, pendant une période indifféremment utilisée au début du parcours ou durant sa carrière.
Mme Sandrine Doucet. Je félicite nos rapporteurs pour la qualité de leurs travaux et, au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, plus particulièrement Valérie Corre. Le sujet qu’elle a choisi est un marqueur fort de la volonté politique d’accompagner la démocratisation de l’enseignement supérieur. Le budget pour 2017 est très favorable, avec des moyens alloués en augmentation de 8 % depuis 2012, dont 443 millions d’euros consacrés aux seules bourses d’études sous condition de ressources. Vous avez indiqué en préambule que les personnalités auditionnées dans le cadre de votre rapport ont salué la réforme des bourses que nous avons initiée.
Pour ma part, j’ai auditionné, la semaine dernière, le recteur de Nice, Emmanuel Ethis, dans le cadre de ma mission parlementaire sur l’éducation artistique et culturelle. Il nous a rapporté qu’en moyenne, un étudiant disposait de 5 euros par mois, une fois payé l’ensemble des dépenses de sa vie quotidienne
– logement, factures, manuels et autres. Voilà pourquoi votre travail, madame la rapporteure, recouvre un sens particulier.
Au-delà des chiffres, notre action politique accompagne la démocratisation de l’enseignement supérieur, qui permet à des étudiants issus de classes modestes d’accéder aux études supérieures. Ils ont besoin d’être accompagnés financièrement pour pouvoir réussir. C’est une politique globale d’émancipation, d’autonomie des jeunes que nous dessinons ainsi. Nous savons qu’un étudiant préoccupé par des soucis financiers n’aura pas l’esprit pleinement dévolu à ses apprentissages, l’esprit serein et réceptif au savoir. L’endettement ou la privation permanente pour faire des études n’est pas une solution. La précarité ne doit pas être la condition systématique des études et des débuts dans la vie d’adulte.
J’ai apprécié votre mise en perspective avec les autres systèmes universitaires, qui permet de rappeler que, dans d’autres pays, l’accès à l’université est très onéreux. La quasi-gratuité de l’enseignement supérieur français est fondamentale. Dans les pays européens où j’ai eu l’occasion de me rendre lorsque je travaillais sur le dispositif Erasmus, j’ai constaté que le coût de la vie étudiante était très élevé. Je le redis : le recours à l’emprunt n’est pas une solution. Des étudiants qui s’endettent dans des familles déjà endettées ne sont pas dans une situation propice à la poursuite d’études.
Enfin, il existe un mécanisme d’autocensure qui accompagne la précarité. Les jeunes limitent la durée de leurs études à cause de leur budget restreint. Les statistiques développées à la page 13 de votre rapport sont éloquentes. Le taux d’échec est considérablement plus élevé pour les étudiants confrontés à des difficultés financières.
Les bourses forment aujourd’hui un bouclier, une protection. Elles permettent une meilleure réussite des étudiants défavorisés. Les plus modestes ont connu une forte revalorisation de l’échelon le plus élevé, car le nouvel échelon 7 permet à près de 45 000 jeunes de bénéficier d’une bourse annuelle de 5 550 euros, soit une augmentation de presque 1 000 euros par an, ce qui est considérable.
Les enfants des classes moyennes ont, eux aussi, bénéficié de ces mesures, avec la création de l’échelon 0 bis, qui a progressivement permis à plus de 200 000 nouveaux étudiants de bénéficier d’une aide annuelle de plus de 1 000 euros. Ce montant peut sembler très modéré, mais il correspond à une demi-journée de travail salarié par semaine, soit un basculement vers un seuil tout à fait supportable pour un étudiant souhaitant assortir ses études d’un job, qui peut être source d’une expérience professionnelle susceptible d’être valorisée.
Toutefois, votre rapport fait apparaître que les bourses, additionnées aux aides au logement et aux aides fiscales, impriment une courbe en « U ». L’aide se concentre essentiellement sur les classes les plus défavorisées, tandis que les deux tiers des avantages fiscaux profitent aux classes les plus favorisées. Restent, au creux du « U », les classes moyennes, pour lesquelles il faudrait faire un effort, vous l’avez souligné, madame la rapporteure, en revalorisant les bourses et en instaurant une fiscalité plus équitable.
Vous avez aussi relevé le rôle essentiel des CROUS, qui maillent l’ensemble de nos territoires et qui doivent être les piliers centraux de la redistribution des aides. J’ai été particulièrement sensible à la question des aides à la mobilité internationale. Je tiens à préciser que la France a fait un véritable effort d’accompagnement pour démocratiser la mobilité, puisque la moitié des boursiers de l’enseignement supérieur bénéficient d’une aide. Le travail des CROUS en matière de logement est également à souligner, notamment l’important plan logement, avec plus de 40 000 nouvelles places pour les étudiants dans les villes universitaires.
À nouveau, le groupe Socialiste, écologiste et républicain vous félicite pour votre travail de qualité, qui constitue un écrit précieux, en termes de bilan mais aussi de perspectives.
M. Frédéric Reiss. Merci aux deux rapporteurs pour la présentation de leurs travaux.
Le budget est en augmentation de 850 millions d’euros, 100 millions étant tardivement destinés à faire face à l’arrivée de 40 000 étudiants supplémentaires dès la rentrée 2016. Le boom démographique était prévisible, mais le Gouvernement a préféré fermer les yeux et attendre, comme il l’a d’ailleurs fait sur le sujet de la sélection en master.
Au lieu de lancer l’acte II de l’autonomie des universités pour donner à ces dernières les moyens d’avancer, le Gouvernement a mis en place une gouvernance sous forme d’usines à gaz qui ont fait perdre la dynamique créée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU). La question du modèle économique de l’université est malheureusement restée taboue. Résultat, beaucoup de déceptions, des universités qui n’ont pas les moyens d’accueillir les flux d’étudiants toujours plus importants, et les pics sont devant nous.
J’ai quatre remarques à faire au sujet de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.
Tout d’abord, je relève des objectifs mal posés, tel celui de la massification de l’enseignement supérieur : atteindre 60 % d’une classe d’âge diplômée d’ici à 2025 apparaît comme une mesure de forçage, à rebours d’une logique plus simple et plus intuitive. Les études du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) montrent que toutes les formations doivent être valorisées, de la plus théorique à la plus pratique, pour répondre aux besoins économiques.
Ensuite, je relève des explications pour le moins contestables sur la nécessité de trouver un travail pendant les études. La faible part des étudiants issus des familles les moins favorisées économiquement, qui travaillent pendant leurs études, serait due à l’effet de seuil et aux montants en escalier évoqués à la page 19 du rapport. Il serait donc pertinent de militer pour une linéarisation des bourses.
À ce propos, et c’est ma troisième remarque, notre collègue Valérie Corre ne s’est-elle pas trompée, à la page 14 de son rapport, en qualifiant d’« historique » la réforme de 2012 ? Quelques lignes plus loin, en effet, elle mentionne une hausse de 40 % des bénéficiaires dès 2008. Nous ne sommes pas passés subitement de l’ombre à la lumière en 2012… Pour mémoire, 115 000 nouveaux boursiers sur critères sociaux sont entrés dans le dispositif en 2010, grâce à l’augmentation significative du plafond de ressources pour l’obtention de l’échelon 0, et 110 000 étudiants, les plus défavorisés, ont bénéficié, en 2012, du sixième échelon de bourse créé en 2008. La question de l’augmentation et de la meilleure répartition des bourses a donc été abordée bien avant 2012.
Enfin, le sujet des aides accordées aux étudiants étrangers a été curieusement évité. Le modèle scandinave décrit à la page 10, en plus de confondre une aide « juste » et une aide « égalitaire », avoue ses limites quand il est mentionné que « le Danemark, la Suède et, bientôt, la Finlande se sont résignés à imposer le paiement de frais de scolarité aux étudiants étrangers ». Si la rapporteure n’économise pas ses efforts pour rassurer le lecteur sur le contrôle des critères d’obtention des différentes aides pour les étudiants nationaux, rien n’est dit sur ce contrôle pour un étudiant étranger.
Concernant la recherche, je voudrais féliciter Vincent Ledoux d’avoir ciblé deux enjeux de recherche majeurs que sont la maladie d’Alzheimer et le diabète.
Michel Pinget a été l’une des premières personnes auditionnées par le rapporteur. Je le connais bien, il fait un travail formidable au Centre européen d’étude du diabète, à Strasbourg. À la lecture du rapport, on ne peut que souscrire à la recommandation de pérenniser les efforts de recherche sur le long terme.
Enfin, concernant les crédits consacrés à la recherche, nous ne pouvons que partager l’inquiétude de notre rapporteur, tant nous sommes habitués à l’ambivalence du Gouvernement sur ce sujet. Notre collègue Patrick Hetzel avait d’ailleurs dénoncé, l’année dernière, les conditions d’exécution du budget, avec 230 millions d’euros d’annulation de la « réserve de précaution » des universités, 123 millions de suppressions budgétaires au titre de la réorganisation du mode d’allocation des moyens des universités, 90 millions de coups de rabot en loi de finances rectificative, 100 millions de prélèvements sur les fonds de roulement et 480 millions d’euros de baisse annuelle en matière d’investissements au titre du contrat de plan État-région. Au total, ce fut une amputation de 1 milliard de crédits. On peut donc se demander quelle surprise va nous réserver la prochaine loi de règlement de 2016.
Mme Gilda Hobert. Les deux rapports sont extrêmement intéressants, en particulier au regard de leurs propositions. Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons qu’approuver la nécessité de mener des efforts dans le domaine de la recherche. Il serait bon d’encourager les patients atteints de diabète à participer à la recherche, par le biais d’essais cliniques, dites-vous. Cela paraît judicieux, mais qui pourrait les y inciter ? Leur médecin ? Des campagnes d’information ?
Madame la rapporteure, l’augmentation du nombre de boursiers ne peut que nous réjouir puisqu’elle va dans le sens de la démocratisation de l’accès aux études supérieures. Leur champ d’application, tel que vous l’avez évoqué, évolue, en particulier pour les familles les moins favorisées.
Les établissements supérieurs dans le domaine de l’art sont aussi concernés par l’obtention de bourses pour leurs étudiants, et je voudrais vous soumettre le cas de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ENSATT), à Lyon. Cet établissement accueille seulement soixante-huit candidats au prochain concours. La possibilité d’obtenir une bourse est importante, mais l’inscription reste à la charge de l’établissement. A-t-on observé d’autres cas similaires ? Comment remédier à cette situation ?
M. Michel Piron. Mon collègue Laurent Degallaix, empêché, m’a chargé de vous lire son intervention.
Je remercie tout d’abord nos deux rapporteurs pour l’éclairage qu’ils nous ont apporté sur la recherche et l’enseignement supérieur.
Le groupe Union des démocrates et indépendants partage l’inquiétude du rapporteur concernant le budget de la recherche. Si la hausse globale est un geste attendu, la politique du Gouvernement à l’égard de la recherche demeure particulièrement ambivalente. Ce projet de budget traduit bien la tension qui existe entre la nécessité de maintenir les crédits de la recherche à un niveau cohérent avec les ambitions de notre pays et la réduction du déficit public.
La hausse des crédits ne permet pas de faire oublier le bilan du Gouvernement en matière de recherche depuis 2012. En mai dernier, sans la tribune de huit chercheurs, dont cinq prix Nobel, dénonçant un « suicide scientifique et industriel » de la part du Gouvernement, des annulations de crédits auraient sensiblement affecté les programmes de recherche scientifique
– 134 millions d’euros d’annulations de crédits étaient, en effet, prévues dans le projet de décret pour les budgets du CNRS, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria).
Les critiques récurrentes pointant la dégradation des moyens humains et financiers des laboratoires nous appellent également à la plus grande vigilance.
Les effectifs de soutien à la recherche – ingénieurs d’études, techniciens, administratifs – baissent, dans le secteur public, de 0,2 % par an depuis 2009 et le vivier de chercheurs s’étiole. Le nombre de doctorants français a baissé de plus de 10 % depuis 2007. Même le flux de chercheurs étrangers – 42 % des doctorants – s’est tari depuis 2009. Le quinquennat de François Hollande n’a pas interrompu l’aggravation de la précarité dans l’enseignement supérieur et la recherche.
Par ailleurs, la massification de l’enseignement supérieur est particulièrement marquée en France, et la démocratisation de l’accès aux études supérieures n’est pas sans poser des défis, voire des problèmes, pour garantir aux étudiants, en particulier ceux issus des catégories sociales modestes, des conditions d’études équitables et satisfaisantes.
L’examen par la rapporteure des dispositifs de bourses est un choix assez audacieux, quand on remarque que cette même majorité a été fort tentée de supprimer les bourses au mérite, principe pourtant cher à la République française. Fort heureusement, grâce à la mobilisation d’un certain nombre de parlementaires, et notamment de notre groupe, cette aide a été maintenue, même si l’on peut déplorer que son montant ait été divisé par deux.
Alors que près de 70 % des étudiants travaillent pour financer tout ou partie de leurs études, soit 10 % de plus que la génération précédente, quelles pourraient être les priorités pour mieux accompagner la scolarité des étudiants les plus précaires financièrement ?
Mme Martine Faure. Nos deux rapporteurs nous ont présenté des travaux et des propositions de qualité. Je remercie Valérie Corre d’avoir souligné la hausse importante, de 3 % pour 2017 et au total de 8 % depuis 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », et les progrès que cela entraîne dans la vie étudiante au quotidien. Je remercie Vincent Ledoux d’avoir mis en éclairage deux enjeux majeurs de la recherche. Je me permets d’ajouter à la maladie d’Alzheimer et au diabète un troisième sujet primordial : la recherche sur le cancer pédiatrique. Ce n’est pas le sujet, ce matin, mais je ne manquerai pas de vous en parler ultérieurement.
Conformément à l’engagement du Président de la République, les crédits de la mission ont été renforcés, passant à plus de 23 milliards d’euros, soit une augmentation de 852 millions d’euros. Entre 2012 et 2017, les moyens alloués par l’État à l’enseignement supérieur et à la recherche auront augmenté de 1,4 milliard d’euros, soit une évolution de plus de 6 %. Et ce, malgré quelques légitimes inquiétudes quant à la pérennité des financements et aux tentations de ponctions afin de réduire le déficit public. Les crédits dédiés à la recherche augmentent de 281 millions d’euros, soit une hausse de 3,7 % en 2017. Il est important de rappeler que ces moyens assureront également l’amélioration des carrières des personnels.
En matière de recherche, la France fait partie des grandes nations. La recherche fondamentale est préservée et reconnue dans tous les domaines. Bien que notre rapporteur regrette une évolution mesurée des crédits de la recherche pour 2017, il souligne la hausse des crédits affectés aux sciences humaines et sociales et aux sciences de la vie et de la santé.
Quant à la vie étudiante, je me permets d’insister sur la consécration des bourses étudiantes, politique volontariste visant à permettre aux étudiants issus des milieux les plus modestes de réussir pleinement leurs études. C’était un engagement fort du Gouvernement, qui est aujourd’hui suivi d’effet.
Le Gouvernement a multiplié les aides en faveur des étudiants : gel des droits d’inscription, du prix du ticket de restaurant universitaire, « plan 40 000 » garantissant la construction de logements étudiants à caractère social. Ce soutien financier s’est poursuivi par un accompagnement concret vers le premier emploi, avec la mise en place du dispositif Aide à la recherche du premier emploi (ARPE), qui permettra à nos jeunes d’organiser leur avenir professionnel avec beaucoup plus de sérénité.
Monsieur Ledoux, à la lecture de votre rapport, la pérennisation des financements semble au cœur de nombreux problèmes. Pouvez-vous nous rassurer, suite à vos auditions et à votre expertise, sur les engagements et la stabilité des plans gouvernementaux en la matière, ceux d’aujourd’hui et de demain ?
Madame Corre, l’ambitieuse réforme des bourses s’inscrit dans un mouvement de justice sociale indéniable. Mais s’inscrit-elle dans une démarche unanime et transpartisane ?
Mme Dominique Nachury. Merci aux rapporteurs pour leurs présentations.
Vincent Ledoux insiste sur l’importance de la recherche, garantie des emplois de demain. Or il indique que le Gouvernement a montré cette année son intention de financer des mesures nouvelles relatives à l’emploi, à la sécurité sanitaire et à l’immigration par le biais d’une diminution des crédits de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES). N’y a-t-il pas là une évidente contradiction ?
Il souligne, par ailleurs, les lourdeurs administratives et réglementaires qui entravent la recherche médicale. La prise de conscience est-elle certaine ? Que met-on ou que peut-on mettre en place pour inverser cette tendance à l’excès de prudence ou de procédures ? Pour un simple achat de matériel, la lourdeur et la longueur des procédures sont telles qu’elles rendent parfois la demande obsolète lorsqu’enfin on y répond.
En ce qui concerne les bourses de l’enseignement supérieur, j’ai compris que le contrôle d’assiduité n’existait pas vraiment. Le rapport souligne, à la page 21, que son application est disparate. Même s’il s’agit d’une aide et non d’une récompense, peut-on continuer à verser ces bourses sans aucun contrôle et sans aucun résultat ? A-t-on des retours sur le contrôle d’inscriptions pédagogiques censées précisément lutter contre l’absentéisme, et donc, le versement indu de la bourse ?
Mme Martine Martinel. Les deux rapports se complètent, car on ne peut guère envisager de faire de la recherche si la vie étudiante ne permet pas de suivre facilement des enseignements.
J’aimerais avoir l’avis de nos rapporteurs sur la réforme du master, qui a fait l’unanimité des présidents d’universités, des syndicats étudiants et des syndicats de l’enseignement supérieur. Le master est la première ouverture vers la recherche. Pourriez-vous nous donner des précisions sur cette démocratisation du master, qui associe l’excellence académique, la recherche et l’augmentation des crédits ?
J’aimerais également savoir, madame la rapporteure, comment les améliorations apportées à la vie étudiante vont pouvoir aider tous les étudiants à choisir un master et à poursuivre leurs études. Je me pose la même question concernant les doctorants et les « post-doc » évoqués par M. Ledoux.
Mme Isabelle Attard. Votre rapport, madame Corre, montre que l’objectif de 40 000 logements étudiants supplémentaires à la fin du quinquennat est en passe d’être atteint.
Vous mentionnez que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et les CROUS ont du mal à évoluer en ce qui concerne la conception des logements étudiants, c’est-à-dire passer de la chambre classique de 9 mètres carrés à ce que l’on pourrait appeler une colocation organisée par les universités, afin que les étudiants en première année de licence trouvent une atmosphère d’entraide. On sait à quel point un logement triste et solitaire pour cette première année est source d’échec. J’aimerais savoir si vous avez étudié le modèle belge des kots, qui fonctionne très bien puisque ce sont des colocations organisées par les CROUS.
La caution locative étudiante, qui garantit les propriétaires contre les impayés, ne concerne aujourd’hui que 9 000 étudiants, alors que l’objectif était d’atteindre une fourchette entre 14 000 et 20 000 étudiants. La publicité faite autour de cette caution est-elle suffisante ? Faut-il modifier le plafond du montant des loyers ? Il est de 500 euros en région, 600 en Île-de-France, mais les studios sont souvent beaucoup plus chers. Les collectivités sont peu motivées pour faire la promotion de cette caution parce qu’il s’agit d’une population nomade qui ne reste pas très longtemps dans une ville et, surtout, qui ne vote pas sur place. Selon Mélanie Vasselin, trésorière de l’UNEF, les propriétaires restent extrêmement réticents et privilégient toujours les cautions parentales. Pouvez-vous nous en dire plus sur la caution locative Visale ?
M. Yves Durand. À mon tour de remercier nos deux rapporteurs.
La réforme du master 1 va avoir lieu avec l’accord unanime de la communauté universitaire. Cette réforme va amener à une mobilité relativement importante des étudiants à l’intérieur des nouvelles grandes académies. Dès lors qu’un étudiant n’aura pas obtenu son premier choix, trois propositions lui seront faites, certaines pouvant l’amener hors de son université. Or¸ compte tenu de la réforme territoriale, les nouvelles académies sont assez étendues, ce qui va entraîner un problème de mobilité. Pourrait-on prévoir une aide à la mobilité des étudiants ?
M. Hervé Féron. Madame Corre, je vous félicite pour la qualité de votre travail. Votre rapport permet de mesurer l’ampleur du travail accompli sous ce quinquennat pour améliorer notre système de bourses pour les étudiants. Les réformes entreprises ont permis, non seulement d’augmenter l’aide aux jeunes issus des familles aux revenus les plus modestes, mais aussi d’en faire bénéficier une partie des classes moyennes. Sans un tel accompagnement, comment pourrions-nous assurer une véritable et indispensable démocratisation de l’enseignement supérieur ?
Il semble que des efforts aient été réalisés pour résoudre les problèmes de réactivité des CROUS. Malheureusement, il y a encore de graves dysfonctionnements. Dans ma circonscription, des étudiants se plaignent, comme chaque année, de retards dans le versement des bourses par le CROUS. C’est doublement pénalisant, car, en début d’année, ne pouvant prouver qu’ils sont boursiers, ils doivent avancer les frais de scolarité, puis attendre deux ou trois mois qu’ils leur soient remboursés avec le versement des bourses. Cela contribue à précariser de jeunes étudiants en situation parfois dramatique.
Le rapport souligne avec pertinence qu’il reste de nombreuses questions en suspens, de la linéarisation des bourses au redéploiement du parc immobilier des CROUS. Vous concluez à juste titre que la reconfiguration des études supérieures nécessite de « mieux reconnaître les situations particulières de chacun » pour l’allocation des bourses. Cela passe, bien sûr, par une meilleure prise en compte du contexte familial de l’étudiant, ce qui a été fait avec le doublement des aides d’urgence.
On peut également se demander, compte tenu des écarts du coût de la vie entre les différentes villes ou régions, soulignés à de multiples reprises par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), s’il ne faudrait pas ajouter un critère géographique au calcul du montant des bourses sur critères sociaux, comme c’est le cas des aides personnalisées au logement (APL). Cela permettrait de s’acheminer vers plus d’égalité entre les étudiants boursiers, ce qui, pour le moment, semble faire partiellement défaut.
Enfin, vous citez le cas exemplaire du CROUS de Caen, qui gère les aides régionales allouées aux jeunes des formations sanitaires et sociales. Il faut saluer cette initiative, qui permet d’améliorer la lisibilité du soutien public à destination des étudiants, un seul organisme gérant l’attribution d’aides diverses. Une telle mesure de gestion doit sans doute être étendue. Cet exemple précis montre que l’alignement de l’aide régionale sur le droit commun de l’enseignement supérieur facilite grandement une gestion commune. Je suis en faveur d’une plus grande harmonisation et d’une plus grande mise en cohérence des aides de l’État et de celles des collectivités. Il me semble qu’il y a là une marge de progression pour rendre notre système d’aides plus accessible à tous.
Mme Régine Povéda. Je salue, moi aussi, le travail des rapporteurs.
Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a augmenté de 8 % depuis 2012. C’est une hausse conséquente, qui vise à compenser les baisses subies sous la législature précédente. La revalorisation des bourses étudiantes est un effort très important à saluer. Malgré tout, encore trop d’étudiants renoncent ou négligent leurs études par contrainte économique, surtout quand les universités ou les cursus sont éloignés des lieux d’habitation, comme c’est le cas en milieu rural. Madame Corre, que préconisez-vous pour aider ces étudiants éloignés des pôles universitaires d’excellence à poursuivre leurs études ?
Vous parlez peu des activités culturelles, sociales et d’animation des CROUS en région. Certes, le logement, les bourses et la restauration sont les activités principales du CNOUS, mais la vie sociale, culturelle et associative de nos étudiants est essentielle pour la formation des citoyens. Je souhaiterais avoir votre avis sur les possibles évolutions pour que les étudiants puissent bénéficier d’une vie culturelle, sociale et associative qui les élève dans leur vie personnelle.
M. Christophe Premat. Je remercie nos rapporteurs, car leurs rapports pour avis sont pédagogiques et synthétiques.
Madame Corre, la démocratisation de l’enseignement supérieur est solidifiée avec une conception forte de la vie étudiante. Les bourses ont été sensiblement renforcées et tout est fait pour que nos campus soient de plus en plus dynamiques. C’est un choix cohérent, qui poursuit les efforts menés l’année dernière. Lors du PLF 2016, nous avions, en effet, massivement soutenu un amendement visant à augmenter les bourses.
En ce qui concerne les étudiants étrangers, je suis heureux que nous n’ayons pas cédé à la fausse piste des frais de scolarité. Les cas scandinaves sont des contre-exemples en la matière puisque les frais de scolarité appauvrissent le socle des filières proposées, et donc, inévitablement des recherches possibles. Ces dernières années, nous avons veillé à ce que les étudiants étrangers puissent profiter des conditions que nous leur offrons afin d’enrichir le socle des formations.
Monsieur Ledoux, vous avez fait le choix de mettre en lumière la recherche médicale et les sciences du vivant. Vos auditions sont clairement orientées dans ce sens. Votre rapport est très riche concernant la maladie d’Alzheimer, ce qui est fondamental. Cependant, je m’interroge sur le poids donné aux sciences médicales et aux sciences du vivant par rapport à d’autres domaines. Je pense notamment au projet que vous mentionnez sur l’Agence spatiale européenne, ainsi que d’autres grandes coopérations internationales. J’aurais aimé en savoir plus sur ce sujet.
Vous rappelez les engagements du Président de la République vis-à-vis de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Cette agence est-elle évaluée pour savoir si elle permet réellement de valoriser les domaines d’excellence de la recherche scientifique française ? On sait que, dans certaines matières fondamentales, les sélections de l’ANR avaient été quelque peu questionnées ces dernières années.
M. le rapporteur pour avis. Madame Hobert, le diabète devrait être consacré « grande cause nationale ». Cette maladie profiterait ainsi d’un éclairage susceptible d’inciter davantage de patients à entrer dans des cohortes d’études et d’observation cliniques. Un financement sur le long terme inciterait également les personnes à y venir naturellement. Aujourd’hui, par exemple, l’absence d’un financement total du plan Alzheimer risque de dissuader les patients suivis d’entrer dans une démarche de long terme. C’est faire preuve de respect envers ces personnes que de mettre en place un tel financement ; on les assure ainsi d’une reconnaissance en « valorisant » leur maladie.
Le médecin généraliste peut faire office de passerelle avec le monde de la recherche. Aujourd’hui, tous les chercheurs soulignent la nécessité d’améliorer le stock de connaissances grâce à l’approche que le médecin généraliste a de la maladie. Beaucoup reste encore à faire pour qu’il y ait une véritable reconnaissance, du moins un abandon de la stigmatisation des patients atteints de diabète.
Madame Faure, monsieur Premat, bien sûr, j’aurais pu choisir un autre thème pour mon rapport. Mais c’est tout l’intérêt de l’exercice – et il faut saluer le président de la Commission pour cela – que de nous permettre de débattre très librement, sans tabous ni complexes de sujets choisis par les rapporteurs.
La recherche est un vivier d’emplois qu’il est indispensable d’identifier le plus en amont possible. Grâce aux auditions, j’ai pu identifier la piste des bio-informaticiens. J’insiste sur la nécessité que les régions et les grandes métropoles travaillent sur ces segments, parce qu’elles sont bien situées. Lorsqu’elles sont proches des campus et très impliquées dans l’organisation de l’université et la recherche universitaire, elles sont les bons interlocuteurs pour mettre en place une véritable filière. En matière d’emplois, il y a des niches. J’ai été stupéfait de constater à quel point le big data et le fait de faire mouliner toutes les données informatiques pouvait constituer aujourd’hui une source pour la recherche fondamentale. Le stéthoscope n’est plus le seul outil et s’il reste extrêmement important, de nos jours, l’informaticien apporte une richesse absolument incroyable à la recherche médicale. Il faut donc valoriser la filière de la bio-informatique et faire en sorte qu’elle puisse structurer la recherche médicale plus qu’elle ne le fait aujourd’hui.
Madame Nachury, il en est des lourdeurs administratives dans la recherche comme dans l’économie, où le petit entrepreneur local peine à se rapprocher de la procédure d’achat publique. Cela fait référence à la même logique, c’est-à-dire une ingénierie souvent trop lourde qui éloigne le chercheur de son domaine fondamental. On devrait pouvoir l’en exonérer. N’oublions pas non plus que les agendas de l’Europe et de la France ne sont pas toujours les mêmes. Certains laboratoires ont embauché des biologistes uniquement pour aller chercher les subventions et monter les dossiers.
J’ai tendance, quand je parle d’économie, à citer deux approches. Quand une famille américaine aborde une aire de jeux, les parents disent à leur enfant : « Enjoy ! - Fais-toi plaisir ! » ; en France, les parents disent : « Fais attention ! ». Ce que les chercheurs attendent, tout en conservant une éthique faisant rempart contre des évolutions hasardeuses, c’est qu’on passe de la précaution à la responsabilité. Faisons confiance à nos chercheurs et ne perdons pas de temps ! La lourdeur des procédures constitue un frein, et les autres pays avancent beaucoup plus vite que nous. Il faut supprimer tous les boulets qui nuisent à l’avancée de la recherche française.
Le nombre de statuts différents pose aussi problème. Le patron d’une grande unité de recherche évoquait deux ou trois statuts différents de fonctionnaires ou de cadres. D’où, pour la directrice des ressources humaines, des difficultés de gestion incommensurables, tout le monde n’étant pas logé à la même enseigne. Il est donc nécessaire d’unifier, de donner davantage de fluidité en la matière.
Monsieur Premat, je me suis focalisé sur la maladie d’Alzheimer et le diabète, d’abord parce que nous avons en France des laboratoires d’excellence. C’était intéressant de discuter avec leurs représentants pour avoir leur expertise et leur avis sur la question. Les chercheurs sont venus de bonne grâce. Le patron de l’Inserm a même reporté un déplacement au Japon pour parler devant la représentation nationale, ce qui montre l’intérêt porté à nos travaux.
En outre, en me limitant à ces deux pathologies, j’ai pu creuser plus profondément que si je m’étais éparpillé sur de nombreux sujets. Bien sûr, j’aurais pu aussi m’intéresser au cancer pédiatrique. En tout cas, la focale que j’ai choisie m’a permis d’extraire l’essentiel de mes sujets. J’ai ainsi mis au jour des niches d’emploi qu’il faut exploiter à fond, souligné l’importance du mode de gouvernance, au niveau tant de la structuration de l’ingénierie que de l’organisation gouvernementale pour assurer efficacité et réussite, et également constaté qu’éclairer une maladie particulière à travers un plan permet d’apporter des sources supplémentaires de valorisation ainsi que la reconnaissance des personnes atteintes. En l’espèce, des progrès restent à faire pour les patients atteints de diabète.
M. le président Patrick Bloche. Certains membres de la Commission ont pu faire l’expérience de la différence de réaction qu’il peut y avoir de part et d’autre de l’Atlantique, lors d’un déplacement au Québec. Alors qu’en France on parle de lutte contre le décrochage scolaire, là-bas, c’est de réussite éducative qu’il est question. La vie serait peut-être plus simple si nous devenions un peuple optimiste !
Mme la rapporteure pour avis. De l’optimisme, le sujet que j’ai traité me semble de nature à en procurer !
Si je me suis concentrée sur le thème précis des bourses de l’enseignement supérieur, je n’en ai pas oublié pour autant les autres services des CROUS. Bien entendu, madame Povéda, l’accès à la culture est un sujet essentiel. Les CROUS, ce sont les aides directes et indirectes, le logement, la restauration, la culture, voire l’accès aux emplois étudiant, la citoyenneté étudiante, bref tout un ensemble qui fait l’originalité de notre système d’accompagnement des étudiants.
Monsieur Reiss, dans le mouvement de démocratisation, l’objectif « fou » de 60 % d’une classe d’âge diplômée d’ici à 2025 ne procède que d’un calcul mathématique : depuis 2010, le nombre d’étudiants augmente chaque année de 2 %, contre 1 % entre 1995 et 2010. Le défi n’est pas tant d’atteindre les 60 %, mais de faire en sorte que tout se passe bien pour l’ensemble de la population qui arrive à l’université ou dans les études post-bac. Toutes les filières sont, en effet, intéressées, même si les bourses d’enseignement supérieur concernent beaucoup d’étudiants à l’université.
Notre système d’accompagnement pour aider une majorité de jeunes à faire des études, en particulier ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés, issus de familles modestes, repose sur l’idée, à laquelle nous sommes attachés, de frais d’inscription modestes pour tous et d’un accompagnement par les bourses, et donc par l’ensemble des services proposés par les CROUS. La réforme de 2012 est bel et bien historique : le nombre de boursiers a certes augmenté de 40 % depuis 2008, mais de 30 % depuis 2012.
Madame Hobert, le système des bourses donne systématiquement droit à l’exonération des frais d’inscription, et je ne connais pas d’exemple où ce ne soit pas le cas. Je crains que votre question ne porte sur la compensation de cette exonération par l’État aux établissements, ce qui est autre chose.
Madame Faure, la réforme entamée en 2013 fait l’unanimité, même si les organisations étudiantes ont attiré l’attention sur la question de la linéarisation des bourses. Des frais de scolarité modérés et un accompagnement fort, en particulier en direction des familles les plus modestes, pour permettre à tous d’accéder aux études, sont des objectifs partagés par tous ceux que nous avons reçus.
Le contrôle d’assiduité, madame Nachury, est une aide à la réussite et non une sanction. Il faut trouver l’équilibre entre la responsabilisation des étudiants et un nécessaire contrôle, car l’État ne peut consentir cet effort sans un minimum de contrôle. Depuis 2014, le versement des bourses doit être suspendu en l’absence d’inscription pédagogique. Le droit à bourse est renouvelable cinq fois sur la période de la licence, ce qui sous-entend que nous autorisons le redoublement pour éviter un décrochage total. Des gens peuvent n’être plus en situation estudiantine, mais peut-être sont-ils des jeunes en perdition ou contraints de travailler. C’est pourquoi la sanction ne doit pas être trop précoce. Toutefois, en contrepartie de cette souplesse, le contrôle de l’assiduité doit être stabilisé, peut-être en exigeant une moyenne minimale ou un nombre d’ECTS.
Madame Attard, vous avez raison, on progresse sur le nombre de logements construits et sur le type de logements proposés. Les CROUS ont fait beaucoup d’efforts. Je ne crois pas que le réseau lui-même soit récalcitrant à l’évolution de ces logements. La question de la rénovation des logements est celle du prix de sortie : une chambre de 9 mètres carrés ne correspond plus à l’attente des étudiants mais présente l’énorme avantage d’avoir un prix de loyer défiant toute concurrence. Le challenge pour les CROUS est donc de proposer d’autres types de logements, mais aussi un prix de loyer qui reste attractif, ce qui n’est pas si simple. La direction du CROUS de Caen, par exemple, propose des colocations, des logements pour les couples ou pour les familles. Les choses évoluent, même si c’est doucement.
Dans quasiment tous les CROUS, un dispositif d’étudiants référents est dédié à l’accueil des nouveaux étudiants dans les résidences universitaires. Il s’agit de lutter contre la solitude qui est une des causes d’échec ou de décrochage.
Monsieur Durand, on ne peut que se réjouir de l’unanimité de tous les acteurs de la vie universitaire sur la réforme du master : c’est ce qui fait sa force. Cette réforme va effectivement entraîner une mobilité plus importante. Dans le système des bourses, l’éloignement du domicile familial donne des points supplémentaires. Peut-être une des évolutions nécessaires serait-elle de prendre davantage en compte la question de la mobilité, en mettant un point supplémentaire pour un master, par exemple.
Enfin, monsieur Féron, d’après le président du CNOUS, le premier paiement des bourses est assuré en septembre dans la quasi-totalité des cas. Mais cela vaut pour les dossiers complets déposés avant le 31 mai, avec validation auprès du CROUS, par les universités ou les établissements d’enseignement supérieur, de l’inscription de l’étudiant. Le problème, c’est que, malgré des progrès informatiques indéniables, quelques universités ou établissements tardent à remonter l’information. Or, tant que le CROUS ne dispose pas de l’information validée, il ne peut pas mettre en paiement. Peut-être faut-il aussi une prise de conscience des étudiants eux-mêmes : s’ils peuvent se réinscrire jusqu’à la fin du mois de septembre, plus ils tarderont à le faire, plus le premier versement des bourses tardera.
Pour finir, nous devrons travailler sur la question du creux de la courbe, car il faut améliorer l’accompagnement des plus modestes. La formation sanitaire et sociale devra être intégrée dans la gestion des CROUS, pour assurer l’équité et permettre à tous les étudiants de bénéficier de l’ensemble des services du CROUS, aussi bien en matière de bourses, que de culture, d’emplois étudiant, de logements, de restauration. C’est un chantier auquel nous devrons nous atteler avec les régions dans les mois à venir.
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède le jeudi 27 octobre 2016, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieuret de la Recherche, sur les crédits pour 2017 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (13).
À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2017 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. le président Patrick Bloche. La commission n’étant saisie d’aucun amendement, je mets aux voix les crédits pour 2017 de la mission « Recherche et Enseignement supérieur », qui ont reçu un avis favorable de Mme Valérie Corre, rapporteure pour avis pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante, et défavorable de M. Vincent Ledoux, rapporteur pour avis pour la recherche.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique)
Ø Centre européen d’étude du diabète (CEED) – M. Michel Pinget, président et directeur exécutif, M. Claude Seyller, secrétaire général, M. Karim Bouzakri, responsable de l’équipe de physiologie intégrative du laboratoire et M. Romain Neidl, chargé de projets-innovation
Ø Centre de recherche Jean-Pierre Aubert – M. Luc Buée, directeur, responsable de l’équipe « Alzheimer & Tauopathies » JPArc UMR-S 1172
Ø M. Christophe Magnan, professeur à l’Université Paris-Diderot
Ø European genomic institute for diabetes (EGID) – Pr. Philippe Froguel, directeur de l’UMR CNRS 8199-Université de Lille, directeur de la Fédération de Recherche 3508 Labex EGID et directeur de l’Equipex LIGAN-Médecine personnalisée et de l’Institut génomique de Lille (IGL), et Pr. Bart Staels, membre de l’Institut universitaire de France Inserm UMR1011 & UDSL, Université Lille Nord de France, Institut Pasteur de Lille
Ø Institut Pasteur – M. Christian Brechot, directeur général, M. Uwe Maskos, responsable du département neuroscience et M. Simon Legendre, chargé de mission stratégie et partenariats
Ø Pr. Philippe Amouyel, directeur de recherche d’une unité mixte Inserm et du Laboratoire d’excellence DISTALZ sur la maladie d’Alzheimer
Ø Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) – Pr. Alexis Brice, directeur général
Ø Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – Mme Anne Peyroche, directrice générale déléguée à la science
Ø Fondation francophone pour la recherche sur le diabète (FFRD) –Pr. Michel Marre, président et Pr. Bernard Bauduceau, trésorier
Ø Association pour la recherche sur le diabète (ARD) – Mme Bénédicte Saxe Sers, directrice
Ø Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – Pr. Yves Lévy, président directeur général, et M. Arnaud Benedetti, directeur de l’information scientifique et de la communication