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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061),
TOME VII
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
PAR M. JEAN-MARC GERMAIN
Député
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Voir le numéro 4125
SOMMAIRE
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Pages
A. UNE SITUATION MIGRATOIRE QUI RESTE TRÈS TENDUE AU PLAN EUROPÉEN 9
1. Des entrées globalement en décélération par rapport à 2015, mais toujours importantes 9
2. Des dynamiques désormais très différentes sur les deux principales routes migratoires 9
3. Un défi vraisemblablement appelé à être durable 11
B. L’IMPACT EN FRANCE 12
1. Une augmentation soutenue de la demande d’asile 12
a. Une évolution de nouveau à la hausse depuis 2015, mais sans atteindre le niveau connu par d’autres pays européens 12
b. Une évolution concomitante des principaux pays de provenance 13
c. La mise en œuvre des engagements de la France en matière de relocalisation et de réinstallation de personnes en besoin de protection internationale 14
i. La réinstallation depuis des pays tiers de premier accueil 14
ii. La relocalisation depuis la Grèce et l’Italie 15
2. Une concentration importante des arrivées dans certains territoires 16
II. LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017 21
A. UNE ÉVOLUTION SINGULIÈRE AU REGARD DU CONTEXTE BUDGÉTAIRE 21
B. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE » 24
1. Parachever la réforme du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile 24
i. De profondes réformes structurelles liées à la mise en œuvre de la loi du 29 juillet 2015 24
ii. L’extension et le rééquilibrage du parc d’hébergement pour demandeurs d’asile 29
2. Reprendre la réduction des délais de traitement des demandes d’asile à l’OFPRA 30
3. L’éloignement des étrangers en situation irrégulière 31
a. Les éloignements contraints 31
b. Des difficultés persistantes en matière de coopération consulaire 31
c. Les aides au retour volontaire et à la réinsertion 32
4. La lutte contre les filières d’immigration irrégulière 33
C. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ » 34
1. La mise en œuvre du nouveau parcours d’intégration des étrangers en situation régulière 34
2. Les mesures pour l’accompagnement des réfugiés 35
III. DES RÉPONSES EUROPÉENNES TOUJOURS EN VOIE D’ÉLABORATION 37
A. LES MESURES D’URGENCE 37
1. Des opérations maritimes pour assurer la sécurité des frontières extérieures, sauver des vies en mer et lutter contre les réseaux de passeurs 38
2. De nouveaux mécanismes de solidarité avec les pays les plus affectés 41
i. Un dispositif exceptionnel et temporaire de relocalisation 41
ii. Le programme européen de réinstallation 46
3. Route de la Méditerranée orientale : de la fermeture de la route des Balkans à la déclaration conjointe UE-Turquie de mars 2016 46
i. Les mesures prévues par la déclaration UE-Turquie 47
ii. Une application jusque-là inégale, mais des effets très nets 48
4. Des mesures de soutien d’urgence pour la Grèce 51
B. VERS DES RÉPONSES PLUS STRUCTURELLES ? 52
1. Renforcer durablement le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne 52
a. La création d’une nouvelle Agence de garde-frontières et de garde-côtes 52
i. Les principales avancées sur le plan opérationnel 53
ii. Des moyens humains et matériels renforcés 53
iii. Une montée en puissance qui devrait être rapide 54
b. Les autres chantiers en cours 54
i. Vers des contrôles systématiques aux frontières extérieures, y compris pour les citoyens européens 54
ii. Le paquet « frontières intelligentes » 54
2. Vers une politique commune plus solide en matière d’asile 55
3. Le nécessaire renforcement de la dimension extérieure de la politique migratoire 58
i. Le sommet UE-Afrique de la Valette (11-12 novembre 2015) 59
ii. La mise en œuvre de « pactes migratoires » 59
iii. Le Plan d'investissement externe 60
TRAVAUX DE LA COMMISSION 61
ANNEXE N° 1 - LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR 63
ANNEXE N° 2 - EVOLUTION DES CRÉDITS PAR RAPPORT À LA LFI 2016 65
ANNEXE N° 3 - LES DIFFICULTÉS D’APPLICATION DU RÈGLEMENT DE DUBLIN 69
ANNEXE N°4 - ETAT DES FLUX ENTRE LA FRANCE ET LES ETATS PARTICIPANT AU SYSTÈME DUBLIN 73
ANNEXE N° 5 - RELOCALISATIONS DEPUIS LA GRÈCE AU 27 SEPTEMBRE 2016 75
ANNEXE N° 6 - RELOCALISATIONS DEPUIS L’ITALIE AU 27 SEPTEMBRE 2016 77
ANNEXE N° 7 - RÉINSTALLATIONS AU 26 SEPTEMBRE 2016 79
Mesdames, Messieurs,
Les crédits inscrits au projet de loi de finances au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » portent la marque d’un contexte de forts mouvements migratoires, malgré une relative décélération des arrivées en Europe. Elles se sont ralenties sur la route de la Méditerranée orientale avec la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie de mars dernier, mais elles se poursuivent à un rythme au moins égal à celui de 2015 sur la route de la Méditerranée centrale, en direction de l’Italie.
La France en subit l’impact. La demande d’asile connaît de nouveau une augmentation soutenue et les conséquences des flux entrants tendent à se concentrer dans un certain nombre de territoires, en particulier dans le Calaisis, en région parisienne et à la frontière franco-italienne, du côté de Vintimille.
Dans ce contexte, les crédits demandés pour la présente mission budgétaire connaissent une évolution singulière par rapport au reste du projet de loi de finances : à périmètre constant, ils sont en augmentation de 29,1 % en autorisations d’engagement (AE) et de 14,8 % en crédits de paiement (CP).
– Cela permettra en particulier de poursuivre les efforts engagés depuis le début de la législature pour redimensionner et rééquilibrer le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile : 18 630 places de CADA auront été créées sur la période 2013-2017, portant le total à 40 352.
– De nouveaux renforts sont prévus à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour reprendre la dynamique de réduction à trois mois du délai d’instruction des demandes d’asile.
– L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui achève une réforme profonde de ses missions, dans le domaine de l’asile mais aussi de l’accueil des étrangers en situation régulière, verra également ses effectifs augmenter en 2017.
– Les crédits inscrits au PLF pour la lutte contre l’immigration irrégulière sont en hausse de 15,8 % par rapport à la LFI 2016.
– Les dotations dédiées à l’intégration des réfugiés permettront de financer 500 places supplémentaires de CPH en 2017 et de renforcer à hauteur de 1,5 million d’euros diverses actions d’accompagnement mises en œuvre et gérées par le secteur associatif.
La dernière partie de ce rapport est consacrée aux évolutions nécessaires des politiques européennes d’immigration et d’asile. La France y participe activement, sous la conduite du ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve. C’est en effet un axe essentiel de la réponse à la crise migratoire, en parallèle et en appui des politiques portées par la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration ».
L’enjeu consiste désormais à passer des mesures d’urgence, adoptées pour parer aux défis les plus immédiats, à des solutions durables et de fond aux défaillances qui sont apparues au grand jour. Pour l’essentiel, il s’agit d’améliorer la gestion des frontières extérieures de l’UE, de réformer le régime d’asile européen commun (RAEC) et de renforcer la dimension extérieure des politiques d’immigration et d’asile, notamment la coopération avec les pays d’origine et de transit.
I. UN CONTEXTE GÉNÉRAL PESANT FORTEMENT SUR LA PRÉSENTE MISSION BUDGÉTAIRE
Les mouvements migratoires restent élevés en 2016, même si le record d’entrées de 2015 ne sera probablement pas égalé. La décélération relative des flux résulte d’une évolution contrastée sur les deux principales routes migratoires vers l’Europe.
L’année 2015 avait été marquée par un mouvement migratoire au plus haut historique, avec 1,8 million d’entrées irrégulières en Europe (1), en très forte hausse par rapport à 2014 (environ 300 000 entrées) et 2013 (les arrivées étaient alors environ deux fois moins importantes qu’en 2014). Les arrivées par la Grèce avaient progressivement augmenté au premier semestre 2015, avant de s’accélérer brutalement.
Fin septembre 2016, le total des entrées dans l’Union européenne était évalué à environ 400 000, toutes routes migratoires confondues. On estimait alors que 500 000 entrées pourraient avoir lieu à la fin de l’année (2).
Cette décélération par rapport à 2015 s’explique par des évolutions contrastées entre la route de la Méditerranée orientale (avec des entrées principalement via la Grèce) et celle de la Méditerranée centrale (entrées via l’Italie).
– Sur la route de la Méditerranée orientale, un « freinage » important a eu lieu cette année, en deux temps. Tout d’abord, les flux se sont ralentis au cours de l’hiver dernier, notamment en raison de conditions climatiques difficiles. Le nombre d’arrivées journalières s’est ainsi réduit à environ 2 000 au début de l’année 2016, alors qu’il avait pu atteindre 10 000 personnes en septembre et octobre 2015. Puis le freinage s’est accentué à partir du mois de mars, d’une part avec ce qu’il est convenu d’appeler la « fermeture » de la route des Balkans, c’est-à-dire le renforcement des contrôles aux frontières début 2016, et d’autre part avec l’entrée en application de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, le 18 mars dernier (voir infra).
On ne compte plus, à ce stade, que quelques dizaines d’entrées par jour sur cette route, où l’essentiel des 180 000 entrées comptabilisées depuis le début de l’année a eu lieu avant le mois de mars.
– La dynamique est très différente en Méditerranée centrale, où les entrées sont restées du même ordre qu’en 2015. A la fin du mois de septembre dernier, plus de 130 000 arrivées avaient été comptabilisées en Italie et l’on peut s’attendre à un total supérieur à 150 000 à la fin de l’année.
Lorsque votre Rapporteur s’est rendu sur place, fin septembre, près de 88 % des arrivées par mer transitaient par la Libye, où la situation politique et militaire reste complexe et ne permet pas d’envisager à court terme un ralentissement. Les autres pays de transit des migrants vers l’Italie sont l’Egypte (9 %), la Turquie (2 %) et l’Algérie (ce dernier flux, émergent, ne représentant toutefois que 800 migrants depuis le début de l’année).
ARRIVÉES MENSUELLES EN ITALIE ET EN GRÈCE DEPUIS LE DÉBUT DE L’ANNÉE
Source : HCR, « Weekly Report – Europe », 13 octobre 2016.
A ce stade, il ne semble pas qu’il y ait d’effet de report de la route de la Méditerranée orientale vers celle de la Méditerranée centrale. La composition des flux migratoires reste en effet très différente. En Italie, les pays d’Afrique de l’Ouest représentent un peu plus de 50 % des arrivées et la Corne de l’Afrique (Érythrée, Somalie et Soudan) près de 25 %. Il faut également signaler que 30 % des entrées proviennent de pays d’Afrique francophone, ce qui n’est pas sans importance pour l’appréhension des « mouvements secondaires » potentiels depuis l’Italie. En Grèce, les Syriens restent la première nationalité, suivis des Afghans et d’autres nationalités telles que les Pakistanais.
– La route de la Méditerranée occidentale (entrées par l’Espagne) reste aujourd’hui peu empruntée. Les entrées maritimes irrégulières ont certes augmenté depuis le début de l’année, mais elles restent très faibles (3 200 arrivées) par rapport au flux en Méditerranée centrale. Dans le même temps, les entrées irrégulières depuis le Maroc (franchissement des barrières de Melilla et Ceuta ou fraude à un point de passage frontière) ont décéléré (moins de 3 000 passages depuis le début de l’année).
A court terme, on peut faire le pronostic que le niveau des flux devrait rester à peu près inchangé.
Sur la route de la Méditerranée orientale, il est raisonnable de penser que l’accord conclu en mars dernier entre l’Union européenne et la Turquie (3) ne sera pas remis en cause compte tenu de l’importance des montants financiers que l’Union européenne s’est engagée à apporter pour aider à gérer la situation des réfugiés (3+3 milliards d’euros) et de l’intérêt de la Turquie à ne pas provoquer un nouvel afflux sur son propre territoire.
En Libye, l’absence prolongée d’autorités centrales capables d’exercer un contrôle des frontières et la situation interne au regard des droits des réfugiés ne permettent pas d’apporter les mêmes réponses immédiates que sur la route de la Méditerranée orientale, par la conclusion d’un accord qui s’apparenterait à celui entre l’Union européenne et la Turquie. Dans ces conditions, la réduction du flux vers l’Italie ne paraît pas l’hypothèse la plus probable dans les mois à venir.
Enfin, la question des « causes profondes » des migrations reste entière : les crises politiques et sécuritaires à l’origine des déplacements forcés en Syrie, en Irak (où l’offensive sur Mossoul pourrait s’accompagner de nombreux départs) ou en Afghanistan, mais aussi les pressions qui conduisent aux migrations économiques. La croissance démographique en Afrique subsaharienne demeure une préoccupation, même si tout dépendra de l’évolution plus ou moins rapide des taux de fécondité et de la capacité d’absorption des pays directement concernés – et de leurs voisins – par l’élévation des niveaux de développement.
La France a été moins affectée que d’autres pays européens par l’accélération des mouvements migratoires en 2015. Son profil demeure également assez spécifique en 2016, mais cette fois parce que la décélération est moins marquée que dans d’autres Etats membres. Autre fait saillant qui mérite d’être souligné, les arrivées sont très concentrées dans certains territoires, en particulier le Nord, l’Ile-de-France et la frontière franco-italienne.
a. Une évolution de nouveau à la hausse depuis 2015, mais sans atteindre le niveau connu par d’autres pays européens
Dans le contexte européen qui vient d’être décrit, la demande d’asile adressée à la France a connu une augmentation marquée ces deux dernières années. Alors qu’elle avait connu un léger tassement en 2014 (-2,2 %), la demande d’asile est repartie à la hausse en 2015 (+24 % sur l’ensemble de l’année, avec une forte accélération sur les derniers mois). Sur les 8 premiers mois de l’année 2016, la hausse est d’environ 18 % par rapport à la même période en 2015 – et de 27 % pour les seules premières demandes (4).
EVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE EN FRANCE
Total demandes d'asile * |
évolution % | |
2012 |
61 468 |
|
2013 |
66 251 |
8 % |
2014 |
64 811 |
-2,2 % |
2015 |
80 075 |
24 % |
* 1ères DA mineurs inclus + réexamens |
Source : réponse au questionnaire budgétaire.
Cette hausse de la demande d’asile en France reste toutefois sans comparaison avec l’afflux massif qu’ont connu d’autres Etats membres dans le même contexte général. Les demandes ont été multipliées par quatre en Hongrie (177 000 en 2015), par 2,3 en Allemagne (476 500) et par deux en Suède (162 000 demandes, à rapporter à une population beaucoup moins nombreuse qu’en France).
En 2015, la France se classait ainsi au 6e rang des pays d’accueil des demandeurs d’asile au sein de l’Union européenne, après l’Allemagne, la Hongrie, la Suède, l’Autriche et l’Italie, alors qu’elle occupait le second rang en 2012. Le tableau ci-après présente l’évolution de la demande d’asile dans ces pays sur la période récente.
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
Allemagne |
77 485 |
126 705 |
202 645 |
476 510 |
Hongrie |
2 155 |
18 895 |
42 775 |
177 130 |
Suède |
43 857 |
54 270 |
81 180 |
162 450 |
Autriche |
17 415 |
17 500 |
28 035 |
88 160 |
Italie |
17 335 |
26 620 |
64 625 |
84 085 |
France |
61 468 |
66 251 |
64 811 |
80 075 |
Source Eurostat - 1ères demandes + réexamens + mineurs accompagnants
France : Source OFPRA.
Si la demande d’asile adressée à la France a connu une légère décélération par rapport à la fin de l’année 2015, cette évolution est moins sensible qu’ailleurs en Europe. Plusieurs facteurs sont susceptibles de l’expliquer, dans des proportions inégales :
– l’importance des « mouvements secondaires » (depuis d’autres Etats membres vers la France) ;
– concomitamment, les effets induits du règlement de Dublin, qui contribuent à étaler dans le temps la hausse de la demande d’asile (5) ;
– les flux de migrants en direction de l’Italie, dont on a rappelé qu’ils s’étaient maintenus à haut niveau, à la différence des entrées sur la route de la Méditerranée orientale ;
– la saturation des procédures d’asile, qui contribue aussi à étaler dans le temps les effets de l’augmentation de la demande ;
– la reprise de la demande d’asile en provenance de l’Albanie (6) et l’augmentation de celle d’origine haïtienne en Guyane.
En parallèle de l’accélération des flux, l’origine des primo-demandeurs d’asile en France a connu des évolutions notables.
La République démocratique du Congo et la Chine, qui étaient les deux pays les plus représentés dans la demande d’asile en 2014, ont été remplacés en 2015 par le Soudan et la Syrie.
La demande d’asile syrienne continue à augmenter en 2016, mais elle pourrait être appelée à connaître une inflexion, dans la mesure où les entrées ont essentiellement eu lieu avant la déclaration UE-Turquie du mois de mars dernier (sous réserve des « mouvements secondaires », notamment en provenance d’Allemagne).
La demande d’asile d’origine soudanaise poursuit également sa progression en 2016 et il est probable que ce sera le cas tant que la situation reste identique en Libye.
Une autre évolution majeure concerne la demande en provenance d’Afghanistan, devenu le premier pays d’origine des demandeurs d’asile en France au 30 juin 2016, alors que ce pays ne se trouvait qu’au 31e rang en 2014. Du fait de la déclaration UE-Turquie, cette demande pourrait toutefois s’infléchir, là encore sous réserve des « mouvements secondaires ».
Enfin, la demande d’origine haïtienne connaît une augmentation constante depuis 2013, en particulier en Guyane. Classé au 9e rang des pays de provenance en 2014, Haïti se trouve à la troisième place à l’issue du 1er semestre 2016.
c. La mise en œuvre des engagements de la France en matière de relocalisation et de réinstallation de personnes en besoin de protection internationale
Outre la demande d’asile « spontanément » adressée, par des ressortissants étrangers arrivés sur le territoire national, les autorités françaises se sont engagées à relocaliser des personnes en besoin manifeste de protection internationale depuis la Grèce et l’Italie et à participer à un programme européen de réinstallation depuis des Etats tiers également très affectés par la crise actuelle.
La France s’est engagée de longue date dans des opérations de réinstallation de personnes auxquelles le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a accordé sa protection et qui se trouvent dans un premier pays d’accueil.
L’accord-cadre du 4 février 2008 avec le HCR prévoit ainsi, chaque année, l’examen d’environ 100 dossiers de réinstallation. Depuis 2008, 1 237 personnes ont été accueillies, principalement des Palestiniens (157), des Afghans (123), des Russes de Tchétchénie (111), des Ethiopiens (169) et des Somaliens (96).
En réponse à un appel lancé par le HCR, la France a ensuite mis en place une opération spécifique d’accueil de 500 Syriens en 2014, soit au titre de la réinstallation sur le quota annuel, soit au titre de l’admission humanitaire (7). Cette opération a été renouvelée en 2015. Plus de 1 000 personnes sont arrivées en France dans ce cadre : 488 en 2014 et 643 en 2015.
Un nouveau renforcement de nos efforts en matière de réinstallation et d’admission humanitaire concerne désormais plus de 10 000 Syriens se trouvant dans des pays de premier accueil (Liban, Turquie, Jordanie), sur une période de deux ans :
– 2 375 personnes dans le cadre d’un programme européen de réinstallation de 22 000 réfugiés, décidé en juillet 2015 (8) ;
– 6 000 Syriens présents sur le territoire turc, que la France pourrait accueillir en application d’un des volets de la déclaration UE-Turquie du 18 mars dernier ;
– 2 000 réfugiés syriens en provenance du Liban, dans le cadre d’un engagement national à l’égard de ce pays.
Au 1er octobre 2016, les autorités françaises avaient donné leur accord pour 1 870 personnes au titre de ces engagements d’accueil de 10 000 Syriens (724 en provenance du Liban, 670 de Jordanie et 476 de Turquie). Les arrivées se font progressivement, environ 800 personnes étant déjà parvenues en France à cette date.
Au titre de deux décisions du Conseil JAI du mois de septembre 2015 (9), la France s’est engagée à relocaliser depuis la Grèce et l’Italie un peu plus de 30 700 personnes en besoin manifeste de protection internationale.
La première décision, formellement adoptée le 14 septembre 2015, concerne 40 000 personnes à relocaliser depuis la Grèce et l’Italie, dont 32 326 ont fait l’objet d’engagements de la part des Etats membres. Dans ce cadre, la France s’est engagée à accueillir 6 752 personnes.
La seconde décision, adoptée le 22 septembre 2015, porte sur la relocalisation de 120 000 personnes, dont 66 000 depuis l'Italie et la Grèce, les 54 000 places restantes n’étant pas alors affectées (10). La France s’est engagée à accueillir 3 064 personnes depuis l’Italie et 9 888 depuis la Grèce.
Au 1er octobre 2016, 1 987 personnes ont été relocalisés en France dont 231 depuis l’Italie et 1 756 depuis la Grèce. A l’échelle européenne, 6 061 personnes ont été relocalisées au 14 octobre, 4 716 depuis la Grèce et 1 345 depuis l’Italie.
Outre l’augmentation soutenue de la demande d’asile depuis fin 2015, l’exposition de la France aux flux migratoires se traduit par une concentration particulière de leurs effets à Calais et plus généralement le Nord, en région parisienne et à la frontière franco-italienne.
C’est à Calais que l’impact des flux migratoires a été le plus visible, avec la présence de milliers de personnes désireuses de se rendre au Royaume-Uni. A la veille de l’évacuation humanitaire du camp de la Lande, leur nombre était compris entre 7 000 (selon le ministère de l’Intérieur) et 9 000 (selon diverses associations), essentiellement de jeunes hommes isolés d’origine soudanaise et afghane. Alors que l’on comptait environ 300 migrants à Calais en mai 2014, les arrivées se sont amplifiées avec l’aggravation de la crise migratoire en Méditerranée centrale et orientale.
La présence de migrants aussi nombreux s’explique en premier lieu par la concentration des capacités de trafic transmanche à Calais, où elles sont très supérieures à celles des autres ports français. Des tentatives de traversée de la Manche ont lieu ailleurs, mais en nombre beaucoup plus réduit. Les autres ports de la Manche font toutefois l’objet d’une attention particulière.
Dans ce contexte, la politique menée par l’Etat à Calais consiste à :
– mener une lutte déterminée contre les filières d’immigration irrégulière dans la région en renforçant les effectifs des forces de l’ordre, en poursuivant l’étanchéification des infrastructures de transport et en réalisant des éloignements d’étrangers en situation irrégulière depuis Calais (1 723 au 18 octobre dernier) ;
– renforcer la coopération avec le Royaume-Uni sous diverses formes : lutte contre les filières d’immigration clandestine à destination de ce pays ; investissement financier britannique à Calais pour continuer la sécurisation de la frontière et contribuer à la prise en charge des migrants et des réfugiés ; accueil au Royaume-Uni de mineurs isolés présents à Calais et disposant d’attaches familiales outre-manche (dans le cadre du règlement de Dublin et conformément à l’engagement souscrit en mars lors du sommet franco-britannique d’Amiens) ;
– mener une politique de l’asile volontariste à Calais et mettre à l’abri, depuis le début de l’année, plus de 6 000 personnes dans 164 centres d’accueil et d’orientation (CAO), répartis dans 84 départements et conçus comme des lieux de répit offrant la possibilité de reconsidérer son parcours, avec un accompagnement vers l’asile (80 % des personnes prises en charge dans les CAO ont ensuite déposé une demande d’asile en France).
Etat de la coopération avec le Royaume-Uni
Les montants engagés à ce jour par le gouvernement britannique pour la sécurisation du port de Calais s’élèvent à presque 21 millions d’euros, dépassant l’engagement initial issu de la déclaration conjointe de septembre 2014.
Annoncé par la déclaration conjointe d’août 2015, le financement britannique pour la sécurisation du tunnel sous la Manche s’élève à 51 millions d’euros.
La prise en charge des migrants (hébergements) a fait l’objet du versement par les Britanniques de deux tranches de 5 millions d’euros chacune, comme mentionné dans la déclaration du 20 août 2015.
Le sommet franco-britannique du 3 mars 2016 d’Amiens a permis de déboucher sur l’annonce de 22 millions d’euros supplémentaires versés par les Britanniques pour Calais en 2016. Cet engagement financier renforcé, géré par le comité franco-britannique des migrations, se répartit entre des travaux de sécurisation des infrastructures et l’hébergement de migrants hors du Calaisis.
La contribution financière britannique à la gestion de la situation migratoire à Calais vient d’être renforcée. Elle dépasse maintenant 140 millions d’euros au total.
Par ailleurs, au cours du premier trimestre 2016, le groupe de contact « Dublin » franco-britannique a initié une procédure spécifique afin d’assurer un meilleur suivi des cas de rapprochement familial dans le cadre du règlement Dublin pour les étrangers ayant un membre de leur famille résidant légalement au Royaume-Uni. Ces dispositions impliquent que, dans un premier temps, les étrangers sollicitent explicitement l’asile auprès des autorités françaises.
A la fin du mois de septembre 2016, 81 personnes avaient bénéficié de cette procédure de rapprochement familial vers le Royaume-Uni, dont 9 majeurs. A la suite d’une nouvelle rencontre entre le ministre de l’intérieur et son homologue britannique, une amélioration sensible a pu être enregistrée – avec 200 départs en une semaine.
Source : Direction générale des étrangers en France.
L’évacuation complète de la jungle de Calais, après celle de sa partie Sud en mars dernier, a été annoncée au début du mois de septembre. Les opérations ont commencé le 24 octobre et l’Etat a annoncé qu’elles étaient désormais achevées. Plusieurs milliers de nouvelles places avaient été préalablement identifiées en CAO afin d’accueillir les migrants.
Les installations réalisées à Calais
Un centre d’accueil de jour, le centre Jules Ferry, assurait quotidiennement la distribution de 3 600 repas et permettait l’accès à environ 600 douches ; 400 places destinées aux personnes vulnérables avaient également été ouvertes dans ce centre. Un centre d’accueil provisoire (CAP) offrait par ailleurs 1 500 places aménagées dans 125 conteneurs.
D’importants aménagements ont également été effectués à Grande-Synthe, à côté de Dunkerque, afin d’accueillir de nombreux migrants qui campaient jusque-là dans des conditions déplorables.
Le camp de Grande-Synthe
Le camp de Grande-Synthe a d’abord été une initiative portée par Médecins sans frontières (MSF) et soutenue par le maire de la commune. Ce camp a été conçu selon les standards des camps humanitaires. En mai 2016, le ministre de l'Intérieur a annoncé un engagement financier de l'Etat à hauteur de 3,9 millions d'euros pour la gestion de ce camp. Pour ce faire, une convention de partenariat entre l’Etat, la commune de Grande-Synthe et l’AFEJI (association luttant contre l'exclusion) a été signée le 30 mai 2016.
L’Etat s’est engagé à accompagner l’action de la mairie pour un accueil dans des conditions dignes de tous les migrants. Cependant, ce camp, comme celui de Calais, n'a pas vocation à perdurer, selon l’Etat. Depuis la signature de la convention, en six mois, le nombre de migrants est passé de 1 333 à 1 020 puis à 712 à ce jour. Comme prévu dans la convention, les chalets et tentes vides d’occupants ont été retirés au fur et à mesure des départs. Il n’y a actuellement plus de tentes ou d’abris collectifs.
Cette évolution est liée à la lutte déterminée contre les réseaux de passeurs et à la mobilisation des services de l'Etat qui informent les migrants de leurs droits et des solutions s'offrant à eux.
L'Etat poursuit en parallèle son effort de mise à l’abri par l’orientation en CAO sur tout le territoire. L’OFII propose conjointement avec Calais trois départs par semaine. Dans ce cadre, 778 personnes sont parties en CAO depuis le 1er janvier 2016, dont 515 depuis le 1er avril. Des maraudes sont effectuées en lien avec les associations pour informer les migrants sur leurs droits et la procédure de demande d’asile.
Source : Direction générale des étrangers en France.
Les flux migratoires actuels ont conduit à l’apparition et au développement de campements en région parisienne, malgré des opérations d’évacuation régulièrement conduites depuis le printemps 2015.
Depuis le 2 juin 2015, 27 opérations d’évacuation de campements ont eu lieu à Paris, permettant la mise à l’abri de 17 300 personnes dans des centres d’hébergement d’urgence franciliens (CHU migrants, financés par le programme 177), des CAO et au sein du dispositif national d’accueil (DNA).
Au 13 octobre 2016, 7 557 personnes sont hébergées en CHU migrants dont 3 200 sont orientables vers le DNA et 760 disposent du statut de réfugié.
Depuis le début de l’année, l’OFII a orienté près de 1 600 personnes vers le DNA depuis ces centres et continue d’y orienter en moyenne chaque jour 20 à 25 personnes. Par ailleurs, 1 254 personnes ont été orientées depuis l’Ile-de-France vers les CAO entre mars et septembre 2016.
Face à l’accélération du rythme de reconstitution des campements, la préfecture de police a mis en place des opérations de contrôle des campements (a minima trois opérations par semaine). À l’occasion de chaque opération, il est proposé en moyenne 30 places d’hébergement en CHU migrants aux personnes présentes dans les campements.
Afin de répondre au besoin de mise à l’abri constaté à Paris, un centre d’accueil ouvrira très prochainement, à l’initiative de la Ville. Couplé à un centre d’accueil de jour, ce dispositif permettra d’accueillir les migrants dans 600 places d’hébergement (en deux sites dédiés respectivement à l’accueil de femmes et de familles et à celui d’hommes isolés). L’hébergement serait transitoire, dans l’attente d’une orientation vers le dispositif correspondant à la situation administrative des personnes concernées.
Par ailleurs, l’Ile-de-France connaît un accroissement significatif du nombre de demandeurs d’asile sous procédure Dublin (représentent 40 % du flux régional entre janvier et octobre 2016). Devant cet afflux, il a été mis en place un dispositif d’assignation à résidence de ces personnes dans des hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) identifiés à cet effet. Le projet de schéma régional d’accueil des demandeurs d’asile francilien prévoit également la création dans chaque département de 50 places d’HUDA dédiées à l’hébergement de ce public placé sous assignation à résidence.
Les enjeux en Ile-de-France conduisent enfin le Gouvernement à souhaiter y créer dès que possible un dispositif de préparation au retour volontaire analogue à celui expérimenté depuis 2015 en Moselle.
Source : Direction générale des étrangers en France.
La situation reste préoccupante du côté de Vintimille, à la frontière franco-italienne, où le nombre de non-admissions est très élevé. Quelques centaines de personnes seraient présentes en permanence à Vintimille, dans la perspective de passer en France, ce qui traduit bien l’importance de la route de la Méditerranée centrale dans les flux vers notre pays.
Un effort important de contrôle est réalisé à la frontière italienne, se traduisant par 23 000 interpellations depuis le début de l’année (11). Du côté italien, les autorités déclarent s’efforcer d’éviter la constitution d’un « nouveau Calais ». Elles ont renforcé les contrôles sur les axes de transport menant à Vintimille et opèrent des relocalisations de migrants vers d’autres points du territoire italien.
II. LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017
La mission budgétaire se compose de deux programmes :
– le programme 303 « Immigration et asile » porte les moyens des politiques publiques relatives à l’exercice du droit d’asile, à l’entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, ainsi qu’à l’éloignement des personnes en situation irrégulière, pour lesquelles environ 935 millions d’euros sont demandés pour 2017 en autorisations d’engagement (AE) et un peu plus de 808 millions d’euros en crédits de paiement (CP) ;
– le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » supporte le financement de la politique d’accueil et d’intégration des étrangers en situation régulière, pour près de 248 millions d’euros en AE et en CP au titre du PLF 2017.
Au total, les crédits de la mission inscrits au PLF 2017 s’élèvent à un peu plus de 1,18 milliard d’euros en AE et à 1,056 milliard d’euros en CP.
Les crédits demandés au titre de 2017 pour l’ensemble de la mission sont en augmentation de 47 % en AE (+378 millions d’euros) et de 31,3 % en CP (+252 millions d’euros) à périmètre courant. Hors réaffectation au programme 104 des taxes précédemment perçues par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), l’augmentation des crédits serait de 29,1 % en AE et de 14,8 % en CP.
Source : Projet annuel de performances.
Un tableau figurant en annexe du présent rapport détaille les crédits de la mission par programmes, actions et unités de budgétisation, ainsi que leur évolution par rapport à la LFI 2016. On pourra en retenir les éléments suivants.
– La progression des crédits concerne en particulier les différentes lignes budgétaires dédiées à la prise en charge les demandeurs d’asile, en hausse de 36,5 % en AE et 15,1 % en CP.
La hausse est ainsi de 102,6 % (+ 114 millions d’euros) en CP pour l’hébergement d’urgence, de 47,9 % (+ 71,2 millions d’euros) en ce qui concerne l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), de 21,2 % pour le fonctionnement de l’OFPRA (+11,3 millions d’euros) et de 5,7 % pour les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (+15 millions d’euros). Cela traduit, dans une large mesure, la progression de la demande d’asile en France. Quant à la hausse des crédits prévus pour les CADA, elle reflète également la décision de faire de ce dispositif le mode d’accueil privilégié, parce qu’il permet un meilleur accompagnement des demandeurs d’asile.
Selon les éléments communiqués par le ministère de l’Intérieur, les demandes de crédits reposent sur une hypothèse de croissance de la demande d’asile comprise entre 15 et 20 % en 2017, y compris l’accueil de demandeurs d’asile conformément aux engagements pris dans la France au titre du mécanisme européen de relocalisation (voir ultra).
Les risques en exécution sont récurrents et donc bien connus. Ils concernent en particulier l’évolution de la dépense au titre de l’ADA, pour laquelle 148 millions d’euros avaient été inscrits en LFI 2016. Compte tenu de la dépense mensuelle constatée (25,1 millions d’euros depuis janvier de cette année), la prévision annuelle s’élève à 315 millions d’euros. L’évolution de la dépense dépend de plusieurs facteurs, notamment le flux de la demande d’asile, les stocks de dossiers en attente de décision à l’OFPRA et à la CNDA, ainsi que le nombre de demandeurs d’asile sous procédure Dublin. Pour 2017, un montant de 220 millions d’euros est inscrit au PLF, représentant un nombre mensuel moyen de 72 000 bénéficiaires.
L’hébergement d’urgence, pour les demandeurs d’asile qui ne peuvent être accueillis en CADA, est un autre domaine où des tensions peuvent se produire en exécution en cas de hausse de la demande d’asile. Cette année, la prévision de consommation s’élève à environ 140 millions d’euros, pour une dotation de 111 millions d’euros en LFI. Pour 2017, 225 millions d’euros sont inscrits au PLF.
– S’agissant de la lutte contre l’immigration irrégulière, les crédits demandés sont, de même, en progression dans le contexte migratoire actuel. Ils devraient augmenter de 15,8 % par rapport à la LFI 2016.
Les dépenses d’accompagnement sanitaire dans les centres de rétention administrative (CRA) devraient augmenter de 182 % (+14,2 millions), mais l’essentiel de la hausse correspond en réalité à une enveloppe pour l’accompagnement et la prise en charge des migrants à Calais et à Dunkerque. L’affectation de ces crédits devrait être réexaminée au vu des opérations de démantèlement annoncées à Calais.
Les dépenses d’investissement dans les CRA sont en hausse plus marquée (+ 290,8 % en AE, soit 8,7 millions d’euros). Il s’agit de financer des travaux de mise en conformité dans plusieurs centres, ainsi que la phase préliminaire et des études pour des constructions neuves (au CRA de Lesquin) et pour l’extension/réhabilitation du CRA de Coquelles.
Les placements en rétention devraient augmenter dans le contexte migratoire. Les crédits de fonctionnement des CRA inscrits au PLF sont néanmoins en baisse de 5 % en CP (-1,46 million d’euros). Selon le Projet annuel de performances, l’optimisation de l’utilisation des capacités existantes et les efforts de gestion devraient permettre de réduire les crédits de fonctionnement hôtelier des CRA, tandis que devraient augmenter ceux dédiés à l’assignation à résidence (à laquelle la priorité est désormais clairement donnée en droit français, conformément au droit de l’Union européenne) et ceux des dispositifs de préparation au retour des déboutés.
– S’agissant du programme 104, la hausse des crédits (+20,1 % en AE et +20,4 % en CP) doit permettre de financer le parcours d’intégration républicaine, qui remplace l’ancien contrat d’accueil et d’intégration en application de la loi du 7 mars 2016, et de développer le parc de centres provisoires d’hébergement pour les réfugiés (voir ultra).
Les opérateurs relevant de la mission, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) verront leurs plafonds d’emploi continuer à progresser.
– De nouveaux renforts (+ 40 ETP) sont prévus à l’OFPRA. Cette mesure s’inscrit dans la continuité des efforts engagés pour permettre à l’Office de faire face à la hausse de la demande d’asile et de réduire les délais de traitement des demandes.
L’an dernier, le recrutement de 115 ETP supplémentaires (20 au titre du « plan migrants » de juin 2015, 80 pour mettre en œuvre le programme européen de relocalisation et 15 au titre de l’appui à l’Italie et la Grèce) avait ainsi été autorisé en loi de finances initiale. Par ailleurs, l’OFPRA a bénéficié d’une autorisation de recrutement de 100 ETP supplémentaires en cours d’année pour faire face à la hausse de la demande d’asile constatée.
De 2013 à 2017, le plafond d’emplois de l’OFPRA sera passé de 470 à 780 ETPT, ce qui traduit bien l’engagement de cette majorité sur la question de l’asile.
– L’OFII est également très affecté par la situation migratoire, alors qu’il est par ailleurs chargé de mettre en œuvre de profondes réformes, en particulier la mise en place du nouveau contrat d’intégration républicaine, créé par la loi du 7 mars 2016, et celle du nouveau dispositif de prise en charge des demandeurs d’asile issu de la loi du 29 juillet 2015. L’OFII a, en outre, été appelé à déployer ses agents sur le terrain pour des maraudes, à Paris comme à Calais.
Ses effectifs n’ont certes pas augmenté dans les mêmes proportions que ceux de l’OFPRA, mais les renforts sont tout de même très significatifs. La LFI 2016 avait déjà autorisé le recrutement de 40 ETP pour contribuer à la réduction du délai de traitement des demandes d’asile, de 86 ETP au titre des engagements de la France dans le cadre du programme de relocalisation et de 9 ETP pour les « hotspots » italiens et grecs. Devant la progression de la demande d’asile en 2016, l’OFII s’est également vu autoriser le recrutement de 68 ETP supplémentaires en cours d’année. Pour 2017, un renfort de 10 ETP est prévu en vue de renforcer les moyens de l’OFII en matière d’asile.
Au total, le plafond d’emplois de l’Office a été porté de 801 ETPT en LFI 2015 à 1014 ETPT en LFI 2017.
Le programme 303, qui concentre l’essentiel des crédits de la mission, vise principalement à garantir l’exercice du droit d’asile en France et à lutter contre l’immigration irrégulière.
L’année 2017 devrait être marquée par deux enjeux majeurs :
– d’une part, poursuivre la mise en œuvre des profondes réformes structurelles issues de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile ;
– d’autre part, continuer les efforts engagés pour redimensionner et rééquilibrer le parc d’hébergements dédiés, afin de répondre à l’augmentation de la demande d’asile et de conforter la place des CADA comme pivot de l’accueil.
La loi relative à la réforme du droit d’asile conduit à une évolution en profondeur du dispositif d’accueil. Il en résulte un certain nombre de difficultés qui restent partiellement à traiter.
– Tout d’abord, la refonte du parcours des demandeurs d’asile se traduit par la mise en place de guichets uniques réunissant en un même lieu les services de la préfecture et ceux de l’OFII. En amont, des structures de pré-accueil sont chargées d’assurer l’information des demandeurs d’asile et la prise de rendez-auprès du guichet unique – ainsi que, cette fois en aval du passage au guichet unique, l’accompagnement administratif et social des demandeurs non hébergés dans des structures pérennes pendant la durée de la procédure d’asile.
Schéma transmis par le ministère de l’Intérieur.
Au total, 34 guichets uniques sont opérationnels depuis le début de l’année 2016 et un réseau de plateformes d’accueil de demandeurs d’asile (PADA) a été mis en place. Les structures chargées du premier accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile sont désormais sélectionnées dans le cadre d’un marché public comprend 34 lots géographiques. Le coût prévisionnel de ce marché public est de 15,6 millions d’euros pour 2016.
La rapidité d’entrée dans la procédure d’asile représente un enjeu majeur, notamment parce que l’enregistrement de la demande conditionne l’accès aux conditions matérielles d’accueil (allocation et hébergement) et que son absence place les personnes concernées dans une situation juridiquement fragile. En application de la loi du 29 juillet 2015, l’enregistrement de la demande d’asile au guichet unique doit avoir lieu dans un délai de trois jours.
Jusqu’à présent, ce délai n’est pas respecté sur l’ensemble du territoire, le délai d’enregistrement pouvant être d’un mois, voire davantage, selon la période de l’année et le lieu, l’Ile-de-France étant la région la plus affectée. Avec l’augmentation de la demande d’asile, le nombre de rendez-vous par jour n’est pas suffisant à l’heure actuelle.
– La nouvelle allocation pour demandeur d’asile (ADA) a été créée pour réduire les inégalités résultant de la différence de régime entre les deux allocations précédentes et pour prendre en compte la composition familiale dans le calcul de l’allocation (12).
L’ADA est versée depuis le 1er novembre 2015. Les acteurs associatifs rencontrés par votre Rapporteur ont fait état d’un certain nombre de difficultés dans ce domaine (retards importants du versement, surtout pour les personnes sous procédure « Dublin », interruption du versement, non-versement ou refus du versement). Selon le directeur de l’OFII, M. Didier Leschi (13), il y aurait moins de 5 % d’incidents. Ils restent toutefois d’autant plus regrettables que les personnes concernées n’ont généralement pas d’autre source de revenu.
– La loi du 29 juillet 2015 vise aussi à favoriser une répartition plus équilibrée des places d’hébergement, afin de remédier aux tensions que connaissent certaines parties du territoire (en particulier l’Ile-de-France et le Nord-Pas-de-Calais-Picardie).
Pour chaque région, un schéma national d’accueil des demandeurs d’asile détermine ainsi une capacité d’hébergement cible. La répartition des places doit ensuite être déclinée dans le cadre de schémas régionaux. En parallèle, un dispositif d’orientation directive est prévu : le demandeur d’asile perd le bénéfice des « conditions matérielles d’accueil », notamment le versement de l’ADA, en cas de refus d’une proposition d’hébergement de l’OFII.
Le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile a été publié par arrêté du 21 décembre 2015 (cf. tableau ci-après). Le directeur général des étrangers en France a précisé que les schémas régionaux devraient être publiés par les préfets avant la fin de l’année 2016, le temps que la concertation puisse aller jusqu’à son terme dans certaines régions.
RÉGIONS |
|
ÉTAT DU PARC EN 2017 | ||
Nombre de places |
dont places |
Nombre de places |
dont places | |
Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine |
8 121 |
3 226 |
8 840 |
4 984 |
Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes |
2 436 |
1 839 |
5 498 |
4 667 |
Auvergne-Rhône-Alpes |
9 217 |
3 903 |
9 212 |
5 349 |
Basse-Normandie-Haute-Normandie |
2 816 |
1 600 |
3 313 |
2 091 |
Bourgogne-Franche-Comté |
3 202 |
2 002 |
3 909 |
3 027 |
Bretagne |
1 737 |
1 073 |
2 939 |
2 138 |
Centre |
2 046 |
1 508 |
2 455 |
1 802 |
Ile-de-France |
8 935 |
3 736 |
8 108 |
4 768 |
Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées |
2 519 |
1 852 |
5 105 |
4 191 |
Nord - Pas-de-Calais-Picardie |
2 990 |
1 810 |
3 860 |
2 494 |
Pays de la Loire |
3 074 |
1 488 |
3 908 |
2 364 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
2 741 |
1 686 |
3 717 |
2 480 |
France métropolitaine hors Corse |
49 834 |
25 723 |
60 864 |
40 352 |
Les modalités d’élaboration du schéma national et des schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile
S’agissant du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile, trois critères ont été retenus, afin d’établir une clé de répartition des places de CADA et d’HUDA par région :
- la population régionale (données INSEE en 2012) ;
- la part de la population qui ne réside pas dans une zone urbaine sensible (ZUS) ;
- la capacité du parc d’hébergement au 1er janvier 2015, incluant : les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), l’Accueil Temporaire – Service de l’Asile (AT-SA) et l’hébergement d’urgence dédié à ce public (places d’hôtel et pérennes).
Ces trois critères ont permis d’établir un taux de places « idéal » par région et de déterminer, par comparaison avec la capacité actuelle d’hébergement des régions, si ces dernières sont surdimensionnées ou sous-dimensionnées. Afin de prendre en compte tant la capacité actuelle du parc que l’objectif de transformation résultant du taux de places « idéal », une moyenne entre ces deux taux a aussi été déterminée pour chaque région.
Le taux moyen obtenu constitue alors le « taux cible » qui a déterminé, pour chaque région, l’effort de création de places de CADA ou de suppression de places d’HUDA à effectuer entre 2015 et fin 2017. Ce taux correspond in fine au taux de capacité d’hébergement régional au 31 décembre 2017.
Au regard de l’impact significatif de ces mesures pour certaines régions, le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile intègre des exceptions pour les régions Île-de-France et Hauts-de-France qui se voient appliquer un taux cible dérogatoire.
En ce qui concerne l’Île-de-France, le taux fixé permet de diminuer son parc de 2 000 places d’hôtel sur trois ans. Pour les Hauts-de-France, le taux cible a également été abaissé de manière à diminuer le nombre de places de CADA à créer d’ici à 2017.
Quant aux schémas régionaux d’accueil des demandeurs d’asile (qui ont pour objet de déterminer les territoires départementaux, communaux ou intercommunaux qui sont prioritaires pour la création de CADA ou d’HUDA pérennes), les critères n’ont pas été imposés aux régions dans le processus d’élaboration des schémas, mais la direction de l’asile du ministère de l’Intérieur a pris le parti de leur proposer une liste de critères, au regard des disparités socio-économiques territoriales et d’histoires migratoires régionales différentes :
- les capacités actuelles d’hébergement des demandeurs d’asile et leur répartition ;
- les opportunités immobilières permettant la création ou l’extension de CADA, ou d’HUDA stable ;
- la dynamisation des espaces ruraux (commerces, écoles…) ;
- l’accessibilité des centres, notamment au vu des réseaux de transports en commun et des projets de développement ;
- les difficultés économiques et sociales constatées sur certains territoires (à l’instar des zones urbaines sensibles) ;
- la présence de centres provisoires d’hébergement ou d’autres dispositifs destinés à faciliter l’insertion des réfugiés, ainsi que le taux de vacance dans le logement social et l’état du bassin d’emploi ;
- la répartition des capacités d’accueil de droit commun telles que prévues par les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).
A titre d’exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes a retenu quatre critères :
- la population – données INSEE 2013 ;
- la répartition actuelle des capacités d’hébergement ;
- les opportunités immobilières (taux de vacance dans le logement social) ;
- le revenu (indicateur de précarité).
Source : Direction générale des étrangers en France.
La réalisation du rééquilibrage territorial dépend dans une large mesure de la capacité à créer de nouveaux hébergements. Sur ce point, le directeur général des étrangers en France a souligné que l’on pouvait notamment se heurter aux tensions sur le foncier et qu’environ la moitié des projets soumis par les opérateurs n’aboutissaient pas, en raison de difficultés liées au contexte local et identifiées par les préfets.
Le principe selon lequel les CADA doivent devenir le pivot du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, parce qu’il s’agit de la structure la plus adaptée à leurs besoins en termes d’accompagnement, se traduit par un rééquilibrage progressif mais volontariste du parc d’hébergements. Les efforts engagés par la majorité actuelle pour redimensionner le dispositif d’accueil doivent être soulignés.
Des campagnes d’ouverture de places de CADA ont ainsi été engagées chaque année par le Gouvernement : 3 000 places ont été créées entre 2013 et 2014, 5 000 ont été validées en 2015 par le ministère de l’Intérieur, qui a ensuite lancé en 2016 un appel à projet pour la création de 8 630 places : 3 500 au titre des extensions de capacité prévues pour la mise en œuvre de la réforme de l’asile et 5 130 dans le cadre du programme européen de relocalisation auquel participe la France. Enfin, la création de 2 000 places supplémentaires est prévue en 2017.
Au total, 18 630 places de CADA devraient avoir été créées sur la période 2013-2017. Le parc d’hébergement comprendrait ainsi 40 352 places de CADA au 31 décembre 2017, soit une progression de 65 %. Malgré la hausse actuelle de la demande d’asile, cela permettra d’augmenter la part des demandeurs hébergés en CADA. Ils n’étaient encore que 36,9 % à l’être en 2015.
Par ailleurs, le renforcement du dispositif des centres provisoires d’hébergement (CPH) dédiés aux réfugiés devrait contribuer à faciliter la sortie de personnes ayant obtenu une protection internationale et n’ayant donc plus vocation à rester en CADA, ce qui permet d’augmenter le nombre de demandeurs d’asile pouvant y être hébergés. Fin 2015, seules 90 % des places de CADA étaient occupées par des demandeurs d’asile en cours de procédure et autres personnes autorisées (les bénéficiaires d’une protection internationale peuvent y rester au maximum six mois après la notification d’une décision positive et les déboutés du droit d’asile pendant une durée d’un mois).
Outre les créations de places en CADA et les efforts permettant d’améliorer leur taux d’occupation par des personnes éligibles à ce dispositif, il faut ajouter que le « plan migrants » avait prévu la création de 4 000 places dans les centres relevant du dispositif d’hébergement d’urgence pérenne pour demandeurs d’asile à gestion nationale « Accueil Temporaire – Service de l’Asile » (AT-SA) entre 2015 et 2016. Cet objectif, qui conduira à un triplement du parc, est atteint à 82 %, avec 3 290 places validées, dont plus de 2 300 sont effectivement ouvertes.
L’extension sans précédent du parc de CADA doit naturellement s’accompagner d’une réduction du recours au dispositif d’urgence et aux nuitées hôtelières. L’augmentation des capacités d’accueil en CADA ne correspond d’ailleurs pas uniquement à des créations nettes de places, une partie d’entre elles résultant de la transformation de places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA). Selon le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile, près de 43 % des nouvelles places de CADA doivent être issus de telles transformations en 2015 et 2016.
Le tableau ci-dessous présente l’évolution du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile depuis 2014 et sa composition au 30 juin dernier.
|
|
2014 |
2015 |
2016 (au 30 juin) |
Nombre de places disponibles dans le DNA |
CADA |
24 418 |
28 104 |
31 869 |
ATSA |
2 393 |
3 545 |
6 033 | |
HUDA |
12 246 |
11 829 | ||
|
|
|||
Nombre d'entrées CADA |
|
14 958 |
17 514 |
11 164 |
Nombre d'entrées ATSA |
1 619 |
2 211 |
2 297 | |
Durée moyenne de séjour CADA |
Globale |
543 |
528 |
488 |
déboutés |
573 |
577 |
591 | |
réfugiés |
573 |
495 |
445 |
Source : Ministère de l’Intérieur.
En complément, il faut souligner que le nombre de demandeurs d’asile en cours de procédure qui sont hébergés dans le dispositif d’urgence généraliste, relevant du ministère du logement et de l’habitat durable (au titre du programme 177 de la mission « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »), n’est pas connu, en l’absence d’outil de pilotage informatisé géré au niveau national.
Les efforts de réduction des délais de traitement des demandes d’asile, engagés à l’OFPRA avant l’accélération des flux, ont été interrompus par la forte hausse de la demande d’asile depuis le dernier semestre 2015. Le stock de dossiers en attente d’instruction depuis plus de trois mois a en effet recommencé à augmenter. En 2015, le délai moyen de traitement des dossiers s’élevait à 216 jours, et la prévision actualisée est de 140 jours en 2016.
Les nouvelles garanties prévues par la loi du 29 juillet 2015, en particulier la possibilité pour un tiers d’assister à l’entretien à l’OFPRA, ont également eu un impact relatif sur les délais d’instruction. Le directeur général de l’Office, M. Pascal Brice, a estimé que la présence d’un tiers (d’ailleurs peu fréquente en pratique) se déroulait toutefois dans de bonnes conditions.
L’objectif de ramener à trois mois les délais de traitement à l’OFPRA demeure, avec un simple décalage dans le temps de 2016 à 2017. Les renforts en personnel déjà accueillis en 2016 à l’OFPRA et ceux prévus en LFI 2017 devraient permettre de reprendre la dynamique de réduction des stocks de dossiers en attente d’instruction afin d’atteindre cet objectif de trois mois.
Si la hausse soutenue de la demande d’asile a temporairement percuté l’effort de réduction des délais, le nombre de décisions rendues s’est tout de même accru de 16 % en 2015 et il a de nouveau progressé de 15 % sur les sept premiers mois de 2016. Cette évolution résulte du renforcement des effectifs de l’OFPRA et des gains de productivité liés à la mise en œuvre du plan d’action pour la réforme de l’Office, depuis 2013.
Une autre évolution mérite d’être signalée, bien qu’elle soit sans rapport direct avec la question du délai moyen de traitement des demandes à l’OFPRA. L’Office prend désormais la majorité des décisions accordant un statut protecteur (72,6 % en 2015, contre 43,6 % en 2012). L’OFPRA est devenu la première autorité d’octroi d’une protection internationale en France, à la place de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juridiction chargée de se prononcer sur les recours formés contre les décisions de l’Office – la situation qui prévalait jusque-là paraissait quelque peu singulière...
Le projet annuel de performances annexé au PLF ne comprend pas d’objectif chiffré pour les mesures de reconduite à la frontière exécutées. Comme l’a souligné le directeur général des étrangers en France, lors de son audition par la commission des affaires étrangères, il s’agit avant tout d’une politique dissuasive et non une politique du chiffre.
Les retours forcés de ressortissants tiers hors UE sont passés d’environ 4 000 en 2011 à un peu plus de 6 300 l’an dernier.
Lors de l’audition précitée, M. Molina a dit s’attendre à un tassement des éloignements contraints, y compris ceux des ressortissants de pays tiers vers les pays tiers, car la lutte contre l’immigration irrégulière s’exerce davantage aux frontières depuis la décision de rétablir les contrôles aux frontières intérieures, le 13 novembre 2015. Les contrôles, interpellations et non-admissions (en particulier à Vintimille) ont depuis augmenté dans des proportions significatives.
Les difficultés liées à la délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) continuent à faire partie des premières causes d’échec des mises à exécution de l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière.
Pour l’année 2015, le taux de délivrance des LPC dans des délais utiles s’est élevé à 43 %, contre 38,5 % l’année précédente. Dans le même temps, le nombre de demandes de LPC s’était réduit de 10,5 %. Des instructions ont été adressées aux préfets à l’été 2016 en vue d’une augmentation du nombre de demandes de LPC et d’une amélioration de la qualité des dossiers présentés dans ce cadre.
Selon les éléments communiqués par le ministère de l’Intérieur, la mise en œuvre du plan d’action établi à l’été 2015 à l’égard de dix pays (Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte, Mali, Mauritanie, Sénégal, Inde, Pakistan et Bangladesh) a conduit à une « très légère hausse de la moyenne des taux de délivrance pour l’ensemble de ces pays ».
Une réforme a été engagée début 2015 en réaction à la baisse du nombre de retours, elle-même consécutive à une précédente refonte du dispositif, en 2013. Les retours des ressortissants de l’Union européenne avaient chuté de 95,4 % et ceux des pays tiers de 20,5 %. Un nouveau barème a donc été publié par arrêté du 17 avril 2015 en vue de renforcer l’attractivité des aides au retour, en les articulant par ailleurs avec des aides à la réinsertion adaptées.
Outre l’organisation et la prise en charge des retours, l’OFII verse une aide financière au moment du départ. Les montants prévus sont désormais les suivants : 650 euros par personne pour les ressortissants de pays tiers soumis à visa ; 300 euros par personne pour les pays tiers dispensés de visa et le Kosovo ; 50 euros par personne pour les ressortissants de l’Union européenne. Par ailleurs, le directeur général de l’OFII peut décider d’une majoration exceptionnelle de 350 euros maximum par personne pour des opérations ponctuelles. Afin de limiter les effets d’aubaine, une condition de présence en France depuis au moins 6 mois est prévue.
A ce stade, la réforme de 2015 peine encore à porter ses fruits. Les retours ont effet diminué de 19 % l’année dernière, tous pays confondus. On notera toutefois que la baisse des flux concerne surtout les retours vers l’Union européenne (-37 % par rapport à 2014), en particulier la Roumanie et la Bulgarie. Surtout, une évolution positive se dessine depuis le mois d’avril dernier, la tendance s’inversant avec un nombre de retours mensuellement supérieur aux chiffres enregistrés en 2015.
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
1er semestre 2016 | |
Aide au retour pays tiers |
4 096 |
4 713 |
6 839 |
6 824 |
5 492 |
5 423 |
4 479 |
2247 |
Aide au retour UE |
11 140 |
9 341 |
9 001 |
10 749 |
1 894 |
445 |
279 |
117 |
Total |
15 236 |
14 054 |
15 840 |
17 573 |
7 386 |
5 868 |
4 758 |
2364 |
Source : OFII.
Le dispositif d’aide à la réinsertion dans les pays d’origine a parallèlement évolué afin de mieux répondre aux besoins par une diversification des types d’aides. Elles étaient jusque-là essentiellement tournées vers la création d’entreprise, ce qui n’était pas toujours très adapté.
Depuis le 1er mai 2015, trois niveaux d’aide sont désormais attribuables selon les pays concernés et les publics cibles (14) : une aide à la réinsertion sociale (prise en charge des premiers frais d’installation de la famille) ; une aide à la réinstallation par l’emploi (aide à la recherche d’emploi réalisée par un prestataire local spécialisé, aide financière pouvant prendre en charge jusqu’à 50 % du salaire mensuel dans la limite de 4 000 euros et, si nécessaire, une formation professionnelle liée à la prise de poste) ; une aide à la réinsertion par la création d’entreprise. Le nombre de zones géographiques d’intervention est parallèlement appelé à se développer (15).
Le nombre d’aides à la réinstallation a connu en 2015 une baisse de 17 % par rapport à l’année précédente. Comme pour la réforme des aides au retour, il est néanmoins trop tôt pour évaluer les résultats. Le nouveau dispositif a nécessité la mise en œuvre d’appels d’offres dans les pays concernés afin de sélectionner des partenaires capables d’accompagner les bénéficiaires des aides à la réinsertion. Selon les éléments communiqués à votre Rapporteur, les trois niveaux d’aide ne deviendront opérationnels qu’à partir du second semestre 2016.
Autre aspect essentiel de la lutte contre l’immigration irrégulière, le démantèlement des filières se poursuit à un rythme soutenu.
En 2015, 251 structures ont été démantelées en France, soit 11 % de plus qu’en 2014 : 91 filières d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers, 6 filières spécialisées dans l'organisation de mariages de complaisance, 13 filières organisant des reconnaissances indues d'enfants, 92 filières ayant recours à la fraude documentaire et à l’identité, ainsi que 49 filières spécialisées dans le travail illégal. L’activité répressive est notamment en forte hausse en zone Nord, avec 27 filières démantelées, contre 20 en 2014.
Hors étrangers en situation irrégulière, 1 698 personnes ont été mises en cause, dont 1 304 placées en garde à vue et 640 déférées devant un magistrat.
Les résultats sont de nouveau en progression sur les six premiers mois de l’année 2016, avec 187 structures déjà démantelées, contre 151 à la même période en 2015. En zone Nord, 28 filières avaient déjà été démantelées, contre 18 à ce stade en 2015.
Le programme 104 finance, pour l’essentiel, des actions d’intégration en faveur des étrangers en situation régulière et des bénéficiaires d’une protection internationale en France (16).
La loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers a rénové en profondeur le parcours des étrangers primo-arrivants.
Un nouveau contrat d’intégration républicaine (CIR) succède au contrat d’accueil et d’intégration (CAI), jugé mal adapté aux besoins et à la prise en compte des profils spécifiques des étrangers. Le CIR comporte :
– un entretien personnalisé avec un auditeur de l’OFII afin d’évaluer les besoins et d’assurer une orientation vers des services de proximité ou des structures associatives spécialisées ;
– un test de positionnement linguistique (oral et écrit) permettant d’évaluer si le niveau déjà atteint par l’étranger est au moins égal au niveau A1 du cadre européen commun de référence pour les langues ;
– une formation linguistique visant un niveau d’exigence supérieur à ce qui était prévu dans le cadre du CAI (dont la référence était le niveau A1.1), ce qui devrait conduire à un doublement du nombre de bénéficiaires ;
– une formation civique renforcée, axée sur les valeurs et institutions de la République, ainsi que sur la vie et l’installation en France, en deux modules obligatoires de deux jours.
Ces mesures étant entrées en vigueur le 1er juillet, l’année 2016 constitue encore une période de transition entre l’ancien contrat d’accueil et d’intégration et le CIR, qui commencera à entrer en vitesse de croisière à partir de 2017.
Selon les éléments communiqués à votre Rapporteur par le ministère de l’Intérieur, la réforme du CIR est prévue à périmètre budgétaire constant, du fait de la suppression de plusieurs dispositifs considérés comme inefficients ou redondants. Le bilan de compétences professionnelles, le CAI pour la famille et le pré-CAI à l’étranger (17) disparaissent ainsi.
La réforme du parcours d’intégration organise par ailleurs son articulation avec la délivrance des titres de séjour :
– la délivrance de la carte de séjour pluriannuelle est désormais liée à une exigence d’assiduité et de sérieux aux formations prescrites dans le cadre du CIR, ainsi qu’à la non-manifestation de rejet des valeurs de la République ;
– la délivrance de la carte de résident est dorénavant liée à la maîtrise du niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues – dans cette perspective, un marché public relatif à des prestations linguistiques sera lancé et fera l’objet de financements dédiés.
Les crédits de l’action 15 visent à soutenir les bénéficiaires d’une protection internationale ayant besoin d’un accompagnement spécifique pour faciliter leur parcours d’intégration dans la société française. Les moyens dédiés sont en forte hausse par rapport à la LFI 2016 (+32,1 % en AE et en CP), bien qu’ils restent d’un montant encore assez limité (26,7 millions d’euros).
Cette montée en puissance semble particulièrement nécessaire dans le contexte actuel. Le nombre de personnes auxquelles une protection internationale est reconnue en France augmente en effet sur la période récente et beaucoup ont des besoins accrus, notamment en termes de formation et d’accès l’emploi, en raison de l’évolution des profils.
– La dotation prévue pour les centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH) est en augmentation de 5 millions d’euros, afin de permettre la création de 500 places supplémentaires dans ce dispositif. Les capacités seront alors portées à 2 101 places, ce qui représente une progression de 93 % entre 2015 et 2017.
– Les crédits demandés pour 2017 devraient également permettre de renforcer, à hauteur de 1,5 million d’euros supplémentaires, diverses actions d’accompagnement mises en œuvre et gérées par le secteur associatif. Il s’agit notamment du dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) géré par France Terre d’Asile (400 places), et du dispositif CADA Insertion réfugiés (CADA-IR) géré par l’Association Forum réfugiés-Cosi.
Outre ces mesures spécifiques, il faut souligner que les bénéficiaires d’une protection internationale peuvent bénéficier des mesures de droit commun destinées aux étrangers primo-arrivants. Le CIR est ainsi proposé systématiquement et accepté par la majorité des réfugiés.
La coordination nationale pour l’accueil des réfugiés, placée sous la responsabilité du préfet Kléber Arhoul, que votre Rapporteur a auditionné, a en outre proposé au ministre de l’intérieur un certain nombre d’orientations en matière d’accompagnement vers l'activité économique. Il s’agit notamment de privilégier l'apprentissage de la langue française et la création d'entreprise. Le ministre a validé ces orientations et souhaité que cette mission soit confiée à la fondation Agir contre l’exclusion (FACE). Un projet de convention entre l’État et cette fondation est en cours de rédaction.
III. DES RÉPONSES EUROPÉENNES TOUJOURS EN VOIE D’ÉLABORATION
L’Union européenne et ses Etats membres n’avaient pas anticipé la crise migratoire qui a culminé dans la deuxième partie de l’année 2015, et ne s’y étaient pas davantage préparés. L’UE ne disposait pas des outils nécessaires quand les flux de migrants et de demandeurs d’asile se sont accélérés, débordant les pays de première entrée, la Grèce et l’Italie, puis saturant les capacités de certains pays de destination tels que l’Allemagne, l’Autriche et la Suède.
Les réponses ont été laborieuses et demeurent encore partielles, accentuant l’impression de désordre et de désorganisation. L’UE s’en est trouvée elle-même affaiblie, malgré une mobilisation de ses institutions – évocation régulière des questions migratoires en Conseil européen, réunions très fréquentes du Conseil « Justice et Affaires intérieures » ou encore nombreuses communications et propositions de la Commission sur le sujet.
L’« Agenda européen pour la migration », présenté en mai 2015 par la Commission, esquissait d’ailleurs la plupart des réponses qui ont fini par être adoptées ou font l’objet de discussions à ce stade, selon une approche en deux temps qui a effectivement été suivie :
– d’une part, des réponses immédiates pour remédier aux situations d’urgence ;
– d’autre part, l’engagement d’importantes réformes structurelles en vue d’apporter des réponses durables, sur le fond.
Au-delà du rétablissement temporaire des contrôles à certaines frontières intérieures de l’espace Schengen (18), l’Union européenne a dû se doter dans l’urgence des outils collectifs nécessaires pour répondre aux besoins les plus immédiats :
– le renforcement des opérations coordonnées par l’agence Frontex pour aider l’Italie et la Grèce à assurer le contrôle des frontières extérieures et sauver des vies en mer, puis le lancement d’une nouvelle opération maritime afin de contribuer à la lutte contre les réseaux de passeurs au Sud de la Méditerranée ;
– la création d’un mécanisme temporaire de répartition des demandeurs d’asile en vue d’aider les Etats membres situés en première ligne à faire face aux arrivées en masse ;
– la mise en place d’un autre mécanisme de solidarité, cette fois avec des Etats tiers, visant à renforcer les voies d’accès sûres et légales à l’UE pour des personnes ayant besoin d’une protection internationale ;
– le montage d’une aide opérationnelle et financière exceptionnelle au bénéfice de la Grèce ;
– une déclaration conjointe UE-Turquie pour freiner les arrivées sur la route de la Méditerranée orientale.
1. Des opérations maritimes pour assurer la sécurité des frontières extérieures, sauver des vies en mer et lutter contre les réseaux de passeurs
Devant l’accélération des flux et la multiplication des naufrages en mer, les opérations conjointes « Triton » (en Méditerranée centrale) et « Poséidon » (en mer Egée), coordonnées par l’Agence Frontex, ont été considérablement renforcées. Une opération militaire relevant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), EUNAVOR MED opération « Sophia », a par ailleurs été lancée.
Lors de son déplacement en Italie, votre Rapporteur a pu rencontrer à Catane des responsables de Frontex qui lui ont notamment présenté l’opération « Triton ». Il a également visité à Rome le quartier général de l’opération « Sophia », dont il a rencontré le commandant-adjoint, le contre-amiral français René-Jean Crignola, et son équipe.
Comme l’opération « Poséidon », « Triton » est une opération conjointe coordonnée par Frontex pour renforcer le contrôle des frontières extérieures et lutter contre l’immigration irrégulière, tout en contribuant aux opérations de sauvetage en mer. « Triton » a également pour mission de participer à la lutte contre la criminalité transfrontalière, notamment le trafic de drogue.
Dans ce cadre, des équipements et des personnels provenant d’autres Etats européens sont mis à la disposition de l’Italie, où ils opèrent sous le commandement des autorités de ce pays. Lors du déplacement en Italie de votre Rapporteur, le dispositif était constitué de 16 navires, 4 avions et 3 hélicoptères.
Depuis le début de l’année 2016, la quasi-totalité des migrants arrivés irrégulièrement par mer en Italie a été interceptée et secourue par des navires engagés dans les opérations « Triton » et « Sophia » (voir ultra) ou par des navires privés (navires marchands présents sur zone ou navires affrétés par des ONG).
Les opérations de sauvetage menées par des ONG
Votre Rapporteur a pu s’entretenir avec Mme Fabienne Lassalle, directrice générale adjointe de l’association SOS Méditerranée, qui a été créée mi-2015. Cette organisation affrète un bateau, l’Aquarius, opérationnel depuis fin février dernier et médicalisé en partenariat avec Médecins sans frontières (MSF). Positionné au large des côtes libyennes, l’Aquarius a réalisé une trentaine d’opérations de sauvetage et porté assistance à plus de 7 000 personnes.
Parmi les ONG opérant en Méditerranée centrale, MSF est présent sur trois navires (Dignity I et Bourbon Argos, outre l’Aquarius précité). Depuis le début de l’année, MSF a secouru plus de 13 000 personnes en mer.
De ce fait, les embarcations de migrants n’ont plus à traverser la Méditerranée pour gagner l’Italie, la plupart des sauvetages se faisant en réalité au plus près des côtes libyennes. Les canots pneumatiques et embarcations en bois utilisés par les passeurs – et surchargés de personnes – seraient d’ailleurs bien incapables de faire la traversée. Le nombre de morts et de disparus en mer reste dans le même temps très élevé, notamment en raison des difficultés des opérations de sauvetage – qui s’accompagnent souvent de mouvements de foule à bord. L’évaluation est de 3 500 morts et disparus depuis le début de l’année en Méditerranée centrale, contre 2 800 en 2015 (19).
L’opération militaire européenne « Sophia » (20) a été lancée le 22 juin 2015 afin de contribuer à la lutte contre les réseaux de trafic de migrants et de traite des êtres humains dans la partie Sud de la Méditerranée centrale.
Cette opération est entrée en octobre 2015 dans sa phase « 2a » qui lui permet de procéder à l’arraisonnement, à la fouille, à la saisie et au déroutement, dans les eaux internationales, des navires et embarcations soupçonnés d’être employés pour la traite d’êtres humains et le trafic de migrants. Fin septembre, « Sophia » comptait 7 aéronefs (avions et hélicoptères) et 7 navires (21). Elle avait permis de procéder à 89 arrestations et de détruire 301 bateaux et embarcations.
Le sauvetage en mer ne fait pas partie du mandat de « Sophia », mais résulte de ses obligations au regard du droit international, en lien avec l’autorité italienne coordonnant les secours dans la zone (le MRCC). Comme « Triton », votre Rapporteur observe que « Sophia » réalise pour l’essentiel de telles opérations de sauvetage : elle aurait déjà contribué à secourir directement 26 433 vies en mer.
L’opération « Sophia » n’est pas encore entrée dans sa phase « 2b » qui lui permettrait d’agir dans les eaux territoriales libyennes, ni dans sa phase « 3 » qui la verrait s’engager dans des actions à terre. Les conditions actuelles ne le permettent pas : il faudrait une autorisation donnée par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies (22) et une demande formulée par les autorités libyennes.
En revanche, le mandat de « Sophia » vient d’être élargi à deux missions complémentaires :
– contribuer au renforcement des capacités et à la formation des garde-côtes libyens, notamment pour prévenir le trafic de migrants et la traite des êtres humains ;
– contribuer à la mise en œuvre, en haute mer, de l’embargo des Nations Unies sur les armes en Libye, conformément à la résolution 2292 du Conseil de sécurité.
Deux navires (français et britannique) participent actuellement à la mission de contrôle de l’embargo sur les armes. Afin d’assurer l’efficacité de cette nouvelle tâche, le partage du renseignement reste à renforcer en vue d’arriver à repérer les navires et les cargaisons à inspecter.
Les premières sessions de formation des garde-côtes libyens viennent de commencer. Cette nouvelle mission confiée à « Sophia » a notamment souffert de difficultés pour identifier les financements nécessaires, alors que les montants n’étaient pourtant guère élevés. A cela s’ajoutait la nécessité de sélectionner attentivement les bénéficiaires libyens, en exerçant les contrôles de sécurité nécessaires.
La carte ci-après expose les zones d’opération des opérations Frontex « Triton » et « Poséidon », de « Sophia », de l’opération italienne « Mare Sicuro » et de l’opération de l’OTAN en mer Egée (23).
Afin d'aider les Etats membres de l’UE soumis à de fortes pressions migratoires et de mettre ainsi concrètement en œuvre le principe de solidarité, un programme européen de relocalisation d'urgence a été institué par deux décisions du Conseil, juridiquement contraignantes, en septembre 2015. Les Etats participants se sont engagés à relocaliser 160 000 personnes en besoin de protection internationale depuis l'Italie, la Grèce et si nécessaire d'autres Etats membres, d'ici au mois de septembre 2017 (24).
Les personnes éligibles à une relocalisation sont celles possédant une nationalité pour laquelle le taux de reconnaissance moyen d'une protection internationale dans l'Union européenne est égal ou supérieur à 75 %. Les taux sont actualisés chaque trimestre selon les données d'Eurostat (25). Une aide financière, de 6 000 euros par personne, est prévue pour les Etats de relocalisation.
Bien que les efforts de relocalisation se soient récemment accrus, ils restent lents par rapport à l'objectif de 160 000 personnes, un an après le lancement du programme. A la fin du mois de septembre dernier, 5 651 personnes avaient été relocalisées, dont 4 455 de Grèce et 1 196 d'Italie. Le mois de septembre a vu une accélération du processus, avec plus de 1 200 relocalisations, mais le programme n'a pas encore atteint la vitesse de croisière nécessaire.
RELOCALISATIONS DEPUIS LA GRÈCE ET L’ITALIE
(OCTOBRE 2015 – 28 SEPTEMBRE 2015)
Source : Commission européenne, Sixième rapport sur la relocalisation et la réinstallation.
Les raisons sont multiples. Tout d'abord, il a inévitablement fallu du temps pour mettre en place les structures et les procédures nécessaires en Grèce et en Italie. Ces deux pays se sont notamment engagés à établir des « hotspots » fonctionnels, permettant d’assurer le filtrage, l’identification et le relevé des empreintes digitales des ressortissants de pays tiers arrivant illégalement à la frontière extérieure de l’UE, à créer des capacités d'accueil suffisantes et appropriées, à améliorer la gestion de leurs frontières et à garantir le retour effectif des personnes non éligibles à une protection internationale. Malgré des problèmes persistants de capacités, la Commission considère désormais que le cadre des relocalisations est en place en Grèce et en Italie, les « hotspots » étant en particulier jugés comme pleinement opérationnels.
Jusqu'à la fermeture de la route des Balkans au début de l’année 2016, la politique de laisser-passer qui était appliquée a également conduit à ce que les personnes susceptibles de faire l’objet d’une relocalisation en Europe poursuivent en réalité leur trajet au-delà des pays de première entrée bénéficiaires du programme. Selon le dernier rapport de la Commission, le nombre de demandes de relocalisations a maintenant augmenté : plus de 5 000 Erythréens seraient ainsi en attente de relocalisation en Italie.
La situation en Italie
L'Italie s'était engagée à créer 6 « hotspots », dont 4 sont désormais opérationnels (à Pozzallo, Lampedusa, Trapani et Tarente). Votre rapporteur a pu visiter celui de Pozzallo en Sicile, ainsi que le centre de coordination des « hotspots », à Catane, qui abrite des représentants des autorités italiennes et de plusieurs agences européennes – en particulier Frontex, le Bureau européen d’appui en matière d’asile et Europol.
- Le taux d'enregistrement des empreintes digitales serait désormais supérieur à 95 % dans les « hotspots » italiens. Des agents de Frontex spécialisés dans le « screening » et le « debriefing » étaient par ailleurs présents à Pozzallo. Il a également été rapporté que les services de sécurité italiens surveillent efficacement les débarquements. La sécurité de la frontière extérieure de l’UE a manifestement été renforcée.
- Un grand nombre de débarquements (jusqu’à 70 % selon la Commission européenne) continue toutefois à s'effectuer en dehors des « hotspots » italiens, notamment parce que leurs capacités (1 600 places) sont débordées en cas d'arrivées massives. Des travaux relatifs au déploiement d'équipes mobiles ont été présentés à votre Rapporteur.
- Une information sur la possibilité de bénéficier du programme européen de relocalisation est dispensée selon les profils des migrants, avec notamment l'implication du HCR. Compte tenu des arrivées, les personnes éligibles à la relocalisation depuis l’Italie sont essentiellement des Erythréens, ainsi que des ressortissants nettement moins nombreux de quelques autres pays.
- Le directeur de l’Organisation internationale des migrations (OIM) en Italie a mis l’accent sur deux phénomènes particulièrement inquiétants : l’augmentation du trafic d’êtres humains, en particulier des femmes d’origine nigériane ; le nombre très élevé de mineurs non accompagnés (probablement entre 15 000 et 20 000 sur l’année 2016), généralement envoyés par leur famille pour gagner de l’argent en Europe, ce qui signifie qu’ils quittent les structures d’accueil pour travailler et se trouvent donc dans des situations de grande vulnérabilité.
- Les capacités d'accueil sont aujourd’hui complètement saturées. Début septembre, près de 150 000 personnes étaient accueillies dans différents dispositifs, contre un peu plus de 100 000 en 2015 à la même période. Il existe deux grands types de structures : les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CARA), qui relèvent de l’Etat (votre Rapporteur a visité celui de Mineo, en Sicile), et le système de protection pour demandeurs d’asile et réfugiés (SPRAR), relevant des régions, auxquels s’ajoutent des hébergements temporaires (associations, coopératives, hôtels).
- Le préfet Morcone a présenté à votre Rapporteur un nouveau plan de répartition des places d'accueil entre les collectivités locales (3 pour 1 000 habitants), selon des critères objectifs. Malgré les efforts déjà engagés dans le cadre d’un accord de juillet 2014, qui avait consacré une répartition entre régions sur la base du pourcentage du fonds national pour les politiques sociales, la répartition reste aujourd’hui inégale sur le territoire italien. Les quatre premières régions d’accueil sont aujourd’hui la Lombardie (20 000 personnes), la Sicile (15 000), le Latium (12 000) et la Vénétie (11 000).
- Si ces chiffres peuvent sembler assez peu élevés par rapport au million de personnes accueillies par l’Allemagne en un an seulement, il faut souligner que l’Italie reçoit des flux importants depuis des années – on compterait ainsi près de 600 000 arrivées depuis 2011.
Par ailleurs, alors que les migrants quittaient généralement l’Italie pour essayer de gagner l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les pays nordiques, les sorties sont désormais plus difficiles au Nord de l’Italie, alors que les arrivées se poursuivent, ce qui contribue à augmenter le nombre présent dans le pays.
- Le retour des étrangers non éligibles à la protection internationale reste peu fréquent. Les autorités italiennes font donc une priorité de la conclusion rapide de premiers « pactes migratoires » (voir ultra) avec un certain nombre de pays africains et espèrent une implication active d’autres Etats membres pour accroître les réadmissions, en particulier ceux qui entretiennent les relations les plus étroites avec les pays concernés au premier chef par des difficultés en matière de coopération consulaire.
- Les « hostpots » italiens sont conçus comme des centres d’enregistrement et d’identification des migrants, et non comme des lieux de rétention. Le « hotspot » de Pozzallo visité par votre Rapporteur est ainsi ouvert. Il avait été envisagé à l’origine par certains pays européens de faire des « hotspots » des centres permettant de séparer les bénéficiaires potentiels d’une protection internationale et les étrangers en situation irrégulière devant faire rapidement l’objet d’une opération de retour.
Dans ses rapports périodiques sur la mise en œuvre de la relocalisation et de la réinstallation, la Commission met aussi l'accent sur le manque de volonté politique des Etats membres de respecter leurs engagements en matière de relocalisation. La Hongrie et la Slovaquie ont d’ailleurs contesté devant la Cour de justice de l'Union européenne la légalité de la deuxième décision de relocalisation, prise à la majorité qualifiée.
Fin septembre, la France était le pays ayant relocalisé le plus grand nombre de personnes (1 952), devant la Finlande (690) et les Pays-Bas (726). L'Allemagne et la Belgique se sont récemment engagées à accélérer significativement le nombre de personnes accueillies chaque mois. L'Autriche et la Hongrie demeurent les deux seuls pays à ne pas avoir pris d'engagements concrets de la relocalisation.
Outre le nombre trop limité d'engagements formels de réinstallation de la part des Etats participants (26), la Commission met l'accent sur les délais de réponse jugés trop longs aux demandes de relocalisation et sur les contributions insuffisantes aux demandes d’EASO pour aider au renforcement des capacités en Grèce et en Italie.
Le soutien opérationnel des agences européennes
Les activités d’EASO en Italie et en Grèce s’inscrivent dans le cadre du plan opérationnel pour les « hotspots » et la relocalisation de décembre 2015.
EASO intervient dans les domaines suivants : l’information aux migrants, l’enregistrement des demandes d’asile des candidats à la relocalisation, la préparation des requêtes de relocalisation et, en Grèce à l’entretien des demandeurs d’asile. EASO fournit également un soutien technique, des supports de communication et une enceinte de coopération.
• En Italie :
22 experts qui sont actuellement déployés auprès d’EASO, appuyés par 34 interprètes.
Vu l’augmentation des flux et de la part des Erythréens (107 000 migrants depuis le début de l’année, dont 13 600 Erythréens), EASO a mis en place un plan d’urgence permettant le déploiement de 74 experts supplémentaires.
La France soutient les activités d’EASO en Italie, où elle a déployé 18 agents depuis la mise en place des « hotspots ». Trois y sont actuellement présents, 1 vient de rentrer et entre 1 et 2 supplémentaires devraient être déployés prochainement.
• En Grèce :
La fermeture de la frontière nord en mars 2016 s’est traduite par une augmentation de la demande d’asile et a conduit EASO à proposer son soutien à la Grèce en matière d’enregistrement des candidats à la relocalisation (26 experts et 23 interprètes déployés à cette fin). EASO a également participé à la campagne de pré-enregistrement lancée en avril, en déployant 16 experts et autant d’interprètes pour l’information aux personnes éligibles à la relocalisation.
Sur les îles, EASO a étendu ses opérations aux « hotspots » de Kos et Leros. Depuis le 7 septembre, 35 experts et 47 interprètes sont déployés sur place, auxquels s’ajoutent 12 experts enregistrement et des équipements mobiles.
La demande complémentaire d’EASO ne s’est traduite à ce jour que par la mise à disposition de 28 experts supplémentaires.
Sur le continent, la France assure, depuis le mois d’avril, une présence constante d’au moins six officiers de protection pour assister les autorités grecques dans l’enregistrement des demandes d’asile, nombre qui a pu être augmenté sur demande d’EASO.
Sur les îles, la France a envoyé dès la mise en place des « hotspots » des experts pour l’information des migrants ainsi que pour les mineurs non accompagnés. Depuis la déclaration du 18 mars dernier, 7 experts ont été déployés sur des profils variés (examen de recevabilité et examen au fond, évaluation de la vulnérabilité, information aux demandeurs d’asile, statistiques…). La France assure la présence constante de quatre à dix interprètes selon les besoins d’EASO. La stabilité des équipes est privilégiée, la plus grande partie de ces experts et interprètes étant déployés sur une très longue durée.
Sur demande du Bureau, 6 experts ont été proposés pour renforcer les autorités grecques en matière d’enregistrement. EASO en a retenu 4, et ils sont prêts à être déployés. La France est également en mesure de renforcer sa contribution en matière d’interprétariat, disposant d’un vivier de plus de 40 interprètes en arabe, kurde, pachto, panjabi, ourdou, dont les CV ont été envoyés à EASO.
S’agissant des activités de Frontex, la France met à disposition de cette Agence une moyenne de 60 agents par mois (dont 34 en Grèce).
En avril et mai 2016, dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord UE-Turquie du 18 mars 2016, la France a augmenté le nombre de ses experts en Grèce de : 122 escorteurs (policiers et gendarmes), 7 experts « réadmissions » et un expert coordonnateur. La France a ainsi été le premier pays contributeur à l’opération de Frontex pour la mise en œuvre de l’accord entre l’UE et la Turquie.
Fin septembre 2016, 60 policiers et gendarmes français sont déployés sur le terrain, dont 36 en Grèce et 24 en Italie.
Source : Direction générale des étrangers en France.
Avec les arrivées continues en Italie, au même rythme qu'en 2015, et la situation humanitaire toujours difficile de la Grèce, où environ 60 000 migrants seraient présents, la mise en œuvre du programme de relocalisation à un rythme accru demeure nécessaire pour alléger la pression sur ces deux pays.
Dans le cadre d'un effort de solidarité avec des pays tiers également touchés par la crise migratoire, les Etats membres de l'UE (sauf la Hongrie) et les Etats associés au système de Dublin se sont engagés en juillet 2015 à offrir 22 504 places dans le cadre d'un programme volontaire de réinstallation sur deux ans.
La réinstallation offre une voie d'entrée légale et sûre sur le territoire européen à des personnes en besoin de protection internationale – ce dispositif doit donc être clairement distingué de la relocalisation, qui vise à une répartition de personnes en besoin de protection internationale déjà présentes dans l'UE.
Le programme mis en place en juillet 2015 constitue le premier effort européen commun dans ce domaine – certains Etats membres, dont la France, participent en revanche depuis longtemps à des programmes de réinstallation par l'intermédiaire du HCR (27).
Fin septembre, une voie d'entrée légale et sûre avait été offerte dans ce cadre à 10 695 personnes sur les 22 504 que les Etats participants ont accepté d'accueillir. Une majorité d'entre eux concentrent principalement, mais pas exclusivement, leurs efforts de réinstallation sur des réfugiés syriens présents en Jordanie, au Liban et en Turquie.
Un tableau présentant les engagements des Etats, le nombre de réinstallations réalisées et les pays d'origine figure en annexe au présent rapport.
3. Route de la Méditerranée orientale : de la fermeture de la route des Balkans à la déclaration conjointe UE-Turquie de mars 2016
Deux évolutions, on l’a dit, ont permis de réduire les flux transitant par la Turquie :
– d’abord, la décision, des pays concernés, de fermer la route des Balkans, alors que la politique du laisser-passer prévalait jusque-là, certains Etats aidant même les migrants à passer d’une frontière à l’autre ;
– ensuite, la conclusion d’un accord avec la Turquie (la déclaration du 18 mars dernier) qui fait elle-même suite à un plan d’action commun datant de novembre 2015.
La déclaration conjointe du 18 mars dernier comporte plusieurs clauses visant à contrer le « modèle économique » des passeurs en réduisant l’intérêt de traversant clandestinement la mer Egée :
– tous les étrangers en situation irrégulière et tous les demandeurs d'asile dont la demande a été jugée irrecevable qui arrivent de Turquie dans les îles grecques depuis le 20 mars doivent être « renvoyés » en Turquie ;
– pour chaque Syrien renvoyé en Turquie dans ce cadre, l'UE s’est engagée à réinstaller un autre Syrien depuis la Turquie (programme dit « 1 pour 1 »), la priorité étant donnée à ceux qui ne sont pas déjà entrés ou n’ont pas tenté d’entrer de manière irrégulière sur le territoire de l'UE (28) ;
– la Turquie s’engage à prévenir l’ouverture de nouveaux itinéraires maritimes ou terrestres de migration irrégulière depuis son territoire vers l’UE.
Cet accord a fait l’objet de débats, à juste titre, notamment sur la question de savoir si l’on peut qualifier la Turquie de « pays sûr ».
Afin de garantir que l’application de la déclaration conjointe se fasse dans le respect du droit de l’UE et du droit international, la Grèce et la Turquie ont apporté plusieurs modifications à leur propre droit national. Une loi adoptée le 3 avril dernier en Grèce vise notamment à permettre l’application du concept de « pays tiers sûr » et à mettre en place des procédures accélérées pour l’examen des demandes d’asile. Le 6 avril, la Turquie a adopté une loi visant à préciser que les Syriens renvoyés dans le cadre de la déclaration conjointe peuvent demander et se voir accorder une protection temporaire. Les autorités turques ont fourni des assurances écrites selon lesquelles une telle protection temporaire sera accordée à tous les Syriens renvoyés et que tout non-Syrien sollicitant une protection internationale en Turquie sera protégé contre le refoulement, conformément aux normes internationales.
La Commission européenne a fait parvenir aux autorités grecques une évaluation écrite des mesures prises par la Turquie. Il en ressort que la Grèce est en mesure de déclarer irrecevable, sur la base d’un examen individuel et conformément à la directive européenne relative aux procédures d’asile, les demandes d’asile introduites par des Syriens et non-Syriens ayant effectué la traversée vers les îles grecques depuis la Turquie dans des conditions irrégulières.
Par la déclaration conjointe de mars dernier, les Etats membres de l’UE s’engagent aussi à contribuer à un programme d’admission humanitaire volontaire depuis la Turquie, une fois que les franchissements irréguliers en provenance de ce pays auront été substantiellement et durablement réduits. La mise en place de ce programme vise à renforcer les alternatives sûres et légales à la migration irrégulière vers l’UE.
En Syrie, il est prévu de renforcer la coopération avec la Turquie pour améliorer les conditions humanitaires – ce qui devrait permettre de réduire les départs.
La déclaration conjointe prévoit d’accélérer le rythme de mise en œuvre de la Facilité européenne pour les réfugiés en Turquie, proposée en novembre 2015. Dotée à titre initial de trois milliards d’euros, elle est destinée à répondre aux besoins les plus urgents des réfugiés et des communautés hôtes. Dans le cadre de la déclaration de mars dernier, l’UE s’engage à mobiliser si nécessaire un financement additionnel de trois milliards d’euros jusqu’à la fin de 2018.
La déclaration UE-Turquie prévoit également d’accélérer la mise en œuvre de la feuille de route relative à la libéralisation des visas de court-séjour. L’objectif établi en mars était que l’exemption de visas Schengen puisse être effective pour les citoyens turcs d’ici à la fin du mois de juin 2016, à condition que tous les critères de la feuille de route soient remplis (29).
S’agissant de la relance du processus d’adhésion de la Turquie, la déclaration conjointe prévoit l’ouverture du chapitre 33 de négociation et l’ouverture à un rythme accéléré des travaux préparatoires sur d’autres chapitres.
Malgré des déclarations critiques de la part des autorités turques, en particulier sur la question de la libéralisation des visas et sur la mise en œuvre de la Facilité pour les réfugiés, l’accord de mars dernier continue à produire des effets très marqués malgré une mise en œuvre inégale de ses différentes clauses.
– Depuis l’entrée en vigueur de la déclaration conjointe, le nombre de passages depuis la Turquie s’est considérablement réduit. Le troisième rapport de la Commission sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de cette déclaration, publié le 28 septembre dernier, fait état de 85 traversées irrégulières de la mer Egée par jour. On comptait en moyenne 7 000 arrivées quotidiennes en octobre 2015 et 1 700 le mois précédant la mise en œuvre de la déclaration.
TRAVERSÉES MARITIMES IRRÉGULIÈRES DEPUIS LA TURQUIE VERS LA GRÈCE
PAR SEMAINE
Commission européenne, Troisième rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie
Alors que la tentative de coup d’Etat en Turquie, au mois de juillet dernier, avait conduit à bien des interrogations, notamment sur la capacité des autorités à continuer de mettre en œuvre l’accord, le dernier rapport de la Commission fait état d’une intensité apparemment inchangée des activités de patrouille et signale que les garde-côtes continueraient à répondre en mer aux demandes d’aide émises par les autorités grecques ; en revanche, les agents de liaison turcs qui avaient quitté les îles grecques n’étaient toujours pas revenus.
– Les activités de renvoi avaient été temporairement interrompues après la tentative de coup d’Etat, de même que les opérations de réadmission, mais elles ont pu reprendre début septembre.
– Le nombre de retours vers la Turquie reste néanmoins très faible : fin septembre, seules 578 personnes y avaient été renvoyées au titre de la déclaration conjointe, dont une minorité de Syriens.
Cette situation s’explique en particulier par la très forte augmentation des demandes d’asile introduites en Grèce et par la très faible mise en œuvre de la procédure d’irrecevabilité – très peu de décisions d’irrecevabilité sont prises en première instance et la quasi-totalité d’entre elles sont ensuite infirmées en appel.
– Le nombre des réinstallations depuis la Turquie dans le cadre de la déclaration est nettement plus élevé : 1 614 personnes en avaient bénéficié fin septembre.
– Selon le rapport précité, il n’y aurait pas de recours accru à d’autres itinéraires que la traversée de la mer Egée depuis la Turquie. Les arrivées importantes dans certains Etats membres, tels que l’Allemagne et l’Autriche, tendent toutefois à indiquer que les migrants continuent à trouver d’autres itinéraires pour sortir de Turquie. La Commission signale que des navires gagnent désormais l’Italie et non plus la Grèce, tandis que les franchissements irréguliers des frontières terrestres avec la Grèce et la Bulgarie sont en augmentation. Frontex a d’ailleurs renforcé sa présence à la frontière bulgare et la Commission vient d’octroyer une aide d’urgence de 108 millions d’euros à ce pays.
– Le programme d’admission humanitaire volontaire depuis la Turquie n’a pas encore été activé. Des travaux préparatoires ont néanmoins été engagés. Le moment venu, il restera à évaluer si les conditions prévues pour le déclenchement du programme sont remplies (cf. supra).
– Sur les trois milliards d’euros prévus à ce stade au titre de la Facilité pour les réfugiés en Turquie, les fonds alloués à la fin du mois de septembre étaient supérieurs à 2,2 milliards d’euros. Les montants ayant déjà fait l’objet de contrats sont supérieurs à 1,2 milliard d’euros, tandis que les décaissements s’élèvent à 467 millions d’euros.
– La libéralisation des visas n’est pas intervenue dans le délai fixé (avant la fin du mois de juin). Elle n’aura lieu que lorsque tous les critères prévus par la feuille de route auront été remplis – et 7 des 72 critères prévus restent en suspens. Un dialogue actif est en cours entre les autorités turques et la Commission sur les formules qui pourraient être trouvées pour avancer en la matière.
Les critères en suspens
- adoption des mesures de prévention de la corruption prévues par la feuille de route (assurer un suivi effectif des recommandations formulées par le Groupe d’Etats contre la corruption, le GRECO, qui relève du Conseil de l’Europe) ;
- mise en conformité de la législation relative à la protection des données à caractère personnel avec les normes de l’Union ;
- conclusion d’un accord de coopération opérationnelle avec Europol ;
- proposition d’une coopération judiciaire effective en matière pénale à tous les Etats membres de l’Union ;
- révision de la législation et des pratiques relatives au terrorisme dans le respect des normes européennes.
A cela s’ajoutent deux exigences nécessitant un délai de mise en œuvre plus long, pour des raisons pratiques ou procédurales :
- perfectionnement des passeports biométriques existants pour y inclure des éléments de sécurité conformes aux normes de l’UE ;
- mise en œuvre complète des dispositions de l’accord de réadmission UE-Turquie, y compris celles liées à la réadmission de ressortissants de pays tiers.
Sur ce point, il faut également signaler que des discussions ont été engagées au sein de l’UE pour renforcer le mécanisme de suspension qui permet de réinstaurer à titre provisoire l’obligation de visa en cas d’accroissement substantiel et soudain de la migration irrégulière en provenance d’un pays bénéficiant d’une exemption. La proposition de la Commission vise à faciliter le recours au mécanisme de suspension et à accélérer la procédure.
– En ce qui concerne le processus d’adhésion, les négociations sur le chapitre 33 (dispositions financières et budgétaires) se sont ouvertes le 30 juin, conformément à la déclaration UE-Turquie. Sans préjudice des positions des Etats membres, des travaux préparatoires sont en cours sur cinq autres chapitres (chapitre 23 : pouvoir judiciaire et droits fondamentaux ; chapitre 24 : justice, liberté et sécurité ; chapitre 15 : énergie ; chapitre 26 : éducation et culture ; chapitre 31 : politique étrangère, de sécurité et de défense)
Si la déclaration conjointe du 18 mars dernier a produit des effets positifs, qui peuvent se mesurer par la réduction des flux, la situation reste particulièrement difficile en Grèce.
Jusqu’à la fermeture de la route des Balkans, la Grèce constituait pour l’essentiel un pays de transit. En témoigne le fait que seules 11 000 demandes ainsi été enregistrées en 2015. Mais la situation a changé depuis le début de cette année : selon les autorités, plus de 60 000 migrants seraient enregistrées sur le territoire grec (environ 14 000 dans les îles et 46 000 sur le continent).
Les capacités restent limitées en termes d’accueil, malgré l’envoi de matériel via le mécanisme européen de sécurité civile et la création de dizaines de nouveaux centres avec le concours de l’armée grecque. Il en est de même pour le traitement des demandes d’asile, qui ont significativement augmenté depuis la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie. Le système de l’asile grec reste saturé et le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) n’a pas reçu tous les concours promis par les Etats membres.
En réponse aux besoins humanitaires croissants en Grèce, un nouveau mécanisme européen d’aide d’urgence, EURO-ECHO, a été créé en avril dernier. Il n’existait jusque-là pas d’instrument financier européen permettant d’apporter une aide d’urgence dans un Etat membre via des partenaires humanitaires. EURO-ECHO a été doté de 700 millions d’euros sur la période 2016-2018, dont 300 millions dès cette année. La Grèce en est la première bénéficiaire à court terme. Le soutien qui lui est fourni vise à couvrir les besoins élémentaires des migrants et des réfugiés (hébergements et installations sanitaires ; programmes de bons pour acheter de la nourriture et d’autres produits de première nécessité ; par ailleurs, un soutien spécial pour l’éducation des enfants et des mineurs non accompagnés est prévu).
Au titre du fonds « Asile, migration et intégration » (FAMI) et du Fonds pour la sécurité intérieure (FSI), près de 352 millions d’euros d’aide d’urgence avaient par ailleurs été affectés en septembre à la Grèce depuis le début de l’année, afin de contribuer à renforcer les capacités d’accueil, les procédures d’asile, l’aide aux migrants et aux réfugiés, l’efficacité des programmes de retour, le contrôle des frontières extérieures et la lutte contre la criminalité transfrontalière. Cette aide d’urgence s’ajoute aux 509 millions d’euros déjà alloués à la Grèce dans le cadre des programmes nationaux pour la période 2014-2020 (300 millions au titre du FAMI et 215 millions au titre du FSI).
En parallèle des mesures d’urgence qui viennent d’être présentées et qui doivent continuer à s’appliquer tant que la crise n’est pas surmontée, l’Union européenne s’est engagée dans une série de réformes structurelles visant à :
– renforcer la gestion de ses frontières extérieures ;
– réformer le régime d’asile européen commun (RAEC), dont il apparaît clairement qu’il n’est pas suffisamment harmonisé et ne permet pas une mise en œuvre satisfaisante du principe de solidarité ;
– développer davantage la dimension extérieure de la politique migratoire, notamment la coopération avec les pays d’origine et de transit des migrations.
Des frontières extérieures sûres sont une condition indispensable pour le maintien de l’espace Schengen de libre circulation – temporairement remis en cause par le rétablissement de contrôles aux frontières intérieures dans plusieurs Etats, dont la France. Le cadre en vigueur est donc en pleine évolution structurelle pour favoriser une reprise de contrôle complète des frontières extérieures.
L’accélération de la crise migratoire au cours de l’année 2015 a conduit à prendre conscience des limites du mandat et des moyens de Frontex, l’Agence pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'Union européenne. Frontex, qui était entrée en action en 2005, ne disposait pas de son propre personnel opérationnel et dépendait donc des contributions des Etats membres. Frontex ne pouvait pas non plus mener ses opérations dans un Etat sans que celui l’ait au préalable sollicité.
La création d’une nouvelle Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, qui vient de succéder à Frontex, devrait notamment permettre de développer des mesures de surveillance préventives aux frontières extérieures de l’Union et, le cas échéant, d’améliorer les réponses nécessaires. Le mandat et les moyens de l’Agence ont, en effet, été significativement renforcés par rapport à ceux de Frontex.
– L’Agence, chargée de surveiller les flux migratoires au sein de l’Union européenne, voit la criminalité transfrontalière et le terrorisme intégrées à son analyse des risques. L’Agence pourra collecter et échanger des données à caractère personnel avec les Etats membres et avec Europol.
– Elle devra évaluer les vulnérabilités des Etats membres afin de mesurer leur capacité à faire face aux risques. Si des défaillances apparaissent à l’occasion d’un test de vulnérabilité, l’Agence pourra demander que des mesures adéquates soient rapidement adoptées. Sur la base d’une décision du Conseil, des mesures pourront être prises même si l’Etat membre concerné ne demande pas d’assistance ou considère qu’une intervention supplémentaire n’est pas nécessaire.
– L’Agence pourra déployer des agents de liaison dans les Etats membres, afin d’assurer un suivi régulier de la gestion des frontières extérieures, ainsi que dans des Etats tiers. L’Agence aura également la possibilité de lancer des opérations conjointes avec ces derniers.
– Son rôle en matière de retours est renforcé, notamment grâce à la constitution de réserves de contrôleurs, d’escortes et de spécialistes des questions de retour. L’Agence pourra non seulement organiser des opérations de retours conjointes (vols groupés à l’échelle européenne), mais aussi au bénéfice d’un seul Etat membre et de sa propre initiative.
Les effectifs propres de l’Agence pourraient atteindre 1 000 agents permanents en 2020 – ils ne sont aujourd’hui que 350. Il faudra donc que les Etats accompagnent le déploiement de l’Agence en répondant à ses besoins de recrutement d’agents permanents. Par ailleurs, son budget devrait être porté à 350 millions d’euros en 2020 (30).
Il faut également souligner que l’Agence pourra acquérir ses propres équipements. Afin d’améliorer ses capacités de réaction, une réserve européenne de garde-frontières et un parc d’équipements techniques doivent aussi voir le jour. Une réserve d’intervention rapide d’au moins 1 500 personnes doit être mise à disposition. Il est prévu que la France y contribue à hauteur de 170 agents.
Le règlement de l’Agence a été adopté en un temps record à l’échelle européenne – moins d’un an après la proposition initiale de la Commission. Il est entré en vigueur le 6 octobre dernier.
Le déploiement de l’Agence devrait normalement suivre un calendrier tout aussi accéléré : la réserve d’intervention rapide et le parc d’équipements techniques devraient être opérationnels au 7 décembre prochain ; les équipes chargées des retours devraient l’être au 7 janvier 2017, tandis que les premières évaluations de vulnérabilité sont prévues en janvier-mars.
Le renforcement du contrôle des frontières extérieures repose également sur une proposition de révision du Code frontières Schengen et sur la mise en œuvre du nouveau paquet « frontières intelligentes », présenté par la Commission le 6 avril 2016.
i. Vers des contrôles systématiques aux frontières extérieures, y compris pour les citoyens européens
Des négociations sont en cours avec le Parlement européen sur une révision ciblée du Code frontières Schengen qui permettrait de s’assurer que toutes les personnes traversant les frontières extérieures, y compris les ressortissants des Etats membres, sont soumis à des contrôles systématiques. Les discussions sont toutefois difficiles, le Parlement européen demandant de nombreuses dérogations aux contrôles systématiques.
Le paquet « frontières intelligentes » (« Smart Borders »), présenté dès février 2013 par la Commission européenne et révisé en avril dernier, vise à améliorer la gestion des frontières extérieures et à renforcer la sécurité intérieure dans l’UE en exploitant davantage les possibilités offertes par les technologies de l’information.
– La Commission a ainsi proposé de créer un nouveau système dit « entrées sorties » (EES), destiné à enregistrer les données de ressortissants de pays tiers en court séjour dans l’Union, ainsi que les refus d’entrée, afin de permettre une meilleure détection des fraudes, notamment le dépassement de la durée maximale de séjour autorisée. Ce système serait accessible aux autorités répressives et à Europol.
En cohérence avec la révision précitée du Code frontières Schengen, et afin d’améliorer l’efficacité de la lutte contre la grande criminalité et le terrorisme, il serait utile d’inclure dans le champ d’application de l’EES les ressortissants de pays tiers bénéficiant d’un titre de long séjour, ainsi que les citoyens européens, comme le demande la France.
– La Commission a également proposé de créer un système européen d’information et d’autorisation de voyage (ETIAS), pour les voyageurs exemptés de visas, comme il en existe déjà dans des pays tels que les Etats-Unis, le Canada et l’Australie. La Commission travaille à une proposition législative qui pourrait être présentée avant la fin de l’année.
Du point de vue de la gestion des frontières et de la lutte contre le terrorisme, ce système permettrait de pallier l’actuel manque d'informations avant l'arrivée en Europe, via les frontières maritimes et terrestres, des ressortissants de pays tiers exemptés de l'obligation de visa, et d’améliorer l’évaluation des risques. Ce projet constitue donc pour la France une priorité.
La crise actuelle a mis en lumière des faiblesses dans la conception et la mise en application du régime d’asile européen commun (RAEC), composé d’un cadre juridique visant à harmoniser tous les aspects du processus d’asile et d’une agence d’appui (EASO).
Ces faiblesses concernent en particulier le système de Dublin, qui présente de nombreuses difficultés d’application et n’a pas été conçu pour favoriser un partage durable des responsabilités entre les Etats participants en cas d’afflux massifs dans un nombre limité de pays d’entrée. Par ailleurs, le maintien d’importantes différences de traitement des demandeurs d’asile entre les Etats européens (quant à la durée des procédures, aux conditions d’accueil ou au taux de reconnaissance d’une protection internationale) s’accompagne d’une « attractivité » variable selon les pays et d’importants mouvements secondaires.
Dans ce contexte, la Commission a lancé une réforme structurelle de l’ensemble du RAEC, reposant sur 7 textes nouveaux, qui ont été mis sur la table en deux temps, aux mois de mai et juillet.
– La proposition de réforme du système de Dublin maintient les principes de base (en particulier celui selon lequel les demandeurs d’asile doivent faire leur demande dans le pays de première entrée, sauf s’ils ont de la famille ailleurs), mais propose d’instaurer un mécanisme corrigeant la répartition entre les Etats membres en cas de pression disproportionnée sur certains d’entre eux, au regard de la taille de la population et du PIB. Le nouveau système tiendrait compte des efforts de réinstallation et serait activé automatiquement. Pour mémoire, le mécanisme actuel de relocalisation ne constitue qu’une dérogation temporaire au système de Dublin. La proposition de la Commission vise aussi à déterminer plus rapidement l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile, en réduisant les délais prévus.
– En parallèle, la Commission propose d’élargir l’objet du système Eurodac, qui stocke des empreintes digitales dans le seul but de faciliter la détermination de l’Etat responsable de l’examen des demandes d’asile. La réforme envisagée permettrait d’enregistrer les données relatives aux étrangers en situation irrégulière et d’effectuer des recherches sur ces données, afin de contribuer à la lutte contre l’immigration irrégulière et de faciliter les retours. Le contenu d’Eurodac serait par ailleurs enrichi (nom, date de naissance, nationalité, éléments d’identification ou document de voyage, image faciale, et non plus seulement les empreintes digitales et le sexe de la personne).
– La proposition de révision du règlement relatif à l’EASO vise à transformer ce Bureau d’appui en une véritable Agence européenne de l’asile, aux missions significativement renforcées. La nouvelle Agence serait notamment chargée d’assurer une plus grande convergence dans l’évaluation des demandes de protection internationale, ainsi que de surveiller et d’évaluer la mise en œuvre de tous les aspects du RAEC dans les Etats membres (procédures d’asile, taux de reconnaissance d’une protection internationale, qualité et nature de la protection accordée, accueil, système de Dublin…). Les capacités d’assistance opérationnelle et techniques seraient renforcées, notamment par la constitution d’une réserve d’intervention d’au moins 500 experts.
Trois autres propositions législatives de la Commission visent à renforcer et harmoniser davantage les règles mêmes du régime d’asile européen commun.
La directive relative aux procédures d’asile serait remplacée par un règlement instituant une procédure unique dans l’Union. La proposition vise en particulier à accélérer l’examen des demandes et à rapprocher les garanties offertes aux demandeurs. En ce qui concerne les pays d’origine sûrs et des pays tiers sûrs, l’application de ces notions deviendrait obligatoire et les listes nationales seraient remplacées à terme par des listes ou désignations européennes.
– S’agissant du règlement qui succèderait à l’actuelle directive « Qualification » (relative aux conditions pour se voir octroyer une protection internationale et aux droits des bénéficiaires), on peut signaler en particulier que la Commission propose d’harmoniser davantage les droits des bénéficiaires d’une protection internationale, notamment au regard du séjour et des prestations sociales, et d’imposer aux Etats membres d’évaluer la possibilité d’une protection à l’intérieur des pays d’origine, ainsi que de tenir compte des indications fournies par la nouvelle Agence européenne pour l’asile quant à la situation dans ces mêmes pays.
– La révision ciblée de la directive « Accueil » prévoirait notamment un accès plus rapide au marché du travail dans l’ensemble de l’Union (au plus tard six mois après l’introduction d’une demande d’asile) et des garanties renforcées pour les demandeurs d’asile ayant des besoins particuliers en matière d’accueil (au moyen de règles plus précises pour évaluer les besoins et y répondre), comme pour les mineurs non accompagnés (désignation d’un tuteur légal au plus tard cinq jours après le dépôt d’une demande). La nouvelle directive imposerait aussi aux États membres de fixer le lieu de résidence du demandeur en un endroit déterminé, pour un certain nombre de motifs précis, et de subordonner l’octroi des conditions matérielles d’accueil au respect de cette condition. Les Etats membres devraient également élaborer et mettre régulièrement à jour des plans d’urgence pour garantir un accueil adapté en cas d’afflux massif de demandes.
– Enfin, la Commission propose de créer un cadre européen permanent pour la réinstallation des personnes en besoin de protection internationale – il n’existe aujourd’hui, on l’a dit, qu’un mécanisme européen temporaire. Il s’agirait d’établir des règles communes pour sélectionner les candidats à la réinstallation et les régions ou pays tiers d’origine (en prenant notamment en considération le nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale, les relations générales avec l’Union et la coopération effective dans le domaine de l’asile et de la migration), des procédures uniformes pour toutes les phases du processus, un statut de protection commun et une assistance financière de 10 000 euros pour toute personne réinstallée. En revanche, les Etats membres continueraient à décider du nombre de personnes à réinstaller chaque année. L’UE pourrait établir, pour sa part, des plans annuels de réinstallation définissant les zones géographiques prioritaires et le nombre total de personnes à réinstaller sur la base des contributions des Etats participants.
Les discussions, qui ne font que commencer sur ces propositions de la Commission européenne, risquent d’être complexes et difficiles. Le directeur général des étrangers en France, M. Pierre-Antoine Molina, a eu l’occasion de préciser devant la commission des affaires étrangères (31) la position de la France sur plusieurs points clefs.
– La France accepte le principe d’un mécanisme correcteur au système de Dublin, mais considère que la proposition actuelle de la Commission européenne prévoit un déclenchement trop automatique, ce qui risque d’être responsabilisant : un Etat ne devrait pouvoir bénéficier d’un tel mécanisme correcteur qu’à la condition de remplir ses obligations au titre du contrôle des frontières extérieures et de l’asile.
– Sur la réforme des règles prévues en matière d’asile (procédures, accueil et qualification), qui paraît très ambitieuse, la France est favorable à une plus grande convergence, mais soucieuse qu’elle soit progressive et respecte les traditions nationales en matière d’asile, notamment la sienne. Pour cette raison, la France reste favorable au maintien de directives au lieu de recourir à des règlements pour le prochain « paquet » asile.
Selon des éléments communiqués au Rapporteur par la direction générale des étrangers en France, la France considère en particulier que « le rapprochement des taux d'octroi en matière de statut délivré pour des populations au profil comparable est en effet un objectif indispensable pour éviter des facteurs d'attractivité de certains pays au sein même de l'Union Européenne. Toutefois, cela ne peut se faire que par le biais d'échanges et d'une coopération européenne renforcée en matière d'analyse sur la situation des pays d'origine et non par l'imposition de lignes directrices opposables aux États membres. En tout état de cause, la décision en matière d'asile reste liée à un examen au cas par cas et ne peut être réduite à une application stricte d'une ligne directrice ne permettant pas de tenir compte des caractéristiques du cas d'espèce.
En ce qui concerne les conditions d'accueil, celles-ci sont directement liées au niveau de vie des pays européens en ce qui concerne le niveau des prestations offertes, et il est difficile de prévoir un nivellement complet entre l'ensemble des pays de l'UE. Toutefois les conditions de délivrance des aides peuvent, elles, être harmonisées plus avant et la France y est favorable ».
Lors de son audition par votre Rapporteur, le directeur général de l’OFPRA, M. Pascal Brice, a pour sa part appelé l’attention sur deux points particuliers :
– la généralisation d’un examen de la recevabilité des demandes d’asile des personnes passées par un pays tiers sûr (à l’instar de ce que prévoit la déclaration UE-Turquie de mars dernier), conduisant à ne plus examiner la demande au fond, peut paraître difficilement acceptable ;
– s’agissant de l’Agence européenne pour l’asile que la Commission propose de créer en étendant le mandat actuel de l’EASO, il conviendrait à tout le moins de s’assurer de son indépendance à l’égard des Etats membres, en particulier si l’Agence est chargée d’établir des lignes directrices obligatoires en ce qui concerne les pays d’origine.
Les dimensions interne et externe de la crise migratoire étant intimement liées, l'accent porte également de manière croissante sur une série de priorités qui relèvent de l'action extérieure de l'Union européenne et de ses Etats membres :
– s'attaquer aux causes profondes de l'intensification des flux migratoires ;
– éviter que les réfugiés aient besoin de faire un voyage périlleux vers l'Europe, en renforçant l'aide apportée au plus près des zones de crise et en développant des voies d’accès légales et sécurisées, comme la réinstallation ;
– améliorer la coopération avec les pays d'origine et de transit dans le domaine de la gestion des migrations.
La recherche d'un partenariat global sur les migrations a été au cœur du sommet de la Valette, qui a vu l’adoption d'une déclaration politique et d'un plan d'action. Ce partenariat, censé reposer sur la solidarité et la responsabilité partagée entre les pays d'origine, de transit et de destination, comporte cinq axes principaux :
– s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés (par la lutte contre la pauvreté, la promotion de la paix, de la bonne gouvernance, de l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme, le soutien à une croissance économique inclusive et l’amélioration des services de base tels que l'éducation, la santé et la sécurité) ;
– renforcer les possibilités de migration et de mobilité légales ;
– renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière, notamment en améliorant la coopération en matière de retour ;
– prévenir et combattre le trafic de migrants, ainsi qu'éradiquer la traite des êtres humains ;
– renforcer la protection internationale et accroître l'assistance, y compris son volet humanitaire.
Un fond fiduciaire d'urgence « en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique » a été mis en place par l'Union européenne. Près de soixante projets ont déjà été approuvés, mais ils commencent à peine à être mis en œuvre sur le terrain et ne concernent pour l'instant qu'une partie des domaines convenus.
Malgré l'existence de dialogues de haut niveau avec les principaux pays d'origine et de transit pour encourager leur coopération sur les questions migratoires, peu de résultats concrets ont été obtenus jusque-là, en particulier en matière de retour et de réadmission. Le contrôle des migrations continue à faire l'objet de réticences de la part des Etats d'origine, ne serait-ce que parce que les transferts de fonds depuis l’étranger représentent des montants très importants et bien supérieurs à ceux de l'aide publique au développement.
Dans ce contexte difficile, le Conseil européen du 28 juin dernier a appelé à la mise en place d'un cadre de partenariat dont la Haute représentante et vice-présidente de la Commission, Mme Mogherini, doit être le chef de file. Il s’agit de mettre en place des « pactes migratoires » (« migration compacts »), centrés à ce stade sur cinq pays prioritaires : Sénégal, Mali, Niger, Nigéria et Ethiopie.
Ces « migrations compacts » sont une initiative italienne à laquelle la France a apporté son soutien. L'objectif est de parvenir à des résultats plus rapides, en particulier sur la coopération consulaire, en définissant des objectifs clairs, notamment en matière de retour des migrants en situation irrégulière, et des mesures incitatives en mobilisant des leviers efficaces – qui restent toutefois à définir et à mettre en œuvre concrètement.
On peut également souligner que le président Juncker a annoncé le lancement d'un Plan d'investissement externe (PIE) pour l'Afrique et les pays du voisinage afin de s'attaquer aux causes profondes des migrations. Le PIE, doté de 3,5 milliards d'euros provenant du budget de l'Union et du Fonds européen de développement, doit permettre de mobiliser jusqu'à 44 milliards d'euros grâce à un effet de levier.
À l’issue de l’audition, en commission élargie, de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, le mardi 25 octobre 2016 (32), la commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Marc Germain, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2017.
Puis, conformément aux conclusions du rapporteur, la commission donne un avis favorable à l’adoption de ces crédits, tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 29 du projet de loi de finances pour 2017.
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR
1. A Paris (par ordre chronologique) :
– Cimade : M. Gérard SADIK, responsable de la commission asile, et Mme Eva OTTAVY, responsable de la commission solidarité internationale
– Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) : Mmes Violaine CARRÈRE et Caroline MAILLARY, chargées d’étude
– M. Didier LESCHI, directeur général de l’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)
– M. Kléber ARHOUL, préfet, coordinateur national pour l’accueil des réfugiés
– Mme Fabienne LASSALLE, directrice générale adjointe de SOS Méditerranée Paris
– M. Pierre-Antoine MOLINA, directeur général des étrangers en France au ministère de l’intérieur, accompagné de M. Benoît BROCART, directeur de l'immigration, M. Florian VALAT, adjoint au directeur de l'asile, M. Christian CHASSAING, sous-directeur du pilotage et des systèmes d'information, M. Philippe CONDUCHÉ, chef de la mission des affaires européennes, et Mme Nele RAGONS, chef du bureau du pilotage et de la synthèse budgétaire et financière
– M. Pascal BRICE, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
2. A l’occasion d’un déplacement en Italie (du 21 au 23 septembre 2016) :
a. A Rome :
– Mme Laura RAVETTO, députée, présidente du comité interparlementaire Schengen
– Mme Micaela CAMPANA, députée, membre du comité interparlementaire Schengen et secrétaire nationale du Parti démocrate en charge de l’immigration
– M. Mario MORCONE, préfet, directeur des libertés publiques et de l’immigration (ministère de l’intérieur)
– M. Federico SODA, directeur du bureau de coordination pour la Méditerranée, chef de mission en Italie et à Malte, de l’Organisation internationale des migrations (OIM) ;
– M. Federico CIATTAGLIA, sous-directeur « Justice et Affaires intérieures » (ministère des affaires étrangères) ;
– Visite du Quartier-général de l’opération EUNAVFORMED-Sophia et entretien avec le contre-amiral René-Jean CRIGNOLA, commandant-adjoint de l’opération, en présence de l’équipe française
b. En Sicile :
– Dépôt de gerbe au monument en hommage aux migrants morts en mer, (cimetière de Catane), en présence de M. Marco CONSOLI, adjoint au maire
– Visite du « hotspot » de Pozzallo ;
– Visite du centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CARA) de Mineo ;
– Visite du centre de coordination EURTF (European Union Regional Task Force) de Catane
Votre Rapporteur souhaite remercier vivement Son Exc. Mme Catherine COLONNA, ambassadrice de France en Italie, et ses collaborateurs, notamment Mme Claire RAULIN, ministre conseillère, et M. Jonathan CORDIER, premier secrétaire, pour leur aide dans l’organisation de ce déplacement et leur accueil.
ANNEXE N° 2 | ||||||||||||||
|
LFI 2016 |
PLF 2017 |
Ecart en € |
Evolution en % | ||||||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
| ||||||
Programme 303 - Immigration et Asile |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | ||||||
Total Action 01 - Circulation des étrangers et politique des visas (SDV - fonctionnement des postes consulaires et diplomatiques) |
560 000 |
560 000 |
520 000 |
520 000 |
-40 000 |
-40 000 |
-7,1% |
-7,1% | ||||||
ADA |
148 760 000 |
148 760 000 |
220 000 000 |
220 000 000 |
71 240 000 |
71 240 000 |
47,9% |
47,9% | ||||||
CADA |
265 014 000 |
265 014 000 |
280 000 000 |
280 000 000 |
14 986 000 |
14 986 000 |
5,7% |
5,7% | ||||||
HU |
111 500 000 |
111 500 000 |
245 760 923 |
118 000 000 |
134 260 923 |
6 500 000 |
120,4% |
5,8% | ||||||
Accompagnement des demandeurs d'asile |
500 000 |
500 000 |
475 000 |
475 000 |
-25 000 |
-25 000 |
-5,0% |
-5,0% | ||||||
OFPRA |
53 632 495 |
53 632 495 |
65 000 000 |
65 000 000 |
11 367 505 |
11 367 505 |
21,2% |
21,2% | ||||||
Aide aux communes |
15 000 000 |
15 000 000 |
4 000 000 |
4 000 000 |
-11 000 000 |
-11 000 000 |
-73,3% |
-73,3% | ||||||
Fonds migrants et réfugiés (BDCE) |
3 000 000 |
3 000 000 |
0 |
0 |
-3 000 000 |
-3 000 000 |
|
| ||||||
Total Action 02 - Garantie de l'exercice du droit d'asile |
597 406 495 |
597 406 495 |
815 235 923 |
687 475 000 |
217 829 428 |
90 068 505 |
36,5% |
15,1% | ||||||
Fonctionnement CRA |
29 557 082 |
29 183 000 |
27 723 850 |
27 723 850 |
-1 833 232 |
-1 459 150 |
-6,2% |
-5,0% | ||||||
Investissement CRA |
3 000 000 |
3 450 000 |
3 138 000 |
3 277 500 |
138 000 |
-172 500 |
4,6% |
-5,0% | ||||||
Accompagnement social en CRA |
6 200 000 |
6 200 000 |
6 300 000 |
6 300 000 |
100 000 |
100 000 |
1,6% |
1,6% | ||||||
Accompagnement sanitaire en CRA (dont dépenses Calais et Dunkerque) |
7 800 000 |
7 800 000 |
22 000 000 |
22 000 000 |
14 200 000 |
14 200 000 |
182,1% |
182,1% | ||||||
Eloignement |
33 356 000 |
33 356 000 |
33 356 000 |
33 356 000 |
0 |
0 |
0,0% |
0,0% | ||||||
Total Action 03 - Lutte contre l'immigration irrégulière |
79 913 082 |
79 989 000 |
92 517 850 |
92 657 350 |
12 604 768 |
12 668 350 |
15,8% |
15,8% | ||||||
Fonctionnement DGEF |
2 025 730 |
2 025 730 |
1 800 200 |
1 800 200 |
-225 530 |
-225 530 |
-11,1% |
-11,1% | ||||||
SI DGEF |
29 153 697 |
28 493 697 |
25 008 157 |
25 768 807 |
-4 145 540 |
-2 724 890 |
-14,2% |
-9,6% | ||||||
Total Action 04 - Soutien |
31 179 427 |
30 519 427 |
26 808 357 |
27 569 007 |
-4 371 070 |
-2 950 420 |
-14,0% |
-9,7% | ||||||
Réserve parlementaire |
183 100 |
183 100 |
0 |
0 |
-183 100 |
-183 100 |
-100,0% |
-100,0% | ||||||
Total Programme 303 |
709 242 104 |
708 658 022 |
935 082 130 |
808 221 357 |
225 840 026 |
99 563 335 |
31,8% |
14,0% | ||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
| ||||||
Programme 104 - Intégration et accès à la nationalité française |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP | ||||||
Total Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants (OFII) |
40 635 798 |
40 635 798 |
181 900 000 |
181 900 000 |
141 264 202 |
141 264 202 |
347,6% |
347,6% | ||||||
Action 11 - Accueil des étrangers primo-arrivants (OFII hors taxes) |
40 635 798 |
40 635 798 |
48 900 000 |
48 900 000 |
8 264 202 |
8 264 202 |
20,3% |
20,3% | ||||||
Total Action 12 - Accompagnement des étrangers primo-arrivants |
24 508 000 |
24 508 000 |
29 731 000 |
29 731 000 |
5 223 000 |
5 223 000 |
21,3% |
21,3% | ||||||
Total Action 14 - Accès à la nationalité française (fonctionnement SDANF) |
1 204 515 |
1 058 600 |
945 600 |
1 005 600 |
-258 915 |
-53 000 |
-21,5% |
-5,0% | ||||||
CPH |
15 955 400 |
15 955 400 |
20 955 400 |
20 955 400 |
5 000 000 |
5 000 000 |
31,3% |
31,3% | ||||||
Accompagnement des réfugiés |
4 270 500 |
4 270 500 |
5 770 000 |
5 770 000 |
1 499 500 |
1 499 500 |
35,1% |
35,1% | ||||||
Total Action 15 - Accompagnement des réfugiés |
20 225 900 |
20 225 900 |
26 725 400 |
26 725 400 |
6 499 500 |
6 499 500 |
32,1% |
32,1% | ||||||
Total Action 16 - Accompagnement du plan de traitement des FTM |
8 987 000 |
8 987 000 |
8 538 000 |
8 538 000 |
-449 000 |
-449 000 |
-5,0% |
-5,0% | ||||||
Réserve parlementaire |
48 000 |
48 000 |
0 |
0 |
-48 000 |
-48 000 |
-100,0% |
-100,0% | ||||||
Total Programme 104 |
95 609 213 |
95 463 298 |
247 840 000 |
247 900 000 |
152 230 787 |
152 436 702 |
159,2% |
159,7% | ||||||
Total Programme 104 à périmètre constant* |
95 609 213 |
95 463 298 |
114 840 000 |
114 900 000 |
19 230 787 |
19 436 702 |
20,1% |
20,4% | ||||||
* mesure de périmètre : intégration des taxes dans l'action 11 à hauteur de 133 M€ |
||||||||||||||
TOTAL MISSION IAI (périmètre courant*) |
804 851 317 |
804 121 320 |
1 182 922 130 |
1 056 121 357 |
378 070 813 |
252 000 037 |
47,0% |
31,3% | ||||||
TOTAL MISSION IAI (périmètre constant) |
804 851 317 |
804 121 320 |
1 049 922 130 |
923 121 357 |
245 070 813 |
119 000 037 |
30,4% |
14,8% |
LES DIFFICULTÉS D’APPLICATION DU RÈGLEMENT DE DUBLIN
Le règlement du 26 juin 2013, dit « Dublin III », fixe les critères et les mécanismes permettant de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile. Parmi ces critères, présentés ci-après, c’est en pratique celui de l’Etat de première entrée qui joue un rôle prédominant dans l’application du règlement.
Source : Commission européenne.
On se heurte aujourd’hui à de graves difficultés pratiques qui justifient pleinement, selon votre Rapporteur, une réflexion sur l’avenir de ce dispositif.
- Le système de Dublin renforce la pression sur les systèmes d’asile des pays de première entrée, compte tenu de la prédominance de ce critère dans l’application du règlement et du fait que la très grande majorité des entrées sont aujourd’hui enregistrées dans un petit nombre d’Etats membres, en particulier la Grèce et l’Italie (33). Dans sa version actuelle, le système de Dublin est donc inadapté au contexte migratoire et il s’avère inéquitable. D’où le mécanisme correcteur qu’a proposé la Commission européenne (34).
- Ensuite, le critère des attaches familiales (article 8 du règlement) reste aujourd’hui assez méconnu et très peu pris en compte. La voie du rapprochement familial vient néanmoins d’être ouverte avec le Royaume-Uni, grâce aux efforts engagés par le ministre de l’Intérieur, au bénéfice de mineurs isolés présents à Calais. Il n’en reste pas moins que l’engagement des Britanniques, on l’a dit, est encore insuffisant à ce stade. Le critère des liens familiaux, qui constitue en quelque sorte le versant « positif » du règlement de Dublin, pourrait également être davantage appliqué aux demandeurs d’asile présents en Grèce et en Italie. Comme votre Rapporteur a pu le constater à Rome, les autorités italiennes estiment qu’il faudrait commencer par appliquer pleinement le règlement de Dublin sur ce point.
- Enfin, les transferts au titre du règlement Dublin sont peu effectifs.
En France, 11 742 demandeurs d’asile ont fait l’objet d’une procédure Dublin en 2015. Les autres Etats membres ont accepté de prendre ou de reprendre en charge 7 846 personnes, mais seules 526 d’entre elles ont été effectivement transférées, soit un taux de transfert très faible de 6,7 % (35). Les préfectures rencontrent des difficultés dans l’organisation des transferts, notamment suite à des refus d’embarquement et à la disparition des intéressés après la notification de la décision de transfert.
Sur les huit premiers mois de l’année 2016, 14 052 procédures Dublin ont été engagées par les préfectures, soit une hausse de 74 % par rapport à la même période de l’année dernière, et 689 transferts ont été réalisés vers un autre Etat membre (plus du double que pendant la même période en 2015).
Pour l’année 2016, les trois premiers Etats membres saisis par la France sont l’Italie (26 % des requêtes Dublin), l’Allemagne (24 %) et la Hongrie (10 %). L’évolution la plus notable concerne l’Allemagne, vers laquelle on observe une hausse de 137 % des requêtes Dublin alors que, parallèlement, il faut noter une baisse de plus de la moitié des requêtes adressées à la Hongrie.
Cette évolution reflète deux phénomènes migratoires distincts : d’une part des mouvements secondaires accrus, notamment en provenance de l’Allemagne, et d’autre part le maintien à un niveau élevé des arrivées en Europe par l’Italie. Les populations en provenance d’Allemagne sont pour l’essentiel constituées de ressortissants originaires des Balkans (Albanie et Kosovo), faisant l’objet de procédures particulièrement accélérées, et de ressortissants afghans arrivés en 2015 qui n’ont pas pu voir aboutir leur demande d’asile en Allemagne, où ils se sont heurtés aux difficultés liées à un accueil de masse. Les personnes en provenance d’Italie sont pour l’essentiel d’origine africaine, en provenance notamment du Soudan et de la Guinée. Parmi ces dernières, la majorité (60 %) est enregistrée dans la base Eurodac au titre du seul franchissement irrégulier d’une frontière extérieure.
En l’absence de transfert effectif dans un délai de six mois (porté à dix-huit mois en cas de fuite), l’Etat reconnu comme responsable de l’examen de la demande d’asile est libéré de cette obligation. La procédure d’asile reprend alors dans l’Etat qui avait demandé et obtenu le transfert, ce qui contribue à étaler dans le temps les demandes d’asile.
ETAT DES FLUX ENTRE LA FRANCE ET LES ETATS PARTICIPANT AU SYSTÈME DUBLIN
ETATS MEMBRES |
2015 |
2016 (1er semestre) | ||
Transferts entrants |
Transferts sortants |
Transferts entrants |
Transferts sortants | |
Allemagne |
513 |
123 |
157 |
203 |
Autriche |
25 |
22 |
19 |
18 |
Belgique |
189 |
40 |
67 |
20 |
Bulgarie |
1 |
9 |
12 | |
Chypre |
3 |
1 |
||
Croatie |
2 |
|||
Danemark |
27 |
2 |
13 |
4 |
Espagne |
9 |
127 |
46 | |
Estonie |
||||
Finlande |
33 |
11 |
3 | |
Royaume-Uni |
46 |
10 |
14 |
50 |
Grèce |
1 |
SO |
1 |
SO |
Hongrie |
41 |
1 |
8 | |
Irlande |
||||
Islande |
4 |
3 |
||
Italie |
2 |
51 |
1 |
86 |
Lettonie |
1 |
|||
Lichtenstein |
||||
Lituanie |
5 |
1 |
3 | |
Luxembourg |
9 |
2 |
8 |
1 |
Malte |
5 |
1 |
||
Norvège |
45 |
5 |
20 |
6 |
Pays-Bas |
104 |
12 |
46 |
6 |
Pologne |
16 |
36 |
1 |
13 |
Portugal |
3 |
9 |
1 |
2 |
Rép. tchèque |
4 |
1 |
7 | |
Roumanie |
4 |
1 |
||
ETATS MEMBRES |
2015 |
2016 (1er semestre) | ||
Transferts entrants |
Transferts sortants |
Transferts entrants |
Transferts sortants | |
Slovaquie |
||||
Slovénie |
1 |
1 | ||
Suède |
201 |
8 |
49 |
16 |
Suisse |
217 |
16 |
69 |
5 |
Total |
1 458 |
526 |
486 |
510 |
RELOCALISATIONS DEPUIS LA GRÈCE AU 27 SEPTEMBRE 2016
RELOCALISATIONS DEPUIS L’ITALIE AU 27 SEPTEMBRE 2016
RÉINSTALLATIONS AU 26 SEPTEMBRE 2016
(au titre du programme européen décidé en juillet 2015 et du mécanisme « 1 : 1 » prévu par la déclaration UE-Turquie de mars 2016).
© Assemblée nationale