N° 4132
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 4061)
de finances pour 2017
TOME II
ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE
PAR M. PAUl MOLAC
Député
——
Voir le numéro : 4125-III-3
En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2016. À cette date, la totalité des réponses avait été reçue par le rapporteur pour avis, qui remercie l’ensemble des services du ministère de l’Intérieur concernés. |
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2017 DU PROGRAMME « VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE » 7
I. L’ACTION « ORGANISATION DES ÉLECTIONS » 7
II. L’ACTION « FINANCEMENT DES PARTIS » 9
III. LES AUTRES DÉPENSES DU PROGRAMME 12
SECONDE PARTIE : LE FINANCEMENT PUBLIC DES CULTES 13
I. LE DROIT DES CULTES 13
A. L’INTERDICTION DE PRINCIPE DU FINANCEMENT PUBLIC DES CULTES POSÉE PAR LA LOI DU 9 DÉCEMBRE 1905 13
1. La portée du principe de laïcité 13
2. Les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 14
3. Les précisions apportées à l'interdiction de subventionnement des lieux de culte 15
B. LE STATUT DES CULTES RECONNUS DANS LES DÉPARTEMENTS CONCORDATAIRES DU BAS-RHIN, DU HAUT-RHIN ET DE LA MOSELLE 17
1. Le droit local des cultes en Alsace-Moselle 17
2. Un statut qui ne reconnaît pas le culte musulman ou les religions émergentes 18
C. LES RÉGIMES PARTICULIERS DE CERTAINES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER 19
II. LE BUDGET DES CULTES PRIS EN CHARGE PAR L’ETAT 22
A. L’ENTRETIEN DES ÉDIFICES CULTUELS 23
1. Par intervention directe ou subventionnement, dans les départements concordataires 23
2. Un régime juridique et fiscal favorable 24
B. LA RÉMUNÉRATION DE CERTAINS MINISTRES DU CULTE 26
1. Dans les départements concordataires, pour les cultes catholique, israélite et protestant 26
2. Dans les aumôneries 27
Mesdames, Messieurs,
En 2017, les moyens alloués au programme « Vie politique, cultuelle et associative » devraient atteindre 307,6 millions d’euros de crédits de paiement, soit un peu plus de 10 % des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (1).
Ce programme financera notamment l’organisation de trois scrutins nationaux : l’élection présidentielle (les 23 avril et 7 mai 2017), les élections législatives (les 11 et 18 juin) et le renouvellement de la moitié des membres du Sénat (le 24 septembre). À ce calendrier électoral chargé s’ajouteront les élections territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy en mars 2017 et celle des membres de l’Assemblée de Corse au mois de décembre (2). Alors que les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2016 au titre de l’action « Organisation des élections » ne dépassaient pas 23,8 millions d’euros, en l’absence d’échéance électorale, les crédits demandés, à ce titre, dans le présent projet de loi de finances atteignent 229 millions d’euros, correspondant pour l’essentiel à des dépenses de fonctionnement occasionnées par ces élections.
Cette augmentation conjoncturelle ne doit pas éclipser les évolutions que connaissent les autres actions composant le programme, et en particulier les moyens consacrés aux cultes.
Dans le cadre du présent rapport pour avis, votre rapporteur a ainsi choisi, après une présentation des crédits prévus pour 2017, de s’intéresser au financement par l’État des cultes. Il entend ainsi interroger, au-delà des modalités d’exercice des cultes en Alsace-Moselle ou dans les outre-mer, le rôle de la puissance publique dans l’organisation des principales religions de France.
PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2017 DU PROGRAMME « VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE »
Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » devrait être doté en 2017 de 311,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 307,6 millions d’euros en crédits de paiement, soit un triplement par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. Comme on l’a vu, la quasi-totalité de cette évolution est liée à l’organisation de plusieurs scrutins en 2017.
L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME
« VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE »
(en millions d’euros)
Exécution |
LFI |
PLF |
Variation | |
Autorisations d’engagement |
308,7 |
99,3 |
311,7 |
+ 213,9 % |
Crédits de paiement |
267,8 |
99,3 |
307,6 |
+ 209,8 % |
Source : Programme annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017, Rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2015.
L’action « Organisation des élections » bénéficierait en 2017 de 229,0 millions d’euros de crédits de paiement, à comparer aux 22,2 millions d’euros votés en loi de finances pour 2016 et aux 195,5 millions d’euros consommés sur 2015.
L’exercice 2015 a été marqué par l’organisation des élections régionales les 6 et 13 décembre, c’est-à-dire en toute fin d’année budgétaire. Cette situation a entraîné le paiement de la quasi-totalité des dépenses sur l’exercice 2016, alors même que des crédits hors-titre 2 avaient été ouverts à cet effet en loi de finances 2015, à hauteur de 361,5 millions d’euros (3).
Les crédits prévus pour 2017 tendent, pour moitié, à financer le remboursement des dépenses de campagne des candidats à l’élection présidentielle (58,8 millions d’euros) et des candidats aux élections législatives (27 millions d’euros).
Ils financent également un transfert de 11,3 millions d’euros (en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) au profit du programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ». L’an prochain, le ministère des affaires étrangères et du développement international devra, en effet, financer l'élection présidentielle ainsi que l'élection des députés des Français de l'étranger dans 11 circonscriptions.
Les autres dépenses financées sur cette action concernent le remboursement des frais de propagande électorale, pour un total de 53,3 millions d’euros. Il est tenu compte de la dématérialisation de la propagande électorale aux élections présidentielle et législatives, qui pourrait être prévue par décret pour l’élection présidentielle (4) et par l’article 52 du présent projet de loi de finances pour les autres élections ; l’économie réalisée atteindrait 168,9 millions d’euros selon l’évaluation préalable. Cette évaluation rejoint celle réalisée par l’inspection générale de l’administration (IGA) et le contrôle général économique et financier (CGEFi) dans un rapport sur l’organisation des élections élaboré dans le cadre de la procédure de « revue de dépenses » (5).
Lors des élections présidentielle et législatives de 2012, les dépenses afférentes à la propagande électorale ont atteint un total de 203 millions d’euros, soit environ 46 % des dépenses de l’État liées à l’organisation de ces scrutins (voir le tableau ci-après).
DÉPENSES LIÉES À LA PROPAGANDE ÉLECTORALE
AUX ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLE ET LÉGISLATIVES DE 2012
Type de dépenses |
Montant |
Proportion |
Frais de la commission de propagande (fonctionnement et mise sous pli) |
61 469 231 € |
30,3% |
Acheminement de la propagande (dépenses postales) |
86 660 730 € |
42,7% |
Remboursements des candidats |
54 938 967 € |
27,0% |
Total |
203 068 928 € |
100% |
Source : Inspection générale de l’administration, Moderniser l’organisation des élections, octobre 2014.
Votre rapporteur pour avis souligne toutefois que les économies attendues ne prennent pas en compte les éventuels coûts supplémentaires, liés à la conception et à l’entretien de sites Internet ou aux campagnes de communication visant à compenser l’absence de propagande sur papier.
Déjà proposée à deux reprises par le Gouvernement (6), cette mesure a été, à chaque fois, supprimée par l’Assemblée nationale, à la suite d’amendements de votre rapporteur pour avis et de collègues de tous les groupes parlementaires. Elle n’a jamais été réintroduite par le Sénat.
Compte tenu des inégalités persistantes dans notre pays – entre générations, entre les zones urbaines ou péri-urbaines et les zones rurales – pour l’accès à Internet, une telle dématérialisation reviendrait à priver, de fait, une partie de l’électorat de toute possibilité de consulter la propagande électorale. Votre rapporteur pour avis s’étonne de cette troisième tentative et proposera, à nouveau, la suppression de ce dispositif applicable aux élections législatives. Il forme le vœu que le Gouvernement y renonce également pour l’élection présidentielle.
Les crédits consacrés au financement public des partis politiques demeureraient stables : l’action « Financement des partis » bénéficierait en 2017 de 68,7 millions d’euros, soit le même montant que celui ouvert dans chaque loi de finances initiale depuis 2014.
En application de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, un parti politique peut bénéficier de la première fraction de l’aide publique si, lors du plus récent renouvellement de l’Assemblée nationale, il a présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions ou s’il a présenté des candidats uniquement outre-mer (collectivités territoriales relevant des articles 73 ou 74 de la Constitution ou Nouvelle-Calédonie) ayant chacun obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés. Une seconde fraction de l’aide publique est attribuée aux partis bénéficiaires de la première fraction, proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de l’année précédente, y être inscrits ou s’y rattacher (7).
Le tableau présenté ci-après récapitule les montants perçus en 2016 par les différents partis politiques, en précisant l’impact des modulations financières liées à la règle de la parité.
LES AIDES PUBLIQUES AUX PARTIS POLITIQUES EN 2016
(en euros)
I. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions (métropole) |
Première fraction |
Seconde fraction |
TOTAL |
Modulation financière liée à la parité (a) |
Parti socialiste |
10 021 984,07 |
14 902 359,14 |
24 924 343,21 |
1 258 723,00 |
Les Républicains |
6 089 158,70 |
12 505 999,88 |
18 595 158,58 |
3 539 323,00 |
Front national |
4 920 582,91 |
149 772,45 |
5 070 355,36 |
78 381,00 |
Parti communiste français |
1 928 412,19 |
973 520,95 |
2 901 933,14 |
0 |
Europe Écologie les Verts |
2 085 737,08 |
711 419,15 |
2 797 156,23 |
0 |
Union des Radicaux, Centristes, Indépendants et Démocrates (URCID) |
942 045,98 |
1 684 940,10 |
2 626 986,08 |
91 824,00 |
Parti Radical de Gauche |
502 933,72 |
1 085 850,29 |
1 588 784,01 |
123 672,00 |
Association PSLE - Nouveau Centre |
519 745,44 |
673 976,04 |
1 193 721,48 |
129 109,00 |
Le Centre pour la France |
502 014,74 |
336 988,02 |
839 002,76 |
117 092,00 |
Forces de gauche |
510 513,58 |
74 886,23 |
585 399,81 |
57 194,00 |
Debout la France |
206 304,23 |
224 658,68 |
430 962,91 |
9 789,00 |
L'alliance écologiste indépendante |
139 359,60 |
- |
139 359,60 |
22 477,00 |
Le Trèfle - les nouveaux écologistes |
92 036,88 |
- |
92 036,88 |
8 105,00 |
Sous-total I |
28 460 829,12 |
33 324 370,93 |
61 785 200,05 |
5 435 691,00 |
II. Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement outre-mer |
Première fraction |
Seconde fraction |
TOTAL |
Modulation financière liée à la parité (a) |
Parti socialiste guyanais |
6 353,19 |
112 329,34 |
118 682,53 |
0 |
Guadeloupe Unie Socialisme et Réalités |
23 574,48 |
74 886,23 |
98 460,71 |
0 |
41 167,39 |
37 443,11 |
78 610,50 |
0 | |
Calédonie ensemble |
33 865,26 |
37 443,11 |
71 308,37 |
0 |
La politique autrement |
23 012,78 |
37 443,11 |
60 455,89 |
0 |
Démocratie et République |
19 649,65 |
37 443,11 |
57 092,76 |
0 |
Parti communiste guadeloupéen |
16 093,62 |
37 443,11 |
53 536,73 |
0 |
Parti communiste réunionnais |
9 292,56 |
37 443,11 |
46 735,67 |
27 878,00 |
Tahoeraa huiraatira |
8 963,12 |
37 443,11 |
46 406,23 |
26 889,00 |
Mouvement initiative populaire |
8 144,68 |
37 443,11 |
45 587,79 |
0 |
Groupement France Réunion |
19 188,66 |
- |
19 188,66 |
0 |
Parti progressiste martiniquais |
17 320,93 |
112 329,34 |
17 320,93 |
10 393,00 |
Réunion avenir, une ambition pour La Réunion dans la France |
11 540,43 |
- |
11 540,43 |
0 |
Rassemblement pour la Calédonie |
8 354,61 |
- |
8 354,61 |
20 951,00 |
Vivre à Schoelcher |
7 883,69 |
- |
7 883,69 |
0 |
Front de Libération de la Polynésie – Tavini Huiraatira no te ao ma'ohi |
7 216,32 |
- |
7 216,32 |
21 649,00 |
Rassemblement UMP (Le Rassemblement pour la Calédonie dans la République) |
6 983,69 |
112 329,34 |
6 983,69 |
0 |
Mouvement indépendantiste martiniquais |
5 985,82 |
74 886,23 |
5 985,82 |
17 957,00 |
Bâtir le pays Martinique |
5 981,56 |
- |
5 981,56 |
0 |
Parti pour la libération de la Martinique |
5 078,02 |
- |
5 078,02 |
0 |
Union pour la démocratie |
3 746,10 |
- |
3 746,10 |
0 |
No Oe E Te Nuna'a |
3 614,19 |
74 886,23 |
3 614,19 |
0 |
Ia Hau Noa |
3 453,90 |
- |
3 453,90 |
0 |
RAUTAHI |
2 499,29 |
74 886,23 |
2 499,29 |
0 |
Cap sur l'avenir |
2 374,47 |
37 443,11 |
2 374,47 |
0 |
Forces martiniquaises de progrès |
1 578,37 |
- |
1 578,37 |
4 735,00 |
Rassemblement démocratique pour la Martinique |
886,53 |
37 443,11 |
886,53 |
2 660,00 |
Indépendants de la France de Métropole et d'Outre-mer |
709,22 |
- |
709,22 |
0 |
Mouvement libéral populaire |
655,32 |
- |
655,32 |
0 |
Archipel Demain |
536,17 |
- |
536,17 |
0 |
Sous-total II |
305 704 |
1 010 964,04 |
1 316 668,04 |
133 112,00 |
TOTAL (I + II) |
28 766 533,14 |
34 335 335 |
63 101 868,14 |
5 568 802 |
(a) Montant qui aurait été perçu en plus par les partis politiques s’ils avaient pleinement respecté les exigences légales en matière de parité entre les femmes et les hommes lors des élections législatives de juin 2012.
Source : décret n° 2016-111 du 4 février 2016 pris pour l’application des articles 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ; ministère de l’Intérieur.
La ventilation de ces aides publiques pour 2017 dépendra des déclarations de rattachement des membres du Parlement aux différents partis politiques – lesquelles déterminent l’attribution de la seconde fraction de l’aide publique. Ces déclarations de rattachement seront effectuées au mois de novembre, auprès du bureau de chaque assemblée, qui les communiquera, avant le 31 décembre, au Premier ministre. Elles seront rendues publiques.
Les autres dépenses du programme « Vie politique, cultuelle et associative » prévues en 2017 sont plus modestes :
– le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) serait assuré par une dotation de 7,1 millions d’euros de crédits de paiement et 51 équivalents temps plein travaillés (ETPT) contre 5,9 millions d’euros et 44 ETPT en 2016 ; ce renforcement des moyens se justifie par un surcroît d’activité en 2017 puisque la commission devra procéder au contrôle des comptes des candidats aux élections présidentielle, législatives et sénatoriales ;
– les cultes bénéficieraient de 2,8 millions d’euros de crédits, correspondant à 2,1 millions d’euros de subventions et à 660 000 euros de dépenses immobilières directes. Parmi les subventions prévues, votre rapporteur pour avis souligne la hausse des moyens consacrés au financement des diplômes universitaires visant à améliorer la formation des imams en France (0,5 million d’euros contre 0,2 million d’euros en 2016) (8) ;
– la vie associative mobiliserait 89 000 euros, contre 55 000 euros l’an dernier, de dépenses de fonctionnement destinées à la maintenance et au développement du répertoire national des associations.
La France compte aujourd’hui sept régimes cultuels différents, dont cinq pour les outre-mer. En effet, la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ne fut appliquée qu’aux territoires pour lesquels le Concordat de 1801 était en vigueur.
La laïcité est profondément ancrée dans notre ordre juridique (9). Elle s’analyse, d’abord, comme un mode d’organisation de l’État : l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose ainsi que « la France est une République… laïque », reprenant une formule inaugurée par la IVème République.
Elle peut aussi s’interpréter comme un droit individuel, invocable par les particuliers. L’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 garantit déjà la liberté de conscience, notamment religieuse. Le constituant de 1958 a explicité le concept de laïcité (10) en prévoyant, au même article 1er déjà cité, que la République française « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».
Jugeant que la laïcité figurait au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit au sens de l’article 61-1, le Conseil constitutionnel a récemment précisé la portée du principe de laïcité, en assimilant celle-ci à un principe de neutralité (11). À la différence du Conseil d'État qui semblait considérer que la laïcité est au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (12), il n’a pas qualifié ainsi le principe de laïcité et ne s’est pas fondé expressément, dans ses décisions, sur la loi du 9 décembre 1905. Aussi cette loi n'a-t-elle pas été constitutionnalisée.
Le Conseil constitutionnel a également jugé qu’en prévoyant que la France est une République laïque, le constituant n’avait pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou règlementaires dérogatoires applicables dans plusieurs parties du territoire de la République et relatives à l’organisation de certains cultes (13). Il en va ainsi en Guyane et dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
De la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, on ne retient trop souvent que le premier alinéa de son article 2, aux termes duquel « la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte » et « seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes ». La portée de cette loi ne se réduit cependant pas à l’interdiction de subventionnement des cultes, et partant des lieux de cultes.
Longue de quarante-quatre articles organisés en six titres, la loi de 1905 a suspendu l’application du Concordat de 1801 et mis fin au service public des cultes reconnus : pour ce faire, le dernier alinéa de l’article 2 substitue aux établissements publics du culte (menses, fabriques, consistoires, conseils presbytéraux) des personnes morales de droit privé, des associations cultuelles définies au titre IV de la loi (articles 18 à 24) formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d'un culte. Les articles 13 et 19 prévoient que les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, sont laissés gratuitement à la disposition de ces associations cultuelles.
L’article premier de la loi rappelle aussi que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ». Le deuxième alinéa de l’article 2 maintient ainsi les aumôneries dans la mesure où elles sont nécessaires au libre exercice du culte dans certains établissements publics fermés « tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ». De manière assez inattendue s’agissant d’une loi de « séparation », l’article 9 entérine également la propriété publique d’une partie importante du patrimoine religieux et autorise les collectivités publiques propriétaires d’édifices du culte à engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation de ces derniers.
Si elle constitue un élément majeur de notre héritage républicain, la loi de 1905 n’est pas intangible : elle a déjà été modifiée à quinze reprises. La commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics présidée par le professeur Jean-Pierre Machelon (14) avait d’ailleurs envisagé, en 2006, d’y apporter plusieurs assouplissements sans que ses préconisations n’aient finalement été suivies.
Les articles 8 septies et 38 bis du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, qui a déjà fait l’objet d’une lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, pourraient procéder à de nouvelles modifications : le premier entend modifier l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 pour soumettre les associations formées conformément à la loi de 1er décembre 1901 mais qui se comporteraient comme des associations cultuelles aux mêmes obligations que ces dernières, notamment en matière de transparence de gestion, tandis que le second vise à abroger le délit de blasphème prévu par le droit local d’Alsace-Moselle pour lui substituer les dispositions équivalentes prévues par les articles 31 et 32 de la loi du de 1905, conformément aux préconisations de l’avis de l’Observatoire de la laïcité du 12 mai 2015.
L’analyse de la jurisprudence administrative montre que si l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 pose une règle législative de non-subventionnement public des cultes, l’esprit libéral qui a présidé à son application par le juge a conduit à admettre un certain nombre d’aménagements (15).
En dépit de la relative abondance des décisions rendues par les juridictions, il est demeuré délicat de définir avec précision quelles sont les activités cultuelles concernées par cette interdiction. S’il a été admis que des activités d’ordre culturel puissent être financièrement soutenues par une collectivité publique, la détermination de la frontière entre ce qui est cultuel et ce qui ne l’est pas (16) a pu paraître délicate à de nombreux élus locaux. La nature des subventions autorisées – par exemple, jusqu’en 2006, la location de terrains à des prix symboliques à des associations cultuelles sous forme de baux emphytéotiques (17) – était également difficile à saisir.
Par une série de décisions rendues le 11 juillet 2011 (18) – portant sur cinq affaires très différentes qui ne concernaient ni le même culte, ni le même type d’opérations –, le Conseil d’État a dernièrement rappelé son interprétation des dispositions de la loi de 1905 et précisé que les collectivités publiques pouvaient seulement :
– financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Églises et de l’État ;
– ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels.
À l’inverse, « il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte » (19).
Le Conseil d’État a ainsi estimé que la loi de 1905 ne faisait pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale participe au financement d’un bien ou d’un équipement destiné à un lieu de culte (par exemple, un orgue dans une église ou un ascenseur facilitant l’accès des personnes à mobilité réduite) dès lors qu’existe un intérêt public local tel que l’organisation de concerts de musique ou la valorisation des atouts touristiques de l’édifice cultuel. Il a également admis la prise en charge de l’aménagement d’un équipement permettant l’abattage rituel dès lors que les impératifs de salubrité et de santé publiques justifiaient légalement, en l'absence d'abattoir proche, l'intervention de la collectivité territoriale.
Rappelant qu’une collectivité pouvait, dans le respect des principes de neutralité et d’égalité, permettre l’utilisation d’un local qui lui appartient pour l’exercice d’un culte si les conditions financières de cette autorisation excluaient toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte, la haute juridiction administrative a en revanche estimé que la mise à disposition pérenne et exclusive d'une salle polyvalente en vue de son utilisation par une association pour l'exercice d'un culte avait pour effet de conférer à ce local le caractère d’édifice cultuel et méconnaissait les dispositions de la loi de 1905.
Saisi, enfin, de la conclusion d’un bail emphytéotique administratif entre une collectivité territoriale et une association cultuelle en vue de l’édification d’un édifice du culte, le Conseil d’Etat a estimé que le législateur, en permettant aux collectivités territoriales de mettre à disposition un terrain leur appartenant, en contrepartie d’une redevance modique et de l’intégration, au terme du bail, de l’édifice dans leur patrimoine, avait implicitement dérogé à l’interdiction, posée par la loi du 9 décembre 1905, de toute contribution financière à la construction de nouveaux édifices cultuels pour permettre aux collectivités territoriales de faciliter la réalisation de tels édifices.
B. LE STATUT DES CULTES RECONNUS DANS LES DÉPARTEMENTS CONCORDATAIRES DU BAS-RHIN, DU HAUT-RHIN ET DE LA MOSELLE
Le régime juridique applicable aux cultes en Alsace et en Moselle est un élément d’un droit local dont le maintien et la légitimité ont été réaffirmés à plusieurs occasions.
Au moment du retour de ces départements à la France, le maintien des spécificités du droit alsacien-mosellan s'est imposé très vite pour des raisons politiques (20). À la Libération, l’ordonnance du 15 septembre 1944 rétablissant la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle a maintenu en vigueur la législation applicable avant 1940. Cette disposition, qui devait être provisoire, n’a jamais été remise en cause par le législateur (21).
Ni la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, ni celle du 9 décembre 1905 ne s’appliquent aujourd’hui dans ces trois départements. Le maintien du régime spécifique de droit public local antérieur à la loi de 1905 se traduit par la coexistence de deux régimes cultuels :
– celui des quatre « cultes reconnus » : Église catholique, Église de la confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine (ECAAL, luthérienne), Église réformée d’Alsace et de Lorraine (ERAL, calviniste), culte israélite ;
– et celui des autres cultes.
Les quatre cultes sont reconnus comme partenaires privilégiés de la vie publique et sont, à ce titre, pris en charge financièrement par l'Etat. Ils relèvent de la sphère du droit public (22), et dépendent, pour leurs litiges, de la compétence des juridictions administratives.
Leurs personnels sont des agents publics non titulaires, dans la mesure où leur nomination est effectuée ou agréée par l'Etat, tandis que leur rémunération, qui dépend du budget général, est déterminée par une grille indiciaire arrêtée par voie réglementaire. Ils sont répartis en deux catégories : les ministres du culte et les employés de secrétariat.
Sont désignés comme édifices cultuels les lieux de culte, que ce soit les églises protestantes ou catholiques ou les synagogues israélites, ainsi que les presbytères et les logements affectés aux ministres du culte.
Les églises et les presbytères du culte catholique sont la propriété des communes, à l'exception notable des deux palais épiscopaux de Strasbourg et Metz, des deux grands séminaires et des deux cathédrales, qui appartiennent à l'Etat, lequel a la charge de les entretenir. Les autres édifices du culte appartiennent à la personne morale qui en a assuré la construction.
L'entretien des édifices du culte incombe aux établissements publics des cultes, différents selon chaque culte (23). En cas d'insuffisance des ressources des établissements publics chargés de l'entretien des cultes, les communes sont tenues de participer au financement des travaux en application de l'article L. 2543-3 du code général des collectivités territoriales relatif aux dépenses obligatoires.
L'existence d’un enseignement religieux, catholique, protestant et israélite, dans les établissements publics d'enseignement du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est une autre particularité du régime concordataire. Assuré en partie par les ministres du culte, cet enseignement est soumis à dispense et les familles des élèves en sont informées. Les élèves ne suivant pas les cours d'enseignement religieux peuvent se voir proposer à la place, dans certains établissements, un cours d'histoire générale des religions.
Les cultes non reconnus – l’islam, mais également la religion orthodoxe, les églises pentecôtistes ou évangéliques, le bouddhisme ou des mouvements religieux atypiques – ne sont ni organisés, ni protégés, ni rémunérés par l’État. Compte tenu de son importance numérique dans ces trois départements (entre 90 000 et 120 000 personnes pratiquantes, selon le « rapport Machelon » de 2006), il a pu être proposé une « reconnaissance » du culte musulman dans le cadre du droit local alsacien-mosellan (24).
Dans son avis du 12 mai 2015, l’Observatoire de la laïcité a rappelé que toute extension à d’autres cultes pourrait être jugée contraire au principe constitutionnel de laïcité, même si l’application de ce régime, plus favorable en Alsace-Moselle pour certains cultes, constitue une dérogation au principe d’égalité devant la loi. En outre, lors de son audition devant l’Observatoire (25), le vice-président du Conseil Régional du Culte Musulman (CRCM) d’Alsace, M. Abdelhaq Nabaoui, a déclaré : « le culte musulman souhaite le maintien de ce régime. Je le réaffirme, nous ne souhaitons pas être utilisés comme prétexte à sa suppression ».
Ces cultes non reconnus disposent par ailleurs d’un statut relativement favorable par rapport à celui auquel ils pourraient prétendre dans le reste de la France métropolitaine. Ils sont généralement organisés dans ces départements sous le régime des associations de droit local : leurs membres peuvent créer des associations inscrites qui ont la pleine capacité et qui sont éligibles aux mêmes exemptions fiscales que les associations cultuelles lorsque leur objet est exclusivement cultuel. Par ailleurs, faute d’introduction de la loi du 9 décembre 1905 dans ces trois départements, rien ne s’oppose à ce que ces associations soient subventionnées à titre volontaire par les collectivités publiques.
La loi du 9 décembre 1905 ne s’applique pas uniformément dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, dans celles relevant de l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, en raison des particularités locales qui ont prévalu lors de la promulgation de la loi et des changements successifs de statut de ces territoires (26).
La loi du 9 décembre 1905 n’a jamais été étendue à la Guyane (27). Dans son arrêt Joseph Beherec du 9 octobre 1981, le Conseil d’État a considéré que le statut des églises demeurait régi dans ce département par les dispositions d’une ordonnance de Charles X, en date du 27 août 1828, relative au gouvernement de la Guyane française. Il a jugé « qu’en application des dispositions de cette ordonnance, les membres du clergé de la Guyane sont rétribués sur le budget du département, après agrément de l’autorité préfectorale, sur demande de l’autorité religieuse, qui propose également leur mutation et leur radiation ».
Les prêtres catholiques (réguliers ou séculiers) agréés sont des agents permanents titulaires. Ils sont rémunérés par le département, sans toutefois avoir la qualité de fonctionnaires départementaux.
En mai 2014, le président du conseil général avait entendu mettre un terme à la rémunération mensuelle de ces prêtres. Saisi, le tribunal administratif de Cayenne lui a donné tort, ordonnant de rétablir sans délai la rétribution des prêtres. Le préfet avait alors dû mandater d’office la dépense sur le budget du département. En début d’année 2016, la nouvelle collectivité territoriale et le diocèse de Guyane ont annoncé avoir trouvé un terrain d’entente pour mettre un terme, d’ici deux ans, à la rétribution des prêtres.
Sont également appliqués en Guyane les décrets-lois des 16 janvier et 6 décembre 1939, dits décrets Mandel, qui permettent à tous les cultes de bénéficier d’un subventionnement public. Ces décrets créent une nouvelle catégorie de personne morale de droit public, le conseil d’administration des missions religieuses, pour gérer les biens de ces missions. Placés sous une étroite tutelle de l’Etat, ces conseils d’administration bénéficient d’avantages fiscaux.
En l’absence d’un texte introduisant explicitement la loi de 1905 (28), le droit des cultes à Mayotte est resté régi par les dispositions du seul décret du 16 janvier 1939 et par l’arrêté du gouverneur général de Madagascar qui a étendu l’application de ce décret à Mayotte. La transformation de Mayotte, à compter du 31 mars 2011, en un département d’outre-mer régi par le principe d’identité législative n’a pas emporté l’extension de la loi de 1905.
La mission catholique de Mayotte assure la rémunération des ministres du culte. Elle a mis en place un conseil d’administration, qui a été agréé par le préfet de Mayotte par arrêté du 5 mai 1995. Celui-ci gère les biens mobiliers et immobiliers dont l’Eglise catholique était propriétaire ou dont elle avait la jouissance et qui lui ont été transféré.
Pourtant largement majoritaire dans le département, le culte musulman n’a pas constitué de missions religieuses. Il organise ses activités dans le cadre d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 qui est applicable à Mayotte ; elles ne peuvent cependant recevoir de libéralités, ni se voir accorder de subventions publiques, sauf si l’opération envisagée répond à un objectif d’intérêt général.
Traditionnellement, l’autorité religieuse était assurée par des cadis qui appliquaient le droit musulman et exerçaient la justice cadiale. L’ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010 portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable à Mayotte et aux juridictions compétentes pour en connaître a mis fin aux fonctions des cadis en matière juridictionnelle et d’état-civil. Désormais agents du conseil départemental, les cadis continuent à assurer leurs missions de médiation et de conciliation. Ils demeurent, par ailleurs, ministres du culte musulman.
La loi du 9 décembre 1905 n’a jamais été étendue à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les terres australes et antarctiques françaises.
Le « décret Mandel » du 16 janvier 1939, modifié le 6 décembre 1939, encadre l’exercice du culte dans ces territoires pour permettre aux missions religieuses d’avoir une personnalité juridique et de gérer leurs biens. Il est applicable en Nouvelle-Calédonie depuis 1943, à Wallis-et-Futuna depuis 1948, en Polynésie française depuis 1951 et à Saint-Pierre-et-Miquelon depuis 1956 (29).
Dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, en application de l’article 4 du décret du 16 janvier 1939, l'entretien et la réparation des édifices des cultes appartenant aux missions religieuses sont à leur charge. À Saint-Pierre-et-Miquelon, les édifices du culte appartiennent aux communes alors que l’évêché demeure la propriété de la mission catholique. Les réparations extérieures et les travaux de chauffage sont à la charge des communes, tandis que les travaux plus importants sont assumés par la mission et les fidèles.
Parallèlement aux dispositions sur les missions religieuses qui s’y appliquent, l’organisation des Églises protestantes est toujours réglée en Polynésie française par le décret du 23 janvier 1884 modifié par le décret du 5 juillet 1927. Ce décret prévoit notamment que chaque paroisse est dirigée par un conseil composé d’un pasteur et de quatre à douze diacres élus par les paroissiens. Son article 7 interdit toute subvention aux Églises protestantes, à l’exception des « dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice du culte dans les établissements publics ».
Enfin, les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie sont compétentes en matière fiscale. Elles définissent par conséquent, dans le respect du principe constitutionnel de laïcité, les sujétions et les exonérations fiscales des missions religieuses. Elles doivent néanmoins se conformer aux dispositions des articles 5 et 6 du « décret Mandel » du 16 janvier 1939 qui prévoient l’exonération fiscale des biens immeubles servant à l’exercice du culte, à un usage scolaire ou ceux utilisés en tant qu’établissements d’assistance médicale ou d’assistance sociale.
Il résulte de cette construction juridique et historique une forme de financement public – limité et circonstancié – des cultes, par l’État et les collectivités territoriales.
Les crédits prévus dans le présent projet de loi de finances pour l’action « Cultes » du programme 232 visent à financer plusieurs types d’opérations :
– les crédits dits de « subventions aux cultes » : il s’agit de dépenses d’intervention destinées d’une part aux communes pour la réalisation des travaux sur les édifices cultuels et, d’autre part, aux cultes catholique, protestant et israélite pour leurs frais d’administration ; une enveloppe spécifique est réservée au culte israélite pour la gestion des ministres officiants non comptabilisés dans les emplois budgétaires ;
– les crédits destinés à l’immobilier des cultes : ce sont des crédits d’investissement destinés à financer les travaux relevant de la responsabilité de l’État, propriétaire des quatre implantations cultuelles (grands séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg).
Dans ces deux cas, les crédits sont destinés aux départements concordataires d’Alsace et de Moselle ;
– les crédits du plan de lutte antiterroriste : cette enveloppe est consacrée au financement de diplômes universitaires et de recherches en islamologie sur l’ensemble du territoire national.
Plusieurs autres programmes contribuent également à financer les cultes au travers des dépenses de rémunération des ministres du culte en Alsace-Moselle et des aumôniers militaires, pénitentiaires ou hospitaliers sur l’ensemble du territoire.
Ces différents crédits sont susceptibles d’être abondés, au cours de l’examen parlementaire, afin de financer des subventions supplémentaires versées au titre de la réserve parlementaire (30). Ce fut le cas en 2016, à hauteur de 11 % des crédits initialement inscrits sur l’action « Cultes ».
Dans les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, l’Etat finance, directement ou indirectement, des dépenses d’entretien des édifices cultuels :
– les travaux relevant de sa responsabilité en tant que propriétaire des séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg sont financés par des crédits d’investissement (réfection de toitures et de menuiseries extérieures, mise en sécurité…), soit 660 000 euros demandés en 2017 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ;
– les travaux sur les autres édifices cultuels des départements concordataires peuvent faire l’objet de subventions aux communes propriétaires, sous la forme de crédits d’intervention, pour un montant de 1,3 million d’euros prévu en 2017 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Le budget général assure, par ailleurs, la prise en charge des frais d’administration des cultes catholique, protestant et israélite dans ces départements. Les montants concernés atteignent 227 251 euros (31).
Les attributions du bureau central des cultes et du bureau des cultes de Strasbourg
Le bureau central des cultes (BCC) est compétent en matière d’expertise juridique (droit des cultes, réglementation dans le domaine funéraire, contrôle des associations cultuelles, contrôle des congrégations …), pour les questions relatives à la laïcité, notamment au travers de l’animation du réseau des préfectures et la participation à l’Observatoire de la laïcité ainsi que pour la connaissance du phénomène religieux et des mouvements spirituels.
Il assure également les relations avec les autorités représentatives des grandes religions pratiquées en France, la coordination avec les autres ministères compétents dans les domaines particuliers pouvant concerner les cultes, ou encore la constitution et la tenue à jour d’une documentation sur les groupes religieux.
La mission du bureau des cultes de Strasbourg revêt deux aspects principaux, l’un de gestion, l’autre juridique. Le bureau des cultes de Strasbourg organise les cultes. À ce titre, il intervient dans la désignation des personnels chargés de certaines fonctions dans l’organisation des cultes. En outre, le bureau suit les dossiers de création et de désaffectation des lieux de culte et de modification des circonscriptions cultuelles. Il participe à l’exécution budgétaire relative aux subventions de fonctionnement accordées aux cultes et à l’entretien des bâtiments diocésains, dont l’État est propriétaire, en liaison avec les préfectures.
Le bureau assure également la gestion administrative et financière des personnels du culte. Il a la charge d’environ 1 380 personnels des cultes rémunérés sur le budget de l’État. Il est également en charge de l’étude et de l’application du droit cultuel local.
Les subventions versées par l’État peuvent être abondées en cours d’examen par l’Assemblée nationale et le Sénat, par amendement – c’est la réserve parlementaire. En 2016, 52 demandes de subventions formulées à ce titre ont représenté 309 900 euros pour l’action « Cultes » du programme 232 ; des ouvertures de crédits destinées à financer des dépenses de restauration du patrimoine mobilier ou immobilier religieux, au titre de la réserve parlementaire, ont également été imputées sur d’autres programmes du budget général.
Diverses exonérations viennent atténuer le coût que représente aujourd'hui l'entretien des édifices cultuels ; elles constituent un effort financier conséquent pour l’État.
En application du 4° de l’article 1382 du code général des impôts, sont ainsi exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties les édifices affectés à l'exercice du culte et propriété de l'État, d'un département, d'une commune, d'une association cultuelle ou diocésaine ou d'une association d'Alsace-Moselle ayant pour objet exclusif l'exercice d'un culte non reconnu. Les édifices des cultes reconnus d'Alsace-Moselle, où la loi de 1905 ne s'applique pas, sont aussi exonérés, mais sur le fondement de l'article 4 du code local des impôts directs et taxes assimilées.
Les édifices du culte appartenant à une association « loi 1901 » ou d'une association cultuelle sont exonérés de la taxe d'habitation dès lors qu'ils sont ouverts au public et qu'ils ne peuvent pas être regardés comme occupés à titre privatif, conformément à l’article 1407 du code général des impôts.
Enfin, sont exemptés de la taxe d’aménagement les édifices construits par les associations cultuelles, par les établissements publics du culte en Alsace-Moselle, ou par d'autres groupements et qui sont destinés à être exclusivement affectés à l'exercice public du culte.
Au-delà de ces exonérations de fiscalité locale compensées par l’Etat, des réductions d'impôts sont également applicables aux dons faits aux organismes liés aux cultes.
Les associations cultuelles, les fondations, les congrégations, les établissements publics du culte d'Alsace-Moselle, les associations de droit commun d'Alsace-Moselle et certaines associations « loi 1901 » peuvent désormais accepter librement les libéralités depuis la suppression, en 2005, de l’autorisation préalable (32). Les dons manuels ainsi que les dons et legs faits aux associations cultuelles et aux congrégations religieuses sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit.
Les particuliers et les entreprises peuvent, par ailleurs, déduire de leur imposition une partie des dons et versements effectués au profit d'associations cultuelles, de fondations ou associations reconnues d'utilité publique et d'établissements publics du culte d'Alsace-Moselle, dans la limite de 66 % du montant des dons et versements et de 20 % du revenu imposable. Pour les entreprises, la réduction d'impôt atteint 60 % du montant des dons et versements dans la limite de cinq pour mille du chiffre d'affaires.
Dans cette optique, la création d'une fondation peut constituer un outil adapté au financement des lieux de culte (33). Une fondation pour les œuvres de l’Islam de France (FOIF) a ainsi été créée par décret du 31 mai 2005 et reconnue comme établissement d'utilité publique le 25 juillet de la même année, afin d'améliorer les conditions d'exercice du culte des musulmans français. Sa principale mission était la construction et la gestion des lieux de culte musulmans, en accord avec les maires des communes concernées
Cette tentative s’est soldée par un échec. Le Gouvernement, interrogé en 2010 quant à la pérennisation de la FOIF, a reconnu que les associations musulmanes n'avaient pas entendu faire de la Fondation « le vecteur privilégié de leur action » (34). Après avoir été reçues en décembre 2012 au ministère de l'Intérieur, les organisations musulmanes fondatrices de la FOIF ont accepté de relancer son fonctionnement, qui était paralysé depuis des années du fait de difficultés entre les différents courants de l'islam représentés au conseil d'administration.
En juin 2015, le ministère de l’Intérieur a annoncé une réflexion sur la mise en place d’une nouvelle structure lors de la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam ; un haut fonctionnaire, M. Christian Poncet, a été nommé directeur de projet chargé de la préfiguration d'une fondation de l'Islam de France.
Au cours de son audition par votre rapporteur pour avis, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère, M. Thomas Campeaux, a détaillé cette idée de créer une nouvelle fondation dont l'objet serait exclusivement culturel et qui pourrait être financée par des entreprises privées, des personnes physiques mais également par des subventions publiques. À cette fondation, serait adossée une association cultuelle qui, seule, pourrait recueillir des financements pour la construction de mosquées et la formation initiale ou continue d’imams.
Cette démarche a pu susciter des réserves dans la mesure où l'État a paru se substituer à la communauté musulmane pour relancer ce processus (35). Votre rapporteur pour avis engage cependant les pouvoirs publics à poursuivre le dialogue avec cette communauté que ce soit pour le respect du principe constitutionnel du libre exercice des cultes que pour la définition des modalités de sa propre représentation. Il lui paraît important de ne pas laisser certains pays étrangers s’immiscer dans le financement des lieux de cultes quels qu’ils soient.
Le Conseil constitutionnel a expressément confirmé la constitutionnalité de la prise en charge par l’État de la rémunération des ministres des cultes dans le cadre du droit alsacien-mosellan (36).
Il ne s’est, en revanche, pas prononcé sur les dispositions relatives à la rémunération par l’Etat des aumôniers aux armées ou en poste dans les établissements pénitentiaires. Toutefois, il est permis d’observer qu’il n’a jamais relevé d’office aucune contrariété à la Constitution de l’inscription dans les lois de finances annuelles des crédits correspondants.
Le nombre de personnels du culte rémunérés par l’Etat était, jusqu’en 2006, fixé par la loi de finances. Conformément à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la loi de finances fixe désormais chaque année un montant global qui correspond à un plafond d’emplois.
En 2017, ce plafond d’emplois est fixé à 1 326 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Leur rémunération représente une dépense de 55,9 millions d’euros, imputée sur les crédits de titre 2 du programme 216 « Conduite des politiques publiques de l’intérieur » (CPPI) avec transfert vers l’action « Cultes » du programme « Vie politique, cultuelle et associative » de la mission AGTE.
Il s'agit :
– pour le culte catholique : de 2 évêques, 2 évêques auxiliaires, 15 chanoines, 4 vicaires généraux, 141 curés, 490 desservants, 310 vicaires (37) et 3 aumôniers ;
– pour les cultes protestants : d'un président du directoire de l'ECAAL et d'un président du conseil synodal de l'ERAL, 247 pasteurs, 2 pasteurs-auxiliaires, 5 pasteurs-vicaires, 14 vicaires et 1 aumônier ;
– et pour le culte israélite : de 3 grands rabbins et 20 rabbins.
Entre 2005 et 2012, les personnels des cultes ont été exonérés de schéma d’emploi, ce qui a constitué un effort important pour le programme 216 compte tenu du poids que représente cette catégorie d’emploi par rapport au reste du programme (un quart des emplois environ).
Eu égard à la diminution tendancielle de ces effectifs, de la non saturation chronique du plafond d’emplois depuis 2009 et des efforts demandés sur les emplois au programme 216, une nouvelle exonération du schéma d’emplois n’a pas été sollicitée pour les cultes. Ainsi, le schéma d’emplois pour les personnels des cultes s’établit à –25 ETP par an sur la période triennale 2015-2017.
Votre rapporteur pour avis souligne que l’âge moyen des personnels des cultes, qui est élevé, rend difficile l’établissement de prévisions de départs et que les procédures de recrutement, en lien avec les autorités religieuses, ne permettent pas de remédier rapidement à certaines vacances.
Les pensions des personnels des cultes sont également prises en charge par l’État mais elles sont traitées, au plan budgétaire, via un dispositif spécifique. La mise à la retraite est prononcée par l'autorité religieuse compétente pour prononcer leur nomination, après autorisation délivrée par le ministre de l'Intérieur. Le montant de la pension, fonction de l'ancienneté de service, dépend d'un régime spécifique de droit local.
Le CAS Pensions des cultes fait l’objet d’une provision de 16 millions d’euros en 2017.
Conformément à l’article 2 de la loi de 1905, des aumôneries ont été organisées et subventionnées par l’État, pour trois principaux services publics : l’armée, les prisons et les hôpitaux.
La situation des aumôniers militaires est prévue par la loi du 8 juillet 1880 relative à l’abrogation de la loi des 20 mai et 3 juin 1874 sur l’aumônerie militaire. Son article 1er dispose qu’« il sera attaché des ministres des différents cultes aux camps, forts détachés et aux garnisons placées hors de l’enceinte des villes, contenant un rassemblement de deux mille hommes au moins et éloignés des églises paroissiales et des temples de plus de trois kilomètres, ainsi qu’aux hôpitaux et pénitenciers militaires ».
Le décret du 30 décembre 2008 leur confère un grade militaire et précise que « les contrats des aumôniers militaires sont à durée déterminée et renouvelables jusqu’à la limite d’âge du grade d’aumônier militaire ».
Le plafond d’emplois des aumôniers militaires est fixé à 230 pour 2017. Au 1er octobre 2016, l’aumônerie catholique comptait 133 aumôniers militaires, l’aumônerie protestante 34, l’aumônerie israélite 14, et l’aumônerie musulmane dans les armées, qui a été créée en 2005 (38), 38. En sus, 4 aumôniers militaires concordataires en Alsace-Moselle (3 catholiques, 1 protestant) sont rémunérés sur les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » et 71 aumôniers de la réserve opérationnelle assurent en moyenne 40 jours par an au sein des forces armées. Les aumôniers relèvent du chef d’état-major des armées pour leur emploi et de la direction centrale du service du commissariat des armées pour leur administration et leur gestion.
Compte tenu de leur statut militaire, la rémunération de ces aumôniers est intégralement prise en charge par l’État, sur les crédits de titre 2 de la mission Défense.
L’article 26 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 réaffirme le droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion de chaque personne détenue et rappelle que chacune d’entre elles peut exercer le culte de son choix « selon les conditions adaptées à l’organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l’établissement ». L’article R. 57-9-4 du code de procédure pénale définit les fonctions des aumôniers pénitentiaires : « les offices religieux, les réunions cultuelles et l’assistance spirituelle aux personnes détenues sont assurés, pour les différents cultes, par des aumôniers agréés ».
Ces aumôniers, à l’exception des aumôniers nationaux, sont des contractuels des directions interrégionales des services pénitentiaires (39), indemnisés ou bénévoles ; ils peuvent être assistés d’auxiliaires bénévoles d’aumônerie et d’intervenants occasionnels. Selon les chiffres de l’administration pénitentiaire, il y avait, au 30 juin 2016, 1 532 intervenants cultuels (1 249 intervenants au 1er janvier 2012) : 553 aumôniers indemnisés, 781 bénévoles, 198 auxiliaires d’aumônerie. 690 sont catholiques, 349 protestants, 217 musulmans (40), 136 témoins de Jéhovah, 65 israélites, 45 orthodoxes, 30 divers.
Les aumôniers indemnisés perçoivent une rémunération forfaitaire, pour une enveloppe de 3 millions d’euros prévue pour 2017 et inscrite sur la mission Justice.
L’article R. 1112-46 du code de la santé publique prévoit que « les hospitalisés doivent être mis en mesure de participer à l’exercice de leur culte. Ils reçoivent, sur demande de leur part adressée à l’administration de l’établissement, la visite du ministre du culte de leur choix ». Les aumôniers hospitaliers ne sont pas désignés par une direction centralisée, mais sont nommés (41) et rémunérés par les établissements, sur la base de contrats à durée déterminée, comme le prévoit la circulaire du 20 décembre 2006 relative aux aumôniers des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (42).
Il y avait, en 2016, 668 aumôniers hospitaliers (soit 362 ETP) percevant une indemnité forfaitaire et 2 183 bénévoles agréés.
Confronté à la multiplication d’imams autoproclamés et, plus généralement, à l’hétérogénéité des formations et des compétences des animateurs du culte musulman, le Ministère de l’Intérieur participe depuis 2008 au financement de diplômes universitaires sur le fait religieux et la laïcité. Ce choix d’une politique publique de formation des ministres du culte interpelle au regard de la loi de 1905 ; son ciblage peut paraître délicat compte tenu de l’absence de statut des imams dans le culte musulman sunnite.
Jusqu’en 2014, six universités proposaient ces formations (Institut catholique de Paris, Strasbourg, Lyon, Bordeaux, Montpellier et Aix-en-Provence). Cinq diplômes universitaires (DU) ont été ouverts en 2015 : Mayotte, Paris-Sud, Paris 1, Lille et Toulouse. Les universités de Nantes et La Réunion ont ouvert leur propre DU au début de l’année 2016 et l’université de Rennes a fait de même à la dernière rentrée universitaire.
Ces formations universitaires sont ouvertes à un large public : agents publics, personnels des cultes, étudiants, représentants de la société civile s’y côtoient. À l’occasion des auditions qu’il a conduites, votre rapporteur pour avis a entendu des retours d’expérience globalement positifs des responsables de ces formations. Plusieurs difficultés ont cependant été portées à son attention : la maîtrise insuffisante de la langue française par certains étudiants, conduisant à des abandons en cours d’année, ou l’attractivité limitée de ces formations sur les imams autoproclamés en marge des instances représentatives de l’Islam en France.
Selon le projet annuel de performances, le Gouvernement souhaite faire de l’obtention du DU un préalable au recrutement d’aumôniers du secteur hospitalier, militaire et pénitentiaire. Cette condition suppose de permettre un accès optimal à ces formations et donc de renforcer le réseau existant : c’est pourquoi 5 autres DU devraient voir le jour en 2017 et un DU à distance fonctionnera dès le début de l’année 2017.
Afin de renforcer la formation linguistique des imams en amont d’une inscription en DU, une enveloppe de 80 000 euros est prévue en 2017 en vue de conduire une expérimentation dans quatre départements. Celle-ci pourra s’inspirer de l’expérience de l’Institut français de civilisation musulmane de Lyon, qui pilote un certificat préalable au DU pour les imams et aumôniers les plus éloignés des prérequis universitaires. Ces nouvelles formations linguistiques pourront également concerner les aumôniers pour lesquels le DU va devenir obligatoire en 2017.
Globalement, un montant de 500 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement serait consacré en 2017 à la formation profane des ministres du culte.
Depuis février 2015, le Gouvernement a entendu relancer les études sur l’Islam de France et l’Islamologie à l’université, dans le cadre d’un pilotage conjoint entre le Ministère de l’Intérieur et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. L’objectif de ces programmes de recherche est de « répondre aux besoins de connaissance du Ministère de l’Intérieur s’agissant de la diversité des institutions, courants, pratiques, et discours relatifs à l’Islam contemporain en France », selon les termes du projet annuel de performances, et de remédier au constat d’un déclin des travaux académiques sur l’Islam de France.
En 2015 et 2016, ces crédits ont permis de financer deux colloques, un prix de thèse, un cycle de conférences à l’Institut du monde arabe ainsi que douze projets de recherche.
Une enveloppe de 400 000 euros de crédits serait consacrée à ces travaux en 2017 et permettrait de financer huit nouveaux projets de recherche qui feront l’objet d’appels à projets lancés par le ministère de l’Intérieur.
Lors de sa réunion du jeudi 3 novembre 2016, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics auprès du ministre de l’Économie et des Finances, sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2017.
M. le président Gilles Carrez. Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, je suis heureux de vous accueillir.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Le ministre de l’intérieur, que je remplace aujourd’hui auprès de vous, vous prie de l’excuser : il est en déplacement avec le Président de la République.
M. le président Gilles Carrez. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».
M. David Habib, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si je devais caractériser la programmation des crédits et des emplois que nous propose le Gouvernement pour 2017, je dirais qu’elle forme un budget à la fois important et cohérent dans un contexte pour le moins difficile.
Chacun le sait, le ministère de l’intérieur se doit aujourd’hui de relever une multitude des défis, qui touchent à l’exercice de l’ensemble de ses prérogatives. Évidemment, il lui incombe en premier lieu d’assurer la sécurité de nos compatriotes face à la menace sourde et renouvelée du terrorisme. La mission « Administration générale et territoriale de l’État » y prend sa part qui, dans le cadre du plan de lutte contre la radicalisation, assure le financement de deux mesures de nature à favoriser l’émergence d’un islam de France : d’une part, le développement du réseau des établissements qui délivrent les diplômes universitaires de formation civile et civique, destinée aux imams de France et aux responsables du culte musulman, à hauteur de 0,8 million d’euros ; d’autre part, le soutien apporté à la recherche universitaire consacrée à l’islamologie et à l’islam de France, à hauteur de 0,3 million d’euros.
Mais, en second lieu et surtout, il appartient au ministère de l’intérieur de répondre à une exigence permanente et fondamentale de notre contrat social : celle de garantir la présence de l’État sur l’ensemble du territoire national. En juin 2015, vous avez lancé, monsieur le secrétaire d’État, le plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), qui vise à adapter au mieux les ressources affectées au réseau préfectoral aux besoins de nos concitoyens et des collectivités en recentrant les préfectures sur l’accomplissement de quatre missions jugées prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire et la rationalisation de la délivrance des titres ; la gestion locale des crises ; l’efficacité de la coordination territoriale des politiques publiques ; le renforcement de l’expertise juridique et du contrôle de légalité.
Après la définition, en 2015 et au premier semestre 2016, des modalités concrètes de cette réorganisation, le ministère s’engage en 2017 dans la mise en œuvre de ce plan. Cette action se matérialise déjà par la mise en place progressive des centres d’expertise et de ressource des titres (CERT), plateformes interrégionales chargées de l’instruction des demandes de titres, c’est-à-dire les cartes nationales d’identité, les passeports, le permis de conduire. Du point de vue du contrôle de légalité, on signalera le renforcement du Pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité et la mise en place prochaine de pôles juridiques spécialisés que les préfectures pourront solliciter dans l’exercice du contrôle de légalité.
Au-delà des tâches qui lui incombent, le réseau préfectoral est également appelé à se renouveler dans son implantation, compte tenu des réalités nouvelles de la décentralisation. Depuis le 1er janvier 2016, la France métropolitaine compte treize régions, parfois très grandes, telle l’Aquitaine ; sept sont issues de regroupements. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, puis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, ont conforté les collectivités territoriales dans leurs domaines de compétences respectifs et ouvert de nouveaux champs de coopération avec l’État. Il en résulte notamment, pour le réseau préfectoral, le besoin de redéfinir son positionnement, ainsi que l’agencement des rapports hiérarchiques et fonctionnels entre ces différents échelons.
Cette vaste réorganisation ne va pas de soi et nous ne saurions ignorer les inquiétudes ou les difficultés que nous signalent les acteurs sur le terrain. Pour autant, elle est nécessaire.
Je parlais tout à l’heure d’un budget important et cohérent. De fait, la première caractéristique de la programmation des crédits pour 2017 réside dans une certaine atténuation de la contribution qu’avaient pu apporter certains de ses programmes à la maîtrise des dépenses publiques. En incluant le montant prévisionnel des fonds de concours et des attributions de produits, le projet de loi de finances initiale pour 2017 propose de consacrer, à l’ensemble de ces actions, la somme de 2,980 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,997 milliards en crédits de paiement (CP). Ces montants représentent une très forte hausse du financement de 17,42 % en AE et de 17,59 % en CP. Cette croissance des crédits présente, il est vrai, une dimension assez conjoncturelle, car, pour une part non négligeable, elle procède de la nécessité de pourvoir, en 2017, aux dépenses imputables au programme 232, c’est-à-dire aux besoins inhérents à l’organisation des scrutins électoraux. Il convient également de prendre en considération l’impact d’une mesure de périmètre : en l’occurrence, le transfert au programme 216 des ressources attachées au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), avec une dotation de 80,42 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2017.
Toutefois, nonobstant les évolutions de son périmètre et les fluctuations inhérentes au calendrier électoral, la mission dispose de crédits d’un montant supérieur à ceux inscrits dans la loi de finances initiale pour 2016, comme dans celle de 2012. Sur le plan des effectifs, et de manière très pragmatique, les schémas d’emploi des programmes demeurent. Ainsi, pour ce même programme, le projet de loi de finances pour 2017 propose de porter le plafond des emplois autorisés, à 26 346 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 26 187 ETPT dans la loi de finances initiale pour 2016.
Le budget se caractérise ainsi par une hausse des crédits et une hausse des moyens.
De même, la programmation correspond aux missions prioritaires du plan « préfectures nouvelle génération ». Elle conforte les financements apportés au réseau préfectoral, avec une augmentation sensible des crédits. En ce qui concerne le programme 307, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit de mettre l’accent sur trois actions : au premier chef, l’action n° 2, « Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres », avec une hausse des crédits de 12 % ; ensuite, l’action n° 4, « Pilotage territorial des politiques gouvernementales », qui voit ses ressources croître de 8,06 % en AE et de 8,04 % en CP ; enfin, l’action n° 3, « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales ».
Le programme 216 voit également ses crédits augmenter fortement, de 15 % en autorisations d’engagement et de 16,84 % en crédits de paiement, afin de mener à bien les chantiers de modernisation des fonctions supports.
En soi, le projet de loi de finances pour 2017 soutient une démarche cohérente et fructueuse à moyen terme. C’est la raison pour laquelle j’appelle mes collègues à voter en faveur de l’adoption des crédits de la mission.
Je souhaite cependant poser quatre questions à M. le secrétaire d’État.
En dehors des communications destinées aux commissions compétentes des Assemblées, ne serait-il pas souhaitable que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les objectifs, les moyens et le degré d’avancement du PPNG ?
Pourriez-vous préciser la politique de formation déployée par le ministère de l’intérieur afin de permettre les changements d’affectations des personnels et le recentrage des préfectures sur leurs missions prioritaires ?
Pourriez-vous préciser ce qu’implique la dématérialisation de la propagande électorale pour les élections présidentielle et législatives que le Gouvernement propose au parlement avec l’article 52 du projet de loi de finances ?
Enfin, pourriez-vous préciser les modalités et le calendrier de la réforme de la carte des cantons annoncée le mois dernier ?
M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour les programmes « Administration territoriale de l’État » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». En tant que rapporteur pour avis des programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », je me suis particulièrement penché cette année sur les dépenses de contentieux du ministère de l’intérieur, qui ont récemment fait l’objet de travaux d’évaluation par l’inspection générale de l’administration (IGA), puis d’un plan d’action validé par le secrétariat général du ministère.
Très diverses, les dépenses de contentieux peuvent résulter d’une condamnation juridictionnelle, d’un règlement négocié à l’amiable ou de frais d’honoraires d’avocats, d’experts et d’auxiliaires de justice sollicités pour assister l’État dans le cadre d’un contentieux opposant ce dernier à un tiers. Ces dépenses, lorsqu’elles relèvent du ministère de l’intérieur, sont portées par l’action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Cinq types de litiges sont plus particulièrement concernés : refus de concours de la force publique ; contentieux des étrangers ; protection fonctionnelle des fonctionnaires ; dépenses d’indemnisation liées aux accidents de la circulation ; indemnisations liées aux attroupements.
En dépit d’une volonté d’« amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux », selon les termes du projet annuel de performance, la tradition de sous-budgétisation des crédits destinés à couvrir le coût du contentieux ne semble pas se démentir : pour 2017, 55 millions d’euros sont prévus à ce titre sur l’action « Affaires juridiques et contentieuses », à comparer aux 63,3 millions d’euros votés en loi de finances, au titre de 2015, pour des dépenses effectives de 97,9 millions d’euros.
Cela m’amène à une première série de questions, monsieur le secrétaire d’État.
Quelles sont les perspectives de dépenses effectives pour 2016 et 2017 ? Comment remédier à cette sous-budgétisation ? Cette situation n’est-elle pas génératrice de dépenses supplémentaires, notamment avec la revalorisation des taux d’intérêt ?
Faut-il envisager un rebasage des crédits de contentieux ? L’inspection générale de l’administration l’avait expressément écarté dans son rapport de 2013, mais il semble que le responsable du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » le demande chaque année lors des travaux de construction du projet de loi de finances.
Notre pays a connu au second semestre 2015 et durant le premier semestre de l’année 2016 beaucoup de débordements violents : manifestations d’agriculteurs, manifestations liées au barrage de Sivens ou à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui ont entraîné de nombreux dégâts, manifestations contre le projet de la loi « travail »… À rebours de ces événements, les indemnisations liées aux attroupements sont stables, avec une dotation de 1,25 million d’euros, pour un tendanciel évalué à 2 millions. Comment expliquer que les indemnisations soient demeurées si faibles en dépit des dégâts que chacun a en mémoire ? Y a-t-il eu un durcissement dans les conditions d’engagement de la responsabilité sans faute de l’État ? Comment sont indemnisés les commerçants ou les professionnels dont l’activité a été paralysée, ou les installations dégradées ?
J’en viens aux réformes récemment mises en œuvre. Au terme de trois années, les effets du plan d’action, élaboré en 2014 par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques(DLPAJ) du ministère, sur la base des recommandations de la mission de l’IGA, n’ont pas permis de compenser complètement l’insuffisance budgétaire en matière de dépenses de contentieux. Grâce à ces efforts, il a toutefois été possible de diminuer significativement le socle des dépenses récurrentes. Une expérimentation a ainsi été conduite dans deux zones de défense, Lyon et Bordeaux, afin de supprimer le recours systématique aux avocats dans le cas d’outrages simples des agents de la police nationale. Faut-il envisager une généralisation de cette mesure à l’ensemble des secrétariats généraux de l’administration de l’intérieur ?
En matière de contentieux des étrangers, les actions conduites sous l’impulsion de la DLPAJ sont essentiellement à visée préventive. Elles consistent à sécuriser les actes juridiques et à augmenter le taux d’affaires gagnées par les préfectures devant les juridictions, grâce à la mise en ligne d’une veille jurisprudentielle ou à des formations.
Où en est-on de la réorganisation, qui avait été annoncée lors des débats sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, pour permettre la professionnalisation des agents et la mutualisation des ressources existantes ? Ne peut-on envisager un recours accru aux réservistes en vue d’améliorer la défense de l’État, pour un moindre coût ?
Dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » ont été créés des pôles d’appui juridique, pilotés et animés par la DLPAJ, qui, à terme, doivent permettre des économies en prévenant le contentieux et en assurant une défense contentieuse optimisée. Ces pôles d’appui interviendront pour le compte de l’ensemble des préfectures souhaitant faire appel à leurs services, en conseil juridique comme en contentieux. Les deux premiers pôles d’appui seront mis en place cet automne à Dijon et à Orléans.
Quel est le calendrier de déploiement prévu pour les prochains pôles d’appui juridique ? La DLPAJ va mettre à disposition de ces pôles, des bibliothèques de paragraphes argumentés pour la défense contentieuse, voire des mémoires types, dès lors que le thème s’y prête, comme elle le pratique déjà, pour l’ensemble des préfectures, en matière de contentieux des étrangers.
Au-delà de ces évolutions bienvenues, ne faudrait-il pas mettre en œuvre une politique systématique d’appel et de cassation afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux ?
M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Je rapporte le programme « Vie politique, cultuelle et associative » qui comporte en particulier les crédits consacrés aux élections. L’année 2017 sera évidemment marquée par l’organisation de trois scrutins nationaux – les législatives, les sénatoriales et la présidentielle –, mais aussi des élections territoriales dans plusieurs collectivités d’outre-mer ainsi qu’en Corse, à la suite de la fusion de la région et des deux départements, qui ne formeront plus qu’une seule collectivité.
Les moyens prévus pour l’an prochain sont donc très atypiques : 307,6 millions d’euros pour le programme, dont 229 millions d’euros pour les dépenses strictement électorales. C’est respectivement trois et dix fois plus qu’en 2016, année il est vrai dépourvue d’échéances électorales.
Ma première interrogation porte sur la dématérialisation de la propagande électorale. L’article 52 du projet de loi de finances gage une partie de ces dépenses par la suppression de l’envoi aux électeurs, par la poste et sur papier, des bulletins de vote et des professions de foi des candidats aux élections législatives. À plusieurs reprises, l’Assemblée nationale a rejeté des propositions analogues du Gouvernement concernant les élections européennes, régionales et départementales. À titre personnel, j’ai refusé de voter ces mesures, aux motifs, d’une part, que nombreux sont les électeurs qui n’ont pas accès à internet, et, d’autre part, que la proposition du ministère ne me semblait pas répondre aux besoins.
Interrogé, l’an dernier, par notre collègue Sergio Coronado sur les intentions du Gouvernement, vous ne nous aviez pas caché votre soutien à une telle dématérialisation. Cependant, vous aviez conditionné celle-ci à une concertation préalable avec la commission des lois et avec les associations d’élus locaux : à ma connaissance, ce travail n’a pas eu lieu.
J’ajoute que les économies attendues sont surestimées : l’évaluation préalable les estime à 169 millions d’euros, mais ce chiffre ne prend pas en compte les éventuels coûts supplémentaires, liés à la conception et à l’entretien du site internet ou aux campagnes de communication visant à compenser l’absence de propagande sur papier.
Enfin, je veux insister sur un dernier point d’ordre juridique : le dispositif qui nous est proposé – et que plusieurs amendements visent à supprimer – ne concerne que les élections législatives. En effet, pour les élections présidentielles, les modalités de la propagande sont fixées par décret, ce qui laisse une grande liberté au pouvoir réglementaire.
Par conséquent, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous en dire plus sur les intentions du Gouvernement en vue de l’élection présidentielle de 2017 ? Dans l’hypothèse où l’article 52 serait supprimé, la dématérialisation de la propagande électorale serait-elle tout de même mise en œuvre pour ce scrutin ? C’est ce que souhaitent nombre de collègues.
J’en viens au thème auquel je me suis intéressé cette année dans mon avis budgétaire : le financement public des cultes. Notre ordre juridique admet effectivement sept régimes cultuels différents, auxquels la loi du 9 décembre 1905 ne s’applique pas nécessairement. Sans esprit de polémique, il m’a semblé utile d’interroger, au-delà des modalités d’exercice des cultes en Alsace-Moselle ou dans les outre-mer, le rôle de la puissance publique dans l’organisation des principales religions de France.
Ma deuxième interrogation porte sur les canaux multiples du financement public des cultes. Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » finance en effet plusieurs types de dépenses liées aux cultes : les crédits dits de « subventions aux cultes » – il s’agit de dépenses d’intervention destinées d’une part aux communes pour la réalisation des travaux sur les édifices cultuels et, d’autre part, aux cultes catholique, protestant et israélite pour leurs frais d’administration – ; les crédits destinés à l’immobilier des cultes – ce sont des crédits d’investissement destinés à financer les travaux relevant de la responsabilité de l’État, propriétaire des quatre implantations cultuelles : grands séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg. Dans ces deux cas, les crédits sont destinés aux départements concordataires d’Alsace et de Moselle.
Le programme comprend également les crédits du plan de lutte antiterroriste : cette enveloppe est consacrée au financement de diplômes universitaires et de recherches en islamologie sur l’ensemble du territoire national.
Plusieurs autres programmes contribuent également à financer les cultes au travers des dépenses de rémunération des ministres du culte en Alsace-Moselle et des aumôniers militaires, pénitentiaires ou hospitaliers sur l’ensemble du territoire, sur les missions « Défense », « Justice » et « Santé ». Enfin, des mécanismes dérogatoires d’exonération ou d’exemption fiscale participent aussi d’un effort financier important. Compte tenu de la diversité des financements mis en jeu et de la multiplicité des régimes juridiques applicables, l’effort financier de l’État en faveur des cultes ne devrait-il pas faire l’objet d’une annexe budgétaire spécifique – par exemple sous la forme d’un jaune ?
Ma troisième interrogation porte sur la formation des ministres du culte musulman. Confronté à la multiplication d’imams autoproclamés et, plus généralement, à l’hétérogénéité des formations et des compétences des animateurs du culte musulman, le ministère de l’intérieur participe depuis 2008 au financement de diplômes universitaires sur le fait religieux et la laïcité.
Ces formations universitaires sont ouvertes à un large public : agents publics, personnels des cultes, étudiants, représentants de la société civile. À l’occasion des auditions, j’ai entendu des retours d’expérience globalement positifs. Plusieurs difficultés ont cependant été portées à mon attention : la maîtrise insuffisante de la langue française par certains étudiants, impliquant des abandons, l’attractivité limitée de ces formations sur les imams autoproclamés en marge des instances représentatives de l’islam en France, ou la mobilité géographique de certains imams.
Comment le Gouvernement envisage-t-il le développement de ces formations universitaires ? Comment, en particulier, davantage attirer les imams autoproclamés ? Jusqu’où la puissance publique peut-elle s’investir dans la formation de ministres du culte ?
Le financement des édifices du culte musulman constitue ma quatrième interrogation. Eu égard à leur régime fiscal et patrimonial, la création de fondations peut constituer un outil adapté au financement des lieux de culte. Une fondation pour les œuvres de l’islam de France (FOIF) a ainsi été créée par décret du 31 mai 2005 et reconnue comme établissement d’utilité publique le 25 juillet 2005, afin d’améliorer les conditions d’exercice du culte des musulmans français. Sa principale mission était la construction et la gestion des lieux de culte musulmans, en accord avec les maires des communes concernées.
On le sait, cette tentative s’est soldée par un échec. Interrogé en 2010 quant à la pérennisation de la FOIF, le gouvernement de l’époque avait reconnu que les associations musulmanes n’avaient pas entendu faire de la Fondation « le vecteur privilégié de leur action ».
M. le ministre de l’intérieur avait annoncé une réflexion sur une nouvelle structure lors de la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam ; un haut fonctionnaire avait d’ailleurs été nommé directeur de projet chargé de la préfiguration d’une fondation de l’islam de France.
Où en est-ce projet ? Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez la construction de ces lieux de culte ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Avant de répondre aux questions des rapporteurs, je voudrais dresser moi aussi un rapide portrait de la mission telle que proposée par ce projet de loi de finances. Dans le champ de cette mission, ce projet de loi de finances propose deux réformes structurelles de l’action de l’État. Je connais l’attachement de tous au caractère structurel des réformes que nous menons et cette mission en donne deux bons exemples.
C’est d’abord le plan « préfectures nouvelle génération », qui est une réforme majeure pour la modernisation des préfectures. Après plusieurs reports, il entre enfin dans sa phase opérationnelle de mise en œuvre, puisque le premier centre d’expertise et de ressources des titres sera lancé dans quelques jours à la préfecture des Yvelines. Ce plan vise à adapter les missions du réseau des préfectures, en particulier en matière de production et de délivrance des titres. En allégeant certaines de leurs missions, il doit permettre de renforcer leurs quatre missions prioritaires : la lutte contre la fraude, précisément en matière de titres ; le contrôle de légalité et la fonction juridique ; la sécurité et la gestion locale des crises ; enfin, l’animation interministérielle des politiques locales, et en particulier l’ingénierie territoriale, qui doit permettre de mieux accompagner les projets portés par les élus locaux sur le territoire. L’objectif de ce plan est donc de concentrer les moyens sur les missions prioritaires de l’État : c’est bien là une réforme structurelle de l’action publique.
L’année 2017 sera également marquée par l’organisation de trois élections majeures, présidentielle, législatives et sénatoriales pour la moitié des représentants. Pour la troisième fois dans cette législature, le Gouvernement vous propose de mettre en œuvre la dématérialisation de la propagande électorale : je sais que, cette année, les réticences ne sont pas moindres que les années précédentes, et je voudrais m’y arrêter un instant. Je ne suis pas certain de tous vous convaincre, mais je crois utile de rappeler les raisons pour lesquelles le Gouvernement est aussi insistant sur cette réforme.
Il s’agit de substituer à l’envoi des circulaires des candidats leur mise en ligne sur un site internet public. D’un point de vue budgétaire, cette réforme permettrait de mieux maîtriser les coûts liés à l’organisation des élections avec une économie attendue de 170 millions d’euros, et, pour le secrétaire d’État au budget, c’est déjà une bonne raison de tenter sa chance une troisième fois en quatre ans, en plein accord avec le ministre de l’intérieur. Mais cette réforme a aussi un impact environnemental positif, puisqu’elle éviterait de gaspiller des tonnes de papier dans des envois dont on ne mesure pas toujours complètement l’utilité. Et, en un sens, elle permet aussi un meilleur accès à l’information puisqu’elle s’accompagne d’une mise en ligne de ces informations, ce qui est souvent un accès plus pratique pour beaucoup, notamment pour les plus jeunes.
Nous avons désormais rodé nos dispositifs techniques, lors des départementales puis lors des régionales de 2015. Surtout, la consultation relative au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, réalisée en juin dernier, a bien démontré l’absence de lien entre participation électorale – elle a été forte – et dématérialisation de la propagande – elle a été totale.
Par ailleurs le Gouvernement propose d’entourer la réforme de garanties : une importante campagne de communication, la mise à disposition pour consultation, dans chaque mairie et dans chaque préfecture, d’une circulaire de chaque candidat.
Bien entendu, l’Assemblée est libre d’adopter ou de rejeter la réforme : s’il y a rejet, le manque à gagner pour l’État sera simplement compensé par des économies supplémentaires sur l’ensemble des ministères.
J’en viens plus précisément aux questions posées par les rapporteurs.
Monsieur Habib, vous avez rappelé la progression des crédits et celle des plafonds d’emplois. Je m’interroge moi-même sur l’augmentation des plafonds d’emploi en termes d’équivalents temps plein travaillé, mais aussi sur la réduction des schémas d’emplois dans un certain nombre d’actions, notamment celles relatives aux préfectures.
S’il y a bien une réduction des schémas d’emplois, qui nous fournissent une photographie en fin d’année budgétaire, il y a néanmoins une augmentation des ETPT. Ces variations sont significatives : elles représentent 500 emplois en moins grâce à la mise en œuvre du plan « préfectures nouvelle génération ». J’avoue que, depuis plusieurs années, c’est un point discuté, de manière régulière et assez vive, entre le secrétaire d’État au budget et le ministre de l’intérieur. Le PPNG m’avait été présenté comme étant source d’importantes économies, notamment en termes d’emploi. J’ai évoqué les reports successifs, que l’on peut comprendre. Il est vrai que, en termes de schémas d’emplois, le PPNG conduira à une diminution de 500 emplois. Mais les ETPT sont calculés quant à eux en fonction des départs et des arrivées. Tandis que les premiers se font de façon uniforme et continue tout au long de l’année, les secondes ont lieu de manière groupée et parfois plus tôt, en termes de moyenne. En calculant la moyenne pondérée, nous arrivons donc au paradoxe que les emplois augmentent de 180 unités dans les plafonds d’emplois, malgré une diminution nette de 500 postes. J’ajoute que les plafonds d’emplois incluent les modifications d’emplois qui ont eu lieu en 2016, notamment relativement aux opérations de sécurité ou aux effectifs nécessaires à l’accueil des migrants. À la lecture des documents budgétaires, le résultat peut étonner.
Pour 2018, le mouvement de réduction des emplois au sein de la mission sera beaucoup plus significatif, puisqu’on observera un effet en année pleine de la diminution du schéma d’emplois intervenue en 2017.
Monsieur Habib, vous avez demandé la rédaction d’un rapport sur la mise en œuvre du PPNG. Le Gouvernement est bien entendu à la disposition du Parlement, mais un rapport n’est peut-être pas nécessaire : les documents budgétaires et votre propre rapport constituent des sources d’information de nature à répondre aux attentes des parlementaires en la matière.
S’agissant de la formation, je tiens à préciser que, depuis le début de 2016, 2 300 agents des services des titres d’identité ou de circulation ont suivi un programme certifiant de huit modules portant sur des thématiques nécessaires à une remise à niveau et à une évolution des missions : droit public, budget, rédaction administrative, bureautique, collectivités territoriales, déontologie, etc. Cet effort inédit sera poursuivi et amplifié en 2017 avec trois types de formation : des formations pour tous les agents qui prennent de nouvelles fonctions, y compris pour l’encadrement ; des programmes de formation complets pour les agents appelés à exercer les missions prioritaires que vous avez citées ; des formations pour les nouveaux cadres A et B promus au choix ou après la réussite d’un examen professionnel, afin de leur apporter le niveau de connaissances et de compétence nécessaire à l’exercice de ces missions prioritaires.
Concernant la dématérialisation de la propagande électorale, j’ajoute, pour répondre à la question de M. Molac, que les dépenses nécessaires à la mise en œuvre des nouveaux systèmes, notamment des sites internet, ont bien été prises en compte, à hauteur de 8 millions d’euros, dans le calcul des économies. Le montant de 170 millions d’euros que j’ai cité est donc un solde.
La réforme de la carte des arrondissements consisterait notamment à mettre en cohérence le nombre d’arrondissements avec la nouvelle carte intercommunale, en procédant le cas échéant à des fusions ou à des jumelages. Elle impliquerait en outre une rénovation des missions confiées aux sous-préfets et aux sous-préfectures. Au niveau infradépartemental, nous devons pouvoir faire évoluer la carte des arrondissements – qui n’a pas été remaniée en profondeur depuis 1926 – et les missions des sous-préfectures en fonction des attentes des usagers, en veillant à la présence et à la performance de l’État territorial, en cohérence avec les intercommunalités renforcées, qui prennent force et vigueur.
Le ministre de l’intérieur a souhaité mettre en œuvre une démarche d’évolution du réseau des sous-préfectures. Celle-ci ne pourra résulter que d’une réflexion conduite auprès des territoires.
Une expérimentation conduite en 2014 dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin a tout d’abord permis de définir la méthodologie de rénovation de la carte : après un diagnostic complet, axé notamment sur l’accessibilité des services et les impacts des moyens humains, les préfets ont organisé une large concertation avec les élus. Plusieurs décisions ont été prises avec les décrets du 29 décembre 2014 : huit arrondissements ont été supprimés et six sous-préfectures ont été fermées, soit un tiers des arrondissements et des sous-préfectures de ces trois départements ; les limites des arrondissements ont été adaptées à celles des intercommunalités.
Le ministre de l’intérieur a décidé de déployer cette méthode de concertation sur l’ensemble du territoire, tout en l’inscrivant dans l’objectif plus large de l’amélioration de l’accessibilité des services publics. Ainsi, par instruction ministérielle du 12 février 2016, l’ensemble des préfets de département ont été sollicités afin de transmettre, après concertation avec les élus et les organisations syndicales, un projet territorial visant à réorganiser l’échelon infradépartemental de l’État à l’échéance du 1er janvier 2017. Je précise que les maisons de services au public et les maisons de l’État jouent un rôle dans le déploiement de ce dispositif.
Monsieur Zumkeller, vous avez soulevé à juste titre la question des dépenses de contentieux à la charge du ministère de l’intérieur, qui a effectivement fait l’objet d’une importante étude de l’IGA, ainsi que d’un article, hier, dans le Canard enchaîné. Vous avez évoqué une sous-budgétisation chronique ou, en tout cas, des dépenses qui sont supérieures aux crédits accordés de manière récurrente. Ainsi que vous l’avez reconnu vous-même, la mission de l’IGA a considéré que le rebasage de ces crédits ne pouvait pas être envisagé sans un réel plan d’action visant à maîtriser la dépense. La DLPAJ se dote progressivement d’instruments permettant un meilleur contrôle de la dépense dans le cadre d’un tel plan d’action, avec des indicateurs de performance, des référentiels de coût relatifs à chacune des thématiques contentieuses et l’identification des bonnes pratiques locales. Cela devrait permettre de poursuivre la maîtrise de la dépense, dont les déterminants sont stabilisés.
Les dépenses d’indemnisation liées aux attroupements ont effectivement été faibles au premier semestre 2016 en dépit des événements que vous avez signalés. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. S’agissant, par exemple, des événements de Sivens, l’indemnisation a fait l’objet d’un protocole : le conseil départemental du Tarn a pris en charge certaines dépenses, et différents ministères ont contribué à l’indemnisation, le ministère de l’intérieur prenant à sa charge 10 % des dommages, soit environ 200 000 euros. Quant aux dommages et aux importantes pertes de chiffre d’affaires subis par certains commerçants lors des manifestations contre le projet de loi « travail », ils sont pris en charge par d’autres mécanismes, qui associent notamment l’État – via les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) –, les collectivités territoriales et les chambres de commerce et d’industrie. Les crédits de contentieux du ministère de l’intérieur ne sont pas sollicités à ce titre.
Dans le cadre du plan d’action du ministère de l’intérieur relatif à la maîtrise des dépenses de contentieux, des analyses approfondies ont été menées pour déterminer les modes d’organisation les plus efficaces du point de vue de la qualité de la défense contentieuse et du point de vue de son coût. De ce double point de vue, le recours aux réservistes de la police nationale, que vous avez évoqué, apparaît comme un mode d’organisation pertinent. Des travaux sont actuellement menés par le ministère – la DLPAJ, la direction générale des étrangers en France (DGEF), la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) et la direction de l’évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières (DEPAFI) – pour examiner les modalités d’un recours accru à ces réservistes, notamment pour le traitement du contentieux des étrangers.
Les deux premiers pôles d’appui juridique, qui seront consacrés à la police administrative, sont effectivement en cours de mise en place. Composés de cinq agents, ils commenceront officiellement à fournir leurs prestations dès le 1er décembre 2016. Un appel à candidatures sera lancé prochainement afin de déterminer la localisation de six nouveaux pôles d’appui : deux pôles supplémentaires consacrés à la police administrative, deux pôles consacrés au concours de la force publique et à la responsabilité de l’État, un pôle consacré au contentieux statutaire et au droit de la fonction publique, un pôle consacré aux contrats et marchés publics. L’analyse des candidatures devra être menée avant la fin de l’année 2016 pour permettre la mise en place de ces pôles au cours du premier semestre 2017.
La DLPAJ, qui est compétente pour l’ensemble du contentieux relevant du ministère de l’intérieur, mène d’ores et déjà une importante politique d’appel et de pourvoi en cassation, afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux. Les effets de cette politique pourraient être démultipliés par la mise en place des pôles d’appui juridique que je viens d’évoquer : les contentieux les plus sensibles et dont les effets budgétaires potentiels sont importants pourront être détectés plus en amont, les pôles d’appui intervenant en soutien des préfectures, que ce soit en première instance ou en appel, dans les domaines pour lesquels les préfets sont compétents en appel.
Monsieur Molac, s’agissant de la propagande électorale, il est exact que les dispositions pertinentes relèvent de la loi pour certaines élections et du règlement pour d’autres. Le débat aura lieu en séance publique, et nous verrons bien si l’article 52 du projet de loi de finances survit. Le ministre de l’intérieur aura l’occasion de faire part des conclusions qu’il en tirera en ce qui concerne cette seconde catégorie de scrutins.
S’agissant du financement des cultes, l’effort de l’État est assuré, à titre principal, à partir de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », pour un montant qui a été de l’ordre de 2,5 millions d’euros en 2016. Il faut y ajouter 56,8 millions d’euros pour l’Alsace et la Moselle. Ces montants sont certes significatifs, mais relativement moins importants que d’autres dépenses du budget de l’État. Je ne suis donc pas nécessairement favorable à l’élaboration d’un « jaune » budgétaire pour cette politique. Selon moi, les échanges que nous pouvons avoir et les travaux que vous menez en tant que rapporteur pour avis éclairent assez largement le Parlement.
En ce qui concerne la formation des ministres du culte, l’État a engagé depuis plusieurs années une politique qui consiste à offrir des formations civiles et civiques qui soient utiles non seulement aux ministres du culte de toute confession, mais aussi aux responsables d’association à objet cultuel et aux agents publics ayant à connaître des questions de laïcité. Ces formations, qui débouchent sur des diplômes universitaires, incluent des enseignements portant sur les institutions françaises, sur le droit des religions et de la laïcité, sur l’histoire et la sociologie des religions. En 2014, il existait trois de ces diplômes universitaires, à l’Institut catholique de Paris, à Lyon et à Strasbourg. À la suite d’un effort volontariste, ce nombre a été porté à quatorze à la rentrée universitaire de 2016, et il sera de vingt en 2017. En 2015, 273 étudiants se sont inscrits dans l’une de ces formations ; 35 % d’entre eux étaient des cadres religieux musulmans.
Aux termes d’un décret qui sera pris avant la fin de l’année, les nouveaux aumôniers des prisons, des hôpitaux et aux armées devront, quelle que soit leur confession, être titulaires d’un tel diplôme ou s’engager à le passer dans les deux ans qui suivront l’obtention de leur agrément. En outre, des négociations ont été engagées et menées avec des gouvernements étrangers concernés, notamment ceux de la Turquie, de l’Algérie et du Maroc, afin que les imams détachés dans les mosquées françaises s’engagent à suivre une telle formation à leur arrivée en France.
Dans un régime de laïcité, l’État ne saurait bien entendu influencer le contenu de la formation théologique des imams. Cependant, le Gouvernement a souhaité que les universités publiques renforcent leur offre d’enseignements dans le domaine de l’islamologie. Les futurs imams français pourront ainsi bénéficier d’une telle formation en complément de celle qu’ils reçoivent dans les instituts privés de théologie musulmane, au même titre que les autres étudiants intéressés par cette discipline, dans le respect des normes scientifiques de l’université française. La ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de l’intérieur ont confié à trois universitaires – Mme Catherine Mayeur-Jaouen, M. Rachid Benzine et Mme Mathilde Philip-Gay – la mission de formuler des propositions dans cette perspective.
La Fondation des œuvres de l’islam de France, que vous avez mentionnée, avait été créée en 2005, mais n’avait jamais pu fonctionner en raison d’un défaut de gouvernance. Le Gouvernement a donc entrepris de dissoudre cette première fondation et de créer, sur des bases entièrement nouvelles, une Fondation de l’islam de France, reconnue d’utilité publique. Cette nouvelle fondation n’aura pas d’objet directement cultuel : elle sera appelée à soutenir ou à susciter des initiatives à caractère culturel, éducatif ou social favorisant la connaissance de l’islam et sa bonne insertion dans la société française. Le projet de décret lui accordant la reconnaissance d’utilité publique devra être examiné par le Conseil d’État dans le courant du mois de novembre, afin qu’elle puisse démarrer ses travaux avant la fin de cette année.
Le conseil d’administration de cette fondation comptera six membres de droit : trois représentants de l’État – un du ministère de l’intérieur, un du ministère de la culture et de la communication et un du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) ; deux représentants du comité des donateurs. Ces membres de droits désigneront cinq personnalités qualifiées. Le conseil d’administration ainsi constitué élira son président en son sein. Le directeur de la fondation sera nommé par le conseil d’administration sur proposition de son président. Ces désignations interviendront lors de la première réunion du conseil d’administration, prévue au mois de décembre prochain.
La création d’une telle fondation ne saurait constituer une manifestation de méfiance à l’égard des Français de confession musulmane ni envers les responsables du culte musulman. Elle vise à leur permettre de se doter d’un outil comparable à celui dont bénéficient déjà d’autres cultes, à travers des fondations d’inspiration confessionnelle telles que la Fondation Notre Dame, la Fondation du judaïsme français ou la Fondation du protestantisme. Cette fondation n’aura pas plus qu’elles pour objet l’exercice du culte.
À rebours, la question du financement du culte musulman – construction et entretien des lieux de culte, formation théologique et rémunération des imams – sera abordée dans le cadre d’une association culturelle nationale, en cours de constitution, dans laquelle l’État n’aura bien entendu aucune part.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Le plan « préfectures nouvelle génération » est essentiel. D’une part, nous notons une augmentation de crédits assez importante qui permettra un travail de fond sur les titres d’identité – passeports, cartes nationales d’identité, permis de conduire, etc. –, avec la mise en place des CERT et la création, évoquée hier dans l’hémicycle, du système « Titres électroniques sécurisés » (TES). D’autre part, un travail de requalification des emplois et de reconfiguration des missions a été lancé cette année, dans les préfectures et à l’administration centrale. Il prendra de l’ampleur l’année prochaine et se poursuivra encore pendant quelques années. Dans ce cadre, un effort particulier est réalisé en matière de formation des agents, dans le contexte de la réforme territoriale engagée par les lois MAPTAM et NOTRe. Ce travail est, à mon sens, nécessaire et positif. Relevons, à cet égard, un effort significatif : en 2017, les effectifs augmenteront tant à l’administration centrale – de 159 ETPT – que dans les préfectures – de 187 ETPT, avec un accent mis sur le pacte de sécurité et sur l’accueil des migrants.
S’agissant de la vie politique et cultuelle, vous venez de souligner, monsieur le secrétaire d’État, l’effort en faveur de l’islam de France, notamment en faveur des personnes qui sont chargées d’accompagner nos concitoyens musulmans dans leur religion. À cet égard, nous avons fait un choix qui n’est pas anodin : plutôt que de céder aux tendances centralisatrices en créant une grande institution nationale parisienne avec des annexes en province, nous avons décidé de nous appuyer sur le réseau des universités et de faire confiance aux forces vives et à l’intelligence locales.
En ce qui concerne la propagande électorale, un certain nombre d’entre nous au sein de cette assemblée sont attachés au support papier – je crains, monsieur le secrétaire d’État, que ce ne soit pas seulement une question d’opinion. Car ce n’est pas que du papier, c’est un lien très concret : pour avoir mené quelques campagnes électorales, je peux vous dire que la plupart des gens que nous rencontrons lorsque nous faisons du porte-à-porte nous disent avoir lu les professions de foi et en avoir retenu tel ou tel point. D’autre part, le système actuel ne me paraît pas porter atteinte à l’environnement, car ce papier peut être recyclé, voire enfoui. Rappelons que le papier, c’est du bois. Donc, avec le papier, nous stockons du dioxyde de carbone.
Je relève que le budget consacré aux opérations électorales augmentera de manière significative l’année prochaine, du fait de l’organisation de trois scrutins nationaux – l’élection présidentielle, les élections législatives et les élections sénatoriales –, mais aussi de plusieurs scrutins territoriaux – en Corse, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. Quant au financement des partis politiques, il est stable depuis 2012, autour de 68 millions d’euros. Je salue cette modération. Ce soutien aux partis politiques peut être comparé à l’aide qui est apportée à la presse dans notre pays.
En 2016, le taux d’emploi des personnes handicapées a atteint 6,1 % au ministère de l’intérieur, ce qui est supérieur à l’objectif de 6 % fixé par la loi. Ce beau résultat est le fruit de la mobilisation du ministre, des responsables du recrutement et de l’ensemble des fonctionnaires de cette administration. Je les en remercie.
Enfin, je souligne l’effort remarquable – une augmentation des crédits de près de 20 % – consenti pour sécuriser le système d’information et de communication du ministère de l’intérieur, notamment les serveurs et les réseaux. Je crois que c’était indispensable.
M. Olivier Marleix. J’imagine que, lorsqu’on gère l’administration territoriale de l’État, le réseau des préfectures, qui incarne, à bien des égards, la continuité de l’État, on doit avoir le sentiment d’œuvrer dans ce que Fernand Braudel appelait le « temps long ». Je suis le budget de ce ministère à titre personnel depuis 2012, et le fait est que je commence à trouver le temps assez long : depuis cinq ans, ce sont exactement les mêmes questions qui reviennent sur la table – réforme des préfectures, carte des arrondissements, titres d’identité électroniques –, sans qu’elles aient jamais été tranchées et sans que les choses aient beaucoup avancé, faute de choix politiques volontaires.
S’agissant de la réforme des préfectures, vos documents budgétaires nous vendent une « évolution majeure d’une ampleur inédite » : le plan « préfectures nouvelle génération ». Vous annoncez que cette réorganisation, qui ne concerne en réalité que les services de délivrance des titres et qui est mise en œuvre depuis cette année, produira ses effets les plus significatifs en 2017 et 2018. On a envie de dire : il était temps !
Depuis 2012, vous avez tout de même procédé à de nombreuses suppressions de postes dans l’administration territoriale de l’État : en trois ans, de 2012 à 2015, vous avez supprimé près de 1 000 emplois – 814 précisément – et cette tendance va se poursuivre, puisque vous annoncez la suppression de 1 300 ETPT dans les deux ans à venir. Or il y a un problème de méthode : vous avez commencé par supprimer des postes avant de vous interroger sur la réorganisation des missions, contrairement à ce qui avait été fait dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), que vous aimez tant décrier. Cela vous fait sourire, monsieur le secrétaire d’État, mais, à l’époque, il y avait un pilotage au plus haut niveau de l’État, assuré par le directeur de cabinet du Premier ministre et le secrétaire général de l’Élysée, et l’on réfléchissait d’abord aux missions de l’État et à leur évolution avant de supprimer les postes. Il aura fallu attendre quatre ans pour que la réflexion rejoigne l’action et que vous nous proposiez enfin une solution !
En ce qui concerne la carte des sous-préfectures, nous aurons subi, là encore, cinq ans de tergiversations. Dès juillet 2012, le ministre de l’intérieur Manuel Valls avait annoncé, avec le volontarisme qu’on lui connaît, une réforme de la carte des sous-préfectures qui semblait très ambitieuse. Un rapport commandé à trois hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur et remis au ministre au printemps 2013 prévoyait la fermeture de quarante-sept sous-préfectures. Or il a été rapidement enterré et, dans la foulée, M. Valls a confié à deux préfets la mission d’expérimenter une méthode pour fermer éventuellement des sous-préfectures. Tout cela n’a, semble-t-il, pas abouti à grand-chose, puisque seules six sous-préfectures ont été supprimées. Quatre ans plus tard, M. Cazeneuve nous annonce à son tour une grande réforme de l’administration territoriale, qui, je le cite très scrupuleusement, « ne [sera] pas le grand soir des sous-préfectures » – on l’avait bien compris –, mais qui se veut néanmoins « historique », la plus importante depuis Raymond Poincaré. Nous attendons désormais de savoir très précisément ce qui va se passer, de quelle manière et selon quel calendrier. Vous nous avez en partie répondu en indiquant que tout devrait être fait avant le 1er janvier 2017, ce qui vous laisse assez peu de temps.
Au nom du groupe Les Républicains, je regrette surtout que ces cinq années n’aient pas été l’occasion d’engager au moins une réflexion sur le rôle du corps préfectoral, des préfets et des sous-préfets, en tant qu’acteurs de la simplification – on avait pourtant cru comprendre qu’il s’agissait d’un des grands chantiers du Président de la République – et du déverrouillage administratif du pays.
Il y avait traditionnellement, dans le « bleu » budgétaire, un indicateur de performance passionnant : le délai d’instruction des dossiers relatifs aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des dossiers déposés au titre de la loi sur l’eau. Je le citais tous les ans : j’espère ne pas lui avoir porté malheur, car il a disparu ! En tout cas, les chiffres étaient effarants : la dernière fois que nous avons eu connaissance de cet indicateur, il révélait que ce délai était passé de 263 jours en 2012 à 320 jours en 2014 ! En d’autres termes, il fallait désormais presque un an pour obtenir une simple autorisation administrative. Voilà une illustration parfaite de ce que sont les blocages administratifs !
Le fait est que toutes les réformes de l’administration territoriale, y compris celles qui ont été engagées avant vous, se sont traduites par une régionalisation de l’administration, ce qui l’a éloignée des citoyens et des entrepreneurs. Il y a là un vrai problème : un droit qui se complexifie et une administration qui s’éloigne. Un des grands chantiers des années qui viennent doit être de redonner du pouvoir aux préfets et aux sous-préfets pour déverrouiller notre pays. Il faut créer les conditions d’un véritable réarmement juridique du corps préfectoral, quitte à renforcer le pouvoir discrétionnaire des préfets dans notre droit.
Je termine par quelques mots sur la carte nationale d’identité électronique. Le ministre de l’intérieur fait preuve d’une modestie qu’on ne lui connaît guère : depuis quarante-huit heures, il minimise la portée du fameux décret qui prévoit la fusion des fichiers comportant les données relatives aux détenteurs de titres d’identité. Pourtant, ce décret n’est pas rien : au lieu de deux fichiers, il y en aura désormais un seul, qui concernera 65 millions de Français, contre 15 millions actuellement pour le fichier des passeports. Un pas immense a donc été franchi. De notre point de vue, cela va dans le bon sens, mais il est dommage que vous n’alliez pas jusqu’au bout des choses : la carte d’identité électronique ne sera toujours pas mise en œuvre, ce que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) elle-même a regretté. Dès lors, les Français auront droit au fichage, mais pas à la sécurité des titres.
Quant à la suppression de la propagande électorale, c’est le pire moment pour la faire. De plus, si l’on appliquait la mesure que vous proposez pour 2017, cela créerait une véritable rupture d’égalité devant la loi, dans la mesure où 20 % des Français n’ont toujours pas accès à internet. Cela fait cinq ans que vous hésitez et que vous atermoyez. Je crois que vous pouvez attendre une année supplémentaire.
M. Michel Piron. Globalement, après avoir diminué l’an dernier, les crédits alloués à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » devraient augmenter de 14,8 % par rapport à 2016, avec un budget de 2,32 milliards d’euros. Cette augmentation s’explique surtout par la tenue en 2017 de trois échéances électorales majeures : l’élection présidentielle, les élections législatives et le renouvellement de la moitié du Sénat. Ainsi donc, les dépenses se rapportant à l’organisation des élections représentent quelque 75 % des crédits demandés dans le projet de loi de finances pour 2017, alors qu’aucun crédit n’avait été ouvert à cette fin en loi de finances pour 2016, en l’absence de scrutin national.
L’évolution des crédits de la mission doit également être examinée en tenant compte du transfert des crédits consacrés au Fonds interministériel de prévention de la délinquance, doté d’un budget de 80,4 millions d’euros qui relevait jusqu’alors de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Voilà pourquoi la hausse du budget doit être interprétée et relativisée.
Outre l’organisation des élections, l’une des priorités attribuées à cette mission est de contribuer aux efforts de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. On peut, à ce titre, saluer les effectifs supplémentaires accordés en 2016 et en 2017 aux préfectures, dans le cadre du pacte de sécurité : 185 ETPT en 2016 et 185 en 2017. On soulignera également la hausse de 16 % des crédits de l’action n° 4 « Cultes » du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », intégralement consacrée au financement de nouveaux projets dans le cadre du plan antiterroriste.
Une autre priorité de cette mission est de moderniser et de simplifier les procédures administratives. L’année 2017 sera en effet marquée par une évolution importante du réseau des préfectures, dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération », mis en œuvre dès 2016. Il prévoit de repenser les modalités de délivrance des titres et devrait produire ses effets les plus significatifs en 2017-2018.
Dans un contexte de réforme territoriale et alors que la nouvelle carte des régions vient d’être mise en œuvre, la modernisation des services déconcentrés doit se traduire par un renforcement du rôle et de la place de l’administration territoriale de l’État, et sans doute et surtout par une clarification des compétences. Pour le groupe Union des démocrates et indépendants, il importe, dans les années à venir, d’entreprendre une véritable réorganisation de l’État, une requalification de sa présence dans les territoires en concertation avec les acteurs locaux. Nous ne pourrons nous exonérer d’une redéfinition des missions de l’administration territoriale si nous voulons sauvegarder l’efficacité de nos services publics.
J’évoquerai enfin l’article 52 du projet de loi de finances pour 2017 qui prévoit la dématérialisation de la propagande électorale. Une telle réforme avait déjà été proposée dans les projets de loi de finances précédents, s’agissant des élections européennes, régionales et départementales. Vous la proposez à nouveau cette année pour les élections présidentielle et législatives, afin, dites-vous, de réaliser une économie de près de 169 millions d’euros. Or tous les foyers n’ont pas accès au numérique. En 2013, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), seuls 75 % des ménages disposaient d’une connexion internet. Admettons que ce chiffre soit aujourd’hui de 80 % : 20 % n’en disposent donc toujours pas. Par ailleurs, de nombreuses zones rurales sont très mal desservies. Adopter une telle mesure reviendrait ainsi à réduire l’information de nos concitoyens, au risque de faire progresser l’abstention au nom des économies budgétaires.
Vous avez avancé plusieurs arguments, mais fallait-il aller jusqu’à invoquer Notre-Dame-des-Landes au secours de la dématérialisation ? Pour ma part, j’en reste pantois. Nous sommes favorables aux économies de papier – ou, comme on le dit parfois, de paperasse – à condition qu’elles n’équivaillent pas à des économies d’informations. Or, quand on n’a pas de substitut à l’information, la mesure devient indéfendable, à moins de prétendre obtenir très rapidement la couverture numérique intégrale du territoire.
M. Marc Dolez. Nous craignons que le plan « préfectures nouvelle génération » ne soit mis en application au détriment de la proximité et de la qualité du service. Les usagers seront en effet invités à s’orienter vers les téléprocédures, ce qui, en l’absence d’interlocuteurs à qui parler, risque de rendre plus difficile l’accès aux informations. Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, ce plan répond davantage à des considérations comptables qu’aux besoins des usagers.
Dans la présentation générale de ce budget, il est affirmé que la réorganisation aura lieu sans porter atteinte à la qualité du service rendu. Je me demande bien comment vous allez pouvoir, avec ce plan, assurer le maintien d’une action de proximité. Plus généralement, la question du rôle et du maillage des sous-préfectures demeure posée, tant du point de vue du service rendu à nos concitoyens que du soutien apporté aux collectivités territoriales. Vos propos concernant l’évolution de la carte des arrondissements et du réseau des sous-préfectures ne nous rassurent guère.
D’autre part, les nouvelles modalités d’instruction devraient conduire à réaffecter une partie des effectifs aux missions prioritaires, avec, certainement, une mobilité géographique. Que deviendront les agents du service public qui se retrouveront sans nouvelle affectation ? Pourriez-vous apporter des précisions sur la réaffectation du personnel ?
Vous avez donné plusieurs indications concernant la formation et l’évolution de carrière des agents de préfecture. Le ministère a en effet engagé un plan de requalification permettant à un maximum d’agents de passer de la catégorie C à la catégorie B. Pourriez-vous nous dire combien d’agents sont concernés ?
Je voudrais également vous interroger sur la suppression de la propagande électorale sur support papier – suppression à laquelle le groupe de la Gauche républicaine et démocrate est résolument opposé. Les arguments que vous avez avancés tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, ne nous ont pas convaincus. La réception de la propagande électorale sous format papier permet en effet de mobiliser les électeurs en leur rappelant leur devoir de citoyens. Tous mes collègues savent ici que les professions de foi envoyées aux électeurs sont bien souvent le seul document électoral qui leur parvienne. Je ne parle pas des nombreux électeurs qui préparent chez eux leur bulletin avant de se rendre au bureau de vote. Cette mesure de suppression, qui n’a d’autre logique que comptable, ne peut que favoriser l’abstention. Or il est assez paradoxal de simplifier les démarches d’inscription sur les listes électorales pour diminuer l’abstention et de prendre, dans le même temps, une mesure qui ne pourra que favoriser ce phénomène.
Au regard de la fracture numérique – que le Défenseur des droits évalue à 20 % –, comment le Gouvernement compte-t-il garantir une réelle égalité d’accès à l’information politique ?
M. Jacques Krabal. Nous examinons aujourd’hui le budget alloué à la mission « Administration générale et territoriale de l’État », en augmentation d’environ 300 millions d’euros par rapport à 2016, que ce soit en autorisations d’engagement ou en crédits de paiement, pour revenir à peu près au montant alloué en 2015. De plus, la ventilation des crédits entre les missions partenaires entraîne un report de crédits d’environ 525 millions d’euros alors qu’il était de 484 millions en 2016.
Cette mission comporte plusieurs volets, dont le programme 307 « Administration territoriale », ayant pour objectif de garantir la présence de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et la mise en œuvre des politiques publiques nationales au niveau local grâce aux crédits alloués aux préfectures.
Ce budget prévoit aussi la création, au titre du groupement d’intérêt public (GIP) « Réinsertion et citoyenneté » au sein du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », d’une nouvelle action intitulée « Fonds interministériel de prévention de la délinquance », pour un montant de 89,4 millions d’euros – nouvelle action que nous soutenons et qui explique l’augmentation des plafonds de cette mission. Je tiens à saluer le travail accompli par les préfectures dans le domaine de la déradicalisation.
L’action « Réglementation générale », qui garantit la délivrance des titres d’identité, est en augmentation de quelque 35 millions afin d’accompagner les préfectures et les sous-préfectures. Un autre objectif est assigné à celles-ci : délivrer plus rapidement les titres afin d’arriver à 90 % de passeports biométriques mis à disposition dans un délai de quinze jours. Il faut aussi saluer le partenariat avec les communes et les collectivités, et le fait que 90 % des permis de conduire aient été délivrés dans un délai de dix-neuf jours, ce qui est un réel progrès.
Enfin, le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » est celui qui bénéficie de la plus importante augmentation. Je veux insister surtout sur les 210 millions d’augmentations consacrés à l’organisation des élections. Paul Molac a rappelé l’organisation d’élections présidentielle et législatives en 2017, mais il faut aussi parler des élections sénatoriales, sans oublier les élections territoriales de Corse, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.
Je reviendrai plus précisément sur le budget de la propagande électorale qui se voit allouer 53,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 31 % des crédits de fonctionnement. J’ai exprimé pendant trois ans – et ce sera aujourd’hui la troisième fois en quatre ans – ma crainte et notre opposition totale à la dématérialisation de cette propagande, prévue à l’article 52 du PLF. Les promoteurs d’une solution « tout dématérialisé » soulignent que cette réforme, aujourd’hui techniquement possible, permettrait une meilleure information des électeurs et s’avérerait utile pour améliorer le taux de participation aux élections, notamment auprès des jeunes électeurs. Permettez-nous d’en douter. Des sociologues comme Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen, qui étudient le phénomène de l’abstention, montrent que ce sont d’abord les catégories les plus fragiles de la population – jeunes, chômeurs, précaires et peu diplômés – qui s’abstiennent. Votre projet ne va donc pas dans le bon sens, monsieur le secrétaire d’État.
Vous exprimiez un satisfecit concernant Notre-Dame-des-Landes. Or le bilan de l’expérimentation de la propagande électronique dans cinq départements, entre le 9 et le 29 mars 2015, à l’occasion des élections départementales, est contrasté. Il confirme la faible appétence des électeurs pour cette pratique. Le site internet en question a reçu 48 002 visites pour un total de 343 621 documents, professions de foi et bulletins de vote consultés. Ce sont donc, si l’on fait le décompte des visites uniques, 1,92 % des électeurs inscrits qui ont consulté ce site – ainsi que le souligne dans son rapport pour avis notre collègue Sergio Coronado sur le PLF 2016. En comparaison, selon l’enquête réalisée par l’institut Mediaprism en décembre 2013, la propagande électorale envoyée par courrier est excellemment mémorisée : 86 % des personnes interrogées disent s’en souvenir.
Plus de 17 % de la population ne bénéficient toujours pas d’une connexion internet. Dans les communes rurales, il n’y a pas de très haut débit. N’oublions pas non plus que la consultation sur internet permet au gestionnaire du système informatique de savoir, par le biais des cookies, quelles professions de foi ont été consultées sur quel territoire et de connaître les évolutions entre le premier et le second tours. La détention de ces informations pose un problème de protection de la vie privée dans la mesure où elle est susceptible d’indiquer une préférence politique.
Enfin, sans rappeler ici les fausses allégations concernant l’environnement, permettez-moi de vous demander le coût d’une telle mesure à long terme. Nous ne disposons d’aucune étude d’impact quant au rapport coûts-avantages de cette dématérialisation. On nous parle de 215 millions d’euros d’économie : sur quoi repose une telle estimation ? La démocratie, si elle a un prix, n’a pas de coût. Ces 215 millions ne représentent rien quand elle est menacée. N’oublions pas, comme le disait Jean de La Fontaine dans sa fable « Le renard et le bouc », qu’« en toute chose il faut considérer la fin ».
M. Pascal Popelin. Je souhaiterais vous interroger sur l’emploi du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, créé par la loi du 5 mars 2007 et dont les crédits sont ventilés en trois volets distincts : l’aide au déploiement de la vidéoprotection, le financement d’actions de prévention et, plus récemment, au titre du combat que nous menons contre le terrorisme, la prise en charge des mesures de lutte contre les phénomènes de radicalisation. Sans mésestimer l’importance ni la pertinence de ce dernier volet, je voudrais consacrer ma question aux deux autres.
Je veux d’abord témoigner de l’utilité des crédits destinés au financement de la vidéoprotection, particulièrement appréciés et attendus par les collectivités bénéficiaires qui peuvent ainsi se doter d’équipements dont elles n’auraient pas nécessairement pu assumer seules la charge. Le niveau de consommation de ces crédits atteste de l’ampleur des demandes. Deux dossiers relatifs à la circonscription dont je suis l’élu – pour les communes de Montfermeil et du Raincy – demeurent toujours en attente.
Pourriez-vous nous fournir davantage de précisions sur les conditions de la répartition, la destination et l’efficacité de ce qui est regroupé sous l’appellation de « financement des actions de prévention » ?
Enfin, je comprends le souci d’économies et la préoccupation environnementale ayant présidé à la volonté de supprimer l’envoi des circulaires électorales sous format papier. Au vu des interventions précédentes, cette mesure rencontre néanmoins peu de succès. La suppression de cet article étant probable, je propose une solution de compromis : les circulaires étant essentiellement un moyen d’informer les électeurs, elles sont indispensables à la tenue des scrutins territoriaux. En revanche, elles le sont moins à celle des scrutins nationaux. On pourrait donc se passer de ces circulaires à la seule élection présidentielle, ce qui permettrait de concilier économies et bonne information des électeurs.
Mme Véronique Louwagie. Dans le cadre du PPNG, il est prévu de confier aux 2 088 communes qui sont dotées de 3 526 dispositifs de recueil l’instruction des cartes nationales d’identité de tous les citoyens, pour mieux sécuriser ces titres. Des expérimentations sont en cours depuis quelques jours dans certains départements et la généralisation de la mesure est prévue pour mars 2017. Les communes s’inquiètent aujourd’hui face au risque d’un calendrier tendu, tant en ce qui concerne ces expérimentations que ladite généralisation. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, soutenir le report des délais d’application de la mesure pour que soit mieux appréhendée la mise en place du nouveau dispositif ?
En ce qui concerne la dématérialisation des supports de propagande électorale, vous avez évoqué une expérimentation, menée dans le cadre du référendum de Notre-Dame-des-Landes, qui a donné lieu, selon vous, à un résultat satisfaisant. Vous nous accorderez qu’il ne s’agit pas d’un exemple adéquat.
À chaque élection, nous déplorons que le taux d’abstention soit trop important. Nous regrettons aussi régulièrement qu’un fossé se creuse entre les citoyens et le monde politique, entre les électeurs et les élus. Ce serait donc un très mauvais signal que de diminuer la communication à l’égard de nos compatriotes. Notre démocratie doit être fondée sur une démarche proactive à destination des citoyens, à qui doit être transmis un document papier.
Je rappellerai enfin le problème de la fracture numérique. Il existe, en matière d’offre numérique, une inégalité territoriale importante, que vous ne pouvez nier, entre les villes et les campagnes. Les infrastructures ne sont pas toutes équivalentes et de fortes disparités demeurent. Par ailleurs, tout le monde n’a pas la même formation : certaines personnes âgées sont beaucoup moins à l’aise avec internet que le reste de la population. Il est inadmissible de supprimer le support papier, lien fondamental unissant les électeurs à leurs représentants. Ce lien est non seulement un symbole, mais aussi un vecteur fort de l’exercice de la citoyenneté – un outil dont l’État n’a pas le droit de faire l’économie.
M. Dominique Baert. Je ne détonnerai pas par rapport à nombre de nos collègues. Je voulais vous interroger sur deux points, mais le premier a largement été abordé précédemment. J’ai déposé un amendement de suppression de l’article 52, considérant que l’information électorale concourt à l’expression du suffrage et que s’en priver ne ferait que nourrir l’abstention. Je veux bien me rallier, le cas échéant, à la suggestion de Pascal Popelin, en distinguant entre l’élection présidentielle et les autres élections. Mais ce serait une erreur grave pour la démocratie que de renoncer à l’envoi de ces circulaires.
Un débat a été engagé concernant le décret relatif aux titres électroniques sécurisés. J’attire l’attention du ministère – car, me semble-t-il, les dispositions en cause relèvent du domaine réglementaire – sur la nécessité d’être plus ferme dans la mise à jour des adresses et le renouvellement des cartes d’identité périmées depuis plus de dix ans. Les scrutateurs d’un bureau de vote sont parfois consternés de voir des électeurs qui ne ressemblent plus du tout à la photo figurant sur leur carte d’identité ou qui n’habitent plus depuis longtemps à l’adresse qui y est inscrite. On imagine la pertinence et l’utilité d’un fichier fondé sur de tels documents. Il faut mettre un terme à cet usage et ne plus tolérer que les cartes d’identité périmées soient prolongées.
M. Lionel Tardy. Ma première question porte sur la dématérialisation de la propagande électorale. Il n’est d’ailleurs pas question à l’article 52 de dématérialisation, mais bien de réforme, et le Gouvernement insiste sur le fait que les documents seront disponibles en ligne, mais aussi consultables en mairie. Il n’en reste pas moins que la lecture des documents ne pourra se faire qu’avec une connexion internet. Nous y sommes donc à nouveau opposés. Comme cela a été répété lors de l’examen de la loi sur la montagne il y a quelques semaines, nous sommes loin d’un accès à internet en tous points du territoire. Tant que la fracture numérique ne sera pas résorbée au minimum, cette mesure devra être reportée, même si nous ne doutons pas qu’elle finira par être appliquée un jour. J’ai du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement s’obstine à la proposer quasiment à chaque projet de loi de finances, alors que l’Assemblée nationale l’a rejetée à plusieurs reprises.
Ma deuxième question concerne les crédits alloués à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), en forte hausse, notamment à cause des échéances de 2017. Au-delà, il semble que la CNCCFP manque cruellement de moyens techniques. Dans L’Obs, en février dernier, un rapporteur expliquait ainsi que le matériel informatique de cette commission était lent et insuffisant et que seul un poste sur trois était relié à internet pour des questions de sécurité. Qu’avez-vous prévu de faire, compte tenu de l’urgence de la situation ?
Mme Marie-Christine Dalloz. Je souhaiterais revenir sur les conséquences de la réforme territoriale issue de la loi NOTRe. Le secrétaire d’État à la réforme territoriale de l’époque, André Vallini, avait annoncé que la fusion des régions devait permettre entre 12 et 25 milliards d’euros d’économies. On sait bien que ces chiffres étaient excessifs, mais a-t-on aujourd’hui une vision des lieux d’implantation choisis pour ces treize grandes régions et des économies en perspective au titre du budget de 2017 ? Je veux bien entendre que ces économies ne sont pas significatives en 2016, mais les effets de la réforme territoriale devraient déjà se faire sentir l’an prochain – notamment ceux qui sont liés à la mutualisation des achats et au choix des lieux d’implantation des nouvelles grandes régions.
S’agissant de l’article 52, je ne reviendrai guère sur la fracture numérique – même si, ayant moi aussi été élue dans une circonscription montagnarde, je confirme que l’accès au réseau internet – et même à la téléphonie mobile – n’est pas possible partout. J’insisterai en revanche sur le problème de la maîtrise de l’outil informatique par les personnes âgées. Ce sont elles qui votent le plus dans les communes rurales, et ce sont celles-là mêmes que l’on va priver de la réception d’informations à domicile. Il y a certainement des gisements d’économies à trouver, monsieur le secrétaire d’État, mais cette mesure risque encore de décourager l’électorat. Ce n’est pas le moment !
M. Guillaume Larrivé. Cela fait six ou sept ans que l’administration essaie, avec ténacité, de nous faire voter la même mesure d’économie. À l’époque où Brice Hortefeux était ministre de l’intérieur et où j’avais l’honneur de servir à son cabinet, la direction de la modernisation et de l’action territoriale (DMAT) et Bercy nous la proposaient déjà. Systématiquement, lorsque nous en sommes saisis à l’Assemblée nationale, nous la refusons. En tant qu’élus de terrain, nous estimons que la possibilité d’informer les citoyens français des projets et des profils des différents candidats est une nécessité vitale à notre démocratie. Nous appartenons tous à des partis de gouvernement aspirant à faire des économies structurelles de la dépense publique. Mais nous pensons aussi que la démocratie a un prix et qu’il est absurde de ne plus envoyer de propagande électorale ou de professions de foi, en particulier dans les territoires ruraux. Je suis révolté que cette proposition revienne année après année – tel le « canard qui est toujours vivant » – alors que la crise démocratique est extrêmement préoccupante.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Voulez-vous, monsieur Larrivé, que je vous fasse le coup du canard à chaque amendement redéposé huit fois – en loi de finances, en loi de finances rectificative, en première lecture, en deuxième lecture, chaque année ? Je vous ferai désormais la même réponse dans l’hémicycle lorsqu’on reviendra sur le taux de TVA applicable au bois de chauffage ou sur d’autres amendements qui, régulièrement repoussés par le Parlement, sont ensuite régulièrement représentés, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Sur chaque texte financier, un millier d’amendements sont déposés, et la plupart d’entre eux sont des « marronniers ». Je me souviendrai donc de votre intervention, monsieur Larrivé. Vous ne participez pas tellement à ces débats budgétaires, ce dont je ne vous fais pas le reproche : chacun s’investit dans les domaines qui sont les siens, je le sais en tant qu’ancien parlementaire. Mais venez donc un jour sur l’allée des marronniers que nous traversons à chaque débat budgétaire, plusieurs fois par an…
D’autre part, je n’ai pas plus que Bernard Cazeneuve l’habitude de ne pas assumer les propositions que nous faisons : elles sont formulées par le Gouvernement et non par l’administration. Nous sommes à peu près assurés de ne pas faire un triomphe avec une telle proposition. Si nous vous la soumettons, c’est que je suis constamment relancé par des parlementaires et, plus largement, par des usagers qui nous demandent de mettre en œuvre, au sein de l’administration, des moyens modernes de fonctionnement – pour le paiement des amendes, pour la déclaration et le paiement des impôts, etc. Nous nous félicitons généralement de pouvoir proposer à nos concitoyens des moyens de communication dématérialisés, d’emploi facile et rapide, accessibles de chez soi, pour la délivrance de documents et la consultation de certaines informations.
Je comprends tous les arguments qui ont été développés, mais on peut se demander s’il est très bon, pour le bilan carbone, de couper des arbres pour faire du papier, puis d’enfouir le papier, comme on l’a proposé. Pascal Popelin suggère une solution de compromis, sur laquelle on pourra réfléchir. Quoi qu’il en soit, le débat aura lieu dans l’hémicycle. Toutes les positions sont respectables et le Gouvernement en tirera les conséquences.
Notre objectif n’est pas seulement de faire des économies. Les entreprises, les citoyens ont le droit d’exiger de l’État qu’il permette d’effectuer certaines démarches sur internet. Mais lorsque c’est l’État qui tente de modifier les procédures, que n’entend-on pas ? Rappelez-vous le débat qui s’est développé autour de l’obligation de télédéclarer ses impôts – qui n’est pas très contraignante.
Monsieur Marleix, j’ai en effet souri quand vous avez comparé la RGPP à certaines des réformes structurelles que nous avons engagées, notamment celle qui concerne les préfectures, le PPNG. En 2011, François Cornut-Gentille – qui, je crois, n’est pas un extrémiste de gauche et qui, à l’époque, ne combattait pas le gouvernement – et moi-même avons produit un rapport parlementaire sur la RGPP : nous y montrions qu’elle avait eu le tort de ne pas faire ce que vous avez prétendu qu’elle a fait, c’est-à-dire de ne pas avoir préalablement clarifié les missions de l’État pour en tirer les conséquences en termes d’investissements, de personnels, et pour développer certains outils. Un fonctionnaire sur deux partant en retraite n’était pas remplacé, quelle que soit sa mission, sa fonction, l’endroit où il travaillait. Et, comme la plupart des économies réalisées ont été recyclées dans des mesures catégorielles, le gain a été quasi nul. Je vous renvoie à ce rapport, qui nous a demandé beaucoup de travail et qui se fondait sur d’innombrables auditions.
Monsieur Marleix, notre stratégie est complètement différente. Reste que je n’ai pas très bien compris votre message. Regrettez-vous que le PPNG aille trop vite et qu’il supprime trop d’emplois ? Ou regrettez-vous qu’il aille trop lentement ? Je crois savoir que certains veulent « économiser » 300 000 fonctionnaires, voire davantage. De votre côté, vous avez pointé le fait que 813 emplois ont été supprimés de telle année à telle année. Était-ce un reproche ? Souhaitez-vous qu’il y en ait davantage ?
En 2014, quand je suis arrivé à Bercy, la première conférence budgétaire que j’ai organisée l’a été avec Bernard Cazeneuve. Il venait de quitter le bureau que j’occupais alors, pour se retrouver au ministère de l’intérieur. Nous avons débattu du sujet suivant : à quel rythme peut-on réduire les effectifs, notamment dans le cadre des missions des préfectures, telles qu’elles ont été décrites ? Nous nous sommes un peu chamaillés. Bernard Cazeneuve défendait les crédits dont il estimait avoir besoin pour mettre en place des plateformes pour la délivrance des titres, ainsi que des pôles spécialisés, par exemple, dans le contrôle de légalité ou les affaires complexes, et pour faire du dialogue social avec les personnels. Aussi n’avons-nous pas suivi la trajectoire de réduction des effectifs que nous avions prévue dans notre loi de programmation des finances publiques. Au ministère de l’intérieur, il y eut à cela deux raisons : la première est liée aux efforts que nous avons dû faire pour assurer la sécurité des Français et lutter contre le terrorisme ; la seconde est liée à l’argumentation du ministre. Bernard Cazeneuve estimait que c’était incompatible avec la situation sociale des personnels, et avec la démarche constructive qu’il entendait engager afin de garantir, dans la durée, une meilleure efficacité.
Monsieur Marleix, votre propos me semble caricatural, plutôt erroné et en pleine contradiction avec la démarche qui a été suivie. Quelques ministères ont réduit les effectifs sans engager de réforme structurelle ; je n’en citerai aucun, mais les résultats ont pu être décevants. Ce ne fut pas le cas du ministère de l’intérieur, et il faut reconnaître que la mise en œuvre des réformes qu’il a engagées a de quoi rassurer.
Madame Dalloz, vous êtes revenue sur les conséquences de la réforme territoriale issue de la loi NOTRe et sur les économies qu’avait annoncées un secrétaire d’État de l’époque, André Vallini. Les choses mettent du temps à s’organiser dans les nouvelles régions, aussi bien au niveau des conseils régionaux que de l’administration. Il se trouve que, sur deux points au moins, j’avais travaillé avec les nouveaux préfets – à l’époque préfets préfigurateurs. Notre analyse était plutôt de nature budgétaire. Selon nous, les implantations des nouvelles directions régionales étaient liées non seulement à des questions d’organisation, mais aussi à des questions d’ordre immobilier. Lorsqu’un site se prêtait à accueillir une direction régionale, il y avait lieu d’en tenir compte. L’inverse était tout aussi important : parfois, il pouvait être impossible d’accueillir, en tout cas à moindres frais, certains services dans certaines villes, futures ou anciennes capitales régionales. Certes, l’immobilier de l’État se modernise et sa gestion s’améliore. Mais nous devons reconnaître que, depuis quelques décennies, elle n’a pas toujours été exemplaire, du point de vue strictement financier comme du point de vue de l’entretien des bâtiments.
Vous avez également soulevé la question des achats. Il est vrai que le service des achats de l’État obtient aujourd’hui des résultats assez impressionnants – renégociation des baux de location, passation de marchés en commun par plusieurs ministères, au niveau national comme au niveau régional.
En conclusion, il me paraît aujourd’hui prématuré de chiffrer les économies liées à la loi NOTRe ou à tout autre texte concernant les administrations territoriales. Certaines économies apparaîtront au cours du temps, qui ne sont pas forcément perceptibles dans l’instant.
Dominique Baert a évoqué la question de la délivrance des titres sécurisés, notamment la prise en compte d’éventuels changements d’adresse sur les cartes nationales d’identité. Je transmettrai votre point de vue à Bernard Cazeneuve. Peut-être pourra-t-on réfléchir à la question, qui relève, selon moi, plutôt du domaine réglementaire.
Marc Dolez a lui aussi parlé du PPNG. S’agissant des personnels, il n’y a eu aucune mobilité contrainte. La rotation des effectifs a eu lieu à l’issue d’une grande concertation : 4 000 agents travaillaient sur les titres concernés par ce plan ; à compter de 2017, 1 500 vont intégrer les CERT ; 200 vont gérer des missions de proximité ; 1 000 seront effectivement redéployés ; et 1 300 contribueront à la réduction des schémas d’emplois de 2017 et de 2018. Avec les 1 000 emplois qui seront redéployés dans d’autres fonctions sur l’ensemble du territoire national, on devrait pouvoir absorber ces évolutions en évitant toute mobilité contrainte.
S’agissant des formations, j’ai déjà donné quelques précisions : 2 300 agents sont déjà entrés en formation ; 1 000 agents de catégorie A et 900 agents de catégorie B le feront d’ici à 2020, tout en réalisant le schéma d’emplois. Cela permettra le repyramidage des services, et l’on ouvrira des places aux concours pour assurer les évolutions de carrière. Je pense que, là aussi, les choses seront gérées avec souplesse.
Monsieur Marleix, vous avez parlé des délais d’instruction des ICPE, qui ont en effet tendance à s’allonger. Cela s’explique par la place que l’on accorde à la consultation du public. On nous reproche parfois la brutalité des décisions concernant les ICPE. Mais, aujourd’hui, le Gouvernement entend développer la concertation et la consultation citoyenne.
Dans le même temps, je le rappelle, d’autres délais ont été réduits. En effet, certaines procédures ont été regroupées dans un système d’autorisations unique. Il n’en reste pas moins que les différentes formes d’appel ou de procédures contradictoires allongent les délais à l’excès.
Madame Louwagie, les maires qui vont délivrer les cartes nationales d’identité s’inquiètent du calendrier et du nombre de dispositifs de recueils biométriques dont ils seront équipés, ainsi que de l’indemnisation dont ils bénéficieront. En accord avec l’Association des maires de France, présidée par M. Baroin, le Gouvernement a accepté de satisfaire les demandes portant sur le nombre des dispositifs de recueils biométriques, et un accord a été trouvé sur la question de l’indemnisation. Malgré tout, le Gouvernement s’en tient au calendrier prévu qui, d’ailleurs, conditionne la mise en œuvre de l’ensemble du programme PPNG auquel les agents de l’État sont formés individuellement.
Des questions ont été posées sur la réforme des arrondissements et le nombre de sous-préfectures. J’aimerais que M. Marleix nous dise combien de sous-préfectures il souhaite supprimer, tout en accordant davantage de pouvoirs aux préfets et aux sous-préfets. Nous devons tous nous engager à être plus clairs : on ne peut pas nous reprocher de supprimer trop de postes de fonctionnaires, tout en annonçant qu’on a l’intention d’en supprimer 300 000 !
Le président Carrez a remarqué que, pour chaque mission du budget, les demandes de crédits supplémentaires se multiplient, notamment du côté droit de l’hémicycle. Quand j’entends que certains veulent faire 100 ou 150 milliards d’euros d’économies, j’ai du mal à ne pas sourire. Il y a des cohérences qui m’échappent…
La mise en cohérence des limites des arrondissements dans soixante-douze départements, avec les nouvelles limites des établissements publics de coopération intercommunale, se fera par arrêté des préfets de région. C’est une procédure simple et qui pourra aboutir dans des délais plutôt rapides.
J’ai répondu tout à l’heure sur les 8 millions de la dématérialisation. Mais chacun a compris que l’article 52 avait une durée de vie limitée…
La question de la création des fichiers a été évoquée hier par le ministre de l’intérieur, à l’occasion d’une question d’actualité. Je pense que tout a été dit et qu’il n’est pas utile de vous relire le contenu de la réponse de Bernard Cazeneuve. Là aussi, la schizophrénie nous menace : les uns disent que l’on en fait trop en matière de surveillance et de sécurité, et les autres, qui sont parfois les mêmes, que l’on n’en fait pas assez. La CNIL est là, qui surveille. J’observe que cette question se pose dans d’autres domaines, dans d’autres ministères, sur l’utilisation des fichiers, des numéros d’identification personnalisée, s’agissant notamment des impôts.
Monsieur Popelin, vous m’avez interrogé sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui a été transféré au ministère de l’intérieur. Ce ne sont pas forcément des crédits nouveaux, mais des crédits majorés : 17,4 millions d’euros sont consacrés aux actions en faveur des jeunes – actions de prévention de la récidive, insertion professionnelle – ; 9,6 millions d’euros sont consacrés à la prévention des violences faites aux femmes, des violences intrafamiliales et à l’aide aux victimes ; 16,2 millions sont consacrés aux actions visant à améliorer la tranquillité publique, à soutenir l’ingénierie de projets et aux autres actions de prévention de la délinquance – dont la vidéoprotection.
Quelles sont les méthodes utilisées pour retenir les dossiers ? Vous avez évoqué deux dossiers en souffrance – s’il n’y en avait que deux dans ce pays, cela se saurait… Mais le ministre de l’intérieur vous répondra directement sur la façon dont son ministère travaille pour classer les dossiers qui lui sont présentés selon un ordre de priorité.
Le plan de lutte antiterroriste bénéficiera quant à lui de 15,1 millions d’euros, notamment pour l’équipement des polices municipales avec les gilets pare-balles et les terminaux radio portatifs, et de 22 millions d’euros – il n’y avait d’ailleurs rien en 2016 – pour le GIP « Réinsertion et citoyenneté » qui doit assurer le pilotage des nouveaux centres de déradicalisation.
Enfin, M. Tardy m’avait interrogé sur la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne. La réponse, que je n’ai pas, lui sera transmise.
M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Fin 2013, dans le cadre de cette mission, j’avais auditionné le président de la CNCCFP. Celui-ci m’avait assuré que la commission avait les moyens de fonctionner. A priori, donc, il n’y avait pas de problème.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Toutes les demandes ont été prises en compte dans le projet de loi de finances, et quatre ETPT ont été accordés à la CNCCFP en 2017. Je ne sais pas si c’est beaucoup ou peu, mais il semblerait que cette autorité indépendante ne se plaigne pas de ses crédits de fonctionnement, et qu’elle ait les moyens d’effectuer son travail.
M. David Habib, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La dématérialisation des comptes de campagne fait l’objet d’un débat, et le ministre aura l’occasion d’y revenir en séance. Il est incontestable qu’il faut dématérialiser les comptes de campagne. La commission est confrontée à un problème de stockage, d’archivage. Or elle doit pouvoir gérer plus rapidement les dossiers des candidats, qu’ils aient ou non bénéficié de soutiens extérieurs de campagne – je fais allusion, vous l’aurez compris, à un dossier que l’actualité a évoqué à plusieurs reprises. Il faut notamment éviter qu’il y ait un décalage entre les décisions que pourrait prendre une instance administrative ou judiciaire, et la Commission de contrôle. Le problème est réel, même si ce n’est pas à moi de revenir dessus.
Je rejoins les propos de M. Marleix sur les délais d’instruction des dossiers dans les préfectures. Je le dis sans polémiquer – nous sommes tous concernés, car nous sommes tous des élus locaux, nous sommes tous, ou avons été, responsables d’exécutifs. Si j’en crois les interventions, le problème n’est pas lié à l’éloignement par rapport à Paris. J’avais toujours pensé que l’élu d’un département situé à 800 km de Paris mettait plus de temps pour obtenir des autorisations. Mais, à l’évidence, il ne les obtient pas plus vite s’il est proche de la capitale. Il faut engager une réflexion sur les délais d’instruction.
Enfin, M. Marleix a compris que l’on devait attendre que la carte des intercommunalités soit établie pour pouvoir procéder à une harmonisation avec la carte des sous-préfectures. C’est faire un mauvais procès au Gouvernement de prétendre qu’il aurait attendu que les élus eux-mêmes aient pris leurs responsabilités. Si le Gouvernement avait agi autrement qu’il ne l’a fait, je suis persuadé que M. Marleix serait intervenu pour le déplorer.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Je souhaite dire un mot sur les comptes de campagne et sur le principe de la dématérialisation, qui peut paraître contraignante. Mais tout ce qui est transmission dématérialisée permet un traitement beaucoup plus rapide. Nous avons imposé à de très grandes entreprises la transmission dématérialisée d’un certain nombre de comptabilités. Vous ne pouvez savoir combien nos contrôleurs s’en réjouissent ! Il leur est bien plus facile de vérifier une comptabilité sur un fichier électronique que sous la forme de 3 mètres cubes de papier : c’est le jour et la nuit ! Tous nous disent que ce genre de dispositions apporte un gain de productivité, mais surtout une bien plus grande efficacité.
Je remarque que les grandes entreprises, comme les parlementaires qui auraient à transmettre des comptes de campagne, sont en général reliées à internet.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai, cela ne posera pas de problème !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Reste qu’il faudra revoir la loi de 1988, qui ne le prévoit pas. Or on ne peut pas le faire sans l’avis préalable de la CNCCFP. Je ne sais si c’est envisageable avant les prochaines élections.
M. le président Gilles Carrez. Merci, monsieur le secrétaire d’État.
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À l’issue de l’audition de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis « Administration territoriale de l’État et pilotage des politiques de l’Intérieur » ; M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative »).
Conformément aux conclusions de MM. Michel Zumkeller et Paul Molac, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2017.
Article 52 (art. L. 165, L. 166, L. 330-6 et L. 395 du code électoral) : Réforme de la propagande électorale
M. Dominique Raimbourg, président. Nous sommes saisis de quatre amendements tendant à supprimer l’article 52, nos II-CL32 de M. Paul Molac, II-CL28 de M. Olivier Marleix, II-CL31 de Mme Anne-Yvonne Le Dain et les membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain, et II-CL35 de M. Michel Zumkeller. Nous avons déjà longuement débattu de la dématérialisation de la propagande électorale (43) ; je vous propose de donner la parole au rapporteur et de voter sur ces amendements de suppression.
M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative ». Parmi les arguments qui ont été précédemment développés au soutien de cette dématérialisation je tiens à relativiser celui qui mettait en avant son bénéfice supposé sur l’environnement. Je vous renvoie à une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qui a démontré qu’il n’était vertueux de remplacer le papier par des procédés dématérialisés que lorsque les documents sont volumineux.
Suivant l’avis de M. Paul Molac, rapporteur pour avis, la Commission adopte les amendements nos II-CL32, II-CL28, II-CL31 et II-CL35 de suppression. Elle émet, par conséquent, un avis défavorable à l’adoption de l’article 52.
Après l’article 52
M. Dominique Raimbourg, président. Je suis le premier signataire de l’amendement n° II-CL33, qui s’inscrit dans le prolongement du déplacement que la commission des Lois a effectué le 5 juillet dernier à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), dont le président avait été préalablement auditionné. Il est cosigné par des collègues appartenant à l’ensemble des groupes parlementaires, parmi lesquels des représentants des Français établis hors de France.
Il s’agit de modifier le taux de conversion utilisé pour l’inscription au compte de campagne des dépenses réglées en monnaie locale dans le cadre des élections législatives et sénatoriales dans les circonscriptions à l’étranger. Je vous propose de fixer ce taux au dernier jour du mois précédant le paiement de la dépense ou l’encaissement de la recette, au lieu du douzième mois avant l’élection, afin de limiter les risques de variation des parités monétaires. De surcroît, ce changement est cohérent avec la réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagne, issue de la loi du 25 avril 2016.
M. Paul Molac, rapporteur pour avis « Vie politique, cultuelle et associative ». J’y suis très favorable et j’ai d’ailleurs cosigné cet amendement.
Suivant l’avis de M. Paul Molac, rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement n° II-CL33.
● Ministère de l’Intérieur (Direction des Libertés Publiques et des Affaires Juridiques) :
— M. Thomas CAMPEAUX, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques ;
— M. Éric TISON, sous-directeur des libertés publiques ;
— M. Arnaud SCHAUMASSE, chef du bureau des cultes ;
— M. Christian PONCET, chargé de la préfiguration d'une fondation de l'Islam de France.
● Université de Paris I Panthéon-Sorbonne :
— M. Bernard LEGRAS, directeur du Diplôme Universitaire Connaissance de la laïcité.