N° 4132 tome V - Avis de M. Éric Ciotti sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
°  4132

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 4061)
de
finances pour 2017

TOME V

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

ASILE

PAR M. Éric CIOTTI

Député

——

Voir le numéro : 4125-III-30

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2016 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, l’intégralité des réponses attendues était parvenue à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’Intérieur de leur collaboration.

SOMMAIRE

___

Pages

I. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ASILE 6

A. L’ACTION « GARANTIE DE L’EXERCICE DU DROIT D’ASILE » 6

1. L’hébergement des demandeurs d’asile 6

2. L’allocation pour demandeurs d’asile 9

3. La subvention versée à l’OFPRA 11

B. L’ACTION « ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS » 12

1. Les centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH) 12

2. Les actions d’accompagnement des réfugiés 12

II. UN GOUVERNEMENT DÉPASSÉ PAR LA CRISE MIGRATOIRE 13

A. UNE DEMANDE D’ASILE EN AUGMENTATION CONTINUE 13

1. Une augmentation des demandes de 30 % en trois ans 13

2. Les opérations de réinstallation et de relocalisation des réfugiés syriens 16

3. Des mesures d’éloignement toujours aussi peu exécutées 19

B. LE CAMPEMENT DE CALAIS, SYMBOLE DE L’IMPUISSANCE PUBLIQUE 20

1. Une prise en charge humanitaire extrêmement coûteuse 21

2. L’inscription des migrants dans les procédures de demandes d’asile 23

3. Les mesures de sécurisation 26

4. Des coûts directs supérieurs à 200 millions d’euros 27

EXAMEN EN COMMISSION 31

PERSONNES ENTENDUES 63

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Année après année, le constat dressé à l’occasion de l’examen des crédits dédiés à la politique d’asile est le même : le système français est au bord de l’embolie.

Alors que la demande d’asile a augmenté de plus de 30 % sur les trois dernières années, le Gouvernement se refuse toujours à engager une réforme globale de sa politique en la matière. Au fil des plans qui sont annoncés, des lois qui sont votées et des projets de budget qui sont présentés, il se contente de poser quelques « rustines » sans commune mesure avec les enjeux.

Le projet de loi de finances pour 2017 ne fait pas exception. Les crédits inscrits au titre de la politique d’asile, malgré une hausse salutaire, ne permettront pas de faire face à la situation. Le nombre de places en hébergement pour demandeurs d’asile, parce que programmé en 2015 en se fiant à des projections erronées effectuées en 2014, sera insuffisant pour absorber la totalité des demandes : une grande partie d’entre elles continueront donc d’être réorientées vers l’hébergement d’urgence de droit commun. L’allocation pour demandeurs d’asile est une nouvelle fois sous budgétée et proche de l’insincérité budgétaire. Les délais d’examen des demandes sont très éloignés des objectifs fixés par les indicateurs de performance. Les mesures d’éloignement des déboutés connaissent toujours un taux d’exécution proche du néant.

Cette incapacité du Gouvernement à prendre les décisions qui s’imposent entraîne un surcoût pour nos finances publiques aujourd’hui difficilement supportable. L’année dernière, reprenant un chiffre avancé par la Cour des comptes puis non assumé par elle, votre rapporteur pour avis avait chiffré le coût total de notre politique d’asile à près de deux milliards d’euros. Votre rapporteur est convaincu que ce montant sera probablement dépassé cette année et l’année prochaine.

Après avoir présenté l’essentiel des crédits dédiés à l’asile au sein de la mission « Immigration, asile et intégration », le présent avis se penchera sur la situation du camp de migrants de Calais. Depuis plus de deux ans, le Gouvernement a laissé s’enkyster une situation qui se dégrade de jour en jour, avec une dimension humanitaire très préoccupante, une violence quotidienne et une insécurité permanente. Votre rapporteur pour avis a essayé de reconstituer les coûts pour la collectivité de cette indécision du Gouvernement : plus de 200 millions d’euros, sans compter les coûts indirects.

La mission « Immigration, asile et intégration » comprend deux programmes : le programme « Immigration et asile » (n° 303) et le programme « Intégration et accès à la nationalité française » (n° 104).

Les crédits de la mission inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017 s’élèvent à 1,182 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1,056 milliard d’euros en crédits de paiement (CP), soit des augmentations de respectivement 47 % en AE et 31,3 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. À périmètre courant, c’est-à-dire hors réaffectation des taxes perçues par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), à hauteur de 133 millions d’euros, les crédits pour 2017 s’élèvent en réalité à 1,049 milliard d’euros en AE (+ 30,4 %) et 923,12 millions d’euros en CP (+ 14,8 %).

Les crédits consacrés à l’asile sont regroupés dans deux actions, objet du présent avis : l’action n° 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » du programme n° 303 et l’action n° 15 « Accompagnement des réfugiés » du programme n° 104.

Avec respectivement 815,23 et 26,72 millions d’euros d’AE, ces deux actions représentent plus de 80 % des crédits totaux de la mission. Ils sont en hausse de 36,3 % par rapport à 2016.

L’action n° 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » regroupe 87,2 % des crédits du programme n° 303 « Immigration et asile ». Pour 2017, ils s’élèvent à 815,23 millions d’euros en autorisations d’engagement et 687,47 millions d’euros en crédits de paiement, soit des hausses de 36,5 % et 15,1 % par rapport à 2016.

Ces crédits financent principalement l’hébergement des demandeurs d’asile, l’allocation pour demandeurs d’asile et la subvention versée à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).

Les crédits consacrés à l’hébergement des demandeurs d’asile s’élèvent à 525 millions d’euros en AE et 398 millions d’euros en CP pour 2017, (+ 14,4 % en CP par rapport à 2016). Ils doivent permettre de mettre en œuvre la programmation arrêtée par le schéma national d’accueil pour les demandeurs d’asile.

Le schéma national d’accueil pour les demandeurs d’asile

Le nouvel article L. 744-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, introduit par l’article 23 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile, prévoit que le Gouvernement arrête un schéma national d’accueil pour les demandeurs d’asile, qui fixe la répartition des places d’hébergement destinées aux demandeurs d’asile sur le territoire national. Ce schéma est ensuite décliné au niveau régional.

Le premier schéma national a fait l’objet d’un arrêté du ministre de l’Intérieur, après avis des ministères chargés des affaires sociales et du logement, le 21 décembre 2015.

Il fixe comme objectif 60 864 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile au 31 décembre 2017 – contre 49 834 au 1er janvier 2015 – dont 40 352 en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) – contre 25 723 au 1er janvier 2015.

RÉPARTITION DES PLACES D’HÉBERGEMENT EN 2017 SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

Source : ministère de l’Intérieur.

Le renforcement des capacités d’hébergement est une absolue nécessité : votre rapporteur pour avis l’a souligné à de nombreuses reprises par le passé car les crédits alloués d’année en année se sont systématiquement avérés insuffisants pour répondre aux demandes.

Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) sont au nombre de 350 aujourd’hui. Ils offrent aux demandeurs un hébergement ainsi que des prestations d’accompagnement social et administratif.

Le Gouvernement a fait le choix ces dernières années de généraliser le modèle des CADA comme principal mode d’hébergement alors que seuls 32,4 % des demandeurs d’asile admis au séjour y étaient hébergés en 2012.

Après 3 000 places créées en 2013 et 2014 et 5 000 places en 2015, ce sont 8 630 places supplémentaires qui devraient ainsi être créées avant la fin de l’année 2016 : 3 500 au titre des extensions de capacité prévues pour la mise en œuvre de la réforme de l’asile et 5 130 au titre du programme européen de relocalisation. Au total, 38 353 places devraient être disponibles à la fin de l’année 2016. Il convient de noter qu’il ne s’agit pas nécessairement de créations nettes de places, une partie des places de CADA créées étant en effet issues de la transformation de places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA).

Pour 2017, 2 000 places supplémentaires sont prévues afin de respecter la programmation du schéma national d’accueil. Les crédits de paiement alloués aux CADA seront de 280 millions d’euros en 2017, contre 220,8 millions d’euros en 2016.

La création de capacités d’hébergement supplémentaires en CADA n’a cependant pas eu d’effet significatif sur le taux de prise en charge des demandeurs d’asile car elle n’a pas suivi la forte hausse des demandes d’asile : après être monté à 39,4 % en 2014, le taux de demandeurs d’asile hébergés en CADA est retombé à 36,9 % en 2015.

Les CADA sont des structures très hétérogènes, dont les capacités d’accueil sont variables : certains sont des structures collectives quand d’autres regroupent un ensemble d’appartements. Le coût journalier d’une place en CADA devrait être, en moyenne, de 19,5 euros en 2016 contre 24 euros en 2015.

L’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA) complète le parc des places de CADA. Il offre, dans certains cas, des conditions d’accueil similaires à celles observées en CADA et, dans d’autres, des chambres en établissement hôtelier, à caractère transitoire.

Pour 2017, ce sont 245,76 millions d’euros d’AE et 118 millions d’euros de CP qui sont inscrits, ce qui devrait permettre de financer 21 200 places, à 16 euros en moyenne par jour.

6 083 places relevant du dispositif « Accueil temporaire – service de l’asile » (AT-SA) seront tout d’abord financées. Ces places sont majoritairement destinées à l’hébergement de demandeurs d’asile arrivant dans les zones accueillant les flux les plus importants, en particulier dans le Calaisis et en Ile-de-France.

5 351 places seront également ouvertes pour une durée de cinq années, après un appel d’offres national. Cette démarche est une étape de la mise en œuvre du plan « Migrants » présenté par le Gouvernement au printemps 2015. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit les autorisations d’engagement qui serviront à financer le marché pour les cinq prochaines années.

9 837 places seront enfin créées au niveau déconcentré par les préfets, soit en structures collectives, soit en hôtel.

LE DISPOSITIF NATIONAL D’ACCUEIL (DNA)

 

 

2014

2015

2016

(au 30 juin)

Nombre de places disponibles dans le DNA

CADA

24 418

28 104

31 869

AT-SA

2 393

3 545

6 033

HUDA

 

12 246

11 829

 

       

Nombre d’entrées CADA

 

14 958

17 514

1 1164

Nombre d’entrées AT-SA

 

1 619

2 211

2 297

Durée moyenne de séjour en CADA

Globale

543

528

488

déboutés

573

577

591

réfugiés

573

495

445

Source : ministère de l’Intérieur.

Si la programmation est respectée, ce sont donc 60 864 places d’hébergements pour les demandeurs d’asile qui devraient être disponibles à la fin de l’année 2017. Ce chiffre est à mettre en relation avec le nombre total de demandes d’asile enregistrées : 80 075 en 2015, probablement 90 000 en 2016 et peut-être plus de 100 000 en 2017.

Cela signifie que le schéma national d’accueil adopté l’année dernière est en réalité déjà caduc et qu’il ne mettra pas fin à l’engorgement des hébergements pour demandeurs d’asile. Cela aura pour conséquence d’orienter les demandeurs d’asile vers l’hébergement d’urgence généraliste relevant du ministère du Logement (1), où ils ne bénéficient pas du même suivi et du même accompagnement que dans les centres qui leur sont dédiés : le nombre de demandeurs d’asile en cours de procédure hébergés par ce dispositif n’est pas connu, faute d’outil de pilotage informatisé géré au niveau national. Votre rapporteur pour avis avait déjà pointé cette insuffisance l’année dernière et appelle une nouvelle fois le Gouvernement à se doter des outils de suivi indispensables au comptage de cette population.

L’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) est une prestation financière versée aux demandeurs pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur dossier, y compris en cas de recours devant la Cour nationale des demandeurs d’asile (CNDA). Elle est versée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) aux demandeurs qui ont accepté les conditions matérielles d’accueil qui leur ont été proposées par l’Office et sous réserve qu’ils ne disposent pas de revenus supérieurs au revenu de solidarité active (RSA).

Créée par l’article 23 de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, cette allocation s’est substituée, le 1er novembre 2015, à l’allocation temporaire d’attente (ATA) et à l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) afin de réduire les inégalités résultant de la différence de régime entre ces deux allocations et de prendre en compte la composition familiale dans le calcul de la nouvelle allocation.

Son montant moyen est de 8,5 euros par jour et par ménage, mais varie en fonction de la composition familiale et du mode d’hébergement du demandeur d’asile : il est ainsi de 6,80 par jour pour une personne, et de 17 euros pour un ménage de quatre personnes, ce montant pouvant être majoré de 4,20 euros par personne si le ménage ne s’est pas vu proposer un hébergement.

Pour 2017, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances s’élèvent à 220 millions d’euros, ce qui correspond à une prévision de 72 000 bénéficiaires mensuels. En 2016, 137,5 millions d’euros avaient été inscrits pour une prévision de 44 800 bénéficiaires. Votre rapporteur avait alors fait part de sa circonspection devant les hypothèses retenues par le Gouvernement, qui reprenaient les chiffres de demandeurs d’asile des années précédentes.

Ces réserves se sont avérées justifiées puisque, selon les réponses apportées par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteur, la prévision annuelle d’exécution pour l’année 2016 serait proche de 315 millions d’euros, soit plus du double de ce qui avait été prévu dans le PLF pour 2016.

Cette sous-budgétisation n’est pas nouvelle : depuis 2012, un véritable phénomène de « boule de neige » s’est enclenché, des montants de plus en plus importants ne pouvant être pris en compte chaque année par des crédits ouverts toujours insuffisants. Au final, « les montants cumulés d’impayés sont de plus en plus élevés au moment de l’arrêt des comptes au 31 décembre » relevait ainsi la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire (NAEB) sur l’année 2014 (2). Pour l’ATA, ce report de charges s’élevait ainsi à 41,66 millions d’euros en 2013, à 58,69 millions d’euros en 2014 avant de bondir à 182,08 millions d’euros en fin d’année 2015. « Cette situation pose le triple problème de la régularité, de la soutenabilité et de la sincérité » concluait la haute juridiction financière dans sa NAEB sur l’année 2015 (3).

Votre rapporteur pour avis constate que, malgré une hausse significative des crédits inscrits pour financer l’ADA, le Gouvernement présente, une nouvelle fois, un budget proche de l’insincérité budgétaire, clairement pas à la hauteur des enjeux de notre politique d’asile.

L’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) est l’établissement public, placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, qui instruit les demandes d’asile et assure ensuite la protection des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire.

La subvention pour charges de service public qui lui est versée par le ministère de l’Intérieur représente la quasi-totalité de son budget. Pour 2017, elle s’élève à 65 millions d’euros, soit une augmentation de 11,37 millions par rapport à 2016 (+ 37,4 %). Depuis 2012, les crédits de l’opérateur auront quasiment doublé puisqu’ils s’élevaient à 36,85 millions d’euros à cette date.

Ces augmentations successives ont permis de financer d’importants relèvements du plafond d’emploi : de 455 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2012, les effectifs ont été progressivement portés à 525 en 2015 puis 632 ETPT en 2016. Pour 2017, le plafond d’emploi de l’Office passera à 780 ETPT : 5,52 millions d’euros permettront de financer en année pleine les 100 emplois obtenus en 2016, qui intégreront l’Office le 1er décembre prochain, et 3,03 millions d’euros financeront le renfort de 40 emplois supplémentaires au 1er janvier 2017.

Votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction la volonté du Gouvernement de donner en 2017 à l’OFPRA des moyens plus en adéquation avec l’ampleur des missions qu’il accomplit. La réduction du délai moyen de traitement d’un dossier de demande d’asile par l’Office constitue en effet un impératif pour diminuer les coûts d’accueil et d’hébergement des demandeurs : un mois de traitement correspondait ainsi à une dépense de l’ordre de dix à quinze millions d’euros en 2015 selon le ministère de l’Intérieur – probablement un peu plus aujourd’hui, compte tenu de l’augmentation des demandes.

Dans son plan dévoilé au printemps 2015 « Répondre au défi des migrations – Respecter les droits, faire respecter le droit », le Gouvernement fixait comme objectif à l’OFPRA de réduire à 90 jours le délai d’examen des dossiers, contre 203 en 2014. Cet objectif n’a été atteint ni en 2015, où il est au contraire passé à 216 jours, ni en 2016, où il a été réduit à 140 jours. L’objectif de 90 jours constitue toujours une priorité pour l’année 2017 : le directeur général de l’Office, M. Pascal Brice, a indiqué à votre rapporteur pour avis lors de son audition qu’il serait en mesure de l’atteindre à condition que les demandes d’asile n’augmentent pas de plus de 15 à 20 % en 2017 par rapport à l’année 2016.

L’action n° 15 « Accompagnement des réfugiés » soutient l’accès au logement et à l’emploi des réfugiés et des bénéficiaires de protections internationales qui ont besoin d’un accompagnement spécifique. Pour 2017, les crédits de cette action s’élèvent à 26,72 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une hausse de 29,8 % par rapport à 2016.

Les centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH) sont au nombre de 34, répartis sur l’ensemble du territoire national, à l’exception de la Corse et de la Normandie. Ils disposent de 1 601 places en 2016, 500 places ayant été créées en 2015. La mission principale de ces structures est de favoriser l’accompagnement des réfugiés présentant des difficultés et nécessitant une prise en charge complète dans les premiers mois après l’obtention de leur statut. Elles sont financées par les services déconcentrés de l’État.

Le parc des CPH est très hétérogène puisque les modes d’hébergement proposés peuvent être soit collectifs dans des résidences, soit diffus dans un ensemble de logements répartis dans le parc de logement de droit commun. Le coût journalier de la place est estimé à 27,20 euros.

Pour 2017, une nouvelle campagne visant à créer 500 places de CPH supplémentaires a été lancée l’été dernier, assortie d’une dotation de 5 millions d’euros, portant le total des crédits consacrés aux CPH à 20,95 millions d’euros.

Ces actions d’accompagnement sont mises en œuvre et gérées par le secteur associatif. Elles comprennent notamment des aides et secours, par l’attribution de bourses pour la poursuite d’études universitaires, et des interventions en faveur de la promotion sociale et professionnelle. Sont ainsi financés, pour un montant de 3 millions d’euros, des dispositifs d’hébergement spécifiques pour les réfugiés isolés, non francophones et en difficulté sociale.

La dotation pour 2017 est en augmentation de 1,5 million d’euros par rapport à 2016 et s’établit à 5,7 millions d’euros.

Depuis le début de la crise migratoire née du chaos en Syrie et en Irak, la France fait face à un niveau inédit de demandes d’asile. Si elle peut sembler, au regard du nombre total de demandes déposées, plus épargnée que certains de ses partenaires européens, l’incapacité du Gouvernement à prendre les mesures rendues nécessaires par cette situation se traduit par la présence, sur notre territoire, d’un nombre grandissant de migrants au statut incertain. La politique erratique menée dans le Calaisis depuis plus de deux ans résume parfaitement l’indécision du Gouvernement.

Après une hausse de 8 % de la demande d’asile globale (mineurs accompagnants et réexamens inclus) entre 2012 et 2013, une légère inflexion de - 2,2 % avait été observée en 2014. Cette année-là, 64 811 demandes de protection internationale (réexamens et mineurs accompagnants inclus) ont été enregistrées.

À l’inverse, l’année 2015 a connu une reprise de la demande d’asile à partir du troisième trimestre, encore plus marquée au dernier trimestre : 80 075 demandes ont été introduites, soit un accroissement annuel global de 24 %.

Sur l’ensemble de la période, entre 2012 et 2015, la demande de protection internationale sur le territoire français a ainsi augmenté de 30 %.

TOTAL DES DEMANDES D’ASILE DEPUIS 2012*

 

Total demandes d’asile *

Évolution en %

2012

61 468

 

2013

66 251

+ 8 %

2014

64 811

- 2,2 %

2015

80 075

+ 24 %

* 1ères DA mineurs inclus + réexamens

Source : ministère de l’Intérieur.

 

Au 30 juin 2016, une augmentation de 18,2 % par rapport au premier semestre de 2015 est constatée. Cette évolution est liée à la hausse des premières demandes (+ 27 %) et des réexamens (+ 50 %), tandis que les demandes émanant de mineurs accompagnants ont diminué de 24 %.

La part des seules premières demandes dans la demande globale, de l’ordre de 70 % entre 2013 et 2014, est depuis en augmentation (74 % en 2015, 75 % en 2016).

Dans le contexte de crise migratoire qu’a connu l’Europe en 2015, la France est toutefois moins frappée que certains de ses homologues (Allemagne + 175 %, Suède +100 %, Autriche + 215 %). Elle se place au sixième rang des pays d’accueil de demandeurs d’asile au sein de l’Union européenne, derrière l’Allemagne, la Hongrie, la Suède, l’Autriche et l’Italie.

DEMANDES D’ASILE AU SEIN DES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE

 

2012

2013

2014

2015

Allemagne

77 485

126 705

202 645

476 510

Hongrie

2 155

18 895

42 775

177 130

Suède

43 857

54 270

81 180

162 450

Autriche

17 415

17 500

28 035

88 160

Italie

17 335

26 620

64 625

84 085

France

61 468

66 251

64 811

80 075

Pays Bas

13095

13 060

24 495

44 970

Belgique

28 075

21 030

22 710

44 660

Royaume-Uni

28 800

30 585

32 785

38 800

Danemark

6 045

7 170

14 680

20 935

Espagne

2 565

4 485

5615

14 780

Grèce

9 575

8 225

9430

13 205

Irlande

855

945

1 450

3 275

Source Eurostat - Premières demandes + réexamens + mineurs accompagnants.

France : Source OFPRA.

En 2012 et 2013, les deux principaux continents de provenance des demandeurs d’asile étaient l’Europe et l’Afrique. Ces continents représentaient plus de 70 % des premières demandes, tandis que l’Asie comptait pour 24 % du total et l’Amérique pour 4 %. Depuis 2014, on observe une hausse croissante de la part des demandes en provenance d’Asie et dans une moindre mesure d’Amérique, tandis que celles en provenance d’Europe diminuent.

À l’issue du premier semestre 2016, les demandes européennes ne représentent plus que 15 % du total, contre 45 % pour les demandes en provenance d’Afrique, 32 % d’Asie et 8 % d’Amérique.

La composition du classement des principaux pays de provenance des primo-demandeurs d’asile a en effet notablement évolué entre 2014 et 2015.

Les deux pays les plus représentés dans la demande en 2014 – la République démocratique du Congo et la Chine – ont été supplantés en 2015 par le Soudan et la Syrie. L’accroissement de ces demandes, entamé en 2014, s’est amplifié tout au long de l’année 2015, en raison d’une démarche volontariste en faveur de l’asile à Calais et au bénéfice des personnes mises à l’abri depuis les campements parisiens, ainsi qu’avec l’accueil de Syriens dans le cadre d’opérations de réinstallation et de relocalisation (cf. supra).

Par ailleurs, la demande haïtienne est en augmentation constante depuis 2013, en particulier dans le département de la Guyane. Haïti est passé du neuvième rang des pays de provenance des demandeurs d’asile en 2014 au cinquième en 2015, puis au troisième à l’issue du premier semestre 2016.

Enfin, des pays, dont la demande était quasi inexistante auparavant ont vu celle-ci fortement progresser. Ainsi en est-il de l’Irak (du 24e rang des pays de provenance en 2014 au neuvième en 2015) ou de l’Afghanistan (au 31e rang en 2014, au neuvième en 2015, et au premier au 30 juin 2016).

PRINCIPALES NATIONALITÉS DES PRIMO-DEMANDEURS D’ASILE*

 

2015

2014

Évolution

Soudan

5 091

1 793

+ 183,9 %

Syrie

3 403

2 072

+ 64,2 %

Kosovo

3 139

1 594

+ 96,9 %

Bangladesh

3 071

2 425

+ 26,6 %

Haïti

3 049

1 730

+ 76,2 %

Rép. Dém. du Congo

2 937

3 782

- 22,3 %

Chine

2 815

2 497

+ 12,7 %

Albanie

2 245

1 944

+ 15,5 %

Irak

2 145

606

+ 254 %

Afghanistan

2 122

472

+ 349,6 %

Sous total

30 017

18 915

+ 58,7 %

Autres pays

29 318

26 539

+ 10,5 %

Total

59 335

45 454

+ 30,5 %

* hors mineurs accompagnants et réexamens

Source : OFPRA

À l’inverse, la Russie a disparu de la liste des dix premiers pays d’origine.

Les variations du niveau de la demande d’asile kosovare (inflexion à la hausse fin 2014, puis nouvelle baisse en 2015) s’expliquent en grande partie par le retrait du Kosovo de la liste des pays d’origine sûrs en octobre 2014, suivi de sa réinscription un an plus tard.

Il convient de noter que la protection accordée par l’OFPRA et la CNDA est en nette augmentation en 2015, puisque ce taux est passé à 31,5 % contre 28 % l’année précédente. Sur l’ensemble de l’année 2016, il devrait continuer à progresser pour s’établir à 35 %. Au total, l’OFPRA estime à 206 172 le nombre de personnes placées sous sa protection au 31 décembre 2015.

Les pays d’origine sûrs

La notion de pays d’origine sûr a été formalisée pour la première fois par la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 et introduite alors dans le droit national.

La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a maintenu le dispositif d’une liste nationale des pays d’origine sûrs (POS), autorisé par la directive « Procédures » du 26 juin 2013 et permettant la mise en œuvre d’une procédure accélérée. Ce dispositif constitue en effet un outil de gestion de la demande d’asile qui a fait la preuve de son efficacité en dissuadant des demandes manifestement étrangères à un besoin de protection.

Le législateur a cependant apporté des améliorations substantielles à ce dispositif, notamment en retenant une définition du POS très rigoureuse quant au respect effectif des droits et des libertés et en posant une exigence d’examen régulier afin de veiller à l’actualité et à la pertinence des inscriptions.

La liste des pays d’origine sûrs a fait l’objet d’un réexamen dans son ensemble à l’occasion du conseil d’administration de l’OFPRA du 9 octobre 2015, pour garantir sa conformité au droit nouvellement applicable. L’ensemble des pays précédemment inscrits sur la liste ont été à nouveau considérés comme des pays d’origine sûrs, à l’exception de la Tanzanie, et le Kosovo y a été ajouté.

L’inscription de ce pays a été rendue possible en raison des évolutions qui y sont intervenues depuis l’annulation de son inscription par le Conseil d’État en octobre 2014, évolutions qui ont conduit le Conseil de l’Union européenne à préconiser, en juillet 2015, l’inscription de ce pays par tous les États membres.

La liste des POS est actuellement composée de seize pays : Albanie, Arménie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Géorgie, Ghana, Inde, Kosovo, Macédoine (ARYM), Ile Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal et Serbie.

La demande syrienne est en forte hausse depuis 2012 : 637 demandes en 2012 (mineurs et réexamens inclus), 1 314 en 2013, 3 154 en 2014, 5 136 en 2015 et 2 278 sur le premier semestre 2016. Face à ces situations humaines particulièrement difficiles, l’OFPRA s’efforce d’apporter aux demandeurs une réponse dans les plus brefs délais (trois mois en moyenne). Le taux de protection est actuellement de 97 %, (2/3 de statuts de réfugié, 1/3 de protections subsidiaires).

Selon les sources Eurostat, à l’échelle de l’Union européenne, la demande d’asile en provenance de Syrie a progressé de 195,4 % entre 2014 et 2015 : 23 510 demandes en 2012, 50 470 en 2013, 122 800 en 2014 et 362 775 en 2015. À l’issue du premier trimestre 2016, l’Union européenne enregistre 102 350 demandes d’asile émanant de ressortissants d’origine syrienne.

En 2015, parmi les principaux pays d’accueil des réfugiés syriens, l’Allemagne est en tête avec 158 655 premières demandes, suivie par la Suède (50 890 premières demandes). Au terme du premier trimestre 2016, l’Allemagne se maintient au premier rang avec une augmentation significative des demandes (88 520 premières demandes), alors que la Suède (2 075 premières demandes) est supplantée par l’Autriche (3 145 premières demandes).

En septembre 2015, suite à l’arrivée importante de migrants à la fin de l’été en Bavière, une opération spécifique de solidarité avec l’Allemagne, décidée par les autorités françaises, a été mise en place, conduisant, après une mission sur place de l’OFPRA, à l’accueil de 520 personnes de nationalité syrienne, irakienne et érythréenne, en besoin manifeste de protection.

La France s’est par ailleurs engagée dans une importante opération de réinstallation pour les années 2015 à 2017.

Il s’agit, en premier lieu, d’honorer l’engagement découlant des conclusions du Conseil européen du 22 juillet 2015 prévoyant la réinstallation au niveau européen de 22 000 réfugiés en deux ans. La France a proposé d’accueillir 2 375 personnes.

Il s’agit, en second lieu, de mettre en œuvre un des volets de l’accord du 18 mars 2015 entre l’Union européenne et la Turquie, prévoyant, sous certaines conditions, des réinstallations en Europe et en vertu duquel la France pourrait accueillir 6 000 réfugiés syriens se trouvant en Turquie.

Il s’agit, enfin, de mettre en œuvre l’engagement français souscrit à l’égard du Liban visant à accueillir 2 000 ressortissants syriens réfugiés dans ce pays.

Sur ces bases, ce sont au total plus de 10 000 personnes que la France devra réinstaller d’ici la fin 2017. Les personnes sont retenues à la suite de missions conjointes de l’OFPRA et du ministère de l’Intérieur organisées sur place dans les pays de premier accueil. Au 31 août 2016, 1 870 personnes ont déjà été sélectionnées dans le cadre de ces engagements, et sont arrivées en France ou arriveront prochainement. Elles bénéficient dès leur arrivée d’un logement et d’un accompagnement dédié.

Les accueils au titre de la réinstallation sont financés grâce aux crédits obtenus à partir du fonds européen asile, migration et intégration (FAMI), dont la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l’Intérieur a été désignée autorité responsable par courrier du Premier ministre du 24 juillet 2015. Un montant de 6 000 euros par personne accueillie est versé à la France, 10 000 euros pour les personnes vulnérables ou issues des pays considérés comme prioritaires, tels la Syrie.

Un appel à projets a été publié le 20 mai 2016 par la DGEF, l’objectif général étant de sélectionner un vivier de prestataires en charge de la captation de logement et de l’accompagnement vers l’autonomie des réinstallés accueillis sur notre territoire.

La rétribution des prestataires, qui sera financée sur les crédits du FAMI, est calculée sur la base d’un forfait par personne réinstallée. Le forfait est dû aux prestataires qui proposent des places d’accueil pour les réinstallés, mettent à disposition une offre adaptée de logement, assurent l’acheminement des réfugiés depuis le lieu d’arrivée en France vers les logements qui leur sont destinés, offrent une aide de transition dans l’attente de l’accès aux droits sociaux, et mettent en œuvre l’accompagnement social vers l’autonomie pour une période moyenne de douze mois. L’accent est également mis sur l’apprentissage du français et l’accompagnement vers l’accès à l’emploi en ciblant les besoins de recrutement identifiés localement. Dans ce cadre, onze prestataires ont été sélectionnés par le comité de programmation du FAMI : la société d’économie mixte Adoma et les associations Ampil, Aurore, Coallia, Entraide Pierre Valdo, Forum Réfugiés-Cosi, France Horizon, France Terre d’Asile, Groupe SOS Solidarités, Un Toit Pour Tous et Viltaïs.

Un dispositif européen de relocalisation a également été mis en œuvre. Dans le cadre de ce programme, la France s’est engagée, aux termes des décisions prises par le Conseil de l’Union européenne les 14 et 22 septembre 2015, à accueillir 30 700 personnes dans les deux prochaines années.

La relocalisation concerne des demandeurs d’asile « ayant un besoin manifeste de protection » – Syriens, Erythréens et Irakiens – et qui sont déjà entrés sur le territoire de l’Union européenne. Elle est organisée à partir de centres d’accueil et d’orientation (« hot spots ») mis en place en Italie et en Grèce, premiers pays d’entrée dans l’Union européenne actuellement confrontés à une pression très forte sur leurs systèmes d’asile et d’accueil des demandeurs de protection internationale. Pour marquer la solidarité des autres États membres à l’égard de l’Italie et de la Grèce, 160 000 personnes seront relocalisées en deux ans dans l’ensemble des États membres participants au programme.

Les critères de relocalisation vers un État membre prennent en compte la proximité avec cet État, par la langue, les liens familiaux, un séjour ou des études, avec une priorité donnée aux personnes vulnérables.

Au 20 septembre 2016, près de 1 200 Syriens ont été accueillis en France dans le cadre de ce programme de relocalisation.

Les étrangers déboutés de leur demande d’asile ont vocation à quitter le territoire national sous peine de faire l’objet d’une mesure d’éloignement(4). S’ils ne bénéficient d’aucun droit au séjour après leur procédure d’asile, ils sont susceptibles d’être visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

En 2013, 20 783 OQTF ont été prises au motif que la personne visée avait été déboutée de sa demande d’asile. Ce nombre s’est élevé à 20 975 en 2014 et à 21 490 en 2015. Les outils statistiques ne permettaient pas, jusqu’en 2014, d’isoler parmi les étrangers en situation irrégulière qui quittent le territoire, soit spontanément, soit avec une aide au retour, soit sous contrainte, ceux qui avaient auparavant déposé une demande d’asile et qui en ont été déboutés. Une enquête de la direction générale des étrangers en France auprès des préfectures permet de recenser, depuis le 1er janvier 2014, cette dernière catégorie.

Ainsi, le nombre de demandeurs d’asile déboutés éloignés à la suite d’une OQTF s’est élevé, pour l’année 2014, à 1 431, soit 6,8 % du total des OQTF.

En 2015, le nombre de demandeurs d’asile déboutés éloignés à la suite d’une OQTF s’est élevé à 1 639, soit 7,6 %.

Ces chiffres ne rendent toutefois pas totalement compte de l’exécution effective des OQTF prises à l’égard de demandeurs d’asile déboutés. En effet, des déboutés du droit d’asile sont également éloignés sur d’autres fondements, par exemple à la suite d’un refus de titre de séjour demandé pour un autre motif. Par ailleurs, les départs spontanés ou aidés, et les départs via une frontière intérieure de l’espace Schengen, ne sont pas comptabilisés.

Si le taux d’exécution des mesures d’éloignement des déboutés du droit d’asile est toujours aussi faible, votre rapporteur regrette qu’il en soit également de même pour les transferts au titre de la procédure « Dublin ».

Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit « Dublin III », fixe en effet les critères et mécanismes objectifs et équitables permettant de déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un État tiers.

En 2015, 11 742 demandeurs d’asile en France ont fait l’objet d’une procédure « Dublin ». Les États-membres ont accepté de prendre ou reprendre en charge 7 846 demandeurs d’asile. Pour autant, seuls 526 d’entre eux ont été effectivement transférés vers l’État membre reconnu comme responsable du traitement de sa demande d’asile, soit un taux de transfert de 6,7 %. Ce taux révèle les difficultés rencontrées par les préfectures dans l’organisation des transferts eu égard, notamment, aux refus d’embarquement et à la disparition des intéressés dès la notification par le préfet de la décision de transfert.

Nos partenaires européens ne semblent pas rencontrer les mêmes difficultés que les autorités françaises puisque, à l’inverse, la France a accueilli, en 2015, 1 458 demandeurs d’asile en provenance d’un État membre, pour lesquels sa responsabilité dans l’instruction de la demande d’asile a été reconnue.

Au premier semestre 2016, 9 478 demandeurs d’asile ont fait l’objet d’une procédure « Dublin », ce qui représente une augmentation de 53 %. Sur cette même période, 510 demandeurs d’asile ont été transférés vers l’État membre responsable de l’instruction de leur demande, soit un taux de transfert toujours très faible, 9,2 %, mais qui représente un doublement du nombre de transferts par rapport à la même période en 2015. Dans le même temps, la France a accueilli 486 demandeurs d’asile en provenance des autres États membres.

Votre rapporteur pour avis s’étonne de l’incapacité française à appliquer la réglementation européenne, quand nos partenaires savent faire preuve de la rigueur nécessaire. Cette incapacité est un bon révélateur de l’impuissance du Gouvernement à faire face à la crise migratoire que nous connaissons depuis maintenant bientôt deux ans.

Depuis la fermeture du centre de Sangatte, en 2002, les autorités françaises étaient confrontées à la présence permanente de plusieurs centaines de migrants, désireux de rejoindre le Royaume-Uni, dans la région du Calaisis.

La situation s’est dégradée très rapidement à partir du début de l’année 2015 avec la crise migratoire à laquelle l’Europe a dû faire face – 710 000 personnes sont entrées cette année-là dans l’espace Schengen. De quelques centaines, le nombre de migrants a bondi à plusieurs milliers et n’a quasiment jamais décru depuis : plus de 6 000 migrants étaient présents en octobre 2016 dans la zone de La Lande – la « jungle » – à la périphérie immédiate de Calais, après un pic à plus de 9 000 durant l’été.

Votre rapporteur pour avis regrette l’incapacité du Gouvernement, durant deux ans, à prendre les mesures indispensables pour faire cesser cette crise qui touche profondément les habitants de Calais et entraîne des dépenses élevées pour l’ensemble de la collectivité nationale.

En mai 2014, environ 300 migrants étaient présents à Calais. Ils occupaient alors principalement des squats dans la ville et sa périphérie et étaient aidés par des associations locales.

Face à l’augmentation du nombre de migrants, qui dressent de plus en plus de campements dans le centre-ville de Calais, l’État a décidé de mettre en place des dispositifs d’aide afin de répondre aux situations d’urgences sanitaire et sociale.

A ainsi été ouvert, en janvier 2015, un centre d’accueil en périphérie de la ville dans les locaux de l’ancien centre de loisirs Jules Ferry, mis à disposition de l’État par la commune de Calais. Sa gestion a été confiée à l’association La Vie active, association d’aide et d’accompagnement des plus démunis, implantée dans le département depuis plus de cinquante ans.

Le centre Jules Ferry est un centre d’accueil de jour, ouvert de 9 heures à 18 heures. Il permet aux migrants d’avoir accès à un grand nombre de services :

– 1 300 petits déjeuners et 2 300 repas distribués quotidiennement ;

– un accès à un espace de soixante douches et sanitaires, une laverie et 400 prises électriques pour recharger les appareils portables ;

– un centre médical géré par le centre hospitalier de Calais, ouvert cinq jours sur sept, qui comprend deux médecins, deux infirmiers et un psychologue à temps complet ;

– un accès permanent à l’eau potable à l’extérieur du centre ;

– un véhicule navette, qui assure les déplacements vers les centres hospitaliers et les administrations pour permettre aux migrants d’accomplir leurs démarches ;

– un service éducatif, qui propose des accompagnements plus spécifiques en collaboration avec de nombreux partenaires, comme l’OFPRA, l’OFII, Pole Emploi ou encore des avocats.

Une cinquantaine de salariés de La Vie active œuvrent quotidiennement au sein du centre, avec le concours de nombreux bénévoles – en moyenne 200 par mois – venant en majorité d’autres associations (5) pour l’aide aux douches, la distribution de repas et la gestion des files d’attente. Enfin, 160 travailleurs sociaux suivent et accompagnent chaque jour les migrants.

Le centre d’accueil de jour a été complété, à partir de mars 2015, par l’ouverture de capacités d’hébergement de nuit pour les personnes plus vulnérables, femmes et enfants. 400 lits sont aujourd’hui disponibles, dans des algécos équipés de prises électriques et de chauffage.

Les dépenses concernant ces deux équipements représentent aujourd’hui un montant de 13,17 millions d’euros, pris en charge par les ministères de l’Intérieur et du Logement. Des fonds européens d’urgence – au titre du fonds « Asile, migration et intégration » – ont également pu être mobilisés pour un montant total de 9,3 millions d’euros.

La création du centre d’accueil Jules Ferry a eu pour conséquence de vider progressivement le centre-ville de Calais des campements de migrants, ceux-ci préférant s’installer désormais à proximité du centre d’accueil. En mai 2015, ce sont 3 000 migrants qui campent dans la zone située au sud du centre d’accueil, la zone de La Lande, puis 6 000 à la fin de l’année 2015. Si votre rapporteur pour avis est tout à fait conscient de la nécessité d’offrir à ces populations fragiles des conditions d’accueil décentes, il est difficile d’écarter l’hypothèse selon laquelle la création d’un centre pérenne créerait un « appel d’air ». L’afflux de migrants – et leur maintien sur place – qu’a connu Calais depuis 2015 tend malheureusement à confirmer cette hypothèse.

Pour améliorer les conditions sanitaires de ce qui est devenu une véritable jungle aux portes de la ville de Calais, l’État a engagé des travaux destinés à garantir des conditions d’hygiène décentes et assurer un accès suffisant à l’eau potable : points d’eau, sanitaires, bennes à ordure et réceptacles à déchets sont ainsi installés. Ces investissements ont représenté un montant de 3,73 millions d’euros, financé principalement par les crédits du programme n° 303.

En février 2016, le Gouvernement a procédé à une importante opération de démantèlement d’une partie du campement de La Lande, dans la zone sud. Cette opération s’est accompagnée de l’ouverture d’un centre d’accueil provisoire (CAP) doté dans un premier temps de 500 places dans des tentes chauffées puis complété par 1 500 places dans des structures mobiles. Géré également par l’association La Vie active, il est composé de 125 conteneurs d’une superficie de 30 m² chacun, chauffés, équipés de prises électriques, de points d’eau et de sanitaires.

Le CAP comprend également plusieurs lieux de vie : trois préaux, trois lieux de convivialité de 80 m² chacun avec des jeux, des espaces pour les enfants et différentes activités proposées par La Vie active et des bénévoles.

Les travaux de démantèlement partiel du camp ont coûté 0,52 million d’euros tandis que le CAP représente des dépenses d’un montant de 18,37 millions d’euros, dont la prise en charge est assurée par les ministères de l’Intérieur et du Logement, avec également la mobilisation de fonds européens.

Au total, le Gouvernement a donc engagé 45,32 millions d’euros de dépenses depuis le début de l’année 2015 pour assurer la prise en charge humanitaire des migrants de Calais.

Le ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, l’a affirmé à plusieurs reprises, la volonté du Gouvernement est d’offrir une solution pérenne aux migrants en leur permettant de s’inscrire dans une démarche de demande d’asile.

Pour cela, une trentaine de maraudeurs issus du monde associatif, avec le concours de la direction départementale de la cohésion sociale, sont mobilisés chaque jour depuis la fin de l’année 2015 afin d’informer les migrants et les accompagner vers les dispositifs d’hébergement mis en place à Calais et partout en France. Le coût de ces maraudes sociales est estimé à 0,26 million d’euros pour 2015 et 2016.

Parallèlement, l’État a créé, à la fin de l’année 2015, 2 000 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile en provenance de Calais au sein du dispositif national d’accueil. Ces places ont représenté un coût annuel de 13 millions d’euros en 2016. Fin septembre 2016, 2 115 migrants avaient quitté Calais pour rejoindre les structures du dispositif national d’accueil.

Enfin, suivant une des recommandations du rapport qui lui a été remis par MM. Jean Aribaud et Jérôme Vignon (6), le ministre de l’Intérieur a annoncé, le 21 octobre 2015, sa volonté de réorienter les migrants de Calais vers des centres de mise à l’abri, appelés centres d’accueil et d’orientation (CAO), répartis sur l’ensemble du territoire national.

Les missions d’instruction de l’OFPRA à Calais

Depuis le début de l’année 2015, l’OFPRA a mis en place et développé des actions d’information, de conseil, d’orientation et de protection en direction des migrants présents à Calais. Cet engagement de l’Office relève d’une volonté de faciliter l’accès au droit d’asile pour des personnes en situation d’urgence, dont les pays d’origine – Soudan, Afghanistan, Syrie, Irak – donnent à penser que, sous réserve de l’examen de leur situation individuelle, elles peuvent largement relever du droit d’asile de notre pays.

Des missions régulières se sont ainsi rendues sur place, avec le concours des associations Salam, le Secours catholique, l’Auberge des migrants et La Vie active, pour informer les migrants sur leurs droits et la procédure d’asile et développer la concertation avec les acteurs institutionnels et associatifs présents. Des missions spécifiques d’officiers de protection spécialisés se sont déplacées pour des actions en direction des femmes et des mineurs.

Dans le même temps, l’OFPRA a pris des dispositions pour faciliter une instruction prioritaire et adaptée à la situation de chacun des demandeurs d’asile, dans ses locaux de Fontenay-sous-Bois, dans le cadre de la procédure de droit commun. C’est ainsi qu’une permanence dédiée a été mise en place afin d’instruire les demandes d’asile des migrants de Calais dans un délai réduit.

Au printemps 2015, l’OFPRA a mené pendant plusieurs jours une mission d’instruction à Calais pour des ressortissants érythréens qui, contrairement à d’autres nationalités, entraient alors peu dans la procédure d’asile. En quelques jours, une quinzaine d’agents de l’Office, en étroite collaboration avec les services préfectoraux et l’OFII, ont permis à 111 Erythréens d’accéder rapidement à la procédure. Les décisions ont été prises dans un délai de 24 heures et les bénéficiaires de la protection immédiatement dirigés vers des hébergements ADOMA situés dans toute la France.

Il s’agit, en effet, de désengorger le campement de Calais et d’offrir aux migrants un temps de répit qui leur permette de reconsidérer leur projet migratoire. À cette fin, les préfectures ont été mobilisées pour trouver des capacités d’hébergement dans des délais très brefs. La sélection des sites ne devait pas obérer les capacités d’hébergement nécessaires à la période hivernale ou les places déjà dédiées à des demandeurs d’asile ou à des réfugiés.

Gérés par des associations locales, ces centres d’accueil et d’orientation offrent un accompagnement dédié pour les démarches des migrants, ainsi que l’hébergement et la restauration. Le but est que le séjour y soit le plus bref possible, de l’ordre d’un à trois mois, avant une réorientation vers un autre dispositif. Si les migrants déposent une demande d’asile, ils doivent en effet être réorientés le plus rapidement possible vers les places disponibles du dispositif national d’accueil. S’ils peuvent faire l’objet d’une procédure « Dublin » ou ne sollicitent pas l’asile, une procédure de transfert vers le pays responsable est engagée ou une aide au retour systématiquement proposée. Ceux qui bénéficient déjà du statut de réfugié ont pour leur part vocation à rejoindre un dispositif pérenne de droit commun.

Les premiers centres ont ouvert dès le mois d’octobre 2015. 5 000 places, réparties dans 168 centres, étaient disponibles à la fin du mois de septembre 2016. 5 638 migrants de Calais avaient été réorientés vers les CAO à cette même date. Le coût annuel de ces 5 000 places est de 45,6 millions d’euros. Par ailleurs, 9 000 places supplémentaires devraient être construites en 2017, pour un coût de 20 millions d’euros pour trois mois, soit une dépense annuelle de 80 millions d’euros.

Il convient de noter que seuls 15 à 17 % des migrants avaient quitté ces centres à la fin du mois de septembre 2016 : leur durée de séjour est donc largement supérieure aux deux à trois mois initialement espérés par le Gouvernement, ce qui tendrait à faire de ces CAO des centres pérennes et à les transformer, à côté des CADA et des HUDA, en une troisième catégorie d’hébergement pour demandeurs d’asile.

Au total, l’inscription des migrants de Calais dans la procédure de demande d’asile représente une dépense en hébergement de 58,6 millions d’euros depuis la fin de l’année 2015.

Depuis janvier 2015, 4 131 demandes d’asile ont été introduites auprès de l’OFPRA après un enregistrement à la sous-préfecture de Calais. Le taux de protection offert par l’OFPRA atteint 71 % si l’on prend en compte les décisions de la Cour nationale du droit d’asile, soit un taux largement supérieur au niveau national, qui était de 35 % début 2016. Selon les éléments communiqués par le directeur général de l’OFPRA, M. Pascal Brice, à votre rapporteur pour avis, 45 % de ces demandes proviennent de ressortissants de nationalité afghane, 35 % de nationalité soudanaise.

Ces données ne prennent pas en compte les personnes qui, ayant quitté Calais pour les CAO, sont entrées dans la procédure d’asile dans la préfecture du ressort territorial de leur centre : environ 80 % des migrants présents en CAO seraient entrés dans une démarche d’asile, soit 4 500 personnes.

Ce sont donc plus de 8 631 migrants issus du Calaisis qui seraient entrés dans une démarche de demande d’asile depuis janvier 2015. Il convient de rappeler qu’il s’agit là de migrants qui avaient comme projet initial de rejoindre le Royaume-Uni et qui ont été fortement incités par le Gouvernement français à demander l’asile sur notre territoire. Sachant que la durée moyenne de séjour en CADA était de 488 jours en 2016 et que, pendant toute la durée de leur séjour, les demandeurs touchent l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) d’un montant moyen de 8,5 euros par jour, votre rapporteur estime que ce surcroît de demandes en provenance de Calais a entraîné un surcoût de dépense d’ADA de 35,8 millions d’euros depuis 2015.

Enfin, entre le 1er janvier 2015 et le 15 septembre 2016, ce sont 1 346 personnes en situation irrégulière qui ont été éloignées du territoire national à partir du Pas-de-Calais.

La présence de plusieurs milliers de migrants à Calais a nécessité une mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre pour à la fois sécuriser la frontière avec la Grande-Bretagne et prévenir tout trouble à l’ordre public à proximité du campement.

Les traités internationaux auxquels la France est partie lui font obligation de s’opposer au franchissement illégal de la frontière « Schengen » de Calais par la mise en œuvre de contrôles coordonnés et la répression de filières de passeurs. Ainsi que l’avait relevé le rapport précité de MM. Aribaud et Vignon, loin d’être étanche, la frontière fait l’objet de nombreux passages clandestins : le flux journalier de sorties « réussies » vers la Grande-Bretagne était ainsi passé de seize fin 2014 à plus d’une trentaine à la fin de l’année 2014.

L’influence des filières d’immigration clandestine est incontestable. Organisées le plus souvent par nationalités, elles relèvent de trois types (7) :

– celles opérant depuis Calais et ses environs immédiats et dont les membres sont, pour l’essentiel, basés sur place dans les camps de migrants : les passeurs « chargent » leurs clients dans les remorques des poids lourds en attente, à l’insu de leurs chauffeurs ;

– celles opérant surtout sur des aires d’autoroute éloignées de Calais et dont aucun des membres n’est basé à Calais. Elles procèdent selon le même mode opératoire que les précédentes ;

– celles adoptant un mode opératoire qualifié de « garanti » par la police aux frontières : les passeurs « chargent » leurs clients dans des fourgons ou des poids lourds, en France ou en Belgique et sur rendez-vous, avec la complicité des chauffeurs. Les véhicules utilisés ou leur chargement sont souvent aménagés afin de mieux dissimuler les migrants.

Le Gouvernement a engagé, en 2015, un important travail pour renforcer la sécurité des infrastructures portuaires et de l’accès au tunnel sous la Manche, afin d’empêcher autant que possible les passages clandestins. À la fin du mois de juin 2015, le Gouvernement a renforcé le dispositif de sécurité et l’action de ses policiers et gendarmes avec le déploiement d’unités mobiles additionnelles.

Le 20 août 2015, les ministres de l’Intérieur français et britannique ont signé une déclaration commune portant sur la coopération entre les deux pays pour sécuriser la zone de Calais. En plus du financement, à hauteur de 15 millions d’euros, de nouvelles barrières de haute sécurité autour du port de Calais, le Royaume-Uni s’était notamment engagé à allouer des moyens supplémentaires pour :

– sécuriser le périmètre de l’entrée du tunnel, grâce à un dispositif de clôtures, de vidéo-surveillance, de technologie de détection infrarouge et de projecteurs lumineux ;

– renforcer la sécurité dans le tunnel lui-même et aider la société Eurotunnel à augmenter nettement ses effectifs en charge de la sécurité et de la protection du site.

Le montant de ces travaux de sécurisation du tunnel est évalué à 51 millions d’euros. Deux tranches de cinq millions d’euros chacune avaient en outre été allouées par les Britanniques pour financer l’hébergement des migrants.

Lors du 34e sommet franco-britannique, à Amiens, le 3 mars 2016, le gouvernement britannique a débloqué une enveloppe supplémentaire de 22 millions d’euros pour financer des infrastructures de sécurité complémentaires et contribuer à la prise en charge des migrants à Calais.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les Britanniques ont dépensé, depuis septembre 2014, plus de 100 millions d’euros pour sécuriser les infrastructures à proximité de Calais.

Si la gestion de la sécurité dans le campement de migrants relève des seules forces de sécurité intérieure françaises, une aide d’urgence du Fonds européen pour la sécurité intérieure (FSI) a pu être attribuée à la France par la Commission européenne le 15 juin 2016. Son montant est de 900 000 euros.

Le Gouvernement mobilise aujourd’hui plus de dix-huit unités de forces mobiles pour sécuriser la zone de Calais : 14,5 à proximité du campement de migrants et quatre à l’entrée du tunnel. Cela a représenté un coût de 15,7 millions d’euros en 2015 et de 29 millions d’euros sur les neuf premiers mois de l’année 2016.

En reprenant l’ensemble des coûts indiqués ci-dessus, votre rapporteur pour avis obtient un total de plus de 200 millions d’euros de dépenses occasionnées directement par la gestion de la crise migratoire à Calais depuis le début de l’année 2015.

LES COÛTS DIRECTS DE CALAIS POUR LES ANNÉES 2015 ET 2016

(en millions d’euros)

Centre d’accueil de jour Jules Ferry

13,7

Fonds européen

9

Travaux dans la zone de la Lande

3,73

Centre d’accueil provisoire (CAP)

18,37

Démantèlement partie sud du camp

0,52

Maraude par associations

0,26

Hébergement dans les CAO

45,6

Hébergement de 2 000 personnes en CADA

13

Dépenses d’ADA supplémentaires

35,8

Sécurisation du site par forces de l’ordre

63,9

Fonds européen

0,9

Total

204,78

Alors que la France paie en premier lieu les inconséquences de ses partenaires européens de l’espace Schengen, votre rapporteur pour avis regrette que la participation de l’Union européenne soit inférieure à dix millions d’euros, soit à peine 5,1 % du coût total.

Il convient de noter qu’il ne s’agit ici que des coûts directs supportés par la politique d’asile. Ils ne prennent donc pas en compte les dépenses induites par la prise en charge médicale des migrants par la couverture médicale universelle (CMU), l’aide médicale d’État (AME) ou les frais de scolarisation de leurs enfants qui, compte tenu des flux continus d’arrivées et de sorties, sont très difficilement quantifiables.

Dans la mesure où le nombre de demandeurs d’asile est connu, on peut cependant procéder à une estimation des dépenses engendrées par la couverture médicale universelle (CMU) ainsi que la CMU complémentaire. Dans un rapport de la commission des Finances de l’Assemblée nationale (8), cité par la Cour des comptes dans son relevé d’observations provisoires de février 2015 sur la politique d’asile, la prestation moyenne remboursée par an pour chaque bénéficiaire de la CMU avait été estimé à 1 953 euros, plus 440 euros de CMU-C. On peut donc penser que la dépense de CMU pour les demandeurs d’asile de Calais a été de 20,6 millions d’euros depuis 2015, portant ainsi le total des dépenses à plus de 225 millions d’euros, hors coûts indirects mentionnés ci-dessus.

Ce chiffre ne tient pas compte des dépenses de sécurisation des infrastructures et de financement d’une partie de l’hébergement des migrants engagées par le Royaume-Uni pour un montant total de plus de 100 millions d’euros.

Surtout, ces chiffres ne tiennent pas compte des coûts supportés par l’ensemble de la collectivité calaisienne à cause de la proximité du campement et des violences et dégradations qui en résultent : chute de la valeur des biens immobiliers, manque à gagner pour de nombreux commerces, réparations et sécurisation de nombreuses infrastructures de la ville de Calais.

Si l’on retient une hypothèse d’une augmentation des flux de l’ordre de 20 %, comme cela a déjà été constaté en 2016, le coût de la politique d’asile des migrants de Calais pourrait représenter un montant total de près de 200 millions d’euros pour l’année 2017 (9), sans compter les différents coûts indirects.

Au total, en reprenant les chiffres déjà avancés par votre rapporteur pour avis l’année dernière, si l’on estime qu’un demandeur d’asile représente une charge annuelle moyenne de 13 724 euros pour la collectivité, le véritable coût de la politique d’asile du Gouvernement serait de 1,23 milliard d’euros en 2016 pour 90 000 demandeurs. Il convient de majorer ce coût de la prise en charge des 200 000 déboutés présents sur notre territoire, dont le coût est estimé à 5 528 euros par personne et par an, soit 1,1 milliard d’euros. Le coût total de la politique d’asile serait donc de 2,3 milliards d’euros en 2016 et probablement de 2,5 milliards en 2017.

Face à ce qui s’apparente à un puit sans fond, votre rapporteur pour avis ne peut qu’appeler, une nouvelle fois, le Gouvernement à prendre enfin les mesures structurelles qui s’imposent, notamment une utilisation bien plus massive de la procédure d’asile à la frontière, dont les chiffres sont aujourd’hui ridiculement bas – un peu plus de 1 000 avis rendus en 2014.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 25 octobre 2016, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2017.

M. le président Gilles Carrez. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois, Paul Giacobbi, vice-président de la commission des affaires étrangères, et moi-même sommes très heureux d’accueillir le ministre de l’Intérieur pour l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Je vous remercie, monsieur le ministre de l’Intérieur, de votre présence en ce jour particulièrement marquant.

Je rappelle que la Conférence des présidents a reconduit les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF). Cette réunion de commission élargie est donc la première d’une série de 26 réunions, que je serai amené à présider avec mes collègues des commissions permanentes concernées, et qui nous permettront d’examiner, d’ici au 9 novembre prochain, les 32 missions budgétaires et les 126 programmes du PLF pour 2017, sans compter les budgets annexes et les comptes spéciaux. Je donnerai d’abord la parole au rapporteur spécial de la commission des finances, puis aux trois rapporteurs pour avis, de la commission des affaires étrangères et de la commission des lois, pour cinq minutes chacun.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Jamais discussion budgétaire ne sera autant entrée en collision avec l’actualité la plus brûlante : je veux parler, bien sûr, du démantèlement de la « jungle » de Calais, annoncé au début de septembre par le Gouvernement et qui est entré, hier, dans sa phase de mise en œuvre effective. Le Gouvernement a pris la bonne décision en la matière, et je sais, monsieur le ministre, que l’État a préparé cette opération délicate avec sérieux et humanité. Je vous avais d’ailleurs interpellé l’année dernière sur les conditions de vie dans la jungle de Calais. Vous avez répondu, je crois, à l’attente des citoyens, des associations et de tous les acteurs qui agissent sur le terrain.

La semaine dernière, le dernier obstacle juridique a été levé avec la décision du tribunal administratif de Lille. Pourtant, certaines associations ont fait part de certaines inquiétudes et continuent à le faire. Je ne sais pas si elles sont toutes fondées mais, dans la mesure où ces associations ont mené à Calais une action que l’on peut qualifier d’admirable, il est indispensable de les entendre et de leur répondre.

Les inquiétudes exprimées sont connues. Elles portent sur le sort des mineurs isolés qui ont une famille au Royaume-Uni, sur le nombre de places ouvertes en centre d’accueil et d’orientation (CAO) et sur le traitement des migrants qui continueront à ne pas vouloir déposer une demande d’asile dans notre pays. Monsieur le ministre, où en sont vos discussions avec le gouvernement britannique sur la question des mineurs isolés ?

Le Gouvernement annonce que le nombre de places en CAO est suffisant pour accueillir les migrants qui viendront de Calais. Pouvez-vous nous le confirmer ? N’avez-vous aucune inquiétude à ce sujet, notamment dans la mesure où l’on constate, ici ou là, de la part de nos compatriotes, mais aussi, parfois, malheureusement, de la part de hauts responsables politiques, de leur propre initiative, des interrogations, voire des manifestations d’hostilité inquiétantes ? Comme le disait si bien Jean Jaurès, il faut savoir lutter contre « la loi du mensonge triomphant qui passe » et rétablir la vérité face à un certain nombre d’extrémismes qui s’expriment dans notre pays.

S’agissant des CAO, je dois vous faire part de l’inquiétude que suscite chez les associations la précipitation dont a parfois fait preuve le Gouvernement dans la création de ces centres, même s’il est bien sûr nécessaire de répondre à une urgence. La multiplication des différents types d’hébergement des demandeurs d’asile nuit à la clarté de l’ensemble du système et contribue à la mise en concurrence des publics vulnérables. Ce mode d’hébergement, prévu comme une mise à l’abri, ne doit pas devenir le modèle d’accueil généralisé. Je rappelle que la loi du 29 juillet 2015 fait des centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) le principal mode d’hébergement pérenne des demandeurs d’asile. Il faut d’ailleurs saluer les efforts budgétaires consentis en la matière par le Gouvernement depuis 2012.

Par ailleurs, je m’interroge sur le recours à la procédure de marché public, qui conduit des associations à assurer un rôle non plus de partenaires, mais de prestataires, et risque d’exclure les associations de petite taille au profit de sociétés commerciales dépourvues de réelle expertise dans l’accompagnement social.

Enfin, pour revenir sur la jungle de Calais, je ne peux éluder la question qui est sur toutes les lèvres : une fois le démantèlement terminé, comment résoudre le problème, sachant que les flux migratoires sont ce qu’ils sont et que le Royaume-Uni reste attractif pour les migrants ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire devant la commission le point des mesures que vous avez mises en place à cet égard ?

Les chiffres attestent de l’effort qui est fait dans le cadre de ce PLF. Les crédits de la mission dans son ensemble auront progressé de plus de 30 % entre le budget réalisé en 2012 et le budget prévu pour 2017. Les effectifs de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) auront, au cours de la même période, été accrus de 340 personnes, soit une augmentation de 76 %. Je veux en profiter pour saluer l’action remarquable de son directeur général, qui a su redynamiser ses équipes et faire de l’OFPRA un outil dont nous pouvons légitimement être fiers. Les effectifs de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) auront également, au cours de la même période, été accrus de 200 personnes, soit une augmentation de 25 %. Enfin, plus de 10 000 places supplémentaires en CADA ont été ouvertes depuis 2012, soit une augmentation de moitié en cinq ans. Je pourrais multiplier les exemples des efforts qu’a accomplis cette majorité depuis 2012. Ils étaient indispensables du point de vue humanitaire.

La politique menée par le Gouvernement en matière d’immigration ne s’est pas limitée à des mesures quantitatives d’augmentation des moyens budgétaires : la loi du 29 juillet 2015 a profondément modifié notre politique en matière d’asile et la loi du 7 mars 2016 a réformé le droit des étrangers en France.

Tous ces efforts incontestables, toutes ces mesures indispensables s’inscrivent dans un contexte migratoire que chacun a à l’esprit. La crise migratoire majeure qui frappe l’ensemble de notre continent est là pour plusieurs années. Comment faire, monsieur le ministre, pour que cette crise ne vienne pas contrarier, sinon réduire à néant, ces efforts, conformes aux objectifs que nous poursuivons tous ?

Je rappelle que le PLF 2017 a été bâti sur une hypothèse d’augmentation des demandes d’asile dans notre pays comprise entre 15 % et 20 % en 2016 et 2017. J’ignore si cette hypothèse tient compte des engagements que la France a pris à l’égard de ses partenaires européens en matière de réinstallation et de relocalisation des migrants. En effet, notre pays s’est engagé à accueillir 37 000 migrants d’ici à la fin de l’année 2017. À la mi-septembre, il avait accueilli moins de 2 000 personnes au titre du programme européen de relocalisation, moins de 700 au titre du schéma européen de réinstallation, et 228 au titre de l’accord avec la Turquie. À cet égard, la France ne fait guère plus mal que les autres ; elle est même à la première place pour ce qui est du programme européen de relocalisation.

En ce qui concerne les aides, les associations nous signalent beaucoup de difficultés à solliciter les fonds européens et, hélas, plus encore à faire appel aux dispositifs nationaux, qui ont été complexifiés au cours du temps, bien avant que l’actuel gouvernement soit en place.

Enfin, pouvez-vous faire un point sur la gestion de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), compte tenu des difficultés budgétaires rencontrées sur ce point ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je suis heureux d’être le rapporteur pour avis de ce budget au nom de la commission des affaires étrangères, car la politique de l’asile est l’une des politiques les plus essentielles pour la France, le droit d’asile étant, au fond, le droit de chacun à vivre quel que soit son pays de naissance.

Ce budget porte une double marque : celle de la réforme structurelle de l’asile, engagée d’ailleurs avant la crise, ce qui a permis d’y faire face, et celle d’une crise migratoire conjoncturelle, néanmoins peut-être appelée à durer.

Mon collègue Laurent Grandguillaume a déjà évoqué la réforme de l’asile : c’est l’honneur de la France d’avoir voulu, au-delà même des difficultés que nous avons rencontrées récemment, améliorer la qualité de l’accueil des demandeurs d’asile sur notre territoire, en accélérant les procédures et en développant les capacités d’hébergement. La réduction du délai d’instruction des demandes d’asile à trois mois constitue un objectif fort de la réforme. Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur cette question ?

La crise migratoire trouve son origine dans un double chaos : le chaos irako-syrien, avec des femmes et des hommes qui fuient notamment les guerres civiles, et le chaos libyen, qui a fait en quelque sorte disparaître la frontière maritime entre l’Europe et l’Afrique. Cette disparition de la frontière s’est conjuguée à un phénomène structurel : des femmes et des hommes qui fuient les difficultés politiques ou autres en Afrique. Ceux-ci empruntent, dès lors, la voie de la Méditerranée centrale.

D’après l’analyse que nous avons pu faire dans le cadre de la mission d’information sur la situation migratoire en Europe, dont je suis le rapporteur, la question des migrations liées à la demande d’asile est assez circonscrite, dans la mesure où il y a principalement dix pays d’origine, au Moyen-Orient – notamment la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan –, dans la Corne de l’Afrique et au Sahel, et un nombre de pays de destination lui aussi limité, avec, au premier rang, l’Allemagne, l’Autriche et la Suède.

Pour construire votre budget, vous avez retenu l’hypothèse d’une poursuite de l’augmentation du nombre de demandes d’asile à un rythme compris entre 15 % et 20 % en 2017. Selon moi, il est raisonnable de prévoir ainsi des crédits qui permettent de poursuivre l’effort engagé en 2016. En effet, nous devrions assister à une baisse très importante des flux passant par la Méditerranée orientale, en raison de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, et à un maintien des flux passant par la Méditerranée centrale – soit environ 150 000 entrées en Europe par an. En revanche, il faut sans doute s’attendre à des mouvements secondaires en provenance d’autres pays européens.

Même si elles ont pu donner, malheureusement, l’image d’un grand désordre, l’Union européenne et la France sont en train de prendre le problème par tous les bouts, et c’est ce qu’il faut le faire.

C’est d’abord la question de l’action à la source, qui est sans doute la plus difficile, avec la paix en Syrie et les opérations qui sont actuellement engagées à Mossoul.

C’est aussi la question de l’aide aux pays de premier accueil. Je pense en particulier au Liban, à la Jordanie et au Kurdistan irakien. Seule la Turquie dispose peut-être de moyens financiers suffisants pour faire face à l’accueil des réfugiés. Cette question ne relève pas de votre budget, monsieur le ministre, mais je la mentionne car elle est essentielle de mon point de vue. C’est probablement un des points faibles du dispositif.

C’est, en outre, la question du contrôle des frontières, avec le renforcement de l’agence Frontex, qui se fait désormais correctement.

C’est également la question de la sécurisation des routes, avec la politique de réinstallation. Quelles sont les perspectives en la matière, monsieur le ministre ? Allons-nous remplir notre engagement ? Lors de mes différents déplacements, j’ai pu constater que la France était en pointe par rapport aux autres pays européens, mais nous sommes encore en deçà des objectifs.

C’est encore la question des relocalisations internes en Europe, puis de la répartition nationale, laquelle doit se faire en fonction de la situation démographique et économique des différentes régions.

C’est, enfin, la question du retour et de la coopération avec les pays d’origine.

Pour compléter la question de Laurent Grandguillaume, la France accueille-t-elle des mineurs isolés ? Y a-t-il des demandes en ce sens, notamment de la part de l’Italie ? Comment cela se passe-t-il ? En particulier, comment la relation avec les départements se passe-t-elle ?

Désormais, la principale problématique qui se trouve devant nous est celle de la modification du règlement de Dublin. Les règles actuelles font peser une charge excessive sur les pays de premier accueil lorsqu’il y a un afflux important de migrants. En l’absence de mécanisme de relocalisation interne, cela crée des situations difficiles telles que celle que nous avons connue à Calais : des femmes et des hommes sont en attente ou développent des stratégies au regard des règles de Dublin ; la situation perdure et des bidonvilles se forment.

M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité française. Je m’éloignerai un peu de l’actualité abordée par mes collègues pour évoquer le contrat d’intégration républicaine.

Avec la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, dont notre collègue Erwann Binet a été le rapporteur, notre pays s’est doté d’un texte équilibré, à la fois conforme à notre tradition d’accueil et ferme en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Il sécurise le parcours des migrants en créant un nouveau titre de séjour pluriannuel, tout en renforçant le parcours d’intégration.

Le PLF pour 2017 traduit la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre les réformes que nécessite l’adoption de cette loi : les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de 30 % en autorisations d’engagement (AE) à périmètre courant et de 15 % en crédits de paiement (CP), pour s’établir, respectivement, à plus d’un milliard d’euros et à 923 millions d’euros. Les crédits dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière, en particulier, s’accroissent de 16 %, pour s’établir à plus de 92 millions d’euros, dont près de 60 millions sont affectés au fonctionnement des centres de rétention administrative et 33 millions aux frais d’éloignement, ce dernier montant connaissant, il faut le noter, une hausse sérieuse. Les crédits de l’OFII augmentent également, pour s’établir à 171 millions d’euros, les effectifs de l’office étant par ailleurs portés à 1 014 équivalents temps plein.

La loi du 7 mars 2016 précitée a été l’aboutissement d’une réflexion engagée par vos services à partir de 2013, à la suite notamment d’un rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales. Elle a créé un nouveau parcours d’intégration, entré en vigueur le 1er juillet 2016. Le contrat d’intégration républicaine (CIR) s’est ainsi substitué au contrat d’accueil et d’intégration (CAI). Mis en œuvre par l’OFII avec le concours d’un certain nombre de prestataires extérieurs, ce dernier avait représenté une dépense de 52 millions d’euros en 2015.

Le CIR est à la fois plus ambitieux et plus exigeant que le CAI. La formation civique a été renforcée et s’étale désormais sur deux jours, contre un seul précédemment. C’est indispensable pour que les nouveaux arrivants s’approprient plus rapidement les valeurs de la République, dont nous connaissons toute l’importance dans leur parcours. La formation linguistique a également été « musclée » : le niveau d’exigence a été relevé au standard A1, conformément à la pratique constatée dans la plupart des autres pays européens. La maîtrise de la langue est fondamentale pour réussir une intégration et accéder à l’emploi ; le niveau requis précédemment s’avérait bien trop rudimentaire.

Selon moi, l’accueil et l’intégration doivent se faire au cours de la première ou des deux premières années après l’arrivée. Au-delà, les étrangers doivent basculer vers les dispositifs de droit commun, car ils risquent, à défaut, d’être enfermés définitivement dans leur condition d’étranger.

Dernier point, fondamental : l’assiduité aux formations civiques et l’acquisition d’un niveau minimum de maîtrise de la langue française sont des conditions d’obtention de la nouvelle carte pluriannuelle de séjour, après un an de présence en France. En outre, le niveau A2 de maîtrise de la langue sera désormais exigé pour obtenir, ensuite, une carte de résident.

La question qui se pose désormais est celle de la mise en œuvre du CIR. J’aimerais à cet égard vous interroger sur trois points, monsieur le ministre.

D’abord, pouvez-vous nous indiquer les moyens supplémentaires qui seront mis à la disposition de l’OFII pour qu’il puisse assurer au mieux cette mission et effectuer un suivi plus individualisé des étrangers primo-arrivants, que l’on sait fondamental dans les premiers mois, compte tenu de la diversité des profils que nous accueillons ?

Ensuite, pouvez-vous nous préciser les mesures qui seront prises pour mettre en place, en remplacement du bilan de compétences professionnelles, un véritable dispositif structuré d’accompagnement des primo-arrivants vers l’emploi, sachant que leur taux de chômage est quatre fois supérieur à la moyenne nationale ? Quel nouveau partenariat sera conclu à cette fin entre l’OFII et Pôle Emploi ?

Enfin, pouvez-vous expliquer comment vos services procéderont, à l’avenir, à l’évaluation de cette politique d’intégration ? Quels seront les outils à leur disposition ? Comment assureront-ils le suivi individuel des demandeurs, notamment au moment de la demande de carte de séjour ?

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’asile. Ce budget s’inscrit dans un contexte très particulier, marqué notamment par une crise migratoire inédite. J’en résumerai le cadre de manière assez simple : les moyens augmentent, mais les problèmes continuent à s’aggraver.

Le constat est sans appel, monsieur le ministre : les crédits de paiement inscrits au titre de la politique de l’asile augmentent de 14,8 %, mais ceux-ci ne permettront en rien – je dis bien : en rien – de répondre aux véritables défis que notre pays doit surmonter. Le nombre de demandes d’asile, qui a été de 80 000 en 2015, dépassera en effet probablement 90 000 cette année et 100 000 l’année prochaine. Nous considérons que vous refusez de prendre la mesure de cette réalité et de son aggravation.

Ainsi, le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile, arrêté le 21 décembre dernier, est déjà caduc : 60 000 places ont été programmées pour la fin de l’année 2017, alors que le besoin dépasse largement les 100 000 places. De même, votre ambition une nouvelle fois proclamée de réduire le délai de traitement des demandes par l’OFPRA à 90 jours a fait long feu. En 2016, il sera encore de 140 jours au minimum, selon les analyses les plus optimistes. En France, le parcours d’un demandeur d’asile, notamment d’un débouté, est encore trop souvent de cinq ans, avec très peu d’éloignements à l’issue de ce parcours.

Pourtant, réduire ce délai est indispensable, nous le savons, pour empêcher que de futurs déboutés du droit d’asile ne tentent de créer, à la faveur d’interminables procédures, les conditions d’un séjour pérenne en France, phénomène qui a été malheureusement renforcé par les termes de la loi que vous avez fait voter.

J’insiste également sur votre gestion du campement de Calais. Depuis plus de deux ans, vous avez laissé la situation se dégrader, créant un véritable appel d’air pour toute l’immigration irrégulière et transformant cet espace en zone de non-droit et de violence, avec un coût difficilement supportable pour la communauté nationale : autour de 200 millions d’euros pour les années 2015 et 2016, d’après le chiffrage que j’ai fait figurer dans mon rapport. Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour sécuriser définitivement la zone de Calais et empêcher qu’un nouveau campement ne s’y constitue dans les prochains jours ou les prochaines semaines ?

Vous avez lancé hier le démantèlement de la jungle. Nous y voyons naturellement un motif de satisfaction, mais nous considérons que les conditions de la réussite de cette opération ne sont pas réunies, compte tenu notamment de l’absence de tout accord avec nos partenaires britanniques. Où en sont les discussions avec le Royaume-Uni sur la gestion des flux migratoires ?

En outre, pouvez-vous expliquer de manière plus détaillée le fonctionnement et le coût des CAO que vous êtes en train de créer sur l’ensemble du territoire national ? Ce coût est estimé à environ 20 millions d’euros pour deux mois. Quel sera-t-il, d’après vos prévisions, pour l’ensemble de l’année 2017 ?

J’en viens à une question importante, monsieur le ministre : compte tenu de certains propos qui se diffusent, je vous demande solennellement si vous avez engagé une opération de régularisation massive des personnes qui sont déplacées depuis Calais. (Murmures sur les bancs de la majorité.) Pour être clair, fait-on, en contrepartie de ce déplacement, une promesse de régularisation quasi systématique ? Je vous alerte sur le danger de tels messages, qui créeraient un véritable appel d’air : si tous ceux qui se trouvent à Calais ont l’assurance de voir leur situation régularisée, alors qu’elle est souvent illégale, ce sera une incitation à la reconstitution de la jungle. Au vu de leur nationalité, les personnes présentes à Calais ne peuvent pas toutes bénéficier du statut de réfugié, ainsi que vous l’avez vous-même relevé.

Pour finir, monsieur le ministre, je vous pose trois questions plus globales.

L’année dernière, en nous appuyant sur une évaluation de la Cour des comptes, nous avions chiffré le coût total de notre politique d’asile à 2 milliards d’euros. Compte tenu de l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile, ce coût risque d’atteindre 2,5 milliards d’euros en 2017. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’appliquer le règlement de Dublin ? En 2015, le taux de transfert depuis la France vers un autre pays de l’Union européenne a été dérisoire dans ce cadre : 6,7 % à peine.

Qu’en est-il de l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ? Les éloignements des déboutés du droit d’asile sont toujours, eux aussi, ridiculement faibles, pour ne pas dire proches du néant : 6,8 % en 2014 ; 7,6 % en 2015. Quelles mesures concrètes avez-vous décidées pour remédier à cette situation particulièrement préoccupante ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Je vous remercie de m’offrir l’occasion d’exposer l’action du Gouvernement en matière de politique de l’asile. Je remercie l’ensemble des rapporteurs qui, avec beaucoup de conviction et un esprit de nuance et d’exactitude, cependant inégal (Sourires), ont appelé mon attention sur un certain nombre de points, sur lesquels il m’appartient d’apporter les réponses, pour le coup, les plus précises possibles. La traçabilité des propos du ministre est toujours plus grande que celle des propos de ceux qui mettent en cause sa politique avec, parfois, quelques approximations.

D’abord, le PLF pour 2017 traduit l’engagement du Gouvernement en faveur des missions du ministère de l’Intérieur, qui est soumis à des contraintes extrêmement fortes depuis deux ans. Nous devons faire face à de nombreux problèmes, tous extrêmement lourds : la menace terroriste, la crise migratoire, mais aussi des formes de radicalité violentes, qui mobilisent fortement les forces de sécurité intérieure et les exposent à des risques inadmissibles. Nous essayons de les traiter tous, avec la plus grande rigueur, sachant que les forces de sécurité intérieure ont perdu 13 000 emplois au cours d’une période qui n’est pas si lointaine, et ont vu leurs crédits de fonctionnement, hors personnel, diminuer de 15 % durant la même période. Nous les augmentons d’autant depuis plusieurs années, de manière à remettre notre appareil sécuritaire en mesure de remplir les missions qui sont les siennes.

Pour faire face à la crise migratoire, le ministère a ainsi été doté de moyens budgétaires significatifs. La mission « Immigration, asile et intégration » connaît une augmentation de ses crédits de près de 15 % à périmètre constant, qui doit lui permettre de mettre pleinement en œuvre les objectifs de la loi sur la réforme du droit d’asile du 29 juillet 2015 et celle relative au droit des étrangers du 7 mars 2016. C’est une augmentation particulièrement significative, justifiée par le contexte migratoire inédit auquel nous sommes confrontés.

Les crédits de la mission qui sont soumis à votre approbation aujourd’hui en traduisent les priorités.

En premier lieu, le projet de loi pour 2017 poursuit l’effort de renforcement des services et des opérateurs qui concourent aux missions d’accueil des ressortissants étrangers et de traitement de leurs demandes d’asile. Il est ainsi proposé d’élever le plafond d’emploi de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à 1 014 équivalents temps plein (ETP),traduisant une progression de 213 emplois en deux ans, dont 78 par rapport à 2016, afin notamment de faire face à l’accroissement des activités de l’établissement dans le domaine de l’asile, qu’il s’agisse de l’enregistrement des demandes dans les « guichets uniques », de la gestion du parc d’hébergement ou de l’allocation pour demandeur d’asile. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) bénéficiera quant à lui de 140 emplois supplémentaires par rapport à 2016 ; il aura ainsi été doté de 310 emplois supplémentaires depuis le début de l’année 2015. Ces moyens permettront à l’opérateur de prendre en charge, dans les meilleures conditions, une demande d’asile en forte accélération sans pour autant dégrader les délais de traitement des dossiers.

Les services du ministère – hors OFPRA et OFII – bénéficient également depuis deux ans de renforcements d’effectifs, avec, notamment, 36 ETP supplémentaires en préfecture pour armer et organiser les guichets uniques. Dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération », qui permet de dégager près de 2 000 ETP grâce à la création de plateformes de délivrance des titres mutualisées, je dégagerai des moyens supplémentaires qui pourront être affectés pour partie à la politique de l’accueil des étrangers en France, de manière à tenir les objectifs fixés par la loi.

Ce PLF traduit ainsi la poursuite de l’effort visant à donner à notre politique de l’asile, profondément réformée avec l’adoption de la loi du 29 juillet 2015, des moyens à la hauteur des défis auxquels nous devons faire face.

Ces moyens progressent de 15 %. Ils vont permettre, en premier lieu, de poursuivre l’extension du parc d’hébergement des demandeurs d’asile en finançant notamment 40 350 places en CADA, dont 2 000 places nouvelles en 2017, soit un doublement du parc sur le quinquennat.

Je rappelle à ceux qui expriment quelques inquiétudes sur la politique que nous menons qu’ils n’en ont créé que 2 000, là où nous en avons créé 20 000. On pourra m’objecter qu’il n’y a pas de sens à comparer ces chiffres sans les rapporter à l’évolution du nombre de demandes d’asile : précisément, au cours du quinquennat précédent, le nombre de demandeurs d’asile a progressé de façon très significative, passant de 30 000 en 2007 à 65 000 en 2012, alors que le pays n’avait pas à affronter une crise migratoire comparable à celle que connaît l’Europe aujourd’hui, puisque nous avons accueilli en l’espace de vingt-quatre mois sur le territoire européen deux millions de personnes, qu’elles soient en mesure ou non de se voir accorder l’asile politique. Dans ce contexte, le nombre de demandes d’asile est passé de 65 000 à 90 000, alors que, dans une période où la politique migratoire était maîtrisée nous dit-on, et alors que la pression migratoire était inexistante, ce nombre a progressé dans d’égales proportions – cherchez l’erreur… Je rappelle par ailleurs qu’aucun poste n’a été créé à l’OFPRA sous le précédent quinquennat et que seules 2 000 places ont été ouvertes en CADA, alors que nous en aurons, je le répète, ouvert 20 000, et créé parallèlement 600 postes au sein de l’OFII et de l’OFPRA.

Nous aurons également créé 21 000 places d’hébergement d’urgence, au titre desquelles plus de 5 000 nouvelles places en 2017, dans le cadre, pour la première fois, d’une procédure de commande publique lancée au niveau national. Ainsi, le parc de places de CADA aura quasiment doublé en cinq ans, et plus de 6 000 places d’hébergement d’urgence dédiées auront-elles été créées au plan national.

Parallèlement, les crédits consacrés à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) progressent de 71 millions d’euros pour faire face aux besoins générés par l’augmentation du nombre de demandeurs. Cette augmentation notable s’accompagne d’une volonté réaffirmée de maîtrise des coûts, rendue possible par les dispositifs prévus par la loi relative à la réforme de l’asile, tels que l’orientation directive dans l’hébergement et la substitution de places d’hébergement pérennes aux nuitées d’hôtel.

Le PLF 2017 soutient également l’action en faveur de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, qui constitue un axe majeur de la politique d’immigration. Il est ainsi proposé de maintenir les crédits dédiés à l’éloignement en 2017 après l’augmentation de 55 % dont ces crédits avaient fait l’objet en 2016 par rapport à 2015.

Enfin, la politique d’intégration bénéficie d’un renforcement de ses moyens pour la mise en œuvre d’une politique rénovée et ambitieuse, prévue dans la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers.

Ainsi, les crédits consacrés à l’accompagnement des primo-arrivants et des réfugiés connaissent dans le PLF 2017 une nouvelle hausse de 20 %, après celle intervenue en 2016. Il s’agit de financer l’extension du contrat d’intégration républicaine, qui constitue un outil essentiel de cette ambition. Il instaure une exigence accrue en matière de maîtrise de la langue française et d’adhésion aux valeurs de la République, facteurs essentiels de l’intégration, qui conditionnent désormais l’obtention d’une carte de résident.

Je souhaite à présent vous apporter quelques éléments d’information concernant la situation et les opérations menées à Calais. J’espère répondre ainsi aux questions légitimes qui m’ont été posées et qui appellent des réponses extrêmement précises.

Je l’ai dit, deux millions de migrants sont arrivés sur le territoire européen en l’espace de vingt-quatre mois. Entre 800 000 et un million de ces migrants se trouvent aujourd’hui en Allemagne ; une autre partie se trouve en Italie, le reste se répartissant dans le reste de l’Union européenne. C’est à ce chiffre de deux millions qu’il faut rapporter le nombre de demandes d’asile adressées à la France, passées – je le rappelle – de 65 000 à 90 000, soit une augmentation identique à celle que nous avons connue entre 2007 et 2012, sans pression migratoire.

Nous avons, dans ce contexte, augmenté considérablement les capacités d’accueil et, contrairement à ce que j’entends, fortement renforcé les moyens en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, grâce notamment aux augmentations budgétaires que je viens d’indiquer, mais également par la création d’emplois dans la police aux frontières (PAF), laquelle avait été très durement affectée par la révision générale des politiques publiques (RGPP). On peut toujours, en effet, verser des larmes de crocodile sur les difficultés que rencontrent nos services pour lutter contre l’immigration irrégulière, mais, si l’on veut éviter ces difficultés, il convient de ne pas les désarmer en leur supprimant des emplois en nombre.

Aura-t-on obtenu des résultats ? Je vais, là encore, répondre avec précisions aux inexactitudes que j’entends, car, y compris dans cette période politique particulière, nos débats nécessitent de la rigueur. Au cours des deux années écoulées, le nombre de filières d’immigration irrégulière démantelées par la police aux frontières – qui a accompli ici un travail considérable dont je tiens à la remercier – a progressé chaque année de 20 %. Pour ce qui concerne Calais, la réussite est encore plus importante, puisque le nombre de filières démantelées a augmenté de près de 30 %.

Il est donc absolument faux, qu’il s’agisse des moyens alloués aux services ou de leurs résultats, d’indiquer devant la représentation nationale ou devant les micros, que le Gouvernement ferait preuve de laisser-aller ou de laxisme en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Pour être très précis, je vous rappelle que, à partir de Calais, plus de 1 700 migrants ont été reconduits à la frontière ou vers leur pays d’origine, parce qu’ils ne remplissaient pas les conditions pour être réfugiés en France. Ceux qui en revanche sont conduits vers les centres d’accueil et d’orientation, monsieur Ciotti, sont bel et bien éligibles à l’asile. Maintenant, si vous pensez qu’il faudrait reconduire dans leur pays des Erythréens qui subissent les persécutions du régime de M. Issayas Afewerki, dites-le ; si vous pensez qu’il faut reconduire dans leur pays les Soudanais persécutés au Darfour, dites-le ; si vous pensez qu’il faut reconduire en Syrie ou en Irak les chrétiens d’Orient et les Yézidis, dites-le : nous saurons au moins à quoi nous en tenir sur vos intentions. En tout cas, tant que je serai ministre de l’Intérieur, ce ne sera pas le cas, parce que la France est le pays du droit d’asile et que 85 % des migrants qui se trouvent aujourd’hui à Calais appartiennent à l’un de ces trois groupes de personnes.

Par ailleurs, pour que les choses soient parfaitement claires, j’indique que, alors que la demande d’asile n’a pas explosé en France malgré la pression migratoire, nous connaissons un afflux de réfugiés à Calais. C’est un problème auquel nous sommes confrontés depuis vingt ans et auquel les gouvernements précédents ont apporté les réponses que l’on sait : ce n’est pas moi qui ai procédé à l’évacuation de Sangatte, en jetant les réfugiés dans les rues des villes de notre façade septentrionale – il en est arrivé 300 à Cherbourg du jour au lendemain, sans que nous ayons aucune solution de relogement ! Si vous considérez que c’est là une bonne politique, vous pouvez toujours proposer de la poursuivre, mais ce n’est pas la nôtre.

Par ailleurs, un accord parfaitement léonin a été conclu à Sangatte avec le Royaume-Uni, puisqu’il établissait la frontière sur le territoire français, sans aucune contribution britannique ni sur le plan financier ni en termes de prise en charge des mineurs isolés. Et ce sont ceux qui ont signé cet accord qui nous expliquent que nous avons tort de le subir… Il y a quelques limites au cynisme politique, surtout lorsqu’il s’agit de questions humanitaires graves, et je me dois de rappeler que c’est moi qui ai renégocié les accords du Touquet dans des termes que je tiens à préciser ici : le Royaume-Uni a été amené à financer une partie de l’accueil des migrants de Calais à hauteur de 140 millions d’euros. Ils avaient dans un premier temps apporté 100 millions d’euros, puis ont injecté 40 millions supplémentaires, au terme des négociations que j’ai menées ces dernières semaines, afin de sécuriser les infrastructures à Calais. Si l’on veut en effet éviter tout appel d’air, il faut faire en sorte que les passeurs ne puissent plus se livrer à leur abject trafic. C’est le minimum de cohérence requis pour agir à long terme.

En second lieu, les mineurs isolés qui n’étaient pas pris en charge par les Britanniques le sont désormais, aux termes des accords d’Amiens, et 200 d’entre eux ont quitté la France cette semaine.

Enfin, avant d’appeler à la renégociation des accords du Touquet, mieux vaudrait savoir ce qu’ils contiennent, si l’on ne veut pas se retrouver piégé. En effet, dénoncer les accords du Touquet entraînerait deux ans de statu quo, ce qui reviendrait à envoyer le signal que, pendant deux ans, la frontière redeviendra poreuse, sans que rien ait changé par ailleurs. En d’autres termes, vous installeriez un aspirateur à Calais, et les passeurs pourraient continuer de soutirer aux migrants, et notamment aux mineurs isolés, des sommes considérables contre la promesse d’une hypothétique traversée vers la Grande-Bretagne, traversée qui a déjà fait quatorze morts depuis le début de l’année. Nous proposons donc d’être extrêmement fermes avec les Britanniques, de faire en sorte que la frontière soit étanchéifiée pour que les passeurs arrêtent leurs trafics et que nous puissions, dans le cadre d’une politique constante dans la durée, obtenir des résultats.

À Calais, nous avons démantelé des filières, nous avons reconduits ceux qui ne relevaient pas de l’asile à la frontière, nous avons rééquilibré les accords du Touquet de manière à ce que les Britanniques prennent leurs responsabilités. Notre politique obéit à des convictions humanitaires et à l’idée que les demandeurs d’asile en Europe et en France ne peuvent être maintenus dans la boue, le froid, la précarité, à la merci des passeurs.

C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place des centres d’accueil et d’orientation, qui permettent de mettre à l’abri une population qui, pour 85 %, peut prétendre à l’asile. Si vous avez d’autres solutions que celle-ci, je suis preneur, mais, à moins que la France décide de renvoyer les migrants dans des pays où ils sont persécutés, je ne vois pas d’autre solution politique que celle que nous mettons en œuvre. Il est important que nous l’expliquions pour que notre pays, où perdure une culture de l’accueil, puisse maintenir dignement cette tradition.

Enfin, l’opération de Calais est une opération extrêmement difficile. La mobilisation extraordinaire des services de l’État et de la préfecture, sous l’autorité de la préfète, ainsi que des associations, mérite des remerciements, que j’exprime ici. Néanmoins, tant qu’elle n’est pas terminée, cette opération présente des risques pour des êtres humains en situation de grande vulnérabilité, et nous avons donc le devoir de l’accompagner par des paroles qui lui permettent d’aboutir au lieu de la compliquer.

Pour ce qui concerne les coûts, le coût de l’humanisation de la lande a été de 35,8 millions d’euros, celui des CAO de 23 millions en 2016. Quant à la présence des forces de l’ordre, elle est importante à Calais, puisque nous y avons augmenté de 2 000 agents les effectifs de police et que quatorze unités de forces mobiles y sont stationnées en permanence.

Enfin, le nombre de reconduites à la frontière est plus important qu’il ne l’était en 2011 ou 2012. En effet, nous ne comptabilisons pas dans les reconduites à la frontière les reconduites financées à hauteur de 1 000 euros par personne pour les ressortissants bulgares et roumains qui percevaient les 1 000 euros avant d’aller passer les vacances de Noël dans leur pays, puis revenaient entre Noël et le jour de l’An, pour repartir à Pâques en ayant touché de nouveau 1 000 euros. Nous considérons en effet que ces éloignements, qui étaient comptabilisés par le passé, sont des éloignements budgétivores, qui ne témoignent aucunement de la fermeté d’une politique migratoire.

Nous ne comptabilisons pas non plus les obligations de quitter le territoire français (OQTF) dites flash, c’est-à-dire que nous ne considérons pas que les immigrés irréguliers qui choisissent d’eux-mêmes de quitter le territoire et à qui l’on remet à l’aéroport une OQTF flash doivent venir gonfler les statistiques. C’est une pratique à laquelle il avait massivement été fait recours dans le passé, et qui permettait d’afficher des performances avantageuses.

Quant à la durée de traitement des dossiers de demande d’asile, elle est passée de vingt-quatre mois au moment de la réforme à quatorze mois aujourd’hui, notre objectif étant de la ramener à neuf mois. Si nous sommes ainsi parvenus à réduire les délais c’est qu’en dépit de la pression migratoire des postes ont été créés à l’OFII et à l’OFPRA et que nous avons ouvert des postes en CADA.

Enfin, la diminution, dont la presse s’est faite l’écho, du nombre d’éloignements en 2016 par rapport à la même époque en 2015, est une donnée exacte, mais qui s’explique par le fait que nous avons rétabli le contrôle aux frontières en novembre 2015 et que nous avons appliqué la procédure de réadmission à 40 000 migrants illégaux, qui ne sont en conséquence pas entrés sur le territoire. Il est donc assez logique que le nombre de reconduites à la frontière diminue, et il est indispensable de le mentionner si l’on veut être rigoureux et transparent.

Monsieur Grandguillaume, en ce qui concerne les crédits de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), la réduction des délais de traitement des demandes doit permettre en 2017 une diminution de la dépense. En cas de besoin, un abondement sera opéré en cours d’année. Il faut relever en tout état de cause la progression de près de 50 % des crédits consacrés à l’ADA, progression sans précédent, qui permet, selon le principe de sincérité budgétaire, de rapprocher les crédits disponibles de l’exécution, sachant que nous étions jusqu’à présent en situation de sous-budgétisation chronique.

S’agissant de la procédure de marchés publics pour les CAO, elle est imposée par les règles issues du droit européen en matière de commande publique. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, l’idée n’est pas d’exclure les acteurs associatifs, mais de faire en sorte que les marchés soient répartis en lots qui permettent précisément à l’ensemble des acteurs de participer à ces opérations.

En ce qui concerne le versement tardif des fonds, la difficulté vient du caractère annuel des programmes. Néanmoins, le solde des projets relevant des programmes 2008 à 2012 a été intégralement payé, et l’objectif est de verser le solde des derniers projets du programme 2013 d’ici la fin de l’année 2016.

Monsieur Mennucci, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers réforme le dispositif d’accueil et d’intégration en mettant en place le contrat d’intégration républicaine, dont vous avez eu raison de souligner qu’il était beaucoup plus exigeant que les dispositifs précédents ; il devrait concerner environ 110 000 personnes par an. La formation linguistique est notablement renforcée, tout comme l’apprentissage des principes de la République. Nous devons donc augmenter les crédits pour pouvoir installer dans les offices concernés des personnels qui mettent en œuvre ce contrat.

L’OFII bénéficie pour cette raison, dans le PLF pour 2017, de ressources d’un montant de 181,9 millions d’euros, ce qui représente une progression de près de 21 % par rapport à la loi de finances pour 2015. Le plafond d’emplois de l’Office s’établit à 1 014 ETP pour 2017, soit une augmentation de 78 ETP par rapport à la loi de finances pour 2016, et de 215 depuis 2015.

Monsieur Germain, nous nous étions engagés sur 30 600 relocalisations et avions proposé d’ouvrir d’emblée 3 800 places ; 1 997 ont été réalisées, ce qui fait de la France le premier pays de l’Union européenne en matière de relocalisation. Nous avons accueilli 40 % des relocalisés depuis la Grèce et 25 % depuis l’Italie. Les efforts se poursuivent puisque nous offrons 450 places chaque mois dans le cadre de la relocalisation.

Pour ce qui concerne la réinstallation, nous nous étions engagés sur 10 375 places, soit 2 375 auxquelles s’ajoutent 6 000 places au titre des accords UE-Turquie et les 2 000 places relevant des engagements pris par le Président de la République en 2016. Au 1er octobre 2016, 1 510 accords de réinstallation avaient été conclus par la France dans le cadre de ses engagements, 274 à partir du Liban, 670 à partir de la Jordanie, 476 à partir de la Turquie. Les personnes concernées sont accueillies après avoir été sélectionnées par le HCR et auditionnées par l’OFPRA. Elles arrivent en France avec le statut de réfugié et bénéficient donc de l’accueil réservés aux réfugiés. Ces accueils sont financés grâce au Fonds asile migration intégration (FAMI) de l’Union européenne, qui accorde 6 000 euros par personne accueillie, 10 000 euros pour les personnes particulièrement vulnérables en provenance de certains pays comme la Syrie.

Monsieur Ciotti, le coût d’une place en CAO est de 25 euros par jour et par personne. Il intègre le coût du bâti, trois repas par jour et l’accompagnement social et gestionnaire. Il y a 167 CAO, répartis dans 80 départements, ce qui représente 6 millions en 2015 et 23 millions en 2016. 48 millions sont programmés pour 2017, puisque nous sommes en train de procéder au démantèlement de la jungle de Calais.

M. le président Gilles Carrez. Nous allons à présent entendre les orateurs des groupes.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Malgré quelques propos regrettables qui peuvent être tenus, chacun sait ici que le socle républicain qui nous unit et qui s’est construit patiemment à travers l’Histoire ne peut s’affaiblir irrémédiablement en quelques mois ou quelques semaines.

Deux lois structurantes ont été votées pour aborder intelligemment la question des étrangers qui arrivent sur notre sol : la loi du 29 juillet 2015, qui réforme le droit d’asile, et la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers. Le budget qui nous est présenté vient au soutien de la mise en œuvre de ces réformes, avec notamment deux objectifs : d’une part, la réduction des délais d’examen des demandes d’asile et, d’autre part, un effort sans précédent en matière d’hébergement et de mise à l’abri des demandeurs d’asile. Car ce Gouvernement, quand il décide de mettre en œuvre une politique, s’en donne les moyens : nous sommes loin des annonces de certains gouvernements, jamais suivies d’effets, car jamais budgétisées.

Il faut ainsi souligner l’augmentation des moyens de l’OFPRA, car la réduction des délais implique nécessairement d’accroître les effectifs de l’Office – des fonctionnaires, qui ont toute leur place dans la République. Par ailleurs, comme Patrick Mennucci l’a souligné, la maîtrise de la langue française fait également l’objet d’un investissement particulier. Nous nous réjouissons donc d’un effort budgétaire qui témoigne de la volonté du Gouvernement d’agir de manière responsable, loin de toute démagogie, en s’efforçant de concilier le possible et le souhaitable, pour conjuguer droits et obligations des étrangers.

J’étais hier à Calais en compagnie d’Erwann Binet. Nous avons pu constater une organisation exemplaire, efficace et humaine, ce dont témoignait le soulagement qui se lisait sur le visage des migrants : n’oublions jamais, en effet, que, derrière les statistiques, se tiennent des hommes, des femmes et des enfants.

Si je devais résumer en trois mots l’action du Gouvernement, je parlerais d’abord de courage. Il fallait en effet démanteler Calais, chacun le reconnaît, mais pas n’importe comment. En proposant à chacun une solution d’accueil en CAO, vous avez, monsieur le ministre, redonné ses lettres de noblesse à notre tradition humanitaire. Nous pouvons en être fiers, et je tiens à vous en remercier ici. Je rappelle que le nombre de places d’accueil a doublé entre 2012 et 2017, passant de 20 000 à 42 000, alors que la pression migratoire augmentait.

Deuxième caractéristique de la politique du Gouvernement, la responsabilité. Gouvernement et élus locaux ont su, la plupart du temps, travailler en intelligence, même si nous avons vu des élus locaux s’opposer à l’accueil d’hommes et de femmes qui ont fui des villes comme Alep. Je ne comprends pas comment il est possible de refuser de tendre la main à ces personnes. Ceux qui ne désirent pas accueillir ces réfugiés auront peut-être des remords, et proposeront peut-être un jour que leur commune accueille un CAO ?

Humanité enfin : n’oublions jamais que celles et ceux qui prennent la route ou la mer avec femmes et enfants risquent leur vie. Nous l’avons dit : 70 % d’entre eux seront éligibles à l’asile.

Il nous faut aussi faire preuve d’humilité, car il reste à faire et à convaincre. Avec mon collègue Erwann Binet, nous avons rencontré des personnes qui se faisaient encore une image mirifique de l’Angleterre, alors qu’ils n’y ont aucun avenir. Il faut aussi travailler pour que les mineurs isolés, ou les femmes qui désirent rejoindre de la famille ou un conjoint, soient acceptés en Angleterre.

Il me reste à vous interroger, monsieur le ministre, sur les mineurs étrangers isolés. Que vont devenir ceux qui sont à Calais, comment seront-ils accueillis dans les structures de l’aide sociale à l’enfance ?

S’agissant de la relocalisation, nous avons pu voir lors d’un déplacement en Grèce des mineurs étrangers isolés attendant dans les camps leur relocalisation chez nous. Comment est-il possible de traiter ce problème en bonne intelligence avec les départements ? Il est de notre devoir de les accueillir et de leur faire une place, au même titre que les autres relocalisés. Il s’agit véritablement d’un devoir d’humanité envers les plus vulnérables.

Notre déplacement à Calais, nous a permis de constater le respect des règles politiques et juridiques propres à la complexité d’une telle situation. Notre Gouvernement peut revendiquer son courage politique de faire face à la complexité de la tâche. Vous avez souligné l’engagement des services de l’État : OFPRA et OFII. Je voudrais leur adresser nos compliments. Ce budget est une évidente et récurrente démonstration que l’on peut allier efficacité et humanité.

M. Arnaud Richard. Nous examinons un budget primordial, qui doit répondre aux enjeux majeurs de la pression migratoire accrue et de l’accueil des réfugiés.

Plus de 80 000 demandes d’asile ont été présentées en France en 2015, soit une hausse annuelle de 23,6 %. Cette hausse se poursuit en 2016, avec plus de 54 000 demandes présentées de janvier à août.

Ce budget doit être à la hauteur de ce qui constitue, pour la France et l’Europe, une urgence humanitaire et un devoir moral : accueillir sur la période 2015-2017, dans le cadre de nos engagements européens et internationaux, plus de 30 000 demandeurs d’asile et réfugiés issus des zones de conflit. Ce chiffre de 30 000 est à rapprocher du million de réfugiés accueillis en Allemagne.

Avec près de 1,1 milliard d’euros de crédits demandés pour 2017, le budget consacré à l’immigration, à l’asile et à l’intégration affiche une hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 ; c’est une bonne chose.

La réduction des délais de traitement des dossiers et le respect des règles de sortie des CADA pour les personnes déboutées et les bénéficiaires d’une protection internationale sont évidemment nécessaires pour améliorer la fluidité du dispositif d’hébergement.

Les outils créés par la loi du 29 juillet 2015, tels que l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), ont permis d’améliorer la gestion de l’afflux des demandes d’asile. Nous notons à ce titre la hausse du budget consacré à l’ADA, de 138 millions à 220 millions d’euros. Pour autant, l’OFII sera-t-il en mesure de remplir la nouvelle mission consistant à détecter la vulnérabilité des demandeurs d’asile ? Je pense qu’il y a un trou dans la raquette à ce sujet.

L’augmentation de près de 12 millions d’euros de la subvention pour charges de service public versée à l’OFPRA par rapport à la LFI 2016, et la création de quarante équivalents temps-plein sont à saluer. En effet, le respect des délais prévus par la loi impose d’allouer des moyens supplémentaires, dans le contexte d’un flux de demandes qui ne tarit pas.

Pour autant, d’année en année, l’objectif de réduction du délai moyen de traitement d’un dossier par l’OFPRA, de même que l’objectif d’augmentation du nombre de décisions rendues, semblent très optimistes. L’an dernier, l’objectif était de réduire le délai moyen de traitement d’un dossier par l’OFPRA, actuellement de 200 jours, à 140 en 2016 puis à 90 en 2017. Or, le document budgétaire précise qu’en 2015, le délai moyen de traitement d’un dossier était de 216 jours.

Dans le rapport d’information que Mme Jeanine Dubié et moi-même avons présenté, nous indiquons par ailleurs que l’objectif d’un délai moyen de jugement de cinq mois et cinq semaines devant la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) ne pourrait être atteint à l’horizon 2017 sans moyens supplémentaires.

En dépit des efforts réalisés pour accélérer la création de places en CADA et des crédits supplémentaires alloués pour créer des hébergements d’urgence, l’afflux des migrants et la mise en œuvre d’engagements européens successifs pèsent sur le dispositif d’hébergement, même si la hausse de crédits de 118 millions d’euros en 2017 est à saluer. Cette augmentation de places – certes importante – couvrira-t-elle pour autant tous les besoins en termes d’hébergement ? Une meilleure prévision à moyen terme des besoins en places d’accueil et d’orientation est nécessaire, afin d’éviter les surcoûts liés à l’équipement en urgence de locaux non adaptés – pour ne pas dire plus. En effet, les programmes budgétaires 303 et 177 sont régulièrement sous-dotés, nous le disons chaque année sans que rien ne change.

En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, après une baisse constante des crédits consacrés à cet objectif, les crédits de paiement devraient augmenter cette année de 13 millions d’euros. Nous ne pouvons que nous féliciter.

Néanmoins, ce budget est aussi destiné à permettre la mise en œuvre de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Or nous craignons notamment les conséquences d’un assouplissement excessif des conditions de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle, ou encore celles de l’élargissement de l’accès à la procédure de séjour pour les étrangers malades et de l’autorisation de séjour de plein droit pour le parent d’un enfant malade.

Pour terminer, je souhaite appeler votre attention sur la différence d’appréciation de la situation des Afghans entre la France et l’Allemagne. Les Allemands les considèrent comme des migrants économiques alors que nous les considérons comme des demandeurs d’asile. Nous nous interrogeons fortement à ce sujet.

M. Philippe Goujon. Chers collègues, j’interviens en lieu et place de l’orateur de notre groupe, Thierry Mariani, empêché.

Le contexte est toujours marqué par une crise migratoire sans précédent, et par le démantèlement de la jungle de Calais, que vous avez laissée se dégrader pendant cinq ans. D’ailleurs, vous ne la démantelez pas réellement : vous répartissez environ 11 000 migrants sur tout le territoire, sorte de régularisation de fait pour de nombreux étrangers en situation irrégulière : 5 % d’entre eux peut-être seront éligibles à l’asile. Vous n’avez d’ailleurs pas répondu à notre collègue Éric Ciotti lorsqu’il vous demandait s’il y aurait une régularisation de ces personnes.

L’augmentation de 15 % du budget de la mission s’explique d’ailleurs par la hausse des crédits consacrés à l’accueil des étrangers primo-arrivants. La hausse de 160 % des crédits du programme « Intégration et accès à la nationalité française » trouve sa source dans l’augmentation du budget de l’OFII, multiplié par quatre. Au regard de cette augmentation considérable, il est vraiment indispensable d’être particulièrement exigeants sur son efficacité, notamment sur les nouveaux parcours d’intégration républicaine concernant l’intégration des étrangers en France.

Nous sommes plus que perplexes face à certaines orientations du programme « Immigration et asile ».

Tout d’abord, le budget consacré à l’accueil des demandeurs d’asile est difficilement prévisible, puisque personne n’est en mesure de définir précisément le nombre de demandeurs d’asile que nous accueillerons l’an prochain sur notre territoire. Depuis le début de l’année, plus de 300 000 personnes ont traversé la Méditerranée pour rejoindre le continent, il est probable que de nouveaux contingents de demandeurs seront accueillis en France, au-delà des 30 000 que la France s’est d’ores et déjà engagée à recevoir.

Mais votre Gouvernement refuse de s’attaquer au dévoiement de l’asile, et aux liens entre filières d’immigration et certaines demandes qui ne relèvent absolument pas de l’asile. La Cour des comptes – qui conteste par ailleurs votre présentation un peu optimiste des recrutements dans la police – écrivait en 2015 : « La politique d’asile est devenue la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France. » Ce constat date de 2015 ; je crois qu’il est toujours valable aujourd’hui.

La question centrale est donc celle de la gestion des demandeurs d’asile déboutés, qui provoquent une embolie. Tant que la question de leur retour systématique et rapide ne sera pas réglée, le système ne pourra pas fonctionner correctement. L’objectif affiché d’un délai moyen de trois mois pour le traitement des demandes est encore loin d’être respecté : il était de 140 jours en 2016.

Cette situation nuit d’abord à tous ceux qui ont un réel besoin de protection, que nous ne nions pas du tout, mais aussi aux finances publiques et à la crédibilité de l’État, qui n’est pas en mesure de rationaliser un dispositif à la dérive depuis plusieurs dizaines d’années.

Il est tout aussi grave que le nombre de mesures de reconduite à la frontière exécutées ait baissé entre 2014 et 2015, alors que la pression migratoire s’est fortement accrue, et vos explications ne nous ont pas convaincus. On peut s’étonner que la hausse du nombre de reconduites aux frontières ne soit pas mécanique, d’autant que les budgets afférents sont en hausse.

Nous ne portons pas non plus la même appréciation sur les mesures d’obligation à quitter le territoire français (OQTF), qui ont quasiment disparu aujourd’hui alors qu’elles étaient utiles et opportunes dans certains cas.

Dans le projet de loi de finances, 14 millions d’euros sont consacrés à la prise en charge des migrants de Calais à Dunkerque afin de financer le fonctionnement des camps : Jules-Ferry, centres d’accueil provisoire, Calais, Grande-Synthe... Alors que le démantèlement de la jungle de Calais a débuté, nous nous interrogeons sur la façon dont cette enveloppe sera réallouée.

M. Joël Giraud. Vous êtes confronté, monsieur le ministre, à l’un des plus importants défis migratoires qu’il ait été donné à notre pays de connaître depuis la Seconde guerre mondiale. D’ici à la fin de l’année, la France devra accueillir 30 700 migrants fuyant entre autres la Syrie, l’Irak et l’Érythrée, dans le cadre des mécanismes européens provisoires de relocalisation. Ce nombre correspond à un plafond global de 160 000 réfugiés, alors que nous savons que le nombre total d’exilés ayant franchi la Méditerranée avoisine ou dépasse le million. Cependant, et même si le dispositif de réadmission des demandeurs vers l’État membre responsable doit être revu, la mise en place d’un mécanisme européen permanent de relocalisation n’est pas possible tant que nous ne serons pas capables de maîtriser les flux migratoires.

Comme vous l’aviez fait vous-même en présentant les crédits de cette mission l’année dernière, je rappelle que dès l’été 2014, la France avait pris la mesure de la situation en formulant des propositions claires. Non seulement en proposant un mécanisme de répartition des demandeurs d’asile à l’échelle de l’Union européenne, mais également en proposant de remplacer l’opération Mare nostrum – la situation au large des côtes italiennes étant intenable – par un contrôle effectif des frontières extérieures de l’Union européenne conduit par Frontex. Ce rappel me permettra de vous poser une première question, monsieur le ministre : pouvez-vous nous renseigner sur l’évolution des effectifs et des moyens dévolus à Frontex ?

Indépendamment de cette pression migratoire, la France a la particularité d’avoir été depuis longtemps un hot spot : Calais, après Sangatte, dont vous avez rappelé les conditions de démantèlement. Nous en connaissons tous l’origine et les causes : l’exclusion volontaire de la Grande-Bretagne de l’espace Schengen. Hier, lundi 25 octobre, à 8 heures 35, le premier car a quitté la jungle de Calais avec, à son bord cinquante Soudanais qui, une fois arrivés en Bourgogne au centre d’accueil et d’orientation, pourront déposer une demande d’asile. Lundi, il y a eu 60 départs par car, aujourd’hui 45, et demain 40. En tout, 150 cars auront acheminé 7 000 migrants vers les 450 centres d’accueil ouverts partout en France, dont 280 nouveaux ouverts ces derniers mois.

Je tiens ici à saluer, au nom de mon groupe, l’action de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), de l’OFPRA, de la préfecture du Pas-de-Calais et en particulier de la préfète Fabienne Buccio qui est toujours en première ligne, des agents des forces de l’ordre, des membres des associations et des ONG, mais aussi des agents du Foreign Office, que l’on oublie souvent, pour la délicate admission des mineurs isolés souhaitant gagner le sol britannique. Plus de 200 d’entre eux sont déjà partis rejoindre leurs proches susceptibles de les accueillir.

La France fait face, et comme l’année dernière, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en sensible augmentation. Cette évolution accompagne les progrès qui résultent de la loi relative à la réforme du droit d’asile du 29 juillet 2015, loi que nous avions pleinement approuvée et qui faisait suite au rapport d’information sur la politique d’accueil des demandeurs d’asile que nos collègues Jeanine Dubié et Arnaud Richard avaient présenté le 10 avril 2014.

Même si la France n’est pas encore confrontée à une augmentation massive de la demande d’asile, la hausse quasi continue de la demande depuis 2008 rend difficile la diminution des délais de traitement des dossiers de demande d’asile, ce qui accroît la pression sur leur hébergement, comme le confirme l’indicateur 1.1 de l’objectif n° l du programme 303.

La réduction des délais d’instruction des demandes d’asiles par l’OFPRA – l’objectif est de trois mois – et de ceux de la CNDA – cinq mois en procédure normale – doit permettre la réduction des durées de séjour dans les structures dédiées. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dresser la situation quant à l’évolution des délais de traitement des demandes d’asile ? La mise en place des guichets uniques des préfectures pour réduire la durée de traitement des demandes s’effectue-t-elle correctement ? Le système d’orientation directive des demandeurs d’asile a-t-il permis une augmentation des places disponibles dans les hébergements dédiés ?

Enfin, je voudrais évoquer la mise en place, depuis le 1er novembre dernier, de l’ADA, allocation unique créée par la loi du 29 juillet 2015 et versée aux demandeurs d’asile pendant la durée de l’instruction de leur demande, dont le barème est le même pour tous, quel que soit le mode d’hébergement, et qui est familialisée. Les 220 millions d’euros qui figurent en crédits de paiement pour 2017 devraient correspondre au versement d’une allocation à 70 000 personnes sur une période de douze mois. Cela signifie-t-il qu’en 2017, un nombre équivalent de demandeurs pourra être hébergé en CADA et en hébergement d’urgence ?

M. Marc Dolez. Ma première série de questions, monsieur le ministre, concerne le démantèlement en cours de la jungle de Calais. Vous avez répondu par avance à beaucoup d’entre elles, mais j’ai deux précisions à vous demander. Quel dispositif est prévu pour les migrants qui ne veulent pas aller en CAO ? Iront-ils dans les centres de rétention, qui sont déjà saturés ? Les associations sur le terrain craignent que beaucoup d’entre eux disparaissent dans la nature pour ne pas trop s’éloigner des lieux de passage vers la Grande-Bretagne.

La seconde précision que je souhaite obtenir concerne les mineurs isolés à Calais. Si l’on en croit les chiffres de France Terre d’Asile, sur les 1 300 mineurs isolés, environ 500 peuvent prétendre au regroupement familial en Grande Bretagne.

Quant aux autres, la difficulté pour l’État est que ces mineurs relèvent de la protection de l’enfance, compétence départementale, qu’ils ne peuvent être envoyés ni en centre d’accueil et d’orientation ni en rétention administrative, et qu’un placement requiert l’intervention d’un juge pour enfants. Quelles sont les garanties apportées aux mineurs isolés ? Quels dispositifs sont prévus pour leur prise en charge, sachant que selon les responsables de l’Auberge des migrants, lors du démantèlement de février, 128 enfants avaient été « perdus » ?

Ma deuxième série de questions concerne les enfants en centres de rétention. Cinq ans après l’arrêt du 19 janvier 2012 « Popov contre France », condamnant notre pays pour rétention de mineurs accompagnés, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a une nouvelle fois condamné la France pour mauvais traitements dans sept dossiers différents, le 12 juillet 2016. Cinq d’entre eux concernent le placement d’enfants dans des centres de rétention administrative.

Rappelons que, en 2015, 105 enfants ont été placés avec leurs parents en centre de rétention administrative (CRA), soit plus du double des 45 recensés en 2014. Sur les premiers mois de 2016, 67 enfants ont déjà connu le même sort. Monsieur le ministre, je renouvelle la question que je pose tous les ans lors de la discussion budgétaire, en appelant votre attention sur l’insuffisance de la circulaire du 6 juillet 2012 qui ne prohibe pas la rétention des enfants mais la limite à certains cas. Allez-vous interdire définitivement la rétention des enfants mineurs ?

Ma dernière série de questions porte sur le rapport relatif aux droits des étrangers, en date du 9 mai 2016, et dans lequel le Défenseur des droits pointe l’ensemble des obstacles qui entravent l’accès des étrangers aux droits fondamentaux. Je voudrais avoir votre position sur deux points particulièrement mis en évidence : la délivrance des attestations d’accueil et la situation des conjoints de français.

S’agissant de la délivrance des attestations d’accueil par les mairies, le Défenseur des droits a constaté que certaines d’entre elles avaient développé des pratiques illégales, subordonnant la délivrance de cette attestation à des exigences non prévues par les textes.

S’agissant des conjoints de Français, ils se trouvent dans une situation moins favorable que les conjoints de ressortissants européens établis en France pour leur demande de titre de séjour.

Dans son rapport, le Défenseur des droits avance un certain nombre de recommandations ; je voulais connaître la suite que vous entendez leur réserver.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Beaucoup d’intervenants ont à nouveau évoqué Calais, je veux apporter toutes les réponses qui doivent l’être pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés.

Les mineurs isolés, comme l’ensemble de ceux qui sont aujourd’hui à Calais, se trouvent dans la plus grande précarité. Ils sont dans le froid et dans la boue, sans recevoir l’accompagnement qui devrait leur être offert. Par ailleurs, si nous cherchons à mettre en œuvre immédiatement à Calais certaines dispositions extrêmement précises concernant les mineurs isolés, nous ne pourrons pas leur offrir la mise à l’abri qui permettrait d’appliquer le droit commun dans des conditions de protection. Voilà notre problème.

La stratégie de l’État sur les mineurs isolés est donc très claire : faire en sorte que tous ceux qui ont une attache en Grande-Bretagne, ou qui y seraient mieux selon les critères de l’amendement Dubs voté par le Parlement britannique, puissent rejoindre la Grande-Bretagne.

C’est l’objet des discussions que j’ai engagées depuis de nombreux mois, et qui se sont accélérés lorsque la décision du démantèlement de Calais a été prise. Elles donnent de premiers résultats positifs, puisqu’en une semaine les Britanniques ont procédé à l’accueil de 200 mineurs isolés qui ont quitté la lande. Les autres dossiers sont actuellement étudiés, alors qu’en un an seuls 73 dossiers avaient trouvé une issue positive au terme de leur examen. La négociation exigeante menée avec les Britanniques dans le cadre du démantèlement a porté ses fruits, puisque nous avons permis à trois fois plus de mineurs isolés de sortir de Calais en une semaine qu’en dix mois. Cela doit se poursuivre. Je suis engagé dans cette discussion exigeante et partenariale avec les Britanniques.

Pour ceux qui n’iront pas en Grande-Bretagne, notre objectif est de les placer sous protection dans les centres d’accueil provisoires pour que leurs dossiers puissent être traités par nous et les Britanniques, ou dans des centres d’accueil pour mineurs isolés, qu’il faudra cependant « armer » un minimum pour que les dispositifs de droit commun puissent ensuite s’appliquer.

Nous sommes donc particulièrement mobilisés sur la question des mineurs isolés. Nous essayons de bien faire dans ce contexte, alors que tous les sujets que nous traitons sont extraordinairement difficiles sur le plan humain et émotionnel. Mais chacun conviendra de bonne foi que mettre à l’abri des mineurs isolés pour permettre l’application du droit commun est préférable à les laisser dans la boue et le froid. Voilà la réponse que je voulais apporter sur ce point.

Les propos tenus concernant les 128 enfants qui auraient été « perdus » dans le cadre du démantèlement de la zone sud n’ont jamais été corroborés par quoi que ce soit de tangible. Chaque fois que nous avons travaillé sur la question du démantèlement, nous l’avons fait sur la base des principes que je viens d’évoquer.

J’ai été interrogé sur les centres de rétention. Les enfants isolés ne sont jamais placés en centre de rétention, nous ne le voulons pas, et des instructions très claires ont été données en ce sens. Seuls y sont placés les enfants accompagnant leurs parents, surtout pour des placements la veille du départ concernant des familles manifestant un risque de fuite alors qu’ils relèvent d’une OQTF. Les quelque 60 cas que vous mentionnez répondaient tous à ces critères très restrictifs, et je tiens à ce que nous n’en sortions pas.

Quant à l’arrêt Popov, il n’interdit pas la présence d’enfants en rétention administrative, mais exige que cet accueil se fasse dans des conditions adaptées. C’est le cas, nous y veillons particulièrement.

Monsieur Giraud, nous avons été très en pointe pour faire monter en puissance les moyens de Frontex ; 350 millions d’euros et 1 700 personnes – garde-côtes et garde-frontières – y sont alloués ; pour exercer un contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne qui n’existait pas jusqu’à présent. Il va s’effectuer dans le cadre d’une réforme du code Schengen que la France a obtenue.

Il est souvent demandé de réformer le code Schengen, mais c’est déjà chose faite, puisque l’article 7-2 a été modifié afin de permettre des contrôles au moment de l’entrée sur le territoire de l’Union européenne, y compris de nos propres ressortissants. Frontex n’existait pas il y a quelques années, et les corps des garde-côtes et des garde-frontières n’étaient pas encore montés en puissance, puisque c’est nous qui en avons fait la demande, avec les Allemands. Nous fournissons 10 % des effectifs de Frontex, ce qui est considérable. Le contrôle aux frontières de l’Union européenne, dont on réclame absolument la mise en œuvre, est désormais doté d’un outil, et nous avons demandé, mon collègue Thomas de Maizière et moi, que soient réalisés des exercices grandeur nature pour réussir ces opérations de contrôle.

Monsieur Richard, vous avez réalisé un travail remarquable sur la loi relative à l’asile, dans un cadre qui dépassait les clivages politiques traditionnels. J’ai déjà répondu à bon nombre de vos questions.

S’agissant des problèmes de détection de la vulnérabilité des demandeurs d’asile par l’OFII, nous y sommes sensibles, et notre volonté d’augmenter les moyens de l’OFII répond à cette préoccupation. Je suis tout à fait désireux, si vous en êtes d’accord, pour qu’il y ait une rencontre entre vous, mon cabinet et le directeur de l’OFII sur ce point. Ainsi, au moment du débat en séance, nous pourrons consolider la réponse budgétaire.

Il n’y a pas de politique différente en Allemagne et en France à l’égard des Afghans. Le taux de protection des Afghans est relativement important, de l’ordre de 70 % dans les deux pays, pour des raisons qui tiennent à la situation de l’Afghanistan. Les Allemands ont instauré l’organisation de retours volontaires, dans le cadre d’un accompagnement financier négocié avec le gouvernement afghan, et nous souhaitons le mettre en place avec eux au niveau européen. J’ai rencontré l’ambassadeur d’Afghanistan pour que nous puissions mettre en place cette politique de façon volontariste.

Bien entendu, nous la mettrons en place pour ceux qui n’ont pas fui pour des raisons qui tiennent aux persécutions dont ils font l’objet et qui n’ont pas de raisons de rester en France. Mais les Allemands reconnaissent qu’il faut énormément de mobilisation administrative pour mener ce travail de conviction. Nous le menons comme eux, mais, compte tenu de la situation en Afghanistan, qui n’est pas un pays d’origine sûr, et compte tenu des règles de l’asile, nous sommes dans cet équilibre et il est très difficile d’en sortir.

Monsieur Goujon, si vous appelez régularisation de migrants irréguliers l’octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l’asile, je pense que nous aurons du mal à tomber d’accord. Je ne considère pas que l’octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l’asile soit une régularisation de migrants irréguliers. Je vous rappelle que 85 % de ceux qui sont à Calais relèvent du statut de réfugié en France. Ce statut de réfugié leur est octroyé en application des règles votées par le souverain – dont vous faites partie – qui définissent les modalités d’intervention de l’OFPRA dans l’octroi du statut de réfugié.

Je vous rappelle également que nous avons reconduit, depuis Calais, 1 700 personnes qui ne relevaient pas du statut de réfugié, mais de l’immigration économique irrégulière.

Au vu des éléments extrêmement précis que je viens de vous livrer, pouvez-vous m’expliquer le raisonnement qui vous permet d’affirmer que nous procédons à la régularisation de migrants en situation irrégulière ? Il s’agirait – la volonté de rupture parfois peut conduire jusque-là – d’un changement total de la politique de la France depuis 1790, que même le Front national ne demande pas. Dois-je comprendre que vous considérez l’octroi du statut de réfugié à ceux qui relèvent de la protection de la France comme une régularisation ? Si tel est le cas, nous avons un désaccord de fond. Je l’assume totalement devant vous. Je rappelle encore une fois pour la clarté du débat que nous avons reconduit, à partir de Calais, plus de 1 700 personnes qui étaient en situation irrégulière. Nous ne procédons à aucune régularisation.

Vous dites que les OQTF n’existent plus. Puis-je me permettre, monsieur Goujon, de vous poser une question : combien d’OQTF ont été délivrées en France en 2016, et combien en 2011 ? Je parle bien sûr des reconduites forcées exécutées. Je sais que la période autorise toutes les outrances – sur les sujets dont j’ai la charge, elles sont quotidiennes. J’essaie de faire preuve d’une certaine philosophie mais notre échange de ce matin me donne l’occasion d’apporter des réponses un peu précises. Combien d’OQTF ont été exécutées en 2011 et combien en 2016 ?

M. Philippe Goujon. Il me semble qu’aujourd’hui, c’est nous qui vous posons des questions et vous qui êtes ici pour y répondre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Très bien. Je constate que vos questions sont fondées sur des chiffres qui n’existent pas et vos affirmations unilatérales sur des faits que vous n’établissez pas. Je vais donc vous apporter les réponses aux questions que je viens de poser pour rectifier vos contre-vérités.

Depuis le début de l’année 2016, l’exécution des OQTF a donné lieu à 15 000 reconduites forcées. Lorsque vous dites que les OQTF ont disparu en France, c’est donc un mensonge, d’autant plus grossier que le nombre d’OQTF exécutées aujourd’hui est supérieur à celui de 2011. À cette date, il était de 13 000, en comptabilisant ce que j’ai appelé les OQTF flash, c’est-à-dire les OQTF délivrées le jour de leur départ à des migrants quittant le territoire de leur plein gré.

Je souhaite que nous débattions de ces sujets. Je trouve même tout à fait normales les confrontations. Mais j’aimerais que la rigueur intellectuelle puisse être de temps en temps convoquée sur un sujet sur lesquels les approximations et les mensonges ne peuvent pas servir de support au débat.

M. le président Gilles Carrez. Nous en venons aux questions de nos collègues, pour une durée de deux minutes par question.

M. Erwann Binet. Je veux saluer à mon tour, puisque j’en ai été témoin hier avec Marie-Anne Chapdelaine, l’énorme travail accompli à Calais par vos services et l’ensemble de services de l’État – l’OFII, l’OFPRA, la sécurité civile, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

En réponse à Laurent Grandguillaume, je souligne que toutes les associations que nous avons sollicitées sont fortement impliquées dans l’opération de démantèlement de la jungle de Calais et coopèrent efficacement. L’organisation est millimétrée ; rien n’est improvisé ; toutes les difficultés sont anticipées. Les associations nous ont rappelé les conditions dans lesquelles elles tentaient d’œuvrer au début des années 2000 – des réfugiés menottés avec des bracelets en plastique et des gardes à vue pour les membres des associations qui essayaient de leur venir en aide. Les conditions sont bien différentes aujourd’hui. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette opération.

Ma question porte sur l’application de la loi du 7 mars 2016. À partir du 1er novembre, la plupart des dispositions relatives aux titres pluriannuels entrent en application. Pouvez-vous faire le point sur la publication des décrets d’application et sur l’évolution de l’organisation de vos services, notamment des préfectures dont le travail va notoirement changer, en particulier avec le contrôle a posteriori de la situation des bénéficiaires.

Mme Marietta Karamanli. Dans le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », dont les crédits augmentent de plus de 20 %, l’action n° 12 « actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière » assure l’accompagnement des étrangers vers le niveau de langue A2, qui constituera désormais une condition de délivrance de la carte de résident. Elle soutient également les projets territoriaux structurants et les actions conduites par les acteurs locaux pour déployer les parcours d’accueil et d’intégration sur les territoires et soutenir les mesures d’accès aux droits.

Quelle évaluation faites-vous de ces mesures ? Plusieurs expériences montrent l’efficacité d’un accompagnement soutenu et durable qui s’appuie sur la langue, l’insertion et la culture.

Concernant le programme « Immigration et asile », dont les crédits sont en hausse de plus de 16 % – ce dont je tenais à vous remercier –, peut-on estimer les moyens budgétaires, hors contribution de notre pays aux ressources propres de l’Union européen, correspondant à l’effort de chacun des États membres de l’Union européenne pour financer le corps de gardes-frontières européen dont dispose désormais Frontex ?

M. Joaquim Pueyo. La répartition des migrants est une décision de bon sens, monsieur le ministre, et je voudrais vous en féliciter. Elle permet d’éviter les concentrations qui peuvent conduire à des situations alarmantes comme on le voit actuellement à Calais ou dans certains quartiers de Paris.

Je déplore l’attitude des responsables politiques de notre République qui rejettent et diabolisent les migrants et les réfugiés. Afin de les inciter à prendre conscience de la complexité de la situation, je cite quelques chiffres : hier, 2 200 migrants ont été sauvés par l’opération Sophia ; en une semaine, plus de 10 000 ; en un an, 153 000. Avant de critiquer les dispositifs mis en place par le Gouvernement, il faut avoir ces chiffres à l’esprit.

Ma question porte sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales. Il est prévu que l’État accorde aux communes 1 000 euros pour chaque migrant qu’elles accueilleront. Des aides pourraient également être apportées par d’autres collectivités, comme les régions, afin de s’assurer que les communes ne refusent pas pour des motifs financiers.

Le Gouvernement avait annoncé que 279 millions d’euros seraient mobilisés pour l’accueil, l’hébergement et le recrutement des personnels destinés à l’OFII et l’OFPRA. Ces moyens doivent permettre de recevoir les étrangers dans des conditions dignes et d’intégrer dans notre société ceux qui ont vocation à rester sur le territoire – je pense à ceux qui seront accueillis dans les CADA. Je m’interroge sur la place faite dans ce budget à l’aide financière aux collectivités qui de fait devront mettre en place des politiques publiques pour accompagner socialement ces personnes à la sortie des centres. Je souhaite que celles qui font des efforts pour prendre en charge ces populations puissent être davantage aidées.

Mme Sandrine Mazetier. À mon tour, je souhaite rendre hommage à tous les agents du ministère, en particulier à ceux de la direction générale des étrangers, et à tous les agents de l’OFPRA et de l’OFII pour ce qui se passe à Calais en ce moment même mais aussi pour avoir réussi à absorber deux réformes simultanées alors même que nous traversons une crise humanitaire d’ampleur. Bravo à elles et à eux.

Je tiens également à saluer, dans ce contexte de crise et d’urgence humanitaire, la performance que représente la réduction de 20 % des délais de traitement de la demande d’asile alors même que cette demande augmentait de plus de 35 %.

Malgré l’émotion qui nous étreint à l’évocation de la situation de ces personnes qui fuient le Darfour ou l’Erythrée et pas seulement la zone irako-syrienne, je ne voudrais pas qu’on oublie que la France met également en œuvre une politique migratoire, parallèlement à la réponse à l’urgence et au devoir d’humanité qui nous incombe. Cette politique doit prendre en compte, aussi étonnant que cela puisse paraître, une compétition internationale qui fait rage pour attirer les élites des pays en voie de développement ou des pays émergents, afin qu’elles soient formées en France et soient francophiles demain.

Dans ce budget, qui, encore une fois, est stupéfiant de réponse à l’urgence mais aussi d’anticipation des tendances lourdes auxquelles notre pays sera confronté dans les années qui viennent, quelle place occupe la stratégie d’influence et la politique de rayonnement de la France dans une compétition internationale qui n’a pas cessé ?

M. Patrick Lebreton. Vous me permettrez de sortir du cadre hexagonal pour attirer l’attention sur la situation de Mayotte.

Je suis certes député de La Réunion, mais la situation de notre département cousin ne peut nous laisser indifférents compte tenu de la forte diaspora mahoraise et comorienne présente sur notre sol.

Au printemps dernier, les médias nationaux découvraient une situation que nous connaissons depuis de très nombreuses années. La population mahoraise, sous forte tension, a par endroits littéralement craqué, menant une véritable chasse aux clandestins venus des Comores. Rien ne peut justifier ces exactions.

Néanmoins, l’immigration clandestine pose à Mayotte un véritable problème dont les conséquences sont immenses sur l’éducation, la santé et la sécurité sans doute, sans oublier bien évidemment le cas des mineurs isolés.

Le Gouvernement s’est impliqué. Un plan intitulé « Mayotte sécurité pour tous » a ainsi été adopté cette année, dans lequel des moyens supplémentaires de lutte contre l’immigration clandestine sont annoncés. Êtes-vous en mesure de nous préciser, monsieur le ministre, les moyens affectés au travers de cette mission à la mise en œuvre de ce plan ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. À mon tour, je voudrais saluer la fermeté et l’humanité de l’opération menée à Calais, malgré mes doutes sur l’appétence de l’ensemble des associations.

Il est sans doute difficile, monsieur le ministre, de s’extraire de cette actualité, sur laquelle vous vous êtes longuement et justement expliqué, mais je souhaite vous interroger sur le traitement global de l’immigration dont votre ministère a la charge, car, d’une certaine manière, l’arbre ne peut cacher la forêt.

Le pilotage des politiques publiques en matière d’immigration relève de services différents de votre ministère : accueil et intégration, gestion des titres de séjour, reconduites, sans oublier le démantèlement des filières. Ces problèmes sont distincts, même s’ils s’interpénètrent. On peut se demander si, en amont du pilotage, une connaissance plus fine de l’ensemble des aspects de l’immigration ne serait pas aujourd’hui nécessaire – peut-être estimez-vous en avoir déjà les moyens.

Plutôt que de politique de l’immigration, je parlerai plutôt de politique des immigrations : l’origine géographique, la motivation, parfois la catégorie socioprofessionnelle, l’immigration tournante dans certains territoires – le Mali –, la tradition migratoire d’autres pays – le Maghreb –, les pics de migration – dans certaines régions chinoises – ou encore le sujet très justement soulevé par ma collègue Sandrine Mazetier de l’attraction des élites sont des questions extrêmement différentes. Votre ministère dispose à ma connaissance de bonnes bases statistiques. Au-delà, la connaissance du phénomène migratoire est-elle suffisante ? Un observatoire, que j’appelle depuis longtemps de mes vœux, ne devrait-il pas regrouper un jour dans votre ministère les moyens nécessaires, pour partie existants, à une étude précise des migrations, sans préjudice de l’apport éventuel du Parlement ?

M. Lionel Tardy. En matière d’asile, le programme comporte une nouvelle dépense, l’aide aux communes qui représente 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Cette aide est destinée à soutenir les collectivités territoriales qui créent des places d’hébergement pour les demandeurs d’asile – elle sera de 1 000 euros par place créée.

Si mes calculs sont bons, vous attendez la création de 4 000 places. Or, selon la presse, le Gouvernement tablait sur 12 000 places en CAO d’ici la fin de l’année. J’en conclus, et c’est là ma question, que sur les 12 000 migrants en CAO, seuls 4 000 feraient l’objet d’une demande d’asile. Ce chiffre paraît faible. Pouvez-vous préciser ce point ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. Je commencerai par la question de M. Tardy. Les créations de place en centre d’accueil et d’orientation (CAO), qui ont déjà permis d’accueillir 6 000 personnes au cours de l’année écoulée et qui doivent permettre d’en accueillir entre 7 000 et 8 000 après l’opération de démantèlement, sont financées à 100 % par l’État. Les CAO ne font l’objet d’aucune contribution des collectivités locales. On ne peut donc pas rapporter le chiffre que vous venez d’indiquer aux CAO.

Nous avons également indiqué dans le cadre d’une discussion avec l’Association des départements de France (ADF) que la prise en charge des mineurs isolés de Calais ferait l’objet d’un financement de l’État pour faire en sorte que celle-ci ne pèse pas sur les finances des départements.

Vous faites référence à un autre dispositif, qui concerne l’accueil dans des villes, dans des logements relevant du droit commun, de personnes ayant déjà le statut de réfugié. Un certain nombre de collectivités, notamment rurales, ont souhaité pouvoir accueillir des familles afin d’augmenter leur population et, éventuellement, de repeupler leurs écoles. C’est dans ce cadre-là que sont attribués, en fonction du nombre de migrants localisés dans les villes, ces 1 000 euros. La somme correspondante est inscrite au budget du ministère : 15 millions d’euros en 2015, 19 millions en 2017. Les choses sont donc très claires : il faut distinguer les CAO, que l’État finance à 100 %, de l’accueil des réfugiés dans les communes, qui donne lieu à cette aide pour permettre la sortie des CAO de ceux qui ont obtenu le statut de réfugié. Je redis en effet ce que j’ai dit aux membres de votre groupe : 85 % à 90 % de ceux qui sont à Calais relèvent du statut de réfugié, et 90 % de ceux qui vont en CAO accèdent à l’asile.

Je pense avoir ainsi répondu également à la question de M. Pueyo.

Madame Mazetier, nous menons naturellement une politique de rayonnement dans le cadre de la politique migratoire. Tout ce que nous faisons, y compris à travers l’opération que nous essayons de réussir à Calais, est de nature à montrer ce qu’est notre pays ; les dispositifs prévus expriment les valeurs auxquelles notre pays est attaché. En outre, nous avons mis en place des politiques d’accueil des talents internationaux et des étudiants étrangers. La loi du 7 mars 2016 a modifié les règles : création d’un titre de séjour pluriannuel, généralisation du titre de séjour pluriannuel pour les étudiants, suivi sanitaire préventif. Des lignes sont prévues dans ce budget pour permettre de mettre cette politique en œuvre. Nous avons revu la circulaire prise par Claude Guéant sur l’accueil des étudiants. La meilleure manière d’obtenir des étudiants, une fois qu’ils ont quitté notre pays, qu’ils contribuent à donner une image positive de la France, n’est pas de leur fermer la porte, mais de leur permettre de faire des études et de développer ensuite des relations économiques et culturelles. Un pays qui se ferme aux étudiants étrangers est un pays qui se coupe de tous les échanges culturels, de toutes les opportunités de développement économique et de la promotion de sa langue, ce qui est fondamental pour assurer sa puissance.

Madame Karamanli, la loi du 7 mars 2016 concentre l’effort sur les primo-arrivants, tirant ainsi les conséquences que constat que vous avez fait et que nous partageons.

L’efficacité de la politique d’accompagnement est mesurée par les préfets, qui sont au plus près du terrain. Ils transmettent au ministre l’ensemble des éléments dont ils disposent pour lui permettre d’adapter constamment les moyens aux objectifs que nous poursuivons.

L’immigration irrégulière à Mayotte est un sujet absolument fondamental pour moi, monsieur Lebreton, pour des raisons qui tiennent aux conséquences de cette immigration sur la société mahoraise, avec toutes les difficultés qui peuvent s’y attacher et qui peuvent poser des problèmes d’ordre public très sérieux. La réponse de l’État prend plusieurs formes : d’abord, l’augmentation du nombre des interpellations, sur la base desquelles nous procédons à des reconduites : 17 400 interpellations d’étrangers en situation irrégulière ont eu lieu à Mayotte en 2015, et 13 982 mesures de reconduite ont été exécutées. Nous essayons également d’augmenter les moyens de nos services – un nouveau centre de rétention, une consolidation des moyens de la police aux frontières – parallèlement à des négociations avec l’Union des Comores. Enfin, la loi du 7 mars 2016 a modifié sur plusieurs points la procédure contentieuse applicable outre-mer aux décisions portant obligation de quitter le territoire, notamment : a notamment été modifié le séquençage des interventions respectives du juge des libertés et de la détention et du juge administratif pour faciliter les reconduites.

M. le président Gilles Carrez. Je vous remercie, monsieur le ministre.

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À l’issue de l’audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Patrick Mennucci, rapporteur pour avis « Immigration, intégration et accès à la nationalité française », et de M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis « Asile », les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2017.

Conformément aux conclusions de M. Patrick Mennucci, mais contrairement à l’avis de M. Éric Ciotti, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2017.

PERSONNES ENTENDUES

• Ministère de l’Intérieur – Direction générale des étrangers en France :

—  M. Pierre-Antoine Molina, directeur général ;

—  M. Florian Valat, adjoint au directeur de l’asile ;

—  M. Christian Chassaing, sous-directeur du pilotage et des systèmes d’information et Mme Elsa Pepin, adjointe au sous-directeur ;

—  M. Frédéric Joram, sous-directeur de la lutte contre l’immigration irrégulière.

• Cour des comptes :

—  M. Jean-Philippe Vachia, président de la 4e chambre ;

—  M. Olivier Ortiz, conseiller maître, président de section ;

—  Mme Christine Fages, rapporteure extérieure.

• Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) :

—  M. Pascal Brice, directeur général.

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