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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 janvier 2014
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
sur le suivi du pacte de croissance :
l’impossible conciliation entre croissance et austérité
ET PRÉSENTÉ
PAR MM. Razy HAMMADI et Arnaud RICHARD
Députés
——
La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.
___
Pages
I. UN BILAN LIMITÉ DU PACTE DE CROISSANCE 15
A. LES EFFETS DU PACTE DE CROISSANCE AU NIVEAU DE L’UNION EUROPÉENNE 15
1. Le déblocage accéléré des fonds structurels 16
2. L’augmentation des financements par l’intermédiaire de la BEI 18
3. L’initiative « Project bonds » 20
4. L’harmonisation et la simplification de la législation (« Single Market Act I and II ») 21
B. L’IMPACT DE CES MESURES POUR LA FRANCE 21
II. LE DIAGNOSTIC DE LA COMMISSION EUROPÉENNE : UNE EUROPE « INSUFFISAMMENT LIBÉRALE » 23
A. DES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE INCOMPATIBLES AVEC LE SOUTIEN DE LA CONJONCTURE : 23
B. LA NÉCESSITÉ D’UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE FORTE POUR RETROUVER LES VOIES DE LA CROISSANCE 30
C. L’ACCENT MIS SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES 33
III. LE DIAGNOSTIC DU FMI ET L’OCDE 35
IV. LE PROBLÈME FONDAMENTAL : LA QUESTION DU RAPPORT AU TEMPS ET LE REDRESSEMENT TROP RAPIDE DES COMPTES 43
CONCLUSION 49
TRAVAUX DE LA COMMISSION 51
ANNEXES 61
ANNEXE NO 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 63
ANNEXE NO 2 : PIB, DÉFICIT/EXCÉDENT ET DETTES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES DANS L’UNION EUROPÉENNE (2009-2012)… 65
ANNEXE NO 3 : DÉCISION DU CONSEIL LEVANT LA SUSPENSION DES ENGAGEMENTS DU FONDS DE COHÉSION EN FAVEUR DE LA HONGRIE (PROPOSITION DU 30 MAI 2012) 73
Ce rapport constitue une deuxième étape dans l’analyse des effets du pacte de croissance voulu en juin 2012 par le Conseil européen.
Il s’efforce, à partir notamment du point de vue des principales organisations internationales, d’analyser la difficulté, voire la contradiction, qui peut exister entre la volonté de voir l’Union européenne renouer avec une croissance économique forte et la difficulté de conduire parallèlement des politiques d’ajustement budgétaire.
Mesdames, Messieurs,
Au cours de l’année 2013 nous avons eu la surprise de voir des institutions aussi peu suspecte de laxisme que le FMI ou l’OCDE morigéner l’Union européenne pour ses exigences de retour rapide à l’équilibre des finances publiques de ses États membres. Ces institutions, peu suspectes de promouvoir le laxisme budgétaire, considèrent qu’une rigueur excessive peut être contreproductive, et conduire à une aggravation et non à un allégement des déficits publics.
Leur analyse confirme en tous points celle formulée par vos rapporteurs, dans leur rapport du 4 décembre 2012 (1) , où ils indiquaient que : « les ajustements de la politique budgétaire intervenant, dans un contexte économique déjà déprimé, ont des effets délétères sur la croissance des États européens. Ainsi, on constate dans certains pays, et tout particulièrement en Grèce, toute l’absurdité d’une politique de réduction du déficit qui entraîne une diminution de la croissance et des recettes fiscales, aggravant le déficit qu’elle avait pour vocation de résorber ».
Le ministre grec des finances soulignait le 7 janvier dernier le risque réel d’une chute de son gouvernement, remplacé par des forces anti-européennes, car à ses yeux le calendrier de réforme imposé par le programme d’aide à la Grèce (7 mois) est trop serré pour être socialement supportable.
En France, le ministre Arnaud Montebourg a tenu des propos équivalent : « José Manuel Barroso est le carburant du Front national. Voilà la vérité. Il est le carburant de Beppe Grillo… Je crois que la principale cause de la montée du Front national est liée à la façon dont l’UE exerce aujourd’hui une pression considérable sur des gouvernements démocratiquement élus ».
Cette prise de position traduit, en des termes sans doute excessifs, une crainte justifiée sur la soutenabilité du rythme de réduction des déficits publics imposé par l’Union européenne aux États.
Elle traduit également une inquiétude devant le fait que l’Union européenne n’arrive pas à renouer avec la croissance économique. Cette situation est dramatique pour une partie de la population européenne acculée au chômage, à une immigration contrainte, à une diminution significative de ses revenus et parfois privée des moyens de se soigner.
M. Olivier Blanchard, chef économiste du Fonds monétaire international soulignait devant notre Commission le 21 novembre dernier que « S’agissant de la croissance dans la zone euro, nos chiffres sont connus : un taux négatif en 2013, et + 1 % en 2014. Se conjuguent, pour freiner la croissance cette année, la consolidation budgétaire, d’une part, et la fragilité des banques, d’autre part, qui les amène à restreindre le crédit, mais à des degrés différents selon les pays. En Allemagne, la consolidation budgétaire est quasiment nulle et les banques ne se portent pas trop mal, alors que la situation est tout autre dans les pays de la périphérie. Pourquoi prévoyons-nous une croissance positive l’an prochain ? Parce que la consolidation budgétaire sera plus faible et la situation des banques devrait s’améliorer, les résultats qu’elles dégageront leur permettront d’augmenter leurs fonds propres. Nous prévoyons donc une croissance de 1 %, ce qui est, il faut le souligner, nettement insuffisant, et la perspective est stable pour le chômage. À terme, les faibles gains de productivité laissent augurer d’une croissance tendancielle faible, de l’ordre de 1 % par an, mais il devrait y avoir un effet de rattrapage. En tout état de cause, les perspectives ne sont guère enthousiasmantes. La France n’est qu’un cas particulier de cette déclinaison. L’un des principaux facteurs de la faiblesse de la croissance cette année est la consolidation budgétaire, qui aura été l’une des plus fortes en Europe. Nous l’avions estimée plus tôt dans l’année à 1,8 point de PIB, elle sera finalement proche d’1,4 point de PIB, mais avec un effet multiplicateur de 1, cela diminue la croissance d’autant. »
Concrètement, cette analyse, partagée par vos rapporteurs, se traduit à leurs yeux, par l’éclatement de l’Union européenne en trois zones :
● Les pays qui peuvent espérer en 2014 une croissance de plus de 2 % du PIB : ils se situent pour la plus part hors de la zone euro et ont bénéficié de la dépréciation de leur monnaie, tout en gardant les avantages de l’appartenance au marché unique (prévisions d’augmentation du PIB de l’OCDE pour 2014 : Pologne 2,7 %, Royaume–Uni 2,4 %, Hongrie 2 %) ;
● Les pays qui peuvent espérer atteindre 1,5 % de croissance du PIB sont les pays du nord (Allemagne 1,7 %), qui n’ont pas été soumis en 2013 à la rigueur budgétaire imposée aux pays du sud ;
● Les pays du sud connaîtront en 2014 une croissance inférieure à 1 % (France 1 %, Italie 0,6 %, Espagne 0,5 %) du fait en grande partie des politiques budgétaires restrictives conduites.
Ce constat corrobore la critique que nous avions adressée, dans notre rapport de 2012, aux instances de l’Union européenne, en leur reprochant de ne pas exercer la compétence qu’elles détiennent de par les traités en matière de politique de change (2), dans la mesure où la parité actuelle de l’euro pèse sur la croissance des pays du sud et entrave leur capacité de rebond.
Il met en évidence la difficulté de gérer une zone monétaire sur la base d’une moyenne qui se révèle inadaptée à la situation de beaucoup d’États, et qui n’est pas compensée par les transferts budgétaires pouvant exister au sein d’un État fédéral.
Nous soulignions en 2012, qu’un pacte de croissance de 120 milliards d’euros de crédits, débloqués sur plusieurs années, n’était pas de nature à compenser les phénomènes récessifs liés aux évolutions des parités monétaires et aux politiques budgétaires restrictives qui devaient être étalées dans le temps.
Dès lors les institutions européennes ne doivent pas se concentrer exclusivement sur les réformes de structure, qui produiront leurs effets dans plusieurs années, mais intégrer dans leur approche l’acceptabilité par la population européenne des sacrifices demandés, c’est-à-dire le délai raisonnable sur lequel doivent être étalées les réformes pour être humainement et socialement supportables. En d’autres termes, elles doivent avoir une approche plus « politique » de l’exercice des pouvoirs. Les pouvoirs donnés aux institutions européennes par les « two pack », « six pack » et le Traité sur « la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire », ne doivent pas être appliqués de manière trop mécanique, faute de quoi nous risquons d’assister à un développement massif du rejet de la construction européenne.
Pour doper la croissance, il convient d’engager sans tarder une réflexion pour relancer et financer les investissements dont l’Europe a besoin pour aller, par exemple, vers une croissance verte (3).
En effet seule la reprise de l’investissement permettra aux économies européennes de renouer avec la croissance or, un schéma keynésien d’augmentation des dépenses publiques, s’il est financé par une augmentation des prélèvements obligatoires, serait inefficace.
C’est pourquoi les mécanismes novateurs du pacte de croissance, tels que les prêts garantis par l’Union européenne (ou « projects bonds ») peuvent avoir un grand intérêt. Si leur utilité est démontrée, il sera possible de demander de leur donner une forte impulsion.
En effet, vos rapporteurs ne pensent pas que la principale réponse européenne à la situation du chômage puisse être de promouvoir la mobilité des travailleurs, avec les difficultés humaines qu’implique une immigration subie.
DONNEES MACROECONOMIQUES LES PLUS RECENTES (source Eurostat)
22.01.2014 |
La dette publique de la zone euro en baisse à 92,7 % du PIB, celle de l’UE28 en hausse à 86,8 % du PIB |
21.01.2014 |
Baisse de 1,3% du prix des logements dans la zone euro |
17.01.2014 |
La production dans le secteur de la construction en baisse de 0,6 % dans la zone euro |
16.01.2014 |
Le taux d’inflation annuel de la zone euro en baisse à 0,8 % |
15.01.2014 |
Excédent de 17,1 milliards d’euros du commerce international de biens de la zone euro |
14.01.2014 |
La production industrielle en hausse de 1,8 % dans la zone euro |
08.01.2014 |
Le volume des ventes du commerce de détail en hausse de 1,4% dans la zone euro |
08.01.2014 |
Le taux de chômage à 12,1 % dans la zone euro |
TAUX DE CHANGE DE L’ECU/EUR PAR RAPPORT AUX MONNAIES NATIONALES (source Eurostat) | |||||||||
2004 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 | |
Dollar des États-Unis |
1.2439 |
1.2441 |
1.2556 |
1.3705 |
1.4708 |
1.3948 |
1.3257 |
1.3920 |
1.2848 |
Lev bulgare |
1.9533 |
1.9558 |
1.9558 |
1.9558 |
1.9558 |
1.9558 |
1.9558 |
1.9558 |
1.9558 |
Couronne tchèque |
31.891 |
29.782 |
28.342 |
27.766 |
24.946 |
26.435 |
25.284 |
24.590 |
25.149 |
Couronne danoise |
7.4399 |
7.4518 |
7.4591 |
7.4506 |
7.4560 |
7.4462 |
7.4473 |
7.4506 |
7.4437 |
Couronne estonienne |
: |
: |
: |
: |
: |
: |
: |
: |
: |
Lats |
0.6652 |
0.6962 |
0.6962 |
0.7001 |
0.7027 |
0.7057 |
0.7087 |
0.7063 |
0.6973 |
Litas |
3.4529 |
3.4528 |
3.4528 |
3.4528 |
3.4528 |
3.4528 |
3.4528 |
3.4528 |
3.4528 |
Forint |
251.66 |
248.05 |
264.26 |
251.35 |
251.51 |
280.33 |
275.48 |
279.37 |
289.25 |
Zloty |
4.5268 |
4.0230 |
3.8959 |
3.7837 |
3.5121 |
4.3276 |
3.9947 |
4.1206 |
4.1847 |
Leu roumain |
4.0510 |
3.6209 |
3.5258 |
3.3353 |
3.6826 |
4.2399 |
4.2122 |
4.2391 |
4.4593 |
Couronne suédoise |
9.1243 |
9.2822 |
9.2544 |
9.2501 |
9.6152 |
10.6191 |
9.5373 |
9.0298 |
8.7041 |
Livre sterling |
0.67866 |
0.68380 |
0.68173 |
0.68434 |
0.79628 |
0.89094 |
0.85784 |
0.86788 |
0.81087 |
Kuna |
7.49670 |
7.40080 |
7.32470 |
7.33760 |
7.22390 |
7.34000 |
7.28910 |
7.43900 |
7.52170 |
Denar |
61.3372 |
61.2970 |
61.1896 |
61.1730 |
61.5201 |
61.2815 |
61.5192 |
61.4800 |
61.5235 |
Livre turque |
1.7771 |
1.6771 |
1.8090 |
1.7865 |
1.9064 |
2.1631 |
1.9965 |
2.3378 |
2.3135 |
Couronne islandaise |
87.14 |
78.23 |
87.76 |
87.63 |
143.83 |
172.67d |
161.89d |
161.42d |
160.73d |
Couronne norvégienne |
8.3697 |
8.0092 |
8.0472 |
8.0165 |
8.2237 |
8.7278 |
8.0043 |
7.7934 |
7.4751 |
Franc suisse |
1.5438 |
1.5483 |
1.5729 |
1.6427 |
1.5874 |
1.5100 |
1.3803 |
1.2326 |
1.2053 |
Yen |
134.44 |
136.85 |
146.02 |
161.25 |
152.45 |
130.34 |
116.24 |
110.96 |
102.49 |
Dollar canadien |
1.6167 |
1.5087 |
1.4237 |
1.4678 |
1.5594 |
1.5850 |
1.3651 |
1.3761 |
1.2842 |
Rouble russe |
35.8192 |
35.1884 |
34.1117 |
35.0183 |
36.4207 |
44.1376 |
40.2629 |
40.8846 |
39.9262 |
Source : Eurostat.
Source : OECD.Stat, Données extraites le 08 janv. 2014, 10h32 UTC (GMT)
Le Conseil européen du 20 décembre dernier souligne, dans le communiqué final, que ce pacte demeure l’un des principaux « instruments de l’UE destinés à relancer la croissance, l’investissement et l’emploi ainsi qu’à accroître la compétitivité de l’Europe. La mise en œuvre du pacte reste l’élément essentiel si l’on veut atteindre ces objectifs »
« Des progrès considérables ont été réalisés dans un certain nombre de domaines, mais il convient de poursuivre les efforts pour que le Pacte puisse donner toute sa mesure. Le Conseil devrait assurer un suivi régulier à cet égard... »
« La lutte contre le chômage des jeunes demeure un objectif essentiel de la stratégie de l’UE visant à favoriser la croissance, la compétitivité et l’emploi. Dans ce contexte, le Conseil européen invite les États membres qui n’ont pas encore présenté leurs plans de mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse à le faire sans tarder. Il réaffirme sa détermination à faire en sorte que l’initiative pour l’emploi des jeunes soit pleinement opérationnelle d’ici janvier 2014. »
Si les termes du communiqué officiel ne sont pas très concrets, ils ont le mérite de réaffirmer une volonté politique claire en faveur de la croissance.
Il est malaisé de mesurer l’impact de la plupart des mesures intervenues sur la croissance économique européenne, faute de recul car chaque disposition n’a guère d’effet, prise isolément. Aussi doivent-elles être appréhendées dans un contexte marqué par les politiques de rigueur budgétaires.
La Commission européenne est sans doute fondée à estimer qu’elles ont eu un impact significatif sur l’emploi et l’investissement à l’échelle de l’Union européenne.
Il est très important de rappeler que pour un bon nombre de pays membres de l’Union européenne les fonds structurels constituent une part essentielle de leur budget d’investissement. Le déblocage accéléré de ces crédits ne peut donc qu’avoir un impact significatif sur la croissance économique des pays les plus bénéficiaires, avec des répercussions favorables sur les autres pays de l’Union à travers la croissance de leur volume d’exportations.
Le tableau ci-dessous illustre l’impact des fonds structurels sur la croissance économique des principaux pays bénéficiaires (4)
IMPACT ESTIMÉ DES INVESTISSEMENTS « POLITIQUE DE COHÉSION » SUR LA CROISSANCE ENTRE 2007 ET 2013
(en % du PIB)
Moyenne 2007-2016 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 | |
Principaux bénéficiaires (*) |
1.2 |
0.2 |
04 |
0.7 |
1.0 |
1.3 |
1.5 |
1.6 |
1 7 |
1.6. |
2.0 |
1.0 |
0.9 |
0.8 |
0.8 |
EU-12 |
2.4 |
0.5 |
09 |
1.7 |
2.1 |
2.7 |
3.2 |
3.7 |
3.8 |
3.7 |
4.4 |
2.6 |
2.4 |
2.2 |
2.1 |
Source : "EU Cohésion Policy contributing to employment and growth in Europe", European Commission, Juin 2013, modèle HERMIN. Les pays EU-12 rassemblent les 12 membres les plus récents de l’Union.
Les projets FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) ont crée – pour la Commission européenne – 400 000 nouveaux emplois entre 2007 et 2011. Utilisés dans le cadre de la « politique de cohésion de l’Union européenne » ils ont financé des travaux à hauteur de 350 milliards entre 2008 et 2013 à travers le cadre financier pluriannuel 2007-2013.
Selon la Commission européenne, l’effet sur la croissance du plan 2007-2013 a été substantiel pour les principaux bénéficiaires (en moyenne 1 % de croissance par an) et il se fera sentir jusqu’en 2020.
En revanche, aucune estimation d’impact sur la croissance n’est disponible pour les « grands » pays de l’Union. Dans la mesure où ces derniers (excepté l’Espagne et la Pologne) ne reçoivent qu’une part marginale de ces fonds, l’impact est très limité pour eux.
Par ailleurs il est intéressant de relever que les PME de l’Union européenne, qui fournissent la majorité des nouveaux emplois, ont bénéficié d’un soutien accru par rapport aux programmes précédents : 70 milliards d’euros (soit 20 % du budget total de la politique de cohésion) ont été investis dans des PME. Ceci n’inclut pas les retombées indirectes sur les PME via les marchés publics (estimation d’impact supplémentaire de 50 milliards).
Pour ce qui concerne la période 2014-2020 la Commission européenne propose de dynamiser l’impact sur la croissance de cet outil, dont l’incidence globale dépassera vraisemblablement les 500 milliards d’euros, si l’on tient compte de la contribution nationale des États membres et de l’effet de levier des instruments financiers – à travers les dix mesures qui suivent et qui viennent compléter les dispositions adoptées en juin 2012 :
1. Investir dans l’ensemble des régions de l’Union mais adapter le niveau de soutien et la participation nationale (taux de cofinancement) à leur niveau de développement : en particulier pour les régions en retard de développement (PIB inférieur à 75 % de la moyenne de l’Union européenne), régions en transition (PIB compris entre 75 % et 90 % de la moyenne de l’Union européenne) et les régions plus développées (PIB supérieur à 90 % de la moyenne).
2. Orienter les ressources vers les principaux secteurs de croissance: les investissements au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER) seront concentrés sur quatre priorités principales : l’innovation et la recherche, la stratégie numérique, le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) et l’économie à faibles émissions de CO2, en fonction de la catégorie de la région (régions en retard de développement : 50 %; régions en transition: 60 % ; régions plus développées : 80 %). Environ 100 milliards d’euros seront affectés à ces secteurs, dont au moins 23 milliards d’euros soutiendront le passage à une économie à faibles émissions de CO2 (efficacité énergétique et énergies renouvelables).
Environ 66 milliards d’euros seront consacrés au financement par le Fonds de cohésion des réseaux transeuropéens de transport prioritaires et des principaux projets d’infrastructure environnementale.
Par l’intermédiaire du Fonds social européen (FSE), la politique de cohésion fournira une contribution importante aux priorités de l’Union dans le domaine de l’emploi, par exemple par la formation et l’apprentissage tout au long de la vie, l’éducation et l’inclusion sociale (un minimum de 20 % des crédits du fonds social européen (FSE) dans chaque État membre devront servir à soutenir cet objectif). La dotation du FSE sera établie en fonction des besoins de chaque État membre, avec un minimum prédéfini, ce qui donne un total de 70 milliards d’euros au moins. La nouvelle initiative pour l’emploi des jeunes liée au FSE, qui représente au moins 6 milliards d’euros, sera consacrée à la mise en œuvre de la « garantie pour la jeunesse ».
3. Fixer des objectifs clairs, transparents et mesurables : les pays et régions devront indiquer dès le départ les objectifs qu’ils visent au moyen des ressources disponibles et déterminer précisément de quelle manière ils mesureront les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs. Cela permettra pour la Commission européenne d’effectuer un suivi régulier et un débat sur la façon dont les ressources financières sont utilisées. De cette manière, des fonds supplémentaires devraient être consacrés à des programmes plus performants vers la fin de la période.
4. Instaurer des conditions à remplir avant que les fonds puissent – pour la Commission européenne – être affectés afin de garantir des investissements plus efficaces. Par exemple, les stratégies « de spécialisation intelligente » permettant d’identifier des potentialités et atouts particuliers, les réformes favorables aux entreprises, les stratégies de transport, les mesures visant à améliorer les systèmes de marchés publics, le respect des législations environnementales, les stratégies de lutte contre le chômage des jeunes et le décrochage scolaire ou destinées à promouvoir l’égalité des sexes et la non-discrimination sont toutes des conditions préalables nécessaires.
5. Établir une stratégie commune pour une meilleure coordination et une réduction des chevauchements: un cadre stratégique commun devant constituer la base d’une meilleure coordination entre les Fonds structurels et d’investissement européens (5). Il permet également d’établir de meilleurs liens avec d’autres instruments de l’Union européenne, par exemple Horizon 2020, le mécanisme pour l’interconnexion en Europe ou le programme en faveur de l’emploi et de l’innovation sociale.
6. Réduire la bureaucratie et simplifier l’utilisation des investissements de l’UE à travers un ensemble de règles communes pour tous les Fonds structurels et d’investissement européens, simplifier les règles comptables, établir des exigences plus ciblées en matière d’information et l’utilisation plus importante de la technologie numérique (« cohésion électronique »).
7. Renforcer la dimension urbaine de la politique, en affectant un minimum de ressources au titre du FEDER à des projets intégrés dans les villes.
8. Renforcer la coopération transfrontalière et faciliter la mise en place d’un plus grand nombre de projets transfrontaliers. Veiller également à ce que les stratégies macro régionales, comme celle du Danube et de la mer Baltique, soient soutenues par des programmes nationaux et régionaux.
10. Encourager l’utilisation accrue des instruments financiers afin de fournir aux PME un soutien renforcé et un meilleur accès au crédit : prêts, garanties et fonds propres/capital-risque seront soutenus par l’Union européenne en application de règles communes, par un élargissement de la portée de leur utilisation et au moyen de mesures incitatives (par exemple, des taux de cofinancement plus élevés). L’accent mis sur les prêts plutôt que sur les subventions devrait permettre, pour la Commission européenne, d’améliorer la qualité des projets et de décourager la dépendance à l’égard des subventions.
Suite à l’augmentation autorisée en 2012 de 10 milliards d’euros du capital de la BEI (Banque européenne d’investissement), 60 milliards de prêts supplémentaires pourront être octroyés sur 2013-2015, majoritairement à destination des secteurs stratégiques (haute-technologie, infrastructures) et/ou des PME.
Nous avions beaucoup insisté dans notre rapport de 2012 sur l’intérêt de cette mesure car elle bénéficie aux entreprises. La faiblesse de l’investissement productif constitue l’une des causes de la langueur économique que nous traversons. Elle est liée étroitement aux taux d’intérêts pratiqués par les banques dans les pays du sud et particulièrement les pays sous assistance.
Selon les dernières estimations de la BEI, l’objectif général d’octroi de prêt devrait être atteint dans une large mesure. Le total des signatures à destination des PME devrait se situer autour de 16 milliards d’euros à fin 2013, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2012 (avant l’augmentation de capital).
En outre, la Banque européenne d’investissement (BEI) renforcera, à compter de 2014, la capitalisation de sa filiale le Fonds européen d’investissement (FEI).
Ces moyens supplémentaires donnés au FEI reposeront sur deux piliers :
• Premièrement, une augmentation de 1,5 milliard d’euros du capital souscrit, dont une contribution en numéraire de 560 millions d’euros ;
• Deuxièmement, un mandat par lequel la BEI mettra à disposition jusqu’à 4 milliards d’euros pour appuyer des garanties qui seront émises par le FEI au cours des sept prochaines années. L’augmentation de capital du FEI doit encore recevoir l’approbation du Conseil des gouverneurs de la BEI et des autres actionnaires du Fonds.
Le Conseil d’administration de la BEI a également approuvé une extension du soutien financier de la Banque en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans l’Union européenne. Ces nouveaux financements porteront le total du soutien du Groupe BEI à 23,1 milliards d’EUR pour l’exercice en cours, dont 3,4 milliards d’EUR provenant du FEI.
Lors de sa réunion du 17 décembre 2013, il a également mis en œuvre des propositions de financement d’un montant de 1,4 milliard d’euros au maximum au profit des PME et des ETI dans l’Union européenne. Sur ce total, quelques 650 millions d’euros concernent des projets en Italie et 325 millions d’euros des projets en Pologne.
Le Conseil d’administration a approuvé un total de 3,7 milliards d’euros au maximum pour des opérations portant sur le développement d’infrastructures stratégiques en Europe. Sur ce montant, quelque 1,4 milliard d’euros ont été approuvés pour des projets en Pologne (564 millions d’euros pour le projet de voie rapide S5 entre Bydgoszcz et Wrocław, 454 millions d’euros pour le projet de voie rapide S3 et 268 millions d’euros pour la modernisation de la ligne ferroviaire entre Katowice et Cracovie, par exemple). En Italie, ce sont 700 millions d’euros qui ont été approuvés pour la construction d’une nouvelle autoroute sur le contournement est de Milan ; en Grèce, un prêt de 415 millions d’euros a été approuvé pour financer la rénovation et le renforcement du réseau de distribution d’électricité.
Dans un autre domaine, celui de la recherche-développement et de l’innovation (RDI), le Conseil d’administration a approuvé des prêts pour des opérations d’un montant allant de 550 millions d’euros et portant sur le renforcement de la compétitivité de l’économie européenne.
Enfin, le conseil d’administration de la BEI a approuvé des financements totalisant 360 millions d’euros en faveur de projets dans le domaine de l’utilisation efficace des ressources.
De son côté, le Conseil d’administration du FEI a approuvé, le 16 décembre, 2013, 24 nouvelles opérations par lesquelles le Fonds va continuer à soutenir les PME. Ces opérations, qui représentent 554 millions d’euros d’engagements pour le FEI, devraient permettre de mobiliser 2 milliards d’euros de ressources en capital.
Une des différences importantes entre l’économie européenne et américaine réside dans le fait que les entreprises européennes se financent beaucoup par l’intermédiation du secteur bancaire alors que les entreprises américaines ont d’avantage recours au marché financier. L’initiative conjointe de la Commission et de la BEI pour l’augmentation des financements non-intermédiés à destination des PME est donc très importante car elle permet de lutter contre un facteur de distorsion entre les PME et les grandes entreprises. L’objectif est de réduire la dépendance des PME à l’égard du crédit bancaire par l’augmentation rapide de la taille des marchés primaires et secondaires de dettes, d’actions et de titrisation PME pour abaisser le coût du financement des investissements.
À cette fin, des instruments de financement à destination des PME de l’Union européenne seront mis en œuvre par la BEI et le FEI (Fonds Européen d’Investissement) qui fournissent le support technique à l’émission.
La mise en place de ce nouvel instrument devrait générer pour 60 à 80 milliards d’euros d’investissement supplémentaire à destination de 800 000 PME entre 2014 et 2020 (moyenne des trois mesures).
Lancée en novembre 2012 pour financer les grands projets d’infrastructure européens de type PPP (partenariats public-privé), et placée sous l’égide de la BEI elle apporte des garanties supplémentaires pour rehausser la notation des obligations, émises pour financer ces projets.
Les premiers « project bonds » ont été placés sur le marché avec succès le 30 juillet 2013 (emprunt de 1,5 milliard d’euros pour un centre de stockage de gaz naturel en Espagne). Bien qu’en phase « pilote », l’initiative « project bonds » est au cœur de la stratégie de financement des infrastructures de l’Union européenne (dont les besoins sont évalués à 2 trillions d’ici à 2020) (6) en raison de l’effet de levier généré par les rehaussements de crédits.
La réduction des coûts administratifs des entreprises européennes correspond à une dimension importante de la croissance. Le Chef de l’État français l’appelle le « choc de simplification ». L’Union européenne intègre cette politique dans le « single act market ».
L’objectif de baisse rapide des coûts liés à l’innovation, la mobilité et l’élaboration de contrats pour les acteurs privés est essentiel pour favoriser la croissance.
Par exemple, La création d’un « brevet unitaire » devait abaisser les coûts d’obtention des brevets de 80 % à l’échelle de l’Union Européenne tandis que la baisse des coûts liés aux charges administratives des entreprises pourrait, pour la Commission européenne, générer 30 à 40 milliards d’euros d’économies pour les entreprises.
Cependant, il faut noter que certaines mesures « indirectes » souffrent de lenteurs dans la validation et/ou la mise en place. Sur les 23 mesures contenues dans le Single Market Act I et II, 14 sont encore en discussion (en dépit d’une date limite théorique, pour certaines mesures, fixée à décembre 2012).
Il est clair qu’en matière de simplifications administratives la prochaine Commission européenne aura une tâche extrêmement importante, ingrate mais essentielle pour la respiration des entreprises.
Si la France ne profite que peu des financements distribués dans le cadre de la «politique de cohésion», les mesures de type « project bonds » pourraient avoir à terme une importance significative
À ce jour la France a reçu les financements suivants au titre des trois principales dispositions figurant dans le pacte de croissance :
• Fonds structurels : 14 milliards d’euros accordés à la France (5 % du budget total des fonds structurels) pour 90 000 projets entre 2007 et 2013. La moitié a déjà été versée aux bénéficiaires.
• BEI : 5 milliards d’euros d’investissements sous forme de prêts (ex. : ligne de crédit BPI pour le financement des PME françaises à hauteur de 750 millions)
• Project Bonds : Cité de la musique à Paris (été 2013) et Rocade à Marseille (octobre 2013). 280 millions au total.
Nous sommes en phase de mise en œuvre d’un programme, certes d’une ampleur limitée mais qui n’est pas négligeable et devra être jugé sur plusieurs années.
La Commission européenne a adressé six recommandations à la France en juin 2013 pour « l’aider » à améliorer sa situation économique. Elles ont fait l’objet d’un rapport de Christophe Caresche pour notre Commission auquel il convient de se référer pour approfondir ce sujet (7) , notre propos se limitant quant à lui aux deux premières recommandations.
A. DES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE INCOMPATIBLES AVEC LE SOUTIEN DE LA CONJONCTURE :
Viabilité des finances publiques
« Bien que le déficit des administrations publiques soit retombé de son niveau record de 7,5 % du PIB en 2009, il reste un des plus élevés de l’UE. La France doit poursuivre ses efforts de discipline budgétaire en ramenant son déficit en dessous du seuil de 3 % d’ici à 2015 afin de rétablir la confiance du marché et de jeter les bases d’une croissance et d’une création d’emplois durables. Elle doit améliorer encore l’efficacité de ses dépenses publiques, par exemple, en renforçant la coopération et les synergies entre les différents niveaux de l’administration (centrale, locale et régionale). L’accélération de la réforme prévue des retraites et l’amélioration du rapport coût-efficacité dans le secteur de la santé permettraient d’atténuer les pressions à long terme sur les finances publiques. »
Vos rapporteurs considèrent que la Commission européenne fait une erreur grave d’analyse : les taux d’intérêt dont bénéficie notre pays prouvent que la France n’a pas besoin de rétablir la confiance des marchés car elle en bénéficie. L’idée de devoir ramener le déficit des finances publiques à 3 % en 2015 implique un effort budgétaire qui se fera au détriment de la croissance économique. Vos rapporteurs sont persuadés que nous ne gagnerons pas la confiance des marchés en s’engageant dans des objectifs contreproductifs mais en tenant les engagements réalistes souscrits. Il nous semble plus important d’engager une démarche crédible de retour à l’équilibre que de s’attacher comme le fait la Commission européenne à afficher des objectifs qui ne peuvent pas être tenus par les États.
Il convient au passage de souligner l’usage curieux fait par la Commission européenne de son pouvoir de proposition de sanction pour non-respect de la règle de déficit maximal des finances publiques de 3 % du PIB : le Conseil, à l’initiative de la Commission, n’a à ce jour sanctionné qu’un seul État, la Hongrie, en engageant une procédure de blocage de l’octroi des fonds structurels. Il a considéré que ce pays ne respectait en 2012 la limite des 3 % que par des mesures budgétaires non pérennes (versement au budget de l’État de fonds de pensions) et a exigé des mesures de rigueur supplémentaires douloureuses pour sa population. Or, ce pays en 2013 n’est plus sous la procédure de déficit excessif, sa situation s’étant redressée. Il n’était donc pas indispensable que les institutions européennes lui imposent de prendre ces mesures. L’application effective du retour à un déficit des administrations publiques inférieur à 3 % du PIB en 2014, au lieu de 2013, n’aurait guère eu de conséquence pour l’Union européenne (voir annexe n° 3).
D’après la Commission, le solde public global de la Hongrie devrait produire un excédent de 3,6 % du PIB en 2011, cela étant dû uniquement à des recettes ponctuelles à hauteur de plus de10 % du PIB, principalement liées au transfert de capitaux pension de régimes de retraite privés vers l’État; sans cela, le déficit aurait atteint 6 % du PIB, alors que le déficit structurel s’est également détérioré.
Les prévisions élaborées à l’automne par la Commission indiquent que le déficit devrait atteindre 2,8 % du PIB en 2012, se maintenant de peu au-dessus du niveau de référence de 3 % uniquement grâce à des recettes ponctuelles; à politique inchangée, le déficit devrait se creuser à nouveau en 2013, pour atteindre 3,7 %, principalement en raison de l’épuisement des recettes ponctuelles, alors que les réformes structurelles programmées ne sont pas suffisamment précisées.
Le Conseil a constaté que, tout en ayant formellement respecté la valeur de référence pour 2011, la Hongrie n’y est pas parvenue sur la base d’une correction structurelle et durable et que, par conséquent, sa réponse à la recommandation du Conseil de juillet 2009 a été insuffisante.
Ne faisant pas partie de la zone euro, la Hongrie ne peut pas encourir de sanctions au titre de la procédure concernant les déficits excessifs. Cependant, pour les bénéficiaires du Fonds de cohésion de l’Union européenne, dont la Hongrie fait partie, le non-respect des recommandations du Conseil peut conduire à la suspension des engagements au titre de ce fonds.
Or imposer des mesures d’austérité, qui avec le recul n’étaient pas nécessaires, à un pays confronté à un problème inquiétant de montée de l’euro scepticisme et du populisme dénote, dans ce cas précis, une totale absence de sens politique des institutions européennes.
Dans son communiqué du 29 mai 2013 le Conseil justifie ainsi sa position.
CONSEIL DE |
FR | ||
Bruxelles, le 24 janvier 2012 |
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5654/12 |
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PRESSE 20 |
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Le Conseil juge insuffisante l’action prise par la Hongrie en matière de déficit excessif |
Le Conseil a adopté ce jour, au titre de l’article 126, paragraphe 8, du traité, une décision constatant que la Hongrie n’a pas respecté la recommandation du Conseil (juillet 2009) sur les mesures à prendre pour ramener son déficit budgétaire sous la valeur de référence de l’UE, qui est de 3 % du PIB. La Commission devrait présenter une recommandation en vue d’une recommandation actualisée du Conseil au titre de l’article 126, paragraphe 7.
La Hongrie fait l’objet d’une procédure concernant les déficits excessifs depuis juillet 2004, date à laquelle le Conseil a également formulé une recommandation concernant les mesures correctrices à prendre. Le Conseil a adressé de nouvelles recommandations en mars 2005 et en octobre 2006, après avoir constaté, en janvier 2005 et en novembre 2006, qu’aucune action suivie d’effet n’avait encore été engagée.
La recommandation approuvée par le Conseil en octobre 2006 énonçait des mesures visant à corriger le déficit pour 2009, soit un an plus tard que prévu initialement. Toutefois, en raison du ralentissement économique, l’objectif de 2009 n’a pas pu être atteint et, en novembre 2008, la Hongrie a obtenu de l’UE un prêt de 6,5 milliards d’euros dans le cadre d’une enveloppe financière de 20 milliards d’euros d’aide émanant de bailleurs internationaux.
En juillet 2009, le Conseil a adressé une recommandation révisée, dans laquelle 2011 était fixé comme date cible pour ramener le déficit en-dessous de 3 % du PIB.
Compétitivité de l’économie française (facteurs coûts)
Les entreprises françaises ont perdu de manière inquiétante des parts de marché ces dix dernières années en raison d’une évolution trop rapide de leurs charges (facteur coûts). Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est une mesure importante qui devrait contribuer à faire baisser le coût du travail en France. D’autres mesures pourraient toutefois être prises, comme celle de diminuer les cotisations de politique familiale des employeurs.
Il convient de relever que la hausse du salaire minimum adoptée en juillet 2012 est allée à l’encontre de la recommandation formulée par le Conseil en 2012 qui considérait que la France devrait utiliser d’autres instruments, pour lutter contre la pauvreté au travail qu’une augmentation généralisée des bas salaires.
Le diagnostic n’est pas sérieusement contestable mais, si nous voulons réduire le déficit des finances publiques et engager parallèlement une baisse massive des charges des entreprises, il serait, dans cette optique, difficile d’éviter une augmentation significative des prélèvements pesant sur les ménages ou une diminution des revenus de transfert (politique familiale et retraite) qui va peser sur la croissance économique et par voie de conséquence sur les rentrées fiscales.
Nous voyons apparaître la difficulté à appliquer conjointement deux recommandations fondées mais incompatibles sur le plan conjoncturel. Les tableaux qui suivent illustrent la difficulté à conduire une politique de rigueur dans un environnement où elle est généralisée.
RETOMBÉES SUR LE PIB DES LARGES CONSOLIDATIONS :
COMPARAISON SIMULTANÉMENT AVEC ZONE EURO, À PAYS AGISSANT SEULS
(% diff. de base)
Mesure des effets sur le PIB entre 2011-2013, période de consolidations simultanées dans la zone euro, basée sur les changements dans les soldes primaires structurels (voir tableau 4), en supposant une composition équilibrée. La ligne pointillée montre les effets sur le PIB si le pays agissait seul.
Allemagne :
France :
Espagne :
Source : OCDE.
Zone Euro :
Italie :
Irlande :
Grèce :
Portugal :
Autres recommandation de la Commission européenne (juin 2013)
Compétitivité de l’économie française (facteurs hors coûts)
En ce qui concerne la compétitivité hors prix, la France doit soutenir la mise en place de réseaux et de partenariats tournés vers l’exportation afin d’encourager l’internationalisation des PME, simplifier l’environnement des entreprises et améliorer les conditions générales propices à l’innovation et à l’esprit d’entreprise.
Concurrence dans le secteur des services et certaines industries de réseau
Les piètres performances du marché des services entravent les résultats à l’exportation du pays. La France doit agir pour renforcer la concurrence dans le secteur des services et supprimer les restrictions injustifiées à l’accès aux services professionnels et à l’exercice de ceux-ci, telles que les restrictions en matière de forme juridique ou de propriété du capital. Elle doit également intensifier la concurrence dans certaines industries de réseau. Le marché français de l’électricité reste l’un des plus concentrés de l’Union européenne. Les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité pour les clients autres que les ménages doivent être supprimés et la capacité d’interconnexion avec les pays voisins doit être accrue pour renforcer la concurrence. Dans le secteur ferroviaire, le marché du transport de marchandises est moins dynamique que dans d’autres États membres, tandis que le transport intérieur de passagers n’est pas ouvert à la concurrence.
Fiscalité
Le système fiscal français demeure complexe et manque d’efficacité, du fait du grand nombre d’exonérations et d’abattements spéciaux ainsi que des modifications fréquentes de la législation. La France doit poursuivre ses efforts de simplification du système fiscal et améliorer son efficacité, tout en garantissant la continuité de la règle fiscale dans le temps. Elle pourrait notamment augmenter les recettes de TVA, alléger la charge fiscale pesant sur le travail, rééquilibrer la part des taxes environnementales et supprimer les incitations fiscales qui favorisent l’endettement des entreprises.
Marché du travail
La France doit prendre des mesures radicales au vu de l’aggravation attendue du chômage, notamment en mettant en œuvre rapidement et complètement l’accord interprofessionnel conclu entre les partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi. Elle doit faire plus pour lutter contre la segmentation du marché de l’emploi et réformer le système d’indemnisation du chômage, pour que celui-ci encourage de manière adéquate le retour au travail. Le taux d’emploi des travailleurs âgés doit être amélioré, les services publics pour l’emploi (Pôle emploi) doivent offrir effectivement un appui personnalisé aux chômeurs et les politiques actives de l’emploi doivent cibler les plus défavorisés. Les mécanismes nationaux destinés à remédier à ces problèmes devraient être alignés sur les normes fixées dans la recommandation du Conseil sur la garantie pour la jeunesse.
Le rapport 2013 sur la compétitivité réalisé par la Commission européenne illustre également une situation catastrophique: « Après une reprise significative de 2009 à 2011, l’industrie européenne connaît une nouvelle période de repli. Les données préliminaires pour 2012 indiquent que la contribution de l’industrie manufacturière au PIB de l’Union européenne (UE) a encore diminué pour s’établir à 15,1 %, s’éloignant ainsi de l’objectif indicatif de 20 % fixé par la Commission en 2012 »
« Bien que la part de ce secteur dans la valeur ajoutée globale soit en régression, celui-ci a des retombées importantes sur d’autres secteurs, toute demande finale supplémentaire dans l’industrie manufacturière générant environ 50 % de demande finale supplémentaire dans d’autres branches de l’économie. Comme dans d’autres économies avancées, le secteur manufacturier continue de représenter une proportion majeure des efforts consentis en matière d’innovation, qui contribuent à l’accroissement global de la productivité et, partant, du revenu réel. »
« Les États membres et les secteurs industriels de l’UE se remettent de manière variable de la crise la plus grave de l’après-guerre. Quelques pays seulement ont réussi à retrouver le niveau de production qu’ils affichaient avant la crise (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie), mais la majorité reste bien en deçà. »
Au-delà de la crise, le rapport recense les raisons principales qui justifient le maintien d’une industrie manufacturière d’une « taille critique » dans les économies européennes. Il fait en outre le bilan des facteurs qui confèrent à l’UE des avantages concurrentiels, qu’il convient de préserver et de renforcer, ainsi que des faiblesses structurelles à long terme du secteur manufacturier, auxquelles il faut remédier. Les principales conclusions et recommandations sont les suivantes:
Il importe de rendre les entreprises européennes plus compétitives sur le marché mondial. Le rapport fait ressortir les points suivants :
« La politique industrielle de l’UE doit orienter les changements structurels vers une productivité accrue dans l’industrie manufacturière et un meilleur positionnement des entreprises européennes dans la chaîne de valeur mondiale. À cet effet, l’UE devrait s’appuyer sur les points forts actuels de son industrie, à savoir ses atouts en matière de produits et de services à forte intensité de savoir et de technologie. Les technologies clés génériques (TCG) en sont un exemple. »
« L’UE est néanmoins à la traîne en termes de gains de productivité par rapport aux puissances industrielles émergentes et à certains de ses principaux concurrents comme les États-Unis et le Japon. L’écart de productivité entre l’UE et les États-Unis, par exemple, se creuse de nouveau après des années de réduction. Cela s’explique en partie par un déficit d’efficacité résultant des réglementations ou d’un sous-investissement dans les TIC et les actifs incorporels. Une autre raison est l’adoption plus lente par le marché des produits de la recherche ».
Le diagnostic de la Commission européenne est néanmoins remarquable par son absence d’autocritique, en particulier en matière d’aides d’État. Elle considère qu’il faudrait à terme communautariser les aides d’État afin de mieux les répartir au niveau européen. Cela signifie leur disparition car les contribuables d’un pays n’accepteront pas d’aider des entreprises entrant en concurrence avec les leurs. Par contre rien n’est indiqué sur le fait que les règles de concurrence libre et non faussées telles qu’elles sont interprétées par la Commission européenne dans le cadre de ses pouvoirs propres entravent la constitution de champions européens.
De même, rien n’est dit sur le fait que la rigueur budgétaire s’est traduite dans beaucoup de pays par une réduction significative de l’effort de recherche alors que par ailleurs l’Union européenne veut promouvoir cette dernière.
Le coût de l’immigration pour les pays membres de l’Union européenne qui voient partir leur main d’œuvre, souvent la plus qualifiée, n’est pas évalué. Or la crise économique est en train de se traduire dans de nombreux pays par une destruction de valeur qui affaiblit leur croissance potentielle.
Vos rapporteurs regrettent que les commissaires Tajani et Barnier n’aient pas été suivis par le Collège de la Commission européenne lorsqu’ils demandent la mise en place d’une politique industrielle forte.
Ils ne peuvent par ailleurs qu’approuver le communiqué de la Commission européenne rédigé par le Commissaire Tajani, qui ne répond toutefois pas aux oublis notés dans les paragraphes précédents.
Communique de presse de la commission europeenne
Bruxelles, le 22 janvier 2014
La Commission demande à la prise de mesures immédiates en faveur d’une renaissance industrielle européenne
La Commission invite instamment les États membres à reconnaître l’importance capitale de l’industrie pour la création d’emplois et de croissance et à intégrer les questions de compétitivité industrielle dans l’ensemble des domaines d’action politique. C’est là le principal message de la communication intitulée Pour une renaissance industrielle européenne qui a été adoptée aujourd’hui. La Commission invite le Conseil et le Parlement à adopter des propositions sur l’énergie, les transports, l’espace et les réseaux de communication, d’une part, et à appliquer et faire appliquer la législation nécessaire à la finalisation du marché intérieur, d’autre part. En outre, il convient de poursuivre la modernisation industrielle en investissant dans l’innovation, l’efficacité des ressources, les nouvelles technologies, les compétences et l’accès au financement, autant de domaines où le recours à des fonds européens spécifiques pourra servir de catalyseur. La communication encourage l’avènement d’une Europe plus ouverte aux entreprises grâce à des mesures destinées à simplifier le cadre législatif et à améliorer l’efficacité de l’administration publique au niveau européen, national et régional. Au nombre des autres questions essentielles figure l’accès aux marchés des pays tiers par l’harmonisation des normes internationales, l’ouverture des marchés publics, la protection des brevets et la diplomatie économique.
M. Antonio Tajani, vice-président de la Commission européenne et commissaire aux entreprises et à l’industrie, a déclaré : « L’Europe est encore loin d’avoir atteint son objectif, qui consiste à faire en sorte que la part de l’industrie dans le PIB de l’Union passe à 20 % d’ici 2020. C’est pourquoi la compétitivité industrielle doit être LA priorité politique du Conseil européen de mars 2014. Par l’initiative qu’elle a prise aujourd’hui, la Commission lance un signal fort: elle cherche à faire comprendre combien il est urgent de réindustrialiser et de moderniser notre économie si nous voulons créer de nouveaux emplois. Nous devons faire preuve de détermination au niveau européen comme au niveau national pour assurer la cohérence des instruments disponibles et pour classer ceux-ci par ordre de priorité. Une stratégie industrielle doit tenir compte de nombreux autres secteurs en raison des interactions croissantes qui existent et de leurs incidences majeures sur les performances de l’industrie ».
Pour plus d’informations :
Communication For a European industrial renaissance
MEMO/14/37: Member States need to act to boost European industry
Une base industrielle solide est indispensable à la création d’emplois et de croissance
L’Union émerge de sa plus longue période de récession, et cette crise a mis en évidence l’importance d’une industrie solide pour résister aux pressions économiques. Loin de se cantonner aux activités manufacturières, l’industrie est en interaction avec le tissu économique européen, que ce soit pour les matières premières et l’énergie, les services aux entreprises (comme la logistique), les services aux consommateurs (comme les services après-vente pour les biens d’équipement) ou le tourisme. L’industrie représente en Europe, plus de 80 % des exportations, ainsi que de la recherche et de l’innovation privées, ce qui montre qu’elle revêt une importance dépassant largement sa part dans le PIB. Elle regroupe près du quart des emplois du secteur privé – des emplois souvent très qualifiés – et chaque emploi créé dans l’industrie manufacturière entraîne la création de 0,5 à 2 emplois dans d’autres secteurs. La contribution du secteur manufacturier au PIB de l’Union a toutefois continué de reculer, pour s’établir, à l’été 2013, à 15,1 %, soit un niveau nettement inférieur à l’objectif des 20 % en 2020 que la Commission avait fixé en 2012.
La compétitivité de l’industrie, une priorité politique européenne
L’ampleur des défis à relever pour assurer l’avenir de l’Europe demande que les plus hautes sphères politiques – autrement dit, le Conseil européen – se penchent sur la question et définissent des orientations stratégiques. Il s’agit là d’une étape essentielle en vue d’assurer la cohérence et l’établissement de priorités pour l’ensemble des instruments à la disposition de l’Union. La Commission invite les États membres à reconnaître l’importance capitale que revêt l’industrie dans toute stratégie destinée à améliorer la compétitivité, à assurer une croissance durable en Europe et à prendre en compte plus systématiquement les questions de compétitivité dans tous les domaines d’action.
La Commission est d’avis que les priorités suivantes doivent être ciblées pour soutenir la compétitivité de l’industrie européenne:
• intégrer encore plus la question de la compétitivité de l’industrie dans l’ensemble des domaines d’action, compte tenu de l’importance de la contribution de ce secteur à la performance économique globale de l’Union;
• optimiser le potentiel du marché intérieur en développant les infrastructures nécessaires, en proposant un cadre réglementaire stable, simplifié et prévisible qui soit favorable à l’esprit d’entreprise et à l’innovation, en intégrant les marchés des capitaux, en améliorant les possibilités de formation et de mobilité pour les citoyens et en parachevant le marché intérieur des services en tant que facteur majeur de la compétitivité industrielle;
• prendre des mesures sur le marché intérieur et au niveau international pour s’assurer un accès aux sources d’énergie et aux matières premières à des prix abordables qui reflètent les conditions de coût sur le marché mondial;
• déployer et mettre en œuvre des instruments financiers européens faisant intervenir le programme « COSME », le projet « Horizon 2020 », les fonds structurels (fonds régionaux d’au moins 100 milliards d’euros) et des financements nationaux, en vue de poursuivre sur la voie de l’innovation, de l’investissement et de la réindustrialisation ;
• rétablir des conditions de prêt normales pour l’économie réelle. À cet égard, la Banque européenne d’investissement devrait jouer un rôle plus stratégique en insistant davantage sur les prêts à l’innovation et aux projets industriels. L’UE doit traiter les goulets d’étranglement restants qui ont été créés par la fragmentation des marchés financiers et créer des conditions propices à l’établissement d’autres sources de financement;
• faciliter l’intégration progressive des entreprises de l’Union, en particulier les PME, dans les chaînes de valorisation mondiales pour améliorer leur compétitivité et leur ménager un accès aux marchés mondiaux à des conditions concurrentielles plus favorables;
renforcer la compétitivité industrielle, car elle est vitale pour relancer la croissance et la création d’emplois, l’objectif étant de faire passer la part des activités manufacturières jusqu’à 20 % du PIB d’ici à 2020.
La libre circulation appartient à l’essence de la construction européenne. Vos rapporteurs n’en contestent aucunement le bien-fondé ; elle est le complément nécessaire à toute politique de mobilité.
Il leur semble néanmoins dangereux que la Commission européenne fasse de la mobilité et de son développement en Europe une nécessité pour retrouver la croissance du moins en l’absence d’Europe sociale.
Les abus de la directive détachement sur lesquels s’est penchée notre commission illustrent le risque d’un retour à des conditions sociales dignes du XIXe siècle et de Dickens (8). Cela n’est pas une clause de style : lorsque des ouvriers polonais travaillant dans les abattoirs allemands sont payés 5 euros de l’heure et dorment dans des dortoirs, nous ne sommes plus très loin des conditions offertes aux ouvriers chinois. La croissance économique européenne ne peut pas reposer sur ce modèle sans conséquences politiques graves au sein de l’Union européenne.
La mobilité en Europe est une excellente chose mais elle ne peut pas se reposer sur ce modèle. De même l’idée allemande de favoriser l’immigration en provenance des autres pays européens pour pallier à sa décroissance démographique revient à profiter d’un transfert de charges à son bénéfice puisque les pays de départ supportent le coût de formation de la main d’œuvre.
Il serait sans doute préférable que ce soit les usines qui soient encouragées à se délocaliser.
En tous cas, si dans le débat public français, elle est peu évoquée, des pays tels que l’Espagne et l’Irlande connaissent une forte émigration de leur population, en particulier vers l’Allemagne. Dans ce cas précis, l’émigration ne résulte pas d’un choix des populations, mais est subie. Ce phénomène rend indispensable et prioritaire l’émergence d’une Europe sociale.
Source : OCDE
Le risque de déflation au sein de l’Union européenne constitue un risque majeur pour l’économie mondiale, souligné par le FMI.
L’OCDE note que « L’inflation est basse, ce qui a justifié une baisse des taux d’intérêt, mais la zone euro n’est pas en déflation, à savoir une baisse des prix, des volumes de crédits et des salaires, et surtout des anticipations sur ces variables déclenchant un cercle vicieux. »
Toutefois le Président de la BCE Mario Draghi vient de rappeler le 9 janvier 2014 que la Banque centrale utiliserait tous les moyens en sa possession pour éviter toute déflation au sein de la zone euro.
En 2014 et surtout en 2015, le processus habituel de reprise devrait se confirmer. Une demande externe, qui a ses limites, est relayée par la demande intérieure, à travers une reprise de l’investissement qui doit repartir à la hausse pour redresser la croissance potentielle.
En effet, la zone euro enregistre déjà un excédent courant de sa balance des paiements (2 % du PIB), qui reflète le surplus allemand, élevé et structurel, et le rebond des comptes italien et espagnol. En partageant la même parité de l’euro, la France reste déficitaire, y compris à l’intérieur de la zone euro, mais cette situation s’atténue grâce à la stabilisation de ses parts de marché et à l’effet progressif des réformes en cours.
Par exemple, en 2014-2015, le CICE devrait jouer pleinement son rôle en réduisant le coût du travail ce qui favorise les exportations ou les substituts français aux importations via une baisse des prix, ou bien l’investissement à travers la hausse du taux de marge des entreprises, ce qui, à terme leur permet d’améliorer leur part de marché.
De même la loi sur la sécurisation de l’emploi, réduit la dualité du marché du travail en augmentant la flexibilité et l’adaptabilité des entreprises et en s’appuyant sur un dialogue social renouvelé. D’autres réformes restent possibles, voir indispensables pour retrouver les voies de la croissance.
Un des freins les plus importants à la croissance économique résulte de la capacité des banques à prêter à l’économie au sein de l’eurozone. La mise en œuvre d’une régulation bancaire unifiée au sein de l’Union européenne constituera une avancée qu’il convient de saluer (9) .
Dans son rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR) d’octobre 2013 le FMI note que « le système financier mondial traverse une période de transitions sur la voie d’une plus grande stabilité. Les États-Unis pourraient bientôt s’orienter vers une politique monétaire moins accommodante et des taux d’intérêt à long terme plus élevés à mesure que la reprise s’affermira. Après une période prolongée d’abondantes entrées d’investissements de portefeuille, les marchés émergents se heurtent à une conjoncture extérieure plus volatile et à une montée des primes de risque. Certains doivent corriger des facteurs de vulnérabilité macroéconomiques et financiers et renforcer leur résilience dans leur passage vers un régime de croissance plus équilibré et durable du secteur financier. Le Japon s’oriente vers la « Abenomics », politique marquée par un assouplissement monétaire plus vigoureux doublé de réformes budgétaires et structurelles. La zone euro avance vers un secteur financier plus robuste et plus sécurisé, avec une union monétaire renforcée et un dispositif commun d’atténuation des risques, tout en renforçant les systèmes financiers et en réduisant les niveaux excessifs d’endettement. Enfin, le système bancaire mondial met progressivement en place des normes règlementaires plus rigoureuses. »
« Dans la zone euro, les réformes entreprises à l’échelle nationale et les importantes mesures adoptées pour conforter l’architecture de l’union monétaire ont contribué à réduire les tensions de financement des banques et des États. Cependant, l’Espagne, l’Italie et le Portugal, dont l’économie est malmenée, continuent de se heurter au lourd endettement des entreprises et à la fragmentation financière. Même si cette dernière était corrigée à moyen terme, le surendettement persisterait, à hauteur de près d’un cinquième de la dette globale des entreprises espagnoles, italiennes et portugaises réunies. À supposer que les conditions économiques et financières n’enregistrent aucune autre amélioration… Certaines banques de ces pays pourraient être amenées à augmenter davantage leurs provisions pour parer à une détérioration éventuelle de la qualité des crédits aux entreprises et il demeure essentiel d’intensifier les efforts pour purger les bilans bancaires et avancer vers une union bancaire intégrale. Ces mesures devraient s’accompagner d’une évaluation et d’une stratégie globale pour corriger le surendettement des entreprises non financières. »
Le FMI préconise d’abord un renforcement du système bancaire pour retrouver les voies de la croissance ; les personnalités de l’OCDE auditionnées par vos rapporteurs ont également mis l’accent sur cet aspect et soulignaient que le travail d’apurement des bilans des banques de la zone euro n’était pas achevé.
« Il faudra d’abord effectuer une évaluation exhaustive, réaliste et transparente des bilans. Des dispositifs de secours crédibles pour parer aux déficits de fonds propres doivent être mis en place et expliqués avant la publication des résultats de cette évaluation. Le surendettement des entreprises doit être abordé de manière plus globale, y compris au moyen de la radiation de dettes, d’une amélioration du dispositif applicable aux entreprises en difficultés et de la promotion active de sources de crédit non bancaire. Enfin, pour accorder le temps suffisant à la réparation des bilans du secteur privé, il est vital que la Banque centrale européenne intensifie son appui monétaire… »
Dans cette perspective, l’augmentation de capital de la BEI, qui a été réalisée en 2013 est bien évidemment positive.
Le fait que l’abondance de liquidités offertes par la BCE ne se traduise pas par une croissance des crédits bancaires mais aille s’investir en emprunt d’État constitue bien évidemment un problème majeur pour l’économie. La faible croissance du crédit, étant la cause principale, selon de nombreux analystes, de la lenteur de la reprise. L’une des conséquences importantes de la crise économique traversée par les pays du sud de la zone euro est l’augmentation des taux d’intérêts qui handicape lourdement leurs entreprises. Il serait important que le Conseil européen se penche sur cette question car la divergence des taux d’intérêts au sein de la même zone monétaire est un facteur plus important de distorsion de concurrence que les aides d’états pourchassées avec vigueur par la Commission européenne.
Pour l’OCDE la productivité reste élevée mais est insuffisamment dynamique pour soutenir la croissance.
Si la France a relativement mieux résisté à la crise financière que nombre de ses partenaires, le niveau de revenu par habitant y a crû bien moins vite que dans les pays de l’OCDE les plus riches en termes de PIB par habitant Le PIB de la France a crû en moyenne de un point de moins que dans l’ensemble de l’OCDE. Cette faible croissance des revenus s’explique par un recul prononcé du nombre moyen d’heures travaillées, recul tout juste compensé par les gains de productivité horaire, dont la croissance a été inférieure à la moyenne de l’OCDE.
Une meilleure utilisation des capacités de production se traduisant par une diminution du sous-emploi des jeunes et des séniors doit constituer la priorité des politiques économiques françaises.
Mais, la croissance des revenus passe également par une diminution des prélèvements obligatoires (à l’exclusion de ceux liés aux revenus de transferts). Les tableaux qui suivent illustrent les difficultés de l’économique française à retrouver son niveau antérieur à la crise économique et des performances plutôt inférieures à la moyenne de la zone euro.
REDRESSEMENT DE L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE EUROPÉENNE PAR ÉTAT MEMBRE
GRAPHIQUE 2. CERTAINS SECTEURS INDUSTRIELS REPRENNENT LE CHEMIN DE LA CROISSANCE TANDIS QUE D’AUTRES DEMEURENT EN DIFFICULTÉ
GRAPHIQUE 3 PART DANS LA PRODUCTION MONDIALE
Source : Base de données des principaux agrégats de comptabilité nationale (Nations unies)
GRAPHIQUE 9. PARTS DES DEMANDES DE BREVET EN EUROPE ET DANS D’AUTRES PAYS
IV. LE PROBLÈME FONDAMENTAL : LA QUESTION DU RAPPORT AU TEMPS ET LE REDRESSEMENT TROP RAPIDE DES COMPTES
La crise économique qui a débuté en 2008 a provoqué une forte poussée des déficits publics et a généré un endettement public équivalent à 100 % du PIB pour l’ensemble de la zone OCDE en 2011.
Pour de nombreux pays, la seule stabilisation de la dette - et à plus forte raison la nécessité de la ramener à un niveau soutenable - constitue un défi majeur. L’état inquiétant des finances publiques exige des consolidations budgétaires de grande ampleur dans la plupart des pays, en particulier dans ceux où les déséquilibres existants ont été aggravés par la crise. Il n’existe pas véritablement de débat sur ce constat mais sur le rythme de cet apurement qui, s’il est trop rapide, peut entraîner un effondrement de l’économie et par là des recettes fiscales, ce qui va à l’encontre du but recherché.
Une nouvelle étude de l’OCDE montre que ramener l’endettement à des niveaux raisonnables exigera de prendre des mesures durables de consolidation budgétaire dans des proportions dépassant 3 % du PIB dans un grand nombre de pays, mais pas dans tous. Certains pays doivent envisager des resserrements budgétaires particulièrement importants : le Japon fait face à un besoin de resserrement allant jusqu’à 12 % du PIB, tandis que ce besoin est chiffré à plus de 8 % pour les États-Unis, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande
Pour l’OCDE, à court terme, le rythme des mesures de consolidation doit tenir compte des effets de l’austérité budgétaire sur la croissance. L’arbitrage dépendra du choix de l’instrument budgétaire qui est lié au multiplicateur (10) (objet d’une grande incertitude) et de la question de savoir si la politique monétaire peut compenser les effets défavorables sur la demande de la réduction des dépenses publiques. Ces réserves étant faites - toutes choses étant égales par ailleurs - un ralentissement des mesures de consolidation budgétaire nécessitera à terme des efforts plus importants pour atteindre l’objectif de désendettement. Mais, le niveau actuellement élevé de la fiscalité dans beaucoup de pays de l’OCDE a des effets défavorables sur les performances économiques. Aussi, pour l’OCDE, la consolidation devrait-elle se concentrer dans une large mesure sur la réduction des dépenses publiques et s’attaquer aux facteurs qui exerceront des pressions sur ces dépenses à l’avenir (vieillissement démographique...).
Pour vos rapporteurs, il est nécessaire d’adopter les politiques budgétaires en fonction de la situation économique des pays concernés. En effet au sein même de l’Union européenne les déficits budgétaires ne peuvent pas s’apprécier de la même manière pour des pays dotés d’une infrastructure forte et ceux qui tels que la Roumanie où la Bulgarie doivent conduire un effort considérable d’investissement. Cette variété de situations n’est sans doute pas assez prise en compte par les traités européens. Des pays tels que la Bulgarie respectent mieux que la France des critères de déficit budgétaire (déficit des finances publiques de 0,8 % du PIB) et d’endettement par rapport au PIB. Lorsque l’on connaît le besoin d’investissements de ce dernier pays, cette situation est pour le moins paradoxale.
Pour l’OCDE « dans les pays où les dépenses sont faibles, il faudra mettre davantage l’accent sur les mesures concernant les recettes publiques. Les pays peuvent bénéficier d’avantages budgétaires considérables – à la fois directement et indirectement grâce aux gains budgétaires induits par la croissance – en adoptant « de bonnes pratiques », notamment concernant les dépenses dans les domaines de la santé et de l’éducation et en poursuivant les réformes des retraites. Les gouvernements pourraient également réformer les programmes de transferts sociaux pour maîtriser les dépenses liées à des prestations sociales mal ciblées et renforcer l’incitation à travailler et à épargner. »
De même en matière d’impôts l’analyse de l’OCDE nous semble pertinente lorsqu’elle indique que du côté des recettes publiques, les gouvernements devraient mettre l’accent sur la limitation des distorsions induites par l’impôt qui sont préjudiciables à la croissance, notamment en élargissant les bases d’imposition. Les gouvernements devraient par ailleurs accentuer les impôts les moins dommageables, comme ceux qui pèsent sur les biens immobiliers et les impôts correcteurs tels que les redevances de pollution.
Des estimations indicatives des gains budgétaires de mesures portant sur les dépenses et les recettes publiques ayant peu d’effets défavorables sur la croissance montrent que les pays pourraient obtenir en moyenne une consolidation de l’ordre de 7 % du PIB grâce à l’impact cumulé de mesures portant sur les dépenses et les recettes. Cependant, les mesures de soutien destinées à amortir le choc pour les personnes les plus exposées à des difficultés supplémentaires auront pour effet de majorer les dépenses et de compenser ainsi certains des gains budgétaires potentiels.
Ampleur de la consolidation nécessaire ? Amélioration immédiate du solde primaire sous-jacent pour ramener la dette à 50 % du PIB en 2050
Source : OCDE.
Ces dernières années d’importantes mesures de consolidation fiscale ont été entreprises dans les pays européens. Les pays de la Zone Euro ont été contraints de mettre en place des politiques d’austérité importantes, face à la pression des marchés financiers, et aux risques d’insolvabilité de certains États, notamment. Et bien que le ralentissement du rythme d’assainissement budgétaire soit envisagé, de nombreux pays vont devoir encore mettre en place de telles mesures.
Les consolidations budgétaires les plus importantes ont eu lieu en Grèce (9 % PIB), au Portugal (7 % PIB), en Irlande (4 % PIB), en France (3.7 % PIB), en Italie (4 % PIB), en Espagne (4.5 % PIB), et en Allemagne (1.6 % PIB). L’impact de ces mesures d’austérité sur la croissance demeure une préoccupation majeure, car la simultanéité des consolidations dans l’euro zone a provoqué de larges retombées négatives sur l’ensemble de la zone.
Tout d’abord, il apparaît que les effets des consolidations budgétaires sur le PIB dépendent largement de la composition de ces dernières : les consolidations agissant sur les dépenses ont un impact plus large sur les multiplicateurs que les consolidations basées sur les recettes. En effet, ces derniers sont plus élevés pour les stratégies d’assainissements ciblées sur les dépenses.
De plus, les effets de contagion ont exacerbé les effets négatifs des consolidations. Il en existe trois canaux :
• effets sur la demande : les mesures d’austérité réduisent les importations domestiques, pour les pays partenaires, cela signifie moins de demandes d’exportations ;
• effets sur la compétitivité : les politiques déflationnistes font pression à la baisse sur les prix et les salaires, et améliorent ainsi la compétitivité, engendrant des retombées négatives sur les pays compétitifs ;
• effets sur les flux financiers internationaux : les réformes entreprises au niveau national ont des effets dans les autres pays.
Surtout, les consolidations budgétaires successives et simultanées de ces dernières années ont fait chuter la croissance dans la Zone Euro ; et les simulations présentées montrent que les retombées de ces consolidations ont aggravé la récession, notamment dans les pays vulnérables (11).
Ainsi, basé sur les changements observés dans les soldes structurels primaires 2011-2013, le PIB perd entre 3 et 8 % dans la Zone Euro :
• -3.9 % en Allemagne ;
• -4.8 % en France ;
• -4.9 % en Italie ;
• -5 % en Espagne ;
• -4.5 % en Irlande ;
• -6.9 % au Portugal ;
• -8.1 % en Grèce ;
• et -3.2 % dans le reste de la Zone Euro.
Nous enregistrons juste les premiers résultats positifs des politiques de rigueur conduites. Il n’est donc pas excessif d’évaluer à trois ans le délai nécessaire pour obtenir un début de retour de la confiance. Cela est bien long pour les populations.
La chute du PIB a été la plus forte en Grèce et au Portugal. Durant les premières années, les composantes de la demande intérieure de ces pays ont été affectées par les consolidations, et les années suivantes le PIB a chuté lorsque des mesures additionnelles d’austérité ont été introduites.
Les effets négatifs enregistrés ne signifient pas pour autant que les consolidations budgétaires auraient dû être évitées. Au contraire, ces pays, très endettés, faisaient face à la pression des marchés financiers, et avaient, dans certains cas, totalement perdu l’accès à ces mêmes marchés. De plus, dans cette situation, un ralentissement du rythme de consolidation aurait conduit à des craintes générales de défaut souverain de l’ensemble de la zone euro.
Enfin, les effets négatifs des consolidations dans les pays qui enregistrent un excédent de leur balance commerciale pose la question de savoir si une politique de relance temporaire dans les pays notés AAA pourrait aider le processus de relance nécessaire à la Zone Euro. Une simulation d’une telle relance budgétaire en Allemagne montre que, bien que son impact sur les comptes courants soit modeste et qu’il ne puisse évidemment pas se substituer aux réformes dans les pays déficitaires, il soutiendrait la croissance dans les pays du noyau, et ses retombées dans les pays de la périphérie faciliteraient leur ajustement. L’amélioration des déficits courants dans la périphérie est cependant faible.
La question cruciale est en fait celle du rythme approprié de ces consolidations. Le défi est de trouver le bon rythme pour atteindre la crédibilité, tout en évitant autant que possible les effets négatifs sur la croissance de court-terme.
Dans cette perspective, le fait qu’en 2013 la Commission européenne ait placé l’Allemagne sous surveillance du fait d’un excédent de sa balance commerciale supérieure à 6 % du PIB, est symptomatique du fait que nous devons examiner l’ensemble des déséquilibres affectants la zone euro.
Vos rapporteurs se félicitent de l’inflexion du discours de la Commission européenne qui a accepté de donner plus de temps aux États pour renouer avec l’équilibre budgétaire.
Cette attitude plus souple est de nature à nous aider à renouer avec la croissance.
Néanmoins, nous devons regretter que dans des domaines qui relèvent de ses pouvoirs propres, tels que la politique de la concurrence, la Commission européenne ne cherche pas à promouvoir une politique industrielle digne de ce nom, et au contraire entrave la constitution de champions européens de taille mondiale par une jurisprudence marquée du sceau d’un juridisme étroit.
La politique de libre circulation des personnes ne pourra être utilisée comme un facteur de régulation de l’économie que si elle s’accompagne d’une politique sociale et que si les abus constatés (par exemple en matière de détachement) cessent le plus rapidement possible.
Enfin, il nous faut déplorer qu’à l’occasion de la crise économique la plus grave depuis la guerre la Commission européenne ne se soit rangée à des positions moins dogmatiques qu’avec un temps de retard et que nous ne puissions pas soutenir qu’elle ait fait preuve d’anticipation.
La Commission s’est réunie le 21 novembre 2013 et le 14 janvier 2014, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.
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Audition de M. Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, sur la situation économique et financière de l’Union européenne et de la zone euro, et sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, le 21 novembre 2013.
« La Présidente Danielle Auroi. Mes chers collègues, nous nous réjouissons d’accueillir, pour la première fois, M. Olivier Blanchard, chef économiste du Fonds monétaire international. Vous êtes, monsieur, un économiste de référence et nous sommes impatients que vous nous fassiez partager vos analyses sur l’économie mondiale, dont l’évolution depuis la faillite de Lehman Brothers en 2008 a ébranlé bien des certitudes, y compris celles du FMI et de la Commission européenne.
Je remercie Arnaud Richard et Razzy Hammadi, auteurs d’un rapport d’information sur le pacte pour la croissance et l’emploi, d’avoir pris l’initiative de cette audition.
Quelle appréciation portez-vous, monsieur Blanchard, sur la situation et les politiques économiques en Europe, mais aussi aux États-Unis et en Asie ? S’agissant des politiques budgétaires conduites en Europe, le FMI a reconnu qu’elles pouvaient amputer la croissance. Quelles conséquences faut-il en tirer ?
Comment mesurer les effets macroéconomiques de l’accroissement des inégalités et de la pauvreté ces dernières années ? La présidence de l’Union va revenir à la Grèce, où l’austérité exerce ses ravages sociaux. Que proposez-vous pour « corriger le tir » ? Dans son rapport semestriel sur la dette, le FMI évoque un prélèvement de 10 % sur les patrimoines privés des quinze États de la zone euro pour ramener les déficits publics à un niveau raisonnable. Un impôt sur la fortune européen, même très faible, pourrait-il être une piste ?
Quelle analyse faites-vous de la politique monétaire de la zone euro au regard de la situation économique des États ? Et qu’en penser au regard des politiques monétaires américaine, chinoise et japonaise ? Faudrait-il faire évoluer le mandat de la Banque centrale européenne (BCE) ? Selon quelles modalités approfondir l’Union économique et monétaire ?
Alors que s’annonce l’« opération vérité » concernant le bilan des banques avant la dévolution du contrôle bancaire à la BCE l’année prochaine, dans quel état sont les banques européennes, notamment par rapport aux banques américaines ? Si des recapitalisations se révélaient nécessaires, quelles seraient les modalités les plus adaptées ? Quel est donc l’état des banques françaises ? Quels seraient les moyens de les renforcer ? Que pensez-vous du projet de mécanisme de résolution unique, fondé sur un fond de résolution unique, en cours de discussion ?
La zone euro doit-elle se doter d’un budget propre ? Est-ce l’échelle pertinente pour se doter d’une capacité d’endettement commune ?
Enfin, quel bilan dressez-vous des missions de la Troïka en Grèce, en Irlande et au Portugal ?
M. Olivier Blanchard, chef économiste du Fonds monétaire international. Je répondrai d’abord aux questions que vous m’avez adressées par écrit, avant d’en venir à celles que vous venez de me poser.
S’agissant de la croissance dans la zone euro, nos chiffres sont connus : un taux négatif en 2013, et + 1 % en 2014. Se conjuguent, pour freiner la croissance cette année, la consolidation budgétaire, d’une part, et la fragilité des banques, d’autre part, qui les amène à restreindre le crédit, mais à des degrés différents selon les pays. En Allemagne, la consolidation budgétaire est quasiment nulle et les banques ne se portent pas trop mal, alors que la situation est tout autre dans les pays de la périphérie. Pourquoi prévoyons-nous une croissance positive l’an prochain ? Parce que la consolidation budgétaire sera plus faible et la situation des banques devrait s’améliorer, les résultats qu’elles dégageront leur permettront d’augmenter leurs fonds propres. Nous prévoyons donc une croissance de 1 %, ce qui est, il faut le souligner, nettement insuffisant, et la perspective est stable pour le chômage. À terme, les faibles gains de productivité laissent augurer d’une croissance tendancielle faible, de l’ordre de 1 % par an, mais il devrait y avoir un effet de rattrapage. En tout état de cause, les perspectives ne sont guère enthousiasmantes.
La France n’est qu’un cas particulier de cette déclinaison. L’un des principaux facteurs de la faiblesse de la croissance cette année est la consolidation budgétaire, qui aura été l’une des plus fortes en Europe. Nous l’avions estimée plus tôt dans l’année à 1,8 point de PIB, elle sera finalement proche d’1,4 point de PIB, mais avec un effet multiplicateur de 1, cela diminue la croissance d’autant.–. Les exportations vers la zone euro restent un point faible. En revanche, les banques se portent plutôt bien et les conditions de prêt sont correctes. Nous nous interrogeons sur l’importance des « animal spirits », c’est-à-dire des effets psychologiques de la politique menée et des incertitudes qu’elle introduit dans les esprits, mais les méthodes économétriques mesurent difficilement de tels phénomènes et il est difficile d’établir des causalités. C’est toutefois certainement un élément du débat. Nous anticipons une amélioration l’année prochaine parce que la consolidation budgétaire sera beaucoup plus faible. À moyen terme, la croissance annuelle devrait rester de l’ordre de 1 %. Les réformes structurelles, on en parle depuis vingt ans. Je vous renvoie à la commission présidée par Michel Camdessus, dont j’ai fait partie, et au rapport de Jacques Attali, qui restent d’actualité. Il est clair que l’un des problèmes de la France réside dans la taille de l’État, le volume de ses dépenses et, par voie de conséquence, le poids de sa fiscalité.
L’austérité était-elle nécessaire ? Je crois que oui en raison des niveaux de dette atteints à cause de la crise et de la diminution des revenus. Il est crucial d’avoir un plan d’ajustement crédible, indépendamment ou presque du niveau d’endettement de départ. L’histoire montre que des pays s’en sortent en partant de très haut et que d’autres explosent en partant de très bas. Rétrospectivement, le rythme d’ajustement me semble avoir été peut-être trop rapide au regard de la faiblesse de la croissance et du système financier, mais les gouvernements ont vu dans la rapidité un gage de crédibilité. Toutefois, les pays sous-programme n’avaient pas vraiment le choix car l’ajustement se déduisait du montant des prêts que leurs créanciers acceptaient de leur consentir. Mais c’est le passé.
Dans les années à venir, la consolidation budgétaire devrait être plus limitée. Il y a seulement deux pays, l’Irlande et le Portugal, où la consolidation budgétaire, qui correspond à l’amélioration du solde budgétaire corrigé des effets conjoncturels, sera supérieure à 1 % du PIB. Pour les autres pays, c’est moins. En France, ce sera 0,5 % l’année prochaine. En l’état, les plans sont raisonnables. En revanche, si la croissance venait à ralentir, sans doute faudrait-il les réviser.
Dans certains pays, il me semble que l’inquiétude provient plus de la place de l’État que du déficit lui-même. Une stratégie qui miserait sur une baisse équivalente des dépenses et des impôts, c’est-à-dire neutre pour le déficit, permettrait sans doute d’obtenir en contrepartie un ralentissement du rythme de réduction des déficits sans perte de crédibilité. Pour ce faire, il faudrait convaincre à la fois Bruxelles et les investisseurs qui craindraient que le Gouvernement ne relâche l’effort budgétaire. À mon avis, ils seraient plutôt rassurés par un tel programme pourvu qu’il soit crédible parce qu’ils penseraient que le pays s’est enfin attaqué au vrai problème. J’ignore si, à ce stade, cette option est jouable politiquement mais il faut la garder en réserve.
Par ailleurs, le taux d’investissement de l’Allemagne est bas et c’est la raison, au moins du point de vue mécanique, du surplus du compte courant. Mesuré en points de PIB, l’investissement public est la moitié de ce qu’il est en France. Cet agrégat étant traité comme n’importe quelle autre dépense, on le comprime pour réduire le déficit. D’où cette question qui n’est pas nouvelle : les États ne devraient-ils pas avoir un compte de capital et un compte courant pour distinguer l’investissement du paiement des fonctionnaires ? En France comme en Allemagne, il serait opportun de favoriser des projets d’intérêt public. Un traitement spécifique des investissements permettrait de les augmenter avec des effets bénéfiques à court comme à moyen terme.
M. Michel Piron. Je suis particulièrement sensible à ce dernier point car à l’heure actuelle on confond le court et le long termes.
J’ai lu les quatre vérités que vous avez dites à propos de l’année 2011, ce qui m’a conduit à douter de notre capacité à y voir clair dans un monde qui change. Vous mettez en cause les modèles, notamment le lien entre fiscalité et croissance en doublant voire triplant le multiplicateur qui mesure l’impact des hausses d’impôt/baisses des dépenses sur l’activité économique. Comment en arrivez-vous à un tel écart ?
Plus généralement, il me semble que la science économique redevient une science humaine puisque la crise a mis en lumière le panurgisme des marchés, révélé l’importance de l’opinion, y compris de celle des experts, qui ne sont pourtant pas toujours plus éclairés que les autres. Ce constat renvoie à une autre question : qui fabrique l’opinion ? qui la gouverne ? N’y a-t-il pas une contradiction de plus en plus manifeste entre la libération des échanges économiques et financiers et le cadre de la gouvernance politique et économique ? Jusqu’où les politiques financières peuvent-elles s’émanciper des politiques économiques ? L’Italie, sous l’impulsion de Mario Monti puis d’Enrico Letta, a fait des efforts considérables mais sans impact notable sur les taux. Pourtant, l’Italie dispose d’un socle industriel qui n’est pas négligeable et l’Espagne n’a pas une économie comparable. Je me demande vraiment comment faire la différence entre les effets et les causes.
M. Gilles Savary. Que pensez-vous, monsieur le chef économiste, du niveau des charges sociales en France, qui la distingue nettement des pays comparables ? Les dépenses sociales ont-elles un effet contra cyclique bénéfique et faut-il les préserver ? Ou les baisser en guise de signal aux marchés, en profitant des marges de manœuvre qui doivent exister puisque les services publics ne sont pas meilleurs qu’ailleurs ?
Par ailleurs, que penser de la course effrénée à la productivité et à la compétitivité ? Mon raisonnement est peut-être naïf mais un chômeur coûte bien plus que les allocations qu’il reçoit. Souvent, les familles se décomposent : la femme reste seule avec les enfants, formant un foyer monoparental totalement assisté, les enfants dévissent sur le plan scolaire. On n’a jamais pris la peine de faire un chiffrage global. Alors, ne serait-il pas préférable de maintenir au travail des gens un peu sous-productifs, ce qui se traduirait par une baisse de la productivité macroéconomique, plutôt que de persévérer dans ce système d’exclusion ? Bien des pays ont encore beaucoup de petits emplois privés alors que, chez nous, on ne supporte pas l’idée de ne pas recruter que des « athlètes ».
M. Christophe Caresche. De vos propos, je conclus que l’Europe aura de grandes difficultés à sortir de la crise et que sa croissance potentielle restera obérée par sa compétitivité. Comment l’améliorer ?
Dans l’avis que la Commission européenne vient de rendre sur les projets de budget, elle note un important effort de consolidation budgétaire ainsi que les excédents considérables de l’Allemagne au point d’envisager une enquête en vertu du pacte de stabilité rénové. Ces déséquilibres pèsent-ils sur la croissance européenne ?
Quels sont les effets comparés d’une hausse des recettes et d’une baisse des dépenses sur la croissance ? Peut-on conclure dans un sens ou dans l’autre car on entend des choses très contradictoires ?
M. Dominique Lefebvre. Même si les échanges internes sont déterminants pour la zone euro, quel est l’impact de la conjoncture internationale ?
Selon vous, le niveau de la dette n’importe pas tant que le rythme de sa réduction. En tant que rapporteur spécial pour les engagements financiers de l’État, je constate néanmoins que la charge de la dette représente, avec 46 milliards, la première mission de l’État, et qu’un relèvement des taux risquerait de nous faire déraper à nouveau. Ne pensez-vous pas que les incertitudes entravent notre action ?
M. Philip Cordery. Comment jugez-vous le pacte de croissance de l’Union européenne ? Des marges de manœuvre pourraient-elles être dégagées à ce niveau, avec des eurobonds, des ressources propres et un endettement direct ?
M. Pascal Cherki. Je suis attentivement les travaux de M. Blanchard et j’ai cru comprendre que, dans le débat sur les moyens d’alléger le fardeau de la dette, vous préconisiez de laisser, dans une certaine mesure, filer l’inflation autour de 4 %, afin d’« euthanasier » partiellement les détenteurs de la rente. Faut-il en déduire que l’ensemble de la dette ne doit pas être remboursé, ne serait-ce que parce que la priorité en Europe, c’est la croissance ? Un tel programme est-il compatible avec les missions de la BCE ? Les principaux pays de la zone ne devraient-ils pas avoir le courage de faire évoluer la doctrine ?
M. Olivier Blanchard. Je vais essayer de répondre à toutes ces questions, qui sont toutes importantes.
Sur les multiplicateurs : Au début de la crise, il y a cinq ans, les multiplicateurs n’avaient pratiquement pas fait l’objet de recherches récentes du fait du déclin de la politique budgétaire en tant qu’instrument de politique conjoncturelle. Nos bureaux spécialisés par pays en étaient donc restés à des chiffres généraux, à savoir un multiplicateur inférieur à 1 – entre 0,5 et 0,7 – puisque, en économie ouverte, une bonne partie de la dépense va à l’étranger. Quand la crise a commencé, j’ai demandé à mon équipe de recenser l’ensemble des travaux sur ce sujet pour voir si des chercheurs étaient arrivés à d’autres chiffres. De fait, les estimations varient entre 0 et 3. Les résultats ont été publiés dans une étude du FMI en 2009. Parallèlement, nous nous sommes rendu compte très vite que, dans la crise, le coefficient était en réalité plus fort parce que, en temps normal, les effets de la politique budgétaire sont partiellement compensés par la politique monétaire, mais pas quand les taux d’intérêt sont à zéro. On en a tenu compte à partir de 2010, dans toute une série de programmes.
Sur la science économique : Oui, la science économique est une science humaine puisque les investisseurs sont des êtres humains. La crise nous a fait admettre que les marchés financiers sont loin d’être parfaits, que le comportement des opérateurs est parfois celui de moutons de Panurge, même si on peut le rationaliser. La position du FMI a d’ailleurs considérablement évolué au sujet des contrôles des capitaux. Ils étaient largement rejetés avant 2008, ils font maintenant partie de la trousse à outils. Nous avons aussi beaucoup travaillé à une approche macro prudentielle, en imaginant des instruments destinés à limiter l’exposition aux risques des acteurs financiers, mais nous n’en sommes qu’au début du processus.
Sur les charges sociales et le chômage : Nous avons beaucoup d’études économétriques sur le lien entre le niveau des charges sociales et le chômage, dont il ressort qu’il existe, mais qu’il est lâche. Néanmoins, plus le niveau de charges est élevé, plus la corrélation avec le taux de chômage est forte. La France se situe sans doute dans cette zone.
Sur la productivité et le chômage : Si les gains de productivité s’accompagnaient systématiquement d’une augmentation du chômage, la question de Monsieur Savary mériterait d’être posée. Mais, historiquement, c’est l’inverse que l’on observe. Cela ne signifie pas pour autant que tout le monde gagne : les perdants sont ceux qui n’ont pas les qualifications nécessaires. À mon avis, chercher à réduire les gains de productivité pour éviter le chômage serait une erreur. Il faut plutôt rechercher une meilleure organisation du marché du travail qui passe par la flex-sécurité à la danoise ou la réforme de la formation professionnelle qui est en cours, et dont j’espère qu’elle sera menée a bien.
Sur la croissance à terme : Oui, la croissance potentielle européenne sera faible à terme, entre 1 % et 1,5 % en fonction de l’évolution démographique des différents pays. Les travaux de Philippe Aghion montrent que, quand on est à la frontière, on avance doucement. Il ne faut pas se faire d’illusion, on ne reviendra pas à des taux de 3 % ou 4 %. Cela dit, il existe des petites réformes, celles prônées par les rapports Camdessus et Attali, qui, mises bout à bout, peuvent avoir des effets importants. Ainsi, la plus grosse part du pouvoir d’achat gagné par les Français ces deux dernières années provient de l’entrée sur le marché de Free, soit 0,3 point de pouvoir d’achat en plus à cause de l’effondrement des prix des télécommunications. Il ne faut être ni trop optimiste, ni trop pessimiste.
Sur le compte courant allemand : L’excédent des comptes courants allemands est au cœur des débats aujourd’hui. Il y a deux questions à se poser. Premièrement, du point de vue allemand, ce niveau est-il le bon ? Un surplus important peut être justifié quand on anticipe une forte baisse de la population et quand il est nécessaire d’épargner beaucoup. Or, le taux d’épargne allemand se situe dans la moyenne des pays avancés. Ce qui surprend, en revanche, c’est la faiblesse du taux d’investissement. C’est, parmi les pays avances, en Allemagne qu’il est le plus bas (ainsi qu’en Angleterre). Sans doute les entreprises allemandes ont-elles intérêt à investir non pas en Allemagne mais plutôt en Pologne ou en Hongrie, en raison d’un avantage comparatif puisqu’elle est très proche. Mais ce n’est pas l’explication puisque si l’on ajoute les investissements directs à l’étranger à l’investissement domestique, l’Allemagne reste tout de même au bas de l’échelle. À cause de la faiblesse de l’investissement public. Les Allemands devraient donc se demander s’il ne serait pas dans leur propre intérêt d’augmenter l’investissement, et en particulier l’investissement public.
D’autre part, l’Allemagne devrait-elle aider les autres ? Certains suggèrent d’augmenter la demande domestique pour stimuler les exportations des autres pays et augmenter légèrement l’inflation allemande. Ce raisonnement n’est pas faux mais les effets quantitatifs d’une telle politique seraient faibles. De plus, les Allemands n’y sont pas favorables. En revanche, il faut les convaincre de soutenir, d’une part, la politique monétaire de la BCE, et, d’autre part, l’union bancaire. C’est ça qu’il faut leur demander.
Sur l’ajustement par les recettes ou les dépenses : De l’augmentation des impôts ou de la baisse des dépenses, laquelle a-t-elle les effets les plus forts ? Autant vous dire que les résultats sont très hétérogènes. Selon la théorie keynésienne traditionnelle, la diminution des dépenses devrait se ressentir davantage parce que, au premier tour, le multiplicateur est de 1 alors qu’il est moindre en cas de hausses d’impôts parce que les gens commencent par puiser dans leur épargne. En pratique, un certain nombre d’études concluent à une hiérarchie inverse. Plusieurs explications sont avancées, comme une politique monétaire plus conciliante si la banque centrale préfère les baisses de dépense, ou bien une question de crédibilité : dans les pays où la charge de l’État est très lourde, la diminution des dépenses peut avoir un effet psychologique positif, mais les corrélations sont très mal établies.
Sur l’environnement international : la contagion a joué un rôle important dans le début de la crise, mais, aujourd’hui, la conjoncture internationale est favorable à l’Union européenne. Les autres pays la tirent dans le bon sens. La reprise américaine est solide, avec le risque, à terme, qu’elle entraîne une hausse des taux d’intérêt. Les pays émergents se portent bien, même si c’est un peu moins bien que pendant la décennie 2000-2010 quand les prix des matières premières et les taux d’intérêt étaient bas. La croissance y sera toujours forte, mais moins qu’autrefois. À court terme, le changement de la politique monétaire américaine leur crée des problèmes de flux de capitaux, mais ils peuvent les résoudre. L’environnement international est donc porteur et les difficultés européennes sont en réalité largement internes.
Sur le niveau de dette et la politique budgétaire : Le niveau de la dette est énorme, mais pas le poids de la dette grâce au niveau bas des taux d’intérêt. Ce ne sera pas éternel, mais, pour le moment, le poids de la dette n’est pas insupportable. Ce qui compte, c’est que le niveau de la dette soit tel que les investisseurs ne paniquent pas, d’où l’importance de la crédibilité de la trajectoire. C’est la raison pour laquelle on peut concevoir un ralentissement du retour à l’équilibre en échange d’une baisse des dépenses.
Sur la politique économique dans la zone euro : les limites posées à la politique budgétaire par le pacte de croissance me paraissent raisonnables, si les autorités européennes sont capables de flexibilité. Selon la lecture que j’en fais, la crise en Europe ne vient pas de politiques budgétaires irresponsables, sauf en Grèce. Ailleurs, l’arrivée de l’euro, les perspectives de croissance ont provoqué un boom de la demande privée, de logement en particulier. Mais les anticipations se sont révélées trop optimistes et les prix se sont effondrés. À l’époque, l’analyse était que l’Espagne mettait en œuvre une politique budgétaire parfaitement responsable. Les règles actuellement en vigueur à Bruxelles lui auraient valu un certificat de bonne conduite.
Pour éviter que cela se produise à nouveau, il faudrait que Bruxelles réfléchisse davantage à des mesures macro prudentielles. Si, rétrospectivement, on imagine un scénario différent pour l’Espagne, afin d’empêcher une telle bulle immobilière et un déficit du compte courant de 10 %, il aurait fallu renforcer davantage les ratios de capitaux, diminuer les loan to value ratios, c’est-à-dire le rapport entre le montant du prêt et la valeur du bien immobilier financé, et agir de façon très agressive pour arrêter la machine. Ainsi, les règles actuelles, notamment en matière de ratios de capitaux, n’auraient pas empêché la crise espagnole. Il y a toute une réflexion qui reste à mener même si ce qui a été fait est bien.
Sur l’inflation. Si l’inflation et les taux d’intérêt nominaux avaient été un peu plus élevés avant la crise, disons 4 % et 6 % respectivement, la marge de manœuvre pour les diminuer aurait été plus grande. Quand je rappelais ces évidences avant la crise, on me répondait que l’on n’aurait jamais besoin de baisser les taux d’intérêt en dessous de zéro. Or cela fait cinq ans que dure la trappe à liquidité et on en voit les effets. Ne faudrait-il pas, si cela devait arriver une nouvelle fois, se donner un peu plus de marge de manœuvre ? Pour moi, la question reste sur la table.
Enfin, j’ignorais jusqu’à hier l’hypothèse d’un impôt de 10 % sur le patrimoine privé, quand les journaux français en ont fait état. Elle doit sortir d’une étude d’un chercheur du Fonds, mais elle ne représente pas la position du Fonds.
La Présidente Danielle Auroi. Nous vous remercions, monsieur Blanchard, et espérons vous revoir à Paris, quand la situation aura évolué, dans un sens que nous souhaitons positif. »
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* *
Réunion de commission du 14 janvier 2014 : examen du présent rapport d’information
L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.
« M. Bernard Deflesselles. Le talent des rapporteurs a failli tout emporter. Mais attention à ne pas faire trop de « Commission bashing ». Alors que nous sommes dans une période compliquée à la veille des élections européennes, il nous faut faire attention à ce que nous disons sur la Commission européenne. Elle mérite certaines critiques, mais pas toutes. La Commission européenne peut en effet avoir plusieurs facettes. Nous venons ainsi de sanctifier un projet de consultation visant à protéger les compagnies aériennes européennes.
Le débat que vous abordez est éternel : faut-il faire de la rigueur ? Et surtout, jusqu’où ? Dans ses vœux du 31 décembre dernier, le Président de la République lui-même a dit qu’il voulait baisser les dépenses, les charges et les impôts. Regardons la situation dans les autres pays européens. L’Allemagne devrait bénéficier d’une croissance de 0,8 % cette année et de 1,6 % l’an prochain. Après avoir sabré ses dépenses, en particulier militaires, le Royaume-Uni devrait enregistrer une croissance de 1,4 % cette année et la pente serait de l’ordre de 2 à 2,5 % l’an prochain. La France devrait, pour sa part, se contenter d’un taux de croissance de 0,1 %. Il y a un équilibre difficile à tenir. N’oublions pas que la Commission européenne a fait un geste en accordant à la France un délai supplémentaire de deux ans pour ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB.
M. Jérôme Lambert. Vous êtes, Messieurs les rapporteurs, au cœur d’un vaste débat. Je me retrouve dans ce que vous avez dit, notamment sur la nécessité d’une politique industrielle forte. Nous partageons d’ailleurs beaucoup d’éléments d’analyse, que j’ai eu l’occasion de présenter dans mon rapport rédigé avec Jacques Myard. Vous avez sans doute rencontré à Bruxelles certains de nos interlocuteurs dont la vision ultra-libérale nous inquiète.
En tant qu’élus de gauche, il y a des politiques européennes que nous devons corriger et des politiques européennes que nous pouvons et devons approuver.
Chacun doit prendre sa part au débat européen qui s’ouvre aujourd’hui dans la perspective des élections européennes.
La Présidente Danielle Auroi. La FMI a reconnu qu’il avait fait des erreurs, la Commission européenne absolument pas. Je trouve que le rapport qui nous a été présenté est très équilibré. S’agissant des comparaisons européennes, je voudrais souligner que si le Royaume-Uni renoue avec la croissance, la pauvreté a largement augmenté dans ce pays. Il en va de même en Allemagne.
M. Bernard Deflesselles. En France aussi.
La Présidente Danielle Auroi. Mais, on ne tient pas les mêmes propos sur la France. La Commission européenne me fait penser au médecin de Molière. « Si ce n’est la maladie qui me tuera, ce sera le médecin ». La Commission européenne est allée trop loin et trop vite.
M. Arnaud Richard, co-rapporteur. Nous avons cherché à faire un rapport équilibré. Fallait-il afficher des objectifs intenables et tenir les délais ? Nous nous félicitons du délai accordé à la France pour redresser son déficit public. C’est une attitude plus souple dont a fait preuve la Commission européenne, qui est de nature à renouer avec la croissance. Mais, il ne faut pas oublier que, par ailleurs, la Commission européenne empêche, en usant de ses pouvoirs propres en matière de concurrence notamment, la constitution de champions européens de taille mondiale. S’agissant enfin du Royaume-Uni, je voudrais ici rappeler que la livre sterling a été dévaluée de 30 % ces dernières années.
M. Razzi Hammadi, co-rapporteur. Je vous rejoins sur la nécessité de considérer qu’il ne doit pas y avoir d’antagonisme entre maîtrise des déficits et croissance. La question n’est pas celle de l’opportunité de la réduction des déficits publics, mais celle du rythme du redressement. Il ne faut pas opposer, mais concilier, l’exigence de sérieux dans la gestion des comptes publics et la croissance, les investissements d’avenir.
La publication du rapport a ensuite été autorisée à l’unanimité.
ANNEXE NO 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS
Ø OCDE
– M. Yves Leterme, secrétaire général adjoint, ancien Premier ministre belge ;
– M. Jean-Luc Schneider, directeur adjoint du département des affaires économiques ;
– M. Arthur Pataud.
Ø Banque de France
– M. Marc Olivier Strauss Kahn, directeur des études et des relations internationales.
ANNEXE NO 2 :
PIB, DÉFICIT/EXCÉDENT ET DETTES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES DANS L’UNION EUROPÉENNE (2009-2012)…
ANNEXE NO 3 :
DÉCISION DU CONSEIL LEVANT LA SUSPENSION DES ENGAGEMENTS DU FONDS DE COHÉSION EN FAVEUR DE LA HONGRIE (PROPOSITION DU 30 MAI 2012)
…
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 13 mars 2012, le Conseil, par sa décision d'exécution 2012/156/UE12, a suspendu, à partir du 1er janvier 2013, des engagements du Fonds de cohésion en faveur de la Hongrie à hauteur de 495,2 millions d'EUR, soit 0,5 % du PIB de ce pays ou 29 % de sa dotation du Fonds de cohésion pour 2013. Cette décision était fondée sur la décision 2012/139/UE13 du Conseil du 24 janvier 2012, établissant que la Hongrie n'avait pas engagé d'action suivie d'effets en réponse à la recommandation émise par le Conseil le 7 juillet 2009 en vue de corriger le déficit excessif de façon crédible et durable en 2011 au plus tard.
L’accès à l’assistance du Fonds de cohésion est subordonné au respect de certaines conditions, notamment l'absence de déficit public excessif conformément à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)14. Ces conditions visent à encourager davantage les gouvernements nationaux à mener des politiques budgétaires saines, contribuant à mettre en place les bonnes conditions macroéconomiques qui permettront une utilisation efficace des ressources du Fonds de cohésion. En particulier, l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1084/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 instituant le Fonds de cohésion et abrogeant le règlement (CE) nº 1164/94 prévoit que le Conseil peut décider, sur proposition de la Commission, de suspendre totalement ou en partie les engagements du Fonds dont bénéficie l'État membre concerné, lorsque: i) ledit État membre fait l’objet d’une procédure concernant les déficits excessifs (PDE) et ii) il n’a entrepris aucune action suivie d’effets en réponse à une recommandation du Conseil formulée en vertu de l’article 126, paragraphe 7, du TFUE15 pour remédier à ce déficit dans les délais prescrits. C’est donc une décision du Conseil, adoptée en application de l’article 126, paragraphe 8, du TFUE16, qui est l’élément déclencheur d’une suspension des crédits d’engagement.
La décision relative au montant des engagements à suspendre visait à assurer que la suspension soit à la fois efficace et proportionnée, tout en tenant compte de la situation économique générale dans l’Union européenne et de l’importance relative du Fonds de cohésion pour l’économie de l’État membre concerné.
2. Conditions pour la levée de la suspension des engagements du Fonds de cohésion en faveur de la Hongrie
En vertu de l'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1084/2006, le Conseil décide, sans délai, de lever la suspension des engagements concernés s'il constate que l'État membre concerné a pris les mesures correctives nécessaires.
Au moment de l'adoption de la décision d'exécution 2012/156/UE du Conseil, la Commission a formulé la déclaration suivante: «Afin de faciliter la décision du Conseil, la Commission s'engage à présenter au Conseil, dans les meilleurs délais, une évaluation indiquant si une action suivie d'effets a été menée, après l'adoption par le gouvernement hongrois de mesures correctives appliquant la recommandation du Conseil du 13 mars 2012, conformément à l'article 126, paragraphe 7, du TFUE.» En outre, en réponse à l'engagement pris par le gouvernement hongrois d'inscrire les mesures correctives nécessaires dans le programme de convergence prévu en avril 2012 et dans les autres documents et décisions publics en la matière, le Conseil a indiqué qu'il reviendrait sur cette question lors de sa session du 22 juin 2012 afin de lever la suspension si les conditions sont réunies.
2.1. La recommandation du Conseil du 13 mars 2012 en vertu de l’article 126, paragraphe 7, du TFUE en vue de corriger durablement le déficit public excessif en 2012 au plus tard
Dans sa nouvelle recommandation à la Hongrie en vertu de l'article 126, paragraphe 7, du TFUE (la cinquième), le Conseil a prolongé jusqu'en 2012 le délai pour mettre fin à la situation de déficit excessif d'une manière crédible et durable. Le Conseil a notamment demandé aux autorités hongroises: i) d'assurer la réalisation de l'objectif de déficit de 2,5 % du PIB en 2012, ce qui, sur la base des prévisions intermédiaires de février des services de la Commission, exigerait un effort budgétaire supplémentaire d'au moins 0,5 % du PIB; à cette fin, il conviendrait de préciser davantage et de mettre en œuvre les mesures déjà prévues, ainsi que, le cas échéant, de nouvelles mesures structurelles d'assainissement; ii) de consacrer les éventuels gains exceptionnels à l'amélioration du solde effectif; iii) de prendre les mesures structurelles supplémentaires nécessaires pour qu'en 2013, le déficit reste largement inférieur au seuil de 3 % du PIB même après l'élimination complète des recettes ponctuelles de près de 1 % du PIB; et iv) d'inclure des provisions suffisantes dans les prochaines lois budgétaires. Dans le même temps, le Conseil a souligné que l'ajustement budgétaire devrait contribuer à ramener le ratio de la dette publique sur une trajectoire descendante et qu'il devait aussi être favorisé par les améliorations du cadre de la gouvernance budgétaire proposées.
2.2. Évaluation de l'action menée
Il ressort des informations disponibles actuellement que la Hongrie a pris des mesures lui permettant de progresser de manière appropriée vers la correction du déficit excessif. En particulier, malgré la légère détérioration du climat macroéconomique, telle qu'elle ressort des prévisions du printemps 2012 des services de la Commission, le déficit budgétaire devrait s'établir à 2,5 % du PIB en 2012 et rester largement inférieur à la valeur de référence de 3 % du PIB en 2013, comme recommandé en mars par le Conseil. Les nouvelles mesures annoncées dans le programme de convergence représentent, pour 2012, des mesures structurelles supplémentaires de 0,3 % du PIB et une amélioration du solde structurel de ¼ % du PIB par rapport aux données de l'évaluation qui était à la base des recommandations du Conseil de mars 2012. Ces chiffres sont quelque peu inférieurs à l'effort budgétaire supplémentaire recommandé, de 0,5 % du PIB, mais peuvent être considérés comme globalement acceptables, compte tenu des révisions de la croissance potentielle du PIB et du fait que les projections des recettes sont inférieures à ce que l'on attend habituellement sur la base des élasticités fiscales standard. L'utilisation des gains exceptionnels pour améliorer la progression vers l'objectif, et l'inscription de provisions suffisantes dans les prochains budgets, devront encore être démontrées. Selon les prévisions du printemps 2012, la dette publique devrait diminuer à 78,5 % du PIB en 2012, et se réduire encore légèrement en 2013. Enfin, des progrès ont été accomplis pour améliorer le cadre de la gouvernance budgétaire, mais des réformes importantes doivent encore être conçues et adoptées avant la fin de la session de printemps du Parlement. Dans ce contexte, et à la lumière des données récentes relatives à la croissance au premier trimestre, qui a été moins bonne que prévu, la Commission continuera à suivre de près l'évolution de la situation budgétaire en Hongrie, conformément au traité et au pacte de stabilité et de croissance, étant donné en particulier que la procédure de déficit excessif est ouverte depuis longtemps. À cette fin, elle se basera entre autres sur les rapports présentés deux fois par an par le gouvernement dans le cadre de la PDE.
3. Proposition de levée de la suspension des engagements du Fonds de cohésion en faveur de la Hongrie
La Commission, compte tenu de son évaluation de l'action engagée par la Hongrie en réaction à la recommandation du Conseil du 13 mars 2012 en vertu de l'article 126, paragraphe 7, du TFUE visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en 2012 au plus tard, estime que les conditions nécessaires à la levée de la suspension des engagements du Fonds de cohésion sont remplies.
Par conséquent, la Commission propose au Conseil de lever la suspension des engagements du Fonds de cohésion en faveur de la Hongrie inscrite dans la décision d'exécution 2012/156/UE du Conseil.
La Commission continuera à suivre de près l'évolution de la situation budgétaire en Hongrie, comme prévu à l'article 10 du règlement (CE) nº 1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs, y compris sur la base des rapports présentés deux fois par an par le gouvernement dans le cadre de la PDE, ainsi que dans le cadre de l'exercice de surveillance post-programme après l'expiration du concours financier mis à la disposition en vertu de la décision 2009/102/CE du Conseil du 4 novembre 2008 fournissant un soutien financier communautaire à moyen terme à la Hongrie17, ou de tout nouveau programme d'aide financière de l'Union à la Hongrie que le Conseil approuverait. Si, à un moment quelconque avant l'abrogation visée à l'article 126, paragraphe 12, du TFUE, les mesures prises s'avèrent inadéquates, la Commission recommandera au Conseil d'adopter une nouvelle décision en vertu de l'article 126, paragraphe 8, et pourrait proposer au Conseil d'adopter une décision de suspension des engagements du Fonds de cohésion.
2012/0144 (NLE)
Proposition de
DÉCISION D'EXÉCUTION DU CONSEIL
portant levée de la suspension des engagements du Fonds de cohésion en faveur de la Hongrie
LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
vu le règlement (CE) no 1084/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 instituant le Fonds de cohésion et abrogeant le règlement (CE) nº 1164/9418, et notamment son article 4, paragraphe 2,
vu la proposition de la Commission européenne,
considérant ce qui suit:
(1) L’article 4 du règlement (CE) n° 1084/2006 définit les conditions applicables à l’octroi d’une assistance du Fonds de cohésion. Conformément au paragraphe 1 dudit article, le Conseil peut décider de suspendre totalement ou en partie les engagements du Fonds dont bénéficie l'État membre concerné, avec effet au 1er janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle a été prise la décision de suspension, s'il a constaté, conformément à l'article 126, paragraphe 8, du TFUE, que l'État membre concerné n'a entrepris aucune action suivie d'effets en réponse à une recommandation du Conseil formulée en vertu de l'article 126, paragraphe 7, du TFUE19.
(2) Le 5 juillet 2004, par la décision 2004/918/CE20, le Conseil a décidé, conformément à l'article 104, paragraphe 6, du traité instituant la Communauté européenne (traité CE), qu'un déficit excessif existait en Hongrie. Le Conseil a adopté une première recommandation le 5 juillet 2004, une deuxième recommandation le 8 mars 2005 et une troisième recommandation le 10 octobre 2006 adressées à la Hongrie conformément à l'article 104, paragraphe 7, du traité CE. En vertu de l'article 104, paragraphe 7, du traité CE, le Conseil a adopté, le 7 juillet 2009, sa quatrième recommandation adressée à la Hongrie (la «recommandation du Conseil du 7 juillet 2009») pour qu'elle mette un terme à la situation de déficit public excessif en 2011 au plus tard.
(3) Le 24 janvier 2012, en vertu de l'article 126, paragraphe 8, du TFUE, le Conseil a adopté la décision 2012/139/UE21établissant que la Hongrie n'avait pas engagé d'action suivie d'effets en réponse à la recommandation du Conseil du 7 juillet 2009 pour corriger le déficit public excessif dans le délai prescrit.
(4) Le 13 mars 2012, le Conseil, par sa décision d'exécution 2012/156/UE22, a décidé de suspendre en partie les engagements du Fonds de cohésion à partir du 1er janvier 2013, en vertu de l'article 4 du règlement (CE) nº 1084/2006. La décision relative au montant des engagements à suspendre visait à assurer que la suspension soit à la fois efficace et proportionnée, tout en tenant compte de la situation économique générale dans l’Union européenne et de l’importance relative du Fonds de cohésion pour l’économie de l’État membre concerné. Le Conseil a estimé que, dans le cas d’une première application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1084/2006 à un État membre donné, il était approprié de fixer le montant à 50 % de l’allocation du Fonds de cohésion pour 2013, sans dépasser un niveau maximal de 0,5 % du PIB nominal de l’État membre concerné tel que prévu par les services de la Commission. Par conséquent, le Conseil a décidé de suspendre, à partir du 1er janvier 2013, des engagements du Fonds de cohésion en faveur de la Hongrie à hauteur de 495 184 000 EUR.
(5) Le même jour, le Conseil a adressé une version révisée de ses recommandations à la Hongrie en vertu de l'article 126, paragraphe 7, du TFUE (la «recommandation du Conseil du 13 mars 2012»), fixant à 2012 la date limite pour mettre fin à la situation de déficit public excessif. En particulier, il recommandait à la Hongrie: i) de réaliser un effort budgétaire supplémentaire d'au moins ½ % du PIB, en précisant davantage et en mettant en œuvre des mesures structurelles d'assainissement, afin d'assurer la réalisation de l'objectif de déficit de 2,5 % du PIB pour 2012; ii) de consacrer les éventuels gains exceptionnels à l'amélioration du solde effectif; iii) de prendre, le cas échéant, les mesures structurelles supplémentaires nécessaires pour faire en sorte qu'en 2013, le déficit reste largement inférieur au seuil de 3 % du PIB; et iv) d'inclure des provisions suffisantes dans les prochaines lois budgétaires. Dans le même temps, le Conseil a souligné que l'ajustement budgétaire devrait contribuer à ramener le ratio de la dette publique sur une trajectoire descendante et qu'il devait aussi être favorisé par les améliorations du cadre de la gouvernance budgétaire proposées.
(6) Le 23 avril 2012, la Hongrie a présenté la version actualisée annuelle de son programme de convergence, qui décrit sa stratégie budgétaire pour garantir la correction durable du déficit excessif dans les délais prescrits, soit en 2012 au plus tard. Les objectifs officiels en matière de déficit et les efforts budgétaires prévus sont conformes à la recommandation du Conseil du 13 mars 2012 en vertu de l'article 126, paragraphe 7, du TFUE. Le programme confirme l'objectif à moyen terme antérieur, soit 1,5 % du PIB, et prévoit qu'il soit atteint en 2013. Selon la version actualisée du programme, la dette publique diminuerait durant toute la période de programmation pour s'établir à 77 % du PIB en 2013 et sous 73 % du PIB en 2015. En ce qui concerne la réforme de la gouvernance budgétaire, les autorités ont annoncé qu'elles soumettraient les modifications nécessaires au Parlement pendant sa session de printemps.
(7) Sur la base des informations publiques disponibles, la Commission a conclu, dans sa communication du 30 mai 201223, que la Hongrie avait pris des mesures lui permettant de progresser de manière appropriée vers la correction du déficit excessif. En particulier, le déficit budgétaire devrait s'établir à 2,5 % du PIB en 2012 et rester largement inférieur à la valeur de référence de 3 % du PIB en 2013, comme recommandé en mars par le Conseil. Plus précisément, compte tenu aussi de toutes les informations publiées par le gouvernement depuis la mi-mars, les services de la Commission prévoient que le déficit de 2013 serait de 2,7 % du PIB. Eu égard aussi à l'effet des révisions de la croissance potentielle du PIB et à l'écart prévu par rapport aux élasticités fiscales standard, l'effort budgétaire pour 2012 peut être considéré comme globalement conforme à ce qui était demandé. L'utilisation des gains exceptionnels et l'inscription de provisions suffisantes dans les prochains budgets devront encore être démontrées. Selon les prévisions du printemps 2012, la dette publique devrait diminuer à 78,5 % du PIB en 2012, et se réduire encore légèrement en 2013. Enfin, des progrès ont été accomplis pour améliorer le cadre de la gouvernance budgétaire, mais des réformes importantes doivent encore être conçues et adoptées avant la fin de la session de printemps du Parlement. Dans ce contexte, et à la lumière des données récentes relatives à la croissance au premier semestre, moins bonne que prévu, la Commission continuera à suivre de près l'évolution de la situation budgétaire en Hongrie.
(8) Dans l'ensemble, la Hongrie a pris les mesures correctives nécessaires en réponse à la recommandation du Conseil du 13 mars 2012 en vue de corriger le déficit excessif dans les délais prescrits par le Conseil. Par conséquent, la décision d'exécution 2012/156/UE du Conseil portant suspension d'une partie des engagements du Fonds de cohésion devrait être abrogée.
(9) Si, à un moment quelconque avant l’abrogation de la décision sur l'existence d'un déficit excessif en vertu de l’article 126, paragraphe 12, du TFUE, les mesures prises s’avèrent inadéquates, le Conseil adoptera, sur la base d’une recommandation de la Commission, une nouvelle décision en vertu de l’article 126, paragraphe 8, du TFUE. Il pourra, sur proposition de la Commission, adopter une décision de suspension des engagements du Fonds de cohésion,
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
La suspension partielle des engagements du Fonds de cohésion en faveur de la Hongrie inscrite dans la décision d'exécution 2012/156/UE du Conseil est levée.
Article 2
La Hongrie est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le
Par le Conseil
Le président
1 () Rapport d’information n° 472 du 4 décembre 2012.
2 Article 119 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
3 () Sur ce point voir Études Économiques de l’OCDE, Mars 2012, Union européenne.
4 () Les principaux bénéficiaire sont, au sein de l’Europe des Douze, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie (Mezzorgiono) et les Länders d’Allemagne de l’Est.
5 () (FEDER, Fonds de cohésion et FSE, les trois Fonds du titre de la politique de cohésion, le Fonds de développement rural et le Fonds européen de la pêche).
6 () Cf. Rapport d’information no 671 de la Commission des affaires européennes de M. Gilles Savary sur la révision de la politique européenne des réseaux transeuropéens de transport.
7 () Rapport d’information no 1203 de juillet 2013 : Les recommandations sur les programmes de réforme et de stabilité français, conclusions du semestre européen et fondement de la nouvelle procédure européenne du suivi du budget national.
8 () Sur ce point voir le rapport d’information no 1087 de la Commission des affaires européennes de Gilles Savary, Chantal Guitet et Michel Piron « Le détachement des travailleurs : cheval de Troie des travailleurs low cost ».
9 () Cf. annexe IV Bulletin de la Banque de France.
10 () Le multiplicateur est le coefficient indiquant l’effort sur la croissance économique de la diminution de la dépense publique ou de l’accroissement des prélèvements obligatoires.
11 () Cf. pages 24 et suivantes
12 JO L 78 du 17.3.2012, p. 19.
13 JO L 66 du 6.3.2012, p. 6.
14 Remplace l'article 104 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) visé à l'article 4 du règlement (CE) no 1084/2006.
15 Remplace l'article 104, paragraphe 7, du traité CE visé à l'article 4 du règlement (CE) nº 1084/2006.
16 Remplace l'article 104, paragraphe 8, du traité CE visé à l'article 4 du règlement (CE) nº 1084/2006.
17 JO L 37 du 6.2.2009, p. 5.
18 JO L 210 du 31.7.2006, p. 79.
19 Remplace l'article 104 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) visé à l'article 4 du règlement (CE) no 1084/2006.
20 JO L 389 du 30.12.2004, p. 27.
21 JO L 66 du 6.3.2012, p. 6.
22 JO L 78 du 17.3.2012, p. 19.
23 COM(2012) XXXLIEN À INSÉRER ICI APRÈS LE 30 MAI