N° 3364 - Rapport d'information de M. Joaquim Pueyo et Mme Marie-Louise Fort déposé par la commission des affaires européennes sur la nouvelle politique européenne de voisinage




N° 3364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 décembre 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur la nouvelle politique européenne de voisinage,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Joaquim PUEYO et Mme Marie-Louise FORT,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

A. LE NOUVEAU CONTEXTE GÉOPOLITIQUE APPELLE UN RÉEXAMEN DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE 11

1. À nouveau contexte, nouvelle logique 11

a. De nombreuses poches de violence aux frontières de l’Union européenne 11

b. L’importance inédite de la Politique européenne de voisinage 11

2. La communication de la Commission européenne et de la haute représentante 12

a. Une communication fortement empreinte de l’actualité 12

b. Une approche cohérente et équilibrée 13

B. STABILISER NOTRE VOISINAGE POUR PROTÉGER NOTRE ESPACE DE PAIX ET DE PROSPÉRITÉ 15

1. Une philosophie claire, en réponse aux phénomènes de radicalisation et d’émigration 15

a. Continuer de miser sur le développement économique et social ainsi que sur l’essor des échanges commerciaux 15

b. Investir davantage dans la coopération sécuritaire préventive et répressive 15

2. Promotion de la démocratie et des droits de l’homme 16

a. Des valeurs universelles et intangibles 16

b. Miser sur l’édification d’un environnement économique, social et culturel favorable 17

3. Développement économique 18

a. Commerce 18

b. Croissance, modernisation de l’économie et entreprenariat 18

c. Emploi 19

d. Transports et connectivité 19

e. Sécurité énergétique et action pour le climat 20

4. Coopération sécuritaire 20

a. Politique de sécurité et de défense commune 21

b. Gestion des crises et réaction en cas de crise 21

c. Cybersécurité 21

d. Lutte contre le terrorisme et prévention de la radicalisation 21

e. Désorganisation de la criminalité organisée 22

5. Migrations et mobilité 22

a. Des migrations et une mobilité profitable aux deux parties 22

b. Lutter contre l’immigration irrégulière 23

c. Protéger les personnes les plus fragiles 23

C. DIFFÉRENCIER LES APPROCHES ET LES OUTILS POUR UNE MEILLEURE APPROPRIATION PAR LES PAYS PARTENAIRES 25

1. Développer les actions régionales et infrarégionales 25

a. Les deux plateformes régionales soutenant la Politique européenne de voisinage 25

b. La coopération incluant les « voisins des voisins » 25

c. La coopération avec les organisations régionales 26

2. Élaborer des partenariats sur mesure 26

a. Une nouvelle phase de dialogue 26

b. Une nouvelle méthode de pilotage et de suivi 27

3. Flexibiliser les instruments financiers 28

a. Instrument européen de voisinage, instruments d’assistance technique, fonds fiduciaires 28

b. Bonne affectation et bonne exécution des crédits 28

c. Deux tiers pour le Sud, un tiers pour l’Est 29

4. Communiquer et sensibiliser 29

a. Une « diplomatie publique » plus active 29

b. Des « partenariats pour la jeunesse » 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

CONCLUSIONS 33

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Nombre de facteurs d’instabilité déséquilibrant l’Europe prennent leur source à la périphérie du continent et de nombreuses poches de violence perdurent ou apparaissent à nos frontières.

Dans ce contexte tourmenté, incertain et porteur de dangers vitaux, la Politique européenne de voisinage (PEV) prend une importance inédite.

Elle apparaît aujourd’hui comme une démarche gagnant-gagnant de stabilisation des marches de l’Europe.

La Commission européenne et la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont rendu publique leur communication relative à la nouvelle PEV. Ce texte fait suite à une consultation publique européenne, à laquelle la Commission des affaires européennes avait répondu, en mai dernier, au travers d’un premier rapport d’information, assorti d’une proposition de résolution européenne. Mais la nouvelle PEV est aussi fortement empreinte de l’actualité relative aux dossiers des migrants et du terrorisme.

La priorité absolue est donnée à la stabilisation de notre voisinage, déséquilibré par des facteurs socioéconomiques protéiformes.

Cette approche a pour objectif de lutter contre deux phénomènes : la radicalisation dans l’aire méditerranéenne et les déplacements incontrôlés de populations.

Parallèlement, une série de dispositions seront arrêtées pour prendre en considération les nouvelles menaces sécuritaires extérieures et améliorer la résilience de nos voisins aux pressions extérieures.

L’Union européenne œuvrera naturellement dans le respect absolu du droit international, en particulier relativement aux droits de l’homme.

La communication ne renie nullement les valeurs fondatrices du projet européen. Toutefois, plutôt que de se limiter à des positions de principe incantatoires, souvent inefficaces, il convient de miser sur la constitution progressive d’un environnement économique, social et culturel favorable à la diffusion des valeurs universelles de la démocratie et des droits de l’homme.

Conformément aux attentes de nos partenaires, le développement socioéconomique sera donc au cœur de la contribution de l’Union européenne à la stabilisation de son voisinage.


L’accès au marché unique constitue un instrument essentiel pour promouvoir la prospérité chez nos partenaires, notamment par le biais des accords créant des zones de libre-échange approfondi et complet.

L’édification d’un grand marché ouvert incluant l’ensemble du voisinage européen constituera un facteur d’intégration puissant et contribuera à la réalisation de l’objectif à long terme d’établir un « espace de prospérité économique élargi ».

L’Union européenne aidera ses partenaires à moderniser leurs économies et à améliorer l’environnement des entreprises. Avec les voisins qui le désirent, elle mettra en place des partenariats transversaux destinés à soutenir la croissance et l’emploi.

Elle s’attachera à contribuer à améliorer l’employabilité de la main-d’œuvre locale ; la jeunesse sera plus particulièrement ciblée.

Des actions spécifiques seront conduites, à l’Est comme au Sud, dans les domaines des réseaux de transports et de télécommunications, de la coopération spatiale, de l’intégration énergétique et de la lutte contre le changement climatique.

Le nouvel accent mis sur la sécurité ouvrira un grand nombre de nouveaux domaines de coopération dans le cadre de la PEV.

Tous les moyens disponibles seront mis en œuvre afin de prévenir et de gérer les crises, ainsi que de régler les conflits de longue durée dans notre voisinage. À cet effet, la coopération en matière de Politique de sécurité et de défense commune sera approfondie.

La communication prévoit en outre des mesures en vue d’aider les pays partenaires à améliorer leur capacité de réaction aux risques chimique, biologique, radiologique et nucléaire, de leur donner accès aux images du Centre satellitaire de l’Union européenne, d’appuyer leurs capacités de sécurité sanitaire, d’approfondir la coopération en matière de cybersécurité et de collaborer pour prévenir la radicalisation et le recrutement de terroristes.

Pour favoriser les migrations légales et bénéfiques à tous, l’Union européenne est résolue à intensifier sa coopération en matière de mobilité, dans le cadre d’une approche intégrée.

Les dialogues sur l’assouplissement des régimes et des procédures de délivrance des visas pourront ainsi être approfondis, la directive relative à la « carte bleue européenne » révisée et la mobilité à des fins de recherche, d’études, d’échanges scolaires, de formation et de volontariat facilitée.

Par ailleurs, les logiques de migration circulaire seront encouragées.

Parallèlement, l’Union européenne s’emploiera à renvoyer durablement et dans des conditions respectueuses de leur dignité, les personnes qui n’ont pas ou plus le droit de séjourner sur son territoire.

Appuyée par ses agences FRONTEX et EUROPOL, elle soutiendra davantage les efforts visant à concevoir des stratégies nationales et régionales de lutte contre le trafic des migrants, ainsi qu’une gestion intégrée des frontières.

Dans les pays partenaires, les systèmes d’asile et de protection des personnes déplacées à la suite de conflits méritent d’être améliorés.

La consultation publique a mis en évidence la nécessité d’aller au-delà du Partenariat oriental et de l’Union pour la Méditerranée, en élaborant de « nouveaux cadres thématiques » pour de nouveaux modes de coopération régionale.

La coopération régionale et infrarégionale aux marges de l’Union européenne doit impliquer les États membres, les pays de la PEV ainsi que les pays candidats des Balkans, mais aussi les « voisins des voisins ».

La communication évoque surtout deux pays qui, quoique n’étant pas éligibles à la PEV, jouent un rôle majeur en matière stratégique et énergétique, aux frontières de l’Union européenne : la Turquie et la Russie.

Il conviendrait de surcroît d’enrichir les contacts politiques avec l’ensemble des organisations régionales incluant des pays partenaires de la PEV ou frontalières.

Sans remettre en cause la pertinence du cadre commun de la PEV, la consultation publique a clairement fait apparaître l’appétence des pays impliqués pour des partenariats mieux différenciés, négociés d’égal à égal.

Pour les pays engagés dans une stratégie dynamique de rapprochement avec l’Union européenne à travers des accords d’association approfondis et complets, celle-ci fera en sorte d’optimiser les avantages susceptibles d’en être tirés par les deux parties.

Dans le même temps, l’Union européenne entamera une nouvelle phase de dialogue avec ses partenaires, en vue de faire émerger des types de relations différenciés, profilés selon leurs intérêts partagés définis en commun.

Dans cette optique, le processus itératif des rapports annuels de suivi rigides sera abandonné. Une évaluation axée sur la réalisation des objectifs arrêtés avec nos partenaires s’y substituera. Il sera enrichi par un dialogue avec les acteurs civils, économiques et sociaux.

En outre, le Conseil et les États membres seront investis d’un rôle plus important.

Pour faire face aux besoins susceptibles d’être recensés dans tel ou tel pays, la Commission européenne réfléchira à la création d’un instrument spécifique réactif ainsi qu’à l’opportunité de constituer une réserve de flexibilité dans le cadre de l’Instrument européen de voisinage (IEV), mobilisable en urgence.

La communication omet en revanche de souligner le problème de la mauvaise exécution des crédits.

L’Union européenne et les États membres doivent mieux accompagner l’appareil d’État des pays partenaires dans la conduite de leurs réformes de bonne gouvernance, en vue d’améliorer les résultats dans ce domaine.

Un autre point faible de la communication est de ne pas rappeler expressément que les crédits alloués au titre de la PEV doivent obéir à la clé de répartition suivante : deux tiers pour le Sud ; un tiers pour l’Est.

Cette règle est fondamentale pour garantir une juste distribution des ressources communautaires, considérant que près des trois quarts de la population des pays partenaires de la PEV habitent l’Afrique du Nord et le Proche-Orient ; elle est du reste gravée dans le marbre du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

La nouvelle PEV accordera une place prépondérante à l’amélioration de la communication à propos des politiques de l’Union européenne.

Dans ce cadre, celle-ci coopérera avec ses partenaires pour contrer les campagnes de désinformation parfois menées par la Russie et elle privilégiera le dialogue avec la société civile et les jeunes.

À la lumière de cette analyse, sur la proposition des rapporteurs, la Commission des affaires européennes a approuvé les orientations de la nouvelle PEV.

Celle-ci procède en effet d’une approche cohérente et équilibrée entre les différents enjeux contemporains et constitue un bon socle stratégique pour affronter l’avenir partagé avec nos voisins : la spécificité et l’unicité de notre stratégie de voisinage sont préservées ; les exigences en matière de droits de l’homme sont rappelées avec force ; un accent plus important est mis sur la coopération sécuritaire et sur la gestion commune des flux migratoires et de la mobilité ; des synergies politiques sont préconisées avec les « voisins des voisins » ; les modes de partenariat et les financements sont flexibilisés ; la société civile et la jeunesse deviennent des cibles prioritaires de l’action européenne.

Elle a cependant émis deux réserves : il est dommage que la clé de répartition des crédits – deux tiers pour les partenaires méridionaux contre un tiers pour les partenaires orientaux – n’y soit pas rappelée, pour mémoire ; un meilleur accompagnement de l’appareil d’État des pays partenaires permettrait d’accroître le taux d’exécution des crédits engagés dans le cadre de la PEV, qui est extrêmement insatisfaisant.

Nombre de facteurs d’instabilité qui déséquilibrent l’Europe – à commencer par les deux les plus aigus, l’afflux de migrants et surtout le risque terroriste – prennent leur source à la périphérie du continent. N’oublions pas non plus le regain d’ambitions de la politique étrangère russe, qui ravive la menace d’une confrontation permanente dans l’aire eurasienne.

De nombreuses poches de violence perdurent ou apparaissent à nos frontières :

– conflits gelés de longue date au Haut-Karabakh et en Transnistrie ;

– tensions séparatistes dans les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, et dans les régions ukrainiennes de Crimée et du Donbass ;

– impasse dans les négociations israélo-palestiniennes ;

– défaillance étatique et guerre civile en Libye et en Syrie ;

– résurgence des affrontements intercommunautaires au Liban ;

– gestion post-Printemps arabe compliquée en Tunisie et surtout en Égypte.

Dans ce contexte tourmenté, incertain et porteur de dangers vitaux, la Politique européenne de voisinage (PEV) – qui cible seize pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient2 ainsi que d’Europe orientale et du Caucase Sud3 partageant des frontières terrestres ou maritimes avec l’Union européenne – prend une importance inédite.

Lorsque celle-ci a été mise en place, en 2004, elle pouvait apparaître comme une entreprise purement altruiste d’exportation des valeurs et des normes européennes afin d’aider nos voisins immédiats à se doter des moyens d’être un jour compétitifs pour pouvoir candidater à l’adhésion à l’Union européenne. Elle apparaît aujourd’hui davantage comme une démarche gagnant-gagnant de stabilisation des marches de l’Europe, afin de limiter la propagation des ondes de choc des crises qui y surviennent, grâce à des impulsions politiques et financières favorables à un développement intelligent, durable et inclusif, dans le cadre d’un engagement de long terme, mais sans que cela confère aux pays bénéficiaires une sorte de statut de « pré-candidats » à l’adhésion.

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Source : Parlement européen

Ce nouveau contexte invite l’Union européenne à bâtir « un cadre plus solide pour [ses] relations avec tous ses partenaires ». La Commission européenne et les services de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont rendu publique, le 18 novembre 2015, leur communication relative à la nouvelle PEV4. La haute représentante, Mme Federica Mogherini, et le commissaire européen chargé de la politique de voisinage et des négociations d’adhésion, M. Johannes Hahn, l’ont présentée le jour même devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen.

Ce texte fait suite à une consultation publique européenne ouverte durant le deuxième trimestre 2015. Très productive, elle a donné lieu à 250 contributions, émanant :

– d’États membres de l’Union européenne ;

– de gouvernements partenaires ;

– d’institutions européennes ;

– d’organisations internationales ;

– de partenaires sociaux ;

– de représentants de la société civile ;

– d’entreprises ;

– de groupes de réflexion ;

– d’universités ;

– et de citoyens.

Elle est par ailleurs fortement empreinte de l’actualité. Primo, la consultation s’est déroulée alors que la crise des migrants émergeait, ce qui a influé sur les contributions parties prenantes ; quant à la rédaction de la communication, elle s’est faite au moment même où les États membres s’organisaient pour y répondre. Secundo, les attaques terroristes intervenues en France le 13 novembre trouvent leur source dans la déliquescence étatique de la Syrie, l’un des seize pays théoriquement couverts par la PEV ; le contenu de la communication a donc été infléchi juste avant sa publication, intervenue cinq jours seulement après ces attentats.

Vos rapporteurs rappellent que, dans le cadre de la consultation publique, ils avaient rédigé un rapport d’information5, assorti d’une proposition de résolution européenne, laquelle, après avoir été remaniée par la Commission des affaires étrangères, est devenue définitive le 5 juillet 20156. Cette contribution politique de l’Assemblée nationale a particulièrement retenu l’attention de la Commission européenne et du Service européen pour l’action extérieure (SEAE).

Leur communication est d’ailleurs parfaitement en phase avec les grandes lignes des propositions versées au débat par vos rapporteurs il y a six mois. Au final, ceux-ci considèrent que la PEV révisée procède d’une approche cohérente et équilibrée entre les différents enjeux contemporains et constitue un bon socle stratégique pour affronter l’avenir partagé avec nos voisins.

Le 14 décembre 2015, le Conseil des ministres des affaires étrangères a d’ailleurs souligné la qualité de ce document et émis le vœu qu’il serve de référence à la future stratégie européenne de politique étrangère et de sécurité, prévue pour juin 2016.

Pour en juger dans l’avenir, le commissaire Hahn et la haute représentante se sont engagés à tenir le Parlement européen, le Comité économique et social européen et le Comité des régions régulièrement informés de la mise en œuvre de la nouvelle PEV.

La Commission européenne et le SEAE estiment que, dans les trois à cinq prochaines années, la stabilisation constituera « l’enjeu le plus immédiat dans de nombreuses régions de notre voisinage ».

L’Union européenne devra par conséquent s’atteler à traiter « de manière exhaustive » les sources socioéconomiques protéiformes d’instabilité :

– corruption ;

– mauvaise gouvernance ;

– pauvreté ;

– analphabétisme ;

– inégalités ;

– injustices ;

– faible niveau de développement économique et social.

Cette approche a pour objectif de lutter contre deux phénomènes :

– la radicalisation dans l’aire méditerranéenne, alimentée par le ressentiment populaire consécutif à l’exclusion économique et sociale ;

– les déplacements incontrôlés de populations, dus au fait que les jeunes des pays d’origine, faute de perspectives, aspirent à bâtir leur avenir à l’étranger.

Parallèlement, pour prendre en considération les nouvelles menaces extérieures, il est proposé que la nouvelle PEV contribue à :

– la prévention des conflits ;

– la gestion des crises ;

– la protection des frontières ;

– la désorganisation de la criminalité organisée et des réseaux de trafics internationaux d’êtres humains, d’armes et de stupéfiants ;

– la répression de la cybercriminalité ;

– la lutte contre la radicalisation et le terrorisme.

À cet effet, sera instituée une « procédure d’alerte précoce, alliée à des mesures préventives également précoces ». Pour que celles-ci soient conduites en « coopération proactive » entre l’Union européenne et les pays partenaires, et pour que le partage d’informations soit le plus efficace possible, les capacités de ces derniers en matière de sécurité civile et militaire seront renforcées. Des dispositions seront en outre arrêtées en vue d’améliorer la résilience de nos voisins aux pressions extérieures ainsi que leur aptitude à rester maîtres de leur souveraineté.

Dans ce domaine, l’Union européenne s’appuiera sur son programme sectoriel, adopté le 28 avril dernier7, qui, après avoir été présenté devant la Commission des affaires européennes, le 18 novembre 2015, par nos collègues Marietta Karamanli et de Charles de La Verpillière, a fait l’objet d’une proposition de résolution européenne adoptée par la Commission des affaires européennes le 1er décembre 20158.

L’Union européenne œuvrera naturellement dans le respect absolu du droit international, en particulier relativement aux droits de l’homme ; garantir l’État de droit dans les pays du voisinage restera l’une de ses priorités. Les points suivants sont jugés « cruciaux pour la stabilité sociale et économique » :

– indépendance, transparence et impartialité du système judiciaire ;

– dépolitisation et efficacité de l’administration publique ;

– bonne gouvernance des finances publiques ;

– lutte contre la corruption ;

– promotion de la démocratie, du bon fonctionnement des parlements nationaux et du bon déroulement des processus électoraux ;

– universalité et indivisibilité de tous les droits de l’homme ;

– égalité des genres et émancipation des femmes et des filles ;

– épanouissement de la société civile ;

– pluralisme, indépendance et professionnalisme des médias ;

– avènement d’un Internet ouvert et libre.

Il est souligné que la consultation publique a fait état de remarques relatives à la diversité « [des] identités et [des] traditions ethniques, religieuses et culturelles » parmi les pays de la PEV. En conséquence, l’Union européenne renforcera ses efforts de sensibilisation à l’égard des acteurs concernés de la société civile au sens large, ainsi que des partenaires sociaux.

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH) a estimé que les exigences en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire étaient confinées à la marge du document, regrettant « un pas en arrière pour l’Union européenne », en contradiction avec ses valeurs fondamentales. Il est vrai que, dans la logique de la nouvelle priorité à la stabilisation globale du voisinage, mais aussi pour tenir compte d’une décennie d’expérience de la PEV, les volets développement économique, sécurité et migrations y prennent clairement le pas sur toute autre considération.

Il convient toutefois de souligner que la communication ne renie nullement les valeurs fondatrices du projet européen ; elles sont toutes expressément rappelées, de même que leur caractère universel et non négociable.

En vérité, les « critères de Copenhague »9 imposés aux pays candidats à l’adhésion ne sauraient être opposés à nos autres voisins comme condition indispensable à la poursuite de partenariats, d’autant que la plupart d’entre eux sont instables politiquement ou même sont fragilisés par des conflits armés sur leur propre territoire. La Commission européenne et le SEAE se sont donc efforcés de ne pas se limiter à des positions de principe incantatoires, souvent inefficaces, mais de privilégier l’appropriation par les États parties prenantes du voisinage, du projet d’intégration avec l’Union européenne, en misant sur la constitution progressive d’un environnement économique, social et culturel favorable à la diffusion des valeurs universelles de la démocratie et des droits de l’homme.

Conformément aux attentes de nos partenaires, le développement socioéconomique doit être « au cœur de la contribution [de l’Union européenne] à la stabilisation [de son] voisinage ». Elle continuera d’apporter son appui à leur compétitivité, à leur croissance inclusive, à leur développement social, à leur cohésion territoriale et à leur capacité d’innovation, notamment au moyen d’opérations d’assistance macrofinancière, en coopération avec les institutions financières internationales, et d’offres de formation en faveur des agents publics locaux.

L’accès au marché unique constitue « un instrument essentiel pour promouvoir la prospérité » des pays du voisinage. Trois d’entre eux – la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine – ont du reste souscrit des accords créant des zones de libre-échange approfondi et complet (ZLEAC) ; un accord du même type est en cours de négociation avec le Maroc et des discussions viennent d’être ouvertes à cet effet avec la Tunisie. La mise en place de ces accords, assortie de réformes structurelles, permettra aux partenaires de s’aligner complètement sur la législation et les normes communautaires.

L’édification d’un grand marché ouvert incluant l’ensemble du voisinage européen constituera un facteur d’intégration puissant et contribuera à la réalisation de l’objectif à long terme d’établir un « espace de prospérité économique élargi ».

L’Union européenne aidera ses partenaires à moderniser leurs économies et à améliorer l’environnement des entreprises, notamment en dispensant des conseils stratégiques et en mobilisant une aide financière. Elle axera plus particulièrement son action sur :

– la diversification des activités ;

– la « spécialisation intelligente » ;

– le soutien aux petites et moyennes entreprises ;

– le développement économique et social, à travers l’optimisation des compétences, la protection sociale, l’éducation et l’accès à l’eau et à la santé ;

– l’attractivité vis-à-vis des investissements ;

– l’essor de la recherche et de l’innovation, incluant la participation au 8e programme-cadre Horizon 2020 ;

– la mise en œuvre de politiques durables et inclusives dans le secteur de l’agriculture et dans les zones rurales ;

– l’utilisation efficace des ressources, en relevant des défis environnementaux comme celui de la gestion des ressources naturelles ;

– l’exploitation durable des espaces maritimes partagés ;

– l’économie numérique.

Avec les voisins qui le désirent, l’Union européenne mettra en place « des partenariats transversaux destinés à soutenir la croissance, l’emploi et la modernisation de l’économie ». Seront impliqués dans cette démarche les États membres intéressés, des représentants des secteurs public et privé, les institutions financières internationales et les autres partenaires susceptibles d’aider le pays à se développer en conformité avec une stratégie de spécialisation intelligente.

En outre, elle encouragera les entrepreneurs européens à coopérer directement avec des partenaires du voisinage.

L’Union européenne s’attachera à contribuer à améliorer l’employabilité de la main-d’œuvre locale, en axant ses efforts « sur le développement des aptitudes et des compétences » et leur mise en adéquation avec les « besoins du marché du travail », par le biais de l’enseignement primaire et secondaire, de la lutte contre l’analphabétisme, de l’apprentissage et de l’éducation extrascolaire.

La jeunesse sera ciblée par des mesures particulières :

– intensification de l’accès au dispositif Erasmus + ;

– mobilité des scolaires, des apprentis et des étudiants ;

– échanges de bonnes pratiques avec les pays du voisinage sud concernant les politiques relatives à l’éducation et à la formation.

À l’Est, le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) devra être étendu à nos voisins et ce réseau redimensionné devra bénéficier des investissements nécessaires.

Au Sud, il conviendra de faire converger les réglementations, de recenser les projets d’infrastructures régionales prioritaires et d’élaborer les cartes indicatives du futur réseau transméditerranéen de transport.

L’Union européenne agira en faveur de la « création d’un espace aérien commun » et fera en sorte que ses partenaires puissent bénéficier des « autoroutes de la mer ».

Elle continuera, par ailleurs, à rechercher des convergences dans le secteur des télécommunications, par l’intermédiaire des deux groupes de régulateurs régionaux – respectivement avec nos voisins orientaux et méridionaux –, et poursuivra sa coopération spatiale avec les partenaires intéressés.

Fortement tributaire de son voisinage pour la génération et l’acheminement d’énergie, l’Union européenne accordera une place plus importante au dialogue avec eux « en matière de sécurité énergétique, de réformes du marché de l’énergie et de promotion de l’énergie durable ». L’enjeu de « souveraineté énergétique » est d’ailleurs partagé, dans la mesure où la stabilité économique de nos voisins dépend aussi, « dans une plus ou moins large mesure, de l’équilibre durable entre leur consommation énergétique et le profil de leur approvisionnement ou de leur production ».

Une coopération accrue en matière d’efficacité énergétique, de diversification des sources d’énergie, de développement des sources d’énergie renouvelable, de gestion de la demande et d’action climatique sera de nature à favoriser l’émergence d’économies plus efficaces, compétitives, résilientes et stables, tout en renforçant la souveraineté énergétique et en réduisant les émissions carbonées. La « mise en œuvre intégrale de l’accord de Paris sur le climat et de ses développements ultérieurs » sera essentielle pour atteindre ces objectifs.

Afin d’accroître les possibilités commerciales et d’investissement, elle travaillera à la pleine intégration du marché de l’énergie avec la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine, par l’intermédiaire de la « Communauté de l’énergie ».

En ce qui concerne le voisinage Sud, elle proposera une coopération sur mesure. Dans un premier temps, elle travaillera avec les partenaires intéressés et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) à la réalisation de « réexamens complets » des politiques énergétiques nationales.

En outre, elle soutiendra la coopération infrarégionale en Méditerranée orientale, au Maghreb et dans le Caucase du Sud.

La consultation publique a « révélé une volonté largement répandue de voir la sécurité occuper une place plus importante au sein de la PEV ». Le nouvel accent mis sur la sécurité ouvrira un grand nombre de nouveaux domaines de coopération dans le cadre de cette politique, en coordination avec la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), les dispositifs bilatéraux avec les États membres de l’Union européenne et l’action des organisations internationales concernées.

Conformément à l’approche globale de l’Union européenne à l’égard des conflits extérieurs, tous les moyens disponibles seront mis en œuvre afin de prévenir et de gérer les crises, ainsi que de régler les conflits de longue durée dans notre voisinage. La coopération en matière de Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) doit être approfondie, dans un souci de « responsabilité partagée », à travers l’échange de bonnes pratiques et surtout la participation au cas par cas des pays voisins aux opérations européennes, aux groupements tactiques de l’Union européenne (GTUE) ou encore aux programmes de l’Agence européenne de défense (AED).

La communication prévoit d’aider les pays partenaires à améliorer leur capacité de réaction aux risques chimique, biologique, radiologique et nucléaire.

Leur accès aux images du Centre satellitaire de l’Union européenne est également envisagé, en cas de besoin, sous réserve de l’adoption de décisions ad hoc.

S’agissant de la sécurité sanitaire, l’Union européenne devra appuyer leurs capacités à réagir efficacement aux menaces.

La stratégie européenne de cybersécurité du 7 février 201310 établit le cadre opérationnel permettant d’approfondir la coopération avec nos partenaires du voisinage européen. L’Union européenne devrait les aider à renforcer leurs capacités « en matière de cybersécurité et de résilience de l’infrastructure de l’information, ainsi qu’en matière de lutte contre la cybercriminalité et le cyberterrorisme ». En outre, elle promeut auprès d’eux la ratification et la mise en œuvre de la convention de Budapest sur la cybercriminalité.

En ce qui concerne la prévention de la radicalisation et du recrutement de terroristes, la participation de la société civile, en particulier des organisations de jeunesse, sera déterminante. Le Réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR) et le centre d’excellence dont il a récemment été doté constitueront une plateforme essentielle d’échanges et de coopération. Le « dialogue transculturel », promu par la fondation Anna Lindh, est également appelé à jouer un rôle capital.

En ce qui concerne la désorganisation de la criminalité organisée, il est rappelé que l’Union européenne s’est engagée à étendre aux pays du voisinage les travaux du « cycle politique » prévu dans le cadre du programme européen en matière de sécurité. La possibilité d’associer ces derniers aux réseaux d’enquête existants, notamment dans le domaine financier, devrait être examinée. Il conviendra aussi d’améliorer le cadre juridique de la coopération judiciaire et policière.

Pour favoriser les migrations légales et bénéfiques à tous, l’Union européenne est résolue à intensifier sa coopération en matière de mobilité avec les pays de son voisinage et au-delà – notamment la Turquie, ceux des Balkans occidentaux, du Sahel et de la Corne de l’Afrique – qui accepteront de cogérer la question dans le cadre d’une « approche intégrée ». Les dialogues sur l’assouplissement des régimes et des procédures de délivrance des visas pourront ainsi être approfondis, selon des modalités adaptées à la « situation spécifique » de chaque pays partenaire.

Les déficits de compétences sur le marché européen seront recensés et les qualifications des ressortissants de pays tiers travaillant sur le territoire européen seront mieux valorisées. Les partenaires sociaux seront associés à cette démarche.

La directive relative à la « carte bleue européenne »11 sera révisée afin d’assouplir les conditions d’entrée et de séjour dans l’Union européenne des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés. La mobilité à des fins de recherche, d’études, d’échanges scolaires, de formation et de volontariat sera facilitée.

Les logiques de « migration circulaire » seront encouragées, à travers :

– l’établissement de liens entre les diasporas et les pays d’origine ;

– des mécanismes de réinsertion sociale et professionnelle pour les personnes qui retournent dans leur pays d’origine ;

– la mobilité Sud-Sud ;

– la « circulation des cerveaux » ;

– une meilleure efficacité des envois de fonds ;

– le renforcement des systèmes d’asile et de protection dans les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, avec une attention particulière pour les réfugiés mineurs non accompagnés.

Parallèlement, conformément au plan d’action ad hoc qui vient d’être adopté le 9 septembre 201512, l’Union européenne s’emploiera à « renvoyer durablement et dans des conditions respectueuses de leur dignité, les personnes qui n’ont pas ou plus le droit de séjourner sur son territoire, notamment via des accords de réadmission ou des programmes de retour volontaire et de réadmission ». Elle aidera également les pays du voisinage à élaborer leur propre politique en la matière.

L’Union européenne et ses agences compétentes soutiendront davantage les efforts visant à concevoir des stratégies nationales et régionales de lutte contre le trafic des migrants, ainsi qu’une gestion intégrée des frontières. Elle intensifiera aussi les travaux pour rendre plus efficaces les « échanges d’informations » et la « coopération opérationnelle et technique » entre ses agences compétentes – parmi lesquelles FRONTEX et EUROPOL – et les pays partenaires intéressés, en aidant ces derniers à améliorer leurs capacités administratives.

La coopération entre ces agences et les pays voisins de l’Union européenne est essentielle pour lutter contre les réseaux criminels spécialisés dans la traite et le trafic d’êtres humains.

En outre, l’Union européenne se doit d’élaborer des réponses intégrant davantage « les besoins humanitaires à court terme et les problèmes de sécurité et de développement à plus long terme ».

Dans les pays partenaires, les systèmes d’asile et de protection des personnes déplacées à la suite de conflits méritent d’être améliorés, avec une attention particulière pour les réfugiés mineurs non accompagnés, notamment dans le cadre des nouveaux « programmes régionaux de développement et de protection ».

Enfin, l’Union européenne continuera à combattre vigoureusement toutes les formes et manifestations de racisme et de discrimination en « promouvant le dialogue interculturel, la diversité culturelle et la compréhension mutuelle ».

Le Partenariat oriental contracté en 2009 avec six anciennes républiques soviétiques d’Europe de l’est et du Caucase sud – l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie et l’Ukraine – est devenu « une plateforme dynamique d’échanges et de coopération sur des questions aussi diverses que le commerce, l’énergie, le transport, l’éducation ou l’environnement ».

Quant à l’Union pour la Méditerranée (UpM), dans laquelle s’inscrivent les dix autres pays partenaires de la PEV – l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, les Territoires palestiniens et la Tunisie, plus la Libye la Syrie, avec lesquels la coopération est en sommeil –, elle s’est révélée « précieuse pour la tenue de discussions politiques et économiques et fournit un cadre de coopération sur des questions d’intérêt commun et les projets opérationnels menés dans la région ».

Le secrétaire général de l’UpM, M. Fathallah Sijilmassi, a approuvé les orientations de la communication de la Commission et du SEAE, susceptibles d’« ouvrir de nouvelles perspectives de coopération entre les deux rives de la Méditerranée ainsi qu’avec l’Afrique subsaharienne ».

Pour faire face aux défis communs qui se sont imposés ces dernières années, la consultation publique a mis en évidence la nécessité d’élaborer de nouveaux cadres thématiques pour de nouveaux modes de coopération régionale au-delà de la zone couverte par la PEV.

La coopération régionale et infrarégionale aux marges de l’Union européenne doit impliquer les États membres, les pays de la PEV ainsi que les pays candidats officiels et potentiels des Balkans, mais aussi les « voisins des voisins ». Pour ce faire, la Commission européenne et le SEAE préconisent d’exploiter pleinement le potentiel des « stratégies macro-régionales » et des « programmes de coopération territoriale », en associant, le cas échéant, des organisations de la société civile et du secteur privé à but lucratif. Les thématiques prioritaires seront les migrations, l’énergie et la sécurité.

La communication évoque deux pays qui, quoique n’étant pas éligibles à la PEV, jouent un rôle stratégique majeur aux frontières de l’Union européenne :

– la Turquie, candidate à l’adhésion à l’Union européenne depuis 1999, avec laquelle le dialogue est appelé à se dynamiser ;

– la Russie, avec laquelle il serait également souhaitable de renouer une coopération constructive pour répondre aux défis communs.

Cela vaut notamment en matière énergétique. Premièrement, un « nouveau cadre thématique » sera utilisé pour engager des actions et des investissements transrégionaux avec des partenaires comme la Turquie, le Kazakhstan, le Turkménistan, voire l’Irak et l’Iran. Deuxièmement, lorsque les conditions seront réunies, l’Union européenne pourra aussi envisager de « reformuler ses rapports avec la Russie dans le domaine énergétique sur la base du droit international et européen ».

Il conviendrait parallèlement d’enrichir les contacts politiques avec les organisations régionales incluant des pays partenaires de la PEV ou frontalières :

– l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ;

– l’Organisation de la coopération islamique (OCI) ;

– le Conseil de coopération du Golfe (CCG) ;

– l’Union africaine (UA) ;

– l’Union du Maghreb arabe (UMA) ;

– le G5 des États sahéliens ;

– le Dialogue 5+5 en Méditerranée occidentale.

Sans remettre en cause la pertinence du cadre commun de la PEV, la consultation publique a clairement fait apparaître l’appétence des pays impliqués pour des « partenariats […] mieux différenciés, […] afin de tenir compte d’ambitions, de capacités et d’intérêts différents ».

Pour les pays engagés dans une stratégie dynamique de rapprochement avec l’Union européenne, celle-ci fera en sorte d’optimiser les avantages susceptibles d’en être tirés par les deux parties. C’est le cas de la Géorgie, de la Moldavie et de l’Ukraine, qui avancent sur la voie de l’association politique et de l’intégration économique par le truchement d’accords d’association et de libre-échange approfondi et complet de nouvelles générations, ainsi que du Maroc et de la Tunisie, qui bénéficient respectivement du statut de partenaire avancé et de partenaire privilégié.

En 2016, l’Union européenne entamera « une nouvelle phase de dialogue avec ses partenaires, en les consultant sur la nature et l’orientation futures » de leur coopération bilatérale, en vue de faire émerger des types de relations différenciés, profilés selon leurs intérêts partagés définis en commun.

Pour les pays partenaires ne souhaitant pas engager de négociations en vue de la constitution d’une ZLEAC, « des solutions alternatives attrayantes et réalistes » seront recherchées pour renforcer les relations en matière de commerce et d’investissement. Dans les négociations commerciales avec ses partenaires du sud de la Méditerranée, en particulier, l’Union européenne adoptera une approche souple, différenciée, progressive et asymétrique, fondée sur des priorités mutuelles.

Lors de la présentation de la communication devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, Mme Mogherini a souligné que l’Union européenne et ses voisins orientaux et méridionaux ne se trouvaient plus chacun de leurs côtés, mais devaient « travailler ensemble en tant que partenaires égaux ».

Dans cette optique, le processus itératif des rapports annuels de suivi rigides sera abandonné. Une évaluation axée sur la réalisation des objectifs arrêtés avec nos partenaires – en particulier ceux préférant mettre l’accent sur un nombre plus limité de priorités stratégiques – s’y substituera. Ils contiendront également « les éléments requis par le règlement instituant l’instrument européen de voisinage, notamment des informations relatives aux libertés fondamentales, à l’État de droit, à l’égalité hommes-femmes et aux droits de l’homme ».

Quant à l’approche incitative « more for more »13, elle n’a favorisé les réformes en matière de bonne gouvernance, de démocratie, d’État de droit et de droits de l’homme, que dans les pays dont les dirigeants manifestaient une réelle aspiration politique dans ce sens. Lorsque ce n’est pas le cas, elle apparaît trop directive ; il est dès lors sans doute plus efficace de privilégier le dialogue avec les acteurs civils, économiques et sociaux.

En outre, le Conseil et les États membres seront investis d’un rôle plus important dans la définition des priorités et le soutien apporté à leur mise en œuvre. Les États membres seront invités à tenir le rôle de chef de file pour mener à bien certaines initiatives ou accompagner certains efforts de réforme.

Sur la période de programmation pluriannuelle 2014-2020, pour accompagner l’indispensable processus de transition et de stabilisation des pays partenaires de la PEV, l’Instrument européen de voisinage (IEV) a été doté d’une enveloppe de 15,4 milliards d’euros, soit 1,5 % du plafond des dépenses cumulées de l’Union européenne – sachant que les crédits finançant l’ensemble de ses actions en tant qu’« acteur global » sont limités à 6 % de ce total.

L’Union européenne s’emploiera à « lever des fonds supplémentaires considérables en renforçant encore sa coopération avec les grandes institutions financières internationales et en mobilisant la Facilité d’investissement en faveur de la politique de voisinage (FIV) ». Elle modernisera ses instruments d’assistance technique Assistance technique et échange d’information (TAIEX14) et Twinning15 et les adaptera à ses stratégies pour fournir une aide sur mesure.

Pour faire face aux besoins susceptibles d’être recensés dans tel ou tel pays, la Commission européenne réfléchira, courant 2016, à la création d’un instrument spécifique réactif et flexible, obéissant à des procédures simplifiées, sur le modèle des fonds fiduciaires mobilisés en réaction aux conflits en Syrie et en Ukraine. L’opportunité de constituer une « réserve de flexibilité » dans le cadre de l’IEV sera également examinée, pour faire face à des programmations d’urgence. Cette marge de manœuvre budgétaire pourrait représenter 10 % des crédits globaux de la PEV.

Par ailleurs, l’Union européenne continuera de collaborer avec les pays partenaires pour que son aide financière « ne soit pas détournée et parvienne aux bénéficiaires visés ».

Il est essentiel d’« améliorer la coordination des donateurs non seulement pour optimiser l’utilisation des ressources, mais aussi pour améliorer la visibilité de la contribution de l’Union européenne ». À cet effet, l’Union européenne s’efforcera d’améliorer la mise en cohérence des crédits de la PEV avec ceux relevant de ses autres mécanismes de financement, ainsi qu’avec ceux provenant de ses États membres, des grandes institutions financières internationales, des organisations internationales régionales, de l’UpM et du Partenariat oriental.

La communication omet en revanche de souligner le problème de la mauvaise exécution des crédits, dont vos rapporteurs s’étaient inquiétés dans leur rapport d’information de mai 2015. L’Union européenne et les États membres doivent mieux accompagner l’appareil d’État des pays partenaires dans la conduite de leurs réformes de bonne gouvernance, en vue d’améliorer les résultats dans ce domaine.

Les dotations bilatérales dont bénéficiera chaque pays partenaire seront modulées en fonction de sa « volonté d’entreprendre des réformes » et refléteront les priorités de la PEV.

L’un des points faibles de la communication de la Commission européenne et du SEAE est cependant de ne pas rappeler expressément que les crédits alloués au titre de la PEV – notamment par le biais de l’IEV – doivent obéir à la clé de répartition suivante :

– deux tiers pour le Sud ;

– un tiers pour l’Est.

Cette règle ne figure expressément dans aucun document juridique contraignant de l’Union européenne mais seulement dans un compte rendu de réunion d’un Comité des représentants permanents (COREPER), sous présidence française, en 2008. Elle n’en est pas moins fondamentale pour garantir une juste distribution des ressources communautaires, considérant que près des trois quarts de la population des pays partenaires de la PEV habitent l’Afrique du Nord et le Proche-Orient. Elle est du reste gravée dans le marbre du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

La nouvelle PEV accordera « une place prépondérante à l’amélioration de la communication à propos des politiques de l’Union européenne », qualifiée de « diplomatie publique ».

Dans ce cadre, elle soutiendra « les médias indépendants, fiables et crédibles », ainsi que les instances gouvernementales désireuses d’étoffer leurs capacités de communication stratégique afin d’expliquer leur politique de réformes. Conformément à la décision du Conseil de mars 2015 qui soulignait la nécessité de contrer les campagnes de désinformation parfois menées par la Russie, elle coopérera en outre avec ses partenaires pour les dénoncer et y « répondre de manière résolue ».

Les délégations de l’Union européenne dans les pays partenaires travailleront en étroite coopération avec les représentants des États membres dans le cadre de leurs interactions avec les principales parties prenantes – société civile, milieux d’affaires, monde universitaire et citoyens, en particulier les jeunes.

Le dialogue avec les jeunes de l’ensemble du voisinage sera renforcé par la création de « partenariats pour la jeunesse », destinés à créer des conditions propices à l’établissement de contacts interpersonnels et de réseaux entre jeunes de tous âges des pays de l’Union européenne et de son voisinage, par le biais, notamment, d’échanges entre les écoles et les universités.

Parmi d’autres initiatives annexes, une école européenne pilote pourrait aussi être instituée dans un pays du voisinage européen.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 16 décembre 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

Elle a ensuite adopté, à l’unanimité, les conclusions ci-après.

CONCLUSIONS

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 8, 21 et 22 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu les articles 208 à 213 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE),

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen COM(2003) 104 du 11 mars 2003 : « L’Europe élargie – Voisinage : vers un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud »,

Vu la communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions COM(2011) 303 du 25 mai 2011 : « Une stratégie nouvelle à l’égard d’un voisinage en mutation »,

Vu le règlement (UE) nº 232/2014 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant un instrument européen de voisinage,

Vu la résolution européenne de l’Assemblée nationale du 5 juillet 2015 sur la révision de la politique européenne de voisinage (texte adopté nº 560),

Vu la communication conjointe de la Commission européenne et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions JOIN(2015) 50 du 18 novembre 2015 : « Réexamen de la politique européenne de voisinage »,

Considérant que les difficultés socioéconomiques persistent dans les pays voisins de l’Union européenne, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient comme en Europe orientale et dans le Caucase Sud,

Considérant que nombre d’entre eux sont instables politiquement voire fragilisés par des conflits armés sur leur propre territoire, parfois attisés par des puissances régionales qui leur sont frontalières,

Considérant que l’Union européenne affronte une crise migratoire sans précédent dans son histoire,

Considérant que les menaces sécuritaires protéiformes se sont significativement aggravées, à commencer par celle que font peser la radicalisation religieuse d’une partie de la jeunesse et l’essor du djihadisme,

1. Estime que la politique européenne de voisinage révisée procède d’une approche cohérente et équilibrée entre les différents enjeux contemporains ;

2. Se félicite que la Commission européenne et la haute représentante, afin de préserver la spécificité de la stratégie européenne de voisinage, ait veillé à ne pas soumettre les pays qui y sont éligibles à la même grille d’analyse que celle appliquée aux pays ressortissant de la politique d’élargissement ;

3. Se félicite que la Commission européenne et la haute représentante, afin de préserver l’unicité de la stratégie européenne de voisinage, se soient gardés d’établir une priorisation entre partenariat avec nos voisins du Sud et de l’Est ;

4. Approuve l’objectif global de stabilisation des marches de l’Europe, dans l’intérêt de l’Union européenne comme de ses voisins, et note que cette notion englobe des actions relatives à la coopération sécuritaire, à la bonne gestion commune des flux migratoires et de la mobilité, mais aussi à l’aide au développement économique, social, éducatif et culturel ;

5. Constate par ailleurs que la promotion de l’universalité et de l’intangibilité des valeurs universelles de la démocratie et des droits de l’homme demeure comme il se doit l’un des piliers de l’action internationale de l’Union européenne ;

6. Est favorable à la volonté exprimée d’approfondir les synergies politiques entre l’Union européenne, les pays partenaires de la politique européenne de voisinage et les « voisins des voisins », dans des domaines d’intérêt commun ;

7. Soutient le souci de flexibilité manifesté par la Commission européenne et la haute représentante, qui se traduira par des partenariats plus différenciés que par le passé avec chacun des seize pays parties prenantes de la politique européenne de voisinage, en tenant compte non seulement de leurs performances mais aussi de leurs attentes, afin de tirer le meilleur parti des potentialités de coopération ;

8. Salue le remplacement de la procédure itérative des plans d’action et des rapports annuels de suivi, trop rigide et donc inadaptée à l’hétérogénéité des pays éligibles à la politique européenne de voisinage, par un dispositif plus coopératif, visant à la réalisation d’objectifs arrêtés en commun ;

9. Salue, dans le même esprit, la flexibilisation des instruments de financement mobilisés dans le cadre de la politique européenne de voisinage, notamment de l’Instrument européen de voisinage, afin de répondre au mieux aux besoins de chaque pays partenaire, notamment en cas de situation politique, économique ou sociale critique ;

10. Pense que ces mesures seront de nature à améliorer l’appropriation de la politique européenne de voisinage par les pays partenaires et leur société civile, y compris dans sa dimension approfondissement de la démocratie et des droits de l’homme ;

11. Appuie en outre les nombreuses initiatives prévues en faveur de la jeunesse, en matière d’échanges scolaires, universitaires, culturels et scientifiques comme en matière de soutien aux dispositifs d’éducation initiale, de formation qualifiante et d’accès à l’emploi ;

12. Rappelle que la distribution des crédits budgétaires alloués à la politique européenne de voisinage doit obéir à la clé de répartition « deux tiers pour les partenaires méridionaux, un tiers pour les partenaires orientaux », et regrette que la Commission européenne et la haute représentante, dans leur communication, aient négligé de le spécifier ;

13. Appelle de nouveau l’Union européenne et les États membres à mieux accompagner l’appareil d’État des pays partenaires dans la conduite de leurs réformes de bonne gouvernance, afin d’accroître le taux d’exécution, jusqu’à présent médiocre, des crédits engagés dans le cadre de la politique européenne de voisinage.

1 () La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

2  En vert sur la carte ci-dessous : Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Territoires palestiniens, Syrie et Tunisie.

3  En orange sur la carte ci-dessous : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine.

4  Communication conjointe au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : « réexamen de la politique européenne de voisinage » [JOIN(2015) 50].

5  Pour une politique européenne de voisinage plus adaptée aux enjeux régionaux et nationaux (rapport d’information nº 2771 du 19 mai 2015 déposé par la Commission des affaires européennes et présenté par M. Joaquim Pueyo et Mme Marie-Louise Fort).

6  Résolution européenne sur la révision de la Politique européenne de voisinage (texte adopté nº 560).

7  Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : « le programme européen en matière de sécurité [COM(2015) 185 final].

8  Proposition de résolution européenne sur le programme européen de sécurité, nº 3290, déposée le 1er décembre 2015 et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

9  Articles 2, 6 paragraphe 1 et 49 du traité sur l’Union européenne.

10  Communication conjointe de la Commission et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « stratégie de cybersécurité de l’Union européenne : un cyberespace ouvert, sûr et sécurisé [JOIN(2013) 1 final].

11  Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié.

12  Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : « Plan d’action de l’UE en matière de retour [COM(2015) 453 final].

13  Donner davantage pour recevoir davantage.

14  Competitiveness of Enterprises and Small and Medium-sized Enterprises.

15  Jumelage.