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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 janvier 2017.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
sur la prévention des conflits d’intérêts dans l’Union européenne
ET PRÉSENTÉ
PAR Mmes Danielle AUROI et Nathalie CHABANNE,
Députées
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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.
(La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; Mme Sandrine DOUCET, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Kader ARIF, Alain BALLAY, Mme Delphine BATHO, MM. Jean-Luc BLEUNVEN, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Isabelle BRUNEAU, M. Jean-Yves CAULLET, Mmes Nathalie CHABANNE, Catherine COUTELLE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Bernard DEFLESSELLES, Marc DOLEZ, William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY)
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Pages
SYNTHÈSE DU RAPPORT 7
SUMMURY OF THE REPORT 11
INTRODUCTION 15
PREMIÈRE PARTIE : VERS PLUS DE TRANSPARENCE DU LOBBYING DANS L’UNION ? 19
I. LES RELATIONS ENTRE REPRÉSENTANTS D’INTÉRÊTS ET INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE : UN CADRE ENCORE TROP LACUNAIRE 19
A. UN LOBBYING TRÈS IMPORTANT, PETIT À PETIT ENCADRÉ 19
1. Bruxelles, deuxième capitale mondiale du lobbying 19
2. Un encadrement plus important que dans de nombreux Etats membres de l’Union européenne 20
a. Le registre de transparence de 2011 : un succès quantitatif 20
b. Des registres de transparence obligatoires dans peu d’Etats membres actuellement 23
B. UN ENCADREMENT QUI RESTE ENCORE LARGEMENT INSUFFISANT 23
a. Un registre qui reste seulement volontaire 23
b. Un registre qui ne concerne que la Commission européenne et le Parlement européen 24
c. Un registre dont la fiabilité n’est pas satisfaisante 24
II. LE REGISTRE DE TRANSPARENCE PROPOSÉ EN SEPTEMBRE 2016 PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DOIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ 24
A. LE TEXTE PROPOSÉ EN SEPTEMBRE 2016 : VERS UN REGISTRE DE TRANSPARENCE – ENFIN – OBLIGATOIRE 24
1. Une volonté affichée par la Commission Juncker 24
a. Une proposition faite par le président de la Commission européenne dès juillet 2014 24
b. Une pratique de la Commission européenne en matière de rencontre avec les lobbys qui a déjà évolué positivement 25
2. Le registre de transparence présenté par la Commission européenne : des avancées importantes 25
B. LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE DOIT ENCORE ÊTRE AMELIORÉE 27
1. Le vecteur juridique choisi limite de facto la portée de l’accord 27
2. Des améliorations sont encore nécessaires 28
a. Compléter la définition du lobbying donnée par l’accord 28
b. Élargir le champ des agents publics concernés par l’accord 29
c. Améliorer la qualité des données déclarées 29
C. ALLER PLUS LOIN DANS L’ENCADREMENT DU LOBBYING 31
1. Adopter des règles plus exigeantes sur le lobby du tabac 31
2. Consacrer le mécanisme de « l’empreinte législative » 31
DEUXIÈME PARTIE : REPENSER LES RÈGLES DÉONTOLOGIQUES APPLICABLES AUX RESPONSABLES PUBLICS DE L’UNION 33
I. UN RISQUE DE CONFLITS D’INTÉRÊTS INSUFFISAMMENT MAITRISÉ 33
A. UN CORPUS JURIDIQUE QUI ÉTABLIT DÉJÀ DES PRINCIPES FONDAMENTAUX 33
1. Pour les fonctionnaires européens, des règles définies par le statut 33
2. Pour les commissaires, des règles contenues dans le traité, et précisées par le code de conduite 34
3. Au Parlement européen, des règles définies par un code de conduite dédié 35
a. Une indépendance consacrée 35
b. Un régime d’incompatibilités quasi inexistant 35
c. Les déclarations d’intérêts 36
B. LES SCANDALES RÉCENTS ENTACHANT LA COMMISSION EUROPÉENNE ONT MONTRÉ LES LIMITES DE CES RÈGLES 38
1. La succession de scandales concernant des commissaires européens montre la faiblesse du code de conduite et du comité d’éthique 38
a. L’emblématique cas de l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso 38
b. D’autres cas problématiques concernant des membres de la Commission Barroso 39
2. Une réponse de la Commission européenne qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu 41
C. UN RISQUE DE CONFLITS D’INTÉRÊTS PARTICULIÈREMENT PRÉGNANT DANS LES DOMAINES OÙ L’EXPERTISE SCIENTIFIQUE PRIME 41
1. Les groupes d’experts de la Commission européenne, des lieux de lobbying ? 41
a. Une surreprésentation des acteurs économiques au sein des groupes d’experts ? 41
b. À la suite de recommandations de la Médiatrice européenne, la Commission européenne a mis en place de nouvelles règles 42
2. Un risque de conflit d’intérêts particulièrement important dans les agences européennes 43
a. Des difficultés soulevées à plusieurs reprises en ce qui concerne les agences européennes 43
b. La mise en place de garde-fous, mais une vigilance qui reste nécessaire 44
II. CONSTRUIRE UN CADRE GLOBAL ET COHÉRENT DE DÉONTOLOGIE DE LA VIE PUBLIQUE EUROPÉENNE 45
A. RENFORCER LES RÈGLES EXISTANTES 45
1. Dans l’immédiat : une révision du code de conduite des commissaires plus exigeante 45
2. Améliorer les déclarations d’intérêts et de patrimoine ainsi que leur vérification 46
3. Mener une réflexion sur les incompatibilités applicables aux parlementaires européens 47
4. Rester vigilant sur le pantouflage des fonctionnaires européens 48
B. CRÉER UNE HAUTE AUTORITÉ DE LA VIE PUBLIQUE EUROPÉENNE 48
a. Quis custodiet ipsos custodes? La faiblesse intrinsèque des deux comités d’éthique actuels 48
b. La nécessité d’un organe indépendant, doté de pouvoirs d’enquête et de sanction 49
2. S’assurer de la protection des lanceurs d’alerte 50
TRAVAUX DE LA COMMISSION 53
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 57
MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION 61
ANNEXES 65
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 67
ANNEXE N° 2 : CONTRIBUTIONS ÉCRITES DES QUATRE AGENCES EUROPÉENNES INTERROGÉES 69
La frontière entre l’intérêt général et les intérêts de certaines entreprises privées est-elle suffisamment claire pour les responsables publics européens ? Au deuxième semestre de l’année 2016, cette question a été au cœur de l’actualité.
En septembre, la Commission européenne a présenté une proposition pour un nouveau registre de transparence du lobbying, qui serait désormais obligatoire, et qui couvrirait enfin le Parlement européen, la Commission européenne, mais également le Conseil. Cette avancée importante était attendue de longue date.
Mais malheureusement, c’est surtout la succession d’affaires concernant des commissaires européens, et en premier lieu l’ancien président de la Commission européenne, qui a remis ce débat sur le devant de la scène.
L’Union européenne a déjà adopté des règles exigeantes en matière de transparence de la vie publique. Mais cette transparence ne suffit plus, et doit s’accompagner de mesures efficaces de prévention et de sanction des conflits d’intérêts.
Sur l’encadrement du lobbying
Bruxelles dispute désormais à Washington le statut de capitale mondiale du lobbying.
C’est évidemment la création du marché unique, qui s’est accompagnée d’une activité normative très importante, ainsi que le transfert progressif d’activités de régulation au niveau communautaire, qui expliquent l’émergence de ces représentants d’intérêts. On estime qu’entre 15 000 et 30 000 lobbyistes y sont aujourd’hui installés – à titre de comparaison, moins de 22 000 fonctionnaires européens travaillent aujourd’hui dans la capitale.
Un registre des représentants d’intérêts existe déjà pour la Commission européenne et le Parlement. Même s’il fonctionne uniquement sur une base volontaire, c’est aujourd’hui un succès quantitatif : 10 000 organisations y sont inscrites. Mais la fiabilité des données contenues dans ce registre reste très insatisfaisante.
Le nouveau registre de transparence proposé par la Commission européenne comporte deux avancées majeures :
(1) le secrétariat général du Conseil et la présidence tournante seraient concernés par cet accord ;
(2) l’inscription au nouveau registre serait désormais obligatoire pour les représentants d’intérêts s’ils veulent rencontrer les commissaires, les députés européens et les plus hauts fonctionnaires des trois institutions.
Mais les rapporteures considèrent que cette proposition doit encore être améliorée :
(1) la définition du lobbying choisie dans cette nouvelle proposition constitue un important recul par rapport à l’accord interinstitutionnel précédent, car elle n’inclue plus la notion de lobbying indirect ;
(2) le champ des agents de l’Union couvert par l’accord est beaucoup trop restrictif : les rapporteures estiment qu’il doit être étendu à tous les fonctionnaires européens ;
(3) le nouvel accord devrait permettre d’améliorer la qualité des données déclarées par les organisations.
Enfin, cet accord ne pourra malheureusement s’appliquer aux représentations permanentes des États membres à Bruxelles que sur la base du volontariat. Les rapporteures espèrent que la Représentation permanente de la France à Bruxelles montrera l’exemple en ce sens.
Sur la prévention des conflits d’intérêts, en particulier l’encadrement du « pantouflage »
Les affaires récentes concernant plusieurs commissaires européens montrent que le problème ne vient pas tant des règles existantes que de la façon dont elles sont appliquées.
En effet, les traités prévoient déjà que les commissaires européens ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle au cours de leur mandat, et qu’ils doivent respecter un devoir « d’honnêteté et de délicatesse » quant à l’acceptation de nouvelles responsabilités par la suite. Le code de conduite des commissaires précise ces obligations : dans les dix-huit mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, les ex-commissaires doivent informer la Commission européenne des nouvelles fonctions qu’ils sont amenés à occuper.
Pour les députés au Parlement européen, des règles existent également, même si le régime d’incompatibilités avec des fonctions dans le secteur privé est beaucoup moins strict que pour les commissaires. Une seule incompatibilité existe depuis décembre 2016 : les parlementaires européens n’auront plus la possibilité de s’engager à titre professionnel dans des activités de lobbying rémunérées auprès de l’Union européenne. Cela semble encore insuffisant.
Les institutions européennes ont mis en place de nombreuses règles pour assurer la transparence en la matière (déclarations d’intérêts pour les commissaires et les députés notamment) mais cette transparence ne s’accompagne pas systématiquement de mécanismes de prévention et de sanctions.
Suite à l’affaire Barroso, l’actuel président de la Commission européenne a décidé de réviser le code de conduite des commissaires, en étendant la période de notification à deux ans pour les anciens commissaires et à trois ans pour les anciens présidents de la Commission européenne.
Les rapporteures considèrent que cette modification ne répond pas au véritable problème.
À court terme, la révision du code de conduite des commissaires doit être plus exigeante.
Le rapport propose d’étendre la période de « refroidissement » à trois ans pour tous les commissaires. Mais avant tout, le code de conduite doit être rendu plus clair et plus explicite : les devoirs « d’honnêteté et de délicatesse » consacrés par le traité ne cessent pas de s’appliquer à la fin de cette période. Le code de conduite doit également prévoir une série de sanctions administratives.
Surtout, les rapporteures proposent de créer une véritable autorité indépendante de la vie publique européenne, dotée de pouvoirs d’enquête et de sanctions, pour remplacer les comités d’éthique internes à la Commission européenne et au Parlement européen, aujourd’hui très faibles et insuffisamment indépendants. Cette autorité serait notamment chargée de contrôler les déclarations d’intérêts des commissaires et des députés européens.
Is the line between the general interest and the interests of some private companies sufficiently clear for European public officials? In the second half of 2016, this question was a key topic in the headlines.
In September, the European Commission issued a proposal for a new lobbying transparency register, henceforth to be mandatory and which would at last cover the European Parliament, the European Commission, and also the Council. This major step forward had long been awaited.
Unfortunately, however, the succession of affairs concerning European commissioners, and in the first instance the former president of the European Commission, was what above all placed this debate back in the limelight.
The European Union has already adopted strict rules as regards transparency in public life. But this transparency no longer suffices and must be accompanied by effective measures to prevent and sanction conflicts of interest.
Re the regulating of lobbying
Brussels is now rivalling Washington as world capital of lobbying. The emergence of these interest representatives was triggered of course by the creation of the single market that gave rise to a very high level of normative work as well as the progressive transfer of regulatory activities to the Community level. It is estimated that between 15,000 and 30,000 lobbyists are located in Brussels today – in comparison, less than 22,000 European officials work there today.
A register of interest representatives already exists for the European Commission and the Parliament. Even if it operates only on a voluntary basis, it is a quantitative success today with 10,000 organisations registered. But the reliability of the data contained in the register remains very unsatisfactory.
The new transparency register proposed by the European Commission comprises two major advances:
1) The General Secretariat of the Council and the rotating presidency would be concerned by this agreement,
2) Registration in the new register would henceforth be mandatory for interest representatives if they want to meet commissioners, MEPs and the highest officials of the three institutions.
But the rapporteurs consider that this proposal must be further improved:
1) The definition of lobbying chosen in this new proposal forms a major setback with respect to the previous interinstitutional agreement, because it does not include the notion of indirect lobbying;
2) The range of EU servants covered by the agreement is far too restrictive: the rapporteurs consider it must be broadened to all European officials;
3) The new agreement should allow an improvement in the quality of data declared by the organisations.
Last, this agreement will unfortunately not be applicable to the Permanent Representations of the Member States in Brussels except on a voluntary basis. The rapporteurs hope that the Permanent Representation of France in Brussels will set the example in this respect.
Re the prevention of conflicts of interests, especially the regulating of 'revolving doors between public office and the private sector'
The recent affairs concerning several European commissioners show that the problem does not arise so much from the existing rules as from the way in which they are applied.
Indeed, the treaties already lay down that European commissioners cannot exercise any other professional activity during their mandate, and shall be bound by the duty to behave with 'integrity and discretion' when it comes to accepting new responsibilities later on. The code of conduct for commissioners specifies these obligations: in the eighteen months after they cease their duties, ex-commissioners must inform the European Commission of the new duties they are led to fulfil.
For MEPs, rules also exist, even if the rules governing incompatibilities with duties in the private sector are far less strict than for commissioners. There has been a single incompatibility since December 2016: European parliamentarians will no longer have the possibility to engage professionally in paid lobbying activities vis-à-vis the EU institutions. This still seems insufficient.
The European institutions have set in place many rules to ensure transparency in this field (declarations of interest for commissioners and MEPs in particular) but this transparency is not systematically combined with prevention mechanisms and sanctions.
Following the Barroso affair, the current president of the European Commission decided to revise the code of conduct for commissioners, by extending the notification period to two years for former commissioners and to three years for former presidents of the European Commission.
The rapporteurs consider that this amendment does not address the real problem.
In the short term, the revision of the code of conduct for commissioners must be stricter. The report proposes to extend the 'cooling off' period to three years for all commissioners. But, above all, the code of conduct must be made clearer and more explicit: the duty to behave with 'integrity and discretion' enshrined by the treaty does not cease to apply at the end of that period. The code of conduct must also provide for a series of administrative sanctions.
Above all, the rapporteurs propose to create a genuine independent European public life authority, having investigatory and sanctioning powers, to replace the internal ethics committees at the European Commission and the European Parliament, today very weak and insufficiently independent. This authority would in particular be tasked with checking the declarations of interests of commissioners and MEPs.
Mesdames, Messieurs,
Les scandales récents autour du « pantouflage » de l’ancien président de la Commission européenne et de plusieurs membres de son équipe ont remis la question de la lutte contre les conflits d’intérêts au centre de l’actualité européenne.
Plus récemment encore, une nouvelle polémique, concernant cette fois l’actuelle Commission européenne, est venue s’ajouter aux précédentes, à propos du voyage effectué par un commissaire de Bruxelles à Budapest, en compagnie d’un homme d’affaires, à bord du jet privé de ce dernier, sans déclarer ce voyage auprès de la Commission.
Ce n’est malheureusement pas la première fois que l’Union est affectée par des scandales de « pantouflage » ou de corruption. Deux affaires avaient déjà défrayé la chronique il y a quelques années. En 2010, un ancien commissaire en charge des entreprises et de l’industrie sous la Commission « Barroso I », M. Günther Verheugen, avait créé son propre cabinet de lobbying moins d’un an après avoir quitté ses fonctions au sein de l’exécutif bruxellois, sans en avertir la Commission européenne. Un an plus tard, lors d’un scandale connu sous le nom de « Cash for amendements », des journalistes du Sunday Times avaient piégé trois députés européens en leur proposant de l’argent contre des amendements à déposer.
En 2014, seulement un tiers des Européens affirmaient avoir confiance dans l’Union européenne – confiance qui reste toutefois supérieure à celle exprimée dans les institutions nationales. (1) Lutter efficacement et visiblement contre les conflits d’intérêts est primordial pour restaurer cette confiance.
L’impartialité des gouvernants, nécessaire au bon fonctionnement de l’Etat de droit, est à la source du contrat social qui lie les institutions aux citoyens. Elle l’est d’autant plus aujourd’hui, alors que la demande de l’opinion publique en faveur d’une transparence renforcée se fait de plus en plus forte. Par ailleurs, dans un contexte où l’euroscepticisme, voire même l’europhobie, sont latents, les institutions de l’Union européenne se doivent d’être irréprochables pour que le débat européen puisse se dérouler de façon sereine.
Sur un tel sujet, il importe en revanche d’éviter toute démagogie. Le lobbying n’est pas un problème en soi : au contraire, l’existence et l’expression d’intérêts divergents est le signe d’une démocratie en bonne santé. De même, il est normal que des dirigeants publics ou leurs proches puissent avoir ou avoir eu des intérêts privés : comment pourrait-on l’empêcher, sauf à encourager une professionnalisation complète de la vie politique, bien plus néfaste ?
Il ne s’agit pas non plus, dans ce rapport, de faire un procès d’intention aux institutions de l’Union européenne, plus exemplaires que la plupart des Etats membres dans ce domaine.
Ainsi, la transparence de l’action de l’Union est consacrée à plusieurs reprises au plus haut niveau de l’ordre juridique européen. Ainsi, l’article 11 du traité sur l’Union européenne stipule que « les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile », et son article 15 que « chaque institution, organe ou organisme assure la transparence de ses travaux ».
Dans la pratique, les garde-fous mis en place par la Commission européenne et le Parlement européen - en matière de transparence du lobbying notamment - sont bien plus développés que dans la grande majorité des Etats membres, selon une étude menée en 2015 par Transparency International. (2)
Mais il est possible et nécessaire d’aller encore plus loin, en se focalisant non pas sur la seule transparence mais sur l’amélioration des règles déontologiques applicables aux responsables européens et sur l’effectivité de ces règles.
En effet, la Commission européenne s’enorgueillit d’avoir parmi les plus hauts standards en matière de transparence : c’est vrai, mais ce n’est pas suffisant.
La transparence en matière de conflits d’intérêts ne peut pas être un but en soi : au contraire, cette transparence, si elle n’est pas accompagnée de mesures pour prévenir ou sanctionner les conflits d’intérêts mais ne fait que les rendre plus visibles, ne peut qu’exacerber la défiance des citoyens à l’égard des institutions.
Ce rapport retiendra une définition large des conflits d’intérêts.
Le Conseil de l’Europe retient la définition suivante des conflits d’intérêts : « un conflit d'intérêts naît d'une situation dans laquelle un agent public a un intérêt personnel de nature à influer ou paraître influer sur l'exercice impartial et objectif de ses fonctions officielles. L'intérêt personnel de l'agent public englobe tout avantage pour lui-même ou elle-même ou en faveur de sa famille, de parents, d'amis ou de personnes proches, ou de personnes ou organisations avec lesquelles il ou elle a ou a eu des relations d'affaires ou politiques ». (3)
Si les responsables publics sont en effet susceptibles d’être influencés par leurs propres intérêts, ils sont également susceptibles de l’être par des intérêts privés portés par des tiers qui, a priori, ne leur sont pas liés : la représentation d’intérêts est nécessaire à l’élaboration d’une législation pertinente, mais la frontière entre information et pression peut parfois être floue.
En revanche, vos rapporteures ont choisi de se focaliser sur les conflits d’intérêts entre les intérêts privés et les intérêts publics, et non pas entre intérêts publics, sans pour autant ignorer l’existence de ceux-ci.
Ce rapport vise à remplir trois objectifs :
(1) mieux informer nos citoyens, très préoccupés par cette question, sur la réalité des conflits d’intérêts et du lobbying dans l’Union européenne ;
(2) forger l’avis de l’Assemblée nationale sur le nouveau registre de transparence proposé par la Commission européenne, sur lequel elle doit se prononcer au titre de l’article 88-4 de la Constitution ;
(3) proposer des mesures plus ambitieuses pour mieux encadrer les conflits d’intérêts au sein de l’Union européenne.
PREMIÈRE PARTIE : VERS PLUS DE TRANSPARENCE DU LOBBYING DANS L’UNION ?
I. LES RELATIONS ENTRE REPRÉSENTANTS D’INTÉRÊTS ET INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE : UN CADRE ENCORE TROP LACUNAIRE
Bruxelles dispute désormais à Washington le statut de capitale mondiale du lobbying. Selon l’ONG Corporate Europe Observatory, entre 15 000 et 30 000 lobbyistes y sont aujourd’hui installés. Au milieu des années 1980, ils étaient environ 700 seulement.
À titre de comparaison, moins de 22 000 fonctionnaires européens travaillent aujourd’hui dans la capitale belge.
Comment s’explique le développement si rapide du lobbying à Bruxelles à partir des années 1980 ?
C’est évidemment la création du marché unique, qui s’est accompagné d’une activité normative très importante, ainsi que le transfert progressif d’activités de régulation au niveau communautaire, qui expliquent l’émergence de ces représentants d’intérêts.
Mais les institutions européennes elles-mêmes ont joué un rôle dans la structuration de ces intérêts, afin notamment de construire une expertise indépendante des Etats membres, parfois réticents à transmettre certaines informations, et de pallier l’insuffisance d’expertise interne.
L’émergence de représentations d’intérêts organisées au niveau européen a également été perçue par les institutions communautaires comme un vecteur de légitimation des politiques publiques menées par l’Union et de création d’une « sphère publique européenne », voire de stimulation d’une forme de démocratie participative. Cette volonté se retrouve dans la lettre même du traité, dont l’article 11 souligne que « les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile ».
Si de nombreuses ONG ou collectivités locales sont représentées à Bruxelles, ce sont toutefois les intérêts du secteur privé qui sont les plus fortement représentés. Selon l’ONG Transparency International (4), 75% des réunions des commissaires européens et des membres de leurs cabinets avec des groupes d’intérêts ont lieu avec des lobbyistes d’entreprises et d’industrie (contre 17% avec des ONG, 4% avec des think tanks et 2% avec des collectivités locales). Cette proportion atteindrait jusqu’à 84% pour les réunions sur le commerce extérieur, et 90% dans le secteur des marchés financiers ou de l’économie numérique.
Google, Airbus et General Electric seraient parmi les entreprises les plus actives à Bruxelles en matière de lobbying : ainsi, Google aurait en moyenne une réunion de haut niveau par semaine avec la Commission européenne.
Au total, 1,5 milliard d’euros serait dépensé chaque année en lobbying auprès de l’Union européenne. Exxon Mobil, Shell et Microsoft seraient les entreprises qui dépenseraient le plus dans ce lobbying.
Un système d’enregistrement volontaire des représentants d’intérêts a été créé dès 1995 au Parlement européen. Après la publication d’un « livre vert sur la transparence » en 2007, la Commission européenne a également ouvert en juin 2008 un registre facultatif recensant les représentants d’intérêts. Environ 4 000 organisations étaient inscrites dans chacun de ces registres en 2011.
Les deux institutions ont fusionné ces deux instruments en 2011 en un registre européen de transparence, sur la base d’un accord interinstitutionnel. (5) Suite à des recommandations élaborées en 2013 par un groupe de travail conjoint entre le Parlement européen et la Commission européenne, un accord institutionnel amélioré a été adopté en avril 2014 par les deux institutions, et mis en œuvre à compter du 1er janvier 2015.
Ce registre fonctionne sur une base volontaire.
Les inscrits doivent fournir un ensemble de données relatives à leurs activités de lobbying, et notamment :
- des précisions sur les activités couvertes par le registre, sur les liens avec les institutions de l’Union (appartenance à des groupes de haut niveau ou des comités consultatifs par exemple) ;
- une estimation des coûts annuels liés aux activités de lobbying couvertes par le registre ;
- le nombre de personnes investies dans ces activités de lobbying ;
- d’éventuels financements reçus de l’Union européenne.
Depuis 2015, des renseignements supplémentaires sont demandés sur la participation à des comités, à des forums, à des intergroupes ou à des structures similaires de l'Union ainsi que sur les dossiers législatifs en cours, et l'obligation de déclarer les coûts estimés liés au lobbying a été étendu à toutes les organisations inscrites.
L’accord interinstitutionnel contient également un code de conduite que les représentants inscrits s’engagent à respecter.
Un mécanisme d’alerte et de plainte permet à toute personne de déclencher une enquête administrative, soit à propos d’informations mentionnées dans le registre, soit en cas de violation présumée du code de conduite par des organisations enregistrées. Dans ce dernier cas, le représentant d’intérêts peut, si cette violation est avérée, être radié du registre pour un ou deux ans.
En contrepartie, l’accord prévoit des droits pour les organisations enregistrées : la simplification de l’accès aux bâtiments du Parlement européen, l’autorisation d’organiser ou de co-organiser des évènements dans ses locaux, l’inscription à des listes de diffusion spécifiques, la possibilité d’être auditionné par les commissions du Parlement européen, le patronage du Parlement européen ou de la Commission européenne pour certaines manifestations, la possibilité de participer aux groupes d’experts de la Commission européenne.
Le registre de transparence est géré par un secrétariat commun à la Commission européenne et au Parlement européen.
Le registre est accessible en ligne, et peut être librement téléchargé et consulté.
Combien d’organisations sont inscrites dans le registre de transparence ?
Malgré le caractère volontaire du registre, le nombre d’entités enregistrées a progressé à un rythme d'environ 1 000 organisations par an. Aujourd’hui, ce registre comporte 10 000 organisations, soit plus que son équivalent canadien (5433 organisations inscrites) (6) et américain (9700 organisations inscrites (7)).
Quelles sont les organisations inscrites au registre de transparence ?
En novembre 2014, près de la moitié des organisations inscrites étaient des fédérations professionnelles européennes (2 355) ou des entreprises (968). Un quart étaient des ONG.
Évolution du nombre d'entités enregistrées depuis la création du registre commun. Source : Service de recherche du Parlement européen.
Entités inscrites dans le registre de transparence au 19 Novembre 2014. Source : Service de recherche du Parlement européen.
Des registres obligatoires existent actuellement dans six pays de l'Union (Autriche, Irlande, Lituanie, Pologne, Royaume-Uni, (8) Slovénie). (9) Quatre pays disposent d'un système d'enregistrement facultatif (France, Croatie, Allemagne et Roumanie).
Vers un registre obligatoire pour les représentants d’intérêts en France
En France, un registre obligatoire pour les représentants d’intérêts doit être mis en place avant le 1er juillet 2017.
En effet, l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin II » prévoit la création d’un répertoire numérique sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics. Ce répertoire sera géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et accessible librement sur internet.
L’inscription sur ce répertoire entraînera l’adhésion au respect de règles déontologiques dans les relations des représentants d’intérêts avec les pouvoirs publics. Le manquement à ces règles pourra entraîner un an d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 30 000 euros en cas de réitération.
La principale faiblesse du registre de transparence actuel est son caractère volontaire.
Selon des travaux académiques récents (10), le registre couvrirait environ 75% des organisations du secteur privé et 60% des ONG actives au niveau de l’Union.
La mise en place d’un registre obligatoire est une demande de longue date du Parlement européen, formulée dans des résolutions du 8 mai 2008, du 11 mai 2011 et du 15 avril 2014.
L’Assemblée nationale, dans une résolution européenne du 3 janvier 2016 adoptée sur la proposition de notre commission, a également demandé la création d’un registre de transparence obligatoire applicable aux trois institutions. (11)
Le registre actuel ne concerne que deux des institutions de l’Union européenne : le Parlement européen et la Commission européenne.
Le Conseil de l’Union, pourtant co-législateur, n’est pas concerné par le champ de l’accord. Lors de sa révision en 2013-2014, le Conseil avait décidé de ne pas faire partie de cet accord interinstitutionnel, et seul le Secrétariat général du Conseil avait participé en tant qu’observateur aux discussions sur la révision de cet accord.
Actuellement, le secrétariat du registre n’a pas les moyens humains de vérifier de manière exhaustive les données déclarées par les organisations inscrites au registre : il n’est composé que de dix personnes, dont une seule travaille à plein temps pour le registre ce qui correspond à environ cinq équivalents temps plein.
En 2015, selon son rapport annuel, le secrétariat du registre a contrôlé 2 591 déclarations, soit plus du double par rapport à 2014, donc moins d’un tiers de l’ensemble des organisations enregistrées. Sur la totalité des contrôles effectués, seules 578 inscriptions se sont avérées correctes. 2 013 entités ont été invitées à mettre à jour leur inscription, et 808 entités ont été radiées du registre.
Certaines déclarations étaient ou sont toujours manifestement erronées : ainsi, le Conseil Européen de l'Industrie Chimique et Business Europe déclaraient initialement 50 000 euros de dépenses de lobbying par an. Désormais, ces deux organisations déclarent respectivement dix millions et quatre millions d’euros de dépenses en lobbying.
En septembre 2015, Transparency International a déposé une plainte contre 4 253 organisations, soit presque la moitié des inscrits au registre, dont l’ONG considère que les déclarations sont manifestement erronées.
II. LE REGISTRE DE TRANSPARENCE PROPOSÉ EN SEPTEMBRE 2016 PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE DOIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ
En juillet 2014, lors de la présentation de son programme politique devant le Parlement européen, le président de la Commission européenne avait annoncé qu’il proposerait au Parlement et au Conseil « la conclusion d'un accord interinstitutionnel visant à créer un registre obligatoire des groupes de pression couvrant les trois institutions ».
Une consultation publique de douze semaines, clôturée le 1er juin 2016, a permis de recueillir 1 758 réponses, dont 975 de citoyens individuels et 783 d'organisations sur le fonctionnement du registre de transparence actuel et son amélioration. De nombreuses autorités locales et régionales ont notamment répondu à cette consultation pour demander à être exclues du registre de transparence.
b. Une pratique de la Commission européenne en matière de rencontre avec les lobbys qui a déjà évolué positivement
Au moment de l’annonce du registre de transparence, le président Juncker avait annoncé que la Commission montrerait l'exemple dans ce processus.
C’est chose faite : désormais, les commissaires, les membres de leur cabinet et les directeurs généraux ne peuvent rencontrer que les organisations inscrites au registre. Depuis que la Commission a instauré cette règle pour ses propres interactions avec les représentants d'intérêts en novembre 2014, il y a eu environ 4 000 nouvelles inscriptions dans le registre existant.
Parallèlement, depuis décembre 2014, les agendas des commissaires européens sont systématiquement publiés en ligne (12 000 réunions publiées selon les ONG auditionnées par vos rapporteures).
Ce nouveau registre de transparence contient d’importantes avancées dont les rapporteures se félicitent.
Pour négocier cet accord, un groupe de contact s’est formé au Parlement européen, avec un représentant de chaque groupe politique, réuni autour des deux co-négociatrices Mmes Sylvie Guillaume, Vice-présidente actuellement en charge du registre de transparence (S&D, France) et Danuta Hübner, présidente de la commission des affaires constitutionnelles (PPE, Pologne).
Le registre de transparence sera désormais obligatoire pour tous les représentants d’intérêts s’ils souhaitent :
- au Parlement européen : accéder aux bâtiments, être auditionnés en commission ; recevoir le parrainage de l’institution pour une manifestation ; rencontrer des membres du Parlement européen, le secrétaire général, les directeurs généraux et les secrétaires généraux des groupes politiques ; organiser des manifestations dans les bâtiments ; être informés par messagerie électronique des activités de l’institution ;
- à la Commission européenne : rencontrer des membres de la Commission, les membres des cabinets de commissaires et les directeurs généraux ; participer à des groupes d’experts ; recevoir des informations sur les consultations publiques ; recevoir le parrainage de l’institution pour une manifestation ; être informé par messagerie électronique des activités de l’institution ;
- au Conseil : assister à des réunions avec le Représentant Permanent de l’Etat membre assurant la présidence tournante ainsi que ses adjoints, le secrétaire général et les directeurs généraux.
Les représentants d’intérêts enregistrés s’engagent à respecter un code de conduite, très similaire à celui déjà annexé à l’accord de 2011, qui détaille notamment les modalités de la coopération entre les organisations inscrites et le secrétariat du registre, et les pouvoirs de ce dernier en matière d’enquête. En cas de violation de ce code de conduite, le déclarant s’expose à être privé d’un ou des droits prévus par le registre, ou à être retiré du registre pendant une période comprise entre quinze jours et un an.
Un comité de direction du registre, composé des secrétaires généraux des trois institutions, sera chargé de la supervision de ce registre.
Le nouveau règlement du Parlement européen, adopté le 13 décembre 2016 sur le rapport de M. Richard Corbett, (12) renforce le caractère obligatoire de ce futur registre, puisqu’il précise désormais que « les députés devraient adopter la pratique systématique consistant à ne rencontrer que des représentants d’intérêts qui sont officiellement inscrits dans le registre de transparence ». Cet ajout était fondamental, mais cette disposition devrait devenir plus contraignante : pour reprendre les mots de M. Alberto Alemanno, professeur de droit à HEC, lors de son audition par les rapporteures, « pour faire du lobbying, comme pour danser le tango, il faut être deux ».
Le nouveau registre de transparence s’appliquera au Conseil via le secrétariat général du Conseil et la présidence tournante.
L’application aux représentations permanentes des Etats membres reste en revanche facultative : le texte prévoit seulement un mécanisme qui permettra aux États membres, sur une base volontaire, de subordonner certaines interactions avec leurs représentations permanentes à un enregistrement préalable.
En effet, il serait impossible, au vu des règles du droit international public, d’imposer de telles obligations aux représentations permanentes des Etats membres, qui ont un statut de missions diplomatiques (de même qu’il serait impossible d’imposer aux ambassades de pays tiers, qui jouent pourtant régulièrement un rôle de « lobbyistes » de s’inscrire sur le registre de transparence).
Les autres institutions, organes, bureaux et agences de l’Union européenne sont seulement encouragés à utiliser ce registre.
L’Union européenne ne dispose pas d’une compétence explicite pour légiférer sur l’encadrement des lobbys.
L’article 298 du TFUE permet au Parlement européen et au Conseil d’établir, via la procédure législative ordinaire, des dispositions assurant que les institutions européennes s’acquittent de leur mission avec le soutien d’une administration ouverte, efficace et indépendante.
Toutefois, cette disposition permettrait à l’Union de légiférer uniquement à l’égard des fonctionnaires de l’Union.
La seule base juridique qui pourrait donc a priori être utilisée pour créer un registre de transparence est la clause de flexibilité de l’article 352 du TFUE, qui prévoit que si une action de l’Union est nécessaire pour atteindre l’un des objectifs visés par les traités (ici, la transparence) mais qu’aucune base juridique spécifique n’existe, les mesures appropriées peuvent être adoptées selon une procédure législative spéciale. Mais cette procédure nécessiterait l’unanimité au Conseil, unanimité qui serait extrêmement difficile à obtenir sur un sujet comme celui-ci.
En pratique, le choix d’un accord interinstitutionnel, prévu par l’article 295 du TFUE, est donc probablement la meilleure solution pour parvenir à créer un registre de transparence obligatoire. Pour autant, cette solution est loin d’être pleinement satisfaisante : en effet, cet accord interinstitutionnel ne pourra être juridiquement contraignant que pour les institutions qui y seront parties, et non pas pour les représentants d’intérêts.
Le choix de ce vecteur empêchera notamment la mise en place de véritables sanctions pour les organisations ne respectant pas le code de conduite, et notamment de sanctions pénales, comme c’est le cas au Canada ou aux États-Unis, où les organisations encourent jusqu’à 200 000 dollars d’amendes et jusqu’à respectivement deux et cinq ans d’emprisonnement.
La définition du lobbying choisie dans cette nouvelle proposition constitue un important recul par rapport à l’accord interinstitutionnel de 2011. Ce recul est d’autant plus incompréhensible que la consultation publique a montré que cette définition convenait très largement aux parties prenantes.
Le nouvel accord serait applicable aux activités qui visent à promouvoir certains intérêts au moyen d’interactions avec l’une des trois institutions signataires quelle qu’elle soit, ses membres ou fonctionnaires, dans le but d’influencer la formulation ou la mise en œuvre de politiques ou d’actes législatifs, ou le processus décisionnel au sein de ces institutions.
Mais contrairement à l’accord de 2011, le nouvel accord proposé ne fait pas du tout référence à la notion de « lobbying indirect ».
En effet, l’une des forces de l’accord de 2011 était d’inclure dans le champ du registre toutes les activités ayant pour but d’influencer directement ou indirectement l’élaboration ou la mise en œuvre des politiques européennes. Cette notion de lobbying indirect incluait toute action entreprise via les médias, l’opinion publique, les conférences ou les évènements sociaux visant les institutions européennes.
La notion de lobbying retenue pour le nouveau registre est donc beaucoup trop restrictive, et vos rapporteures considèrent que la notion de lobbying indirect doit impérativement être rétablie dans l’accord.
Les organisations exclues du champ du registre
Plusieurs organisations sont exclues du champ du registre : les partis politiques, les églises et associations à objet cultuel, les pouvoirs publics des Etats membres (y compris les collectivités locales et les associations de collectivités locales, tandis que dans l'accord de 2011, seules les régions et leurs bureaux de représentation étaient dispensées de s’enregistrer), les pouvoirs publics de pays tiers et les organisations intergouvernementales. Les activités des partenaires sociaux en tant que participants au dialogue social sont également exclues du champ du registre.
Il est plus difficile de distinguer ce qui relève ou non du lobbying dans certaines activités des cabinets d’avocats et de conseil : comme dans le précédent accord, il est prévu que la prestation de conseils juridiques et d’autres conseils professionnels dans le cadre d’une relation clients-intermédiaire ne relève pas du champ du registre lorsqu’il s’agit :
- d’une représentation juridique dans le cadre du règlement extra-judiciaire d’un litige ;
- de conseils donnés à des clients pour qu’ils puissent s’assurer que leurs activités sont conformes au cadre juridique existant ;
- de l’exercice du droit fondamental d’un client à un procès équitable.
Le champ des agents de l’Union couvert par l’accord est beaucoup trop restrictif : au Parlement européen, il ne concernerait que les rencontres avec les députés, le secrétaire général et les secrétaires généraux des groupes politiques. A la Commission européenne, il ne concernerait que les commissaires, les membres de leurs cabinets, et les directeurs généraux.
C’est largement insuffisant. À titre d’exemple, à l’heure actuelle, un représentant d’intérêts n’aurait pas besoin d’être inscrit au registre pour rencontrer le négociateur pour la Commission européenne du TTIP. Par ailleurs, à Bruxelles, les lobbyistes ne se contentent pas d’agir uniquement au niveau des directeurs généraux, mais dès l’élaboration des projets de texte au sein des unités, car c’est là où la marge de manœuvre est encore la plus importante.
Pour plus d’efficacité, de simplicité mais également pour mieux protéger les agents de l’Union, les rapporteures considèrent donc que l’inscription au registre devrait être obligatoire pour participer à des réunions avec des fonctionnaires européens à tous les niveaux, ainsi qu’avec les collaborateurs des parlementaires européens. Auditionné par vos rapporteures, le syndicat de la fonction publique européenne « Renouveau et démocratie » s’est déclaré favorable à une telle extension.
En premier lieu, les moyens humains du secrétariat du registre devraient être considérablement étoffés pour assurer la fiabilité des données.
La proposition ne prévoit pour le moment pas d’actualisation régulière du registre de transparence, pourtant nécessaire pour garantir la fiabilité des données transmises. Une actualisation trop régulière, en revanche, pourrait faire peser des charges administratives trop importantes sur les administrations concernées.
Vos rapporteures proposent qu’une obligation annuelle d’actualisation des données soit introduite dans l’accord.
Par ailleurs, la grille des coûts générés par l’activité de lobbying qui doivent être déclarés est insuffisamment précise pour les plus gros montants.
En effet, elle se décline comme suit (en euros) :
< 10 000 10 000 – 24 999 25 000 – 49 999 50 000 – 99 999 100 000 – 199 999 200 000 – 299 999 300 000 – 399 999 400 000 – 499 999 500 000 – 599 999 600 000 – 699 999 700 000 – 799 999 |
800 000 – 899 999 900 000 – 999 999 1 000 000 – 1 249 999 1 250 000 – 1 499 999 1 500 000 – 1 749 000 1 750 000 – 1 999 999 2 000 000 – 2 249 999 2 250 000 – 2 499 999 2 500 000 – 2 749 000 2 750 000 – 2 999 999 3 000 000 – 3 499 999 |
3 500 000 – 3 999 999 4 000 000 – 4 499 999 4 500 000 – 4 999 999 5 000 000 – 5 499 999 5 500 000 – 5 999 999 6 000 000 – 6 499 999 6 500 000 – 6 999 999 7 000 000 – 7 999 999 8 000 000 – 8 999 999 9 000 000 – 9 999 999 > de 10 000 000 |
Vos rapporteures estiment que les coûts engendrés par les activités de lobbying devraient être déclarées plus précisément, à 10 000 euros près.
Des avancées positives doivent en revanche être signalées.
Les intermédiaires (cabinets de lobbying) devront déclarer les revenus générés par clients, et les entreprises devront déclarer les sommes versées à des intermédiaires pour exercer des activités de lobbying.
Les organisations à but non lucratif devront déclarer le budget total de l’organisation ou de la personne enregistrée pour le dernier exercice financier clos; les sources principales de financement par catégorie et le montant de chaque contribution dépassant 10 % du budget total et supérieure à 10 000 euros, ainsi que le nom de l’auteur de la contribution.
L’Organisation mondiale de la santé a adopté en 2003 la convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT). L’Union européenne est partie à cette convention. (13) Cette convention est notamment assortie d’une directive (non contraignante juridiquement) sur la protection des politiques de santé publique en matière de lutte antitabac face aux intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, considérant qu’il existe « un conflit fondamental et inconciliable entre les intérêts de l’industrie du tabac et ceux de la santé publique », prévoit notamment l’adoption de mesures pour limiter les interactions avec l’industrie du tabac et garantir la transparence de celles-ci.
Après une enquête menée suite à une plainte d’une ONG, la Médiatrice a rendu des recommandations le 1er octobre 2015 sur l’application de ces règles.
Dans ces recommandations, la Médiatrice européenne a désapprouvé l’approche retenue par la Commission européenne en la matière, à l'exception de la direction générale de la Santé, « insuffisante, peu fiable et peu satisfaisante », constatant notamment que certaines réunions avec les avocats représentant l'industrie du tabac ne sont pas considérées comme des réunions à des fins de lobbying.
Dans sa recommandation publiée en octobre 2015, la Médiatrice a demandé à la Commission européenne d’étendre à toutes les directions les règles en vigueur au sein de la direction générale de la santé, c’est à dire la publication en ligne toutes les réunions avec les lobbyistes du tabac, ou leurs représentants juridiques, ainsi que les procès-verbaux de ces réunions.
La Commission européenne n’a pour le moment pas souhaité donner de suites à ces recommandations de la Médiatrice, rappelant que ces lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes. Vos rapporteures partagent toutefois pleinement l’avis de la Médiatrice européenne selon laquelle : « il n'est pas suffisant (…) de justifier le manque de proactivité sous le prétexte qu'elle satisfait aux exigences légales minimales requises. La santé publique exige les plus hauts standards. ».
Elles appellent donc la Commission européenne à appliquer dans tous ses services les mesures contenues dans cette directive.
En 2008 et en 2011, le Parlement européen a soutenu la démarche d’une « empreinte législative » annexée aux rapports parlementaires par les rapporteurs volontaires et listant les organisations rencontrées lors de la rédaction du rapport.
Cette possibilité n’est effective que depuis le 1er novembre dernier, suite à une décision du bureau du Parlement européen, défendue notamment par la Vice-présidente Sylvie Guillaume, auditionnée par les rapporteures.
Les députés européens, rapporteurs sur des dossiers législatifs et non législatifs, sont désormais invités à compléter un tableau qui sera joint aux rapports et avis.
Vos rapporteures souhaitent que cette empreinte législative devienne obligatoire à terme. Cette proposition a notamment été faite par M. Sven Giegold, auditionné par vos rapporteures, dans son rapport sur la transparence, la responsabilité et l'intégrité au sein des institutions européennes du 18 novembre 2015, mais n’a pas été retenue, de nombreux députés européens considérant qu’une telle mesure remettrait en cause leur droit d’exercer leur mandat librement, et pourrait conduire certaines de leurs « sources » à ne plus leur parler aussi librement.
DEUXIÈME PARTIE : REPENSER LES RÈGLES DÉONTOLOGIQUES APPLICABLES AUX RESPONSABLES PUBLICS DE L’UNION
Pour les fonctionnaires européens, le statut prévoit de nombreuses obligations en matière de déontologie.
Le statut prévoit explicitement que les fonctionnaires européens ne doivent gérer aucune affaire dans lequel ils ont, directement ou indirectement, un intérêt personnel, notamment familial ou financier, de nature à compromettre leur indépendance, et que, le cas échéant, des mesures de déport doivent être mises en place.
Comme en France, le cumul d’activité des fonctionnaires européens est strictement encadré (article 12 ter du statut). Un contrôle est également exercé sur les activités rémunérées des conjoints.
En ce qui concerne le « pantouflage », l’article 16 du statut dispose que « le fonctionnaire est tenu, après la cessation de ses fonctions, de respecter les devoirs d'honnêteté et de délicatesse », quant à l'acceptation de certaines fonctions ou de certains avantages.
En pratique, le fonctionnaire qui souhaite exercer une nouvelle activité professionnelle dans les deux années suivant la cessation de ses fonctions est tenu de le déclarer à son institution. Si cette activité a un lien avec l'activité exercée par l'intéressé durant les trois dernières années de service et risque d'être incompatible avec les intérêts légitimes de l'institution, le fonctionnaire peut se voir interdire l’exercice de cette nouvelle activité, ou imposer certaines conditions.
Enfin, depuis la révision du statut en 2013, chaque institution doit publier tous les ans des informations sur les cas examinés.
Par ailleurs, les anciens fonctionnaires ayant « pantouflé » n’ont plus le droit, pendant les douze mois suivant la cessation de leurs fonctions, d’entreprendre une activité de lobbying ou de défense d'intérêts vis-à-vis du personnel de leur ancienne institution sur des sujets qui relevaient de leur compétence pendant leurs trois dernières années de service.
L’article 245 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est le cadre de référence en ce qui concerne les règles déontologiques s’appliquant aux commissaires européens. Il stipule que les membres de la Commission :
- s'abstiennent de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions ;
- ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non ;
- prennent, lors de leur installation, l'engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d'honnêteté et de délicatesse quant à l'acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages.
En cas de violation de ces obligations, la Cour de justice, saisie par le Conseil, statuant à la majorité simple, ou par la Commission, peut, selon le cas, prononcer la démission d'office ou la déchéance du droit à pension de l'intéressé.
Le code de conduite des commissaires, créé en 1999 puis révisé en 2004 et en 2011, complète ces dispositions.
Il prévoit que lorsqu’ils envisagent d’exercer une activité professionnelle dans les dix-huit mois (période dite de « cooling off », de refroidissement) qui suivent la cessation de leurs fonctions, les anciens commissaires doivent en informer la Commission « en temps utile », pour autant que possible avec un préavis d’au moins quatre semaines. En cas de potentiel conflit d’intérêts, la Commission européenne doit saisir un comité d’éthique ad-hoc.
Le code de conduite des commissaires leur interdit également d’exercer toute activité professionnelle pendant leur mandat.
Les commissaires européens doivent également remplir des déclarations d’intérêts, qui sont rendues publiques, dans lesquelles ils renseignent les fonctions qu’ils ont exercé au cours des dix dernières années, leurs activités extérieures actuelles, leurs intérêts financiers (participations financières dans une entreprise notamment), leur patrimoine, les activités professionnelles de leurs conjoints.
L’examen de ces déclarations est conduit sous le contrôle du président de la Commission européenne.
En cas de potentiel conflit d’intérêts, le code de conduite prévoit un mécanisme de déport.
Il définit également des règles relatives à l’acceptation de cadeaux et d’invitations (réattribution de dossiers en cas de risque de conflits d’intérêts).
L’indépendance des parlementaires européens, consacrée par leur statut, leur interdit évidemment d’accepter toute gratification en l’échange d’une influence ou d’un vote.
Le code de conduite des députés au Parlement européen en matière d’intérêts financiers et de conflits d’intérêts dispose que dans le cadre de leur mandat, les parlementaires européens :
- ne passent aucun accord les conduisant à agir ou voter dans l'intérêt d'une personne physique ou morale tierce, qui pourrait compromettre leur liberté de vote ;
- ne sollicitent, ni n'acceptent ou ne reçoivent aucun avantage financier direct ou indirect, ou toute autre gratification, contre l'exercice d'une influence ou un vote, et veillent scrupuleusement à éviter toute situation susceptible de s'apparenter à de la corruption.
En revanche, contrairement aux commissaires européens, aucune incompatibilité professionnelle ne s’applique actuellement aux parlementaires européens, à l’exception des charges publiques énumérées par l’acte de 1976. (14)
Avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement du Parlement européen, une seule incompatibilité sera désormais prévue : les parlementaires européens n’auront plus la possibilité de s’engager à titre professionnel dans des activités de lobbying rémunérées auprès de l’Union européenne.
Cette limitation, plus que bienvenue, semble toutefois insuffisante à vos rapporteures.
Les incompatibilités professionnelles au Parlement français
En France, les députés ne peuvent pas cumuler leur mandat avec les fonctions de membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel ou du Conseil économique, social et environnemental, de magistrat et de membre du Conseil supérieur de la magistrature. De manière plus générale, l’exercice de fonctions publiques non électives est incompatible avec l’exercice du mandat parlementaire, mis à part certaines fonctions dans l’enseignement supérieur.
Est également interdit le cumul avec des fonctions de direction dans des entreprises nationales ou des établissements publics nationaux, c’est-à-dire des organismes dépendant étroitement de la puissance publique.
À compter de 2017, les députés se verront également interdire toute fonction de membre d’une autorité administrative indépendante, sauf s’ils y ont été désignés en leur qualité de député. Par ailleurs, seront incompatibles les fonctions de président d’une autorité administrative indépendante. La loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 précise également que seront désormais interdites toute rémunération, gratification ou indemnité perçue au titre d’une fonction exercée au sein d’une institution ou d’un organisme extérieur en qualité de parlementaire.
Le cumul est interdit avec l’exercice de fonctions de direction dans certaines sociétés ou entreprises privées bénéficiant de subventions ou d’avantages accordés par l’État ou les collectivités publiques en vertu d’une réglementation propre, celles ayant principalement un objet financier ou faisant publiquement appel à l’épargne, les sociétés dont l’activité consiste dans l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services destinés spécifiquement à ou devant faire l’objet d’une autorisation discrétionnaire de la part de l’État, d’une collectivité ou d’un établissement public, ainsi que les sociétés exerçant certaines activités immobilières à but lucratif.
Il est également interdit à un député, en cours de mandat, de commencer à exercer une activité de conseil, sauf s’il exerçait déjà une telle activité avant son élection. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable aux membres des professions libérales soumises à un statut réglementé, telles que la profession d’avocat.
Lorsqu’il exerce la profession d’avocat, le parlementaire a l’interdiction de plaider contre l’État, les sociétés nationales, les collectivités ou établissements publics ; cette interdiction s’applique à l’ensemble des membres du cabinet d’avocats dans lequel exerce le parlementaire.
Comme les commissaires européens, les parlementaires européens doivent remplir des déclarations d’intérêts. Ces déclarations d’intérêts comportent des informations sur :
- leurs activités professionnelles au cours des trois années ayant précédé leur entrée en fonction au Parlement européen ;
- les indemnités perçues dans le cadre d’un autre mandat parlementaire ;
- leurs activités régulières rémunérées ;
- leur participation à divers comités ou conseils d’administrations d’entreprises, d’ONG, d’associations et toute autre activité extérieure, rémunérée ou non ;
- leurs activités occasionnelles rémunérées, par exemple lorsqu’ils donnent des conférences, publient des ouvrages ou offrent leur expertise, si cette activité leur procure plus de 5000 euros par an ;
- toute participation à une entreprise, si un conflit d’intérêts est possible (« lorsque des répercussions sont possibles sur la politique publique, ou lorsque que cette participation confère au député une influence significative sur les affaires de l'organisme en question ») ;
- tout soutien financier, en personnel ou en matériel, fourni par des tiers.
La grille des revenus déclarés par les parlementaires européens actuellement, très critiquée par les ONG pour son imprécision, a été révisée lors de la dernière modification du règlement intérieur du Parlement le 13 décembre 2016. Les déclarations devront être modifiées en fonction six mois après l’entrée en vigueur du nouveau règlement intérieur, donc en juin 2017.
Pour vos rapporteures, cette grille reste toutefois insuffisamment précise en ce qui concerne les plus hauts revenus.
Ancienne grille |
Nouvelle grille |
pas de rémunération; |
pas de rémunération |
de 1 à 499 euros par mois | |
de 500 à 1 000 euros par mois; |
de 500 à 1000 euros par mois |
de 1 001 à 5 000 euros par mois; |
de 1001 à 5 000 euros par mois |
de 5 001 à 10 000 euros par mois; |
de 5001 à 10 000 euros par mois |
plus de 10 000 euros par mois. |
plus de 10 000 euros par mois, montant arrondi à la dizaine de milliers la plus proche |
Les membres français du Parlement européen sont en fait soumis à une double vérification de leurs intérêts et de leur patrimoine. En effet, la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique leur impose d’adresser à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonction. Ils doivent également transmettre une nouvelle déclaration de situation patrimoniale deux mois au plus tôt et un mois au plus tard avant l'expiration de leur mandat. En cas de manquement à cette obligation, la Haute Autorité en informe le président du Parlement européen.
Les députés européens doivent également déclarer les cadeaux reçus d’une valeur supérieure à 150 euros.
Enfin, le code de conduite prévoit que les anciens députés européens engagés dans des activités de lobbying ne peuvent pas bénéficier des facilités normalement accordées aux anciens députés.
1. La succession de scandales concernant des commissaires européens montre la faiblesse du code de conduite et du comité d’éthique
Au début du mois de juillet 2016, l’annonce de la nomination de l’ancien président de la Commission européenne comme conseiller et président non exécutif au sein de la banque d’affaires Goldman Sachs a suscité la polémique, mais également de nombreuses interrogations sur la pertinence des règles définies par le code de conduite des commissaires.
La Commission européenne avait alors jugé que cette nomination était conforme au code de conduite, puisque respectant le délai de dix-huit mois de « refroidissement », un porte-parole de la Commission européenne allant jusqu’à déclarer que « les anciens commissaires ont évidemment le droit de poursuivre leur carrière professionnelle ou politique (…) c’est légitime que des personnes dotées d’une grande expérience et de qualifications continuent à jouer des rôles de premier plan dans le secteur public ou privé ».
De très nombreuses voix se sont en revanche élevées pour dénoncer cette nomination, au vu du rôle majeur joué par Goldman Sachs dans la crise économique et financière qu’a dû gérer M. Barroso pendant son mandat de président de la Commission européenne.
Ainsi, le président de la République française a immédiatement condamné cette nomination, la jugeant « moralement inacceptable ».
Un collectif d’employés des institutions européennes, auditionné par vos rapporteures, a initié dès le début de cette polémique une pétition intitulée « Pas en notre nom », qui a dépassé les 153 000 signatures. Transparency International, WeMove.eu et ALTER-EU ont également lancé une pétition qui a récolté plus de 63 000 signatures.
Le 6 septembre, la Médiatrice européenne a écrit au président Juncker pour lui demander de saisir le comité d’éthique, considérant qu’ « il n’est pas suffisant de dire qu’aucune règle n’a été enfreinte, il faut considérer l'esprit et l'intention que sous-entend l'article en question du traité » et que les décisions du comité devraient être prises « plus convenablement, au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments particuliers d’une nomination ». Le président de la Commission européenne lui a répondu que, bien que la période de dix-huit mois prévue par le code de conduite se soit écoulée, au vu de la spécificité du cas de M. Barroso, le comité d’éthique serait saisi pour avis sur les termes du contrat de M. Barroso et les clarifications qui seraient apportées par celui-ci. Il a également précisé que M. Barroso ne serait plus reçu à la Commission comme un ancien président, mais bien comme un représentant d’intérêts.
Dans son avis rendu le 26 octobre 2016, le comité d’éthique souligne que le président Barroso a affirmé qu’il n’avait pas été engagé par Goldman Sachs pour exercer des activités de lobbying, et qu’il ne serait pas chargé, contrairement à ce qu’il avait affirmé précédemment, des questions liées au Brexit.
Le comité d’éthique a jugé la décision de M. Barroso peu judicieuse et causant un préjudice réputationnel à la Commission européenne et même à l’Union européenne, mais a choisi de s’en tenir à une interprétation strictement juridique, considérant qu’il n’y avait pas eu de violation du code de conduite.
Malheureusement, le comité d’éthique a fondé son avis sur la seule lecture de trois documents déjà publics (la lettre de la Médiatrice au président Juncker, la réponse de celui-ci et la lettre de M. Barroso au président Juncker détaillant son rôle chez Goldman Sachs), sans mener d’enquête complémentaire.
Vos rapporteures estiment que, dans le cas – qui semble très probable - où la Commission européenne décidait de ne pas saisir la Cour de Justice du cas de M. Barroso, le Conseil lui-même devrait la saisir.
Avant l’affaire Barroso, la Médiatrice avait déjà signalé le cas problématique du pantouflage d’un commissaire, traité de manière anonyme. En effet, elle a été alertée au mois de mai 2013 de la position rémunérée occupée par un ancien commissaire, sans que la Commission européenne en ait été informée. À la suite d’échanges avec la Médiatrice et avec l’ancien commissaire concerné, la Commission européenne a demandé l’avis du comité d’éthique, qui a constaté que le contrat de l’ancien commissaire n’offrait pas de garanties suffisantes. Contactés par la Commission européenne, l’ancien commissaire ainsi que l’entreprise l’ayant embauché ont souligné que son contrat lui offrait des possibilités de déport : la Commission européenne a donc considéré que bien que l’ancien commissaire aurait dû informer la Commission de son nouvel emploi, son contrat était compatible avec les traités.
La Médiatrice, insatisfaite de la réponse de la Commission européenne, a décidé de mener une enquête de sa propre initiative. Au terme de cette enquête, elle a considéré la Commission Barroso responsable de mauvaise administration, tant pour le fond de sa décision rétrospective que pour la légèreté avec laquelle elle a traité l’absence de notification d’un nouvel emploi, pourtant imposée par le code de conduite.
L’ancienne commissaire Neelie Kroes, membre du collège de 2004 à 2014 et chargée du numérique de 2009 à 2014, est désormais membre du conseil de la politique publique d’Uber. Par ailleurs, en septembre dernier, une enquête journalistique intitulée « Bahamas Leaks » a révélé que Mme Kroes a dirigé de 2000 à 2009 d’une société offshore aux Bahamas, dont elle n’avait pas fait mention dans ses déclarations d’intérêts. Même si elle n’a pas fait l’objet d’une rémunération, cette activité est évidemment contraire aux règles du code de conduite. Toutefois, la Commission européenne a décidé de ne pas poursuivre Mme Kroes sur ce point, cette dernière affirmant qu’elle n’était pas au courant qu’elle occupait toujours ce poste.
En revanche, la Commission européenne, dans une décision du 21 décembre 2016, a infligé un blâme à l’ancienne commissaire, pour avoir touché des revenus professionnels en 2015 alors qu’elle bénéficiait à cette époque d’une « indemnité de transition », en violation du règlement 422/67 du Conseil portant fixation du régime pécuniaire du président et des membres de la Commission. Aucune autre sanction n’a été prise : Mme Kroes ayant déjà remboursé toutes les indemnités perçues indûment ; la Commission européenne a considéré qu’elle ne disposait pas d’éléments suffisants et de fondements juridiques pour saisir la Cour de Justice de l’Union et lui demander de prononcer une sanction financière.
Enfin, d’autres cas de pantouflages d’anciens commissaires pourraient se révéler problématiques (neuf cas selon l’ONG Corporate Europe Observatory), notamment celui de M. Karel de Gucht, ancien commissaire au commerce, qui siège notamment au conseil d’Arcelor Mittal. Systématiquement, la Commission européenne, qui est régulièrement appelée à se prononcer sur ces questions, a considéré, après avis du comité d’éthique, que ces pantouflages ne posaient pas de problème, à condition que les anciens commissaires s’abstiennent de faire du lobbying auprès des institutions européennes.
Après l’avoir annoncé dans le quotidien belge Le Soir, le président Juncker a informé le président Martin Schultz le 23 novembre 2016 de sa volonté de renforcer le code de conduite des commissaires, en étendant la période de « refroidissement », qui est actuellement de dix-huit mois, à deux ans pour les anciens commissaires et à trois ans pour les anciens présidents de la Commission européenne.
Vos rapporteures considèrent que cette proposition apporte un changement seulement cosmétique, et ne répond pas aux vrais problèmes mis en lumière par ces différents scandales.
C. UN RISQUE DE CONFLITS D’INTÉRÊTS PARTICULIÈREMENT PRÉGNANT DANS LES DOMAINES OÙ L’EXPERTISE SCIENTIFIQUE PRIME
Dans certains secteurs, les institutions européennes n’ont pas l’expertise nécessaire en interne pour mener à bien leurs tâches de régulation, et doivent faire appel à des experts extérieurs. Or, beaucoup de ces experts sont majoritairement issus de l’industrie ou effectuent parallèlement des travaux de recherche pour des entreprises privées et sont donc plus exposés au risque de conflit d’intérêts.
Environ 800 « groupes d’experts » conseillent actuellement la Commission européenne dans la plupart de ses domaines d’actions. En moyenne, 70% des participants à ces groupes d’experts sont issus des administrations des Etats membres, mais 22 % représentent des organisations, et 8% sont désignés à titre individuel. Ces groupes d’experts sont consultés dans le cadre de l’élaboration de nouvelles propositions législatives ou d’actes délégués et d’actes d’exécution (ancienne « comitologie ») mais également pour le suivi de certaines mesures ou de certains programmes, ou pour la mise en place de nouvelles orientations.
L’ONG Alter-EU a dénoncé, à de multiples reprises, l’opacité de ces groupes d’experts mais aussi la prédominance des acteurs économiques au sein de ceux-ci.
b. À la suite de recommandations de la Médiatrice européenne, la Commission européenne a mis en place de nouvelles règles
En janvier 2015, à la suite d’une enquête ouverte à sa propre initiative en mai 2014, la Médiatrice a publié une série de recommandations pour rendre ces groupes plus équilibrés et plus transparents.
Parmi ces recommandations, elle demandait notamment à la Commission européenne :
- de publier des appels à candidature pour tous les groupes d’experts, et de créer un portail en ligne unique pour ces appels ;
- de n’autoriser les organisations et personnes qui relèvent du champ du registre de transparence à participer à des groupes d’experts que si elles sont enregistrées ;
- d’utiliser la même classification des membres que celle utilisée par le registre de transparence ;
- de publier les CV détaillés des experts nommés à titre individuel ;
- de publier des comptes-rendus détaillés des réunions des groupes d’experts.
En mai 2016, la Commission européenne a appliqué une partie de ces recommandations. (15)
Désormais, les services de la Commission ont l'obligation de sélectionner tous les membres de groupes d’experts – à l’exception de ceux qui représentent des États membres, des pays tiers et des organismes internationaux ou de l'Union – au moyen d'appels publics à candidatures.
Ces appels à candidatures devront être publiés dans le registre des groupes d’experts et devront indiquer clairement les critères de sélection, y compris l’expertise requise et les groupes d’intérêts ciblés.
Cette décision prévoit que « les services de la Commission visent à garantir, autant que possible, un haut niveau d’expertise, un équilibre géographique ainsi qu’une juste répartition de l’expertise et des domaines d’intérêts, compte tenu des tâches spécifiques du groupe d’experts, du type d’expertise requis et des réponses reçues aux appels à candidatures ». Cette décision ne va toutefois pas assez loin, et des mesures plus contraignantes pourraient être prises pour garantir l’équilibre entre les intérêts économiques et les autres intérêts défendus dans les groupes d’experts.
Seuls les représentants d’intérêts inscrits au registre de transparence pourront postuler à ces groupes d’experts : c’est une avancée positive.
La Médiatrice européenne est actuellement en train de conduire une évaluation de ces nouvelles règles et de la manière dont elles sont appliquées.
Le risque de conflits d’intérêts s’est avéré particulièrement élevé dans certaines agences de l’Union chargées de tâches de régulation.
C’est notamment le cas de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Ainsi, le 10 mai 2012, le Parlement européen a adopté une décision visant à ajourner la décharge budgétaire à octroyer à l’EFSA pour l’exécution de son budget pour l’exercice 2010, principalement pour des raisons de mauvaise gestion des conflits d’intérêts. Le Parlement avait en effet constaté « qu'en septembre 2010, la présidente du conseil d'administration de l’Autorité aurait entretenu des liens directs avec l'industrie alimentaire et aurait été l'un des membres du conseil de direction de l'Institut international des sciences de la vie ». Dans la même décision, le Parlement européen avait également indiqué qu’en mars 2010 une organisation non gouvernementale allemande s’était adressée au Médiateur européen car, selon elle, l’EFSA n’aurait pas géré correctement le « pantouflage » du chef de son unité dédiée aux organismes génétiquement modifiés, engagé par une entreprise spécialisée dans les biotechnologies. Le Médiateur avait conclu que « l'Autorité n'avait pas procédé à une évaluation minutieuse du conflit d'intérêts potentiel présumé » et avait appelé l'Autorité à « améliorer la façon dont elle appliquait ses règles et procédures dans de futurs cas de « pantouflage » ».
À la suite de ces critiques, le Parlement européen a invité la Cour des comptes européenne à « entreprendre une analyse globale des approches adoptées par les agences pour gérer les situations de conflits d’intérêts potentiels ». Après avoir réalisé un audit des politiques et des procédures de gestion des situations de conflit d’intérêts dans quatre agences : l’Agence européenne de la sécurité aérienne, l’Agence européenne des produits chimiques, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’Agence européenne des médicaments, la Cour des comptes européenne a estimé dans son rapport publié le 11 octobre 2012 qu’« aucune des agences auditées ne gérait les situations de conflit d’intérêts de manière appropriée ».
Le 17 avril 2013, le Parlement a voté la décharge budgétaire de l’EFSA pour l’exercice 2011, tout en soulignant que l’Autorité ne gérait toujours pas correctement les situations de conflits d'intérêts, même si des mesures avaient été prises en la matière, et que l'Autorité avait notamment été critiquée pour son manque de transparence en ce qui concerne la publication des déclarations d'intérêts annuelles et l'absence de formation de son personnel en la matière.
Une enquête a par ailleurs été ouverte par la Médiatrice européenne le 29 août 2016 - suite à une plainte - sur d’éventuels conflits d’intérêts dans l’adoption par l’EFSA de son approche sur le « seuil de préoccupation toxicologique ».
Dans le cadre du présent rapport, la présidente de notre commission a écrit aux quatre agences précédemment mises en cause pour s’enquérir des mesures mises en place pour mieux encadrer les conflits d’intérêts.
Dans toutes les agences interrogées, des mesures ont été mises en place, et en particulier la vérification des intérêts du personnel de l’agence au moment du recrutement, l’encadrement du pantouflage, la mise en place d’actions de sensibilisations et de formations, la publication et la vérification des déclarations d’intérêts des experts extérieurs (cf. annexe n° 2).
Toutefois, les rapporteures considèrent qu’il est encore possible d’aller plus loin, en limitant le plus possible les liens d’intérêts entre les experts de l’agence et les secteurs économiques concernés, tout en ayant recours régulièrement à l’audition de panels d’experts extérieurs.
Elles appellent surtout à renforcer les moyens donnés à la recherche publique dans ces secteurs particulièrement vulnérables, seul moyen efficace pour limiter la confusion entre expertise industrielle et activité de régulation.
Pour répondre aux inquiétudes - légitimes - des citoyens européens, il ne suffira pas de répondre au coup par coup à chaque scandale. L’Union doit se doter d’un cadre global et cohérent de déontologie.
Ces nouvelles règles devraient permettre :
- de prévenir les « conflits d’intérêts potentiels » - situation dans laquelle, selon l’OCDE, compte tenu des intérêts privés de la personne dépositaire de la puissance publique, l’exercice de telle ou telle fonction placerait celle-ci en situation de conflit d’intérêts ;
- de prévenir les conflits d’intérêts « apparents » - lorsque les intérêts privés de l’agent sont susceptibles d’être regardés comme étant de nature à influencer indûment sa manière de servir ;
- de sanctionner les conflits réels.
Ce cadre devrait être guidé par la recherche de proportionnalité et d’atteinte d’un juste équilibre, afin de garantir notamment la liberté des parlementaires européens dans l’exercice de leur mandat, mais également le droit à la vie privée. Enfin, les rapporteures tiennent à rappeler que les règles ne seront jamais suffisantes pour empêcher totalement les conflits d’intérêts : il s’agit avant tout d’une question d’éthique personnelle et de culture politique.
La révision du code de conduite proposée par la Commission européenne se doit d’être plus ambitieuse.
Tout d’abord, pourquoi étendre la période de « refroidissement » à deux ans pour les commissaires et trois ans pour les anciens présidents de la Commission européenne ?
Pour mémoire, la Commission européenne fonctionne sur le principe de collégialité : toutes les décisions de la Commission sont prises en commun par l’ensemble des commissaires, qui en sont collectivement responsables, et le président ne dispose que d’une seule voix au même titre que ses collègues au sein de ce collège.
Vos rapporteures proposent à d’étendre cette durée à trois ans pour tous les commissaires.
Mais avant tout, le code de conduite doit être rendu plus clair et plus explicite : les devoirs « d’honnêteté et de délicatesse » consacrés par le traité quant à l’acceptation de certaines fonctions ou de certains avantages, ne cessent pas de s’appliquer à la fin de la période de « refroidissement », qui concerne seulement l’obligation de notification à la Commission européenne de ces nouvelles fonctions.
Le code de conduite devrait également prévoir une série de sanctions administratives. Des sanctions devraient impérativement être prévues en cas d’absence de notification par un ancien commissaire de son embauche dans une nouvelle structure au cours de la période de refroidissement, ou d’omissions majeures dans la déclaration d’intérêts.
Un mécanisme de déport pourrait utilement être prévu dans le code de conduite : pour le moment, le code de conduite prévoit uniquement la réattribution de dossiers entre membres de la Commission en cas de risque de conflit d'intérêts, mais pas d’obligation d’abstention au cours des délibérations du collège.
La publication des avis du comité d’éthique pourrait également être envisagée.
Les déclarations des commissaires européens doivent être mieux exploitées.
Actuellement le règlement intérieur du Parlement européen (annexe XVI) prévoit déjà que lors de la procédure d’approbation du collège, le Parlement européen doit recevoir les déclarations d’intérêts de tous les commissaires désignés, qui sont transmis pour examen à la commission des affaires juridiques.
Dans la pratique, l’utilisation de ces déclarations d’intérêts pourrait encore être renforcée, notamment en prévoyant dans le code de conduite un délai précis pour la soumission de la déclaration avant l’audition des commissaires désignés par le Parlement.
C’est dans ce sens que s’inscrit la résolution adoptée par le Parlement européen le 1er décembre 2016 sur les déclarations d’intérêts des membres de la Commission, sur le rapport de M. Pascal Durand (16). Cette résolution propose que dans le cas où la Commission constate un conflit d’intérêts, elle puisse élaborer des recommandations pour y mettre un terme, notamment la modification du portefeuille du commissaire désigné, ou conclure à l’incapacité du commissaire désigné à exercer ses fonctions. Toute modification des intérêts financiers d’un commissaire ou toute redistribution des portefeuilles devrait conduire à un réexamen par la commission des affaires juridiques.
En ce qui concerne les déclarations d’intérêts des parlementaires européens, celles-ci sont aujourd’hui insuffisamment précises et fiables.
Un contrôle est déjà exercé sur ces déclarations, mais ce contrôle se limite à l’erreur manifeste. Le service administratif compétent au sein du Parlement européen (en l'occurrence, l'Unité « Administration des députés » au sein de la DG Présidence) procède, au nom du Président, à un contrôle général de vraisemblance des déclarations, lorsqu'il existe une raison de penser qu'une déclaration comporte manifestement des informations erronées, désinvoltes, illisibles ou incompréhensibles.
Comme l’ont souligné les ONG auditionnées par vos rapporteures, parmi les fonctions indiquées par les députés, certaines sont très vagues («consultant », « avocat » et « profession libre ») et le nom des clients ou même le domaine dans laquelle le député a une activité annexe n’est en général pas précisé.
Surtout, malgré les améliorations apportées dans le nouveau règlement du Parlement européen (cf. supra), les revenus déclarés restent insuffisamment précis pour les plus gros revenus annexes (à la dizaine de milliers d’euros près pour les revenus mensuels supérieurs à 10 000 euros par mois) : les revenus exacts perçus par les parlementaires devraient être déclarés.
La vérification et l’actualisation de ces déclarations doivent également être améliorées.
Enfin, ces déclarations sont publiques, mais encore insuffisamment exploitables : elles pourraient être plus standardisées, et traduites en français et en anglais.
La dernière révision du règlement intérieur du Parlement européen a permis une avancée supplémentaire en interdisant aux parlementaires européens de s’engager à titre professionnel dans des activités de lobbying rémunérées auprès de l’Union européenne. Cette avancée semble toutefois insuffisante.
Selon les interlocuteurs auditionnés par vos rapporteures, environ cent-soixante-dix députés au Parlement européen occupent aujourd’hui des fonctions rémunérées parallèlement à leur mandat.
Dans un rapport présenté en novembre 2015 à la commission des affaires constitutionnelles (17), M. Sven Giegold, auditionné par vos rapporteures, préconisait de reformuler le code de conduite des députés dans le sens d'un interdiction claire faite à ceux-ci d'occuper un emploi ou d'exercer toute autre activité rémunérée susceptible de déboucher sur un conflit d'intérêts, et demandait à ce que le traitement versé aux députés par le Parlement soit réduit à raison de la moitié du salaire qu'ils perçoivent au titre de toute activité extérieure exercée parallèlement à leur mandat de député au Parlement européen.
Sans forcément aller aussi loin, il semble nécessaire de mener une réflexion de fond sur le régime des incompatibilités professionnelles au Parlement européen.
Le statut des fonctionnaires européens offre déjà un cadre très satisfaisant pour prévenir les conflits d’intérêts.
Toutefois, dans la pratique, certaines améliorations pourraient encore être apportées. Ainsi, la Commission européenne pourrait publier en ligne, a minima une fois par an, des informations sur les fonctionnaires ayant « pantouflé », leurs nouvelles fonctions et son évaluation quant à un potentiel conflit d’intérêts. (18)
Par ailleurs, vos rapporteures tiennent à souligner l’impact que peut avoir le recours accru à la contractualisation dans la fonction publique européenne sur la multiplication des situations de pantouflage et le risque induit de conflits d’intérêts.
Les comités d’éthique de la Commission européenne et du Parlement européen sont aujourd’hui trop faibles, et insuffisamment indépendants.
Le comité d’éthique de la Commission européenne est composé de trois membres, sélectionnés pour leurs compétences professionnelles, nommés par la Commission européenne – sur proposition de son président - pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. Aujourd’hui, il est composé d’un juge de la CJUE, d’une ancienne députée européenne et d’un ancien directeur général de la Commission européenne.
Le mode de nomination de ces membres de même que leur parcours (en tant qu’ancien directeur général, l’un des trois membres actuels a été sous l’autorité directe d’un commissaire européen dont il pourrait être amené à juger la situation) n’offre pas de garanties suffisantes quant à leur indépendance. Pour reprendre les mots de M. Alberto Alemanno, professeur de droit à HEC, les membres actuels du comité « sont tous irréprochables, mais ils ont tous eu, d'une manière ou d'une autre, affaire avec M. Barroso à un moment ou à un autre de leur carrière ».
Par ailleurs, la Commission européenne a pu faire preuve par le passé de négligence quant à la situation de ces membres eux-mêmes en matière de déontologie : ainsi, en 2013, la Médiatrice européenne a dû demander à la Commission européenne de remplacer le président du comité d’éthique, qui travaillait parallèlement comme avocat représentant les intérêts de clients du secteur privé – et notamment de Philip Morris - auprès la Commission européenne.
Le comité consultatif sur la conduite des députés est quant à lui composé de cinq parlementaires nommés par le président du Parlement, en fonction de leur expérience et dans un souci de respect de l'équilibre politique entre les groupes politiques du Parlement.
Le comité peut être saisi par tout député souhaitant des orientations sur l'interprétation et l'application concrète des dispositions du code de conduite. En cas d’allégation d’infractions, seul le président du Parlement a le pouvoir de le saisir. Dans ce cas, son seul pouvoir est de formuler une recommandation au Président quant à une éventuelle décision.
Depuis l’entrée en vigueur du code de conduite en 2013, sur douze infractions constatées, aucune sanction n’a été prise.
L’Union européenne doit se doter d’une Autorité indépendante chargée de la prévention des conflits d’intérêts, qui remplacerait les comités d’éthiques consultatifs de la Commission européenne et du Parlement européen. À terme, cette Autorité, si elle était dotée de moyens humains conséquents, pourrait également reprendre les fonctions du secrétariat du registre de transparence.
Cette autorité aurait principalement un rôle de conseil en matière de déontologie et de vérification approfondie des déclarations d’intérêts. Elle devra également être dotée de pouvoirs d’enquête et de sanctions administratives. En cas de violation grave des règles de déontologie prévue par les traités, elle devrait pouvoir demander à la Commission européenne ou au Conseil de saisir la Cour de Justice.
En revanche, comme l’a souligné la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, auditionnée par vos rapporteures, le pouvoir d’enquête de cette Haute autorité européenne serait limité par rapport à ses homologues au niveau national, puisqu’elle ne pourrait pas accéder directement aux informations détenues par l’administration fiscale.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en France
Créée par les lois n°2013-906 et n°2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est une autorité administrative indépendante chargée de promouvoir la probité des responsables publics. À ce titre, elle reçoit et contrôle les déclarations de patrimoine et d’intérêts des 8 000 plus hauts responsables publics.
La HATVP peut se saisir des situations de conflit d’intérêts et éventuellement prononcer une injonction d’y mettre fin. Elle peut également être consultée par les élus sur des questions de déontologie relatives à l’exercice de leur fonction et émettre des recommandations à la demande du Premier ministre ou de sa propre initiative sur toute question relative à la prévention des conflits d’intérêts.
Outre son président, le collège de la Haute Autorité comprend deux membres élus par l’assemblée générale du Conseil d’État, deux membres élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, deux membres élus par la chambre du conseil de la Cour des comptes et deux membres nommés respectivement par les présidents des assemblées parlementaires.
La création de cette autorité ne passe pas forcément par la création d’une nouvelle institution : ce rôle pourrait être endossé par le Médiateur européen, qui exerce déjà des fonctions similaires.
Renforcer la lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption conduit nécessairement à se poser la question de la protection des lanceurs d’alerte. Des dispositifs « d’alerte éthique » doivent être mis en place dans les administrations publiques pour : définir les procédures graduées et sécurisées mises à la disposition des lanceurs d’alerte pour émettre un signalement ; préciser les modalités de traitement de ces alertes, et surtout protéger les lanceurs d’alerte contre tout risque de représailles.
Le statut prévoit déjà que le fonctionnaire européen qui, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, a connaissance de faits :
- qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle, notamment une fraude ou une corruption, préjudiciable aux intérêts de l'Union ou une conduite en rapport avec l'exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires de l'Union ;
- commis par un membre d'une institution, toute autre personne au service d'une institution ou tout prestataire de services agissant pour le compte d'une institution ;
- doit en informer immédiatement son supérieur hiérarchique direct ou son directeur général ou même s'il le juge utile, le secrétaire général ou l'Office européen de lutte antifraude.
Si, après le délai nécessaire au traitement de cette information, l’institution n’a pas réagi, le fonctionnaire peut communiquer cette information au président de la Commission, au président de la Cour des comptes, au président du Conseil, au président du Parlement européen ou au Médiateur européen sans subir aucun préjudice de son institution.
Depuis le 1er janvier 2014, les institutions de l'Union européenne doivent toutes avoir introduit des règles et processus internes protégeant leurs fonctionnaires lanceurs d'alerte.
La Commission s’est réunie le 18 janvier 2017, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
« M. Christophe Prémat. Merci, Madame la présidente, de m’accueillir dans votre commission. À défaut de voter, je pourrai ainsi vous faire part de mes commentaires. Ce rapport arrive à un moment très important, et permet de conclure les travaux qui ont été réalisés au cours de cette législature à l’Assemblée nationale sur les questions de transparence, et notamment de transparence financière.
Je me réjouis que vous reveniez sur la question de la définition du lobbying, car c’est un sujet assez complexe. On pense tout de suite au lobbying des entreprises, des grandes entreprises, mais ce n’est pas si simple : les entreprises transnationales évoluent beaucoup, et ne fonctionnent plus forcément avec des bureaux centralisés, certaines qui externalisent d’ailleurs leurs relations publiques, ce qui complique, pour les législateurs, le contact avec ces lobbyistes.
Il y a aussi le lobbying d'Etat : on peut parler des négociateurs, des sherpas mais aussi des gens qui travaillent autour. C'est assez important, dans certaines décisions.
Enfin, vous avez beaucoup parlé de Bruxelles comme capitale du lobbying, il ne faut pas oublier qu'il y a aussi Luxembourg, où il y a la Cour de Justice de l’Union et beaucoup de fonctionnaires européens. Le lobbying n'est pas qu'auprès de la Commission, mais aussi auprès de la Cour de Justice, car certains arrêts ont une importance considérable pour les entreprises.
Enfin, je souhaitais revenir sur votre proposition de créer une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique européenne, c’est-à-dire de transposer à l’échelle européenne ce que l’on a fait en France.
Je suis un peu sceptique par rapport à cette proposition, non pas dans l'idée, le rapport et la résolution sont excellents, ce n'est pas le problème mais c'est plutôt dans la mise en œuvre. Est-ce vraiment souhaitable d’avoir un « super juge » ou un « super déontologue » européen? Est-ce que dans le profil actuel du lobbying, on ne pourrait pas avoir davantage des coordinations, des dynamiques en termes de partage d'informations. Est-ce qu’il ne faudrait pas plutôt privilégier la coordination et le partage d’information ? Le Parlement européen a également un rôle à jouer, notamment dans le processus de nomination, et en particulier pour la nomination des commissaires européens.
N’oublions pas non plus que le lobbying a également souvent lieu au niveau des États au moment de la transposition : je pense notamment à ce qui s’est passé sur les perturbateurs endocriniens.
Enfin, n’oublions pas la diversité des formes que peut prendre le lobbying : il n’y a pas que les réunions, cela peut être aussi des contacts téléphoniques, de contacts avec les secrétariats ou les assistants parlementaires…Le registre est très important mais il faut appréhender ces diverses modalités d'entrée en contact avec les fonctionnaires européens et le Parlement européen.
La présidente Danielle Auroi, co-rapporteure. En effet, sur la définition du lobbying et sur le fait qu'il y existe un lobbying d'État, je partage votre analyse, et c'est pour ça que nous avons demandé en particulier à la Représentation française d'être exemplaire dans ce domaine-là.
Sur la logique de la Haute Autorité, si nous avons proposé cela, c'est parce que ce modèle français nous a justement été demandé par pratiquement tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés au cours de notre mission ! Ce qui est important, c’est d’avoir une autorité vraiment indépendante et avec des moyens dédiés.
Il faudra également voir comment intégrer cette logique avec le Médiateur européen qui existe déjà, pour être le plus efficace.
Évidemment, le lobbying se fait énormément autour de dîners, déjeuners et autres agapes et cela, il n'y a pas de règles qui puissent vraiment l’empêcher. C'est vrai à Bruxelles, c'est vrai à Paris, c'est vrai à Londres, c'est vrai à Berlin...
Mme Nathalie Chabanne, co-rapporteure. Sur Luxembourg, nous ne voulons absolument pas stigmatiser Bruxelles en disant que Bruxelles est une plaque tournante du lobbying ! Mais c'est vrai qu'à Bruxelles, il y a énormément de lobbyistes qui sont identifiés. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de lobbying auprès des institutions européennes à Luxembourg. Mais le gros du lobbying a quand même lieu à Bruxelles auprès de la Commission et auprès du Parlement européen.
Et puis si l'on arrive à rendre vertueuses les relations entre les lobbyistes et les membres de la Commission ou les membres du Parlement, il y aura un effet d’entrainement.
La présidente Danielle Auroi, co-rapporteure. En effet, il ne faut pas stigmatiser Bruxelles, et les Etats membres devraient également s’inspirer des progrès qu’essaient de faire les institutions européennes en la matière…Mon expérience à la fois française et européenne dans le travail que nous avons fait sur la responsabilité sociale des entreprises par rapport à leurs filiales et par rapport à leurs sous-traitants m’a montré que le lobbying ici est également très présent.
Mme Chantal Guittet. Votre rapport tient-il compte des réformes les plus récentes en matière de transparence initiées par les institutions européennes ? J’ai vu que les ONG expliquaient notamment que les déclarations d’intérêts des parlementaires européens sont très peu détaillées, et indiquent par exemple « consultant », mais on ne sait pas pour qui et sur quoi… Dans ces conditions, pour une Haute Autorité, il est très difficile de juger s’il y a conflit d’intérêts ou pas, c’est toujours très compliqué à interpréter.
Je ne sais pas si cette question peut rentrer dans le cadre de cette résolution mais ça serait peut-être bien que l’on puisse demander, de même que certains d’entre nous le réclament en France, que des parlementaires condamnés pour manque de probité soient inéligibles.
La présidente Danielle Auroi, co-rapporteure. Oui, nous examinons de près ces réformes dans le rapport. Nous nous sommes d’ailleurs beaucoup appuyées sur ce qui est en train de progresser, pour dire que cela pourrait aller plus loin mais aussi pour reconnaître que les choses commencent à bouger. On aimerait bien que cela bouge aussi, de la même façon, dans pas mal d’États.
Lors de nos auditions, nous avons eu l’impression que le Parlement européen était prêt à demander à la Commission européenne de faire beaucoup d’efforts mais que le Conseil préfèrerait conserver son opacité et que les eurodéputés ne voulaient surtout pas que l’on touche trop aux dispositions les concernant.
Un parlementaire européen – du groupe Vert - a fait des propositions de réforme extrêmement exigeantes, notamment sur les incompatibilités, qui n’ont pas été retenues. Mais n’oublions pas que c’est un petit peu la même chose chez nous, où certains parlementaires sont consultants ou avocats d’affaire.
Pour revenir sur le lobbying indirect: nous insistons également sur la nécessité d’inclure les collaborateurs parlementaires dans le champ du registre.
Mme Nathalie Chabanne, co-rapporteure. En ce qui concerne les obligations des parlementaires européens, il y a des progrès, notamment pour la déclaration d’intérêts, qui sera désormais un petit peu plus fine pour les plus hauts revenus, même si cela reste quand même très grossier. La Haute Autorité permettrait également d’améliorer la qualité et la précision des déclarations, en jouant un rôle de conseil auprès des déclarants, à condition toutefois qu’elle dispose de moyens humains suffisants.
Sur la question de l’inégibilité, cela relève des dispositions nationales.
La présidente Danielle Auroi, co-rapporteure. Deux noms de parlementaires, dont une française, ont souvent été cités lors de nos auditions.
Merci en tout cas pour vos remarques qui enrichissent le débat. »
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 11, 245 et 298 du traité sur l’Union européenne,
Vu la résolution européenne du 3 janvier 2016 sur l’accord interinstitutionnel « mieux légiférer »,
Vu la proposition d'accord interinstitutionnel sur un registre de transparence obligatoire (COM [2016] 627 final/ n°E 11532),
Vu l’accord entre le Parlement européen et la Commission européenne du 23 juin 2011 sur l'établissement d'un registre de transparence pour les organisations et les personnes agissant en qualité d'indépendants qui participent à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l'Union européenne,
Vu la décision du Parlement européen du 13 décembre 2016 sur la révision générale du règlement du Parlement,
Vu le code de conduite des commissaires (C [2011] 904),
Considérant que lutter efficacement et visiblement contre les conflits d’intérêts est primordial pour restaurer la confiance des citoyens dans l’Union européenne ;
Considérant que la transparence des institutions européennes, si elle est fondamentale, ne peut pas se substituer à la mise en place d’un cadre juridique global visant à prévenir les conflits d’intérêts ;
I. Sur l’encadrement des relations entre les institutions européennes et les représentants d’intérêts
1. Accueille favorablement la présentation par la Commission européenne d’une proposition d’accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne pour un registre de transparence obligatoire pour les représentants d’intérêts ;
2. Se félicite de l’extension proposée du registre de transparence au Conseil de l’Union européenne ; note que l’application aux représentations permanentes des États membres resterait en revanche facultative ; considère que le gouvernement français enverrait un signal très positif si sa représentation permanente auprès de l’Union européenne appliquait de manière volontaire cet accord après son adoption ;
3. Considère que la définition des activités relevant de l’accord retenue dans cette nouvelle proposition constitue un important recul par rapport à l’accord interinstitutionnel de 2011 ; souhaite que cette définition inclue toutes les activités ayant pour but d’influer directement ou indirectement sur l’élaboration ou la mise en œuvre des politiques européennes ;
4. Souhaite que l’inscription au registre soit obligatoire pour participer à des réunions avec des fonctionnaires européens à tous les niveaux, ainsi qu’avec les collaborateurs des parlementaires européens ;
5. Souhaite qu’une obligation annuelle d’actualisation des données soit introduite dans l’accord ;
6. Rappelle que pour que le registre de transparence soit efficace et crédible, le secrétariat du registre devra disposer de moyens matériels et humains suffisants ;
7. Souhaite que la Commission européenne applique toutes les mesures préconisées par la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la Santé pour la lutte antitabac dans ses interactions entre ses services et l’industrie du tabac ;
8. Se félicite que les députés européens le souhaitant puissent désormais annexer à leurs rapports parlementaires la liste des organisations rencontrées dans ce cadre ;
II. Sur les règles déontologiques applicables aux responsables publics de l’Union européenne
9. Estime que la période pendant laquelle les anciens membres de la Commission européenne doivent obligatoirement avertir la Commission européenne qu’ils envisagent d’exercer une activité professionnelle doit être étendue à trois ans après la cessation de leur conduite ;
10. Juge que le code de conduite des membres de la Commission européenne devrait être rendu plus explicite et rappeler que leurs devoirs « d’honnêteté et de délicatesse » quant à l’acceptation de certaines fonctions ou de certains avantages après la cessation de leurs fonctions ne s’arrêtent pas à la fin de cette période ; souhaite que le code de conduite prévoit des sanctions administratives en cas de violation de ses règles ; recommande que le code de conduite prévoit une obligation d’abstention au cours des délibérations du collège en cas de conflits d’intérêts et un calendrier précis pour la soumission de la déclaration avant l’audition des commissaires désignés par le Parlement européen ;
11. Invite le Conseil et la Commission européenne à saisir la Cour de Justice de l’Union au sujet de l’acceptation par l’ancien président de la Commission européenne de nouvelles fonctions qui pourraient s’avérer incompatibles avec les devoirs d’honnêteté et de délicatesse exigés par les traités dans cette situation ;
12. Se félicite que le règlement intérieur du Parlement européen interdise désormais à ses membres de s’engager à titre professionnel dans des activités rémunérées de représentants d’intérêts auprès de l’Union européenne ; souhaite qu’une réflexion plus large soit menée sur le régime des incompatibilités professionnelles applicables aux parlementaires européens ;
13. Souhaite qu’un organe indépendant, doté de pouvoirs d’enquête et de sanction, soit chargé de la prévention des conflits d’intérêts dans l’Union européenne, et exerce, entre autres, les fonctions actuellement dévolues aux comités d’éthique internes de la Commission européenne et du Parlement européen ;
14. Rappelle que le statut des fonctionnaires européens prévoit que les institutions de l'Union européenne doivent toutes introduire des règles internes relatives au traitement des alertes éthiques ; souhaite que toutes les institutions adoptent des règles les plus protectrices possibles des lanceurs d’alerte.
MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION
On the prevention of conflicts of interest in the European Union
The National Assembly,
In the light of Article 88-4 of the Constitution,
In the light of Articles 11, 245 and 298 of the Treaty on European Union,
In the light of the European resolution of 3 January 2016 on the interinstitutional agreement 'better lawmaking',
In the light of the proposal for an interinstitutional agreement on a mandatory transparency register (COM[2016] 627/final/ no.E 11532),
In the light of the agreement between the European Parliament and the European Commission of 23 June 2011 on the establishment of a transparency register for organisations and self-employed individuals engaged in EU policy-making and policy implementation,
In the light of the decision of the European Parliament of 13 December 2016 on the general revision of the Parliament's rules of procedure,
In the light of the code of conduct for commissioners (C[2011]904),
Considering that it is essential to combat conflicts of interest effectively and visibly in order to restore citizens' confidence in the EU;
Considering that, while transparency of the European institutions is fundamental it can be no substitute for the establishment of a global legal framework to prevent conflicts of interest;
1. Hails the presentation by the European Commission of a proposal for an interinstitutional agreement between the European Parliament, the Council of the European Union and the European Commission for a mandatory transparency register for interest representatives;
2. Welcomes the proposed broadening of the transparency register to the Council of the European Union; notes that its application as regards the permanent representations of the Member States would in contrast remain optional; considers that the French government would send a very positive signal if its permanent representation to the European Union were to voluntarily apply said agreement after its adoption;
3. Considers that the definition of activities under the agreement chosen in this new proposal forms a major setback with respect to the interinstitutional agreement of 2011; desires that said definition include all activities aimed at influencing directly or indirectly EU policy-making and policy implementation;
4. Desires that registration in the register be mandatory in order to participate in meetings with European officials at all levels, as well as with the staff of MEPs;
5. Desires that an annual data updating obligation be included in the agreement;
6. Recalls that for the transparency register to be effective and credible, the register secretariat must have sufficient material and human means;
7. Desires that the European Commission apply all the measures recommended by the World Health Organisation's framework convention on tobacco control in its interactions between its services and the tobacco industry;
8. Welcomes the fact that MEPs, who so desire, can now append to their parliamentary reports the list of organisations met in this framework;
9. Feels that the period during which former European Commission members must compulsorily notify the European Commission that they intend to exercise a professional activity must be extended to three years after they cease their duties;
10. Deems that the code of conduct of members of the European Commission should be made more explicit and point out that their duty to behave with 'integrity and discretion' regarding the acceptance of certain posts or certain advantages after their duties cease does not stop at the end of that period; desires that the code of conduct lay down administrative sanctions should its rules be infringed; recommends that the code of conduct set forth an abstention requirement during deliberations of the college of commissioners in the event of conflicts of interest and a precise schedule for submitting the declaration of interests before the hearing by the European Parliament of commissioners-designate;
11. Invites the Council and the European Commission to refer to the European Court of Justice the acceptance by the former president of the European Commission of new duties which could be incompatible with the duty of integrity and discretion laid down by the treaties in this situation;
12. Welcomes the fact that the rules of procedure of the European Parliament now ban its members from engaging professionally in paid activities as interest representatives in the EU institutions; desires that a broader debate be held on the rules on professional incompatibilities applying to MEPs;
13. Desires that an independent body, having investigatory and sanctioning powers, be tasked with preventing conflicts of interest in the European Union, and exercise, inter alia, duties currently performed by the European Commission's and European Parliament's internal ethics committees;
14. Recalls that the European staff regulations lay down that the EU institutions must all introduce internal rules on the processing of ethical alerts; desires that all the institutions adopt the most protective possible rules for whistle-blowers.
ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS
À Bruxelles
Parlement européen
M. Sven Giedold, membre de la commission AFCO, rapporteur sur la transparence, la responsabilité et l'intégrité au sein des institutions européennes
Commission européenne, Secrétariat général
M. Pascal Leardini, directeur chargé des politiques institutionnelles et administratives
M. Martin Kroger, chef d’unité chargé de la transparence
Corporate Europe Observatory
M. Martin Pigeon
Amis de la Terre Europe
Mme Myriam Douo
Transparency International
M. Daniel Freund
Syndicat Renouveau et Démocratie
M. Cristiano Sebastiani, président
M. Damien Veyret, secrétaire général
Médiateur européen
Mme Beate Gminder, Secrétaire générale
Mme Rosita Agnew, chef de l’unité « enquêtes stratégiques »
Mme Alice Bossière, membre de l’unité « enquêtes stratégiques »
Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne
M. Pierre Sellal, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l'UE
À Paris
M. Alberto Alemanno, professeur en droit européen à HEC Paris et co-fondateur de The Good Lobby
Parlement européen
Mme Sylvie Guillaume, Vice-Présidente du Parlement européen (en visio-conférence)
Haute autorité pour la transparence de la vie publique
Mme Elodie Cuerq, chef du pôle Relations institutionnelles et communication
M. David Ginocchi, chef du pôle Juridique
ANNEXE N° 2 :
CONTRIBUTIONS ÉCRITES DES QUATRE AGENCES EUROPÉENNES INTERROGÉES
Note informative
En réponse à une demande de l'Assemblée nationale française reçue le 7 décembre 2016, le présent document décrit les mesures prises par l'EFSA au fil du temps pour assurer l'indépendance des experts siégeant dans ses groupes scientifiques et de son personnel; il ne rend pas compte des modalités de gouvernance par ailleurs mises en place par le législateur européen. Les documents référencés dans les notes de bas de page sont publiquement disponibles sur le site web de l'EFSA ou sur les sites institutionnels des organes respectifs mentionnés et doivent être considérés comme représentant la seule source d'information authentique et exhaustive.
I. INTRODUCTION – INDÉPENDANCE DE L’EFSA
Pour des raisons historiques qui ont présidé à sa création19, la gouvernance et l'organisation de l'EFSA sont reconnues dans le cadre institutionnel de l'UE pour l'importance qu'elle attache à son indépendance et à celle des individus qui contribuent à ses travaux20.
En vertu de la loi, l'EFSA a l’obligation de fournir des avis scientifiques indépendants ainsi qu’une assistance scientifique et technique à la Commission européenne, au Parlement européen et aux États membres de l'UE. Elle est aussi chargée de communiquer sur les risques associés à la chaîne alimentaire humaine et animale et sur ses travaux de manière indépendante21. Par ailleurs, les membres du comité scientifique de l’EFSA, de ses groupes scientifiques, de ses groupes de travail, du conseil d'administration, du forum consultatif et le directeur exécutif de l’Autorité sont tenus de compléter une déclaration d'intérêts publique et de s'engager à agir indépendamment de toute influence externe indue, et dans l’intérêt public22.
La prestation de conseils indépendants, l’assistance et la communication sur les risques présupposent des politiques d’envergure qui permettent de garantir : (i) que les personnes qui contribuent aux processus et aux productions scientifiques de l'EFSA développent des réflexions scientifiques correctes, actualisées et impartiales ; (ii) que les données qui étayent ces travaux soient exactes et se conforment à des normes établies ; (iii) que les méthodologies utilisées soient exhaustives, transparentes, reconnues et permettent la reproductibilité des résultats.
Pour remplir son mandat et instaurer la confiance des citoyens à l’égard du système de sécurité alimentaire de l'Union européenne, il est également important que l'Autorité soit perçue par les parties prenantes et le grand public comme agissant indépendamment de tout intérêt ou de toute pression externe. Depuis 2004, l'Autorité a investi temps et ressources pour revoir et améliorer systématiquement le respect de ces exigences afin de répondre au mieux aux attentes de la société à son égard.23
En 2016, l'état d’avancement de ce processus s’illustre par la politique de l'EFSA sur l'indépendance de 2011, le règlement sur les déclarations d'intérêts adopté en 2014 et les règles adoptées pour assurer le bon fonctionnement de ses organes scientifiques24 ainsi que d'autres éléments clés de gouvernance de l'agence25.
La politique sur l’indépendance de 2011 adoptée par le conseil d'administration de l'EFSA retrace les multiples aspects intrinsèques au concept d'indépendance et décrit de manière exhaustive les mesures déjà en vigueur à cette date ainsi que les mesures dont la mise en place était planifiée à court terme. Cette politique engageait l'EFSA à revoir son approche sur l'indépendance dans les cinq ans suivant son adoption.
II. MISE EN œUVRE DE LA POLITIQUE DE 2011
Prévention des conflits d'intérêts pour les experts externes de l'EFSA
Le système en vigueur pour prévenir les conflits d'intérêts exige que toute personne qui contribue aux activités de l'EFSA déclare en détail toute activité relevant du mandat de l’Autorité. C’est le cas pour les experts scientifiques, les membres du conseil d'administration, les membres du forum consultatif et le personnel de l’EFSA. Le système repose principalement sur la confiance et sur la capacité des individus à refléter tout intérêt pertinent dans leur déclaration d'intérêts.
Pour éviter l’apparition de conflits d'intérêts, l’EFSA évalue de manière systématique et détaillée s’il existe des points de recoupement entre les activités (intérêts) entreprises par l'expert au cours des cinq dernières années et les activités que l'expert est censé effectuer pour l'EFSA (une tâche scientifique donnée dans un certain rôle). Sur la base de cette évaluation, elle applique des mesures permettant d’éviter de placer l'expert dans une situation conflictuelle26. Cette approche permet aux parties intéressées de vérifier si les déclarations d'intérêts ont été contrôlées par l'EFSA conformément à ses règles et elle donne par ailleurs à la personne concernée les moyens de savoir, avant de s’engager dans une activité, si celle-ci est susceptible d’avoir une incidence sur sa participation aux travaux de l'EFSA. L'incidence potentielle sur la réputation des personnes concernées, ainsi que le risque d’éviction des activités de l'EFSA est mise en avant pour réduire le risque de déclarations d'intérêts fausses ou incomplètes. La mise en œuvre des opérations de contrôle s'effectue via un outil informatique développé exclusivement pour l’EFSA en 2008 et régulièrement ajusté en fonction des changements réglementaires.
Depuis 2007, pour identifier et prévenir les conflits d'intérêts (CoI –conflicts of interests) potentiels et sauvegarder l'indépendance des avis scientifiques de l'EFSA, les experts travaillant pour le comité scientifique de l'EFSA, les groupes scientifiques et les groupes de travail sont tenus de déclarer leurs intérêts à trois niveaux :
1. Par écrit, au moins une fois par an, sur l'ensemble des responsabilités de l'EFSA, via la « déclaration annuelle de tous les intérêts » (ADoI);
2. Par écrit, une fois avant chaque réunion, sur les points à l'ordre du jour de cette réunion, via la « déclaration spécifique d'intérêts en rapport avec la réunion » (SDoI);
3. Verbalement, une fois avant chaque réunion, via la « déclaration orale d'intérêts ».
Le système utilisé par l'EFSA avant 2012 pour garantir l'indépendance de ses experts scientifiques a été reconnu par la Cour des comptes européenne (CCE) et qualifié de « relativement efficace » pour prévenir les conflits d'intérêts27.
L'EFSA a par la suite optimisé cette approche en s'appuyant sur de nombreuses suggestions utiles formulées par le Parlement européen et la CCE, auxquelles elle a apporté des réponses dans le règlement sur les déclarations d'intérêts adopté en février 2012. Celui-ci comprend notamment une description transparente des critères de contrôle des déclarations d'intérêts ainsi qu’une procédure robuste pour enquêter sur les abus de confiance. Ces règles ont ensuite été parachevées en 2014 sur la base de l'expérience acquise jusqu'alors.
Le système mis en place pour les experts externes de l'EFSA semble être raisonnablement efficace, comme le démontre la tendance constante à la baisse (tableau 1) de l'incidence des cas confirmés d’abus de confiance et de conflits d'intérêts.
Année |
DoI contrôlées (ADoI+SDoI) |
CoI potentiels évités (ADoI+SDoI) |
Ratio |
Points à l‘ordre du jour des réunions |
Cas d’abus de confiance |
Membres du personnel | |
2011 |
8526 |
356 |
4,2% |
39 500 |
2 |
Total : 25 Secteur privé : 3 Restrictions : 1 |
|
2012 |
6869 |
272 |
4% |
36 609 |
1 |
Total : 28 Secteur privé : 4 Restrictions : 0 | |
2013 |
6191 |
247 |
4% |
36 501 |
0 |
Total : 29 Secteur privé : 4 Restrictions : 3 | |
2014 |
6962 |
145 |
2,1% |
34 456 |
0 |
Total : 20 Secteur privé : 2 Restrictions : 2 | |
2015 |
7607 |
96 |
1,3% |
32 200 |
0 |
Total: 28 Secteur privé : 5 Restrictions: 2 |
Tableau 1
Conseil d'administration et directeur exécutif
Les membres du conseil d'administration de l’EFSA sont nommés par le Conseil de l'Union européenne, en consultation avec le Parlement européen, à la suite d'un appel ouvert à manifestation d'intérêt organisé par la Commission européenne. Ils sont nommés pour agir dans l'intérêt public et ne représentent aucun gouvernement, organisation ou secteur. Tous les membres signent une déclaration d'intérêts. Le conseil d'administration n'est pas habilité à intervenir dans les travaux scientifiques de l'EFSA ou à influencer de quelque manière que ce soit leur procédure d'adoption.
Les membres du conseil d'administration de l'EFSA doivent s'abstenir de s'engager ou d’être impliqués dans une activité susceptible d'entraîner un conflit d'intérêts ou de provoquer la perception de l’existence d’un conflit d'intérêts auprès du grand public. Tous les membres du conseil d'administration doivent fournir une déclaration annuelle d'engagement et une ADoI. En vertu du code de conduite, les membres du conseil d’administration sont tenus d'informer sans délai le président du conseil d’administration et le directeur exécutif de l'Autorité de toute modification dans les intérêts qu’ils déclarent et de mettre à jour leur ADoI en conséquence28.
Personnel de l'EFSA
Le personnel de l'EFSA agit dans l'intérêt public et est soumis à plusieurs obligations en vertu du Statut du personnel de l'UE, y compris celle d'agir avec intégrité et indépendance et d'éviter les conflits d'intérêts. Le personnel de l'EFSA peut fournir un soutien scientifique et administratif aux groupes scientifiques, mais les experts du groupe scientifique délibèrent de manière indépendante et ce sont eux qui statuent sur les conclusions et adoptent l’avis scientifique final. Pour harmoniser la mise en œuvre des obligations du personnel en matière d'indépendance, l'EFSA contrôle les déclarations d'intérêts présentées par les candidats aux postes vacants afin d’éviter les conflits d'intérêts ; elle a en outre mis en place une fonction de conseiller en matière d’éthique pour soutenir son personnel, elle a adopté un règlement relatif à la réception de cadeaux29, à l'hospitalité et aux missions30, elle organise régulièrement des séances de sensibilisation à l'éthique et à l'intégrité pour tout le personnel, et tous ses employés sont tenus de remplir une déclaration d'intérêts une fois par an au minimum. Ces déclarations sont contrôlées par leur supérieur hiérarchique respectif, ce qui permet de s'assurer que les membres du personnel ne soient pas affectés à des projets où des conflits d'intérêts potentiels pourraient survenir.
Par ailleurs, tout collaborateur qui quitte l'EFSA est tenu d'informer l'Autorité de son futur emploi, pendant les deux ans suivant son départ, afin que l'EFSA puisse examiner tout conflit d'intérêts potentiel31. L'EFSA peut imposer des restrictions aux activités futures si cela est justifié par l'intérêt du service.
Contrôle
Pour évaluer le respect de ces règles, dès 2013, l'EFSA a mis en place un processus permettant d'effectuer des vérifications régulières de conformité et de véracité sur un échantillon de déclarations émanant d'experts travaillant pour le comité scientifique, pour un groupe scientifique ou pour un groupe de travail pendant la période contrôlée. Deux fois par an, l'EFSA effectue des vérifications de conformité et de véracité à posteriori sur un échantillon de déclarations d'intérêts. Les résultats sont publiés dans les rapports annuels de l'EFSA. Les résultats (tableau 2) mettent en évidence une amélioration de la capacité des experts à déclarer leurs intérêts pertinents sans modification substantielle en termes de conformité.
Résultats des contrôles de conformité et de véracité | ||||
Période |
Experts sélectionnés |
Résultats de conformité |
Résultats de véracité |
CoI identifiés |
Q1 2013 |
13 |
0 |
7 |
0 |
Q4 2013 |
15 |
1 |
6 |
0 |
Q1 2014 |
15 |
1 |
4 |
0 |
Q4 2014 |
14 |
1 |
6 |
0 |
Q1 2015 |
15 |
1 |
5 |
0 |
Q4 2015 |
15 |
2 |
3 |
0 |
Q1 2016 |
15 |
2 |
3 |
1 |
Tableau 2
Communication et implication des parties prenantes
Depuis 2011, l'EFSA entretient un dialogue régulier avec les parties intéressées sur les questions liées à l'indépendance. Elle a notamment organisé une conférence et deux ateliers de travail à ce sujet et a créé de multiples opportunités de participation bilatérale ou multilatérale avec des ONG ou des associations du secteur de l’industrie. L'indépendance a également fait l’objet de discussions régulières au sein de l’ancienne plate-forme consultative des parties intéressées de l'EFSA, remplacée en 2017 par le Forum des parties prenantes de l'EFSA, qui a repris cette question dans son programme de travail pour 2017.
Les efforts déployés par l'EFSA en matière de communication sur l’indépendance se sont également renforcés avec le temps. Depuis 2012, un rapport détaillé sur la façon dont l'EFSA s'acquitte de ses obligations en matière d'indépendance constitue une partie intégrante de son rapport annuel au Parlement européen.
Tous les documents et rapports relatifs à l'indépendance sont disponibles sur le site web de l'EFSA, comme le sont également les déclarations d’intérêts annuelles de ses experts scientifiques, des membres du conseil d'administration, des membres du Forum consultatif, du directeur exécutif et des membres de l'équipe de direction. Dans le cadre de la révision de la politique sur l’indépendance de 2011 entreprise en 2016, l'EFSA étudie la manière d'améliorer encore la manière dont elle communique ses efforts au public.
Investissements
La mise en œuvre de la politique actuelle en matière d'indépendance et l’application des règles relatives aux déclarations d'intérêts ont nécessité des investissements substantiels, tout au moins pour le budget de l'EFSA. Le déploiement des ressources humaines a atteint son apogée en 2015, avec la mise en place d’un système de centralisation des déclarations d’intérêts destiné à renforcer les capacités d’évaluation et de validation de ces déclarations. Cette mesure a été spécialement mise en œuvre en réponse à une sollicitation du Parlement européen qui avait invité l’EFSA à confier les tâches liées à l'indépendance – y compris le contrôle des déclarations d’intérêts – à des collaborateurs spécialisés non impliqués dans les départements scientifiques (tableau 3).
En 2015, l'EFSA a donc initié un projet pilote pour évaluer l'impact d’une centralisation potentielle du contrôle des déclarations d’intérêts. Suite aux résultats positifs de la phase pilote, en 2016, elle a formellement mis en place une fonction centralisée qui assure désormais la gestion des intérêts concurrents au sein de l’unité « Affaires juridiques et réglementaires ». Ce processus de centralisation, finalisé en juin 2016, a permis d’accroître le degré d'impartialité dans la gestion des intérêts des experts scientifiques de l'EFSA : il établit en effet une séparation claire entre les fonctions d’assistance aux groupes scientifiques et les fonctions d’évaluation des intérêts des experts siégeant dans ces groupes.
Activités dans le cadre des intérêts concurrents : équivalents temps plein (ETP) | ||
Année |
Activité |
ETP |
2014 |
§ Contrôle des déclarations d’intérêts § Vérification de la conformité et de la véracité § Classification « Organisation de Sécurité Alimentaire » (FSO) § Révision de la politique sur l’indépendance et des règles d’application |
3 |
2015 |
§ Contrôle des déclarations d’intérêts § Vérification de la conformité et de la véracité § FSO classification § Révision de la politique sur l’indépendance et des règles d’application |
2,9 |
2016 |
§ Centralisation de la validation des déclarations ; évaluation décentralisée § Vérification de la conformité et de la véracité § FSO classification § Révision de la politique sur l’indépendance et des règles d’application |
3,9* |
Tableau 3 * estimation
Les chiffres ci-dessous (tableaux 4 and 5) illustrent les ressources financières et humaines investies au fil des années dans le logiciel utilisé pour les opérations de contrôle des déclarations.
Développement et maintenance du logiciel : | |||
Année |
Développement |
Maintenance |
Total |
2011 |
€ 601 000 |
€ 90 150 |
€ 691 150 |
2012 |
€ 500 000 |
€ 75 000 |
€ 575 000 |
2013 |
€ 300 000 |
€ 45 000 |
€ 345 000 |
2014 |
€ 185 000 |
€ 27 750 |
€ 212 750 |
2015 |
€ 8 500 |
€ 1 500 |
€ 10 000 |
Total |
€ 1 594 500 |
€ 239 400 |
€ 1 833 900 |
Tableau 4
Développement et maintenance du logiciel : | |||
Année |
Développement |
Maintenance |
Total |
2011 |
1,2 |
0,2 |
1,4 |
2012 |
1,0 |
0,2 |
1,2 |
2013 |
0,8 |
0,1 |
0,9 |
2014 |
0,3 |
0,1 |
0,4 |
2015 |
0,2 |
0,1 |
0,3 |
Total |
3,5 |
0,7 |
4,2 |
Tableau 5
Les ressources financières et humaines32 réunies (tableaux 3, 4 et 5) résultent en une moyenne de 750 000 euros par an investis par l'EFSA pour assurer son indépendance.
D'un point de vue qualitatif, on observe que, malgré l'engagement de l'EFSA à garantir l'indépendance de son personnel et des experts contribuant à ses travaux scientifiques, et nonobstant les caractéristiques notables de gouvernance mises en place par le législateur européen, le Parlement européen continue à encourager l'Autorité à consolider son approche en matière d’indépendance individuelle33. Le Parlement européen n'est pas seul à solliciter des améliorations supplémentaires34, les parties prenantes exprimant quelquefois vivement leur point de vue sur ces questions35. Comparée à d'autres institutions ou autorités compétentes, à l’échelle européenne, internationale ou nationale, l'EFSA semble être soumise à un examen plus minutieux des mesures individuelles prises en matière d'indépendance.
En 2016, conformément à ses valeurs d'amélioration permanente, l'EFSA a entrepris un examen approfondi de sa politique sur l’indépendance de 2011 et des règles connexes d'application. Ce processus inclut une évaluation à posteriori des mesures mises en place par l'Autorité en termes d'efficacité, de performance et de durabilité, assurée par un groupe de réflexion composé de membres du conseil d’administration. Le rapport qui en résultera sera suivi d'une consultation publique sur un nouveau projet de politique en matière d’indépendance et sur d'autres possibilités de participation dans le cadre du Forum des parties prenantes de l'Autorité.
L'objectif étant d’adopter une nouvelle politique sur l’indépendance dans le courant du troisième trimestre 2017, avec de nouvelles règles sur les conflits d'intérêts en place pour la fin de l'année.
1 () Source: Eurobaromètre standard printemps 2016, « Environ un tiers des Européens ont confiance dans l'Union européenne (33%) (…) Dans le même temps, la confiance dans les institutions politiques nationales est restée stable, mais à un niveau inférieur à la confiance dans l'UE : 28% des Européens font plutôt confiance à leur parlement national (stable) et 27% font plutôt confiance à leur gouvernement national (stable). »
2 () Lobbying in Europe, hidden influences, privileged access.
3 () Recommandation n° R (2000)10 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur les codes de conduite pour les agents publics du 11 mai 2000,
4 () 7000 and counting – Lobbying meetings of the European Commission, Bruxelles, 1er décembre 2015.
5 () Accord entre le Parlement européen et la Commission européenne du 23 juin 2011 sur l'établissement d'un registre de transparence pour les organisations et les personnes agissant en qualité d'indépendants qui participent à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l'Union européenne
6 ()Source : https://lobbycanada.gc.ca/app/secure/ocl/lrs/do/lbsRegs;jsessionid=9v8XaCYwfjGlFbCGEgmszdxK.app-ocl-01
7 () https://www.opensecrets.org/news/2016/08/number-of-registered-lobbyists-plunges-as-spending-declines-yet-again/.
8 () Au Royaume-Uni, ce registre ne concerne que les cabinets de lobbying.
9 () Au Pays-Bas, un tel registre ne concerne que le Parlement. En Hongrie, le registre obligatoire qui existait depuis 2006 a été supprimé en 2011.
10 () Greenwood, J. & Dreger, J. Int Groups Adv (2013) 2: 139. doi:10.1057/iga.2013.3.
11 () Résolution européenne sur l’accord interinstitutionnel « mieux légiférer » du 3 janvier 2016, texte adopté n° 655.
12 () Décision du Parlement européen du 13 décembre 2016 sur la révision générale du règlement du Parlement (2016/2114(REG)).
13 () Décision 2004/513/CE du Conseil du 2 juin 2004
14 () L’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct du 20 septembre 1976 prévoit notamment que la qualité de membre du Parlement européen est incompatible avec celle de membre du gouvernement d'un État membre, membre de la Commission des Communautés européennes, juge, avocat général ou greffier de la Cour de justice ou du Tribunal de première instance, membre du directoire de la Banque centrale européenne, membre de la Cour des comptes des Communautés européennes, Médiateur, membre du Comité économique et social européen et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, membre du Comité de régions, membre de comités ou organismes créés en vertu ou en application des traités en vue de l'administration de fonds européens ou d'une tâche permanente et directe de gestion administrative, membre du conseil d'administration, du comité de direction ou employé de la Banque européenne d'investissement, fonctionnaire ou agent en activité des institutions des Communautés européennes ou des organes ou organismes qui leur sont rattachés ou de la Banque centrale européenne. Depuis 2004, elle est également incompatible avec un mandat de parlementaire national.
15 () Décision de la Commission du 30.5.2016 établissant des règles horizontales relatives à la création et au fonctionnement des groupes d’experts de la Commission, C(2016) 3301 final du 30.5.2016.
16 () Résolution du Parlement européen du 1 er décembre 2016 sur les déclarations d’intérêts des membres de la Commission – lignes directrices (2016/2080(INI))
17 () Rapport sur la transparence, la responsabilité et l'intégrité au sein des institutions européennes (2015/2041(INI)).
18 () Voir notamment les recommandations de la Médiatrice européenne à ce sujet, dans sa recommandation du 22 septembre 2014.
19 Voir notamment Commission européenne, White Paper on Food Safety COM (1999) 719 final du 12 janvier 2000.
20 Voir notamment la composition du conseil d’administration, du comité scientifique et des groupes scientifiques par rapport aux organes homologues de l’Agence européenne des médicaments et l’Agence européenne des produits chimiques.
21 Article 22 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, JO L 31 du 1.2.2002, p. 1-24, tel que modifié en dernier lieu.
22 Article 37 du règlement (CE) n°178/2002, supra.
23 Voir notamment EFSA CA 16.12.04 – Guidance on declarations of interests et EFSA CA doc. 10.03.2004 – 5 EFSA Code of conduct on declarations of interests. Un ensemble de règles initial a été adopté en 2007, ajusté en 2009 et remplacé par une version plus récente en 2012. Actuellement, l’EFSA applique un ensemble de règles adoptées en 2014, qui constituent une version simplifiée des règles précédemment en vigueur.
24 Voir notamment CA 15 03 12 – Décision du conseil d’administration de l’Autorité européenne de sécurité des aliments relative à l’établissement et aux activités du comité scientifique, des groupes scientifiques et de leurs groupes de travail.
25 Voir notamment la décision du directeur exécutif de l’Autorité européenne de sécurité des aliments relative à l’examen par les pairs des évaluations des risques associés aux pesticides, décision n° 14461368 ; CA 18 03 10 – point 7 doc 6 – Décision relative à l’établissement et aux activités des réseaux européens d’organisations scientifiques œuvrant dans les secteurs relevant de la mission de l’Autorité.
26 Principalement exposées dans l’article 8 de la décision du directeur exécutif relative aux déclarations d’intérêts du 31 juillet 2014, ci-dessus.
27 Deloitte, Input document to inspire the debate between EFSA and its stakeholders regarding the future of the EFSA DoI policy and its Implementing Rules, mai 2014, p. 7.
28 CA 16 06 11 point 11 doc. 9 – Code of Conduct of the EFSA Management Board – Adopté.
29 Les politiques de l'EFSA en matière de cadeaux, de décorations ou de distinctions sont conformes aux dispositions applicables à l'ensemble de la fonction publique de l'Union européenne, qui découlent de l'article 11 du règlement n° 31 (CEE), 11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et les conditions applicables aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, JO P 045 du 14.6.1962, p. 1385, tel que modifié en dernier lieu (Statut des fonctionnaires).
30 Le personnel de l’EFSA en mission ne peut pas accepter le remboursement de dépenses par des tierces parties ou par les organisateurs d’événements.
31 EFSA’s policies on staff leaving the service comply with, and implement, Article 16 of the Staff Regulations, above. La politique de l’EFSA relative au personnel quittant le service est conforme et applique l’article 16 du Statut des fonctionnaires, supra.
32 Un ETP est considéré comme équivalent à 100 000 euros.
33 Décision du Parlement européen du 28 avril 2016 concernant la décharge sur l'exécution du budget de l'Autorité européenne de sécurité des aliments pour l'exercice 2014 (2015/2176 (DEC)) ; décision du Parlement européen du 29 avril 2015 concernant la décharge sur l'exécution du budget de l'Autorité européenne de sécurité des aliments pour l'exercice 2013 (2014/2108 (DEC)) ; décision du Parlement européen du 3 avril 2014 concernant la décharge sur l'exécution du budget de l'Autorité européenne de sécurité des aliments pour l'exercice 2012 (C7-0298 / 2013 - 2013/2220 (DEC)) et décision du Parlement européen du 17 Avril 2013 concernant la décharge sur l'exécution du budget de l'Autorité européenne de sécurité des aliments pour l'exercice 2011 (C7-0258 / 2012 - 2012/2196 (DEC)).
34 Voir la décision du Médiateur européen clôturant l’enquête sur la plainte 346/2013/SID contre l’Autorité européenne de sécurité des aliments ('EFSA'), 28 janvier 2015.
35 Voir notamment lettre ouverte de Testbiotech’s sur des conflits d’intérêts présumés à l’EFSA : disponible en ligne sur le lien suivant : http://www.testbiotech.org/en/node/1587.