N° 2857 - Proposition de résolution européenne de Mme Audrey Linkenheld sur la proposition de directive relative au secret d'affaires



N2857

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

sur la proposition de directive relative au secret d’affaires,

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES,


par Mme Audrey Linkenheld,

Rapporteure,

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (COM(2013) 813 final),

Constate les divergences nationales existant en matière de secret d'affaires dans l’Union européenne et prend acte de la volonté d'harmonisation de la législation, avec notamment la mise en place d’une définition commune, afin de mieux dissuader et sanctionner l’appropriation illicite d’un secret d’affaires et faciliter le développement de l'innovation dans le cadre du marché intérieur ;

Rappelle que contrairement aux droits de propriété intellectuelle, le secret d’affaires n’ouvre pas de droits exclusifs à leur détenteur, que ses concurrents ou d’autres tiers peuvent découvrir de façon indépendante un même secret, que toute pratique conforme aux usages commerciaux honnêtes est acceptée, et que la proposition de directive porte donc uniquement sur l’appropriation illicite du secret ;

Insiste sur l’indispensable articulation entre les différents droits définis dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne visés au considérant 23 de la proposition de directive, tant économiques comme le « droit d’entreprise » ou le « droit de propriété » que sociétaux ou sociaux, comme la « liberté d’expression et d’information » ou la « liberté professionnelle et le droit de travailler » ;

Insiste également sur l’articulation entre, d’une part, les intérêts économiques privés liés à une information commerciale, technologique ou un savoir-faire et, d’autre part, l’intérêt public éventuellement lié à ces mêmes informations ;

Fait part des inquiétudes persistantes de la société civile européenne quant aux atteintes que pourrait porter la proposition de directive à l’équilibre entre les différents droits fondamentaux cités à l’alinéa précédent ;

Regrette de ce point de vue que la concertation autour de cette directive se soit limitée à une simple consultation publique ouverte menée par la Commission européenne, dont le résultat est par ailleurs sujet à controverse, compte tenu de la faible participation (386 réponses reçues), de la surreprésentation des grandes entreprises industrielles et des contacts préalables de celles-ci avec la Commission ;

Regrette en particulier l’absence de dialogue social européen formel lors du processus d’élaboration de la proposition de directive par la Commission européenne alors que le texte impacte directement les organisations représentatives des salariés, et les travailleurs eux-mêmes ;

Regrette également l’absence de consultation et de dialogue formel avec d’autres membres de la société civile, tels que les ONG ou les journalistes ;

Constate que les inquiétudes exprimées sont renforcées par l’emploi non motivé du conditionnel dans les considérants 8 et 12 de la proposition de directive, censés venir apaiser les craintes d’une utilisation abusive de la protection du secret d’affaires à l’encontre des journalistes, des travailleurs et des lanceurs d’alerte ;

Constate que dans le corps de la proposition de directive, à l’article 2 relatif aux définitions, la rédaction exacte de l’article 39§2 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) a été conservée sans autre précision.

Se félicite toutefois que la France ait obtenu l’introduction d’un considérant dans le texte issu du Conseil du 26 mai 2014 qui indique que ces informations ou savoir-faire doivent avoir « une valeur commerciale, effective ou potentielle […] en particulier dans la mesure où leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter préjudice aux intérêts de la personne qui en a licitement le contrôle en ce qu’elle nuit à son potentiel scientifique et technique, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité à faire face à la concurrence » ;

Appelle par une modification à l’article 4-2 à exclure les activités des journalistes du champ d’application de la proposition de directive, afin de répondre aux inquiétudes formulées notamment dans un contexte de révolution numérique où la législation n’est plus actualisée en matière de protection des sources ;

Suggère d’expliquer en complément dans un nouveau considérant que seule cette exclusion des journalistes du champ d’application de la proposition de directive est à même de préserver la liberté d’expression et d’information ;

Suggère de rappeler dans le même nouveau considérant que la proposition de directive n'affecte pas les traditions constitutionnelles, les législations et les pratiques des Etats membres en matière de liberté d’expression, de protection des sources des journalistes, et d’alerte éthique et, la faculté des Etats membres de les mettre en œuvre dans le cadre de l’application de la présente directive ;

Se félicite à cet égard des avancées obtenues par la France au Conseil ;

Se félicite également de la précision apportée à l’article 4-1 par le texte d’orientation du Conseil, sur proposition de la France, prévoyant que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation de secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise par le droit national ou le droit de l’Union », ce qui permet de clarifier la possibilité pour les administrations nationales (services fiscaux, sanitaires, douaniers, autorités de régulation…) de ne pas se voir opposer le secret d’affaires dans le cadre de leurs activités ;

Juge qu’étant donné l’impact de la proposition de directive sur les droits des salariés, les articles 3 et 4 doivent être remaniés dans le sens d’une protection encore accrue des représentants des salariés ;

Propose ainsi d’intégrer à la proposition de la directive les critères issus de la jurisprudence européenne en matière d’information des représentants du personnel, et liés à l’exercice de leur travail, profession ou fonctions ;

Souligne que l’objectif de protection du secret d’affaires ne doit pas restreindre la mobilité des travailleurs, et que l’équilibre actuel entre l’utilisation des clauses de non-concurrence et des clauses de confidentialité d’une part et la protection du secret d’affaires d’autre part, doit être préservé ;

Accueille favorablement l’exclusion dans le considérant 8 relatif à la définition du secret d’affaires, des connaissances et compétences obtenues par les travailleurs dans l'exercice normal de leurs fonctions et celles généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui traitent habituellement le type d'informations en question ou leur sont aisément accessibles ;

Insiste également sur le fait que les délais de prescription doivent être maintenus à deux ans maximum ;

Juge que la protection des lanceurs d’alerte agissant à titre individuel dans une démarche citoyenne doit être spécifiée dans le cadre de l’article 4 de la proposition de directive, en leur permettant de bénéficier également d’une forme d’exemption ;

Prend acte de la clause d’harmonisation minimale voulue par le Conseil, permettant par exemple à la France de ne pas créer de régime de responsabilité ad hoc et de conserver la possibilité d’imposer des amendes civiles aux auteurs de recours abusifs ;

Se félicite qu’un principe d’harmonisation maximale soit entériné pour les cas d’exclusion ou d’exonération de responsabilité (journalistes, travailleurs, lanceurs d’alerte), afin d’assurer une protection maximale des droits fondamentaux dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, garantissant que tout régime éventuel de sanctions pénales prévu par les Etats membres ne puisse pas aller à l’encontre des exclusions ;

Soutient les dispositions sur lesquelles les négociations de la France au Conseil ont abouti pour permettre un meilleur équilibre lors des procédures judiciaires entre la confidentialité et le respect du principe du contradictoire, en ne restreignant l’accès aux informations qu’aux tiers et non aux parties et en imposant aux Etats de veiller à ce que les parties, leurs avocats, les agents de la juridiction, les témoins et les experts ne soient pas autorisés à utiliser ou divulguer un secret d’affaires dont ils ont eu connaissance en cours d’instance ;

Fait état de sa préoccupation concernant l’incidence éventuelle de cette proposition de directive sur l’application de toute autre législation pertinente telle que celle sur les droits de propriété intellectuelle, et regrette que le considérant 28 évoque seul et succinctement le risque de chevauchement entre le champ d’application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et le champ d’application de la directive, cette dernière prévalant en tant que lex specialis ;

Juge nécessaire une clarification dans la proposition de directive quant à l’articulation entre le secret d’affaires et les droits de propriété intellectuelle, à la fois lorsque le premier précède le second, lorsqu’ils se cumulent et lorsqu’ils sont exclusifs l’un de l’autre ;

Accueille favorablement toutes propositions d'amendements du Parlement européen allant dans le sens d’un meilleur équilibre entre tous les droits fondamentaux précités, au regard en particulier des divergences d’application par les Etats membres ;

Juge nécessaire que le Parlement français puisse affirmer une position claire alliant soutien à l’innovation et respect des droits fondamentaux par le biais de la présente proposition de résolution et ainsi faire entendre sa voix dans les négociations en cours au Parlement européen et celles à venir au Conseil de l’Union européenne.


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