N° 3427 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements



N° 3427

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2016.

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord
entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République de Maurice sur l’encouragement

et la protection réciproques des investissements

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Manuel VALLS,

Premier ministre,

par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères et du développement international


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À partir des années 1970, la France a multiplié la conclusion d’accords bilatéraux de protection d’investissements pour assurer une meilleure protection juridique des investisseurs français contre les risques de nature politique qu’ils encourent à l’étranger, en particulier dans les pays émergents. Le développement du réseau d’accords français, qui est déjà l’un des plus denses au monde avec près d’une centaine de traités de ce type en vigueur, constitue un outil au service du développement économique français et du commerce extérieur.

À Maurice, les investisseurs français bénéficient de l’accord de protection des investissements (API) signé le 22 mars 1973 et entré en vigueur le 1er avril 1974. Cependant, cet API présente des faiblesses, notamment en ce qui concerne l’indemnisation de l’investisseur en cas d’expropriation. Il ne contient ni clause d’exception culturelle ni exception à la liberté de transfert de capitaux en cas de difficultés de balance des paiements. Le champ du règlement des différends investisseur-État est limité puisque l’accord présuppose l’existence d’une clause compromissoire dans le contrat d’investissement. Or, conformément à l’évolution du droit international des investissements, la pratique conventionnelle française a évolué afin de permettre aux investisseurs connaissant un préjudice du fait des agissements de l’État d’accueil de leur investissement de recourir à l’arbitrage international sur la base du consentement exprimé par l’État dans l’API. C’est donc essentiellement pour mettre cet accord en conformité avec l’évolution de la pratique conventionnelle qu’une renégociation a été engagée avec le gouvernement de Maurice en 2005.

La conclusion de ce nouvel accord vise à renforcer la présence de nos investisseurs à l’Île Maurice et à contribuer à la promotion de l’attractivité de la France auprès des investisseurs mauriciens. La France a signé, le 8 mars 2010, le présent accord avec la République de Maurice composé d’un préambule et de treize articles.

Le préambule souligne la volonté des Parties de renforcer la coopération économique et d’encourager les investissements réciproques.

L’article 1erest consacré à la définition des notions d’« investissement », d’« investisseur » et de « revenus ». Ces définitions couvrent un spectre large de formes d’investissements dont une liste est donnée à titre indicatif, et comporte notamment les actions et prises de participation au capital de sociétés, les obligations et autres créances, les droits de propriété intellectuelle. Pour être éligibles aux droits conférés par l’accord, les investissements doivent avoir été légalement établis sur le territoire de l’une des parties contractantes. La définition d’« investisseur » englobe les personnes physiques et morales ainsi que les organisations à but non lucratif dotées de la personnalité juridique. L’alinéa 4 fixe le champ d’application territoriale de l’accord.

L’alinéa 5 exclut du champ de l’accord toutes les mesures qui, bien que pouvant enfreindre les clauses de protection de l’accord et porter préjudice aux investisseurs et investissements, visent à préserver et encourager la diversité culturelle et linguistique.

L’article 2 stipule que l’accord s’applique (i) à l’ensemble des organes de l’État qui, de manière générale, recouvrent l’ensemble des institutions de l’administration au sens large, dont les collectivités locales, ainsi (ii) qu’aux entités agissant pour le compte et sous le sceau de l’État.

L’article 3 pose le principe général de l’encouragement et de l’admission des investissements étrangers sur leur territoire respectif, ces investissements restant soumis aux législations nationales en ce qui concerne les conditions de leur établissement.

Conformément à l’article 4, chaque Partie contractante accorde aux investissements de l’autre partie un traitement juste et équitable. Cet article prévoit également que chaque partie examinera de façon bienveillante, dans le cadre de sa législation, l’entrée sur son territoire de ressortissants nationaux de l’autre partie dans le cadre de la réalisation d’investissements.

L’article 5 prévoit l’octroi du traitement national ou du traitement de la nation la plus favorisée s’il est plus avantageux, qui interdit tout traitement discriminatoire moins favorable aux investisseurs d’une partie contractante vis-à-vis (i) des investisseurs nationaux de l’autre partie contractante et (ii) des investisseurs d’un pays tiers.

Aucune Partie contractante n’est, en revanche, tenue d’accorder aux investisseurs et aux investissements de l’autre Partie contractante le traitement préférentiel qu’elle a accordé à des investisseurs tiers dans le cadre d’une zone de libre-échange, d’une union douanière, d’un marché commun ou toute autre forme d’organisation économique régionale.

L’article 6 prévoit que le traitement de la nation la plus favorisée ne s’applique pas aux arrangements fiscaux et que l’accord ne sera pas interprété comme entravant la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.

L’article 7 fixe aux parties contractantes une obligation de protection et de sécurité pleines et entières des investissements de l’autre partie qui implique (i) de prendre toute mesure utile et nécessaire pour protéger les investissements de la destruction et de la spoliation, même par des tiers et (ii) d’accorder aux investisseurs un traitement non moins favorable que celui accordé à leurs investisseurs nationaux ou d’autres investisseurs étrangers en cas de pertes dues à la guerre ou à tout autre conflit armé, révolution, état d’urgence national ou révolte survenu sur son territoire.

Cet article interdit également toute mesure d’expropriation, directe ou indirecte, sauf pour cause d’utilité publique et à condition que celle-ci ne soit pas discriminatoire ou contraire à un engagement particulier et qu’elle donne lieu au versement d’une indemnité prompte et adéquate. Cette indemnité doit être effectivement réalisable et librement transférable.

L’article 8 sur le libre transfert oblige les Parties contractantes à autoriser le paiement, la conversion et le rapatriement des fonds liés à un investissement. Cependant, lorsque ces transferts de capitaux causent ou menacent de causer un sérieux déséquilibre de la balance des paiements de l’une des Parties contractantes, celle-ci est autorisée à déroger temporairement à ses obligations de libre transfert, pour autant que les mesures soient équitables, strictement nécessaires, prises de bonne foi et d’une durée maximale de six mois.

En outre, cette clause ne fait pas obstacle au respect, de bonne foi, par une Partie contractante, de ses obligations internationales ainsi que de ses droits et obligations au titre d’une zone de libre-échange, d’une union douanière, d’un marché commun ou toute autre forme d’organisation économique régionale.

L’article 9 stipule les modalités de règlement des différends entre un investisseur et l’État accueillant son investissement. Si le différend n’a pu être réglé à l’amiable dans un délai de six mois, il est soumis à la demande de l’investisseur à l’arbitrage du CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements). Lorsqu’un différend est de nature à engager la responsabilité d’une collectivité publique, celle-ci doit préalablement donner son consentement à l’arbitrage.

La subrogation des États ayant garanti des investissements, dans les droits et actions des investisseurs, est prévue à l’article 10.

L’article 11 prévoit que si, dans le cadre d’un engagement particulier pris par l’autre partie contractante et sans préjudice des dispositions du présent accord, un investisseur d’une partie contractante bénéficie d’un traitement plus favorable de la part de l’autre Partie contractante que celui prévu par le présent accord, les termes de cet engagement particulier prévalent sur le présent accord.

En cas de différend entre les parties contractantes en ce qui concerne l’interprétation et l’application de l’accord, l’article 12 prévoit dans son premier paragraphe que la solution doit, dans la mesure du possible, être trouvée par la voie diplomatique. A défaut de résolution du litige dans un délai de six mois, les parties contractantes ont la possibilité de faire trancher le litige par un tribunal arbitral dont les modalités de désignation des membres et celles de son fonctionnement sont décrites dans les paragraphes suivants (2 à 5).

L’article 13 précise que le délai d’entrée en vigueur est fixé à un mois après la réception du second instrument d’approbation et que, à cette date, l’accord abroge et remplace le précédent. L’accord est conclu pour une durée initiale de dix ans et demeurera en vigueur après ce terme, sauf dénonciation avec préavis d’un an. À l’expiration de la période de validité de l’accord, les investissements réalisés alors qu’il était en vigueur continueront de bénéficier des garanties accordées pour une période de vingt ans.

Dans la mesure où l’accord traite, en substance, du régime des investissements et concerne donc le régime de la propriété et des droits réels (article 7, en particulier, relatif à l’expropriation et l’indemnisation), le présent accord relève du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution et entre dans le champ d'application de l'article 53 de la Constitution. En conséquence, l’approbation de cet accord doit faire l’objet d’une autorisation parlementaire préalable.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Port-Louis le 8 mars 2010.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et du développement international,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Port-Louis le 8 mars 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 20 janvier 2016.

Signé : Manuel VALLS

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et du développement international

Signé :
Laurent FABIUS


© Assemblée nationale