N° 106
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2012.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Lionel TARDY,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
À la suite du rapport Sauvé, traitant des conflits d’intérêts, les deux assemblées parlementaires ont mis en place de nouveaux dispositifs, avec notamment à l’Assemblée nationale, la création d’un poste de déontologue.
Ce dispositif, qui est une véritable avancée, n’est cependant pas suffisant. Une réforme du régime des incompatibilités inscrites dans le code électoral est également nécessaire, pour rendre le dispositif réellement opérationnel et répondre aux attentes fortes de nos concitoyens.
Cette proposition de loi entend répondre à cette demande en instaurant une limitation plus importante des cumuls, que ce soit des mandats ou des fonctions, afin de rendre les parlementaires plus disponibles pour l’exercice de leurs mandats, et limiter les risques de conflits d’intérêts.
Elle propose aussi de soumettre les parlementaires à un véritable contrôle, en rendant certaines déclarations plus complètes et publiques et en permettant aux citoyens de saisir le conseil constitutionnel afin de faire appliquer la loi.
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L’article 1er complète la déclaration de patrimoine, en y ajoutant la déclaration des revenus, ainsi que des éléments de passif pour l’année qui précède l’élection, afin de permettre à la commission pour la transparence financière de la vie politique d’avoir tous les éléments pertinents pour apprécier les évolutions de patrimoine d’un élu.
Il rend obligatoire la déclaration complémentaire de patrimoine en cours de mandat, en ne laissant plus son dépôt à la libre appréciation du parlementaire. Des critères objectifs devront permettre de savoir à partir de quand une déclaration complémentaire est nécessaire. L’absence de dépôt de la déclaration complémentaire pourra ainsi être réellement sanctionnée, ce qui n’est pas le cas actuellement, rendant cette obligation très théorique.
L’article 2 permet à la commission pour la transparence financière de la vie politique de saisir directement le Conseil constitutionnel en cas de manquement d’un parlementaire à ses obligations, sans passer par le filtre du bureau de l’assemblée concernée. Cela renforcera considérablement l’autorité de la commission.
L’article 3 comble un vide juridique concernant les fonctions de juge au tribunal de commerce, de conseiller aux prud’hommes et d’arbitre, qui ne sont ni des fonctions de magistrats entrant dans le cadre de l’article L.O. 140 du code électoral, ni des fonctions publiques non électives, puisque ces juges sont élus.
L’article 4 vise à limiter le cumul des mandats, en ajoutant aux limitations existantes, qui ne traitent que des mandats, d’autres limitations concernant les fonctions. On ne pourra plus être parlementaire et président de conseil général ou régional, maire d’une ville de plus de 25 000 habitants et président d’une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants.
Les articles 5 et 6 visent à renforcer les interdictions de cumul de l’article L.O. 145, en proposant d’interdire aux parlementaires d’occuper des fonctions de président du conseil d’administration, de directeur général et directeur général adjoint d’établissements publics nationaux et d’entreprises publiques, ainsi que de président d’une autorité administrative indépendante. Les parlementaires ne pourraient être membres des conseils d’administration de ces établissements publics nationaux et entreprises publiques, et des collèges des autorités administratives indépendantes que s’ils sont désignés au titre de leur mandat.
L’article 7 vise à rendre opératoire l’interdiction de cumul avec des fonctions dans une entreprise financière faisant appel à l’épargne publique. Dans sa rédaction actuelle, l’article L.O. 146 dispose que l’objet de la société doit être exclusivement financier. Il suffit donc d’avoir quelques activités non financières, même très marginales, pour écarter l’application de cet article. Il est donc proposé de remplacer « exclusivement » par « principalement » pour laisser une marge d’appréciation et respecter ainsi l’esprit de la loi.
Il étend le champ des incompatibilités aux sociétés mères, qui détiennent le contrôle de sociétés tombant sous le coup des incompatibilités.
L’article 8 vise à étendre le régime des incompatibilités aux conseils permanents des sociétés privées entrant dans le champ des incompatibilités de l’article L.O. 146. Une telle disposition, visant les conseils, existe déjà pour les entreprises publiques et les établissements publics nationaux.
Il supprime la possibilité pour les parlementaires de commencer une activité de conseil pendant leur mandat, sous le statut de profession libérale, et de devenir ainsi avocat.
L’article 9 supprime les exceptions aux incompatibilités énoncées aux articles L.O. 146 et 147. Cela simplifie le dispositif, qui en devient beaucoup plus lisible. Cela limite également les possibilités de cumul de fonction dont pouvaient bénéficier les parlementaires, par ailleurs détenteurs d’un mandat local.
L’article 10 étend le champ de l’actuelle déclaration d’activité aux intérêts. Cela permet d’avoir une meilleure vision des risques de conflits d’intérêts, et donc de les prévenir de manière plus efficace.
Il propose de rendre publique cette déclaration d’activité et d’intérêts, actuellement confidentielle. La France est le seul pays européen, avec la Slovénie, à ne pas publier les déclarations d’intérêts et d’activités des parlementaires, alors que celles des ministres sont publiques.
Les articles 10 et 11 visent à étendre le droit de saisir le conseil constitutionnel à l’ensemble des citoyens. Actuellement, seuls le bureau de l’assemblée, le parlementaire concerné et le garde des Sceaux peuvent saisir le Conseil constitutionnel.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
L’article L.O. 135-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les mêmes conditions, le député est tenu de déposer une déclaration des revenus qu’il a perçus au cours de l’année civile précédente, tels qu’ils sont définis à l’article 1 A du code général des impôts, et des éléments de passif d’un montant supérieur à 10 000 €. » ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « chaque fois qu’ils le jugent utile » sont supprimés ;
3° Le début de la première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Des déclarations conformes aux dispositions qui précèdent sont déposées auprès… » (le reste sans changement) ;
4° Dans la dernière phrase du troisième alinéa, les mots : « sa déclaration », sont remplacés par les mots : « la déclaration de sa situation patrimoniale » ;
5° Le début du quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Toutefois, aucune nouvelle déclaration de sa situation patrimoniale n’est exigée du député lorsqu’il a établi depuis moins de six mois une telle déclaration en application… » (le reste sans changement) ;
6° Au cinquième alinéa, les mots : « de son patrimoine ou d’en fournir une évaluation mensongère » sont remplacés par les mots : « de ses revenus ou de son patrimoine ou de fournir une évaluation mensongère de celui-ci ».
L’article L.O. 136-2 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « le bureau de l’Assemblée » sont remplacés par les mots : « le Conseil constitutionnel » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « , saisi par le bureau de l’Assemblée nationale, » sont supprimés.
L’article L.O. 140 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est également incompatible avec l’exercice d’un mandat à l’Assemblée nationale l’exercice des fonctions de juge des tribunaux de commerce, de celles de conseiller prud’homal et de celles d’arbitre, régies par le livre IV du code de procédure pénale. »
L’article L.O. 141 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est également incompatible avec les fonctions de président d’un conseil régional, d’un conseil général, de l’assemblée de Corse, du conseil exécutif de Corse, de maire d’une commune de plus de 25 000 habitants et de président d’un établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants. »
L’article L.O. 145 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et de membre du conseil d’administration » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sauf si le député y est désigné en cette qualité, sont incompatibles avec le mandat de député les fonctions de membre de conseil d'administration exercées dans les entreprises nationales et établissements publics nationaux, ainsi que les fonctions de membre du collège d’une autorité administrative indépendante. »
Après l’article L.O. 145 du code électoral, il est inséré un article L.O. 145-1 ainsi rédigé :
« Est incompatible avec le mandat de député la fonction de président d’une autorité administrative indépendante »
L’article L.O. 146 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au 2°, le mot : « exclusivement » est remplacé par le mot : « principalement » ;
2° Après le 5° est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° les sociétés détenant plus de la moitié du capital de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1°, 2°, 3° et 4° ci-dessus. ».
Le second alinéa de l’article L.O. 146-1 du code électoral est ainsi rédigé :
« Est également incompatible avec le mandat de député toute fonction exercée de façon permanente en qualité de conseil auprès de l’un des établissements, sociétés ou entreprises visés à l’article L.O. 146. »
L’article L.O. 148 du code électoral est supprimé.
L’article L.O. 151-2 du code électoral est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Il déclare de même ses intérêts personnels, ainsi que ceux de ses ascendants ou descendants directs, de son conjoint, de son concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité, de nature à le placer en situation de conflit d’intérêts entendue comme une situation d’interférence entre les devoirs du député et un intérêt privé qui, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme pouvant influencer ou paraître influencer l’exercice de ses fonctions parlementaires. »
2° À la fin de la troisième phrase du premier alinéa, les mots : « sa déclaration initiale » sont remplacés par les mots : « ses déclarations initiales » ;
3° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces déclarations sont publiques. » ;
4° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« S’il y a doute sur la compatibilité des fonctions ou activités exercées, le Conseil constitutionnel peut être saisi par tout citoyen. »
Après les mots : « Conseil constitutionnel, », la fin de l’article L.O. 151-3 du code électoral est ainsi rédigée : « saisi par tout citoyen. ».
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