N° 120
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2012.
PROPOSITION DE LOI
cadre visant à permettre aux jeunes
de prendre en main leur avenir,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Marie-George BUFFET, François ASENSI, Alain BOCQUET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Quand on demande aux jeunes ce à quoi ils aspirent pour leur avenir proche, ils sont unanimes : de bonnes conditions d’études ou de formation, un emploi intéressant, stable et bien payé, un logement décent avec un loyer pas trop élevé, la possibilité de quitter le foyer familial quand ils le souhaitent. Mais ils trouvent face à eux le chômage de masse, les bas salaires, la précarité de l’emploi, la crise du logement, la casse de l’enseignement supérieur, la casse des services publics. C’est là le cœur du problème.
Dans une société minée par la crise, on a souvent l’impression qu’il n’existe pour les jeunes que deux politiques possibles : la répression et l’assistanat. Pourtant, une chose est sûre : les jeunes veulent s’en sortir par leurs propres moyens. La seule politique valable pour les jeunes est donc celle qui consiste à leur donner les outils dont ils ont besoin pour construire eux-mêmes la vie à laquelle ils aspirent. Tel est l’objet de cette proposition de loi cadre élaborée avec des jeunes, des associations et des syndicats.
Comment les jeunes pensent-ils concrètement pouvoir prendre en main leur avenir ?
La première chose qu’ils mettent en avant, c’est la nécessité de rendre effectifs les droits existants, qui sont solennellement proclamés par la République mais qui peinent dans les faits à être réellement mis en œuvre. Le premier chapitre de ce texte se donne pour objectif de remédier à cette situation en proposant, entre autres, la construction de résidences universitaires publiques, la maîtrise du montant des loyers dans le privé, la formation au permis de conduire par l’Éducation nationale, l’augmentation des aides aux transports publics, la création de centres de santé délivrant gratuitement les soins de base sur les lieux d’études et dans les cités universitaires, l’adaptation des tarifs des services publics culturels aux revenus, la généralisation des conseils locaux de la jeunesse et l’extension de leurs pouvoirs ainsi que la démocratisation des institutions, des entreprises et des lieux d’études.
La deuxième volonté qu’ils expriment est celle d’être autonomes financièrement. Le chapitre 2 propose en ce sens d’instituer des mécanismes de lutte contre les bas salaires, et notamment une prise en compte des diplômes dans les conventions collectives. Il envisage également de mieux rémunérer les stages et l’apprentissage, mais aussi de créer une allocation d’études et une allocation de recherche d’emploi ou de formation ouverte aux jeunes qui n’ont pas encore cotisés. Ces allocations sont une condition essentielle pour que tous les jeunes soient égaux dans leurs choix de réaliser ou non des études, des formations ou des stages. Elles constituent aussi une condition indispensable pour qu’ils disposent de la possibilité réelle de se réorienter quand ils en sentent le besoin et de refuser des conditions de travail ou salariales indignes.
La troisième aspiration des jeunes est d’être mieux accompagnés vers l’emploi. Aussi, le chapitre 3 propose de rendre effectif le droit aux études et à la formation en obligeant les entreprises à recruter un nombre minimal d’apprenti-e-s et à former les maîtres d’apprentissage, mais aussi en renforçant l’encadrement des stages et en facilitant l’obtention des visas étudiants. Ce chapitre prévoit aussi de renforcer les moyens de Pôle Emploi, des missions locales et du service public de l’orientation pour qu’ils puissent mieux accompagner les jeunes vers l’emploi ou la formation, mais aussi de créer une formation initiale dans les entreprises pour favoriser l’accueil des jeunes en leur sein.
Enfin, les jeunes estiment qu’ils n’ont pas à subir des conditions de travail plus précaires et plus difficiles au simple motif de leur jeunesse. Aussi, le dernier chapitre de cette proposition de loi décline un certain nombre de mesures visant à lutter contre le recours à l’emploi précaire et contre les détournements de l’apprentissage et des stages de leur objet par des sanctions pénales et financières, mais aussi en renforçant le droit d’alerte des syndicats en la matière. Il rétablit le caractère plus protecteur du droit du travail pour les jeunes en supprimant les dérogations accumulées au fil des années et crée les conditions d’un meilleur respect des droits des jeunes au travail en renforçant les moyens de l’inspection du travail et l’information des salarié-e-s sur leurs droits.
Les mesures sont connues : il faut désormais passer aux actes !
Pour permettre aux jeunes de mettre en œuvre leur programme politique, notre Assemblée doit faire preuve de volonté politique. La principale chose qui manque aux jeunes aujourd’hui, c’est en effet le soutien du Parlement pour inscrire les mesures nécessaires dans notre droit. Si cette Assemblée a une réelle ambition pour la jeunesse, elle doit lui envoyer un signal fort en inscrivant cette proposition de loi à son ordre du jour.
Dans cette période de crise économique, où les finances publiques sont soumises à la pression des marchés financiers, deux attitudes sont possibles. Soit le Parlement baisse les bras et se soumet aux injonctions des puissances de l’argent, soit il fait le pari d’une profonde transformation économique, institutionnelle et sociale adossée à deux principes : la démocratie et la solidarité. Il n’est pas possible, en effet, de continuer à orienter l’argent vers la spéculation et vers les plus riches et, dans le même temps, de se dégager les moyens nécessaires au financement de cette proposition de loi. Mais en réorientant l’argent de la finance vers l’emploi, les salaires et les services publics, un horizon nouveau s’ouvre pour la jeunesse et pour le reste de la population. C’est de ce souffle nouveau dont notre pays a tant besoin que cette proposition se veut être porteuse.
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La proposition de loi en détails
Titre Ier – Garantir l’accès des jeunes à leurs droits en développant les services publics.
Chapitre Ier : rendre effectif le droit des jeunes à vivre dans un logement décent à un prix abordable.
– Article 1er – Accès des jeunes au logement public : construction de 200 000 logements sociaux par an, doublement du nombre de places dans les résidences universitaires publiques et dans les foyers pour jeunes travailleurs, intégration des résidences universitaires privées au patrimoine des CROUS, accès des étudiants au logement social.
– Article 2 – Rapport sur l’état de délabrement des résidences universitaires des CROUS.
– Article 3 – Suppression des cautions.
–Article 4 – Plafonnement public du montant des loyers dans les logements privés.
– Article 5 – Revalorisation du barème des APL et plafonnement des charges locatives.
Chapitre II : rendre effectif le droit des jeunes aux transports.
– Article 6 – Formation des jeunes au permis de conduire au lycée.
– Article 7 – Rapport sur l’adéquation entre l’offre de transports et les besoins des jeunes, demandant l’étude d’un remboursement à 75 % de l’abonnement annuel des étudiant-e-s et apprenti-e-s.
Chapitre III : rendre effectif le droit des jeunes à vivre en bonne santé.
– Article 8 – Renforcement des examens médicaux gratuits en milieu scolaire pour mieux détecter les problèmes dentaires, auditifs, de la vue et les troubles du comportement alimentaire.
– Article 9 – Création de centres médicaux dans les universités, CFA et cités universitaires délivrant gratuitement les soins de base et réalisant des campagnes d’information sur la contraception, les MST et le VIH/sida ainsi que sur les conduites à risque.
– Article 10 – Rapport sur l’incidence des tarifs dans l’accès des jeunes aux soins.
– Article 11 – Suppression des franchises médicales et de l’augmentation de la taxe sur les mutuelles.
Chapitre IV : rendre effectif le droit des jeunes d’enrichir leur personnalité grâce aux activités physiques et sportives, à la culture et aux loisirs.
– Articles 12 et 13 – Création d’un mécanisme de réduction tarifaire en fonction des revenus pour favoriser l’accès à la culture, aux sports et aux loisirs des jeunes et des accompagnant-e-s.
– Article 14 – Rapport sur la démocratisation de la culture et sur la place des enseignements artistiques en milieu scolaire.
Chapitre V : rendre effectif le droit des jeunes à prendre les décisions qui les concernent.
– Article 15 – Généralisation de conseils locaux de la jeunesse et renforcement de leurs pouvoirs en rendant leur consultation obligatoire dans les domaines qui concernent les jeunes.
– Article 16 – Rapport sur la place des jeunes dans les institutions et la prise de décision publique.
– Article 17 – Démocratisation du CNOUS et des CROUS.
– Article 18 – Démocratisation des organes de direction des universités et des écoles.
– Article 19 – Démocratisation des centres de formation des apprenti-e-s.
Titre II – Garantir l’autonomie financière des jeunes dans la formation et dans l’emploi.
Chapitre Ier : garantir aux jeunes les moyens de mener à bout leur projet de formation dans de bonnes conditions.
– Article 20 – création d’une allocation d’études servie par les CROUS en contrepartie de la signature d’un contrat de projet personnel, dont le montant comporte une partie universelle et une partie variable en fonction des revenus des parents.
– Articles 21 et 22 – Rémunération minimale des stagiaires et des apprenti-e-s à 80 % du SMIC.
Chapitre II : garantir aux jeunes des salaires décents et rendre effectif leur droit de changer d’emploi.
– Article 23 – Rapport demandant le renforcement de la valeur des diplômes face aux logiques de personnalisation de leur contenu et leur meilleure prise en compte dans la négociation collective.
– Article 24 – Invitation à une nouvelle négociation de la convention d’assurance chômage dans la perspective de l’instauration d’une autonomisation des travailleurs vis-à-vis des employeurs.
Titre III – Accompagner les jeunes vers l’emploi et la formation.
Chapitre Ier : rendre effectif le droit à l’apprentissage et aux études.
– Article 25 – Renforcement des exigences de la négociation collective en matière d’apprentissage : fixation par branche d’un nombre minimal d’apprenti-e-s, formation pour les tuteurs et maîtres d’apprentissage, élaboration d’un programme national pour les apprenti-e-s.
– Article 26 – Suppression des exonérations de cotisations sociales et de l’aide forfaitaire pour les entreprises ne recrutant pas un nombre minimal d’apprenti-e-s.
– Article 27 – Encadrement des stages et renforcement des conseils des études et de la vie universitaire.
– Article 28 – Rapport sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer l’accès aux stages.
– Article 29 – Rapport sur les moyens à mettre en œuvre pour approfondir la démocratisation de l’accès aux études supérieures.
– Article 30 – Plafonnement du montant des droits d’inscription exigibles par les universités.
– Article 31 et 32 – Facilitation des visas pour les étudiant-e-s étrangers (carte délivrée de plein droit pour la durée des études, sans condition de ressources ; interdiction des expulsions) et rapport sur les conditions de leur conditions de leur accueil en France.
Chapitre II : soutenir les jeunes dans leurs démarches de recherche d’emploi ou de formation.
– Article 33 – Augmentation des effectifs de Pôle Emploi pour garantir aux personnes inscrites un accompagnement réellement personnalisé, en limitant le nombre de personnes suivies par agent et en fixant une durée minimale d’entretiens.
– Article 34 – Rapport demandant un meilleur soutien financier des missions locales.
– Article 35 – Rapport revendiquant la création d’un véritable service public de l’orientation pour faciliter les démarches prises par les jeunes pour trouver un emploi ou une formation.
Chapitre III : faciliter l’entrée des jeunes dans le monde du travail.
– Article 36 – Instauration d’une formation initiale dans les entreprises à chaque nouvelle prise de poste, pour que le salarié puisse mieux connaître son environnement professionnel et syndical.
– Article 37 – Instauration d’une formation au droit du travail encadrée par les syndicats pour que le salarié puisse mieux connaître et exercer ses droits personnels et collectifs.
Titre IV – Sécuriser les conditions de formation et d’emploi.
Chapitre Ier : pénaliser les entreprises qui rendent l’emploi précaire.
– Article 38 – Application d’une pénalité financière aux entreprises qui ont fait de l’emploi précaire leur modèle économique.
– Articles 39 à 41 – Renforcement du droit d’alerte syndical contre le recours abusif aux CDD et création d’un tel droit dans les cas de l’intérim, du temps partiel, de l’apprentissage et des stages.
Chapitre II : garantir aux jeunes travailleurs, aux jeunes travailleuses, aux apprenti-e-s et aux stagiaires des conditions de travail plus protectrices.
– Article 42 – Renforcement de l’information et de la formation des salarié-e-s intérimaires par l’entreprise mettant le salarié à disposition et par celle qui l’accueille.
– Article 43 – Suppression des dérogations au droit plus protecteur des jeunes travailleurs.
– Articles 44 – Suppression des dérogations au droit plus protection des apprentis.
– Article 45 – Renforcement de la définition et de la sanction pénale des discriminations pour y intégrer les discriminations territoriales, fondées sur le lieu d’étude ou d’habitation.
CHAPITRE III : RENFORCER LES MOYENS PERMETTANT DE GARANTIR LE RESPECT DES DROITS DES JEUNES AU TRAVAIL.
– Article 46 – Augmentation du nombre d’inspecteurs du travail pour un contrôle effectif du respect des droits des salarié-e-s dans les entreprises.
– Article 47 – Prise en compte des détournements de stage et d’apprentissage comme travail dissimulé, portant leur sanction à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.
– Article 48 – Renforcement de la sanction pénale de la méconnaissance des règles relatives au travail temporaire.
Aucune loi cadre sur la jeunesse dans sa globalité n’a pour l’heure vu le jour. Les mesures sectorielles s’empilent avec un évident manque de cohérence. Mais les revendications portées par les jeunes ne peuvent être comprises comme des aspirations dispersées, sans rapport les unes aux autres. Au contraire, elles font sens uniquement si elles sont prises dans leur globalité. Logement, études, salaires, chômage, tous ces sujets sont intimement liés. Ils doivent être donc abordés conjointement pour être traités convenablement. Aussi, cette proposition de loi prend le parti de replacer les revendications formulées par les jeunes dans le cadre d’une analyse multidimensionnelle de leur situation.
Il faut donner aux jeunes les moyens de sortir par eux-mêmes du sas de précarité dans lequel ils ont été enfermés au nom des profits.
Dans leur ouvrage de référence intitulé Les jeunes et le travail : 1950-2000 (1), les sociologues Chantal Nicole-Drancout et Laurence Roulleau-Berger parlent même de véritable « tradition française de la marginalisation des jeunes actifs au travail ». Elles notent que dans les années 1950 et 1960, les jeunes circulent entre « les sous-sols du salariat (emplois de service aux particuliers) », les « frontières du salariat (apprentis sans contrats ou aides familiaux non rémunérés » et l’inactivité. Avec la crise des années 1970, les jeunes occupent progressivement des « espaces d’emplois spécifiques » tandis que « l’heure de la débrouille a sonné ».
Les jeunes sont les plus touchés par le chômage et les contrats précaires.
Avant que ne débute la très grave crise que nous traversons, le chômage des jeunes était déjà très élevé, notamment dans les quartiers populaires. Il touche aujourd’hui un jeune sur quatre. Dans les ZUS, le taux de chômage est nettement supérieur à la moyenne nationale, approchant les 20 % et dépassant même les 40 % pour les jeunes (2). La crise a considérablement aggravé cette situation. Comme le constate le Céreq (3), les plus touchés sont les jeunes peu diplômés. La situation des jeunes diplômés s’est toutefois également dégradée, qu’ils soient titulaires d’un CAP ou BEP, d’un baccalauréat général ou de certains diplômes universitaires. Le Céreq constate aussi que « les jeunes d’origine populaire sont davantage pénalisés dans l’accès à l’emploi que les jeunes de milieux aisés » et que « l’importance du chômage chez les descendants de l’immigration nord-africaine est aujourd’hui un fait statistique établi » (3).
De plus, la crise a amplifié la précarité des jeunes au travail – qui n’est pas pour autant nouvelle. L’INSEE (4) le souligne sans ambiguïté : « parmi les personnes en emploi, sorties du système scolaire depuis un à quatre ans, la part de celles en emploi temporaire s’élève à 30 % en moyenne sur la période ». Malgré l’échec des contrats première embauche (CPE), qui visaient à institutionnaliser la précarité, les jeunes de moins de trente ans sont ceux qui sont le moins souvent en CDI, notamment lorsqu’ils ne sont pas diplômés. Les contrats des jeunes sont principalement le CDD (19,4 % contre 9 % pour l’ensemble des salariés), l’apprentissage (6,7 % contre 1,5 %) et l’intérim (5,3 % contre 2,4 %). Ces deux dernières formes d’emploi ont d’ailleurs connu un fort développement, pour atteindre 12 % de l’emploi salarié en 2008, de même que le recours au temps partiel, en particulier pour les femmes.
Les jeunes comptent parmi les salarié-e-s dont les salaires sont les plus bas et les conditions de travail les plus dures.
Concernant les salaires, un constat équivalent peut être fait. « Rapporté au nombre de jours rémunérés, le revenu salarial moyen des moins de 25 ans est inférieur de 60 % à celui des 40 ans ou plus » relève l’INSEE (5). Alors qu’un jeune cadre à temps plein perçoit 24 040 € annuels, un jeune employé-e ou un jeune ouvrier/ère perçoit 15 330 €, soit 36 % de moins, et un jeune exerçant une profession intermédiaire 18 660 €. Non seulement les jeunes sont plus nombreux parmi les employé-e-s et les ouvrier-e-s, mais encore ils travaillent rarement à temps plein : 22,9 % des jeunes occupent un emploi à temps partiel et 48 % d’entre eux travaillent même moins de 22 heures par semaine. En conséquence, non seulement leur salaire journalier, s’élevant à 35 €, est inférieur de 38 % par rapport à l’ensemble des salarié-e-s, mais aussi, parce qu’ils travaillent un moins grand nombre de jours en raison de la précarité de leurs contrats, les jeunes percevaient en moyenne en 2008 un revenu annuel de 7 160 € et un revenu mensuel de 597 € – ce qui est inférieur au seuil de pauvreté. Cette situation est plus grave encore pour les femmes, qui gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes.
À cela s’ajoutent des conditions de travail dégradées. Nombreux sont les jeunes qui doivent effectuer sans rémunération complémentaire ni repos compensateur des heures supplémentaires pour « faire leurs preuves » et ne pas être licenciés. Nombreux aussi sont ceux qui doivent enchaîner les stages pour se faire une expérience qui n’est jamais jugée suffisante, tandis que de nombreuses entreprises considèrent les apprenti-e-s et les stagiaires comme une simple main d’œuvre d’appoint bon marché, que le chômage de masse rend malléable à souhait. Les promesses d’embauche se succèdent pour les faire travailler plus dur mais, à la fin du contrat, un nouveau stagiaire ou un nouvel apprentis remplace le précédent, pour lequel l’entreprise bénéficie d’ailleurs de nouvelles – et abondantes – aides publiques et exonérations de cotisations patronales qu’elle perdrait en d’autres cas. De plus, « les salariés de moins de 20 ans ont trois fois plus d’accidents du travail que ceux de 50 à 59 ans, et ceux de 20 ans à 29 ans, deux fois plus. Les jeunes sont vraisemblablement plus vulnérables de par leur manque d’expérience ou leur affectation aux postes les plus risqués » relève l’INSEE (6).
Les jeunes qui font des études sont confrontés à l’insuffisance des bourses et à la nécessité de recourir à des « petits boulots ».
En théorie, les étudiant-e-s ne devraient pas connaître la précarité laborieuse décrite ci-dessus, que subissent les jeunes travailleurs/ses. Afin qu’ils puissent mener à terme avec succès leurs études quelques soient les revenus de leurs parents, les étudiant-e-s bénéficient en effet de bourses. Toutefois, force est de constater que le montant de celles-ci est très bas. Une bourse échelon 1 s’élève à 1 606 € par an, soit 160 € par mois pendant 10 mois – et rien l’été (7). Le montant de la bourse à l’échelon 6 s’élève à 4 600 € par an, soit 460 € sur dix mois. Concrètement, pour obtenir une bourse échelon 1, les parents de l’étudiant-e doivent percevoir entre 22 500 € par an à zéro point de charges et 65 000 € à 17 points de charges. À titre indicatif, si ses parents perçoivent 22 500 € par an, soit 1 875 € par mois, un étudiant ou une étudiante doit avoir 5 frères et sœurs boursiers dans le supérieur pour avoir 17 points de charges s’il ou elle réside à moins de 30 kms de son lieu d’études, ou « seulement » 4 s’il ou elle réside à plus de 250 kms de son lieu d’études ! Autrement dit, sa famille doit être pauvre s’il ou elle veut prétendre à 460 € par mois, qui ne lui permettront même pas de payer son loyer. Il en va de même pour l’allocation pour la diversité dans la fonction publique, censée garantir l’égalité des étudiant-e-s préparant les concours administratifs : un étudiant ou une étudiante dont les parents gagnent moins de 33 000 € par an peut bénéficier, sous réserve que sa lettre de motivation ait convaincu les services préfectoraux – le nombre de bourses étant contingenté par région –, d’une allocation annuelle de 2 000 € versée en 3 fois à compter de décembre... Aussi, assurément, les étudiant-e-s boursiers se trouvent très souvent dans une situation de réelle pauvreté. De nombreuses associations, à l’instar des Restos du cœur, constatent d’ailleurs chaque année une augmentation de celle-ci.
Pour faire face à l’extrême pauvreté, ou au moins pour pouvoir poursuivre tant bien que mal leurs études, les étudiant-e-s des milieux populaires, mais aussi désormais ceux des classes moyennes, sont contraints de travailler. Confrontés à l’augmentation concomitante du coût des études sous l’effet de la loi LRU et du coût de la vie, de plus en plus d’étudiants connaissent également la précarité laborieuse des jeunes travailleurs. L’observatoire de la vie étudiante constate que les trois quarts des étudiant-e-s aujourd’hui sont ainsi contraints d’exercer une activité rémunérée, à temps plein pour 28 % d’entre eux et en rapport avec leurs études dans seulement 16 % des cas. Dans un contexte de chômage de masse, compte tenu de leurs contraintes horaires, ils ne trouvent que des « petits boulots » peu intéressants, fatigants et mal payés. Ces emplois les empêchent d’effectuer dans de bonnes conditions le travail de recherche personnelle et les exercices pratiques nécessaires au succès de leurs études, voire les épuisent au point qu’ils ne puissent plus suivre leurs cours correctement. Ces emplois constituent de plus autant de freins à la réalisation de stages plus épanouissants et plus formateurs, mieux considérés dans leur curriculum vitae et potentiellement mieux intégrés dans le cursus pédagogique – mais toutefois le plus souvent peu ou pas rémunérés. Aussi, force est de constater que le travail étudiant est un puissant facteur de discrimination sociale, qui n’est probablement pas sans lien avec l’important nombre d’échecs au niveau de la licence. Les bourses, censées rétablir l’égalité républicaine, ne jouent plus leur rôle en raison de leur faible montant. Elles ne permettent pas non plus aux jeunes de s’émanciper du foyer familial, de devenir réellement autonomes comme il le faudrait à cette période de la vie.
Face à ces constats, il apparaît urgent de renforcer le droit du travail pour permettre aux jeunes et aux autres salarié-e-s de résister aux abus de leurs employeur-e-s et d’obtenir des augmentations de salaires.
Le droit du travail avait prévu pour les jeunes travailleurs et les apprenti-e-s un certain nombre de protections renforcées : un jeune, du fait de son âge et de son manque d’expérience, est en effet plus fragile et plus vulnérable aux pressions. Toutefois, si les principes sont fermes, les dérogations sont nombreuses et les protections réelles, en fin de compte, très limitées. Il faut mettre un terme à ces dérogations, qui concernent tant le temps de travail hebdomadaire que quotidien, les temps de pause et le droit aux congés que les jours et horaires auxquels il est possible de travailler (articles 43 et 44). Au-delà de ces interdictions dont il est indispensable de réaffirmer le principe, il est important que le jeune soit introduit dans ses nouvelles missions dans de bonnes conditions : ce texte propose d’instituer une formation initiale obligatoire à chaque prise de poste, permettant au salarié-e, le cas échéant, de découvrir l’entreprise, ses missions et les organisations syndicales qui y sont actives (article 36).
Cette proposition de loi renforce également les droits de l’ensemble des salarié-e-s pour lutter contre la précarité et le mauvais usage des stages et de l’apprentissage. Elle enrichit la définition des discriminations dans le code pénal pour lui ajouter dimension territoriale (article 45) : de nombreuses personnes sont en effet discriminées à l’embauche ou dans leur carrière du fait de leur lieu de résidence. Afin de lutter contre l’emploi précaire, elle renforce le droit d’alerte des syndicats pour lutter contre l’abus de recours aux CDD et elle en institue un pour l’intérim, les stages et le temps partiel (articles 49 à 41). Elle prévoit également, dans cet état d’esprit, des sanctions financières contre les entreprises qui recourent massivement aux emplois précaires (article 38) ainsi que des sanctions pénales contre celles qui détournent les stages et contrats d’apprentissages de leur objet pédagogique (article 49). Elle renforce les sanctions en cas de méconnaissance des règles liées au travail temporaire (article 47). Elle institue une formation au droit du travail (article 37) et elle renforce l’information des salariés, notamment lorsqu’ils sont embauchés en intérim (article 42). Elle propose de même de renforcer les effectifs de l’inspection du travail pour garantir l’effectivité de l’application des droits (article 46).
Cette proposition de loi, enfin, renforce les droits des jeunes et de l’ensemble des salarié-e-s pour instaurer un cercle vertueux en matière salariale et permettre à tous et toutes de sortir de la pauvreté au travail. Les stages et l’apprentissage, parce qu’ils constituent un travail effectif en même temps qu’un moment de formation, doivent être rémunérés à hauteur de 80 % du SMIC au minimum (articles 21 et 22). De même, il faut mieux reconnaître les diplômes dans les conventions collectives pour qu’il ne soit plus possible de payer des personnes à un niveau manifestement inférieur à leurs compétences, comme cela est devenu la règle, et en parallèle faire en sorte que ces diplômes reflètent un niveau de compétences réellement égal, et donc soient l’aboutissement de formations encadrées au niveau national au contraire des logiques modulaires de la loi LRU (article 23). Pour donner toute leur portée à ces mesures, il faut inverser le rapport de force entre les employeurs et les salarié-e-s en supprimant les exonérations de cotisations sociales lorsque l’employeur bloque un accord salarial. La question des salaires est une question décisive au plan économique pour sortir de la crise : il faut réorienter au plus vite l’argent de la spéculation vers l’emploi, la formation et les salaires pour relancer la croissance.
Pour garantir l’autonomie des jeunes et renforcer efficacement et durablement leurs droits au travail et dans l’emploi, il faut mettre en place une allocation d’études et une allocation de recherche d’emploi ou de formation.
Les relations entre employeurs et employé-e-s sont d’autant plus inégalitaires que, du fait du chômage de masse, les salarié-e-s sont tenus d’accepter des conditions de travail ou de rémunération inacceptables de la part de l’employeur pour ne pas être licenciés. Lorsqu’ils le sont néanmoins, souvent pour satisfaire l’appétit de profits des actionnaires, ils sont soumis aux menaces incessantes de radiation de Pôle Emploi et à la pauvreté qu’implique le faible montant de l’indemnisation chômage pour accepter n’importe quel emploi. Le manque d’encadrement et de soutien de la part de Pôle Emploi, dont les agents souffrent d’un sous-effectif majeur, et une conception de la formation professionnelle trop largement centrée sur la promotion interne empêchent la période de chômage d’être un temps de formation pour une reconversion réussie, d’être un tremplin pour la promotion sociale, porteur d’un droit à la mobilité professionnelle qui reste à conquérir. Dans le même temps, le faible niveau des bourses et allocations d’études contraint les étudiant-e-s à effectuer des « petits boulots », précaires et mal rémunérés, au lieu d’étudier.
Cette proposition de loi envisage donc un mécanisme double. Pour éviter que les étudiant-e-s n’aient à subir la précarité salariale et pour qu’ils puissent être autonomes, elle met en place une allocation d’études et d’autonomie (article 20). Servie par les CROUS, elle serait conditionnée, comme le préconise le rapport de Dominique Charvet, Jeunesse, le devoir d’avenir (8), à la signature d’un contrat de projet personnel. Celui-ci consacrerait les obligations d’assiduité de l’étudiant-e et celles d’accompagnement et de soutien de l’établissement dans lequel il ou elle étudie. L’allocation comporterait une partie socle universelle pour tous les étudiant-e-s, et une partie variable, croissante à mesure que les revenus des parents sont bas. Pour les jeunes sortis des études ou ne désirant pas aller à l’université, ce texte propose d’inscrire dans le droit les conditions nécessaires à l’instauration d’une véritable allocation de recherche d’emploi ou de formation. En effet, pour sortir durablement des logiques décrites ci-dessus et garantir l’autonomie des individus dès la jeunesse et tout au long de la vie, il faut se diriger vers une véritable « sécurité d’emploi ou de formation », comme le démontre l’économiste Paul Boccara (9). Ainsi que le souligne Maryse Dumas au sujet du projet de sécurité sociale professionnelle de la CGT, un telle démarche permettrait « de passer d’une vision réparatrice de l’indemnisation du chômage et du droit sur les licenciements à un droit de l’individu tout au long de sa vie qui le libère de sa dépendance au devenir et à la gestion de l’entreprise. […] Ainsi, le principe même du licenciement disparaît. » (10)
Comme l’assurance chômage relève de la négociation entre les syndicats et les organisations patronales, cette loi ne peut mettre en place directement une allocation de recherche d’emploi ou de formation. Toutefois, aux termes de l’article 34 de la Constitution, « la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale. » Aussi, ce texte se propose de fixer les principes fondamentaux devant régir la prochaine convention d’assurance chômage (article 24), permettant une réécriture complète au code du travail. Cela s’avère d’autant plus nécessaire que ces principes sont eux-mêmes la traduction de ceux inscrits dans le préambule de la Constitution de 1946 et devraient en conséquence déjà avoir trouvé une application concrète en la matière (voir infra). Pour que l’assurance chômage puisse remplir son rôle, il est proposé qu’elle soit ouverte aux personnes qui n’ont pas encore cotisé ou pas assez cotisé, à savoir principalement les jeunes, mais qui seront amenés à le faire rapidement grâce à un suivi individualisé par Pôle Emploi et une réorientation des richesses vers les salaires, l’emploi et les investissements productifs. Il s’agit donc d’un bénéfice anticipé de l’assurance chômage. Dans le même sens, elle ne doit pas non plus servir de moyen de pression pour contraindre ses bénéficiaires à accepter n’importe quel emploi : ce texte propose d’interdire toute mesure obligeant un demandeur d’emploi à accepter un certain nombre d’offres dites « raisonnables d’emploi », comme c’est le cas actuellement, et propose à l’inverse que l’allocation soit versée jusqu’à ce que la personne ait trouvé un emploi qui lui convienne. Pour que l’assurance chômage soit réellement placée au service de la recherche d’emploi ou de formation, son montant ne doit pas pouvoir être inférieur au SMIC, qui doit lui-même être porté à 1 700 €. De même, elle doit être associée au renforcement de Pôle Emploi (article 33) pour que l’institution soit capable d’un suivi et d’un soutien effectifs et personnalisés, mais aussi à un renforcement des moyens des missions locales pour les jeunes les plus en difficulté (article 34). Elle doit aussi être associée à une redéfinition de la formation professionnelle, pour en faire un véritable outil au service de la reconversion des salarié-e-s en fonction de leurs besoins et de leurs aspirations, et non un simple outil de promotion interne.
Il faut réorienter l’argent vers les services publics, l’emploi et les salaires pour que les jeunes puissent exercer leurs droits de manière effective.
Pour armer les jeunes face à l’avenir, il faut non seulement transformer les relations de travail, mais aussi, si l’on souhaite que leur autonomie soit réelle, renforcer les services publics. C’est là une condition indispensable, en effet, pour que chacun puisse accéder à ses droits. Les hommes et les femmes de notre pays bénéficient en théorie d’un grand nombre de droits politiques et sociaux. Il s’agit bien sûr des droits économiques, sociaux et politiques garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, par le préambule de la constitution de 1946, par les principes fondamentaux auxquels renvoie le préambule de la constitution de 1958 et ceux contenus dans sa lettre même. Il s’agit aussi des droits consacrés dans des accords internationaux ratifiés par la France dans le cadre européen ou, surtout, onusien, avec les deux pactes de 1976 portant l’un sur les droits économiques, sociaux et culturels et l’autre sur les droits civils et politiques. Droits au travail, à l’assistance, droits syndicaux, droit au logement, à des conditions de vie décentes, participation à la gestion des entreprises et à la vie démocratique du pays, droit à la mobilité, droit à une vie familiale normale : tous ces droits sont inscrits dans notre corpus juridique. Mais on le voit hélas tous les jours, ils ne sont pas appliqués. Les jeunes comptent parmi les premières victimes de ce défaut d’application, qui frappe la grande majorité de nos concitoyens.
Le développement des services publics du logement, des transports et de la santé est une condition nécessaire à l’accès des jeunes à l’ensemble de leurs droits.
Le droit par lequel tout commence, pour mener une vie stable et accéder aux autres droits, c’est le droit au logement. Dans sa récente étude intitulée Jeunes, une génération précaire, le Secours Catholique décrit avec une grande clarté la situation : les jeunes « sont nettement plus souvent en substitut de logement […] Le parc social leur étant largement inaccessible, c’est dans le parc privé ou dans des structures collectives qu’une partie des jeunes parvient à se loger. Mais les exigences de garanties des bailleurs privés sont telles que cela reste difficile, même avec les garanties Loca-Pass ». Nombre de jeunes, qu’ils soient étudiant-e-s, apprenti-e-s ou travailleurs/ses, sont ainsi contraints de quitter le foyer familial très tardivement, ralentissant d’autant leur émancipation sociale et personnelle, les handicapant même dans certains cas dans leurs recherches d’emplois. En l’absence de caution parentale suffisante, surtout dans les zones tendues, ils sont contraints de louer des logements trop petits, parfois insalubres, pour des loyers d’autant plus élevés qu’ils sont en partie solvabilisés par les APL. Cette spéculation, nourrie à la fois par de l’argent public et par la précarité des jeunes, est largement entretenue par le manque criant de places dans les logements collectifs, notamment dans les foyers de jeunes travailleurs/ses et dans les résidences universitaires publiques, nombre de ces dernières étant en outre dans un état de vétusté totalement inacceptable du fait du désengagement financier de l’État.
Face à ce constat, appuyé sur les revendications des associations caritatives et de défense du droit au logement (11), ce texte envisage dans son article 1 la construction de 200 000 logements réellement sociaux par an pendant 5 ans, ce qui devrait en favoriser l’accès aux jeunes travailleurs/ses. Il propose aussi dans le même article d’intégrer les résidences étudiantes privées au patrimoine public et d’engager la construction de nouvelles résidences universitaires sous l’égide du CROUS. Ce type de logements publics est en effet très adapté à la condition étudiante en termes de sociabilité et de promotion d’activités dont les jeunes ont besoin pour réussir leurs études et se construire en tant qu’adultes et citoyens. Ces résidences ont toutefois connu un important délabrement, au sujet duquel ce texte demande une enquête approfondie et exige que les travaux requis soient réalisés (article 2). Pour ceux qui, malgré tout, devront ou souhaiteront se loger dans le parc privé, trois mesures apparaissent nécessaires. La première est de bloquer les loyers dans le parc privé par un mécanisme de contrôle public des prix (article 4). La seconde est de supprimer les dérogations qui, dans la loi, discriminent les étudiant-e-s et apprenti-e-s dans l’obligation d’avoir une caution (article 3). La troisième, en fonction des conditions de mise en place de ce blocage des prix et du montant des allocations d’autonomie et de recherche d’emploi ou de formation, de revaloriser le montant des APL de sorte que les charges locatives ne dépassent pas 20 % des ressources d’un foyer (article 5). Ces éléments de réponse aux problématiques rencontrées par les jeunes s’inscrivent donc dans le cadre de la mise en place d’un véritable service public du logement, seul à même de garantir l’accès de tous et toutes au logement dans de bonnes conditions.
Une fois logé, une jeune doit pouvoir se rendre sur son lieu d’étude, de travail ou de loisir. Aussi, le droit au transport est également structurant pour l’accès aux autres droits. À cet égard, le rapport Faciliter l’accès des jeunes au permis de conduire est formel : l’exigence de mobilité, « c’est souvent, nous le verrons, le premier élément qui motive un jeune à passer son permis de conduire. Cette mobilité est non seulement utile socialement, en terme d’insertion à des groupes sociaux par le biais des loisirs par exemple, mais elle permet aussi et surtout l’insertion professionnelle. Or, cette problématique de l’insertion professionnelle concerne tous les jeunes, au-delà de leur parcours et de leur trajectoire sociale. » (12) Le coût du permis de conduire est pourtant très élevé, dépassant le plus souvent les 1 000 €, pouvant même dépasser les 2 000 € pour les jeunes les plus en difficulté. La plupart des jeunes ne peuvent réunir les sommes nécessaires que tardivement ou au prix de grands sacrifices. Des aides existent, le plus souvent soit très ciblées sur certains groupes sociaux, soit variables en fonction de la région dans laquelle réside le jeune. Quant au « permis à un euro par jour », parce qu’il s’agit d’un permis à 30 euros par mois tout de même, il n’est pas accessible aux plus précaires dont les dossiers sont refusés. Les jeunes ne sont donc pas égaux face au permis de conduire. Afin que tous les jeunes puissent effectivement accéder au permis de conduire, cette proposition de loi envisage que la formation à celui-ci soit intégrée au cursus scolaire au lycée (article 6).
Le droit au transport passe aussi par le déploiement des transports publics et des conditions d’accès à ceux-ci. Du fait du désengagement de l’État, les infrastructures n’ont pas été correctement entretenues et développées. Aussi, alors même que la qualité des réseaux ne répond pas toujours aux besoins, le prix des transports a augmenté ces dernières années dans de nombreuses régions. Cette proposition de loi demande un rapport du gouvernement sur les conséquences de cette politique pour l’exercice effectif des jeunes au droit au transport, droit qui est en théorie garanti par la loi (article 7). Dans ce contexte, afin de faciliter l’accès des étudiant-e-s aux transports, les régions ont mis en place des aides financières pour les étudiants. L’observatoire de la vie étudiante constate néanmoins que les étudiants consacrent entre 50 € et 90 € par mois pour les transports, le coût étant le plus élevé dans les unités urbaines de moins de 100 000 habitants. En Île-de-France les étudiant-e-s bénéficient d’une aide faisant diminuer de 50 % le prix de leur abonnement annuel : le montant de celui-ci s’élève ainsi à 298 € au lieu de 633 € pour les zones 1 et 2 et à 655 € au lieu de 1 112 € pour les zones 1 à 5. Constatant l’insuffisance relative de ces aides, le département du Val-de-Marne rembourse 50 % de cet abonnement et accorde une aide supplémentaire aux élèves et étudiant-e-s boursiers. Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles demeurent exceptionnelles. Afin de garantir l’égalité des jeunes sur tout le territoire dans l’accès aux transports publics, il apparaît nécessaire que l’État non seulement rétablisse les logiques de service public dans les entreprises publiques, mais aussi généralise un niveau d’aide maximal pour les jeunes en complément des différentes allocations prévues dans ce texte : tous les jeunes de France, comme dans le Val-de-Marne, doivent pouvoir bénéficier d’un remboursement de 75 % de leur abonnement annuel de transports.
Les jeunes sont statistiquement en moyenne en meilleure santé que le reste de la population, mais ils sont souvent contraints de renoncer aux soins quand ils en ont besoin, faute d’argent et, le cas échéant, de couverture mutuelle. Ainsi, 24 % des personnes disposant de moins de 870 € par mois sont contraintes de renoncer à consulter un médecin pour des raisons financières, l’expérience de la précarité jouant un rôle important en la matière (13). Sur le terrain d’ailleurs, Médecin du Monde constate que « le profil socio-économique des patients est toujours aussi marqué par la précarité et des conditions de vie difficiles » (14). La multiplication des franchises et autres tickets modérateurs, le trop faible niveau des remboursements par la Sécurité sociale contribuent à cette situation, qu’il s’agisse de l’accès à un médecin généraliste ou à un spécialiste, ou de l’accès aux soins subséquents. À titre d’exemple, les montures de lunettes ne sont remboursées qu’à hauteur de 65 % sur la base d’un prix forfaitaire de 30 €, ce prix forfaitaire oscillant entre 2 € et 24 € pour les verres. Autant dire qu’elles sont à la charge quasi-exclusive des patients, alors qu’il ne s’agit assurément pas d’un luxe. Aussi, l’Observatoire de la vie étudiante relève chaque année qu’environ un quart des étudiant-e-s n’a pas consulté de médecin généraliste dans les six mois précédents son enquête et que 36 % d’entre eux n’ont pas consulté de dentiste, sans parler de ceux qui ne renouvellent pas leurs lunettes alors que cela serait nécessaire à la bonne conduite de leurs études. La situation des apprenti-e-s et des jeunes travailleurs/ses n’est pas plus favorable.
Renoncer aux soins pour des raisons financières n’est acceptable ni pour les jeunes, ni pour quelque composante de la population. La santé est un droit fondamental de la personne. De mauvaises conditions de santé sont une source de souffrance immédiate et future, pour soi comme, potentiellement, pour le reste de la société. Aussi, cette proposition de loi demande un état des lieux précis sur l’accès des jeunes aux soins (article 10) et envisage d’ores et déjà de mettre un terme aux logiques de déremboursements et de renchérissement des mutuelles en supprimant pour les étudiants et apprentis les franchises médicales instaurées par la loi de 2007 de financement de la sécurité sociale et la taxe sur les mutuelles récemment adoptée dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative pour 2011 (article 11). Elle envisage aussi la mise en place dans chaque université, dans chaque CFA et dans chaque résidence universitaire gérée par le CROUS de centres de santé où l’accès aux consultations médicales de base, y compris gynécologiques, serait ouvert aux jeunes de moins de 26 ans, aux étudiant-e-s et aux apprenti-e-s sans donner lieu à une contribution pécuniaire de leur part (article 9). L’ouverture de tels centres est autorisée par décret, mais ils n’existent pas partout et n’ont pas toujours l’ampleur suffisante, faute de moyens. L’égalité entre les étudiant-e-s serait ainsi accrue dans l’accès à la santé.
Le rapport des jeunes à la santé n’est toutefois pas limité à leurs propres difficultés financières : « les comportements vis-à-vis de la santé résultent [...] largement [...] du milieu d’origine. » (15) Afin de donner aux jeunes les moyens de se construire sur de bonnes bases, cette proposition de loi envisage la nécessaire prise en charge de certains soins dès le plus jeune âge, en matière dentaire, ophtalmologique, auditive, de dyslexie, ou encore d’obésité – trouble très marqué socialement et dont les conséquences sont majeures sur les rapports à soi et aux autres (article 8). Le rapport des jeunes à la santé est aussi lié à ce qu’implique la jeunesse en termes de modes de vie. C’est à titre d’exemple une période de découverte de la sexualité : il est donc nécessaire non seulement d’accompagner les jeunes filles dans la maîtrise de leur corps, mais aussi de sensibiliser l’ensemble des jeunes aux enjeux de la contraception et aux risques liés aux MST et au VIH/Sida. La jeunesse est aussi une période d’exposition à certaines pratiques dangereuses, notamment en termes de consommation d’alcool et de drogues. Aussi, cette proposition de loi envisage de conférer un rôle central aux centres de santé qu’elle met en place en matière de prévention de l’alcoolisme et de la toxicomanie, d’information sur les MST et la contraception, mais aussi d’accès à la contraception et aux consultations gynécologiques (article 9).
Le développement des services publics de l’éducation, de la formation et de l’orientation ainsi que de celui du temps libre sont indispensables à la construction des jeunes quelques soient les ressources de leurs parents.
Les jeunes sont plus nombreux aujourd’hui à faire des études que dans les années 1950 et la durée de celles-ci s’est allongée. Cela est en grande partie dû au mouvement de massification de l’université engagé après mai 1968. Dans une société marquée par la révolution informationnelle et un progrès technique rendant sans cesse plus nécessaire l’accroissement du niveau de qualification de chacun, cela constitue évidemment un mouvement positif. Aussi, il faudrait allonger la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans dans un cadre scolaire repensé pour favoriser la réussite des élèves, associant mieux les membres de la communauté éducative, et faire en sorte de la pousser le plus loin possible. Toutefois, d’une part ce mouvement de massification ne s’est pas accompagné d’une démocratisation suffisante et, d’autre part, il est aujourd’hui remis en cause. La loi LRU non seulement génère des inégalités territoriales en créant un système universitaire à plusieurs vitesses, mais l’augmentation des frais d’inscriptions qu’elle implique contribue à une éviction accrue des jeunes des milieux populaires par l’argent, d’autant que le niveau des bourses est dérisoire (voir supra). En outre, beaucoup de choses se jouent dès le plus jeune âge : « Les inégalités dans la réussite des élèves sont très nettement corrélées aux inégalités sociales et culturelles de leurs familles. Or l’école n’arrive plus à diminuer ces inégalités de départ : ces dernières ont même tendance aujourd’hui à augmenter tout au long de la scolarité. […] Des clivages territoriaux viennent aggraver ces inégalités » (16). Cela est lié aux difficultés rencontrées par notre système scolaire, qu’il s’agisse des suppressions d’effectifs enseignants dans le cadre de la RGPP ou de la façon d’enseigner et de former les professeurs. Cela est aussi lié à l’environnement dans lequel évoluent les enfants : logements trop petits et mal insonorisés dont on peut être expulsé sans sommation, pauvreté des parents, perspectives de chômage. Dans ce contexte, beaucoup de jeunes finissent par considérer que l’école et les études ne sont pas faites pour eux. Cette idée se trouve renforcée par le fait que ceux qui étudient sont souvent contraints d’abandonner précocement pour des raisons financières et, lorsque cela n’est pas le cas, connaissent malgré tout le chômage ou trouvent un emploi précaire et mal payé. Aussi, ils sont nombreux à renoncer aux études universitaires, voire à l’idée d’obtenir un quelconque diplôme. Les inégalités scolaires alimentent ainsi les inégalités sociales. De plus, le choix des filières est très marqué socialement : l’observatoire de la vie étudiante constate par exemple que la plupart des étudiant-e-s dont les parents sont ouvriers sont majoritaires dans les sections de techniciens supérieurs (30 % des effectifs), tandis que ceux dont les parents sont cadres sont majoritaires dans le management (51,6 %) et les classes préparatoires (48,4 %). Cette proposition de loi envisage de réaliser un état des lieux sur la question (article 29) et met en place un mécanisme de fixation du montant des droits d’inscription par l’État sous contrôle des organisations étudiantes (article 30), en complément de la mise en place d’une allocation d’études. Elle envisage, enfin, d’améliorer l’accueil des étudiant-e-s étrangers et leur accès aux droits en assouplissant la politique des visas (articles 31 et 32).
Le droit à l’éducation et à la formation n’est pas non plus garanti de manière satisfaisante en matière professionnelle. Les lycées professionnels sont souvent, à tort, considérés comme des « voies de garage » et ils ne disposent pas des moyens suffisants pour répondre aux besoins de formation des jeunes. Quand les jeunes sont formés en alternance, ils connaissent de grandes difficultés pour trouver une entreprise désireuse de les accueillir. Lorsqu’ils parviennent après maintes péripéties à en trouver une, ils sont souvent confrontés à un défaut d’accompagnement : les tuteurs sont peu formés et ne les encadrent pas vraiment car, trop souvent, les entreprises considèrent ces jeunes non pas comme de futurs employé-e-s dont il faut préparer le recrutement, mais comme une main d’œuvre bon marché qui ouvre droit à d’abondantes exonérations de cotisations patronales. Cette proposition de loi envisage donc non seulement de mieux protéger les apprenti-e-s et les stagiaires contre les pratiques de telles entreprises (voir supra), mais elle envisage aussi de revaloriser les conditions d’apprentissage : il est proposé d’une part que soit fixé par branche un nombre minimal d’apprentis par entreprise (article 25), garanti par des sanctions financières contre celles qui ne le respecteraient pas (article 26), et d’autre part que la formation des tuteurs ainsi qu’un programme national pour les apprenti-e-s soient fixés avec les organisations syndicales lors de la négociation triennale. De même, il est proposé de renforcer l’encadrement des stages et de réfléchir aux moyens d’en rendre l’accès effectif au plan pratique (articles 27 et 28) : en effet, d’un côté tous les étudiant-e-s postulent à des stages au même moment dans les mêmes secteurs, de l’autre les conditions ne sont pas réunies ni pour faciliter l’information des étudiant-e-s sur les offres existantes de stages, ni pour que les entreprises souhaitent accueillir des stagiaires. Tout cela doit s’intégrer dans une démarche de refonte du service public de l’orientation scolaire et universitaire (article 35).
Les jeunes sont aussi confrontés à de profondes inégalités dans leurs possibilités de construction personnelle par le biais d’inégalités dans l’accès à la culture et aux loisirs. Selon leurs loisirs, les enfants acquièrent un certain nombre de connaissances extra scolaires et de codes sociaux. L’impossibilité d’accès à certains d’entre eux pour certains jeunes contribue ainsi à aggraver les discriminations scolaires et à réduire leurs possibilités d’accéder à un grand nombre d’emplois ou à réussir aux concours administratifs. Voyager, prendre des cours d’anglais ou de musique, fréquenter les musées, faire du sport : tout cela contribue à la construction de l’individu et à l’élargissement de ses possibilités d’épanouissement personnelles. Aussi, comme le rappelait la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) dans une enquête de 2009, l’accès aux loisirs, à la culture et aux activités physiques et sportives n’est « pas un besoin facultatif, mais bien un droit » (17) de premier plan. Or, les discriminations sociales sont en la matière particulièrement fortes, et ce d’autant plus que la puissance publique se désengage chaque année d’avantage. 95 % des enfants de cadres partent en vacances au moins une fois dans l’année, tandis qu’un tiers des enfants d’ouvriers n’en n’a pas la possibilité (18). Selon l’Observatoire des vacances et des loisirs, « tous les indicateurs convergent pour appuyer l’hypothèse d’une baisse du taux de départs en vacances des enfants et des jeunes. De plus si l’on examine les écarts entre les taux de départs selon les niveaux de revenu [..], on constate un nouvel accroissement des inégalités qui touche particulièrement les enfants de familles à revenu moyen. » (19) Aussi, cette proposition de loi prévoit d’élargir l’aide au départ en vacances sur la base de critères sociaux (article 12)
En matière de pratiques culturelles, l’Observatoire des inégalités constate que « en 2008, 60 % des cadres supérieurs ont visité un musée au moins une fois dans l’année contre 24 % des ouvriers. 41 % des premiers sont allés au théâtre contre 9 % des seconds. » (20) L’enquête de la JOC précitée et l’enquête annuelle de l’Observatoire de la vie étudiante confirment ces chiffres : les jeunes fréquentent peu les musées, les théâtres et les opéras, en particuliers les apprentis et les ouvriers. Cela est grandement lié à la place des enseignements artistiques dans notre système éducatif, qui ne contribue pas assez à la démocratisation de la culture et à son accessibilité dans les milieux populaires. Aussi, ce texte demande état des lieux sur la place des enseignements éducatifs dans le système scolaire et sur les propositions à mettre en place pour démocratiser l’accès à la culture dès le plus jeune âge (article 14). Pour éliminer les obstacles financiers liés au coût de certains loisirs et au prix de certaines licences sportives, elle crée également un mécanisme pour que les moyens financiers ne constituent plus un obstacle à l’accès à la culture et aux activités physiques et sportives : en fonction de ses ressources financières, toute personne pourra bénéficier d’une réduction tarifaire dans les établissements et organisations culturels et sportifs qui auront signé avec l’État une convention, à l’instar des musées publics, des théâtres et opéras publics, des fédérations sportives ou des associations d’éducation populaire (articles 12 et 13).
L’accès plein et entier des jeunes à leurs droits rend indispensable le développement de la démocratie dans les entreprises et dans les institutions politiques à tous les échelons.
Chômage, précarité, bas salaires : les jeunes comptent parmi les personnes dont le droit au travail est le plus malmené. Or, la question du droit au travail est indissociable de celle de l’organisation du système économique. Permettre aux jeunes d’exercer ce droit fondamental nécessite en conséquence de très profondes transformations économiques. Tandis que le capitalisme tend de plus en plus à se financiariser, les grands actionnaires imposent à l’ensemble du monde économique des critères de gestion visant à maximiser leurs dividendes contre l’emploi et les salaires. C’est ainsi que des entreprises prospères sont progressivement dépecées, par rachats successifs, pour maximiser les recettes de court termes : une fois le matériel et les locaux vendus, une grande partie du personnel licencié, les salaires diminués au maximum, les investissements d’avenir sacrifiés, l’entreprise jadis prospère se trouve en difficulté et ferme pour raisons économiques. Aussi, face à cette tyrannie de la rentabilité, porteuse de chômage et de pauvreté, de la perte de nombreux savoir-faire qui fondent la force économique de notre pays, il faut imposer de nouveaux critères de gestion des entreprises. Cela passe notamment par la démocratisation de la prise de décision en leur sein : les salarié-e-s doivent pouvoir s’opposer aux décisions qu’ils jugent mauvaises pour la pérennité de l’entreprise, mais aussi pouvoir porter des projets favorables son développement. Ils sont souvent les meilleurs experts de leur domaine d’activité et sont, dans tous les cas, toujours mieux avisés que les actionnaires, dont les décisions ne sont pas fondées sur l’économie réelle, mais sur les marchés financiers connus pour être de plus en plus distants vis-à-vis de celle-ci. Il est en conséquence indispensable de démocratiser les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises, mais aussi de renforcer les pouvoirs de négociation des syndicats.
Dans une démocratie, c’est au peuple de décider par lui-même et pour lui-même. Les jeunes sont pour l’heure dans les faits la plupart du temps exclus de la prise de décision, même si aucune loi ne leur interdit explicitement d’y prendre part. Ils comptent parmi les plus nombreux à s’abstenir aux élections et près de la moitié d’entre eux ne connaît même pas, selon l’ANACEJ (21), la procédure d’inscription sur les listes électorales. Ils constituent aussi la classe d’âge la moins représentée dans les différentes chambres du Parlement et dans les conseils locaux. Ce défaut de représentativité a des causes complexes et nombreuses. De nombreux jeunes ne voient pas l’intérêt de la politique et, comme de nombreuses personnes, pensent que celle-ci n’est pas faite pour eux. Ce sentiment est plus fort parmi les jeunes des milieux populaires. D’autres sont très critiques vis-à-vis du fonctionnement des partis et du système de partis et voudraient s’engager en politique, mais pour en faire autrement. Ces sentiments ne sont pas sans lien avec le fonctionnement des institutions, bien au contraire. Ainsi, le mode de scrutin majoritaire d’une part favorise le bipartisme au détriment du pluralisme politique et, d’autre part, se révèle très discriminant vis-à-vis de tous ceux qui ne sont pas encore au pouvoir, notamment les jeunes, les femmes et les milieux populaires. L’instauration de la proportionnelle à toutes les élections et la création d’un véritable statut de l’élu-e permettraient d’enrayer ces logiques et d’ouvrir de nouveaux espaces politiques dans lesquels les jeunes pourraient trouver leur place (article 16). Mais cela ne serait probablement pas suffisant : une véritable révolution démocratique est nécessaire, rendant son pouvoir au Parlement, permettant une participation de la population à tous les échelons institutionnels et dans tous les services publics. En ce sens, cette proposition de loi d’une part envisage la généralisation et l’extension des pouvoirs des conseils locaux de la jeunesse (article 15), mais aussi d’autre part la participation des jeunes à la gestion des services publics dont ils sont les premiers usagers, à savoir les CROUS (article 17), les universités, les écoles (article 18) et les centres de formation des apprenti-e-s (article 19). En ce sens, cette proposition de loi s’inscrit dans une dynamique d’appropriation par les jeunes des connaissances et des institutions.
Le développement du service public et la mise en œuvre du droit au travail rendent nécessaire une profonde modification de la répartition de l’argent de notre pays dans les entreprises et entre les particuliers.
Les richesses produites dans notre pays sont mal réparties. D’après les comptes nationaux de l’INSEE, la part des salaires dans la valeur ajoutée est passée de plus de 75 % en 1982 à 67 % en 2007. Mais tandis que la part des profits a symétriquement augmenté, celle de l’investissement est restée stable sur la période, autour de 20 %. Aussi, l’argent qui n’a pas été attribué aux salarié-e-s n’a pas servi à créer des emplois mais à alimenter la spéculation financière. « La tendance récente est donc à l’augmentation continue et dynamique des “inégalités par le haut” depuis 1998 », constate le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport de 2011 (p. 21). Selon lui, cette augmentation des hauts revenus résulte de la progression des revenus du capital (actions, biens immobiliers), qui bénéficient essentiellement aux plus riches. Il constate dans le même temps que les minima sociaux et les prestations sociales sont en baisse (p. 128 et 132) : le RMI était en 1990 supérieur de 24 % à son niveau de 2009, l’API de 30 %, l’AAH de 25 %, le minimum vieillesse de 20 % et les allocations familiales de 29 %. Quant au patrimoine, le rapport du Conseil de 2009 note que sa répartition est non seulement très concentrée, mais aussi plus inégalitaire que pour les revenus (p. 42), puisque les 10 % les plus riches possédaient en moyenne 380 000 €, soit 400 fois plus que les 10 % les plus pauvres.
À ces inégalités s’en ajoutent d’autres créées par le système de prélèvements obligatoires. La structure de l’impôt sur les sociétés favorise les grandes entreprises au détriment des PME. Des exonérations de cotisations sociales compensées par l’État ont été mises en place prétendument pour créer des emplois : leur coût a été multiplié par 30 depuis 1990 pour atteindre 30 milliards selon le rapport 2011 du Conseil des prélèvements obligatoires (p. 94). Tandis que la Cour des comptes constate qu’elles n’ont eu que peu d’effets sur l’emploi, un consensus existe sur le fait qu’elles ont contribué à un tassement des grilles salariales autour du SMIC, générant de véritables trappes à pauvreté. Or ces exonérations, selon le Conseil, ont bénéficié aux ménages « qui sont propriétaires des entreprises dans le cas où celles-ci ont augmenté leurs marges et leurs bénéfices », notamment des ménages les plus riches « qui bénéficient d’autant plus des exonérations qu’une fraction de celles-ci est affectée aux actionnaires » (p. 97). Depuis 1990, l’effort fiscal moyen des ménages a progressé de 4,3 points à cause de la CSG. Toutefois, la part de l’impôt sur le revenu a diminué de 7 points et, « s’agissant du seul impôt progressif [...] cette évolution a eu des conséquences notables sur le caractère progressif des prélèvements obligatoires pris dans leur ensemble. » (p. 88) En outre, les modifications du barème effectuées par la droite ont surtout bénéficié aux plus riches : « l’impact des réductions et crédits d’impôts s’accroît très sensiblement avec le revenu », si bien que « l’IR n’est plus progressif au sommet de la distribution ». (p. 267-268). De même, le rapport constate que la fiscalité indirecte pèse moins sur les 20 % les plus riches que sur le reste de la population, leur consommation étant « sensiblement moins taxée au titre de la TVA » (p. 123), celle des plus pauvres comportant proportionnellement plus d’accises. Enfin, en ce qui concerne la fiscalité du patrimoine, les 1 000 contribuables les mieux dotés ont reçu 63 % des sommes restituées au titre du bouclier fiscal. Les 10 % les mieux dotés ont reçu, en 2009, 558 millions d’euros alors même que l’assiette de l’ISF est, aux dires du Conseil, trop étroite puisqu’elle comporte un grand nombre de niches.
Les richesses qui sont accaparées par les plus riches ne le sont pas pour augmenter les salaires ni pour financer les services publics. Aussi, et cela est d’autant plus nécessaire dans le contexte de crise que nous connaissons, il faut récupérer cet argent dans les meilleurs délais. Une première voie réside dans la démocratisation des entreprises, qu’il s’agisse de la place des syndicats dans les conseils d’administration ou du renforcement de leur pouvoir de négociation. La mise en place de nouveaux critères de gestion, ayant d’autres fins que la rentabilité, rendrait en effet possible une hausse des salaires et de l’emploi, qui aurait elle-même pour conséquence directe une baisse du nombre de bénéficiaires de l’assurance chômage, une hausse des recettes de la protection sociale solidaire et une hausse des recettes fiscales de l’État. La hausse de la consommation qui en résulterait permettrait en outre la création de nouveaux emplois, permettant à notre pays de renouer avec une croissance économique pérenne. Ce mouvement pourrait être soutenu de deux manières : une modulation des prélèvements obligatoires sur les entreprises en faveur de l’emploi, des salaires et de la formation, et la création d’un pôle public bancaire qui, avec l’argent des aides économiques existantes et des exonérations de cotisations sociales qu’il faut supprimer, pourra alléger les charges financières des entreprises créatrices d’emplois bien rémunérés et respectueuses de l’environnement. La seconde voie passe par une révolution de la fiscalité à la personne, sous le contrôle de la population dans le cadre d’institutions démocratisées, avec notamment un renforcement de la fiscalité sur les gros patrimoines et une réforme du barème de l’impôt sur le revenu pour le rendre plus progressif et en renforcer la part dans l’ensemble des prélèvements obligatoires.
PROPOSITION DE LOI
GARANTIR L’ACCÈS DES JEUNES À LEURS DROITS
EN DÉVELOPPANT LES SERVICES PUBLICS
Chapitre Ier
Rendre effectif le droit des jeunes à vivre
dans un logement décent à un prix abordable
I. – Au terme des cinq années à venir, la construction de deux cent mille logements sociaux par an est assurée pour rattraper le retard accumulé et répondre structurellement à la demande constatée.
II. – À compter du jour de la publication de la présente loi, l’État met en œuvre un grand plan pour l’accès des jeunes au logement public. Ce plan :
1° double le nombre de places disponibles dans les résidences universitaires publiques et intègre les résidences universitaires privées au patrimoine des centres régionaux des œuvres universitaires ;
2° double le nombre de places disponibles dans les foyers de jeunes travailleurs ;
3° favorise l’accès des étudiants au logement social public.
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’état du patrimoine immobilier mis à disposition des étudiants par les centres régionaux des œuvres universitaires. Ce rapport évalue notamment les raisons pour lesquelles une partie de ce patrimoine est devenu impropre à l’habitation par les étudiants et les conséquences que cela entraîne sur la vie des étudiants. Il propose des mesures permettant d’améliorer la gestion de son patrimoine par les centres régionaux des œuvres universitaires ainsi que plusieurs scenarii permettant de réhabiliter ce patrimoine dans les meilleurs délais.
L’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « sauf en cas de logement loué à un étudiant ou un apprenti » sont supprimés ;
2° Le quatrième alinéa est supprimé.
I. – À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, après la référence : « de l’article 6, », sont insérés les mots : « , de l’article 17 ».
II. – Le a) de l’article 17 de la même loi est ainsi rédigé :
« a) À l’exception du contrat de location passé par un organisme d’habitation à loyer modéré, le contrat de location ne peut prévoir un loyer supérieur au plafond de loyer fixé par un arrêté du représentant de l’État dans la région applicable à ce bien. Cet arrêté est pris après avis du comité régional de l’habitat mentionné à l’article L. 364-1 du code de la construction et de l’habitation.
« Un arrêté du représentant de l’État dans la région détermine chaque année par bassin d’habitat le plafond de loyer mentionné au premier alinéa dans des conditions définies annuellement par un arrêté du ministre chargé du logement.
« L’arrêté du représentant de l’État dans la région fixe, pour chaque bassin d’habitat, un plafond de loyer applicable à des catégories de logements qu’il définit. Il fixe également les taux de modulation maxima de ces plafonds de loyer en fonction :
« a. des aides publiques perçues au titre de la construction, de l’acquisition ou de la rénovation de ce bien ;
« b. de la performance énergétique du bâtiment ;
« c. de l’ancienneté et de la salubrité de ce logement ;
« d. de son éloignement d’équipements publics et commerciaux et des zones d’activité. »
III. – Les b) et c) du même article sont supprimés.
I. – Après la deuxième phrase du septième alinéa de l’article L. 351-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle permet notamment à ses bénéficiaires de ne jamais consacrer plus de 20 % de leurs ressources au paiement de leur loyer et de leurs charges locatives. »
II. – Dans les deux mois suivant la publication de la présente loi, le barème mentionné à l’article L.351-3 du code de la construction et de l’habitation est revalorisé après avis des associations de défense des locataires et des organisations étudiantes.
Rendre effectif le droit des jeunes aux transports
L’article L. 312-13 du code de l’éducation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Une formation théorique et pratique à la conduite est également dispensée gratuitement à tous les élèves du second degré de plus de 16 ans qui le souhaitent. Elle est effectuée par des formateurs agréés de l’éducation nationale ou par les établissements mentionnés à l’article L. 213-1 du code de la route. Elle est sanctionnée par l’obtention du permis de conduire mentionné à l’article L. 221-1 du même code.
« Les conditions d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État. »
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’effectivité du droit au transport des jeunes. Il évalue notamment l’incidence de la tarification et de l’implantation géographique des réseaux sur leur accessibilité. Il évalue également l’adéquation entre l’offre publique de transports et les besoins des jeunes, en particulier en ce qui concerne ceux liés à l’accès à leur lieu d’étude ou de formation, à leur lieu de travail et aux services publics. Il étudie la possibilité de généraliser le remboursement à 75 % du titre de transport dont bénéficient les étudiants et apprentis de certains départements.
Rendre effectif le droit des jeunes à vivre en bonne santé
I. – À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 541-1 du code de l’éducation, après le mot : « visites », sont insérés les mots : « ainsi que les soins subséquents ».
II. – Le quatrième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Chaque examen doit contenir au moins un dépistage des troubles de la vue, de l’ouïe ou du comportement alimentaire ainsi que des problèmes dentaires. »
I. – L’article L. 831-1 du code de l’éducation est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Dans chaque établissement public d’enseignement supérieur, dans chaque centre de formation des apprentis et dans les résidences universitaires gérées par les centres régionaux mentionnés à l’article L. 822-3 du présent code est créé un centre médico-social au sens de l’article L. 311-1 du code de l’action sociale et des familles.
« Ce centre agit en concertation avec le service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé, notamment lorsqu’il s’est constitué en centre de santé.
« Dans ces centres, les étudiants et apprentis bénéficient gratuitement des consultations de médecine générale, des consultations ophtalmologiques, des consultations dentaires, des consultations de gynécologie, des vaccinations et de leur suivi. Ils peuvent dans les mêmes conditions se faire dépister du VIH/sida et des autres maladies sexuellement transmissibles.
« Dans chacun des établissements mentionnés au second alinéa, les préservatifs masculins et féminins sont mis à disposition gratuitement et en quantité suffisante.
« Des points d’information permanents et des campagnes nationales et locales annuelles sont mis en place sur la contraception, sur les maladies sexuellement transmissibles et notamment sur le VIH/sida.
« Des points d’information permanents et des campagnes nationales et locales annuelles sont également mis en place sur les risques liés à la consommation d’alcool et à l’usage de produits stupéfiants.
« Chaque année, les organisations étudiantes et d’apprentis et les mutuelles étudiantes sont consultées sur les orientations de la politique de protection de la santé menée au sein de chaque établissement susmentionné dans des conditions déterminées par décret. »
II. – À compter de la publication de la présente loi, l’État engage un plan de recrutement des personnels nécessaires à la mise en œuvre des obligations qu’elle créée aux articles L. 541-1 et L. 831-1 du code de l’éducation.
III. – Les conditions d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État.
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 août 2012, un rapport sur les conséquences, en termes d’accès des jeunes aux soins, du doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance maladie complémentaire couvrant les ressortissants du régime étudiant de sécurité sociale et des restes à charge médicaux, ainsi que sur l’opportunité d’une prise en charge intégrale de leurs frais de santé.
I. – Au premier alinéa de l’article L. 322-4 du code de la sécurité sociale, après le mot : « mineurs », sont insérés les mots : « , pour les étudiants, pour les apprentis ».
II. – Le 2° bis de l’article 1001 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À 3,5 % pour les contrats d’assurance maladie gérés par les mutuelles étudiantes ; ».
Rendre effectif le droit des jeunes d’enrichir leur personnalité
grâce aux activités physiques et sportives, à la culture et aux loisirs
I. – Après l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 115-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 115-3-1. – Toute personne éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour pouvoir accéder à la culture, aux activités physiques et sportives, aux loisirs et aux vacances de manière effective dans les conditions prévues par la présente loi.
« Toute personne relevant du premier alinéa se voit attribuer annuellement par la caisse d’allocations familiales, à sa demande ou, pour une personne mineure, à celle de son tuteur légal, une carte nominative sur laquelle apparaît un agrégat calculé en fonction des ressources du foyer fiscal dont elle dépend.
« La présentation de cette carte ouvre droit à des réductions tarifaires immédiates dans les structures en charge des services publics de la culture, du sport et des loisirs ayant passé une convention avec l’agence prévue à l’article L. 411-13 du code du tourisme.
« Cette convention, agréée par le ministre compétent, prévoit un barème modulant le montant de la réduction en fonction de l’agrégat mentionné au second alinéa du présent article et le coût pour le bénéficiaire de la prestation sollicitée au titre du premier alinéa. Elle prévoit aussi les délais dans lesquels l’agence rembourse le montant intégral des sommes avancées par les structures qui ont conventionné avec elle.
« Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, une convention doit avoir été signée au moins par les personnes suivantes :
« 1° Les fédérations sportives ;
« 2° L’institut national du sport, de l’expertise et de la performance ;
« 3° Les fédérations d’associations de jeunesse et d’éducation populaire ;
« 4° La réunion des musées nationaux ;
« 5° Les établissements publics cultuels nationaux et locaux ;
« 6° Les associations œuvrant pour la diffusion du cinéma d’art et d’essai et les cinémas publics.
« Les modalités d’application du présent alinéa sont déterminées par un arrêt en Conseil d’État. »
II. – L’article L. 411-16 du code du tourisme est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Une subvention de l’État affectée au financement des dispositions prévues à l’article L. 115-3-1 du code de l’action sociale et des familles et au règlement des frais de gestion afférant. »
III. – Dès publication de la présente loi, le gouvernement met en œuvre un plan de recrutement de personnels afin que les caisses d’allocations familiales soient en mesure de répondre à ces nouvelles attributions.
Après l’article L. 100-1 du code du sport, il est inséré un article L. 100-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 100-1-1. – Afin de garantir le droit de tous et toutes à la pratique d’activités physiques et sportives, toute personne qui souhaite acquérir la licence d’une fédération sportive bénéficie de l’aide prévue à l’article L. 115-3-1 du code de l’action sociale et des familles créé par l’article 14 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir. »
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les causes des inégalités en matière d’accès à la culture et sur les conditions de sa démocratisation effective. Il évalue notamment les points forts et les limites des enseignements artistiques dans le système scolaire ainsi que les conditions de leur développement.
Rendre effectif le droit des jeunes
à prendre les décisions qui les concernent
Après l’article L. 2143-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2143-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2143-2-1. – Dans les communes de plus de 10 000 habitants, le conseil municipal crée un conseil local de la jeunesse pour consulter les jeunes sur toute question d’intérêt communal les concernant.
« Les membres de ce conseil sont élus pour trois ans. L’adjoint en charge des questions de jeunesse est membre de droit de ce conseil.
« Le conseil local de la jeunesse peut se réunir pour évoquer toute question qui lui semble utile.
« Il peut donner son avis sur toute autre question d’intérêt communal. Cet avis est remis au maire qui le transmet immédiatement aux autres membres du conseil municipal.
« Le conseil local de la jeunesse rend un avis sur tout projet de délibération soumis au conseil municipal concernant les jeunes dans les domaines suivants :
« 1° l’accès à l’emploi ;
« 2° le droit aux transports ;
« 3° le droit au logement ;
« 4° le droit à la santé ;
« 5° les politiques éducatives locales ;
« 6° l’accès à la culture, aux activités physiques et sportives et aux loisirs.
« Le projet de délibération, accompagné d’une note explicative, doit être transmis aux membres du conseil local de la jeunesse au moins quinze jours francs avant le conseil municipal. Le conseil local de la jeunesse se réunit de droit au plus tard dix jours francs avant le conseil municipal. La convocation du conseil municipal est envoyée pour information au président du conseil local de la jeunesse.
« L’avis du conseil local de la jeunesse est immédiatement transmis au maire, qui le transmet aux membres du conseil municipal dès réception. Si le conseil local de la jeunesse ne rend pas d’avis, le maire le notifie aux membres du conseil municipal.
« Le maire peut consulter le conseil local de la jeunesse sur toute question d’intérêt municipal qui concerne les jeunes.
« Un décret en Conseil d’État détermine les procédures et règles applicables à l’élection et à la composition du conseil, ainsi que les moyens mis à sa disposition par les services municipaux en vue d’en assurer le fonctionnement régulier. »
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la participation des jeunes aux prises de décision locales et nationales. Il évalue notamment l’effet des modes de scrutin et de l’absence d’un véritable statut de l’élu sur la participation politique des jeunes. Il propose des mesures visant à rendre aux jeunes la confiance qu’ils ont perdue dans nos institutions et à favoriser leur implication dans la vie politique.
L’article L. 822-4 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Les étudiants et les personnels du Centre national et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires participent, par leurs représentants, à la gestion de ces derniers.
« Les représentants des étudiants et les représentants des personnels représentent chacun un tiers des effectifs des conseils d’administration et des commissions du Centre national et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires. »
I. – L’article L. 712-3 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « Sept ou huit personnalités extérieures à l’établissement » sont remplacés par les mots : « Deux ou trois représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, dont un du conseil régional, désignés par les collectivités concernées » ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « trois à cinq représentants » sont remplacés par les mots : « huit à quatorze représentants élus » ;
3° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La part des représentants des personnels et la part des représentants des usagers ne peuvent chacune être inférieures au tiers des membres du conseil d’administration. »
4° Les septième au onzième alinéas sont supprimés.
II. – À la première phrase du second alinéa de l’article L. 713-9 du même code, les mots : « de 30 à 50 % de personnalités extérieures, dont un ou plusieurs représentants des acteurs économiques » sont remplacés par les mots : « au moins un tiers de représentants des étudiants, au moins un tiers de représentants des personnels d’enseignement ou assimilés et des autres personnels et éventuellement des personnalités extérieures, dont un ou plusieurs représentants des collectivités territoriales concernées ou de leurs groupements ».
III. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 715-2 du même code, les mots : « de 30 à 60 % de personnalités extérieures et des représentants élus des personnels et des étudiants » sont remplacés par les mots : « au moins un tiers de représentants élus des étudiants, au moins un tiers de représentants élus des personnels d’enseignement ou assimilés et des autres personnels et éventuellement des personnalités extérieures, dont un ou plusieurs représentants des collectivités territoriales concernées ou de leurs groupements ».
IV. – Le premier alinéa de l’article L. 716-1 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées : « La part des représentants des personnels et la part des représentants des usagers ne peuvent chacune être inférieures au tiers des membres de leurs conseils d’administrations. Les représentants des étudiants et les représentants des personnels d’enseignement ou assimilés sont en nombre égal. »
V. – Le premier alinéa de l’article L. 717-1 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées : « La part des représentants des personnels et la part des représentants des usagers ne peuvent chacune être inférieures au tiers des membres de leurs conseils d’administrations. Les représentants des étudiants et les représentants des personnels d’enseignement ou assimilés sont en nombre égal. »
VI. – Le premier alinéa de l’article L. 718-1 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées : « La part des représentants des personnels et la part des représentants des usagers ne peuvent chacune être inférieures au tiers des membres de leurs conseils d’administrations. Les représentants des étudiants et les représentants des personnels d’enseignement ou assimilés sont en nombre égal. »
VII. – Au second alinéa de l’article L. 719-3 du même code, après le mot : « salariés, », sont insérés les mots : « le nombre de représentants des organisations syndicales de salariés ne pouvant être inférieur à celui des organisations syndicales d’employeurs, ».
L’article L. 6232-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La part des représentants des personnels et celle des représentants des apprentis ne peuvent chacune être inférieures au tiers de l’effectif de ce conseil. »
GARANTIR L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DES JEUNES
DANS LA FORMATION ET DANS L’EMPLOI
Chapitre Ier
Garantir aux jeunes les moyens de mener à bout leur projet
de formation dans de bonnes conditions
Le chapitre Ier du titre II du livre VIII de la troisième partie du code de l’éducation est ainsi rédigé :
«Chapitre Ier
« L’allocation d’études et d’autonomie
« Art. L. 821-1. – L’État accorde une allocation d’études et d’autonomie :
« 1° aux étudiants des établissements d’enseignement supérieur publics régis par les dispositions du livre VII ;
« 2° aux élèves des établissements d’enseignement supérieur privés régis par les dispositions du livre VII et existant à la date du 1er novembre 1952 ;
« 3° aux élèves des établissements d’enseignement supérieur privés qui remplissent les conditions prévues à l’article L. 731-5 ;
« 4° aux élèves des établissements d’enseignement supérieur technique privés reconnus par l’État dans les conditions prévues à l’article L. 443-2 ;
« 5° aux élèves des autres établissements d’enseignement supérieur privés, habilités par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, sur avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, et dont l’habilitation a été vérifiée à l’occasion d’une inspection de l’État ;
« 6° aux étudiants inscrits aux instituts d’études politiques et préparant le concours d’entrée à l’école nationale d’administration.
« Le bénéfice de l’allocation mentionnée au premier alinéa est conditionné à la signature d’un contrat de projet personnel avec les centres régionaux mentionnés à l’article L. 822-1. Ce contrat précise les engagements pris par le bénéficiaire. Il précise également les obligations de l’établissement dans lequel il étudie vis-à-vis de lui, notamment les modalités du suivi régulier et personnalisé dont il bénéficie par un tuteur-conseiller. »
« Art. L. 821-2. – L’allocation mentionnée à l’article L. 821-1 est servie par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires mentionnés à l’article L. 822-3.
« Cette allocation doit permettre aux personnes mentionnées ci-dessus de réaliser leurs études dans de bonnes conditions, sans être contraintes d’exercer une activité rémunératrice ou d’emprunter pour financer leurs études. Elle doit à cette fin garantir leur autonomie dans tous les aspects de leur vie étudiante, notamment en matière de logement, de transport, de santé et d’accès à la culture, aux activités physiques et sportives ainsi qu’aux loisirs.
« Le montant de cette allocation comporte une partie socle universelle et une partie progressive calculée en fonction des revenus du foyer fiscal auquel le bénéficiaire est rattaché. »
« Art. L. 821-3. – Les collectivités territoriales et toutes personnes morales de droit public ou privé peuvent instituer des aides spécifiques, notamment pour la mise en œuvre de programmes de formation professionnelle. »
« Art. L. 821-4. – Les conditions d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis du Centre national des œuvres universitaires et scolaires mentionné à l’article L. 822-2. »
À la fin de la première phrase de l’article L. 612-11 du code de l’éducation, les mots : « est fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret » sont remplacés par les mots : « ne peut être inférieur à 80 % du salaire minimum de croissance mentionné à l’article L. 3231-4 du code du travail. »
L’article L. 6222-27 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant du salaire mentionné au précédent alinéa ne peut être inférieur à 80 % du salaire minimum de croissance mentionné à l’article L.3231-4. »
Garantir aux jeunes des revenus décents
et rendre effectif leur droit de changer d’emploi
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les politiques mises en place pour individualiser les cursus des étudiants et proposant des solutions visant à revaloriser les diplômes de manière à ce qu’un grade sanctionne réellement un niveau de compétences commun aux étudiants. Ce rapport propose notamment la mise en place d’un mécanisme permettant la prise en compte effective des diplômes dans la négociation collective, afin que les diplômes puissent représenter une réelle protection contre les bas salaires.
Dans les six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement réunit les organisations syndicales et patronales en vue de la signature d’une nouvelle convention d’assurance chômage.
Afin de garantir le plein emploi et le droit des salariés à une mobilité professionnelle choisie, cette convention doit au moins prévoir le versement de l’assurance chômage à toute personne ayant cotisé ou n’ayant pas encore cotisé, apte à l’emploi, ne bénéficiant pas de l’allocation mentionnée à l’article 20 de la présente loi et à la recherche d’un emploi ou d’une formation.
Cette allocation est versée aux personnes mentionnées au précédent alinéa inscrites à l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail jusqu’à ce que le bénéficiaire ait trouvé un emploi.
Le versement de l’allocation ne peut être suspendu ni en cas de refus d’exercice d’une activité professionnelle, rémunérée ou non rémunérée, autre qu’un stage ou une formation, ni en cas de refus d’une offre d’emploi.
Son montant minimal doit garantir une réelle autonomie à ses bénéficiaires.
ACCOMPAGNER LES JEUNES
VERS L’EMPLOI ET LA FORMATION
Chapitre Ier
Rendre effectif le droit à l’apprentissage et aux études
I. Après le second alinéa de l’article L. 2241-6 du code du travail, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« La négociation sur le développement du tutorat et la valorisation de la fonction de tuteur ou de maître d’apprentissage porte notamment sur :
« 1° le nombre minimal de contrats d’apprentissage que l’entreprise doit signer chaque année, durant la durée de l’accord, en fonction de sa taille, des besoins des centres de formation mentionnés à l’article L. 6231-1 et des besoins liés aux évolutions de la production ;
« 2° les obligations de formation des tuteurs et maîtres d’apprentissage prévues à l’article L. 6223-8 ;
« 3° le programme national déterminant les connaissances qui doivent être transmises dans l’entreprise aux apprentis dans le cadre de l’obligation prévue à l’article L. 6223-3, sur les modalités de cette transmission et sur son évaluation. »
II. Le même article est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« La négociation porte également sur :
« 1° le contenu et les modalités d’organisation des formations initiales en entreprise mentionnées à l’article 36 de la loi cadre no du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir ;
« 2° le contenu et les modalités d’organisation des formations au droit du travail prévues à l’article 37 de la loi cadre no précitée. »
L’article L. 6223-1 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans chaque branche, les entreprises réunissant les conditions définies au premier alinéa doivent signer le nombre minimal de contrats d’apprentissage mentionné à l’article 25 de la loi cadre no du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir.
« Lorsque l’employeur, durant l’année civile, n’a pas satisfait l’obligation prévue au premier alinéa, il ne peut bénéficier ni de l’indemnité prévue à l’article L. 6243-1, ni de la prise en charge par l’État des cotisations sociales prévue à l’article L. 6243-2. »
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 612-8 du code de l’éducation sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« La convention de stage mentionnée au premier alinéa comporte obligatoirement :
« 1° les droits dont bénéficie le stagiaire en application du code du travail ;
« 2° l’objet du stage et la manière dont il s’inscrit dans le cursus de l’étudiant ;
« 3° les modalités de suivi effectif et d’évaluation du stage par le tuteur ;
« 4° les conditions minimales d’accueil du stagiaire que doit remplir l’organisme dans lequel le stage est effectué. »
II. – L’article L. 712-6 du même code est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut proposer d’enrichir la convention de stage mentionnée à l’article L.612-8 concernant l’inscription de l’objet du stage dans le cursus universitaire, les modalités de suivi effectif et d’évaluation du stage par le tuteur et les conditions minimales d’accueil du stagiaire par l’organisme d’accueil. »
2° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le conseil d’administration ne prend pas en compte un avis du conseil des études et de la vie universitaire ou ne donne pas suite à un vœu émis par celui-ci, il motive sa décision et la rend publique. »
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les causes, caractéristiques et conséquences de l’inadéquation entre l’offre de stages par les entreprises et les administrations et les besoins accrus des élèves et étudiants en la matière. Il évalue les mesures mises en place pour favoriser l’accès des étudiants aux offres de stage et propose des solutions permettant de faciliter celui-ci. Il étudie la possibilité de mettre en œuvre un mécanisme facilitant la circulation des candidatures de stage entre les entreprises d’un même secteur, sur demande des étudiants.
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les raisons qui motivent le choix de faire ou non des études universitaires ou professionnelles ainsi que celui des filières et sur les moyens d’approfondir la démocratisation de l’accès aux études et formations.
La troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 719-4 du code de l’éducation est complétée par les mots : « , dont le montant ne peut pas excéder celui fixé par un décret du ministre en charge de l’enseignement supérieur pris après avis des organisations syndicales étudiantes ».
I. – Le premier alinéa de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « accordée », sont insérés les mots : « de plein droit » ;
2° À la première phrase, les mots : « et qui justifie qu’il dispose de moyens d’existence suffisants » sont supprimés ;
3° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette carte est délivrée pour la durée nécessaire à l’obtention du grade auquel l’étudiant postule. »
II. – Les troisième à huitième alinéas du même article sont supprimés.
III. – Après le 5° de l’article L. 521-3 du même code, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° L’étranger titulaire du titre de séjour temporaire portant la mention “étudiant” mentionné à l’article L. 313-7. »
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions d’accueil des étudiants étrangers en France. Il propose des solutions afin de favoriser leur intégration dans le système universitaire français. Il propose également des moyens permettant de favoriser leur entrée sur le marché du travail français.
Épauler les jeunes dans leurs démarches
de recherche d’emploi ou de formation
I. – Après l’article L. 5312-1 du code du travail, il est inséré un article L. 5312-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-1-1. – Un décret pris en Conseil d’État précise les conditions permettant aux agents de l’institution d’accueillir, d’informer, d’orienter et d’accompagner les personnes dans leur recherche d’emploi dans de bonnes conditions :
« 1° le nombre maximal d’usagers que peut suivre chaque agent, qui ne peut excéder soixante ;
« 2° la durée minimale des entretiens.
« Ce décret est pris après avis des organisations syndicales. »
II. – Dès la publication de la présente loi, le Gouvernement veille à la mise en place du plan de recrutement et de formation nécessaire à l’application du présent article.
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la situation des missions locales mentionnées à l’article L. 5314-1 du code du travail, ainsi qu’aux conditions d’une amélioration de la prise en charge des jeunes, notamment en termes de moyens financiers supplémentaires.
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le service public de l’orientation, qui doit traiter notamment :
1° des causes, caractéristiques et conséquences des insuffisances actuelles du système d’orientation scolaire et universitaire ;
2° des causes, caractéristiques et conséquences du manque d’information en matière de formation professionnelle.
Faciliter l’entrée des jeunes dans le monde du travail
À compter de la publication de la présente loi est instituée dans chaque entreprise une formation permettant au salarié de découvrir son entreprise et les principales caractéristiques du poste qu’il est amené à occuper. Cette formation comprend obligatoirement une rencontre avec chaque organisation représentative des salariés.
I. – Après le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail, il est inséré un titre V ainsi rédigé :
« TITRE V
« APPROPRIATION DU DROIT DU TRAVAIL PAR LES SALARIÉS
« Art. L. 2151-1. – Il est institué un fonds national pour la formation au droit du travail des salariés.
« Ce fonds a pour mission de délivrer une formation initiale et continue aux salariés de toutes les entreprises relative au droit du travail, dans sa dimension nationale et internationale et dans une perspective juridique, philosophique et historique. Il élabore des documents d’information à l’attention des salariés sur leurs droits.
« Il a également pour mission de mener des actions de lutte contre les préjugés sexistes et d’information sur les inégalités entre les hommes et les femmes au travail. Il contribue dans ce cadre à l’information des femmes sur les droits dont elles disposent en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les violences de genre.
« Le bénéfice de la formation initiale et de la formation continue susmentionnés constituent un droit pour chaque salarié. Il ne peut être refusé par l’employeur, privé ou public, ni par aucun tiers. Chaque heure de formation est considérée comme une heure travaillée.
« Le fonds est géré par les organisations syndicales représentatives. Elles déterminent conjointement le contenu du programme de formation délivré et les modalités d’organisation des formations en vue de garantir à tout salarié l’exercice effectif du droit mentionné à l’alinéa précédent. »
II. – À compter de la publication de la présente loi, il est institué un fonds national pour la formation au droit du travail et aux droits des statuts des agents publics.
Ce fonds a pour mission de délivrer une formation initiale et continue aux agents publics de tous les employeurs publics relative au droit du travail et aux droits émanant des statuts, dans leur dimension nationale et internationale et dans une perspective juridique, philosophique et historique. Il élabore des documents d’information à l’attention des agents publics sur leurs droits.
Il a également pour mission de mener des actions de lutte contre les préjugés sexistes et d’information sur les inégalités entre les hommes et les femmes au travail. Il contribue dans ce cadre à l’information des femmes sur les droits dont elles disposent en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les violences de genre.
Le bénéfice de la formation initiale et de la formation continue susmentionnées constituent un droit pour chaque agent public. Il ne peut être refusé par l’employeur ni par aucun tiers. Chaque heure de formation est considérée comme une heure travaillée.
Le fonds est géré par les organisations syndicales représentatives. Elles déterminent conjointement le contenu du programme de formation délivré et les modalités d’organisation des formations en vue de garantir à tout agent l’exercice effectif du droit mentionné à l’alinéa précédent.
III. – Les modalités d’application du présent article et notamment les modalités de financement des fonds prévus au I et au II, sont déterminées par un décret en Conseil d’État.
SÉCURISER LES CONDITIONS DE FORMATION ET D’EMPLOI
Chapitre Ier
Pénaliser les entreprises qui rendent l’emploi précaire
Après l’article L. 242-10 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 242-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 242-10-1. Les entreprises d’au moins vingt salariés et dont le nombre de salariés à temps partiel, en contrat à durée déterminée ou en mission au sens de l’article L. 1251-5 du code du travail est au moins égal à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel. Le calcul du montant de cette majoration se fait sur la base des cotisations de droit commun des salariés concernés, avant exonérations de toute nature. »
Le premier alinéa de l’article L. 2323-17 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel, notamment lorsque le seuil mentionné à l’article 26 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir a été franchi, ou lorsqu’il constate un accroissement important du nombre de salariés titulaires de contrats de travail à durée déterminée, de contrats de mission ou travaillant à temps partiel, il peut saisir l’inspecteur du travail.
« Lorsque le salarié a été mis à disposition d’une entreprise, le comité d’entreprise de cette dernière peut également saisir l’inspecteur du travail s’il constate que les obligations prévues à l’article L. 1251-21 ne sont pas respectées. »
Après l’article L. 2323-43 du code du travail, il est inséré un article L. 2323-43-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-43-1. – Lorsque le comité d’entreprise constate que les apprentis ne bénéficient pas d’un encadrement suffisant, que leurs conditions de travail, y compris dans les cas prévus aux articles L. 4153-8 et L. 4153-9, de salaires ou de durée de travail ne sont pas conformes à leur intérêt, que le nombre minimal fixé à l’article 25 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir n’est pas atteint ou que l’entreprise semble recourir à l’apprentissage dans les conditions de l’article 47 de la loi cadre n° précitée, il peut saisir l’inspecteur du travail.
« Sans préjudice des compétences qu’il détient en vertu des articles L. 8112-1 et suivants et de l’article L. 8113-7, l’inspecteur du travail adresse à l’employeur le rapport de ses constatations.
« L’employeur communique ce rapport au comité d’entreprise et au président du centre de formation de l’apprenti en même temps que sa réponse motivée aux constatations de l’inspecteur du travail.
« À défaut de comité d’entreprise, les délégués du personnel peuvent exercer les attributions conférées au comité d’entreprise pour l’application du présent article. »
I. – Après l’article L. 2323-43 du code du travail, il est inséré un article L. 2323-43-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2323-43-2. – Lorsque le comité d’entreprise constate que les missions confiées dans le cadre d’un stage en entreprise ne sont pas conformes à la convention prévue à l’article L. 612-8 du code de l’éducation, que le stagiaire ne bénéficie pas d’un encadrement suffisant, que ses conditions de travail, de rémunération ou de durée de travail ne sont pas conformes à son intérêt ou que l’entreprise semble recourir aux stages dans les conditions de l’article 47 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir, il peut saisir l’inspecteur du travail.
« Sans préjudice des compétences qu’il détient en vertu des articles L. 8112-1 et suivants et de l’article L. 8113-7 du présent code, l’inspecteur du travail adresse à l’employeur le rapport de ses constatations.
« L’employeur communique ce rapport au comité d’entreprise en même temps que sa réponse motivée aux constatations de l’inspecteur du travail.
« À défaut de comité d’entreprise, les délégués du personnel peuvent exercer les attributions conférées au comité d’entreprise pour l’application du présent article. »
II. – L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée : « Apprentissage et stages ».
Garantir aux jeunes travailleurs, aux jeunes travailleuses, aux apprenti-e-s et aux stagiaires des conditions de travail plus protectrices
I. – L’article L. 1251-16 du code du travail est complété par un 8° et un 9° ainsi rédigés :
« 8° Les droits dont bénéficie le salarié en matière syndicale et concernant la formation prévue à l’article 45 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir ;
« 9° Les protections particulières dont il bénéficie s’il est un jeune travailleur. »
II. – L’article L. 1251-21 du même code est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° À l’exercice du droit mentionné à l’article 36 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir »
III. – L’article L. 1251-43 du même code est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les modalités selon lesquelles le salarié temporaire bénéficie des droits mentionnés aux articles 36 et 37 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir. »
IV. – L’article L. 1251-57 du même code est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Aux actions de formation prévues à l’article 37 de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir. »
I. – Au premier alinéa de l’article L. 3162-1 du code du travail, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « sept ».
II. – À l’article L. 3162-3 du même code, les mots : « et demie » sont supprimés par deux fois.
III. – Au deuxième alinéa de l’article L. 3163-2 du même code, les mots : « commerciaux et de ceux » sont supprimés.
IV. – Les deux derniers alinéas de l’article L. 3164-2 du même code sont supprimés.
V. – L’article L. 3164-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 3164-3. – Les dérogations au repos hebdomadaire prévues par les articles L. 3132-4 à L. 3132-27 ne sont pas applicables aux jeunes travailleurs. »
VI. – Les articles L. 3164-4, L. 3164-5, L. 3164-7 et L. 3164-8 du même code sont abrogés.
I. – Au premier alinéa de l’article L. 6222-24 du code du travail, le mot : « sauf » est remplacé par les mots : « y compris ».
II. – L’article L. 6222-25 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
III. – Le dernier alinéa de l’article L. 6222-26 du même code est supprimé.
I. – Aux premier et deuxième alinéas de l’article 225-1 du code pénal, après le mot : « patronyme », sont insérés les mots : « , de leur lieu de résidence ou de scolarisation »
II. – Après l’article 225-2 du même code, est inséré un article 225-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 225-2-1. – La discrimination définie à l’article 225-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne. »
III. – Au premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, après le mot : « fondement », sont insérés les mots : « de son lieu de résidence ou de scolarisation, » ;
IV. – À l’article L. 1132-1 du code du travail, après les mots : « nom de famille », sont insérés les mots : « , de son lieu de résidence ou de scolarisation » ;
V. – Le 3° de l’article 225-2 du code pénal est abrogé.
Renforcer les moyens permettant de garantir
le respect des droits des jeunes au travail
Au chapitre II du titre II du livre Ier de la huitième partie du code du travail, il est inséré un article L. 8122-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8122-1. – Le nombre d’inspecteurs du travail par section ne peut être inférieur à un nombre défini chaque année par décret dans le but d’assurer un contrôle effectif des entreprises de toutes les entreprises de son ressort.
« Dès la publication de la loi cadre n° du visant à permettre aux jeunes de prendre en main leur avenir, le gouvernement prend les dispositions nécessaires au doublement du nombre d’inspecteurs du travail, de contrôleurs du travail et d’agents administratifs. »
L’article L. 8221-5 du même code est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit de recourir intentionnellement à des stages et contrats d’apprentissage dans le but d’éviter des embauches nécessaires pour l’accomplissement de l’activité de l’entreprise dans des conditions normales. »
I. – Aux articles L. 1254-1 à L. 1254-11 du même code, chaque occurrence :
1° du nombre : « 3 750 » est remplacée par le nombre : « 7 500 » ;
2° du nombre : « 7 500 » est remplacée par le nombre : « 15 000 » ;
3° des mots : « six mois » est remplacée par les mots : « d’un an » ;
II. – À l’article L. 1254-11 du même code, le nombre : « 6 000 » est remplacé par le nombre : « 12 000 ».
III. – Aux articles L. 1254-1 à L. 1254-12 du même code, après chaque occurrence des mots : « est puni », sont insérés les mots : « d’un emprisonnement de six mois et ».
I. – Les charges et pertes de recettes qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – Les pertes de recettes pour les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnels sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – Les charges pour l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
VI. – Les charges pour le Fonds national d’aide au logement, l’Agence nationale pour les chèques-vacances et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
1 () Chantal Nicole-Drancourt, Laurence Roulleau-Berger, Les jeunes et le travail ; 1950-2000, Sociologie d’aujourd’hui, PUF, 2001 ; citations suivantes aux pages : 30, 32, 47-48, 90, 108, 226-233.
2 () Observatoire national des zones urbaines sensibles, rapport 2010, p. 124.
3 () Céreq 2011, « enquête 2010 sur l’insertion des jeunes sortis de formation initiale en 2006-2007 » et « Les jeunes des ZUS inégalement pénalisés au moment de l’insertion ».
4 () Institut national de la statistique et des études économiques, enquête Emploi et salaires, édition 2011.
5 () Institut national de la statistique et des études économiques, enquête Emploi et salaires, édition 2011.
6 () Institut national de la statistique et des études économiques, enquête Emploi et salaires, édition 2011.
7 () Le barème d’attribution et le montant des bourses sont disponibles sur le site : www.cnous.fr.
8 () Dominique Charvet, Pierre-Jean Andrieu, Francine Labadie, Marc-Olivier Padis, Thiery Michel, Jeunesse, le devoir d’avenir; Commissariat au plan, mars 2001.
9 () Paul Boccara, Une sécurité d’emploi ou de formation – Pour une construction révolutionnaire de dépassement contre le chômage, Le Temps des Cerises, Pantin, 2002.
10 () Laurent Messino, La vraie réforme anti-licenciements, in La Nouvelle Vie Ouvrière, 11 janvier 2002, cité par P. Boccara, op.cit., p. 288.
11 () Voir la proposition de loi n° 3273 « Établissant un programme d’urgence pour le logement », déposée par les député-e-s communistes, républicains et Parti de gauche en avril 2011.
12 () Jean-Michel Bertrand, député de l’Ain, Faciliter l’accès des jeunes au permis de conduire, 25 janvier 2005, p. 19.
13 () Dossier dédié au renoncement aux soins, Site de la Sécurité sociale, pages 16-17 : http://www.securite-sociale.fr/IMG/pdf/dossier_thematique_pqe_maladie.pdf.
14 () Observatoire de l’accès aux soins de la mission France, Médecins du Monde et ORS, synthèse 2010, oct. 2011, p. 7.
15 () Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 8 mars 2011, Inégalités sociales et santé.
16 () Rapport de X. Nau, Les inégalités à l’école, Conseil économique, social et environnemental, septembre 2011, p. 4.
17 () Jeunesse Ouvrière Chrétienne, Les pratiques culturelles et les loisirs des jeunes, mars 2009.
18 () Observatoire inégalités, Les inégalités face aux vacances, 11 février 2011.
19 () Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes, D’une politique de service à une politique sociale et éducative pour les enfants et les jeunes, septembre 2010, p. 6.
20 () Observatoire inégalités, Les pratiques culturelles selon les catégories sociales, 17 novembre 2009.
21 () Sondage national par l’ANACEJ à l’IFOP réalisé auprès de primo-votants à l’élection présidentielle de 2012.
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