N° 155 - Proposition de loi de M. Paul Salen visant à interdire l'emploi, le port ou la présentation d'objets du culte, ou ayant un caractère ostentatoire, ainsi que toute manifestation de prosélytisme religieux lors de manifestations sportives



N° 155

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire l’emploi, le port ou la présentation d’objets du culte,
ou
ayant un caractère ostentatoire, ainsi que toute manifestation
de prosélytisme religieux lors de
manifestations sportives,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Paul SALEN, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Étienne BLANC, Jean-Claude BOUCHET, Dino CINIERI, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Claude de GANAY, Jean-Pierre DECOOL, Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, Annie GENEVARD, Guy GEOFFROY, Alain GEST, Franck GILARD, Charles-Ange GINESY, Arlette GROSSKOST, Serge GROUARD, Denis JACQUAT, Valérie LACROUTE, Jacques LAMBLIN, Bruno LE MAIRE, Véronique LOUWAGIE, Lionnel LUCA, Alain MARLEIX, Damien MESLOT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Valérie PÉCRESSE, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Bernard REYNÈS, Claudine SCHMID, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Guy TEISSIER, Patrice VERCHÈRE et Philippe VIGIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Suite à une demande émanant de la Confédération asiatique du football (AFC), le comité médical de la Fédération internationale de football association (FIFA) a rendu un avis favorable sur le port du voile par les footballeuses. Désormais, le règlement de l’International Football Association Board (IFAB), lors de sa dernière réunion tenue le 4 juillet 2012, a autorisé le port du voile lors des rencontres féminines.

Le sport est un facteur d’insertion et d’émancipation des femmes au sein de la société. Permettre à toutes les femmes de participer à des compétitions sportives, qu’elles soient amateurs ou professionnelles, contribue à la reconnaissance du principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

L’application du règlement de la FIFA conduit à l’organisation, en France, de matchs au cours desquels les athlètes de certains pays porteront le voile qui demeure le symbole, à la fois culturel et religieux, de la soumission des femmes. Il s’agit d’un précédent dangereux car subordonnant la pratique sportive, en compétition ou pas, au niveau professionnel comme amateur, aux préceptes des différentes religions.

La FIFA vient d’adresser un signal fort, à toutes les femmes musulmanes, combattant pour la reconnaissance du principe d’égalité, que leur lutte est inutile. Ainsi, la vision rigoriste de certains, qui ne correspond pas à l’Islam réel, se trouve, en quelque sorte, récompensée, au détriment des intérêts des femmes.

Ce règlement de la FIFA, parce qu’il porte atteinte de manière évidente aux libertés fondamentales et constitue un précédent ne doit pas être appliqué en France. Comme le notait, voilà quelques années, Elisabeth Badinter à propos du port du voile par les femmes :

« Dans une démocratie moderne, où l’on tente d’instaurer transparence et égalité des sexes, vous nous signifiez brutalement que tout ceci n’est pas votre affaire, que les relations avec les autres ne vous concernent pas et que nos combats ne sont pas les vôtres. »

Par ailleurs, ce règlement porte aussi atteinte au principe de laïcité et à l’organisation même de la République. Ainsi, l’article premier de la Constitution de 1958 dispose que :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »

Ainsi, puisque la République respecte toute croyance, elle ne peut donc pas opérer de différenciation entre les citoyens sur le fondement d’une appartenance ou non à une religion. Le port du voile, pour des compétitions sportives, vaut alors reconnaissance de la légalité d’une distinction, dans l’espace public, fondée sur la seule religion.

Ensuite, ce règlement porte atteinte au principe de laïcité tel que le définit, avec force et vigueur, la loi du 9 décembre 1905 dont le rôle est tel que la doctrine tend à la considérer, ou du moins son dispositif organisant la séparation des Églises et de l’État, comme faisant partie des principes fondamentaux de la République, principes ayant valeur constitutionnelle.

Or, comme le rappelle le Conseil d’État (19 juillet 2011) une dérogation à la Loi du 9 décembre 1905 ne peut être admise que pour renforcer l’intérêt public et corriger d’éventuelles inégalités entre les cultes. À l’évidence, ce règlement ne remplit aucune des deux conditions énoncées par la haute juridiction administrative.

Le règlement de la FIFA entre aussi en conflit avec les dispositions de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation qui interdit dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. À l’évidence, l’application de cet article sera rendue extrêmement difficile par l’exposition médiatique dont bénéficieraient des manifestations sportives au cours desquelles les femmes arboreraient des signes religieux dans une enceinte sportive.

Enfin, bien que n’entrant pas en conflit direct avec la loi du 20 octobre 2010, interdisant le port du voile intégral dans l’espace public, le règlement de la FIFA, s’il était appliqué en France, n’en constituerait pas moins un véritable défi à l’ordre républicain.

Pour l’ensemble de ces motifs, il est indispensable de préserver les principes de la laïcité, y compris dans l’exercice d’activités sportives, au niveau professionnel ou amateur. C’est pourquoi, il vous est proposé de voter le texte soumis afin de rendre impossible toute forme de prosélytisme religieux lors des manifestations sportives.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre préliminaire du code du sport est complété par un article L. 100-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 100-5. – L’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives dans le strict respect des principes de la laïcité.»

Article 2

L’article L. 131-1 du même code est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :

« Elles assurent leur mission dans le strict respect des principes de la laïcité. »

Article 3

Le chapitre II du titre III du livre Ier du même code est complété par un article L. 132-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-3. – Les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle veillent à ce que les compétitions organisées par leurs soins respectent les principes de la République Française dont celui de la laïcité. »

Article 4

L’article L. 221-1 du même code est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° De veiller à ce que les compétitions organisées sur le sol de la République Française respectent les principes de la laïcité tels que définis par la Constitution de 1958 et par le législateur. »

Article 5

Le chapitre Ier du titre II du livre II du même code est complété par un article L. 221-14 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-4. – Tout manquement aux principes de la laïcité, dans le cadre des compétitions sportives définies à l’alinéa 3 de l’article L.221-1 du présent code, entraîne l’annulation des dites compétitions ainsi que des résultats acquis. »

Article 6

Il est ajouté, au code du sport, un article L. 312-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 312-4-1. – Les équipements sportifs, propriété de la puissance publique ou d’acteurs privés, contribuent au développement des pratiques sportives auprès du grand public. Ces équipements ne sont accessibles que par des sportifs respectant les principes de la laïcité. »

Article 7

Après le premier alinéa de l’article L. 331-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toute compétition, rencontre, démonstration ou manifestation publique de quelque nature que ce soit, dans une discipline sportive, organisée ou autorisée par une fédération sportive agréée doit respecter les principes de la laïcité. »

Article 8

Au dernier alinéa de l’article L. 331-2 du même code, après le mot : « dignité », sont insérés les mots : « , à la laïcité ».


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