N° 215 - Proposition de loi de M. Jean Lassalle visant à améliorer la concurrence dans le secteur de la distribution alimentaire



N° 215

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à améliorer la concurrence
dans le secteur de la
distribution alimentaire,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

MM. Jean LASSALLE et Philippe FOLLIOT,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à améliorer la concurrence sectorielle au service des consommateurs dans divers secteurs de la consommation courante.

C’est pourquoi elle se propose de rajouter au livre III du code de commerce un titre IV portant sur les réseaux de distribution.

Ainsi que l’a souligné l’Autorité de la concurrence dans son avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010 relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire, un certain nombre d’obstacles à la concurrence persistent encore aujourd’hui dans le secteur de la grande distribution alimentaire et sont préjudiciables au consommateur comme à l’exploitant d’enseigne et au commerçant indépendant. Cette proposition reprend une partie des dispositions prévues par le projet de loi défendu par M. Lefebvre.

Le secteur alimentaire conserve un poids prépondérant aujourd’hui, par le nombre d’emplois qui en dépendent ainsi que par les biens de première nécessité qu’il délivre. Or, de nombreuses défaillances des dispositifs contractuels actuels se révèlent constituer des entraves à la liberté et à la mobilité des magasins entre les groupes de distribution. Ce sont autant de barrières à l’entrée de nouvelles enseignes sur le marché et de freins à la baisse des prix des produits alimentaires.

C’est pour remédier à cette situation, d’autant plus urgente dans ce contexte de crise économique et de forte pression sur le pouvoir d’achat des Français, que nous vous soumettons cette proposition de loi. Elle est, de plus, nécessaire à la pérennisation des enseignes de proximité, et donc au maintien de la vie et de l’emploi qu’elles procurent, particulièrement dans les zones rurales.

Cette proposition de loi poursuit un double objectif.

D’une part, garantir les droits des exploitants d’enseigne à l’égard de leurs têtes de réseau, en fixant la durée maximale de toutes les conventions d’affiliation à six ans et en interdisant leur renouvellement par tacite reconduction.

D’autre part, l’information précontractuelle de l’affilié est garantie puisque la proposition de loi impose la transmission au commerçant du projet de convention au moins deux mois avant sa signature. Cela permet une plus grande transparence et une signature de la convention en toute connaissance de cause par les parties.

Par ces mesures simples, la liberté du choix d’enseigne des exploitants de la distribution alimentaire sera renforcée et permettra d’établir une réelle concurrence sur ce marché, au bénéfice du consommateur final..


PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le livre III du code de commerce est complété par un titre IV ainsi rédigé :

« TITRE IV

« DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION

« Art. L. 340-1. – I. – Une convention d’affiliation est un contrat, conclu entre une personne physique ou morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3, et toute personne exploitant pour son compte ou pour le compte d’un tiers au moins un magasin de commerce de détail, afin de fixer celles des obligations auxquelles s’engagent les parties susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité de commerçant.

« II. – Cette convention est formalisée par un document unique dont un exemplaire est remis à l’exploitant, dans un délai préalable d’au moins deux mois avant la signature de tout contrat entre les parties énumérées au I du présent article. La convention d’affiliation naît de la signature de ce document unique par les deux parties.

« III. – Le document unique récapitule les stipulations applicables du fait de l’affiliation, regroupées selon des rubriques définies par un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, et fixe notamment :

« 1° Les conditions de l’affiliation et de la participation au groupement ;

« 2° Les conditions d’utilisation des services commerciaux apportés à l’exploitant, en particulier d’approvisionnement et d’usage des marques et enseignes ;

« 3° Le fonctionnement du réseau ;

« 4° Les conditions de renouvellement, cession et réalisation des contrats régissant les relations commerciales découlant de l’affiliation ;

« 5° La nature des contraintes applicables après rupture des relations d’affiliation.

« La durée de chacun de ces engagements doit être précisée dans le document unique. Le terme final de la convention d’affiliation est expressément précisé.

« Art. L. 340-2. – La convention d’affiliation définie à l’article L. 340-1 est obligatoire lorsque l’exploitant gère au moins un magasin de commerce de détail, au sens de l’article L. 430-2, en libre-service et dont le chiffre d’affaires hors taxes, hors carburant, provient pour plus du tiers de la vente de produits alimentaires.

« Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, définit, en tant que de besoin, les secteurs d’activité pour lesquels et les seuils de surface et de chiffre d’affaires en deçà desquels il peut être dérogé à cette obligation.

« Art. L. 340-3. – Cette convention ne peut contenir aucune clause ayant pour effet de restreindre la liberté d’exercice par l’exploitant de son activité commerciale après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation.

« Un décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence fixe les règles encadrant le droit de préemption des parties contractantes en cas de cession de l’immeuble.

« Art. L. 340-4. – I. – Dans les cas prévus au premier alinéa de l’article L. 340-2, le document unique visé au II de l’article L. 340-1 doit, à peine de nullité de la convention d’affiliation, être remis à l’exploitant dans un délai préalable à sa signature, fixé par décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence.

« II. – Pour les conventions d’affiliation obligatoires en application du premier alinéa de l’article L. 340-2, il ne peut être dérogé par voie contractuelle aux stipulations découlant de la convention d’affiliation que par modification de cette même convention.

« Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précise le délai dans lequel les conventions d’affiliation obligatoires peuvent être résiliées avant leur échéance, en fonction de leur durée.

« Ces conventions d’affiliation obligatoires ne peuvent être renouvelées par tacite reconduction.

« III. – Aucune stipulation, ni aucun contrat conclus dans le cadre ou pour la mise en œuvre de la convention d’affiliation ne peut faire obstacle à la mise en jeu des stipulations énoncées par cette convention, lorsqu’elle est obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 340-2.

« Art. L. 340-5. – Un décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence fixe la durée maximale, qui ne peut être supérieure à six ans, des conventions d’affiliation dont la signature est obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 340-2.

« À l’exception du contrat de bail commercial, dont la durée est régie par les dispositions de l’article L. 145-4, aucun contrat, conclu dans le cadre de la convention d’affiliation, ne peut produire d’effets au-delà du terme final mentionné au dernier alinéa du III de l’article L. 340-1.

« Art. L. 340-6. – Lorsqu’une convention d’affiliation, obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 340-2, prévoit le versement de sommes constituant une condition préalable à l’établissement ou au renouvellement de la relation commerciale, le document unique mentionne la possibilité d’acquitter ces sommes, soit en totalité au moment de la signature du contrat, soit en plusieurs versements, les versements dus au titre de la dernière année ne pouvant excéder 20 % du total de ces sommes. En cas de non-respect du présent article, les sommes dues à ce titre ne seront, d’ordre public, exigibles que dans la limite de 10 % par an de leur montant nominal initial, tel qu’il figure dans la convention d’affiliation.

« Art. L. 340-7. – Cette convention ne peut contenir aucune clause ayant pour effet de restreindre la liberté d’exercice par l’exploitant de son activité commerciale après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation.

« Art. L. 340-8. – I. – Les dispositions du présent titre sont applicables aux contrats conclus à compter du 1er juillet 2013.

« II. – Les contrats de toute nature établissant une relation d’affiliation entrant dans le champ visé au premier alinéa de l’article L. 340-2, qui ont été conclus antérieurement au 1er juillet 2013, devront être remplacés avant le 1er janvier 2015 par une convention d’affiliation, conclue dans les conditions posées par le présent titre.

« III. – À compter du 1er janvier 2015, à défaut de conclusion, dans le respect des règles fixées au présent titre, d’une convention d’affiliation, chaque partie peut mettre fin à une relation d’affiliation entrant dans le champ d’application du premier alinéa de l’article L. 340-2, sans que lui soient opposables les accords, clauses ou contrats antérieurement conclus. Cette résiliation intervient à l’expiration du délai fixé au II de l’article L. 340-4, compté à partir de la notification à l’autre partie de la nécessité de se mettre en conformité avec les dispositions du présent titre. »


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