N° 1062
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mai 2013.
PROPOSITION DE LOI
visant à étendre l’obligation de neutralité
aux structures privées accueillant des enfants,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Arnaud RICHARD,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le principe de laïcité est un principe constitutionnel énoncé à l’article premier de la Constitution de 1958.
Le principe de neutralité des agents publics est rappelé par la Charte de la laïcité dans les services publics du 13 avril 2007. « Tout agent public a un devoir de stricte neutralité ».
La loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadre le port des signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Dans les garderies, les services d’assistants municipaux et les écoles maternelles relevant du secteur public les agents sont soumis à l’obligation d’assurer leurs fonctions avec neutralité, traduisant ainsi dans le service public le respect constitutionnel de respect de la laïcité, tel qu’inscrit à la l’article premier de la Constitution de 1958.
Par contre, aucun texte législatif ou règlementaire n’impose cette obligation de neutralité aux professionnels ne travaillant pas pour des structures publiques alors même que ces structures sont soumises aux autorisations des autorités publiques et bénéficient à cet effet de financements publics.
Dans l’état actuel de la législation, le principe de laïcité ne s’applique donc pas aux personnes privées, que ce soient des particuliers, des entreprises ou des associations et il n’existe pas d’équivalent au principe de neutralité des agents du service public dans le droit du travail.
Bien que n’appartenant pas au service public, ces structures, notamment associatives, remplissent de fait une mission de service public et les mineurs accueillis devraient bénéficier des mêmes droits que ceux accueillis dans les structures publiques.
En effet, un service public est une activité d’intérêt général assurée ou assumée par une personne publique agissant dans la limite de ses compétences. Cette activité de service public peut être prise en charge par une personne privée mais, dans ce cas, il faut que cette activité ait un lien avec la personne publique.
Le Conseil d’État a précisé les critères de reconnaissance d’une activité de service public en distinguant deux hypothèses, indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui--même entendu reconnaître ou exclure l’existence d’un service public (CE, Sect., 22 février 2007, n° 264541).
Ainsi, une personne privée peut être chargée de l’exécution d’un service public, si elle assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et si elle est dotée, à cette fin, de prérogatives de puissance publique. Toutefois, même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée peut également être regardée comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission.
Le Conseil d’État a ainsi précisé qu’une activité, à l’initiative d’une personne privée, peut se voir reconnaître un caractère de service public lorsque la personne publique, en raison de l’intérêt général qui s’y attache et de l’importance qu’elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde des financements.
Dans l’état actuel de la législation, ces structures sont régies par les dispositions du code du travail qui, dans son article L. 1132-1, interdit les discriminations directes et indirectes, notamment celles fondées sur les convictions religieuses.
L’article L. 1121-1 du même code prévoit que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées aux buts recherchés ».
Cependant, la liberté de religion et de conviction du salarié n’autorise pas l’abus du droit à l’expression, le prosélytisme ou les actes de pression à l’égard d’autrui.
Ainsi les articles L. 1121-1 et L. 1321-1 et suivants du code du travail permettent à l’employeur d’apporter des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir. Il est ainsi prévu dans le règlement intérieur, tel que défini aux articles L. 1321-1 et suivants, que « l’employeur fixe exclusivement les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité » ainsi que « les règles générales et permanentes relatives de la discipline… ».
La législation du travail ne comporte par contre pas de précisions quant à la liberté du salarié de manifester sa religion dans ses relations avec le public.
Cette question se pose dès lors s’agissant de la protection qui doit être assurée dans le secteur privé de la petite enfance au regard de la vulnérabilité des publics accueillis.
Dans sa délibération n° 2011-67 du 28 mars 2011, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité a recommandé d’examiner l’opportunité d’étendre aux structures privées de la petite enfance, chargées de missions de service public ou d’intérêt général, les obligations – notamment de neutralité, qui s’imposent aux structures publiques dans ce secteur.
La présente proposition de loi vise à apporter une réponse à ce vide juridique en étendant l’obligation de neutralité aux structures privées accueillant des enfants.
PROPOSITION DE LOI
L’article L. 1321-1 du code du travail est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le respect du principe de laïcité à l’intérieur de l’établissement et dans le contact avec le public, notamment dans les établissements définis à l’article L. 2324-1 du code de la santé publique. »
Après le troisième alinéa de l’article L. 2324-1 du code de la santé publique, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsqu’ils bénéficient d’une aide financière publique, les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans sont soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse. Leurs activités assurent le respect de la liberté de conscience des enfants. »
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