N° 1453
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013.
PROPOSITION DE LOI
visant à introduire un assouplissement d’urgence des dérogations au repos dominical,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Frédéric LEFEBVRE, Luc CHATEL, Maurice LEROY, Pierre LELLOUCHE, Patrick BALKANY, Jacques Alain BÉNISTI, Étienne BLANC, Bernard BROCHAND, Alain CHRÉTIEN, Jean-Pierre DECOOL, Virginie DUBY-MULLER, Guy GEOFFROY, Valérie LACROUTE, Lionnel LUCA, Alain MARC, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Patrick OLLIER, Thierry MARIANI, Philippe Armand MARTIN, Josette PONS, Claudine SCHMID, Fernand SIRÉ et Alain SUGUENOT,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Quatorze magasins Castorama et Leroy Merlin ont ouvert leurs portes, le dimanche 29 septembre, en Île-de-France, en dépit de l’interdiction de travail dominical imposée par le tribunal de commerce de Bobigny sous peine d’une astreinte de 120 000 euros par magasin et par jour.
Le tribunal de commerce de Bobigny avait été saisi par une autre enseigne, dont les refus de demande d’ouverture font l’objet de contentieux, qui invoquait la perte de chiffre d’affaires, la perte de clientèle au profit de ses concurrents Leroy Merlin et Castorama, et une rupture d’égalité.
La démarche d’ouverture des quatorze magasins franciliens de bricolage a recueilli le soutien, non seulement des clients de ces magasins, mais aussi de nombre de leurs salariés, qui sont attachés aux suppléments de salaires (en moyenne 600 euros mensuels) qui améliorent un pouvoir d’achat menacé par la crise et le « choc fiscal » de l’actuelle majorité.
Selon la Fédération des magasins de bricolage (FMB), sur les « 7 000 collaborateurs franciliens volontaires » adeptes du travail le dimanche chez Castorama et Leroy Merlin, « 1 200 personnes sont concernées par la fermeture » imposée à ces deux enseignes. La FMB estime aussi que « 15 à 20 % du chiffre d’affaires » y est réalisé le dimanche.
Les deux chaînes incriminées soutiennent, en outre, qu’une partie des points de vente incriminés – dont certains sont ouverts le dimanche depuis plus de 20 ans – sont dans la légalité, et que des demandes de dérogations sont en instance pour les autres.
Cette actualité montre que notre société ne peut aujourd’hui s’exonérer du débat sur la liberté du travail.
Vu de l’étranger et notamment de l’Amérique du Nord, ce débat franco-français sur l’ouverture des commerces le dimanche et la soirée dans les zones d’affluence touristique, est purement et simplement décalé.
Cette proposition de loi propose d’adapter en urgence le cadre juridique actuel, en attendant les résultats de la mission de concertation confiée par le gouvernement à M. Jean-Paul Bailly, dont les conclusions sont attendues pour fin novembre et qui devraient déboucher sur une évolution législative dans le courant du premier semestre 2014.
Actuellement, l’ouverture dominicale est régie par la loi sur le travail du dimanche d’août 2009, une loi d’une très grande complexité, que j’ai moi-même dénoncée en 2010 dans le livre « Le mieux est l’ami du bien », en fonction du type de commerce et du lieu (communes touristiques ou périmètre spécifique).
La majorité de l’époque était traversée par des postions contrastées qui ont conduit à un compromis. Les mentalités ont depuis évolué.
Alors qu’en 2010, plus du quart des personnes ayant un emploi ont travaillé le dimanche, soit environ 6,4 millions de salariés, dont 2,9 de manière habituelle, selon l’Insee, la posture « archaïque » de ceux qui s’opposent malgré la volonté des salariés, au travail choisi, mieux rémunéré, est un non-sens.
C’est pourquoi je souhaite que la loi n° 2009-974 du 10 août 2009 soit assouplie. Dans sa rédaction actuelle, ce texte nourrit le flou judiciaire qui projette les Bricorama, Castorama, Leroy Merlin, Sephora, ainsi que leurs salariés, dans l’insécurité.
L’article 1er de la présente proposition de loi vise à revenir sur le caractère restrictif de la loi du 10 août 2009, en retenant un seuil de population beaucoup plus conforme à la réalité économique de nos territoires pour les zones commerciales situées dans les agglomérations.
La loi actuelle ne concerne en effet que les unités urbaines de plus d’un million d’habitants. Ne sont donc concernés que Paris, Marseille, Lyon et Lille…
La loi du 10 août 2009 ne s’applique ainsi pas à Nice (unité urbaine de 888 00 habitants selon les chiffres 2010 l’INSEE), Toulouse (unité urbaine de 760 000 habitants), Bordeaux (unité urbaine de 753 000 habitants), Nantes (unité urbaine de 544 00 habitants)…
Elle ne s’applique également pas dans des villes pourtant reconnues comme locomotives de leurs départements, telle que Dijon (unité urbaine de 236 000 habitants), Amiens (unité urbaine de 160 000 habitants) ou Angoulême (unité urbaine de 103 000 habitants).
Partisan d’une ouverture plus large des commerces le dimanche, je propose d’abaisser le seuil d’application de la loi du 10 août 2009 aux zones situées dans les unités urbaines de plus de 100 000 habitants et de substituer à la notion de « périmètre d’usage de consommation », la notion de « zone d’attractivité commerciale exceptionnelle ».
L’article 2 de la présente proposition de loi vise également à simplifier la procédure de la loi du 10 août 2009, en confiant aux préfets de départements, et non plus aux préfets de régions, la compétence pour délimiter la liste des zones susceptibles d’ouvrir le dimanche et en substituant à la consultation des organes délibérants des structures intercommunales , la consultation des présidents de ces structures.
L’article 3 précise, toujours dans un souci de simplification, que l’autorisation d’ouverture dominicale est réputée accordée à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande déposée par les établissements de vente au détail mettant à disposition des biens ou des services situées dans les zones d’attractivité commerciales.
Cet article permettrait d’éviter nombre de contentieux, dont celui à l’origine de la saisine par une enseigne de bricolage du tribunal de commerce de Bobigny.
L’article 4 prévoit que dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos puisse être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail qui le demande, par décision du maire trente fois, au lieu de cinq fois, par an dans les communes de plus de 100 000 habitants, et douze fois par an dans les communes de moins de 100 000 habitants.
Chacun doit être libre de travailler plus pour gagner plus, de travailler différemment pour gagner plus...
La France doit s’inscrire dans l’internationalisation ; sa place dans le peloton de tête des puissances économiques du monde est à ce prix.
Vouloir augmenter le chiffre d’affaires, générer de l’emploi, du pouvoir d’achat pour les salariés et renforcer l’attractivité touristique de la France sont des objectifs que nous devrions partager sur l’ensemble des bancs de l’Assemblée nationale.
Il va de soi que les commerçants, artisans ou magasins ne feront le choix de l’ouverture du dimanche que si le flux de clientèle rendait rentable l’amplitude horaire choisie. Car n’oublions pas les consommateurs qui doivent pouvoir, en famille, le dimanche ou dans la soirée faire leurs courses en dehors de leur temps de travail.
Tels sont, Mesdames, Messieurs, les objectifs de la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
L’article L. 3132-25-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le nombre : « 1 000 000 » est remplacé par le nombre : « 100 000 » ;
2° Après la dernière occurrence du mot : « dans », la fin est ainsi rédigée : « une zone d’attractivité commerciale exceptionnelle caractérisée par l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci des zones concernées. »
Les premier à avant-dernier alinéas de l’article L. 3132-25-2 du même code sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La liste et le périmètre des zones d’attractivité commerciale mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de département sur la base des résultats du recensement de la population sur demande et après consultation des conseils municipaux, et après consultation des présidents de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent, sur le territoire desquelles est située la zone d’attractivité commerciale exceptionnelle. »
Le premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« L’autorisation est réputée accordée à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande. Elle fait l’objet d’une publication. »
L’article L. 3132-26 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-26. – Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par décision du maire.
Dans les communes de plus de 100 000 habitants, le nombre de ces dimanches ne peut excéder trente par an.
Dans les communes de moins de 100 000 habitants, le nombre de ces dimanches ne peut excéder douze par an. »
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