N° 1469
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 octobre 2013.
PROPOSITION DE LOI
visant à rétablir les avantages liés aux heures supplémentaires,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Madame et Messieurs
Jean-Louis BORLOO, Charles de COURSON, Stéphane DEMILLY, Yannick FAVENNEC, Philippe FOLLIOT, Édouard FRITCH, Jean-Christophe FROMANTIN, Philippe GOMES, Meyer HABIB, Francis HILLMEYER, Yves JÉGO, Jean-Christophe LAGARDE, Sonia LAGARDE, Maurice LEROY, Hervé MORIN, Bertrand PANCHER, Franck REYNIER, Arnaud RICHARD, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Jonas TAHUAITU, Jean-Paul TUAIVA, Francis VERCAMER, Philippe VIGIER, François-Xavier VILLAIN et Michel ZUMKELLER,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Un des dispositifs de la loi du 21 août 2007 en faveur du Travail, de l’Emploi et du Pouvoir d’Achat permettait une défiscalisation des heures supplémentaires travaillées au-delà de la durée légale du travail (35 heures), ainsi que des allègements de charges.
Alors que cette mesure avait permis aux entreprises, notamment les plus petites, de mieux répondre aux variations d’activité imposées par la crise, et que la rémunération totale résultant des heures supplémentaires exonérées d’impôt était de 11,6 milliards d’euros par an pour 9,2 millions de salariés, le Gouvernement socialiste supprima ce dispositif dès son arrivée au pouvoir.
Cette décision fut une double erreur : d’une part, ce fut une attaque au pouvoir d’achat des Français, d’autre part, cela a porté un grave coup à la compétitivité de nos entreprises.
Ainsi, alors même que le Premier ministre avait pourtant promis, dans son discours de politique générale, le 3 juillet : « mon Gouvernement ne sacrifiera pas le pouvoir d’achat des Français, notamment des plus modestes », 95 % des 9,5 millions de salariés touchés par la suppression des avantages liés aux heures supplémentaires étaient des ménages modestes, et quatre salariés sur dix étaient des ouvriers. Ils ont perdu, en moyenne, 500 euros par mois.
En effet, les heures supplémentaires constituaient un élément stable de la rémunération de ces salariés, notamment dans les entreprises de moins de 20 salariés qui n’étaient pas passées aux 35 heures. La rémunération totale résultant des heures supplémentaires exonérée d’impôt s’élevait en 2008 et 2009 à 11,6 milliards d’euros.
En outre, les secteurs bénéficiaires étaient notamment l’industrie, la métallurgie, la construction, l’hébergement et la restauration ainsi que les transports : des secteurs actuellement en difficulté. Le Gouvernement, par cette mesure, les a soumis à une pression supplémentaire, eux qui avaient au contraire besoin d’être soutenus, afin d’améliorer leur compétitivité.
Le secteur public a également été fortement touché, et en particulier les enseignants du secondaire. En effet, au cours de l’année scolaire 2010-2011, dans l’enseignement public, 511 637 heures supplémentaires ont été effectuées par 232 000 enseignants du secondaire, c’est-à-dire, dans ce secteur, par plus d’un enseignant sur deux.
En outre, alors même que le Gouvernement justifie la suppression des avantages liés aux heures supplémentaires par le fait que le recours à ces dernières viendrait entraver le recrutement de salariés, il a annoncé que les effectifs de la fonction publique n’augmenteraient pas durant la législature : c’est donc une véritable saignée qui est imposée aux fonctionnaires.
Cette mesure gouvernementale a été un élément majeur du choc d’anti-compétitivité de 27 milliards d’euros que le Gouvernement a fait subir aux entreprises en 2013, entre les 14 milliards d’euros d’impôts nouveaux votés et la suppression des 13,5 milliards d’euros d’allègements de charge prévus par la TVA compétitivité.
De nombreux élus de la majorité, réalisant l’ampleur du désastre, ont reconnu, un an après l’avoir votée, que cette mesure avait « eu un réel impact pour les salariés ».
Saluant cette prise de conscience, les députés du Groupe UDI proposent ainsi de rétablir au plus vite les avantages liés aux heures supplémentaires, a minima pour les salariés modestes gagnant moins de deux fois le SMIC.
C’est le sens de cette proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est rétabli un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 dudit code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du code précité, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.
« L’exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 ou au onzième alinéa de l’article L. 212-4-3 du code du travail applicable à la date de publication de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – L’exonération prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;
« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;
« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;
« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er janvier 2013, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »
« IV. – Ces dispositions s’appliquent aux rémunérations n’excédant pas deux fois le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail. »
Après l’article L. 241-16 du code de la sécurité sociale, il est rétabli un article L. 241-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par les dispositions du même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.
« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.
« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.
« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. »
L’article L. 241-18 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.
« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »
L’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale est applicable aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er janvier 2013.
I. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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