N° 1488
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2013.
PROPOSITION DE LOI
tendant à pérenniser le financement des actions associatives d’aide aux victimes,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Arlette GROSSKOST,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En tant que personne blessée dans son intégrité physique et psychique, toute victime d’infraction pénale doit pouvoir prétendre à un accompagnement global, aussi longtemps que son état l’exige.
C’est le rôle que se sont données de nombreuses associations qui œuvrent chaque jour au service des victimes, et dont la professionnalisation et le rayon d’action sont croissants.
Ces associations offrent ainsi à toute personne victime et à ses proches des services d’accueil, d’écoute, d’information, de soutien et d’accompagnement – notamment lors du processus judiciaire. Les associations d’aide aux victimes travaillent en étroite collaboration avec les autorités judiciaires, les policiers et les intervenants des services sociaux et de la santé. Elles peuvent être réquisitionnées par le procureur de la République sur la base de l’article 41 alinéa 7 du code de procédure pénale pour aider et informer les victimes. Enfin, elles offrent un service de proximité dans plus de 750 points d’accueil sur le territoire.
Les victimes peuvent recevoir une information juridique et une assistance technique pour faire valoir leurs droits (renseigner les formulaires de demande d’aide juridictionnelle, d’indemnisation CIVI ou SARVI). Elles peuvent y trouver un soutien psychologique pour dépasser le traumatisme dû à l’infraction subie et un accompagnement social. Elles peuvent également être orientées vers d’autres professionnels appropriés.
Depuis 25 ans, l’aide qui est apportée aux victimes par le réseau d’associations est financée par l’État – que ce soit via des crédits du ministère de la justice ou de la politique de la ville – et par les collectivités.
À l’heure actuelle, le financement des associations d’aide aux victimes conventionnées est assumé à hauteur de 11 millions d’euros par le ministère de la Justice (via des crédits déconcentrés au niveau des cours d’appel et y compris les têtes de réseaux), et le reste est partagé entre la politique de la ville et les collectivités territoriales, pour atteindre environ 32 millions d’euros, destinés à la prise en charge de 300 000 victimes et au fonctionnement de 760 lieux d’accueil de proximité pour les victimes.
La prise en charge gratuite et professionnelle de 300 000 victimes d’infractions est donc financée par la solidarité nationale.
Or ce montant est insuffisant pour continuer à offrir une aide professionnelle aux victimes. La formation des intervenants, la prise en charge globale des victimes, ou encore par exemple la création de permanences d’accueil, sont autant d’investissements très lourds et pourtant indispensables.
La présente proposition de loi vise par conséquent à introduire dans notre droit le principe d’un versement, par une personne déclarée coupable d’une infraction, d’une amende compensatoire, afin d’abonder le financement des services d’aide aux victimes d’infractions pénales, sans peser sur les dépenses publiques. L’idée d’imposer une contribution liée à une condamnation pénale existe déjà au Québec et dans certaines provinces canadiennes. Cela permet également de responsabiliser les auteurs d’infractions quant aux conséquences immédiates subies par les victimes et leur entourage, qui nécessitent une aide et un accompagnement par des services d’aide aux victimes.
Cela va également dans le sens d’une justice qui prend en considération auteur, victime et société pour recréer du lien social : la victime, directe ou indirecte, et son entourage, qui subissent les conséquences de l’infraction dans la durée ; l’auteur des faits et sa famille, partie prenante de la réparation ; le corps social dans son ensemble, y compris les institutions et les personnes qui viennent en aide à toutes ces personnes, permettant leur réinsertion.
Cette contribution additionnelle abondera un fonds assurant le financement du fonctionnement des associations d’aide aux victimes conventionnées, ainsi que d’autres actions spécifiques qu’il conviendra d’établir. Enfin, afin de sécuriser les recettes et d’assurer la lisibilité de cette amende compensatoire, il serait souhaitable que le Gouvernement prenne l’initiative de créer, dans la prochaine loi de finances, un compte d’affection spéciale retraçant les recettes et les dépenses de ce fonds.
Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Il est créé un fonds de solidarité destiné à l’aide aux victimes, géré par le ministère de la justice. Ce fonds finance le fonctionnement et les actions des associations d’aide aux victimes conventionnées par le ministère de la justice.
Un décret en Conseil d’État fixe ses conditions de constitution et ses règles de fonctionnement.
Le chapitre Ier du titre III du livre premier du code pénal est ainsi complété :
« Section 3
« De l’amende compensatoire
« Art. 131-50. – Toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation pénale définitive s’acquitte d’une amende compensatoire d’un montant de dix euros, réévaluée chaque année en fonction de l’évolution du coût de la vie, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. »
Le produit des amendes compensatoires prévues par l’article 131-50 du code pénal est affecté au fonds de solidarité destiné à l’aide aux victimes.
Les charges pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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