N° 1588
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2013.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires,
présentée par Mesdames et Messieurs
Bruno LE ROUX, Alain CALMETTE, Jean-Pierre ALLOSSERY, Serge BARDY, Catherine BEAUBATIE, Chantal BERTHELOT, Gisèle BIÉMOURET, Daniel BOISSERIE, Florent BOUDIE, Brigitte BOURGUIGNON, Jean-Louis BRICOUT, Isabelle BRUNEAU, Sabine BUIS, Jean-Claude BUISINE, Jean-Yves CAULLET, Jean-Paul CHANTEGUET, Jean-Jacques COTTEL, Carole DELGA, Jean-Louis DESTANS, Fanny DOMBRE COSTE, Annie LE HOUEROU, Françoise DUBOIS, Sophie ERRANTE, Marie-Hélène FABRE, Richard FERRAND, Hugues FOURAGE, Christian FRANQUEVILLE, Yves GOASDOUE, Pascale GOT, Laurent GRANDGUILLAUME, Viviane LE DISSEZ, Jean-Luc LAURENT, François LONCLE, Lucette LOUSTEAU, Marie-Lou MARCEL, Frédérique MASSAT, Philippe NOGUÈS, Sylvie PICHOT, Philippe PLISSON, Catherine QUÉRÉ, Frédéric ROIG, Gilles SAVARY, Suzanne TALLARD, Pascal TERRASSE, Stéphane TRAVERT, Michel VERGNIER, Jean-Marie BEFFARA et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (1) et apparentés (2),
députés.
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(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Ibrahim Aboubacar, Patricia Adam, Sylviane Alaux, Jean-Pierre Allossery, Pouria Amirshahi, François André, Nathalie Appéré, Christian Assaf, Avi Assouly, Pierre Aylagas, Alexis Bachelay, Guillaume Bachelay, Jean-Paul Bacquet, Géard Bapt, Frédéric Barbier, Ericka Bareigts, Claude Bartolone, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Laurent Baumel, Philippe Baumel, Nicolas Bays, Catherine Beaubatie, Jean-Marie Beffara, Luc Belot, Karine Berger, Gisèle Biémouret, Philippe Bies, Erwann Binet, Jean-Pierre Blazy, Yves Blein, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Pascale Boistard, Christophe Borgel, Florent Boudié, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Brigitte Bourguignon, Malek Boutih, Kheira Bouziane, Emeric Bréhier, Jean-Louis Bricout, Jean-Jacques Bridey, François Brottes, Isabelle Bruneau, Gwenegan Bui, Sabine Buis, Jean-Claude Buisine, Sylviane Bulteau, Vincent Burroni, Alain Calmette, Jean-Christophe Cambadélis, Colette Capdevielle, Yann Capet, Christophe Caresche, Fanélie Carrey-Conte, Martine Carrillon-Couvreur, Christophe Castaner, Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Nathalie Chabanne, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Marie-Anne Chapdelaine, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Jean-David Ciot, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Philip Cordery, Valérie Corre, Jean-Jacques Cottel, Catherine Coutelle, Jacques Cresta, Pascale Crozon, Seybah Dagoma, Yves Daniel, Carlos Da Silva, Pascal Deguilhem, Florence Delaunay, Guy Delcourt, Carole Delga, Sébastien Denaja, Françoise Descamps-Crosnier, Sophie Dessus, Jean-Louis Destans, Michel Destot, Fanny Dombre Coste, René Dosière, Philippe Doucet, Sandrine Doucet, Françoise Dubois, Jean-Pierre Dufau, Anne-Lise Dufour-Tonini, Françoise Dumas, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Sophie Errante, Marie-Hélène Fabre, Alain Fauré, Martine Faure, Olivier Faure, Matthias Fekl, Vincent Feltesse, Hervé Féron, Richard Ferrand, Jean-Pierre Fougerat, Hugues Fourage, Michèle Fournier-Armand, Christian Franqueville, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Hélène Geoffroy, Jean-Marc Germain, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Geneviève Gosselin, Pascale Got, Marc Goua, Linda Gourjade, Laurent Grandguillaume, Estelle Grelier, Jean Grellier, Jérôme Guedj, Élisabeth Guigou, Thérèse Guilbert, Chantal Guittet, David Habib, Razzy Hammadi, Mathieu Hanotin, Danièle Hoffman-Rispal, Joëlle Huillier, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Laurent Kalinowski, Marietta Karamanli, Philippe Kemel, Chaynesse Khirouni, Bernadette Laclais, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, Colette Langlade, Jean Launay, Pierre Léautey, Pierre-Yves Le Borgn’, Jean-Yves Le Bouillonnec, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Anne-Yvonne Le Dain, Jean-Yves Le Déaut, Viviane Le Dissez, Michel Lefait, Dominique Lefebvre, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Axelle Lemaire, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Christophe Léonard, Annick Lepetit, Jean-Pierre Le Roch, Bruno Le Roux, Arnaud Leroy, Michel Lesage, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, Audrey Linkenheld, François Loncle, Lucette Lousteau, Jean-Pierre Maggi, Jean-Philippe Mallé, Thierry Mandon, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Martine Martinel, Frédérique Massat, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Patrick Mennucci, Kléber Mesquida, Franck Montaugé, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Ségolène Neuville, Nathalie Nieson, Philippe Noguès, Maud Olivier, Monique Orphé, Michel Pajon, Luce Pane, Christian Paul, Rémi Pauvros, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Sylvie Pichot, Sébastien Pietrasanta, Martine Pinville, Christine Pires Beaune, Philippe Plisson, Élisabeth Pochon, Pascal Popelin, Dominique Potier, Émilienne Poumirol, Michel Pouzol, Patrice Prat, Joaquim Pueyo, François Pupponi, Catherine Quéré, Valérie Rabault, Monique Rabin, Dominique Raimbourg, Marie Récalde, Marie-Line Reynaud, Eduardo Rihan Cypel, Denys Robiliard, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Frédéric Roig, Barbara Romagnan, Bernard Roman, Dolores Roqué, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Béatrice Santais, Odile Saugues, Gilbert Sauvan, Gilles Savary, Gérard Sebaoun, Christophe Sirugue, Julie Sommaruga, Suzanne Tallard, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Thomas Thévenoud, Sylvie Tolmont, Jean-Louis Touraine, Stéphane Travert, Catherine Troallic, Cécile Untermaier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Hélène Vainqueur-Christophe, Jacques Valax, Clotilde Valter, Michel Vauzelle, Olivier Véran, Fabrice Verdier, Michel Vergnier, Patrick Vignal, Jean-Michel Villaumé, Jean Jacques Vlody, Paola Zanetti.
(2) Dominique Baert, Serge Bardy, Marie-Françoise Bechtel, Chantal Berthelot, Jean-Luc Bleunven, Guy-Michel Chauveau, Yves Goasdoué, Édith Gueugneau, Christian Hutin, Jean-Luc Laurent, Annie Le Houerou, Serge Letchimy, Gabrielle Louis-Carabin, Hervé Pellois, Napole Polutélé, Boinali Said.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Pour la première fois dans l’histoire de notre République, le Président a fait de la lutte contre la fracture territoriale une de ses priorités, en créant un ministère chargé de promouvoir l’égalité des territoires. « Prôner l’égalité des territoires, c’est placer au plus haut, dans l’ordre des mots, l’idéal de justice territoriale » écrit Eloi Laurent dans son rapport « Vers l’égalité des territoires » remis à Cécile Duflot le 22 février dernier à Vesoul.
Mais ce concept de justice territoriale ne va pas de soi. Un constat, aussi trivial soit-il, s’impose : les territoires sont par nature inégaux. En revanche, cette inégalité géographique devient politique dès lors qu’elle se traduit par des inégalités de destin entre citoyens du fait du territoire de naissance ou de résidence. Et ce constat est d’autant plus inacceptable que ce sont les politiques publiques menées depuis de nombreuses années qui tendent à rendre les territoires plus inégaux encore qu’ils ne le sont. Les approches managériales et comptables qui ont prévalu sous les précédents gouvernements ont exacerbé les situations de décrochage des territoires les plus meurtris : espaces ruraux isolés, territoires périurbains non maitrisés, zones urbaines délaissées.
Les inégalités territoriales se sont transformées. S’il subsiste toujours des écarts entre les régions les plus productives (Île de France, Rhône-Alpes) et les autres, les inégalités interrégionales ont eu tendance à se résorber. L’explication est aujourd’hui bien connue : ce sont les fonctions redistributives de l’État qui garantissent au premier chef la cohésion territoriale1. D’autres facteurs sont également à prendre en compte : l’économie dite « résidentielle » liée à une économie de la consommation a engendré une circulation « invisible » des richesses entre territoires. La mobilité croissante des individus et l’augmentation des pratiques de loisirs et de tourisme ont apporté une nouvelle dynamique pour les territoires.
Désormais, les inégalités se jouent à des échelles plus fines, au sein des territoires, des bassins de vie et parfois même des quartiers où se développent des poches de pauvreté. Inégalités sociales et territoriales se cumulent, s’imbriquent et rendent toute politique sectorielle (éducation, santé, sécurité, emploi, …) le plus souvent inefficace.
Les politiques publiques développées depuis 20 ans portent une responsabilité majeure dans cette aggravation des inégalités territoriales. D’une part, la remise en question des politiques redistributives a fragilisé les territoires les plus vulnérables qui dépendaient fortement de l’apport de ces revenus sociaux et des pensions de retraite. D’autre part, la mise en place d’une conception darwinienne de l’aménagement du territoire a sapé le principe même d’égalité républicaine. Le changement de sémantique aboutissant à remplacer la DATAR (délégation à l’aménagement et l’attractivité régionale) en DIACT (délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires) a symbolisé cette dérive. Une doctrine libérale a été mise en œuvre qui se caractérise par trois traits principaux :
- la concentration des financements sur quelques pôles en présupposant leur capacité d’entrainement pour le reste du territoire ;
- la compétition entre les territoires comme moteur de la compétitivité nationale ;
- le retrait de l’État sur les enjeux de solidarité territoriale en faisant des collectivités territoriales des prestataires des politiques nationales.
Ainsi, de nouveaux instruments politiques ont été imaginés exacerbant « la fracture territoriale ». À chaque fois, l’État a encouragé la mise en compétition des territoires entre eux avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui, à savoir une concentration des moyens financiers pour ceux d’entre eux disposant déjà d’une forte ingénierie de projet et de capacités de financement.
Dans le même temps, l’État a organisé sa mise en retrait des territoires à travers, coup sur coup, une réforme de la carte des hôpitaux, celle des tribunaux et celle des casernes. Seuls les critères d’efficacité et de performance ont prévalu abandonnant tout principe d’équité spatiale et de proximité.
Certains territoires ont vu s’abattre sur eux des retraits massifs verticaux décidés par des administrations centrales étanches entre elles et ignorant les demandes d’études d’impact globales sur les conséquences catastrophiques de ce cumul.
Les effets de cette politique sont aujourd’hui visibles et dommageables pour la nation et la République. Elles ont engendré « un sentiment d’oubli, d’abandon, de relégation surtout (…) ». C’est le Président de la république lui-même qui en fait le diagnostic lors de son discours aux élus de l’Auxois, en Côte d’Or, le 14 mars 2013.
La croissance démographique – considérée à juste titre comme un atout au sein de l’Europe – semble déstructurer les territoires plutôt que de les renforcer. La crise du logement ne cesse de s’approfondir dans les métropoles, l’urbanisation se poursuit de manière anarchique dans les territoires périurbains et péri-ruraux. Ce sont les grands groupes privés (promoteurs, lotisseurs, constructeurs) qui sont aujourd’hui les véritables aménageurs du territoire. Et ils le font selon leur propre critère, celui de la rentabilité immédiate. Tout ceci explique pourquoi les opérations réalisées ces dernières années, en particulier dans les territoires ruraux en déficit d’accompagnement technique, continuent de faire l’impasse sur les exigences du développement durable et exacerbent les besoins en matière de services et en mobilité.
Cette proposition de résolution témoigne de cette ambition de n’ouvrir rien moins que de repenser la notion d’aménagement du territoire. Il ne s’agit pas d’une énième relance pour en appeler à un État-aménageur disparu avec l’époque gaulliste. Il n’y a en effet pas de nostalgie à en appeler à une époque où l’État décidait, seul, des grands projets et des infrastructures fixant définitivement les places des territoires dans un ensemble national organisé.
Cette résolution vise plutôt à faire des propositions à la lumière des évolutions des modes de vie et de la nouvelle donne spatiale telle qu’elle s’est affirmée depuis les années 2000. Nous avons l’occasion d’ouvrir une autre période, celle du développement soutenable, contribuant au bien être des habitants de ce pays, à l’évolution progressive du mode de production des richesses collectives, à l’instauration d’un nouveau rapport à la nature.
Si elle a eu un apport indéniable, la décentralisation a pu aboutir dans certains cas à la multiplication de petites souverainetés, centrées sur leur périmètre institutionnel. Il est temps de sortir de cette spécialisation où les territoires riches sont devenus de plus en plus riches, les plus pauvres de plus en plus pauvres. L’évolution de la décentralisation n’aura de sens que si elle s’inscrit dans cette recherche de l’égalité des territoires. La métropolisation initiée par les dynamiques du marché (de l’emploi, de l’immobilier, …) et encouragée par les politiques publiques ne doit pas se faire au dépens de la qualité de vie des habitants des autres territoires en dehors de ces dynamiques. Dans ses recommandations pour une politique d’égalité des territoires, Eloi Laurent prévient que « les seules ambitions d’attractivité et de compétitivité économiques ne suffisent pas à définir des stratégies de développement territorial soutenables et justes, il importe de repenser ces stratégies en partant du développement humain et des capacités de personnes (…) »2.
Un des enjeux pour mener une politique d’égalité des territoires est d’investir dans la connaissance des territoires et de leurs dynamiques. Paradoxalement, si la France est doté d’un puissant institut national de la statistique (INSEE) et de nombreux observatoires couvrant une multiplicité de champs, il apparait encore difficile aujourd’hui de mesurer les inégalités spatiales. Autrement dit, si l’on sait aujourd’hui bien mesurer les « stocks » (population, pauvreté, chômage, …), les dynamiques et les « flux » (mobilité résidentielle, sociale, économique) restent très largement méconnus à l’échelle locale et entre territoires. Une des réponses à cette problématique pourrait être de populariser dans les territoires des indicateurs synthétiques de développement humain, capables d’éclairer la décision publique, d’associer les citoyens et de favoriser les usages opérationnels3.
Mais le premier enjeu de cette évolution des politiques d’aménagement du territoire est de repenser les outils traditionnels en commençant par la péréquation et le zonage :
- En matière de péréquation, de multiples rapports, notamment parlementaires, mettent en avant la complexité et surtout les limites des politiques de péréquation verticale et la nécessité de renforcer considérablement la péréquation « horizontale », outil de solidarité entre territoires ;
- En matière de zonage : les espaces ruraux isolés, au même titre que les territoires périurbains non maitrisés ou les zones urbaines délaissés doivent pouvoir faire l’objet de politiques différenciées. Compte tenu du contexte budgétaire, il conviendrait de repenser les zonages pour une plus grande efficacité par une concentration des moyens sur les territoires les plus fragiles et en voie de décrochage territorial4.
La création du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) à partir du 1er trimestre 2014 offre l’opportunité à l’État de relever ces défis et d’engager ces réformes.
Toutefois, la recherche de l’égalité des territoires n’est peut plus être l’unique apanage de l’État. Depuis la décentralisation, les collectivités territoriales sont les principaux acteurs du développement et de l’aménagement du territoire. Pour que tous les territoires soit en mis en capacité égale cela suppose aussi une montée en responsabilité et donc une montée en échelle des territoires.
Les intercommunalités qui, désormais, couvrent l’ensemble du territoire doivent passer à la vitesse supérieure et se structurer autour de projets et à une échelle pertinente pour prendre toute leur place dans les négociations avec les autres niveaux de collectivités et les grands partenaires institutionnels et privés.
Mais la question ne se limite pas à celle de l’organisation territoriale, elle est plus profonde : elle implique une prise de conscience des interdépendances, des systèmes de liens qui font que les lieux ne sont pas des îles mais fonctionnent en archipel avec des enjeux qui se posent et se traitent différemment selon les échelles.
L’ambition portée par cette proposition de résolution tient en une phrase : traiter les « liens » autant que les « lieux ».
Une politique des « lieux » doit évoluer non seulement vers une géographie prioritaire resserrée pour éviter tout saupoudrage mais dans sa conception même pour donner la priorité aux bourgs et petites villes des espaces périurbains et ruraux qui ont un fort potentiel de maillage en matière de services et d’aménités de proximité5. La revitalisation de ces pôles de proximité est primordiale si l’on veut garantir l’égalité des territoires. Pour ce faire, le premier enjeu est de sortir du cloisonnement des politiques sectorielles de droit commun pour adopter une approche territoriale intégrée. L’élargissement des critères de la politique de la ville à des villes petites et moyennes est une première réponse6. Cette politique pourrait être complétée par des contrats de revitalisation des bourgs. L’État et les grands opérateurs s’engageraient à y maintenir les services publics de « base » (Gendarmerie, Police, Justice, École, La Poste, Santé, numérique). Ces contrats de revitalisation permettraient plus largement le développement d’une véritable politique de renouvellement urbain afin de rendre les centres anciens à nouveau attractifs pour les ménages et les entreprises7.
Une politique des « liens » consiste à rendre systématique la coopération entre les territoires et à inciter le partage des stratégies de développement et d’aménagement portés aux différents niveaux de collectivités. Le gouvernement a proposé un cadre de négociation, les Conférences territoriales de l’action publique, pouvant déboucher sur des conventions territoriales sur une variété de politiques (énergie, tourisme, déchets, gestion de l’eau, etc.) et pour lesquels les collectivités locales seront de plus en plus amenées à mutualiser les moyens. Ces conventions pourraient permettre d’expérimenter des coopérations ville/campagne débouchant sur des actions concrètes de réciprocité territoriale tout en reconnaissant les spécificités du monde rural, avec sa faible densité, sa vocation agricole et productive, ses enjeux paysagers et environnementaux. La capacité à construire des accords stratégiques entre territoires, sous le pilotage de l’État, sera l’un des moteurs de l’égalité des territoires.
Faire émerger des lieux de vie de proximité et inciter à la coopération entre territoires, c’est bien en tenant ces deux bouts que la politique d’égalité des territoires permettra réellement de répondre au sentiment d’abandon des populations des territoires les plus fragiles et de rétablir la place de tous les territoires dans le projet républicain.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
L’assemblée nationale,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 1er de la Constitution,
Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
Vu l’article 136 du règlement de l’Assemblée nationale,
Attire l’attention sur la nécessité de lutter contre l’aggravation de la « fracture territoriale » et l’accroissement des inégalités entre les territoires de la République,
Souhaite que le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires consacre de nouveaux moyens pour l’égalité des territoires notamment dans trois domaines : l’accès aux services publics, le développement de l’ingénierie territoriale et l’aménagement numérique du territoire,
Ambitionne le retour à une approche contractuelle des politiques d’aménagement du territoire à travers la création de nouveaux types de contrats territoriaux – contrats de revitalisation des bourgs, convention de coopération ville/campagne – mobilisant une péréquation financière forte et favorisant le décloisonnement des politiques sectorielles de droit commun,
Interpelle l’État pour que son action territoriale s’appuie sur une organisation territoriale plus pertinente, à l’échelle de bassins de vie, dans lesquels les intercommunalités sont porteuses de projets de développement et d’aménagement,
Plaide enfin pour la tenue prochaine d’un Comité interministériel à l’égalité des territoires (CIET, appelé à remplacer le comité interministériel à l’aménagement du territoire) qui n’est pas réuni depuis plus de trois ans. Il pourrait traiter notamment des territoires ruraux et aboutir à des décisions illustrant la volonté gouvernementale de prendre en compte la situation de ces espaces.
1 Se référer aux travaux de l’économiste de Laurent Davezies et en particulier à son ouvrage La République et ses territoires : La circulation invisible des richesses – La république des idées – 2008.
2 Introduction d’Eloi Laurent, Rapport Vers l’égalité des territoires, février 2013, p. 22.
3 « Vers de nouveaux indicateurs pour le développement humain territorial », Pierre Jean Lorens, Gregory Marlier, Stéphane Humbert, Vers l’égalité des territoires, février 2013, p. 289.
4 « Les inégalités territoriales sont-elles solubles dans le zonage », Daniel Béhar, Vers l’égalité des territoires, p. 417.
5 Mohamed Hilal, Aleksandra Barczak, François-Pierre Tourneux, Yves Schaeffer, Marie Houdart et Dominik Cremer-Schulte - Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques Travaux en ligne n° 12 de la DATAR, 2012.
6 Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 novembre 2013 permettrait à des villes en milieu rural comme Auch ou Guéret de bénéficier des crédits de la politique de la ville.
7 On remarque que les 1 200 « pôles de proximité » à traiter sont équivalents en nombre aux 1 200 quartiers d’habitat social ayant fait l’objet d’une politique de rénovation urbaine depuis 2003 sous l’égide de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU).
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