N° 3329
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2015.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la consultation référendaire pour la modification
des limites régionales,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Paul MOLAC, Patricia ADAM, Jean-Luc BLEUNVEN, Gwenegan BUI, Corinne ERHEL, Richard FERRAND, Chantal GUITTET, Gilbert LE BRIS, Annie LE HOUEROU, Annick LE LOCH, Jean-Pierre LE ROCH et Gwendal ROUILLARD,
Député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral a été adoptée définitivement le 17 décembre 2014 à l’Assemblée nationale et promulguée le 16 janvier 2015.
La méthodologie retenue dans le cadre de cette loi était celle de ne pas revoir le périmètre des régions existantes et de les faire fusionner en entier. Cette loi laisse donc en suspens la question d’un département se retrouvant dans une région pas forcément choisie, et qui souhaiterait en toute logique demander à changer de région. Ainsi des départements comme l’Aisne, le Gard, le Cantal ou la Loire-Atlantique pouvaient légitimement se poser ce genre de question. En tout, ce n’est pas plus d’une dizaine de départements qui aurait été concernée, loin du big-bang territorial évoqué par certains.
Pour tenter d’y remédier, le processus dit du « droit d’option » a été modifié. Néanmoins, tel qu’il a été élaboré, ce droit est difficilement applicable tant la procédure est complexe. Certains ont même parlé de droit de véto. En effet, trois assemblées (le département, la région de départ et la région d'accueil) doivent approuver cette modification de limites régionales au 3/5e de leurs membres. Cette procédure se heurtera immanquablement à l'opposition de la région de départ. Comme le disait Guy Carcasonne : « Quand madame veut partir avec son amant, elle ne demande pas l’avis de son mari ». Tout est dit ou presque : le devenir d’un département regarde d’abord son conseil départemental et ses habitants, mais sûrement pas la région qui le chapeaute. C’est la raison pour laquelle il convient de prévoir dans ce mécanisme du droit d’option, une consultation directe au sein même de la collectivité concernée en premier chef : le département.
Si l’on peut raisonnablement penser que les élus ont à cœur de défendre l’intérêt de leur population, ils ne sont que les dépositaires de la légitimité démocratique. Il conviendrait donc de permettre une consultation de la population sur l’appartenance départementale à une région. Car, la région, ce n’est pas seulement une entité administrative. Pour beaucoup de nos concitoyens, elle fait partie du territoire aimé et imaginé. Elle est surtout dans l'immense majorité des cas le territoire dans lequel on se reconnaît, fruit d’une histoire, d’une géographie et d’une culture propres. Le sentiment d’appartenance est souvent l’un des moteurs de certaines régions en permettant de renforcer le développement économique, social, environnemental et culturel, la cohésion sociale et la cohésion territoriale. En somme, une volonté de vivre ensemble et d’avancer collectivement, qui n’a rien d'incompatible d'ailleurs avec la cohésion nationale. La pluralité des attachements n'a jamais été un problème, sauf pour quelques esprits étriqués et idéologues qui ne pensent les autres que comme des copies d’eux-mêmes.
Pour que ce droit d’option puisse être effectif, il lui faut donc être soutenu par un engagement populaire qui mandate clairement les élus. C’est l’objet de cette proposition de loi, car construire des limites régionales n’est pas un acte anodin, a fortiori quand ces régions sont bien identifiées et font appel au territoire voulu. C’est bien là que le bât blesse dans un certain nombre de cas où il existe une différence entre la volonté populaire et la réalité administrative qui s’impose à elle. Cette dernière entre donc en opposition par rapport à la volonté de la population qui, elle, se réfère au territoire vécu, un territoire du cœur, mais aussi un territoire qui se veut cohérent.
Il convient de permettre l’expression démocratique sur la question de l’appartenance départementale à une région limitrophe, en somme de donner la parole au peuple et de permettre de poser sur la place publique des questions qui restent trop souvent confinées dans les institutions, quand elles arrivent à s’y glisser. Il s’agit d’ailleurs toujours d’une vertu en démocratie que de confier aux urnes la résolution d’une situation verrouillée. L’audace de l’électeur peut servir de contrepoids à la force d’inertie des différentes institutions.
Il s’agit donc par cette proposition de loi, outre le dispositif voté dans la loi du 16 janvier 2015, de permettre à un département de consulter sa population par référendum, soit à son initiative, soit à l’initiative d’un vingtième des électeurs inscrits sur les listes électorales de ce même département. Avant le référendum, la région d’origine est consultée pour avis. Si le résultat du référendum est approuvé à la majorité absolue des suffrages exprimés, le département concerné engage un processus de changement d’appartenance régionale. La région d’accueil doit ensuite approuver l’intégration de ce département à son territoire par une délibération de son assemblée délibérante adoptée à la majorité absolue de ses membres.
Cette possibilité de consultation populaire était jusqu’à présent refusée à un département au motif qu’il n’est pas compétent pour décider seul des limites régionales. Les départements n’ont pourtant jamais été consultés, en tant que tels, sur les limites régionales et sur la région dans laquelle ils sont intégrés. Il n’y a donc strictement aucune raison qu’une région puisse empêcher le départ de l’un ou l’autre de ses membres, sauf à admettre le principe anticonstitutionnel que la région puisse exercer une tutelle sur une autre collectivité, c’est-à-dire le département. Les départements n’ayant pas créé la région, la région ne peut en effet empêcher une collectivité autonome par la Constitution, de suivre sa voie, dans son ressort ou dans une autre région. Les limites régionales ont en effet été élaborées soit par le pouvoir exécutif, soit par un vote au Parlement sans que les principaux intéressés, les départements et leurs habitants, n’aient eu à se prononcer. Il convient de donner la possibilité de remédier à cela là où existe une volonté populaire forte. On peut d’ailleurs noter la différence avec les communes qui ont pu choisir d’intégrer une intercommunalité ou de fusionner avec une autre commune par vote du conseil municipal, et dont la population peut être consultée.
Il sera objecté que cet assouplissement du droit d’option risque de provoquer la recomposition de plusieurs régions dont l’équilibre s’en trouverait affecté. Certes. Mais, en quoi la légitimité d’une collectivité existante serait-elle par essence supérieure à celles susceptibles de naître d’une reconfiguration issue de la volonté populaire ?
C’est ce à quoi propose de remédier cette proposition de loi : donner à la population d’un département la possibilité de s’exprimer pleinement sur sa région d’appartenance au travers d’une consultation démocratique.
PROPOSITION DE LOI
I. – Après le I l’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales, est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I. bis – L’intégration d’un département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe peut aussi être demandée suite à l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, dans le département concerné, résultant d’une consultation organisée, soit à la demande du conseil départemental après délibération de son assemblée délibérante, soit à l’initiative d’un vingtième des électeurs inscrits sur les listes électorales du département.
« Cette consultation des électeurs est organisée selon les modalités définies à l'article LO. 1112-3, au second alinéa de l'article LO. 1112-4, aux articles LO. 1112-5 et LO. 1112-6, au second alinéa de LO. 1112-7 et aux articles LO. 1112-8 à LO. 1112-14. Un arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales fixe la date du scrutin, qui ne peut intervenir moins de deux mois après la transmission de la dernière délibération du conseil départemental ou après le dépôt de la liste des électeurs demandant cette consultation.
« Au cours de la période précédant cette consultation, un débat public est organisé par le conseil départemental, garanti par la Commission nationale du débat public.
« Le projet d’intégration d’un département à une région limitrophe est soumis pour avis au conseil régional de la région sur le territoire de laquelle se situe le département. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la transmission de la dernière délibération du conseil départemental ou après le dépôt de la liste des électeurs demandant cette consultation.
« Si le référendum recueille, dans le département concerné, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, le projet d’intégration d’un département à une région limitrophe est inscrit à l’ordre du jour du conseil régional de la région précitée, par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9, à l’initiative d’au moins 10 % de leurs membres. La modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région est demandée par une délibération de l’assemblée délibérante adoptée à la majorité absolue des suffrages exprimés. »
II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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