N° 3518
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 février 2016
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement
présentée par Mesdames et Messieurs
Patrice CARVALHO, François ASENSI, Bruno Nestor AZEROT, Alain BOCQUET, Huguette BELLO, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, Alfred MARIE-JEANNE, Jean-Philippe NILOR, Nicolas SANSU et Gabriel SERVILLE,
Député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Fibromyalgie touche 14 millions de citoyens européens et entre 1,5 et 2 millions de français.
Elle se caractérise par un état douloureux musculaire chronique, une fatigue continue et une souffrance psychologique.
Ses formes et ses degrés de gravité sont variables, allant de la simple gêne à un handicap invalidant avec des impacts dans les actes de la vie quotidienne, sociale, professionnelle et personnelle.
Elle a longtemps été considérée comme une maladie psychosomatique, puis comme un syndrome, c’est-à-dire un ensemble de signes cliniques et de symptômes pas nécessairement pathologiques.
Elle est reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1992.
Elle a d’abord été classée comme maladie rhumatismale (M79.0) et, depuis janvier 2006, comme maladie à part entière (M79.7).
À la suite de l’OMS, des pays ont reconnu cette pathologie, telle la Belgique, qui l’a classifiée dans les maladies handicapantes depuis mai 2011. Les États-Unis débloquent des fonds importants pour développer la recherche.
En décembre 2008, le Parlement européen a produit une déclaration écrite (69/2008) établissant pour les États membres des recommandations pour une meilleure prise en charge de la fibromyalgie et des patients, considérant que : « cette pathologie n’est toujours pas répertoriée dans le catalogue officiel des maladies de l’Union européenne ».
La France, pour sa part, continue de considérer la fibromyalgie comme un syndrome.
De nombreux parlementaires ont interrogé le gouvernement, au fil des années, sur le sujet et ont toujours obtenu la même réponse, celle d’un statu quo.
Il est considéré que ce syndrome n’a pas de cause connue. Son diagnostic est formulé par défaut d’identification d’autres maladies. Il n’existe pas de traitement spécifique, notamment médicamenteux, ni de prise en charge bien établie.
Cette situation a des conséquences pour les malades.
Ils sont d’abord livrés à une errance médicale.
Ils ne savent pas vers quel médecin se tourner : rhumatologue, psychologue, neurologue…
Le temps, qui s’écoule entre la manifestation des premiers symptômes et le diagnostic final, est, en moyenne de six ans. Six longues années sans savoir de quoi le patient est atteint et sans perspective.
Dès lors, la solitude s’installe et les maux du corps envahissent l’esprit, ajoutant aux douleurs physiques des symptômes dépressifs.
En ce qui concerne les traitements, les prescriptions tendent à essayer d’endiguer les symptômes avec le recours à des anti-douleurs, des anti-dépresseurs, des anti-épileptiques accompagnés souvent d’effets secondaires complétant les douleurs initiales sans régler ces dernières.
D’autres thérapies, non médicamenteuses, sont pratiquées (kinésithérapie, balnéo-thérapie, psychothérapie, relaxation, acuponcture).
Le corps médical est, par ailleurs, peu formé à ce type de maladie chronique. Certains praticiens sont encore septiques sur la nature de la fibromyalgie, la considérant comme une maladie psychologique, ce qui a des conséquences sur la qualité et l’efficacité des traitements prescrits.
À cela s’ajoutent encore les rapports conflictuels avec les administrations (CPAM, maisons départementales des personnes handicapées, médecine du travail…), dès lors que les diagnostics s’établissent par défaut de reconnaissance d’autres pathologies et que la sécurité sociale ne reconnaît pas la fibromyalgie comme maladie. La fibromyalgie via le code CIM 10 M 79.7, n’est d’ailleurs pas présent dans le référentiel de la CPAM.
Il en découle la non reconnaissance d’une invalidité induite par cette maladie, la non prise en charge en « affection de longue durée » (ALD), ni en ALD 31 pour une fibromyalgie non accompagnée d’autres maladies, la rupture du versement d’indemnités journalières pour un arrêt maladie prolongé pour cause de fibromyalgie.
Sur le sujet, nous disposons, en France, d’un rapport de l’Académie nationale de médecine publié en janvier 2007.
Dans les conclusions, il précisait : « un large consensus existe cependant aujourd’hui pour considérer que […] le syndrome fibromyalgique est une réalité clinique qu’il faut admettre comme autonome, une fois éliminées les autres affections qui peuvent se révéler par un syndrome douloureux chronique ».
Dans le prolongement, la Haute Autorité de Santé, saisie par le ministre de la santé, a rendu un rapport d’orientation en janvier 2010.
Il concluait, pour sa part : « Même si des controverses subsistent au sein même du monde médical, parfois sur l’existence, mais surtout sur les causes organiques ou fonctionnelles de ce syndrome, une prise en charge doit être accessible aux patients. L’absence de prise en charge, scientifiquement validée et consensuelle, ne doit pas conduire à laisser les patients sans réponse et les professionnels sans solution à proposer ».
À présent, l’Inserm est chargé de réaliser une vaste étude sur la fibromyalgie chez l’adulte et chez l’enfant.
Il s’agit d’explorer toutes les facettes repérées de la maladie, d’étudier l’efficacité des traitements médicamenteux et non-médicamenteux, d’évaluer le handicap et son retentissement social et de cerner les causes possibles de cette pathologie.
Néanmoins, les études et rapports qui se succèdent ne sauraient suffire à adopter la réponse appropriée à ce problème de santé publique.
Il apparaît, d’autre part, que sous les précédents gouvernements et sous l’égide de l’ancienne ministre de la santé, des résolutions avaient été prises, des actions, des réalisations, encore aujourd’hui, sont citées par la ministre de la santé actuelle, sans pour autant qu’aucune d’entre elles n’ait pu être portée à la connaissance des associations ou des malades, de même que les recherches éventuelles pratiquées en France et pourtant citées.
C’est pourquoi il importe que l’Assemblée nationale s’empare de ce sujet et contribue à répondre à la souffrance et à la détresse de centaines de milliers de nos concitoyens.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
En application des articles 137 et suivants du règlement, il est créé une commission d’enquête de trente membres sur la fibromyalgie, les conditions de sa reconnaissance et de sa prise en charge.
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