N° 3572
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mars 2016.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à s’opposer à toute négociation
pouvant entraîner l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne,
présentée par Mesdames et Messieurs
Bruno LE MAIRE, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Laurence ARRIBAGÉ, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean-Claude BOUCHET, Valérie BOYER, Olivier CARRÉ, Guillaume CHEVROLLIER, Alain CHRÉTIEN, Jean-Louis COSTES, Édouard COURTIAL, Jean-Pierre DECOOL, Rémi DELATTE, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre DOOR, Christian ESTROSI, Laurent FURST, Claude de GANAY, Jean-Claude GUIBAL, Antoine HERTH, Laure de LA RAUDIÈRE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Frédéric LEFEBVRE, Marc LE FUR, Philippe LE RAY, Lionnel LUCA, Gilles LURTON, Franck MARLIN, Alain MARSAUD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Bérengère POLETTI, Axel PONIATOWSKI, Didier QUENTIN, Franck RIESTER, Arnaud ROBINET, Camille de ROCCA SERRA, Fernand SIRÉ, Thierry SOLÈRE, Éric STRAUMANN, Lionel TARDY, Dominique TIAN, Jean-Sébastien VIALATTE, Marie-Jo ZIMMERMANN, Philippe VIGIER, Maurice LEROY, Josette PONS, François-Xavier VILLAIN, Jean-Marie SERMIER, Patrice VERCHÈRE, Jean-Pierre BARBIER, Bernard BROCHAND, Lucien DEGAUCHY, Patrick DEVEDJIAN, Franck GILARD, Michel HERBILLON, Valérie LACROUTE, Dominique NACHURY, Bernard REYNÈS, François SAUVADET, Michel VOISIN,
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’Union européenne est confrontée au défi sans précédent posé par la crise des migrants, la remise en cause de la libre circulation des personnes au sein de l’Espace Schengen et l’édification de nouveaux murs entre les États européens, mettant fin à plusieurs dizaines d’années d’un processus visant à l’unification du Vieux Continent.
Face à ce défi, l’Union européenne n’a pas pris les décisions nécessaires à la sauvegarde des intérêts des citoyens européens, aux premiers rangs desquels figure leur sécurité. Malgré de multiples réunions et déclarations, il n’existe toujours pas de véritables frontières externes de l’Union européenne ni de moyens suffisants pour doter Frontex des outils nécessaires pour faire face à ses missions.
Cette situation a été aggravée par le choix unilatéral et annoncé sans concertation de l’Allemagne d’accueillir sur son territoire les réfugiés syriens. Les États doivent faire face à un afflux croissant de demandeurs de réfugiés venus de multiples zones de conflits, de Syrie, mais aussi d’Irak, de Soudan, d’Afghanistan ou d’Érythrée. De graves troubles ont eu lieu dans plusieurs villes européennes, sans qu’il soit possible d’accueillir ces centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans les conditions de sécurité et d’humanité qu’exige notre droit.
La France en 2015 a vu les demandes d’asile augmenter de 24 % : 73 500 migrants ont déposé une requête, contre 59 300 en 2014 (selon l’OFPRA). Le Premier ministre lui-même a déclaré le 12 février dernier lors de la conférence de Munich sur la sécurité de l’Europe : « Nous ne pouvons pas accueillir plus de réfugiés ».
L’Union européenne est sur le point de sceller un accord historique avec la Turquie rendant à nouveau possible son adhésion en échange de la gestion de l’afflux de réfugiés syriens. La Turquie consent à accueillir des réfugiés syriens sur son sol n’ayant pas trouvé asile dans l’un des pays de l’Union européenne, sur la base notamment d’un financement par l’Union européenne d’un fonds de soutien de 3 milliards d’euros. Or, Les conditions de discussion de l’accord, directement entre l’Allemagne et la Turquie, ont mis les autres États membres devant le fait accompli. L’accord est contesté par de nombreux responsables de l’Union européenne, dont le président du Parlement européen, ainsi que par le Haut Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, qui redoute des expulsions collectives et arbitraires, contraires à la Convention de Genève.
Surtout, contrairement à la position réaffirmée régulièrement par la France, l’accord relance le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. En effet, les discussions prévoient, d’une part, la libéralisation de l’octroi de visas aux ressortissants turcs et d’autre part, l’ouverture de nouveaux chapitres de négociations entre la Turquie et l’Union européenne en vue de son adhésion.
Dans toute cette négociation, la France a été marginalisée et ignorée. Elle est désormais placée devant le fait accompli. Cette situation est inacceptable et contraire au principe même de la construction européenne qui doit avancer sur la base du couple franco-allemand.
Face aux risques de conflits au Moyen-Orient et au nécessaire combat contre Daesh, la Turquie demeure un partenaire essentiel tant de la France que des autres États membres de l’Union européenne. Comme la France, et d’autres États dans le monde, la Turquie est elle aussi confrontée au terrorisme et aux conséquences des bouleversements au Moyen-Orient. Les liens culturels, historiques, économiques et militaires qui nous unissent doivent nous permettre d’offrir à la Turquie une relation spécifique avec l’Union européenne. Mais la crise des migrants ne peut être le prétexte à une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
Les signataires de cette résolution s’opposent à toute négociation entre l’Union européenne et la Turquie qui pourrait avoir pour effet d’aboutir à son adhésion.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement,
Considérant les relations historiques, culturelles, économiques et militaires qui lient la France et la Turquie ;
Considérant les défis actuels auxquels sont confrontés les États membres de l’Union européenne ;
Considérant la déclaration faite par les Chefs d’État ou de Gouvernement à l’issue de la réunion qu’ils ont eue avec la Turquie le 7 mars 2016, préfigurant l’accord à venir entre l’Union européenne et la Turquie sur la gestion de la crise des migrants discuté par les Chefs d’État ou de Gouvernement les 17 et 18 mars 2016 ;
Considérant les profondes inquiétudes sur la conformité de cet éventuel accord aux traités internationaux, et en particulier de la convention de Genève ;
Refusant la politique du fait accompli par laquelle un État membre de l’Union européenne impose, après avoir négocié de façon isolée avec un État tiers, à tous les autres des décisions mettant en cause le contrôle de leur territoire ;
Convaincus de la nécessité pour la France de reprendre sa place au sein de l’Union européenne et refusant qu’elle soit réduite à un simple rôle de spectateur ;
1. Exprime le souhait de voir le Gouvernement français s’opposer à toute négociation pouvant entraîner l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne ;
2. Souhaite que le Gouvernement français s’oppose à l’accord entre l’Union européenne et la Turquie fondé sur les conclusions du Conseil européen du 7 mars 2016 ;
3. Invite l’Union européenne à créer les conditions d’un renforcement d’un véritable partenariat avec la Turquie à la hauteur des liens culturels, économiques et militaires qui nous unissent.
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