N° 3607
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2016.
PROPOSITION DE LOI
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Yann GALUT,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les lanceurs d’alerte ont, au cours des cinquante dernières années, contribué à une meilleure information des institutions et des citoyens et à la sauvegarde de vies humaines, du patrimoine, des biens et ressources publiques, renforçant ainsi la responsabilité et la gouvernance citoyennes et démocratiques.
Alors que l’alerte éthique ne figure pas dans le droit français, de nombreux textes internationaux reconnaissent le lanceur d’alerte, qu’il s’agisse de conventions internationales ratifiées par la France, ou de droit souple dans les domaines des droits de l’Homme, du droit du travail, du droit pénal, de la lutte anti-corruption ou de la gouvernance.
Au niveau international, le rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’opinion et d’expression a rappelé en 2004 que les lanceurs d’alerte doivent être protégés contre toute sanction s’ils agissent de bonne foi. Le rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a, quant à lui, inscrit en 2015 dans ses recommandations pour la protection des lanceurs d’alerte : « La législation de l’État doit protéger toute personne qui divulgue des informations qu’elle a des motifs raisonnables de considérer véridiques au moment de leur divulgation et qui portent sur des faits attentatoires à un intérêt public précis ou le menaçant, tels qu’une violation du droit national ou international, un abus d’autorité, un gaspillage, une fraude ou des atteintes à l’environnement, à la santé ou à la sécurité publiques. Après avoir pris connaissance des faits, les autorités doivent enquêter et remédier aux actes illicites allégués sans exception fondée sur les motifs présumés ou la « bonne foi » de la personne qui a divulgué l’information ».
Au niveau européen, faisant suite aux Résolution 1729 (2010) et Recommandation 1916 (2010) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la Recommandation Rec(2014)7 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur la protection des lanceurs d’alerte, adoptée le 30 avril 2014 demande aux États « de disposer d’un cadre normatif, institutionnel et judiciaire pour protéger les personnes qui, dans le cadre de leurs relations de travail, font des signalements ou révèlent des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général ». Elle a été complétée par la Résolution 2060 et la Recommandation 2073 du 23 juin 2015, appelant à étendre la protection accordée aux services de sécurité nationale et de renseignement, et à adopter « un instrument juridique contraignant (convention) consacré à la protection des donneurs d’alerte sur la base de la Recommandation CM/Rec(2014)7 ».
La législation française a, quant à elle, accumulé les dispositions relatives aux lanceurs d’alerte dans des textes épars. L’essentiel de ces dispositions figure dans le code du travail. Hors ces dispositions partielles disséminées, cinq articles de cinq lois différentes de 2007 à 2013 protègent des signalements sectoriels.
Ces textes n’assurent pas une protection générale et effective des lanceurs d’alerte.
D’une part, ils n’assurent pas une égalité de traitement à l’ensemble des lanceurs d’alerte en accordant une protection inégale dans le cadre du contrat de travail, et sans prévoir de protection juridique pour les lanceurs d’alerte non liés par un contrat de travail. De plus, les dispositions actuelles divergent en ce qui concerne le détail de la liste des protections accordées, introduisant une première incertitude juridique.
D’autre part, les textes actuels divergent quant aux procédures comme aux destinataires du signalement.
Enfin ils n’opèrent aucune hiérarchisation des injonctions qui peuvent être contradictoires selon les statuts et les exigences déontologiques (obéissance et respect de la hiérarchie, devoir de réserve, discrétion et secret professionnel).
Le dispositif français très émietté se présente donc sous la forme d’un millefeuille, paradoxal, lacunaire, aux injonctions contradictoires, sans définition globale du lanceur d’alerte, sans autorité indépendante ni moyens dédiés, ni soutien aux victimes. Il n’offre pas de sécurité juridique et ne répond qu’imparfaitement à la nécessité d’une protection effective du lanceur l’alerte. De plus, celui-ci doit, quel que soit le texte protecteur, patienter le temps de la procédure pour faire valoir ses droits ; une réparation a posteriori, qui n’efface pas une moyenne de dix années de licenciement, de procédures et de déchéance sociale ne constitue pas une alternative au silence.
Une dizaine de pays dans le monde a adopté une loi unique dédiée à la protection des lanceurs d’alerte.
L’objectif de cette proposition de loi répond à cet objectif de protection effective, en amont et en aval, par la clarification du dispositif et son unification.
La présente proposition de loi relative à la protection des lanceurs d’alerte s’articule autour de six titres.
Le titre 1er du présent texte porte sur les définitions des concepts sur lesquels portent la proposition de loi.
Ainsi, l’article 1er définit le lanceur d’alerte. Il s’inspire quant au champ personnel et matériel de la recommandation précitée du Conseil de l’Europe qui prévoit que : « lanceur d’alerte » désigne « toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé ».
Le champ d’application du contexte de la relation de travail comprend les salariés et s’étend également aux bénévoles, stagiaires, apprentis, administrateurs, chercheurs, consultants, contractants, sous-traitants, clients.
Le titre II présente les canaux et le champ du signalement de l’alerte et les précise lorsque l’information signalée est soumise à des clauses de confidentialité ou relève du secret défense ou du secret des affaires.
L’article 2 définit l’alerte. Le « signalement » y désigne tout signalement, soit en interne au sein d’une organisation ou d’une entreprise, soit auprès d’une autorité extérieure et la « révélation » désigne toute révélation publique d’informations.
L’article 3 précise les mécanismes de l’alerte et les voies et étapes du signalement. Il prévoit que le signalement soit préalablement effectué en interne ou auprès de l’Agence nationale de l’alerte ou d’une autorité administrative ou judiciaire ou d’un parlementaire avant d’être rendu public.
L’article 4 pose le principe de la nullité des obligations de confidentialité dès lors qu’elles viseraient à faire obstacle à une révélation ou un signalement, dans la limite du champ défini à l’article 1.
L’article 5 réserve le signalement à une autorité judiciaire ou à l’Agence nationale de l’alerte dans le cas où l’information divulguée relève du secret défense ou du secret des affaires.
L’article 6 dispose pour les administrations et les entreprises d’une obligation de publicité des modalités de signalement d’une alerte à l’Agence nationale de l’alerte.
Le titre III établit les différentes protections accordées au lanceur d’alerte.
L’article 7 pose le principe que le lanceur d’alerte est protégé contre toutes représailles.
Par sa généralité, il s’agit de viser toutes les représailles directes ou indirectes ciblant le lanceur d’alerte, dès lors que les éléments de fait et de preuve permettent d’établir un lien entre le signalement et les mesures de rétorsion.
Pour l’application de ce principe, l’article reprend les dispositions qui existent déjà dans notre législation en retenant les critères les plus protecteurs. Ces textes disposent tout particulièrement qu’aucune personne ne peut faire l’objet de mesures de rétorsion ou de discrimination pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Ils prévoient aussi un aménagement de la charge de la preuve en cas de procès : il incombe à la partie adverse, au vu des éléments produits par le lanceur d’alerte, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement.
Inspirées de celles qui concernent les salariés protégés, les dispositions de cet article précisent que toute rupture de la relation de travail ou révocation qui résulterait d’un signalement ou tout acte contraire est nul de plein droit. La nullité emporte la réintégration du salarié dans son emploi.
En cas de licenciement d’un lanceur d’alerte dans une entreprise privée, l’article donne compétence au conseil de prud’hommes pour intervenir en référé afin de prendre des mesures conservatoires de maintien du lanceur d’alerte dans son emploi.
Dans les administrations publiques, il confère cette compétence au juge administratif.
L’article 8 pose le principe d’une indemnisation du lanceur d’alerte au regard du dommage moral et financier subi le cas échéant. Il confie à l’Agence nationale de l’alerte de déterminer le montant de la réparation financière. Cette indemnisation est assurée par le fonds prévu à l’article L. 422-1 du code des assurances.
Le titre IV de la présente de loi porte sur la création d’une Agence nationale de l’alerte et des missions et pouvoirs qui lui conférés.
L’article 9 institue une autorité administrative indépendante, l’Agence nationale de l’alerte. Il fixe sa composition et les modalités de désignation de ses membres, ainsi que la durée de leur mandat.
L’article 10 précise les missions de l’Agence nationale de l’alerte. Elle est en charge de recueillir et traiter les alertes, de conseiller, accompagner et protéger le lanceur d’alerte et d’informer le public sur la législation en matière d’alerte.
L’article 10 dresse encore la liste des personnes ou organisations habilitées à saisir l’agence nationale de l’alerte et prévoit que celle-ci dispose d’un pouvoir d’auto-saisine.
L’article 11 précise les pouvoirs de l’Agence nationale de l’alerte.
Il permet à l’Agence nationale de l’alerte de demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant elle, l’autorise à procéder à toutes vérifications ou enquêtes et à recueillir toute information qui lui apparaît nécessaire sans que son caractère secret ou confidentiel puisse lui être opposé.
Il définit les cadres et les conditions de saisine par l’Agence de différentes autorités judiciaires.
Il donne la possibilité à l’Agence nationale de l’alerte de recommander de procéder aux modifications réglementaires qui lui paraissent utiles.
Il lui permet également de consulter le Conseil d’État ou la Cour des comptes et de rendre publics leurs avis, de même que de leur demander de faire procéder à toutes études.
Le titre V porte sur les différentes sanctions.
L’article 12 dispose des sanctions pénales en cas d’entrave au signalement d’une alerte ou de mesures de rétorsion à l’encontre d’un lanceur d’alerte.
L’article 13 prévoit dans les administrations publiques la possibilité de sanctions disciplinaires pour toute personne ayant entravé le signalement d’une alerte ou engagé des mesures de rétorsion à l’encontre du lanceur d’alerte suite à son signalement. L’autorité investie du pouvoir d’engager des poursuites disciplinaires est alors saisie par l’Agence nationale de l’alerte.
L’article 14 rappelle les sanctions pénales encourues en cas de signalement ou de révélation de mauvaise foi relevant de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse.
Le titre VI vise les dispositions de coordination juridique.
L’article 15 liste les dispositions existantes abrogées par la présente loi dans un souci d’efficacité et d’harmonisation de la législation.
L’article 16 garantit la recevabilité financière de la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
DÉFINITIONS DU LANCEUR D’ALERTE
ET DE L’ALERTE
Est appelée de « lanceur d’alerte » toute personne physique qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a la connaissance dans le contexte d’une relation de travail, rémunérée ou non, présente ou passée.
L’alerte s’entend comme le signalement ou la révélation d’une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, acquise dans le contexte d’une relation de travail, rémunérée ou non, présente ou passée.
LE SIGNALEMENT DE L’ALERTE
Le signalement est préalablement effectué par voie interne, ou auprès de l’Agence nationale de l’alerte, créée à l’article 9 de la présente loi, ou auprès d’une autorité administrative ou judiciaire, ou auprès d’un parlementaire, et si ces voies se sont avérées vaines, ou en cas de danger grave et immédiat, une révélation, publique, est adressée à la société civile ou aux medias.
Toute obligation de confidentialité, faisant obstacle au signalement ou à la révélation d’un crime, d’un délit, d’une menace ou d’un préjudice graves pour l’intérêt général, est nulle.
Si les informations détenues par le lanceur d’alerte sont couvertes par le secret des affaires ou le secret défense, celui-ci n’est délié de son obligation qu’en cas de signalement ou révélation à l’autorité judiciaire ou à l’Agence nationale de l’alerte.
Les employeurs mentionnés à l’article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que les employeurs mentionnés au sens de l’article 1111-1 du code du travail affichent les modalités de transmission d’une information à l’Agence nationale de l’alerte.
LA PROTECTION ET L’INDEMNISATION
DU LANCEUR D’ALERTE
I. - Le lanceur d’alerte est protégé, le cas échéant, contre toutes mesures de rétorsion faisant suite à son signalement ou sa révélation.
II. – Aucune personne ne peut être écartée , d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée, révoquée ou licenciée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte ; notamment en matière de traitement, de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de notation, de discipline, de titularisation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir de bonne foi signalé ou révélé une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général.
En cas de litige relatif à l’application du précédent alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
III. - Toute rupture de la relation de travail ou révocation, toute disposition ou tout acte contraire au II du présent article, qui ferait suite à un signalement ou une révélation est nul de plein droit. La nullité emporte la réintégration du salarié dans son emploi, ou sa réaffectation à un poste équivalent qui ne peut être inférieur ni en termes de rémunération ni en termes d’ancienneté ni en termes de droit à la retraite, ou le dédommagement intégral de sa perte de revenus.
IV. - En cas de rupture de la relation de travail résultant d’un signalement ou d’une révélation, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes statuant en la forme des référés. Le conseil de prud’hommes doit statuer dans les vingt-et-un jours suivant la saisine. Il peut ordonner le maintien du salarié dans l’entreprise, ou en cas d’impossibilité du maintien du salarié dans l’emploi, il peut ordonner le maintien du salaire jusqu’au prononcé du jugement.
V. - L’agent public lanceur d’alerte peut demander au juge administratif d’intervenir en référé afin de préserver ses droits. Dans ce cas, le juge statue conformément aux articles L. 521-1 du code de la justice administrative.
L’Agence nationale de l’alerte détermine le montant de la réparation intégrale du dommage moral et financier subi le cas échéant par le lanceur d’alerte.
La réparation est assurée par l’intermédiaire du fonds prévu à l’article L. 422-1 du code des assurances. Le montant de cette indemnisation peut être contesté par le fonds ou par le lanceur d’alerte devant la commission mentionnée à l’article 706-4 du code de procédure pénale.
L’AGENCE NATIONALE DE L’ALERTE
I. – L’Agence nationale de l’alerte est une autorité administrative indépendante.
Dans l’exercice de leurs attributions, les membres de l’Agence nationale de l’alerte ne reçoivent et ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité.
II. - Le président de l’Agence nationale de l’alerte est nommé par décret du président de la République.
Outre son président, l’Agence nationale de l’alerte comprend :
1° Deux personnalités qualifiées nommées par le Président de l’Assemblée nationale, après avis conforme de la commission permanente de l’Assemblée nationale chargée des lois constitutionnelles, rendu à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;
2° Deux personnalités qualifiées nommées par le Président du Sénat, après avis conforme de la commission permanente du Sénat chargée des lois constitutionnelles, rendu à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;
3° Deux magistrats, en activité ou honoraires, élus par l’assemblée générale du Conseil d’État ;
4° Deux magistrats à la Cour de cassation, en activité ou honoraires, élus par l’ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la cour ;
5° Deux magistrats à la Cour des comptes, en activité ou honoraires, élus par la chambre du conseil ;
Les modalités d’élection ou de désignation des membres mentionnés aux 1° à 5° du présent II assurent l’égale représentation des femmes et des hommes.
L’Agence nationale de l’alerte peut suspendre le mandat d’un de ses membres ou y mettre fin si elle constate, à la majorité des trois quarts des autres membres, qu’il se trouve dans une situation d’incompatibilité, qu’il est empêché d’exercer ses fonctions ou qu’il a manqué à ses obligations.
En cas de vacance d’un siège de membre, pour quelque cause que ce soit, il est procédé à l’élection ou à la nomination, dans les conditions prévues au II, d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Par dérogation au premier alinéa du III, si cette durée est inférieure à un an, le mandat du nouveau membre est renouvelable une fois.
III. - Les membres de l’Agence nationale de l’alerte sont nommés pour une durée de six ans, non renouvelable.
Par dérogation au premier alinéa du présent III, lors de la première réunion de l’Agence nationale de l’alerte, sont tirées au sort :
1° Parmi les institutions mentionnées aux 3° à 5° du II, celle dont les deux membres élus effectueront un mandat de deux ans et celle dont les deux membres élus effectueront un mandat de quatre ans ;
2° Parmi les membres mentionnés aux 1° et 2° du même II, celui qui effectuera un mandat de trois ans.
IV. - Aucun membre de l’Agence nationale de l’alerte ne peut participer à une délibération ou procéder à des vérifications et contrôles relatifs à une personne ou à un membre d’un organisme à l’égard duquel il détient ou a détenu, au cours des trois années précédant la délibération ou les vérifications et contrôles, un intérêt, direct ou indirect.
Les membres de l’Agence nationale de l’alerte adressent au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts conformément au 6° du I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Ces déclarations sont tenues à la disposition de l’ensemble des autres membres de l’Agence nationale de l’alerte.
Les membres de l’Agence nationale de l’alerte sont soumis au secret professionnel.
V. - Le secrétaire général de l’Agence nationale de l’alerte est nommé par arrêté du Premier ministre, sur proposition de son président.
L’Agence nationale de l’alerte est assistée de rapporteurs désignés par :
1° Le vice-président du Conseil d’État parmi les membres, en activité ou honoraires, du Conseil d’État et du corps des conseillers de tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ;
2° Le premier président de la Cour de cassation parmi les magistrats, en activité ou honoraires, de la Cour de cassation et des cours et tribunaux ;
3° Le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats, en activité ou honoraires, de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
Elle peut bénéficier de la mise à disposition de fonctionnaires et recruter, au besoin, des agents contractuels. Ils sont soumis au secret professionnel.
VI. – L’Agence nationale de l’alerte dispose des crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions.
Le président de l’Agence nationale de l’alerte est ordonnateur des crédits qui lui sont affectés.
La loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne lui est pas applicable. Les comptes de l’Agence nationale de l’alerte sont présentés au contrôle de la Cour des comptes.
VII. ― Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
L’Agence nationale de l’alerte adopte un règlement général déterminant les autres règles d’organisation et de fonctionnement ainsi que les règles de procédure applicables devant elle.
I. – L’Agence nationale de l’alerte exerce les missions suivantes :
1° Elle recueille et traite les informations relatives à un crime, un délit, une menace ou un risque grave pour l’intérêt général qui lui sont transmises.
2° Elle conseille le lanceur d’alerte et l’informe de la suite donnée à son signalement ou à sa révélation.
3° Elle est en charge de la protection du lanceur d’alerte. Elle décide, en tant que de besoin, d’accorder une protection destinée à assurer la sécurité de celui-ci et de son entourage. Elle décide de prendre en charge les frais de procédure judiciaire auxquels le lanceur d’alerte est partie.
4° Elle informe le public sur la législation en matière d’alerte.
5° À la demande du Premier ministre ou de sa propre initiative, elle émet des recommandations pour l’application de la présente loi, qu’elle adresse au Premier ministre et aux autorités publiques intéressées qu’elle détermine.
L’Agence nationale de l’alerte remet chaque année au président de la République, au Premier ministre et au Parlement un rapport public rendant compte de l’exécution de ses missions.
II. – Sans préjudice de l’article 3 de la présente loi, l’Agence nationale de l’alerte peut se saisir d’office ou être saisie par un syndicat, une association ou un parlementaire agissant au nom du lanceur d’alerte.
I. - L’Agence nationale de l’alerte peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant elle. À cet effet, elle peut entendre toute personne dont le concours lui paraît utile. Les personnes physiques ou morales mises en cause doivent faciliter l’accomplissement de sa mission. Elles sont tenues d’autoriser leurs agents et préposés à répondre à ses demandes. Ceux-ci sont tenus de répondre aux demandes d’explications qu’elle leur adresse et de déférer à ses convocations. Les convocations doivent mentionner l’objet de l’audition.
Lorsque l’Agence est saisie, les personnes auxquelles elle demande des explications peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé et remis à la personne entendue.
II. - Si l’Agence en fait la demande, les ministres donnent instruction aux corps de contrôle d’accomplir, dans le cadre de leur compétence, toutes vérifications ou enquêtes. Ils l’informent des suites données à ces demandes.
III. - Les personnes physiques ou morales mises en cause communiquent à l’Agence, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission.
IV. - L’Agence peut recueillir sur les faits portés à sa connaissance toute information qui lui apparaît nécessaire sans que son caractère secret ou confidentiel puisse lui être opposé, sauf en matière de secret concernant la défense nationale, la sûreté de l’État ou la politique extérieure. Le secret de l’enquête et de l’instruction ne peut lui être opposé.
Les informations couvertes par le secret médical ou par le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client ne peuvent lui être communiquées qu’à la demande expresse de la personne concernée.
Les personnes astreintes au secret professionnel ne peuvent être poursuivies en application de l’article 226-13 du code pénal pour les informations à caractère secret qu’elles ont pu révéler à l’Agence, dès lors que ces informations entrent dans le champ de compétence de cette dernière tel qu’il est défini au I. de l’article 10 de la présente loi.
V. - L’Agence peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu’elle fixe. Lorsque la mise en demeure n’est pas suivie d’effet, elle peut saisir le juge des référés d’une demande motivée aux fins d’ordonner toute mesure que ce dernier juge utile.
VI. - L’Agence peut procéder à :
1° Des vérifications sur place dans les locaux administratifs ou privés des personnes physiques ou morales mises en cause ;
2° Des vérifications sur place dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels exclusivement consacrés à cet usage. Lors de ses vérifications sur place, l’Agence peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations.
L’autorité compétente ne peut s’opposer à une vérification sur place, dans les locaux administratifs d’une personne publique que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale ou à la sécurité publique. L’autorité compétente doit alors fournir à l’Agence les justifications de son opposition.
L’Agence peut saisir le juge des référés d’une demande motivée afin qu’il autorise les vérifications sur place. Les vérifications s’effectuent alors sous l’autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Celui-ci peut se rendre dans les locaux administratifs durant l’intervention. À tout moment, il peut décider l’arrêt ou la suspension des vérifications.
Le responsable de locaux privés est préalablement informé de son droit d’opposition à la visite ou à la vérification sur place. Lorsqu’il exerce ce droit, la visite ou la vérification sur place ne peut se dérouler qu’après l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter, qui statue dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Toutefois, lorsque l’urgence, la gravité des faits à l’origine du contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents le justifient, la visite peut avoir lieu sans que le responsable des locaux en ait été informé, sur autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Dans ce cas, le responsable des lieux ne peut s’opposer à la visite.
La visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l’a autorisée, en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l’autorité des personnes chargées de procéder au contrôle.
L’ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire au seul vu de la minute. Elle mentionne que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi à tout moment d’une demande de suspension ou d’arrêt de cette visite. Elle indique le délai et la voie de recours. Elle peut faire l’objet, suivant les règles prévues par le code de procédure civile, d’un appel devant le premier président de la cour d’appel. Celui-ci connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite.
VII. - Lorsque l’Agence est saisie, ou se saisit d’office, de faits donnant lieu à une enquête préliminaire ou de flagrance ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, elle doit recueillir l’accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, selon le cas pour la mise en œuvre aux I, III, IV et VI du présent article.
VIII. - Lorsque l’Agence est saisie d’une réclamation, non soumise à une autorité juridictionnelle, qui soulève une question touchant à l’interprétation ou à la portée d’une disposition législative ou réglementaire, elle peut consulter le Conseil d’État. L’Agence peut rendre public cet avis. Ce dernier est rendu dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
IX. - L’Agence peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles.
Elle peut être consultée par le Premier ministre sur tout projet de loi intervenant dans son champ de compétence.
Elle peut également être consultée par le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat sur toute question relevant de son champ de compétence. Elle contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines relevant de son champ de compétence.
Dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas, l’Agence rend son avis dans un délai d’un mois.
X. - L’Agence ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle. Les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d’office ou à la demande des parties, l’inviter à présenter des observations écrites ou orales. L’Agence peut elle-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendue par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit.
Lorsqu’il apparaît à l’Agence que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d’un crime ou d’un délit, elle en informe le procureur de la République. Le procureur de la République informe l’Agence des suites données à ses transmissions.
XI. – L’Agence peut, après en avoir informé la personne mise en cause, décider de rendre publics ses avis, recommandations ou décisions avec, le cas échéant, la réponse faite par la personne mise en cause, selon des modalités qu’elle détermine.
XII. - L’Agence peut demander au vice-président du Conseil d’État ou au premier président de la Cour des comptes de faire procéder à toutes études.
LES SANCTIONS
I - Le fait d’entraver ou de sanctionner le signalement ou la révélation d’une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
II - Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du code pénal, le signalement ou la révélation d’informations relatives à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Lorsque qu’une alerte a été entravée par un agent public, l’Agence peut saisir l’autorité investie du pouvoir d’engager les poursuites disciplinaires des faits dont elle a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.
Cette autorité informe l’Agence des suites réservées à sa saisine et, si elle n’a pas engagé de procédure disciplinaire, des motifs de sa décision.
À défaut d’information dans le délai qu’elle a fixé ou si elle estime, au vu des informations reçues, que sa saisine n’a pas été suivie des mesures nécessaires, l’Agence peut établir un rapport spécial qui est communiqué à l’autorité mentionnée au premier alinéa. Elle peut rendre publics ce rapport et, le cas échéant, la réponse de cette autorité selon des modalités qu’elle détermine.
Toute personne qui signale ou révèle une information relative à un crime, un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude de l’information est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
DISPOSITIONS FINALES
Les articles L. 1132-3-3 et L. 1161-1 du code du travail et les articles L. 1351-1 et L. 5312-4-2 du code de la santé publique sont abrogés.
Les charges pour l’État qui pourraient résulter de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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