N° 3957
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2016.
PROPOSITION DE LOI
relative à la responsabilité des organisateurs de manifestations,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Olivier MARLEIX, Guillaume LARRIVÉ, Éric CIOTTI, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Julien AUBERT, Philippe BRIAND, Alain CHRÉTIEN, Jean-Louis CHRIST, Philippe COCHET, Jean-Louis COSTES, Édouard COURTIAL, Marc-Philippe DAUBRESSE, Laure de LA RAUDIÈRE, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Nicolas DHUICQ, Julien DIVE, Jean-Pierre DOOR, Laurent FURST, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Annie GENEVARD, Bernard GÉRARD, Claude GREFF, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Christian KERT, Valérie LACROUTE, Thierry LAZARO, Marc LE FUR, Vincent LEDOUX, Pierre LELLOUCHE, Véronique LOUWAGIE, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Jean-Claude MATHIS, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Dominique NACHURY, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Paul SALEN, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY, Jean-Pierre VIGIER,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les manifestations « revendicatives » sur la voie publique bénéficient aujourd’hui d’un régime particulièrement libéral fixé par les articles L. 211-1 à L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, qui constitue le socle juridique commun à l’organisation de l’ensemble des manifestations. Ce régime a pour principales implications l’exigence d’une déclaration préalable à l’autorité publique (article L. 211-2) et la possibilité, pour cette dernière, de procéder à son interdiction lorsque les circonstances l’exigent (article L. 211-4), sous le contrôle approfondi du juge administratif.
Il reste toutefois silencieux sur la responsabilité des organisateurs, de telle sorte qu’elle ne peut être engagée à raison des dommages causés aux biens et aux personnes à l’occasion des manifestations « revendicatives ». Faute de disposition expresse en ce sens, les articles 1382 du code civil, sur la responsabilité civile, et 1384, sur la responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre, ne sont pas davantage applicables. Au titre de sa mission de socialisation du risque, c’est donc à l’État qu’il revient d’assumer les dommages causés.
L’appel à manifester le 14 juin 2016 des directions syndicales CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL a conduit à des dégradations scandaleuses et inadmissibles notamment de l’hôpital Necker pour enfants malades, qui ont profondément heurté les citoyens et doivent nous amener à rendre plus explicite notre système de responsabilité civile dans l’organisation d’une telle manifestation.
De leur côté, les manifestations « sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif », régies par l’article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure sont soumises à un régime beaucoup plus strict :
– leurs organisateurs peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie ;
– lorsque des forces de police ou de gendarmerie rendent des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l’ordre, les organisateurs sont tenus de rembourser à l’État les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt.
La présente proposition de loi a pour objet de mettre fin au régime d’irresponsabilité des organisateurs de manifestations qui n’entrent pas dans le champ de ces dernières dispositions, au premier rang desquelles se trouvent les manifestations à caractère social ou politique. Il institue également un principe général de responsabilité des organisateurs de manifestations. Loin de restreindre cette liberté fondamentale, il permet de garantir sa conciliation avec l’ordre public. Il est également pleinement proportionné, conformément à notre droit constitutionnel (cf. décision DC 14-352 du 18 janvier 1995) et au droit européen (CEDH, 5 mars 2009, Barranco contre France).
L’article 1er procède, à cette fin, à l’unification du régime général des manifestations avec celui de l’article L. 211-11.
En conséquence, les organisateurs de manifestations à caractère politique et social, notamment, pourront être tenus d’y assurer un service d’ordre et de rembourser à l’État les dépenses anormales qu’il a effectuées au titre du maintien de l’ordre.
Il pose un principe général de responsabilité des organisateurs en cas d’« insuffisance manifeste des mesures de sécurité déployées par les organisateurs à l’occasion d’une manifestation ayant entraîné des dommages ». Ce nouveau principe permettra de faire entrer ces organisateurs dans le champ d’application des articles 1382 et 1384 du code civil et, dans des cas exceptionnels et particulièrement graves, de l’article 121-3 du code pénal, relatif aux manquements à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi.
Afin de rendre ce nouveau principe pleinement opérant, il prévoit la possibilité, pour l’État, d’engager une action récursoire à l’encontre des organisateurs si leur responsabilité est engagée, sur le modèle de ce que prévoit l’article L. 211-10 à l’encontre des collectivités territoriales du fait d’un attroupement ou un rassemblement.
Cet article impose également de nouvelles exigences en matière de déclaration de la manifestation à l’autorité publique.
Il prévoit que la déclaration préalable de la manifestation précise, si nécessaire, les garanties financières et assurantielles dont disposent les organisateurs afin de prendre en charge l’indemnisation des dommages qu’elle pourrait causer aux biens et aux personnes.
L’article 2 procède aux modifications de coordinations techniques rendues nécessaires par l’unification du régime général des manifestations avec celui des manifestations « sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif ».
PROPOSITION DE LOI
L’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle précise, si nécessaire, les garanties financières et assurantielles dont disposent les organisateurs afin de prendre en charge l’indemnisation des dommages causés aux biens et aux personnes à l’occasion de la manifestation. »
2° Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les organisateurs de manifestations peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie.
« Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l’ordre sont tenues de rembourser à l’État les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt.
« L’insuffisance manifeste des mesures de sécurité déployées par les organisateurs à l’occasion d’une manifestation ayant entraîné des dommages est susceptible d’engager leur responsabilité.
« L’État peut exercer une action récursoire contre les organisateurs lorsque leur responsabilité est engagée.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
I. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du Livre II est abrogée.
2° La section 4 bis du même chapitre est ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Grands événements »
3° Au 1° de l’article L. 288-1 et au premier de l’article L. 613-3, la référence : « L. 211-11 » est remplacée par la référence : « L. 211-2 ».
4° Au 1° de l’article L. 287-1, la référence : « L. 211-11 » est supprimée.
II. – Au premier alinéa de l’article L. 332-1 du code du sport, la référence : « L. 211-11 » est remplacée par la référence : « L. 211-2 ».
III. – Au 4. du I de l’article L. 3642-2 du code général des collectivités territoriales, la référence : « L. 211-11 » est remplacée par la référence : « L. 211-2 ».
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