N° 4186
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 novembre 2016.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur l’utilisation éventuelle de matériel français ou d’armement conventionnel français dans le cadre d’opérations militaires ayant causé la mort de civils et d’enfants,
(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
François ASENSI, Alain BOCQUET, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Patrice CARVALHO, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE et Nicolas SANSU,
Député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En juin 2016, une famille palestinienne a porté plainte contre la société française Exxelia Technologies pour « complicité de crime de guerre » et « homicide involontaire ». Lors de l’opération « Bordure protectrice » menée par Israël à Gaza en août 2014, la famille Shuheibar, a en effet déploré la mort de trois de ses enfants, Wassim, 9 ans, son frère Jihad, 10 ans et de leur cousine Afnan, âgée de 8 ans. Deux autres enfants de la famille, le frère d’Afnan, Udai, âgé de 15 ans, ainsi que Bassil, 9 ans, ont été grièvement blessés. Dans les décombres, un capteur de position à effet Hall, composant fabriqué par l’entreprise d’armement française Eurofarad, nommé Exxelia Technologies depuis son rachat par Exxelia Group en 2015, aurait été retrouvé. Le composant faisait partie du missile tiré vraisemblablement par un drone qui a causé la mort des trois enfants et anéanti la vie de leur famille.
On constate, à la lecture du rapport au Parlement sur les exportations d’armement en 2016 du ministère de la défense, que la France continue à vendre des armes à des pays régulièrement en cause par l’ONU pour crimes de guerre ou d’autres exactions à travers l’usage de leurs armes. Plusieurs observateurs tel qu’Amnesty International ont évoqué l’utilisation potentielle par l’Arabie Saoudite et le Qatar d’armes françaises contre des civils au Yémen. En Égypte, du matériel d’armement français servirait le projet autoritaire du gouvernement contre la société civile. Les ventes d’armes soutiennent ces pays dans leurs logiques répressives. Enfin, d’un côté, le rapport présenté par la commission d’enquête de l’ONU sur les violations commises par le gouvernement israélien dans les territoires palestiniens occupés a été adopté par la France, pendant que de l’autre, notre pays a continué à vendre des armes à Israël. Ceci reste d’autant plus étonnant que la France a ratifié le 24 décembre 2014 le traité sur le commerce des armes (TCA), traité de l’Organisation des Nations unies sur le commerce international des armements conventionnels. Celui-ci stipule notamment que la vente d’armes à un pays qui les utiliserait pour « violer les droits humains » est interdite.
Derrière chaque matériel d’armement vendu à ces régimes, ce sont des vies humaines qui sont en jeu et notamment celles de nombreux enfants. Dans le cas de « Bordure protectrice », la commission d’enquête des Nations Unies créée par le Conseil des droits de l’Homme pour enquêter sur les violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme pendant l’opération a dénombré plus de 1 400 morts parmi les civils dont 551 enfants. 3 436 enfants ont également été blessés. Au Yémen, on déplore la mort de plus de 1 000 enfants depuis l’escalade des violences en mars 2015 tandis que plus de 1 600 enfants ont été blessés d’après l’UNICEF. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, à l’approche du tout premier Sommet humanitaire mondial, rendait public des constats alarmants : quatre écoles ou hôpitaux sont attaqués ou occupés tous les jours par des forces armées. « Les attaques contre les écoles et les hôpitaux pendant un conflit constituent une tendance alarmante et honteuse. (…) Les gouvernements et les différents acteurs doivent de toute urgence protéger les écoles et les hôpitaux en faisant respecter les dispositions du droit humanitaire international et du droit international relatif aux droits de l’homme » a déclaré Afshan Khan, Directrice des programmes d’urgence de l’UNICEF. Le dernier rapport du Secrétaire général de l’ONU sur les enfants et les conflits datant de 2014 a d’ailleurs fait état de plus de plus de 1 500 attaques sur des écoles ou hôpitaux. Au Yémen, 92 écoles ont été utilisées à des fins militaires par les forces et les groupes armés tandis que 543 établissements scolaires ont été détruits ou endommagés dans les territoires palestiniens occupés. Il s’agit donc pour la France de faire preuve de vigilance quant à la manière dont le matériel d’armement, et tout particulièrement les composants d’arme qui ne sont pas réglementés, est utilisé et de faire en sorte qu’il ne tombe pas entre les mains de n’importe qui. Vendre des armes à des régimes autoritaires tels que cités plus haut est contraire aux valeurs que nous prônons et à la lutte que nous soutenons pour que les droits fondamentaux du peuple palestinien et de tous les autres soient respectés. C’est ainsi que la Suède par exemple a décidé de mettre fin à sa coopération militaire avec l’Arabie Saoudite. L’urgence de la situation et l’effort fourni par certains pays pour rompre leurs relations commerciales avec ces pays posent la question de la nécessité d’une politique européenne commune pour maîtriser de concert les exportations d’armement de l’ensemble de l’Union européenne.
L’article 6 du traité de l’ONU sur le commerce des armes interdit aux Etats de les vendre « s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre les civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie. » La France a joué un rôle important dans l’élaboration et l’adoption du traité. Cela rend d’autant plus inadmissible le fait que des entreprises françaises puissent se faire complices du viol du droit international humanitaire et des droits de l’Homme à travers leur vente d’armements à des pays commettant des crimes de guerre. La France se doit de responsabiliser son industrie militaire et redéfinir les instruments relatifs à la maîtrise de la vente d’armements et plus spécifiquement des pièces et composants d’armements.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
En application des articles 137 et suivants du Règlement, il est créé une commission d’enquête de trente membres chargée de faire la lumière sur l’utilisation éventuelle de matériel français et d’armement conventionnel français dans le cadre d’opérations militaires ayant causé la mort de civils et d’enfants.
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