N° 4434
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2017.
PROPOSITION DE LOI
relative à la reconnaissance de la responsabilité de l’État français
dans l’abandon, le massacre et l’accueil indigne
sur le territoire national des harkis,
(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-David CIOT,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi vise à prolonger le travail mémoriel important mené depuis plusieurs années par les institutions et les associations représentant les harkis, leurs descendants et leurs proches.
Pendant la Guerre d’Algérie, les harkis furent plusieurs dizaines de milliers à rejoindre les forces supplétives pour se mettre au service de notre Nation. Mais au lendemain du cessez-le-feu du 19 mars 1962, la France les a livrés à eux-mêmes, refusant de les accueillir collectivement. Les massacres qui s’ensuivirent, en représailles à leur engagement, marquent notre mémoire nationale et engagent notre responsabilité historique.
Pour ceux qui réussirent malgré tout à s’installer en France, l’accueil s’y déroula dans des conditions particulièrement indignes. La République autorisa la constitution de camps, véritables ghettos paupérisés et marqueurs d’« une ségrégation au long cours », selon les mots de l’historien Abderahmen Moumen. Certains de ces lieux d’enfermement n’ont été fermés que tardivement, par exemple dans les années 1990 pour le Logis d’Anne à Jouques (13).
Cet abandon s’est ainsi traduit, dans les faits, par une exclusion historique des harkis et de leurs descendants des politiques d’égalité des droits et des chances. Aujourd’hui, les conséquences de cette marginalisation se font toujours sentir sur les parcours d’accès à l’emploi et au logement des enfants et petits-enfants de harkis, qui n’ont pas eu accès de manière égalitaire au service public de l’éducation.
C’est pourquoi notre Nation s’est résolument engagée, depuis plusieurs années, dans une politique active en matière de reconnaissance mémorielle et de réparation du sacrifice des harkis.
Des efforts importants ont été initiés en matière de réparation, par la mise en place de divers dispositifs d’accompagnement et de soutien. Le plan Harki présenté le 25 septembre 2014 par le Gouvernement est le dernier en date d’une série d’initiatives visant à intégrer pleinement nos compatriotes harkis dans la République.
La communauté bénéficie ainsi aujourd’hui de mesures destinées à répondre aux situations de précarité et de marginalisation, telles que la relance des emplois réservés pour les enfants de harkis auprès des trois fonctions publiques ; la revalorisation régulière de l’allocation de reconnaissance, créée pour indemniser les anciens membres des forces supplétives françaises ; l’aide spécifique aux conjoints survivants ; les compléments de bourses pour les enfants scolarisés et les étudiants éligibles aux bourses de l’Éducation nationale ; ou encore des aides à la formation professionnelle.
Les politiques publiques traduisent donc en partie cette nécessité de réparation. Il conviendra de poursuivre les efforts en faveur d’une égalité réelle en améliorant et en précisant les dispositifs existants.
En parallèle, bien que tardivement, les institutions ont pris, à partir des années 1990, des initiatives mémorielles officielles pour reconnaître la responsabilité de l’État dans la tragédie des harkis.
La loi n° 94-488 du 11 juin 1994 « relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie » marque ainsi une première considération légale du préjudice subi.
La loi n° 2005-158 du 2 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » réaffirme, en les complétant, les principes de reconnaissance nationale vis-à-vis des « souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires ».
Plus encore, après des années d’engagements déçus, une reconnaissance officielle a enfin été exprimée par le Président de la République, qui prononça des paroles très fortes, dans son allocution du 25 septembre 2016. Ce jour-là, il déclara lors de la Journée nationale d’hommage aux harkis : « Je reconnais les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis, des massacres de ceux restés en Algérie et des conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France. Telle est la position de la France. »
Ces mots ont été salués et contribuent à recoudre les plaies mémorielles et à apaiser les souffrances passées.
Il est désormais nécessaire, pour la paix des mémoires, de finaliser ce processus historique en inscrivant officiellement dans la loi la reconnaissance, par la Nation française, de l’abandon, du massacre et de l’accueil indigne des harkis sur le territoire national.
Tel est l’objet de la proposition de loi que nous vous proposons d’adopter.
PROPOSITION DE LOI
La France reconnaît la responsabilité de l’État français dans l’abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie et les conditions d’accueil inhumaines de leurs familles transférées dans les camps en France.
© Assemblée nationale