N° 4441
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2017.
PROPOSITION DE LOI
renforçant la protection du secret des sources des journalistes,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Michel POUZOL, Patrick BLOCHE, Marie-George BUFFET, Noël MAMÈRE, Marie-Anne CHAPDELAINE,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Garantir la liberté d’expression et par conséquence la libre circulation des informations constitue, dans une société démocratique, une nécessité impérieuse qu’imposent à la fois notre Constitution et la Convention européenne des droits de l’Homme.
À cet égard, il est essentiel que la loi puisse assurer de façon pleine et effective la possibilité pour les journalistes d’exercer sans entrave leur mission fondamentale d’information du public, afin qu’ils soient en mesure de jouer leur rôle de « chiens de garde de la démocratie » pour reprendre une expression utilisée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme.
En effet, le secret des sources est une condition de l’exercice de la liberté de la presse. Ce libre exercice est aussi une condition nécessaire de la démocratie. Les journalistes accomplissent une mission civique d’information de l’opinion publique, sans laquelle cette opinion serait abandonnée à la communication institutionnelle et à la réclame des sociétés commerciales.
Les journalistes affranchissent l’opinion de ces tutelles, en critiquant leurs allégations, en vérifiant leurs assertions et en croisant les discours autorisés, que leur tiennent les correspondants institutionnels de la presse, avec le témoignage de sources non autorisées, qui leur fournissent également des preuves matérielles des faits allégués ou controuvés.
Les journalistes ne se contentent pas d’un examen critique de la communication institutionnelle qu’ils sont invités à relayer. Ils mènent leurs propres investigations et enquêtent sur des faits, susceptibles d’intéresser le public.
Ces enquêtes parallèles doivent rester confidentielles, parce que les informateurs non autorisés des journalistes violent souvent des obligations légales, conventionnelles ou professionnelles qui leur imposent un devoir de silence ou de réserve.
En publiant des révélations faites sous le sceau de la confidence, les journalistes d’investigation prennent des risques. Ils en font également prendre à leurs informateurs qui, s’ils sont identifiés, pourront être sanctionnés pour leurs indiscrétions ou bien livrés à des mesures indirectes de rétorsions, prises par les défenseurs des intérêts lésés par leurs révélations ou qui les mettent en danger physiquement ou socialement.
La sanction de ces indiscrétions peut être prévue par la loi. Une personne blessée par des révélations publiques, peut engager des poursuites contre son accusateur, pour les délits du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, tels que la diffamation, l’injure, la violation du droit à l’image, ou pour ceux du code pénal, tels que l’atteinte à la vie privée ou à la représentation de la personne, la dénonciation calomnieuse et l’atteinte à un secret protégé par la loi.
Pour découvrir ce qu’un journaliste sait et qui l’informe, il est aujourd’hui aisé de retracer ses communications électroniques, de pirater sa messagerie et d’obtenir des copies de son enquête.
Ce sont ces facilités techniques qui ont été à l’origine de l’affaire Clearstream et donc de la première loi sur la protection des sources. Ce sont encore ces facilités qui ont provoqué le scandale des fadettes du Monde et la remise en chantier de la législation.
La loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, votée à la suite des affaires Cleastream et Cofidis, devait mettre un terme aux ingérences des services de police et de justice dans les enquêtes de presse.
Mais à peine la loi promulguée, le scandale des fadettes du Monde a convaincu l’opinion que des autorités de police et de justice se prévalaient d’une interprétation de la loi défavorable aux journalistes pour s’engager dans des voies d’exceptions ménagées par le texte.
Avait été possible, lors de cette affaire, l’exploration par l’inspection générale des services de la préfecture de police, sur réquisition du procureur de la République de Nanterre, des « fadettes ». C’est-à-dire du relevé des traces numériques laissées par les appels et messages téléphoniques échangés entre des journalistes du quotidien Le Monde, auteurs d’un article révélant les résultats d’une perquisition conduite le matin même et leur source judiciaire.
La facilité avec laquelle les services de police et du parquet ont obtenu des opérateurs de téléphonie mobile le relevé des correspondances électroniques des journalistes a davantage choqué l’opinion publique que les confidences faites à la presse par un magistrat instructeur, en violation du secret de l’instruction.
Le scandale de l’affaire a, en outre, confirmé les critiques que les parlementaires de l’opposition avaient opposées au motif autorisant, dans la loi de 2010, la levée judiciaire du secret des sources, puisqu’il résulte d’une interprétation fautive de ce motif par le parquet de Nanterre.
La jurisprudence montre alors que le droit actuel ne prévient pas de façon satisfaisante les atteintes au secret des sources.
Conscient de cette nécessité de légiférer pour accorder un cadre juridique plus protecteur, de l’impératif démocratique et de la forte attente de l’unanimité de la profession, François Hollande s’était engagé dans sa promesse 51 de renforcer la protection des sources des journalistes.
Un projet de loi a alors été déposé en décembre 2013, mais n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour.
C’est pourquoi, au travers de cette proposition de loi, le législateur a estimé qu’il était de son devoir de prendre ses responsabilités et de proposer un nouveau cadre juridique, offrant plus de garanties à cette profession.
Cette proposition de loi a pour objectif d’apporter plus de clarté et de pallier les insuffisances de la loi en vigueur qui, avec sa notion d’impératif prépondérant d’intérêt public, laisse une très grande marge d’interprétation admettant in fine la levée du secret des sources.
L’article premier réécrit l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il vise à étendre le champ des bénéficiaires de la protection du secret des sources aux collaborateurs de la rédaction, qui accomplissent un travail d’information de façon occasionnelle ou non rémunéré.
L’article 2 insère dans le code de procédure pénale, un nouveau titre XXXIV spécifiquement consacré aux dispositions relatives à la protection du secret des sources des journalistes. Il prévoit - à l’instar de la législation belge, véritable modèle de protection du secret des sources – les seuls cas limités qui justifient la levée du secret des sources.
Tels sont les principaux objectifs, de la présente proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Art. 2. – I. – Afin de garantir l’information du public dans une société démocratique, le secret des sources est protégé et il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi.
« A droit à la protection du secret des sources :
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste pour le compte d’une ou plusieurs entreprises de presse, de communication en ligne, de communication audiovisuelle ou d’édition, d’une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou d’une ou plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ;
« 2° Toute personne qui exerce des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ;
« 3° Le collaborateur de la rédaction, soit toute personne qui, par sa fonction au sein de l’exercice de sa profession comme la rédaction dans une des entreprises, salariés dans une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1°, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant de découvrir une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations.
« II. – Constitue une atteinte directe au secret des sources le fait de cherche à découvrir une source au moyen d’investigations portant sur une des personnes mentionnées au I. Constitue une atteinte indirecte au secret des sources le fait de chercher à découvrir une sources au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec une des personnes mentionnées au I, peut détenir des renseignements permettant de découvrir cette source. »
Après l’article 706-182 du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXXIV ainsi rédigé :
« TITRE XXXIV
« DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION
DU SECRET DES SOURCES DES JOURNALISTES
« Art. 706-183. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources, qu’à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d’aucune autre manière. »
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