N° 1169
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 juin 2013
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA MISSION D’INFORMATION
sur la biomasse au service du développement durable
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET PRÉSENTÉ PAR
M. François-Michel LAMBERT
et Mme Sophie ROHFRITSCH
Députés.
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DE LA BIOMASSE DANS LE DOMAINE DE L’ÉNERGIE 9
A.— QU’EST-CE QUE LA BIOMASSE ? 9
1. Les définitions juridiques 10
2. De la biomasse à l’énergie 11
3. Trois ensembles énergétiques 14
a) Le bois-énergie 14
b) Le biogaz 15
c) Les biocarburants 17
B.— LA BIOMASSE ÉNERGIE EN FRANCE AUJOURD’HUI 19
1. Un état des lieux encourageant 19
2. Un contexte de crise peu propice au développement 24
3. Le cas particulier de l’outre-mer 24
C.— LA BIOMASSE ÉNERGIE EN FRANCE DEMAIN 26
1. Des objectifs ambitieux pour 2020 27
2. L’ambition d’une voie française pour la biomasse, la plus locale des énergies 28
DEUXIÈME PARTIE : UNE BIOMASSE RENOUVELABLE MAIS FRAGILE 31
A.— LA QUESTION DES RESSOURCES 32
1. Quelles sont les ressources ? 32
a) La forêt française, une fortune en sommeil 33
b) Des gisements de biogaz en nombre 35
2. Une ressource, plusieurs projets 35
B.— LA BIOMASSE, UNE RICHESSE FRAGILE 37
1. La biomasse, réservoir de biodiversité 38
2. La biomasse, puits de carbone 40
C.— UNE NÉCESSAIRE COMPLÉMENTARITÉ DES USAGES 42
1. Le bois-énergie, un usage parmi d’autres 42
2. Nourrir des hommes avant d’approvisionner des véhicules 45
a) Biocarburants et effet de serre 45
b) Biocarburants et captation des terres arables 47
3. Quel approvisionnement pour la méthanisation ? 48
D.— LA QUESTION DE LA RENTABILITÉ 49
1. Un soutien public à l’appui de la filière 49
a) Un Fonds Chaleur sous-alimenté 50
b) Des tarifs d’achat très adaptés 51
c) Une participation aux investissements impérative 55
d) Le rôle fondamental du crédit d’impôt dans la politique fiscale 55
e) Des appels d’offre peu fructueux 56
2. Biomasse-énergie et non biomasse-électricité 57
3. Le cas des cultures dédiées 58
TROISIÈME PARTIE : UNE STRATÉGIE PUBLIQUE À DÉFINIR 61
A.— QUEL DIMENSIONNEMENT DES UNITÉS DE PRODUCTION ? 62
1. Le cas des appels d’offre CRE 63
2. Le cas des exploitations locales 65
3. Le cas des modèles alternatifs 66
B.— UNE RÉGLEMENTATION PROTECTRICE MAIS FORCÉMENT ÉVOLUTIVE 68
1. Une biomasse énergie à contrôler 68
a) Le bois-énergie et les pollutions de l’air et des sols 68
b) Les méthaniseurs 70
2. Le statut des cendres et des digestats 72
3. Quel cadre administratif pour les processus innovants ? 74
C.— L’IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ D’UN ÉTAT STRATÈGE 74
1. Un exemple de stratégie nationale : le cas allemand 75
2. Un observatoire de la biomasse 77
3. L’impérative mobilisation forestière 78
4. Une politique nécessairement territorialisée en lien avec les collectivités 80
5. Une fiscalité à stabiliser 81
D.— DES PROMESSES EN GESTATION 82
1. Le biométhane, un gisement massif de gaz naturel en France ? 82
2. Les futures générations de biocarburant 85
a) La deuxième génération dès 2020 85
b) La troisième génération à plus long terme 88
PROPOSITIONS DE LA MISSION 91
MESDAMES, MESSIEURS,
La commission du développement durable, créée par réforme du Règlement de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2009 dans l’élan du Grenelle de l’environnement, est aujourd’hui comptable de la réussite de la transition énergétique souhaitée par le Président de la République. Traduisant une prise de conscience de conscience de l’impérieuse nécessité d’une action résolue pour la sauvegarde de notre environnement, la politique française s’infléchit, depuis, toujours davantage en faveur d’un développement plus durable, moins consommateur de ressources et d’énergie.
Cette évolution est conforme aux engagements internationaux et européens de la France. Le Protocole de Kyôto lui commande de limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Quant au Triple Vingt adopté au printemps 2007 par le Conseil européen, il associe à ce contrôle des rejets de CO2 une amélioration de l’efficacité énergétique de 20 % et une élévation de la part d’énergies nouvelles renouvelables (ENR) dans la consommation d’énergie finale. Dans le cadre de la déclinaison de ce dernier objectif entre les divers États membres, c’est un objectif de 23 % qui a été assigné à la France sur ce point.
Pour satisfaire cette ambition de 23 %, toutes les énergies renouvelables devront être mises à contribution. Il reste à savoir comment les faire croître correctement, sans déséquilibrer ni les milieux naturels ni le marché de l’énergie, suffisamment pour provoquer leur croissance mais avec assez de pondération pour ne pas générer une bulle financière coûteuse aux finances publiques. Chaque nouvelle technologie possède ses avantages, ses faiblesses, ses promesses et ses contraintes. Afin de mieux les comprendre et pour permettre aux parlementaires d’opérer leurs choix en pleine connaissance des enjeux, la commission du développement durable s’est engagée, ces dernières années, dans une étude sectorielle des différentes ENR.
En 2009, la commission du développement durable tenait l’une de ses premières séances pour assister à la remise d’un rapport de M. Serge Poignant sur l’énergie photovoltaïque (1).
En 2010, une mission d’information commune avec la commission des affaires économiques présentait ses travaux sur l’énergie éolienne (2).
Pour faire suite à ces études, la commission du développement durable a suscité, lors de sa réunion du 18 juillet 2012, cette mission d’information sur la biomasse au service du développement durable.
Cette investigation s’imposait : alors que la biomasse représente plus de la moitié des ENR françaises, elle reste grandement méconnue du grand public qui en ignore les enjeux. D’après un article publié par Le Monde le 17 janvier 2013, « neuf Français sur dix ont une bonne image des énergies renouvelables et sont favorables à leur déploiement » et 63 % d’entre eux pensent que « on utilisera même davantage les sources renouvelables que les énergies traditionnelles dans cinquante ans (3) ». Mais si plus des trois quarts des sondés citent spontanément l’éolien et le solaire comme les énergies de demain, ils ne sont que 19 % à évoquer la biomasse. Pis : le bois de chauffage est identifié comme source d'énergie renouvelable par la moitié des sondés seulement.
Vos rapporteurs espèrent que leurs travaux permettront de mieux identifier la biomasse et ses perspectives de développement dans le débat national sur la transition énergétique. Il convient d’éviter que les débats les plus conflictuels, sur le nucléaire et sur les gaz de schiste, éclipsent complètement de l’opinion publique l’existence d’énergies plus consensuelles et particulièrement accessibles sur le territoire français.
Afin de formuler des propositions générales fondées sur des principes affirmés, il a été décidé de considérer la filière biomasse comme un ensemble cohérent, sans préjudice des différents secteurs qui la composent. Il aurait sans doute été plus schématique d’aborder dans un premier temps la question du bois, dans un second temps celle du biogaz, dans un troisième temps celle des biocarburants. Mais c’est précisément cette fragmentation qui ne permet pas d’identifier la ressource biomasse comme un ensemble cohérent et qui, surtout, empêche d’appréhender la principale contrainte de son développement que sont les risques de conflit d’usage.
Le présent rapport, après un état des lieux de la filière, s’attachera à montrer que la gestion des ressources de biomasse doit s’opérer avec précaution pour éviter des déséquilibres particulièrement préjudiciables à l’homme, à la nature et aux écosystèmes. Les pouvoirs publics devront tenir tout leur rôle dans la définition d’une stratégie cohérente et ambitieuse.
PREMIÈRE PARTIE : ÉTAT DES LIEUX DE LA BIOMASSE DANS LE DOMAINE DE L’ÉNERGIE
Qu’est-ce que la biomasse ? Si, malgré son rôle prédominant dans le bouquet énergétique renouvelable de la France, fort peu de Français connaissent la réponse à cette question, c’est que sa définition scientifique ne correspond pas à un objet unique, facilement identifiable. Vos rapporteurs se sont d’ailleurs longuement interrogés sur le périmètre de leurs investigations, pour finalement retenir la biomasse dans son acception la plus large et dans toutes ses applications énergétiques : le bois-énergie, le biogaz et les biocarburants.
Cette première partie sera vouée à la présentation des éléments du débat, à la contribution actuelle de la biomasse à la production énergétique française et aux objectifs ambitieux assignés à la filière pour respecter l’échéance de 2020. Elle permettra déjà de mettre en avant le caractère éminemment local de la biomasse et l’ambition française d’édifier une filière respectueuse des principes du développement durable, quand certaines expériences étrangères apparaissent contestables à cet endroit. Enfin, elle permettra de souligner le principal obstacle à un usage plus soutenu de la ressource biomasse, à savoir la difficulté d’identification des potentiels.
A.— QU’EST-CE QUE LA BIOMASSE ?
Le terme de biomasse regroupe toutes les matières organiques qui peuvent dégager de l’énergie par combustion directe ou suite à une étape de transformation. La biomasse représente donc aussi bien la fraction biodégradable des déchets industriels ou agricoles que le bois issu directement de la forêt.
Les ressources en biomasse peuvent être classées en plusieurs catégories, selon leurs origines :
– le bois, sous forme de bûches, granulés et plaquettes ;
– les sous-produits du bois qui recouvrent l’ensemble des résidus produits par l’exploitation forestière (branchage, écorces, sciures…), par les scieries (sciures, plaquettes…), par les industries de transformation du bois (menuiseries, fabricants de meubles, parquets) et par les fabricants de panneaux ainsi que les emballages tels que les palettes ;
– les sous-produits de l’industrie tels les boues issues de la pâte à papier (liqueur noire) et les déchets des industries agroalimentaires (marcs de raisin et de café, pulpes et pépins de raisin etc.) ;
– les produits issus de l’agriculture traditionnelle (céréales, oléagineux), résidus tels que la paille, la bagasse (résidus ligneux de la canne à sucre) et les nouvelles plantations à vocation énergétique telles que les taillis à courte rotation (saules, miscanthus, etc.) ;
– les déchets organiques tels que les déchets urbains comprenant les boues d’épuration, les ordures ménagères, les rebuts de la restauration et les déchets en provenance de l’agriculture tels que les effluents agricoles.
La biomasse n’est pas un objet inconnu sur le plan juridique. Les législateurs national et européen ont tenté de livrer une définition. Toutefois, la multiplicité des sources de biomasse conduit à des expressions parfois exagérément longues, parfois manifestement incomplètes. On écartera d’emblée l’approche strictement écologique selon laquelle la biomasse est la quantité totale de matière de toutes les espèces vivantes présentes dans un milieu naturel : trop large, elle ne permet pas de d’aborder la production d’énergie.
Selon la directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité relative aux déchets, la biomasse est « la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture (comprenant les substances végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ». Chacun s’interrogera, ici, sur le caractère « municipal » que peut présenter un déchet… Le texte prend toutefois la précaution d’indiquer que « la définition de la biomasse utilisée dans la présente directive ne préjuge pas de l’usage d’une définition différente dans les législations nationales, à des fins autres que celles fixées par la présente directive ».
La directive n° 2010/75 du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles indique, pour sa part, que la biomasse comprend « les produits composés d’une matière végétale agricole ou forestière susceptible d’être employée comme combustible en vue d’utiliser son contenu énergétique ; les déchets ci-après : déchets végétaux agricoles et forestiers ; déchets végétaux provenant du secteur industriel de la transformation alimentaire, si la chaleur produite est valorisée ; déchets végétaux fibreux issus de la production de pâte vierge et de la production de papier à partir de pâte, s’ils sont co-incinérés sur le lieu de production et si la chaleur produite est valorisée ; déchets de liège ; déchets de bois, à l’exception des déchets de bois qui sont susceptibles de contenir des composés organiques halogénés ou des métaux lourds à la suite d’un traitement avec des conservateurs du bois ou du placement d’un revêtement, y compris notamment les déchets de bois de ce type provenant de déchets de construction ou de démolition ».
La directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables évoque, pour sa part, « la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de l’agriculture (y compris les substances végétales et animales), de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et municipaux ».
Le législateur national s’est également attaché à livrer une définition, qui figure à l’article 29 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE. Elle est très proche de la version de la directive du 27 septembre 2001 : « la biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers ».
Enfin, si le site du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie semble peu innover en évoquant « l’ensemble de la matière organique végétale ou animale : bois, déchets végétaux, graisse animale... Dans le domaine de l’énergie, la biomasse peut être utilisée pour produire de la chaleur, de l’électricité ou du carburant », il est en réalité beaucoup plus normatif à travers une note de bas de page qui précise que « la biomasse est utilisée pour produire de l’énergie lorsqu’elle ne peut avoir aucun autre usage (alimentaire notamment) ». Ce dernier point est fortement discutable, en particulier au regard des biocarburants produits à partir de plantes parfaitement comestibles.
La biomasse est donc caractérisée, en droit, à la fois par son origine vivante et par son utilisation alimentaire ou énergétique. Ces approches normatives ne permettent toutefois pas d’établir un panorama clair de ce qu’est la biomasse au sens de la production d’énergie. Il faut en passer par la description des procédés technologiques pour déterminer ce qui permet de générer de la chaleur et de l’électricité.
Les différentes catégories de biomasse se présentent sous des formes physiques variées. On distingue différents modes de valorisation de la ressource, dont le choix dépend principalement de l’humidité de la matière première, déterminante pour le choix de la filière de conversion énergétique : la voie sèche et la voie humide.
La voie sèche passe essentiellement par la transformation thermochimique de la biomasse. Elle prend la forme de technologies liées à la combustion, à la gazéification et à la pyrolyse.
La combustion est l’oxydation de la biomasse par l’oxygène dans l’air. Cette réaction libère de l’eau et du dioxyde de carbone ; elle produit aussi de la chaleur. C’est la technique la plus ancienne et la plus simple de conversion de la biomasse en énergie, historiquement à partir de bois, désormais aussi éventuellement au moyen de déchets agricoles, industriels ou domestiques d’origine végétale. La puissance des unités varie fortement, entre le poêle à bois individuel de quelques kilowatts à la centrale de plusieurs dizaines de mégawatts. Un réseau peut ensuite acheminer la chaleur produite vers un espace de consommation industriel ou urbain, en utilisant généralement comme caloporteur une eau à l’état liquide ou gazeux. Une machine à vapeur pourra convertir le fluide en énergie mécanique ; une turbine alimentée par la chaufferie en électricité – on parlera alors de cogénération de chaleur et d’électricité.
La gazéification suppose également une décomposition thermique de la matière, mais dans l’atmosphère réductrice moins riche en oxygène d’un gazogène. La matière solide est convertie en biogaz qui, après sa purification, produit chaleur, électricité – éventuellement en cogénération – ou énergie mécanique.
La pyrolyse se distingue de la combustion ou de l’incinération en ce que la décomposition thermique s’opère en l’absence d’oxygène. Elle permet d’obtenir, dans des proportions qui varient en fonction de la température, un solide carboné, une huile et un gaz combustible, le gaz de synthèse ou syngaz, mêlant monoxyde et dioxyde de carbone (CO et CO2), dihydrogène (H2) et hydrocarbures légers. L’opérateur de la pyrolyse peut l’orienter vers la maximisation de la production de charbon – carbonisation – ou d’huile pyrolytique – distillation ou pyrolyse rapide. La thermolyse, technique voisine utilisée pour le traitement des déchets organiques et des biomasses contaminées, offre une solution souple suscitant peu de pollution et permettant une récupération rapide et facile des métaux lourds.
Rien n’empêche un traitement par combustion ou pyrolyse des biomasses humides. Les performances énergétiques, toutefois, seraient médiocres. Mieux vaut employer, pour les effluents d’élevage et les déchets verts organiques, la voie humide de la méthanisation. Il s’agit de la digestion anaérobie de la matière organique qui se produit naturellement dans les marais, les rizières, ainsi qu’au cours du processus digestif de certains animaux comme les ruminants. Accélérée dans un digesteur, elle produit, outre du CO2, un gaz à haute valeur calorifique riche en méthane (CH4). Le résidu solide de la digestion, le digestat, peut être utilisé comme amendement organique en agriculture en fonction de sa composition chimique : il importe donc que le méthaniseur soit alimenté par des matières saines pour livrer, en fin de processus, un digestat sain. Le biogaz est brûlé en chaudière pour la production de chaleur, converti en électricité, ou donne lieu à une cogénération d’électricité et de chaleur ; il peut aussi être employé comme biocarburant dans le domaine des transports – gaz naturel pour véhicules ou GNV.
Enfin, la production de biocarburants peut passer par la fermentation de sucres par des levures, donnant du bioéthanol, ou par la transestérification des triglycérides qui constituent les huiles végétales, générant du bioéthanol ou un de ses dérivés – notamment l’éther éthyle tertiobutyle ou ETBE. (4)
Le tableau suivant, extrait du rapport des corps ministériels d’inspection sur Les usages non alimentaires de la biomasse, résume les principales filières de la biomasse, croisant les origines et les usages.
Amendements Engrais organiques |
Biomatériaux Bioproduits |
Biocarburants |
Chaleur Électricité | |
Bio-déchets et effluents organiques (humides) |
Épandage et biofertilisants |
(Néant) |
Biométhane carburant |
Méthanisation Incinération Gazéification |
Sous-produits lignocellulosiques |
Paillage |
Pâte à papier Panneaux Bois reconstitués Polymères fibreux |
Deuxième génération (thermochimique ou enzymatique – 2020) |
Bois/paille énergie Réseaux de chaleur Cogénération |
Cultures agricoles conventionnelles |
Enfouissement |
Chimie du végétal Biopolymères et biocomposites |
Première génération (EMHV – éthanol) |
(Néant en principe) |
Forêts conventionnelles |
(Néant sauf via les cendres) |
Filière bois panneaux - papier |
Deuxième génération (sous-produits et rémanents) |
Bois énergie Réseaux de chaleur Cogénération (sous-produits et rémanents) |
Cultures et plantations « à cellulose » |
(Néant sauf via les cendres et digestats) |
Filière panneaux & papiers |
Deuxième génération |
Bois-énergie Réseaux de chaleur Cogénération |
L’étude de la biomasse-énergie révèle donc l’existence de ressources énergétiques différentes dont les emplois se répartissent entre production électrique, production de chaleur et production d’énergie cinétique.
3. Trois ensembles énergétiques
La forme historique d’exploitation de la biomasse se résume à l’activité physique des espèces animales et humaine. La transformation des aliments en énergie musculaire a longtemps été l’une des principales sources de locomotion des économies : il suffit de songer au cavalier parcourant les routes et aux bateaux remontant les rivières halés par l’homme ou par des bêtes de somme. L’industrialisation du XIXe siècle a mis un terme à cet usage primitif dans les économies développées. Cette forme d’énergie n’est utilisée que parcimonieusement, à des fins sportives ou dans un cadre de tourisme vert. Elle n’est, du reste, pas sérieusement employable dans le cadre d’une transition énergétique : la dépense énergétique de chaque citoyen d’aujourd’hui correspond à l’activité musculaire de deux cents individus. On se concentrera donc sur les formes modernes de la biomasse que sont le biogaz, les biocarburants et le bois – on parle alors de bois-énergie.
Jusqu’à l’ère industrielle et à la généralisation des énergies fossiles à travers le charbon et les hydrocarbures, la biomasse fut la source d’énergie la plus exploitée par l’homme. Son utilisation remonte à la maîtrise du feu, il y a près d’un demi-million d’années. Fort de cette antériorité, le bois demeure à la première place des énergies renouvelables employées en France et, a fortiori, à la première place des énergies biomasse.
Le « bois de feu » se présente sous quatre formes essentielles : les bûches, les granulés de bois (l’anglais pellet est particulièrement répandu dans le secteur), les plaquettes forestières et les résidus divers.
Les bûches constituent la forme la plus traditionnelle du « bois de feu », celle qui demande le moins de transformation mais aussi la moins performante aussi du point de vue énergétique. Le pouvoir calorifique augmente d’autant plus que son humidité est faible et que l’apport en oxygène est contrôlé.
Les plaquettes, forestières ou industrielles, se présentent sous la forme de quelques centimètres cube de bois déchiqueté. Leur grand avantage réside dans une humidité réduite, donc dans une performance énergétique plus grande. En outre, elles se prêtent mieux que les bûches à l’alimentation de chaufferies automatisées. Le bois forestier est constitué de résidus broyés puis séchés, quand les plaquettes industrielles se produisent à partir d’un bois sec. En raison du foisonnement, une même masse de bois plein et de plaquettes occupe un volume variant du simple au triple.
Le bois, réduit en poudre, est comprimé en cylindres de quelques millimètres cube pour donner les granulés. Des procédés industriels rationalisés sont requis pour la fabrication de ce produit transformé, plus coûteux, auquel ils procurent un pouvoir calorifique élevé dû à une très faible humidité. Plus petits que les plaquettes, les granulés sont utilisables pour le fonctionnement d’un chauffage individuel qui ne permet pas de stocker la ressource en grande quantité, autant que pour un équipement collectif. Il existe diverses méthodes de fabrication des granulés, certaines privilégiant des produits plus denses qu’on nomme alors des briques de bois.
Enfin, les résidus de bois de toutes sortes peuvent alimenter des chaufferies collectives. La réglementation autant que l’éthique imposent simplement de vérifier qu’il s’agit bien d’un bois sain, non traité par des produits chimiques, afin d’éviter la vaporisation dans l’atmosphère de composés toxiques.
Les installations de bois-énergie diffèrent grandement par leur rendement. Celui-ci est d’abord lié à l’essence utilisée : à humidité et volume égaux, un hêtre libère presque deux fois plus de chaleur qu’un peuplier. La performance dépend aussi fortement, on l’a dit, de l’humidité du bois utilisé dans la flambée. Enfin, le rendement est fonction de l’installation employée : il ne dépasse pas 10 % pour une cheminée à foyer ouvert ; il atteint difficilement 50 % pour un poêle à bûches traditionnel ; il excède 90 % dans une chaudière à granulés de bois.
L’apport du bois au développement durable ne se limite pas à la production de chaleur et à la cogénération. Les recherches engagées sur les futures générations de biocarburants laissent espérer que des avancées technologiques prochaines permettront de valoriser la lignine et la cellulose, qu’il contient notamment, pour l’employer dans le secteur des transports.
Forme historique de la biomasse, le bois-énergie est aujourd’hui, en effet, la moins pratique. Dans une économie qui exige une transportabilité rapide de l’énergie vers les lieux de sa consommation, l’emploi d’un pondéreux solide n’est pas le plus aisé et les facteurs de rendement d’une conversion électrique demeurent limités, de l’ordre d’un tiers seulement du potentiel. Il existe heureusement des solutions pour recourir à une biomasse liquide ou gazeuse, plus rapide à acheminer.
Produit par méthanisation (5), le biogaz est un composé de CH4 et de CO2 dans lequel se trouvent aussi de petites quantités d’eau et de sulfure d’hydrogène (H2S). Le méthane lui confère son pouvoir énergétique : il s’agit, en effet, d’un composé de carbone et d’hydrogène, donc d’un hydrocarbure. Le biogaz purifié est qualifié de biométhane : il peut être injecté dans le réseau de distribution du gaz naturel et se substituer aux hydrocarbures d’importation. Le procédé est actuellement long, mais des avancées technologiques sont attendues pour en limiter les coûts. Les frais liés à l’extension des canalisations paraissent, en revanche, difficilement compressibles, mais ne représentent en général qu’une proportion limitée des coûts d’investissement d’un projet.
La méthanisation est un phénomène naturel. Le lac Kivu, partagé entre le Rwanda et la République démocratique du Congo, recèlerait par exemple plus de 60 kilomètres cubes de méthane. Mais la géographie française ne semble pas propice à de tels gisements ; le biogaz produit l’est donc par l’homme.
Quatre filières de production de biogaz coexistent sur le territoire national. La plus importante d’entre elles s’attache à la valorisation des ordures ménagères. On distingue les décharges couvertes – ou installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND) –, qui fournissent l’essentiel du biogaz, et les unités de méthanisation des ordures ménagères (UMOM). Les ISDND ne sont pas des filières de méthanisation à part entière : elles captent le biogaz qui se dégage naturellement. Il n’y a pas de tri préalable de la fraction fermentescible des déchets ; le processus de fermentation n’est pas piloté. Les ISDND résultent de l’application d’une directive européenne datant de 2000, qui interdit les décharges à ciel ouvert. Le biogaz, ainsi produit, est un déchet qui n’est pas toujours valorisé. Il est souvent brûlé en torchère, faute de débouché. Une collecte sélective des déchets putrescibles autorise une méthanisation plus efficace en utilisant des bioréacteurs spécifiques dans les UMOM.
La digestion anaérobie des boues des stations d’épuration urbaines (STEP), deuxième filière de production de biogaz, est un procédé largement éprouvé et bien maîtrisé. Il permet d’éliminer les composés organiques tout en produisant de l’énergie. Le nombre de digesteurs s’est stabilisé au cours des dernières années, après un temps de décroissance consécutif à la mise en œuvre de contraintes réglementaires liées à l’élimination des boues, ainsi qu’à l’augmentation des coûts de l’énergie. Le secteur est fortement concentré, partagé entre les trois grands groupes de traitement des eaux usées que sont Suez, Veolia, et Saur.
Les effluents industriels sont également une source potentielle de biogaz. Il s’agit de déchets, souvent générés par les industries agro-alimentaires, mais parfois issus d’autres filières comme la papeterie. L’unité de méthanisation est installée sur le site industriel de façon à ce que l’énergie produite puisse alimenter le processus de fabrication industriel.
La codigestion, ou « méthanisation à la ferme », consiste à traiter simultanément des déchets d’origines différentes en conservant un apport majoritaire des lisiers et fumiers. Les déchets des industries agroalimentaires et des collectivités peuvent cependant entrer pour une part non négligeable dans le substrat. La méthanisation à la ferme est encore relativement peu développée en France, contrairement à l’Allemagne où sont apparues les usines à biogaz.
Un biocarburant est un carburant produit à partir de matériaux organiques et non fossiles. L’étymologie indique qu’il est formé à partir du vivant (bios) par opposition aux hydrocarbures traditionnels. Cette terminologie, qui est celle utilisée par l’Union européenne et qui fait écho au biofuel de la langue anglaise, est désormais passée dans le langage courant. Elle fait toutefois l’objet de fréquentes remises en question : certains soulignent le risque de confusion avec le sens habituel du préfixe bio-, qui renvoie à un mode de production respectueux de l’environnement et qui bénéficie d’une image positive. Ils préfèrent parler des agrocarburants, mettant en avant la provenance agricole du produit, ce qui correspond aux filières actuellement commercialisées, mais que les recherches sur les algues, le bois et le gaz de synthèse pourraient rapidement infirmer. Il reste que biocarburant est le seul vocable juridiquement admis tant par le droit de l’Union européenne que dans la législation française – en dépit de débats récents au Parlement sur ce point (6).
Seule une première génération de biocarburants est actuellement disponible à la pompe, mélangée à l’essence et au diesel en petites quantités. Elle regroupe deux familles.
L’éthanol, alcool produit par fermentation des glucides contenus dans la biomasse végétale, est utilisable dans les moteurs à essence. En France, la betterave à sucre et les céréales sont les principales ressources utilisées pour la production d’éthanol d’origine agricole, aussi appelé bioéthanol. Il peut être mélangé dans les essences commerciales de manière systématique dans les supercarburants sans plomb, représentant jusqu’à 5 % en volume du super sans plomb 95 (SP95) et du SP98, et jusqu’à 10 % du SP95-E10 – compatible avec la plupart des véhicules neufs. Le bioéthanol entre de façon plus massive dans la composition du superéthanol E85, dont il représente entre 65 % et 85 % du volume, mais qui est strictement réservé aux véhicules à carburant modulable.
Également destiné aux moteurs à essence, l’ETBE est obtenu à partir de bioéthanol et d’isobutylène d’origine chimique. Il est incorporé dans les essences commerciales pour 15 % dans le SP95 et le SP98, et jusqu’à 22 % dans le SP95-E10. L’ETBE est la voie privilégiée d’incorporation d’éthanol dans l’essence car il est plus facile à utiliser. Son origine n’est cependant que partiellement renouvelable, à la différence du bioéthanol. Dans le suivi des quantités de biocarburants incorporées dans les carburants pour l’atteinte des objectifs nationaux, l’ETBE n’est donc inscrit que pour 40 % de son volume.
Le biodiesel, fréquemment appelé diester quoiqu’il s’agisse là d’une marque commerciale, est destiné aux moteurs diesel ; il est obtenu à partir d’huile de colza, de tournesol, de soja ou de palme. Les huiles végétales et les graisses animales ne sont pas directement utilisables pour l’alimentation des moteurs diesel modernes. C’est pourquoi elles sont estérifiées, c’est-à-dire transformées en esters d’acide gras, par une réaction chimique de transestérification. La production d’ester méthylique d’acide gras (EMAG) génère des coproduits : de la glycérine valorisée en pharmacie ou dans le domaine alimentaire et, lorsque l’huile provient du broyage de graines, un résidu solide utilisé pour l’alimentation animale nommé le tourteau. La France recourt principalement au colza pour l’approvisionnement de sa filière et, pour une part plus limitée, au tournesol.
Les biocarburants dits « avancés », de deuxième et troisième générations, n’ont pas encore atteint le stade industriel et font toujours l’objet de recherches.
B.— LA BIOMASSE ÉNERGIE EN FRANCE AUJOURD’HUI
En 2011, la biomasse a procuré au monde 1,2 milliard de tonnes équivalent pétrole (TEP) soit 10 % de la consommation mondiale d’énergie – le quintuple de l’apport de l’énergie nucléaire. Elle a contribué pour 80 % à la production de l’ensemble des énergies nouvelles sans pour autant capter l’intérêt des grands médias, de l’opinion publique et des investisseurs : cette même année 2011, les investissements mondiaux dans les renouvelables ont atteint 200 milliards d’euros dont 6,5 % seulement sont allés à la biomasse-énergie.
Le même phénomène peut être constaté à l’intérieur des frontières nationales. Toujours en 2011, la France aurait investi cinq milliards de dollars au profit des énergies nouvelles, mais le solaire a aspiré plus de 80 % de cette manne. Entre 2005 et 2011, l’éolien et le solaire se partagent 85 % des montants investis, sans commune mesure avec leur apport réel à la production nationale d’énergie.
1. Un état des lieux encourageant
La biomasse, toutes filières confondues, concourt pour les deux tiers à la production actuelle d’énergie renouvelable en France.
Le bois-énergie occupe la première place parmi les énergies issues de la biomasse, concourant pour 46 % au total des énergies renouvelables françaises. Les biocarburants, pour leur part, représentent 11 %. La part du biogaz demeure extrêmement modeste, mais elle est déjà cinq fois supérieure à celle du solaire.
Source : SOeS, bilan de l’énergie (CGDD)
C’est à travers les usages les plus traditionnels que le bois-énergie domine le secteur de la biomasse. La France compte six millions de foyers équipés d’un appareil de chauffage au bois de faible puissance – poêles, inserts, chaudière bûches ou granulés. La production énergétique associée se monte à 7,6 Mtep – les trois quarts de biomasse-énergie française.
Chaufferies bois : la progression du parc en France
(Projets prévisionnels aidés par l’ADEME de 2000 à 2011)
En comparaison, les quelque quatre mille chaufferies utilisant de la biomasse, aux deux tiers collectives et au tiers restant industrielles, représentent une puissance installée de plus de 3 300 MW, et une production de chaleur d’approximativement 1 Mtep. Ce nombre connaît cependant une croissance soutenue, même si certaines régions montrent une ouverture plus marquée que d’autres à ce mode de chauffage.
En ce qui concerne la cogénération, la France comptait au début de l’année 2012 une quinzaine d’installations en fonctionnement pour une puissance cumulée de 180 MW électriques. Les installations sont adossées à des industries nécessitant la proximité d’un puits de chaleur ou, au contraire, à des usines dont les rebuts sont utilisés par la chaufferie, comme des scieries. Les collectivités et les installations de gestion de déchets peuvent également être concernées. L’année 2012 a dû permettre l’entrée en service d’installations attendues pour porter la capacité française à 230 MW électriques.
Les installations de cogénération biomasse en fonctionnement en 2011, en vert, et celles dont l’entrée en service était prévue au cours des investigations de la mission d’information, en orange
Source : SER
En ce qui concerne le biogaz, la France occupe le quatrième rang des producteurs européens derrière l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. Viennent ensuite l’Espagne, qui produit la moitié du volume français, et le Danemark, qui en génère le quart.
Les stratégies de développement sont différentes. L’Allemagne, dont la production est quinze fois supérieure à celle de la France, compte pour 60 % de la production d’énergie primaire à partir de biogaz de l’Union européenne grâce à un engagement très fort sur la méthanisation agricole. L’Italie a opté pour la même stratégie à une échelle moindre ; elle génère des quantités de biogaz comparables à la France. Le Royaume-Uni privilégie la même filière que la France avec la valorisation du biogaz de décharge, mais il est quatre fois plus productif.
Les décharges couvertes représentent 70 % de la production française de biogaz, avec la particularité de ne pas être valorisée pour l’essentiel. Le biogaz issu des UMOM ne représente que 5 % de la production nationale et provient de neuf grosses unités. Cette voie de production pourrait monter en puissance avec le développement du tri sélectif et à condition d’une meilleure couverture du territoire national. La codigestion à forte teneur en déchets agricoles compte pour seulement 3 % dans la production totale.
Secteurs d’activité |
Nombre d’installations |
Énergie primaire produite (en GWh/an) |
Part dans la production totale de biogaz (en %) |
Décharges couvertes |
301 |
4 900 |
72,5% |
Stations d’épuration des eaux urbaines |
60 |
905 |
13,5 % |
Effluents industriels |
80 |
400 |
6 % |
Méthanisation des ordures ménagères (UMOM) |
9 |
355 |
5 % |
Secteur agricole et territorial |
48 (dont 41 à la ferme) |
200 |
3 % |
TOTAL |
495 |
6 760 |
100 % |
La principale difficulté de la filière tient à la faible valorisation du biogaz produit, ou plutôt quasiment subi : sur près de 7 TWh de production annuelle, 3 TWh sont passés à la torchère par manque d’organisation et de débouchés.
Quant au secteur des biocarburants, deuxième producteur européen derrière l’Allemagne, la France est le pays dans lequel le taux d’incorporation est le plus élevé, en raison d’une politique de soutien ambitieuse. La part des biocarburants dans le bouquet énergétique du transport était proche de 7 % en 2012 et, théoriquement, la filière française du biodiesel disposerait dès aujourd’hui d’une capacité de production permettant d’atteindre l’objectif de 10 %.
La production de biocarburants en France a fortement progressé au cours des dernières années. En 2009, la production de bioéthanol a atteint 635 Ktep pour une consommation de 456 Ktep. En 2009, vingt-quatre unités de production de bioéthanol ont reçu un agrément pour une capacité de production de près de 1,1 milliard de litres issus des productions agricoles nationales. Entre 1993 et 2009, l’augmentation des superficies vouées à la production de bioéthanol – betteraves en majorité, mais aussi blé et maïs – aurait été limitée, ne représentant que quelque 175 000 hectares.
Principal biodiesel consommé en France, le diester est obtenu à partir de colza et de tournesol. En 2010, quinze fabriques ont produit en France 1 688 Ktep de biodiesel. Le développement de cette filière s’est traduit par une croissance des superficies de colza destinées à la production de biodiesel, comprise entre 500 et 600 000 hectares, et des superficies en tournesol, de 75 000 hectares. La production française aurait également mobilisé 40 000 hectares de palmier à huile en Malaisie et Indonésie, 460 000 hectares de soja en Argentine et au Brésil, et 640 000 hectares de colza notamment en Ukraine, au Canada et en Australie.
Selon le ministère chargé de l’écologie, les cultures utilisées pour la production de bioéthanol destiné à un usage carburant représentent moins de 5 % de la production agricole française globale de céréales et de plantes sucrières. En 2013, la surface dédiée à la culture de colza, de betterave, de blé et de maïs destinée à la filière des biocarburants attendrait 1,65 million d’hectares, soit 5 % de la surface agricole utile du pays dont la moitié seulement n’a qu’un usage énergétique – l’autre moitié permettant, à travers les tourteaux, de nourrir le bétail.
2. Un contexte de crise peu propice au développement
Depuis 2008, la crise économique générale s’avère particulièrement préjudiciable au secteur de la biomasse, et notamment à la filière du bois-énergie. Le marché du bois d’œuvre et de sciage connaît un redémarrage en Europe et dans le monde ; la demande de bois-énergie devrait fortement croître dans les années à venir – certaines analyses prospectives parient sur un triplement de la demande actuelle, de 15 à 45 millions de tonnes. Mais il n’en va pas de même de l’économie française.
La récolte commerciale de bois stagne à 50 % de l’accroissement annuel. Entre 2002 et 2010, le sciage des feuillus a reculé de 37 %, celui des résineux de 14 %. Le déficit du commerce extérieur dans le secteur, en dégradation constante depuis 2001, apparaît désormais inquiétant. En 2011, la France a importé des meubles et des papiers, respectivement pour 1,6 et 1,9 milliards d’euros ; elle continue en revanche d’exporter ses bois ronds pour un bénéfice net de près de 200 millions d’euros. Exportations de matières premières et importations de produits raffinés dessinent un tableau inquiétant de l’économie du secteur.
Cette situation rejaillit sur le bois-énergie. La faiblesse de la demande locale de bois d’œuvre ne permet pas les sorties que demande l’accroissement naturel de la forêt française. Un prix d’achat jugé insuffisant ne permet pas aux forestiers de produire du bois en quantité suffisante pour alimenter le secteur, ni des petits bois utiles aux chaufferies biomasse.
Enfin, la crise économique qui frappe les secteurs consommateurs de bois conduit les opérateurs de biomasse-énergie à constater une raréfaction des industries nécessitant un puits de chaleur à proximité, et donc propices au voisinage d’une unité de chauffage ou de cogénération. Le taux de chute des projets affiche un niveau particulièrement élevé : le deuxième appel d’offres de la Commission de régulation de l’énergie, lancé en janvier 2006 et conclu en juin 2008, avait sélectionné 22 projets pour une puissance de 314 MW. Cinq ans après sa clôture, 4 projets représentant 93 MW sont entrés en service et un dernier, pour 16 MW, est encore en cours ; tous les autres – soit les trois quarts des lauréats représentant les deux tiers de la puissance – ont été abandonnés.
3. Le cas particulier de l’outre-mer
Les énergies renouvelables utilisées ou en cours d’expérimentation dans les outre-mer sont multiples ; la biomasse ne fait pas exception.
Le contexte est toutefois bien différent de ce qu’il est en métropole. D’abord, la conception de réseaux de chaleur ne constitue pas un enjeu dans la grande majorité des territoires ultramarins. Ce sont donc les applications électriques qui forment le plus gros des investissements.
Ensuite et surtout, la situation de zones non interconnectées des territoires ultramarins a pour conséquence la nécessité d’équilibrer en permanence demande et offre locales, sans pouvoir solliciter un partenaire étranger pour provisoirement rentabiliser un surplus ou, plus inquiétant, combler un déficit. Il en résulte que le coût de production du kilowattheure électrique est très supérieur à ce qu’il est en Europe, puisque ce sont principalement des centrales thermiques qui, historiquement, subviennent aux besoins des populations locales. Toutefois, en termes de développement des énergies renouvelables, cette situation est aussi une chance : un signal-prix plus élevé améliore d’autant la compétitivité des productions alternatives. L’électricité solaire, l’électricité éolienne et l’électricité biomasse, dont le décollage pâtit, en métropole, de la faiblesse du tarif réglementé que permet le parc nucléaire, ne rencontrent pas la même adversité outre-mer.
Enfin, les conditions particulières locales sont porteuses de grandes promesses. On pense notamment à la forêt guyanaise, très développée et majoritairement contrôlée par l’État, dont les sorties bois contrôlées permettraient de consolider l’autonomie énergétique d’un territoire par ailleurs en forte croissance démographique.
Actuellement la valorisation de la biomasse outre-mer s’opère essentiellement à partir de la bagasse, le résidu fibreux de la canne à sucre, dans le cadre de la production électrique en cogénération avec des sucreries et des distilleries. C’est notamment le cas à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique. On rencontre également quelques méthaniseurs ainsi que des unités de combustion forestière, à La Réunion et en Guyane.
Dans les territoires ultramarins, la part de l’énergie produite à partir de la biomasse est relativement stable depuis 2007 : elle représente environ 19 % des énergies renouvelables et 4 % de la production électrique totale. La centrale bagasse de La Réunion contribue pour l’essentiel de ces résultats.
Part de l’électricité produite à partir de la biomasse par rapport à la production totale d’électricité (moyenne 2007/2011) | |
Guyane |
1 % |
La Réunion |
10 % |
Guadeloupe |
3 % |
Martinique |
- |
Les projets biomasse outre-mer se heurtent aux mêmes limites qu’en métropole, à savoir le coût de la collecte et de la production d’une part, la sécurisation des approvisionnements d’autre part. Des pistes semblent cependant à l’étude à la fois pour la bagasse et pour la combustion forestière.
Concernant la bagasse, l’article 53 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a permis de reconsidérer sa valorisation financière, jusque-là moins valorisée que les sources fossiles comme le charbon. Le nouveau tarif, qui ne peut être inférieur au prix de vente moyen de l’électricité issu du dernier appel d’offre biomasse national, prend en compte les coûts évités par rapport à l’utilisation des énergies fossiles – le coût de formation d’une filière fossile de substitution ainsi que la valeur des émissions de CO2 et de la pollution de l’air évitées. Cette mesure permet d’assurer un revenu complémentaire aux planteurs de canne de l’ordre de 26 millions d’euros à La Réunion et en Guadeloupe. Des recherches sont en cours, principalement en Guadeloupe où le projet Rebecca vise à mettre en place une filière de production d’électricité à partir de canne fibreuse cultivée spécifiquement pour cet usage. L’objectif industriel de Rebecca est d’aboutir à la construction de centrales électriques de moyenne puissance (8 à 10 MW). Cette production présenterait l’avantage de maintenir l’activité agricole sur les parcelles polluées par le chlordécone, et donc de préserver des emplois sur le territoire sans mettre en jeu la santé des populations.
Quant à la combustion forestière, il a été loisible à la mission de mettre à profit le déplacement organisé par la commission du développement durable en Guyane pour y visiter les installations à Kourou de la société Voltalia, qui produit à partir des déchets de trois scieries, grâce à une chaufferie de 2 MW utilisant 30 000 tonnes de bois par an. La forêt guyanaise, qui recèle deux à trois milliards de tonnes de biomasse pour des sorties aujourd’hui limitées à moins de 100 000 tonnes annuelles, offre de larges perspectives de développement. L’État s’est engagé dans une analyse prospective des besoins électriques et des ressources les plus accessibles de façon à préparer la construction de centrales destinées à couvrir les besoins d’une population en expansion démographique. Le projet est d’autant plus intéressant qu’il rencontre la volonté des autorités locales de développer une agriculture et de libérer à cette fin des ressources foncières.
Suite à l’état des lieux réalisé par les préfets, l’État a créé le Comité de liaison pour l’utilisation de la biomasse outre-mer (CLUB OM), sous le parrainage du ministère de l’outre-mer en liaison avec les ministres chargés de l’agriculture, de l’énergie et de l’industrie, afin de mobiliser les acteurs nationaux et locaux pour faire aboutir plus rapidement des projets. L’autonomie énergétique des outre-mers, la préservation de l’environnement et de la création des emplois attachés méritent que ce potentiel ne soit pas laissé inexploité.
C.— LA BIOMASSE ÉNERGIE EN FRANCE DEMAIN
La France s’est donné pour objectif, en application du droit européen, d’accroître la part des énergies nouvelles renouvelables dans la composition de son bouquet énergétique. La transposition de cette obligation européenne dans la législation nationale l’a accrue : l’ambition de 23 % de la consommation d’énergie finale en 2020 correspond à un passage de 16 Mtep à 36 Mtep en quinze ans.
1. Des objectifs ambitieux pour 2020
Le Plan national d’action en faveur des énergies renouvelables (PNAENR) a décrit la trajectoire permettant d’atteindre les objectifs assignés. La part de 23 % de la consommation d’énergie globale se décline par secteur : 33 % pour la chaleur, 27 % pour l’électricité renouvelable et 10,5 % pour les transports.
Un premier rapport sur les progrès réalisés en matière d’énergie renouvelable a été remis à la Commission européenne en décembre 2011. Il fait état d’un léger retard de 0,4 % sur la trajectoire escomptée. Le secteur du chauffage et du refroidissement atteignait alors 16,5 % de renouvelables pour une trajectoire cible de 18 %, l’électricité 16,3 % pour 16 %, les transports 6,7 % pour 6,9 %. La crise économique, qui diminue les besoins en électricité, et le radoucissement des hivers, qui limite le besoin de chauffage, conduisent toutefois à jeter sur ces résultats provisoires un regard pondéré.
Objectifs de progression des filières renouvelables de 2010 à 2020
Selon les plans établis et formalisés dans le graphique ci-dessus, la biomasse représente près de la moitié de l’accroissement attendu de la production d’énergie renouvelable.
Il est prévu une forte montée en puissance des projets de chaufferies bois/biomasse. La production de chaleur à partir de biomasse dans les secteurs collectif, industriel et tertiaire doit être triplée entre 2010 et 2020 pour passer de 3 Mtep à 9 Mtep. La biomasse mobilisée sera majoritairement du bois.
Le Grenelle de l’environnement avait fixé comme objectif de faire passer à 9 millions (soit + 50 %) le nombre de foyers équipés en 2020 d’un appareil domestique de chauffage à bois, pour une consommation de bois inchangée, et ce, grâce à la hausse attendue des performances énergétiques des équipements. Alors que le rendement moyen d’un appareil domestique de chauffage était de 40 % en l’an 2000, il est en moyenne de 70 % aujourd’hui.
L’objectif de croissance de la capacité de production d’électricité à partir de biomasse est très ambitieux : il atteint 2 300 MW d’ici 2020, soit une production de 1,4 Mtep. Cette ambition s’adresse à toutes les filières biomasse. Concernant le biogaz, par exemple, l’objectif de production se monte à 3 700 GWh/an avec une puissance 625 MW en 2020 (contre 1 000 GWh/an en 2010) pour l’électricité par cogénération, et à 555 Ktep en 2020 (contre 130 Ktep en 2010) pour la chaleur.
la production d’électricité doit quintupler d’ici 2020 – objectif de 3 700 GWh – et celle de chaleur être multipliée par sept – pour 555 000 tep en 2020.
Il était enfin prévu de porter à 10 % l’incorporation de biocarburants dans le secteur des transports. La réévaluation de l’impact des biocarburants, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre et sur l’affectation des sols, conduisent toutefois à interrompre l’effort de développement dans l’attente de la production de masse des technologies de deuxième et de troisième générations.
Au final, en 2020, la biomasse représenterait 11 % du total de l’électricité renouvelable, 83 % du total de la chaleur renouvelable et plus de 90 % de l’énergie renouvelable prévue dans le secteur des transports. Les enjeux sont donc colossaux, et la biomasse le pilier essentiel d’une transition énergétique réussie.
2. L’ambition d’une voie française pour la biomasse, la plus locale des énergies
La France ambitionne de construire une filière biomasse pour en recueillir les avantages en termes énergétiques. Venant en substitution des énergies fossiles et, en base, de la production nucléaire, elle permettra de desserrer la contrainte extérieure en limitant les importations de combustible et de carburant. Énergie verte, elle amènera aussi une réduction des émissions de gaz à effet de serre et un plus grand respect de l’environnement.
Néanmoins, la biomasse reste une ressource rare qu’il faut allouer intelligemment. La constitution d’une filière performante du point de vue de la production énergétique n’équivaut pas forcément à une meilleure insertion des infrastructures dans le milieu environnant, et même pas obligatoirement à une économie d’énergie et à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, contrairement aux aérogénérateurs et aux équipements photovoltaïques, la biomasse nécessite un acheminement des matières premières en direction du lieu de production d’énergie. Quand le vent et le soleil sont immédiatement transformés en électricité, la conversion de la biomasse requiert un transport de pondéreux : la chaufferie et l’unité de cogénération ont besoin de plusieurs tonnes de bois pour fonctionner, le méthaniseur doit être alimenté en déchets et en effluents pour produire du biogaz, les plantes sont convoyées à la fabrique de biocarburants. Plus les unités sont imposantes, plus les approvisionnements sont importants, et plus la zone de collecte est étendue. Une difficulté similaire surgit en aval de la fonction de production de chaleur : contrairement à l’électricité et au gaz convoyés par des réseaux – qu’il faut alors étendre –, les caloporteurs n’agissent que dans un rayon limité.
Cette contrainte de production de la biomasse-énergie amène à rechercher un « point de non-retour », une zone de collecte au-delà de laquelle les principes du développement durable s’opposent à un recours à la biomasse de préférence aux énergies fossiles.
L’ADEME a effectué le calcul du bilan énergétique de 25 tonnes de bois transportées dans un camion de 90 m3 en pleine charge pour l’alimentation d’une chaudière. Le contenu énergétique de la benne correspond, en valeur moyenne, à 75 MWh. La préparation du combustible – débardage, déchiquetage et stockage – équivaut à 2,5 MWh, soit une quantité négligeable. En revanche, l’acheminement vers la chaufferie, sur la base d’une consommation de 30 litres de diesel pour 100 kilomètres, représente 6 MWh pour 2 000 kilomètres. Il en ressort que le bilan énergétique serait nul après 25 000 kilomètres, et que le bilan CO2 s’annule à compter de 10 500 kilomètres. La biomasse est donc d’autant plus efficace, du point de vue énergétique et environnemental, que les ressources employées se situent à proximité du lieu de production.
En conséquence, il n’est pas question de se borner aux chiffres de la production d’énergie primaire et de « faire de la biomasse pour faire de la biomasse » : à l’heure où se développe, en Amérique du Nord notamment, l’ambition d’exporter du bois-énergie à grande échelle, la France doit recourir à ses propres ressources biomasse pour alimenter sa filière énergétique, et éventuellement solliciter en complément les ressources États voisins lorsque la coopération européenne le permet autant que les réalités géographiques l’imposent. La performance environnementale, comme d’ailleurs les meilleurs résultats en termes d’emploi, l’exigent évidemment. Dans le cas contraire, on n’aboutirait qu’à répliquer le cycle des fossiles, à savoir une dépendance envers l’étranger, un déséquilibre structurel de la balance extérieure, et une satisfaction des besoins des populations finalement nuisible tant à l’économie qu’à l’environnement.
*
* *
Les ambitions de la France ont été clairement affirmées dans le secteur de la biomasse. Il reste à déterminer quelle est la meilleure façon de les atteindre à partir des ressources qu’abrite le territoire national, sans nuire à d’autres fonctions fondamentales de l’économie et de l’environnement, en mobilisant à bon escient les moyens de la puissance publique.
DEUXIÈME PARTIE : UNE BIOMASSE RENOUVELABLE MAIS FRAGILE
La difficulté de l’expansion de la production d’énergie à partir de la biomasse tient au fait que, contrairement au vent ou au soleil, le vivant n’est pas inépuisable : ce n’est donc pas toujours, par construction, une ressource renouvelable.
Source : Quel futur pour les métaux ?- P. Bihouix et B. de Guillebon
La biomasse est considérée comme une source d’énergie renouvelable seulement si elle se régénère dans les proportions de son utilisation. Une exploitation irraisonnée de la ressource forestière, par exemple, conduirait à une attrition de la ressource et à une baisse consécutive de la production. La combustion de bois n’est donc compatible qu’en provenance de forêts gérées durablement. L’idée selon laquelle la transition énergétique implique, dans le secteur de la biomasse, de « faire feu de tout bois », doit être absolument bannie des esprits.
Sous cette réserve, la biomasse-énergie est une énergie renouvelable respectueuse de l’environnement. Les produits de la combustion complète du bois sont uniquement du dioxyde de l’eau (H2O) et le dioxyde de carbone (CO2) précédemment absorbé au cours du processus de photosynthèse – opération qui présente donc un bilan carbone nul.
Le biogaz est constitué essentiellement de méthane (CH4), gaz à l’effet de serre particulièrement puissant. Sa combustion produit également du dioxyde de carbone dont l’impact est moindre : un kilogramme de CH4 présente un potentiel de réchauffement global plus de vingt fois supérieur à la même masse de CO2. Cependant, l’utilisation de biogaz n’accroît pas en soi l’effet de serre dans l’atmosphère dans la mesure où, comme pour le bois-énergie, les éléments libérés ont été absorbés préalablement lors de la croissance des végétaux dont ce biogaz est issu, directement ou indirectement. L’utilisation de biogaz s’inscrit dans un cycle court de carbone : sauf surexploitation de la biomasse, elle ne fait que restituer du carbone qui avait été ôté de l’atmosphère, à l’inverse du gaz naturel extrait des profondeurs. La même analyse vaut pour les biocarburants.
Au cours des auditions, il a été avancé que la totalité de la biomasse française pouvant être utilisée à des fins énergétiques représenterait un potentiel de 500 TWh (7). Il reste à distinguer quelle fraction de cette ressource peut être qualifiée de réserve effectivement utilisable à des fins énergétiques, et dans quelles conditions doivent avoir lieu la collecte et la production d’énergie pour permettre son renouvellement dans le respect des principes du développement durable. Comme toute ressource naturelle rare, la biomasse doit, en effet, faire l’objet d’une allocation optimale.
A.— LA QUESTION DES RESSOURCES
Toute la biomasse que recèle la France n’est pas utilisable. D’une part, la biomasse agricole qui reste le support de l’alimentation ne saurait, malgré les avancées agronomiques, connaître une croissance infinie. D’autre part, agricole ou non, la biomasse est désormais sollicitée pour de très nombreux usages dont la satisfaction perpétuelle n’est pas assurée. On ne peut songer, par exemple, à solliciter comme bois de chauffage les arbres de la forêt de Fontainebleau, dont l’utilisation par la collectivité est manifestement d’un ordre non-énergétique.
Quelle peut être la participation maximale de la biomasse-énergie à la composition du bouquet énergétique national ? La réponse à cette question suppose à la fois une bonne identification des ressources nationales de biomasse et une allocation optimale des gisements aux différents projets.
1. Quelles sont les ressources ?
Les ressources françaises de biomasse identifiables sont, d’une part, le bois-énergie que recèle la forêt nationale et, d’autre part, les déchets, effluents et autres résidus susceptibles d’une méthanisation.
Il n’est guère opportun d’envisager ici le cas des cultures énergétiques à la source des biocarburants : on se bornera à rappeler que la surface agricole utile française atteint quelque 30 millions d’hectares dont 1,65 million consacrés aujourd’hui aux maïs, colza, betterave et blé qui approvisionnent l’industrie des biocarburants. Il resterait donc une marge importante de croissance – à supposer qu’un choix politique en ce sens se justifie.
a) La forêt française, une fortune en sommeil
La forêt de France métropolitaine occupe 16,3 millions d’hectares, soit entre un quart et un tiers du territoire national. Il faut y ajouter les massifs ultramarins et notamment la forêt amazonienne de Guyane, pour quelque 8 millions d’hectares, mais cette forêt primaire offre des caractéristiques si particulières qu’un amalgame des chiffres paraît malcommode. La France est le troisième pays le plus boisé de l’Union européenne.
Sur la fraction européenne du territoire, les reboisements et la déprise agricole ont provoqué un quasi-doublement de l’espace forestier depuis le XIXe siècle. Les progrès de la mécanisation et l’abandon de la traction hippomobile ont permis le retour à la forêt de nombreuses terres cultivées tout au long du XXe siècle.
La forêt française d’Europe se compose à 70 % de feuillus et à 30 % de résineux. Elle abrite près de 2,5 milliards de mètres cubes de bois pour un volume moyen à l’hectare de 160 mètres cubes. Si on excepte l’espace aquitain et le massif des Landes, les forêts se trouvent principalement dans l’est du pays.
La forêt privée comprend 72 % du volume de bois sur pied. Avec les forêts domaniales, l’État ne contrôle que 11 % de l’ensemble. Les autres collectivités publiques sont à la tête des 17 % restant. L’histoire explique que l’Alsace et la Lorraine se singularisent par une possession majoritaire publique – et plus précisément communale – des massifs forestiers. La forêt française est donc majoritairement contrôlée par 3,5 millions de propriétaires privés dont 500 000 seulement contrôlent plus de quatre hectares.
La production biologique annuelle en volume des forets s’établit au niveau national à 85 millions de mètres cubes de « bois fort tige » sur la période 2001-2009, chiffre qui peut être porté à plus de 115 millions de mètres cubes en intégrant les branches et le petit-bois. Tel est donc le maximum théorique qui peut être prélevé par l’homme dans une gestion durable de la ressource, sans entamer la vitalité des massifs. Diverses contraintes, notamment physiques, rendent cependant inaccessible près d’un dixième de cette production.
La récolte annuelle commercialisée de bois se monte à quelque 40 millions de mètres cube de bois : 21 millions pour le bois d’œuvre, 14 millions pour le bois d’industrie – papiers et panneaux – et près de 5 millions pour le bois-énergie. Il s’y ajoute la quantité de bois, souvent autoconsommée, qui transite hors des réseaux commerciaux pour servir à la production de chaleur individuelle. Cette dernière est estimée à 20 millions de mètres cubes par an. Ainsi, la collecte annuelle se limite à la moitié de l’accroissement biologique.
b) Des gisements de biogaz en nombre
Outre une source de production d’énergie, la vision française de la méthanisation est aussi celle d’une réponse à la problématique de la gestion des déchets. C’est donc avant tout dans ce secteur que se situent les ressources les plus considérables, mais elles sont aussi les plus délicates à mobiliser. Par exemple, sur un millier de stations d’épuration des eaux usées (STEP), treize seulement produisent de l’électricité à partir de biogaz pour 30 % du potentiel.
Les projections opérées par l’ADEME envisagent des parts mobilisables modérées, qui semblent donc réalisables à l’horizon 2030.
Ressources mobilisables pour la méthanisation en 2030
Source : ADEME
La ressource biomasse est donc largement présente sur le territoire français. Son défaut d’exploitation entraîne non seulement un manque à gagner en termes de production d’énergie, mais aussi une gêne économique conséquente – qu’il s’agisse du traitement des déchets ou de la non-valorisation économique des massifs forestiers.
2. Une ressource, plusieurs projets
Il ne suffit pas d’identifier la présence d’un gisement de biomasse pour structurer un projet de production d’énergie : encore faut-il s’assurer que ce gisement demeure disponible dans la durée pour alimenter l’installation.
La sécurisation de l’approvisionnement semble constituer une des plus grandes difficultés de la filière, qu’il s’agisse de réserver le bois nécessaire au fonctionnement d’une chaufferie ou de collecter les déchets fermentescibles destinés à une unité de méthanisation, toutes deux fonctionnant en permanence.
La première difficulté tient à éviter la captation des matières premières par des opérateurs étrangers. Ce risque est déjà concrétisé dans les filières bois, où le déficit commercial français en produits fini masque des exportations importantes de grumes et de matières premières vers l’étranger. Les auditions ont montré qu’il était tout aussi réel pour la filière biogaz dans la mesure où des industriels frontaliers n’hésitent pas à préempter la ressource pour maximiser leur propre production, amputant d’autant le potentiel national. Les règles européennes et internationales en matière de liberté commerciale proscrivent une réaction normative des pouvoirs publics. La seule réponse possible consiste à développer les filières françaises et à rivaliser dans l’appropriation de la ressource. La filière biomasse se prête relativement bien à cet exercice : le coût du transport représentant une fraction importante du prix global, les équipements territoriaux disposent d’un avantage tarifaire au regard des acheteurs lointains. Il reste que la formation de contrats d’approvisionnement de long terme n’est pas à exclure et qu’elle mettrait en péril l’essor de la biomasse-énergie dans l’espace national, voire européen. Si la Chine décidait d’incorporer 10 % de biomasse dans toutes ses centrales électriques à charbon, elle absorberait immédiatement un tiers des ressources mondiales.
Le second écueil qui se présente dans l’approvisionnement en ressources biomasse consiste à faire correspondre l’offre et la demande locales. Jusqu’à présent, la faiblesse de la filière entraîne un excédent d’offre, qui reste stockée dans les forêts françaises ou qui encombre les équipements de retraitement des déchets : le différentiel entre croissance spontanée et demande économique a dispensé d’une interrogation sur la gestion de la ressource. Mais dans le cas contraire d’un excès de demande, les conséquences potentielles seraient dévastatrices pour les opérateurs comme pour le développement durable. Un trop grand nombre de méthaniseurs conduirait forcément soit à des tentatives d’approvisionnement à l’étranger, soit à l’expansion des cultures dédiées – hypothèse toutefois peu vraisemblable à moyen terme tant la mise en service de nouveaux équipements paraît lente et propice à des ajustements, et la valeur des déchets fermentescibles trop faible pour un transport sur de longues distances. Par ailleurs, le pouvoir réglementaire prévient ces dérives en excluant les cultures dédiées du bénéfice du tarif d’achat.
Le péril semble plus présent dans la filière bois, où chaufferies et centrales pourraient entrer en concurrence pour la captation de la ressource. Dès le stade des études préalables, l’opérateur construit son plan d’approvisionnement en fonction des réserves identifiées, mais sans savoir si celles-ci ne sont pas déjà intégrées dans les projets concurrents. Il est finalement possible de voir se constituer plusieurs dossiers théoriquement alimentés sur la même ressource, qui ne pourra pourtant être brûlée qu’une fois.
Une première réponse a été apportée par la création de cellules régionales biomasse sur le territoire. Ces structures, centrées essentiellement sur la gestion de la ressource en bois, jouent un rôle d’expertise et de centralisation de l’information sur leur territoire ; elles émettent aussi un avis sur chaque projet d’implantation locale. Une cellule biomasse peut vérifier auprès des fournisseurs prévus la sincérité des plans d’approvisionnement. Elle est, enfin, systématiquement informée de tous les projets qui sollicitent plus de 5 000 tonnes de bois dans sa région. Son rôle est donc fondamental pour la bonne construction de la filière, et il semble que les cas où l’autorité administrative se prononce à l’encontre de son avis sont particulièrement peu fréquents. Néanmoins, les cellules biomasse sont faiblement dotées, avec moins de dix emplois temps plein pour l’ensemble de la France.
La région Provence-Alpes-Côte d’Azur représente un cas particulier en raison de l’implantation sur son territoire, dans le cadre d’un appel d’offres national, de deux des installations de biomasse-énergie les plus importantes du pays : le projet EON, à Gardanne (13) et le projet INOVA, à Brignoles (83), nécessiteraient pour leur approvisionnement plus d’un million de tonnes de bois chaque année. Pour cette raison, un comité régional biomasse a été créé, en 2012, pour suivre la filière et l’ensemble des projets qui viendront s’inscrire dans son développement. Il ne suffit cependant pas à lever toutes les interrogations sur la capacité desdits projets à s’approvisionner, d’une part, et sur la possibilité pour les autres chaufferies du territoire à toujours trouver à s’alimenter à des prix raisonnables, d’autre part.
Le risque de captation de la ressource ne se limite pas au seul secteur du bois-énergie. L’un des risques de la croissance de la biomasse-énergie grâce à des financements publics tient à la crainte d’un approvisionnement qui se ferait au détriment des autres industries du territoire. Les industries consommatrices de bois redoutent que cette demande supplémentaire ait un effet inflationniste sur la matière première, conduisant à un accroissement des coûts et à la mise en péril de leur activité. Certes, la forêt produit assez pour tous, et un accroissement de la collecte est tout à fait souhaitable. Mais il faudrait alors qu’il se produise sans temps d’arrêt, sans quoi les entreprises pourraient disparaître avant la taille des premiers arbres.
B.— LA BIOMASSE, UNE RICHESSE FRAGILE
L’exploitation accrue de la biomasse peut susciter un accroissement des surfaces cultivées, une intensification des rythmes de production, et des conséquences sur la fertilité des sols, l’économie de l’eau, le cycle du carbone et la diversité biologique des territoires. Très dépendantes du contexte local, ces conséquences ne sont pas prévisibles dans leur globalité. Il revient à l’autorité locale, la plus proche du terrain, d’apprécier les enjeux et les conditions de réalisation des projets en fonction des spécificités des territoires et de leurs populations. Toutefois, il est bon de rappeler combien la biomasse est une ressource fragile, qui doit absolument être gérée avec intelligence et dans un objectif de durabilité, tant elle est fondamentale aux équilibres environnementaux, économiques et sociaux.
Récoltée ou pas, la biomasse a toujours une utilité qui se décline en six fonctions, également appelées les « Six F ». Elle concourt à l’approvisionnement des fourneaux pour l’alimentation humaine. Elle participe à nourrir le bétail par les fourrages. Elle contribue à la production de biens de consommation et d’équipement en fournissant les fibres. Elle compose le bouquet énergétique national – fioul. Elle est nécessaire à la préservation de la biodiversité et au cycle de la photosynthèse lorsqu’elle reste à l’état de forêt. Enfin, les fumures permettent un amendement des sols et la pérennité de l’activité agricole.
Source : SOLAGRO
La biomasse assure des fonctions non productives. Elle participe de la diversité des paysages, du bien-être et de la qualité de vie des populations. Elle est économiquement valorisable dans des activités de service comme le tourisme et le divertissement. Une valorisation aveugle et absolue serait finalement nuisible.
Dans une perspective de développement durable, deux aspects s’imposent lorsqu’est évoquée la contribution du bois-énergie à la transition énergétique. En premier lieu, le monde forestier est un réservoir fondamental de biodiversité dont la préservation constitue un impératif. En second lieu, la forêt contribue à la régulation des émissions de CO2 à travers son rôle de puits de carbone. Ces deux aspects ne signifient pas qu’il faut mettre les massifs français sous cloche : ils signifient qu’une exploitation intelligente doit respecter ces principes intangibles.
1. La biomasse, réservoir de biodiversité
La préservation de la biodiversité est, avec l’augmentation de la mobilisation de bois, le second pilier de la gestion forestière durable : celle-ci constitue un axe majeur de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité adoptée en 2011 pour la période 2011-2020.
Les massifs forestiers, les haies, les taillis, les polycultures, abritent, en effet, une fraction considérable de la biodiversité du territoire. Sur le continent européen, la forêt française accueille 136 essences différentes, mais aussi 72 % des espèces de la flore française, 73 espèces de mammifères et 120 espèces d’oiseaux. Une exploitation pondérée, respectant animaux et végétaux, s’impose donc.
C’est surtout dans l’espace guyanais que l’enjeu de biodiversité apparaît considérable. Partie du grand massif amazonien, la forêt primaire recèle près de 10 000 espèces végétales dont 1 000 essences d’arbres, 1 200 espèces de vertébrés dont 685 espèces d’oiseaux, et 400 000 espèces d’insectes soit entre 10 et 20 % du total inventorié dans le monde. C’est un véritable trésor, environnemental certes mais aussi susceptible de trouver une valorisation économique, qu’il convient de préserver.
Cependant, la protection d’un massif forestier ne doit aucunement équivaloir à sa mise sous cloche et au bannissement de toute forme d’activité économique. Une forêt vit d’autant mieux qu’elle est entretenue, que les bois morts sont coupés, qu’elle fait l’objet d’une surveillance. En région PACA, une activité forestière plus intense limiterait probablement les risques d’incendie estival, tandis qu’une prolifération anarchique de la ressource met les massifs comme les populations à la merci du moindre accident.
Augmenter les récoltes permet d’adapter les peuplements aux besoins locaux et ne compromet aucunement la biodiversité. Cette approche est confirmée par la direction régionale guyanaise de l’office national des forêts. Dans un milieu particulièrement riche et fragile, une bonne connaissance des milieux permet de cibler avec précision quels sont les arbres qui peuvent – et doivent – être abattus pour la meilleure santé de la forêt.
Sur ce point, le débat s’est focalisé sur la question des rémanents, sous-produits non marchands qui restent sur le parterre de la coupe après son exploitation – branches et cimes notamment. La croissance de la filière du bois-énergie donne à ces résidus une valeur économique qui pourrait conduire à leur récolte systématique. Or les rémanents sont les parties de l’arbre les plus riches en minéraux. Leur décomposition progressive fournit de la nourriture à une faune spécifique dite saproxylique, de la matière organique ainsi que des minéraux essentiels à la fertilisation des sols et au renouvellement de la forêt. Leur récolte conduirait à un appauvrissement du milieu et à une érosion des sols, alors même que leur pouvoir calorifique est pauvre et que leur collecte suppose une logistique énergivore.
Les associations environnementales sont fermement opposées à la récolte des rémanents quand les propriétaires forestiers pourraient y voir une source de revenu supplémentaire. En outre, les rémanents présenteraient un potentiel global de 2,2 Mtep. Selon l’ADEME, la décision de procéder à leur collecte doit découler d’une analyse stricte du milieu forestier. Le guide La récolte raisonnée des rémanents en forêt, publié par l’Agence en 2006, a édicté des bonnes pratiques à destination des forestiers. Les sols de faible sensibilité (riches en minéraux et de texture argileuse ou limoneuse) autorisent une récolte des rémanents sans restriction dans les massifs de feuillus et deux fois dans la vie du peuplement pour les résineux. Les sols de sensibilité moyenne permettent une seule récolte de rémanents dans la vie du peuplement, une collecte supplémentaire nécessitant l’usage de fertilisants extérieurs en compensation. Enfin, les sols de sensibilité forte, à faible richesse minérale de texture limoneuse ou sableuse, n’autorisent aucune récolte de rémanents sans fertilisation compensatoire.
Assurer la permanence de la fertilité des sols constitue un objectif majeur. L’atteindre suppose le respect de l’équilibre entre composantes du milieu et la prise en compte du caractère éminemment vivant, donc fragile, des écosystèmes. Ceci requiert de leur restituer une partie de la biomasse produite afin de favoriser le renouvellement de la matière organique et minérale dont les micro-organismes du sol ont besoin et de fournir aux plantes les éléments nutritifs dont elles ont besoin pour leur croissance. Il n’existe pas d’obstacle à une collecte intelligente des rémanents, respectueuse de la forêt et de la biodiversité qu’elle abrite, lorsque les circonstances le permettent. On serait toutefois en droit d’attendre de l’ADEME une révision de son guide de 2006, sauf à ce qu’elle considère les questions comme les réponses inchangées avec le temps.
Quoi qu’il en soit, l’accroissement naturel non valorisé des massifs français devrait permettre, pour l’heure, de ne pas considérer les rémanents laissés en forêt comme un handicap insurmontable pour le développement de la filière française du bois.
2. La biomasse, puits de carbone
La forêt constitue un maillon essentiel de la transition engagée vers des économies décarbonées. À côté des différentes politiques visant à limiter les rejets de carbone, la protection des massifs permet d’en diminuer la concentration dans l’atmosphère. Une forêt en pleine croissance peut absorber, suivant sa composition et les conditions climatiques, entre 11 et 37 tonnes de CO2 par hectare et par an. Alors que la France émet 540 millions de tonnes de CO2 chaque année, sa forêt permet la séquestration de 12 % de ce volume. Le stock total capturé dans la biomasse forestière métropolitaine dépasse les 2,5 milliards de tonnes de carbone. Un hectare de sol forestier retient en outre 79 tonnes de carbone, soit pratiquement le double des autres sols. Les forêts absorbent globalement plus de CO2 qu’elles n’en émettent par la déforestation et le drainage des forêts marécageuses. On parle de « puits de carbone ».
À nouveau, on pourrait déduire de cet apport de la forêt française à la lutte contre le changement climatique que rien n’est plus important que la préservation complète des surfaces boisées et la poursuite de leur expansion. L’erreur serait immense.
D’une part, il est admis qu’un arbre jeune séquestre davantage de carbone qu’un arbre plus âgé. Il est donc pertinent, pour une plus grande capture de CO2, d’entretenir les forêts et de procéder à des coupes régulières pour renouveler les peuplements. Par ailleurs, les scénarii tracés dans la perspective d’un changement climatique prévoient pour la France une hausse de la température estivale, un déficit hydrique en été, et une fréquence accrue des événements extrêmes – canicules, sécheresses, inondations. Ces modifications exposeraient la forêt métropolitaine à un risque plus important d’incendies et de tempêtes, et précipiteraient son dépérissement sous l’effet des parasites. La préservation de la fonction de puits de carbone passe par une gestion forestière proactive, anticipant le changement climatique, en modifiant la composition des espèces des peuplements menacés, la fréquence des récoltes et les volumes de bois prélevés.
D’autre part, c’est la combustion du bois qui libère le CO2 préalablement séquestré, non l’abattage des arbres. Un usage accru du matériau bois dans la construction, par exemple, permet un stockage du carbone sur plusieurs décennies. Il est donc pleinement compatible avec les principes du développement durable, et tout à fait conforme à la transition écologique de l’économie.
Source : France Bois Forêt
La forêt française peut être mise à contribution pour le verdissement du bouquet énergétique national. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’elle ne saurait être seulement un gigantesque réservoir d’énergie. De nombreuses utilisations sont faites du bois, comme des autres sources de biomasse-énergie. Beaucoup sont exclusifs les uns des autres. Mais parce que tous ne trouvent pas une valorisation économique immédiate par le marché, il importe que les pouvoirs publics édictent une hiérarchie des usages propres à satisfaire à la fois l’activité des acteurs industriels et l’impérieuse nécessité d’une protection de l’environnement.
C.— UNE NÉCESSAIRE COMPLÉMENTARITÉ DES USAGES
Il n’est aucunement illégitime de consacrer une part significative des ressources nationales en biomasse à un usage énergétique. En 1930, six millions d’hectares – un quart de la surface agricole utile – étaient réservés à l’alimentation des bêtes de somme, donc à la conversion de biomasse en énergie musculaire. De nos jours, ce sont toujours 500 000 hectares qui sont occupés par des cultures à vocation non alimentaires telles que le lin, le chanvre ou encore les plantes médicinales. Et la biomasse récoltée est utilisée par de multiples secteurs de l’économie.
Où va la biomasse récoltée ?
Source : CGEDD/CGEIET/CGAAER
1. Le bois-énergie, un usage parmi d’autres
La filière bois française emploie près de 400 000 personnes pour un chiffre d’affaires annuel total de 40 milliards d’euros. Les 40 millions de mètres cube de bois récoltés chaque année se partagent grossièrement pour une moitié en bois d’œuvre, pour un tiers en bois d’industrie, et pour le restant en bois-énergie. Cette répartition de la ressource suit une logique. La forêt doit prioritairement produire du bois d’œuvre : celui-ci offre une plus grande valeur ajoutée qui est seule à même de soutenir l’investissement forestier. Il permet aussi le stockage du carbone en grande quantité. Mais la forêt française compte 70 % de feuillus quand les bois les plus recherchés par les opérateurs économiques sont les résineux.
L’analyse des prix du bois sur les marchés soutient cette approche. La tonne de bois est valorisée à 36 euros dans les fabriques de panneaux, 41 euros dans les usines de papier, mais 85 euros par l’industrie du bois d’œuvre.
Une hiérarchie des usages s’impose. Les arbres abattus sont vendus comme bois d’œuvre pour les parties les plus nobles, comme bois d’industrie pour les sections intermédiaires, et comme bois-énergie pour les fragments inutilisables par ailleurs. Cette rationalisation permet un cycle complet, économiquement rentable et cohérent du point de vue de la séquestration du carbone.
Deux difficultés se posent toutefois : la première tient à la faiblesse des industries de transformation installées sur le territoire au regard de la ressource disponible, la seconde tient plus spécifiquement au développement de la filière du bois-énergie.
Le débouché des bois d’œuvre ne semble plus assuré au vu des exportations réalisées chaque année, et le marché des bois d’industrie recule régulièrement – quand il n’est pas totalement absent de la région d’exploitation. Ainsi, le secteur de production de pâte à papier a reculé de près d’un tiers lors des dix dernières années. Les restructurations fortes libèrent des volumes mais bouleversent l’équilibre de la filière : ainsi, quand l’usine papetière M-Real d’Alizay a provisoirement arrêté sa production en avril 2012, plusieurs centaines de milliers de tonnes de bois ont perdu leur destination.
La tentation est alors grande d’employer la biomasse forestière française comme combustible dans les chaufferies et les centrales du territoire. En effet, même si le bois-énergie correspond traditionnellement à la fraction la moins noble et la moins valorisable de l’arbre, les soutiens publics octroyés à la production d’énergie verte sont en passe de changer la donner. Les auditions ont montré que le prix du bois-énergie peut atteindre 45 euros la tonne, soit une valeur déjà supérieure à celle du bois d’industrie et qui se rapproche de celle du bois d’œuvre. Cette situation apparaît particulièrement délicate, surtout si le prix du bois-énergie venait à se corréler à celui des hydrocarbures.
D’une part, l’industrie du bois d’œuvre ne suffit pas à hausser la collecte de bois au niveau de l’accroissement naturel de la forêt française. Il est donc nécessaire de mobiliser des débouchés pour les autres types de bois, dont le bois-énergie, ce qui devrait conduire à une plus grande production forestière. Entre la chaleur, la cogénération, l’électricité et les nouvelles générations de biocarburants, l’objectif de progression assigné à la biomasse forestière pour atteindre l’ambition du Grenelle de l’environnement dépasse 10 Mtep – et 7 Mtep si on fait aux biocarburants un sort spécifique. La nécessité d’accroître la collecte de bois se heurte à la faiblesse des prix du marché. Selon un calcul de l’ADEME, aux conditions économiques actuelles, il sera possible de fournir près de 4 Mtep supplémentaires. Si les prix doublent, sans préjudice des conséquences sur les filières, ce sont 6,3 Mtep qui deviendront économiquement accessibles – soit quasiment l’objectif assigné pour 2020. De plus, il est à noter que les exportations – la France apporte par exemple le cinquième des grumes de feuillus importés en Chine – signifie une perte sèche pour la filière française, d’autant plus regrettable que les forêts ont été grandement financées par les fonds publics au cours des précédentes décennies.
D’autre part, il semble peu pertinent du point de vue environnemental de diriger une part toujours croissante de la récolte de bois vers des chaufferies et des incinérateurs, puisque la fonction de séquestration du carbone serait amputée d’autant. En outre, l’usage unique de la ressource signifierait un affaiblissement des autres secteurs industriels, avec des conséquences très négatives en termes d’emploi et de balance commerciale, et une absence de mutualisation des coûts dans l’exploitation sylvicole. Enfin, couper du bois pour ne produire que du bois-énergie reviendrait à cultiver du blé pour ne produire que de la paille.
Il est normal que les aides publiques destinées à soutenir la filière aient un impact sur les marchés de bois, mais il faut éviter qu’ils aboutissent à la déstabilisation de la filière. Des partenariats sont à définir pour édifier les installations de bois-énergie dans le respect des territoires et des entreprises qui l’occupent, dans une approche gagnant-gagnant, qui passe sans doute par un soutien à l’industrie du bois d’œuvre et à sa relance dans l’espace national dans une hiérarchie des usages.
En outre, le bois doit être pensé sur la durée de son usage dans une approche dite de « cascade du bois » optimisant l’utilisation dans le temps du bois consommé. Celle-ci procure la meilleure exploitation des ressources en bois du territoire national selon le prisme du développement durable.
2. Nourrir des hommes avant d’approvisionner des véhicules
a) Biocarburants et effet de serre
Les premiers programmes français sur les biocarburants sont consécutifs à la réforme de la politique agricole commune décidée en 1992. L’investissement a connu une accélération forte en 2005, avec notamment la montée en puissance du pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources, puis par la suite avec les investissements d’avenir. L’effet sur la filière a été à la mesure de l’effort consenti, puisque dépendante aux trois quarts de l’étranger auparavant pour les protéines, la France est aujourd’hui autosuffisante à 55 %.
Les biocarburants de première génération ont toutefois soulevé de fréquentes interrogations au cours de la période récente. L’Union européenne s’en est notamment fait l’écho, la Commission proposant un plafonnement à 5% des biocarburants issus de cultures alimentaires pour le calcul de verdissement du bouquet énergétique dans les transports ainsi qu’un suivi des émissions liées au changement d’affectation des sols (CAS).
La directive européenne n° 2009/30/CE, modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, a fixé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre produites sur l’ensemble du cycle de vie des carburants de 10 % en 2020. Selon le droit européen, seuls les biocarburants répondant à des critères conformes aux exigences du développement durable, ou critères de durabilité, pourront bénéficier d’une aide financière pour leur consommation et être comptabilisés pour l’atteinte des objectifs nationaux :
– les biocarburants doivent permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre, du puits à la roue, d’au moins 35 % par rapport aux carburants fossiles et, à partir de 2017, d’au moins 50 % ;
– les biocarburants ne doivent pas être produits à partir de terres riches en biodiversité et de terres présentant un important stock de carbone ou de tourbières. Ces critères s’appliquent également aux biocarburants et aux bioliquides produits à partir de matières premières en provenance de pays tiers.
Beaucoup appellent, cependant, à durcir ces critères en prenant en compte les changements d’affectation des sols indirects, ou CASI. L’effet CASI est estimé par la Commission européenne à 38,4 grammes de CO2 par mégajoule alors qu’une étude française conduite par l’ADEME et l’INRA, publiée en 2012, l’estime en moyenne à 72 grammes de CO2 par mégajoule. Ces nouvelles données remettent sérieusement en cause la protection de l’environnement induite par les biocarburants. La Commission européenne a proposé un plafonnement à 5 % les biocarburants produits à partir de biomasse alimentaire. À l’échelon français, cela correspondrait à une baisse au regard du niveau actuel (environ 7 %). En revanche, sur le marché européen, une marge de progression demeure pour les industries françaises.
Selon une publication de mars 2013 du Conseil général du développement durable, les valeurs d’émission de gaz à effet de serre liées au changement d’affectation des sols s’effectueraient selon la distribution suivante. Dans 26 % des cas, elles sont supérieures aux émissions associées aux carburants fossiles de référence. Dans 44 % des cas, elles représentent plus de 65 %. Dans 54 % des cas, elles équivalent à plus de la moitié des émissions des carburants fossiles. Il apparaît que la betterave est la culture la moins émettrice de gaz à effet de serre, puisque la moins propice à un changement d’affectation des sols, suivie du blé, puis de la canne à sucre, puis du colza, puis du maïs. La palme, le tournesol et le soja sont les sources de biocarburant estimées les plus néfastes à la lutte contre les émissions de CO2.
Toutefois, les biocarburants conservent l’avantage de territorialiser la production de carburant sur le territoire national, de desserrer la contrainte extérieure et de limiter l’impact d’une fluctuation des cours des hydrocarbures sur la balance commerciale. Ils offrent aussi une activité agro-industrielle et un débouché agricole nouveaux, séduisants en période de crise économique.
b) Biocarburants et captation des terres arables
La France est exportatrice nette de produits agricoles et agro-alimentaires. Le solde positif du commerce extérieur de ces produits a atteint 8,2 milliards d’euros en 2010 – l’agriculture comptant pour un tiers et l’agro-alimentaire pour deux tiers. La France occupe le cinquième rang mondial des pays exportateurs de produits agricoles, forte de ses céréales, de son bétail et de ses légumes ; elle est le quatrième exportateur agroalimentaire grâce à ses vins, ses produits laitiers et ses viandes. Néanmoins, le volume des importations n’a pas un caractère négligeable puisque le pays est respectivement aux septième et cinquième rangs dans ces deux secteurs. Il existe donc des opportunités pour des usages non alimentaires de la biomasse agricole même si la compétitivité globale de l’agriculture française semble régresser au cours de ces dernières années
La situation s’avère plus délicate si l’analyse est élargie à l’Union européenne. L’Europe importe l’équivalent de 29 millions d’hectares de production agricole, notamment du soja, du riz, des huiles et de la viande. Les produits tropicaux, forcément acquis hors des frontières, sont exclus de ce chiffre. Ainsi, chaque fois que le continent européen consacre un hectare à la culture de biocarburants, il provoque l’importation d’un hectare de production agricole.
Selon le Conseil général du développement durable, la culture du colza et de tournesol en France pour la production de biodiesel s’est fortement développée au détriment des protéagineux et des jachères. La conversion de terres non agricoles en terres agricoles a été très faible. Les importations d’huile de palme et de soja sont probablement à l’origine de mises en culture importantes, notamment en Asie du sud-est et en Amérique latine.
Par ailleurs, le rendement énergétique des biocarburants dépend des cultures à partir desquelles ils sont fabriqués.
En ce qui concerne l’éthanol, le rendement est très bon à partir de la canne à sucre, mais celle-ci est une denrée rare en Europe. Le rapport énergétique est plus limité avec de la betterave et du blé, de sorte qu’il est peu réaliste de fonder une production industrielle durable. En revanche, il est possible d’y voir un instrument de stabilisation des prix des matières premières agricoles : la transformation de blé et de betterave en biocarburant devient un moyen de dégagement en cas d’excédent sur le marché, même si elle ne permet pas une utilisation optimale de l’outil industriel.
Quant au biodiesel, son rendement énergétique légèrement supérieur à celui de l’éthanol ne lui permet cependant pas de trouver une rentabilité sur les marchés en l’absence de soutien public. Sa fabrication à partir du colza génère des tourteaux utiles à l’alimentation du bétail. Mais son rapide développement n’est pas exempt d’effets pervers. Les rotations accélérées conduisent à l’emploi accru d’insecticides pour éloigner les moustiques. La quasi-totalité de l’huile de colza française désormais transformée en biodiesel, l’industrie agroalimentaire lui substitue des importations d’huile de palme pour la consommation humaine. Or cette dernière susciterait une importante hypercholestérolémie. La filière des biocarburants suscite donc une situation paradoxale dans laquelle l’huile de colza, produite en France et de très bonne qualité pour la consommation humaine, alimente les véhicules, tandis que les populations consomment de l’huile de palme, de qualité sanitaire inférieure et importée de l’étranger.
Les marchés de l’alimentation et de l’énergie sont fortement élastiques et substituables, de sorte que l’évolution de l’un provoque facilement un effet sur l’autre. Les personnes auditionnées se sont montré tout à fait conscientes de cette situation en estimant le débouché alimentaire prioritaire, et la production de biocarburants subsidiaire. Eu égard aux fluctuations importantes des marchés agricoles, il n’est pas inutile que les agriculteurs français disposent avec l’industrie des biocarburants d’un débouché alternatif pour leur production en cas de crise prolongée. Toutefois, il est certain que l’agriculture a pour mission de nourrir des hommes et des femmes plutôt que des véhicules. Il convient de maintenir à son niveau actuel la production française de biocarburants, de façon à sécuriser les ressources foncières. Le premier alinéa de l’article 31 de la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 conserve toute sa pertinence : « La vocation première et prioritaire de l'agriculture est de répondre aux besoins alimentaires de la population, et ce de façon accentuée pour les décennies à venir. Le changement climatique, avec ses aléas et sa rapidité, impose à l'agriculture de s'adapter, de se diversifier et de contribuer à la réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il est indispensable de préserver les surfaces agricoles, notamment en limitant leur consommation et leur artificialisation. »
Les seconde et troisième générations, sollicitant de la biomasse non-alimentaire, pourront être mises à profit le temps venu pour reprendre la croissance du secteur.
3. Quel approvisionnement pour la méthanisation ?
La filière biogaz ne rencontre pas exactement la même problématique que le bois-énergie. Fondée sur des déchets peu valorisables par ailleurs, qu’il s’agisse des boues d’épuration, des effluents d’élevage, des déchets ménagers ou de toutes autres matières organiques, elle rencontre peu de concurrence de la part d’autres opérateurs économiques pour s’assurer la matière première nécessaire à son activité.
La grande difficulté demeure celle de la collecte même si, depuis le 1er janvier 2012, les gros producteurs de déchets fermentescibles – collectivités territoriales comprises – sont tenus de les faire traiter en vue de faciliter leur retour à la terre sous forme d’amendements organiques.
Un risque existe cependant de voir les méthaniseurs se tourner vers des matières propres et facilement accessibles de préférence aux déchets qu’ils peinent à collecter, comme cela se produit à l’étranger. Le calcul des performances énergétiques plaide d’ailleurs en ce sens. En effet, le pouvoir méthanogène des gisements est très dissemblable. Le lisier et le fumier bovins libèrent respectivement 25 m3 et 45 m3 de CH4 par tonne, quand le maïs ensilé – culture énergétique – atteint 190 m3 et les déchets de cuisine 265 m3. Dans les premiers cas, des apports complémentaires de carbone peuvent être nécessaires à la bonne méthanisation, par exemple sous forme de paille.
On pourrait retrouver le risque d’un changement d’affectation des sols, constaté avec les biocarburants de première génération, pour approvisionner plus facilement et plus efficacement les méthaniseurs.
Pour les raisons exposées précédemment, cette option doit être résolument combattue. Elle n’a d’ailleurs pas été abordée par les organismes auditionnés, qui ont semblé parfaitement en phase avec la politique française visant à faire de la méthanisation une réponse à l’accumulation des déchets et à la production naturelle de méthane par les décharges. Il convenait toutefois de l’écarter résolument, de crainte de voir prochainement importée en France cette singulière caractéristique du modèle allemand. La réglementation actuelle est cohérence avec ce constat, puisque le recours aux cultures dédiées ne permet pas de bénéficier des aides à l’investissement et à la production de biogaz.
D.— LA QUESTION DE LA RENTABILITÉ
La biomasse-énergie est un secteur industriel qui ne peut exister en l’absence de rentabilité. Confrontée aux coûts bas des filières concurrentes, qu’il s’agisse du chauffage au gaz ou de l’électricité nucléaire, elle repose sur le soutien des pouvoirs publics et recherche les moyens d’accroître sa compétitivité économique. Il convient de s’assurer que cette démarche légitime n’entre pas en contradiction avec les principes du développement durable.
1. Un soutien public à l’appui de la filière
Le secteur requiert des investissements lourds, qui rendent nécessaire un accompagnement public pour boucler les projets. La rentabilisation d’un méthaniseur serait seulement acquise au bout de huit à dix années de fonctionnement.
L’engagement de l’État en faveur de la biomasse-énergie passe par une multitude d’actions de nature très diverses, ciblant chacune des filières, chacun des usages et chacun des opérateurs. Il en résulte une cartographie particulièrement éclatée de l’action publique, sans même évoquer l’éligibilité à des dispositifs généraux comme les certificats d’économie d’énergie.
a) Un Fonds Chaleur sous-alimenté
Le Fonds Chaleur renouvelable constitue un outil de subvention essentiel à la filière. Créé en janvier 2009 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, il permet à l’ADEME d’allouer des aides aux collectivités et aux entreprises qui souhaitent s’équiper de systèmes de production de chaleur utilisant les énergies renouvelables ou valorisant la chaleur de récupération. Il concerne donc à la fois le bois-énergie et le biogaz, mais aussi d’autres technologies comme le solaire thermique et les pompes à chaleur.
Ses trois premiers exercices ont vu le Fonds Chaleur subventionner plus de 1 600 installations énergétiques soit 790 Ktep chaque année. Sur la base d’une durée de vie de vingt ans des équipements financés, une tep est produite pour environ 40 euros, soit un coût de revient performant : 1 MWh soutenu par le Fonds Chaleur coûte 3,40 euros à la puissance publique. Le dispositif améliore également la balance commerciale en limitant les importations d’énergies fossiles. Les installations financées entre 2009 et 2011 feront économiser plus de 240 millions d'euros par an au tarif 2010, si l’on en croit les calculs effectués par le syndicat des énergies renouvelables, somme qui croît en proportion des installations réalisées. Enfin, le Fonds Chaleur a permis la création de 5 000 emplois pérennes.
Le Fonds Chaleur contribue à la limitation du coût de l’énergie puisque l’aide allouée dépend de la chaleur produite par l’installation subventionnée. Cette aide doit permettre à la chaleur renouvelable d’être vendue à un prix inférieur d’au moins 5 % à celui de la chaleur produite à partir d’énergie conventionnelle, ce qui garantit des projets performants sur le plan énergétique
Le Fonds Chaleur concourt aussi à l’activité de la filière bois en renforçant la demande de combustibles. Les appels à projets annuels exigent des taux minimum d’incorporation de plaquettes forestières. Le Grenelle a fixé un objectif de 3,8 Mtep supplémentaires pour la chaleur biomasse à l’horizon 2020. Si 60 % de cet objectif est réalisé à partir de plaquettes forestières, les installations biomasse du Fonds Chaleur injecteraient chaque année 500 millions d'euros dans l’économie forestière.
Le Fonds se signale par un double pilotage national et local. Un appel à projets annuel est lancé pour des équipements produisant plus de 1 000 tep à destination des entreprises ; il est géré par l’ADEME à l’échelon central. Les autres projets, de toutes tailles et présentés par toutes sortes de maîtres d’ouvrage, sont suivis par les directions régionales de l’Agence.
Cette dynamique est aujourd’hui en péril. L’enveloppe budgétaire de 1,2 milliard d’euros sur trois ans allouée au Fonds Chaleur a finalement été étalée sur cinq ans, jusqu’à 2013. Alors qu’une montée en puissance continue apparaît nécessaire pour honorer les objectifs assignés, le Fonds Chaleur semble une victime de l’austérité budgétaire. Doté de 160 millions d'euros en 2009, de 257 millions d'euros en 2010, il ne disposait plus que de 250 millions d’euros en 2011, 235 millions d’euros en 2012 et 220 millions d’euros en 2013. Ainsi que l’écrivait le rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale, M. Marc Goua, dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, « le fonds chaleur devient le parent pauvre de la politique énergétique, alors qu'il soutient des projets dont l'efficacité énergétique est souvent remarquable. »
Le développement de la filière ne lui permet pas encore de se passer du Fonds Chaleur. Plus de 4,15 Mtep de chaleur restent à produire sur la période 2013-2020. La réalisation de cet objectif nécessite une dotation d’une ampleur double de son niveau actuel. Toutefois, il y a lieu de se réjouir de l’annonce ministérielle selon laquelle le Fonds Chaleur sera pérennisé pour les années à venir.
b) Des tarifs d’achat très adaptés
Les tarifs d’achat sont adaptés aux filières matures, pour lesquels les coûts de production sont relativement connus et stables, et pour lesquels les sites potentiels de développement sont nombreux, avec des conflits d’usages limités. Fondés sur l'article L. 314-1 du code de l’énergie pour l’électricité, et sur l’article l’article L. 446-2 du même code pour le biométhane, ils concernent la plupart des filières renouvelables, dont les différentes filières de biomasse-énergie qui font l’objet d’arrêtés spécifiques précisant le montant des tarifs et les conditions d’éligibilité, pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie et de la Commission de régulation de l'énergie. Les organismes responsables de l'obligation d'achat sont EDF ou les entreprises locales de distributions. pour l’électricité, et l’ensemble des fournisseurs pour le biométhane. Dans ce dernier cas, les producteurs sont garantis de pouvoir contractualiser avec un fournisseur grâce à la désignation d’un acheteur de dernier recours.
Le surcoût lié à l’achat de l'électricité est financé par la contribution au service public d'électricité (CSPE) payée par les consommateurs d'électricité. Le surcoût lié à la biomasse s’établit à 116 millions d’euros en 2013 pour 285 MW ; il devrait atteindre 1,2 milliard d’euros pour 1,9 GW en 2020.
Les tarifs d'achat ont vocation, conformément à la loi, à assurer une rentabilité normale aux capitaux investis et sont revus périodiquement afin de rester en adéquation avec la baisse des coûts de production induite par les avancées technologiques. Ce point revêt une importance capitale puisqu’un tarif d’achat trop haut ne manque pas de susciter une bulle spéculative, ce qu’a connu le photovoltaïque en 2010.
Concernant les spécifications techniques, les tarifs d'achat sont modulés en fonction de critères de performance : c'est le cas pour la biomasse où une prime à l'efficacité énergétique, ainsi qu'une prime selon le type de biomasse utilisée, peuvent être accordées. Le calcul du soutien public à la biomasse à travers les tarifs d’achat fait donc l’objet d’un réglage très fin, qui le rend difficile à exposer sommairement.
Source : MEDDE
Le surcoût lié à l’achat de du biométhane est financé par la contribution à l’injection de biométhane (CIB) payée par les consommateurs
Le tarif d’achat du biométhane – injecté dans le réseau – aura un impact estimé de 200 millions d’euros par an à compter de 2020, soit une hausse de 0,66 % de la facture du consommateur. Son coût en 2013 est estimé à seulement 737 000 euros dans la mesure où seule l’installation de Lille injecte suite à la mise en place du cadre réglementaire fin 2011.
Pour les installations de stockage de déchets non dangereux, les tarifs d’achat du biométhane injecté sont compris entre 4,5 et 9,5 centimes par kilowattheure selon la taille de l’installation. Pour les autres unités de méthanisation, les tarifs d’achat du biométhane injecté se composent d’un tarif de base comprise entre 6,4 et 9,5 centimes par kilowattheure selon la taille de l’installation, auquel peut s’ajouter une prime calculée en fonction de la nature des matières traitées par méthanisation utilisés. Cette prime est comprise entre 2 et 3 centimes si les intrants sont composés exclusivement de déchets ou de produits issus de l’agriculture ou de l’agro-industrie. Elle est de 0,5 centime s’ils sont exclusivement composés de déchets ménagers. En cas de mélange, la prime est pondérée, calculée au prorata des quantités d’intrants utilisés par l’installation. Un tarif dit « double valorisation » a été récemment promulgué pour les installations qui valorisent le biogaz pour partie en électricité, par cogénération, et en biométhane pour la partie restante.
Quant à la production d’électricité, les tarifs d’achat sont détaillés dans le tableau suivant qui fait apparaître, à côté de chaque filière, la date de l’arrêté correspondant, la durée de l’obligation d’achat et les montants du tarif associé.
Le cas de l’électricité produite à partir du biogaz est le plus détaillé. Le dispositif de soutien a été entièrement rénové en 2011. Il se décompose en un tarif de base compris entre 11,19 et 13,37 centimes par kilowattheure selon la puissance de l’installation, auquel peuvent s'ajouter une prime à l'efficacité énergétique comprise entre 0 et 4 centimes et une prime pour le traitement d'effluents d'élevage comprise entre 0 et 2,6 centimes.
La prime à l'efficacité énergétique est nulle pour une efficacité énergétique inférieure à 35% ; elle croît jusqu’à son maximum pour une efficacité supérieure ou égale 70%. La prime au traitement d’effluent d’élevage est nulle lorsque la part d’effluents d’élevage est inférieure à 20% ; elle croît jusqu’à son maximum lorsque la part d’effluents est supérieure ou égale 60%.
Puissance |
Tarif de base |
Prime à l'efficacité énergétique |
Prime au traitement d’effluents d’élevage |
Tarif maximum |
≤ 150 kW |
13,37 c |
4 c |
2,6 c |
19,97 c |
300 kW |
12,67 c |
Interpolation linéaire |
18,81 c | |
500 kW |
12,18 c |
17,71 c | ||
1 000 kW |
11,68 c |
0 c |
15,68 c | |
≥ 2 000 kW |
11,19 c |
0 c |
15,19 c |
Le tarif a été conçu en ciblant un taux de rentabilité interne (TRI) situé entre 10 et 11 % pour toutes les tranches de puissance. L’impact estimé sur les consommateurs se monte à 300 millions d’euros par an à compter de 2020, soit une hausse de 1 % de la facture.
La complexité du système est directement liée à la volonté gouvernementale de privilégier certains usages sur d’autres. On se félicitera de la valorisation de la performance énergétique, qui incite les porteurs de projet à maximiser l’efficacité des équipements, et de la prime au traitement des effluents d’élevage, parfaitement compatible avec la gestion des déchets et la pérennité des installations agricoles que doit faciliter la méthanisation. Le soutien affirmé aux équipements de taille humaine renforce la territorialisation de la production de biomasse-énergie.
c) Une participation aux investissements impérative
La méthanisation se caractérise par une grande disparité des coûts d’investissement et de fonctionnement d’un projet à l’autre. Des aides fixées à l’échelon territorial complètent le financement des projets tout en orientant les investisseurs vers les valorisations les plus intéressantes. La responsabilité de ce volet territorial a été confiée à l’ADEME, guichet unique qui structure les demandes de soutien auprès des différentes sources de financement – Fonds Déchets, Fonds Chaleur, plan de performance énergétique des exploitations agricoles, Fonds européen de développement régional, Fonds européen agricole pour le développement rural, agences de l’eau et collectivités territoriales. Ce rôle de pilotage lui permet d’inciter au regroupement de petites installations lorsqu’elle le juge opportun, et d’inscrire les projets dans une logique territoriale au travers de la politique de gestion des déchets. L’Agence peut, aussi, procéder au suivi général de la filière et évaluer au plus juste sa progression.
Par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations intervient au soutien des opérateurs de taille modeste dans le champ des énergies nouvelles. Les engagements de l’année 2012 ont prioritairement porté sur la biomasse-énergie, et les apports déjà consentis représentent une puissance de 692 MW. Comme souvent, l’engagement public se révèle décisif pour « boucler le tour de table » et convaincre les investisseurs privés de la viabilité d’une infrastructure, quand moins d’une demi-douzaine d’acteurs financiers sont présents pour soutenir les projets de taille médiane.
d) Le rôle fondamental du crédit d’impôt dans la politique fiscale
Le crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l'amélioration de la qualité environnementale du logement, qui figure à l’article 200 quater du code général des impôts, est le principal outil d’action en faveur du développement de la biomasse dans le secteur résidentiel individuel. Il permet de récupérer, dans la limite de 8 000 euros pour un célibataire et 16 000 euros pour un couple, une fraction du prix d’achat des équipements. Sept millions de foyers en ont bénéficié entre 2005 et 2011, ce qui a notamment permis de tripler les ventes d’appareils de chauffage au bois entre 2003 et 2009. Toutefois, les coups de rabot successifs sur cette niche fiscale entament progressivement son efficacité.
L’incitation fiscale a permis de relancer le chauffage au bois et, surtout, de remplacer les anciennes cheminées – peu performantes du point de vue énergétique et polluantes au regard de la qualité de l’air – par des équipements plus modernes, que le label Flamme verte a permis de populariser auprès des consommateurs. Lancé par l’ADEME en 2000, cet indicateur classe les appareils en cinq catégories : plus la performance globale de l’appareil est importante, plus le nombre d’étoiles est élevé – de une à cinq. Le nombre d’étoiles associé à chaque appareil est établi sur la base du rendement énergétique, du monoxyde de carbone émis dans l’atmosphère et, depuis 2011, des émissions de particules fines. Dans une démarche d’amélioration constante du parc, Flamme verte ne labellise plus que les équipements de quatre ou cinq étoiles depuis 2012.
Il existe d’autres aides auxquelles peuvent prétendre les particuliers, notamment l’éco-prêt à taux zéro et les subventions de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat.
e) Des appels d’offre peu fructueux
L’édification des équipements les plus importants de production d’électricité à partir de biomasse fait l’objet d’appels d’offres lancés par le Gouvernement et gérés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Le soutien public au travers d’appels d’offres est considéré comme adapté aux filières renouvelables nécessitant un pilotage fort du fait du risque de conflits d’usages. Lorsque les objectifs de puissance installée assignés par la programmation pluriannuelle des investissements électrique ne sont pas atteints, le ministre chargé de l’énergie peut procéder ainsi pour développer de nouvelles capacités.
Les candidats disposent d’un délai minimum de six mois entre la publication du cahier des charges et la date limite de dépôts des offres auprès de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE). Celle-ci est ensuite en charge de l’instruction. Les appels d’offres concernant une production d’électricité renouvelable ont concerné la biomasse à quatre reprises : CRE 1 en 2003, CRE 2 en 2006, CRE 3 en 2009 et CRE 4 en 2010.
Mécanisme de soutien |
Prix moyen des dossiers retenus |
Date limite de mise en service |
Puissance retenue à l’issue de l’appel d’offres |
Puissance en service fin 2012 (en MW) |
Dossiers en cours, non abandonnés (en MW) |
CRE 1 |
85,5 |
17 juin 2006 |
232 |
77 |
0 |
CRE 2 |
128,3 |
1er janvier 2010 |
330 |
93 |
16 |
CRE 3 |
145 |
25 août 2012 |
261 |
37 |
206 |
CRE 4 |
137 |
29 août 2014 |
420 |
Non pertinent |
Non pertinent |
Il faut ici distinguer la théorie de la pratique. En théorie, les appels d’offres permettent de mobiliser les grands groupes autour de l’ambition de transition énergétique à travers la filière biomasse. Ils visent les installations de plus de 12 MW, quand les installations de taille inférieure sont renvoyées vers le tarif d’achat de 147 €/MWh – sans grand succès puisqu’une seule ouverture a été possible sous l’empire du tarif institué en 2011, pour une capacité de 12 MW. Un seul appel d’offres CRE correspond ainsi, en volume d’énergie, à cinq ans d’activité du Fonds Chaleur.
En pratique, sur les trois premiers appels d’offres lancés par la CRE, à peine un quart des projets semblent devoir se réaliser. Le taux de chute est important en raison de la rigidité du cahier des charges sur les modifications du plan d’approvisionnement, ce que CRE 4 devrait pouvoir rectifier, mais qui provoque un retard sensible dans la poursuite des objectifs assignés pour 2020.
Les appels d’offres CRE sont également cible de critiques en raison du dimensionnement des projets sélectionnés. Ce point sera abordé plus avant.
2. Biomasse-énergie et non biomasse-électricité
Il est de coutume de constater, dans les débats relatifs à la transition énergétique, que l’électricité mobilise les trois quarts des arguments alors qu’elle ne représente qu’un quart de la consommation finale nationale d’énergie. La tentation pourrait être grande d’orienter la biomasse-énergie vers la seule production électrique, par exemple en convertissant le biogaz produit par méthanisation au moyen de turbine.
Il convient de faire état des rendements énergétiques des différentes voies de valorisation de la biomasse, communiqués par le pôle de compétitivité Capenergies. Ils ont été confirmés par les énergéticiens interrogés.
Le rendement d’une installation de combustion de biomasse fluctue entre 80 et 90 % lorsque l’objectif est de produire de la chaleur. Il est très légèrement inférieur dans une installation de cogénération. Le rendement de la production électrique s’établit bien en-dessous, entre 15 et 35 % suivant les techniques employées.
Un traitement thermochimique permet d’accéder à des rendements comparables à ceux de la combustion pour l’électricité, et inférieurs de 15 à 20 % dans la production de chaleur et la cogénération.
La fabrication de biocarburants offre un taux de rendement compris entre 30 et 40 %.
Enfin, la conversion de biomasse en énergie par l’intermédiaire de biogaz présente un rendement de 40 à 50 % lorsqu’il est utilisé pour produire de la chaleur. Le taux varie de 38 à 45 % en cogénération, et de 30 à 35 % dans une utilisation en biométhane carburant. La conversion électrique est moitié moins performante, puisque le rendement chute alors entre 17 et 20 %. On rappellera toutefois que ces chiffres relativement faibles s’expliquent par la présence d’un coproduit, le digestat, qui participe au maintien de l’humus des sols et qui est susceptible de trouver une valorisation économique dans le secteur agricole.
Il semble donc que, dans le respect des principes du développement durable et conformément à l’ambition nationale d’économie des ressources énergétiques, la valorisation de la biomasse sous forme de chaleur doive être privilégiée, éventuellement sous la forme de cogénération. Elle offre les taux de rendement les plus élevés. De surcroît, elle permet une meilleure territorialisation de l’activité : comme les puits de chaleur ne sont utilisables que sur des distances raisonnables, donc dans des volumes maîtrisés, limitant l’approvisionnement des installations et la création d’emploi au périmètre local.
L’usage électrique exclusif de la biomasse, moins rentable dans l’absolu, peut se justifier en raison de conditions particulières dans une analyse cantonnée au marché électrique. À proximité de la ressource, dans une région souffrant d’un manque d’installations de production pouvant mettre en péril la sécurité des réseaux, il serait éventuellement pertinent de recourir à une centrale biomasse électrique. Les installations de grande taille – plusieurs dizaines de mégawatts – présentent aussi l’avantage d’économies d’échelle et de structuration de la filière amont par des contractualisations de long terme sur des volumes importants. Elles sécurisent enfin une offre électrique pérenne à un coût stable, indépendant des variations du marché des hydrocarbures.
3. Le cas des cultures dédiées
Comment faire face à la demande croissante en biomasse ? Cette question mobilise les scientifiques qui envisagent de résoudre la difficulté par un recours à des cultures énergétiques dédiées. Si elles provoquent un changement d’affectation des sols, il ne s’agit cependant pas de biomasse alimentaire comme dans le cas des biocarburants et du maïs ensilé destiné à la méthanisation.
Les auditions ont permis d’évoquer les taillis à courte rotation (TCR), La particularité du TCR est une périodicité des coupes très fortement raccourcie, entre quatre et dix ans, dans le but de produire le maximum de biomasse en un minimum de temps. Les essences employées doivent alors présenter une vitesse de croissance exceptionnelle. C’est notamment le cas du peuplier, du saule ou encore de l’eucalyptus. Il existe également des taillis à très courte rotation (TTCR) pour lesquels la révolution est réduite à deux ou trois ans.
La méthode permet plusieurs cycles de production et de récolte en un temps très court. Elle présente aussi l’avantage de fournir une biomasse homogène récoltable de façon mécanisée. En outre, parce qu’elle suppose des replantages fréquents, elle permet d’employer toujours la variété d’arbre la plus performante et la moins consommatrice d’engrais : des chercheurs de l’INRA sont parvenus à un hybride capable de produire jusqu’à douze tonnes de matière sèche par hectare et par an, contre 6,7 en moyenne pour une forêt de peupliers. Enfin, la technique présente un intérêt dans la dépollution des sols.
La recherche est séduisante ; toutefois elle se heurte aux objections précédemment formulées à l’encontre des biocarburants. Des chercheurs de l’Université britannique de Lancaster estiment que 72 millions d’hectares de cultures et de prairies de l’UE utilisés pour la production de bioénergie seront transformés d’ici à 2020 en taillis à courte rotation pour produire du bioéthanol, avec pour conséquences des pertes annuelles de production de 7,1 millions de tonnes de blé (3,5 % de la récolte) et 800 000 tonnes de maïs (1 %). En outre, les cultures ligneuses à rotation rapide utilisant le peuplier, le saule ou l’eucalyptus émettent des quantités importantes d’isoprène, un composé volatil qui produit de l’ozone une fois combiné avec d’autres polluants atmosphériques. Or l’ozone est éminemment toxique pour l’être humain, la faune et la flore.
Durant les auditions, le cas du miscanthus a également été mentionné comme potentielle culture énergétique dédiée. D’un point de vue énergétique, les études révèlent un rendement trois fois supérieur à celui du blé. Le miscanthus a la particularité de produire beaucoup et rapidement, y compris sur les terres peu fertiles, sans entamer le taux de matière organique des sols. Cette plante pourrait trouver sa place dans des terres peu fertiles, peu ou pas utilisées, malgré des rendements limités.
Vos rapporteurs n’ont guère d’attrait pour les cultures dédiées. Si leur recours peut être justifié par des circonstances locales, l’éviction des cultures alimentaires des terres arables n’est jamais souhaitable. Elles peuvent servir à équilibrer le budget des agriculteurs en période de crise transitoire, mais il convient d’éviter qu’elles deviennent un produit d’exploitation cultivé en tant que tel.
Il en va autrement des cultures intermédiaires, qui présentent un double dividende environnemental puisqu’elles relèvent des bonnes pratiques agroécologiques, et qui sont défendues tant par les professionnels de l’énergie que par la profession agricole.
TROISIÈME PARTIE : UNE STRATÉGIE PUBLIQUE À DÉFINIR
La France figure pour l’heure en bonne place dans le concert des nations européennes productrices de biomasse-énergie, et tout semble concorder pour faire de cette source renouvelable une composante essentielle du bouquet énergétique qui naîtra de la transition écologique. Le territoire forestier, exploité en-deçà de ses capacités pour l’heure, forme un gigantesque réservoir de bois-énergie. La puissance de l’agriculture nationale, qui s’exprime dans ses capacités exportatrices, génère un grand nombre d’effluents qui peuvent se prêter à une méthanisation ou, en cas de surplus inemployé, à une culture de biocarburants.
Production d’énergie primaire à partir de biomasse solide dans l’UE (en Mtep)
La phase de production ne fait donc pas défaut. Quant à l’acheminement de l’énergie produite, s’il est réalisé sous forme d’électricité ou de gaz, la qualité du maillage des réseaux français de distribution permet une injection facile sur tout le territoire. S’il s’agit d’une production de chaleur, limitée à quelques centaines de mètres, la construction du réseau va de pair avec l’édification de l’infrastructure de production.
La biomasse dispose d’un statut particulier parmi les énergies renouvelables. D’une part, elle n’est pas fatale comme l’éolien et le solaire, tributaires du vent et de l’ensoleillement : son fonctionnement peut être programmé dans une perspective d’équilibre des réseaux. D’autre part, elle entretient un lien particulier avec le territoire, car la situation géographique de l’unité de production influe directement sur le coût de revient des installations. Il faut tenir compte de l’énergie et du CO2 nécessaires à la culture, au transport et à la transformation de la biomasse. L’implantation d’un équipement de biomasse-énergie suppose donc la concertation de tous les acteurs locaux, et pas seulement des opérateurs de la filière.
Pour autant, la problématique de l’approvisionnement ne permet pas de considérer que la gestion de la problématique énergétique est parfaite dès lors qu’elle s’opère au plus proche du terrain. Le rôle de l’État reste fondamental, non seulement pour contribuer au financement des installations comme actuellement, mais aussi pour délivrer une vision d’ensemble de la filière assise sur une bonne connaissance de l’état de la ressource, de la disponibilité des réseaux et de la progression des technologies. En dépit des succès des instruments de financement, et du Fonds Chaleur au premier chef, c’est dans cette dernière fonction que la puissance publique a été défaillante jusqu’à présent.
A.— QUEL DIMENSIONNEMENT DES UNITÉS DE PRODUCTION ?
La détermination de la taille adéquate des installations de production d’énergie biomasse correspond au croisement d’une triple analyse.
En premier lieu se trouve le bilan carbone pour l’évaluation des retombées dans la lutte contre le changement climatique. Il est théoriquement toujours favorable dans le cas de la biomasse puisque le gaz carbonique rejeté dans l’atmosphère n’est autre que celui absorbé auparavant lors de la croissance de la plante, de l’arbre ou de le l’organisme méthanisé.
En second lieu se trouve le bilan énergétique, car on sait que le rendement peut varier en fonction de l’approvisionnement de l’unité de production et du type d’énergie produit. Il est cohérent avec les principes du développement durable de chercher systématiquement sa maximisation.
En troisième et dernier lieu, une installation doit faire l’objet d’un bilan économique et social. Sans donner à la création ou à la sauvegarde de l’emploi une valeur primordiale, sinon les investissements ne créeraient qu’une bulle financière et pas une filière viable permettant une production suffisante, il convient d’accorder aux aspects sociaux toute leur importance. L’aspect économique tient à la présence d’entreprises de la filière bois à proximité, qui puissent bénéficier d’une synergie avec l’installation ou au contraire subir sa concurrence pour son approvisionnement, et à l’équilibre général des réseaux sur le territoire. Ainsi, si une région apparaît insulaire en termes de couverture électrique, l’édification de capacités électriques peut avoir du sens.
Il convient de jeter un regard sur les différentes options territoriales ouvertes au développement de la biomasse-énergie. Elles oscillent entre des installations de faible taille, adaptées à une desserte locale et prenant souvent la forme d’une production de chaleur avec ou sans cogénération, et des équipements de plus grande envergure, caractérisés par une production énergétique importante et un approvisionnement massif. Il est plus aisé d’aborder la question à travers la filière du bois-énergie, mais le biogaz connaît des situations similaires entre méthanisations locales et projets médiatiques – comme la « ferme des mille vaches (8) ».
1. Le cas des appels d’offre CRE
La procédure des appels d’offres est spécialement conçue pour la construction des infrastructures de la plus grande taille afin d’effectuer un contrôle a priori sur les plans d’approvisionnement. Il permet théoriquement d’éviter des conflits d’appropriation sur la ressource et, en suscitant une demande conséquente sur un territoire déterminé, de structurer la filière pour une meilleure collecte en mobilisant propriétaires forestiers, cultures dédiées et organismes officiels.
L’importance du taux de chute constaté dans les trois premiers appels d’offres tenait à la rigidité des plans d’approvisionnement. Pour les combustibles autres que la biomasse forestière, ceux-ci ne pouvaient être modifiés qu’à partir de la sixième année du contrat d’achat d’électricité, sous réserve de l’accord préalable du préfet. En cas de manquement aux conditions initiales, l’exploitant devait rembourser une somme correspondant au prix d’achat diminué du coût évité : la perspective de cette situation économiquement intenable a conduit la plupart des porteurs de projets à se retirer devant les difficultés. Avec l’appel d’offres CRE 4, une variation de la proportion d’une composante de l’approvisionnement est acceptée d’office si elle ne dépasse pas 15 %, et requiert l’aval préfectoral au-delà. Si des modifications impliquant une variation de plus de 15 % surviennent moins de trente-six mois après la mise en service, et si elles sont acceptées par le représentant de l’État dans le département, le prix d’achat est diminué de 5 % jusqu’à trois ans révolus d’activité.
Le contrôle des approvisionnements est opéré sur une base déclarative une fois l’unité entrée en fonctionnement, l’exploitant remettant un rapport annuel à l’autorité administrative. Une déclaration frauduleuse entraîne la nullité du contrat d’achat et le remboursement des sommes indûment perçues.
La sollicitation de projets de grande importance permet d’envisager une production exclusivement électrique lorsque l’environnement local n’offre aucune valorisation de la chaleur. Les progrès technologiques autorisent désormais la conception d’unités d’une capacité de plusieurs centaines de mégawatts. GDF-Suez vient d’inaugurer à Polaniec, dans le sud-est de la Pologne, Green Unit, la plus grande unité de production d’électricité au monde intégralement alimentée en biomasse composée de sous-produits issus de l’arboriculture forestière et de l’agriculture. La centrale, d’une capacité de 205 MW, est la première des unités 100% biomasse de très grande taille à fonctionner avec un mix de sous-produits issus de l’arboriculture forestière (80%) et de l’agriculture (20%). Mais son rendement énergétique, présenté comme « de très haut niveau », se limite à 36,5 % – soit un niveau effectivement élevé pour une production exclusivement électrique, mais très faible par rapport à une unité de chaleur ou de cogénération.
Le projet le plus important sélectionné au cours des appels d’offres CRE, le plus emblématique donc, est celui d’une co-combustion biomasse d’une puissance de 150 MW dans la centrale de Gardanne-Meyreuil, dans les Bouches-du-Rhône. Portée par E.ON France pour un investissement estimé à 220 millions d’euros dans une unité thermique vouée à la fermeture, elle permettrait une efficacité énergétique de l’ordre de 40 %.
L’appel d’offres CRE 4 a été marqué par une volonté du Gouvernement de l’époque d’agir fortement en faveur de la biomasse-énergie, de sorte que tous les dossiers présentés ont finalement été retenus. La CRE, qui n’a qu’un rôle technique dans l’instruction des dossiers conformément aux prescriptions du droit européen, a indiqué au cours de son audition avoir pris acte de la décision gouvernementale, même si son classement ne permettait pas d’aboutir aux mêmes conclusions. L’avis de la commission n’a d’ailleurs jamais été publié. La procédure d’installation suit actuellement son cours.
Le projet de centrale se prête à deux analyses, l’une en termes énergétiques et l’autre au regard du plan d’approvisionnement.
Du point de vue de l’équilibre du réseau électrique, le déficit électrique de la région PACA donne de la cohérence au projet. Il permet de garantir une production de base de 1,1 TWh à un prix raisonnable pour soutenir l’équilibre des réseaux sur le territoire.
En ce qui concerne l’approvisionnement, la lecture est plus critique. Le projet de Gardanne nécessitera un million de tonnes de combustible par an dont plus de 85 % de bois (9). Ceci correspond à 2 800 tonnes par jour, soit selon les corps d’inspection ministériels une rotation de poids lourd toutes les deux minutes. Le plan actuel pour la période 2015-2022, qui diffère sensiblement de celui soumis à la CRE, envisage de solliciter la ressource forestière locale pour 310 000 tonnes, de collecter 124 000 tonnes de déchets verts, et d’importer 335 000 tonnes de plaquettes. Le reliquat de combustible serait assuré par 126 000 tonnes de charbon ainsi que par 80 000 tonnes de bois en fin de vie de classe A non pollué (bois propre sans peinture ou verni) et peu pollué de classe B (panneaux agglomérés, bois peint).
L’opérateur affirme que cet amorçage par des importations massives permettra à la filière locale de se structurer, tant dans la production forestière que
dans la collecte des déchets verts, qui ont vocation à évincer les importations en 2025. Le périmètre d’approvisionnement serait alors particulièrement conséquent : d’un rayon de 400 kilomètres, il engloberait les régions PACA, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Auvergne, Aquitaine, Limousin, bourgogne et Franche-Comté, en utilisant pour la production des plaquettes les arbres dont la conformation est insuffisante pour des usages plus nobles. D’autres industriels auditionnés par la mission d’information ont estimé à cent kilomètres la distance au-delà de laquelle un rayon d’approvisionnement devient critique du point de vue environnemental.
Cet effet de structuration de la filière est-il plausible, ou l’installation n’est-elle viable que par la poursuite des importations et par l’assèchement des petits projets alentour ? Il est vrai que le potentiel de production de la région PACA est estimé à 700 000 tonnes annuelles. Si la croissance rapide de la demande a fait comprendre au monde forestier combien les enjeux économiques sont élevés, la construction rapide d’une offre efficace n’est pas pour autant acquise.
Les communes forestières de PACA ont indiqué alimenter actuellement 200 chaufferies par 50 000 tonnes de bois. Malgré la perspective de doubler cette production d’ici 2020, ces installations ont tout à craindre de l’arrivée d’un consommateur majeur adossé à un groupe d’envergure européenne, capable de proposer des contrats de très long terme. Il en va de même pour les industries du bois, et notamment de la papeterie de Tarascon. À supposer que la production puisse satisfaire la demande, il est probable que les conditions tarifaires subissent une hausse importante mettant en péril les équilibres économiques.
Enfin, un grief important adressé aux projets passés par le filtre de l’appel d’offres tient à l’assèchement virtuel des approvisionnements tout au long de la phase d’études. La probabilité de l’émergence d’un foyer de consommation suffit à décourager les investisseurs, redoutant un épuisement de la ressource, alors même que de nombreux dossiers n’aboutiront jamais.
2. Le cas des exploitations locales
À côté des projets de grande envergure, le développement de la biomasse-énergie pourrait également passer par des installations de plus petite taille fonctionnant en circuit court et privilégiant la fourniture de chaleur.
Cette exploitation de la ressource ferait parfaitement sens puisque, d’après le syndicat des énergies renouvelables, le transport représente 20 % du prix d’une plaquette de bois. La minimisation des coûts, comme la performance environnementale, plaident en faveur d’une localisation de la production autour d’unités de quelques centaines de kilowatts, voire d’un ou deux mégawatts. Associé à une supervision de la ressource locale disponible, ce positionnement stratégique permet la livraison d’installations clef-en-main de plusieurs mégawattheures de bois-énergie. La crainte d’un foisonnement incontrôlable, exprimée par la direction générale de l’énergie et du climat, ne semble pas devoir empêcher la bonne structuration de la filière une fois que sera assurée la bonne gestion des approvisionnements.
Le programme « 1 000 chaufferies bois pour le milieu rural » lancé par les communes forestières a apporté aux élus des outils pour planifier, construire et gérer ensemble des chaufferies bois, des réseaux de chaleur ou des plateformes de stockage de combustible. En 2012, sur les douze régions considérées, onze ont mis en place un dispositif. Les 550 chaufferies créées et optimisées dans le cadre du programme consomment 235 000 tonnes de bois chaque année. Avec 235 MW de puissance installée, ces installations évitent de brûler 55 000 tonnes de pétrole chaque année et d’émettre 2 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère tout au long de leur fonctionnement.
Le succès de ces équipements est conditionné à l’édification d’un réseau de chaleur. Ces installations sont relativement peu courantes en France où elles couvrent 6 % de la demande en France – contre 30 % en Pologne, héritage de la vision planificatrice de l’époque soviétique. Il est aussi plus facile de penser collectif au moment de la conception que de construire un réseau autour de locaux déjà aménagés.
3. Le cas des modèles alternatifs
Entre unités massives de production centralisée et chaufferies de taille réduite confiées à un gestionnaire professionnel, la mission d’information a tenu à se déplacer à Embrun (06) afin d’observer l’expérience originale d’un contrôle étendu des collectivités territoriales sur une production de chaleur à partir de bois-énergie.
La ville d’Embrun compte 6 000 habitants et deux réseaux de chaleur alimentés par des chaudières bois d’une puissance respective de 0,5 MW et 2,7 MW, pour un investissement de près de 3,5 millions d’euros cofinancé avec l’ADEME, la région, le département et le FEDER. L’ensemble dessert des bâtiments communaux, des bureaux commerciaux et des immeubles d’habitation accueillant notamment du logement social. Il fournit de la chaleur à 90 euros le mégawattheure, contre 105 euros pour une installation fonctionnant à partir de fioul supérieur.
L’originalité de la démarche tient à sa gestion presque intégrale des opérations par les pouvoirs locaux. La Régie Bois Énergie d’Embrun, créée en 2010, est un établissement public à vocation industrielle et commerciale présidé par un adjoint de la municipalité. L’approvisionnement des chaufferies en plaquettes forestières, augmentées de rebuts de scierie jusqu’à un tiers de l’ensemble, est assuré par la plate-forme bois de la communauté de communes de l’Embrunais dans le cadre juridique d’une régie directe, avec marché de prestation de services de trois ans avec un groupement d’entreprises. Les élus ont indiqué avoir été mus par trois motivations indissociables :
– montrer l’exemple en faveur du développement durable en substituant le fioul ou le gaz par une énergie renouvelable ;
– développer le bois-énergie pour ouvrir un débouché nouveau au bois local, et ainsi soutenir la filière bois dans un territoire forestier ;
– répondre à la préoccupation économique de la commune de rechercher une énergie moins chère pour elle-même et pour les habitants.
Au-delà des craintes de la population à l’encontre du bois-énergie, craintes depuis largement dissipées, la commune s’inquiétait de la faiblesse de la filière bois d’approvisionnement, quasi inexistante en 2002, qui nourrissait les doutes sur un approvisionnement en plaquettes forestières locales et de qualité.
L’opération est un succès. La réussite des réseaux de chaleur catalyse la structuration de la filière bois, ce qui conditionne le développement des chaufferies. Une société coopérative d’intérêt collectif est prévue en juin 2013, à l’initiative de la fédération régionale des communes forestières et d’entreprises locales. Cette structure nouvelle permettra de conforter un développement territorial et de qualité du bois-énergie, depuis l’exploitation forestière jusqu’aux chaufferies, en y associant tous les acteurs. La communauté de communes et la Régie Bois entreront dans cette SCIC.
Il est certain que de tels modèles intégrés ne peuvent voir le jour sans un engagement irréprochable des élus municipaux sur le terrain. Le portage politique semble la première condition de la réussite pour un projet de cette nature, qui rencontre par ailleurs des obstacles règlementaires préjudiciables au développement durable. Il est très contestable que le code des marchés publics proscrive le critère d’approvisionnement local dans les procédures d’appel d’offres, au nom d’une libre-circulation des biens qui provoque une plus grande consommation de carburant et de plus importants rejets de gaz à effet de serre. En outre, il serait bon qu’un promoteur puisse décider le raccordement d’un immeuble comprenant plusieurs habitations à un réseau de chaleur en l’absence d’unanimité des acheteurs en ce sens.
B.— UNE RÉGLEMENTATION PROTECTRICE MAIS FORCÉMENT ÉVOLUTIVE
L’ambition de développer la biomasse-énergie ne doit pas conduire les pouvoirs publics à faciliter sa croissance en levant inconsidérément toutes les dispositions règlementaires qui y font obstacle. Souvent décriées par les opérateurs au cours des auditions, ces prescriptions ont pour sens la protection de l’environnement et des populations. En effet, le recours à la biomasse n’est pas exempt de risques et il ne s’agit pas, au prétexte de répondre à la problématique de la transition énergétique, de générer des situations et des pollutions préjudiciables à la santé humaine. À l’inverse, dans un secteur économique particulièrement innovant, il est impératif que les organismes administratifs apprécient avec célérité les évolutions technologiques de façon à adapter le cadre juridique en conséquence.
1. Une biomasse énergie à contrôler
L’activité de production d’énergie à partir de biomasse doit faire l’objet d’un contrôle par l’édiction de règles strictes pour en limiter les risques et les conséquences néfastes. Il s’agit principalement de la nature des rejets dans l’atmosphère pour la combustion de bois, et de la limitation du risque lié au gaz pour la méthanisation. Ces limitations peuvent être justifiées. D’autres le sont moins.
a) Le bois-énergie et les pollutions de l’air et des sols
En théorie, les produits de la combustion du bois sont uniquement du dioxyde de carbone (CO2) et de l’eau (H2O). Mais le mauvais rendement d’une unité de combustion de bois a un impact négatif sur la qualité de l’air. Cet inconvénient est réduit pour les installations de taille conséquente, destinées à alimenter au moins une trentaine de foyers, qui bénéficient d’investissements plus lourds et de contrôles plus poussés. Mieux vaut donc promouvoir le petit collectif que les équipements individuels.
Certes, contrairement au fioul, au charbon, au gaz ou à l’électricité nucléaire, le bilan carbone du bois est excellent. Mais lorsque le bois brûle, il libère deux groupes de polluants. La première catégorie est constituée de composés organiques volatils, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, d’imbrûlés solides – suies et goudrons – ainsi que de monoxyde de carbone.
Les poussières, ou particules fines, sont la seconde sorte de polluants. On distingue les PM10 (taille inférieure à 10 microns), les PM2,5 et les PM1. Les particules les plus fines s’insinuent dans le système respiratoire jusqu’aux poumons où elles passent dans le sang. Une exposition régulière augmente les risques cardio-respiratoires et l’irritation des voies pulmonaires.
Cette pollution est directement corrélée aux équipements utilisés. Les foyers modernes, labélisés 5 étoiles par le label Flamme verte, retiennent la plupart des émissions liées à la combustion. Or le parc des appareils de chauffage au bois en France est ancien, affichant des rendements moyens inférieurs à 50 %. Le renouvellement s’opère par ailleurs lentement, puisqu’un tiers seulement des appareils vendus remplacent des équipements existants. Quant aux foyers ouverts, ils émettent énormément de particules fines, en sus d’une performance énergétique médiocre. De plus, la combustion de bois humide augmente de deux à quatre les émissions par rapport au bois sec. À titre de comparaison, un feu de broussailles émet jusqu’à 5 grammes de poussières par mètre cube, une cheminée ouverte 400 mg/m3, un poêle à bois performant alimenté de bois sec 45 mg/m3, et une chaudière à granulés récente moins de 20 mg/m3.
Selon une étude du centre scientifique et technique du bâtiment, un insert en allure réduite est responsable d’émissions sept fois supérieures à celles de son allure nominale. Au-delà de la modernisation du parc, une pédagogie des bonnes pratiques d’utilisation est donc nécessaire.
Les poussières fines sont également émises par l’industrie, les transports et l’agriculture. La combustion du bois émet plus de particules fines (notamment les PM1, de taille inférieure à 1 micromètre), et certains autres polluants, que l’ensemble des véhicules diesel, selon les données relatives aux émissions nationales de quelques polluants publiées en avril 2012 par le centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA). L’importance limitée du combustible bois dans la consommation d’énergie finale contraste avec l’importance de sa contribution aux émissions de certains polluants.
Pourcentage en masse |
Part de la |
Dioxyde de soufre (SO2) |
Oxydes d’azote (NOx) |
Composés organiques volatils non méthaniques |
Monoxyde de carbone (CO) |
PM2,5 |
PM1,0 |
Hydrocarbures aromatiques polycycliques |
Dioxines et furanes |
Bois énergie |
3 % |
1,52 |
3,24 |
22,1 |
35,0 |
37,1 |
62,0 |
69,3 |
18,3 |
Fioul domestique |
non disponible |
12,1 |
15,6 |
2,49 |
2,03 |
5,08 |
8,67 |
4,46 |
0,41 |
Gaz naturel |
21 % |
1,56 |
8,43 |
1,78 |
1,05 |
0,59 |
0,93 |
0,15 |
0,81 |
Transports |
31 % |
3,13 |
59,0 |
18,3 |
22,0 |
15,5 |
19,5 |
25,7 |
2,14 |
L’impact du bois-énergie sur la qualité de l’air justifie un objectif de stabilité de la production d’énergie par des appareils individuels à l’horizon 2020. La progression assignée est, ici, davantage qualitative que quantitative : il s’agit de faire aussi bien en polluant beaucoup mois. Les aides à l’investissement, au premier rang desquelles figure le crédit d’impôt « 200 quater », incitent fortement en ce sens.
L’émission de composés et de particules polluantes à l’occasion de la combustion peut également résulter d’une contamination du bois utilisé. Plus largement, les conditions de sylviculture et de collecte peuvent anéantir le bénéfice environnemental d’un recours au bois-énergie. Pour y remédier, la France plaide auprès de l’Union européenne pour une réglementation sur la durabilité, à l’instar des critères appliqués au secteur des biocarburants. La Commission européenne ne l’estime pas opportun pour l’heure ; elle envisage de simples recommandations. Les critères devraient toutefois être différents – très stricts sur les cultures dédiées, très souples sur le bois bûche à usage individuel dont la provenance s’avère plus difficile à déterminer. Les énergéticiens semblent plutôt favorables à cette évolution susceptible d’améliorer leur image auprès de l’opinion publique. Les représentants du secteur forestier, en revanche, redoutent un impact sur leurs coûts de production.
À l’échelon national, les règles connaissent un durcissement sur le recyclage des déchets bois pour prévenir la vaporisation de résidus chimiques néfastes. En effet, non seulement un dixième des palettes produites en France font l’objet d’un traitement chimique qu’exige leur exportation vers les États-Unis, mais les récents mois ont de surcroît montré la présence sur le territoire de palettes chinoises traitées pour être expédiées aux Amériques et finalement reroutées vers l’espace européen. L’encadrement s’opère dans le cadre des procédures ICPE : les broyats de palettes, classés comme des déchets, doivent passer par une « procédure de sortie du statut de déchets » pour bénéficier d’une valorisation en tant que biomasse.
La méthanisation n’est pas absolument exempte de risques. Elle peut générer de l’hydrogène sulfuré (H2S), gaz inflammable, incolore, extrêmement toxique pour l’homme et corrosif pour les métaux. Il existe également un risque d’explosion lorsque se conjuguent dans une atmosphère confinée la présence de méthane, d’oxygène et d’une source d’ignition. Ces accidents sont heureusement rares, avec cinq occurrences en Allemagne pour plus de six mille sites. Mais le danger a conduit la puissance publique à édicter des normes drastiques autour de l’activité de méthanisation. Celles-ci ont été réduites avec le temps pour permettre un décollage de la filière : la constitution des dossiers nécessite deux ans en France contre huit mois en Allemagne, et les auditions ont fait apparaître des projets toujours à l’instruction après une demi-douzaine d’années.
Le décret n° 2009-1341 du 29 octobre 2009 a créé la rubrique n° 2781 de la nomenclature ICPE, spécifique à l’activité de méthanisation. Moins d’un an plus tard, le décret n° 2010-875 du 26 juillet 2010 assouplissait la procédure en substituant à la demande d’autorisation une simple procédure déclarative pour les installations de taille moyenne. Ce même décret a institué une catégorie spécifique au biogaz dans la rubrique dédiée à l’activité de combustion (n° 2910) dont le régime est aligné sur celui des installations de méthanisation.
Ces textes devraient permettre un raccourcissement notable des délais d’instruction des procédures administratives, en donnant un cadre juridique adapté à l’activité, même si les avancées techniques nécessitent fréquemment de nouvelles adaptations. Le régime ICPE appliqué à la méthanisation fonctionne désormais avec deux seuils :
– si la quantité de matières traitées est supérieure ou égale à 50 tonnes par jour, une autorisation est nécessaire ;
– si la quantité de matières traitées est comprise entre 30 et 50 tonnes par jour, le régime plus souple de l’enregistrement s’applique, sans étude d’impact ni enquête publique ;
– si la quantité de matières traitées est inférieure à 30 tonnes par jour, une simple déclaration suffit.
Les opérateurs ont sollicité un relèvement des seuils pour accélérer les projets, parfois jusqu’à 200 tonnes par jour. Il est vrai que les procédés employés ne diffèrent guère en fonction de la taille du méthaniseur. La mission d’information manque cependant de données circonstanciées pour se prononcer sur cette demande.
Par ailleurs, la méthanisation des déchets et résidus d’origine agricole par les agriculteurs a été reconnue comme une activité agricole par l’article 59 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 portant modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le décret d’application n° 2011-190 du 16 février 2011 a précisé les conditions :
Ÿ l’installation doit être exploitée et l’énergie commercialisée par un exploitant agricole (ou un groupement d’exploitants majoritaires dans une structure sociétaire de statut non commercial) ;
Ÿ l’installation doit utiliser des matières premières issues pour moitié, au moins, de l’agriculture.
Ces dispositions favorisent le traitement des effluents dans une perspective de gestion des déchets. En conséquence, un méthaniseur peut désormais être considéré soit comme équipement industriel, soit comme installation agricole. Une unité de méthanisation agricole pourra recevoir une autorisation d’urbanisme dans une zone définie comme « zone agricole » dans le document d’urbanisme d’une commune, ou bien en zone non encore urbanisée d’une commune soumise au règlement national d’urbanisme
Les opérateurs auditionnés ont, enfin, déploré les délais excessifs imposés par les gestionnaires de réseau de distribution pour le raccordement des installations de production électrique et des unités d’injection de biométhane. Ce reproche est récurrent. Il convient que les procédures soient accélérées au possible, mais les difficultés techniques peuvent justifier d’éventuels délais – notamment pour le gaz, dont l’insertion dans le réseau est plus complexe puisque soumise à des conditions d’épuration et de pressurisation.
2. Le statut des cendres et des digestats
L’utilisation du biogaz a un effet bénéfique sur l’effet de serre : elle permet de brûler le méthane produit lors de la fermentation des déchets et d’éviter sa libération dans l’atmosphère. Il est capital d’y procéder dans les décharges et les zones de concentration de déchets fermentescibles car, à l’inverse des méthaniseurs dont la production est commandée par l’homme, la méthanisation y présente un caractère fatal.
Toutefois, lorsqu’elle est réalisée dans un méthaniseur, le biogaz n’est pas le seul produit de la méthanisation. Le digestat, qui ne doit pas être confondu avec le compost, est un résidu solide ou liquide pâteux composé d'éléments organiques non dégradés et de minéraux. Riche notamment en phosphore et en azote, son pouvoir fertilisant est important : il peut être valorisé par épandage ou par compostage.
L’intérêt d’une utilisation des digestats en épandage tient à l’apport d’azote au sol, qui dispense l’exploitant de recourir aux engrais et, notamment, à l’utilisation de nitrates (NO3-) dont l’impact négatif sur l’environnement n’est plus à démontrer.
En zone d’excédent structurel, où la production d’effluents outrepasse la quantité que les cultures absorbent pour leur croissance, une réintroduction dans les sols ne permettrait pas d’utiliser la totalité des volumes produits. Il est nécessaire de les exporter et d’assumer les coûts carbone, énergétique et économique associés. En terme d’orientation, il est plus logique de s’orienter vers une mixité des cultures végétales et de l’élevage sur chaque territoire que d’organiser des déplacements de matière d’un territoire vers l’autre.
Toutefois, le digestat, considéré comme un déchet car issu d’installations classées, ne peut être valorisé en dehors des plans d’épandage des exploitations agricoles, en l’absence d’une homologation. Celle-ci peut être sollicitée, individuellement, selon la procédure habituelle d’homologation des produits fertilisants et support de cultures, mais également sous forme collective, dans le cadre d’une « procédure individuelle sous forme collective ». Un dossier collectif d’homologation suppose de méthaniser les mêmes matières – même dans des proportions variables – et d’utiliser les mêmes procédés de fabrication.
La procédure d’homologation relève de la compétence des États. Néanmoins, selon un rapport de décembre 2012 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAR), la Commission européenne prépare un règlement sur la sortie du statut de déchet des rebuts biodégradables ayant subi un traitement biologique. Sur la base des pré-rapports, il est probable que les normes proposées seront plus restrictives qu’en France, ce qui pourrait remettre en question des homologations. Le digestat obtenu à partir d’effluents d’élevage pourrait satisfaire aux conditions européennes, avec une forte interrogation cependant sur le lisier de porc. Ce projet semble fortement soutenu par l’Allemagne, où la méthanisation s’opère principalement à partir de cultures dédiées.
L’homologation de digestats apparaît maintenant possible d’ici 2014. Elle permettra de donner une nouvelle impulsion à la filière méthanisation en facilitant leur valorisation. Cette nouvelle filière de fertilisants organiques jouit de perspectives de développement importantes compte tenu de l’intérêt de déplacer les excédents produits dans certaines régions, et plus généralement de l’opportunité de les substituer aux fertilisants traditionnels.
Le dernier frein pour le développement d’une filière de méthanisation « à la française » sera alors levé, après la revalorisation du tarif d’achat de l’électricité, le maintien des aides de l’ADEME et le raccourcissement des délais d’instruction des projets.
La même interrogation existe dans la filière bois-énergie pour l’équivalent du digestat que sont les cendres issues de la combustion. Leur retour vers les forêts est envisagé pour équilibrer la perte de minéraux induite par une récolte déraisonnable des rémanents. Actuellement, la réglementation interdit cet épandage de cendres car les chaufferies biomasse, installations classées pour la protection de l’environnement, sont susceptibles d’accueillir des produits polluants.
La composition des cendres varie suivant plusieurs facteurs. Le type de bois brûlé conditionne la réalisation d’un épandage. S’il s’agit de bois adjuvanté, des métaux sont présents dans les cendres qui ne peuvent être utilisées en forêt pour éviter une pollution des sols et des eaux ; en revanche, les cendres de bois non traité, comme les plaquettes forestières et les résidus de scierie, pourraient être épandues sans dommage. La température de combustion a également son importance, car sa croissance réduit les quantités d’azote présentes dans les cendres et l’intérêt de leur utilisation. Cette variabilité rend difficile la caractérisation du produit dans la réglementation autant que son usage éventuel par les professionnels.
Les cendres sont valorisées en co-compostage, en épandage agricole ou en enfouissement. En 2006, 60 % des cendres étaient co-compostées, 15 % enfouies et 25 % épandues après autorisation préfectorale – seulement pour les chaufferies de plus de 20 MW de puissance, ce qui pénalise les petites unités. Il reste possible de faire homologuer le produit si les cendres proviennent de bois propres et traçables. Il serait bon, toutefois, que les réseaux de chaleur locaux et les chaufferies de taille réduite puissent avoir accès à ce mode de valorisation, dans une logique affirmée d’économie circulaire.
3. Quel cadre administratif pour les processus innovants ?
La réglementation est nécessaire, tant pour encadrer les activités à risque que pour limiter les incidences environnementales, et des lignes de conduite administrative et financière sont utiles aux différents organismes pour investir les deniers publics à bon escient. Cependant, il est tout aussi crucial pour le développement de la filière biomasse que cette réglementation n’ait pas un effet de filtre exclusif des projets innovants aux mécanismes encore non référencés.
La mission a notamment auditionné l’entreprise Zeta Pellet dont l’activité consiste à transformer les déchets verts en combustibles sous forme de granulés. Le procédé retenu, un broyage mécanique sans adjonction de produits chimiques, est manifestement innovant et présente un caractère prometteur pour l’avenir de la filière. Or les collectivités territoriales prêtes à contracter avec l’entreprise ont vu leur dossier de chaufferie biomasse disqualifié par l’ADEME au motif de « choix d’un combustible dont la fiabilité n’a pas été reconnue par nos services ». Le concept avait pourtant été primé ; il a bénéficié du soutien d’Oséo ; il a finalement été admis par la suite.
Il n’appartient pas à la mission d’information de se saisir d’un cas particulier. Mais l’inadéquation entre une technologie en développement et des procédures administratives lourdes entraîne des hiatus de cette sorte, fortement préjudiciable à une entreprise en particulier et à la filière française en général. Il convient qu’une expertise express soit possible pour décider au plus vide de l’éligibilité aux subventions publiques des processus innovants.
C.— L’IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ D’UN ÉTAT STRATÈGE
La satisfaction des objectifs de production d’énergie à partir de biomasse en 2020, et plus encore l’implantation sur le territoire national d’une filière performante en termes de production dans le respect de l’environnement, nécessite une vision de la part de la puissance publique. Un simple engagement, réglementaire et financier, fût-il sérieux et conséquent, n’y suffira pas. Une multiplication des montants alloués, déjà peu vraisemblable dans le contexte de tension actuelle des finances publiques, ne pourrait déboucher, en l’absence de vision, que sur un emballement de la filière. Or il est hors de question de retomber dans les errements constatés en 2010 avec la filière photovoltaïque : un gâchis d’argent serait aussi un gâchis de ressources puisque la biomasse, contrairement au rayonnement solaire, est une énergie limitée.
Depuis le printemps 2013, cette vision stratégique existe dans le secteur de la méthanisation. Le plan « énergie méthanisation autonomie azote » (EMAA) promeut une démarche agronomique fondée sur le respect de l’équilibre de la fertilisation, la réduction globale du recours aux intrants et la substitution de l’azote minéral par l’azote issu des effluents d’élevage, dans un contexte général de transition énergétique. Le plan EMAA favorisera une agriculture à la fois plus compétitive et plus écologique appuyée sur un modèle français de la méthanisation agricole privilégiant des installations collectives, des circuits d’approvisionnement courts et des technologies et savoir-faire français. L’objectif de mille méthaniseurs à la ferme, à l’horizon 2020, donne une dimension quantitative à des mesures favorables à la méthanisation déjà engagées au cours des dernières années. Le plan mobilisera deux milliards d’euros d’investissement.
Il reste que, sur les autres filières de la biomasse-énergie, les visions n’ont pas encore été formalisées aussi clairement. Elles devraient s’appuyer sur des principes clairs.
1. Un exemple de stratégie nationale : le cas allemand
L’étude de la situation de l’Allemagne éclaire sur des options de développement de la biomasse-énergie possibles en Europe de l’ouest, mais non reproductibles en France. L’investissement émane principalement des particuliers puisque les panneaux solaires intégrés aux maisons individuelles, les éoliennes et les centrales à biogaz détenues par des opérateurs privés représentent près du tiers des installations produisant de l’énergie renouvelable, soit 25 GW installés. Le Gouvernement allemand s’est donné pour objectif de porter à 18 % en 2020 la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale, contre 12,5 % aujourd’hui. Comme en France, la biomasse représente les deux tiers de la production renouvelable en raison de la prédominance historique du bois-bûche, utilisé par près de deux millions de foyers dans le seul Land de Bavière.
Les centrales à biomasse sont relativement modestes pour demeurer proches de leurs sources de combustible afin de minimiser les coûts de transport. Elles n’excèdent généralement pas une puissance installée de 20 MW. La filière bois bénéficie d’une ressource plus accessible qu’en France en raison d’une propriété forestière moins fragmentée et majoritairement contrôlée par les pouvoirs publics – héritage des remembrements autoritaires décidés au cours du XXe siècle. Elle profite aussi du soutien formalisé par le « plan national d’action biomasse » en faveur des taillis à courte rotation. Les services forestiers des Länder contractent avec les forestiers privés pour assurer les approvisionnements, permettant une sécurisation de la matière première. Mais la croissance de la demande devrait conduire l’Allemagne à devenir importateur de bois dès 2014, ce qui ne manquera pas de solliciter la ressource des États voisins et, en premier lieu, du territoire français. L’objectif allemand de production électrique à partir du bois atteint près de 25 GWh, soit presque deux fois l’objectif français ; il se monte à 8,9 millions de tep pour la chaleur, un peu plus de la moitié de l’ambition française. Les tarifs d’achat sont stimulants pour les unités électriques de moins de 5 MW.
L’Allemagne compte 7 000 méthaniseurs, dont les deux tiers appartiennent à des agriculteurs, pour une puissance installée de 2,5 GW. Ce sont 1,4 million d’hectares de terres arables qui sont consacrés aux cultures énergétiques outre-Rhin, dont 800 000 pour la fermentation du maïs et 600 000 pour l’alimentation de la filière des biocarburants. Le système allemand de tarif d’achat, généreux envers les petites installations puisqu’il peut atteindre 25 centimes par kilowattheure, s’ajoute à de fortes aides à l’investissement. Il en résulte une forte incitation à la méthanisation qui entraîne la multiplication des cultures dédiées, qui ouvrent droit au tarif d’achat. En effet, les performances des méthaniseurs sont accrues du fait de l’homogénéité de la matière entrante, tant dans la production électrique que dans la qualité des digestats générés. Les difficultés de la méthanisation française, basée sur les déchets, dans leur collecte et dans l’utilisation des digestats subséquents, ne se posent donc pas. Si on lui ajoute le mécanisme de promotion des éoliennes, la politique allemande de l’énergie équivaut, pour 2011, à une subvention à l’agriculture de quelque 4,5 milliards d’euros annuels, ce qui n’est d’ailleurs pas sans impact sur la position allemande dans les négociations agricoles européennes, comme sur la compétitivité internationale des produits allemands présentés sur les marchés à leur coût marginal.
Les tarifs d’achat ont aussi pour conséquence d’orienter le biogaz vers la conversion électrique à 99 % : sa purification en biométhane afin de l’injecter le réseau gazier n’est pas une option économiquement viable puisque, quoique légale, elle ne bénéficie pas de soutien public. La production électrique à partir du biogaz a représenté 20,5 TWh en 2012, soit 3,3 % de la production nationale. Il s’y ajoute une production de chaleur par biogaz de 11,5 TWh. Enfin, 90 000 véhicules utilisent un GNV partiellement fourni par du biométhane, que l’État allemand encourage par des accises trois fois inférieures à celles des carburants fossiles.
La politique allemande de soutien à la biomasse se caractérise par une forte mobilisation de moyens fournis par le consommateur d’électricité. Le coût unitaire de l’électricité allemande est grevé d’une forte contribution au développement des énergies renouvelables qui permet de subventionner la production électrique. En outre, le coût de l’électricité plus élevé qu’en France – en raison du différentiel de production nucléaire – permet une vente rentable directement sur le marché de gros.
La production d’énergie par méthanisation, conçue en France comme un revenu d’appoint pour les agriculteurs, devient sinon l’activité principale, du moins une occupation essentielle des cultivateurs allemands. En 2011, la filière représentait déjà 125 000 emplois et 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Mais plusieurs études démontrent que, à partir de 2020, la culture de plantes énergétiques devrait représenter entre 2,5 et 4 millions d’hectares de terrains agricoles sur les 12 millions d’hectares de terres arables que compte le pays. On peut douter du caractère soutenable de cette stratégie.
2. Un observatoire de la biomasse
La clef-de-voûte d’un bon usage de la ressource biomasse présente sur le territoire français est la parfaite identification de cette ressource. La chose n’est pas simple tant est grande la diversité des matériaux à identifier et à cartographier.
Les cellules biomasse régionales réalisent déjà un suivi de la matière disponible et la confrontent aux sollicitations des projets portés sur le territoire. Mais l’approche locale, parfaite pour les installations de faible envergure, présente ses limites dès lors que l’approvisionnement excède les frontières de la région. De plus, les personnels des cellules biomasse auditionnés ont indiqué se concentrer sur la ressource en bois, notamment forestière, et aborder relativement peu le secteur de la méthanisation.
Un pilotage efficace de la filière, mettant en adéquation gisements et installations, ne pourra faire l’économie d’un schéma national biomasse. Celui-ci devra dénombrer toutes les ressources et hiérarchiser tous les usages potentiels pour identifier les projets optimaux dans chaque territoire et, le cas échéant, solliciter les opérateurs adéquats pour précipiter l’entreprise. Cette approche fait écho à ce qui a été aperçu en Guyane dans l’analyse prospective des ressources naturelles et des besoins de la population.
Le ministère en charge de l'agriculture a confié à FranceAgriMer, fin 2009, la mise en place d'un tel Observatoire national des ressources en biomasse (ONRB). Les deux premières phases de recensement ont été achevées fin 2012, conduisant à la publication de l’étude au cours des travaux de la mission d’information. Les secteurs des biocarburants, des déchets municipaux, des industries non agro-alimentaires restent à investiguer, de même que la biomasse d'origine aquatique.
Il est encore trop tôt pour observer l’appropriation de ce nouvel instrument par les opérateurs industriels, les porteurs de projets, les collectivités territoriales et les autorités de l’État. Les installations d’unités de biomasse-énergie devraient, en toute logique, connaître une rationalisation.
3. L’impérative mobilisation forestière
Un marché international du granulé de bois est en train de se structurer entre pays occidentaux, qui permet la conclusion de contrats d’approvisionnement de long terme et des échanges bien plus faciles que les bois non raffinés. Ce commerce permet à la Belgique et aux Pays-Bas, faiblement dotés en ressource forestière, de faire fonctionner des unités de biomasse-énergie sur leur territoire. Rotterdam s’impose comme place de marché. La compétition pour l’accès à la ressource se renforcera donc au cours des prochaines années. Il est important que la France sécurise la matière première disponible sur son territoire sous peine de voir sa captation par les opérateurs étrangers : la Belgique est aujourd’hui le premier importateur des grumes françaises.
Il existe une tradition d’intervention publique forte au soutien de la ressource forestière. Le Fonds forestier national (FFN), créé à la Libération et supprimé en 1999, était alimenté par l’aval de la filière. Il a permis de programmer des reboisements tout au long de la seconde moitié du XXe siècle. Aujourd’hui encore, l’ONF investit 70 à 80 millions d’euros par an dans la forêt domaniale. Les acteurs du secteur dénoncent cependant un désengagement progressif de l’État, quand la perspective avancée lors du Grenelle de l’environnement d’un fonds d’investissement forestier doté de cent millions d’euros par a finalement fait long feu.
Or la forêt française pâtit d’un manque de dynamisme. Si les personnes auditionnées ont unanimement salué la gestion à la fois durable et productive de la forêt publique, tous ont également constaté le défaut d’entretien et de valorisation des parcelles privées. Or celles-ci comptent pour les trois quarts des massifs forestiers français.
Le désintérêt de la majorité des propriétaires privés tient à l’extrême morcellement des parcelles, émiettées à l’occasion des partages successoraux – les trois quarts des propriétaires forestiers sont en effet des héritiers, et un quart seulement des acquéreurs. Trois millions et demi de propriétaires se partagent la forêt privée française, soit 3,2 hectares par propriétaire, dont seulement un tiers d’entre eux possèdent plus de 1 hectare
La loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 a institué un droit de préférence au profit des propriétaires forestiers, voisins d'une parcelle boisée de moins de 4 ha mise en vente. La procédure se heurte à la difficulté de la prise de contact avec les propriétaires de la parcelle en question, souvent peu intéressés par la gestion d’un bien d’une valeur si dérisoire que l’administration fiscale n’en recouvre même pas la taxe foncière, et qui ne suffirait parfois pas à honorer les droits de mutation.
Or la forêt française est en croissance, et la mobilisation de son plein potentiel est cruciale pour la bonne structuration de la filière biomasse.
Il semble que la solution pour une meilleure organisation forestière passe par des regroupements. Il est possible d’inciter les propriétaires de petites parcelles à entrer dans une démarche de production ou, à défaut, d’intégrer une coopérative forestière qui se chargera de la valorisation. Cette issue aurait aussi l’avantage de faire entrer le bois dans une logique de gestion durable essentielle pour préserver le caractère renouvelable de la ressource biomasse.
D’après une étude du conseil régional d’Auvergne mentionnée par le conseil économique, social et environnemental, un investissement d’un euro dans l’aide à la conception d’un règlement type de gestion génère six euros de retombée fiscale. La cellule biomasse de cette région a indiqué constater un supplément annuel de demande de l’ordre de 100 000 m3 dont 60 % émanant de la filière bois d’œuvre. La mobilisation de la forêt privée joue un rôle important dans cette croissance, comme la mécanisation de la collecte et les réseaux routiers adaptés à cette fin. La bonne formation des sylviculteurs et des entreprises de travaux forestiers ont certainement joué leur rôle également.
Enfin, il reste loisible au maire de précipiter lui-même les remembrements en faisant usage des articles L. 1123-1 et L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Ces dispositions prévoient la dévolution à la commune et, à défaut, à l’État, des biens sans maître se trouvant sur son territoire. Les communes forestières ont indiqué utiliser rarement cette procédure, quoique certains maires y semblent plus enclins que d’autres.
Article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques Sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 et qui : (…) 2° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans les taxes foncières n'ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription. Article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques L'acquisition des immeubles mentionnés au 2° de l'article L. 1123-1 est opérée selon les modalités suivantes. Un arrêté du maire pris dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État constate que l'immeuble satisfait aux conditions mentionnées au 2° de l'article L. 1123-1. Il est procédé par les soins du maire à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu. Une notification est également adressée, si l'immeuble est habité ou exploité, à l'habitant ou à l'exploitant ainsi qu'au tiers qui aurait acquitté les taxes foncières. Cet arrêté est, dans tous les cas, notifié au représentant de l'État dans le département. (…) Dans le cas où un propriétaire ne s'est pas fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité mentionnées au deuxième alinéa, l'immeuble est présumé sans maître. La commune dans laquelle est situé ce bien peut, par délibération du conseil municipal, l'incorporer dans le domaine communal. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire. À défaut de délibération prise dans un délai de six mois à compter de la vacance présumée du bien, la propriété de celui-ci est attribuée à l'État. Le transfert du bien dans le domaine de l'État est constaté par un acte administratif. |
4. Une politique nécessairement territorialisée en lien avec les collectivités
La biomasse est une ressource abondante et pondéreuse. Le meilleur usage qui puisse en être fait est, presque toujours, celui qui minimise la distance entre la ressource et le lieu de sa valorisation énergétique. Une approche locale permet également une meilleure connaissance des potentialités environnantes et des initiatives concurrentes pour sécuriser le plan d’approvisionnement. Elle permet aussi de territorialiser les emplois et de limiter les émissions de CO2. Une déclinaison par territoire – par département ? par région ? par massif ? – permettrait une meilleure identification par les collectivités territoriales.
Il n’est pas nécessaire, pour autant, de répéter partout les mêmes stratégies. Comme les territoires sont riches de leur diversité, la valorisation de la biomasse peut privilégier l’adaptation aux ressources, différencier l’action publique en fonction des espaces géographiques. La sylviculture a besoin d’aide à l’exploitation en montagne, quand mieux vaut encourager le sciage en plaine, et quand la zone méditerranéenne appelle plutôt des aménagements agro-sylvo-pastoraux. La meilleure méthanisation contrôlée (et non fatale) se fait à la ferme, à proximité immédiate des effluents. La meilleure utilisation des rebuts de scierie, par exemple, a lieu à proximité immédiate de la scierie. La meilleure utilisation de la forêt se produit, aussi, à proximité de la forêt, sous réserve de l’existence d’une demande évidemment.
La mission d’information a pu constater le rôle fondamental du plan d’approvisionnement territorial (PAT) qui, en concertation avec les parties prenantes, identifie les ressources disponibles et les prix afférents. À Embrun, déjà cité, l’élaboration d’un PAT a été déterminante pour rassurer la population sur le potentiel d’exploitation des forêts, conforter la collectivité sur les capacités de production des forêts locales, et évaluer les volumes de bois disponibles à un cout d’exploitation supportable. Il serait probablement souhaitable que cet outil de la filière bois trouve son équivalent dans le secteur du biogaz.
Le dimensionnement du méthaniseur est dépendant de la distance qui le sépare de ses approvisionnements, le transport des substrats humides ayant un coût énergétique, économique et générateur de GES. Pour répondre aux disparités territoriales, il est optimal de prévoir simultanément des digesteurs de collectifs conséquents, des digesteurs de petits collectifs et des digesteurs individuels. Dans chaque situation, l’utilisation de l’énergie produite – gaz, électricité ou chaleur – nécessitera des réponses adaptées aux besoins.
La biomasse est une énergie locale. La réglementation doit intégrer ce principe et le faire respecter. Peut-être même serait-il pertinent de pondérer les tarifs d’achat d’une nouvelle variable, la distance moyenne d’approvisionnement, qui offrirait une prime inversement proportionnelle à sa valeur ?
La modification des taux de TVA qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2014 verra le passage de 7 % à 10 % du taux intermédiaire, qui est celui auquel est assujettie la filière bois. Il avait déjà progressé de 5,5 % à 7 % le 1er janvier 2012. Cette situation est vécue comme une profonde injustice par les acteurs de la filière, qui constatent que l’abonnement au gaz demeurera taxé à 5,5 % – même si la consommation elle-même est assujettie au taux normal. Une telle distorsion est inexplicable en pleine transition énergétique, alors même que des centaines de millions d’euros sont consacrés chaque année, via le Fonds Chaleur et le crédit d’impôt 200 quater, à la promotion du chauffage au bois.
En revanche, « la fourniture de chaleur lorsqu’elle est produite au moins à 50 % à partir de la biomasse » conserve le taux réduit de TVA à 5,5%, ce qui ajoute, au final, à la confusion.
Quant à la fiscalité des biocarburants, elle a été qualifiée de niche fiscale par la Cour des Comptes en janvier 2012. La défiscalisation est accordée aux unités agréées après appel d’offres communautaire dans la limite de quantités fixées par l’agrément. En 2011, l’exonération a totalisé 480 millions d’euros, s’ajoutant à un montant estimé à plus de 2,6 milliards d’euros pour la période 2005-2010. Ces sommes ne tiennent pas compte des effets de surconsommation liés au pouvoir énergétique plus faible des biocarburants, surcoût acquitté par le consommateur et évalué entre 1,6 et 2 centimes d’euros par litre de diesel en 2010 par la Cour des comptes. Lors de la Conférence environnementale de septembre 2012, le Premier ministre a indiqué renouveler les agréments jusqu’au 31 décembre 2015. Il sera alors plus que temps de privilégier les générations suivantes au détriment des premiers biocarburants.
D.— DES PROMESSES EN GESTATION
L’avenir pourrait appartenir à la biomasse-énergie si des perspectives de développement aperçues au cours des auditions et des déplacements de la mission d’information venaient à se concrétiser.
Deux filières semblent particulièrement prometteuses : la production de masse de biométhane d’une part, les prochaines générations de biocarburant d’autre part.
1. Le biométhane, un gisement massif de gaz naturel en France ?
Le biogaz issu de la méthanisation est majoritairement utilisé en chaleur, en électricité ou en cogénération. Il peut aussi être épuré, filtré, purifié pour ne conserver que son CH4 et perdre les composés annexes que sont le dioxyde de carbone, l’oxygène et l’azote. On parle alors de biométhane, parfois surnommé « gaz vert », qui présente la même composition que le gaz naturel, et qui peut être utilisé soit comme gaz dans le réseau, soit comme carburant automobile sous forme de GNV. Le Gouvernement a publié, les 21 et 23 novembre 2011, le dispositif réglementaire et tarifaire relatif à l’injection du biométhane dans les réseaux de gaz naturel, jusque-là proscrite.
La production de biométhane apparaît comme une activité localement fédératrice, comme toutes les formes de méthanisation, et comme une source d’emplois non délocalisables. Elle permet aussi la valorisation des infrastructures du réseau de distribution de gaz, propriétés des collectivités locales. Le biométhane issu de stations d’épuration urbaines et des industries autres qu’agroalimentaire est exclu pour des raisons de sécurité, mais l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a conduit une étude qui devrait aboutir à une autorisation. Un projet de décret fixant les conditions tarifaires d’achat du biométhane issu des stations d’épuration a ainsi été présenté au Conseil Supérieur de l’Énergie ; la filière attend sa prochaine publication au journal officiel.
La production de biométhane ne remet pas en cause l’usage du biogaz par cogénération. Toutefois, en l’absence de puits de chaleur propre à valoriser pleinement des matières premières abondantes alentour, il peut être pertinent de privilégier la conversion en biométhane et l’injection dans le réseau, ce qui permet le stockage en contrepartie d’un rendement énergétique moins élevé.
Plusieurs difficultés perdurent pour l’injection de biométhane dans le réseau. D’une part, l’unité d’injection doit être positionnée à proximité des canalisations pour éviter une coûteuse extension. D’autre part, le cas d’un débit tributaire de la consommation d’un utilisateur unique peut compliquer l’équilibre du réseau, surtout si celui-ci vient à interrompre son activité. La conception du réseau, imaginé pour acheminer le gaz naturel dans un sens déterminé, permet difficilement une « remontée » vers les canalisations les plus conséquentes pour des raisons de pression – mais ce point est en cours d’étude par les opérateurs.
Enfin et surtout, la consommation de gaz n’a aucun caractère permanent : élevée l’hiver, elle recule à un étiage extrêmement faible dès lors que la température s’adoucit dans les zones dépourvues de consommateurs industriels. Or le méthaniseur produit au même rythme tout au long de l’année. Il convient donc d’envisager des usages alternatifs : soit convertir le biogaz en électricité lorsque la demande de biométhane est trop faible – c’est la double valorisation, licite depuis 2011 –, soit privilégier son usage sous forme de gaz naturel pour véhicules (GNV), la consommation du secteur des transports étant régulière tout au long de l’année. Les opérateurs de la filière sollicitent également une variation saisonnière du tarif de rachat pour mieux s’adapter à cette contrainte spécifique.
La solution du GNV permet de lisser la demande de gaz et de réduire la variation saisonnière, au contraire des usages pour le chauffage des bâtiments. Elle offre donc un débouché favorable à une production locale régulière de biométhane.
Concernant 13 millions de véhicules dans le monde, ce qui en fait le premier carburant alternatif, le GNV alimente en France 10 000 véhicules légers, 750 bennes à ordure et quelques 2 000 autobus. Il n’émet pas de particules et réduit de 95 % les émissions d’oxydes d’azote par rapport au diesel, avec lequel le bilan CO2 est comparable. L’excellence environnementale du biométhane carburant a été reconnue par l’Union européenne dans la directive du 23 avril 2009 puisqu’il peut justifier d’un double comptage dans l’atteinte de l’objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans le secteur des transports. Cette disposition ne semble toutefois pas avoir été transposée en droit français, l’arrêté du 13 mars 2013 restant ambigu sur ce point.
Un système de garantie d’origine, mis en place en 2013, permet de s’assurer de la source verte du GNV offert à la vente. Le décret du 21 novembre 2011 les attribue pour deux ans aux fournisseurs de gaz naturel ayant conclu un contrat d’achat avec un producteur de biogaz. Elles sont attribuées par mégawattheure de biométhane injecté. La gestion du registre national a été attribué à GrDF pour les cinq premières années. Il s’agit d’une avancée importante car elle implique le consommateur dans l’expansion des bonnes pratiques.
GrDF a indiqué à la mission d’information dénombrer près de 280 projets en cours, d’une capacité moyenne de 240 mètres cubes par heure. 70 % d’entre eux sont fondés sur des intrants issus de l’agriculture ou de l’industrie agro-alimentaire, du fait de la complexité de la collecte des déchets. En février 2013, trois contrats d’injection seulement avaient été signés : celui du syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Forbach (57), du centre de valorisation organique de Sequelin de Lille Métropole (59) et enfin d’une exploitation agricole de Seine-et-Marne (77). Il semble que les délais de constitution des dossiers laissent plutôt présager une vague d’injections dans les dix-huit prochains mois.
Il semble, enfin, que des tarifs d’achat légèrement trop bas ne permettent pas l’installation d’une unité d’injection de biométhane dans le réseau en l’absence de subvention complémentaire. Cette situation aurait pour effet de ralentir les projets. Il est compréhensible, toutefois, que le Gouvernement souhaite éviter un effet de ruée qui conduirait à une méthanisation à tout va, au-delà de ce qui est souhaitable.
Théoriquement et techniquement, tout le réseau français pourrait fonctionner uniquement à partir de biométhane. La seule difficulté serait de parvenir à l’équilibrer. Le gisement reste le facteur limitant. Pourtant, lors de son audition devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale le 23 avril 2013, M. Philippe Boucly, directeur général de GRTgaz, évoquait « un potentiel de production de biométhane et de gaz de synthèse [qui] peut être évalué à 220 térawattheures, à comparer à une consommation actuelle de gaz naturel en France de 520 térawattheures, hors procédés utilisant les micro-algues et production à partir de cultures dédiées. Cette étude montre que, avec une subvention de l’ordre de 5 milliards d’euros, c’est-à-dire de l’ordre de grandeur de celle accordée aux énergies renouvelables d’origine électrique d’ici 2017, on pourrait développer 150 térawattheures de biogaz à l’horizon 2050. » Un gain de plus de 16 Mtep serait donc accessible, certes à un horizon de trente-cinq ans. GRTgaz s’est depuis engagé à rendre possible un approvisionnement en gaz à bilan carbone 100 % neutre d’ici à 2050, en coopération avec Swedegas (Suède), Gasunie (Pays-Bas), Energinet.dk (Danemark) et Fluxys (Belgique). Les principaux domaines de coopération porteront sur l’injection de biométhane, sur la technologie Power to Gas de production d’hydrogène à partir d’électricité excédentaire et sa valorisation dans les réseaux gaziers, ainsi que sur le gaz naturel carburant pour les transports routiers et maritimes
Comme pour la méthanisation au sens large, le véritable frein à la filière biométhane tient aux difficultés de collecte des éléments fermentescibles. Mais les perspectives de développement sont plus qu’encourageantes pour une énergie – le gaz – dont l’usage est possible à la fois pour le chauffage, dans le secteur des transports ainsi que pour la production électrique, et dont le stockage à grande échelle est de surcroît maîtrisé. À l’heure où les débats reprennent sur l’extraction des réserves de gaz de schiste que recèlerait le territoire national, le biométhane, énergie renouvelable et propre, pourrait utilement être mis à contribution pour alléger la facture énergétique.
À plus long terme, le laboratoire de biotechnologie de l’environnement de l’INRA, à Narbonne, a fait état de perspectives particulièrement encourageantes dans la production de biométhane et de biohydrogène par des écosystèmes anaérobies.
2. Les futures générations de biocarburant
Malgré leurs défauts, il faut porter au crédit des biocarburants de première génération leur réussite dans la structuration d’une filière industrielle de pointe porteuse de plusieurs milliers d’emplois directs, indirects et induits. La recherche lancée dans ce domaine devrait porter ses fruits dans les prochaines années. De surcroît, la France est devenu le premier producteur mondial de glycérine végétale, élément essentiel du développement de la biochimie.
Un virage technologique se présente. Il est impératif de préserver et de valoriser ces conditions favorables pour permettre à la France de prendre une avance décisive dans les prochaines générations de biocarburant. Les financements de la recherche octroyés par les pouvoirs publics doivent être garantis pour venir à l’appui des opérateurs du secteur.
a) La deuxième génération dès 2020
D’après les auditions réalisées, la France bénéficie d’une légère avance dans l’élaboration des biocarburants de deuxième génération, qui ne feraient plus appel à une biomasse alimentaire mais à la lignocellulose, autrement dit aux déchets et aux résidus de végétaux, de bois et de paille.
Les biocarburants de deuxième génération nécessitent moins de surface et pourront donc être produits en plus grande quantité. Et ils sont théoriquement plus propres : par rapport aux carburants fossiles, les émissions de gaz à effet de serre sont divisées par dix. Cette performance environnementale permettrait de lever les obstacles à une incorporation accrue de biocarburants dans les produits mis à disposition du grand public, et de dépasser le seuil de 5 % qui semble devoir s’imposer pour les biocarburants de première génération. Le coût de production est cependant plus élevé ; il suppose un cadre règlementaire qui permette la sécurisation des investisseurs.
La France dirige actuellement cinq projets d’envergure sur les biocarburants : BioTfuel, Futurol, Probio3, Syndièse et Gaya, tous cinq ambitionnant une arrivée sur le marché avant 2020.
Le projet BioTfuel, dont la réussite technique est espérée dès 2017, vise à produire du biogazole et du biokérosène par thermochimie à partir de biomasse lignocellulosique – par exemple la paille et le bois. Deux sites pilote expérimentent les procédés : Venette (60), qui accueille le torréfacteur, et Dunkerque (59), sur le site de l’ancienne raffinerie de Total, où est acheminée la poudre pour la gazéification en carburant. Programmé jusqu’en 2017, il rassemble un tour de table de 112,7 millions d’euros, et regroupe six partenaires parmi lesquels Sofiprotéol, Total, le CEAEA et l’IFP Énergies Nouvelles. Par opposition à la voie enzymatique, BioTfueL n’utilise pas de micro-organismes : les procédés mis en œuvre sont connus et, pour certains, issus de la pétrochimie. L’objectif est aussi de disposer de procédés flexibles pour s’adapter à différents types de biomasse lignocellulosique et pour pouvoir exporter le concept à l’étranger.
L’installation pilote de Futurol est située sur le site agro-industriel de Pomacle-Bazancourt, dans la Marne. Le projet associe onze partenaires, dont l’INRA et IFP Énergies Nouvelles. Par opposition à la voie thermochimique qui soumet la biomasse à de fortes pressions et températures pour en extraire du diesel, Futurol fait appel à un procédé biologique. Après un traitement mécanique et chimique des végétaux, des champignons réalisent l’hydrolyse de la cellulose en sucres, puis des levures fermentent ces sucres en éthanol. Un rendement satisfaisant suppose de transformer non seulement le glucose, mais aussi les autres sucres fermentescibles, notamment ceux des parois cellulosiques. La matière première provient des alentours du site, à partir de taillis à courte rotation et de coproduits des agro-industries voisines. Un prototype industriel d’une capacité de 3,5 millions de litres par an devrait être lancé en 2015.
Probio3 vise à fabriquer du biokérosène via une production microbienne de lipides à partir de ressources en biomasse non alimentaire. Constatant que la consommation de carburants dans l’aéronautique passera de 190 millions de tonnes en 2009 à 500 millions de tonnes en 2050, le projet est porté par l’INRA et réunit de nombreux partenaires de la recherche et de l’industrie comme l’INSA, le CNRS, Airbus, EADS, Tereos et Sofiproteol. L’objectif de production se monte à 25 000 tonnes de kérosène par an, soit un quart des besoins d’Air France, avec des pertes réduites dans le processus de conversion.
Le projet Syndièse fait l’objet d’un partenariat entre Air Liquide et le CEAEA. Le site de Bure-Saudron et le centre CEA de Grenoble développeront une chaîne de procédés permettant de broyer en poudre fine, mettre sous pression, doser et convoyer de la biomasse solide (résidus de bois notamment). Ce prétraitement mécanique de la biomasse permettra de réduire la dépense énergétique, en comparaison des prétraitements thermiques concurrents comme la torréfaction ou la pyrolyse. La biomasse prétraitée sera transformée en gaz de synthèse à partir d’un oxy-brûleur fonctionnant à haute température avec de l’oxygène à la place de l’air.
Enfin, pour la voie biométhane, le projet Gaya, lancé en 2010 et coordonné par GDF-Suez, vise à démontrer la validité technique, environnementale et économique du biométhane issu de gazéification de biomasse lignocellulosique. Labellisé par le pôle de recherche Tenerrdis, il associe onze partenaires industriels et universitaires. Une plateforme de recherche et de démonstration préindustrielle sera mise en service à Lyon en 2013 pour un budget de 47 millions d’euros – dont 18 millions d’euros de subventions ADEME
La France consomme aujourd’hui 50 Mtep d’origine fossile dans le secteur des transports, second poste énergétique après le résidentiel-tertiaire. On peut penser qu’une fraction majoritaire est substituable par de l’électricité ou par des technologies alternatives, et que les biocarburants de seconde génération peuvent contribuer au reliquat pour les usages irremplaçables.
b) La troisième génération à plus long terme
On désigne comme troisième génération les biocarburants produits à partir de biomasse algale autotrophe, utilisant la photosynthèse, par opposition à l’hétérotrophie qui demande un apport de carbone externe comme le sucre. Certaines espèces d’algues peuvent en effet accumuler le CO2 de la photosynthèse sous forme de lipides, dont la teneur peut atteindre 30 % de matière sèche.
La viabilité économique et environnementale de la troisième génération de biocarburants se heurte à de nombreux obstacles technologiques, mais ses bilans environnementaux et énergétiques représentent des enjeux majeurs.
Il convient, cependant, de rester prudent autour d’opérations de communication sur des projets de recherche étrangers qui, pour porteurs qu’ils puissent s’avérer à l’avenir, ne présentent pour l’heure aucune garantie de performance. Ainsi, nombre d’intervenants ont souligné que les centrales à algues consomment encore aujourd’hui plus d’énergie qu’elles n’en produisent – ce qui ne préjuge en rien du succès de la filière à long terme. L’arrivée des algocarburants sur le marché n’est pas attendue avant 2025 ou 2030.
Algocarburants : le paysage de la recherche française Une vingtaine de laboratoires français travaillent sur des programmes en lien avec la filière algue et bioénergie. La filière s’est en partie développée au sein de pôles de compétitivité liés aux différentes façades maritimes (Pôles Mer PACA, Mer Bretagne, Qualitropic), aux écotechnologies (Trimatec), au bioraffinage (Industrie et Agro-ressources - IAR). Elle se concentre dans quatre régions côtières : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, Bretagne et Pays de la Loire. Dans la région Pays de Loire, les acteurs se sont regroupés autour d’Atlanpole Blue Cluster. Une quarantaine de laboratoires travaillant sur la thématique ont été identifiés, dont les laboratoires de l’Ifremer et du GEPEA, reconnus internationalement. Le cluster réunit une cinquantaine de PME. Trimatec, en association avec Transfert TR, orienté dans l’innovation et le transfert de technologie, et la chaire ChemSud, spécialisé dans la chimie verte, a créé en 2009 le cluster Algasud pour structurer et à développer la filière sur le pourtour méditerranéen français. Devant la nécessité de mutualiser les efforts, les pôles Trimatec, Mer Bretagne et Mer PACA ont signé un accord national la même année, associant l’Ifremer, le CNRS et le CEAEA. La Convention des Pôles est désormais étendu aux pôles de compétitivité IAR et Qualitropic. L’action de cette convention vise à valoriser le potentiel des microalgues sur un large panel de marchés industriels émergents : les biocarburants, la remédiation du CO2, la dépollution des eaux, la chimie verte et l’alimentation animale. Les projets phares De nombreux programmes ont été développés ; 51 projets étaient répertoriés pour un budget total de 350 millions d’euros depuis 2005 à travers l’ANR, le FUI ou encore Oséo. Cependant, les projets ciblant des thématiques explicitement liées aux biocarburants sont bien moins nombreux, seulement six projets français ont été clairement identifiés : Shamash et Salinalgue couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur ; Algomics, Biosolis et Lipalg se concentrent sur la sélection des souches et l’amélioration des modes de culture. Algoraffinerie est un projet de recherche visant à développer les bases scientifiques pour l’exploitation industrielle de la biomasse microalgale. Ce projet se limitera au fractionnement et à l’extraction des constituants de la biomasse ; il n’abordera pas leur conversion en produits finis. Le projet Eima porté par la société Fermentalg a réuni 14,6 millions d’euros d’aides et d’investissements avec le soutien d’Oséo pour un projet d’envergure d’exploitation industrielle. Le Programme Investissements d’Avenir Greenstars sur la valorisation des microalgues est porté par l’INRA et rassemble 45 partenaires. GreenStars a pour ambition de se positionner, d’ici cinq à dix ans, parmi les centres d’excellence mondiaux dans le domaine de la bio-raffinerie des micro-algues. Un budget de 160 millions d’euros sur dix ans est initialement prévu. |
La mission d’information souhaite formuler sept recommandations principales pour un meilleur développement de la biomasse-énergie en France.
1. Définir un modèle français dans le cadre européen
L’engagement européen pour le verdissement du bouquet énergétique est pleinement soutenu. Le développement de la biomasse-énergie constitue un outil majeur à cette fin. Mais elle ne prendra son sens que si la France définit sa voie, sa vision stratégique, son approche de la biomasse. Troisième forêt d’Europe sans compter l’Amazonie guyanaise, cinquième puissance agricole au monde, elle dispose d’une ressource massive pour laquelle elle doit définir une doctrine de valorisation. L’Allemagne a fait ses choix, notamment ceux des cultures dédiées. Les options françaises ont été prises pour le biogaz avec le plan « énergie méthanisation autonomie azote » ; elles doivent l’être rapidement pour le bois-énergie et pour les biocarburants.
2. Localiser les productions et impliquer les acteurs locaux pour sécuriser l’approvisionnement
La biomasse est une énergie éminemment locale qui se marie mal avec les grands projets nécessitant des approvisionnements très lourds. Une organisation territoriale des acteurs publics et privés autour de projets de taille raisonnable, privilégiant la production de chaleur, la cogénération et la production de biométhane, présente les meilleures probabilités de succès à un coût raisonnable.
3. Profiter de l’observatoire de la biomasse pour dresser un schéma national
Après trois années de travail, l’observatoire de la biomasse a publié une étude claire et exhaustive des ressources françaises pour les catégories de biomasse les plus utilisées. La connaissance a progressé. Il reste à en livrer une vision ordonnée à travers un schéma national permettant aux projets locaux de s’inscrire dans une vision d’ensemble plutôt que dans un foisonnement anarchique.
4. Dynamiser la forêt française et la filière bois
L’accroissement de la collecte forestière passera à la fois par le développement du bois-énergie et par la relance des filières bois d’œuvre et bois d’industrie, toujours dans le respect des aménités forestières et notamment de la biodiversité. Le rapport remis au ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt par Jean-Yves Caullet, membre de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, devra être pleinement exploité.
5. Privilégier les usages à forte valeur ajoutée et à fort rendement
Toute la biomasse française n’a pas vocation à produire de l’énergie, sauf à détruire des pans entiers de l’industrie nationale. L’objectif de la filière bois est une production en cascade hiérarchisée, des usages les plus nobles aux utilisations intermédiaires et ensuite, seulement, à la combustion. De la même façon, l’objectif prioritaire de la filière agricole est de nourrir l’humanité ; l’approvisionnement des véhicules a rang d’activité complémentaire et subsidiaire. Dans le respect des principes du développement durable, les voies de valorisation offrant les meilleurs rendements devront être privilégiées : ainsi pour les déchets, le recyclage de la matière sera préférable à la destruction par méthanisation.
6. Combattre les effets d’aubaine et d’emballement
Le Gouvernement doit montrer une attention permanente à l’évolution des différents tarifs d’achat et aux avancées technologiques abaissant les seuils de rentabilité. Un emballement semblable au secteur photovoltaïque ne doit pas se produire dans la filière biomasse. De même, il convient de prendre les dispositions nécessaires pour faire en sorte que la méthanisation s’inscrive dans une démarche d’économie circulaire, et non dans une course à la production de cultures énergétiques.
7. Soutenir les opérateurs sur l’ensemble de la chaîne de valeur
Quoique performante au regard des autres énergies renouvelables, la biomasse n’est pas (encore) une énergie rentable en elle-même. Il est impératif que les pouvoirs publics soutiennent les opérateurs, non tant pour qu’ils s’engagent dans la filière, mais pour qu’ils le fassent avec les meilleures technologies, les matériaux les moins polluants, les infrastructures les plus sûres. C’est particulièrement vrai pour le secteur du bois-bûche individuel, où le parc d’équipements ancien doit être renouvelé au plus tôt. Il faut aussi que l’intervention publique agisse sur l’ensemble de la chaîne de valeur, dès la production de bois ou de déchets, et non comme aujourd’hui à compter de l’édification de l’infrastructure de production d’énergie.
EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION
Lors de sa réunion du 19 juin 2013, la commission a procédé à l’examen du rapport de la mission d’information sur la biomasse au service du développement durable.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Depuis le début de la législature, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a créé quatre missions d’information, sur le suivi de l’application de la loi Grand Paris, sur la biomasse, sur la gestion des déchets radioactifs – les rapporteurs Julien Aubert et Christophe Bouillon nous présenteront bientôt leurs conclusions – et, plus récemment, sur les éco-organismes et les filières REP. Pour la mission sur la biomasse au service du développement durable, décidée par le bureau le 18 juillet 2012, la commission avait nommé deux co-rapporteurs : M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste, et Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe UMP ont commencé leurs travaux en septembre dernier et présentent aujourd’hui leurs conclusions ; ils ont effectué plus de 70 auditions et plusieurs déplacements sur site.
La présentation hier, par notre collègue Jean-Yves Caullet, président de l’Office national des forêts (ONF), des conclusions de sa mission sur la filière bois me paraît tout à fait complémentaire de notre débat d’aujourd’hui.
Mme Sophie Rohfritsch, corapporteure de la mission d’information. François-Michel Lambert et moi avons travaillé pendant de longs mois pour auditionner à peu près toutes les parties prenantes du secteur de la biomasse énergie, de façon à appréhender ses problématiques avec la meilleure information possible. Il s’agit de faire en sorte que la France respecte les engagements européens du paquet énergie-climat : efficacité énergétique, limitation des rejets de CO2, et surtout une contribution des énergies renouvelables au bouquet énergétique à hauteur de 23 %.
Un certain nombre de rapports d’information ont été présentés devant cette commission, depuis 2009, sur les énergies renouvelables. Je pense notamment aux missions sur le photovoltaïque de 2009 et sur l’éolien de 2010. C’est dans la même logique que François-Michel Lambert et moi nous sommes intéressés à la biomasse, déjà évoquée hier soir par notre collègue Jean-Yves Caullet à l’occasion de son rapport sur la filière bois.
Nous avons observé comment les ressources de biomasse pouvaient être amenées à contribuer à la production d’électricité, de chaleur et de carburants – même si ce dernier point, les biocarburants comme on les appelle toujours, me semble un peu distinct des autres. Le législateur a défini la biomasse, en 2005, comme « la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers ». Sa transformation en énergie emprunte des voies technologiques variées comme la méthanisation, la pyrolyse ou encore la combustion, qui est la méthode la plus ancienne et que nous connaissons le mieux.
J’aborde immédiatement ce qui me semble un des plus grands paradoxes de cette mission d’information : la biomasse produit à elle seule les deux tiers de l’énergie renouvelable française alors que 85 % des investissements sont dirigés vers l’éolien et le photovoltaïque. La filière est également méconnue du grand public, qui ne l’imaginera guère au-delà des bûches brûlées dans les cheminées et les poêles domestiques. On ignore souvent les perspectives de développement du biogaz, y compris d’ailleurs dans le domaine des transports. Il faudra déployer une grande pédagogie au cours du débat sur la transition énergétique pour populariser la biomasse comme une solution crédible.
Le bois-énergie a été très bien détaillé hier par Jean-Yves Caullet, qui a évoqué les freins au développement que sont le morcellement forestier et les difficultés d’acheminement vers les lieux de transformation qui dégradent le bilan carbone en fonction de la distance à parcourir. De fait, nous recommandons de soutenir fortement les unités locales de taille raisonnable. L’usage du bois d’œuvre doit être privilégié dans une approche en cascade, en partant des industries à forte valeur ajoutée, comme en Alsace, où la région encourage la construction de maisons à ossature de bois, autant pour l’aspect durable des bâtiments que pour la structuration de la filière de sciage. Nous devons conserver notre matière première sur le territoire et non l’exporter.
Concernant le biogaz, il procède de la valorisation des ordures ménagères, de la digestion des boues des stations d’épuration, des effluents agricoles et industriels – même si les entreprises de papeterie connaissent actuellement une crise importante qui peut les conduire à se reconvertir vers de nouvelles opportunités comme la fabrication de biocarburants à partir de la lignine du bois, ce qui est le sens du projet BTL d’UPM à Strasbourg. Les agriculteurs attendent beaucoup de la méthanisation à la ferme à la suite des réussites annoncées du modèle allemand. Nous avons été attentifs à ces expériences et à leurs conséquences en termes de conflit d’usages ; or nous doutons que l’agriculture puisse se résumer à faire pousser des plantes pour les brûler dès leur récolte effectuée.
L’état des lieux du secteur de la biomasse-énergie en France, aujourd’hui, est encourageant. Le bois compte pour 46 % des énergies renouvelables françaises. Le biogaz a des perspectives intéressantes de développement ; nous avons même imaginé comparer son potentiel aux hypothèses qui circulent dans les médias à propos des réserves françaises de gaz de schiste. Gageons que les 11 % qu’il représente parmi les énergies nouvelles ne sont qu’une première marche. Quant aux biocarburants, l’éthanol et le biodiesel pourraient atteindre 10 % de l’énergie consacrée au secteur des transports, mais les insatisfactions que suscitent ces filières de première génération laisse penser que ce seuil ne sera atteint qu’avec les prochaines ruptures technologiques attendues à l’horizon 2017 ou 2020 pour la seconde génération, aux alentours de 2030 pour la troisième génération et les cultures d’algues dont on entend déjà parler.
La crise touche aussi la filière biomasse. Les investissements nécessaires à la bonne exploitation des ressources font encore défaut, notamment dans le secteur du bois. Exporter des bois d’œuvre pour réimporter les déchets de bois n’est pas satisfaisant. Une production locale nous semble la meilleure des réponses, d’autant qu’elle suppose un bilan carbone tout à fait positif. C’est aussi vrai pour les territoires ultramarins auxquels nous consacrons un développement au sein du rapport.
L’état des lieux est encourageant ; les perspectives le sont aussi. Ils supposent notamment une collecte de la production annuelle de la forêt pour remplir nos objectifs, mais aussi un engagement dans le biogaz et, dans un futur proche, dans les biocarburants. L’État devra se consacrer à une fonction stratégique plus que directive, pour accompagner les projets sur les territoires. C’est bien localement que la biomasse, au plus près des besoins industriels et résidentiels, au plus près des réseaux de chaleur et de gaz, sera le mieux employée.
M. François-Michel Lambert, corapporteur de la mission d’information. Je veux remercier la commission de nous avoir confié cette mission sur un sujet que les médias, comme les politiques d’ailleurs, laissent trop souvent dans l’ombre alors qu’il est essentiel à la réussite de la transition écologique. Sophie Rohfritsch et moi avons travaillé pour lever le voile, dans une excellente relation dont je la remercie.
La biomasse est un réservoir essentiel de la biodiversité. Elle se décline en six fonctions que sont les « six F » : les fourneaux pour l’alimentation humaine, les fourrages pour l’alimentation animale, les fumures pour la fertilisation des sols, la forêt pour la biodiversité, les fibres pour les industries, et le fioul pour la production d’énergie. Ces six enjeux, tous fondamentaux, doivent être ménagés. La biomasse est aussi un puits de carbone, la seule à dégrader le carbone qu’elle libère.
Nous sommes attachés à la hiérarchie des usages du bois en fonction de la valeur ajoutée. Je ne m’y attarderai pas puisque le sujet a largement été abordé lors de l’audition hier de M. Jean-Yves Caullet, sinon pour préciser qu’à la fin du processus, les cendres issues de la combustion doivent revenir nourrir les sols dans une logique d’économie circulaire.
Je précise que le rapport analyse le secteur des biocarburants, et que cette terminologie a été retenue et reste inscrite dans la loi que nous ne sommes pas encore parvenus à faire évoluer.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Sur ce sujet, vous êtes sous influence ! (Rires)
M. François-Michel Lambert. Mon opinion personnelle est que les biocarburants de première génération doivent être désignés comme des agrocarburants, et c’est le terme que j’emploierai devant vous. Des études sont en cours à propos de la réalité de leur empreinte carbone et sur la problématique de la captation des terres arables. L’objectif de l’agriculture doit être de nourrir les hommes plutôt que d’alimenter les véhicules en énergie.
Je souhaite aborder plus précisément la méthanisation et les promesses portées par le biogaz. Un des scénarii de la transition énergétique est construit sur la prévalence du biogaz dans le bouquet énergétique de l’avenir. GRTgaz et quatre autres transporteurs européens de gaz ont indiqué qu’ils visent 100 % de gaz neutre de point de vue du carbone dans leur réseau en 2050. La méthanisation, dont on parle si peu, est un enjeu fondamental de demain. Notre pays, très divers, regorge de ressources en déchets de toutes sortes et, éventuellement, d’algues. Nous avons abordé la mission d’information en pensant surtout bois et biocarburants ; nous la concluons avec cette conscience forte du rôle de la méthanisation.
Le Fonds Chaleur, mis en place par le précédent Gouvernement et confirmé par l’actuelle majorité, a permis de produire de l’énergie à des niveaux de prix très modérés, de l’ordre de quarante euros la tonne équivalent pétrole (Tep). Le développement de la filière n’autorise pas, pour le moment, de se passer de soutien public : nous plaidons donc pour le maintien et pour le renforcement du Fonds Chaleur.
Les autres mesures d’encouragement, comme le tarif d’achat attaché au biogaz, nous semblent pertinentes. Le crédit d’impôt sur les investissements en matière de développement durable est très important pour accélérer le renouvellement des équipements individuels de chauffage au bois par les particuliers. Un foyer ouvert présente un rendement de l’ordre de 10 % quand les matériels modernes labellisés Flamme verte dépassent les 70 %. C’est le véritable défi de ce segment de marché très particulier, dans lequel le flux de bois bûche a vocation à demeurer constant.
Les quatre appels à projet de type CRE semblent se solder par un échec. Orientés vers la production d’électricité et vers des dimensionnements très importants, ils ont soulevé des difficultés d’approvisionnement qui ont eu pour conséquence un taux de chute important. De plus, la rentabilité énergétique de la conversion de biomasse plaide pour un usage de chauffage (80 %) plutôt que pour une production électrique (30 % approximativement). En effet, même si elle est abondante, nous appelons à considérer la biomasse comme une ressource rare devant faire l’objet d’une allocation optimale. Le programme des communes forestières de France, « Mille chaufferies en milieu rural », a provoqué la création de plus de 500 installations apportant d’excellentes solutions, territorialisées et performantes. Nous avons découvert à Embrun, dans les Hautes-Alpes, une approche collaborative des parties prenantes orchestrée par la commune, qui va d’ailleurs évoluer en société coopérative d’intérêt collectif pour renforcer l’implication de chacun : ce projet local, adapté à la ressource locale, mobilise avec succès toute la chaîne locale.
La réglementation publique doit limiter les effets négatifs de l’usage énergétique de biomasse, dont il ne s’agit pas de nier l’existence. Je pense notamment à la pollution de l’air par des microparticules générées, entre autres, par les chauffages au bois de mauvaise qualité.
Nous appelons l’État à se faire stratège pour le développement de la filière. L’Allemagne a choisi de mobiliser des millions d’hectares pour la seule production de cultures énergétiques destinées aux méthaniseurs, au détriment des cultures alimentaires. Ses agriculteurs allemands ne sont plus des agriculteurs complétant leurs revenus par la méthanisation ; certains sont devenus des industriels dont la fonction unique est l’alimentation du méthaniseur. Vous aurez compris que la stratégie allemande ne nous enthousiasme pas, mais qu’elle est clairement tracée.
FranceAgriMer a conçu un observatoire recensant les ressources biomasse de tous types. Il permet de différencier les territoires et de sélectionner l’installation la plus adaptée à l’environnement local : entre une forêt et un ensemble urbain, les réponses pertinentes seront différentes. Faisons en sorte que chaque territoire trouve sa voie ; ne cédons pas à la facilité d’infrastructures conçues ailleurs et calquées partout, sans intelligence des lieux. Enfin, une fiscalité moins évolutive aiderait sans doute les investisseurs à constituer leurs dossiers avec une plus grande sérénité.
Le biométhane est la grande promesse de demain, je l’ai déjà expliqué. Il pourrait être notre énergie principale en 2050, et nous devons nous préparer dès aujourd’hui à cette éventualité. Quant aux biocarburants de deuxième génération – car le sort de la première nous semble scellé, chacun l’aura compris –, la France poursuit des recherches très ambitieuses qui pourraient révolutionner le secteur des transports à moyen terme, vers 2020, dans le respect du développement durable. Ceci étant, je rappelle que la même biomasse ne sert qu’une fois : il faudra arbitrer entre gaz, chaleur et agrocarburant.
Nous devons garder à l’esprit que la rareté de la ressource suppose de toujours l’employer dans des conditions optimales. Nous avons visité à Narbonne un centre de l’INRA, qui est le premier producteur mondial de brevets sur la méthanisation. Dans notre pays, la connaissance existe ; le savoir-faire est présent. À nous de nous en saisir !
Mme Sophie Rohfritsch, corapporteure. Nous formulons sept propositions à l’issue du rapport, qui sont liées les unes aux autres. Je vais vous présenter les trois premières.
Nous souhaitons la définition d’un modèle français dans le cadre européen. Le Gouvernement a formulé des lignes directrices pour le secteur de la méthanisation, mais la situation est moins claire pour les autres filières de bois-énergie et de biocarburants. Les choix doivent être clairement exposés pour être appropriés par tous.
Tracer une stratégie est désormais plus facile, depuis que FranceAgriMer a réalisé l’inventaire des ressources biomasse du territoire national. Il pourrait servir de base à un schéma national servant de guide aux initiatives locales.
La localisation des productions sécurise l’approvisionnement et la chaîne de production. Appuyons-nous sur la bonne connaissance du territoire et sur les outils locaux !
M. François-Michel Lambert, corapporteur. La quatrième proposition tient à la dynamisation de la filière bois. Nous en avons largement parlé hier et aujourd’hui.
La rareté de la ressource impose une hiérarchisation des usages pour une meilleure valorisation. On l’a beaucoup dit pour le bois ; la même logique prévaut dans le monde des déchets : il faut privilégier un recyclage des matières en premier lieu, et envisager une destruction de la matière par méthanisation uniquement dans un second temps. Quels sont les choix autres que l’énergie, et quelle énergie retenir le cas échéant ?
Le souvenir de la bulle du photovoltaïque est encore cuisant : il nous rappelle les dangers d’effets d’aubaine. Le système de soutien public nous semble globalement adapté aux besoins, donc propre à empêcher un emballement.
Enfin, les aides sont fréquemment offertes au moment de la construction des infrastructures. C’est notamment le cas pour le Fonds Chaleur. Or nous voyons bien que les difficultés de la filière se situent en amont. La répartition des subsides publics doit être réalisée tout au long de la chaîne de production pour ne pas laisser de côté son premier maillon.
M. Jean-Paul Chanteguet, président. Je souhaiterais tout d’abord vous féliciter pour la qualité de votre travail. La décentralisation énergétique me paraît un sujet majeur, dans la perspective du développement de l’usage de la biomasse pour produire de l’énergie. Certes, il existe la possibilité de développer des réseaux de chaleur, mais quid de la distribution d’électricité ou de gaz produits grâce ce moyen par les collectivités locales qui souhaitent prendre ce type d’initiatives ? Faut-il leur en donner la possibilité ? Actuellement, seule l’existence d’entreprises locales de distribution d’électricité, que ce soit dans les Deux-Sèvres, la Vienne, ou la Haute-Savoie chère à Martial Saddier, permet aux collectivités de gérer de façon autonome leur distribution d’énergie. Faudra-t-il demain élargir cette faculté à toutes les collectivités désireuses de prendre des initiatives en la matière ? Certaines s’y préparent d’ores et déjà, quand bien même la loi de 1946 bloque actuellement leur liberté d’action dans ce domaine. Nous nous trouvons devant une difficulté qu’il nous faudra trancher : soit opter pour le statu quo, soit ouvrir à la voie à des expérimentations en matière de production et de distribution de gaz ou d’électricité. Encore une fois, le problème a été réglé pour les réseaux de chaleur.
Dans le débat sur la transition énergétique, quelle place a été selon vous accordée à la biomasse dans les différents scénarii envisagés ? Je pense en particulier au scénario dit négawatt2011 qui fait la part belle au biogaz.
M. Jean-Yves Caullet. Sans concertation préalable, et cela n’en donne que plus de force à nos réflexions, nous aboutissons à des conclusions convergentes, vous sur la biomasse, moi sur la filière bois.
Monsieur le président, vous l’avez dit, notre paradigme industriel – une matière première de plus en plus homogène, une production de plus en plus massifiée, de façon à bénéficier d’économies d’échelle, pour des produits de plus en plus standardisés – se trouve remis en question par le formidable potentiel de la biomasse, par essence multisectoriel, multiforme, déconcentré et hétérogène selon le territoire. Les producteurs d’inputs pour le secteur de la biomasse viennent eux-mêmes d’horizons différents : industriels, agriculteurs ou forestiers. Les usages - production de carburant pour les véhicules, d’électricité pour les ménages, co-génération pour les industriels – reflètent également cette diversité. Ce système matriciel demande un effort de conception, d’organisation, de recherche et développement tout à fait considérable et constant, qui seul peut nous permettre d’atteindre les objectifs fixés pour 2020, 2030 et 2050. Il ne nous faudra pas baisser la garde sur l’organisation des réseaux et la complémentarité entre filières, ainsi que sur la réflexion décentralisée. Les obstacles seront nombreux, mais la constance de nos efforts et l’importance de l’enjeu font que je ne doute pas que nous connaîtrons des succès.
Que pensez-vous de la logistique inversée – c’est-à-dire qui permettrait de faire transiter les flux de déchets des consommateurs vers les producteurs – de la filière fruits et légumes pour offrir à la partie non consommée une réelle chance de valorisation ?
S’agissant des agrocarburants, ne doit-on pas considérer le colza comme une source de protéines, dont l’huile ne constituerait qu’un sous-produit, et non l’inverse ? Une réflexion s’impose sur l’indépendance protéique de notre pays : finalement quand on produit une plante, la destine-t-on prioritairement à l’alimentation ou à la production d’énergie ?
L’hydrogène me paraît de nature à la fois à réduire les émissions de CO2, à produire du méthane et à stocker l’énergie intermittente, c’est-à-dire à faire le lien entre les sources énergies intermittentes, comme le solaire photovoltaïque ou l’éolien, et la biomasse : quand pensez-vous que nous reconstituerons, comme les végétaux à leur échelle, cet arbre industriel complet ?
M. Christophe Priou. Le groupe des commissaires UMP se trouvait hier quelque peu déraciné en l’absence de son président Martial Saddier, mais, comme la forêt française, il se régénère grâce à une nouvelle pousse, personnifiée par notre Rapporteure Sophie Rohfritsch, à l’ombre d’un pin méditerranéen incarné par son co-rapporteur… (Sourires) Je les remercie tous les deux d’avoir souligné l’apport des rapports d’information déposés sous la précédente législature sur différentes filières comme l’éolien ou le solaire photovoltaïque. Cela illustre l’importance et la pertinence des travaux de notre commission : tous les commissaires vous soutiendront, jusqu’à la fin de la législature, lorsque vous les défendrez, monsieur le président. Je vous remercie également pour la cohérence du programme de nos auditions. (Approbations)
L’un de vos chapitres s’intitule « la biomasse, ressource renouvelable mais fragile » : cela rappelle les débuts de l’énergie solaire photovoltaïque et de l’éolien, et montre qu’en dépit de l’adhésion de nos concitoyens à leur déploiement, le développement des énergies renouvelables peut être perverti par un effet d’aubaine et perturbé par une instabilité fiscale.
Plutôt qu’à un observatoire de la biomasse, notre préférence irait à des investisseurs, fussent-ils publics dans un premier temps.
Une production de biomasse ne peut se concevoir que de manière territorialement décentralisée : je prendrais l’exemple d’une laiterie en Loire-Atlantique, qui regroupe des producteurs de Bretagne, de Poitou-Charentes et des Pays de la Loire, et où une chaudière à biomasse a été installée. À elle seule, elle consomme 30 à 40 % de la biomasse produite dans le grand Ouest. Il faut concilier stabilité des approvisionnements et stabilité des prix pour permettre à de tels projets de voir le jour.
La forêt publique, nous l’avons vu hier lors de l’audition de Jean-Yves Caullet, ne représente que 30 % des 15 millions d’hectares de la forêt Française, qui compte 3,5 millions de propriétaires, majoritairement de parcelles de petite taille, de l’ordre de 5 hectares. Comment, dans ces conditions de mitage du tissu forestier, mobiliser la forêt privée pour la biomasse ?
Pensez-vous que nous atteindrons l’objectif « grenellien » de 23 % de la consommation énergétique finale issus d’énergies renouvelables en 2020 ? L’utilisation de la biomasse ne doit pas se faire au détriment de l’utilisation des forêts et des productions alimentaires : dans ces conditions, comment développer son exploitation ?
Quid du Fonds Chaleur de l’ADEME ? Quelle sera la position du Gouvernement si l’Europe fait prévaloir les objectifs de réduction du CO2, ce qui pourrait constituer un frein au développement de la biomasse française ?
J’observe, quel que soit le Gouvernement, que l’on tient peu compte des rapports parlementaires, qui mériteraient une meilleure diffusion et infusion.
M. Jean-Paul Chanteguet, président. Je souscris totalement à ce qui vient d’être dit.
M. Yannick Favennec. La biomasse représente 65 %, soit la majorité, des énergies renouvelables en France, dont 46 % de bois, suivi du biogaz obtenu par fermentation de matière organique, les biocarburants fermant la marche avec 11 %. La France occupe la troisième place – derrière l’Allemagne, mais devant la Suède - en Europe.
Les objectifs restent ambitieux avec 23 % de la consommation énergétique finale issus d’énergies renouvelables en 2020, le Grenelle de l’environnement ayant également assigné à la biomasse la responsabilité de réaliser 42 % de cet effort. Le bois-énergie a vocation à en réaliser la moitié. La production de chaleur issue de la biomasse doit de surcroît être multipliée par trois entre 2010 et 2020.
France biomasse énergie a sollicité du fonds chaleur de l’ADEME une dotation de 500 millions d’euros : elle ne s’élèvera en 2013 qu’à 250 millions. Des moyens financiers doivent donc être déployés en faveur du réseau de l’ADEME, afin de mettre en place des unités de valorisation de la biomasse. Or les crédits affectés au fonds chaleur - 200 millions d’euros, alors qu’il en faudrait le double pour atteindre les objectifs que j’ai mentionnés - restent insuffisants. Le secteur de la chaleur renouvelable s’est pourtant fixé comme objectif la création de 100 0000 emplois à horizon de 2020. Quelles sont vos propositions dans ce domaine ?
S’agissant des ressources en biomasse, la forêt reste négligée. Le Grenelle avait pourtant exigé une utilisation de 40 % des sous-produits du bois. Manque un plan de mobilisation de la forêt, que l’absence de moyens financiers ne peut à elle seule expliquer : doivent pêle-mêle être invoqués l’absence de mobilisation et de remembrement des petites parcelles forestières et le manque de réflexion sur la question du transport du bois. Or la France dispose du troisième massif forestier en Europe : des milliers d’emplois se perdent donc. Que préconisez-vous ?
Enfin la méthanisation produit du biogaz que les agriculteurs peuvent valoriser : je m’en suis rendu compte sur un projet très important dans ma circonscription, en Mayenne. Là se trouve une solution à l’élimination des effluents d’élevage des filières bovines et porcines. La filière porcine allemande a d’ailleurs développé cette technologie, assurant ainsi aux éleveurs concernés un complément de revenu utile. Quelles solutions proposez-vous pour accélérer son développement en France, sachant qu’elle constitue une forme de soutien à notre élevage ?
Mme Laurence Abeille. Le titre de votre rapport – « La biomasse au service du développement durable » – revêt à mon sens une importance toute particulière : il ne s’agit pas de mesurer la compatibilité du développement de la biomasse et du développement durable, mais bien de mettre l’un au service de l’autre.
Ce rapport pose bien des questions, identifie des technologies et évalue les conséquences de leur déploiement sur notre territoire : il s’agit d’un gisement de pistes de réflexion fort riche et fort utile.
La question du bilan carbone de la biomasse, mais aussi de son bilan écologique global, dès lors que l’on prend en compte son impact sur la biodiversité et sur les ressources forestières et agricoles, reste posée. De nombreux rapports et avis d’agences publiques citent la biomasse comme l’exemple même de la fausse bonne idée pour réduire notre empreinte carbone. Je pense également au rapport de Greenpeace en 2011, qui allait jusqu’à parler de « bio-mascarade ». Le comité scientifique de l’Agence européenne de l’environnement affirmait la même année « qu’une législation qui encourage le remplacement des carburants fossiles par des carburants d’origine agricole sans prendre en compte la source de la biomasse pourrait avoir pour résultat d’augmenter les émissions de carbone, accélérant ainsi le réchauffement climatique ». Avez-vous donc évalué l’impact de la biomasse sur le climat et sur l’évolution des forêts ?
Ceci dit, s’agissant du bois-énergie, lorsque la filière alimente localement des unités de production avec des résidus de coupes locales pour produire de la chaleur en co-génération, l’impact environnemental peut être positif. Mais si cette même filière se transforme en mode de combustion à grande échelle des forêts, il en va tout autrement, en raison du carbone libéré, même s’il serait, semble-t-il, recapté par la pousse de nouveaux arbres. Mais ce processus peut prendre entre 40 et 50 ans : que se passe-t-il pendant ce laps de temps ? Peut-on de plus remplir nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) si l’on prend en compte ce déficit carbone ?
Quid par ailleurs du bilan carbone des agro-carburants, dès lors que sont prises en compte la concurrence sur les terres agricoles et l’utilisation des engrais azotés ? De celui de la méthanisation, si l’on considère les fuites de méthane, qui est un GES vingt et une fois plus nocif de ce point de vue que le CO2, au sein des installations ?
Il faut produire grâce à la biomasse de l’énergie, mais également rester dans la sobriété, le raisonnable, la proximité : ce n’est qu’à cette condition que la biomasse pourra trouver toute sa place dans notre mix énergétique. Il nous faut imaginer sur nos territoires des économies circulaires en matière de production et de distribution d’énergie, avec des ressources locales, mais sans les piller et sans alourdir le bilan carbone.
M. Philippe Plisson. Je souhaite à mon tour féliciter les auteurs de ce rapport…
M. François-Michel Lambert, corapporteur. Voici le retour des biocarburants !
M. Philippe Plisson. « C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ! », comme disait France Gall (Rires).
Je suis convaincu depuis longtemps par la méthanisation, pour avoir lancé dans ma circonscription trois projets infructueux, mais comme je ne me décourage pas, je travaille actuellement à un quatrième projet de production de méthane à partir de résidus de la vigne après distillation. La principale question qui se pose, à mon sens, est celle du cadre législatif, des financements et des accompagnements sur le terrain pour que les projets qui émergent sur l’ensemble de nos territoires deviennent des réalisations concrètes.
Par ailleurs, vous évoquez à raison l’utilisation du bois pour le chauffage, notamment sous forme de plaquettes, que nous appliquons déjà dans nos territoires avec les réseaux de chaleur pour lesquels les élus locaux sont encouragés. Comment expliquez-vous ce soutien par les pouvoirs publics contraire à l’utilisation de la biomasse ?
M. Jean-Marie Sermier. Tout en soulignant le remarquable travail accompli par nos collègues, je souligne, de manière liminaire, qu’il faut se garder d’opposer la biomasse et l’énergie nucléaire, car nous avons besoin de toutes les formes d’énergie dans le mix. J’en viens au plan d’approvisionnement : pour pouvoir investir dans le bois, notamment le bois déchiqueté, il est nécessaire d’évaluer les besoins et de les recoller. Or les collectivités territoriales ont accompli ce travail mais qu’en est-il au niveau national ?
Avez-vous par ailleurs travaillé sur le bois sous forme de bûche, principalement exploitable en zone rurale, mais qui présente le mérite de recourir à peu d’énergie pour être produit ?
S’agissant de la cogénération, nous pensons souvent aux grandes chaudières mais qu’en est-il des petites chaudières, par exemple dans les scieries, qui ne peuvent se développer en raison du faible prix d’achat proposé par Électricité de France ?
Mme Geneviève Gaillard. Il est primordial de recourir à la biomasse, mais il ne faut pas conduire cette politique sans de solides repères environnementaux. Le Québec et l’ensemble du Canada montrent que l’usage intensif du bois peut conduire à de graves problèmes environnementaux. Comment avez-vous évalué ce problème ?
M. Laurent Furst. Je suis toujours étonné par la capacité que nous affichons à fixer des objectifs pour 2050 alors que les technologies, les filières ou encore le contexte économique évoluent très rapidement. Soyons prudents sur ce dossier qui à mon sens n’est encore qu’en phase expérimentale et non à un stade de politique industrielle.
Ma question porte sur les boues et effluents des stations d’épuration. La France dispose d’un réseau remarquable, géré soit par le secteur public, soit par le secteur privé. Pourrions-nous mettre en place un développement industriel de ce réseau sur le territoire national ? Quelles sont vos réflexions sur ce potentiel ?
Mme Catherine Quéré. Vous avez souligné les solutions qu’apporte la méthanisation face à certaines pollutions, comme les lisiers d’élevage de porcs. Si l’on se réfère à l’Allemagne sur ce dossier, connaît-on le niveau des aides publiques pour soutenir cette politique ? Les projets en France sont difficiles à mettre en place car les exploitations locales ont besoin d’approvisionnement.
Mme Valérie Lacroute. Six millions de foyers français ont recours au bois. C’est un secteur dynamique, pourtant confronté au paradoxe d’être sous-exploité. L’ensemble de la filière est en souffrance alors que le Grenelle de l’environnement a fixé à 23 % la part des énergies renouvelables. Pour atteindre cet objectif, il faudrait augmenter la production de 12 millions de mètres cube de bois-énergie. Or le gisement disponible est mal connu et dans l’immédiat comme à l’avenir, la France est importatrice alors qu’elle dispose de la troisième forêt de l’Union européenne. Les coûts d’exploitation iront croissants et se répercuteront sur la facture du consommateur. Ne serait-il pas plus pertinent d’inciter les propriétaires à augmenter leur production ?
M. Jean-Jacques Cottel. La méthanisation constitue une ressource mal exploitée. Comme on ne peut recycler tous nos déchets, pour des raisons d’acheminement vers les centres de traitement, transformer ces derniers en gaz est une réponse. Malheureusement, chaque projet engendre plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Dans le monde agricole, beaucoup d’acteurs émettent des idées qui trouvent peu de solutions concrètes. J’ai ainsi trois exemples dans ma circonscription, avec l’utilisation potentielle des racines d’endives, la mise en réseau de la chaleur produite par les bâtiments d’élevage et des habitations et enfin, la transformation de l’huile de colza afin de la mélanger à certains carburants pour les machines agricoles ou les bateaux, qui présente l’avantage de produire également des tourteaux pour le bétail. Peut-on apporter un soutien public à de tels projets ?
M. Michel Heinrich. J’ai beaucoup d’admiration pour les agriculteurs qui se lancent dans des projets de méthanisation, mais ne pensez-vous pas qu’on les place face à des dossiers trop complexes à monter ? Sinon, plus de projets verraient le jour…
S’agissant de la ressource en bois, les industriels du papier ou des panneaux craignent que l’utilisation du bois pour l’énergie provoque l’augmentation du coût de leur matière première. Or nous avons du mal à évaluer nos ressources en biomasse alors que vous mettez en lumière dans votre rapport l’importance de la forêt française et le fait que la collecte annuelle se limite à la moitié de sa croissance naturelle.
Enfin, je souhaiterais souligner que certains projets CRE n’aboutiront pas mais ils empêcheront d’autres projets d’émerger.
M. Guillaume Chevrollier. Chacun soutient naturellement le développement des énergies renouvelables et, en particulier, celui de la biomasse. Chacun espère également que ce développement s’accompagnera d’une réduction de la consommation des énergies fossiles, et donc des émissions de gaz à effet de serre. Certains territoires ruraux comptent également sur cette activité pour créer de la richesse, notamment au sein des exploitations agricoles.
Des difficultés demeurent pourtant : disponibilité incertaine de la biomasse elle-même, nouvelle organisation des filières à établir, investissements de départ importants, procédures administratives souvent lourdes. Les petits projets de valorisation locale n’échappent pas à ces difficultés : il conviendrait donc de mieux les faire connaître dans les territoires, afin de faciliter leur décollage.
La biomasse étant, de surcroît, une source d’énergie particulièrement importante dans les pays en voie de développement, l’aide technique qui serait susceptible de leur être apportée pourrait nourrir une coopération efficace. Une telle coopération existe-t-elle aujourd’hui – car la coopération, c’est aussi du développement durable ?
Mme Martine Lignières-Cassou. La question de la biomasse, comme le traitement de la forêt, ne s’appréhende correctement qu’au niveau local. Les territoires rencontrent aujourd’hui de grandes difficultés pour monter leurs stratégies de transition énergétique, ne serait-ce que parce que les collectivités locales ne sont pas reconnues comme des acteurs à part entière, qu’elles ne disposent pas d’états des lieux précis et actualisés, et qu’EDF défend une vision extrêmement centralisée de la production d’électricité.
Les réflexions sectorielles que nous conduisons dans cette commission montrent que le niveau local est déterminant, sans pour autant que les collectivités disposent aujourd’hui des moyens nécessaires.
M. Jean-Pierre Vigier. En France, troisième pays producteur de biomasse au sein de l’Union européenne, celle-ci représente 65 % de la production énergétique d’origine renouvelable. Utilisée pour lutter contre le réchauffement climatique et pour diversifier les sources d’énergie, la biomasse apporte un soutien important au développement des territoires ruraux. Elle permet la diversification des activités agricoles et le maintien – ou la création – d’emplois.
Les ressources de la biosphère ne sont néanmoins pas inépuisables, alors que les besoins en énergie paraissent toujours croissants. Une politique énergétique focalisée sur la biomasse risquerait de conduire à un appauvrissement de ces ressources. Par ailleurs, la mobilisation de la biomasse n’est pas sans effet sur l’environnement – par exemple, le rejet de particules et de dioxyde de soufre. Comment, dès lors, concilier une utilisation raisonnable et nécessaire de la biomasse et la préservation de la qualité de l’environnement et celle de nos produits agricoles ?
M. David Douillet. Un grand constructeur automobile me disait encore récemment considérer que le diesel demeurerait, de son point de vue, l’avenir de l’automobile. Une telle analyse m’a surpris, pour ne pas dire choqué.
Pour ce qui concerne tant les moteurs des véhicules automobiles que les réacteurs d’aéronefs, les constructeurs sont-ils suffisamment informés des travaux et des avancées de la recherche ? De nouvelles étapes seront franchies dans l’aéronautique vers 2017-2020, avec ProBio3 ou BioTFuel, alors que les besoins – mais aussi la pollution – vont continuer à s’accroître. Je crains que ne coexistent, sans interagir ni être en adéquation, d’une part, une logique « constructeur » et, d’autre part, une logique « chercheur-fabricant ».
M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’apporte une précision : chaque année, du fait de la diésélisation du parc automobile à hauteur de 60 %, la France importe aujourd’hui 15 à 16 milliards d'euros de gasoil et exporte de l’essence pour un montant avoisinant les 3 milliards d'euros. Notre pays est donc déficitaire d’environ 13 milliards d'euros sur ces catégories de carburant : c’est un chiffre qu’il faut conserver à l’esprit, dans le cadre des débats actuels sur le rééquilibrage de la taxation du diesel.
M. Martial Saddier. Nous sommes aujourd’hui confrontés à de multiples défis en matière de qualité de l’air et en phase précontentieuse avec la Commission européenne, s’agissant des PM10. Pensez-vous que le lien est aujourd’hui suffisamment établi entre la qualité de l’air, le débat sur la transition énergétique et les méthodes de chauffage domestique ?
Votre rapport souligne les problèmes posés par le chauffage au bois quant aux émissions de particules fines, PM10 et peut-être PM2,5. Que pensez-vous de l’expérimentation du fonds « Air-bois », conduite en Haute-Savoie par l’ADEME et les collectivités territoriales pour aider les particuliers – à hauteur de 1 000 euros par foyer – à remplacer leurs foyers ouverts par des foyers fermés ?
Par ailleurs, lorsqu’un bien est aujourd’hui vendu, on effectue un diagnostic de l’électricité, de l’assainissement autonome, le cas échéant, et de l’efficacité énergétique. Ne pensez-vous pas opportun de les compléter, dans ces mêmes circonstances, par un diagnostic du chauffage domestique ?
Mme Sophie Rohfritsch, corapporteure. Les nombreuses questions posées attestent de l’intérêt porté au sujet de la biomasse.
Qui doit payer pour mieux valoriser la biomasse ? En Allemagne, le choix a clairement été fait de faire peser le poids des investissements nécessaires sur les particuliers. Le consommateur se trouve, en quelque sorte, « surtaxé », afin de privilégier le développement économique et de permettre aux industriels d’avoir accès à des tarifs avantageux.
François-Michel Lambert et moi-même n’avons pas pris position sur ce sujet, qui dépassait le cadre de notre mission. À titre personnel – et ce n’est pas parce que je suis élue en Alsace (Sourires) – et sans engager mon corapporteur, j’estime que la solution allemande est intéressante, car elle permet de respecter les objectifs que l’on s’assigne en termes de mix énergétique tout en préservant la compétitivité économique de nos entreprises.
En réponse aux interrogations sur la dangerosité et le bilan carbone, le rapport préconise un effort important sur le plan technologique afin d’améliorer les rendements : plus les chaudières seront performantes, plus la ressource-matière sera valorisée, plus le rendement sera élevé et moins les pollutions seront significatives. De ce point de vue, la suggestion de notre collègue Martial Saddier de croiser les données relatives au chauffage individuel et celles relatives à la qualité de l’air me semble tout à fait judicieuse – y compris dans le cadre du diagnostic de vente d’un bien immobilier.
Quant au bilan carbone de la filière, le rapport reprend les résultats d’une étude très fine conduite par l’ADEME et préconise donc une utilisation de la matière au plus près de son site de production.
M. François-Michel Lambert, corapporteur. Ainsi que plusieurs intervenants l’ont souligné, la biomasse renvoie à des modèles techniques différenciés, adaptés aux réalités des territoires et articulés autour des concepts d’économie circulaire et de production décentralisée de l’énergie. La flexibilité s’impose pour faire émerger les projets et les rendre robustes, au cas par cas.
La biomasse jouera un rôle central dans les scénarios énergétiques à venir et doit donc trouver sa pleine place, tant dans les politiques publiques que dans les relais médiatiques.
Certains ont mis en doute l’intérêt de créer un Observatoire de la biomasse et souligné que la priorité était d’attirer des investissements. Mais pour attirer un investisseur, il faut lui donner une visibilité ! Aujourd’hui, nombre de projets échouent, parce qu’on ne connaît pas exactement le volume de la ressource disponible, mobilisable sur les vingt prochaines années. Telle sera bien la mission de cet Observatoire : dresser un état de l’existant, avant de faire appel à des investisseurs publics ou privés pour lancer des projets.
L’objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2020 est-il réaliste ? Pour ce qui concerne la biomasse, qui représente 60 % de ces énergies, il me semble qu’il est à notre portée. Il faudra sans doute que Fonds Chaleur soit renforcé et développe ses interventions à tous les niveaux de la chaîne énergétique, depuis le producteur jusqu’à la distribution.
Pour ce qui concerne le nombre de méthaniseurs en Allemagne, il faut rappeler que les effluents porcins et bovins ont un pouvoir méthanogène relativement faible et qu’ils nécessitent des compléments à base de lignite, paille et autres, à hauteur de 80 %. N’inversons donc pas les logiques de production agricole, à l’instar de ce projet de ferme-usine de « 1 000 vaches » dans la Somme, où les productions de lisier et de fumier constituent les ressources à la base du modèle économique de méthanisation et où la viande et le lait ne seraient plus que des sous-produits…
La question du bilan carbone est primordiale. Je rappelle sur ce point que la captation du CO2 est principalement effectuée par des arbres jeunes, lors de leur croissance, et non par des arbres anciens. Couper des arbres centenaires est une réalité que nous avons du mal à accepter en France. En sylviculture, c’est la rotation qui permet d’emprisonner le CO2.
Certains ont également évoqué les risques de fuites dans les processus de méthanisation. Tout ce qui se décompose provoque de toute manière un rejet de gaz dans l’atmosphère. Il vaut mieux en conséquence maîtriser nous-même la méthanisation afin de disposer d’une source d’énergie supplémentaire, même si des fuites sont inévitables. Il faut essentiellement disposer de matériel performant.
Notre collègue Philippe Plisson a évoqué les aides dont un projet peut bénéficier. Il est vrai que ces dernières interviennent tardivement lorsqu’un projet vise à créer une chaîne de valorisation du bois ou des déchets. En outre, l’ADEME agit selon un référentiel qui ne couvre pas toutes les innovations technologiques. Certains chercheurs proposent alors leurs idées à des sociétés étrangères, ce qui nous conduit ultérieurement à importer des technologies que nous aurions pu développer en France...
M. Jean-Yves Caullet. … et elles coûtent alors beaucoup plus cher !
M. François-Michel Lambert, corapporteur. Quant au bois sous forme de plaquette, la réponse me semble résider dans le circuit qu’il emprunte. S’il s’agit d’un circuit court, comme dans la région d’Embrun et des communes avoisinantes, nous nous trouvons en face de la valorisation d’une richesse locale. Si nous devons importer les plaquettes depuis le Canada ou l’Ukraine, le bilan carbone final est plus problématique.
Le bois sous forme de bûche a pour sa part un bel avenir, à la condition de changer les foyers actuels qui ont un faible rendement et sont générateurs de fortes pollutions. Le crédit d’impôt en faveur des énergies renouvelables peut permettre d’accélérer le renouvellement du parc des foyers.
La projection à 2050, sur laquelle notre collègue Laurent Furst s’interrogeait, me paraît pertinente car les investissements dans le secteur de l’énergie sont à très long terme, de l’ordre de plusieurs décennies. Il en est de même pour la croissance des arbres, qui mettent en moyenne 30 ans avant d’être exploitables. Il est normal que les acteurs économiques se projettent à cet horizon et que notre réflexion les suive. Quand GRTgaz et quatre autres opérateurs européens projettent de produire, en 2050, 100 % de gaz neutre en carbone, cela signifie que ce modèle ne se borne pas à être une utopie.
Je n’insisterai pas trop sur les boues, dont j’ai abondamment parlé, sinon pour souligner que la solution est plutôt locale que nationale, en raison de leur nature et de leur usage par les agriculteurs. Attention à bien comprendre le système allemand. La méthanisation des rejets des élevages porcins fonctionne parce que le tarif de rachat est à prix intéressant, mais rappelons qu’au final il s’agit de la confiscation de terres pour un usage industriel puisque l’on injecte dans le processus les produits de grande culture, comme le maïs. Ces produits ne sont plus destinés à l’alimentation humaine… C’est une forme de rupture par rapport à la finalité du travail de la terre, que nos agriculteurs n’apprécieraient guère.
Quant à la méthanisation des déchets ménagers, notre pays doit mettre en œuvre plusieurs projets, notamment la récupération systématique et différenciée des restes de nourriture dans les restaurants servant plus de cent couverts par jour.
N’oublions pas que l’utilisation d’huile de colza nous conduit à importer de l’huile de palme dont la production pose des problèmes sociaux et environnementaux, sans en parler des conséquences sanitaires.
La coopération internationale technique existe… C’est un des axes de travail de l’Agence française de développement, sous l’égide du ministère de la coopération. La question du disesel renvoie à une mission qui n’est pas actuellement à notre ordre du jour, sachant que les constructeurs automobiles continuent dans cette voie. Enfin, le diagnostic sur le chauffage domestique me paraît devoir être accompli lors de l’acte de vente d’un logement afin d’informer les nouveaux acheteurs de ce qu’ils gagneraient et feraient gagner à la collectivité.
En conclusion, la valorisation de la biomasse constitue bien une forme d’économie circulaire locale, pleine de promesses. C’est ce qui était enthousiasmant dans notre mission. Beaucoup d’acteurs sont prêts à innover technologiquement mais aussi financièrement, et appellent à une réforme de la gouvernance de la politique de l’énergie, à la hauteur des attentes de la nation.
M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie pour la qualité de votre travail, qui est aussi enrichissant pour nous, et la précision de vos réponses.
*
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a alors autorisé à l’unanimité la publication du rapport de la mission d’information sur la biomasse.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (direction de l’Énergie)
– M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l'Énergie
– M. Pascal Dupuis, chef du service Climat et Efficacité énergétique
Ministère de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et de la forêt (sous-direction de la forêt et du bois)
– M. Jacques Andrieu, sous-directeur
– M. Jean-Marie Lejeune, adjoint au chef de bureau du développement économique
Ministère de l’agriculture
– M. Éric Giry, chef du service de l'agro-alimentaire et du développement durable
– M. Aurélien Million, chef du bureau de la biomasse et de l'énergie
Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD)
– Mme Sylvie Alexandre, ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts
– M. André-Jean Guerin, ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts
– Christophe Attali, ingénieur général des Mines
Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)
– Mme Catherine de Menthière, ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts
– M. Jean Gault, ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts
ADEME
– Mme Virginie Schwarz, directrice des programmes
Observatoire des énergies renouvelables
– M. Alain Liébard, président
– M. Yves-Bruno Civel, directeur général
France Nature Environnement
– Mme Maryse Arditi, pilote du réseau énergie
Syndicat des énergies renouvelables
– M. Cyril Le Picard, président de France Biomasse énergie et président de l’union de la coopération forestière française (UCFF)
– M. Jean-Louis Bal, président du syndicat
– M. Damien Mathon, délégué général du syndicat
– M. Pierre Ducray (administrateur de FBE et également directeur de l’Union des coopératives forestières françaises - UCFF)
– M. Alexandre de Montesquiou, consultant
Caisse des Dépôts
– M. Laurent Piermont, président-directeur général de la Société Forestière, filiale de la Caisse des dépôts
– M. Éric Lecomte, responsable du département énergie-environnement au sein de la Direction du Développement Territorial et du Réseau
– Mme Marie-Michèle Cazenave, responsable du pôle affaires publiques
Fédération nationale du bois
– M. Nicolas Douzain Didier, délégué général
Institut du végétal ARVALIS
– Mme Afsaneh Lellahi, responsable du pôle Environnement et démarches filières chez Arvalis-institut du végétal
– M. Arnaud Rondeau, président de la Commission biomasse (AGPM AGPB)
– M. Gildas Cotten, responsable Nouveaux Débouchés
– Mme Camille Tubiana, responsable des relations institutionnelles (AGPB)
DALKIA – Veolia
– M. Pierre de Montlivault, directeur des nouvelles offres énergétiques, Dalkia Veolia Environnement
– Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante, directeur des relations institutionnelles Veolia Environnement
Club Biogaz
– Mme Caroline Marchais, déléguée générale
– M. Antoine Jacob, président de la société Idex
Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)
– M. Laurent Paquin, membre du conseil d’administration de la FNSEA, président de la FDSEA Meurthe et Moselle et responsable du dossier Biomasse
– Melle Sabrina Fuseliez, chargée mission énergie climat
– Mme Nadine Normand, attachée parlementaire
EDF
– M. Stéphane Dupré-La-Tour, chef du département énergies renouvelables
– M. Luc Valaize, directeur du groupe Tiru
– M. Bernard Kempf, directeur du développement et des relations externes du groupe électricité de Strasbourg
– M. Yves Barlier, délégué management d'énergie à la direction systèmes énergétiques insulaires
– M. Bertrand Le Thiec, directeur adjoint à la direction des affaires publiques
Direction générale de la prévention des risques
– Mme Patricia Blanc, chef du service de la prévention des nuisances et de la qualité de l'environnement,
– Mme Fantine Lefèvre, adjointe, bureau de la qualité de l'air à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)
E.ON France
– M. Luc Poyer, président
– M. Stéphane Morel, secrétaire général
GDF-SUEZ
– M. Alain Colle, directeur chaîne gazière, dir. com. et marketing GDF-Suez
– M. Pierre Guyard, directeur des marchés collectivités et habitat de Cofely
– Mme Valérie Alain, directeur des relations institutionnelles
– Mme Carole Bloquet, directrice environnement et innovation, SITA France
Capénergies
– M. Bernard Besnainou, directeur adjoint
GrDF
– M. Jean Lemaistre, directeur stratégie régulation,
– M. Sylvain Chapon, chargé de mission Territoires
– M. Anthony Mazzenga, attaché stratégie
Air Liquide
– M. Thierry Sueur, directeur des affaires européennes et internationales
– Mme Aliette Quint, directrice adjointe affaires européennes et internationales
– M. Pierre-Etienne Franc, directeur des technologies du futur
– M. Jean-Luc Bretesche, directeur des développements internationaux, division des technologies du futur
– Mme Nathalie Schmitt, directrice innovation et développement, Lurgi-Global E&C Solutions
Coop de France
– M. Jean Marie Gabillaud, président de la Commission développement durable de Coop de France, président de Coop de France Ouest, et vice-président de la CAVAC.
– M. Pierre Ducray, responsable opérationnel biomasse pour Coop de France et directeur de l’UCFF Union de la coopération forestière française
– Mme Laure Pedoussaut, chargée de mission biomasse énergie climat
– Mme Irène de Bretteville, responsable des relations parlementaires
Fédération Nationale des Communes Forestières
– M. Dominique Jarlier, président des communes forestières Auvergne-Limousin, en charge du Bois Energie pour la Fédération,
– M. Jean-Claude Aymard, président des communes forestières des Bouches-du-Rhône
– M. Alain Lesturgez, directeur de la Fédération nationale des communes forestières
Institut national de la recherche agronomique (INRA)
– M. Paul Colonna, directeur scientifique adjoint environnement
– M. Momot, conseiller parlementaire auprès du président
FranceAgriMer
– M. André Barlier, directeur marchés, études et prospective
– M. Patrick Aigrain, chef du service « Biomasse »
Ambassade d’Allemagne
– Mme Michaela Gastiner, service économique, responsable environnement, climat, énergies renouvelables, salons et foires, développement
– M. Götz Schmidt-Bremme, ministre, directeur des affaires économiques
Office national des forêts
– M. Pascal Viné, directeur général
Diester Industries et Sofiproteol
– M. Michel Boucly directeur général adjoint
– Mme Kristell Guizouarn, directrice du développement durable
– Mme Bénédicte Monpert, responsable engagements biomasse
– M. Stéphane Yrles, secrétaire général-directeur des relations institutionnelles
IFP-EN
– M. Pascal Barthélemy, directeur général adjoint
– Mme Nathalie Alazard, directeur économie et veille
– Mme Armelle Sanière, chargée des relations institutionnelles
Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA)
– M. Jean-Marc Bournigal, président
– M. Pierrick Givone, directeur général délégué à la recherche et à l’innovation
GE France
– M. Vincent Champain, directeur secteur public GE France
– M Pierre Laboube, directeur de l’ingénierie
– M. Didier Lartigue, directeur général Clarke Energy
Energy biomass sourcing
– M. Serge Grandvaux
– M. Alain Arnaud
AREVA
– M. Jacques Gérault, directeur des affaires publiques
– M. Xavier Hurbin, directeur des activités biomasse
Confédération générale des planteurs de betterave (CGPB)
– M. Alain Jeanroy, directeur général
– M. Nicolas Rialland, responsable éthanol et bionénergies
Association des producteurs de blé (AGPB)
– M. Pierre-Olivier Drège, directeur général
– Mme Camille Tubiana, responsable des relations institutionnelles
CGT Mines Énergies
– M. Jean Barra
– M. Julien Lambert
Commission de régulation de l’énergie (CRE)
– M. Philippe de Ladoucette, président
– Mme Esther Pivet, directeur du développement des marchés
– Mme France de Saint-Martin, chargée des relations institutionnelles
Cellule biomasse d’Auvergne
– M. André Charles, ingénieur DRAF et animateur cellule biomasse
FO Énergie et Mines
– M. Édouard Cahen
– M. Jean-Pierre Damm
Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
– M. Bernard Bigot, administrateur général
ZETA pellet
– M. Étienne Frank, président
AMORCE
– M. Nicolas Garnier, délégué général
Conseil économique, social et environnemental (CESE)
– Mme Marie de L’Estoile, rapporteur sur « La valorisation de la forêt française »
– M. Régis Hochart, rapporteur sur « La future PAC en 2013 »
– M. Philippe Blumenfeld, administrateur section « Agriculture, pêche et alimentation »
SOLAGRO
– M. Christian Couturier, directeur du pôle énergie
***
Déplacement en Guyane (5 décembre 2012)
– M. Christian Claudon, commissaire au développement productif
– Entreprise Voltalia
Déplacement à Embrun (15 mars 2013)
– Mme Chantal Eymeoud, maire
– M. Joël Giraud, député des Hautes-Alpes
– M. Marc Viossat, deuxième adjoint chargé de l’environnement et de l’espace rural, président de la Régie Bois Énergie
– Mme Véronique Buisson Bournat, directrice de la Régie Bois Énergie
Déplacement à Gardanne, au siège de l’Union régionale des communes forestières de PACA (15 mars 2013)
– M. François Hermant, DRAAF Paca
– M. Jacky Percheval, DREAL Paca
– M. Yves Le Trionnaire, DREAL Paca
– M. Thierry Laffont, ADEME
– M. Jean-Claude Michel, président de l’Union régionale des communes forestières PACA
– M. Jean-Claude Aymard, président des communes forestières des Bouches-du-Rhône
– M. Nello Broglio, président des communes forestières du Var
– Mme Elsa Bardi-Assante, service forêt et développement agricole de la région PACA
– M. Daniel Seven, directeur bois, ONF direction territorial Méditerranée
Déplacement Agglomération du Grand Narbonne (22 avril 2013)
– M. Jacques Bascou, président de la communauté d'agglomération,
– Mme Marie Bat, vice-présidente déléguée à l'environnement
– M. Jean-Philippe Steyer, directeur de recherche du laboratoire de biologie de l’environnement de l’INRA
– M. L’Hoste, directeur régional SEDE
– Entreprise Naskeo
1 () Rapport n° 1846 de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, déposé le 16 juillet 2009.
2 () Rapport n° 2398 de M. Franck Reynier, déposé le 31 mars 2010.
3 () Ce scénario est pourtant très optimiste si on en croit l’Agence internationale de l’énergie, selon laquelle les énergies fossiles prédomineront encore longtemps dans la consommation mondiale.
4 () Les nouvelles voies de production explorées par les recherches en cours seront exposées plus avant.
5 () La méthanisation ne sera pas confondue avec la méthanation, procédé industriel de conversion catalytique de l'hydrogène et du monoxyde de carbone en méthane.
6 () Notamment dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable.
7 () Pour comparaison, la consommation finale d’électricité du pays s’est établie à 489,5 TWh en 2012.
8 () Le projet d’une étable de mille vaches laitières et 750 veaux dans les communautés de communes d’Abbeville et de Nouvion est actuellement au stade de la construction, Un méthaniseur recevra des résidus organiques récoltés dans un rayon de 110 kilomètres. L’épandage du résidu s’effectuerait sur plus de 2 700 hectares.
9 () Par comparaison, Dalkia a indiqué à la mission d’information utiliser également un million de tonnes de bois par an, mais pour l’ensemble de ses 177 chaufferies produisant 500 MW thermiques et 70 MW électriques.
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