N° 1282 - Rapport de Mme Anne-Yvonne Le Dain et M. Éric Ciotti déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur la mise en application de la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants



N° 1282

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juillet 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

sur la mise en application de la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants,

PAR M. Éric CIOTTI et Mme Anne-Yvonne LE DAIN,

Députés.

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INTRODUCTION 5

I. UNE LOI RENDUE RAPIDEMENT APPLICABLE APRÈS SON ADOPTION 7

A. DES DÉCRETS D’APPLICATION PARUS DEUX MOIS APRÈS LA PROMULGATION DE LA LOI 7

B. UN PROTOCOLE D’ACCORD CONCLU ENTRE L’EPIDE ET LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE ET UNE CIRCULAIRE D’APPLICATION PUBLIÉÉ PAR LE MINISTRE DE LA JUSTICE 11

C. LES ADAPTATIONS APPORTÉES AUX MÉTHODES DE PRISE EN CHARGE DANS LES CENTRES EPIDE 13

II. DES PREMIERS PAS INTÉRESSANTS POUR L’APPLICATION DE LA LOI DU 26 DÉCEMBRE 2011, AVANT UNE INTERRUPTION TROP RAPIDE 15

A. LE BILAN DES PREMIERS MOIS DE MISE EN APPLICATION DE LA LOI DU 26 DÉCEMBRE 2011 16

1. En 2012, 85 mineurs ont été accueillis dans un centre EPIDE dans le cadre d’un contrat de service 16

2. Le taux de sorties prématurées des volontaires juniors a été plus élevé que celui des jeunes majeurs accomplissant un contrat de volontariat pour l’insertion 18

3. Le bilan dressé par les professionnels après les premiers mois de mise en œuvre de la loi du 26 décembre 2011 est positif quant à l’intérêt de la mesure pour les mineurs qui ont achevé leur contrat 19

B. FAUTE DE FINANCEMENTS, UN DISPOSITIF À L’ARRÊT DEPUIS DÉCEMBRE 2012 20

III. RELANCER OU RENDRE EFFECTIVE L’APPLICATION DE LA LOI DU 26 DÉCEMBRE 2011 EN ÉLARGISSANT LES POSSIBILITÉS D’Y RECOURIR 22

A. ASSURER ET PÉRENNISER LE FINANCEMENT DE L’ENSEMBLE DES MISSIONS DE L’EPIDE 22

B. ÉLARGIR LES CAS DE RECOURS AU CONTRAT DE SERVICE EN ÉTABLISSEMENT PUBLIC D’INSERTION DE LA DÉFENSE 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 31

MESDAMES, MESSIEURS,

La loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants avait pour objet de renforcer la diversité des réponses pénales pouvant être apportées à la délinquance des mineurs, en créant une nouvelle mesure judiciaire intitulée contrat de service en établissement public d’insertion de la défense.

Le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense peut être ordonné par le juge des enfants ou le tribunal pour enfants dans plusieurs cadres procéduraux – composition pénale, ajournement de peine ou sursis avec mise à l’épreuve – à l’encontre de mineurs âgés de seize à dix-huit ans. En pratique, il consiste dans l’exécution, par le mineur auteur d’une infraction, d’une période de contrat au sein d’un centre de l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) (1).

Au cours de l’accomplissement de ce contrat, dont la durée est comprise entre six et douze mois, le mineur reçoit – comme les jeunes majeurs volontaires pour l’insertion que l’EPIDE accueille depuis sa création en 2005 – une formation générale et professionnelle destinée à favoriser son insertion socio-professionnelle. Les mineurs effectuant un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense sont appelés volontaires pour un contrat de service, tandis que les jeunes majeurs volontaires sont appelés volontaires pour l’insertion. Toutefois, l’appellation retenue dans les centres EPIDE pour désigner au quotidien les mineurs accueillis sur le fondement de la loi du 26 décembre 2011 est celle de volontaires juniors.

De statut civil et ne comptant dans leur personnel aucun militaire d’active, les centres de l’EPIDE sont caractérisés par un fonctionnement d’inspiration militaire. Cette inspiration résulte des termes mêmes de la loi : l’article L. 3414-1 du code de la défense, qui définit les missions de l’EPIDE, prévoit que celui-ci « organise des formations dispensées dans des institutions et par un encadrement s’inspirant du modèle militaire » et « accueille et héberge des jeunes dans le cadre de ces formations ».

S’appuyant sur les résultats encourageants enregistrés par l’EPIDE entre 2005 et 2011 en termes d’insertion de jeunes gens en très grande difficulté sociale, la proposition de loi qu’avait déposée votre rapporteur (2), devenue ensuite la loi du 26 décembre 2011, avait pour objectif de permettre à des mineurs s’approchant de l’âge de la majorité de bénéficier du savoir-faire de l’EPIDE afin de sortir de la voie délinquante sur laquelle ils s’étaient engagés. Dans une perspective de diversification de la réponse pénale, souhaitée par les acteurs de la justice des mineurs, elle visait aussi à instaurer un « chaînon manquant » dans la gradation de la réponse pénale « entre, d’une part, des structures au fonctionnement peu contraignant tels que les internats scolaires ou les foyers classiques de placement des mineurs délinquants, et, d’autre part, les structures privatives ou restrictives de liberté que sont la prison et les centres éducatifs fermés » (3).

La loi du 26 décembre 2011 a été rendue applicable très peu de temps après sa promulgation, grâce à la parution rapide des textes d’application nécessaires et à une adaptation des modalités d’accueil par les centres de l’EPIDE et ce, malgré une construction budgétaire dont votre co-rapporteure considère qu’elle était fragile et peu lisible (I). Mais sa mise en œuvre a été interrompue trop rapidement, après des premiers pas intéressants (II).

Votre rapporteur, qui considère que la mise en œuvre de la loi du 26 décembre 2011 a été interrompue en raison de l’absence de renouvellement de son financement à la fin de l’année 2012, souhaite que cette mise en œuvre soit relancée. Votre co-rapporteure, qui estime, quant à elle, que la nouvelle mission confiée à l’EPIDE par la loi du 26 décembre 2011 n’avait en réalité pas été budgétée de façon solide et pertinente pour l’année 2012, espère que la mise en œuvre de cette loi puisse désormais devenir effective. En tout état de cause, vos rapporteurs proposent que les cas dans lesquels il peut être recouru au contrat de service en établissement public d’insertion de la défense soient élargis (III).

I. UNE LOI RENDUE RAPIDEMENT APPLICABLE
APRÈS SON ADOPTION

La loi du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants appelait, pour son application, la publication d’un décret prévu par l’article 4 de la loi. Ce décret a été pris le 29 février 2012, soit deux mois après la publication de la loi : il s’agit du décret n° 2012-283 du 29 février 2012 modifiant le décret n° 2005-888 du 2 août 2005 relatif à l’allocation et à la prime versées aux volontaires pour l’insertion (4).

Par ailleurs, un second décret, non expressément prévu par la loi du 26 décembre 2011 mais nécessaire pour adapter le fonctionnement de l’EPIDE à la nouvelle catégorie de personnes qu’il avait vocation à accueillir en application de cette loi, a été pris le même jour que le décret précédemment cité : le décret n° 2012-282 du 29 février 2012 pris pour l’application de la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (5).

Un protocole d’accord conclu le 7 février 2012 entre l’EPIDE et la PJJ et une circulaire du ministre de la Justice diffusée le 1er mars 2012 ont également permis de rendre la loi du 26 décembre 2011 applicable rapidement après sa promulgation (6).

Enfin, l’EPIDE a apporté des adaptations à ses méthodes de prise en charge des volontaires, afin de rendre aussi efficace que possible le travail à accomplir avec le nouveau public des volontaires juniors.

A. DES DÉCRETS D’APPLICATION PARUS DEUX MOIS APRÈS LA PROMULGATION DE LA LOI

—  Le décret n° 2012-283 du 29 février 2012 modifiant le décret n° 2005-888 du 2 août 2005 relatif à l’allocation et à la prime versées aux volontaires pour l’insertion

L’article 4 de la loi du 26 décembre 2011 a créé dans le code de la défense un nouvel article L. 130-5 qui définit les modalités d’exécution du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense effectué sur décision judiciaire. En effet, si le régime du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense est pour l’essentiel aligné sur celui du contrat de volontariat pour l’insertion défini aux articles L. 130-1 à L. 130-4 du code de la défense, des règles particulières justifiées par le caractère judiciaire de l’accomplissement du contrat sont prévues à l’article L. 130-5.

L’article L. 130-3 du code de la défense prévoit le versement aux volontaires pour l’insertion d’une allocation mensuelle et d’une prime de fin de contrat. Le III de l’article L. 130-5 déroge à cette disposition, en prévoyant que les mineurs effectuant un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense ne perçoivent pas l’allocation mensuelle, mais uniquement la prime de fin de contrat, dans des conditions fixées par décret. Votre rapporteur avait estimé, dans le cadre des travaux préparatoires de la loi du 26 décembre 2011, que le fait de bénéficier de la prime de fin de contrat pourrait constituer, pour les mineurs concernés, « une incitation supplémentaire à accepter la mesure proposée par l’autorité judiciaire » (7).

Le décret n° 2012-283 du 29 février 2012 a modifié le décret n° 2005-888 du 2 août 2005 relatif à l’allocation et à la prime versées aux volontaires pour l’insertion, afin de définir, conformément au III de l’article L. 130-5 du code de la défense, les modalités de versement de la prime de fin de contrat aux volontaires juniors. Ainsi, l’article 1er du décret n° 2005-888 du 2 août 2005 précité a-t-il été complété par un alinéa prévoyant que « l’accomplissement d’un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense n’ouvre pas droit au versement de cette allocation » (l’allocation mensuelle). L’article 2 de ce même décret a été modifié pour prévoir que, si les volontaires pour l’insertion perçoivent la prime de fin de contrat avec la dernière allocation mensuelle, les volontaires juniors perçoivent cette prime « à l’échéance du dernier mois accompli ».

L’article 3 de ce même décret a été complété pour prévoir que le montant de la prime de fin de contrat versée aux volontaires juniors est fixé par décision du directeur général de l’EPIDE. Le montant de cette prime, qui est fonction du nombre de mois de volontariat effectivement accomplis, a été fixé à 150 euros par mois par des décisions du directeur général de l’EPIDE en date du 16 mars 2012 et du 22 janvier 2013. Ce montant est supérieur au montant mensuel de la prime de fin de contrat versée aux volontaires pour l’insertion, fixé à 90 euros par les mêmes décisions, mais ces derniers perçoivent en outre une allocation mensuelle dont le montant est fixé à 210 euros.

Le même article 3 prévoit également désormais qu’« en cas de besoin, le directeur du centre de formation peut décider d’utiliser au bénéfice du volontaire pour un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense une part de la prime déjà capitalisée ».

Enfin, la rédaction de l’article 4 du décret du 2 août 2005 a été modifiée pour prévoir, comme cela était déjà prévu pour les volontaires pour l’insertion, que la part de la prime qui n’a pas été utilisée au bénéfice du volontaire junior ne lui est pas due « en cas de non-respect de ses obligations contractuelles ».

—  Le décret n° 2012-282 du 29 février 2012 pris pour l’application de la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants

Le fonctionnement de l’EPIDE est régi par deux autres décrets : les décrets n° 2005-885 du 2 août 2005 relatif au volontariat pour l’insertion et n° 2005-886 du 2 août 2005 relatif à la discipline générale s’appliquant aux volontaires pour l’insertion au sein des centres de formation de l’établissement public d’insertion de la défense. L’adoption de la loi du 26 décembre 2011 rendait nécessaire l’adaptation de ces deux décrets pour permettre l’accueil des mineurs devant exécuter un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense. C’est le décret n° 2012-282 du 29 février 2012 pris pour l’application de la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants qui a procédé à ces adaptations.

Tout d’abord, l’intitulé des deux décrets nos 2005-885 et 2005-886 du 2 août 2005 a été modifié, pour prévoir désormais qu’ils s’appliquent au volontariat pour l’insertion et au contrat de service en établissement public d’insertion de la défense.

Ensuite, le décret n° 2005-885 du 2 août 2005 précité a été complété par un nouveau chapitre définissant les modalités spécifiques d’accueil des volontaires juniors, comprenant six nouveaux articles 16-1 à 16-6. L’article 16-1 soumet le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense au régime général du contrat de volontariat pour l’insertion, à l’exception des articles qu’il énumère. Les articles inapplicables aux volontaires juniors sont ceux portant sur le mode de recrutement des volontaires pour l’insertion (articles 1er, 3 et 4), sur l’âge limite de début du contrat qui, par définition, n’est pas le même pour les majeurs volontaires pour l’insertion et pour les mineurs volontaires juniors (article 8) et sur les motifs de fin de contrat (article 16).

L’article 16-2 prévoit que les services de la protection judiciaire de la jeunesse « sont associés par l’établissement public d’insertion de la défense au suivi éducatif du volontaire pour un contrat de service ». Cette disposition fonde la collaboration entre les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et l’EPIDE pendant la durée du contrat, qui est une condition indispensable du succès de la mesure et de la bonne transition entre le temps passé en centre EPIDE et le retour du jeune dans son milieu habituel.

L’article 16-3 prévoit que la date d’affectation du mineur est notifiée par le directeur du centre au volontaire junior et, s’il est toujours mineur à la date de début de la mesure, à ses représentants légaux. Le jour de l’affectation, le contrat de service est signé par le volontaire junior et, s’il est toujours mineur à cette date, par ses représentants légaux. En effet, il est possible, si la décision judiciaire ordonnant le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense est prise alors que le mineur approche de la majorité, que le début effectif du contrat n’intervienne qu’après la majorité de celui-ci, rendant alors inutile la notification de la date d’affectation aux représentants légaux et la signature du contrat par ces derniers.

L’article 16-4 prévoit la notification de la reconduction ou de la fin du contrat – en cas de non-présentation au jour du début de la mesure et en cas d’incapacité à reprendre le cours du contrat à l’issue d’un congé de maladie – au volontaire junior et, s’il est mineur, à ses représentants légaux. Les services de la PJJ doivent également être informés de ces événements.

L’article 16-5 prévoit que le volontaire junior dispose, comme le volontaire pour l’insertion, de la faculté de résilier unilatéralement son contrat soit pendant ou à l’issue de la période probatoire de deux mois prévue à l’article 5, soit à tout moment en application de l’article 15. Toutefois, compte tenu du cadre judiciaire dans lequel a été décidé le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense, le deuxième alinéa de l’article 16-5 prévoit que « Le volontaire pour un contrat de service est dûment avisé des conséquences attachées à la rupture anticipée de son contrat par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui l’accompagnent dans sa décision et en informent le magistrat ». Le dernier alinéa de l’article 16-5 prévoit que la décision de résiliation unilatérale prise par l’EPIDE est portée à la connaissance des services de la PJJ et notifiée au mineur et, s’il est toujours mineur à la date de résiliation, à ses représentants légaux.

Enfin, l’article 16-6 prévoit que la souscription d’un contrat d’apprentissage, d’un contrat de qualification professionnelle ou d’autres contrats de même nature met fin de manière anticipée au contrat de service en établissement public d’insertion de la défense, sous réserve de l’accord du magistrat.

Le décret n° 2005-886 du 2 août 2005 relatif à la discipline générale s’appliquant aux volontaires pour l’insertion au sein des centres de formation de l’établissement public d’insertion de la défense a également été modifié sur plusieurs points. L’article 1er de ce décret prévoit qu’en cas de dégradation de matériel du centre par un volontaire pour l’insertion, une retenue pour réparation peut être prélevée sur son allocation mensuelle dans la limite du tiers de celle-ci et être remise au budget de l’établissement ; cette disposition a été adaptée, pour les volontaires juniors, pour prévoir que la retenue est effectuée sur leur prime de fin de contrat.

L’article 3 de ce même décret permet aux volontaires de bénéficier de permissions de sortie dans des conditions fixées par le règlement intérieur de l’EPIDE ; pour les volontaires juniors, cet article subordonne l’octroi de ces permissions de sortie à l’accord de leurs représentants légaux s’ils sont mineurs.

Enfin, l’article 4 de ce même décret, qui définit les sanctions disciplinaires encourues par les volontaires, a été adapté pour limiter à une semaine la durée maximale de l’exclusion temporaire qui peut être prononcée à l’encontre d’un volontaire junior, alors que cette durée est fixée à un mois pour les volontaires pour l’insertion. Cette durée plus brève d’exclusion temporaire est justifiée par la nécessité d’éviter d’interrompre trop longtemps une mesure prononcée par l’autorité judiciaire. Lorsqu’un volontaire junior est exclu, l’article 4 prévoit que l’exclusion entraîne la non-comptabilisation de la période considérée dans le calcul de la prime. Il prévoit, en outre, que l’exclusion « s’accompagne d’un suivi adapté de la part des services de la protection judiciaire de la jeunesse » et ce, afin d’éviter le « décrochage » du mineur pendant la durée de l’exclusion et de permettre qu’il reprenne normalement le cours du contrat à l’issue de cette exclusion.

B. UN PROTOCOLE D’ACCORD CONCLU ENTRE L’EPIDE ET LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE ET UNE CIRCULAIRE D’APPLICATION PUBLIÉÉ PAR LE MINISTRE DE LA JUSTICE

La mise en œuvre de la loi du 26 décembre 2011 dès les premiers mois de 2012 a également été possible grâce à la conclusion entre l’EPIDE et la PJJ, le 7 février 2012, d’un protocole d’accord, ainsi qu’à la diffusion, le 1er mars 2012, d’une circulaire du ministre de la Justice informant les autorités judiciaires et les responsables de la PJJ des objectifs et du fonctionnement du dispositif.

Le protocole conclu entre l’EPIDE et la PJJ a pour objet de définir « le cadre général et l’articulation entre les services de la protection judiciaire de la jeunesse (…) et l’EPIDE pour la mise en oeuvre du contrat de service en établissement d’insertion de la défense ». Aux termes de l’article 2 de ce protocole, il incombe au service territorial de milieu ouvert (STEMO) de la PJJ chargé du suivi du mineur d’aider celui-ci et ses représentants légaux dans la constitution de son dossier d’admission et de transmettre ce dossier au centre EPIDE. S’il l’estime nécessaire, le centre EPIDE peut solliciter une rencontre avec le mineur et les représentants légaux en présence du STEMO. À l’issue de l’examen de la demande, le centre EPIDE adresse sans délai au STEMO une réponse écrite et motivée relative à l’admission du mineur au sein de l’EPIDE. Lorsque la décision est favorable, le centre EPIDE doit indiquer la date d’admission possible du mineur. Il appartient alors au STEMO d’adresser à la juridiction un dossier complet comprenant les informations utiles permettant d’apprécier la faisabilité de la souscription du contrat de service par le mineur.

L’article 3 du protocole rappelle les modalités pratiques d’exécution du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense :

« Les mineurs sous contrat de service sont intégrés au sein des mêmes groupes que les majeurs. Ils séjournent en centre EPIDE sous le régime de l’internat (hébergement en semaine). Le port de l’uniforme comme le respect du règlement intérieur sont obligatoires.

« À partir d’un cadre posé strict, inspiré du modèle militaire, l’EPIDE met en œuvre une offre de service globale visant l’accès du mineur à l’autonomie et une formation générale et civique.

« Cette offre s’articule autour de cinq axes pédagogiques :

« - Un travail sur la confiance et l’estime de soi ;

« - Un travail de réflexion sur le passage à l’acte avec l’aide d’un psychologue ;

« - Une formation générale et spécialisée : français, mathématiques, sport, informatique, sécurité routière, activités socioculturelles et manuelles ;

« - Un parcours civique ;

« - Un travail d’orientation professionnelle.

« L’objectif est de permettre au mineur de s’engager dans un processus d’insertion sociale et professionnelle afin qu’il ne s’installe pas dans la délinquance, et de l’encourager à reprendre une formation scolaire ou professionnelle, ou une formation en alternance dans le cadre de contrats d’apprentissage ou de contrats de professionnalisation. »

Ce même article 3 prévoit que le directeur du STEMO doit désigner un éducateur référent pour chaque mineur sous contrat de service en EPIDE, qui est « l’interlocuteur privilégié du centre EPIDE, et doit être informé des conditions de mise en œuvre du contrat de service comme du respect du mineur à ses engagements ». Cet éducateur référent doit être informé de la tenue des réunions de synthèse et des conseils de discipline, auxquels il peut assister. Durant l’exécution du contrat de service, le centre EPIDE doit adresser des rapports réguliers à l’éducateur référent du STEMO sur le parcours du mineur, que l’éducateur doit ensuite intégrer aux rapports éducatifs qu’il adresse au magistrat prescripteur. En cas de procédure disciplinaire à l’encontre du mineur, l’article 5 du protocole prévoit que l’éducateur référent en est systématiquement informé et que son avis est recueilli par le conseil de discipline. En cas d’exclusion temporaire, le STEMO doit en être immédiatement informé puis en aviser sans délai le magistrat. Ce même article 5 prévoit que « Dans toute la mesure compatible avec l’intérêt du service, la sortie du mineur de l’EPIDE résultant d’une exclusion à titre disciplinaire, ne prendra effet qu’après que le STEMO ait pu déterminer les conditions du futur hébergement du mineur, notamment la possibilité d’un retour en famille ou la nécessité d’une mesure de placement ».

L’article 6 du protocole prévoit la possibilité pour la PJJ et l’EPIDE de mettre en œuvre des actions partagées de formation et d’accompagnement de leurs personnels respectifs. L’article 7 a mis en place un comité de pilotage national paritaire comprenant trois représentants de la PJJ et trois représentants de l’EPIDE, dont le directeur de la PJJ et le directeur général de l’EPIDE.

La circulaire du ministre de la Justice en date du 1er mars 2012 a pour objet, quant à elle, d’informer les autorités judiciaires et les responsables de la PJJ des objectifs et du fonctionnement du dispositif du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense. En particulier, elle donne des indications sur le « profil » des mineurs susceptibles de faire l’objet d’une orientation en EPIDE. Après avoir indiqué que « Le contrat de service en EPIDE permet d’éloigner le mineur de son environnement si cela s’avère nécessaire tout en le faisant bénéficier d’un accompagnement adapté à son insertion sociale et professionnelle », la circulaire préconise le recours au contrat de service en établissement public d’insertion de la défense pour deux catégories de mineurs : les mineurs ayant commis des actes de faible gravité, « peu connus de l’institution judiciaire, voire primo-délinquants, qu’il convient de soutenir dans leurs démarches d’insertion socioprofessionnelle afin d’éviter qu’ils ne s’installent dans une délinquance d’habitude », d’une part, et les « mineurs ayant déjà fait l’objet de condamnations mais dont l’évolution positive et les capacités d’insertion permettent de les orienter vers ce dispositif ». En tout état de cause, la circulaire souligne qu’« il appartiendra aux services éducatifs de proposer cette mesure et aux procureurs de la République de la requérir chaque fois qu’elle paraîtra appropriée ».

S’agissant du suivi du contrat de service en EPIDE, la circulaire en confie la responsabilité au « service de la protection judiciaire de la jeunesse qui connaît habituellement le mineur ». Elle préconise que « le magistrat soit informé dans les meilleurs délais des difficultés de mise en œuvre ou des éventuels manquements du mineur dans l’accomplissement du contrat de service en EPIDE afin de lui permettre de décider des suites à donner ».

C. LES ADAPTATIONS APPORTÉES AUX MÉTHODES DE PRISE EN CHARGE DANS LES CENTRES EPIDE

Au cours des travaux préparatoires à l’adoption de la loi du 26 décembre 2011, votre rapporteur avait insisté sur la nécessité, pour que le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense puisse être efficace, « d’utiliser, pour l’accueil des mineurs délinquants dans les centres EPIDE, la méthode de l’amalgame : les mineurs délinquants ne devront pas être accueillis dans des centres ou des sections distincts des sections des non délinquants, afin d’utiliser la dynamique du groupe dans l’objectif de réussir l’insertion des mineurs placés » (8).

Néanmoins, cet amalgame nécessitait de tenir compte du fait que les mineurs représentent un public généralement plus difficile à prendre en charge que les volontaires à l’insertion, en raison d’une plus grande instabilité psychologique et d’une moindre maturité. Pour cette raison, l’EPIDE a dû adapter ses méthodes de prise en charge en diffusant à ses centres des directives pédagogiques relatives aux volontaires juniors. Ces directives explicitent les principales adaptations par rapport au dispositif mis en place pour l’accueil des volontaires pour l’insertion.

Extrait des directives pédagogiques adaptées aux volontaires juniors
adoptées par l’Epide

Le parcours d’évolution des volontaires juniors (VJ) :

Il sera pour l’essentiel calqué sur le parcours d’évolution des VI.

Pour autant, la spécificité du public VJ implique une prise en charge différenciée :

- par un nouvel acteur : le psychologue

- par un acteur existant chargé de missions spécifiques : le CIP (chargé d’insertion professionnelle). Il sera l’artisan d’un travail soutenu en matière d’orientation tout au long du parcours et le superviseur de l’ensemble des actions de formation et d’accompagnement des VJ.

Une structure nouvelle de coordination et de suivi est mise en place: la réunion de synthèse mensuelle.

Des adaptations du parcours sont nécessaires :

- sur la conduite de l’orientation,

- sur certains objectifs de l’offre de service.

Le psychologue :

Son action sera déterminante pour ce qui relève de la levée des freins psychiques des VJ.

Il intervient sur la base d’un entretien hebdomadaire de 30 minutes avec chaque VJ. Dans la mesure du possible les entretiens s’effectueront dans les espaces de remédiation.

Le psychologue sera l’acteur chargé de la mise en œuvre des leviers de la désistance. Il travaillera le sens des actes délinquants.

Chaque psychologue accompagnera le VJ dans une démarche de réflexion personnelle selon ses propres méthodes de travail, l’objectif principal de son action consistant en un travail global de conscientisation et de désancrage par rapport à l’acte commis.

Le travail sur soi effectué par le VJ avec le psychologue évoluera en phases selon un rythme d’avancement adapté à chaque VI (aide par l’écoute, reconstruction de l’histoire du jeune, travail sur la honte et la culpabilité, sur la relation familiale).

Le psychologue rend compte du suivi des VJ lors de la réunion de synthèse mensuelle. Il pourra être amené à faire des alertes au D1 (directeur du centre) et à lui seul (vigilances particulières).

Le chargé d’insertion professionnelle :

C’est un CIP comme les autres CIP à qui est confiée une mission spécifique complémentaire. C’est un acteur principal chargé de la levée des freins sociaux.

Sa mission :

- assurer l’orientation professionnelle des VJ par l’ADVP (activation du développement vocationnel et personnel) en collectif avec les VI. Cette action sera renforcée par un travail individuel sur l’orientation dans les espaces de remédiation qui sont par nature le lieu des actions d’individualisation.

Une harmonisation des pratiques individualisées d’orientation pourra être engagée ultérieurement : former les CIP en charge des VJ à la deuxième spécialisation de l’ADVP : la formation méthodologique à l’utilisation de l’entretien « DIVA».

- assurer toutes les actions d’insertion relatives à la reprise d’un cursus de formation (initiale, professionnelle, professionnelle en alternance). Dans cette perspective il initiera, supervisera l’exécution des stages en entreprise, il recherchera les entreprises susceptibles de s’engager avec un VJ dans un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Cette action conduira le CIP à identifier le centre de formation dans lequel le VJ pourra engager son cursus de formation en alternance.

- assurer l’organisation et l’animation des réunions de synthèse mensuelle faites autour des VJ, recueillir les informations délivrées par le psychologue qui assure le suivi des VJ, prendre en charge la rédaction des synthèses du PEP et veiller à l’application des préconisations issues des réunions de synthèse.

- assurer les relations avec les instances de la PJJ régionale (dossier pédagogique, suivi du déroulement du parcours, transmission et échanges d’informations,…Le support de référence est la convention PJJ/EPIDE). Son correspondant est l’éducateur « référent » de la PJJ, interlocuteur du STEMO (services territoriaux de milieu ouvert de la PJJ) auprès du centre EPIDE.

Cette mission spécifique positionne le CIP en superviseur :

des contrats de service en EPIDE des VJ,

des parcours d’insertion des VJ,

en coordination avec le référent de section.

La réunion de synthèse mensuelle :

C’est une structure de coordination et de suivi qui permet de faire un point d’étape régulier sur l’évolution de chaque VJ en contrat de service en EPIDE sur l’ensemble des éléments constitutifs de son parcours. La synthèse permettra de travailler en collectif sur le plan d’action et le suivi de chaque VJ, et de formuler les rapports à destination de la PJJ.

Les participants réguliers à cette réunion de synthèse sont le CIP, le psychologue, le référent, l’infirmier(ère), le CAS (chargé d’accompagnement social) quand il y en a un présent dans le centre. Cette configuration de base peut être élargie par des participations ponctuelles ou régulières d’autres acteurs à chaque fois que cela est nécessaire et/ou possible.

L’éducateur « référent » PJJ est convié à participer aux réunions de synthèse mensuelle.

Source : Établissement public d’insertion de la défense

II. DES PREMIERS PAS INTÉRESSANTS POUR L’APPLICATION
DE LA LOI DU 26 DÉCEMBRE 2011, AVANT UNE INTERRUPTION TROP RAPIDE

Avec la publication des décrets précités, la conclusion du protocole d’accord entre la PJJ et l’EPIDE et la diffusion de la circulaire du ministre de la Justice, tous les outils juridiques nécessaires à la mise en application de la loi du 26 décembre 2011 étaient réunis dès le 1er mars 2012. Le premier mineur pour lequel un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense avait été ordonné a ainsi pu être accueilli dans un centre EPIDE dès le mois de mars 2012. Au cours de l’année 2012, 85 mineurs auront été accueillis, ce qui permet de dresser un premier bilan de la mesure.

Cependant, malgré ces premiers pas intéressants, la mise en œuvre du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense a été interrompue à partir du mois de décembre 2012, le conseil d’administration de l’EPIDE ayant décidé le 23 novembre 2012 de ne plus accueillir de nouveaux mineurs – hormis ceux pour lesquels la mesure était déjà prononcée et la date d’admission fixée –, faute d’avoir reçu les financements pour exercer la nouvelle mission que lui avait confiée la loi du 26 décembre 2011.

A. LE BILAN DES PREMIERS MOIS DE MISE EN APPLICATION DE LA LOI DU 26 DÉCEMBRE 2011

Au cours de l’année 2012, 85 contrats de service en établissement public d’insertion de la défense ont été accomplis ou commencés, soit moitié moins que l’objectif de 200 mineurs qui avait été fixé par le Gouvernement dirigé par M. François Fillon (1). Le taux de sorties prématurées des volontaires juniors accueillis dans les centres EPIDE a été plus élevé que celui des jeunes majeurs accomplissant un contrat de volontariat pour l’insertion (2), mais, de l’avis unanime des personnes concernées, le bilan peut être considéré comme positif sur le plan de l’intérêt de la mesure pour les mineurs qui ont achevé leur contrat (3).

Votre rapporteur considère que le bilan des premiers mois de mise en application de la loi du 26 décembre 2011 est globalement positif. Votre co-rapporteure considère, pour sa part, qu’il s’agit plutôt d’un bilan en demi-teinte.

1. En 2012, 85 mineurs ont été accueillis dans un centre EPIDE dans le cadre d’un contrat de service

Lors d’une réunion interministérielle tenue le 22 septembre 2011, le Premier ministre, M. François Fillon, avait décidé que 166 places seraient réservées dans les centres EPIDE dès le début de l’année 2012 pour permettre l’accueil de 200 mineurs délinquants dès la première année de mise en œuvre de la loi.

L’EPIDE a ainsi adapté la capacité d’accueil de quinze de ses dix-huit centres pour permettre l’accueil de mineurs, à proportion de 10 % environ de l’effectif total de chaque centre. Le nombre de places réservées aux mineurs en 2012 s’est élevé à 162, trois des dix-huit centres EPIDE n’ayant pu pour des raisons matérielles adapter leurs locaux pour l’accueil de mineurs et l’EPIDE n’ayant pas souhaité dépasser le ratio d’un volontaire junior pour neuf volontaires majeurs.

Le tableau ci-dessous montre la répartition des 162 places qui ont pu être dédiées à l’accueil de mineurs dans les centres EPIDE.

CAPACITÉ D’ACCUEIL DES MINEURS DES DIX-HUIT CENTRES EPIDE AU 1ER JANVIER 2013

Centres

Capacité d’accueil totale

Capacité d’accueil de volontaires juniors

ALENÇON

90

9

BELFORT

90

6

BORDEAUX

120

11

BOURGES

120

11

BRÉTIGNY-SUR-ORGE

180

17

CAMBRAI

90

6

COMBRÉE

75

6

COMPIÈGNE

150

13

DOULLENS

150

17

LANGRES

75

6

LANRODEC

90

0

MARSEILLE

150

13

MEYZIEU

120

0

MONTRY

150

13

SAINT-QUENTIN

120

11

STRASBOURG

75

6

VAL-DE-REUIL

180

17

VELET

60

0

Total

2 085

162

Source : Établissement public d’insertion de la défense

Au total, entre le 1er mars 2012 et le 31 décembre 2012, 189 demandes d’admission en centre EPIDE ont été présentées par les services de la PJJ. Sur ces 189 demandes, 91 ont abouti, 56 ont été rejetées et 40 ont été différées en raison d’évolutions attendues ou de compléments à apporter à la demande (9).

Au total, sur les 91 mineurs pour lesquels la demande de contrat de service en établissement public d’insertion de la défense a abouti, 85 mineurs ont été effectivement accueillis en 2012 dans un centre EPIDE pour y exécuter ce contrat (10).

Le cadre judiciaire de la mesure était le sursis avec mise à l’épreuve dans 86 % des cas, l’ajournement de peine dans 12 % des cas et la composition pénale dans seulement 2 % des cas (11).

Sur ces 85 mineurs, 8 étaient des jeunes filles (soit 9,4 % du total). Au moment de l’admission, 18 % des jeunes accueillis dans les centres EPIDE avaient moins de dix-sept ans, 76 % avaient entre dix-sept et dix-huit ans et 6 % étaient majeurs.

L’EPIDE, dans une réponse adressée à vos rapporteurs à un questionnaire qui lui avait été adressé, considère que plusieurs facteurs expliquent le fait que l’objectif de 200 mineurs, fixé par le Gouvernement dirigé par M. François Fillon, n’ait pas été atteint :

« —  une mobilisation faible des juges et des STEMO durant les huit premiers mois malgré une campagne d’information EPIDE et PJJ importante ;

« —  une difficulté initiale à cerner la population pouvant effectivement profiter de notre dispositif. Des erreurs ont ainsi été commises dans le choix des personnes en mesurant mal leur niveau de stabilité psychologique. Au fil du temps, les profils ont été de mieux en mieux cernés ;

« —  un déficit de personnel dédié aux volontaires juniors à l’EPIDE (recrutements non autorisés) alors que cette population demande beaucoup plus d’efforts d’accompagnement et de suivi que les volontaires à l’insertion ;

« —  une coordination STEMO – centres – juges fragile et une mauvaise compréhension des attendus du passage par l’EPIDE. »

Sur le dernier point relatif aux difficultés de coordination entre l’EPIDE, la PJJ et l’autorité judiciaire, l’EPIDE a néanmoins estimé que la situation s’était très nettement améliorée au cours du dernier trimestre 2012.

2. Le taux de sorties prématurées des volontaires juniors a été plus élevé que celui des jeunes majeurs accomplissant un contrat de volontariat pour l’insertion

Selon les données communiquées à vos rapporteurs par l’EPIDE, 84 des 85 jeunes accueillis étaient sortis du dispositif à la date du 1er juillet 2013, un seul jeune étant encore accueilli dans un centre EPIDE à cette date. Sur ces 84 sorties, 21 sorties étaient considérées comme positives et 63 comme négatives.

S’agissant des 63 sorties négatives avant l’échéance du contrat, les durées de présence s’échelonnent de 15 jours à 3 mois. 13 de ces 63 jeunes ont rompu leur contrat de manière unilatérale, 30 ont été exclus à la suite d’un conseil de discipline et pour 20 mineurs, les motifs de la fin du séjour ne sont pas renseignés dans la base de données.

Sur les 84 jeunes dont le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense a pris fin, 21 jeunes ont quitté le dispositif de manière « positive », dont 18 à l’échéance de leur contrat, un pour reprendre une formation qualifiante en alternance avant la fin de son contrat, un par transformation de son contrat en contrat de volontariat pour l’insertion « majeur » et un dernier pour un motif non renseigné.

Le taux de sorties prématurées des volontaires juniors, qui s’élève à 75 %, est plus élevé que celui enregistré pour les volontaires pour l’insertion, qui s’élevait en 2010 à 34 % (12).

Pour votre rapporteur, ce taux de sorties prématurées des volontaires juniors, qui peut paraître à première vue élevé, doit être relativisé en tenant compte, d’une part, du taux de sortie prématurées des volontaires pour l’insertion, qui est lui-même relativement important – 34 % en 2010 –, et, d’autre part, de la difficulté particulière que peuvent éprouver des mineurs auteurs d’infractions à accepter un cadre et des règles de vie relativement exigeants.

Pour votre co-rapporteure, ce taux élevé de sorties prématurées témoigne d’une inadaptation du dispositif pour un certain nombre des mineurs pour lesquels un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense avait été décidé. Une meilleure sélection des mineurs auxquels cette mesure est proposée apparaît nécessaire.

3. Le bilan dressé par les professionnels après les premiers mois de mise en œuvre de la loi du 26 décembre 2011 est positif quant à l’intérêt de la mesure pour les mineurs qui ont achevé leur contrat

Les représentants des différents acteurs de la mise en œuvre de la loi du 26 décembre 2011 – EPIDE, ministère de la Justice et magistrats – entendus par vos rapporteurs ont tous dressé un bilan positif des premiers mois de mise en œuvre du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense pour les mineurs ayant pu aller jusqu’au bout de la mesure.

En termes de résultats pour les mineurs n’ayant pas quitté le dispositif de façon prématurée, la prise en charge dans le cadre du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense a permis la délivrance de 45 certifications dans les domaines accessibles aux jeunes pris en charge (attestation ou brevet de sécurité routière, secourisme et sécurité), étant rappelé que ces derniers étaient, pour la plupart, en grande difficulté avant leur entrée dans les établissements.

Au vu de ces résultats, l’EPIDE dresse le bilan suivant : « Cette première année a été très positive. Les résultats obtenus sont probants et démontrent l’efficacité du dispositif EPIDE à redonner confiance aux publics les plus en difficulté et les plus éloignés de l’emploi, y compris les mineurs délinquants. »

L’appréciation formulée par le ministère de la Justice sur l’intérêt du dispositif, dans les réponses adressées à vos rapporteurs au questionnaire qui lui avait été adressé, est également très favorable :

« Au sein des centres, les "volontaires juniors" participent aux mêmes activités que les majeurs. Cette mixité de la population est un facteur favorable, car elle positionne le mineur dans une perspective sociale et professionnelle réaliste.

« L’inscription en centre EPIDE participe à la prévention de la récidive d’actes délictueux et à la diversification des réponses en termes d’insertion des mineurs délinquants. Le contrat de service en EPIDE permet de soutenir les efforts d’insertion sociale et professionnelle sur une durée pouvant aller au-delà de la majorité, consolidant ainsi la stabilisation des mineurs et des jeunes majeurs par la délivrance de qualifications reconnues. »

Par ailleurs, le ministère de la Justice souligne que si des difficultés existent, elles sont « les mêmes que celles rencontrées dans les établissements de la PJJ : difficultés à accepter les règles, adaptation difficile du comportement dans un univers construit autour d’un cadre de vie avec ses contraintes et interdits ». Cependant, ces difficultés ont pu être surmontées grâce à « la modification et l’adaptation des pratiques au sein des équipes, notamment afin d’éviter les pièges affectifs tendus, phénomène non développé chez les majeurs ».

Lors de son audition par vos rapporteurs, l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) a estimé que le dispositif était intéressant pour les juges des enfants car il permettait d’enrichir la palette des solutions à leur disposition. Il peut répondre à un besoin d’éloignement, assorti d’un encadrement qui peut convenir pour certains mineurs et d’une offre de formation. Elle a également estimé que la mixité des publics était intéressante et pouvait créer une dynamique propice à une évolution favorable des mineurs.

B. FAUTE DE FINANCEMENTS, UN DISPOSITIF À L’ARRÊT DEPUIS DÉCEMBRE 2012

Malgré ces premiers pas intéressants, le développement du dispositif du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense a connu un brutal coup d’arrêt à la fin de l’année 2012, faute de financements permettant à l’EPIDE d’assurer la mission que lui avait confiée la loi du 26 décembre 2011, votre co-rapporteure considérant, quant à elle, que cette mission n’avait, dès l’origine, pas été budgétée.

Les modalités budgétaires de mise en œuvre du dispositif issu de la loi du 26 décembre 2011 avaient été définies lors d’une réunion interministérielle tenue le 22 septembre 2011, à l’issue de laquelle le Premier ministre avait décidé que le coût des 166 places prévues dans les centres EPIDE pour les mineurs délinquants, estimé à 8 millions d’euros, serait réparti à parts égales entre les ministères chargés de la Défense, de l’Emploi, de la Justice et de la Ville (13).

Compte tenu de la date de publication de la loi du 26 décembre 2011, le financement du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense n’avait pu être intégré à la loi de finances pour 2012. Le financement du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense devait donc se faire, pour l’année 2012, par redéploiement des crédits ouverts au titre de la loi de finances pour 2012. Cependant, selon les informations communiquées par le directeur général de l’EPIDE lors de son audition par vos rapporteurs le 19 mars 2013, seul le ministère de l’Emploi a intégralement versé sa quote-part prévue de 2 millions d’euros, le ministère de la Ville ayant versé 900 000 euros seulement. Les ministères de la Défense et de la Justice ont annoncé, quant à eux, ne vouloir verser qu’un million d’euros chacun – correspondant au nombre de mesures réellement effectuées au cours de l’année 2012 –, qu’ils n’avaient toutefois pas encore versé à la date du 19 mars 2013.

Par ailleurs, les effectifs supplémentaires demandés par l’EPIDE pour l’ouverture des nouvelles places, à hauteur de 41 équivalents temps plein, n’ont pas été accordés à l’établissement. Seule une autorisation temporaire de dépassement du plafond d’emploi a été accordée le 31 janvier 2012, pour la seule année 2012, à hauteur de 9 postes.

Pour l’année 2013, le ministère de la Justice avait demandé à bénéficier d’un financement de 2 millions d’euros pour assurer le versement de sa quote-part à l’EPIDE, conformément à l’arbitrage de septembre 2011. Cependant, ce financement n’a pas été retenu dans les arbitrages budgétaires finaux. Si la construction budgétaire du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » a bien intégré un financement de l’EPIDE à hauteur de 2 millions d’euros (14), cette inscription s’est faite par redéploiement au sein de l’enveloppe prévue pour le secteur associatif habilité, ce qui a pour effet, comme l’a indiqué le ministère de la Justice auprès de vos rapporteurs, d’accroître la pression à la baisse sur cette enveloppe.

Compte tenu de ces difficultés de financement, le conseil d’administration de l’EPIDE a décidé le 23 novembre 2012 d’interrompre la mise en œuvre de la loi du 26 décembre 2011 et de ne plus accueillir de nouveaux mineurs, hormis ceux pour lesquels la mesure était déjà prononcée et la date d’admission fixée avant cette date.

III. RELANCER OU RENDRE EFFECTIVE L’APPLICATION
DE LA LOI DU 26 DÉCEMBRE 2011 EN ÉLARGISSANT
LES POSSIBILITÉS D’Y RECOURIR

Les premiers mois encourageants du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense amènent vos rapporteurs à demander que le financement de l’ensemble des missions de l’EPIDE soit assuré et pérennisé. En outre, il paraît souhaitable que les cas de recours au contrat de service en établissement public d’insertion de la défense soient élargis.

A. ASSURER ET PÉRENNISER LE FINANCEMENT DE L’ENSEMBLE DES MISSIONS DE L’EPIDE

Lors de son audition par vos rapporteurs, le directeur général de l’EPIDE a exprimé sa préoccupation pour la pérennité du financement non seulement des missions de l’EPIDE au titre du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense, mais plus largement de l’ensemble des missions de l’établissement.

Vos rapporteurs considèrent que le contexte budgétaire contraint doit certes amener l’EPIDE à réaliser des efforts pour faire preuve de davantage d’efficacité, mais qu’il ne doit pas conduire à délaisser un acteur qui a, en peu de temps, fait la preuve de la pertinence de sa démarche dans l’insertion de publics en très grande difficulté sociale.

Ils appellent en conséquence le Gouvernement à examiner avec la plus grande attention la question du financement des missions de l’EPIDE, afin que celui-ci puisse continuer à œuvrer pour l’insertion des jeunes non délinquants en difficulté et, s’agissant de sa nouvelle mission, issue de la loi du 26 décembre 2011, de prise en charge de mineurs délinquants, la poursuivre
– pour votre rapporteur – ou l’assurer effectivement – pour votre co-rapporteure.

Vos rapporteurs estiment souhaitable que le financement des mesures de contrat de service en établissement public d’insertion de la défense intervienne dans des délais aussi brefs que possible, afin que les efforts d’adaptation réalisés par l’EPIDE au cours de l’année 2012 pour accueillir le nouveau public de mineurs délinquants et les savoir-faire en cours d’acquisition et de perfectionnement pour ses personnels ne soient pas perdus.

Vos rapporteurs partagent pleinement la position exprimée par le ministère de la Justice dans la réponse qu’il leur a adressée : « Il serait dommageable que l’instauration du service citoyen pour les mineurs délinquants (…), dont les premiers résultats sont très prometteurs, soit interrompue pour des raisons exclusivement de financements et d’emplois. Ce coup d’arrêt entraînerait une réduction de la palette des possibilités de réponses éducatives offertes aux mineurs et jeunes majeurs sous main de justice. »

B. ÉLARGIR LES CAS DE RECOURS AU CONTRAT DE SERVICE EN ÉTABLISSEMENT PUBLIC D’INSERTION DE LA DÉFENSE

La loi du 26 décembre 2011 a prévu que le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense pouvait être ordonné dans trois cadres procéduraux :

- la composition pénale ;

- l’ajournement de peine ;

- le sursis avec mise à l’épreuve.

Cependant, les premiers mois de mise en œuvre du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense ont mis en évidence le fait que ce cadre juridique était trop restrictif. Ainsi, sur les 56 demandes d’admission qui ont été rejetées, 21 l’ont été en raison du fait que les jeunes concernés ne se trouvaient pas dans une des trois hypothèses procédurales prévues par la loi pour ordonner le contrat de service.

Lors de son audition, l’AFMJF a également souligné le caractère trop restrictif des cas de recours au contrat de service en établissement public d’insertion de la défense et a suggéré que cette mesure devienne une mesure ou une sanction éducative autonome, susceptible d’être prononcée par toute juridiction pour mineurs indépendamment du cadre procédural des poursuites. Le ministère de la Justice a, quant à lui, suggéré que le contrat de service en établissement public d’insertion de la défense puisse être prononcé dans le cadre de mesures présentencielles, d’un contrôle judiciaire ou d’un aménagement de peine.

Vos rapporteurs proposent donc, lorsqu’aura été résolue la difficulté actuelle de financement du contrat de service en établissement public d’insertion de la défense, que les possibilités d’y recourir soient élargies afin de permettre aux juridictions pour mineurs de disposer de cette nouvelle solution éducative dans le plus grand nombre d’hypothèses possible.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le rapport sur la mise en application de la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants au cours de sa première séance du mercredi 17 juillet 2013. 

M. Éric Ciotti, rapporteur. La loi du 26 décembre 2011, dont nous allons vous présenter le rapport d’application, est issue d’une proposition de loi que j’avais personnellement déposée le 28 juillet 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. Il s’agissait d’explorer une piste nouvelle en offrant une solution de placement entre des structures totalement fermées de type carcéral ou du même type que les centres éducatifs fermés, et des structures strictement éducatives relevant de foyers ou d’internats scolaires.

Ce service citoyen s’est appuyé sur l’apport des valeurs militaires pour aider les jeunes en difficulté à se réinsérer, sur le fondement du dispositif « Défense deuxième chance » instauré en 2005, et de la création des établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE) au sein desquels a été proposée une formation inédite et éprouvée à plusieurs milliers de jeunes sur la base d’une remise à niveau scolaire, d’une préformation professionnelle et de la réappropriation d’une certaine estime de soi grâce à une discipline de vie assez stricte.

Nous dressons aujourd’hui un bilan positif de cette première année d’application de la loi en 2012 : ses résultats sont en effet encourageants, même s’ils ont été obérés par le non-respect des engagements financiers pris par le précédent Gouvernement. Les décrets d’application de cette loi ayant été publiés très rapidement, le premier mineur a pu être accueilli dès mars 2012, et ce sont au total 85 mineurs qui ont été accueillis entre mars et décembre de l’année dernière, dont un quart sont sortis dans des conditions positives. La direction générale de l’EPIDE ayant malheureusement décidé d’interrompre ce dispositif en décembre 2012, du fait des problèmes de non-respect des engagements financiers précités, il nous est difficile d’évaluer un projet coupé dans son élan.

Les responsables du projet, que nous avons auditionnés dans le cadre de ce rapport, ont tous émis un avis très favorable sur ce dispositif, soulignant son utilité et son efficacité pour les mineurs. Les propositions qu’ils nous ont adressées visent d’ailleurs toutes à aller plus loin. Le directeur général de l’EPIDE, M. Charles de Batz de Trenquelléon a ainsi souligné que cette première année avait été très positive, que les résultats obtenus étaient probants, démontrant l’efficacité de l’EPIDE pour redonner confiance aux publics les plus en difficulté et les plus éloignés de l’emploi, y compris les mineurs délinquants.

De même, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a souligné que l’inscription en centre EPIDE contribuait à la prévention de la récidive d’actes délictueux et à la diversification des solutions d’insertion des mineurs délinquants. Le contrat de service en EPIDE permet de soutenir les efforts d’insertion sociale et professionnelle sur une durée pouvant aller au-delà de la majorité, consolidant ainsi la stabilisation des mineurs et des jeunes majeurs par la délivrance de qualifications reconnues. Selon la direction de la PJJ, « au sein des centres, les volontaires juniors participent aux mêmes activités que les majeurs. Cette mixité de la population entre délinquants et non-délinquants est un facteur favorable car elle positionne le mineur dans une perspective sociale et professionnelle réaliste. Les difficultés de prise en charge sont les mêmes que celles rencontrées dans les établissements de placement de la PJJ : difficulté à accepter les règles, à adapter son comportement dans un univers construit autour d’un cadre de vie avec ses contraintes et ses interdits ».

De même, la présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille a souligné le caractère vertueux du dispositif, qu’elle a estimé intéressant pour les juges des enfants car il permettait d’enrichir la palette des solutions à leur disposition, ce qui correspond précisément à l’un des objectifs poursuivis par la loi. Il peut répondre à un besoin d’éloignement assorti d’un encadrement, qui peut convenir pour certains mineurs, et d’une offre de formation. La présidente de l’Association a également estimé que la mixité des publics était pertinente et pouvait créer une dynamique propice à une évolution favorable des mineurs.

Bien que les appréciations portées sur ce dispositif par les différents acteurs soient toutes favorables et encourageantes, l’application de la loi a malheureusement été interrompue parce que les engagements budgétaires nécessaires n’ont pas été tenus. C’est là l’aspect le plus négatif que nous ayons relevé dans notre rapport : il obère en effet la montée en puissance du projet puisque seulement 85 mineurs ont été placés en EPIDE, contre les 200 initialement prévus par le précédent Gouvernement. Lors d’une réunion interministérielle du 22 septembre 2011, le Premier ministre de l’époque avait fixé la contribution des quatre ministères concernés – ceux de la Défense, de la Ville, de l’Emploi et de la Jjustice – à 2 millions d’euros chacun, soit 8 millions d’euros au total pour ce dispositif. Or, en octobre 2012, les ministères de la Défense et de la Justice ont informé le directeur général de l’EPIDE qu’en raison du contexte budgétaire contraint et du fait que seuls 85 jeunes sur les 166 prévus initialement avaient intégré un centre EPIDE, leur contribution serait diminuée de moitié. Selon les informations qui ont été communiquées par le directeur général de l’EPIDE le 19 mars dernier, seul le ministère de l’Emploi a intégralement versé sa quote-part de 2 millions d’euros, les autres engagements n’ayant pas été respectés et le ministère de la Ville n’ayant pour sa part versé que 900 000 euros. L’interruption du dispositif, décidée par le conseil d’administration de l’EPIDE le 23 novembre 2012, est d’autant plus regrettable que les appréciations de ce dispositif étaient encourageantes. Je déplore que les engagements n’aient pas été respectés.

Aujourd’hui, il nous semble nécessaire de relancer l’application de cette loi en en assurant le financement et il paraît possible, en nous fondant sur l’expérience que nous en avons tirée, d’élargir les cas de recours au contrat de service citoyen en EPIDE. Il existe actuellement trois portes d’entrée pour ce dispositif : la composition pénale, l’ajournement de peine et le sursis-mise à l’épreuve. L’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille propose, quant à elle, de transformer cette mesure en une véritable sanction éducative autonome susceptible d’être prononcée par toute juridiction pour mineurs : il s’agit là d’une avancée importante – et pertinente selon nous – puisque nous nous trouvions jusqu’ici dans un cadre volontaire nécessitant l’adhésion du mineur et de ses parents. Il nous a également été proposé de recourir au service citoyen dans un cadre présentenciel, pour le contrôle judiciaire ou pour l’aménagement de peine.

En résumé, fondé sur une idée pertinente, ce dispositif a connu une mise en application encourageante qui n’a malheureusement pas été conduite à son terme. Il convient donc de le relancer et de l’élargir.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Qui a feuilleté le projet de rapport d’information qui nous a été distribué aura constaté les divergences d’appréciation existant entre les deux co-rapporteurs, non seulement dans l’intitulé du titre III, mais également en pages 6 et 19 du rapport. Je laisse Mme Le Dain nous exposer son point de vue.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, co-rapporteure. L’absence de financement initial, et donc d’inscription au budget de la Nation, du dispositif adopté en 2011 semble avoir plombé celui-ci dès le début : elle explique en effet que seuls 85 mineurs délinquants aient été accueillis en EPIDE sur les 200 prévus au départ.

En outre, même si les acteurs de la protection de la jeunesse ne trouvent pas inintéressant le recours à l’EPIDE pour des mineurs délinquants condamnés proches de l’âge de la majorité, il n’empêche que la situation actuelle est complexe. Ainsi le taux de sortie positive des jeunes accueillis demeure-t-il très faible, même si ceux qui sont allés jusqu’au bout du processus en sont sortis dans un meilleur état que lors de leur entrée dans l’établissement. De même, leur taux de sortie prématurée illustre l’inadaptation du dispositif à un certain nombre d’entre eux puisque le contrat de service en EPIDE n’aura été opérant que pour un petit quart des mineurs concernés. Certains jeunes ont, en outre, pu obtenir un certificat d’aptitude à la conduite – point positif pour ces délinquants peu structurés.

Bref, l’idée n’est pas inintéressante, mais elle est mal construite et insuffisamment soutenue dans sa mise en application.

M. Dominique Raimbourg. C’est avec réserve et prudence que nous avions voté contre ce dispositif, nous étant surtout opposés à la façon dont il avait été présenté. S’il peut effectivement donner satisfaction, j’émettrai néanmoins quatre réserves à son égard.

La première porte sur sa présentation : ce dispositif ne constitue nullement une réponse générale à la délinquance des mineurs même s’il contribue, il est vrai, à la diversification de la prise en charge de mineurs n’ayant pas encore commis de faits d’une gravité extrême, comme le démontrent les ouvertures procédurales possibles.

Deuxième réserve : ne réactivons surtout pas des fantasmes du type de l’encadrement militaire. Nous ne recréons ni Biribi ni les bataillons disciplinaires ! Il s’agit en réalité d’instruments de la défense nationale qui sont très adaptés et qui prennent les gens en charge de façon très correcte.

Ma troisième réserve est la suivante : évitons toute confusion entre ce service citoyen et le service civique.

Enfin, les EPIDE, qui recrutent des volontaires, présentent un grand intérêt. Or il convient d’être très prudent lorsque l’on mélange des volontaires et des personnes se trouvant sous pression du juge des enfants. N’abîmons pas ces écoles de la deuxième chance de la défense nationale, qui fonctionnent de façon satisfaisante au profit de jeunes gens en difficulté.

Tout en tenant compte de ces réserves, pourquoi ne pas reprendre et étendre cette expérimentation plutôt que de la fermer par des dispositions procédurales trop étroites ?

Mme Marietta Karamanli. N’ayons pas la mémoire courte ! Les responsables du ministère et de la direction générale des EPIDE nous ayant signalé qu’il manquait 12 millions d’euros dans le budget de 2011 pour faire fonctionner les EPIDE dès les auditions conduites à l’époque sur la proposition de loi présentée par M. Ciotti, il paraît difficile de dénoncer aujourd’hui un manque de financement ! Mal conçu à l’époque, ce projet ne pouvait que conduire à de tels résultats. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas réfléchir à l’avenir. Seulement, ne mettons pas en difficulté les EPIDE, qui remplissent déjà une autre mission par ailleurs. Et faisons également cesser cet amalgame entre les différents dispositifs. Nous rendrons ainsi service aux jeunes qui sombrent dans la délinquance.

M. Bernard Lesterlin. Je répète ce que j’avais dit, monsieur le rapporteur, lorsque vous aviez présenté ce texte de loi : il existe un risque sérieux de confusion entre le « service citoyen » qu’il a instauré et le « service civique » qui a fait l’objet de la loi du 10 mars 2010. En effet, le premier mot – « service » – est identique. En outre, le service civique relève de ce qu’il est convenu d’appeler « l’engagement citoyen ».

En définitive, l’expérience a eu des résultats modestes. Je m’en réjouis dans la mesure où nous avons ainsi évité cette confusion. Les chiffres sont d’ailleurs sans commune mesure : 25 000 jeunes ont effectué un service civique depuis trois ans et on dénombre 80 à 90 % de « sorties positives » – pour reprendre votre expression –, mesurées selon le critère de l’employabilité ; en revanche, sur les 84 jeunes concernés par le service citoyen, on ne compte que 21 « sorties positives », soit 25 %.

Nous sommes tous d’accord pour rechercher des solutions adaptées : les mineurs délinquants doivent retrouver le chemin d’une sociabilité normale. Cependant, si l’idée initiale était intéressante, cette initiative s’est objectivement soldée par un échec. Nous devons travailler ensemble, toutes sensibilités confondues, pour tirer des conclusions constructives de l’évaluation du service citoyen, d’une part, et du service civique, d’autre part.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je suis d’accord avec une partie de l’analyse : les moyens consacrés au service citoyen ont été insuffisants. En revanche, il ne me paraît guère pertinent de se réjouir du manque de résultats du dispositif, au motif que son intitulé serait source de confusion avec le service civique ! Telle n’est pas, en tout cas, mon approche. Le service citoyen et le service civique sont bien distincts. Par ailleurs, les résultats du dispositif montrent que celui-ci était, au contraire, bien adapté. Je peux en témoigner : je rencontre fréquemment les responsables et les jeunes du centre EPIDE de Saint-Quentin, le plus proche de ma circonscription. Cet établissement marche très bien et le service citoyen s’y est révélé une excellente action. Le dispositif fonctionne donc dans une mesure limitée. Nous devrions plutôt plaider en faveur de son extension.

M. Guy Geoffroy. La rédaction de ce double rapport est un exercice formel et peu satisfaisant. Proche des réalités du terrain, le rapporteur a rappelé la pertinence du dispositif, que tous les acteurs chargés de sa mise en œuvre ont reconnue. La co-rapporteure, au contraire, l’a contestée avec une certaine condescendance. Elle a nié les réalisations, une fois de plus au motif que la décision n’aurait pas été financée. Il convient de nuancer légèrement les propos du rapporteur et considérablement ceux de la co-rapporteure. Nous devrions trouver un point d’équilibre et étudier la question de manière plus approfondie.

Je me souviens des débats au sein de cette assemblée lorsque nous avons créé les centres éducatifs fermés en 2002 : c’était prétendument la pire des choses, alors même que la proposition figurait dans le programme de plusieurs candidats à l’élection présidentielle, dont M. Lionel Jospin. Aujourd’hui, nous entendons des propos beaucoup plus positifs, au regard des premiers résultats enregistrés.

Il n’existe pas de dispositif « miracle », mais un ensemble de mesures qui concourent au même objectif : prendre en charge de manière respectueuse mais responsable les mineurs délinquants. Pendant trop longtemps, on a considéré que les mineurs ne devaient être soumis en aucun cas à la loi pénale. À l’inverse, il serait excessif de les soumettre à la loi pénale dans toute sa rigueur. Il convient donc de trouver un équilibre. La délinquance des mineurs, qui prend des formes de plus en plus dures, doit être traitée. Notre société éprouve toujours des difficultés à l’appréhender, à la mesurer, à la combattre. Nous devons mettre en place des dispositifs de prévention de la délinquance et de la récidive.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Je remercie Mme Le Dain pour le travail que nous avons réalisé ensemble. Nous parvenons à la même conclusion : celle d’un défaut de financement. Nous pouvons, de manière classique, nous en renvoyer la responsabilité. Mais là n’est pas l’essentiel : le constat sur la pertinence et l’efficacité du dispositif est assez largement partagé, comme l’ont également rappelé certains collègues de la majorité.

Le service citoyen fonctionne bien et Mme Bechtel a rappelé les mérites des centres EPIDE. À l’époque, on a prétendu que la mixité des publics – mineurs délinquants et non délinquants – allait mettre ces centres en péril. Or il n’en a rien été. Le service citoyen est, non pas la solution, mais une solution au fléau de la délinquance des mineurs.

Nous devrions prendre en compte les propositions formulées par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille. Il conviendrait notamment d’étendre le dispositif, en permettant au juge des enfants de recourir au contrat de service en EPIDE dans le cadre de mesures présentencielles. Nous devrions également le rendre plus coercitif. Enfin, il est indispensable d’y consacrer les moyens financiers nécessaires. Nous pourrions ainsi prendre en charge plusieurs centaines de mineurs délinquants, ce qui est loin d’être négligeable. De plus, cette prise en charge coûte quatre fois moins cher que dans un centre éducatif fermé, alors même que ses résultats sont beaucoup plus probants : les mineurs concernés sont rescolarisés, se réapproprient certains repères, s’engagent dans une démarche de professionnalisation.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, co-rapporteure. Le rapporteur a employé des termes forts : « pertinence », « utilité », « efficacité » du dispositif. Je mettrais pour ma part un bémol et parlerais plutôt de son « intérêt ».

La Commission approuve la publication du rapport d’information.

PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

Ministère de la Justice - Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

—  Mme Mireille GAUZÈRE, adjointe du directeur de la protection judiciaire et de la jeunesse

Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE)

—  M. Charles de BATZ de TRENQUELLÉON, directeur général

Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)

—  Mme Marie-Pierre HOURCADE, présidente, conseillère près la cour d’appel de Paris

—  Mme Marie-Josée MARAND-MICHON, membre du bureau, vice-présidente du tribunal pour enfants de Créteil

1 () L’EPIDE est un établissement public administratif créé en août 2005 et placé sous la tutelle des ministres en charge de la défense, de l’emploi et de la ville. Pour une présentation détaillée de sa création et de son fonctionnement, voir :

—  le rapport d’information (n° 3650, XIIe législature) de Mme Françoise Branget et M. Gilbert Meyer, au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, sur l’Établissement public d’insertion de la Défense, janvier 2007 ;

—  le rapport (n° 3777, XIIIe législature) de M. Éric Ciotti au nom de la commission des Lois sur la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, septembre 2011.

2 () Proposition de loi (n° 3707, XIIIe législature) de M. Éric Ciotti visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, déposée le 28 juillet 2011.

3 () Rapport (n° 3777, XIIIe législature) précité, p. 16.

4 () http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20120301&numTexte=8&pageDebut=03934&pageFin=03935

5 () http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20120301&numTexte=7&pageDebut=03933&pageFin=03934

6 () http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSF1206559C.pdf (le protocole du 7 février 2012 est annexé à la circulaire du 1er mars 2012).

7 () Rapport (n° 3777, XIIIe législature) précité, p. 52.

8 () Rapport (n° 3777, XIIIe législature) précité, p. 31.

9 () Les motifs de ces 40 décisions différées étaient :

—  dans 19 cas, le fait que le mineur ne se trouvait pas dans l’un des trois cadres procéduraux pour lesquels la loi du 26 décembre 2011 permet le recours au contrat de service en établissement public d’insertion de la défense (composition pénale, ajournement de peine, sursis avec mise à l’épreuve) ;

—  dans un cas, une difficulté liée à l’éloignement entre le centre et le domicile du jeune ;

—  dans un cas, des problèmes d’addiction devant être réglés avant l’admission ;

—  dans 19 cas, des raisons non renseignées.

10 () Les six mineurs admis mais non accueillis sont des mineurs pour lesquels un contrat de service en établissement public d’insertion de la défense avait été décidé et signé, mais qui n’ont finalement pas intégré le centre dans lequel ils avaient été affectés.

11 () Sur le caractère trop restrictif de ces trois cadres procéduraux, voir infra, les propositions de vos rapporteurs sur l’élargissement du dispositif issu de la loi du 26 décembre 2011 (B du III du présent rapport).

12 () Rapport (n° 3777, XIIIe législature) précité, p. 27.

13 () Les ministères de la Défense, de l’Emploi et de la Ville sont, en application de l’article L. 3414-1 du code de la défense, les trois ministères de tutelle de l’EPIDE, tandis que le ministère de la Justice est le ministère pour le compte duquel les contrats de service en établissement public d’insertion de la défense sont accomplis.

14 () Voir le projet annuel de performances de la mission « Justice » pour 2013, p. 157.


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