N° 2469 - Rapport d'information de Mme Nathalie Chabanne et M. Yves Foulon déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur le dispositif de soutien aux exportations d'armement




N
° 
2469

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 décembre 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Nathalie CHABANNE et M. Yves FOULON,

Députés.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement est composée de :

– Mme Nathalie Chabanne et M. Yves Foulon, rapporteurs ;

– MM. Nicolas Bays, Jean-Jacques Bridey, Guy Chambefort, Alain Chrétien, Philippe Folliot, Alain Marleix et Jacques Moignard, membres.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : ÉLÉMENTS DE CONTEXTE 11

I. LES EXPORTATIONS DE DÉFENSE CONTRIBUENT À LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE 11

A. LA NÉCESSITÉ D’UNE BITD FORTE ET CONQUÉRANTE À L’EXPORT 11

1. Une industrie de défense aux intérêts multiples 11

2. Les exportations d’armement : un acte avant tout politique 13

B. LA CONTRIBUTION ESSENTIELLE DE L’INDUSTRIE DE DÉFENSE À NOTRE BALANCE COMMERCIALE 13

1. La France, nation majeure dans le secteur de l’armement 13

2. Une industrie de défense française largement ouverte à l’international, des exportations vitales pour le secteur 18

C. LES PRINCIPAUX CLIENTS DE LA FRANCE 18

II. LES EXPORTATIONS : UNE NÉCESSITÉ ABSOLUE POUR L’ENSEMBLE DE LA COMMUNAUTÉ DE DÉFENSE 20

A. UNE NÉCESSITÉ POUR LA BITD ET POUR L’ENSEMBLE DE L’ÉCONOMIE NATIONALE 20

B. UNE NÉCESSITÉ POUR NOS ARMÉES ET NOTRE POSTURE STRATÉGIQUE 22

C. EN DERNIÈRE ANALYSE, LA BONNE TENUE DE CERTAINES EXPORTATIONS CONDITIONNE EN PARTIE L’ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 23

III. LA GÉOPOLITIQUE DES TRANSFERTS D’ARMEMENT CONTINUE SA MUE ET RÉVÈLE DES PROSPECTS D’AVENIR 25

A. CERTAINES ZONES ÉMERGENTES, SUJETTES À DES TENSIONS PERSISTANTES, PRENNENT PROGRESSIVEMENT LE RELAIS DES PAYS OCCIDENTAUX ET INDUSTRIALISÉS 25

1. Le marché de l’armement est affecté par des phénomènes contradictoires 25

2. L’évolution des dépenses militaires par zone 26

B. LES DÉPENSES MILITAIRES MONDIALES RESTENT PORTÉES PAR UN NOMBRE RÉDUIT D’ÉTATS 30

IV. UNE CONCURRENCE QUI S’INTENSIFIE ET SE DIVERSIFIE 31

A. LA CONCURRENCE TRADITIONNELLE AVEC LES ANCIENS ACTEURS 31

B. LES NOUVEAUX ENTRANTS SUR LE MARCHÉ : UNE CONCURRENCE SUR L’ENSEMBLE DE LA GAMME 32

V. UN RAPPEL NÉCESSAIRE : LE COMMERCE DES ARMES N’EST PAS UNE ACTIVITÉ ORDINAIRE 33

A. UN PRINCIPE GÉNÉRAL DE PROHIBITION 33

B. LES EXPORTATIONS D’ARMEMENT RELÈVENT D’UNE RESPONSABILITÉ NATIONALE QUI S’INSCRIT DANS LE RESPECT DE NOS ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX 33

1. Le cadre communautaire 33

2. Le cadre international 35

DEUXIÈME PARTIE : LE DISPOSITIF DE SOUTIEN 39

I. UN DISPOSITIF MULTIFORME : LES SOUTIENS AUX EXPORTATIONS D’ARMEMENT 40

A. LE SOUTIEN POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE EST PRIMORDIAL 40

1. L’implication des plus hautes autorités de l’État est déterminante 40

2. Les partenariats stratégiques, accords de coopération et accords de défense 41

3. La force du réseau diplomatique : le rôle des ambassadeurs et des attachés de défense 42

B. LE SOUTIEN TECHNIQUE ET ADMINISTRATIF : LA DGA « TOUR DE CONTRÔLE » DE L’ACCOMPAGNEMENT DES ENTREPRISES À TOUTES LES PHASES DU PROCESSUS EXPORT 43

1. En phase de prospection 44

2. En phase de négociation 44

3. En phase de réalisation 45

C. LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE APPORTÉ AUX PME 45

1. Les mesures traditionnelles proposées par la DGA : poursuivre les efforts d’information et de communication 45

2. Le Pacte Défense PME : un premier bilan positif, des actions à renforcer 47

a. Faciliter l’accès des PME à de nouveaux marchés hors ministère de la Défense, en France et à l’exportation 48

b. Prendre des initiatives au sein de la Task Force « Défense » (TFD) de la Commission européenne pour faire partager la nécessité de soutenir les PME 51

3. Rénover les relations entre grands groupes et PME 51

a. Développer le portage grâce à des mesures financières incitatives 52

b. Rééquilibrer les relations contractuelles 53

D. LE SOUTIEN FINANCIER : LE CONCOURS INDISPENSABLE DE COFACE 53

1. Coface, gestionnaire des garanties publiques à l’exportation pour le compte de l’État 53

2. Les différents produits proposés pour la couverture des risques 54

a. Le risque de change 54

b. Le risque lié à la prospection des marchés étrangers 55

c. Le risque d’interruption du marché et le risque de non-paiement 56

d. Le risque lié à l’émission de cautions et à l’octroi de préfinancement 57

E. LE SOUTIEN FISCAL : DES DISPOSITIFS INCITATIFS IMPORTANTS QUI NE SONT GÉNÉRALEMENT PAS SPÉCIFIQUES À L’INDUSTRIE DE DÉFENSE 58

1. Le crédit d’impôt recherche : pilier essentiel de la R&D 59

2. Le crédit d’impôt pour prospection commerciale 59

3. Les régimes préférentiels en matière de TVA 60

F. LE SOUTIEN OPÉRATIONNEL : LE SOUTEX DANS LES ARMÉES 61

1. Les différentes formes de SOUTEX 61

2. Les principes encadrant le SOUTEX 62

3. Essentiel, le SOUTEX ne doit pas devenir une contrainte pour les armées 63

4. Rénover le dispositif de SOUTEX 67

G. LES LABELS OPÉRATIONNELS « COMBAT PROVEN » ET « EN SERVICE DANS L’ARMÉE FRANÇAISE », CRITÈRE FONDAMENTAL 68

1. L’excellence opérationnelle de nos armées rejaillit sur les matériels qu’elles opèrent 68

2. En amont, cultiver les relations entre industriels et militaires dans le cadre de leur formation 69

3. Développer de manière raisonnable des actions de labellisation innovantes par l’utilisation de petites séries 69

H. LE SOUTIEN PROCÉDURAL : L’ACTION DE LA DOUANE 70

1. Le statut d’opérateur économique agréé (OEA) 70

2. Les actions d’accompagnement au profit des PME et ETI 71

3. Les relations avec les grands groupes : la mission grandes entreprises (MGE) 71

4. Vers la création d’un interlocuteur unique pour les grandes entreprises et certaines ETI : le service des grands comptes (SGC) 72

5. Les autres outils de facilitation des démarches à l’international 73

I. LES DIFFÉRENTS CONTRATS À L’APPUI DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT 73

1. Typologie des contrats 73

2. Le cas particulier du dispositif Foreign Military Sales (FMS) : un rêve inaccessible 74

a. Présentation générale du dispositif 75

b. La procédure FMS 75

c. Avantages et inconvénients du FMS 78

d. Le Foreign Military Financing (FMF) : corollaire financier traditionnel du FMS 79

e. FMS et FMF : quelques données chiffrées 79

f. La mise en place d’un « FMS à la française » : une perspective illusoire 82

J. QUELQUES ÉLÉMENTS DE COMPARAISON INTERNATIONALE : LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN DES PRINCIPAUX EXPORTATEURS MONDIAUX 83

1. En Russie : un système d’État caractérisé par une forte centralisation 83

2. En Allemagne : une absence de soutien spécifique ; un contexte politique peu favorable 86

3. En Israël : des mécanismes de soutien jugés indispensables 87

II. RENFORCER NOTRE PLACE À L’EXPORT 89

A. POINTS FORTS ET POINTS FAIBLES DE L’INDUSTRIE FRANÇAISE : UN RAPIDE PANORAMA 89

B. LA DÉFINITION DES BESOINS ET DES PRODUITS 91

1. Définir la juste valeur technologique et opérationnelle 91

a. Les produits de nos industriels répondent d’abord aux besoins et spécifications des armées françaises 91

b. Intégrer nativement la dimension export dans les programmes d’armement 92

c. Proposer la gamme de produits la plus complète possible 92

d. Développer les offres modulaires 93

e. Répondre aux attentes du client 93

C. ENRICHIR ET AMÉLIORER LE SOUTIEN POLITIQUE 94

1. Renforcer le rôle du Parlement 94

a. Dans le domaine du soutien 94

b. Dans le domaine du contrôle 94

2. Envisager la création d’un secrétariat d’État en charge des exportations d’armement 95

D. PROSPECTER TOUS LES MARCHÉS 96

1. Identifier l’ensemble des niches à l’exportation, y compris en l’absence de besoin national 96

2. Il n’y a pas de petits marchés : soutenir toutes les campagnes export 96

E. INVESTIR DAVANTAGE LE MARCHÉ DE L’OCCASION 97

1. Un marché secondaire à ne pas délaisser 97

2. Élaborer une politique de valorisation des matériels en fin de vie 98

F. AMÉLIORER LA GESTION DES OFFSETS : POUR UNE VIGILANCE ACCRUE EN MATIÈRE DE TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE 99

1. Typologie générale des offsets 100

2. Une pratique courante soumise à un principe de prohibition en Europe 101

3. Se prémunir du « syndrome Frankenstein » et protéger nos technologies critiques 103

G. DÉVELOPPER PLUS SYSTÉMATIQUEMENT DES OFFRES GLOBALES 104

H. CONSTRUIRE « L’ÉQUIPE DE FRANCE » DE L’EXPORT 105

1. Chasser en meute et éviter les concurrences fratricides destructrices : la nécessaire solidarité de l’équipe de France 105

2. Inciter au développement d’entreprises de taille critique 106

I. LA FUTURE SOCIÉTÉ DE PROJET : DES POTENTIALITÉS QUI RESTENT ENCORE À DÉTERMINER AVEC PRÉCISION 107

TROISIÈME PARTIE : LE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT, UNE FORME INDIRECTE MAIS ESSENTIELLE DE SOUTIEN 109

I. LA RÉNOVATION DU SYSTÈME FRANÇAIS DE CONTRÔLE 109

A. LE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT : ASPECTS GÉNÉRAUX 110

1. La finalité du contrôle 110

2. Les principes du contrôle 111

3. Un contrôle robuste et bien calibré est un facteur de soutien aux industriels 111

B. LE PROCESSUS DE CONTRÔLE : LE RÔLE CENTRAL DE LA CIEEMG 112

1. Composition et moyens affectés 112

a. Une commission interministérielle 112

b. Les moyens affectés à la CIEEMG 113

2. Fonctionnement de la CIEEMG pré-réforme 113

a. Procédure d’examen des demandes 113

b. Des volumes financiers traités qui ne sont pas représentatifs des flux commerciaux réels ou du montant total des matériels exportés 115

c. Les délais de traitement des demandes 115

3. Des procédures rénovées dans le cadre du « paquet Défense » : la CIEEMG « nouvelle génération » 115

a. Les deux directives du « paquet Défense » et la loi de 2011 : bref rappel 115

b. Le traitement des demandes : les différentes catégories de licences 116

c. Le circuit de délivrance des licences 118

d. La certification des entreprises destinataires de produits liés à la défense dans le cadre des licences générales 119

C. LE DÉVELOPPEMENT DU CONTRÔLE A POSTERIORI 120

1. Les principes du contrôle a posteriori 120

2. Bilan des premiers contrôles 121

D. LE CONTRÔLE DES FLUX PHYSIQUES : L’ACTION DE LA DOUANE 123

1. L’allégement des procédures douanières suite à la transposition du « paquet Défense » 123

2. Les saisies douanières 123

3. Vers un meilleur suivi des flux physiques : l’interconnexion des systèmes d’information de la DGA et de la douane 125

II. L’AVENIR DU CONTRÔLE 126

A. UN PREMIER BILAN DU NOUVEAU SYSTÈME 126

1. Bilan du « paquet Défense » et du contrôle « nouvelle génération » 126

2. L’avenir du secteur de la défense selon la Commission européenne 127

B. AMÉLIORER ET PROMOUVOIR NOTRE MODÈLE DE CONTRÔLE 128

1. Coordonner et harmoniser au maximum les procédures entre États membres 128

2. Responsabiliser davantage les entreprises 129

C. DÉVELOPPER NOTRE INFLUENCE NORMATIVE À L’INTERNATIONAL 130

1. L’influence normative est une des composantes de la compétitivité 130

2. Faire valoir la force et l’efficacité du système français de contrôle et lutter contre les distorsions de concurrence 130

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS 135

TRAVAUX DE LA COMMISSION 137

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 155

INTRODUCTION

L’industrie de la défense et, en particulier, le commerce des armes et des matériels de guerre, alimentent de nombreux fantasmes et peuvent susciter toutes sortes d’incompréhensions de la part de l’opinion publique. Certains imaginent un secteur et un marché totalement opaques, immoraux par nature, hors de tout contrôle et anarchiques. Le fait qu’il existe, en France, un dispositif de soutien public consacré à ce secteur ne fait que renforcer ces réactions, d’aucuns pouvant s’interroger sur la légitimité d’une telle assistance officielle.

Comme souvent, la réalité est beaucoup plus nuancée. En s’efforçant de faire le point sur le sujet en décrivant les règles qui président aux exportations d’armement et l’intérêt qu’elles représentent – et qui n’est pas, en premier lieu, de nature commerciale –, en détaillant le mécanisme de soutien et son objet et, enfin, en présentant le dispositif de contrôle et sa vocation, les rapporteurs espèrent contribuer à dissiper quelques-uns de ces fantasmes, suspicions et incompréhensions ou, du moins, à éclairer davantage le grand public sur un sujet éminemment complexe aux enjeux multiples.

Le dernier rapport d’information que la commission de la Défense a consacré aux exportations d’armement remonte à la XIe législature. Publié en 2000, le travail effectué par MM. Sandrier, Martin et Veyret avait pour champ d’analyse exclusif le contrôle des exportations (1).

Près de 15 ans plus tard et suite à l’adoption de la loi de programmation militaire 2014-2019, il était légitime de se saisir à nouveau de cette question dans la mesure où, d’une part, la relative contraction des budgets nationaux oblige les industriels à trouver de nouveaux débouchés et où, d’autre part, le succès à l’export de certains matériels et équipements conditionne l’équilibre financier de la LPM. En outre, les exportations d’armement constituant un acte politique avant d’être un acte commercial, il était naturel que la Représentation nationale analyse et évalue le dispositif de soutien aux exportations d’armement.

Tel est l’objet du présent rapport, qui s’attache à rappeler le contexte global dans lequel s’inscrit notre politique d’exportation d’armement (première partie), à décrire notre dispositif de soutien dans toutes ses composantes tout en évoquant des pistes d’évolution (deuxième partie) et, enfin, à préciser la manière dont s’opère le contrôle des exportations de défense suite à la réforme entreprise en 2011 (troisième partie).

Au total, la mission d’information a formulé 23 recommandations. D’autres observations n’ont pas fait l’objet d’une telle formalisation dès lors qu’elles relèvent davantage de la responsabilité des industriels et de l’évolution des stratégies d’entreprise.

PREMIÈRE PARTIE

ÉLÉMENTS DE CONTEXTE

En 2013, avec des prises de commandes qui auront atteint 6,87 milliards d’euros, soit une croissance de près de 43 % par rapport à 2012, la France reste le quatrième exportateur mondial d’armement.

Les développements qui suivent ont vocation à rappeler quelques éléments de contexte nécessaires à la compréhension globale de ce secteur très particulier que constitue l’industrie de défense.

Ils visent à préciser dans quelle mesure les exportations d’armement revêtent une importance particulière qui n’est pas, loin s’en faut, uniquement commerciale, à dresser un état des lieux du marché mondial de l’armement, et à rappeler que le commerce des armes, fortement et légitimement encadré par tout un éventail normatif national, communautaire et international, n’est pas et ne doit pas être considéré comme une activité commerciale ordinaire.

I. LES EXPORTATIONS DE DÉFENSE CONTRIBUENT À LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ET AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE

A. LA NÉCESSITÉ D’UNE BITD FORTE ET CONQUÉRANTE À L’EXPORT

1. Une industrie de défense aux intérêts multiples

Il n’est pas nécessaire de s’étendre longuement sur l’intérêt, pour notre pays, de disposer d’une industrie de défense dont la qualité est internationalement reconnue. Au plan strictement domestique, elle permet d’assurer l’approvisionnement de nos forces armées en matériels performants. Elle participe également de notre souveraineté et confère un degré d’autonomie stratégique non-négligeable en évitant, autant que possible, le recours à des productions étrangères. Elle est, par ailleurs, une condition essentielle du succès des opérations engagées par notre pays.

L’intérêt est aussi économique et industriel. Les technologies et savoir-faire développés dans le secteur de la défense sont susceptibles de se diffuser dans le domaine civil et d’irriguer les secteurs les plus porteurs en termes de croissance (aéronautique, espace, NTIC, etc.) et, in fine, l’ensemble de l’économie nationale.

La base industrielle et technologique de défense française (BITD) est structurée autour d’une dizaine de grands groupes de taille mondiale et de 4 000 petites et moyennes entreprises (PME). Le secteur représente environ 165 000 emplois, dont 20 000 hautement qualifiés. Présentes sur l’ensemble du territoire national, les industries de défense constituent un pilier économique majeur dans un certain nombre de régions : Bretagne, Centre, Île-de-France, Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Il faut rappeler par ailleurs le caractère largement dual des industries de défense. Les synergies sont nombreuses entre les secteurs civil et militaire, et se matérialisent notamment par le partage des bureaux d’études et des chaînes de production. Cette dualité est double : elle est interne, avec un certain nombre d’entreprises présentes dans les deux secteurs – Dassault Aviation, Thales, Airbus par exemple ; elle est également externe avec la diffusion, dans le civil, de savoir-faire, technologies et produits initialement développés pour le secteur de la défense.

LES RETOMBÉES CIVILES DU DÉVELOPPEMENT DES TECHNOLOGIES MILITAIRES

Source : ministère de la Défense, Les exportations françaises d’armement : 40 000 emplois dans nos régions.

Enfin, la BITD contribue fortement à l’innovation de notre pays. Si les cas sont très variables en fonction du segment sur lequel opèrent les entreprises – certains produits étant, par nature, technologiquement plus « gourmands » que d’autres – les entreprises de la BITD réinjectent en moyenne entre 10 % et 20 % de leurs chiffres d’affaires dans les opérations de recherche et développement (R&D) et de recherche et technologie (R&T) (2).

2. Les exportations d’armement : un acte avant tout politique

Les exportations, quant à elles, sont un élément clé au service des partenariats stratégiques et des relations de défense que notre pays noue avec les puissances étrangères. Au-delà des coopérations industrielles et techniques parfois fructueuses qu’elles engendrent, les exportations d’armement permettent à la France de renforcer ses relations militaires, politiques et économiques avec les autres États. Sur les quelque 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel réalisés en moyenne par les industries de défense, un tiers provient des exportations.

B. LA CONTRIBUTION ESSENTIELLE DE L’INDUSTRIE DE DÉFENSE À NOTRE BALANCE COMMERCIALE

1. La France, nation majeure dans le secteur de l’armement

En 2013, les prises de commandes auront atteint 6,87 milliards d’euros, soit une croissance substantielle de près de 43 % par rapport à 2012 (42,7 %). Cette performance, dont il convient de se réjouir, n’est pas ponctuelle. En effet, l’industrie d’armement, via ses exportations, est traditionnellement et structurellement une contributrice nette et positive à la balance commerciale de notre pays, par ailleurs dégradée depuis plusieurs années. On estime ainsi que, sur la période 2008-2013, les exportations de défense ont contribué à réduire le déficit de la balance commercial de cinq à huit points selon les années. Compte tenu de la situation de notre commerce extérieur – dont le déficit atteint encore 61,4 milliards d’euros en 2013 –, une telle réalité doit être soulignée et saluée. Le graphique ci-dessous synthétise cette situation, le premier histogramme présentant les soldes commerciaux réels exportations de défense comprises, et le second faisant état des mêmes soldes en l’absence de ces mêmes exportations.

L’IMPACT DES EXPORTATIONS DE DÉFENSE SUR LE DÉFICIT COMMERCIAL FRANÇAIS

(en milliards d’euros)

Source : ministère de la Défense, op. cit.

Si l’on compare les taux de couverture des principaux types de biens exportés – soit le rapport entre les exportations et les importations pour chaque catégorie de biens analysée –, on constate que les matériels de défense se situent en deuxième position. En 2013, le taux de couverture du matériel militaire atteint ainsi 316 %, juste derrière l’électricité et le gaz manufacturé (379 %). Concrètement, cela signifie que la France exporte plus de trois fois plus de matériel de défense qu’elle n’en importe.

LE MATÉRIEL MILITAIRE : DEUXIÈME MEILLEUR TAUX DE COUVERTURE
DANS L’ENSEMBLE DES BIENS EXPORTÉS

Source : ministère de la Défense, op. cit.

L’an dernier, les exportations de défense ont notamment été portées par une croissance du nombre et des montants des « grands contrats », c’est-à-dire ceux qui ont représenté un montant supérieur à 200 millions d’euros. Alors que seulement trois « grands contrats » avaient été conclus en 2012, huit ont été signés en 2013, représentant un volume financier de 2,82 milliards d’euros (+ 81 % par rapport à 2012). La France a notamment pu s’inscrire dans des relations commerciales fortes avec ses clients historiques (cf. infra) – dans le Golfe persique notamment. Mais elle a également su conforter sa présence sur un certain nombre de marchés « nouveaux » et particulièrement porteurs, l’Asie par exemple.

Les contrats plus modestes – en toute relativité –, inférieurs à 200 millions d’euros, ont également présenté une croissance substantielle en 2013. Comptant pour 4,05 milliards d’euros, ils ont crû de 24 % par rapport à 2012. En outre, qualitativement, ces données témoignent à n’en pas douter d’un renforcement de la position des PME françaises à l’exportation. On estime ainsi que sur les 669 entreprises françaises ayant exporté des matériels militaires en 2013, plus de la moitié sont des PME.

Trois secteurs principaux ont particulièrement contribué à ces bons résultats : le secteur des missiles, le naval et le spatial.

DISTRIBUTION DES EXPORTATIONS PAR TYPE D’ENTREPRISE

Source : ministère de la Défense, op. cit..

ÉVOLUTION DES PRISES DE COMMANDES FRANÇAISES ET RÉPARTITION
PAR TAILLE DE CONTRAT

(en millions d’euros)

Source : ministère de la Défense, Rapport au Parlement 2014 sur les exportations d’armement de la France.

Sans atteindre le niveau historique de 2009 – 8,2 milliards d’euros d’exportations, notamment en raison de la commande de quatre sous-marins de type Scorpène par le Brésil –, l’année 2013 constitue un excellent millésime non seulement par rapport à l’année antérieure, avec une augmentation d’environ 43 %, mais également sur longue période puisque les résultats 2013 sont supérieurs de 30,2 % à la moyenne observée sur dix ans, entre 2002et 2012 (5,3 milliards d’euros).

ÉVOLUTION DES PRISES DE COMMANDES FRANÇAISES 2002-2013

(en milliards d’euros courants)

Source : ministère de la Défense, Les exportations françaises d’armement : 40 000 emplois dans nos régions.

Au total, la France reste le quatrième exportateur mondial d’armement après les États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni, et le deuxième en Europe.

LES PRINCIPAUX EXPORTATEURS D’ARMEMENT DANS LE MONDE

Source : ministère de la Défense, Rapport au Parlement 2013 sur les exportations d’armement de la France.

2. Une industrie de défense française largement ouverte à l’international, des exportations vitales pour le secteur

Il convient de préciser que la part que représentent les entreprises de la BITD dans l’ensemble des exportations de notre pays est sans commune mesure avec leur importance numérique au regard de l’ensemble des entreprises françaises exportatrices. Ainsi, alors qu’elles représentent 1 % de l’ensemble des sociétés exportatrices, leurs réalisations à l’international ont, en moyenne, compté pour 24 % (3) du montant total des exportations françaises civiles et militaires sur la période 2010-2013.

Si les grands groupes tirent vers le haut les exportations d’armement, il ne faut pas oublier que ceux-ci s’adossent sur un réseau riche et dense de PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui, hors sous-traitants, réalisent environ 8 % des exportations directes.

Quelques statistiques globales, particulièrement éclairantes, permettent d’évaluer la force de la BITD à l’export et l’importance que celui-ci revêt pour elle.

Ainsi, pour les grandes entreprises françaises, le chiffre d’affaires réalisé à l’export représente entre un quart et la moitié du chiffre d’affaires total. Pour certaines de leurs filiales, les exportations peuvent même représenter la quasi-totalité du chiffre d’affaires. D’après les représentants de la commission Défense du Comité Richelieu, association française des Entreprises d’Innovation et de Croissance (EIC) comptant 300 adhérents dont nombre font partie de la BITD, 25 % du chiffre d’affaires des PME/ETI du domaine terrestre est réalisé à l’export. Au-delà de cette « photographie » de l’existant, la dynamique sur moyen terme est révélatrice. Ainsi depuis 2005, pour certaines entreprises, la part à l’export a pu doubler voire davantage, certaines sociétés prévoyant une croissance du même ordre à l’horizon 2020.

Cette présentation synthétique mais particulièrement éloquente en témoigne : la BITD française est largement internationalisée et, de ce fait, dépendante des prises de commandes à l’export, l’obtention de marchés à l’international étant, pour reprendre les termes de plusieurs intervenants, devenue « vitale » pour notre industrie de défense.

C. LES PRINCIPAUX CLIENTS DE LA FRANCE

Il convient de rappeler à titre liminaire que la France dispose d’un document de référence, le Plan national stratégique des exportations de défense (PNSED) qui identifie un certain nombre de priorités géographiques et sectorielles. Il présente une vision globale du marché mondial des équipements de défense et des perspectives d’exportation de la France à court et moyen termes. Actualisé tous les ans, il constitue l’outil commun de réflexion stratégique de l’État en matière d’exportations d’armement. Le PNSED étant classifié « confidentiel défense », il est naturellement impossible de le présenter en détail dans le cadre du présent rapport.

La BITD française est présente, à travers ses exportations, sur l’ensemble des marchés mondiaux. Les commandes restent toutefois concentrées sur un nombre relativement limité de zones et de pays-clients.

Ainsi, en 2013, environ la moitié des prises de commandes effectuées au profit de l’industrie française sont à destination de la zone Proche et Moyen-Orient. À cet égard, nos relations commerciales avec l’Arabie saoudite restent sans équivalent puisque le royaume saoudien demeure notre premier client. Les contrats conclus avec celui-ci ont en effet représenté quelque 1,9 milliard d’euros sur l’ensemble des contrats entrés en vigueur en 2013.

La zone Asie-Pacifique, particulièrement prometteuse pour l’avenir, a quant à elle compté pour 25 % des prises de commandes françaises. L’Amérique latine, l’aire Asie centrale-Russie et l’Europe sont, par ordre d’importance, les autres zones privilégiées pour les exportations françaises.

LES PRINCIPAUX PAYS CLIENTS DE LA FRANCE 2004-2013

Pays

Rang

Arabie saoudite

1

Inde

2

Brésil

3

Émirats arabes unis

4

États-Unis

5

Maroc

6

Royaume-Uni

7

Malaisie

8

Singapour

9

Russie

10

Australie

11

Oman

12

Pakistan

13

Espagne

14

Corée du Sud

15

Indonésie

16

Chine

17

Qatar

18

Allemagne

19

Grèce

20

Source : ministère de la Défense, Rapport au Parlement 2014 sur les exportations d’armement de la France.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES PRISES DE COMMANDES FRANÇAISES 2008-2012

Source : Direction générale de l’armement. Soutien export 2013-2014.

II. LES EXPORTATIONS : UNE NÉCESSITÉ ABSOLUE POUR L’ENSEMBLE DE LA COMMUNAUTÉ DE DÉFENSE

La bonne tenue des exportations d’armements n’est pas seulement primordiale pour les industriels et, partant, pour l’ensemble de l’économie nationale. Le relâchement relatif de l’effort de défense, constaté notamment sur les marchés occidentaux avec la diminution des budgets militaires, rend cette réalité encore plus prégnante. Elle l’est également pour nos armées et pour le maintien de notre posture stratégique.

A. UNE NÉCESSITÉ POUR LA BITD ET POUR L’ENSEMBLE DE L’ÉCONOMIE NATIONALE

La réussite à l’export via la conquête de marchés extra-domestiques ou le renforcement des positions de l’industrie française à l’étranger est doublement nécessaire. Elle l’est d’abord du fait de la structure de production et de la stratégie commerciale de notre industrie d’armement qui, comme rappelé précédemment et indépendamment de la satisfaction des besoins du client national, s’est très largement internationalisée et entend poursuivre dans cette voie. Elle l’est d’autant plus dans un contexte de contraction des budgets nationaux de défense dans le monde « occidental » et, notoirement, en Europe.

À cet égard, les exportations d’armement constituent un relais de croissance indispensable. Comme l’indique le rapport annexé à la LPM « le soutien aux industries de défense constituera un volet majeur de la politique industrielle du Gouvernement » (cf. encadré ci-après). Compte tenu des contraintes budgétaires et de la dynamique des coûts des matériels et équipements, les exportations font figure de complément obligatoire à la demande domestique en rendant la BITD moins dépendante des commandes du client national – les armées –, et en renforçant par ailleurs leurs capacités d’autofinancement.

Sans qu’il soit nécessaire de développer outre mesure cet aspect tant il paraît intuitif, les succès de nos entreprises de défense à l’exportation ont évidemment un effet direct sur la pérennité et le développement de l’emploi dans notre pays. En effet, le maintien de chaînes de production réduit, autant que faire se peut, les problèmes de plan de charge sur certains sites ainsi que le recours au chômage partiel.

En outre, comme cela a été rappelé précédemment, les exportations assurent la poursuite d’un effort substantiel en R&D et R&T, permettent de contenir la dégradation de la balance commerciale et soutiennent la diffusion, à l’ensemble de l’économie nationale, de nombre de produits et de technologies.

Enfin, elles sont indispensables au maintien des bureaux d’études et des capacités industrielles. Si les produits de défense sont, généralement, conçus pour être opérés et mis en œuvre pendant plusieurs décennies, l’industrie de défense se caractérise par un renouvellement rapide de ses gammes et par un processus permanent d’évolution et de modernisation des matériels. Aussi, dans ce domaine particulièrement sensible en mouvement perpétuel et sujet à des avancées ou des ruptures technologiques constantes, la perte de compétences et de savoir-faire critiques peut-elle survenir rapidement. Le maintien de l’effort financier et industriel « au fil de l’eau » est donc une absolue nécessité, la reconstitution de capacités perdues étant particulièrement compliquée et coûteuse en la matière.

La politique d’exportation au sein de la loi de programmation militaire 2014-2019

« 4.4. La politique d’exportation

Le soutien aux exportations de défense constituera un volet majeur de la politique industrielle du Gouvernement, allant de pair avec une pratique exigeante du contrôle.

Les exportations d’armement représentent en effet plus de 30 % des 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires du secteur de l’industrie de défense dans l’économie française et sont donc à la fois un signe et un facteur de sa compétitivité. Elles passeront de plus en plus par la mise en œuvre de coopérations industrielles et techniques au service de partenariats stratégiques et des relations globales de défense que la France entend développer. En s’engageant dans des relations d’armement avec la France, notamment par la signature de grands contrats, ces pays renforcent durablement nos liens tant au niveau militaire qu’au niveau politique, économique et industriel et deviennent ainsi de véritables partenaires. En maintenant des compétences en matière de recherche et de développement au sein des bureaux d’études et en alimentant les chaînes de production, les commandes à l’exportation contribuent à la pérennité de nos entreprises ainsi qu’à notre autonomie stratégique. Les contraintes budgétaires et le coût croissant des systèmes d’armes les rendent indispensables comme complément du marché intérieur, réduisant la dépendance des entreprises à l’évolution des commandes de l’État et renforçant leurs capacités d’autofinancement.

La stratégie d’exportation d’armement s’inscrira pleinement dans le cadre de la Charte des Nations unies, qui reconnaît, dans son article 51, à tout État membre le droit de la légitime défense, individuelle ou collective. Elle s’appuiera sur l’application de normes internationales interdisant ou réglementant l’usage de certaines armes, tout en luttant contre la prolifération et les trafics illicites. La France continuera de s’impliquer dans l’élaboration de normes internationales rigoureuses, comme les traités visant à interdire certaines armes frappant sans discrimination des populations civiles, le traité sur le commerce des armes, signé le 3 juin 2013 à New York, et les outils internationaux et européens de contrôle des flux de matériels sensibles.

Il sera régulièrement rendu compte des résultats de la stratégie d’exportation au Parlement, par les rapports annuels réalisés à cette fin et le débat devant les commissions parlementaires auxquels ils donnent lieu.

Conformément aux conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, des propositions seront rapidement présentées afin de renforcer les différentes procédures de contrôle des exportations sensibles. Ces propositions pourraient viser à rassembler sous une même autorité nos différents instruments de contrôle des technologies civiles et militaires à usage de défense et de sécurité. »

B. UNE NÉCESSITÉ POUR NOS ARMÉES ET NOTRE POSTURE STRATÉGIQUE

L’aspect purement économique, s’il est primordial, n’est pas le seul à prendre en compte lorsque l’on aborde la question des exportations d’armement. Les favoriser ne vise pas un but exclusivement commercial. Il s’agit également de donner au client et utilisateur militaire national les moyens de remplir efficacement et dans la durée l’ensemble des missions qui lui sont assignées par le politique. Il s’agit donc aussi, en dernière analyse, d’assurer et de conforter la posture stratégique déterminée par les plus hautes autorités politiques et de garantir la souveraineté de la France dans les technologies les plus sensibles.

En alimentant les chaînes de production des industriels, les exportations sont susceptibles de produire un « effet de série » permettant davantage de souplesse dans les calendriers de livraison aux forces voire une réduction du coût unitaire des matériels et équipements et, par ricochet, une diminution des coûts d’acquisition pour les armées – et, par conséquent, pour l’État. En outre, la vente à des clients étrangers oblige à maintenir pour une durée plus longue les compétences, les chaînes de montage et les chaînes d’approvisionnement en rechanges qui sont également nécessaires au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels en service dans les forces françaises, facilitant ainsi les opérations d’entretien.

Enfin, les développements réalisés pour les versions export peuvent bénéficier aux capacités nationales à l’occasion des opérations de rénovation successives des équipements et matériels.

C. EN DERNIÈRE ANALYSE, LA BONNE TENUE DE CERTAINES EXPORTATIONS CONDITIONNE EN PARTIE L’ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 a rappelé l’importance de l’industrie de défense en ce qu’elle garantit notre sécurité d’approvisionnement en équipements de souveraineté et en systèmes d’armes critiques, leur adaptation aux besoins opérationnels de nos forces, et la sauvegarde des capacités technologiques indispensables à notre autonomie stratégique.

Dans ce contexte, les hypothèses d’exportation du Rafale constituent un sujet à part entière de l’exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM). Celle-ci prévoit l’acquisition de 26 avions de combat Rafale supplémentaires, à hauteur de 11 appareils en 2014, 11 en 2015, quatre en 2016 et aucun entre 2017 et 2019. Ce calendrier de livraison est le fruit d’un compromis entre le format des armées arrêté par le Gouvernement, les capacités budgétaires mises à disposition du ministère de la Défense et la logique de production industrielle de Dassault Aviation. Afin de maintenir son rythme de production en 2016, l’entreprise compte sur des ventes d’exportations à un ou plusieurs États étrangers, dont l’Inde ou encore le Qatar.

En réponse au rapport de la Cour des comptes de 2010, le ministère de la Défense avait estimé le coût de production unitaire du Rafale à 101,1 millions d’euros (4). Aussi, toute modification des commandes sur ce programme – entraînée par une éventuelle non-réalisation des contrats d’exportation du Rafale – affecterait la logique de production de l’appareil et, in fine, l’équilibre financier de la programmation. Elle aurait donc pour conséquence directe un écart très significatif avec la trajectoire financière actuellement fixée dans la LPM. Cette fragilité intrinsèque a donc suscité la création d’une « clause de revoyure », inscrite à l’article 6 in fine de la LPM, et prévoyant une première actualisation avant la fin de l’année 2015 qui se fondera notamment sur les résultats obtenus à l’export.

La « clause de revoyure » de la LPM

Article 6

« La présente programmation fera l’objet d’actualisations, dont la première interviendra avant la fin de l’année 2015. Ces actualisations permettront de vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi et les réalisations. Elles seront l’occasion d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans le domaine de l’activité des forces et des capacités opérationnelles, de l’acquisition des équipements majeurs, du rythme de réalisation de la diminution des effectifs et des conséquences de l’engagement des réformes au sein du ministère de la défense.

Ces actualisations devront également tenir compte de l’éventuelle amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques afin de permettre le nécessaire redressement de l’effort de la Nation en faveur de la défense et tendre vers l’objectif d’un budget de la défense représentant 2 % du produit intérieur brut.

Elles seront l’occasion d’examiner le report de charges du ministère de la défense, afin de le réduire dans l’objectif de le solder et de procéder au réexamen en priorité de certaines capacités critiques, telles que le ravitaillement en vol et les drones, ainsi que la livraison des avions Rafale, à la lumière des résultats à l’export. »

Lors de travaux préparatoires à la LPM, le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon s’était montré relativement confiant dans les perspectives d’exportation du Rafale, indiquant travailler « à la vente de 126 Rafale à l’Inde – dont dix-huit fabriqués en France – et de 36 appareils au Qatar – même si ce chiffre n’est pas encore arrêté. Je suis persuadé que nous réussirons à conclure le marché avec l’Inde, même si nous pourrions attendre jusqu’à la fin de l’année 2014 pour des raisons de fonctionnement administratif, d’attention portée par les Indiens au respect des procédures, de calendrier politique et de nécessité d’adapter certains de leurs équipements au Rafale. Sur ce dernier point, l’intérêt de l’opération avec le Qatar réside dans la proximité de la définition technique des avions avec la nôtre. À plus long terme, le Brésil pourrait réapparaître comme un marché potentiel » (5).

De la même manière, le ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, s’était également déclaré « optimiste sur la capacité de Dassault Aviation à conclure des contrats permettant la continuité de son plan de charge […]. Les toutes récentes déclarations du PDG du groupe, M. Éric Trappier, nous confortent dans cette analyse » (6).

Ce dernier avait en effet affirmé que « nous avons besoin de construire un Rafale par mois, et onze par an, pour conserver la capacité de production de cet avion. Nous avons fait le pari de produire à cette cadence jusqu’en 2016 pour équiper l’armée française, ce qui laisserait à l’État et à l’industrie le temps de mettre en commun leurs efforts en vue d’obtenir un contrat à l’exportation dans un des pays où les négociations sont assez avancées » (7).

De fait, si l’on en croit les récentes déclarations du PDG de Dassault Aviation à la presse, les négociations semblent en bonne voie. Le 5 novembre dernier, M. Trappier a en effet indiqué à l’agence de presse Reuters que la conclusion ferme et définitive du contrat du Rafale en Inde d’ici la fin de l’année budgétaire indienne – soit en mars 2015 – était un « objectif raisonnable ». Rappelons que le montant du contrat est estimé à quelque 15 milliards de dollars, soit 12 milliards d’euros environ.

III. LA GÉOPOLITIQUE DES TRANSFERTS D’ARMEMENT CONTINUE SA MUE ET RÉVÈLE DES PROSPECTS D’AVENIR

A. CERTAINES ZONES ÉMERGENTES, SUJETTES À DES TENSIONS PERSISTANTES, PRENNENT PROGRESSIVEMENT LE RELAIS DES PAYS OCCIDENTAUX ET INDUSTRIALISÉS

1. Le marché de l’armement est affecté par des phénomènes contradictoires

Si le montant total des dépenses d’armement mondiales est en recul, le volume des exportations continue de croître, porté par la demande de quelques régions clés.

En 2013, le marché mondial de l’armement reste tributaire du phénomène de recul tendanciel des dépenses militaires des États occidentaux. Ainsi, au sein de l’Union européenne, la part des dépenses militaires dans le PIB a régressé de 0,18 point en quatre ans, passant de 1,68 % en 2009 à 1,5 % en 2012. Aux États-Unis, cette diminution a été limitée à 0,5 % en 2013. En 2012, pour la première fois, les pays de l’OTAN ont dépensé moins pour leur défense que les pays de la zone Asie-Pacifique (soit 285 milliards de dollars contre 300 milliards de dollars).

Le marché est également affecté par une demande parfois moins dynamique des pays émergents qui, confrontés à un ralentissement de la croissance et aux demandes sociales, peuvent être contraints de redéfinir leurs priorités en termes d’investissements, ce qui ne favorise pas systématiquement les dépenses militaires. Tel est le cas en Amérique latine notamment, les gouvernements ayant procédé à des arbitrages défavorables aux dépenses d’armement se traduisant par l’annulation ou le report de plusieurs programmes.

Au total, les dépenses militaires mondiales ont atteint près de 1 750 milliards de dollars pour l’année 2013 (8), soit une baisse de 1,9 % en termes réels depuis 2012. Cette diminution globale est le fait d’une contraction des dépenses dans les pays occidentaux et notamment aux États-Unis. En revanche, elles augmentent dans toutes les autres régions et, de fait, les dépenses militaires hors États-Unis sont en augmentation de 1,8 %.

2. L’évolution des dépenses militaires par zone

Les trois États dépensant le plus pour leur défense sont la Chine, la Russie et l’Arabie saoudite. Ces trois pays figurent parmi les 23 États qui ont plus que doublé leurs dépenses militaires depuis 2004. Le royaume saoudien a même dépassé le Royaume-Uni, le Japon et la France et figure désormais au quatrième rang mondial pour les dépenses militaires.

Au Moyen-Orient, celles-ci ont progressé de 4 % en 2013, pour atteindre environ 150 milliards de dollars. Les dépenses de l’Arabie saoudite ont augmenté de 14 % et ont atteint 67 milliards de dollars. C’est l’Irak, en plein processus de reconstitution de ses forces armées, qui enregistre la plus forte progression de la zone (+ 27 %). Il convient toutefois de souligner que les statistiques relatives à cette région sont sujettes à caution et sont forcément sous-estimées compte tenu de l’absence de données concernant un certain nombre de pays importants dont l’Iran, le Qatar, la Syrie et les Émirats arabes unis.

Pour la zone Afrique et selon les données disponibles, les dépenses militaires ont augmenté de 8,3 % et ont atteint un montant estimé à 44,9 milliards de dollars. L’Algérie est le premier État de la zone en termes d’investissements de défense avec des dépenses supérieures à 10 milliards de dollars, soit une augmentation de 8,8 % depuis 2012 et de 176 % depuis 2004.

En Asie et Océanie, la croissance enregistrée est de 3,6 %, atteignant 407 milliards de dollars. C’est la Chine qui tire ces dépenses avec une augmentation de 7,4 %, atteignant un montant estimé à 188 milliards de dollars.

La plus forte augmentation est toutefois réalisée par l’Afghanistan qui, pour des raisons analogues à l’Irak et dans un contexte de départ des troupes étrangères présentes sur son sol, procède à la reconstitution de ses forces nationales (+ 77 %).

La diminution substantielle de 7,8 % des dépenses des États-Unis constatée en 2013 est la conséquence de la fin de la guerre en Irak, du début du retrait des troupes d’Afghanistan et des effets des coupes budgétaires automatiques du Congrès.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES D’ARMEMENT PAR ZONE

(en %)

Source : SIPRI, Trends in World Military Expenditures 2013.

En tout état de cause, dans ce marché export relativement orienté à la baisse, l’Asie et le Moyen-Orient ont représenté plus de la moitié des commandes mondiales. L’effort de défense est porté, d’une part, par la persistance de tensions sécuritaires et, pour certains États, par la nécessité de renouveler des parcs de matériels et d’équipements militaires en voie d’obsolescence.

Sur longue période, les projections font état d’une croissance des budgets mondiaux de défense de l’ordre de 70 % entre 2011 et 2022. Toutefois une telle augmentation confirme la tendance de fond à l’œuvre depuis plusieurs années, puisque l’essentiel de cette dynamique sera porté par les zones hors États-Unis et Europe. Elle sera ainsi concentrée sur les budgets de défense des pays émergents, en premier lieu les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et le Moyen-Orient – notamment l’Arabie saoudite –, dont les dépenses devraient doubler voire tripler à cet horizon.

L’effort de défense des pays occidentaux et industrialisés (États-Unis, Europe, Japon, Corée du Sud) devrait quant à lui rester stable et continuer de représenter la majeure partie du marché mondial en comptant pour environ les deux tiers des dépenses militaires globales.

LES DÉPENSES MILITAIRES MONDIALES 1988-2013

(en milliards de dollars constants)

Source : SIPRI, op. cit.

La carte suivante présente les États ayant au moins doublé leurs dépenses militaires sur la période 2004-2013.

Source : SIPRI, op. cit.

indique que l’État en question a au moins doublé ses dépenses militaires sur la période considérée ; qu’il les a au moins triplées, etc.

indique que l’État est un producteur majeur de pétrole.

indique que l’État a connu un conflit armé (guerre, conflit mineur, conflit non-étatique) sur la période considérée.

B. LES DÉPENSES MILITAIRES MONDIALES RESTENT PORTÉES PAR UN NOMBRE RÉDUIT D’ÉTATS

Comme en témoigne le graphique ci-dessous, les dépenses militaires globales demeurent concentrées sur un nombre restreint de pays puisque 15 États représentent près des quatre cinquièmes de la dépense de défense globale.

DES DÉPENSES GLOBALES PORTÉES PAR 15 PRINCIPAUX ÉTATS

Source : SIPRI, op. cit.

IV. UNE CONCURRENCE QUI S’INTENSIFIE ET SE DIVERSIFIE

S’il reste, à ce stade, encore très concentré sur un nombre réduit d’acteurs majeurs, le marché des producteurs d’armement voit son périmètre s’élargir tandis que la concurrence gagne en intensité.

Traditionnellement, l’industrie française fait face à la concurrence des acteurs dominants tels que les États-Unis et la Russie, ainsi qu’à celle des autres pays européens. Toutefois, depuis quelques années, de nouveaux compétiteurs ont fait leur apparition sur le marché mondial et gagnent des parts de marché à l’export. On compte parmi eux des pays émergents, comme la Turquie, mais également de « nouvelles » puissances industrielles à l’image de la Corée du Sud.

A. LA CONCURRENCE TRADITIONNELLE AVEC LES ANCIENS ACTEURS

L’industrie américaine, poussée par une relative contraction des budgets domestiques, poursuit une politique à l’export particulièrement volontariste pour ne pas dire agressive. Il s’agit pour elle de conforter ses positions sur ses marchés traditionnels – le Moyen-Orient –, mais également de s’implanter sur de nouvelles zones telle l’Asie. Elle peut à cet égard s’appuyer sur la puissance commerciale, militaire et monétaire sans équivalent des États-Unis et sur des dispositifs juridiques spécifiques tels que le couple Foreign Military Sales / Foreign Military Financing (FMS/FMF) qui seront présentés en détail ultérieurement.

La Russie promeut ses matériels et équipements grâce à une action résolue en matière de coopération de défense et de sécurité, accompagnée d’une offre de financement dédiée au profit de ses clients (financement à crédit, annulations de dettes, barters (9)) et qui est notamment prisée par les États disposant de ressources budgétaires limitées.

Israël, qui demeure dans le peloton de tête des États exportateurs, reste particulièrement performant sur certains marchés et segments de haute technologie, notamment dans les domaines des drones, des missiles ou des systèmes spatiaux.

Au sein de l’Europe, la concurrence est également très vive, en particulier entre les entreprises de défense anglaises, italiennes, allemandes, espagnoles, suédoises ou néerlandaises qui, à l’instar des sociétés françaises, cherchent de débouchés à l’export et principalement sur les marchés émergents les plus porteurs.

B. LES NOUVEAUX ENTRANTS SUR LE MARCHÉ : UNE CONCURRENCE SUR L’ENSEMBLE DE LA GAMME

La nouvelle concurrence s’épanouit sur l’ensemble du globe, en Asie – Chine, Corée du Sud, Inde –, au Proche-Orient – Turquie – mais également en Amérique latine – Brésil –, ou en Afrique – Afrique du Sud –, certaines entreprises ressortissantes de ces États concurrençant frontalement les anciens acteurs et se révélant en mesure de remporter des appels d’offres internationaux. À cet égard, il n’est pas impossible que les offsets (compensations industrielles) et autres transferts de technologie accordés par le passé, par des entreprises occidentales, afin de remporter des contrats d’armement dans ces pays, aient abouti à engendrer ces nouvelles concurrences ou du moins à les renforcer en leur permettant d’accroître leurs niveaux de performance technologique et commerciale. Un tel constat milite pour une vigilance accrue en la matière.

En outre, certains pays d’Europe centrale et orientale – la République tchèque, la Pologne – mènent une politique de reconstitution de leur industrie de défense malmenée durant la Guerre froide.

Cette concurrence est qualitativement multiforme. En fonction des secteurs et des pays, elle s’intensifie tant sur le bas et le milieu de gamme que sur le haut de gamme. Les entreprises françaises font évidemment face à la concurrence « low cost » de certains États, mais pas uniquement. Sur certains segments, dans le domaine des missiles par exemple, la concurrence s’oriente sur des matériels de qualité, qu’il s’agisse de leurs niveaux de performance ou des dispositifs de maintenance associés proposés aux clients.

Au total, le marché est segmenté en fonction des matériels, mais également entre les besoins des clients émergents et des clients « matures ». Les premiers sont généralement demandeurs de produits robustes à un prix abordable, portent leur choix sur des matériels de grande série plutôt que sur des équipements « customisés » du fait de leurs contraintes budgétaires, ne considèrent pas toujours la maintenance comme prioritaire et cherchent parfois à renforcer leur industrie de défense grâce à la perception d’offsets. Les seconds portent davantage leur demande sur des produits aux performances élevées, exigent souvent des possibilités d’adaptation et de personnalisation des matériels, accordent une grande importance au label « combat proven », prennent systématiquement en compte l’aspect maintenance et sont prêts à acquitter un prix plus élevé pour assurer la protection des soldats qui opéreront les équipements.

V. UN RAPPEL NÉCESSAIRE : LE COMMERCE DES ARMES N’EST PAS UNE ACTIVITÉ ORDINAIRE

Il convient de le rappeler : les produits de défense ne sont pas des produits comme les autres commercialisables selon les règles de droit commun. À cet égard, il s’agit de concilier des impératifs potentiellement contradictoires entre, d’une part, le principe général de prohibition de fabrication et de commerce de matériels de guerre auquel notre pays est légitimement attaché et, d’autre part, nos impératifs diplomatiques, sécuritaires et commerciaux.

A. UN PRINCIPE GÉNÉRAL DE PROHIBITION

Sans entrer dans le détail de dispositions qui seront décrites ultérieurement dans les développements du présent rapport consacrés au contrôle des exportations d’armement, il faut souligner que la France applique un principe général de prohibition quant à la fabrication et au commerce de matériels de guerre, armes et munitions.

Ce principe se décline dans un certain nombre de dispositions législatives du code de la défense (10) et prévoyant, notamment, que toute personne physique ou morale souhaitant fabriquer, commercialiser ou conduire une activité d’intermédiation de ce type de matériels doit obtenir une autorisation préalable de la part de l’État. L’importation, l’exportation ou le transfert (échange intracommunautaire) de tels biens sont quant à eux soumis à un contrôle particulièrement rigoureux fondé sur un système de licences préalables.

B. LES EXPORTATIONS D’ARMEMENT RELÈVENT D’UNE RESPONSABILITÉ NATIONALE QUI S’INSCRIT DANS LE RESPECT DE NOS ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

Sans prétendre à l’exhaustivité, sont succinctement recensés ici quelques-uns des principes majeurs et autres instruments juridiques communautaires et internationaux liant la France et qu’elle respecte strictement.

1. Le cadre communautaire

Dans le cadre communautaire, la France applique notamment les stipulations de la Position commune 2008/944/PESC adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 8 décembre 2008. Ce texte juridiquement contraignant définit des règles régissant le contrôle des exportations d’équipements et de technologies militaires. Il comporte huit critères à l’aune desquels les États membres procèdent à l’examen des demandes d’exportations :

– le respect des engagements internationaux ;

– le respect des droits de l’Homme dans le pays de destination finale ;

– la situation intérieure dans le pays de destination finale ;

– la préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales ;

– la sécurité nationale des États membres, ainsi que celle des pays amis et alliés ;

– le comportement du pays acheteur à l’égard de la communauté internationale et notamment son attitude envers le terrorisme, la nature de ses alliances et le respect du droit international ;

– l’existence d’un risque de détournement de l’équipement à l’intérieur du pays acheteur, ou de réexportation de celui-ci dans des conditions non souhaitées ;

– la compatibilité des exportations d’armement avec la capacité technique et économique du pays destinataire.

ACQUIS COMMUNAUTAIRE EN MATIÈRE DE CONTRÔLE DES TRANSFERTS D’ARMEMENT ET DE BIENS SENSIBLES

Instrument

Champ d’application

Équipements militaires

Position commune 2003/468/PESC du 23 juin 2003

Règles communes pour le contrôle du courtage des équipements militaires

Position commune 2008/944/PESC du 8 décembre 2008

Règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d’équipements militaires

Directive 2009/43/CE du 6 mai 2009

Simplification des échanges de produits liés à la défense au sein de l’espace communautaire

Biens et technologies à double usage

Règlement (CE) n° 428/2009 du 5 mai 2009

Régime de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens et technologies à double usage

Autres

Directive 91/477/CEE du 18 juin 1991 (modifiée par la directive 2008/51/CE du 21 mai 2008)

Réglemente la circulation des armes à feu au sein de la Communauté européenne

Directive 93/15/CEE du 5 avril 1993

Réglemente le transfert des explosifs au sein de la Communauté européenne

Règlement (CE) n° 1236/2005 du 27 juin 2005

Réglemente l’importation et l’exportation des biens susceptibles d’être utilisés pour infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements inhumains et dégradants

Règlement (UE) n° 258/2012 du Parlement et du Conseil du 14 mars 2012

Réglemente le transfert d’armes à feu, pièces, éléments et munitions en vue d’un usage civil à destination d’États non-membres de l’UE

Source : ministère de la Défense, Rapport au Parlement 2014 sur les exportations d’armement de la France.

2. Le cadre international

La France applique rigoureusement les régimes de sanctions et les mesures restrictives imposés par les Nations unies, l’Union européenne et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Au premier chef, elle respecte les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et les décisions du Conseil de l’Union européenne imposant un embargo sur les armes à destination ou en provenance de certains États ou d’acteurs non étatiques.

En outre, le respect de ses engagements en matière de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération, concrétisés par un certain nombre de conventions et traités, reste une priorité pour notre pays. Il joue à cet égard un rôle moteur, ainsi qu’en témoigne le soutien fort apporté à l’adoption, par les Nations unies, du premier instrument universel juridiquement contraignant visant à réglementer le commerce des armes classiques : le traité sur le commerce des armes, dont le Parlement a autorisé la ratification en décembre 2013 (11), permettant ainsi à notre pays de ratifier ce traité le 2 avril 2014.

PARTICIPATION DE LA FRANCE AUX INSTRUMENTS INTERNATIONAUX RELATIFS AU DÉSARMEMENT, À LA MAÎTRISE DES ARMEMENTS ET À LA NON-PROLIFÉRATION

Instrument

Champ d’application

Statut

Ratification par la France

Lutte contre la prolifération et désarmement non conventionnel

Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP)

Lutte contre la prolifération des armes nucléaires

Juridiquement contraignant. Entré en vigueur en 1970

1992

Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE)

Interdiction totale des explosions expérimentales d’armes nucléaires et de toute autre explosion nucléaire

Juridiquement contraignant.

Entrée en vigueur suspendue à sa ratification par

certains États

1998

Protocole de Genève de 1925

Prohibition d’emploi à la guerre d’armes chimiques et biologiques

Juridiquement contraignant. Entré en vigueur en 1928

1926

Convention d’interdiction des armes biologiques

Interdiction des armes bactériologiques ou à toxines

Juridiquement contraignant. Entré en vigueur en 1975

1984

Convention d’interdiction des armes chimiques

Interdiction des armes chimiques

Juridiquement contraignant. Entré en vigueur en 1997

1995

Code de conduite de la Haye contre la prolifération des missiles balistiques

Engagement général de retenue en matière de conception, d’essais et de déploiement de missiles balistiques. Lutte contre la prolifération des missiles balistiques

Mesures de confiance et de transparence (2002)

Sans objet

Régimes de fournisseurs

Comité Zangger

Règles communes pour l’exportation des biens visés par l’article III, paragraphe 2 du TNP à destination d’États non dotés de l’arme nucléaire

Engagement politique (1970)

Sans objet

Groupe des fournisseurs nucléaires (NSG)

Directives communes pour l’exportation de biens nucléaires et de biens à double usage à des fins pacifiques à destination d’États non dotés de l’arme nucléaire

Engagement politique (1975)

Sans objet

Groupe Australie

Mesures en matière de contrôle des exportations des biens à double usage dans les domaines chimique et biologique

Engagement politique (1984)

Sans objet

Régime de contrôle de la technologie des missiles

Règles communes pour le transfert d’équipements et de technologies de missiles susceptibles d’être employés pour emporter des armes de destruction massive

Engagement politique (1987)

Sans objet

Arrangement de Wassenaar

Contrôle des armes conventionnelles et des biens et technologies à double usage

Engagement politique (1996)

Sans objet

Maîtrise et contrôle des armes conventionnelles

Convention sur certaines armes classiques

Vise à encadrer ou interdire l’emploi de certaines armes conventionnelles

Entrée en vigueur en 1980

1998

Protocoles : I, II, III, IV et V

Éclats non localisables ; Mines, pièges et autres dispositifs ; Armes incendiaires ; Lasers aveuglants ; Restes explosifs de guerre

1980 ; 1980 (amendé en 1996) ; 1980 ; 1995 ; 2003

1988 ; 1988/1998 ; 2002 ; 1998 ; 2006

Convention d’interdiction des mines antipersonnel (Convention d’Ottawa)

Interdiction totale des mines terrestres antipersonnel

Entrée en vigueur en 1999

1998

Convention d’interdiction des armes à sous-munitions (Convention d’Oslo)

Interdiction totale des armes à sous-munitions

Entrée en vigueur en 2010

2009

Traité sur le commerce des armes

Règles communes pour la régulation du commerce des armes conventionnelles

Entrée en vigueur après le dépôt du 50e instrument de ratification

2014

Source : ministère de la Défense, op. cit.

*

L’intérêt qu’il y a, pour notre pays, à disposer d’un système spécifique de soutien à notre industrie de défense est multiple. C’est pourquoi il est légitime d’explorer l’ensemble des voies et moyens susceptibles de le rendre plus efficace.

L’intérêt est d’abord politique et stratégique. Une BITD solide, capable de produire des matériels et équipements répondant au fort degré d’exigence de nos armées, est indispensable. Elle permet d’assurer l’approvisionnement de nos forces en matériels performants, nécessaires à la mise en œuvre des priorités stratégiques décidées par l’autorité politique. De fait, elle est une condition essentielle du succès des opérations menées par nos armées, notamment à l’étranger. Elle participe aussi directement de notre souveraineté puisqu’elle confère un degré d’autonomie politique et stratégique inestimable via le recours à des productions et technologies domestiques, donc maîtrisables. Enfin, les exportations d’armement constituent l’un des volets – qui n’est pas le plus négligeable – de notre politique extérieure.

L’intérêt est également économique et industriel. Les productions du secteur de la défense peuvent – directement ou indirectement, moyennant quelques adaptations – trouver des débouchés et des applications dans le domaine civil et ainsi profiter à l’ensemble de l’économie nationale. Les investissements substantiels réalisés par la BITD en matière de recherche et développement permettent également à notre pays de rester dans la course à l’innovation. Les emplois maintenus ou créés constituent en outre un élément clé, a fortiori dans un contexte économique morose. Enfin, en exportant près du tiers de son chiffre d’affaires consolidé, le secteur de la défense contribue de façon positive au commerce extérieur de la France.

L’intérêt est, enfin, budgétaire, dans la mesure où la concrétisation des prospects à l’export de certains matériels conditionne pour partie l’équilibre financier de la loi de programmation militaire 2014-2019.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’existence d’un dispositif de soutien public aux exportations d’armement est parfaitement légitime et nécessaire.

DEUXIÈME PARTIE

LE DISPOSITIF DE SOUTIEN

Le présent rapport n’a pas pour objet de présenter dans le détail l’ensemble des dispositifs, notamment de nature fiscale, susceptibles de bénéficier aux entreprises exportatrices. En effet, ceux-ci sont souvent – pour ne pas dire systématiquement – ouverts au profit de l’ensemble des entreprises et non au profit de l’industrie de défense en particulier. Aussi s’agira-t-il, pour les dispositifs « partagés », de se concentrer sur les plus notables d’entre eux. En outre, la problématique du soutien public aux exportations a fait l’objet, l’an dernier, d’un travail exhaustif (12), complété par un récent rapport de suivi (13), de nos collègues Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de l’Assemblée nationale. Naturellement, les mécanismes spécifiques à la BITD seront quant à eux présentés plus en détail.

En réalité, plus que de « soutien » au singulier, il conviendrait d’évoquer « les soutiens » susceptibles d’accompagner nos industriels de la défense à l’export, tant le dispositif français est multiforme. De natures très diverses – soutien politique, financier, technique, etc. – ces soutiens sont en outre d’inégales portée et importance. Cependant, tous concourent à la réussite de nos entreprises à l’export.

Compte tenu de son importance et de sa spécificité, le dispositif français de contrôle des exportations d’armement, qui peut également être considéré comme participant du soutien à notre BITD, fait l’objet de développements particuliers (cf. troisième partie du présent rapport).

Les rapporteurs tiennent en outre à rappeler ce qui peut paraître une évidence mais qu’il semble utile de souligner dans le contexte actuel : compte tenu du fait que les industriels répondent d’abord et avant tout aux besoins de nos forces armées, le premier dispositif de soutien à l’exportation reste le maintien de l’effort de défense à un niveau acceptable et l’investissement consenti par notre pays dans les programmes d’armement.

I. UN DISPOSITIF MULTIFORME : LES SOUTIENS AUX EXPORTATIONS D’ARMEMENT

A. LE SOUTIEN POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE EST PRIMORDIAL

1. L’implication des plus hautes autorités de l’État est déterminante

Compte tenu de la sensibilité des secteurs concernés et des problématiques sous-jacentes – souveraineté, posture stratégique, défense et sécurité de la Nation, liens diplomatiques, etc. – les exportations de défense, autorisées par la plus haute autorité du Gouvernement, le Premier ministre, sont un acte politique avant d’être un acte purement commercial.

De l’avis unanime des personnes auditionnées par la mission, hommage doit être rendu à Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense (14), pour son implication constante dans les dossiers relatifs aux exportations. Elle témoigne, d’une part, du grand intérêt du ministre – et de l’ensemble des pouvoirs publics – pour notre industrie de défense. D’autre part, vis-à-vis de nos clients étrangers, elle est une preuve indéniable de l’engagement fort de l’ensemble des pouvoirs publics français en même tant qu’un gage de crédibilité. Les rencontres officielles des plus hautes autorités politiques de l’État avec leurs homologues étrangers constituent une forme de soutien indispensable qu’il convient de maintenir voire de renforcer, tant les relations politiques et personnelles à haut niveau sont déterminantes dans la négociation des contrats d’armement.

En la matière, la réactivité politique et l’inscription de l’action publique dans la durée sont indispensables, l’engagement devant être constant à tous les stades de la négociation, des premières phases de prospection jusqu’à la conclusion du contrat in fine. La qualité du soutien politique et stratégique des plus hautes autorités de l’État et l’intensité de la relation État-industrie dans toutes les phases des programmes – et pas uniquement dans la « dernière ligne droite » – sont indispensables. À cet égard, la création récente du Comité des exportations de défense (COMED) doit être saluée, même si la jeunesse du dispositif ne permet pas encore d’en apprécier les effets. Réunissant l’industriel exportateur et les plus hauts responsables du ministère de la Défense, il a vocation à coordonner les actions de l’ensemble des acteurs s’agissant des principaux dossiers d’exportation portés par l’industriel concerné.

Il semble encore possible de renforcer le soutien politique, les rapporteurs avançant quelques pistes en la matière.

La commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux (CIACI)

Créée en 2008, la commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux (CIACI) a succédé à la commission interministérielle pour les exportations de défense et de sécurité (CIEDES) en élargissant sa compétence aux grands contrats civils.

Elle a pour but premier de coordonner l’action étatique afin de soutenir au mieux nos exportations. Après avoir fixé des priorités sectorielles et géographiques, la commission mobilise l’ensemble des autorités autour des projets jugés stratégiques et prioritaires. À cet égard, c’est la CIACI qui valide le Plan national stratégique des exportations de défense (PNSED).

Dans son volet militaire, la CIACI est présidée par le directeur du cabinet du Premier ministre. Y siègent également les directeurs de cabinet des ministres de la Défense, des Affaires étrangères, de l’Économie et des finances, du Budget ainsi que le SGDSN. Le secrétariat est assuré par la direction du développement international de la direction générale de l’armement (DGA/DI). Il était initialement et informellement prévu que la CIACI se réunirait trois fois par an mais elle n’a plus été réunie depuis février 2013.

En pratique, ses réunions sont structurées en trois ou quatre temps :

– un point sur l’évolution des prises de commandes ;

– l’étude de projets de contrats stratégiques nécessitant une action interministérielle coordonnée ;

– une présentation par un industriel de la stratégie de son entreprise et/ou sur quelques prospects particuliers ;

– le cas échéant, un point pays.

Les projets de contrats susceptibles de faire l’objet d’un examen par la CIACI sont établis en fonction de différents critères cumulatifs ou alternatifs selon les cas : montant du contrat, intérêts stratégiques du pays acheteur pour la France (partenariat stratégique notamment), sensibilité des matériels proposés, capacité à soutenir un endettement ou à payer au comptant.

2. Les partenariats stratégiques, accords de coopération et accords de défense

L’une des formes les plus efficaces de soutien aux exportations d’armement se situe à la confluence des niveaux politique, diplomatique, stratégique et militaire. Elle s’incarne alors dans une relation privilégiée et directe d’État à État et se concrétise par la mise en œuvre, entre la France et le pays client, de partenariats stratégiques dans le domaine de la défense, d’accords de coopération ou d’accords de défense. Les exemples en la matière sont nombreux : Arabie saoudite, Azerbaïdjan, Brésil, Émirats arabes unis, Inde, Kazakhstan, Malaisie, Pologne, Qatar, Singapour, etc.

Cette relation présente de multiples avantages pour le pays client qui peut alors :

– disposer d’informations utiles sur les performances effectives des matériels, équipements et systèmes d’armes ainsi que sur leurs potentielles évolutions ;

– compter sur une garantie d’accès à long terme aux matériels concernés par ce partenariat ;

– s’assurer d’un soutien étatique fort quant au respect des engagements contractuels des industriels concernés, via notamment la mise en place de structures de type contrôleur de programme.

L’offre de la France en la matière permet en outre à des États de s’affranchir de relations parfois trop exclusives avec certains pays, notamment les États-Unis.

3. La force du réseau diplomatique : le rôle des ambassadeurs et des attachés de défense

Le nouvel élan donné à la diplomatie économique par le ministère des Affaires étrangères (MAE) est extrêmement positif dans la mesure où l’action du réseau MAE en la matière a été renforcée. L’attribution au Quai d’Orsay de la tutelle sur le commerce extérieur est à cet égard révélatrice et aura probablement une grande influence. L’« équation personnelle » est un critère important et la personnalité des ambassadeurs, leur plus ou moins grande appétence pour les problématiques de défense sont des éléments déterminants, mais force est de constater que la politique poursuivie porte ses fruits ainsi que le reconnaissent l’ensemble des industriels auditionnés.

On compte 85 postes diplomatiques dotés d’une mission de défense. Présentes sur l’ensemble des continents, ces missions sont, pour deux tiers d’entre elles, constituées d’au moins deux officiers, soit un attaché de défense (AD) et un adjoint.

La direction générale de l’armement (DGA) dispose de 22 attachés de défense adjoints armement (ADA) présents dans 18 postes diplomatiques. Treize d’entre eux assurent exclusivement une mission de soutien aux exportations et relèvent à ce titre de la DGA/DI. Ils sont affectés dans les pays suivants : Arabie saoudite, Brésil, Émirats arabes unis, Indonésie, Inde – qui compte deux ADA –, Irak, Koweït, Malaisie, Oman, Qatar, Russie et Singapour.

Les neuf autres ADA ont été affectés principalement dans le cadre de missions de coopération et relèvent de la direction de la stratégie de la DGA (DGA/DS). Ils sont présents en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis (trois ADA), en Italie, en Pologne et au Royaume-Uni (deux ADA). D’autres postes permanents à l’étranger relevant de la DGA/DS ont pour mission de servir dans le cadre de l’action multilatérale (15).

L’efficacité du réseau des attachés de défense est indéniable et les rapporteurs estiment que les pouvoirs publics seraient avisés de le développer et de le renforcer, et à tout le moins de ne pas le réduire. Il s’agirait, tout d’abord d’en augmenter le nombre afin d’assurer la présence la plus large possible. La mise en œuvre d’une approche plus globale par pays ou, a minima, par zone permettrait, en coordonnant l’ensemble des acteurs concernés, de dégager les tendances de moyen et long termes à l’œuvre sur les marchés cibles et d’assurer la cohérence de l’action collective. Ce travail de prospective, d’action en profondeur et de préparation sur la longue durée ne peut qu’être bénéfique à notre industrie et à notre pays.

Recommandation n° 1 : Maintenir voire renforcer le réseau des attachés de défense et développer un travail prospectif d’analyse des marchés par pays ou par zone.

De manière générale, l’inscription du soutien aux projets d’exportation jugés stratégiques doit être placée au cœur de nos relations bilatérales avec les pays potentiellement clients.

La formation des AD prévoit un volet spécifique consacré aux exportations de défense. Préalablement à leur prise de poste, les AD suivent un stage d’une semaine organisée par la DGA. Dans ce cadre, ils assistent à un certain nombre de conférences consacrées au soutien étatique avec des présentations des experts de la DGA, d’autres services du ministère de la Défense (direction des affaires stratégiques, état-major des armées) et de la direction générale du Trésor qui les informent sur les leviers d’action dont dispose l’État pour promouvoir les exportations militaires.

Trois journées sont consacrées à des rencontres avec les industriels au travers de présentations effectuées par les fédérations professionnelles et les principaux maîtres d’œuvre. Sont également prévues des rencontres directes entre les AD et les entreprises – grands groupes comme PME – en fonction des besoins qu’elles expriment.

En cours d’affectation, les échanges entre industriels et AD existent mais sont très variables selon le pays concerné et l’organisation sur place de la mission défense.

Il convient de développer ces échanges, essentiels, entre industriels et AD avant leur départ en affectation mais aussi, le plus régulièrement possible, lorsqu’ils sont en poste.

Recommandation n° 2 : Systématiser et assurer de façon plus régulière les rencontres entre industriels (grands groupes comme PME) et attachés de défense avant leur départ en affectation et en cours d’affectation.

B. LE SOUTIEN TECHNIQUE ET ADMINISTRATIF : LA DGA « TOUR DE CONTRÔLE » DE L’ACCOMPAGNEMENT DES ENTREPRISES À TOUTES LES PHASES DU PROCESSUS EXPORT

En matière de soutien aux exportations, la DGA et, en particulier, sa direction du développement international (DGA/DI) constitue la « tour de contrôle » du dispositif. L’essentiel des actions de soutien relevant du domaine politique, opérationnel, administratif, technique et commercial est coordonné par ses soins et sont dans l’ensemble, aux dires des industriels, très efficaces.

Une description exhaustive de l’ensemble de ces actions serait fastidieuse ; aussi ne seront présentés ici de manière synthétique et thématique que les dispositifs les plus marquants.

Les équipes de la DGA interviennent à toutes les phases d’une exportation : de la prospection à la réalisation effective du contrat, en passant par la phase de négociation active. Elles ont également vocation à assurer le « service après-vente » d’un contrat au profit du client étranger en tant que contrôleur de programme.

1. En phase de prospection

La DGA entretient des relations suivies avec 41 pays par le biais de la participation à des comités d’armement. Les échanges qui ont lieu dans ce cadre sont essentiels dans la mesure où ils permettent à la DGA d’identifier voire d’orienter les demandes et les besoins de nos futurs clients. Les rencontres officielles des autorités de la DGA avec leurs homologues étrangers sont par ailleurs l’occasion d’aborder sur le plan technique et commercial les principaux projets à l’exportation.

La participation active des attachés d’armement au sein du réseau diplomatique constitue également un outil mis à disposition des industriels.

Les équipes de la DGA s’efforcent aussi de donner de la visibilité aux matériels français en participant notamment aux divers manifestations et salons de l’armement français – Eurosatory, Euronaval, Le Bourget – comme étrangers. En collaboration avec l’état-major des armées, la DGA prend naturellement part à l’organisation de démonstrations de matériels partout dans le monde.

La DGA apporte une indispensable expertise au politique, qu’il s’agisse des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, du Premier ministre ou du président de la République. Il s’agit d’une mission fondamentale qui consiste à analyser les données communiquées par les industriels à l’occasion des prospects – éléments techniques, calendrier, voire prix – afin de s’assurer qu’ils sont cohérents et raisonnables.

Enfin, une attention particulière est apportée aux PME dans le cadre d’actions spécifiques qui seront détaillées dans les développements ultérieurs.

2. En phase de négociation

Lors de la phase de négociation et de concrétisation du marché, la DGA endosse son traditionnel rôle de « prescripteur/acheteur » et dialogue avec le client étatique. Dans ce cadre et conformément aux accords internationaux, le service central de la modernisation et de la qualité (DGA/SMQ) réalise des prestations d’assurance officielle de la qualité afin de garantir aux clients étatiques étrangers que les produits réalisés présentent le même niveau de qualité que ceux livrés aux forces armées françaises. En 2013, ce service est intervenu au profit de 34 pays et organismes internationaux.

La DGA exerce également une responsabilité dans le domaine du contrôle en orientant vers le strict nécessaire les réserves techniques.

3. En phase de réalisation

En phase de réalisation, la DGA apporte une assistance variable en fonction du pays client. Elle peut délivrer des conseils techniques sur l’exécution du contrat. Elle peut également, de manière plus « intrusive », endosser le rôle de contrôleur de programme au profit du client, cette prestation étant délivrée à titre onéreux.

Enfin, elle constitue l’interface avec le ministère de l’Économie et des finances pour ce qui concerne les garanties Coface.

C. LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE APPORTÉ AUX PME

Les rapporteurs tiennent à le rappeler : la BITD française n’est pas exclusivement composée des grandes entreprises connues du grand public, mais également d’une multitude de PME et ETI (ci-après désignées sous le terme global de PME) qui sont soit le support indispensable aux grands maîtres d’œuvre industriels (MOI) en tant que sous-traitants, soit conquièrent des marchés à l’export de façon autonome.

De fait, la question des PME a été l’un des principaux fils conducteurs des auditions et rencontres organisées dans le cadre de la mission d’information.

1. Les mesures traditionnelles proposées par la DGA : poursuivre les efforts d’information et de communication

La DGA a développé un certain nombre de mesures spécifiques à destination des PME.

La première consiste en une assistance financière, en « relations publiques » et à l’implantation internationale. Ainsi la DGA peut prendre en charge certains frais exposés par les PME dans le cadre de leurs prospects à l’export (billets d’avion par exemple). En 2014, la DGA/DI a ainsi versé 130 000 euros aux PME au titre d’aides individuelles directes. Dans le cadre de salons étrangers, 630 000 euros ont été versés aux « fédérateurs » (aides indirectes).

La DGA peut également jouer le rôle d’intermédiaire en prenant attache avec les décideurs politiques, industriels et clients étrangers. Enfin, elle aide les PME à l’implantation sur les marchés les plus porteurs par le biais du réseau d’Ubifrance.

Le rôle d’Ubifrance

Le mandat d’accompagnement des entreprises à l’international par Ubifrance ne porte que sur le périmètre civil des exportations. Ubifrance n’est donc pas amené à intervenir dans le dispositif de soutien aux exportations d’armement.

Toutefois, elle est en relation avec la DGA qui sollicite ses services en complément des Forum PME Défense qu’elle organise. Par le biais de ses bureaux à l’étranger, l’agence organise, en concertation avec l’attaché de défense en poste et les sous-directions géographiques de la DGA à Paris, des programmes de rendez-vous business to business (B2B) avec les décideurs prescripteurs locaux sur les débouchés civils des équipements et technologies tout en assurant la logistique de ce type d’événements.

Ubifrance intervient également à la demande des groupements de défense (GICAN, GICAT et GIFAS, avec lesquels elle a signé des conventions de partenariat), notamment lorsqu’ils organisent des missions d’entreprises sur des salons positionnés sur le secteur de la défense.

Les services proposés dans ce cadre portent sur les volets civils de la sécurité et prennent essentiellement la forme d’études de marché, d’organisation de rencontres avec des grands donneurs d’ordre ou des programmes de rendez-vous personnalisés.

Rappelons enfin que, à la demande du SGDSN, Ubifrance est membre du Comité de la filière industrielle de sécurité (COFIS). À ce titre, elle anime un des groupes d’actions portant sur le soutien export de la commission « export intelligence économique et normes », en binôme avec le Conseil des industries de confiance et de sécurité (CICS).

En outre, la DGA/DI organise régulièrement des Journées PME Export. Souvent menées en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie locales, ces manifestations sont un lieu d’échange et d’information très apprécié des PME. Elles sont l’occasion de présenter aux entreprises les grands enjeux du marché mondial de l’armement, mais également les éléments clés des dispositifs nationaux de soutien et de contrôle des exportations d’armement. Des formations spécifiques aux procédures de contrôle des exportations sont également mises en œuvre. Ces Journées donnent lieu à près d’une centaine d’entretiens bilatéraux entre les représentants de la DGA et des PME. Trois Journées ont été organisées en 2013 à Lyon, Rennes et Toulouse, de même qu’en 2014 (récemment, en novembre dernier à Bourges).

Enfin, témoignage de l’intérêt légitime porté par la DGA aux petites entreprises, celle-ci a créé, au sein de la DGA/DI, un « guichet export » animé par un correspondant PME-Export et un chargé de mission spécialisé dans l’accompagnement des PME dans le domaine du contrôle. Enfin, dans le champ de l’information/communication, un numéro Vert PME-Export a été mis en place (16) tandis que le portail soutien export (17) met à disposition un certain nombre de ressources.

Si les efforts faits par la DGA sont salués et appréciés par les PME, il apparaît que les mécanismes de soutien à l’exportation restent encore trop méconnus des principaux intéressés. En préparation à leur audition par la mission d’information, les représentants du Comité Richelieu avaient conduit une enquête auprès de leurs adhérents relevant du secteur défense. Il ressort de cette étude que 75 % des entreprises sollicitées affirment ne pas être suffisamment informées des dispositifs de soutien existants. Les rapporteurs ignorent la méthodologie suivie ou encore le nombre d’entreprises interrogées et ayant répondu. Il n’en demeure pas moins que la nature et l’ampleur de la réponse sont révélatrices d’un manque en matière de communication. Au-delà de son savoir-faire, légitiment reconnu, la DGA doit également faire savoir. Aussi les rapporteurs, tout en saluant les efforts constants et positifs entrepris, plaident-ils pour un renforcement de ses actions en la matière.

Recommandation n° 3 : Renforcer les actions d’information et de communication sur le dispositif de soutien à destination des PME.

2. Le Pacte Défense PME : un premier bilan positif, des actions à renforcer

Le Pacte Défense PME traduit l’engagement du ministère de la Défense pour les PME et ETI, au service de la croissance, de l’innovation et de la compétitivité. Il se décline, concrètement, sous la forme d’une instruction ministérielle qui s’attache à mettre en place une stratégie globale en faveur de ces entreprises. Ce Pacte s’inscrit dans le cadre des orientations fixées par la communication de la Commission européenne n° 2008/394 du 25 juin 2008 relative au Small Business Act pour l’Europe, en cohérence avec les dispositions du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi du 6 novembre 2012.

À cet effet a été défini un ensemble de 40 actions organisées autour de quatre axes :

– une nouvelle dynamique et de nouvelles pratiques pour mieux prendre en compte les PME dans toutes les stratégies d’achat du ministère de la Défense ;

– une consolidation dans la durée du soutien financier à l’innovation des PME pour faciliter le passage de la recherche au développement ;

– des engagements réciproques entre le ministère de la Défense et les MOI, dans le cadre de conventions bilatérales, pour favoriser la croissance des PME ;

– une action renforcée en région et un accompagnement des PME dans le cadre du nouveau dispositif de soutien à leur développement.

S’il n’est pas exclusivement consacré à la problématique export et si toutes les actions prévues peuvent, au moins de manière indirecte, avoir un impact positif pour les PME à l’export (18), le Pacte Défense PME comprend un certain nombre de mesures spécifiques de nature à favoriser directement le développement de ces entreprises en Europe et à l’international. Ce sont uniquement ces mesures qui sont présentées ci-après.

Dans le cadre du Pacte, l’État passe avec les grands groupes des conventions bilatérales afin de soutenir l’intégration et le développement des PME fournisseurs, sous-traitants et partenaires de ceux-ci. Les rapporteurs plaident pour que le contenu de ces accords soit porté à la connaissance des PME concernées.

Recommandation n° 4 : Porter à la connaissance des PME concernées le contenu des conventions bilatérales État/grands groupes conclues dans le cadre du Pacte Défense PME.

a. Faciliter l’accès des PME à de nouveaux marchés hors ministère de la Défense, en France et à l’exportation

Ce volet comprend trois actions.

● Expérimenter l’attribution de labels aux PME/ETI (action n° 15)

La labellisation est essentielle dans le domaine de l’armement. Délivrée par des autorités crédibles vis-à-vis des clients potentiels, elle est un atout majeur pour les produits en bénéficiant, dans la mesure où ceux-ci peuvent dès lors se prévaloir d’un « certificat France » particulièrement valorisé à l’export. Dans ce cadre, deux dispositifs sont expérimentés.

Le premier voit la mise en œuvre, entre 2013 et 2015, d’un label « DGA testé » qui, comme son nom l’indique, permet aux PME de faire tester leurs produits par les équipes de la DGA, dont la qualité est unanimement reconnue, à leurs frais et indépendamment de toute démarche de financement ou d’acquisition par le ministère. Un tel processus peut s’opérer dans les centres techniques de la DGA ainsi que dans certains laboratoires partenaires du ministère de la Défense reconnus pour leur maîtrise des compétences et des procédures requises.

Il convient de préciser que le label se limite à attester que le produit a été testé selon les processus en vigueur à la DGA ; il n’a pas de valeur de certification de performance dudit produit. En d’autres termes, il ne confère en aucun cas un certificat de bon fonctionnement du matériel, mais prouve uniquement que celui-ci est conforme à une liste de spécifications techniques. Il vise donc simplement à conférer au produit un avantage en termes d’image vis-à-vis des potentiels clients export.

Un an après sa mise en œuvre, le bilan du label « DGA testé » paraît en demi-teinte (19) si l’on en croit les représentants de la commission Défense du Comité Richelieu. D’après leurs adhérents, un tel label n’apporte en réalité aucune valeur ajoutée puisqu’il ne porte ni ne fournit au futur client aucun jugement qualitatif sur le produit testé. Or, c’est bien le caractère opérationnel d’un matériel qui importe au client. Aussi, pourrait-il être pertinent de changer la philosophie du label et de le transformer en label « Testé en conditions opérationnelles », bien plus à même d’emporter la conviction de l’acheteur potentiel. Il est probable que la mise en œuvre d’un tel label serait plus onéreuse pour la DGA, et donc pour les PME. Les rapporteurs estiment toutefois qu’il pourrait utilement être expérimenté.

Recommandation n° 5 : Envisager la transformation du label « DGA testé » en label « Testé en conditions opérationnelles ».

Le second dispositif semble plus adapté aux demandes des PME et plus prometteur. Il vise à accorder aux entreprises ayant précédemment obtenu un contrat auprès du ministère de la Défense le statut de « prestataire/fournisseur du ministère de la Défense », quelle que soit la qualité de la prestation réalisée, et ce sans que le ministère ne puisse s’y opposer. Toutefois un statut particulier pourra être accordé aux PME qui ont démontré un bon niveau de performance pendant l’exécution du contrat, au travers de l’attribution d’un certificat de bonne exécution de marché.

Encore une fois, c’est un gain en termes d’image qui est recherché et, en l’espèce, le fait pour une PME de pouvoir se prévaloir de relations commerciales avec l’acheteur national de référence en matière d’armement constitue un avantage indéniable. L’une des questions souvent posées par un acheteur potentiel étant, logiquement : « avez-vous vendu votre produit à votre propre pays ? ». Selon les représentants du Comité Richelieu, les PME sont particulièrement satisfaites de ce dispositif.

● Assouplir les conditions d’éligibilité au dispositif des avances remboursables – procédure dite « article 90 » (action n° 16)

La procédure « article 90 » est un mécanisme de soutien financier instauré par l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 1963, modifié par l’article 90 de la loi de finances pour 1968 (20) dont elle tire son nom. Accessible aux entreprises exportatrices du secteur de la défense, elle a vocation à favoriser l’exportation de certains matériels d’armement en réduisant le risque supporté par les industriels au cours de l’industrialisation (fabrication ou adaptation du matériel) grâce à un dispositif d’avances remboursables octroyées par le ministère de l’Économie et des finances après instruction de la demande par la DGA/DI et avis d’une commission interministérielle présidée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Il s’agit d’un financement public, partiel et remboursable au fur et à mesure des ventes. Si toutes les entreprises y sont éligibles, priorité est donnée aux PME, pour lesquelles les risques sont plus significatifs et l’intervention plus déterminante que pour les grandes entreprises. La condition requise pour y prétendre est que l’industrialisation des matériels ait bien lieu en France.

Les dépenses éligibles à une avance « article 90 » sont les dépenses d’adaptation et d’industrialisation de matériels de guerre, soit pour répondre aux besoins des clients étrangers, soit pour répondre aux exigences de l’administration dans le cadre de l’exportation.

La procédure « article 90 » repose sur un partage des risques avec l’industriel : l’intervention ne couvre que partiellement l’assiette éligible, la quotité financée ne pouvant excéder 50 % de cette assiette.

En cas de succès du projet industriel, les avances sont remboursables au fur et à mesure des ventes en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé, fixé contractuellement dans la limite de la durée du contrat et sur une durée de 15 ans à compter du dernier versement. Les deux premières années, l’avance est remboursée en franchise d’intérêts. En cas d’échec constaté du projet, l’industriel peut demander la résiliation du contrat et être amené à acquitter une somme forfaitaire auprès de l’État.

Selon les dernières statistiques disponibles, 55 entreprises dont un tiers de PME, à travers 105 dossiers, bénéficient de cette procédure. L’année 2013 a vu un nombre croissant de demandes d’aide provenant de PME.

La procédure « article 90 » a notamment été actionnée pour permettre le développement du moteur de l’A400M, l’industrialisation d’équipements destinés au canon d’artillerie CAESAR, ou encore des adaptations de blindés par Renault Trucks Defense (variantes du Sherpa et du VAB).

L’assouplissement prévu par le Pacte Défense PME consiste à ne pas limiter le bénéfice du dispositif aux PME ayant un projet export « en propre », mais à l’élargir à celles ayant un projet export indirect, par exemple dans le cadre de la participation à un programme export en tant que sous-traitant d’un MOI. Il s’agit dès lors d’accompagner progressivement la PME à l’export : d’abord en tant que sous-traitant puis, éventuellement, en tant que primo-contractant.

Les rapporteurs soutiennent cette mesure. Toutefois, ils estiment qu’il serait possible de renforcer encore le dispositif. Conscients des tensions qui pèsent sur les finances publiques et qui ne plaident pas pour un accroissement des dépenses de l’État – même remboursables – ils jugent néanmoins que le soutien aux PME doit primer et que, dès lors, il pourrait être envisagé d’augmenter, pour ces entreprises, la quotité de l’assiette éligible à la procédure « article 90 » au-delà des 50 % actuels.

Recommandation n° 6 : Augmenter, pour les PME, la quotité de l’assiette éligible au dispositif dit « article 90 » des avances remboursables.

● Mobiliser le réseau international du ministère pour accompagner les PME (action n° 17)

Il s’agit de favoriser la constitution de réseaux en faveur des PME. Des protocoles conclus entre le ministère de la Défense et les clusters régionaux de PME doivent porter cette ambition, et ont vocation à inclure des actions ciblées sur des pays stratégiques et/ou des prospects majeurs à l’export.

Il s’agit également de mieux associer les PME aux missions à l’étranger et aux salons internationaux organisés par la DGA. Dans ce cadre, l’action des attachés de défense et des attachés d’armement sera déterminante, la DGA les sensibilisant en ce sens.

● Il convient également d’évoquer le dispositif RAPID, qui vise à soutenir l’innovation duale des PME et dont les crédits doivent être portés de 40 millions d’euros à 50 millions d’euros sur la période 2013-2015. La dualité doit être systématiquement favorisée en ce qu’elle permet un élargissement de gamme, une minimisation du risque pour l’entreprise d’être captive du seul marché de défense, une multiplication des débouchés et l’obtention de gains de productivité permettant une meilleure maîtrise des coûts.

b. Prendre des initiatives au sein de la Task Force « Défense » (TFD) de la Commission européenne pour faire partager la nécessité de soutenir les PME

À cet effet, le ministère de la Défense entend proposer à la Commission européenne d’axer les travaux de la TFD sur des mesures concrètes de soutien aux PME (action n° 18), avec un double objectif :

– simplifier le cadre juridique des marchés de défense et de sécurité et des transferts intracommunautaires ;

– faciliter l’accès des PME aux financements communautaires en matière de R&D.

3. Rénover les relations entre grands groupes et PME

Il convient tout d’abord de rappeler le lien de co-dépendance, la symbiose qui existent entre PME et grands groupes. Les grands groupes n’étant pas en mesure de produire en interne l’ensemble des composants et matériaux nécessaires à la conception de leurs produits ils s’approvisionnent auprès des PME, assurant ainsi le plan de charge de celles-ci. Schématiquement, on peut distinguer trois grands types de relations entre PME et grands groupes :

– l’ingénierie : le grand groupe sollicite la PME pour développer un produit dont il conserve ensuite la propriété intellectuelle ;

– la sous-traitance : la PME fabrique un produit pour le grand groupe ;

– la relation d’équipementier : la PME fournit au grand groupe un matériel, un composant ou un ensemble (batterie, viseur, équipement de navigation, etc.) destiné à un équipement.

Quelle que soit la nature de la relation, le lien in fine est mutuellement bénéfique puisque leurs activités sont interdépendantes.

Toutes les grandes entreprises assistent, dans des mesures diverses, les PME à l’export, via des actions similaires à celles développées par la DGA ou s’inscrivant directement dans le cadre tracé par celle-ci. Il peut s’agir notamment de l’organisation de séminaires, de conférences, de la structuration en filières ou en clusters, de l’accueil de volontaires internationaux en entreprises (VIE) issus de PME, d’association directe aux projets export dans le cadre du portage.

Pour autant, les relations entre grands groupes et PME gagneraient sans doute à être rénovées dans le sens d’une meilleure coopération et d’une plus grande équité.

a. Développer le portage grâce à des mesures financières incitatives

Les PME sont, structurellement, moins bien armées que les grandes entreprises pour réussir à l’export. Au-delà de possibles blocages « culturels » – maîtrise des langues étrangères par exemple – ce sont souvent les ressources humaines, techniques et financières qui, du fait de leur taille réduite, leur font défaut. Au demeurant, le retour sur investissement d’un projet export au regard des coûts amont induits est rarement immédiat, ce qui ne favorise pas la prise de risque de certaines petites entreprises qui, parfois, hésitent à tenter un tel pari.

Aussi, les actions de portage peuvent-elles s’avérer particulièrement bénéfiques. Le portage consiste, pour une grande entreprise, à faire profiter une PME de son expérience et de ses moyens afin de l’aider à s’implanter commercialement ou physiquement sur un marché étranger. Il peut prendre des formes variées : assistance technique, mise à disposition du réseau de l’entreprise, mise à disposition de locaux à l’étranger, accompagnement et tutorat du personnel, mais aussi implication dans les contrats à l’exportation de la grande entreprise voire aide à la création de filiales ou de succursales à l’étranger.

Il semble qu’en la matière la marge de progression des grands groupes français soit encore substantielle. De l’avis de plusieurs personnes auditionnées par la mission d’information, si certains pays savent « chasser en meute » – l’Allemagne notamment (21), mais également l’Italie ou la Turquie – tel n’est pas le cas de la France, du moins pas suffisamment.

Les rapporteurs jugent indispensable d’inciter davantage les grandes entreprises à développer le portage. À cet égard, l’octroi de garanties Coface bonifiées aux grandes entreprises s’engageant à mettre en œuvre d’un plan de portage des PME à l’export peut constituer un mécanisme pertinent.

Recommandation n° 7 : Envisager l’octroi de garanties Coface bonifiées aux grandes entreprises présentant un plan de portage des PME à l’export.

b. Rééquilibrer les relations contractuelles

D’après les informations communiquées aux rapporteurs il n’est pas rare que, dans le cadre de contrats export portés par un grand groupe mais auxquels participent les PME, celui-ci pousse ces dernières à partager leurs éléments de propriété intellectuelle avec lui, notamment pour compenser les offsets exigés par le client. Or, il est évident que les petites entreprises ne sont pas en position de force pour s’opposer à de telles demandes, surtout si elles souhaitent maintenir à l’avenir – et à l’export – de bonnes relations avec le grand groupe.

Une telle attitude est particulièrement pénalisante pour les PME qui se voient dépossédées d’une partie du capital qu’elles ont elles-mêmes constitué. S’agissant de relations contractuelles entre personnes privées, les rapporteurs ne peuvent que se contenter d’appeler de leurs vœux l’établissement de relations plus équitables entre les parties, en mettant fin à certaines pratiques préjudiciables aux PME notamment dans le domaine de la propriété intellectuelle.

D. LE SOUTIEN FINANCIER : LE CONCOURS INDISPENSABLE DE COFACE

1. Coface, gestionnaire des garanties publiques à l’exportation pour le compte de l’État

La Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) accompagne le développement international des entreprises depuis qu’elle a été créée en 1946 pour assurer la garantie publique des exportations françaises. Privatisée en 1994, son actionnaire majoritaire était, depuis 2002, Natixis, la banque de financement, de gestion et de services financiers du groupe BPCE. En 2006, l’entreprise est devenue filiale à 100 % de Natixis.

Dans le cadre des dispositions codifiées aux articles L. 432-1 à L. 432-5 du code des assurances Coface gère, pour le compte et avec la garantie de l’État, les opérations d’assurance des risques à l’exportation des entreprises françaises qui ne peuvent pas être réassurés sur le marché. Les relations entre Coface et l’État sont régies par une convention définissant notamment la rémunération perçue en contrepartie de cette gestion.

Depuis sa création, Coface agit soit pour son propre compte dans les opérations dites de marché, soit pour le compte de l’État, dont elle est l’instrument de gestion des polices à moyen et long termes et des risques politiques. Dans le premier cas, elle engage sa propre responsabilité financière. Dans le second, elle est assureur-crédit pour le compte et avec la garantie de l’État, dans le cadre de la politique de soutien aux exportations françaises.

ENCOURS GARANTIS PAR COFACE POUR LE COMPTE DE L’ÉTAT 2008-2014

(en millions d’euros)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Contrats civils

35 472

38 099

45 170

48 062

48 005

35 472

46 197

Contrats militaires

6 662

14 584

13 989

15 810

15 859

6 662

15 225

Total

42 134

52 683

59 159

63 872

63 863

42 134

61 422

Part des contrats civils

84 %

72 %

76 %

75 %

75 %

76 %

75 %

Part des contrats militaires

16 %

28 %

24 %

25 %

25 %

24 %

25 %

Source : Coface.

Coface instruit directement les demandes qui lui sont adressées par les entreprises et les banques dans le respect de la politique d’assurance-crédit arrêtée chaque année par le ministre chargé de l’Économie. Après instruction, elle formule une proposition de garantie à la Commission des garanties et du crédit du commerce extérieur, organisme dépendant du ministère de l’Économie et des finances. La décision finale d’accorder la garantie est prise :

– soit par l’autorité administrative, sur délégation du ministre chargé des Finances, après avis conforme de la Commission des garanties ;

– soit par Coface elle-même, par délégation du pouvoir de décision, pour des dossiers dont les montants sont limités et en fonction, notamment, du niveau de risque des pays. Cette délégation représente environ 80 % des affaires en volume mais seulement 20 % en valeur. Toutefois, pour les contrats militaires, Coface ne bénéficie d’aucune délégation.

2. Les différents produits proposés pour la couverture des risques

Les risques et assurances proposées par Coface pour les couvrir seront présentés de manière synthétique, le détail de chaque dispositif étant facilement accessible en ligne sur le site de Coface ou au sein de ses rapports annuels.

a. Le risque de change

Il s’agit pour l’exportateur de pouvoir exporter en devises sans subir l’éventuel risque de change entre l’euro et la monnaie concernée.

La garantie de change de Coface permet ainsi à l’exportateur de sécuriser ses offres de prix en devises. En la souscrivant, l’entreprise exportatrice neutralise tout risque de change, le cours garanti pour chaque opération commerciale apportant une protection totale, de la négociation commerciale jusqu’au terme de paiement du contrat.

La quotité garantie est égale à 100 % de la perte de change constatée par rapport au court à terme garanti. En cas de perte, Coface indemnise l’entreprise. Inversement, en cas de gain, l’exportateur reverse les sommes à Coface.

Il existe deux types de garanties :

– l’assurance change négociation : les montants maximaux de transaction garantis étant de 120 millions d’euros pour les transactions en dollars et de 60 millions d’euros pour les autres devises (22) ;

– l’assurance change contrat : le montant maximal de transaction garanti étant de 15 millions d’euros.

b. Le risque lié à la prospection des marchés étrangers

L’entreprise cherche ici à se prémunir contre le risque de pertes financières liées à l’échec de campagnes de prospection commerciale à l’étranger, les dépenses engagées à ce titre n’étant pas couvertes par les retombées attendues en termes de chiffre d’affaires.

La garantie proposée par Coface constitue à la fois une assurance contre la perte subie en cas d’échec commercial des actions à l’export, et un soutien de trésorerie. Elle s’adresse à toutes les entreprises de droit français – hors sociétés de négoce international – dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 500 millions d’euros. Concrètement, elle s’adresse majoritairement aux TPE, PME et ETI.

Elle se matérialise par la prise en charge d’une partie des frais de prospection non récurrents engagés par l’entreprise, qu’il s’agisse d’actions ponctuelles (participation à un salon international, par exemple) ou d’un programme structuré sur plusieurs années dans un ou plusieurs pays (études de marché, frais de participation à des salons professionnels, frais liés au déplacement et au séjour des salariés de l’entreprise dans la zone garantie, frais de conseil, de fonctionnement d’un bureau local ou d’une filiale commerciale, dépôt de marques/brevets, etc.).

Coface indemnise l’entreprise assurée à hauteur de 25 % à 65 % du budget de dépenses garanti (23). Le contrat se déroule en deux étapes : une période de garantie de un à quatre ans pendant laquelle Coface indemnise les frais de prospection, suivie d’une période d’amortissement de deux à six ans pendant laquelle Coface effectue des récupérations sur le chiffre d’affaires réalisé sur la zone.

Ce système reste marginal dans le secteur de la défense (18 dossiers en 2012), alors qu’il bénéficie à 10 000 entreprises en dehors de ce secteur.

Les dossiers sont sélectionnés en fonction, d’une part, de la qualité du projet porté par l’entreprise et, d’autre part, de la probabilité du remboursement des indemnités provisionnelles potentielles à verser. Les critères notamment pris en compte sont :

– les possibilités de débouchés des produits ou services proposés dans les pays sollicités ;

– les moyens humains et les moyens de production de l’entreprise ;

– les dépenses et les prévisions de recettes ;

– la situation financière de l’entreprise.

c. Le risque d’interruption du marché et le risque de non-paiement

● L’interruption d’un contrat peut laisser à la charge de l’exportateur une perte lorsque les acomptes reçus ne couvrent pas les dépenses engagées et/ou lorsque des cautions souscrites au titre de ces acomptes ou pour garantir la bonne exécution du marché sont appelées par le bénéficiaire.

Une telle interruption peut être :

– le fait de l’acheteur : avec la résiliation arbitraire du contrat (c’est-à-dire non motivée par une faute de l’exportateur) ou la carence de l’acheteur (un refus de payer non justifié par la faute de l’exportateur) ;

– le fait d’événements politiques ou catastrophiques se produisant dans le pays de l’acheteur ou dans un pays tiers : moratoire édicté par un gouvernement faisant obstacle au paiement ou tout autre acte d’un gouvernement faisant obstacle à l’exécution du contrat (licence d’exportation ITAR refusée à un sous-traitant étranger par exemple), embargo, survenance de guerre, catastrophes naturelles, etc.

Statistiquement, les risques plus probables pour les exportations militaires sont l’embargo (24) – décidé par le gouvernement français ou l’Union européenne –, et la non-délivrance de licence d’exportations ITAR par les autorités américaines.

● Les causes du risque de non-paiement sont les mêmes que pour l’interruption des contrats.

● Les polices proposées par Coface sous l’expression « assurance-crédit » couvrent les exportateurs contre les risques d’interruption de contrat et/ou de non-paiement.

En vertu du principe de subsidiarité, l’État via Coface n’intervient que pour pallier les insuffisances du marché :

– le marché privé (dont, potentiellement, la Coface en compte propre) assure le risque à moins de deux ans ;

– l’assurance-crédit publique intervient pour le risque commercial et politique au-delà de deux ans (moyen et long termes). Les contrats d’assurance-crédit publics durent sept ans en moyenne, pour une durée maximale de 15 à 20 ans.

Les garanties délivrées peuvent comporter certaines particularités propres aux risques spécifiques aux contrats d’armement. Ainsi, dans le cas de réalisation du risque d’embargo, Coface couvre, lorsque l’exportateur le demande, les dépenses liées au remboursement des acomptes auquel il peut être tenu aux termes de son contrat. Il en est de même en ce qui concerne l’interruption du marché en raison de la non-délivrance des autorisations ITAR par les autorités américaines.

Le cas des offsets est également pris en compte. La caution représentant le montant des pénalités applicables en cas de non-respect des obligations de compensation que l’exportateur est généralement tenu de souscrire est couverte dans le cadre des polices Coface.

d. Le risque lié à l’émission de cautions et à l’octroi de préfinancement

La garantie prévue pour couvrir ces risques a pour objet de faciliter la mise en place de crédits de préfinancement permettant à l’exportateur de disposer de la trésorerie nécessaire à la fabrication des biens commandés et/ou la mise en place des cautions exigées par l’acheteur en garantie des acomptes versés, ou de la bonne exécution du contrat. Elle s’adresse principalement aux PME et ETI.

Dans ce cadre, Coface garantit la banque octroyant le crédit de préfinancement ou émettant les cautions contre le risque de défaillance de l’exportateur et indemnise, le cas échéant, la banque des sommes que l’exportateur ne peut lui rembourser.

La garantie des cautions, souvent exigées par le client en contrepartie des acomptes et paiements progressifs, couvre le remboursement à la banque des cautions appelées. Le cas échéant, Coface assure à hauteur de la quotité garantie le risque de défaillance financière du donneur d’ordre en cas d’appel de ces cautions par l’acheteur étranger, quelle qu’en soit la raison. La quotité garantie est de 80 % maximum pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 150 millions d’euros, et de 50 % pour les autres.

La garantie des préfinancements couvre le remboursement des emprunts bancaires ayant servi à préfinancer la fabrication. Elle permet à la banque de se prémunir contre le risque de défaillance financière de l’exportateur. Avec cette garantie, l’établissement prêteur ne conserve qu’une fraction du risque de non-recouvrement, contre un partage de la rémunération avec Coface. Les quotités garanties sont les mêmes que dans le cadre de la garantie des cautions.

L’INTERVENTION DE COFACE AUX DIFFÉRENTS STADES D’UN CONTRAT DE DÉFENSE À L’EXPORT

Source : Coface.

E. LE SOUTIEN FISCAL : DES DISPOSITIFS INCITATIFS IMPORTANTS QUI NE SONT GÉNÉRALEMENT PAS SPÉCIFIQUES À L’INDUSTRIE DE DÉFENSE

Le soutien fiscal direct aux exportations d’armement est très limité dans la mesure où il ne comporte quasiment aucun régime spécifique à l’industrie de défense. Les entreprises de la BITD sont en revanche, le cas échéant, éligibles aux mécanismes incitatifs de droit commun tels que le crédit d’impôt recherche (CIR) qui, en leur conférant des facilités de production, peuvent aussi s’avérer déterminants dans une perspective de plus long terme à l’export. Il ne s’agit pas ici de se livrer à une vaine et fastidieuse présentation de l’ensemble des dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires susceptibles de bénéficier aux entreprises (25), mais d’aborder les quelques outils pouvant être utilisés par notre industrie de défense dans le cadre de l’export.

1. Le crédit d’impôt recherche : pilier essentiel de la R&D

Prévu à l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI), le crédit d’impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles, ou crédit d’impôt recherche (CIR), permet aux entreprises éligibles de bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année.

Le taux de ce crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant.

En outre, pour les dépenses d’innovation réalisées en aval de la recherche et du développement exposées par les entreprises qui satisfont à la définition communautaire des micro, petites et moyennes entreprises, celles-ci bénéficient d’un crédit d’impôt au taux de 20 %, plafonné à 400 000 euros (crédit d’impôt innovation, dont les modalités sont calquées sur celles du CIR).

Avec le CIR, la France s’est probablement dotée d’un régime fiscal en faveur de la R&D et de l’innovation parmi les plus favorables au monde. Pour la BITD, qui réinvestit une part substantielle de son chiffre d’affaires dans la R&D et la R&T, ce dispositif est primordial.

2. Le crédit d’impôt pour prospection commerciale

En application de l’article 244 quater H du CGI, les PME au sens communautaire (26) ou membres d’un groupe qui procèdent à des dépenses de prospection commerciale sont éligibles à un crédit d’impôt égal à 50 % du montant des dépenses exposées dans la limite de 40 000 euros (limite portée à 80 000 euros dans certains cas (27)).

Les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont :

– les frais et indemnités de déplacement et d’hébergement liés à la prospection commerciale en vue d’exporter ;

– les dépenses visant à réunir des informations sur les marchés et les clients ;

– les dépenses de participation à des salons et à des foires-expositions ;

– les dépenses visant à faire connaître les produits et services de l’entreprise en vue d’exporter ;

– les indemnités mensuelles et les prestations versées à un volontaire international en entreprise (VIE) ;

– les dépenses liées aux activités de conseil fournies par les opérateurs spécialisés du commerce international ;

– les dépenses exposées par un cabinet d’avocats pour l’organisation ou la participation à des manifestations hors de France ayant pour objet de faire connaître les compétences du cabinet.

Les rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité de renforcer ce dispositif, soit en augmentant le plafond des dépenses éligibles, soit en élargissant au-delà des PME le champ de ses bénéficiaires potentiels. Analysé par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, le crédit d’impôt pour prospection commerciale avait reçu la note la plus basse, le comité estimant « le dispositif redondant avec les interventions de la Coface et d’Ubifrance » et jugeant que « la dépense fiscale ne paraît ni efficiente ni pertinente compte tenu des autres dispositifs en vigueur » (28).

3. Les régimes préférentiels en matière de TVA

● Régime d’achat en franchise de TVA

En application de l’article 275 du CGI, les entreprises assujetties à la TVA sont autorisées à recevoir ou importer en franchise de TVA les biens qu’elles destinent à une livraison à l’exportation. Le même régime est applicable aux services portant sur ces biens. La franchise porte sur des biens destinés à l’export, en l’état ou après transformation (produits finis, semi-produits, matières premières ou agents de fabrication).

Il pourrait être envisagé d’élargir le dispositif aux ventes de services à l’exportation non liés à des livraisons de biens.

Recommandation n° 8 : Élargir aux ventes de services à l’exportation non liés à la livraison de biens le régime d’achat en franchise de TVA prévu à l’article 275 du code général des impôts.

● Régime d’exonération de TVA applicable aux programmes d’études et de développement réalisés en coopération avec d’autres États étrangers dans le secteur militaire

D’après les informations communiquées aux rapporteurs, ce régime dit des « productions coordonnées » (RPC) permet à l’assujetti de bénéficier d’une exonération partielle de TVA à hauteur de la part correspondant aux financements des États étrangers dans le cadre de programmes d’études et de développements internationaux coordonnés par une agence française (29). En revanche, la part de financement française reste soumise à la TVA. Tel n’est pas le cas au Royaume-Uni, où l’exonération de TVA est totale.

● Régime de TVA applicable aux prestations de formation à destination des ministères de la Défense étrangers

Les prestations de service de formation rendues dans le domaine militaire et de la défense sont assimilées à des prestations de conseil, qui sont le cas échéant taxables dans le pays du client et par conséquent non soumises à la TVA en France, et ce même si les prestations sont réalisées en France. Toutefois l’assise juridique de ce régime demeure instable puisqu’il relève d’une simple interprétation de l’administration fiscale. Afin de renforcer sa sécurité juridique, il serait dès lors opportun de codifier ce dispositif au sein du code général des impôts.

Recommandation n° 9 : Codifier au sein du code général des impôts le régime de TVA applicable aux prestations de formation dans le domaine militaire et de la défense.

F. LE SOUTIEN OPÉRATIONNEL : LE SOUTEX DANS LES ARMÉES

Le SOUTEX regroupe les concours apportés par les armées en soutien des actions commerciales à l’exportation au profit des industriels français, suite à leur sollicitation. Les missions de SOUTEX ne relèvent pas des missions spécifiques des armées et, en application du décret n° 83-927 (30), sont effectuées à titre onéreux. En la matière, il s’agit de trouver un équilibre permettant de concilier les demandes des industriels et les besoins et contraintes des armées afin d’assurer le soutien aux premiers tout en garantissant la primauté de l’opérationnel.

1. Les différentes formes de SOUTEX

Le SOUTEX conduit par les armées apporte une valeur ajoutée particulièrement recherchée par les industriels et qui témoigne de l’engagement de l’État, apportant alors un soutien implicite mais très concret à la politique d’exportation. Il s’incarne principalement dans :

– des démonstrations d’équipements réalisées par des experts militaires, en France ou à l’étranger, notamment à l’occasion de salons ;

– le témoignage apporté en matière de mise en œuvre et d’efficacité opérationnelle des matériels militaires français ;

– la mise à disposition de personnels ;

– la mise à disposition temporaire de matériels dont les industriels ne disposeraient pas au moment requis pour réaliser une démonstration à des clients étrangers ;

– la participation à la formation académique, technique et opérationnelle d’opérateurs étrangers, la demande pour le « label France » étant en augmentation constante.

Depuis mi-2012, l’état-major des armées (EMA) constate une nette augmentation des demandes des industriels en la matière, révélatrice d’une volonté plus forte d’exporter (31). Elle nécessite une plus grande anticipation afin de pouvoir les satisfaire au mieux sans pour autant désorganiser les activités des forces d’une manière inconsidérée.

2. Les principes encadrant le SOUTEX

La mise en œuvre des actions de SOUTEX est examinée à l’aune de deux couples de principes.

● Principes d’opportunité et de faisabilité

Dans la mesure du possible, les armées s’efforcent de répondre favorablement aux demandes de concours qui leur sont soumises, sous réserve d’avis d’opportunité de la DGA, responsable des exportations de défense, et de la faisabilité technique et opérationnelle pour les forces :

– pour la DGA, il s’agit d’estimer l’intérêt de l’opération au regard du Plan national stratégique des exportations de défense (PNSED) (32) et d’en évaluer l’efficacité potentielle compte tenu de l’objectif commercial poursuivi par le demandeur. En la matière, une bonne anticipation et une définition précise des priorités sont essentielles ;

– pour les forces, il s’agit de vérifier que l’engagement des moyens nécessaires, humains et/ou matériels, n’affecte pas négativement les activités liées à l’entraînement ou aux opérations.

● Principes de réalisation et de facturation

Si l’opportunité et la faisabilité sont confirmées, les processus de préparation du SOUTEX, de réalisation puis de facturation s’enchaînent.

Concrètement, chaque opération de SOUTEX fait systématiquement l’objet d’un devis, puis d’une convention cosignée par le bénéficiaire et le délégataire du ministre de la Défense (33). Un modèle unique de convention est désormais utilisé par les trois armées. Le décret n° 83-927 impose de facturer au bénéficiaire des prestations « le montant des dépenses engagées pour leur exécution ». Depuis mai 2013, la méthodologie de traitement des demandes et de calculs des coûts est harmonisée entre les armées.

À l’issue de l’opération, le commandant de la formation militaire qui a réalisé l’opération remplit un « état de service fait ». Ce document déclenche le calcul du coût final en vue d’établir la facture qui sera adressée au bénéficiaire.

Toutefois et à la demande de l’industriel concerné, le ministère de la Défense peut, sur autorisation expresse, accorder la gratuité, totale ou partielle, des actions de prestations réalisées par les armées.

● Le coût du SOUTEX

Les données, encore parcellaires compte tenu du délai de mise en œuvre du nouveau système d’information SISTEX (34) font apparaître les éléments suivants au titre de 2013 :

– l’armée de terre a facturé 1,3 million d’euros aux industriels dans le cadre du SOUTEX, soit, selon l’EMA, l’équivalent du coût de préparation opérationnelle d’un bataillon de type Serval ou Sangaris avant son départ en opération ;

– l’armée de l’air a facturé 6,3 millions d’euros aux industriels dans le cadre de 30 actions de SOUTEX (35), soit l’équivalent du coût en maintien opérationnel de deux pilotes par an.

3. Essentiel, le SOUTEX ne doit pas devenir une contrainte pour les armées

Les exportations et le soutien qui peut leur être apporté dans le cadre du SOUTEX sont essentiels pour nos forces d’un point de vue opérationnel car ils permettent :

– de maintenir des compétences, des savoir-faire et des technologies qui concourent à la préservation de la souveraineté de la France, notamment dans les domaines les plus sensibles ;

– d’engendrer des « effets de série » susceptibles de réduire les coûts d’acquisition des matériels et équipements ;

– de préserver plus longtemps les chaînes de montage et de rechange, facilitant ainsi le MCO ;

– de faire bénéficier les forces armées des éventuelles améliorations et modernisations apportées aux produits dans leurs versions export.

Pour autant, le SOUTEX ne fait pas partie du « cœur de métier » des armées. Aux termes de l’article L. 3211-2 du code de la défense, « Les forces armées de la République sont au service de la nation. La mission des armées est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation. »

La LPM, votée par le Parlement, a consacré un modèle d’armée sous contrainte – mais non sans ambition. Parmi les quatre principes qui ont présidé à l’élaboration de ce modèle d’armée (36), celui de la différenciation des forces en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir pose la question de leur aptitude à participer à d’autres missions, dont le SOUTEX. En effet, les armées sont conduites par nécessité à préserver leur potentiel technique et humain avant tout pour la préparation aux opérations en amont et pour leur conduite en aval.

De fait si, à l’avenir, le SOUTEX devait officiellement devenir une mission des armées à part entière – ainsi que le souhaitent certains des industriels rencontrés par la mission – et si, selon toute vraisemblance, il devait s’agir d’en assurer l’efficacité optimale, un tel changement ne saurait s’effectuer à moyens constants, tant en personnels qu’en ressources matérielles.

Or, une telle perspective ne semble pas envisageable à moyen terme compte tenu :

– du contexte persistant de tensions sur les finances publiques et sur les ressources humaines, notamment militaires ;

– de la définition au plus juste des formats d’armées ;

– du maintien voire du renforcement de notre dispositif en opérations extérieures (OPEX) avec une multiplication des théâtres d’opérations ;

– de l’indisponibilité structurelle des matériels et équipements pour entretien, rénovation et « métropolisation » (pour les matériels de retour d’OPEX) ;

– des contraintes liées à la préparation opérationnelle, et notamment de la nécessité d’assurer la formation et la qualification des militaires sur les différents équipements.

Car le SOUTEX peut s’avérer particulièrement contraignant pour les armées. Bien que sa mise en œuvre soit encadrée par un certain nombre de principes précédemment rappelés, il convient que les mises à disposition ne revêtent pas un caractère trop systématique, au risque, d’abord, d’obérer les capacités opérationnelles de nos forces et, potentiellement, de devenir un « avantage indu » qui inciterait les industriels à se reposer sur les capacités – amoindries – des armées et à ne pas investir pour assurer la promotion de leurs propres produits.

Statistiquement, ce sont les grands groupes qui sollicitent le plus les armées pour des mises à disposition. Une telle facilité peut se comprendre dès lors qu’il s’agit de « louer » des matériels rares ou qu’elle est effectuée au profit de PME/ETI. Il est revanche plus étonnant que des grandes entreprises de la défense usent de ce dispositif s’agissant de l’un de leurs produits « phare ». Il ne faudrait pas que ce procédé, légitime et utile, soit détourné de son objet et incite les entreprises à ne pas investir, de manière délibérée, dans l’acquisition en propre des matériels pourtant indispensables à leurs actions de promotion export, au motif qu’une « location » aux armées s’avérerait moins onéreuse pour elles – mais potentiellement pénalisante pour nos forces.

Si l’on peut naturellement comprendre qu’un industriel ne soit pas en mesure d’acquérir, pour ses propres besoins, certains matériels et équipements – frégates, sous-marins, A400M – tel n’est sans doute pas le cas pour d’autres produits – dans le domaine de l’aviation légère avec les hélicoptères par exemple. En substance, les armées ne doivent pas se transformer en agence de location de confort qui, au demeurant, ne facture pas systématiquement ou intégralement ses prestations dès lors que la gratuité au moins partielle est demandée et obtenue.

De fait, des demandes répétées pour des matériels très sollicités par les opérations ou l’entraînement s’avèrent problématiques. À cet égard, selon les informations recueillies par les rapporteurs, le cas des hélicoptères et notamment de l’EC725 Caracal est révélateur. Le format réduit de la flotte, qui comporte 16 machines de standards différents pour répondre à des missions spécifiques, associé à la combinaison des OPEX et des chantiers de rénovation ne laissent que très peu d’appareils disponibles en métropole pour les alertes et le maintien de la qualification des équipages.

Outre ces appareils, l’armée de l’air met régulièrement à disposition les matériels et équipements suivants : Rafale, moyens de défense sol/air type MAMBA (missile antibalistique) et probablement, à l’avenir, l’A400M. La marine a quant à elle été amenée à mettre temporairement à disposition des matériels de type FREMM (37), frégates Gowind, des missiles Exocet MM40 Block et SM39 ou encore des systèmes de surveillance (SPATIONAV) ou d’aide au commandement et à la conduite des opérations (SIC21). Les simulateurs en école sont également très sollicités, particulièrement ceux de l’armée de terre ou encore les simulateurs des centres d’instruction navale.

La participation à des salons d’armement à l’étranger peut également entraîner des contraintes importantes. Tel est notamment le cas des salons aéronautiques qui peuvent avoir un impact important sur le potentiel des activités de l’armée de l’air et de l’aéronautique navale, par exemple lorsqu’il s’agit de convoyer et d’immobiliser un Rafale.

La durée des mises à disposition de matériels est, en moyenne, d’une semaine environ. Toutefois, l’éventail des possibles s’échelonne de la journée jusqu’à une année complète, comme ce fut le cas lors de la mise à disposition, à l’entreprise Nexter, d’un VBCI dans le cadre d’un appel d’offres, finalement annulé, lancé par le gouvernement canadien.

En la matière, il convient de déterminer et de maintenir le meilleur équilibre entre les exigences – compréhensibles, mais secondaires – des industriels et les impératifs opérationnels des armées dont les rapporteurs estiment qu’ils doivent primer. Il est absolument nécessaire de préserver le potentiel suffisant, tant en hommes qu’en matériels et équipements afin d’assurer une préparation opérationnelle optimale, garante à la fois de l’efficacité sur le terrain et de la sécurité des troupes engagées.

À cet égard l’EMA, « pilote » du SOUTEX, doit faire face à deux phénomènes qui compliquent singulièrement l’équation du soutien : d’une part, la contraction des capacités des armées et, d’autre part, les sollicitations toujours plus importantes des industriels.

Pour concilier au mieux ces exigences contradictoires, l’EMA s’est tout d’abord dotée d’une structure légère, composée de trois officiers, destinée à disposer d’une vision d’ensemble sur les actions de SOUTEX entreprises par chaque armée.

Elle a également vocation à harmoniser les procédures de SOUTEX entre des armées qui, jusqu’en 2010, conduisaient de telles actions de manière autonome et, en particulier, ne partageaient pas forcément la même interprétation des dispositions encadrant le SOUTEX. Un travail de révision complète des procédures a donc été entrepris avec les directions des affaires juridiques et des affaires financières du ministère de la Défense, en collaboration avec les armées.

Enfin il s’est agi de « professionnaliser » le processus à l’aide d’un outil informatique propre à recueillir toutes les données en provenance de tous les acteurs du SOUTEX, permettant à la fois un partage de l’ensemble des informations techniques et financières, et l’établissement de rapports d’activités fiables, traçables et « auditables ».

4. Rénover le dispositif de SOUTEX

Selon les rapporteurs, quelques évolutions, dont certaines sont en cours, pourraient être apportées au dispositif de SOUTEX.

Sur le plan financier, il apparaît que la ventilation, prévue par le décret n° 83-927, entre « dépenses courantes » (38) et « dépenses supplémentaires » (39) et leurs modalités de retour au profit des armées sont obsolètes et s’opèrent au désavantage de nos forces. En effet, si les secondes sont reversées aux budgets des armées via leurs budgets opérationnels de programme (BOP) respectifs, les premières sont reversées au budget général de l’État. Les rapporteurs soutiennent la révision du décret de 1983 prévue pour revoir ce découpage et plaident pour un retour intégral des recettes aux armées.

Recommandation n° 10 : Procéder au retour intégral des recettes de SOUTEX au profit des armées.

En outre, pour les raisons exposées précédemment et même si celle-ci est accordée à titre dérogatoire, il semble légitime de mettre fin ou, du moins, de limiter singulièrement la possibilité, pour les industriels, d’obtenir la gratuité des prestations fournies par les armées, celles-ci n’ayant pas à supporter le coût d’actions commerciales, pour nécessaires qu’elles soient, menées au profit de tiers. D’aucuns feront valoir qu’un coût de quelques millions d’euros est marginal au regard d’un budget global de Défense de 31,4 milliards d’euros. Les rapporteurs objectent en retour que, d’une part, la fourniture de prestations à visée commerciale ne relève pas de la vocation naturelle des armées et que, d’autre part, un tel coût est tout aussi marginal pour les industriels, du moins pour les grandes entreprises. A minima, il conviendrait de réserver cette facilité aux PME.

Recommandation n° 11 : Réserver aux seules PME la possibilité de bénéficier de la gratuité des opérations de SOUTEX.

Enfin et tout en étant conscients que rien ne remplace une démonstration physique, les rapporteurs estiment que la mise à disposition de vidéos de démonstration au profit des industriels pourrait être plus systématiquement développée. Conçues par les armées (40), en collaboration avec les industriels, en métropole (actions d’entraînement) ou, lorsque cela est possible, en opérations et faisant intervenir les utilisateurs des matériels et équipements concernés, elles pourraient permettre de donner au client un premier aperçu des produits « en situation » en limitant une mise à disposition de personnels et de matériels qui peut s’avérer problématique pour les armées.

Recommandation n° 12 : Recourir plus largement à la production et à la mise à disposition de vidéos de démonstration.

G. LES LABELS OPÉRATIONNELS « COMBAT PROVEN » ET « EN SERVICE DANS L’ARMÉE FRANÇAISE », CRITÈRE FONDAMENTAL

1. L’excellence opérationnelle de nos armées rejaillit sur les matériels qu’elles opèrent

L’ensemble des personnes auditionnées par la mission d’information est unanime sur ce point : l’utilisation des matériels par l’armée française et le fait de les éprouver en opérations – le matériel est alors dit « combat proven » – constituent l’argument majeur à destination des clients étrangers. La qualité internationalement reconnue aux armées françaises est telle que les matériels opérés par ses hommes bénéficient, au travers des retours d’expériences (RETEX), d’un avantage souvent décisif en termes de crédibilité auprès des acheteurs potentiels. À cet égard, notre BITD dispose d’un avantage comparatif très significatif vis-à-vis de la concurrence.

Ces RETEX sont absolument indispensables en ce qu’ils renseignent le client non seulement sur le matériel en tant que tel, mais également sur son concept et sa doctrine d’emploi ainsi que sur les savoir-faire nécessaires pour le valoriser au mieux. L’excellence opérationnelle de nos armées produit un indéniable effet de levier sur les ventes à l’export et l’utilisation des matériels sur des théâtres particulièrement « abrasifs » tels que le Mali (avec l’opération Serval), la République centrafricaine (avec l’opération Sangaris) ou la bande sahélo-saharienne en général (opération Barkhane) renforce encore cet effet d’entraînement. En dehors de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air, la gendarmerie n’est pas en reste. Ainsi la très forte notoriété dont bénéficie le GIGN, utilisateur de véhicules blindés Sherpa équipés d’une échelle d’assaut, devrait pousser à l’export ce matériel produit par Renault Trucks Defense.

L’EFFET DE L’EMPLOI OPÉRATIONNEL SUR LES PERFORMANCES À L’EXPORT : L’EXEMPLE DE BÂTIMENTS CONÇUS PAR DCNS

Type de bâtiment

Frégate furtive type La Fayette (FLF)

Frégate multi-missions (FREMM)

Corvette Gowind

Utilisation par la marine nationale

Cinq FLF en service

11 exemplaires commandés

Concept testé durant trois ans avec L’Adroit

Exportations

• Cinq exemplaires en Asie du Sud-Est

• Trois exemplaires au Moyen-Orient

• Un exemplaire commandé par le Maroc

• Discussion en cours avec des pays du Moyen-Orient, d’Amérique du Nord et d’Amérique latine

• Six exemplaires en Malaisie

• Quatre exemplaires en Égypte

Source : ministère de la Défense, Les exportations françaises d’armement : 40 000 emplois dans nos régions.

2. En amont, cultiver les relations entre industriels et militaires dans le cadre de leur formation

La familiarisation des militaires avec les matériels et équipements qu’ils utiliseront ensuite en opérations s’effectue, naturellement, dès leur formation et se poursuit dans le cadre de leur entraînement.

À cet égard, il pourrait être intéressant et mutuellement bénéfique de développer les relations entre militaires et industriels dans le cadre pré-opérationnel en sensibilisant les premiers – et notamment les « cadres » – à l’importance des exportations et aux enjeux dont elles sont porteuses. En outre, une attention particulière en la matière pourrait être apportée aux stagiaires étrangers présents dans nos écoles de formation.

Recommandation n° 13 : Développer les relations entre les industriels et les militaires dans le cadre de la formation de ceux-ci.

3. Développer de manière raisonnable des actions de labellisation innovantes par l’utilisation de petites séries

Il semble possible de renforcer encore cet aspect fondamental du soutien à l’export que constitue le label « en service dans l’armée française », dans les limites posées par les contraintes opérationnelles.

La mise à disposition de matériels aux armées par les industriels peut constituer une politique mutuellement avantageuse. L’exemple du navire L’Adroit est à ce titre révélateur. Conçu par l’entreprise DCNS sur ses fonds propres, ce bâtiment avait ensuite été prêté à la marine en octobre 2011 pour une durée de trois ans (41) alors que le matériel ne faisait pas initialement partie de l’éventail capacitaire de nos armées. L’entreprise peut dès lors se prévaloir, à l’export, de l’utilisation – et de la satisfaction – de la marine française, tandis que les armées peuvent tester le produit avant une éventuelle acquisition et suggérer de possibles améliorations. De même, le véhicule de transport Aravis, conçu par Nexter, avait été envoyé en OPEX, en Afghanistan, avant même son achat par nos forces.

L’utilisation de matériels en petites quantités par les armées peut toutefois s’avérer problématique. La gestion de parcs réduits empêche la production d’économies d’échelle dans la formation, le MCO et l’entretien. En outre elle ferait courir le risque d’une « armée d’échantillons » qui alignerait des matériels ne répondant pas forcément à un fort besoin opérationnel ou dont le format réduit nuirait à la cohérence opérationnelle d’ensemble.

Si elle doit être encouragée autant que possible dans le respect des contraintes militaires, cette politique de labellisation plus souple ne constitue pas une solution miracle et ne doit pas s’effectuer au détriment de la bonne réalisation de leurs missions par nos armées ou aux dépens de son organisation.

Recommandation n° 14 : Dans le respect des contraintes opérationnelles, encourager l’utilisation, par nos armées, de petites séries de matériels et équipements.

H. LE SOUTIEN PROCÉDURAL : L’ACTION DE LA DOUANE

1. Le statut d’opérateur économique agréé (OEA)

La direction générale des Douanes et des droits indirects (DGDDI – la douane) n’est pas une simple administration de contrôle des flux de marchandises ; elle mène également une action volontariste au titre du soutien aux exportateurs en facilitant, autant que possible, les formalités préalables aux opérations d’exportation. Dans ce cadre, la DGDDI délivre de nombreuses autorisations qui visent à faciliter l’obtention de certaines informations déclaratives ou à réduire le nombre de pièces justificatives lors des opérations d’import/export.

En outre, elle peut accorder un certificat d’opérateur économique agréé (OEA), obtenu après une enquête approfondie et ouvrant droit à un certain nombre d’avantages prévus par la réglementation européenne tenant à l’allégement des formalités douanières.

Ce statut, qui s’inscrit dans une démarche partenariale entre les entreprises et la douane, a été introduit dans la réglementation communautaire par les règlements CE 648/2005 et CE 1875/2006 et décliné en droit interne. Le label OEA n’est pas réservé aux seules entreprises du secteur de la défense. L’ensemble des opérateurs établis au sein de l’Union européenne y sont éligibles, quels que soient leur place dans la chaîne logistique (fabricant, transporteur, etc.), leur secteur d’activité ou leur taille (42).

En application de la réglementation, l’entreprise a la possibilité de choisir entre trois certificats OEA :

– le certificat « simplifications douanières » qui atteste de la fiabilité des procédures de l’opérateur dans la réalisation de ses opérations douanières ;

– le certificat « sûreté et sécurité » qui certifie la fiabilité des procédures et des pratiques de l’opérateur dans la sécurisation de la chaîne logistique ;

– le certificat « complet » qui fusionne les caractéristiques des deux précédents.

Les avantages offerts par le statut d’OEA, précisés à l’article 14 ter du règlement CE 1875/2006 de la Commission relatif aux nouvelles dispositions d’application du code des douanes communautaire (DAC) (43), sont les suivants :

– modulation des taux de contrôles physiques et documentaires ;

– traitement prioritaire des envois en cas de sélection à un contrôle douanier ;

– dispense de garantie financière ;

– priorité aux analyses laboratoire lors des contrôles de produits soumis à normes ;

– renouvellement ou facilité d’octroi de procédures domiciliées (procédure de dédouanement à domicile – PDD, procédure de domiciliation unique – PDU, procédure de domiciliation unique communautaire – PDUC) sous réserve de formalités minimes ;

– priorité de traitement et accompagnement personnalisé lors de l’octroi de facilitations liées au dédouanement.

2. Les actions d’accompagnement au profit des PME et ETI

L’accompagnement des PME/ETI est au cœur des missions de la douane, chaque direction régionale se voyant assigner un objectif annuel portant sur le nombre d’entreprises à accompagner.

Les cellules conseils aux entreprises (CCE) des Pôles d’action économique (PAE) des directions régionales de la douane constituent les relais de proximité et assurent le conseil aux PME. Un service spécialisé, la mission PME de la DGDDI, pilote les mesures prises dans ce cadre accompagnement afin d’assurer un service homogène et de qualité sur l’ensemble du territoire.

À ce titre, les CCE proposent aux entreprises des entretiens conseil afin d’établir un diagnostic personnalisé des problématiques douanières propres. Il s’agit de proposer des solutions concrètes permettant in fine d’optimiser et de sécuriser leurs procédures et de réduire leurs coûts financiers.

3. Les relations avec les grands groupes : la mission grandes entreprises (MGE)

Créée en 2007, la mission grandes entreprises (MGE) visait à mettre en place un interlocuteur unique au profit des grands opérateurs du commerce international dans le but de faciliter leurs relations avec la douane. Compte tenu de son importance, le secteur de la défense a pleinement été intégré à ce système.

La MGE suit actuellement 100 groupes français et étrangers représentant plus de la moitié du commerce extérieur français. Elle assure auprès d’eux quatre rôles :

– interlocuteur privilégié : afin de faciliter les démarches et de coordonner l’action économique des services douaniers ;

– conseil : en établissant un diagnostic personnalisé des problématiques douanières donnant lieu à des propositions concrètes d’amélioration ;

– suivi : la MGE s’assure que ses propositions sont mises en œuvre et répond dans des délais très rapides aux sollicitations des entreprises ;

– information : la MGE est chargée d’inviter les entreprises relevant de sa compétence, aux rencontres organisées par la DGDDI et d’assurer une veille réglementaire et technique pour leur compte.

4. Vers la création d’un interlocuteur unique pour les grandes entreprises et certaines ETI : le service des grands comptes (SGC)

Particulièrement appréciée des entreprises, la MGE va évoluer avec la création du service des grands comptes (SGC) (44).

Il a vocation à devenir, à l’horizon 2018, l’interlocuteur unique des grandes entreprises et de certaines ETI, à même de leur garantir des procédures rapides et efficaces.

Il est prévu que le SGC intègre 60 groupes représentant plus de 300 entreprises et qu’il exerce pour leur compte trois rôles :

– conseil : en apportant une analyse personnalisée de la situation de chaque groupe et en recherchant les procédures les mieux adaptées aux besoins ;

– bureau de douane : en centralisant la prise en charge de toutes les autorisations et formalités douanières et en prescrivant des contrôles à effectuer par les bureaux de proximité ;

– pôle comptable unique : en assurant le recouvrement des droits et taxes pour les grands comptes.

5. Les autres outils de facilitation des démarches à l’international

La douane a pour objectif de mettre en place des systèmes permettant des échanges totalement dématérialisés avec les opérateurs, facilitant ainsi les opérations. Dans ce cadre, le modèle de l’actuel portail Prodouane (45) doit être élargi à d’autres procédures.

En outre, la douane française est la première en Europe à détenir une certification de service dans le domaine du classement tarifaire et à offrir aux opérateurs économiques une prestation qualitative en termes de délais, de lisibilité et de fiabilité.

Elle détient également une certification en matière d’origine (renseignement contraignant sur l’origine – RCO). La vocation du RCO est d’aider l’opérateur du commerce international dans sa démarche de sécurisation de ses opérations d’importation et d’exportation au regard de la détermination de l’origine de ses marchandises.

Enfin, l’assistance aux entreprises se matérialise par la délivrance d’avis sur la valeur en douane (AVD) qui déterminent l’assiette des droits et taxes à l’importation.

I. LES DIFFÉRENTS CONTRATS À L’APPUI DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT

1. Typologie des contrats

Schématiquement, deux types de contrats peuvent servir de support juridique à une exportation d’armement : les contrats commerciaux, conclus entre entreprises, et les contrats d’État à État (également appelés de gouvernement à gouvernement). Ces derniers peuvent être sous-tendus pas un accord international. Il n’existe aucune règle unique et intangible quant au choix du véhicule juridique ; aucun contrat n’est, par nature, meilleur ou plus adapté que l’autre et applicable dans toutes les situations. Les caractéristiques et circonstances particulières de chaque opération – quel est le pays client ? Quelles sont nos relations politiques et diplomatiques avec lui ? Quel type de matériel fait l’objet de la transaction ? – le déterminent.

S’il existe une règle en la matière c’est la suivante, qui correspond à la maxime bien connue : « le client est roi ». Certains clients sont très « demandeurs d’État » – comme, récemment, le Pérou – et ne souhaitent pas, par principe, traiter directement avec l’industriel vendeur ou avec des intermédiaires. Le contrat d’État à État est, généralement, perçu comme plus sécurisant et permettant un suivi plus étroit du marché. Il permet, en outre, d’éviter à l’État client de passer par la procédure de l’appel d’offres. D’autres États adaptent leur demande en fonction de l’opération considérée – l’Inde par exemple. En somme, la diversité des procédures répond à la diversité des clients, de leurs demandes et des marchés.

Encore faut-il préciser que les pratiques en la matière peuvent être multiples au sein d’un même pays, en fonction de la nature de l’acheteur final. Ainsi, l’Arabie saoudite se caractérise par une diversité de marchés « locaux », les contrats passés par le ministère de la Défense n’étant pas conclus selon les mêmes modalités que les marchés passés par le ministère de l’Intérieur ou encore par la Garde nationale, indépendante du ministère de la Défense (46).

Les États (dans le cadre de contrats interétatiques) ou les entreprises peuvent également recourir aux services d’un intermédiaire. Tel est par exemple la vocation, en France, de la société ODAS. Créée en 2008 à l’initiative de l’État, elle succède à la Sofresa (47) pour contribuer à développer les exportations d’armements au Moyen-Orient et notamment en Arabie saoudite, même si celle-ci n’est pas son client exclusif. Le cas échéant, ODAS négocie et conclut, au nom de l’État français, des contrats de gouvernement à gouvernement et en contrôle l’exécution. C’est ainsi ODAS qui sera l’interlocuteur du gouvernement libanais dans le cadre du marché bénéficiant de financements saoudiens à hauteur de trois milliards de dollars environ, le contrat ayant été conclu entre le ministre saoudien des Finances et la société française.

Il pourrait être intéressant de développer des contrats « mixtes », à savoir des contrats commerciaux, du ressort des industriels, mais doublés par un « accord ombrelle » intergouvernemental. Ceux-ci permettraient d’offrir au client un élément de sécurisation supplémentaire, notamment dans l’hypothèse où l’État français s’engagerait à assurer un certain nombre de services tels que l’assistance à maîtrise d’ouvrage, ou la garantie de la performance et des standards de qualité des produits.

Recommandation n° 15 : Étudier la création de contrats mixtes associant contrat commercial et accord intergouvernemental.

2. Le cas particulier du dispositif Foreign Military Sales (FMS) : un rêve inaccessible

Le régime américain de Foreign Military Sales (FMS) constitue un sujet de débat récurrent, abordé par l’ensemble des acteurs de la communauté de défense et présenté comme la référence ultime voire la solution miracle en matière de politique d’exportations d’armement. Il justifie dès lors, selon les rapporteurs, des développements précis. En réalité, l’analyse du dispositif tend à démontrer que l’argument-massue consistant à réclamer la mise en place d’un « FMS à la française » calqué sur le régime américain est parfaitement illusoire.

a. Présentation générale du dispositif

En matière de contrats d’exportations d’armement, la typologie américaine correspond à celle détaillée précédemment :

– les contrats d’État à État, qui se concrétisent principalement au travers des programmes Foreign Military Sales (FMS) éventuellement complétés par un programme Foreign Military Financing (FMF) ;

– les contrats commerciaux de droit américain dénommés Direct Commercial Sales (DCS) passés directement aux industries de défense.

Institué en 1968, le dispositif FMS voit le gouvernement des États-Unis se substituer à l’industriel exportateur et négocier directement avec l’État client pour transférer produits, services et prestations de défense (assistance technique ou formations par exemple). En substance, cette négociation entre les plus hautes autorités des deux États concernés permet à l’industrie de défense américaine de contourner la mise en concurrence pour exporter ses matériels dans les pays alliés.

Prenant juridiquement la forme d’accords intergouvernementaux, les FMS sont soumis à l’approbation du Congrès. Celle-ci se concrétise par l’éligibilité du pays demandeur au programme FMS qui rejoint le cas échéant la liste, actualisée périodiquement, des « meilleurs alliés des États-Unis ». Le gouvernement américain passe ensuite commande des matériels à un industriel américain ou les prélève dans les stocks des armées. Il n’existe donc aucune relation contractuelle entre le client étranger et l’industriel constructeur.

Le programme FMS est porté par une agence du Département de la Défense (Department of Defense – DoD), la Defense Security Cooperation Agency (DSCA), qui agit en relation étroite avec le Département d’État, acteur majeur en matière de politique étrangère et d’exportation (48). La DSCA anime le processus FMS et coordonne l’exécution des contrats.

Actuellement, pour l’ensemble des pays éligibles, on dénombre plus de 13 000 accords FMS représentant une valeur totale de l’ordre de 330 milliards de dollars. La France fait d’ailleurs partie des bénéficiaires du FMS avec environ 200 contrats actifs représentant plus de deux milliards de dollars.

b. La procédure FMS

La première étape pour l’État bénéficiaire du FMS consiste à mettre en place, sur le territoire américain, une mission d’achat qui sera l’interlocuteur des services concernés et sera chargée d’assurer le suivi comptable et financier des accords. Concrètement les accords FMS sont conclus entre l’ambassade du pays client et « l’agence d’implémentation » concernée par le type de matériel acheté. Il existe quatre agences principales : le NIPO (49) pour les matériels navals, l’AFSAC (50) pour les matériels aéronautiques, l’USASAC (51) pour les matériels terrestres et la célèbre NSA (52) pour les matériels interarmées à « forte sensibilité » (transmissions, cryptographie, etc.).

Une fois l’accord conclu, l’approvisionnement en matériels peut s’effectuer selon trois modalités :

– la prise en compte des besoins du pays demandeur se « greffe » à la passation d’un contrat par les services américains pour leurs propres besoins. Le client bénéficie dès lors de l’effet prix positif résultant d’une commande « de masse ». Toutefois, il demeure dépendant du calendrier de livraison, sur lequel il n’a aucune prise et qui peut ne pas correspondre à ses besoins ;

– la passation d’un contrat spécifique, pour les besoins du pays demandeur, entre les services américains et l’industriel concerné. Dans cette hypothèse et sauf volonté politique forte, il n’est pas acquis que les services américains s’impliquent fortement quant à l’obtention des meilleurs prix ou quant à la priorité donnée au traitement du dossier ;

– le prélèvement des matériels sur les stocks américains. Puisque les matériels sont déjà produits et disponibles, les avantages de cette solution sont les prix proposés et la rapidité de la procédure. Toutefois, la disponibilité des matériels peut être réduite dans l’hypothèse où les produits faisant l’objet du contrat sont encore utilisés par les forces américaines.

Il convient de souligner un point important. Dans le cadre d’accord FMS, le client ne dispose d’aucune marge de manœuvre ou de négociation. Les services américains fixent les prix et les délais, sachant que, ainsi qu’il a été rappelé, il n’y a aucun engagement de leur part quant aux délais. Le programme FMS prévoit toutefois que les services américains cèdent les matériels à prix coûtant.

En outre, les contrats FMS sont accompagnés d’un coefficient de « charges administratives » destiné à couvrir le coût d’intervention de l’administration américaine. Applicable au montant total de l’accord, ce pourcentage est actuellement fixé à 3,8 % avec un minimum de 15 000 dollars.

Chaque accord FMS prévoit un échéancier de paiement comportant un paiement initial (initial deposit) et des paiements trimestriels (53). Il correspond aux prévisions de débours de l’administration américaine, tant pour couvrir ses propres frais que pour financer les contrats qu’elle passe. Dès lors, il n’est pas corrélé avec la notion de service fait auprès du destinataire final. Les avances exigées auprès du client sont substantielles afin de respecter le principe selon lequel le FMS ne doit pas coûter au contribuable américain (au travers de l’activité des agences). En effet, l’Arms Export Control Act (AECA) impose aux États-Unis à la fois de ne pas faire de bénéfice sur les contrats FMS, mais également de ne pas affecter le contribuable américain.

Au terme de l’exécution de l’accord, une procédure de « réconciliation » est engagée pour en faire le bilan et clore le dossier. Les sommes éventuellement trop perçues par l’administration américaine sont reversées in fine au client en application du principe « no profit / no cost ».

Quant à la procédure de contrôle, il convient de préciser que les accords FMS conclus par les agences américaines valent autorisation d’exportation. Dans ce cadre, les matériels ne sont soumis à aucune procédure de contrôle export, ce qui constitue une souplesse par rapport aux matériels faisant l’objet d’un contrat commercial dans le cadre de la procédure DCS qui, eux, restent soumis à un tel contrôle. Le bénéficiaire d’un contrat FMS s’engage à ne pas céder le matériel ou les connaissances acquises à un tiers, même temporairement, sauf accord préalable des autorités américaines.

Les étapes de passation d’un accord FMS

● Étape préliminaire : Price and Availability (P&A)

Bien que ce ne soit pas une étape obligatoire, les services américains répondent en principe dans un délai de 45 jours aux demandes de prix et de disponibilité des matériels ou services qu’un pays envisage de commander par la procédure FMS. Ces informations approximatives et sans engagement, pour l’administration américaine comme pour le pays demandeur, permettent à ce dernier de prendre la décision d’initier la procédure ou non.

● 1ère étape : la Letter of Request (LOR)

La première étape de la procédure consiste à faire une demande officielle à l’agence américaine compétente au moyen d’une Letter of Request (LOR). Les spécifications techniques de besoins doivent être jointes à la LOR, ce qui implique souvent des mises au point précises préalables entre les services techniques du pays acheteur et leurs homologues américains.

● 2e étape : la Letter of Offer and Acceptance (LOA)

En réponse à la LOR et dans un délai pouvant varier de quelques semaines à plusieurs mois (voire plus d’un an) l’agence américaine envoie à l’ambassade du pays acheteur une Letter of Offer and Acceptance (LOA) qui précise les conditions contractuelles générales, les prix et l’échéancier des paiements. La LOA comporte une date de validité de l’offre (généralement de deux à trois mois). À défaut de notification de l’acceptation de cette offre avant cette date limite, celle-ci devient caduque et la demande doit faire l’objet d’une nouvelle LOR.

● 3e étape : la notification

La dernière étape de validation d’un accord FMS consiste à signer la LOA (par une personne habilitée à engager le gouvernement du pays acheteur – pour la France, il s’agit de l’attaché d’armement en poste) et à notifier officiellement cette acceptation à l’agence. Le paiement de l’initial deposit doit se faire au moment de la notification de l’accord. Même signé et notifié, l’accord FMS n’entre en vigueur qu’après que le paiement initial a été effectué.

● Avenants à l’accord

La passation d’un avenant à un accord FMS existant suit exactement la même procédure.

c. Avantages et inconvénients du FMS

● Pour l’industriel exportateur, le FMS permet :

– de contourner les procédures de mise en concurrence établies par l’État client ;

– d’échapper aux obligations d’offsets, assumées par l’État ;

– de transférer à l’État les différents risques liés à l’inexécution du contrat, notamment le risque d’interruption en cas de survenance d’un fait générateur de sinistre (embargo, guerre, etc.) ;

– éventuellement, de bénéficier du paiement partiel ou intégral de la commande avant la livraison dès lors que l’échéancier des paiements est découplé du calendrier des livraisons.

L’inconvénient principal tient au fait que l’industriel abdique tout rôle actif au profit de l’État.

● Pour l’État bénéficiaire, le FMS présente des avantages réels. Dans ce cadre, le gouvernement américain commande à l’industrie les matériels et services ou fait appel aux stocks des armées. Il est tenu de retenir les mêmes clauses contractuelles et les mêmes procédures de contrôle que s’il s’agissait d’un achat pour ses besoins propres. Ce système permet ainsi au client de bénéficier des services d’une organisation complète et structurée, d’avoir accès aux stocks de l’armée américaine, de bénéficier d’économies d’échelle et, enfin, d’avoir théoriquement la même assurance qualité que l’armée américaine.

Toutefois, la procédure n’est pas sans présenter un certain nombre d’inconvénients pour le client, notamment :

– un manque de visibilité sur la structure des coûts ;

– l’impossibilité d’établir une relation claire entre les paiements et les services rendus ;

– le manque de visibilité quant aux délais de livraisons et la difficulté d’obtention d’un calendrier précis à cet égard ;

– un faible niveau d’implication dans les négociations conduites avec l’industrie.

Globalement, l’absence d’engagement du DoD sur la tenue des coûts, des délais et la qualité des matériels livrés peut s’avérer problématique. Il convient toutefois de souligner que si les matériels finalement livrés ne correspondent pas à la commande ou qu’ils ont été endommagés, le client peut soumettre un « rapport d’écart » auquel les autorités américaines font généralement droit et qui peut conduire au remplacement du matériel.

Si, lors des phases initiales de définition du besoin – pour les programmes importants –, les autorités américaines ne sont pas opposées à l’organisation de réunions auxquelles participent à la fois l’industriel et le client, les phases de négociation commerciale ne font jamais l’objet de réunions communes.

De même lors de l’exécution du contrat, les autorités américaines traitent directement avec l’industriel, le client étant dès lors limité à une relation avec l’agence d’implémentation et le bureau de programme suivant l’accord. De fait, de telles modalités ne permettent pas au client d’obtenir facilement des informations pertinentes sur l’avancement effectif de son programme.

d. Le Foreign Military Financing (FMF) : corollaire financier traditionnel du FMS

Le Foreign Military Financing (FMF) s’analyse comme un programme d’assistance financière à destination des clients de l’industrie américaine. Par ce biais, le gouvernement américain accorde à certains pays acheteurs des financements ou des prêts théoriquement remboursables pour acquérir du matériel à plus de 50 % américain. Schématiquement, les États-Unis rendent une partie de leurs clients artificiellement solvables et subventionnent indirectement leur industrie de défense, lui permettant alors de prendre pied ou de consolider ses positions sur les marchés concernés.

Il permet notamment d’aider les pays n’ayant pas les moyens financiers de conclure des accords FMS classiques ou des contrats commerciaux avec des industriels d’armement américains en leur ouvrant l’accès à des financements accordés par le DoD, ou à des prêts garantis de la Federal Financing Bank (FFB).

À l’instar du FMS, le FMF constitue un catalyseur de vente pour les équipements de défense américains.

e. FMS et FMF : quelques données chiffrées

En 2012, année record, les « FMS agreements » (soit le montant des commandes, non des livraisons) avaient atteint près de 70 milliards de dollars, la moyenne annuelle « traditionnelle » étant d’environ 30 milliards de dollars. Le montant global annuel des accords FMS a plus que doublé depuis le début des années 2000 et il sera encore supérieur à 30 milliards de dollars au titre de l’année fiscale 2013. La zone Maghreb et Proche/Moyen-Orient représente à elle seule près des deux tiers du volume financier des achats FMS, contre 17 % pour l’Asie et 16 % pour l’Europe. En moyenne, les contrats FMS comptent pour environ 40 % du montant des commandes annuelles d’exportations d’armement des États-Unis.

Sur les dix dernières années les principaux clients du programme FMS américains ont été : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Australie, l’Égypte, la Turquie, l’Irak, le Pakistan, Israël, Taïwan, le Japon, la Corée du Sud, le Canada, la Grèce et le Royaume-Uni.

Les deux graphiques suivants retracent respectivement les contrats conclus et les livraisons effectuées au titre du FMS entre 2003 et 2012 par région.

CONTRATS FMS CONCLUS ENTRE 2003 ET 2012 PAR RÉGION

(en milliards de dollars)

Source : réponse au questionnaire adressé à l’ambassade de France aux États-Unis.

FY : année fiscale (fiscal year, qui débute le 1er octobre et s’achève le 30 septembre suivant).

LIVRAISONS FMS ENTRE 2003 ET 2012 PAR RÉGION

(en milliards de dollars)

Source : réponse au questionnaire adressé à l’ambassade de France aux États-Unis.

Les FMS consacrent traditionnellement des partenariats stratégiques et politiques forts entre les États-Unis et le pays client, ainsi que l’illustre le contrat colossal conclu en 2011 avec l’Arabie saoudite pour un montant d’environ 60 milliards de dollars (54).

Le montant global annuel des FMF est d’environ cinq à six milliards de dollars. Ses principaux États bénéficiaires sont Israël (55), l’Égypte (56), la Jordanie (57) et le Pakistan (58), mais il profite également à un grand nombre de pays moins importants sur le plan de l’équipement de leurs forces armées et qui deviennent de ce fait alliés des États-Unis ou, du moins, dépendants de l’approvisionnement américain.

ÉVOLUTION DU FMF PAR RÉGION ENTRE 2003 ET 2012

(en milliards de dollars)

Source : réponse au questionnaire adressé à l’ambassade de France aux États-Unis.

Les contrats commerciaux (DCS), second véhicule dans le domaine des exportations d’armement, ont, quant à eux, représenté un volume de 31,5 milliards de dollars en 2012.

ÉVOLUTION AGRÉGÉE DES ACQUISITIONS FMS ET DCS ENTRE 2003 ET 2013

(en milliards de dollars)

Source : réponse au questionnaire adressé à l’ambassade de France aux États-Unis.

f. La mise en place d’un « FMS à la française » : une perspective illusoire

Le dispositif bicéphale FMS/FMF repose en dernière analyse sur la puissance sans pareille de l’industrie de défense et de l’administration américaines, sur l’effet de masse de la production nationale à destination de la première armée du monde et sur la puissance financière et monétaire des États-Unis. Il constitue de fait un des outils majeurs de la politique internationale des États-Unis et de leur politique d’exportation de matériels d’armement.

Les États-Unis disposent ainsi d’atouts sans commune mesure pour séduire les pays clients qui, dès lors qu’ils recourent au FMS/FMF, deviennent captifs du marché américain, et ce sur le long terme si l’on prend en compte toutes les opérations nécessaires à l’entretien et au MCO des équipements (approvisionnement en rechanges notamment).

Si l’on ajoute à ce dispositif unique la réglementation ITAR (International Traffic in Arms Regulations) et ses effets sur la concurrence, ainsi que l’engagement politique et diplomatique sans faille de la classe politique et de l’administration sur les principaux prospects, les États-Unis disposent sans aucun doute du mécanisme de soutien aux exportations d’armement le plus efficace – d’aucuns diraient le plus agressif – au monde.

De fait, le dispositif FMS repose sur deux piliers majeurs : des stocks de matériels conséquents ; des liquidités mobilisables pour accorder des prêts publics ou actionner la garantie de l’État. Or, la France ne dispose pas de tels leviers d’action. Les industriels français ne « surproduisent » pas, et l’octroi massif de prêts ou la création d’une « garantie FMS » consolidée au niveau de la dette publique et potentiellement mobilisable ne semble pas une perspective réaliste. En outre, il faut souligner que, dans le cadre du dispositif FMS, c’est l’administration américaine qui « tient les rênes » du système et non l’industrie, qui reste largement exclue de la procédure. Or, il n’est pas certain que les acteurs de l’industrie française seraient favorables à la perspective d’abdiquer leurs prérogatives au profit de l’État et de rester cantonnés à un rôle relativement passif quant à la conclusion de contrats majeurs, en acceptant de n’avoir qu’une relation très indirecte et épisodique avec le client.

Pour l’ensemble de ces raisons, un décalque intégral du dispositif américain est inenvisageable.

Reste le volet politique, celui de la négociation directe d’État à État. Si notre pays ne dispose pas de stocks substantiels, ses équipements bénéficient de la « marque France » et du label « combat proven » qui font que la qualité de nos productions est légitimement reconnue sur le marché international. Dans certains cas et à la condition expresse que le client, décideur en dernier ressort, soit demandeur, le recours à la négociation d’État à État peut permettre de faciliter la conclusion de certains dossiers. De fait une meilleure coopération entre les industriels – premiers intéressés – et les autorités publiques, ainsi que le développement d’une plus grande expertise en la matière pourrait produire des résultats positifs. Un recours plus régulier au « système ODAS » pourrait également être envisagé.

J. QUELQUES ÉLÉMENTS DE COMPARAISON INTERNATIONALE : LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN DES PRINCIPAUX EXPORTATEURS MONDIAUX

Les développements qui suivent se fondent largement sur les réponses aux questionnaires adressés par les rapporteurs aux attachés de défense et d’armement en poste dans les principaux États exportateurs d’armement, hors États-Unis dans la mesure où leur dispositif de soutien a déjà été longuement présenté.

1. En Russie : un système d’État caractérisé par une forte centralisation

La part de marché de la Russie dans le domaine des exportations mondiales d’armement était évaluée à 10,7 % sur la période 2008-2012.

Le système russe se caractérise par un nombre important d’acteurs, mais il repose toutefois sur l’existence d’un intermédiaire obligé, la société d’État Rosoboronexport qui jouit d’un quasi-monopole pour l’exportation et l’importation des matériels de guerre et assimilés.

Le comité pour la coopération militaro-technique chapeaute le dispositif de soutien des exportations d’armement et assure le rôle d’organe décisionnel. Avec à sa tête le président de la Fédération de Russie, il définit les grandes orientations de la coopération militaro-technique en termes de pays prioritaires, de plans d’action, etc. Certains de ses membres président les différents comités bilatéraux avec les pays clients identifiés comme stratégiques.

Les exportations d’armement sont identifiées comme une priorité du Président russe. C’est dans le cadre des travaux de ce comité qu’il assigne des objectifs au gouvernement en matière de volume des exportations, de matériels à exporter en priorité et de pays cibles. Ainsi, à titre d’exemple, pour 2014, le Président Poutine a annoncé un objectif de 15 milliards de dollars d’exportation (livraisons) en se concentrant sur les équipements de défense aérienne. En décembre 2013, Dmitri Rogozine, président de la commission militaro-industrielle et vice-Premier ministre a défini l’objectif d’un montant annuel d’exportations d’armement de l’ordre de 50 milliards de dollars d’ici à 2020. Au-delà des clients traditionnels que sont la Chine et l’Inde, l’Amérique latine est identifiée comme une destination stratégique.

Le deuxième acteur essentiel, est le service fédéral pour la coopération militaro-technique (FSVTS). Placé sous la double tutelle du ministère de la Défense et du Kremlin, il assure la coordination interministérielle en matière de contrôle des exportations et des importations de matériels de guerre et assimilés. Ce service est également actif en matière de soutien des exportations d’armement. Son directeur ou ses adjoints co-président la plupart des différents comités en charge de coopération en matière d’armement. Son directeur accompagne quasi systématiquement le Président ou le Premier ministre lors de leurs tournées à l’étranger. C’est le FSVTS qui choisit l’industriel russe appelé à répondre au besoin d’un client étranger. Il apporte ainsi une certaine garantie sur la bonne exécution du contrat, cette démarche visant à permettre aux autorités russes d’éviter une concurrence potentiellement fratricide entre sociétés russes.

La société d’État Rosoboronexport jouit du quasi-monopole de l’exportation et de l’importation de matériels de guerre et assimilés en Russie (59). On estime qu’elle assure en moyenne 80 % des exportations d’armement. En tant que société d’État, elle peut mettre en avant le caractère quasi-officiel de son action. Les contrats d’armement sont signés par Rosoboronexport, qui endosse entièrement la responsabilité de leur bonne exécution.

Un nombre très réduit de sociétés ont le droit de commercer directement avec des clients étrangers, mais uniquement dans le cadre d’opérations de soutien de contrats déjà signés. Les représentants de Rosoboronexport disposent la plupart du temps de passeports diplomatiques russes et leurs bureaux sont situés dans les ambassades russes.

S’agissant de quelques pays stratégiques (Inde et Chine par exemple), le soutien est également assuré par le président de la commission militaro-industrielle du gouvernement, qui a également le titre de vice-Premier ministre, qui préside d’importantes commissions bilatérales chargées de piloter la coopération de la Russie avec ses partenaires dans de nombreux domaines économiques (spatial, énergétique, nucléaire, et armement). Cette commission a pour mission de veiller, d’une part, à la bonne santé du complexe militaro-industriel russe et, d’autre part, au bon déroulement du plan de modernisation des forces armées. À ce titre, elle participe activement au soutien des exportations d’armement. Son président est une personnalité politique, dont l’intervention est déterminante dans les choix faits en matière d’exportation.

Le ministère de la Défense participe aussi à l’effort de soutien aux exportations d’armement russes : démonstration de matériels en Russie ou à l’étranger, accueil de stagiaires dans les écoles russes, etc. Certains comités bilatéraux peuvent être co-présidés par des représentants du ministère de la Défense.

La Russie mène également une politique très active en matière de salons d’armement. Le FSVTS et Rosoboronexport organisent des salons en Russie dans les domaines de l’aéronautique (MAKS à Moscou), naval (IMDS à Saint Petersbourg), terrestre (Russian Arms Expo à Nijni Taguill près d’Ekaterinburg ; Oboronexpo à Moscou, Army 2015 à Moscou, etc.) qui sont soutenus à haut niveau par les autorités politiques (Président, Premier ministre, vice-Premier ministre, ministre de la Défense, ministre de l’Industrie et du commerce, etc.). À l’étranger, des délégations ministérielles participent systématiquement aux principaux salons étrangers. Le FSVTS coordonne, avec Rosoboronexport, la participation des délégations russes.

S’agissant de soutien financier, la société Exiar (filiale de la banque publique Sverbank) est chargée par le gouvernement de fournir des services d’assurance-crédit à l’export contre le risque politique (à hauteur de 95 %) et le risque commercial (à hauteur de 90 %). Assurant une mission analogue à Coface en France, elle dispose d’une garantie d’État à hauteur de 10 milliards de dollars. Si, dans le principe, rien n’empêche Exiar de garantir des contrats d’armement, dans les faits, la société se concentre sur les marchés civils.

Le gouvernement russe accorde en outre des garanties bancaires et des prêts préférentiels aux industriels russes. Ceux-ci bénéficient plutôt aux contrats nationaux afin de permettre aux industriels russes de réaliser dans les meilleures conditions le programme de modernisation des forces armées nationales. Il convient également de souligner que le ministère de l’Industrie et du commerce, qui assure la tutelle de l’industrie d’armement, dispose d’un budget de 75 milliards d’euros pour la période 2011-2020 pour accompagner le complexe militaro-industriel dans son effort de modernisation.

Si la Russie n’a pas de dispositif analogue au FMS américain, les autorités peuvent, pour des clients particuliers, proposer des offres complètes incluant le financement à crédit. Il arrive également que la Russie procède à des barters, ou encore à des annulations de dettes (comme récemment au profit de Cuba). Le directeur général de Rosoboronexport a déclaré qu’il espérait favoriser les exportations d’armes russes en Afrique grâce à des crédits bancaires et à des barters en échange de droits d’exploitation de minerais.

2. En Allemagne : une absence de soutien spécifique ; un contexte politique peu favorable

Sur la période 2006-2011, la part de marché de l’Allemagne en matière d’exportations d’armement était évaluée à 3,8 %.

Il n’existe pas en Allemagne de dispositif de soutien formellement consacré aux exportations d’armement. Bien que les autorités allemandes aient conscience de la nécessité de soutenir leur industrie d’armement dans un contexte de réduction des commandes européennes, le pays a opté pour une politique d’exportation globale, sans mécanismes spécifiques pour le secteur.

Une telle situation s’explique notamment par la politique économique allemande traditionnellement opposée à tout interventionnisme étatique, et par l’attachement des autorités allemandes à soutenir de manière discrète un secteur particulièrement sensible aux yeux de l’opinion publique nationale. La volonté de fermeté du SPD concernant les exportations d’armement vers les pays tiers (hors zones UE, OTAN et pays assimilés), particulièrement relayée au sein de l’actuel gouvernement de coalition par le vice-Chancelier et ministre de l’Économie Sigmar Gabriel pourrait encore freiner le soutien institutionnel aux exportations. M. Gabriel a par exemple récemment déclaré que la défense de la BITD allemande et de ses emplois ne peut justifier « un commerce avec la mort », ajoutant que « les exportations d’armement ne doivent pas être un instrument au service de la politique économique ».

 Différents mécanismes de soutien globaux, indirects ou informels, viennent néanmoins s’exercer en soutien des exportations d’armement allemandes :

– soutien politique et diplomatique : délégations industrielles lors de visites diplomatiques à l’étranger, développement de partenariats, soutien des ambassades allemandes à l’étranger. Le soutien politique s’exerce de manière extrêmement discrète pour les raisons déjà évoquées ;

– soutien institutionnel : au sein de la direction de la politique industrielle du ministère fédéral de l’Économie, le bureau IV C 3 est en charge de « l’industrie de l’acier, de la sécurité et de la défense » ;

– soutien technique : il s’exerce par le ministère de la Défense et le BAAINBw (60) (office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr) et peut, par exemple, prendre la forme d’expertise, de formation, ou de certification ;

– soutien commercial : il existe de nombreux programmes fédéraux et régionaux (au niveau des Länder) de soutien aux PME ainsi que des programmes sectoriels (construction navale, aéronautique, spatial, sécurité et technologies de l’information, etc.) ;

– soutien financier : au travers de mécanismes de soutien à l’export fédéraux (61) et régionaux (banques publiques du Bade-Wurtemberg, de Bavière, etc.) ;

– subventions fédérales : à titre très exceptionnel, le gouvernement fédéral peut co-financer pour des raisons politiques des contrats d’armement à l’export (par exemple les sous-marins de type Dolphin pour la marine israélienne).

3. En Israël : des mécanismes de soutien jugés indispensables

Compte tenu du contexte géopolitique et sécuritaire structurellement dégradé dans la région, Israël accorde une importance particulière à sa défense, qui repose sur deux piliers : les forces armées et l’industrie de défense. À ce titre une stratégie volontariste a été mise en place, fondée sur trois principes :

– la nécessité de disposer d’une industrie de défense performante qui réponde aux besoins spécifiques des forces armées et garantisse une avance technologique sur les ennemis du pays ;

– la nécessité d’exporter afin de garantir la pérennité de la BITD ;

– la nécessité de disposer d’une industrie de défense autonome pour éviter toute rupture capacitaire.

Le budget de la Défense israélien ne suffisant pas, à lui seul, à financer les programmes d’équipements utiles aux forces armées, le gouvernement a besoin d’exporter. Israël était, pendant la période 2006-2011, le cinquième pays exportateur d’équipements militaires avec environ 5 % des parts de marché.

La stratégie israélienne en matière d’exportation d’équipements militaires repose sur un organisme d’État spécifique. L’autorité pour la coopération internationale en matière de défense, le SIBAT, est une division du ministère de la Défense en charge du soutien aux exportations israéliennes d’armement. Elle est placée sous le contrôle direct du secrétaire général de ce ministère.

Les quatre acteurs industriels majeurs en Israël sont :

– Israel Aerospace Industries (IAI), groupe étatique qui développe drones, radars, missiles, satellites et vedettes navales ;

– Rafael, groupe étatique qui développe des systèmes C4I (62), des missiles et des systèmes anti-missile (Iron Dome) ;

– Israeli Military Industries (IMI), groupe étatique qui devrait prochainement être partiellement privatisé. Il développe des armes légères et des munitions ;

– Elbit Systems, groupe privé très présent dans les secteurs de l’électronique, du C4I, du SIGINT (63), de l’électro-optique et des drones.

Outre les grands groupes, la BITD israélienne compte plusieurs centaines de PME, TPE et start-up. L’industrie de défense israélienne réalise environ 70 % de son chiffre d’affaires à l’exportation. En 2012, les exportations d’armes et d’équipements militaires israéliens se chiffraient à 7,47 milliards de dollars soit 5,5 milliards d’euros.

Ces dernières années, la stratégie israélienne s’est fondée sur la pérennité d’un socle de nombreux contrats modestes renforcé par quelques « méga-contrats » portant sur des technologies à haute valeur ajoutée (drones, missiles, satellites, électronique de défense, etc.). Cette stratégie se caractérise par une offre modulable en fonction des marchés, une présence tant sur les marchés émergents qu’occidentaux et une communication décomplexée conjuguant un positionnement de marque fort et une grande discrétion sur les contrats et la diplomatie afférente.

En termes de production, l’industrie de défense israélienne est présente dans des secteurs de la haute technologie : électronique et radars, électro-optique (matériel de vision nocturne, lasers, photographie aérienne), robotique (drones), missiles, etc. Plus récemment le gouvernement a investi et mis en place une structure rattachée au Premier ministre, le Israeli National Cyber Bureau créé en 2011, pour soutenir les recherches dans le domaine de la cyber défense et coordonner l’action de l’État dans ce domaine.

Elle est également présente dans les secteurs de l’espace (satellites), des véhicules blindés, des canons, dans la production d’armes légères et de munitions. Enfin, les équipements israéliens bénéficient à l’export du label « combat proven ».

L’industrie israélienne est très active sur les marchés émergents d’Amérique du Sud (Brésil notamment), d’Asie (Inde en particulier, mais aussi la Corée du Sud, Philippines, etc.), d’Afrique, mais aussi en Europe et aux États-Unis. L’Inde est le premier client des entreprises de défense israéliennes, les États-Unis représentant le deuxième marché.

En termes de stratégie industrielle, l’État hébreu envisage de renforcer sa BITD par des privatisations et des consolidations.

II. RENFORCER NOTRE PLACE À L’EXPORT

Au cours de chaque audition, les rapporteurs ont posé à leurs interlocuteurs la question rituelle suivante : « Quels sont, selon vous, les raisons des succès et des échecs des entreprises françaises à l’export ? »

Sans prétendre à l’exhaustivité et à une cohérence totale – les causes des succès et des échecs n’étant pas toutes unanimement partagées – les développements qui suivent s’efforcent de dresser un panorama des réponses reçues.

Ils explorent également, pour celles qui n’auraient pas déjà été évoquées dans les parties précédentes, quelques pistes d’évolution du dispositif de soutien au sens large.

A. POINTS FORTS ET POINTS FAIBLES DE L’INDUSTRIE FRANÇAISE : UN RAPIDE PANORAMA

La présente partie entend faire un point rapide et très général sur les principaux éloges et les principales critiques qui peuvent être adressés à la France et à l’industrie française dans sa dimension export. Un certain nombre d’entre eux seront développés dans les parties thématiques qui suivent. D’autres arguments ne seront en revanche pas évoqués dès lors qu’ils échappent à la portée de l’action publique ou industrielle nationales – la question du cours euro/dollar par exemple – ou qu’ils sont beaucoup trop complexes et spécifiques pour être traités dans le cadre du présent rapport et relèvent de la compétence d’autres commissions – la question du coût du travail par exemple.

Au titre des points positifs, on peut relever :

– le choix historique d’autonomie industrielle en matière de défense qui fait que les industries françaises couvrent une large part du spectre des matériels ;

– une réputation d’acteur majeur et indépendant sur la scène internationale, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ;

– la qualité des prestations proposées avec une palette large de produits, du matériel fiable, efficace, éprouvé en opérations ;

– l’excellence opérationnelle de nos armées qui rejaillit sur les matériels et permet d’associer un concept d’emploi à la « simple » fourniture d’équipements ;

– le caractère sophistiqué des productions – encore que cet argument soit à double tranchant –, possible facteur d’économies à long terme (avec de moindres obsolescences, une meilleure adaptabilité, etc.), garant de l’efficacité des produits et de la sécurité de ceux qui les opèrent.

Quant aux points négatifs, sont fréquemment cités :

– une possible ultra-sophistication des matériels qui a conduit à « oublier la rusticité » et qui entraîne des matériels coûteux à l’achat et hors de portée budgétaire pour certains États ;

– une prise en considération parfois imparfaite des besoins du client, couplée à une certaine arrogance ;

– un défaut de solidarité entre industriels et une capacité limitée à coordonner leurs actions et leurs stratégies, pouvant conduire à une compétition fratricide au risque de perdre des marchés au profit de la concurrence ;

– une priorité politique souvent donnée aux « gros » contrats symboliques, parfois au détriment de prospects peut-être plus modestes mais plus faciles à concrétiser ;

– une taille critique des entreprises qui n’était pas toujours atteinte ;

– une propension aux « effets d’annonce » prématurés, tant au niveau du politique que de l’industriel.

Il convient d’ores et déjà d’effectuer un rappel : il est impossible, pour l’industrie française, de se lancer dans une guerre des prix. Le « low cost » est inaccessible compte tenu des structures de production nationales, de l’environnement macroéconomique, de la physionomie de la concurrence, des produits proposés qui répondent avant tout aux besoins de l’armée française, mais également des demandes des clients qui, lorsqu’ils sollicitent la France, ne le font assurément pas pour bénéficier des prix les plus bas du marché mais pour se voir garantir la livraison de matériels performants et fiables.

Par ailleurs, le prix ne constitue pas nécessairement le facteur de choix principal pour le client. En réalité, ce choix est le produit d’une équation comprenant plusieurs variables : le prix, la technologie, l’exigence d’autonomie stratégique, les délais de livraison, etc. La composition de ce « mix » et la hiérarchie des critères sont en outre variables en fonction des marchés, des zones, des matériels.

Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille se désintéresser de la problématique du prix. Il s’agit de compenser le coût de nos produits par leur fiabilité, leur performance, un accompagnement du client, l’assurance pour lui d’une plus grande autonomie en faisant le choix de la France, etc. Pour ne pas dégrader la compétitivité de l’offre il convient, en somme, de déterminer le bon écart de prix que justifie la performance objective de nos matériels.

B. LA DÉFINITION DES BESOINS ET DES PRODUITS

1. Définir la juste valeur technologique et opérationnelle

a. Les produits de nos industriels répondent d’abord aux besoins et spécifications des armées françaises

D’aucuns, pas nécessairement parmi les industriels et les utilisateurs de leurs produits – les armées –, ont pu mettre en avant le caractère ultrasophistiqué et excessivement technologique de certains produits français pour expliquer leurs éventuels échecs à l’export.

Les rapporteurs estiment que c’est faire fausse route de poser le problème en ces termes. En effet il convient de rappeler une réalité trop souvent oubliée, notamment par les médias et le grand public : les produits que proposent nos industriels à l’export ont initialement été conçus et développés pour répondre aux besoins, aux spécifications et au fort degré d’exigence de nos armées compte tenu des missions dont elles ont la charge. La mise à disposition de matériels performants répond d’abord et avant tout à la mise en œuvre des priorités stratégiques décidées par l’autorité politique, lesquelles sont ambitieuses, nombreuses, et parfois complexes à mettre en œuvre.

Ainsi c’est la polyvalence, parfois sans équivalent, de certains matériels qui explique leur degré de concentration technologique ainsi que leur coût. L’exemple du Rafale, avion de combat véritablement multi-rôles, est à cet égard révélateur. Aucun autre appareil au monde de cette catégorie n’est à même d’agir comme lui sur l’ensemble du spectre opérationnel, de la reconnaissance à la chasse en passant par la mise en œuvre de la dissuasion (dans le cadre des forces aériennes stratégiques et de la force aéronavale nucléaire). Il convient certes que les industriels veillent à ne pas sur-spécifier inutilement les matériels proposés
– un risque réduit compte tenu du dialogue permanent entre les acteurs de la BITD et le prescripteur/acheteur qu’est la DGA – mais, en dernière analyse, ceux-ci répondent à un besoin opérationnel et stratégique.

En outre, il faut toujours garder à l’esprit que le marché de la défense est très spécifique dans la mesure où il est d’abord un marché du temps long. Ses produits, une fois conçus, ont vocation à être opérés pendant des dizaines d’années pour certains d’entre eux. Ils doivent donc pouvoir répondre à l’évolution prévisible des menaces et des priorités stratégiques et, en conséquence, intégrer dès l’origine un niveau de technologie permettant leur adaptation au nouveau contexte stratégique. Les contraintes imposées depuis plusieurs années aux armées en termes d’équipements quant au renouvellement de leurs capacités renforcent encore davantage cet aspect. Mais il est également un marché du temps court en perpétuelle évolution. Les matériels doivent donc être suffisamment robustes techniquement et technologiquement pour supporter des modifications sans qu’il soit nécessaire de passer par la conception de nouveaux produits.

Le degré de technologie répond également aux performances légitimement exigées en termes de sécurité pour le combattant.

Par ailleurs les menaces, même asymétriques, supposent la mise en œuvre d’équipements de pointe et de moyens très performants pour les contrer. Si elle n’est parfois pas suffisante, la supériorité technologique est toujours nécessaire.

Enfin, il ne faut pas oublier que certains matériels et technologies ne sont, par nature, pas exportables. Tel est le cas pour les produits relevant de la fonction stratégique de dissuasion.

Aussi, déterminer la juste valeur technologique qui corresponde à la fois aux besoins des armées françaises et à ceux de clients potentiels – dont les demandes et priorités opérationnelles sont au demeurant très hétérogènes – est un exercice difficile. Cette réalité rappelée, plusieurs voies peuvent toutefois être explorées afin de parvenir à une meilleure coïncidence entre offre et demande.

b. Intégrer nativement la dimension export dans les programmes d’armement

Dans les limites précédemment rappelées, la première évolution à poursuivre – car elle est déjà à l’œuvre – est d’ordre « philosophique ». Elle vise à une meilleure prise en compte de la dimension export dans les programmes d’armement dès leur définition, afin d’adapter au mieux l’offre des industries françaises à la demande de leurs clients potentiels. Alors que telle n’était pas forcément la priorité par le passé, une inflexion très nette s’est opérée en la matière depuis quelques années, rendue d’autant plus essentielle du fait de la baisse des volumes d’achat du client national. Il convient évidemment de poursuivre dans cette voie. Le programme de frégates de taille intermédiaires (FTI) (64), moins complexes que les frégates multi-missions (FREMM) en est un bon exemple.

Toutefois, au-delà de la définition des besoins, qui relève du prescripteur/client, il est de la responsabilité des industriels de proposer des produits conformes à cette demande tout en favorisant leur potentiel à l’export. Plusieurs pistes peuvent être suivies en la matière.

c. Proposer la gamme de produits la plus complète possible

Idéalement, les industriels devraient pouvoir proposer à leurs clients potentiels la gamme de produits la plus large possible, des matériels les moins techniques aux équipements les plus sophistiqués. À cet égard, et dans l’hypothèse où une telle stratégie s’avère, d’une part, techniquement et industriellement possible et, d’autre part, rationnelle du point de vue économique, le maintien des chaînes de production de matériels « anciens » ou la cohabitation, sur les mêmes chaînes, des nouveaux produits et des équipements déjà éprouvés pourraient être envisagés.

De telles solutions permettraient de maintenir, au moins pendant quelque temps, une offre technologiquement moins ambitieuse mais potentiellement plus adaptée – et, en outre, susceptible d’améliorations – aux besoins de clients qui ne recherchent pas forcément la même profondeur stratégique que la France. Le succès de l’avion Gripen à l’export tend peut-être à prouver que le Mirage 2000, moins sophistiqué que le Rafale, aurait pu connaître une vie et une fortune plus longues sur le marché mondial si sa chaîne de production avait été préservée.

Si cette stratégie n’est pas forcément rentable à court terme – avec les coûts nécessaires au maintien de chaînes de production différenciées –, elle peut l’être à long terme, un client satisfait du produit « ancien » pouvant, une fois la relation de confiance établie, revenir vers le même industriel pour acquérir des matériels plus récents. Les rapporteurs n’ignorent pas la complexité d’une telle mesure mais, a minima, il convient d’assurer le « tuilage » le plus efficace possible dans la chaîne de production entre deux générations de matériels.

d. Développer les offres modulaires

Si tous les matériels et équipements ne s’y prêtent pas nécessairement, le développement plus systématique d’offres et de produits modulaires, assis par exemple sur la production de variantes export plus « rustiques » que les modèles nationaux mais adaptables et modulables constitue également une piste à explorer.

L’essentiel est de pouvoir adapter le plus facilement possible les matériels en fonction de demandes du client. Pour répondre aux besoins de son client émirati, Nexter a ainsi été amené à développer une version amphibie du VBCI alors que cette évolution n’était pas prévue initialement, l’armée française n’ayant pas fait ce choix.

e. Répondre aux attentes du client

En dernière analyse et même si un tel constat semble relever l’évidence, il est nécessaire d’être à l’écoute du client, de prendre en considération ses besoins et de répondre à ses attentes. La réalité est toutefois plus complexe.

En effet, l’industriel ne vend pas à un client mais à plusieurs clients, dont les visions et les attentes ne sont pas toujours identiques ni cohérentes :

– l’utilisateur : l’armée locale ;

– le prescripteur : l’équivalent de la DGA ;

– le payeur : le ministre du Budget ;

– le politique : attaché à des questions de souveraineté, d’indépendance, ainsi qu’à des considérations d’ordre diplomatique.

Il y a donc en réalité quatre clients en un, dont il convient de concilier au mieux les exigences. Le succès ou l’échec d’un produit à l’exportation dépend aussi de la résolution de cette délicate équation, différente dans chaque pays.

Il convient également de se départir de toute arrogance, en évitant de « donner des leçons » au client en définissant, à sa place, ses besoins dans le but de lui « forcer la main » à l’achat.

C. ENRICHIR ET AMÉLIORER LE SOUTIEN POLITIQUE

1. Renforcer le rôle du Parlement

a. Dans le domaine du soutien

Le Parlement et, notamment, les commissions chargées des Affaires étrangères et de la Défense, portent un intérêt légitime et grandissant à la question des exportations d’armement. En témoigne le rendez-vous désormais traditionnel que constitue la présentation, par le ministre de la Défense du rapport annuel sur les exportations d’armement devant les commissions précitées (65).

Si l’information du Parlement a progressé, l’implication concrète et le rôle des parlementaires dans le dispositif de soutien restent manifestement marginaux. Or, la « diplomatie parlementaire » ne pourrait-elle pas, lorsque cela est envisageable, venir en appui de nos entreprises et de notre Gouvernement, dès lors que les parlementaires disposeraient des informations utiles communiquées par le ministère de la Défense ? Les négociations relatives aux exportations sont certes un art délicat et difficile, et il n’est pas nécessairement de bonne politique de multiplier les acteurs concernés. Toutefois, les relations bilatérales entre Parlements nationaux, l’existence de groupes d’amitié, les liens personnels qui peuvent unir tel parlementaire à tel pays pourraient utilement et plus régulièrement être mobilisés à cet effet.

Recommandation n° 16 : Recourir davantage à la diplomatie parlementaire.

b. Dans le domaine du contrôle

Si le Parlement peut s’avérer plus actif dans le domaine du soutien, peut-il également voir son rôle renforcé dans le domaine du contrôle des exportations ? Plus que de renforcement, il s’agirait en fait de la définition ex nihilo d’un tel rôle dans la mesure où les parlementaires ne sont pas, à l’heure actuelle, partie prenante de ce dispositif. Or, une réelle demande s’exprime à ce sujet, ainsi qu’en témoignent, par exemple, les amendements déposés en commission (66) et en séance publique (67) par les députés membres du groupe Écologiste à l’occasion des débats relatifs à la loi de programmation militaire 2014-2019. Ces amendements envisageaient la création d’une délégation parlementaire aux exportations de matériels de guerre, dont la mission aurait été d’examiner périodiquement les autorisations d’exportation de matériels de guerre délivrées par le Gouvernement dès lors que celles-ci étaient assurées par des entreprises dont l’État est actionnaire.

Sans aller jusqu’à la création d’une délégation commune à l’Assemblée nationale et au Sénat qui ne disposerait pas forcément des ressources techniques nécessaires pour mener une telle mission, les rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité de nommer des parlementaires au sein de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) (68) – dont le rôle sera présenté en détail ultérieurement. Pourraient ainsi être nommés, soit les présidents de chaque commission parlementaire compétente au fond – Défense pour l’Assemblée nationale, Affaires étrangères et Défense pour le Sénat –, soit un député et un sénateur, membres desdites commissions et désignés par leurs pairs afin de siéger au sein de notre service national de contrôle lorsque celui-ci se réunit en séance plénière. Ce domaine relevant, par nature, de la compétence du pouvoir exécutif, les représentants du Parlement pourraient se voir reconnaître un rôle de membre observateur susceptible de formuler des observations.

Recommandation n° 17 : Nommer un député et un sénateur au sein de la CIEEMG, avec statut de membre observateur.

2. Envisager la création d’un secrétariat d’État en charge des exportations d’armement

L’implication des plus hautes autorités politiques du pays et, notoirement, du ministre de la Défense sur les dossiers d’exportations d’armement ne fait aucun doute et mérite d’être saluée. Toutefois, le traitement de ce dossier doit nécessairement être concilié avec d’autres priorités de l’action publique tels que les déploiements de nos forces, en OPEX notamment.

En matière d’exportations d’armement, la réactivité politique, la profondeur et le suivi au long cours de relations à haut niveau sont indispensables. C’est pourquoi la création d’un secrétariat d’État en charge des exportations d’armement pourrait être envisagée. Rattaché au ministère de la Défense, l’action de celui-ci serait exclusivement consacrée à cette mission. Il deviendrait ainsi l’interlocuteur unique, à temps plein vis-à-vis de nos clients étrangers, serait susceptible de suivre l’ensemble des prospects y compris les plus modestes et permettrait le développement de relations privilégiées dans la durée. Compte tenu des autres priorités du ministre de la Défense, il est en effet parfois malaisé d’assurer une présence politique suivie sur l’ensemble des prospects et des zones, notamment ceux qui ne sont pas jugés immédiatement prioritaires avec, par exemple, l’organisation de rencontres politiques de haut niveau de gouvernement à gouvernement. En outre, la création d’un tel poste revêtirait une importance symbolique forte à l’égard de nos partenaires et potentiels clients, en démontrant toute l’importance que notre pays attache à cette question et à la satisfaction de leurs demandes.

Recommandation n° 18 : Envisager la création d’un secrétariat d’État en charge des exportations d’armement, rattaché au ministère de la Défense.

D. PROSPECTER TOUS LES MARCHÉS

1. Identifier l’ensemble des niches à l’exportation, y compris en l’absence de besoin national

Les armées françaises demeurent le client principal de notre industrie d’armement et c’est d’abord pour répondre à leurs spécifications que celle-ci développe ses produits. Toutefois les réalités du marché – contraction des budgets de défense européens ; inversement, augmentation des dépenses militaires dans d’autres zones ; multiplication et intensification de la concurrence – obligent nos industriels à prospecter au-delà de leurs sphères traditionnelles.

Un travail prospectif plus volontariste doit sans doute être mené, associant les industriels, la DGA et le réseau des attachés d’armement et de défense afin d’identifier les niches de marché que notre BITD pourrait investir, et ce même en l’absence de satisfaction d’un besoin national.

2. Il n’y a pas de petits marchés : soutenir toutes les campagnes export

Les marchés d’armement ont un aspect symbolique fort. Les « gros » marchés d’armement encore davantage. Il n’est que d’observer la couverture médiatique et politique qui est faite des « gros » contrats, y compris – voire surtout – lorsque ceux-ci ne sont finalement pas conclus pour s’en persuader.

Or, tous les marchés sont importants, quelle que soit leur envergure. Le fait, pour un industriel, de ne pas « se battre » pour un marché de quelques millions d’euros et, à ce titre, considéré comme minime, consiste à accepter le risque de voir un concurrent le remporter et se priver, éventuellement, d’autres prospects à l’avenir. Car remporter un marché, même modeste, c’est commencer à construire une relation de confiance avec le client étranger, c’est prendre pied et faciliter ainsi une implantation à long terme, durable, qui pourra se traduire, si le client est satisfait, par la conclusion d’autres contrats potentiellement plus importants quant aux volumes financiers en jeu.

Il n’y a pas de petites campagnes export, et les actions des industriels comme le soutien, notamment de nature politique, ne doivent pas se focaliser exclusivement sur les gros prospects à charge symbolique forte au détriment des campagnes de moindre envergure et pour un résultat global qui peut s’avérer décevant si, d’une part, le symbolique ne se traduit pas dans le réel et si, d’autre part, le « petit » marché est remporté par la concurrence faute d’une implication et d’une volonté suffisantes.

E. INVESTIR DAVANTAGE LE MARCHÉ DE L’OCCASION

1. Un marché secondaire à ne pas délaisser

Les missions que doit remplir l’armée française et la mise en œuvre de nos priorités stratégiques supposent que nos forces disposent d’équipements et de matériels de pointe, nécessitant des savoir-faire complexes. Or, toutes les armées potentiellement clientes n’ont pas forcément l’utilité de tels matériels et équipements. En outre, au-delà de l’attrait que constitue un prix plus accessible, un autre avantage pour le client est le délai de livraison théoriquement plus court attaché aux produits d’occasion. À cet égard, le développement de l’offre de matériels d’occasion constitue une piste potentiellement prometteuse, mais qui reste à ce stade peu explorée.

Dès lors, il conviendrait de renforcer la place de la France sur ce marché. Cela permettrait :

– d’enregistrer des recettes ;

– d’amoindrir le coût de stockage des matériels retirés du parc opérationnel ;

– de réduire les coûts de démantèlement, même si devraient être consenties des dépenses minimales de remise à niveau ;

– et enfin de conquérir ou renforcer des positions sur certains marchés et pays qui pourraient en outre, s’ils étaient satisfaits de la « marque France », acquérir par la suite des produits plus complexes. On peut également imaginer de développer au profit des clients des offres mixtes associant matériels neufs et matériels d’occasion.

Pour l’armée de l’air, les cessions de matériels ont représenté un montant de 95 millions d’euros sur la période 2008-2013, dont 60 millions d’euros du fait de la cession de deux A319. Hors cession exceptionnelle de ce type, la moyenne annuelle des produits de cession s’élève à six millions d’euros. Entre 2009 et 2013, la marine a revendu pour 45,4 millions d’euros de matériel soit un montant annuel moyen d’environ 9,1 millions d’euros, les cessions étant d’ampleur très variable (69). Pour l’armée de terre, les cessions s’échelonnent entre 0,64 million d’euros et plus de neuf millions d’euros selon les années sur la période 2008-2013.

La détermination des prix de revente par la commission des cessions de la DGA, chargée d’étudier les modalités des cessions de matériels retirés du service, ne semble pas reposer sur des critères très fermes, de simples principes étant fixés par instruction. Le montant de base est la valeur inventaire enregistrée dans les systèmes d’information logistique des armées. Il peut faire l’objet d’un amortissement et des abattements sont appliqués en fonction de la « position administrative » du matériel concerné (70). La commission des cessions peut en outre chercher à rapprocher la valeur comptable du prix de marché, s’il en existe un et s’il peut être retrouvé. Finalement, il semble que la méthodologie en la matière gagnerait à être précisée afin d’assurer aux armées le meilleur retour financier possible.

Pourraient également être envisagées des solutions plus souples qui verraient les armées mettre à disposition certains types de matériels ou les céder à des prix modiques afin de permettre à l’acquéreur de les proposer plus rapidement dans le cadre d’une revente à l’export. En contrepartie, celui-ci aurait l’obligation de partager ex post la marge générée avec l’État.

Recommandation n° 19 : Préciser la méthodologie de détermination du prix de cession des matériels d’occasion.

Envisager la mise en place de procédures de cession plus souples avec partage de la marge réalisée lors de la revente.

Il ne faut toutefois pas ignorer les contraintes attachées à cette politique. Notamment, les contraintes budgétaires qui pèsent sur les armées les incitent à prolonger, parfois au-delà du raisonnable, la durée de vie et d’utilisation des matériels. En outre, même retirés du service actif, des matériels peuvent s’avérer utiles pour l’entretien et le MCO des matériels plus récents. Ce phénomène de « cannibalisation » des premiers matériels à des fins logistiques permet certes de faciliter le MCO, mais il en compromet l’éventuelle revente. En outre les matériels anciens peuvent servir à l’instruction, la formation et l’entraînement des forces.

2. Élaborer une politique de valorisation des matériels en fin de vie

Les données semblent encore parcellaires en la matière. Il serait donc intéressant de disposer de statistiques précises sur l’état des parcs potentiellement concernés, de mener une analyse sur les éléments susceptibles de connaître une nouvelle vie à l’exportation, d’évaluer le coût de leur remise en condition minimale et de le mettre en balance avec les recettes attendues d’une éventuelle revente à l’étranger.

Pour être crédible et efficace, une réelle politique d’exploitation des matériels en fin de vie doit être déterminée. Elle doit être prospective, largement anticipée et conçue avant même le retrait des matériels du service actif. Ainsi, les marchés de soutien pourront toujours être maintenus et proposés à titre onéreux au client sur une durée raisonnable, dès lors qu’il reste suffisamment de matériels complets et de stocks de rechanges.

Une telle politique doit par ailleurs être menée en collaboration avec les industriels concernés. En effet, ceux-ci peuvent trouver un intérêt limité à réactiver ou maintenir des chaînes de rénovation/réparation.

La décision de procéder à une revente doit naturellement faire l’objet d’un bilan coûts/avantages en mettant en regard :

– d’une part la valeur espérée d’une cession, le coût additionnel induit par la remise à niveau des matériels et le coût du maintien des marchés de soutien ;

– d’autre part le coût du démantèlement et l’utilisation que peuvent en faire nos forces dans le cadre du MCO des matériels plus récents.

Comme toujours, c’est l’aspect opérationnel et les besoins de nos forces qui doivent primer.

En tout état de cause, nous souffrons manifestement d’un manque de visibilité en la matière. Aussi les rapporteurs proposent-ils l’élaboration d’un plan stratégique de la valorisation de la fin de vie des matériels et de l’occasion, associant l’ensemble des parties prenantes – armées, DGA, industriels. Un audit de l’état du parc existant et des stocks, enrichi d’une évaluation du coût minimal de leur remise à niveau et d’une étude de ciblage des clients export potentiellement intéressés, constituerait un premier pas dans cette voie.

Recommandation n° 20 : Élaborer un plan stratégique de la valorisation de la fin de vie des matériels et de l’occasion.

Procéder à un audit de l’état du parc existant et des stocks, comprenant une évaluation du coût minimal de leur remise à niveau et une étude de ciblage des potentiels clients export.

F. AMÉLIORER LA GESTION DES OFFSETS : POUR UNE VIGILANCE ACCRUE EN MATIÈRE DE TRANSFERTS DE TECHNOLOGIE

Ainsi que le rappelle le rapport annexé à la LPM 2014-2019, « S’agissant des participations publiques dans les entreprises du secteur de la défense, l’État mettra en œuvre une politique d’actionnaire dynamique […] privilégiant [...] le soutien au développement et à la protection des technologies critiques. » (71)

S’il est normal que l’État-actionnaire accorde une attention toute particulière à cette problématique, celle-ci concerne l’ensemble de la communauté de défense. La question des technologies critiques et des transferts de technologie rejoint celle, plus large des compensations ou offsets.

1. Typologie générale des offsets

Dans le cadre d’un marché d’armement, le pays client peut demander
– d’aucuns diraient « exiger » – des compensations ou offsets. Celles-ci peuvent être industrielles, commerciales ou financières et témoignent généralement de la volonté du pays client de gagner en autonomie politique, stratégique et industrielle.

En la matière, les pratiques et la part que représentent les offsets dans le montant total d’un contrat sont très hétérogènes d’un pays à l’autre. Certains clients se montrent particulièrement exigeants, en demandant des compensations qui sont parfois égales à 100 % du prix du marché, voire davantage. Chaque État client définit ses propres règles de compensation en fonction de ses intérêts nationaux (autonomie recherchée sur ses activités de défense, retour économique, soutien au tissu industriel, etc.). Elles peuvent relever de trois catégories :

– les compensations directes : elles concernent les produits et services vendus au client avec, par exemple, des exigences quant à la part du contrat exécutée localement (72), y compris via des transferts de technologie ;

– les compensations semi-directes : elles ont trait à des produits et services similaires à ceux vendus client avec, par exemple, des exigences de sous-traitance d’activités dans des domaines connexes ;

– les compensations indirectes : avec des produits et services relevant de domaines économiques extérieurs au contrat. Il peut, par exemple, s’agir d’investissements ou de l’achat de biens dans le secteur civil du pays client.

Dans la plupart des grands pays importateurs d’armement, des offsets directs ou semi-directs sont demandés. Ils peuvent prendre des formes variées dont il serait impossible de dresser la liste exhaustive. On notera toutefois parmi elles :

– la sous-traitance de la production au bénéfice du tissu industriel local : un exemple particulièrement révélateur est celui du Buy American Act (73) (BAA) qui, depuis 1933, encadre fortement les marchés publics passés par l’administration fédérale, celle-ci devant, par principe, préférer les productions nationales. De fait, les États-Unis exigent un minimum de 50 % de production locale au titre du BAA ;

– la participation au processus d’industrialisation ;

– la participation à la R&D (adaptation d’un système d’arme par exemple) ;

– le transfert de technologie : par exemple dans le domaine de la maintenance ou de la simulation ;

– la mise en œuvre d’actions d’éducation et de formation ;

– l’achat de services locaux : traduction, génie civil par exemple ;

– la mise à disposition de moyens de production : moyens d’assemblage et de test, par exemple.

Au-delà de ces compensations stricto sensu, certains pays soumettent les industriels concurrents à des procédures d’acquisition qui peuvent les contraindre à s’associer à des entreprises locales, à procéder à des concessions de licence de production, ou à procéder à des co-développements avec des partenaires locaux.

2. Une pratique courante soumise à un principe de prohibition en Europe

L’ensemble des personnes auditionnées par la mission l’ont confirmé, les offsets ne sont pas une option mais une nécessité pour remporter les contrats. Selon l’expression employée par un industriel, la règle en la matière est « take it or leave it », « à prendre ou à laisser ».

Il convient de préciser que ces pratiques commerciales sont, par principe, prohibées au sein de l’Union européenne, en application de la directive 2009/81/CE (74). Comme le précise la note d’orientation « offsets » sur cette directive, de telles exigences de compensations sont contraires aux principes élémentaires des traités européens au motif qu’elles ont pour conséquence d’opérer des discriminations à l’encontre d’opérateurs économiques, biens et services ressortissants d’autres États membres et qu’elles entravent la libre circulation des biens et services. Dans la mesure où les offsets contreviennent aux règles et principes fondamentaux du droit primaire de l’Union européenne (les traités), la directive 2009/81/CE ne saurait les autoriser, les tolérer ni même les réguler (75).

Des exceptions au principe sont toutefois prévues, la directive reconnaissant la possibilité, pour les États membres, de protéger leurs « intérêts essentiels de sécurité ». Ces exceptions sont strictement encadrées, les offsets pouvant uniquement être justifiés en application de l’article 346 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), reproduit dans l’encadré suivant.

Article 346 TFUE (ex-article 296 TCE)

1. Les dispositions des traités ne font pas obstacle aux règles ci-après :

a) aucun État membre n’est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité,

b) tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires.

2. Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut apporter des modifications à la liste, qu’il a fixée le 15 avril 1958, des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b), s’appliquent.

La rédaction, relativement générale, de l’article ne doit pas induire le lecteur en erreur. Elle ne confère pas un blanc-seing aux États membres, les conditions de mise en œuvre de l’article 346 TFUE n’étant pas interprétées de manière extensive mais restrictive, tant par les institutions européennes (76) que par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a notamment confirmé à plusieurs reprises que cet article n’introduisait pas d’exemption automatique dans le domaine de la défense (77).

Au total, le recours à cette procédure fait l’objet d’analyses au cas-par-cas. Les dérogations aux règles du marché intérieur doivent être limitées à des cas exceptionnels et clairement définis, et la charge de la preuve que telle dérogation est justifiée au regard des « intérêts essentiels de sécurité » d’un État membre repose sur celui-ci : il doit être en mesure de prouver que la dérogation envisagée est, en tant que telle, indispensable à la protection de ces intérêts (78). D’autres intérêts, industriels et économiques par exemple, même attachés à la production et au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ne peuvent justifier par eux-mêmes d’exemption sur la base de l’article 346 TFUE. Ainsi, des offsets indirects non militaires qui ne servent pas d’intérêts de sécurité en particulier mais des intérêts économiques d’ordre général ne sont pas couverts par cet article, même s’ils sont liés à un marché public de défense exempté sur la base de ces stipulations. En outre, la référence à la protection d’intérêts « essentiels » souligne le caractère exceptionnel de l’éventuelle dérogation ; il ne s’agit en effet pas de protéger des intérêts de sécurité « en général ».

Ainsi que le précise la communication interprétative sur l’article 296 TCE – qui demeure valable pour l’application de l’article 346 TFUE, qui lui a succédé –, lorsque la Commission enquête sur une affaire de marché public de défense, « il revient à l’État membre concerné de fournir la preuve que, dans les circonstances spécifiques du marché en question, l’application de la directive communautaire [2009/81/CE] porterait atteinte aux intérêts essentiels de sa sécurité. Invoquer, de manière générale, la situation politique et géographique, l’histoire ou des obligations au titre d’alliances ne suffit pas dans ce contexte. » (79)

3. Se prémunir du « syndrome Frankenstein » et protéger nos technologies critiques

La problématique des offsets doit être intégrée à la stratégie commerciale d’ensemble de l’industriel et il lui revient de proposer à l’État client un ensemble de mesures satisfaisant aux règles édictées par celui-ci dans les limites de ce qui est possible (autorisations et limitations de la DGA et de la CIEEMG notamment). Maîtrisée, la procédure offset peut être facteur de compétitivité en renforçant la relation entre le vendeur et le client. Insuffisamment maîtrisée, elle peut être facteur de risque, notamment pour les PME qui sont moins armées que les grandes entreprises pour gérer ces compensations, en particulier dans le domaine des transferts de technologie.

En la matière, il convient d’inscrire la stratégie de notre BITD et de l’État dans une vision de long terme sous la forme de partenariats industriels mutuellement avantageux pour le client comme pour le vendeur, plutôt que d’adopter une vision strictement commerciale de court terme – l’obtention du marché.

Il est évidemment nécessaire de limiter de tels transferts à des technologies non critiques. Les technologies de rupture ou les technologies innovantes ne doivent pas faire l’objet d’offsets. Au-delà de la nécessité de protéger des technologies potentiellement sensibles, il s’agit, pour notre industrie, de conserver un temps d’avance sur ses concurrents afin de concevoir les générations ultérieures de matériels et d’équipements. A fortiori, il convient de maintenir l’avantage compétitif de notre industrie et de ne pas le sacrifier sur l’autel de préoccupations de court terme, au risque de contribuer à créer ou renforcer des concurrents en les faisant bénéficier de technologies de premier ordre.

Certes, la CIEEMG exerce un contrôle rigoureux en amont des transferts. Toutefois, il semble nécessaire d’améliorer notre connaissance en la matière. C’est pourquoi les rapporteurs préconisent d’affiner le travail de recensement et de cartographie des entreprises (TPE, PME et ETI en particulier), compétences et technologies critiques afin de savoir à quels niveaux se situent les risques potentiels – y compris en matière de rachat d’entreprises par des sociétés étrangères.

Recommandation n° 21 : Affiner le recensement et la cartographie des entreprises, compétences et technologies critiques.

En outre, ils encouragent vivement la création, au sein des entreprises, de départements de suivi des offsets et, notamment, des transferts de technologie. S’ils existent dans les grandes entreprises, tel n’est pas forcément le cas au sein des PME. La création d’équipes spécialisées pourrait s’avérer problématique pour certaines d’entre elles, du fait de leurs moyens limités. Aussi, si cela s’avère possible compte tenu des exigences relatives au secret des affaires et à la propriété intellectuelle, la mise en commun des moyens et des compétences par regroupement et coopération des services concernés pourrait-elle être envisagée avec la constitution de cellules communes de suivi et d’expertise. Les services de l’État – notamment la DGA –, de même que les grandes entreprises pourraient utilement apporter leur concours aux PME dans ce sens, tous ayant intérêt à une protection efficace des technologies critiques et à un transfert maîtrisé des autres technologies.

Recommandation n° 22 : Encourager la mise en place, au sein des PME, de cellules individuelles ou communes de suivi des offsets, en particulier dans le domaine des transferts de technologie.

G. DÉVELOPPER PLUS SYSTÉMATIQUEMENT DES OFFRES GLOBALES

Cela a été rappelé, l’utilisation par nos armées des matériels et équipements qui sont par la suite proposés à l’export constitue l’une des clés majeures de leur succès auprès des clients.  Le développement plus systématique d’offres globales couvrant à la fois l’amont du contrat – avec l’assistance pour la définition du besoin technique ou opérationnel – et l’aval – la formation des personnels, l’assistance en matière de MCO des matériels vendus – est une piste à explorer. Il ne s’agit pas uniquement de vendre un produit, mais également tous les services annexes indispensables à sa bonne utilisation.

Les caractéristiques techniques objectives d’un matériel sont évidemment essentielles. Mais son concept d’emploi, sa doctrine d’utilisation sont aussi importantes. Les clients sont certes à la recherche d’un matériel, mais dans la perspective d’un usage précis, de la construction d’une capacité de défense. Or, pour reprendre la définition donnée par l’une des personnes auditionnées par la mission d’information, la capacité de défense est un système cohérent d’hommes et d’équipements, organisés et employés selon une doctrine, en vue de délivrer un effet sur le terrain.

C’est pourquoi il est nécessaire, au-delà de la fourniture d’équipements, de proposer aux clients des offres les plus complètes possibles incluant :

– la formation des personnels qui opéreront ces matériels ;

– des formations à leur maintien en condition opérationnelle ;

– la présentation d’une doctrine d’emploi.

La France dispose d’atouts incomparables en la matière, du fait de la qualité reconnue de ses forces armées et de l’efficacité de ses engagements sur le terrain, notamment en OPEX.

Il convient donc, autant que faire se peut, d’offrir des packages complets au client, d’assurer une sorte de « service après-vente », un accompagnement complet et personnalisé qui est d’autant plus indispensable que les produits sont sophistiqués et impliquent, par conséquent, des connaissances et des savoir-faire précis en termes d’utilisation et d’entretien.

Les entreprises, notamment les plus grandes, peuvent évidemment proposer de tels services. Pour celles qui ne le pourraient pas faute de moyens humains ou de compétences particulières, une meilleure collaboration avec des sociétés spécialisées en la matière – on peut notamment penser à l’entreprise DCI – pourrait s’avérer fructueuse. Comme dans d’autres domaines, le rassemblement, dans un but commun, de l’ensemble de « l’équipe de France » ne peut que produire des effets positifs.

Pourraient également être inclus dans ces offres globales les services de suivi et de contrôle de l’exécution du contrat.

H. CONSTRUIRE « L’ÉQUIPE DE FRANCE » DE L’EXPORT

1. Chasser en meute et éviter les concurrences fratricides destructrices : la nécessaire solidarité de l’équipe de France

Il semble qu’à l’inverse de certains pays – l’exemple de l’Allemagne étant le plus souvent cité – la France peine à présenter un front commun à l’export. Cela relève de l’évidence et n’est en rien condamnable, l’objet social de chaque entreprise considérée individuellement est de faire la promotion de ses propres produits pour son propre profit. Chacune est par ailleurs détentrice de brevets, de technologies, de savoir-faire dont il est légitime qu’elle assure la protection, y compris vis-à-vis de ses compétiteurs nationaux. En outre la concurrence est par nature créatrice, elle pousse à l’innovation, à l’amélioration permanente, à la recherche des solutions les plus compétitives, et permet d’apporter aux clients potentiels des réponses multiples à leurs besoins en leur proposant des offres différenciées.

Il ne s’agit évidemment pas d’envisager la fusion de l’ensemble des entreprises de notre BITD au sein d’un méta-conglomérat unique ou de (re)nationaliser l’industrie de défense. Toutefois, il apparaît que des efforts en termes de coopération, de cohérence, de solidarité pourraient être profitables à l’ensemble des industriels. Alors que l’état d’esprit du « chacun pour soi » semble largement dominer au sein des entreprises françaises et, notamment, des grands groupes – ce qui, encore une fois, n’est pas étonnant du fait de leur taille –, d’autres BITD étrangères font preuve d’un « esprit de corps » beaucoup plus développé et qui, tout en restant dans les limites du possible dans le monde des affaires, leur permet de bénéficier d’un avantage certain à l’export.

Cette difficulté à travailler collectivement ou, du moins, à se représenter collectivement, est notamment flagrante à l’occasion des salons d’armement où, alors que les entreprises de certains pays, quelle que soit leur taille, sont regroupées au sein du même pavillon, les sociétés françaises font « bande à part » – certaines étant, il est vrai, multinationales. Il faut toutefois reconnaître que l’existence d’associations regroupant les différents acteurs d’une filière – GICAT (80), GICAN (81), GIFAS (82), Comité Richelieu, CIDEF (83) qui regroupe les précédentes associations – vient nuancer ce propos. Par ailleurs, la structure industrielle française a aussi conduit à l’émergence d’entreprises majeures opérant dans des domaines souvent bien distincts, ce qui amenuise d’autant les risques d’une concurrence frontale.

Il n’en demeure pas moins qu’il convient d’éviter à tout prix les luttes fratricides qui peuvent entraîner, notamment, des surenchères en termes de spécifications et des stratégies de « dénigrement croisé » au risque de perdre les marchés. Compte tenu de la sensibilité du domaine et de ses implications, y compris en termes politiques et stratégiques, et si les industriels eux-mêmes s’avèrent incapables d’aplanir leurs différends et de présenter un front uni, il appartient à l’État d’encourager la coopération entre eux et de jouer un rôle d’arbitrage. La concurrence est nécessaire, mais il faut parfois la tempérer afin qu’elle n’aboutisse pas à un échec collectif.

Au-delà des problématiques industrielles et actionnariales objectives, la question de la solidarité est avant tout culturelle. Pour reprendre une image populaire, notre BITD doit s’affranchir de quelques cas persistants de syndrome du « village d’Astérix ».

2. Inciter au développement d’entreprises de taille critique

Un double phénomène de massification est à l’œuvre au sein du marché de l’armement. Tout d’abord, il s’agit d’un marché mondial porté par une demande globale en croissance dans de nombreuses zones. Il se caractérise également par une concurrence de plus en plus nombreuse et de plus en plus vive. Aussi, pour répondre à cette demande comme pour faire face à cette concurrence, « l’effet taille » compte.

Des groupes atteignant une taille critique sont susceptibles de bénéficier d’une force de frappe démultipliée et de proposer aux clients potentiels une gamme élargie de produits et de bénéficier d’économies d’échelle, tandis que leur existence minimise les risques de concurrence destructrice entre les industries nationales. C’est pourquoi il importe de favoriser et d’accompagner politiquement le regroupement d’entreprises, autant que faire se peut et dans le respect de la cohérence et de l’identité industrielles – cohérence des gammes notamment – et dans l’hypothèse où une telle opération répond aux critères de la rationalité économique.

Au-delà des regroupements sur une base nationale, ceux-ci peuvent également s’opérer au plan européen – ainsi qu’en témoigne le projet de fusion entre le Français Nexter et l’Allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW) dans le cadre du projet KANT (84) – voire international, dès lors que ceux-ci se justifient au plan industriel et dans les limites de la préservation des intérêts nationaux de chaque pays compte tenu de la spécificité du secteur de la défense.

Il s’agit également de soutenir tous les efforts tendant à la coopération européenne en matière de défense, dès lors que ceux-ci n’entrent pas en contradiction avec nos intérêts stratégiques et politiques nationaux. La mise en œuvre commune de programmes majeurs, à l’image du programme A400M, fruit de la coopération entre sept pays européens et membres de l’OTAN (85), doit être recherchée dans la mesure où elle permet la conception de produits de qualité utiles à nos armées et valorisables à l’export.

I. LA FUTURE SOCIÉTÉ DE PROJET : DES POTENTIALITÉS QUI RESTENT ENCORE À DÉTERMINER AVEC PRÉCISION

Présentant les premiers contours de ce qui pourrait devenir une société de projet ou SPV (Special Purpose Vehicule), le ministre de la Défense avait assuré que celle-ci pourrait « permettre, en fonction du choix des équipements identifiés, de conforter notre offre à l’exportation » (86).

Rappelons que, d’après les informations encore peu consistantes qui ont été communiquées par le ministère, la ou les SPV, ont vocation à :

– acheter à l’État des équipements, y compris en cours de conception et donc non encore livrés (ce qui produirait une recette pour l’État) ;

– pour les louer par la suite au ministère de la Défense.

En substance, la SPV rachèterait à l’État des matériels qu’il peut avoir déjà payés et en deviendrait dès lors propriétaire pour les relouer immédiatement à l’État via le ministère de la Défense. L’État percevrait donc le prix d’acquisition initial et reverserait ensuite des loyers à la SPV. L’ensemble s’analyse comme une opération de crédit-bail (ou leasing), à la différence près que l’utilisateur
– l’armée – acquerra forcément le bien in fine (dans le cadre d’un crédit-bail, le bénéficiaire peut soit acquérir le bien, soit le restituer).

On déduit des propos précités du ministre que la SPV pourrait proposer ce type de service non seulement aux armées françaises, mais également aux potentiels clients étrangers. L’octroi d’une telle facilité de financement aux clients serait effectivement bénéfique pour eux et présenterait probablement un avantage supplémentaire à l’export. On peut toutefois se demander si, à court terme, une telle opération serait bénéfique pour l’État et pour les finances publiques, dès lors que les matériels seraient rachetés par la SPV dont les ressources proviendraient, au moins pour partie, de fonds publics. Élargir son champ d’intervention nécessiterait donc de renforcer ses capacités d’acquisition.

Il est cependant malaisé de rendre un jugement a priori, qu’il soit positif ou négatif, dans la mesure où la société de projet reste encore elle-même à l’état de projet. Les réflexions conduites dans les mois à venir devraient permettre de clarifier un certain nombre de questions.

TROISIÈME PARTIE

LE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT, UNE FORME INDIRECTE MAIS ESSENTIELLE DE SOUTIEN

Même si une telle assertion n’est pas forcément intuitive, le contrôle des exportations peut être un facteur important de soutien. Inadapté ou inutilement tatillon, il peut constituer un désavantage compétitif. À l’inverse, un système de contrôle crédible, bien ciblé, robuste et efficace peut participer pleinement du soutien aux exportations : pour les industriels, en ce qu’il autorise concrètement le flux commercial ; pour les clients, dont l’achat se voit sécurisé dès lors que l’autorisation délivrée par l’autorité de contrôle vaut respect des procédures. Dans l’hypothèse où le contrôle est bien calibré, le contrôleur n’est pas celui qui empêche l’exportation ; c’est celui qui permet qu’elle se réalise, conférant une sécurité juridique à l’opération.

I. LA RÉNOVATION DU SYSTÈME FRANÇAIS DE CONTRÔLE

Les développements qui suivent n’ont pas vocation à entrer dans le détail de la récente réforme du contrôle, laquelle a déjà fait l’objet de travaux parlementaires en 2011 dans le cadre des débats sur le projet de loi consacré à la transposition, en droit national, du « paquet Défense » (87). À cet égard, on pourra utilement se reporter au rapport très complet de notre collègue Yves Fromion, alors rapporteur du projet de loi au nom de la commission de la Défense (88).

Il s’agira davantage de faire un premier bilan de cette réforme – nécessairement partiel compte tenu du caractère récent des nouvelles dispositions – et d’explorer les éventuelles voies d’amélioration du dispositif, dans la perspective d’une possible modification de la législation et de la réglementation en vigueur puisque la Commission européenne doit à nouveau se saisir de la question des transferts intracommunautaires de produits de défense en 2016.

En outre, le fonctionnement de la commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU), qui ne fait pas partie du cœur du sujet du présent rapport, ne sera pas traité.

A. LE CONTRÔLE DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT : ASPECTS GÉNÉRAUX

1. La finalité du contrôle

La finalité essentielle du contrôle des exportations d’armement et de matériels sensibles est la défense des intérêts stratégiques de la France, qu’ils soient d’ordre sécuritaire, diplomatique, technologique, industriel ou économique.

Les autorités françaises doivent contrôler de manière rigoureuse les exportations de matériels pouvant mettre en péril la sécurité de la Nation ou celle de nos alliés, compromettre la sécurité de nos forces déployées sur des théâtres extérieurs ou, plus largement, menacer nos intérêts ou bouleverser la stabilité et les équilibres régionaux. Ainsi, la politique de contrôle tend à prévenir aussi bien la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs que la dissémination des armements conventionnels. Elle vise notamment à lutter contre les trafics d’armes susceptibles de porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales en exacerbant les tensions sécuritaires et en alimentant les conflits régionaux.

Cela a été rappelé dans la première partie du présent rapport, la France participe aux travaux des différents régimes multilatéraux liés à la maîtrise des armements, au désarmement et à la non-prolifération (89). Elle est également liée par plusieurs conventions internationales (90) et met en œuvre les régimes de sanctions des différentes institutions, comme le Conseil de sécurité des Nations unies, l’Union européenne ou l’OSCE. Le respect et l’implication de la France dans les différents traités et institutions relève tout autant des responsabilités qui lui incombent que de l’intérêt qu’elle en retire à promouvoir une convergence des instruments et des pratiques.

Les autorités de contrôle doivent également anticiper les conséquences technologiques, industrielles et économiques induites par les exportations d’armement. La diffusion incontrôlée des technologies et des savoir-faire nationaux peut en effet favoriser l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché de l’armement et fragiliser à terme le positionnement des entreprises françaises sur ce marché déjà très concurrentiel.

2. Les principes du contrôle

Le contrôle des exportations est une étape indispensable et préalable au développement de la relation commerciale. Il s’inscrit dans le cadre d’une politique responsable, respectueuse de nos engagements internationaux et consciente des risques liés à la prolifération, à la dissémination des armes et leurs effets potentiellement déstabilisateurs. Sont naturellement pris en compte les risques d’utilisation à l’encontre de nos propres intérêts, de nos propres forces armées ou celles de nos alliés.

Le contrôle des exportations repose sur plusieurs principes fondamentaux qui sont :

– le principe de prohibition ou d’autorisation préalable, selon que l’opération envisagée est une exportation – hors de l’Union européenne – ou un transfert – au sein de l’Union européenne. Ce principe engage la responsabilité du Gouvernement sur chaque dossier ;

– le principe de l’interministérialité de l’instruction des demandes d’autorisation des exportations. Il aboutit à ce que les décisions soient prises in fine au niveau du Premier ministre ou, par délégation, par le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ce principe implique que chaque demande d’autorisation d’exportation soit analysée dans toutes ses dimensions : opérationnelles, économiques et techniques, diplomatiques et politiques ;

– le dernier principe est celui de la séparation au sein de l’administration entre fonction de soutien et fonction de contrôle.

3. Un contrôle robuste et bien calibré est un facteur de soutien aux industriels

Un contrôle robuste, transparent et responsable constitue une aide précieuse pour l’activité des industriels de défense et la promotion de leurs matériels. La fiabilité des partenaires et leur respectabilité sont en effet devenues des gages incontournables pour la mise en place de coopérations sensibles, au même titre que le soutien politique, financier et juridique des États.

Le contrôle des autorités publiques offre ainsi une sécurité juridique aux industriels de la défense. En garantissant leur conformité au droit français et aux engagements internationaux de notre pays, il permet aux entreprises d’optimiser leurs efforts économiques et commerciaux. Il constitue également une garantie forte pour le client qui profite également de cette sécurité juridique.

Par ailleurs, l’évaluation interministérielle des risques économiques et industriels permet de mieux protéger les savoir-faire nationaux, en particulier dans le cadre des transferts de technologies qui sont de plus en plus souvent exigés par les clients étrangers. Ceci contribue à prévenir la diffusion incontrôlée et la copie des technologies de nos industriels qui pourraient favoriser à terme l’émergence de nouveaux concurrents internationaux.

La rigueur du contrôle français permet enfin de sécuriser les prospects des industriels, de renforcer leur crédibilité et de consolider avec leurs partenaires internationaux des relations solides et durables.

Le contrôle des exportations et le soutien aux exportations ne sont donc pas antagonistes. Au contraire, ils s’inscrivent tous deux dans une démarche cohérente et complémentaire au service des intérêts de la Nation.

B. LE PROCESSUS DE CONTRÔLE : LE RÔLE CENTRAL DE LA CIEEMG

Compte tenu de l’entrée en vigueur progressive de la réforme de 2011, des mesures transitoires ont été mises en place. Les agréments préalables et les autorisations d’exportation de matériels de guerre délivrés avant le 4 juin 2014 pourront être utilisés par les opérateurs jusqu’au terme de leur validité mais ne pourront pas être renouvelés. Pour les besoins d’exportations liés à ces autorisations, l’administration délivrera des licences au cas par cas, en tenant compte des matériels couverts par l’autorisation et de ceux déjà exportés dans l’ancien système.

1. Composition et moyens affectés

a. Une commission interministérielle

La commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) est placée auprès du Premier ministre (91). Elle est présidée par le SGDSN qui en assure également le secrétariat. Outre le SGDSN elle réunit :

– les représentants issus des « ministères à voix délibérative » (MVD) : ministères de la Défense, des Affaires étrangères, de l’Économie ;

– d’autres services de l’État tels que la direction générale des Douanes et des droits indirects (DGDDI), le ministère de la Recherche ou les services de renseignement.

L’avis de la CIEEMG est obligatoire avant toute décision sur une exportation de matériel de guerre et assimilé. Pour les cas les plus simples, soit 20 % des dossiers, la CIEEMG peut rendre ses avis par voie dématérialisée. Dans les autres cas, les avis sont rendus en séance plénière, réunie une fois mois. Dans le cadre de la réforme le 2011, le déploiement du logiciel SIGALE (92), corollaire du passage à la licence unique, devrait permettre d’inverser ce rapport et de traiter 80 % des dossiers par voie dématérialisée.

b. Les moyens affectés à la CIEEMG

Le secrétariat de la CIEEMG est assuré par six agents à temps plein appartenant au SGDSN. Elle bénéficie en outre de l’expertise d’agents de l’État issus des différents ministères mentionnés et notamment au ministère de la Défense (EMA, DGA et direction des affaires stratégiques en particulier). Au total, le « réseau CIEEMG » d’experts et décideurs comprend environ 500 personnes.

La CIEEMG reçoit environ 400 demandes nouvelles par mois, dont 2 à 3 % sont refusées. Chaque année, ce sont 4 000 à 4 500 nouvelles demandes qui sont traitées, et autant de demandes de rectificatif.

2. Fonctionnement de la CIEEMG pré-réforme

a. Procédure d’examen des demandes

Dans le cadre du système antérieur à la réforme, les opérations d’exportation de matériels de guerre faisaient l’objet d’un contrôle en deux phases.

La première correspondait à la délivrance d’un agrément préalable (AP) du gouvernement qui permettait aux exportateurs de promouvoir leurs matériels et de prendre commande. Il était donné par le Premier ministre ou, par délégation, par le SGDSN.

La seconde, l’autorisation d’exportation de matériels de guerre (AEMG), était nécessaire pour que les matériels franchissent la frontière et soient transférés jusqu’au client du pays destinataire. Elle était délivrée par le ministre chargé des douanes après avis du Premier ministre, des ministres chargés de l’Économie, des Affaires étrangères, de la Défense et du Budget.

LES DIFFÉRENTES PHASES DU CONTRÔLE À L’EXPORTATION DES MATÉRIELS DE GUERRE SOUS L’ANCIENNE PROCÉDURE

Schéma d'exportation des matériels de guerre

Source : Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Comme cela a été rappelé et comme cela est toujours le cas, la CIEEMG peut rendre ses avis par voie dématérialisée ou après réunion en séance plénière. Dans le cadre de la séance plénière, la CIEEMG étudie les demandes qui lui sont soumises et émet des avis pouvant être assortis de réserves (désormais dénommées « conditions » dans le cadre de la nouvelle procédure). Chaque demande est étudiée à l’aune de critères nationaux (sécurité des forces, intérêts stratégiques, économiques, industriels, etc.) et internationaux (respect de la Position commune, des embargos, etc.). Par délégation du Premier ministre, le SGDSN signe les autorisations et les refus, qui sont notifiés aux industriels par le ministère de la Défense. La CIEEMG est également en charge des transits de matériels de guerre et des levées de clauses de non réexportation.

En pratique, les demandes des industriels sont adressées à la DGA qui constitue l’autorité de classement chargée de déterminer si un matériel relève ou non de la catégorie « matériel de guerre ou assimilé ».

Si tel est le cas, la demande est soumise à un travail d’analyse interministériel puis à la CIEEMG. L’avis de la CIEEMG s’établit par consensus entre les quatre « membres à voix délibératives » : le SGDSN, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Économie et le ministère de la Défense. Les critères d’aide à la décision sont consignés dans des « directives à haut niveau » établies à intervalles réguliers et validées par le cabinet du Premier ministre.

S’il n’y a pas de consensus, l’arbitrage est effectué par le cabinet du Premier ministre.

b. Des volumes financiers traités qui ne sont pas représentatifs des flux commerciaux réels ou du montant total des matériels exportés

Un agrément préalable représente le cadre maximal de ce qui est accordé mais pas nécessairement le périmètre d’un éventuel contrat qui sera signé in fine, à l’intérieur de ce cadre. Par ailleurs, plusieurs agréments préalables délivrés peuvent se référer à une même opération, lorsque celle-ci suit des circuits commerciaux différents par exemple.

Ceci explique la différence substantielle constatée entre le volume global des agréments préalables délivrés – près de 200 milliards d’euros – et le montant des ventes effectives – de quatre à six milliards d’euros selon les années.

c. Les délais de traitement des demandes

Dans le cadre du système antérieur à la réforme, 98 % des autorisations individuelles d’exportation étaient délivrées en moins de 60 jours ouvrés, 75 % en moins de 40 jours et 40 % en moins de 20 jours.

Malgré des délais jugés globalement satisfaisants par la plupart des industriels, la baisse du temps d’examen des dossiers reste un souhait récurrent et compréhensible – dans les limites imposées par l’exercice même du contrôle.

La mise en place du système SIGALE entraînera une amélioration des délais de traitement du fait de la dématérialisation des procédures et de la diminution du nombre des dossiers traités en CIEEMG.

3. Des procédures rénovées dans le cadre du « paquet Défense » : la CIEEMG « nouvelle génération »

La réforme du système de contrôle étant officiellement entrée en vigueur le 4 juin 2014, il est encore trop tôt pour porter un jugement précis et complet sur les avancées induites par celle-ci, d’autant qu’elle n’est pas encore totalement achevée. Pour autant, certains éléments sont d’ores et déjà pleinement opérationnels, à l’image du contrôle a posteriori.

a. Les deux directives du « paquet Défense » et la loi de 2011 : bref rappel

Le « paquet Défense » se compose de deux directives.

La première est la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009 « simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté », dite directive sur les transferts intracommunautaires ou directive TIC. C’est la transposition de cette directive qui a conduit à la réforme du système français de contrôle.

La seconde est la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 « relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité », plus communément appelée directive marchés publics de défense et de sécurité ou directive MPDS.

La loi n° 2011-702 (93), qui transpose en droit national le « paquet Défense » introduit désormais une distinction entre :

– les « transferts » : pour les opérations effectuées au sein de l’Union européenne et qui sont régies par la directive TIC telle que transposée en droit interne ;

– et les « exportations » : pour les opérations hors de l’Union européenne et pour lesquelles chaque État reste libre de déterminer les principes de contrôle. En l’espèce, la France a fait le choix de généraliser les outils prescrits par la directive TIC à l’ensemble des exportations.

En outre, la réforme crée un système de licence unique, détaillé ci-après, en lieu et place du système de double autorisation (AP et AEMG). Elle prévoit enfin une simplification des procédures de contrôle a priori, ainsi que la suppression des demandes d’autorisation d’importation et de transit d’une part, et des déclarations en douanes pour les échanges intracommunautaires d’autre part. En contrepartie, la directive prévoit le renforcement des procédures de contrôle interne des entreprises certifiées et le développement du contrôle a posteriori.

La directive TIC a donc eu une grande incidence sur le système national de contrôle puisque c’est à l’occasion de sa transposition qu’a été entreprise une profonde réforme de celui-ci. Le changement majeur est sans conteste le passage à la licence « unique » pour les transferts et les exportations, qui a vocation à remplacer les deux autorisations requises jusqu’alors (AP et AEMG).

Dans ce cadre, la loi crée trois types de licences susceptibles d’être sollicitées pour les exportations comme pour les transferts intracommunautaires : les licences générales, et les licences individuelles ou globales (94).

b. Le traitement des demandes : les différentes catégories de licences

Comme son nom l’indique, la licence unique permet de remplacer par un seul acte administratif le système actuel à deux temps de l’agrément préalable – qui permet de négocier et de signer un contrat – et de l’autorisation d’exportation de matériel de guerre – qui permet d’expédier le matériel hors de France.

Les licences peuvent être assorties de conditions (équivalent des « réserves » sous l’ancienne procédure) bloquantes ou non bloquantes pour l’exportation et d’engagements de non-réexportation. Les trois types de licences sont présentés ci-après.

● La licence générale

Prenant la forme d’un arrêté, la licence générale permet aux opérateurs (95) d’effectuer des opérations d’exportation ou de transfert ainsi que toutes les opérations commerciales préalables (96), sans avoir à solliciter préalablement de licence individuelle pour chacune des opérations envisagées.

Pour pouvoir bénéficier de ce régime, l’opérateur doit satisfaire à certaines conditions :

– être établi en France ;

– faire une déclaration et se faire délivrer un numéro d’enregistrement par la DGA lors de sa première utilisation d’une licence générale (« primo-enregistrement ») ;

– exporter ou transférer vers un destinataire répondant également à certaines conditions, notamment le fait d’être certifié dans le cas d’une entreprise ou d’un service étatique.

La licence générale concerne uniquement les matériels de guerre et assimilés les moins sensibles, dont les exportations ou transferts sont effectués à destination de pays fiables. Les utilisations des licences générales ne sont pas vues en CIEEMG, les contrôles étant effectués a posteriori. Il existe à l’heure actuelle neuf licences générales.

● Les licences individuelles et globales

Elles se traduisent par un accord écrit du Premier ministre délivré préalablement à l’exportation ou au transfert de matériels de guerre et assimilés et de produits liés à la défense dont la liste est définie par arrêté (97). Elles sont également susceptibles de couvrir toutes les opérations commerciales préalables.

Il existe deux types de licences individuelles et deux types de licences globales, chacun concernant alternativement les opérations d’exportation ou les opérations de transfert :

– la licence individuelle d’exportation ou de transfert est ouverte à l’opérateur établi en France désirant expédier, en une ou plusieurs fois, à un destinataire identifié, un ensemble de matériels de guerre ou assimilés ;

– la licence globale d’exportation ou de transfert est ouverte à l’opérateur établi en France, désirant expédier, pour une durée déterminée, à un ou plusieurs destinataires identifiés, un ensemble de matériels de guerre ou assimilés, sans limitation de quantité ni de montant.

Les infographies ci-dessous résument le passage de la phase transitoire aux procédures CIEEMG « nouvelle génération ».

L’ÉVOLUTION DU CONTRÔLE DES EXPORTATIONS D’ARMEMENT

Source : ministère de la Défense, Rapport au Parlement 2013 sur les exportations d’armement de la France.

c. Le circuit de délivrance des licences

Les demandes de licences doivent être déposées par les industriels sur le portail internet de SIGALE. Si la demande est jugée recevable par la DGA, elle est adressée aux différents acteurs de la CIEEMG pour un traitement dans le logiciel. L’avis de la CIEEMG est obtenu de manière dématérialisée, par consensus entre les quatre membres à voix délibérative.

La CIEEMG plénière continue de se réunir chaque mois. Elle examine uniquement les dossiers ne pouvant pas être traités par voie dématérialisée ou ceux demandant une attention particulière, par exemple lorsque des avis divergents ou au moins un avis défavorable auront été prononcés.

Concrètement, les avis émis par la CIEEMG plénière peuvent relever de l’une des quatre catégories suivantes : « favorable », « favorable sous condition », « défavorable » ou « ajournement de xx mois ». En cas de difficulté pour dégager un consensus, la CIEEMG plénière pourra également renvoyer la formulation de son avis à une réunion post-CIEEMG, sous arbitrage du cabinet du Premier ministre.

Après avis de la CIEEMG et décision favorable du Premier ministre (ou du SGDSN par délégation), la licence sera signée par la douane.

À l’expiration d’un délai de neuf mois, le silence gardé par l’autorité administrative sur une demande de licence vaut décision implicite de rejet.

d. La certification des entreprises destinataires de produits liés à la défense dans le cadre des licences générales

En application de l’article L. 2335-16 du code de la défense, les entreprises souhaitant être destinataires de produits liés à la défense transférés au titre des licences générales délivrées par les autres États membres de l’Union européenne doivent préalablement obtenir une certification « attestant de leur fiabilité ». Celle-ci est déterminée au regard d’un certain nombre de critères liés à leur organisation et leur fonctionnement. Il s’agit notamment de s’assurer du respect des clauses de non réexportation et de la bonne utilisation finale des produits transférés. En France, l’autorité compétente pour la délivrance des certifications est la DGA.

Le but de la certification est d’instaurer une confiance réciproque et une sorte de reconnaissance mutuelle entre les différents États membres. En tant que certificateur de l’entreprise destinataire des produits, l’État de destination apporte des garanties de fiabilité à l’État de provenance desdits produits, facilitant et fluidifiant ainsi les échanges intracommunautaires au titre des licences générales.

La certification n’est pas une obligation, il s’agit d’une démarche volontaire de l’entreprise. De fait, les principales sociétés concernées sont celles qui présentent « une forte activité intégratrice » (98), c’est-à-dire qu’elles se fournissent largement en sous-systèmes et composants dans d’autres États membres.

C. LE DÉVELOPPEMENT DU CONTRÔLE A POSTERIORI

1. Les principes du contrôle a posteriori

Le contrôle a posteriori, sur pièces et sur place, a été instauré en contrepartie d’un allégement du contrôle a priori.

Afin que l’administration puisse l’exercer, les entreprises exportatrices sont tenues de renseigner un registre de leurs opérations commerciales, de rendre compte au ministère de la Défense de leurs prises de commande et livraisons et de lui transmettre les contrats afférents au fur et à mesure de leur établissement. Ainsi, quel que soit le type de licence utilisé, les industriels doivent faire un compte rendu semestriel de leurs exportations. Sans préjudice des contrôles douaniers, le contrôle a posteriori s’opère sur pièces et sur place, sur la base de ces comptes rendus.

Une instance spécifique, le comité ministériel de contrôle a posteriori des exportations et des transferts de matériels de guerre et assimilés (CMCAP), a été créée afin de piloter ce contrôle et, le cas échéant, pour instaurer un système d’information réciproque entre l’autorité judicaire et le ministre de la Défense dans l’hypothèse où des faits découverts à l’occasion du contrôle seraient susceptibles d’entraîner une action pénale (99). Le comité a pour missions :

– d’approuver les procédures de contrôle ;

– de fixer les priorités du contrôle et d’en arrêter le programme ;

– de formuler un avis sur les suites à donner aux procès-verbaux de contrôle ;

– de proposer les évolutions réglementaires nécessaires.

Le contrôle dispose de 29 agents du ministère de la Défense assermentés et habilités, dont 27 appartiennent à la DGA, et deux membres du contrôle général des armées (CGA). Six agents sont spécifiquement affectés au contrôle sur place, les autres étant chargés du contrôle sur pièces.

Près de 400 sociétés sont titulaires d’au moins une autorisation d’exportation. Afin de déterminer ses priorités de contrôle et d’établir la liste des entreprises qui doivent faire l’objet d’un contrôle sur place, le comité a mis en place une analyse des risques lui permettant de déterminer avec le plus de pertinence les entreprises devant faire l’objet de telles vérifications.

Pour cibler et mener le contrôle, le CMCAP s’appuie sur trois critères d’analyse :

– un axe « nature de l’exportation » : sont notamment prises en considération les capacités militaires et la nature des biens exportés, la destination et les utilisateurs finaux des matériels, les pays et zones d’exportation ou encore les circuits commerciaux utilisés. Les membres de la CIEEMG évaluent principalement ces risques dans le cadre du contrôle a priori et le CMCAP en tient compte dans sa propre analyse. À titre d’exemple, en 2013, le CMCAP a ciblé notamment les entreprises commercialisant des moyens de détection et de protection NBC (100) ;

– un axe « nature de l’autorisation » : en fonction de la nature de la licence utilisée et des conditions qui y sont associées, les risques de non-respect de la réglementation varient. Plus le périmètre d’une licence est large, plus le contrôle a posteriori s’avère important. Le contrôle porte également sur le respect des éventuelles conditions attachées à une licence ;

– un axe « société » : il s’agit de tenir compte de la qualité du contrôle interne mis en place par les sociétés pour gérer les exportations de matériels de guerre. Les résultats du contrôle sur pièces et des contrôles antérieurs permettent d’en apprécier le niveau.

Avant chaque intervention, le CMCAP adresse des directives précises aux agents chargés de la mener (contrôle exhaustif d’une référence, d’un contrat, d’un client). Ces orientations sont consignées dans les procès-verbaux de chacune des réunions du comité.

2. Bilan des premiers contrôles

En deux ans d’exercice, 74 sociétés ont fait l’objet d’un contrôle sur place, 42 entreprises étant inscrites au programme de contrôle au titre de 2015. Du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, 570 opérations commerciales ont été contrôlées au sein de 35 sociétés différentes. Les biens livrés contrôlés représentaient un montant de plus de 166 millions d’euros. Sur cette période, le taux d’opérations contrôlées s’élève à 1,5 % des opérations déclarées. La modestie de ce taux ne doit pas conduire à minimiser l’intérêt du contrôle. En effet, les agents exercent un travail préalable de sélection et de filtrage qui permet de l’orienter sur les opérations les plus sensibles ou sur celles pour lesquelles une incohérence potentielle avait été détectée.

RÉPARTITION DES ENTREPRISES CONTRÔLÉES EN FONCTION
DE LEUR CHIFFRE D’AFFAIRES

(en millions d’euros)

Source : CMCAP.

Au cours de ces contrôles, 72 infractions à la réglementation ont été relevées, allant de la simple négligence dans la rédaction des comptes rendus adressés à l’administration à l’exportation sans autorisation. De tels écarts ont été relevés dans tous les types de sociétés, PME comme grands groupes.

TYPOLOGIE DES ÉCARTS ET INFRACTIONS PRÉSUMÉS

Écart/infraction présumés

Occurrence

Exportation sans autorisation

3 %

Omission d’une information obligatoire du registre

8 %

Erreurs et négligences dans la rédaction des comptes rendus

42 %

Non-respect des termes d’une licence

47 %

Total

100 %

Source : CMCAP.

Suite à un contrôle, le CMCAP peut prendre les mesures suivantes :

– demande d’explications complémentaires ;

– mise sous surveillance à travers le renforcement du contrôle sur pièces ;

– renouvellement du contrôle sur place ;

– lettre de rappel à la loi ;

– transmission du procès-verbal au SGDSN afin qu’il prenne d’éventuelles sanctions administratives (suspension, abrogation ou retrait de licence) ;

– dénonciation des faits constatés au procureur de la République territorialement compétent dans l’hypothèse où ceux-ci seraient constitutifs d’une infraction pénale.

SUITES DONNÉES PAR LE CMCAP À L’ISSUE DES CONTRÔLES SUR PLACE

Mesure

Occurrence

Dénonciation au procureur de la République

3 %

Rappel à la loi

3 %

Nouveau contrôle en 2014

3 %

Contrôle des comptes rendus

8 %

Compléments d’information

23 %

Aucune suite

60 %

Total

100 %

Source : CMCAP.

D. LE CONTRÔLE DES FLUX PHYSIQUES : L’ACTION DE LA DOUANE

Outre sa participation, en amont, à la CIEEMG dans le cadre de la délivrance des licences de transfert et d’exportation d’armement, la douane intervient naturellement en aval, dans le cadre de sa mission de police des flux de marchandises, les contrôles effectués à ce titre pouvant aboutir à des saisies.

1. L’allégement des procédures douanières suite à la transposition du « paquet Défense »

Par principe, tout flux tiers de marchandises, qu’il s’agisse d’opérations d’importation ou d’exportation, doit faire l’objet d’une déclaration en douane.

Ainsi, avant la transposition du « paquet Défense » en droit national, les transferts intracommunautaires de matériels de guerre étaient soumis à une telle procédure. En outre, les transferts intracommunautaires comme les exportations de matériels de guerre nécessitaient au préalable la délivrance d’une attestation de passage en douane (APD).

Suite à l’adoption de la loi n° 2011-702, les procédures ont été considérablement simplifiées. La déclaration en douane a été supprimée pour les transferts intracommunautaires, seules les opérations d’exportation de matériels de guerre y restant soumises. Les APD ont, quant à elles, été supprimées tant pour les transferts que pour les opérations d’importation et d’exportation. En contrepartie de la suppression des APD, les industriels sont tenus de fournir des comptes rendus semestriels faisant état de leurs différentes opérations (commandes et expéditions de matériels).

2. Les saisies douanières

Cela a été rappelé, la France applique un principe général de prohibition dans le domaine des exportations d’armement. C’est donc logiquement que l’article 38 du code des douanes les assimile à des prohibitions douanières. En conséquence, la violation de ces dispositions et, notamment, toute fausse déclaration, constitue un délit douanier de première classe assimilé à une exportation sans déclaration de marchandises prohibées. À ce titre et en application de l’article 414 du code des douanes, un tel délit est passible de trois ans de prison, de la confiscation des marchandises, des moyens de transport, des avoirs qui sont le produit direct ou indirect de l’infraction et d’une amende comprise entre une et deux fois la valeur des marchandises en cause. Ces peines sont susceptibles d’être alourdies dans certains cas (10 ans de prison et une amende égale à cinq fois la valeur de l’objet de la fraude lorsque le délit est commis en bande organisée par exemple).

La saisie d’armes et de matériels de guerre peut s’effectuer à l’issue de différents types de contrôles douaniers :

– les contrôles ex ante : avec la vérification de la déclaration déposée dans les bureaux de douane (101) – les services pouvant recourir à l’expertise de la DGA – et, éventuellement, le contrôle des moyens de transport (102) ;

– les contrôles ex post : il peut s’agir du contrôle des locaux professionnels, des visites domiciliaires ou de l’exercice du droit de communication (103), ces contrôles pouvant être effectués auprès de toutes les personnes physiques ou morales intervenant dans le processus d’une exportation de matériels de guerre ;

– les contrôles à la circulation.

Les contrôles a posteriori sont effectués en entreprise dans les trois ans suivant l’importation ou l’exportation des marchandises. La direction des enquêtes douanières (DED) dispose d’un service spécialisé sur les trafics de matériels de guerre et de biens à double usage. Ces contrôles ont pour but de vérifier la régularité d’opérations antérieures et, en cas d’irrégularités avérées, d’en sanctionner les auteurs.

La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) comporte un service spécialisé dans les trafics de matériels de guerre, biens à double usage et violations d’embargos. Il est le correspondant, dans ce domaine, des autres services de renseignement français ainsi que des services nationaux d’investigation douanière des autres États.

La DNRED agit soit de sa propre initiative, soit pour l’exploitation de renseignements obtenus directement ou communiqués par les autres services spécialisés de renseignement (104) et, à ce titre, membres du conseil national du renseignement (CNR).

Statistiquement, les armes à feu et matériels de guerre représentent une faible part des saisies d’armes effectuées par la douane, soit environ 15 % (105). Il s’agit notamment de revolvers, de pistolets semi-automatiques, de carabines, de fusils, de fusils d’assaut, de fusils mitrailleurs, de fusils à pompe, de lance-roquettes ou encore de mitrailleuses. Entre 2009 et 2013, les services de la douane ont saisi en moyenne 4 047 armes par an, ces statistiques comprenant les délits de contrebande, d’importation ou d’exportation sans déclaration.

3. Vers un meilleur suivi des flux physiques : l’interconnexion des systèmes d’information de la DGA et de la douane

Le suivi des flux physiques et un élément essentiel de la traçabilité et du contrôle des exportations d’armement. C’est pourquoi le fichier SIGALE doit être raccordé à DELT@, le système de suivi de la douane.

Cette interconnexion entre les systèmes d’information, qui doit être opérationnelle début 2015, sera bénéfique à l’ensemble des acteurs de la chaîne export :

– les bureaux de douane seront en mesure d’automatiser les contrôles documentaires et de procéder électroniquement à l’imputation des licences ;

– la DGA disposera, sur les exportations, de statistiques fiables issues de DELT@ ;

– la DGDDI et la DGA verront le dispositif de contrôle sécurisé via l’automatisation et la systématisation des contrôles documentaires lors de l’accomplissement des formalités douanières d’exportation ;

– les opérateurs n’auront plus à se déplacer physiquement au bureau de douane et profiteront, en outre, d’une réduction des délais d’immobilisation des marchandises lors de l’accomplissement des formalités douanières d’exportation.

II. L’AVENIR DU CONTRÔLE

A. UN PREMIER BILAN DU NOUVEAU SYSTÈME

Si le nouveau système simplifie les procédures et garantit une meilleure fluidité des échanges, il n’en demeure pas moins rigoureux. Ni inutilement tatillon ni trop lâche, il permet une meilleure conciliation entre l’impératif de contrôle et les contraintes des industriels. S’il reste probablement perfectible, l’ensemble des acteurs reconnaissent les progrès substantiels réalisés en la matière et c’est dans la durée que ce contrôle « nouvelle génération », encore jeune, pourra être pleinement évalué.

1. Bilan du « paquet Défense » et du contrôle « nouvelle génération »

De l’avis général des personnes auditionnées, le système de contrôle français est robuste, efficace et reconnu à l’international. En outre, la réforme entreprise dans le cadre de la transposition du « paquet Défense » a produit des avancées positives, même s’il est encore trop tôt pour pouvoir en juger pleinement compte tenu de la relative nouveauté du dispositif. Si les industriels souhaiteraient – et c’est compréhensible – voir les délais de traitement des dossiers encore réduits, ils demeurent conscients du fait que les produits de défense ne sont pas des marchandises comme les autres.

L’entrée du nouveau dispositif en « régime de croisière » avec un objectif de traitement, sous forme dématérialisée, de 80 % des demandes devrait permettre une telle réduction du temps administratif afin de le rapprocher du temps commercial. À cet égard, si la dématérialisation des procédures permettra d’accroître la productivité des services, il ne faudrait toutefois pas qu’elle entraîne une réduction des moyens humains affectés à cette mission.

D’après le CMCAP, les entreprises sont, à ce stade, relativement réservées quant au contrôle a posteriori, le jugeant étroit, pointilleux, allant à rebours de l’esprit de responsabilisation porté par la réforme et faisant peser sur elles une charge supplémentaire. Un temps d’apprentissage est sans doute nécessaire, de la part des entreprises comme de l’administration. Toutefois, il n’est pas interdit d’envisager des évolutions quant à son objet ou ses méthodes, en fonction des remontées du terrain.

En outre, et cette problématique ne relève pas du niveau national mais communautaire, il apparaît qu’un défaut d’harmonisation dans la transposition de la directive TIC par les différents États membres en a affaibli la portée.

Enfin, la procédure de certification n’a peut-être pas porté tous ses fruits. En témoigne le succès relatif du dispositif, puisque seules 34 entreprises européennes du secteur de la défense (106) figurent actuellement au registre central des destinataires certifiés de la Commission européenne (CERTIDER). D’après certains industriels et à la lecture des textes réglementaires encadrant la procédure de certification (107), on peut s’interroger sur l’intérêt d’une telle certification au regard du bilan coûts/avantages (coût administratif/facilitation des transactions notamment). M. Yves Fromion, rapporteur de la loi n° 2011-702, avait d’ailleurs anticipé ce risque, qui semble s’être réalisé : « Le rapporteur souligne que la France ne doit, en aucun cas, avoir une approche maximaliste du processus de certification. Il serait dangereux pour notre industrie de défense d’adopter des critères plus contraignants que ceux de nos partenaires. Le processus risque de devenir tellement lourd et complexe qu’aucune entreprise ne souhaitera s’y soumettre. La question est déterminante pour les PME qui n’ont pas forcément les capacités internes suffisantes pour mettre en place un circuit interne de contrôle robuste. Elles doivent s’appuyer sur l’expertise des services de l’État, au moins pour concevoir les procédures, voire pour commencer à les mettre en œuvre. » (108)

2. L’avenir du secteur de la défense selon la Commission européenne

Le 24 juin dernier, la Commission européenne a publié un rapport intitulé Une nouvelle donne pour la défense européenne (109) avançant un certain nombre de mesures – dont il est parfois malaisé d’apprécier la portée concrète – destinées à renforcer le marché unique dans le secteur de la défense, à promouvoir une industrie de défense plus compétitive et à favoriser les synergies entre recherches civile et militaire.

Sur l’achèvement du marché unique de la défense et de la sécurité et en s’appuyant sur les deux directives TIC et MPDS du « paquet Défense », la Commission entend notamment s’attaquer aux distorsions de marché et contribuer à améliorer la sécurité d’approvisionnement des États membres.

Le soutien à la compétitivité sera fondé sur deux grands axes :

– la mise en place d’un nouveau mécanisme d’élaboration des normes dans le secteur de la défense et d’une « conception commune » des normes applicables aux aéronefs militaires ;

– le soutien aux PME à travers, par exemple, l’établissement de réseaux entre des régions européennes liées à la défense, une aide aux PME du secteur confrontées à la concurrence mondiale et « des orientations pratiques pour les PME et les autorités régionales européennes en vue de clarifier la possibilité de financer sur le budget européen des projets concernant des biens à double usage ».

Quant au soutien à la recherche et au développement de synergie entre ses volets civil et militaire, la Commission envisage l’élaboration d’un nouveau programme, concrétisé par une « action préparatoire », et destiné à étudier les avantages éventuels d’un financement de l’Union européenne pour la recherche liée à la politique de sécurité et de défense commune.

En outre, la Commission entend aider les armées à réduire leur consommation énergétique, ce qui constitue probablement une mesure vertueuse et utile, mais que l’on peine à rattacher au cœur de la problématique qui est la compétitivité et l’efficacité du secteur de la défense.

En tout état de cause, la Commission doit procéder à un examen de la directive TIC d’ici fin juin 2016. Dans cette perspective, il importe que la France soit force de proposition.

B. AMÉLIORER ET PROMOUVOIR NOTRE MODÈLE DE CONTRÔLE

1. Coordonner et harmoniser au maximum les procédures entre États membres

Pour des raisons évidentes – souveraineté, autonomie stratégique et diplomatique, responsabilité des gouvernements – les systèmes nationaux de contrôle des exportations d’armement doivent demeurer de la compétence des États. Toutefois, et sans sacrifier pour autant leur cohérence et leur solidité, il est sans doute possible d’harmoniser davantage certaines procédures et certains référentiels – notamment les listes de matériels et de produits –, ce qui permettrait de fluidifier encore les échanges et de sécuriser davantage les industriels.

Par exemple, le champ des licences générales est très hétérogène selon le destinataire de celles-ci – forces armées, entreprises certifiées, etc. –, mais aussi d’un État membre à l’autre. La nature des équipements et matériels couverts par les licences générales varie ainsi considérablement, certains États se référant à la liste fournie en annexe de la directive TIC sans discrimination, d’autres élaborant leurs propres listes. Un travail d’harmonisation doit impérativement être mené à cet égard, sauf à vider de sa portée une partie de la réforme issue du « paquet Défense ».

En amont, une action doit être engagée dans le cadre de l’arrangement de Wassenaar où sont élaborées les listes de matériels de guerre et celles des biens à double usage qui servent de référence, notamment en Europe.

Au niveau européen, la France doit agir dans l’enceinte du COARM (« COnventionnal ARMs »), groupe de travail placé sous la responsabilité de la Commission et qui suit notamment l’application de la directive TIC par les différents pays européens.

Il convient que l’ensemble des États européens, et notamment ceux de la LoI (110), se saisissent pleinement du sujet de l’harmonisation dans la perspective d’une possible révision de la directive TIC. En matière de contrôle des exportations, s’il est nécessaire d’atteindre le plus haut degré d’harmonisation, celui-ci doit être recherché au niveau intergouvernemental, et non pas au sein de la Commission européenne via une extension de ses prérogatives. La compétence dans ce domaine doit demeurer nationale.

2. Responsabiliser davantage les entreprises

En complément des contrôles de régularité des opérations opérés a posteriori et ainsi que l’a suggéré le CMCAP aux rapporteurs, il pourrait être intéressant d’inciter au développement du contrôle interne des sociétés dans le domaine du « contrôle export ». L’administration pourrait auditer et labelliser les processus mis en œuvre par les sociétés dans ce cadre au regard de standards minimum qui attesteraient de la qualité du contrôle interne. Elle disposerait alors d’une assurance quant à la fiabilité des sociétés auditées, ce qui lui permettrait dès lors de mieux orienter ses propres actions de contrôle, au bénéfice du contrôleur comme du contrôlé.

Ces procédures ne se substitueraient pas au contrôle a posteriori, mais permettraient éventuellement de mieux l’adapter. Elles seraient probablement mieux acceptées par les entreprises car mieux maîtrisées par elles, plus conformes à l’esprit de responsabilisation promu par la réforme de 2011, et sans doute davantage adaptées à la vie et au fonctionnement de l’entreprise.

Une telle évolution supposerait une modification des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ainsi qu’une adaptation des moyens et des méthodes de contrôle actuellement mis en œuvre par l’administration.

Recommandation n° 23 : Inciter au développement du contrôle interne des entreprises dans le domaine du contrôle export.

Envisager la création d’une procédure d’audit de ce contrôle interne.

C. DÉVELOPPER NOTRE INFLUENCE NORMATIVE À L’INTERNATIONAL

1. L’influence normative est une des composantes de la compétitivité

Dans le cadre de son rapport sur l’influence normative internationale de la France remis en 2012 au ministre du Commerce extérieur (111), Mme Claude Revel, actuelle Déléguée interministérielle à l’intelligence économique, souligne à raison que « l’influence sur les règles et normes internationales, c’est-à-dire sur les règles du jeu économique, est une composante essentielle quoique peu visible de la compétitivité des entreprises et des États. Les régulations internationales ne sont jamais innocentes, elles déterminent des marchés, fixent des modes de gouvernance, permettent à leurs auteurs de devancer la concurrence, ou de la freiner, ou d’exporter leurs contraintes. »

Dans le domaine des exportations d’armement, la norme relève de plusieurs niveaux – national, communautaire, international – et s’incarne dans une diversité d’instruments juridiques. L’État, en collaboration avec les industriels, doit assurer une veille active et développer son influence en la matière. Il s’agit d’assurer, d’une part, la pérennité de notre système de contrôle et, d’autre part, de soutenir la compétitivité de nos entreprises à l’export en luttant contre les distorsions de concurrence.

2. Faire valoir la force et l’efficacité du système français de contrôle et lutter contre les distorsions de concurrence

Le soutien aux exportations ne relève pas uniquement du niveau national et de l’implication des pouvoirs publics de chaque pays. Il relève, par nature, d’un « écosystème » et d’un ensemble de normes globaux. Or, ces normes, parce qu’elles sont le résultat de rapports de force, ou parce qu’elles ne sont pas appliquées de la même manière par tous les États concernés, peuvent créer des distorsions de concurrence préjudiciables aux industriels.

Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut évoquer à titre d’exemple trois domaines dans lesquels la France et l’Europe pourraient agir.

● Le premier concerne la Convention OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (112), que tous les pays ne semblent pas respecter avec le même degré d’exigence que le nôtre. Il est évidemment hors de question que la France renonce aux efforts accomplis. En revanche et avec l’aide d’autres États respectueux de cette convention, elle doit peser au sein de l’OCDE afin que les États moins avancés en la matière se conforment réellement à ces stipulations. Rappelons que certains pays, et non des moindres dans le domaine de l’armement, n’ont ratifié la convention que très récemment (113) – ce qui ralentit d’autant sa mise en œuvre effective – tandis que d’autres ne l’ont pas signée (114). À cet égard, la non-appartenance à l’OCDE ne saurait constituer une excuse à la non-ratification de la convention dès lors qu’un certain nombre d’États non-membres de l’organisation ont choisi de s’y soumettre.

Les signataires « historiques » ne doivent toutefois pas s’exonérer de tout effort, ainsi qu’en témoignent les différents rapports de suivi par pays effectués par le groupe de travail de l’OCDE sur la mise en œuvre de la convention (115).

● Le deuxième a trait aux règles américaines dites ITAR (International Traffic in Arms Regulations) qui peuvent s’avérer particulièrement contraignantes pour l’activité export des entreprises non-américaines, dès lors que leurs produits finaux destinés à l’exportation comprennent des composants soumis à cette réglementation.

Depuis les années 1970 le dispositif américain de contrôle des exportations d’armement en général et de technologies sensibles s’appuie sur deux régimes relatifs à deux types de biens :

– le régime ITAR, qui concerne les biens militaires et spatiaux ;

– le régime de l’Export Administration Regulation (EAR), qui concerne les biens à double usage.

Ce dispositif présente un caractère d’extra-territorialité dans son application puisque non seulement l’exportateur américain mais également le ré-exportateur et le client final sont soumis à cette réglementation, les matériels ITAR ne perdant jamais leur caractère américain. Un programme spécifique de contrôle, le programme Blue Lantern, dépendant du Département d’État, a d’ailleurs été créé en 1990 afin de vérifier la bonne utilisation finale du produit livré.

Beaucoup de sociétés françaises et européennes intègrent des composants américains dans de nombreux matériels, tout particulièrement dans les domaines aéronautique et spatial. Or, dès lors que ces composants sont soumis à la réglementation ITAR et que l’entreprise les a intégrés dans un produit qu’elle destine à l’export, elle doit obtenir l’accord préalable des autorités américaines avant de pouvoir procéder à toute opération commerciale.

À cet égard, la France devrait faire front commun avec ses partenaires européens et mettre en avant la qualité des systèmes nationaux de contrôle des exportations au sein de l’Union européenne afin de rassurer les autorités américaines. Dans l’idéal et compte tenu des questions de maîtrise technologique et de souveraineté sous-jacentes – parfaitement compréhensibles au demeurant –, on pourrait imaginer la mise en place d’un système de reconnaissance mutuelle a minima entre pays alliés sûrs concernant un certain nombre de matériels, équipements et composants.

Une telle approche est d’autant plus nécessaire que les autorités américaines peuvent, de manière discrétionnaire, modifier la liste des composants et matériels ITAR, en y intégrant de manière rétroactive des items qui n’en faisaient pas partie précédemment.

Une grande réforme a certes récemment été entreprise par le Président Obama, qui prévoit notamment de transférer une partie des équipements jusqu’alors soumis au régime vers le régime EAR des biens à double usage. Toutefois, il n’est pas certain qu’une telle évolution ait un impact positif pour l’industrie européenne. Certes, celle-ci aura un accès facilité aux composants concernés – les contraintes à l’exportation étant moindres que sous ITAR –, mais il n’est pas avéré que les obligations en matière de réexportation seront allégées. De fait, les États-Unis pourraient plus facilement pénétrer le marché européen, tout en maintenant un fort verrou réglementaire hors d’Europe.

● Le troisième domaine a déjà été évoqué et concerne la nécessaire harmonisation des régimes nationaux de contrôle des exportations au sein de l’Union européenne.

Au-delà, l’actualité démontre qu’il convient également de prévenir la mise en place d’une sorte d’ITAR au sein même de l’Union européenne. Ce point a été suffisamment souligné dans le cadre du présent rapport : l’exportation d’armement est avant tout un acte politique, de souveraineté, qui engage la responsabilité de chaque gouvernement.

Toutefois il ne faudrait pas que certaines décisions ou prises de positions politiques dans tel pays de l’Union européenne affectent, par ricochet, les autres États membres et leurs entreprises. M. Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’Économie et vice-Chancelier, a récemment affirmé souhaiter conduire une politique restrictive en matière d’exportation d’armement. Une telle volonté n’appelle pas d’observations particulières dès lors qu’il s’agit d’une politique déterminée souverainement par le gouvernement allemand et qui a naturellement vocation à s’appliquer aux entreprises allemandes. En revanche, elle ne doit pas produire d’effets collatéraux sur les autres États membres en empêchant les opérations export d’autres entreprises européennes au motif que les produits qu’elles proposent comprendraient des composants allemands (116).

Pour ce qui concerne la France, il n’est sans doute pas inutile de rappeler les stipulations de l’article 2 de l’accord dit Debré-Schmidt de 1971-1972 (117:

« Aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération.

Considérant que le caractère particulier des composants et éléments d’un système d’armes soumis aux formalités d’exportation des matériels d’armement se modifie dès lors que ces composants et éléments font partie intégrante d’un système d’armes développé et produit en coopération, chacun des deux gouvernements s’engage à délivrer sans retard et selon les procédures prévues par les lois nationales les autorisations d’exportation nécessaires pour la fourniture de ces composants au pays exportateur.

Les deux gouvernements sont convenus d’interpréter et d’appliquer les lois nationales régissant les exportations de matériels d’armement dans l’esprit de la coopération franco-allemande. Il ne pourra être fait usage qu’exceptionnellement de la possibilité de refuser l’autorisation d’exporter les composants d’un projet commun. Dans ce cas, les deux gouvernements conviennent qu’ils se consulteront d’une façon approfondie avant qu’une décision finale ne soit prise. Il appartiendra au Ministre fédéral de la Défense ou au Ministre d’État chargé de la Défense nationale de prendre l’initiative de telles consultations. »

Le premier alinéa n’appelle aucun commentaire compte tenu de sa clarté. Quant au troisième, il s’agit simplement de souligner que les refus d’autoriser l’exportation de composants d’un projet commun doivent demeurer exceptionnels et que, le cas échéant, ils doivent au préalable faire l’objet d’une consultation approfondie entre les deux parties.

Il n’est pas tout à fait certain que la seconde condition ait été remplie en ce qui concerne les récents contrats impliquant des entreprises françaises. En outre, les déclarations du ministre allemand de l’Économie laissent à penser que l’exceptionnel a vocation à devenir permanent.

Le rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement, adopté par notre commission au cours de la XIe législature, en 2000 (118), avait consacré des développements intéressants sur la nature juridique de ces accords, tout en soulignant qu’ils avaient fait l’objet par le passé – déjà pourrait-on dire – de quelques « accrocs » dans leur mise en œuvre. Il reste que compte tenu des liens toujours plus étroits unissant nos deux pays, toute forme d’unilatéralisme prononcé poserait des difficultés considérables pour la poursuite des coopérations industrielles, essentielles pour l’avenir de l’Europe de la défense.

SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Maintenir voire renforcer le réseau des attachés de défense et développer un travail prospectif d’analyse des marchés par pays ou par zone.

Recommandation n° 2 : Systématiser et assurer de façon plus régulière les rencontres entre industriels (grands groupes comme PME) et attachés de défense avant leur départ en affectation et en cours d’affectation.

Recommandation n° 3 : Renforcer les actions d’information et de communication sur le dispositif de soutien à destination des PME.

Recommandation n° 4 : Porter à la connaissance des PME concernées le contenu des conventions bilatérales État/grands groupes conclues dans le cadre du Pacte Défense PME.

Recommandation n° 5 : Envisager la transformation du label « DGA testé » en label « Testé en conditions opérationnelles ».

Recommandation n° 6 : Augmenter, pour les PME, la quotité de l’assiette éligible au dispositif dit « article 90 » des avances remboursables.

Recommandation n° 7 : Envisager l’octroi de garanties Coface bonifiées aux grandes entreprises présentant un plan de portage des PME à l’export.

Recommandation n° 8 : Élargir aux ventes de services à l’exportation non liés à la livraison de biens le régime d’achat en franchise de TVA prévu à l’article 275 du code général des impôts.

Recommandation n° 9 : Codifier au sein du code général des impôts le régime de TVA applicable aux prestations de formation dans le domaine militaire et de la défense.

Recommandation n° 10 : Procéder au retour intégral des recettes de SOUTEX au profit des armées.

Recommandation n° 11 : Réserver aux seules PME la possibilité de bénéficier de la gratuité des opérations de SOUTEX.

Recommandation n° 12 : Recourir plus largement à la production et à la mise à disposition de vidéos de démonstration.

Recommandation n° 13 : Développer les relations entre les industriels et les militaires dans le cadre de la formation de ceux-ci.

Recommandation n° 14 : Dans le respect des contraintes opérationnelles, encourager l’utilisation, par nos armées, de petites séries de matériels et équipements.

Recommandation n° 15 : Étudier la création de contrats mixtes associant contrat commercial et accord intergouvernemental.

Recommandation n° 16 : Recourir davantage à la diplomatie parlementaire.

Recommandation n° 17 : Nommer un député et un sénateur au sein de la CIEEMG, avec statut de membre observateur.

Recommandation n° 18 : Envisager la création d’un secrétariat d’État en charge des exportations d’armement, rattaché au ministère de la Défense.

Recommandation n° 19 : Préciser la méthodologie de détermination du prix de cession des matériels d’occasion.

Envisager la mise en place de procédures de cession plus souples avec partage de la marge réalisée lors de la revente.

Recommandation n° 20 : Élaborer un plan stratégique de la valorisation de la fin de vie des matériels et de l’occasion.

Procéder à un audit de l’état du parc existant et des stocks, comprenant une évaluation du coût minimal de leur remise à niveau et une étude de ciblage des potentiels clients export.

Recommandation n° 21 : Affiner le recensement et la cartographie des entreprises, compétences et technologies critiques.

Recommandation n° 22 : Encourager la mise en place, au sein des PME, de cellules individuelles ou communes de suivi des offsets, en particulier dans le domaine des transferts de technologie.

Recommandation n° 23 : Inciter au développement du contrôle interne des entreprises dans le domaine du contrôle export.

Envisager la création d’une procédure d’audit de ce contrôle interne.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement au cours de sa réunion du mercredi 17 décembre 2014.

M. Philippe Nauche, président. Nous allons entendre Mme Nathalie Chabanne et M. Yves Foulon, rapporteurs de la mission d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement. Nous suivons en effet tous avec attention ces questions relatives aux exportations d’armement, d’une part car certaines d’entre elles font partie de conditions de réussite de la LPM, d’autre part parce que l’avenir de notre base industrielle et technologique de défense en dépend largement, et donc notre autonomie stratégique. Aussi un rapport d’information sur la manière dont sont soutenues ces exportations paraissait-il utile, d’autant que notre commission s’est penchée sur la question des exportations d’armement dans le passé avant tout sous l’angle du dispositif de contrôle.

Mme Nathalie Chabanne, rapporteure. Mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord remercier notre collègue Guy Chambefort qui a suivi assidûment les auditions en notre compagnie.

Le dernier rapport que notre commission a consacré aux exportations d’armement remonte à la XIe législature. Encore faut-il préciser que le travail rendu en 2000 par nos anciens collègues Sandrier, Martin et Veyret avait pour champ d’analyse exclusif le contrôle des exportations, ainsi que M. le président vient de le rappeler.

Tout le monde ici s’en souvient, notre collègue Yves Fromion a remis, en 2006, un rapport remarqué sur « Les exportations de défense et de sécurité de la France ». Toutefois, il avait effectué ce travail en tant que parlementaire en mission, pour le compte du gouvernement.

Suite à l’adoption de la loi de programmation militaire 2014-2019, il était légitime que notre commission se saisisse à nouveau de cette question, compte tenu de l’importance que revêtent les exportations d’armement pour l’équilibre financier de la programmation.

Dans ce cadre, la mission que nous avons menée poursuivait un double objectif. Premièrement, il s’agissait de dresser un état des lieux des différentes formes de soutien. Deuxièmement, la mission avait vocation à évaluer ces différents soutiens et, le cas échéant, à proposer des pistes d’amélioration, y compris en s’appuyant sur les expériences étrangères. À cet effet, nous avons adressé un questionnaire à un certain nombre de nos représentations diplomatiques : aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Israël et en Russie, soit les principaux exportateurs mondiaux d’armement. Leurs réponses nous ont permis de disposer d’éléments de comparaison utiles.

Il ressort de notre cycle d’auditions le sentiment général suivant : ceux qui en bénéficient – les industriels – comme ceux qui le « font vivre » – les administrations au sens large, jugent le dispositif français globalement efficace. L’adverbe a son importance. Toute œuvre humaine est perfectible et notre régime de soutien peut sans doute encore être amélioré. En outre, toutes les personnes auditionnées s’accordent sur un point et louent l’implication du gouvernement, en particulier du ministre de la Défense, et des services concernés.

Certains pourraient, à juste titre, s’interroger. Quel intérêt y a-t-il, pour notre pays, à disposer d’un système spécifique de soutien à notre industrie de défense ? Et pourquoi chercher à rendre ce dispositif plus efficace ? Ces interrogations sont pertinentes au regard du rôle moteur joué par la France pour soutenir les efforts de la communauté internationale en matière de désarmement et de maîtrise des armements. Le ministre de la Défense rappelle d’ailleurs ces engagements dans le rapport qu’il a remis au Parlement en août dernier.

Mais nous sommes ici pour évoquer l’intérêt qu’à la France à soutenir son industrie d’armement au travers de ses exportations. L’intérêt est d’abord politique et stratégique. Une base industrielle et technologique de défense (BITD) solide, capable de produire des équipements répondant au fort degré d’exigence de nos armées, est indispensable. Elle permet d’assurer l’approvisionnement de nos forces en matériels performants, nécessaires à la mise en œuvre des priorités stratégiques décidées par l’autorité politique. Elle est une condition essentielle du succès des opérations menées par nos armées. Elle participe aussi directement de notre souveraineté, puisqu’elle confère un degré d’autonomie politique et stratégique inestimable en évitant, autant que possible, le recours à des productions étrangères. Enfin, les exportations d’armement constituent l’un des volets – qui n’est pas le plus négligeable – de notre politique extérieure.

L’intérêt est également économique et industriel. Les technologies et savoir-faire développés dans le secteur de la défense sont susceptibles de se diffuser dans le domaine civil, et d’irriguer toute l’économie nationale, en particulier les secteurs les plus porteurs en termes de croissance. On peut songer à l’aéronautique, ou encore aux NTIC. Avec près de 160 000 emplois directs, une dizaine de grands groupes, 4 000 PME/ETI et un effort d’investissement important en matière de R&D, la défense est un secteur-clé de l’économie nationale. Par ailleurs, en exportant près d’un tiers d’un chiffre d’affaires consolidé qui s’élève à environ 16 milliards d’euros, ce secteur contribue de façon positive au commerce extérieur de la France.

Pour reprendre l’expression de certains industriels, les exportations seraient « vitales » pour la BITD. Pour les grandes entreprises et certaines PME, le chiffre d’affaires réalisé à l’export représente entre un quart et la moitié du chiffre d’affaires total. Au-delà de cette « photographie » de l’existant, la dynamique sur moyen terme est révélatrice : depuis 2005, la part à l’export de certaines entreprises a pu doubler, voire plus. Le marché mondial est donc un marché majeur – et même peut-être le marché majeur à l’avenir. La contraction des budgets de défense nationaux en Europe vient donner encore davantage de poids à cette réalité.

Les exportations constituent donc une nécessité absolue pour l’ensemble de la communauté de défense, et pas uniquement pour les industriels, nécessité qui appelle néanmoins notre vigilance.

Pour la BITD et pour l’ensemble de l’économie, les exportations constituent un relais de croissance indispensable, en compensant un certain désengagement du client national. Elles permettent le maintien voire le renforcement des chaînes de production, donc de l’emploi. Elles assurent la poursuite d’un effort substantiel en R&D et R&T ; elles permettent aussi de contenir la dégradation de la balance commerciale ; elles soutiennent la diffusion, à l’ensemble de l’économie, de nombre de produits et de technologies. Enfin, elles sont indispensables au maintien des bureaux d’études et des capacités industrielles. Le secteur de la défense est en mouvement perpétuel et il est sujet à des avancées ou des ruptures technologiques constantes. La perte de compétences et de savoir-faire critiques peut donc survenir très rapidement. Le maintien d’un effort financier et industriel « au fil de l’eau » est donc une absolue nécessité, tant la reconstitution de capacités perdues est compliquée et coûteuse.

Les exportations jouent aussi un rôle majeur pour nos armées et notre posture stratégique. Elles permettent un « effet de série » qui peut se traduire par une baisse du coût de production unitaire des matériels et, par conséquent, par une diminution du coût d’acquisition pour l’État. La vente à l’étranger oblige également à maintenir plus longtemps les chaînes de montage et d’approvisionnement en rechanges qui peuvent être nécessaires au maintien en condition opérationnelle (MCO) des forces françaises. Enfin, les développements réalisés pour les versions export des matériels peuvent bénéficier à nos armées lors des opérations de rénovation de leurs équipements.

Dernier argument, et non des moindres : le succès à l’export de certains matériels et équipements conditionne en partie l’équilibre de la LPM. Une éventuelle non-réalisation des contrats d’exportation du Rafale affecterait la logique de production de l’appareil et, par conséquent, l’équilibre financier de la programmation. Nous avons d’ailleurs collectivement identifié cette fragilité et prévu, le cas échéant, d’y parer. Ainsi, la « clause de revoyure » prévue à l’article 6 de la LPM et devant être mise en œuvre avant la fin 2015 sera notamment l’occasion de réexaminer cette problématique. Toutefois, soyons positifs : si l’on en croit les dernières annonces effectuées par voie de presse, nous pouvons nous montrer raisonnablement optimistes.

Rappelons enfin qu’une exportation d’armement est un acte politique avant d’être un acte commercial. Les exportations sont un élément clé au service des partenariats stratégiques et des relations de défense que notre pays noue avec les puissances étrangères.

M. Yves Foulon, rapporteur. Pour l’ensemble de ces raisons, l’existence d’un dispositif de soutien public aux exportations d’armement est parfaitement légitime.

Nous n’allons pas abuser de votre patience en formulant des constats que vous connaissez déjà sur l’état du marché et de la concurrence, et sur le fait que le commerce des armes n’est pas une activité ordinaire et que, à ce titre, elle est strictement et très légitimement encadrée. Nous n’allons pas non plus vous assommer de considérations purement descriptives sur le dispositif français de soutien. Vous trouverez de longs développements consacrés à ces différents sujets dans le rapport.

Nous nous contenterons de dire que plus que de « soutien » au singulier, il convient de parler « des soutiens » au pluriel, tant le dispositif français est multiforme : soutien politique et diplomatique ; technique et administratif avec la DGA ; financier avec Coface ; fiscal ; opérationnel, grâce aux actions de nos armées ; procédural avec la douane.

Nous allons en revanche vous présenter nos principales observations et recommandations parmi les 23 que nous avons formulées, en commençant par un rapide panorama des points forts et des points faibles de l’industrie française. Certains ne seront pas abordés dès lors qu’ils échappent à la portée de l’action publique et industrielle nationales –nous pensons à la question du cours euro/dollar –, ou parce qu’ils étaient beaucoup trop complexes et spécifiques pour être traités dans le cadre de notre mission et relevaient, en réalité, de la compétence d’autres commissions – nous pensons par exemple à la notion de coût du travail.

Au titre des points positifs, on peut relever :

– le choix historique d’autonomie industrielle en matière de défense qui, au fil du temps, a permis aux industries françaises de couvrir une large part du spectre des matériels ;

– une réputation d’acteur majeur et indépendant sur la scène internationale, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies ;

– la qualité des prestations proposées, avec une palette large de produits, du matériel fiable, efficace et éprouvé en opérations ;

– l’excellence opérationnelle de nos armées qui rejaillit sur les matériels et permet d’associer un concept d’emploi à la « simple » fourniture d’équipements ;

– le caractère sophistiqué des productions – encore que cet argument soit à double tranchant. Il est un possible facteur d’économies à long terme, avec de moindres obsolescences ou encore une meilleure adaptabilité. Il est également garant de l’efficacité des produits et de la sécurité de ceux qui les opèrent.

Quant aux points négatifs, sont fréquemment cités :

– une possible ultrasophistication des matériels, qui a conduit à « oublier la rusticité » et qui entraîne des matériels coûteux à l’achat, même pour nos armées, et hors de portée budgétaire pour certains États à l’exportation ;

– une prise en considération parfois imparfaite des besoins du client, couplée à une certaine arrogance dès lors que l’on cherche à « forcer la main » du client ou à définir ses besoins à sa place ;

– un défaut de solidarité entre industriels et une capacité limitée à coordonner leurs actions et leurs stratégies, pouvant conduire à une compétition fratricide, au risque de perdre des marchés au profit de la concurrence ;

– une priorité politique souvent donnée aux « gros » contrats symboliques, parfois au détriment de prospects peut-être plus modestes mais plus facile à concrétiser ;

– une taille critique des entreprises qui n’était pas toujours atteinte ;

– une propension aux « effets d’annonce » parfois prématurés, tant au niveau du politique que de l’industriel.

Ce panorama général étant dressé, nous en venons à nos principales observations. Elles peuvent être regroupées en neuf thèmes.

Le premier a trait au développement du soutien politique.

L’un de nos sujets d’attention a été le rôle du Parlement dans le dispositif de soutien.

Si l’information du Parlement a progressé, avec la présentation annuelle du rapport sur les exportations d’armement, l’implication concrète et le rôle des parlementaires dans le dispositif restent manifestement marginaux.

Nous estimons que la « diplomatie parlementaire » pourrait, lorsque cela est envisageable, venir en appui de nos entreprises et de notre gouvernement, dès lors que les parlementaires disposeraient des informations utiles.

Les négociations relatives aux exportations sont certes un art délicat et difficile, et il n’est pas nécessairement avisé de multiplier les acteurs concernés. Toutefois, les relations bilatérales entre parlements nationaux, l’existence de groupes d’amitié, les liens personnels qui peuvent unir tel parlementaire à tel pays pourraient utilement et plus régulièrement être mobilisés à cet effet. C’est pourquoi nous préconisons de recourir davantage à cette forme de diplomatie.

Nous proposons également que le Parlement soit associé au dispositif de contrôle des exportations. Une réelle demande s’exprime à ce sujet, ainsi qu’en témoignent les amendements que nos collègues Écologistes avaient présentés en LPM et qui visaient à la création d’une délégation parlementaire aux exportations de matériels de guerre. Sans aller jusque-là, nous préconisons de nommer des parlementaires au sein de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Celle-ci perdrait alors de fait son caractère « interministériel ».

Ce domaine relevant, par nature, de la compétence du pouvoir exécutif, les représentants du Parlement pourraient se voir reconnaître un rôle de membre observateur susceptible de formuler des observations. Mais, au moins, le Parlement deviendrait partie prenante au dispositif.

En matière d’exportations d’armement, la réactivité politique, la profondeur et le suivi au long cours de relations à haut niveau sont indispensables. C’est pourquoi la création d’un secrétariat d’État en charge des exportations d’armement pourrait être envisagée. Rattaché au ministère de la Défense, l’action de celui-ci serait exclusivement consacrée à cette mission. Il deviendrait ainsi l’interlocuteur unique, permanent et à temps plein vis-à-vis de nos clients étrangers. Il serait en mesure de suivre l’ensemble des prospects y compris les plus modestes, et permettrait le développement de relations privilégiées dans la durée.

Compte tenu des autres priorités du ministre de la Défense, il est en effet parfois malaisé d’assurer une présence politique suivie sur l’ensemble des prospects et des zones, notamment ceux qui ne sont pas jugés immédiatement prioritaires. En outre, la création d’un tel poste revêtirait une importance symbolique forte à l’égard de nos partenaires et potentiels clients, en démontrant toute l’importance que notre pays attache à cette question et à la satisfaction de leurs demandes.

Mme Nathalie Chabanne, rapporteure. Nous estimons par ailleurs, et c’est notre deuxième axe d’analyse, qu’il convient de mettre l’accent sur les PME

Il ne s’agit pas de jouer « David contre Goliath ». Mais le fait est que les petites entreprises ont, par construction, davantage besoin du soutien des pouvoirs publics que les grands groupes. À cet égard, différentes recommandations peuvent être formulées.

La première est très simple et concerne la connaissance – ou l’absence de connaissance – qu’ont les PME des mécanismes de soutien. L’action de la direction générale de l’armement (DGA) en particulier est déterminante, mais elle demeure souvent méconnue des PME. Ainsi, les représentants du Comité Richelieu nous ont affirmé que 75 % des entreprises interrogées affirment ne pas être suffisamment informées des dispositifs de soutien existants.

La DGA a mis en place un certain nombre de mesures qui sont très appréciées : les Journées PME Export, qui sont souvent menées en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie locales ; ou encore la création d’un guichet et d’un numéro Vert PME-Export. Nous saluons les efforts constants et positifs entrepris, mais nous plaidons également pour un renforcement des actions en la matière.

Le Pacte Défense PME commence à porter ses fruits et bénéficie de premiers retours très positifs. Certaines améliorations peuvent toutefois lui être apportées.

La première est purement formelle. Il s’agit, dans une volonté de transparence et d’équité, de porter à la connaissance des PME le contenu de conventions que l’État conclut avec les grands groupes dans le cadre du Pacte. Les PME en sont demandeuses et les grandes entreprises n’y sont pas opposées.

Sur le fond maintenant. Il semble que le label « DGA testé » ne rencontre pas le succès escompté. Comme son nom l’indique, il permet aux PME de faire tester leurs produits par les équipes de la DGA. Ce label se limite à attester que le produit a été testé selon les processus en vigueur à la DGA ; il n’a pas de valeur de certification de performance. En d’autres termes, il ne confère en aucun cas un certificat de bon fonctionnement du matériel, mais prouve uniquement que celui-ci est conforme à une liste de spécifications techniques.

De fait il ne porte ni ne fournit au futur client aucun jugement qualitatif sur le produit testé. Or, c’est bien le caractère opérationnel d’un matériel qui importe au client. Aussi, nous recommandons de changer la philosophie du label et de le transformer en label « Testé en conditions opérationnelles », bien plus utile et plus à même d’emporter la conviction de l’acheteur potentiel. Il est probable que la mise en œuvre d’un tel label serait plus onéreuse pour la DGA, et donc pour les PME. Nous estimons cependant qu’il pourrait être expérimenté.

Nous préconisons également de renforcer le dispositif dit « article 90 » au bénéfice des PME. Sans rentrer dans des détails techniques que vous trouverez dans le rapport, je rappelle qu’il s’agit d’un mécanisme d’avances remboursables qui a vocation à favoriser l’exportation de certains matériels d’armement, en réduisant le risque supporté par les industriels au cours de l’industrialisation. Il est ouvert à tout type d’entreprises, les PME comptant pour un tiers des bénéficiaires selon les dernières statistiques. Ce mécanisme a par exemple permis d’aider au développement du moteur de l’A400M, l’industrialisation d’équipements destinés au canon d’artillerie CAESAR, ou encore des adaptations de blindés VAB et Sherpa.

L’avance porte aujourd’hui sur 50 % de l’assiette des dépenses éligibles. Nous recommandons, pour les PME, d’augmenter cette quotité au-delà des 50 % actuels.

Les relations entre grands groupes et PME pourraient également être améliorées. Rappelons d’abord que les deux types d’entreprises sont en symbiose. Les grands groupes n’étant pas en mesure de produire en interne l’ensemble des composants et matériaux nécessaires à la conception de leurs produits, ils s’approvisionnent auprès des PME, assurant ainsi le plan de charge de celles-ci.

Les PME sont, structurellement, moins bien armées que les grandes entreprises pour réussir à l’export. Au-delà de possibles blocages « culturels » – maîtrise des langues étrangères par exemple, même si les progrès sont là aussi réels –, ce sont souvent les ressources humaines, techniques et financières qui, du fait de leur taille réduite, leur font défaut. Par ailleurs, le retour sur investissement d’un projet export au regard des coûts amont induits est rarement immédiat, ce qui ne favorise pas la prise de risque de certaines petites entreprises qui, parfois, hésitent à tenter un tel pari.

Aussi, les actions de portage peuvent-elles s’avérer particulièrement bénéfiques. Le portage consiste, pour une grande entreprise, à faire profiter une PME de son expérience et de ses moyens afin de l’aider à s’implanter commercialement ou physiquement sur un marché étranger.

Il semble qu’en la matière des marges de progression existent. Afin d’inciter davantage nos grands groupes dans ce domaine, nous préconisons l’octroi de garanties Coface bonifiées aux grandes entreprises qui s’engageraient à mettre en œuvre d’un plan de portage des PME.

M. Yves Foulon, rapporteur. La troisième piste consiste à rénover le SOUTEX. Le SOUTEX regroupe les concours apportés par les armées en soutien des actions commerciales à l’exportation. Dans ce cadre, les armées répondent aux sollicitations des industriels. Ne faisant pas partie du « cœur de métier » des armées, ces actions sont réalisées à titre onéreux. Il s’agit principalement de mise à disposition de matériels et de personnels.

Notre première recommandation a trait aux modalités de « retour » des recettes de SOUTEX aux armées. En effet, une partie leur échappe et se trouve reversée au budget général de l’État. Une telle situation nous semble incompréhensible et nous plaidons par conséquent pour un retour intégral des recettes au profit des armées.

La deuxième recommandation a trait aux modalités de rémunération des armées au titre du service rendu. Si le principe est bien celui d’un paiement par l’industriel bénéficiaire, celui-ci peut demander au ministre de la Défense une gratuité totale ou partielle des prestations. Nous estimons que les armées n’ont pas à supporter le coût d’actions commerciales effectuées au profit de tiers, pour nécessaires qu’elles soient.

Certains pourront objecter qu’un coût de quelques millions d’euros est marginal au regard d’un budget global de Défense de 31,4 milliards d’euros. Nous objectons en retour que, d’une part, la fourniture de prestations à visée commerciale ne relève pas de la vocation naturelle des armées et que, d’autre part, un tel coût est tout aussi marginal pour les industriels, du moins pour les grandes entreprises. A minima, il conviendrait donc de réserver cette facilité aux seules PME.

Enfin, pour éviter que les mises à disposition ne perturbent trop les armées en rendant indisponibles certains matériels et hommes pour un certain temps, nous estimons que la mise à disposition plus systématique de vidéos de démonstration au profit des industriels, et conçues en collaboration avec eux, pourrait être utilement développée.

Notre quatrième grande recommandation est d’investir davantage le marché de l’occasion. Les missions que doit remplir l’armée française et la mise en œuvre de nos priorités stratégiques supposent que nos forces disposent d’équipements et de matériels de pointe, nécessitant des savoir-faire complexes. Or, toutes les armées potentiellement clientes n’ont pas forcément l’utilité de tels matériels.

Il pourrait donc être intéressant de renforcer la place de la France sur le marché de l’occasion. Cela permettrait d’enregistrer des recettes ; d’amoindrir le coût de stockage des matériels retirés du parc opérationnel ; de réduire les coûts de démantèlement ; et enfin de conquérir ou de renforcer des positions sur certains marchés et pays qui pourraient en outre, s’ils étaient satisfaits de la « marque France », acquérir par la suite des produits plus complexes.

Le marché de l’occasion ne constitue certes pas une solution miracle. Contraintes budgétairement, nos armées « tirent » au maximum leurs matériels et les « cannibalisent » pour disposer de pièces de rechange dans le cadre du MCO.

Toutefois les données semblent encore parcellaires en la matière. Nous manquons de vision et d’anticipation. Nous proposons donc d’élaborer un plan stratégique de la valorisation de la fin de vie des matériels et de l’occasion. Il conviendrait également de procéder à un audit de l’état du parc existant et des stocks, comprenant une évaluation du coût minimal de leur remise à niveau, et une étude de ciblage des potentiels clients export.

Il est également nécessaire de maîtriser davantage les offsets et notamment les transferts de technologie.

Les offsets ou, en bon français, les compensations, regroupent les différentes demandes exprimées par le client vis-à-vis de l’exportateur. Elles sont très variées et peuvent aller de l’exigence d’une part de production locale aux transferts de technologie, en passant par des actions de formation ou la participation à la R&D.

En la matière, et particulièrement en ce qui concerne les transferts de technologie, nous devons être particulièrement vigilants et nous prémunir contre ce qui nous avons dénommé le « syndrome Frankenstein ». Il est nécessaire de limiter de tels transferts à des technologies non critiques. Au-delà de la nécessité de protéger des technologies potentiellement sensibles, il s’agit de conserver un temps d’avance sur nos concurrents. Il convient de maintenir l’avantage compétitif de notre industrie et de ne pas le sacrifier sur l’autel de préoccupations de court terme, au risque de contribuer à créer ou à renforcer des concurrents, en les faisant bénéficier de technologies de premier ordre.

Aussi préconisons-nous d’affiner le travail de recensement et de cartographie des entreprises – TPE, PME et ETI en particulier –, compétences et technologies critiques afin de savoir à quels niveaux se situent les risques potentiels, y compris en matière de rachat d’entreprises par des sociétés étrangères.

Nous estimons également qu’il faut encourager la création de cellules de suivi des offsets au sein des entreprises. Si elles existent au sein des grandes entreprises, tel n’est pas forcément le cas dans les PME. De telles cellules pourraient être individuelles ou communes, par mise en commun des moyens dès lors que cela s’avère possible eu égard aux exigences relatives au secret des affaires et à la propriété intellectuelle. Les services de l’État – notamment la DGA –, de même que les grandes entreprises pourraient utilement apporter leur concours aux PME dans ce sens. Au final, tous ont intérêt à une protection efficace des technologies critiques et à un transfert maîtrisé des autres technologies.

Mme Nathalie Chabanne, rapporteure. Nous allons maintenant évoquer la question du régime américain de Foreign Military Sales (FMS). Le FMS constitue un sujet de débat récurrent, abordé par l’ensemble des acteurs de la communauté de défense et présenté parfois comme la référence ultime, voire la solution miracle en matière de politique d’exportations d’armement.

En réalité, l’analyse du dispositif tend à démontrer que l’argument un peu facile consistant à réclamer la mise en place d’un « FMS à la française » calqué sur le régime américain est parfaitement illusoire.

Quelques rappels. Institué en 1968, le dispositif FMS voit le gouvernement des États-Unis se substituer à l’industriel exportateur et négocier directement avec l’État client pour transférer produits et services de défense. En substance, cette négociation entre les plus hautes autorités des deux États concernés permet à l’industrie américaine de contourner la mise en concurrence pour exporter ses matériels dans les pays alliés.

Son corollaire traditionnel est le dispositif Foreign Military Financing (FMF). Il s’analyse comme un programme d’assistance financière à destination des clients de l’industrie américaine. Par ce biais, le gouvernement américain accorde à certains pays acheteurs des financements ou des prêts théoriquement remboursables. Schématiquement, les États-Unis rendent une partie de leurs clients artificiellement solvables et subventionnent indirectement leur industrie de défense, lui permettant alors de prendre pied ou de consolider ses positions sur les marchés concernés.

Le dispositif bicéphale FMS/FMF repose en dernière analyse sur la puissance sans pareille de l’industrie de défense et de l’administration américaines, sur l’effet de masse de sa production à destination de la première armée du monde, et sur la puissance financière et monétaire des États-Unis. Si l’on ajoute à ce dispositif unique la réglementation ITAR (International Traffic in Arms Regulations) et ses effets sur la concurrence, les États-Unis disposent sans aucun doute du mécanisme de soutien aux exportations d’armement le plus efficace – ou le plus agressif – au monde.

Le dispositif FMS/FMF repose donc sur deux piliers majeurs : des stocks de matériels conséquents ; des liquidités mobilisables pour accorder des prêts publics ou actionner la garantie de l’État.

Or, nous le savons : la France ne dispose pas de tels leviers d’action. Les industriels français ne « surproduisent » pas, et l’octroi massif de prêts ou la création d’une « garantie FMS » consolidée au niveau de la dette publique et potentiellement mobilisable ne semble pas une perspective réaliste.

En outre, il faut souligner que, dans le cadre du dispositif FMS, c’est l’administration qui « tient les rênes » du système et non l’industrie, qui reste largement exclue de la procédure. Or, il n’est pas certain que les industriels français seraient favorables à la perspective d’abdiquer leurs prérogatives au profit de l’État, et de rester cantonnés à un rôle relativement passif quant à la conclusion de contrats majeurs, en acceptant de n’avoir qu’une relation très indirecte et épisodique avec le client.

Pour l’ensemble de ces raisons, un décalque intégral du dispositif américain est inenvisageable.

Reste le volet politique. Il peut s’incarner soit dans un recours plus régulier aux services de la société ODAS, dès lors que le client est demandeur, soit dans la création de contrat « mixtes » avec des contrats commerciaux entre entreprises « chapeautés » par un accord intergouvernemental. Ils permettraient d’offrir au client un élément de sécurisation supplémentaire, notamment dans l’hypothèse où l’État français s’engagerait à assurer un certain nombre de services.

Autre thème d’analyse : l’adaptation du contrôle. Nous ne reviendrons pas sur les procédures de contrôle à l’exportation par la CIEEMG et sur la réforme de ce contrôle. Elles avaient fait l’objet d’un rapport très complet de notre collègue Yves Fromion, alors rapporteur du projet de loi de 2011 portant transposition du « paquet Défense ». Notre rapport les présente de manière détaillée.

De l’avis pour ainsi dire unanime des industriels, la réforme est positive et devrait notamment permettre de fluidifier les échanges et d’améliorer les délais de traitement.

Toutefois, les procédures de contrôle a posteriori pourraient évoluer afin de les rapprocher davantage de la vie et des contraintes des entreprises. On pourrait par exemple inciter au développement du contrôle interne des sociétés dans le domaine du « contrôle export ». L’administration pourrait auditer et labelliser les processus mis en œuvre au regard de standards minimum qui attesteraient de la qualité du contrôle interne.

M. Yves Foulon, rapporteur. Le huitième axe a trait au développement de notre influence normative.

Le soutien aux exportations ne relève pas uniquement du niveau national et de l’implication des pouvoirs publics de chaque pays. Il relève, par nature, d’un « écosystème » et d’un ensemble de normes globaux. Or, ces normes, parce qu’elles sont le résultat de rapports de force, ou parce qu’elles ne sont pas appliquées de la même manière par tous les États concernés, peuvent créer des distorsions de concurrence préjudiciables aux industriels.

Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut évoquer à titre d’exemple trois domaines dans lesquels la France ou l’Europe pourraient agir.

Le premier concerne la Convention OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, que tous les pays ne semblent pas respecter avec le même degré d’exigence que le nôtre. Il est évidemment hors de question que la France renonce aux efforts accomplis. En revanche, et avec l’aide d’autres États respectueux de cette convention, elle doit peser au sein de l’OCDE afin que les États moins avancés en la matière se conforment réellement à ces stipulations.

Le deuxième a trait aux règles américaines dites ITAR qui peuvent s’avérer particulièrement contraignantes pour l’activité export des entreprises non-américaines.

Beaucoup de sociétés françaises et européennes intègrent des composants américains dans de nombreux matériels. Or, dès lors que ces composants sont soumis à la réglementation ITAR, et que l’entreprise les a intégrés dans un produit qu’elle destine à l’export, elle doit obtenir l’accord préalable des autorités américaines avant de pouvoir procéder à toute opération commerciale.

À cet égard, la France devrait faire front commun avec ses partenaires européens et mettre en avant la qualité des systèmes nationaux de contrôle des exportations au sein de l’Union européenne, afin de rassurer les autorités américaines.

Dans l’idéal et compte tenu des questions de maîtrise technologique et de souveraineté sous-jacentes – parfaitement compréhensibles au demeurant –, on pourrait imaginer la mise en place d’un système de reconnaissance mutuelle a minima entre pays alliés sûrs concernant un certain nombre de matériels, équipements et composants.

Le troisième domaine relève de la seule compétence de l’Union européenne puisqu’il concerne l’harmonisation, encore limitée, des régimes nationaux de contrôle des exportations. Pour des raisons évidentes – souveraineté, autonomie stratégique et diplomatique, responsabilité des gouvernements –, ces systèmes doivent demeurer de la compétence des États. Toutefois, et sans sacrifier pour autant leur cohérence et leur solidité, il est sans doute possible d’harmoniser davantage certaines procédures. Cela permettrait de rendre encore plus fluides les échanges et de sécuriser davantage les industriels. Je rappelle que la directive relative aux transferts intracommunautaires, dite directive TIC, pourrait faire l’objet d’une révision en 2016.

Au-delà, l’actualité démontre qu’il convient également de prévenir la mise en place d’une sorte d’ITAR au sein même de l’Union européenne.

Nous l’avons rappelé : l’exportation d’armement est avant tout un acte politique, de souveraineté, qui engage la responsabilité de chaque gouvernement. Toutefois, il ne faudrait pas que certaines décisions ou prises de positions politiques dans tel pays de l’Union européenne affectent, par ricochet, les autres États membres et leurs entreprises. M. Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’Économie et vice-chancelier, a récemment affirmé souhaiter conduire une politique restrictive en matière d’exportations d’armement. Une telle volonté n’appelle pas d’observations particulières, dès lors qu’il s’agit d’une politique déterminée souverainement par le gouvernement allemand et qui a naturellement vocation à s’appliquer aux entreprises allemandes. En revanche, elle ne doit pas produire d’effets collatéraux sur les autres États membres en empêchant les opérations export d’autres entreprises européennes, au motif que les produits qu’elles proposent comprendraient des composants allemands.

Pour ce qui concerne la France, il n’est sans doute pas inutile de rappeler les stipulations de l’article 2 de l’accord dit Debré-Schmidt de 1971-1972 : « Aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération. »

Le même article prévoit qu’un gouvernement peut opposer un refus à l’exportation de composants d’un projet commun. Mais de tels refus doivent demeurer exceptionnels et, le cas échéant, ils doivent au préalable faire l’objet d’une consultation approfondie entre les deux parties. Il n’est pas tout à fait certain que la seconde condition ait été remplie en ce qui concerne les récents contrats impliquant des entreprises françaises. En outre, les déclarations du ministre allemand de l’Économie laissent à penser que l’exceptionnel a vocation à devenir permanent.

Le rapport publié en 2000 par notre commission avait souligné que ces accords avaient déjà fait l’objet par le passé de quelques « accrocs » dans leur mise en œuvre. Il reste que, compte tenu des liens toujours plus étroits unissant nos deux pays, toute forme d’unilatéralisme prononcé poserait des difficultés considérables pour la poursuite des coopérations industrielles, essentielles pour l’avenir de l’Europe de la défense.

Un dernier point, qui ne relève pas du dispositif de soutien à proprement parler ou de l’action des pouvoirs publics, consiste à construire « l’équipe de France » de l’export. Le succès de nos entreprises à l’exportation dépend sans doute, avant tout, des industriels eux-mêmes et, au-delà des produits qu’ils proposent, de leur « mentalité » et des stratégies qu’ils adoptent.

Nous l’avons entendu à plusieurs reprises : contrairement à d’autres pays qui « chassent en meute », comme l’Allemagne, « l’équipe de France » semble parfois agir en ordre dispersé.

Il convient d’éviter à tout prix les luttes fratricides qui peuvent entraîner, notamment, des surenchères en termes de spécifications et des stratégies de « dénigrement croisé » au risque de perdre les marchés.

Compte tenu de la sensibilité du domaine et de ses implications, y compris en termes politiques et stratégiques, et si les industriels eux-mêmes s’avèrent incapables d’aplanir leurs différends et de présenter un front uni, il appartient à l’État d’encourager la coopération entre eux et de jouer un rôle d’arbitrage. La concurrence est nécessaire, mais il faut parfois la tempérer afin qu’elle n’aboutisse pas à un échec collectif.

Au-delà des problématiques industrielles et actionnariales objectives, la question de la solidarité est avant tout culturelle. Pour reprendre une image populaire, notre BITD doit s’affranchir de quelques cas persistants d’un autre syndrome, celui du « village d’Astérix ».

Il ne s’agit évidemment pas de généraliser, mais peut-être existe-t-il aussi dans ce domaine des pistes d’amélioration qui, celles-là, ne relèvent pas des pouvoirs publics.

Nous vous remercions.

M. Philippe Nauche, président. Merci pour ce rapport qui porte sur des sujets parfois arides et compliqués mais qui ont des implications majeures pour notre politique de défense et nos armées.

M. Philippe Vitel. Je souhaitais féliciter nos collègues pour cet excellent rapport ; ils ont déjà quasiment répondu aux questions que je me posais. Vous avez évoqué à juste titre le « refitage industriel » et le marché des véhicules d’occasion. Il convient en effet d’insister sur la nécessité de mettre en place une véritable filière industrielle dans ce domaine. Dans la région PACA, nous avons par exemple développé un pôle de compétitivité – dit PEGASE – concernant les hélicoptères. Nous éprouvons beaucoup de difficultés à faire comprendre aux décideurs la nécessité d’investir dans ce domaine. Par ailleurs, vous avez souligné le grand nombre d’acteurs intervenant en matière d’exportation d’armement, ce qui rend le système peu lisible. Je suis pour ma part persuadé que la clef du succès consiste à se tourner vers les PME. Cent cinquante PME de la région PACA, qui ne disposaient pas de l’information nécessaire, sont ainsi venues récemment examiner les voies et moyens de se tourner vers l’exportation. Je suis en revanche dubitatif sur votre proposition de créer un secrétariat d’État dédié aux exportations d’armement qui serait rattaché au ministère de la Défense. C’est à mon sens une fausse bonne idée dans la mesure où c’est la transversalité – ministère de la Défense, de l’Économie et des finances – qui compte en la matière. Là où le bât blesse, c’est que des organismes comme la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) ou l’Agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance), qui accompagnent les entreprises à l’export, ne sont parfois pas au rendez-vous.

M. Jacques Lamblin. Je tiens à souligner la qualité d’un travail qui me semble particulièrement exhaustif. Vous avez en particulier insisté sur le rôle du politique, de l’exécutif et de la diplomatie. Il n’en demeure pas moins qu’à l’arrivée, ce sont des considérations économiques, techniques et financières qui entrent en ligne de compte. Par ailleurs, il existe des décisions politiques qui empêchent ou reportent les exportations et je pense naturellement au cas des bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral dont la livraison à la Russie est reportée à cause des événements en Ukraine. Le fait de bloquer cette exportation pour des raisons politiques majeures peut aussi s’appuyer sur des raisons non exprimées qui tiennent, en l’espèce, à ce que des pays de l’Est apprécient la fermeté française et pourraient, comme la Pologne vis-à-vis de nos hélicoptères, être de futurs acheteurs. Mais rien n’est moins sûr et cette posture française peut même détourner de futurs acheteurs de nos marchés. N’y a-t-il pas là un risque de perdre sur les deux tableaux ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Je souhaite également adresser mes félicitations aux rapporteurs. Quelle évaluation faites-vous du dispositif d’accompagnement des exportations fait par la direction internationale de la direction générale de l’armement (DGA), notamment en comparaison des dispositifs proposés dans les autres pays européens ?

M. Philippe Meunier. J’aimerais revenir sur la diplomatie parlementaire et la nécessité de soutenir nos entreprises nationales. Nous y sommes tous favorables, mais la question est : qui finance cette diplomatie ? Le Parlement n’a pas les moyens d’y consacrer des moyens supplémentaires et le déontologue de l’Assemblée nationale nous interdit de voyager aux frais de nos industriels. Comment peut-on faire ?

Pour ce qui concerne la remise en cause de l’accord Debré-Schmidt, cela doit nous inciter à avoir une réflexion sur le rapprochement de certaines de nos entreprises, notamment entre Nexter et KMW. Quelles seraient les conséquences de ce rapprochement, sachant que l’Allemagne bloque nos exportations quand elle souhaite ?

M. Philippe Nauche, président. Est-ce que la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a eu un impact sur sa capacité à influer sur l’évolution normative de l’Alliance ?

Mme Nathalie Chabanne, rapporteure. Je vais d’abord répondre à notre collègue Vitel sur les véhicules d’occasion. Nous avons auditionné des industriels qui sont en charge de remettre en état des matériels avant de les vendre à l’étranger. C’est un dispositif qui est en train de monter en puissance. Il y a une prise de conscience à ce sujet, mais il ne faut cependant pas y voir une solution miracle : les volumes concernés ne sont pas très élevés et les matériels militaires sont généralement poussés au bout de leurs limites du fait des contraintes budgétaires. Il faut néanmoins continuer à explorer cette voie.

J’en viens à la multiplication des acteurs de la politique d’exportation et au soutien aux PME. Nous avons des PME qui sont très pointues et qui jouent un rôle majeur dans le secteur de la défense. Elles sont vitales au secteur et il convient de les accompagner. Nos attachés de défense dans les différentes ambassades ainsi que les ambassadeurs sont très impliqués dans l’exportation et font un travail remarquable. Il convient, a minima, de maintenir ce niveau, voire de le renforcer. Il faut avoir des zones d’intérêt bien définies et s’appuyer sur les compétences de notre réseau diplomatique pour appuyer plus spécialement les PME, les grands groupes ayant déjà leurs propres réseaux.

En matière internationale, la DGA a un rôle prépondérant et de l’avis quasi-unanime des industriels, cela fonctionne assez bien. Nous ne sommes donc pas en retrait par rapport aux autres États européens, notre dispositif de soutien est performant.

Concernant la diplomatie parlementaire, je ne crois pas que cela soit une question de coût. L’aide des parlementaires ne suppose pas forcément des déplacements à l’étranger : nous avons tous des liens plus ou moins privilégiés, en fonction de nos régions, avec certains pays étrangers et nous pouvons nous appuyer là-dessus. On ne peut en revanche pas transiger avec la déontologie.

Je reviens à présent sur la question du Mistral. Il faut rappeler que le contrat a été signé en 2011, dans un contexte géopolitique très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. La décision du président de la République est donc cohérente avec la réalité géostratégique actuelle. Moscou ne semble pas prêt, pour le moment, à un apaisement de la situation. La décision de notre pays prouve également que la France est un exportateur d’armement responsable. Enfin, précisons que la vente n’est pas annulée, mais simplement reportée, les conditions de livraison n’étant pas remplies aujourd’hui.

M. Jacques Lamblin. Sur cette question du Mistral, les pays de l’Est sont très attentifs à la situation en Ukraine et apprécient la fermeté de la France. On espère qu’il y aura un mouvement de retour au moment où ces pays achèteront de l’armement. Il faut donc bien nous placer pour ces marchés futurs. Mais, à l’arrivée, ne risque-t-on pas de perdre sur les deux tableaux, à savoir que les Russes ne plient pas, et que les Polonais aillent acheter leurs hélicoptères, comme d’habitude, chez les Américains ?

M. Philippe Nauche, président. C’est effectivement une bonne question.

M. Yves Foulon, rapporteur. Nous n’avons pas évoqué dans notre rapport les conséquences de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN sur les normes. Le sujet du soutien était en effet déjà très vaste. Mais vous avez raison, M. le président, la question que vous évoquez mériterait une analyse plus complète.

Pour ce qui concerne le marché de l’occasion, il y a une vraie capacité qui n’est pas encore optimisée. C’est pourquoi nous proposons dans notre rapport de nous doter d’un plan stratégique en la matière. Il s’agit d’un premier pas, qui nous permettra ensuite d’aller plus loin.

Sur la question du secrétariat d’État et de la conduite de notre politique, je dirais qu’en réalité, il y a deux acteurs majeurs : l’industriel lui-même et le Gouvernement. Si le ministre de la Défense accomplit un travail de grande qualité, un secrétariat d’État pour accompagner le ministre pourrait être utile dans certains cas. C’est une proposition qui peut être débattue. Il faut également amplifier l’action du Parlement dans ce domaine. Le financement de cette politique n’est pas aujourd’hui pris en compte, Philippe Meunier a raison. Soyons francs : la diplomatie parlementaire bénéficierait en premier lieu aux industriels. Peut-être que nous pourrions bâtir une relation contractuelle et légale avec les différents groupements d’industriels, GICAN, GICAT ou GIFAS.

Pour le Mistral, c’est une décision du président de la République mais la difficulté reste entière. Si, au final, la décision était prise de ne pas livrer, il y aurait des sommes très importantes à restituer. Ce serait donc un échec financier. Nous ne pourrions pas récupérer pour notre compte ces matériels que nous ne serions pas en mesure de payer. Surtout il y aurait un problème de crédibilité générale de notre pays si l’on décidait de ne pas honorer ce contrat. Cela pourrait poser un problème pour notre politique d’exportation à l’avenir. Mais la décision finale n’étant pas encore prise aujourd’hui, on ne peut la commenter davantage.

M. Philippe Nauche, président. Aucun contrat d’armement, dans aucun pays, ne se conclut sans un arbitrage politique, à un moment ou à un autre. Nous avons évoqué cette question de la diplomatie parlementaire lors du dernier bureau de la commission et la présidente a écrit au ministre de la Défense à ce sujet.

M. Michel Voisin. Sur ce sujet, je me souviens que « Le Nouvel Observateur » avait titré à mon sujet « Le lobbyiste en chef de la défense ». À l’époque, nous négociions avec la Corée du Sud un contrat portant sur la livraison de plus de cent hélicoptères.

Il se trouve que, dans ce pays, la décision finale dans le domaine des contrats d’armement relève de la commission de la Défense du Parlement. Nous nous étions rendus, avec plusieurs parlementaires, en Corée du Sud et, six mois plus tard, nous avions appris que le contrat avait été remporté par Eurocopter, pour un montant de cinq milliards de dollars. Lors d’une campagne électorale, j’avais été attaqué à ce sujet. J’avais alors répondu être très heureux que le contrat ait été remporté par la France et que, sans avoir perçu aucune rémunération ni gratification, j’étais particulièrement satisfait que nous ayons ainsi pu assurer de nombreuses heures de travail à nos employés de l’industrie d’armement. Selon moi, dès lors que le parlementaire ne perçoit aucune rémunération, le problème de la déontologie ne se pose pas.

Mme Nathalie Chabanne, rapporteure. Au-delà du sujet d’une éventuelle rémunération des parlementaires, qui doit effectivement être proscrite et ce quelle que soit l’industrie en question, il faut tout de même se rappeler que l’industrie de la défense et le commerce des armes sont très particuliers. À titre personnel et dans l’idéal, j’estime que nous devrions limiter, autant que faire se peut, nos exportations aux pays qui respectent les droits de l’Homme.

En outre, nous nous devons de conserver une forme de neutralité, notamment vis-à-vis des industriels. Il est important que le déontologue pose un cadre et des limites et je pense que nous agissons d’autant plus librement que ce cadre a été posé.

M. Nicolas Bays. Je comprends les remarques de mes collègues. Pour m’être rendu dans plusieurs salons d’armement à l'étranger, on a raison de rappeler qu’il ne s’agit pas d’une industrie comme les autres, dans laquelle le politique a un rôle important. Lors du salon aéronautique ayant lieu à Langkawi en Malaisie, j’étais le seul député français alors que les États-Unis étaient représentés par dix membres du Congrès, de même que les Allemands ou les Britanniques. Or, ceux-ci démultipliaient les rencontres politiques avec leurs homologues parlementaires, les ministres ou les membres des états-majors. La vente d’armes n’est pas qu’un acte commercial, le rôle du politique est crucial et nous devons nous donner les moyens, de manière encadrée, pour que les parlementaires français puissent accompagner le DGA et les industriels sur le terrain. Les autres pays le font, c’est un handicap pour notre pays de ne pas pouvoir faire de même.

*

* *

La commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement en vue de sa publication.

ANNEXE :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Par ordre chronologique

Ø ODASM. l’amiral Édouard Guillaud, président-directeur général

Ø Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale –MM. Francis Delon, secrétaire général, M. le colonel Guy Gaultier, sous-directeur du contrôle des exportations d’armement et M. Marc Antoine, conseiller pour les relations institutionnelles et la communication

Ø Direction générale de l’armement – M. l’ingénieur général de l’armement Stéphane Reb, directeur du développement international

Ø Dassault AviationMM. Éric Trappier, président directeur général, et Bruno Giorgianni, chef de cabinet

Ø Nexter – M. Philippe Burtin, président, et Mme Laetitia Blandin, directrice de la communication externe

Ø Comité Richelieu – M. Thierry Gaiffe, président de la société Elno et président de la commission défense du Comité Richelieu, et M. Nicolas Faussot, responsable contrat et compliance de la société iXBlue

Ø État-major des armées – M. le général de brigade Thierry Plateaux, chef de la division « maîtrise des armements » M. le capitaine de vaisseau Henri Levet, chef du bureau « soutien aux exportations » et M. le lieutenant-colonel Philippe Godeau

Ø Audition commune :

– GICAT : M. Christian Mons, président ;

 GICAN : MM. Jean-Marie Poimboeuf, président, Jean-Marie Carnet, délégué général et Hervé Croce, responsable des relations institutionnelles ;

– GIFAS : MM. Émeric d’Arcimoles, président de la commission des affaires internationales, Vincent Gorry, directeur des affaires internationales, et Jérôme Jean, conseiller auprès du délégué général.

Ø MBDA* – MM. Antoine Bouvier, président, l’amiral Jean-Pierre Tiffou, conseiller défense du président, Olivier Martin, secrétaire général, et Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement

Ø DCNS* – M. Alain Fougeron, directeur commercial délégué et Mme Rebecca Peres, directrice des affaires publiques

Ø Ministère de l’Économie et des finances Mme Hélène Crocquevieille, directrice générale des Douanes et des droits indirects, M. Jean-Michel Thillier, sous-directeur du commerce international, et Mme Laurence Jaclard, chargée des relations institutionnelles – Élus

Ø Ministère de la Défense – M. Étienne Paris, adjoint au directeur de la direction des Affaires stratégiques pour les questions de contrôle d’armement de guerre

Ø Airbus Group*MM. Philippe Bottrie, directeur des affaires publiques France, le vice-amiral d’escadre (2S) Xavier Paitard, conseiller Défense du président, et Mme Annick Perrimond-du-Breuil, directeur Relations avec le Parlement, direction des affaires publiques France

Ø Renault Trucks Defence – MM. Stefano Chmielewski, président, et Charles Maisonneuve, directeur de la communication externe

Ø Safran* – MM. Bruno Cotté, directeur général des relations européennes et internationales, William Kurtz, conseiller militaire du président, Michel Déchelotte, directeur des affaires institutionnelles/SVP Public Affairs, et Gabriel de Couëssin, stagiaire à la direction des affaires institutionnelles

Ø Défense Conseil International (DCI) – M.  Jean-Michel Palagos, président-directeur général

Ø Thales* – Mme Pascale Sourisse, directeur général du développement international, M. Antoine Loidreau, directeur des relations institutionnelles internationales et Mme Isabelle Caputo, directrice des relations parlementaires et politiques

Ø Contrôle général des armées – MM. le contrôleur général des armées Bruno Roche, président du comité ministériel de contrôle a posteriori des exportations et des transferts de matériels de guerre et assimilés (CMCAP), chef du groupe de contrôle de l’armement, du maintien en condition opérationnel et des exportations (AME), le contrôleur général des armées Gérard Kauffmann ancien président du CMCAP, et le contrôleur général Thibault de Vanssay secrétaire général du CMCAP

Ø SOFEMA – MM. Guillaume Giscard d’Estaing, président-directeur général et Olivier-Pierre Jacquotte, conseiller du président

*

Les rapporteurs tiennent également à remercier les personnes suivantes pour les contributions écrites qu’elles leur ont adressées :

Ø Ambassade de France en Allemagne – M. l’ingénieur en chef de l’armement Yves-Marie Gourlin, attaché d’armement ;

Ø Ambassade de France aux États-Unis – MM. le général de brigade aérienne Bruno Caïtucoli, attaché de défense et le colonel Laurent Mercier, attaché d’armement ;

Ø Ambassade de France en Israël – M. le colonel Benoît de La Ruelle, attaché de défense ;

Ø Ambassade de France en Royaume-Uni – M. le contre-amiral Henri Schricke, attaché de défense ;

Ø Ambassade de France en Russie – M. le général de brigade Guy Nuyttens, attaché de défense ;

Ø Coface – Mme Pascale Lefèvre, sous-directeur « grands comptes » à la direction des garanties publiques ;

Ø Direction générale du Trésor – Mme Sandrine Gaudin, chef du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises, et M. Denis Le Fers, chef du bureau des affaires militaires ;

Ø Ubifrance – M. Julien Ravalais Casanova, chargé des affaires institutionnelles, chef de cabinet.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

1 () Assemblée nationale, rapport d’information n° 2334 de MM. Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veyret sur le contrôle des exportations d’armement (25 avril 2000, XIe législature).

2 () En substance, la R&D correspond à la conception d’un produit, la fabrication de prototypes, les essais de mise au point et de qualification. La R&T se situe quant à elle plus en amont : elle regroupe l’ensemble des activités d’études, de recherches et de démonstrations technologiques qui assurent la maîtrise des savoir-faire permettant de développer des produits innovants avec un risque, un délai et un coût réduits (études amont, études technologiques, démonstrateurs, etc.).

3 () Dont 6 % au titre de la gamme civile commercialisée par le groupe Airbus.

4 () Cour des comptes, Rapport public annuel 2010, La conduite des programmes d’armement.

5 () Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances pour 2014 (mercredi 2 octobre 2013, compte rendu n° 3).

6 () Commission élargie sur le projet de loi de finances 2014 en date du 23 octobre 2013.

7 () Audition, ouverte à la presse, de M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, sur le projet de loi de programmation militaire (mercredi 11 septembre 2013, compte rendu n° 89).

8 () 1 747 milliards de dollars selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

9 () Ce terme anglo-saxon désigne l’échange de marchandises entre entreprises ou, en l’espèce, entre États.

10 () Titre III du livre III de la partie 2 du code de la défense « Matériels de guerre, armes et munitions ».

11 () Loi n° 2013-1202 du 23 décembre 2013 autorisant la ratification du Traité sur le commerce des armes.

12 () Assemblée nationale, Comité d’évaluation et de contrôle, rapport d’information n° 1225 de MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat, Le soutien public aux exportations : mieux répondre aux besoins des entreprises pour redresser le commerce extérieur, juillet 2013.

13 () Assemblée nationale, Comité d’évaluation et de contrôle, rapport d’information n° 2052 de MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 1225) du 4 juillet 2013 sur l’évaluation du soutien public aux exportations juin 2014.

14 () L’article L. 1142-1 du code de la défense dispose que le ministre de la défense « contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique d’exportation des équipements de défense ».

15 () Représentations permanentes auprès de l’Union européenne, de l’OTAN et Agence européenne de défense.

16 () 0800 027 127.

17 () www.ixarm.com

18 () Par exemple l’augmentation de 25 % sur trois ans des crédits soutenant l’innovation duale des PME dans le cadre du programme RAPID (Régime d’Appui Pour l’Innovation Duale).

19 () De fait, en 2013, ce label a été accordé à deux entreprises seulement : Corse Composites Aéronautiques et Hydrocap.

20 () Loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967.

21 () Encore faut-il préciser que chaque grande entreprise allemande s’inscrit dans une logique de Konzern en entraînant généralement « ses » PME, et non les PME.

22 () Dollar canadien, yen, livre sterling, franc suisse, couronne danoise, dollar de Singapour, dollar de Hong Kong, couronne suédoise, couronne norvégienne et, sous conditions, dollar australien, zloty polonais, forint hongrois, couronne tchèque et rand sud-africain.

23 () 65 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 300 millions d’euros ; 45 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 300 millions d’euros et inférieur ou égal à 400 millions d’euros ; 25 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 400 millions d’euros et inférieur ou égal à 500 millions d’euros.

24 () Le dernier cas étant l’embargo imposé sur l’Irak à la suite de l’invasion du Koweït en 1990.

25 () Le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales avait analysé 470 dispositifs fiscaux et 68 dispositifs sociaux, dont 49 dépenses fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés, et 48 au titre de la TVA (rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011).

26 () Entreprises dont l’effectif est inférieur à 250 personnes et dont soit le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros, soit le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros.

27 () Au bénéfice d’associations « loi de 1901 » régies par le droit local dans les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin dès lors qu’elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés.

28 () Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011.

29 () Ce régime est fixé par l’instruction fiscale n° 1178/DEF/DSF/0 du 28 juin 1974.

30 () Décret n° 83-987 du 21 octobre 1983 modifié fixant les conditions de remboursement de certaines dépenses supportées par les armées.

31 () Pour sa part, la marine constate un doublement des demandes depuis 2012.

32 () Classifié, le PNSED vise à présenter une vision globale en matière d’exportation d’armement à court et à moyen terme.

33 () Généralement, il s’agit de l’officier général chargé des relations internationales au sein de chaque armée.

34 () Système d’Information du Soutien des EXporTations.

35 () 46 demandes ont été traitées : 12 ont été annulées et quatre refusées.

36 () Le maintien de notre autonomie stratégique ; la cohérence du modèle d’armée avec les missions dans lesquelles la France est susceptible d’engager ses forces armées ; la différenciation des forces en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir ; la mutualisation.

37 () Frégates multi-missions.

38 () Soldes et primes du personnel et amortissement du matériel.

39 () Autres frais, notamment les factures relatives à l’entretien programmé des matériels.

40 () En premier lieu l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) et le Service d’informations et de relations publiques des armées (SIRPA).

41 () La convention a récemment été reconduite.

42 () Ainsi, 36 % des entreprises françaises certifiées OEA sont des PME.

43 () Règlement CE 1875/2006 de la Commission du 18 décembre 2006 modifiant le règlement CEE 2454/93 fixant certaines dispositions d’application du règlement CEE 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire.

44 () Cette mesure a été décidée dans le cadre de la commission interministérielle pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013 (mesure n° 20). Elle constitue également la mesure n° 1 du projet stratégique de la douane (PSD) 2018.

45 () https://pro.douane.gouv.fr/

46 () Elle dispose même, depuis 2013, de son propre ministère.

47 () Initialement Société française d’exportation de systèmes d’armes transformée plus tard en Société française d’exportation de systèmes avancés.

48 () Le Département d’État est notamment compétent pour la détermination des pays éligibles au programme FMS, des ventes majeures qui seront réalisées et pour l’émission des licences d’exportation.

49 () Navy International Programs Office.

50 () Air Force Security Assistance Command.

51 () US Army Security Assistance Command.

52 () National Security Agency.

53 () Au 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre.

54 () Un premier volet du contrat a été exécuté en 2012 pour la fourniture de chasseurs F15 et d’hélicoptères Apache pour un montant de 30 milliards de dollars.

55 () Plus de 20,4 milliards de dollars reçus entre 2005 et 2012.

56 () Plus de 10,3 milliards de dollars reçus entre 2005 et 2012.

57 () Plus de 2,1 milliards de dollars reçus entre 2005 et 2012.

58 () Plus de 2 milliards de dollars reçus entre 2005 et 2012.

59 () Par décret du Président de la Fédération de Russie n° 1834 du 4 novembre 2000.

60 () Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr.

61 () AKA-Exportkreditfinanzierung, ERP-Exportfinanzierungsprogramm, garanties à l’export via Euler Hermes.

62 () C4I correspond aux termes anglais de « command » (maîtrise), « control » (contrôle), « communications », « computer » (informatique) et « intelligence » (renseignements).

63 () Signals Intelligence, équivalent du renseignement d’origine électromagnétique ou ROEM.

64 () Les FTI ont vocation à remplacer les frégates furtives type La Fayette (FLF).

65 () À l’Assemblée nationale, cette première présentation a eu lieu le 22 novembre 2012 (audition, ouverte à la presse, conjointe avec la commission des affaires étrangères, compte-rendu n° 25 de la commission de la défense nationale et des forces armées, jeudi 22 novembre 2012).

66 () Amendement n° DN65 de MM. de Rugy et Cavard sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (n° 1473).

67 () Amendement n° 121 de M. de Rugy et des membres du groupe Écologiste sur projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (n° 1551).

68 () Dès lors, celle-ci perdrait son caractère strictement « interministériel ».

69 () De 85 euros pour des outillages à plus de 43 millions d’euros pour la cession de bâtiments complets.

70 () En service ou sans emploi, périmé ou non, susceptible d’être réapprovisionné ou non, etc.

71 () Point 4 du rapport annexé, « La politique industrielle ».

72 () Ainsi, dans le cadre du marché en cours de négociation avec l’Inde, 108 des 126 Rafale qu’il s’agit de vendre seraient produits localement.

73 () United States Code, Title 41 Public Contracts, Subtitle IV Miscellaneous, Chapter 83 Buy American (section 8301-8305).

74 () Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

75 () Directorate General Internal Markets and Services, Directive 2009/81/EC on the award of contracts in the fields of defence and security, Guidance Note « Offsets ».

76 () Communication interprétative sur l’application de l’article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense COM(2006) 779 final.

77 () Cf. notamment arrêt du 26 octobre 1999, affaire C-273/97 Sirdar, points 15-16 ; arrêt du 11 janvier 2000, affaire 285/98 Kreil, point 16 ; arrêt du 11 mars 2003, affaire 186/01 Dory, points 30-31.

78 () Affaire C-414/97 Commission c. Espagne, point 22.

79 () COM(2006) 779 final.

80 () Groupement des industries françaises de défense terrestre et aéroterrestre.

81 () Groupement des industries de construction et activités navales.

82 () Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales.

83 () Conseil des industries de défense françaises.

84 () KMW And Nexter Together.

85 () Allemagne, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Royaume-Uni et Turquie.

86 () Audition de M. Jean Yves Le Drian, ministre de la Défense, sur le projet de loi de finances pour 2015, (mercredi 1er octobre 2014, compte rendu n° 2).

87 () Le « paquet Défense » est composé de deux directives de 2009, transposées dans le droit national en 2011, et visant :

– à simplifier les conditions des transferts de produits liés à la défense au sein de l’Union européenne (directive 2009/43/CE) ;

– à améliorer l’ouverture et la compétitivité des marchés de défense et de sécurité (directive 2009/81/CE).

88 () Assemblée nationale, rapport n° 3311 de M. Yves Fromion sur le projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (avril 2011).

89 () Groupe des fournisseurs nucléaires pour la non-prolifération nucléaire, Groupe « Australie » pour la non-prolifération chimique et biologique, Régime de contrôle de la technologie des missiles, Arrangement de Wassenaar.

90 () Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines antipersonnel, convention d’Oslo sur l’interdiction des armes à sous-munitions, etc.

91 () Décret n° 55-965 du 16 juillet 1955 portant réorganisation de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre.

92 () Système d’Information, de Gestion et d’Administration des Licences d’Exportation, successeur du système SIEX.

93 () Loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liées à la défense et au marché de défense et de sécurité.

94 () Article L. 2335-3 du code de la défense.

95 () « Exportateurs » dans le cas d’une exportation ou « fournisseurs » dans le cas d’un transfert intracommunautaire.

96 () Communication d’informations dans le cadre de la négociation d’un contrat, acceptation d’une commande ou signature d’un contrat (IV de l’article L. 2335-3 du code de la défense).

97 () Arrêté du 27 juin 2012 relatif à la liste des matériels de guerre et matériels assimilés soumis à une autorisation préalable d’exportation et des produits liés à la défense soumis à une autorisation préalable de transfert.

98 () Ministère de la Défense, Contrôle des exportations de l’armement, lettre d’information n° 1, octobre 2010.

99 () Arrêté du 30 novembre 2011 fixant l’organisation du contrôle sur pièces et sur place effectué par le ministère de la défense en application de l’article L. 2339-1 du code de la défense.

100 () Nucléaire, bactériologique, chimique.

101 () Articles 101 à 107 du code des douanes.

102 () Article 60 du code des douanes.

103 () Respectivement articles 63 ter, 64 et 65 du code des douanes.

104 () Aux termes de l’arrêté du 9 mai 2011 pris en application du troisième alinéa du I de l’article L. 2371-1 du code de la défense, les services spécialisés de renseignement sont : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction de la protection et de la sécurité de défense (DPSD), la direction du renseignement militaire (DRM), la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le service à compétence nationale « direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières » (DNRED) et le service à compétence nationale « traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » (TRACFIN).

105 () 70 % des saisies concernent des armes blanches et assimilées : couteaux, poignards, matraques, armes à impulsions électriques, bombes lacrymogènes.

106 () Dont dix entreprises allemandes et neuf entreprises françaises, mais aucune société britannique ou italienne.

107 () Arrêté du 30 novembre 2011 relatif à la procédure de certification des entreprises souhaitant être destinataires de produits liés à la défense et textes afférents.

108 () Assemblée nationale, rapport n° 3311 de M. Yves Fromion sur le projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (avril 2011).

109 () Commission européenne, rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comités des régions, Une nouvelle donne pour la défense européenne, COM(2014) 387 final.

110 () Les pays de la LoI (« Letter of Intent ») sont : l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède. Le processus LoI consiste à encourager la concertation des représentants étatiques et le dialogue avec les industriels des six pays. Il s’agit d’œuvrer à la convergence des priorités et des pratiques nationales, ainsi qu’à simplifier et à harmoniser les procédures entre pays dans les domaines indiqués par l’accord-cadre signé le 27 juillet 2000.

111 () Rapport de Mme Claude Revel remis à Madame Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, Développer une influence normative internationale stratégique pour la France, 28 décembre 2012.

112 () Signée le 17 décembre 1997, elle a été ratifiée par la France le 31 juillet 2000.

113 () L’Afrique du Sud en 2007, Israël en 2009, la Russie en 2012.

114 () La Chine et l’Inde par exemple.

115 () http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/rapportsparpayssurlamiseenoeuvredelaconventiondeluttecontrelacorruptiondelocde.htm

116 () Trois dossiers concernant des entreprises françaises sont actuellement bloqués. Ils ont trait à la vente d’hélicoptères à l’Ouzbékistan et à la fourniture de missiles et blindés légers au Qatar.

117 () Accord entre le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne et le Gouvernement de la République française sur les exportations vers les pays tiers des matériels d’armement, développés et/ou produits en coopération, signé à Bonn le 7 décembre 1971 et à Paris, le 7 février 1972.

118 () Assemblée nationale, rapport d’information n° 2334 de MM. Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veyret sur le contrôle des exportations d’armement (25 avril 2000, XIe législature).


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