N° 3098
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2015.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
en conclusion des travaux d’une mission d’information
sur le financement public de l’audiovisuel en France
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Jean-Marie BEFFARA, Rapporteur
M. Éric WOERTH, Président de la mission
——
___
Pages
AVANT-PROPOS DE M. ÉRIC WOERTH, PRÉSIDENT DE LA MISSION D’INFORMATION 9
INTRODUCTION 11
LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR DE LA MISSION D’INFORMATION SUR LE FINANCEMENT PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL 17
CHAPITRE 1 : LE FINANCEMENT PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL À LA RECHERCHE D’UNE STRATÉGIE DE LONG TERME 21
I. LE FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN PROIE À LA PRÉCARISATION DES RESSOURCES ET L’INCERTITUDE DES OBJECTIFS 21
A. L’INCERTITUDE DE LA RESSOURCE PUBLIQUE, FREIN AU PILOTAGE DU FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC 21
1. Une dépendance variable à la ressource publique 21
2. Une instabilité de la ressource publique qui nuit à la gestion des entreprises 23
a. Une répartition de la contribution à l’audiovisuel public imprévisible et soumise à une logique court-termiste 23
b. Le système de vases communicants entre crédits budgétaires et contribution à l’audiovisuel public : un facteur supplémentaire de variabilité de la ressource 25
B. LE PILOTAGE PAR LES CONTRATS D’OBJECTIFS ET DE MOYENS : UN PRINCIPE PERFORMANT MAIS UNE APPLICATION QUI EN LIMITE LE CARACTÈRE STRATÉGIQUE 27
a. Le contrat d’objectifs et de moyens, un outil utile au service des stratégies de long terme mais qui ne permet pas à ce jour une vision globale de l’audiovisuel public 27
b. Les décrochages financiers entre prévisions du contrat d’objectifs et de moyens et exécution budgétaire 29
C. COROLLAIRE DE LA STABILISATION DE LA RESSOURCE PUBLIQUE : DES DÉPENSES QUI DOIVENT ÊTRE EN LIAISON AVEC LES RECETTES ET DES OBJECTIFS PROPORTIONNÉS 32
1. Dans un contexte de tensions sur les finances publiques, une dégradation des comptes des entreprises n’a pas pu être évitée 32
a. L’effet de ciseau malgré d’importants efforts de restructuration : le cas de France Medias Monde et d’Arte 33
b. L’Institut national de l’audiovisuel : la priorité doit être donnée à la structuration du contrôle comptable et du contrôle de gestion 35
2. La résorption de l’effet de ciseaux par des efforts substantiels sur les charges : la stratégie nécessaire pour Radio France et France Télévisions 37
a. Radio France : le prochain contrat d’objectifs et de moyens sera décisif pour le retour à l’équilibre de l’entreprise 37
b. Les efforts de restructuration de France Télévisions : une démarche en cours de réalisation mais qui a débuté tardivement 41
II. UNE RÉVISION NÉCESSAIRE DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC AFIN D’ASSURER DES RECETTES DURABLES POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC 45
A. LA MENACE D’UN RENDEMENT DÉCROISSANT DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC À JUGULER 47
B. L’ÉVOLUTION DES PRATIQUES REND NÉCESSAIRE UNE REDÉFINITION DE L’ASSIETTE EN ADÉQUATION AVEC LES NOUVELLES TECHNOLOGIES 50
1. La révolution technologique 50
a. La multiplicité des supports et des pratiques de visionnage 50
b. L’avènement de la télévision et de la radio « sociale » 51
2. La profusion des offres gratuites et payantes et son influence sur les comportements de visionnage 52
C. LES EXEMPLES BRITANNIQUE ET ALLEMAND DE RÉFORME DE LA REDEVANCE 53
1. La réforme de la redevance audiovisuelle en Allemagne 54
a. Le service public audiovisuel allemand 54
b. La réforme de la redevance 54
2. La réforme de la redevance audiovisuelle au Royaume-Uni 56
a. Le service public audiovisuel britannique 56
b. La réforme de la redevance 56
D. UNE ASSIETTE DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC ÉLARGIE À TOUT SUPPORT PERMETTANT LA RÉCEPTION DU SERVICE PUBLIC AUDIOVISUEL 57
1. Une réforme conforme au droit communautaire 58
2. Les principes de la réforme 58
a. L’exclusion des postes de radio 59
b. Un tarif réduit pour les jeunes 59
c. Les conséquences pour les entreprises 60
d. L’occasion de simplifier le régime des dégrèvements 60
e. L’absence de surcoût lié au contrôle par l’administration fiscale 60
f. Une réforme devant être soumise au Parlement 60
CHAPITRE 2 : QUEL AVENIR POUR LES RECETTES PUBLICITAIRES DANS LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC ? 63
I. LE MODÈLE DU MARCHÉ « BI-FACE » : LA LOGIQUE ÉCONOMIQUE DU FINANCEMENT PAR LES RECETTES PUBLICITAIRES 64
A. LA LOGIQUE ÉCONOMIQUE DU FINANCEMENT PAR RESSOURCES PUBLICITAIRES 64
1. Une logique fondée sur l’audience 64
a. La nature du bien audiovisuel est au cœur du modèle économique 64
b. Le service audiovisuel gratuit obéit à une logique de marché « bi-face » 64
c. Les audiences et la prise de risque : deux logiques que tout oppose 68
2. L’impact de la transition numérique dans ce système fondé sur l’audience 69
a. Le calcul de l’audience intègre désormais l’ensemble des supports 69
b. La prise en compte des évolutions technologiques par les annonceurs 69
B. LES RESSOURCES PUBLICITAIRES : UNE PROBLÈMATIQUE QUI CONCERNE EN PREMIER LIEU FRANCE TÉLÉVISIONS 70
II. LA MISE À MAL DU MARCHÉ PUBLICITAIRE : QUELLES CONSÉQUENCES POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC ? 72
A. L’ÉTAT DES LIEUX DE LA BAISSE DES RECETTES PUBLICITAIRES DANS LE SECTEUR AUDIOVISUEL 72
1. L’évolution des recettes publicitaires à la radio : quelle situation pour Radio France ? 73
a. Les ressources publicitaires de Radio France à l’abri des aléas du marché 73
b. Le débat autour de la modification de la réglementation de la publicité sur les antennes de Radio France 75
c. Les perspectives d’évolution 76
2. L’évolution des recettes publicitaires de la télévision : France Télévisions n’est pas représentative de la situation du marché publicitaire 79
a. Les recettes publicitaires de la télévision 79
b. Les recettes publicitaires de France Télévisions 79
B. LES CAUSES DE LA TENDANCE À LA BAISSE DU MARCHÉ PUBLICITAIRE DES MEDIAS TRADITIONNELS SONT IRRÉVERSIBLES 80
1. La concurrence accrue du fait des chaînes de la télévision numérique terrestre : un équilibre en faveur des annonceurs 80
a. La reconfiguration du paysage audiovisuel 80
b. L’impact sur le marché publicitaire 81
2. L’élasticité entre part d’audience et part de marché publicitaire : France Télévisions est plus exposé au risque en matière d’audience. 82
3. Le tournant du numérique rend les médias traditionnels moins attractifs pour les annonceurs, sans que la publicité digitale soit une alternative suffisante pour compenser les pertes de recettes 84
a. La montée en puissance de la publicité digitale 84
b. Le développement de la télévision de rattrapage et de la présence des chaînes de télévision sur Internet 85
c. Des perspectives de recettes publicitaires digitales qui demeurent marginales mais qui peuvent être amenées à monter en puissance 86
III. LA NÉCESSITÉ DE TROUVER UN MODÈLE ÉCONOMIQUE PROPRE AU SERVICE PUBLIC 89
1. La question de l’« après 20h00 » et le débat récurrent sur la légitimité de la publicité sur France Télévisions 90
a. L’échec du modèle de financement prévu par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision 90
b. Le manque de compétitivité générale des écrans publicitaires de France Télévisions du fait de l’absence de publicité au moment des fortes audiences 93
c. La vision économique : le risque de dévalorisation accrue du marché et un profit moindre pour France Télévisions 95
2. La nécessité pour les pouvoirs publics de faire un choix assumé sur le financement de l’audiovisuel public 97
a. Le choix assumé de la publicité : des recettes à court terme mais une programmation nivelée par rapport aux groupes privés de l’audiovisuel 97
b. Les choix assumés du service public : mettre fin progressivement à la publicité et trouver un modèle économique permettant de diversifier les ressources propres 99
CHAPITRE 3 : LE RENOUVEAU DU MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L’AUDIOVISUEL FRANÇAIS : LA DIVERSIFICATION DES RECETTES PAR LA VALORISATION PATRIMONIALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE PAR LES DIFFUSEURS 107
I. LE FINANCEMENT ET LA VALORISATION DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE DOIVENT NÉCESSAIREMENT ÉVOLUER POUR RENOUVELER LE MODÈLE ÉCONOMIQUE 108
A. LE DISPOSITIF ACTUEL : UN SYSTÈME DÉSÉQUILIBRÉ ET COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES 108
1. Un système piloté par l’État et favorable aux producteurs 109
a. Le modèle économique d’un groupe de production 109
b. Le modèle de financement de la production audiovisuelle 111
2. Les aides du Centre national du cinéma et de l’image animée 115
a. Le financement du Centre national du cinéma et de l’image animée : un financement public auquel participent les diffuseurs 115
b. Le système de soutien 121
c. Les réformes du soutien à la production audiovisuelle 123
3. Les aides des collectivités locales 125
4. L’échec du système de financement de la production 126
a. La fragmentation de la production audiovisuelle affaiblit le secteur audiovisuel 126
b. Le documentaire : le premier genre en volume 129
c. Un modèle qui devient plus compétitif à l’export 131
5. La BBC : un système de soutien à la production efficace 133
a. Un système de production unique 133
b. Des recettes commerciales diversifiées et conséquentes 136
II. QUELLES ÉVOLUTIONS DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE POUR VALORISER LES INVESTISSEMENTS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC ? 137
A. LE DÉCRET DU 27 AVRIL 2015 NE VA PAS ASSEZ LOIN DANS LE RÉÉQUILIBRAGE AU PROFIT DES DIFFUSEURS 137
1. Les propositions d’évolutions de la mission d’information : assouplir les conditions d’investissement dans la production indépendante et redonner la main aux diffuseurs sur l’exploitation de l’œuvre 140
a. Un seuil de 70 % du devis de production trop élevé 141
b. Des mandats de commercialisation qui demeurent aux mains de producteurs 142
c. L’alignement sur le droit commun de la définition de l’indépendance capitalistique 144
a. L’assouplissement du quota d’indépendance : instaurer une part de mise en concurrence 145
b. La détermination des investissements éligibles pour France Télévisions : un assouplissement et une actualisation nécessaires 146
1. Le potentiel de recettes pour France Télévisions liées à la valorisation des investissements dans la production audiovisuelle 147
a. Le régime particulier de France Télévisions en matière de coproduction depuis 2009 147
b. Des recettes liées à la coproduction qui vont demeurer modestes en l’absence d’évolution de la réglementation 148
c. Une ressource de moyen terme qui peut monter en charge 150
2. La diversification des ressources propres : une solution d’avenir pour l’ensemble de l’audiovisuel public 150
3. Tableau récapitulatif du financement de France Télévisions selon le nouveau modèle économique 152
EXAMEN EN COMMISSION 155
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 163
AVANT-PROPOS DE M. ÉRIC WOERTH,
PRÉSIDENT DE LA MISSION D’INFORMATION
À l’heure où Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, annonce un déficit public de 50 millions d’euros pour 2016, il est plus que d’actualité de s’interroger sur la viabilité du modèle économique de l’audiovisuel français, dans un contexte de révolution numérique et de changement des pratiques des usagers, porté par des mutations technologiques profondes.
Les vingt-quatre auditions auxquelles nous avons procédé – dont une seule a fait l’objet d’un huis clos (1) – nous ont permis d’embrasser le fonctionnement au travers, notamment du prisme financier, de l’ensemble du modèle économique de l’audiovisuel, qui se révèle extrêmement complexe, tant les interdépendances entre les différents acteurs sont fortes et les dysfonctionnements et pistes d’amélioration, multiples. Nous en sommes donc, naturellement venus à la conclusion commune qu’une réflexion, suivie d’une révision, du modèle économique de l’audiovisuel français était aussi nécessaire qu’urgente.
Je ne partage pas cependant l’ensemble des préconisations formulées par le Rapporteur.
Le premier point de désaccord concerne la proposition de réforme de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public, qui serait élargie à tous les supports permettant la réception du service public de télévision (ordinateurs, tablettes, smartphones). Cette proposition me paraît très peu adaptée dans un contexte fiscal oppressant depuis 2012 pour le contribuable français soumis à une politique d’augmentation des impôts peu soutenable et que je ne peux, en aucun cas, cautionner en m’associant à cette proposition. Toutefois, je m’associe au souhait du Rapporteur d’améliorer la prévisibilité de la ressource publique et de renforcer la coordination entre les acteurs de l’audiovisuel public.
Je ne saurais, non plus, m’associer à la proposition visant à réintroduire, même à court terme et de façon partielle, la publicité de 20h00 à 21h00. Je reste convaincu que la loi du 5 mars 2009, qui a supprimé la publicité à partir de 20h00 sur les chaînes de France Télévisions, a permis d’offrir aux usagers une meilleure qualité du service public audiovisuel tout en prévoyant un système de financement pérenne. Ainsi, il convient de ne pas revenir sur ces dispositions. J’irai même plus loin en estimant – qu’à terme et sous réserve de prévoir un mécanisme de compensation adapté et pérenne – ce modèle devrait être poussé au bout de sa logique et conduire à une suppression définitive de la publicité.
Nous sommes, malgré ces divergences, cependant tombés d’accord sur un certain nombre de constats et de propositions.
Le secteur de l’audiovisuel public, particulièrement affecté par une dégradation du résultat des entreprises engendré par une augmentation des charges plus rapide que celle des recettes, doit réviser son modèle.
Il s’agit en premier lieu de rechercher les économies structurelles qui pourraient être mises en œuvre selon un calendrier programmé au sein de l’audiovisuel public pour l’adapter, également aux nouvelles pratiques (numérisation de chaîne, réduction des coûts de grille et des effectifs).
Enfin, il convient de soutenir la diversification des ressources des acteurs de l’audiovisuel public via une véritable politique de valorisation de la production audiovisuelle, afin qu’elle soit notamment concurrentielle à l’international et permette d’offrir des recettes aux diffuseurs qui la financent. Cet ambitieux projet passerait par la révision du décret du 27 avril 2015, afin d’établir un équilibre entre les producteurs et les diffuseurs, la maîtrise des mandats de commercialisation par les diffuseurs et l’assouplissement des obligations en faveur de la production indépendante, en s’inspirant notamment du modèle britannique de la BBC.
Un secteur de l’audiovisuel public fort, soutenu par une ressource publique sécurisée, constitue une étape incontournable pour assurer une programmation de qualité et un service public qui remplit la mission qui lui est assignée. C’est également la garantie de retombées bénéfiques pour l’ensemble du monde audiovisuel à travers le soutien et le développement d’une production créative et attirant les investisseurs étrangers.
À l’aune de la révolution audiovisuelle que représente la transition numérique réalisée à l’échelle mondiale, qui bouscule les usages et modifie les équilibres antérieurs, une mission d’information sur le financement public en faveur de l’audiovisuel trouve tout son sens. En effet, les médias privés comme publics se trouvent à la croisée des chemins, et les années qui viennent les amèneront immanquablement à faire évoluer leur modèle économique.
Au sein de la planète médias, la place de l’audiovisuel public est spécifique. Regroupant les acteurs de la radio et de la télévision, ce périmètre rassemble France Télévisions, Radio Franc et Arte France, les représentants de l’audiovisuel extérieur que sont France Médias Monde et TV5 Monde, et enfin l’Institut national de l’audiovisuel (INA) dont la mission historique est l’archivage des contenus audiovisuels. Chacun d’eux se doit de répondre à un grand nombre d’obligations en tant que garant privilégié de l’exception culturelle et du rayonnement de la France à l’international. C’est à ce titre qu’ils sont également les bénéficiaires d’importantes dotations publiques, pour un montant global de près de 3,8 milliards d’euros en 2015. Comme le détaille le tableau suivant, c’est plus de 22,5 milliards d’euros de ressource publique qui ont été alloués à l’audiovisuel public depuis 2010 :
TOTAL DU FINANCEMENT PUBLIC EN FAVEUR DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC (2010-2015)
(en millions d’euros)
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
TOTAL |
TOTAL CAP |
3058,9 |
3155,9 |
3223,2 |
3377,2 |
3478,6 |
3591,43 |
19885,23 |
Dotations budgétaires France Télévisions |
423,3 |
361,9 |
435,9 |
248,8 |
103,6 |
160,4 |
1733,9 |
Dotations budgétaires audiovisuel extérieur |
212,9 |
251,5 |
158,6 |
148,2 |
150,6 |
0 |
921,8 |
TOTAL |
3695,1 |
3769,3 |
3817,7 |
3774,2 |
3732,8 |
3751,83 |
22540,93 |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) et Rapports annuels de performances.
Dans le contexte économique que l’on connaît et les contraintes qui en découlent pour l’ensemble des secteurs, il apparaît donc essentiel que l’audiovisuel public fasse l’objet d’un pilotage efficace et participe à sa hauteur à l’effort de redressement des finances publiques.
La mission d’information s’est donc donnée comme premier objectif de réfléchir aux évolutions nécessaires du financement de l’audiovisuel public, dont les deux piliers actuels sont la contribution à l’audiovisuel public (CAP) et la ressource publicitaire. La première partie du rapport, consacrée aux perspectives d’évolution de la ressource publique, a mis en exergue plusieurs constats. Tout d’abord, le pilotage de la ressource notamment au travers des contrats d’objectifs et de moyens (COM), censés inscrire dans le marbre les engagements de l’opérateur dans l’accomplissement de sa mission et les engagements financiers de la tutelle pour y parvenir, est à ce jour défaillant. L’enveloppe issue du produit de la CAP et répartie entre les sociétés de l’audiovisuel public n’apparait pas, sur les dernières années, comme une ressource prévisible et favorable à une stratégie pluriannuelle pourtant indispensable à toute politique d’ampleur. Corollaire de cette précarisation de la ressource, garantie chaque année sur son principe mais incertaine dans son montant et sa trajectoire, plusieurs sociétés n’ont pas amorcé assez tôt les restructurations nécessaires afin de préserver leur équilibre financier. Prisonnières d’un effet de ciseau qui risque de déstabiliser leur budget sur le long terme, elles ne bénéficient pas, à l’image de la plupart des organismes publics en charge de missions de service public, de la flexibilité en gestion leur permettant d’absorber d’importants chocs de recettes. Une réflexion sur la ressource publique ne peut donc faire l’économie d’une vision préalable sur le périmètre des missions que les pouvoirs publics veulent et peuvent financer dans la conjoncture actuelle et des priorités qui vont être fixés pour les années à venir.
Dans un second temps, le Rapporteur s’est interrogé sur les évolutions nécessaires de la contribution à l’audiovisuel public. En effet, l’efficacité d’une ressource fiscale s’évalue au regard de sa pérennité et de son dynamisme futur. Or, l’assiette de la CAP se trouve à un moment charnière puisque les évolutions sociétales liées au numérique sont en train de métamorphoser les usages et pratiques de consommation des contenus audiovisuels. Avant que cette tendance, irréversible par nature, n’érode cette ressource essentielle pour l’audiovisuel public, le Rapporteur propose de réformer dès aujourd’hui l’assiette de cette redevance en y incluant les nouveaux supports numériques. En renforçant le lien entre son fait générateur et sa destination, il s’agit de faire de la CAP un impôt plus juste et plus dynamique sur le long terme. Le Rapporteur a par ailleurs proposé un dispositif protecteur pour le contribuable, et soucieux de ne pas augmenter la pression fiscale notamment chez les populations les moins favorisées afin de renforcer la justice fiscale.
La deuxième partie du rapport aborde le second pilier du financement de l’audiovisuel public, commun aux acteurs des groupes audiovisuels privés, à savoir la ressource publicitaire. Une étude du financement public nécessite en effet de comprendre le fonctionnement et les perspectives de ce qui constitue son complément, principalement dans le cas de France Télévisions mais également dans celui de Radio France. Point commun avec la ressource publique, les recettes publicitaires sont pour l’ensemble du secteur audiovisuel dans une spirale baissière, liée à la conjoncture économique, à la multiplication des acteurs de l’audiovisuel, mais également aux impacts de la transition numérique. Autre point commun avec la ressource publique, les mêmes causes entraînant les mêmes effets, cette tendance semble globalement irréversible.
Face à ce constat, la mission d’information s’est plus particulièrement penchée sur le modèle économique actuel de France Télévisions, au sein duquel les recettes publicitaires tiennent encore une place prépondérante. Au regard de son poids économique, qui représente près de 65 % des dotations publiques en faveur de l’audiovisuel public et un budget total avoisinant les 3 milliards d’euros, l’équilibre financier de cet opérateur est en effet un élément majeur de stabilisation, ou au contraire de déstabilisation, du secteur audiovisuel dans son ensemble. Cet équilibre inclut également les groupes privés qui se trouvent face à France Télévisions sur le marché désormais ultra concurrentiel de la publicité télévisuelle. Le Rapporteur a adopté une démarche en deux temps, visant avant tout à encourager les pouvoirs publics à faire le choix assumé d’un modèle économique, et d’en tirer l’ensemble des conséquences qui en découlent.
Le premier choix est celui du court terme : France Télévisions souffre aujourd’hui sur le marché publicitaire d’une situation « d’entre-deux » qui fragilise son financement, qui crée dès lors une pression sur le second pilier qu’est la ressource publique – elle-même se répercutant sur l’ensemble de l’audiovisuel public qui subit les aléas des recettes publicitaires de France Télévisions. Malgré les risques pour le marché, si le choix est fait par les pouvoirs publics de maintenir la ressource publicitaire, il leur appartient de consolider celle-ci en permettant un retour de la publicité sur la plage à fort potentiel concurrentiel de 20h00 à 21h00 et/ou lors des événements fédérateurs. Au regard du marché, il apparaît cependant que ces recettes supplémentaires ne connaîtront pas un dynamisme pérenne et soumettront d’autant plus la télévision publique à une pression commerciale sur les audiences.
Le second choix, qui a la préférence du Rapporteur, est celui de l’avenir. Moins immédiat, il apporte cependant stabilité et pérennité au financement de France Télévisions, et à l’ensemble du secteur. Il s’agit dans ce nouveau cadre d’aller au bout de la démarche voulue par la loi du 5 mars 2009 et de supprimer à terme toute publicité sur les antennes de France Télévisions. Ce scenario implique en contrepartie la consolidation du financement par une source de financement public garanti, notamment par l’affectation de taxe existante, et une trajectoire de CAP permettant également de dégager des marges suffisantes. Il implique par ailleurs l’approfondissement de la démarche d’économies en gestion qui est à l’œuvre aujourd’hui, permettant de maîtriser les dépenses, et enfin de favoriser le développement des ressources propres autres que celles issues de la publicité. Il s’agit bien entendu d’un mouvement de glissement sur le moyen et le long terme, accompagné d’une suppression progressive des plages de publicité, par exemple chaîne par chaîne, et conditionné par la montée en puissance d’autres marges de recettes.
Le Rapporteur ne souhaite pas trancher le débat sur la place de la publicité sur les antennes de France Télévisions, mais tient à souligner que la situation d’entre-deux qui prédomine actuellement ne peut perdurer et doit amener les pouvoirs publics à adopter une position clarifiée sur l’avenir du financement de l’audiovisuel public, et plus particulièrement de France Télévisions.
La troisième partie du rapport est consacrée à ce qui représente également un volet de l’avenir du financement de l’audiovisuel public, à savoir la diversification des ressources propres. Les recettes commerciales restent en effet encore à un niveau balbutiant pour la majorité des sociétés de l’audiovisuel public, à l’exclusion de l’INA. Plus particulièrement, la mission d’information s’est penchée sur la valorisation possible des investissements dans la production audiovisuelle, actuellement régie par des obligations drastiques pour les diffuseurs publics comme privés. La production audiovisuelle intéresse la mission à double titre, puisque les aides aux producteurs émanent d’un financement public via les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), et puisque France Télévisions représente par ses obligations d’investissement – qui s’élèvent à plus de 400 millions d’euros par an – 54 % de l’investissement total des diffuseurs dans la production indépendante.
L’enjeu est donc tout d’abord d’évaluer l’efficacité de ces soutiens financés par les fonds publics, et ensuite de réfléchir aux possibilités de valoriser ces investissements, qui ne permettent à ce jour qu’une très maigre remontée de recettes pour les diffuseurs. Pour ces derniers, le décret du 27 avril 2015, qui représentait un espoir de rééquilibrage dans leurs relations commerciales avec les producteurs, se révèle finalement une première étape décevante. Les perspectives de réformes possibles afin de favoriser une meilleure valorisation des œuvres financées massivement par les diffuseurs viennent enfin nourrir une réflexion plus globale sur un changement de paradigme, où le développement de nouvelles ressources propres apparaîtrait comme une alternative majeure afin de faire face à la baisse des ressources traditionnelles. De plus, la qualité et le rayonnement de la production audiovisuelle française sortiraient renforcés d’une restructuration partielle de ce secteur, fer de lance historique de l’exception culturelle mais qui peine à s’imposer dans une logique de consommation audiovisuelle désormais mondialisée.
***
Le périmètre très large de la mission permet ainsi de saisir l’ensemble des interactions qui composent un modèle économique durable et efficace. Il faut également relever que, dans le cas de l’audiovisuel, les décisions prises en matière de financement auront un impact direct sur les choix de programmation, qui constituent le cœur de l’activité des sociétés de médias, mais qui demeurent dépendants des exigences liées aux ressources. C’est dans cette perspective d’affirmation de l’identité du service public audiovisuel que la mission d’information a envisagé ses réflexions sur le modèle économique.
Les différentes propositions, qu’elles portent sur la ressource publique, les recettes publicitaires ou le financement de la production audiovisuelle, ont en effet comme objectif commun de permettre à l’audiovisuel public d’oser la prise de risque en matière de programmation. C’est ce que permet un cadre sécurisé de ressources, détaché de l’immédiateté imposée par l’audience, et une plus grande responsabilisation des diffuseurs sur l’avenir des œuvres qu’ils financent.
Le Rapporteur a par ailleurs effectué un déplacement à Londres afin de découvrir de manière concrète le fonctionnement de la BBC, dont le modèle est souvent cité en exemple. Il a rencontré à cette occasion le nouveau ministre de la Culture M. John Whittingdale, avec qui il a pu échanger sur le financement et les stratégies de l’audiovisuel public.
Cette visite a nourri les réflexions du Rapporteur sur le système français, mais a également mis en exergue les différences structurelles et inéluctables entre les deux modèles nationaux. Cette différenciation résulte tout d’abord d’un effet taille, s’expliquant entre autre par l’activité de production télévisuelle et radiophonique en interne. Cette spécificité de la BBC en fait un modèle à part, et non transposable à une société comme France Télévisions.
Par ailleurs, le modèle social anglo-saxon se caractérise par une plus grande flexibilité en gestion, notamment en matière de pilotage de la masse salariale et de l’organisation du travail. Au regard du modèle français, il n’est pas non plus souhaitable d’envisager dans ce domaine une transposition des réformes anglaises en matière d’économies structurelles.
En revanche, l’organisation du financement de la production audiovisuelle et la part de ressources propres autres que publicitaires a été source d’inspiration pour la mission d’information.
*
* *
LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR DE LA MISSION D’INFORMATION SUR LE FINANCEMENT PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL
I. SUR LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC ET LE PILOTAGE DE LA RESSOURCE PUBLIQUE
● Améliorer la prévisibilité de la ressource publique en fixant une clef de répartition du produit de la contribution à l’audiovisuel public entre les opérateurs de l’audiovisuel public fiabilisée sur cinq ans, en corrélation avec les orientations financières des contrats d’objectifs et de moyens. Systématiser la pratique des avenants en cas de modification du contexte économique.
● Renforcer la coordination entre les opérateurs de l’audiovisuel public en établissant un document contractuel commun contenant une trajectoire financière globale fondée sur le produit de la contribution à l’audiovisuel public et mettre en œuvre le comité de pilotage stratégique réunissant l’ensemble des présidents de l’audiovisuel public proposé par la ministre de la Culture.
● Fiabiliser sur le long terme la corrélation entre les objectifs assignés au service public audiovisuel et le financement de ces missions ; conditionner la ressource publique stabilisée à la poursuite des économies structurelles mises en œuvre par l’ensemble des opérateurs.
● Réformer l’assiette de la redevance afin de s’adapter aux nouveaux usages audiovisuels :
Étendre l’assiette à tous les supports (soit 720 000 foyers supplémentaires) et instaurer un demi-tarif pour les jeunes redevables jusqu’à 24 ans, non rattachés au foyer fiscal de leurs parents (un million de jeunes concernés payent aujourd’hui la CAP à taux plein) selon les modalités suivantes :
– serait intégré le redevable de la taxe d’habitation dont le foyer est équipé d’au moins un support (poste de télévision, smartphone, tablette) permettant la réception en illimité du service public audiovisuel (entendu comme les services offerts par les bénéficiaires de la contribution : France Télévisions, Arte-France, Radio France, l’audiovisuel extérieur de la France, INA), à l’exclusion des postes de radio qu’il en soit ou non propriétaire ;
– peu importe le nombre de supports et de résidences, le redevable ne paierait qu’une seule contribution ;
– le paiement de la contribution à l’audiovisuel public figurerait toujours sur l’avis d’impôt relatif à la taxe d’habitation et serait liquidé en même temps que cette dernière.
À court terme, la recette supplémentaire escomptée est de 98 millions d’euros (720 000 foyers supplémentaires), à laquelle sont soustraits 68 millions d’euros liés au demi-tarif jeunes. In fine, le produit supplémentaire attendu serait de 30 millions d’euros.
II. SUR LES RECETTES PUBLICITAIRES DE FRANCE TÉLÉVISIONS ET DE RADIO FRANCE
● Sur l’ouverture des fréquences de Radio France à de nouveaux annonceurs :
Sécuriser le maintien des ressources publicitaires actuelles grâce à une clarification et un assouplissement des annonceurs autorisés sur les antennes de Radio France ; Réfléchir à une solution qui ne pénaliserait pas le marché publicitaire déjà fragilisé de la radio, en prévoyant par exemple un encadrement des prix des espaces publicitaires proposés sur les antennes de Radio France couplé à un plafonnement en volume, inférieur à celui autorisé à ce jour.
● Deux solutions proposées pour l’avenir de la publicité sur les chaînes de France Télévisions :
– une solution de court terme et risquée pour le marché publicitaire : le retour partiel de la publicité de 20h à 21h pour un gain d’environ 100 millions d’euros, en contrepartie de la suppression de la taxe sur la publicité diffusée par les éditeurs de services de télévision (15,3 millions d’euros) ;
– une solution durable impliquant un changement de modèle économique : la suppression progressive de la publicité, entraînant un manque à gagner d’environ 250 millions d’euros si l’on ne prend pas en compte les recettes de parrainage. Ce modèle doit permettre de combler ce manque à gagner par trois biais :
o en réduisant les coûts structurels et en priorisant les missions,
o en affectant une partie de la taxe sur les opérateurs de communication électronique et en plafonnant cette affectation à hauteur de 160 millions, soit un montant équivalent à la dotation budgétaire de France Télévisions dans le budget 2015,
o en développant la diversification des ressources propres, notamment par la valorisation des investissements dans la production audiovisuelle.
III. SUR LA DIVERSIFICATION DES RESSOURCES PROPRES PAR LA VALORISATION DES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE
● Réformer le décret du 27 avril 2015 afin de permettre les parts de coproduction à partir d’un financement à hauteur de 50 %.
● Développer la maîtrise des mandats de commercialisation par les diffuseurs en favorisant la mise en concurrence entre diffuseur et producteur.
● Assouplir les obligations en faveur de la production indépendante :
– abaisser le taux d’obligation d’investissement en faveur de la production indépendante de 95 % à 70 % pour France Télévisions. Associer à ce quota pour France Télévisions une obligation d’investissement de 15 % dans la production dépendante et une « fenêtre de mise en concurrence » entre production dépendante et indépendante de 15 %. Sur cette fenêtre, l’arbitrage serait assuré par un régulateur indépendant ;
– modifier la définition de la production indépendante en élevant le seuil de 15 % de prise de capital à 50 %, selon la définition de droit commun.
Ces propositions ne sont pas nécessairement cumulatives, et peuvent constituer des alternatives les unes par rapport aux autres. La décision de leur mise en œuvre doit faire l’objet d’études d’impact et de négociations entre diffuseurs et producteurs indépendants.
CHAPITRE 1 : LE FINANCEMENT PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL À LA RECHERCHE D’UNE STRATÉGIE DE LONG TERME
Le secteur de l’audiovisuel public concerne l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel bénéficiant de ressources publiques, à savoir France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM), TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Leur financement est désormais assuré intégralement par la contribution à l’audiovisuel public (CAP), à l’exception notoire de France Télévisions qui bénéficie encore d’un financement via les crédits budgétaires du programme 313 Contribution à l’audiovisuel public et à la diversité radiophonique de la mission Médias, livre et industries culturelles. Ce dernier regroupe également la subvention allouée au Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), qui entre de ce fait dans le champ du financement public de l’audiovisuel.
La précarisation des sociétés de l’audiovisuel se traduit certes par une fragilisation continue de leurs comptes, mais recouvre également un phénomène d’incertitude quant aux recettes futures. Cette instabilité de la ressource constitue un obstacle majeur à la bonne gouvernance de l’audiovisuel public et nuit également à la mise en œuvre de stratégies internes au-delà du court terme. Si les ressources propres, comme nous le verrons dans les deuxième et troisième parties, relèvent plus directement de la stratégie interne des sociétés, la ressource publique peut, quant à elle, faire l’objet d’une plus grande prévisibilité si les pouvoirs de tutelle le décident.
I. LE FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN PROIE À LA PRÉCARISATION DES RESSOURCES ET L’INCERTITUDE DES OBJECTIFS
A. L’INCERTITUDE DE LA RESSOURCE PUBLIQUE, FREIN AU PILOTAGE DU FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC
1. Une dépendance variable à la ressource publique
Les entreprises de l’audiovisuel public ne sont pas égales devant la ressource publique puisque celle-ci voit sa part varier en fonction de l’opérateur concerné.
On peut distinguer trois modèles distincts au sein des acteurs de l’audiovisuel public, comme l’illustre le tableau ci-après :
RÉPARTITION DES RESSOURCES DES ACTEURS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2015
(en millions d’euros)
Ressources publiques |
Ressources brutes |
Part de la ressource publique dans les ressources totales | |
France Télévisions |
2 481,00 |
2 825,00 |
88 % |
Dont CAP |
2 320,60 |
82 % | |
Radio France |
601,8 |
662,6 |
91 % |
Arte |
261,8 |
270,4 |
97 % |
France Média Monde |
242 |
252,5 |
96 % |
TV5Monde |
76,23 |
109,35 |
70 % |
INA |
89 |
128,6 |
69 % |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).
Les modèles sont les suivants :
– le cas de Radio France, Arte et France Média Monde qui sont financés par la ressource publique à plus de 90 %, celle-ci étant exclusivement issue du produit de la contribution à l’audiovisuel public ;
– le cas de l’INA et de TV5 Monde, qui se financent à hauteur d’environ 30 % par des ressources propres ou dans le cas de TV5 Monde par des financements extérieurs en provenance des gouvernements partenaires. Il s’agit d’un modèle particulier de financement.
– le cas à part de France Télévisions, qui est financé à 88 % par les ressources publiques, issue très majoritairement de la CAP (82 % des ressources) mais également complétée par des crédits budgétaires dont le montant dans le budget 2015 s’élève à 160,4 millions d’euros.
Si la dépendance à l’égard de la ressource publique est variable, les acteurs de l’audiovisuel public ne sont, par ailleurs, pas non plus comparables en termes de poids budgétaires et de proportion de part de CAP attribuée.
Le tableau suivant récapitule la répartition dans le cadre du budget 2015, et illustre la place prédominante de France Télévisions dans l’écosystème de l’audiovisuel public :
RÉPARTITION DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN 2015
(en millions d’euros)
CAP Budget 2015 |
Part du programme/total budget CAP 2015 | |
France Télévisions |
2 320,6 |
64,62 % |
Radio France |
601,8 |
16,76 % |
Arte France |
261,8 |
7,29 % |
France Médias Monde |
242 |
6,74 % |
Institut national de l’audiovisuel |
89 |
2,48 % |
TV5 Monde |
76,2 |
2,12 % |
TOTAL |
3 591,4 |
100 % |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) et documents budgétaires.
Le budget 2015 a constitué une étape charnière vers un financement intégral par la CAP puisque France Médias Monde était très largement financée par des crédits du budget général jusqu’en 2014 (165,9 millions d’euros) et TV5 Monde l’était intégralement à hauteur de 76,2 millions d’euros.
Au cours des auditions des autorités de tutelle menées par la mission d’information, il a été confirmé que l’extinction des crédits budgétaires au profit de France Télévisions est prévue pour l’exercice 2017. La CAP deviendrait ainsi l’unique source du financement public de l’audiovisuel public, améliorant la cohérence du système. Le Rapporteur et le Président de la mission d’information se montrent très favorables à cette évolution. Cependant, cette démarche implique de réfléchir à la stabilisation de cette ressource, aussi bien concernant son produit total que sa répartition.
La baisse progressive des ressources publicitaires sur France Télévisions impliquera cependant une source de recettes complémentaires spécifiques à France Télévisions, qui ne prendra pas nécessairement la forme d’une dotation budgétaire. Ce point sera abordé ultérieurement dans le rapport.
France Télévisions n’est pas l’entreprise qui, proportionnellement, dépend le plus du produit de la redevance puisque ses ressources propres – et notamment publicitaires – représentent une part plus importante que celles de Radio France ou d’Arte France et que l’entreprise bénéficie parallèlement de crédits budgétaires via le programme 313. Cependant, son poids financier en fait l’acteur majeur dans le secteur de l’audiovisuel public, et de facto un puissant facteur de stabilisation, ou, au contraire, de déstabilisation de la ressource pour l’ensemble des entreprises financées par la CAP.
La stabilité des ressources publiques demeure l’un des enjeux fondamentaux pour l’audiovisuel public, qui se caractérise depuis plusieurs années par une grande précarité et une constante imprévisibilité empêchant toute projection à moyen terme.
2. Une instabilité de la ressource publique qui nuit à la gestion des entreprises
a. Une répartition de la contribution à l’audiovisuel public imprévisible et soumise à une logique court-termiste
L’enveloppe globale que constitue le produit de la CAP ne répondant pas à des critères d’attribution préalablement déterminés entre les sociétés de l’audiovisuel public, les impacts d’un dérapage financier de l’une des entreprises peuvent s’avérer préjudiciable pour une ou plusieurs autres entreprises. Cet « effet domino » participe en grande partie à l’insécurité de la ressource publique.
Le budget 2015, en basculant le financement de l’audiovisuel extérieur sur le produit de la CAP, a modifié les paramètres de répartition entre les autres sociétés bénéficiaires, et notamment en affaiblissant le poids de France Télévisions. Ceci apparaît clairement en comparant la répartition prévue par le budget 2014 et par le budget 2015, comme le montre le tableau ci-après :
RÉPARTITION DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC
(COMPARAISON 2014/2015)
(en pourcentages)
Part du programme/total 2014 |
Part du programme/total 2015 | |
France Télévisions |
68,48 |
64,62 |
Arte France |
7,49 |
7,29 |
Radio France |
17,26 |
16,7 |
France Médias Monde |
4,77 |
6,74 |
Institut national de l’audiovisuel |
2,00 |
2,48 |
TV5 Monde |
0,00 |
2,12 |
TOTAL |
100 |
100 |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).
Les choix effectués sur le compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public pour l’année 2016 permettront de mesurer la stabilité de la ressource dans le cadre d’un financement quasi intégral par la CAP.
Par ailleurs, du fait de l’extinction des crédits budgétaires, sauf pour France Télévisions, les modifications de répartition ne préjugent pas de la hausse ou de la baisse des crédits attribués aux bénéficiaires de l’audiovisuel public. En effet, la baisse de près de 4 points de France Télévisions correspond en réalité à une baisse de sa ressource totale de 0,2 % entre le budget initial 2014 et le budget initial 2015. S’agissant de l’audiovisuel extérieur, en prenant en compte les crédits budgétaires votés en 2014, la ressource publique de France Médias Monde a augmenté de 0,71 % entre 2014 et 2015 et celle de TV5 Monde est demeurée stable.
L’absence de clé de répartition préalablement définie fait apparaître que l’allocation du produit de la CAP obéit à une logique court-termiste et guidée par le caractère immédiat de la prise de décision. La possibilité d’exercer un système de vases communiquant entre contribution et crédits budgétaires a par ailleus renforcé le caractère aléatoire de l’attribution des crédits.
Le graphique suivant met en évidence une évolution presque linéaire des ressources nettes issues de la contribution à l’audiovisuel public de 3,3 % en moyenne par an, avec une répartition entre les bénéficiaires qui a pourtant tendance à évoluer d’un exercice sur l’autre :
ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC DEPUIS 2010
Source : DGMIC- Commission des finances.
La précarité des ressources publiques participe à la fragilisation du secteur de l’audiovisuel public, qui ne peut dans ces conditions développer de stratégies claires à l’échelle d’un contrat d’objectif et de moyens et à l’échelle d’un mandat de présidence. Les auditions menées dans le cadre de la mission d’information ont confirmé l’incertitude dans laquelle évoluent les opérateurs de l’audiovisuel public à des horizons parfois très proches.
Selon la mission d’information, il est urgent de réfléchir à une clé de répartition du produit de la CAP entre les opérateurs de l’audiovisuel public. Il peut s’agir soit d’une répartition fixe en volume indexée sur l’augmentation de la CAP ou en pourcentage, soit d’une ventilation coordonnée issue de la projection de financement contenu dans les contrats d’objectifs et de moyens de chacun des opérateurs.
b. Le système de vases communicants entre crédits budgétaires et contribution à l’audiovisuel public : un facteur supplémentaire de variabilité de la ressource
Le financement partagé entre dotations budgétaires issues du programme 313 de la mission Medias, livres et industries culturelles et du compte Avances à l’audiovisuel public concerne en premier chef France Télévisions. C’était également le cas de l’audiovisuel extérieur jusqu’en 2015, année de basculement vers un financement intégral par la CAP de France Medias Monde et TV5 Monde.
Cette structure à double entrée, outre le manque de lisibilité et de transparence qu’elle génère, est également un facteur d’instabilité accrue dans le cadre du financement de l’audiovisuel public, puisque la régulation infra-budgétaire a procédé à des annulations de crédits, partiellement compensées par une révision de la ventilation des crédits issus de la CAP.
L’exemple de l’exercice 2014 illustre ces pratiques qui fragilisent les stratégies financières des opérateurs de l’audiovisuel public en leur interdisant toute prévisibilité des ressources, même à court terme. Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 a prévu une annulation de 9 millions de crédits budgétaires au titre du programme 313, sur les 141,6 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale au profit de France Télévisions et du Fonds de soutien à l’expression radiophonique. Seul France Télévisions était visé par cette annulation de crédit.
Parallèlement, un amendement du Gouvernement a augmenté de 2,96 millions d’euros la part de CAP à destination de France Télévisions sur le compte 841 Avances à l’audiovisuel public, ce montant étant compensé à due concurrence par des annulations de crédits via la part attribuée aux autres sociétés de l’audiovisuel. Cette baisse impactait ainsi le budget d’Arte France et de l’action audiovisuelle extérieure à hauteur de 612 600 euros, celui de Radio France à hauteur de 1,53 million d’euros et celui de l’INA à hauteur de 204 200 euros. Cette baisse correspondait donc initialement à une réduction de 0,23 % des crédits votés en loi de finances initiale pour l’ensemble des bénéficiaires (2).
Cependant, un amendement a été déposé par la Rapporteure générale de la Commission des finances, par le président de la commission des Affaires culturelles M. Patrick Bloche et Mme Martine Martinel visant à préserver les crédits d’Arte France du fait de ses bons résultats d’audience. La répartition a donc in fine été modifiée : + 2,3 millions d’euros pour France Télévisions, – 1,5 million d’euros pour Radio France, – 612 600 euros pour l’audiovisuel extérieur et – 204 200 euros pour l’INA.
Inversement, en 2015, le passage en financement intégral par le produit de la CAP de l’audiovisuel extérieur a entraîné une baisse de 60 millions d’euros des montants de CAP destinés à France Télévision, compensés par une hausse presque équivalente de la dotation budgétaire du programme 313 qui est passé de 103,6 à 160,4 millions d’euros.
Depuis 2012, on retrouve d’autres occurrences d’annulation de crédits réduisant la dotation budgétaire de France Télévisions partiellement ou totalement compensée par une hausse de la part de la CAP, dans le cadre des collectifs budgétaires (3). Ce type de « manipulation » budgétaire brouille les pistes, et, dans ce cas précis, donne le sentiment aux acteurs de l’audiovisuel public de « payer » pour France Télévisions, participant à une ambiance de concurrence entre les opérateurs parfois encore palpable lors des auditions menées dans le cadre de la mission d’information.
B. LE PILOTAGE PAR LES CONTRATS D’OBJECTIFS ET DE MOYENS : UN PRINCIPE PERFORMANT MAIS UNE APPLICATION QUI EN LIMITE LE CARACTÈRE STRATÉGIQUE
a. Le contrat d’objectifs et de moyens, un outil utile au service des stratégies de long terme mais qui ne permet pas à ce jour une vision globale de l’audiovisuel public
Depuis la loi n° 2000-179 du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’État conclut des contrats d’objectifs et de moyens (COM) avec chacun des organismes de l’audiovisuel public.
Ces contrats constituent pour la tutelle un instrument pluriannuel de pilotage stratégique et financier négocié avec chaque organisme.
Le contrat fixe les orientations stratégiques de chaque organisme dans une perspective pluriannuelle et détermine les objectifs à atteindre sous forme d’indicateurs de performance. Ces indicateurs sont suivis par les acteurs de l’audiovisuel public et servent de fondement à l’évaluation de leur action.
Au-delà de la performance, le contrat détermine la trajectoire financière de chaque organisme sur sa durée d’exécution. Il définit ainsi les mesures de maîtrise des charges et de développement des ressources propres. L’État de son côté s’engage sur un niveau de dotations publiques. Les prévisions de charges et de ressources sont synthétisées dans un plan d’affaires couvrant toute la période d’application du contrat et qui constitue le cadre dans lequel doit s’inscrire la trajectoire financière de l’organisme.
La durée n’est cependant pas la même pour tous les acteurs de l’audiovisuel public : elle varie de trois ans pour France Medias Monde, ainsi que pour le plan stratégique de TV5 Monde, à cinq ans pour les autres organismes. Par ailleurs, la période diffère d’un organisme à l’autre : 2013-2015 pour France Médias Monde et 2014-2016 pour TV5 Monde, 2011-2015 (puis 2013-2015 pour l’avenant) pour France Télévisions, 2010-2014 pour Radio France et l’INA, 2012-2016 pour Arte. Le prochain contrat de France Medias Monde, en cours de construction, est prévu sur une durée de cinq ans et s’aligne ainsi sur les autres contrats.
Le financement des organismes de l’audiovisuel public reposant sur une ressource publique commune, à savoir la CAP, la mission d’information s’interroge sur la pertinence de contrats à durée et temporalité variable. Par ailleurs, il serait préférable que le contrat constitue une feuille de route à l’échelle d’une présidence, puisque le pilotage sera fortement conditionné par les orientations stratégiques décidées en début de mandat. Tel est le cas en ce qui concerne la présidence de France Télévisions, dont la nouvelle nomination de Mme Delphine Ernotte à la tête du groupe en août 2015 correspond également à la période d’élaboration du nouveau contrat.
L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relatif aux contrats d’objectifs et de moyens
« I.– Des contrats d’objectifs et de moyens sont conclus entre l’État et chacune des sociétés ou établissements suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, Arte-France et l’Institut national de l’audiovisuel. La durée de ces contrats est comprise entre trois et cinq années civiles. Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d’un nouveau président. Les contrats d’objectifs et de moyens déterminent notamment, dans le respect des missions de service public telles que définies à l’article 43-11, pour chaque société ou établissement public :
« – les axes prioritaires de son développement ;
« – les engagements pris au titre de la diversité et l’innovation dans la création ;
« – les montants minimaux d’investissements de la société visée au I de l’article 44 dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;
« – les engagements permettant d’assurer l’adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l’exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ;
« – les engagements permettant d’assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;
« – le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats qui sont retenus ;
« – le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
« – le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;
« – les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ;
« – les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;
« – le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier.
« Avant leur signature, les contrats d’objectifs et de moyens ainsi que les éventuels avenants à ces contrats sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat et au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le com de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ils peuvent faire l’objet d’un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d’objectifs et de moyens ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de six semaines. Si le Parlement n’est pas en session, ce délai court à compter de l’ouverture de la session ordinaire ou extraordinaire suivante. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel formule un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ainsi que sur leurs éventuels avenants dans un délai de quatre semaines.
« La société Arte-France et l’Institut national de l’audiovisuel transmettent chaque année, avant la discussion du projet de loi de règlement, aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l’exécution de leur COM […]. »
Des voix plaident en faveur d’une décorrelation entre présidence et contrat, afin que l’orientation stratégique du groupe audiovisuel ne serve pas de tremplin à des ambitions personnelles. Autrement dit, un COM pouvant être appliqué de manière continue malgré un changement de présidence serait plus à même de garantir l’intérêt général. Cependant, depuis la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public visant à donner au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) la compétence de nomination des présidents de l’audiovisuel public, il serait incohérent de choisir un président sur un programme qu’il ne pourrait mettre en œuvre s’il contredit le contrat en cours. Si la déconnexion du contrat et de la présidence pouvait apparaître comme une garantie avant 2013 quand les nominations relevaient exclusivement de l’exécutif, le CSA doit désormais incarner la protection de l’intérêt général dans ce nouveau cadre législatif – mais encore faut-il que la procédure de nomination apporte toutes les garanties d’indépendance et de d’objectivité.
Les rapports annuels d’exécution du contrat sont approuvés par les conseils d’administration des sociétés concernées, avant d’être transmis aux commissions parlementaires compétentes. La nécessité est apparue d’assurer une coordination plus étroite et sur une base plus régulière des différentes actions conduites par les organismes de l’audiovisuel public, au-delà des orientations fixées dans les contrats. Ainsi, à la suite de la remise du rapport du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions (4), la ministre de la Culture a annoncé la création d’un comité de pilotage stratégique visant à favoriser les synergies entre les sociétés de l’audiovisuel public. Il réunira autour de la ministre l’ensemble des présidents des organismes de l’audiovisuel public, ce dont se réjouissent le Rapporteur et le Président de la mission d’information.
Ce projet de renforcement du pilotage global de l’audiovisuel doit également s’accompagner d’un alignement des contrats entre eux, d’une part, et en lien avec une présidence, d’autre part, au risque sinon d’en affaiblir l’efficacité. Un plan financier commun à l’ensemble des organismes de l’audiovisuel pourrait également être envisagé, en liaison avec le projet de pilotage renforcé entre les présidents de l’audiovisuel public.
b. Les décrochages financiers entre prévisions du contrat d’objectifs et de moyens et exécution budgétaire
L’expérience montre que les contrats, s’ils ont servi de fondements aux stratégies des entreprises de l’audiovisuel public, se sont montrés peu conformes aux engagements de financement des pouvoirs publics. Les décrochages sont donc nombreux, et conséquents en volume du fait d’ajustements annuels auxquels s’ajoute la régulation en cours d’exercice lors des lois de finances rectificatives.
Une fois conclus, ces contrats doivent servir de socle à l’exercice de la tutelle pour leur durée d’exécution. En cas d’évolution majeure du contexte économique remettant en cause les objectifs prévus initialement, comme ce fut le cas avec la mise à mal du marché publicitaire et la baisse des dotations publiques, un avenant peut être conclu. Le contrat 2011-2015 de France Télévisions a ainsi été modifié par la voie d’un avenant au contrat 2013-2015. En revanche, l’important décrochage constaté dans la trajectoire des ressources publiques prévues dans le contrat 2012-2016 d’Arte n’a fait l’objet d’aucun avenant, de même que Radio France dont le contrat n’a pas été amendé. Le pilotage demeure donc dominé par une logique du cas par cas qui nuit à une vision stratégique d’ensemble.
Arte a fait valoir depuis longtemps la déconnexion croissante entre les financements prévus dans le contrat et les ressources effectivement perçues par le groupe. Le graphique ci-après illustre ce phénomène :
Source : Arte.
L’entreprise fait état d’un écart de – 23,8 millions d’euros sur la CAP en 2014 par rapport à l’objectif initialement fixé par le contrat 2012-2016. L’écart cumulé de redevance sur la période 2012-2015 par rapport aux prévisions initiales du COM est de 70 millions d’euros, pour un budget global d’Arte composé à 97 % de ressources publiques. La part de CAP s’est élevé en 2014 à 260,51 millions d’euros hors taxes, inférieur de plus de 8 % au budget prévu initialement par le contrat.
Dans le cas particulier d’Arte, dont la structure binationale en fait un modèle de financement avec des exigences spécifiques, le décrochage de la redevance entre la France et l’Allemagne fait courir le risque d’une tension avec ses partenaires allemands. En effet, le financement d’Arte est strictement paritaire entre la France et l’Allemagne, et dès lors, toute baisse budgétaire de l’un serait suivie d’une baisse similaire de l’autre, entraînant une double pénalité pour le groupe. La signature du prochain contrat d’objectifs et de moyens en 2016 coïncidera par ailleurs avec la remise par la KEF (5) aux Ministres-Présidents des Länders de son prochain rapport exposant les besoins de financement des groupes audiovisuels publics pour les quatre années à venir. Il convient donc profiter de cette concomitance pour faire en sorte qu’Arte France dispose de moyens à hauteur de ceux de son partenaire allemand, dans un contexte où les moyens de l’audiovisuel allemand sont bien plus élevés qu’en France.
Cette déconnexion se vérifie également pour France Medias Monde, puisque sur la période 2011-2015, c’est un total de 54 millions d’euros qui n’a pas été versés par rapport à la dotation initialement prévue par le contrat.
France Télévisions est également concerné par ce type de décrochage, bien que la conclusion d’un avenant ait permis une exécution plus conforme aux engagements contractuels. Le graphique suivant illustre ce phénomène :
Source : France Télévisions- réponses au questionnaire de la mission d’information.
À titre comparatif, France Télévisions a fait l’objet en 2015 d’une diminution de ressources par rapport au contrat initial de 7,6 %, Arte France de 10 % et France Medias Monde a obtenu cette année des ressources publiques conformes aux prévisions de son contrat – mais sans que les décrochages substantiels des exercices précédents ne fassent l’objet d’un rattrapage.
Dans le cas de Radio France, les écarts n’ont commencé à se creuser que tardivement, à partir de l’exercice 2013. Avant celui-ci, les écarts entre les engagements du contrat d’objectifs et de moyens et les dotations effectivement versées par l’État avaient été de + 0,1 million d’euros en 2010, – 1,9 million d’euros en 2011 et – 8,6 millions d’euros en 2012. En 2013, ce décrochage s’élève à 31,3 millions d’euros mais n’a impacté que la dotation de fonctionnement, la dotation d’investissement ayant maintenu le niveau prévu par le contrat d’objectifs et de moyens (31,1 millions d’euros). En 2014, l’écart se creuse à hauteur de 47,8 millions d’euros. Le contrat d’objectifs et de moyens prévoyait à l’origine une hausse de 16,4 % de la ressource publique entre 2009 et 2014 afin de tenir compte des coûts engagés pour le chantier de la Maison de la radio. Cette hausse s’élève finalement à 4 %.
Un tel décrochage, systématique et appliqué à l’ensemble des sociétés, pose de manière prégnante la question de la pertinence des projections qui sous-tendent la construction des contrats d’objectifs et de moyens.
Si une maîtrise de la ressource publique peut apparaître comme légitime au regard de la conjoncture économique et des efforts qui incombent à l’ensemble du secteur public, la mission d’information souligne que cette réduction des dotations devrait faire l’objet d’une trajectoire prévisible, et s’accompagner d’objectif clairs et identifiés quant aux économies structurelles à réaliser afin de ne pas remettre en cause l’équilibre financier des sociétés. Le rapport de la Cour des Comptes d’avril 2015 sur la gestion de Radio France (6) a mis en lumière ce défaut de pilotage, qui s’applique en réalité à plusieurs acteurs de l’audiovisuel public : « la gestion par l’État des moyens accordés à Radio France, de 2010 à 2014, n’a pas incité l’entreprise à passer d’un pilotage par la recette à un pilotage pluriannuel par la dépense. La baisse de la dotation par rapport aux moyens prévus par le COM, purement budgétaire, ne s’est pas accompagnée de l’identification des économies à réaliser et a retardé la prise de conscience de la nécessité d’engager des réformes de structure ».
C. COROLLAIRE DE LA STABILISATION DE LA RESSOURCE PUBLIQUE : DES DÉPENSES QUI DOIVENT ÊTRE EN LIAISON AVEC LES RECETTES ET DES OBJECTIFS PROPORTIONNÉS
1. Dans un contexte de tensions sur les finances publiques, une dégradation des comptes des entreprises n’a pas pu être évitée
La réduction des ressources publiques, associée dans le cas de France Télévisions à la baisse des ressources propres issues de la publicité, a entraîné une dégradation des comptes des sociétés de l’audiovisuel public, qui tendent de plus en plus vers une situation d’effet de ciseau, c’est-à-dire une dégradation du résultat de l’entreprise engendré par une augmentation des charges plus rapide que celle des recettes. Ce phénomène peut donc s’expliquer, selon des parts variables, par une ressource publique en baisse et insuffisante au regard des objectifs, et par des dépenses non maîtrisées dans un contexte de finances publiques sous contrainte. Ce contexte nécessite par ailleurs une prise de position affirmée des tutelles pour définir les priorités et hiérarchiser les missions de l’audiovisuel public, afin qu’elles soient proportionnées aux moyens qui sont alloués à ce secteur.
a. L’effet de ciseau malgré d’importants efforts de restructuration : le cas de France Medias Monde et d’Arte
Ces deux acteurs de l’audiovisuel public ont comme point commun d’être financés à plus de 95 % par la ressource publique que constitue la CAP. Ils ont également en commun une gestion maîtrisée de leurs charges, et des ambitions justifiées en matière d’investissements. Pour ces deux opérateurs, c’est bien la trajectoire de la ressource publique et sa cohérence avec les objectifs assignés par la tutelle qui va déterminer la viabilité financière de leur structure.
i. France Médias Monde : des efforts de gestion à hauteur de 15 % de son budget
Ce phénomène peut se produire même en présence d’importants efforts de productivité et d’économies. C’est le cas par exemple de France Médias Monde (FMM), qui a engagé depuis 2009 des plans d’économies substantielles dont les résultats doivent être soulignés :
– sur les charges de personnels d’une part, par la mise en œuvre de deux plans de départs ayant entraîné une baisse nette des effectifs de 20 %, soit 253 équivalent temps plein (ETP). Ces plans se soldent par une économie de 19 millions d’euros, soit 7,6 % du budget de la société ;
– sur les achats et les frais de fonctionnement, avec des économies dégagées entre 2011 et 2015 qui s’élèvent en année pleine à 21 millions d’euros, soit une baisse de 16 % par rapport à 2011.
Les économies dégagées par France Médias Monde représentent donc une économie globale de 40 millions d’euros, soit 15 % du budget de l’entreprise. Sur la même période, le manque à gagner par rapport à la trajectoire du COM se chiffre à 54 millions d’euros de ressource publique. Selon la direction de l’entreprise, si ces efforts pèsent aujourd’hui sur les capacités d’investissement du groupe, ils sont de surcroît arrivés à leur point culminant. Le résultat de la société demeure positif à l’issu de l’exercice 2014 à hauteur de 30 496 euros.
Dans le cadre de la négociation du futur COM qui est en cours de finalisation, il est donc primordial que les pouvoirs publics soient en mesure de proportionner les objectifs et les capacités de financement de l’entreprise, qui rappelons-le, dépend à 96 % de la ressource publique – et depuis 2015 exclusivement de la part du produit de la CAP qui lui est allouée. En partant d’une hypothèse de reconduction de ressources publiques à hauteur de 242 millions d’euros, le résultat prévisionnel de l’entreprise se dégraderait alors jusqu’à atteindre – 7,6 millions d’euros en 2020, du fait du glissement inéluctables des charges d’exploitation récurrentes (masse salariale, amortissement, indexations, etc.).
Par ailleurs, les ressources propres issues des recettes de publicité ne sont pas amenées à évoluer. Gérées par la régie publicitaire de France Télévisions, celle-ci ne bénéficie pas de relais suffisant dans le domaine de la publicité à l’international, qui est par ailleurs un marché assez réduit par nature. Elles représentent 3,7 millions d’euros en 2014 (contre 3,1 millions d’euros en 2013).
Au vu des efforts structurels réalisés par France Médias Monde et des projets ambitieux du groupe en faveur du rayonnement culturel de la France, la mission d’information suggère qu’une hausse de 2,1 % par an de la ressource publique lui soit assurée dans le cadre du prochain contrat d’objectifs et de moyens (7) – pour une somme cumulée sur cinq ans de 25,3 millions d’euros, qui demeure très modique au regard des moyens totaux de l’audiovisuel public.
ii. Le cas d’Arte : des comptes maîtrisés mais un risque d’affaiblissement des investissements dans les programmes
Arte s’est distinguée par des résultats d’audience exceptionnels et une restructuration totale de son offre, qui s’était soldée soldé par un niveau record de 2 % de part d’audience en 2014, audiences qui continuent même en ce début 2015 leur progression (+ 2,2 %) très sensible depuis 2011 (+ 47 %).
Si le rapport annuel de performance pour l’exercice 2014 souligne « une gestion d’entreprise maîtrisée et une situation financière saine », celle-ci est également possible grâce à des efforts en gestion, les frais de structure étant en 2014 en baisse de 4 % par rapport au réalisé 2013. La part des charges de personnel dans les charges d’exploitation est particulièrement basse (7,9 %), et en hausse maîtrisée (+ 0,8 % entre 2013 et 2014).
Ces excellents résultats, témoins d’une chaîne qui est parvenue à trouver son identité et son public, n’ont donc pas été remis en cause par le décrochage massif de la ressource publique par rapport aux prévisions du COM, comme cela était évoqué précédemment dans le rapport. La société affiche cependant un résultat net négatif à hauteur de 2 millions d’euros après impôts. La mobilisation du fonds de roulement net disponible a également été nécessaire à hauteur de 2,58 millions d’euros en plus de la maîtrise des charges courantes, afin de maintenir ses investissements dans les programmes dont le montant (130,8 millions d’euros) a été augmenté de 1,1 million d’euros par rapport à 2013.
L’objectif stratégique d’Arte est de revenir au niveau d’investissement dans les programmes réalisé en 2012 (133,1 millions d’euros), après trois années de tassement (129,7 millions d’euros en 2013 et 130,8 millions d’euros en 2014 et 2015). Le niveau de redevance allouée en 2015, en hausse de seulement 1,3 million d’euros par rapport à 2014, ne permettra cependant pas à Arte France d’atteindre cet objectif. La hausse de redevance a été intégralement affectée au budget d’investissement dans les programmes. La direction d’Arte attend l’arrêt de la diffusion en format SD (simple définition) sur la TNT, prévu normalement en avril 2016 afin de libérer la bande des 700 Mhz, et qui entraînent des coûts de diffusion minorés de 6,1 millions d’euros pour la chaîne. Mais cette économie ne suffira pas à remplir l’ensemble des objectifs d’Arte, qui est par ailleurs soumis dans son contrat d’objectifs et de moyens à des obligations d’investissements en matière de production audiovisuelle et cinématographique qui s’élèvent, en 2014, à près de 80,1 millions d’euros.
Le risque qui pèse sur le budget de programmes est le symptôme supplémentaire d’une inadéquation entre le montant des ressources prévues et les objectifs que la tutelle assigne aux sociétés de l’audiovisuel public. Bien que la situation d’Arte ne soit pas encore inquiétante, il apparaît que les ambitions de la chaîne représentent des investissements pouvant être remis en cause par une insuffisance de la ressource publique.
b. L’Institut national de l’audiovisuel : la priorité doit être donnée à la structuration du contrôle comptable et du contrôle de gestion
Le modèle économique de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) repose sur des mécanismes quelque peu différents des deux groupes évoqués ci-dessus, puisque l’entreprise se caractérise par une part importante de ressources propres (environ 30 %, pour un total de 38,1 millions d’euros en 2014, en recul de 1,7 million par rapport à 2013). La dotation de l’INA se divise entre une dotation de fonctionnement (96 % en 2015) et une dotation d’investissement (4 %).
Le graphique ci-dessous retrace les évolutions des ressources hors investissement de l’INA depuis 2007 :
Source : INA- réponse au questionnaire de la mission d’information.
La dotation publique de fonctionnement a augmenté de presque 25 % sur la période, ce qui a permis à l’Institut de s’adapter à la transition numérique qui impacte tout particulièrement ses activités d’archivage. Selon le budget pour 2014, la baisse de la dotation publique allouée à l’institut en 2014 (– 20,4 millions d’euros) devait être compensée par un prélèvement exceptionnel sur le fond de roulement à hauteur de 19,8 millions d’euros, avant de retrouver son évolution tendancielle dans le budget 2015, à 900 000 euros près.
Les comptes de l’INA tels que transmis à la mission d’information font apparaître un résultat d’exploitation négatif à hauteur de 22,4 millions d’euros et un résultat net avant impôts de – 14,5 millions d’euros, grâce à un résultat exceptionnel de 7,9 millions d’euros (étalement de la dotation publique d’investissement et les reprises d’amortissement dérogatoires) (8). C’est la première fois depuis dix-sept ans que cet opérateur affiche un résultat comptable négatif.
Cependant, le président de l’INA, M. Laurent Vallet a précisé, dans le cadre des auditions de la mission d’information, que le montant de la part de CAP étant rétabli en 2015, l’exécution de cet exercice devrait présenter un résultat à l’équilibre. Il est à noter que du fait d’une ressource publique très dynamique, le budget global de fonctionnement de l’institut a augmenté de 17 % entre 2007 et 2015. Parallèlement, ses dépenses de fonctionnement ont, selon les documents fournis, subi une hausse de seulement 2 % sur cette même période. En l’absence de documents comptables développés, l’on peut légitimement supposer que l’INA bénéficie à ce jour d’une certaine marge de manœuvre. Par ailleurs, la transition numérique fournit à l’opérateur de nouvelles perspectives de recettes, notamment grâce au lancement imminent d’une offre de SVoD (service de vidéo à la demande payant sous forme d’abonnement).
Le manque de transparence qui pèse sur les comptes de l’INA, révélé au moment du récent scandale ayant atteint son ancienne présidente, est un élément fondamental d’évolution dans la démarche de maîtrise du financement de l’audiovisuel public. En effet, M. Laurent Vallet a confirmé que suite à une instruction de la ministre de la Culture d’août 2015, le prochain contrat d’objectifs et de moyens allait être l’occasion de renforcer les objectifs de contrôle interne et de contrôle de gestion. L’agence comptable de l’INA ayant été supprimée en 2007, c’est une refonte globale du contrôle comptable qui doit être mis en place.
À noter que le précédent contrat d’objectifs et de moyens 2010-2014 affichait déjà comme objectif prioritaire dans la présentation faite par le ministère de la Culture : « La modernisation de l’organisation interne sera en outre poursuivie grâce à l’amélioration de procédures de contrôle et de suivi des structures financières et comptables de l’Institut, à la maîtrise des frais généraux et à la rationalisation des implantations immobilières ». Il est donc impératif que le nouveau contrat et le nouveau président de l’INA se donnent les moyens de dépasser la simple déclaration d’intention.
2. La résorption de l’effet de ciseaux par des efforts substantiels sur les charges : la stratégie nécessaire pour Radio France et France Télévisions
Ainsi, les trajectoires et les problématiques varient selon les acteurs, les modèles économiques et les choix stratégiques qui ont été effectués au cours des dernières années. Les deux grandes sociétés de l’audiovisuel public que sont Radio France et France Télévisions représentent à elle deux 82 % des ressources destinées à l’audiovisuel public, soit un montant avoisinant les 3,2 milliards d’euros. Comme expliqué précédemment, les contrats d’objectifs et de moyens de ces sociétés n’ont pas su incarner une feuille de route performante permettant de prévoir simultanément une trajectoire claire de ressource, et l’ensemble des objectifs à atteindre pour parvenir à respecter cette enveloppe. Malgré des dotations publiques en baisse, les contrats d’objectifs et de moyens ont représenté pendant longtemps « une garantie de ressource sans exigence de réformes » (9).
Les enjeux financiers concernant France Télévisions et Radio France sont pourtant de première importance, non seulement pour le rayonnement de l’audiovisuel français mais également pour l’équilibre financier de l’ensemble du secteur.
Par ailleurs, la taille de ces structures, leur mode de gestion, leur politique salariale et le poids des obligations de service public qui pèsent sur celles-ci leur confèrent une rigidité importante et une difficulté à absorber les chocs de recettes, qu’ils émanent de la ressource publique ou du marché publicitaire. C’est pourquoi les réformes structurelles s’envisagent sur le temps long et ne peuvent donner lieu à court terme à des évolutions radicales.
a. Radio France : le prochain contrat d’objectifs et de moyens sera décisif pour le retour à l’équilibre de l’entreprise
i. Des comptes dégradés du fait d’un manque d’anticipation
La situation financière de Radio France a été longuement et précisément développée dans le rapport précité de la Cour des comptes publié en avril 2015. Il révèle plusieurs dysfonctionnements, à la fois dans le pilotage de la ressource et dans la trajectoire des dépenses.
Dans un premier temps, la ressource a été particulièrement dynamique, annihilant de ce fait tout besoin de restructuration en gestion. De 2006 à 2013, la ressource publique a en effet augmenté de 22,3 %, deux fois plus vite que les dépenses du budget de l’État qui ont connu une croissance de 9,1 %. Cette période coïncidant avec l’entrée de l’économie française dans une crise durable, une telle hausse aurait déjà dû se doubler d’un contrôle accru de l’utilisation des deniers publics. Sur la même période, la masse salariale totale de Radio France a augmenté de 18,8 %.
De 2004 à 2013 les résultats de l’entreprise demeurent bénéficiaires, affichant par ailleurs une trésorerie positive. C’est ce qui explique l’absence de réaction, avant la dégradation perceptible dès 2013 avec un résultat proche de 0, confirmé en 2014 puisque Radio France affiche un résultat d’exploitation négatif de – 14 millions d’euros et un résultat net de – 2 millions d’euros. Cette dégradation brutale coïncide avec le décrochage non anticipé de la ressource publique, associé à des charges rigides et non maîtrisées sur le long terme. Cette concomitance de facteurs a logiquement engendré un effet de ciseau néfaste à la situation financière de Radio France.
Les perspectives pour 2015 prévoient, selon son président M. Mathieu Gallet, un budget en déficit de 21,3 millions d’euros. Un budget rectificatif est par ailleurs nécessaire afin d’intégrer les pertes liées à la grève, et qui devrait représenter 5 à 6 millions d’euros (10) du fait de la perte de recettes publicitaires.
Dans le même temps, la trésorerie se dégrade rapidement du fait du décaissement d’un certain nombre de dépenses afférentes au chantier de la maison de Radio France qui avaient fait l’objet, jusqu’à maintenant, d’une avance de l’État. La trésorerie nette est passée de 61,8 millions d’euros en 2012 à 8,4 millions d’euros à la clôture des comptes 2014.
L’analyse par la Cour des comptes de l’effet de ciseau qui dégrade
la santé financière de Radio France
« Ces données [les résultats de Radio France depuis 2004] traduisent les tendances de long terme qui pèsent sur l’entreprise et conduisent à un « effet de ciseau » entre les ressources et les dépenses entre 2010 et 2013 :
– sur la période, les ressources de l’entreprise progressent peu : le chiffre d’affaires de la société Radio France, constitué à 90 % par la redevance, n’a augmenté que de 4,5 % entre 2010 et 2013. Ceci est la résultante des baisses qui ont affecté la quote-part de la contribution à l’audiovisuel public (redevance) reçue par l’entreprise, mais également de recettes publicitaires en légère baisse et de recettes de diversification en recul (notamment avec le départ des locataires de la Maison de la Radio, en raison du chantier de réhabilitation) ;
– les charges d’exploitation connaissent, elles, une augmentation plus rapide (+ 7,7 % de 2010 à 2013) : à l’évolution dynamique des charges salariales (+ 5,8 %), s’ajoute la hausse du solde net des dotations et reprises d’amortissements et de provisions, passé de 16,3 M€ à 26 millions d’euros, conséquence de l’amortissement, à compter de leur livraison, des investissements du chantier de réhabilitation. »
Source : Cour des comptes, Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme, avril 2015.
Le prochain contrat d’objectifs et de moyens, actuellement en cours de finalisation, aura la lourde tâche de définir les restructurations nécessaires afin de s’acheminer vers un retour à l’équilibre, le tout dans un contexte financier contraint.
Le déficit de l’entreprise amène cependant la tutelle à s’interroger sur les possibilités de financement alternatif au profit de Radio France, afin de combler le déficit. Lors de l’audition des services du ministère du Budget dans le cadre de la mission d’information, plusieurs pistes étaient alors évoquées, afin notamment de compenser les surcoûts du chantier et de répondre à un besoin de trésorerie que M. Mathieu Gallet évalue à 170 millions d’euros, du fait des (sur)coûts engendrés par le chantier de la Maison de la radio. Le mode de financement semble désormais arrêté :
– une part de CAP d’investissement qui représentera 25 millions d’euros répartis sur la durée du contrat d’objectifs et de moyens ;
– une participation en capital via le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État à hauteur de 55 millions d’euros ;
– un emprunt bancaire. Cette dernière solution se confirme, et devrait représenter un abondement de 90 millions d’euros maximum remboursés sur sept ans par Radio France.
Bien que ces solutions alternatives permettent, pour certaines, de limiter l’impact des dérives de gestion sur la ressource publique, un abondement de ce montant ne peut être autorisé qu’à condition d’être strictement conditionné par d’importants efforts en gestion, devant donner lieu à des économies structurelles.
Parallèlement, il est indispensable que la tutelle proportionne les efforts demandés aux missions confiées à l’opérateur, au risque sinon de remettre en cause à périmètre identique la qualité et la pertinence des missions.
ii. Réduire l’effet de ciseau par des économies structurelles
Lors de l’audition de M. Mathieu Gallet par la mission d’information, celui-ci a évoqué dans le cadre des négociations du futur contrat d’objectifs et de moyens un objectif de retour à l’équilibre devant être réalisé à la fin de 2017, ce qui nécessite l’économie de 44 millions d’euros sur la période. Ces économies structurelles seraient ventilées, de manière indicative, entre une réduction des dépenses courantes (20 millions d’euros) et une maîtrise de la masse salariale (24 millions d’euros).
Plusieurs pistes de restructuration en matière de dépenses sont développées dans le rapport de la Cour des comptes précité, et propose des évolutions allant dans le sens des orientations voulues par le Rapporteur et le Président de la mission d’information.
Ces perspectives d’évolution peuvent se concrétiser sur trois volets, qui font partie intégrante d’une stratégie de réduction des coûts à long terme :
● La réduction du champ d’action de Radio France
L’une des solutions possibles afin de dégager des économies structurelles est la réduction du nombre d’antennes financées par Radio France. La disparition du Mouv’ a en cela souvent été évoquée comme une piste possible d’économie, avec une audience à 0,4 % en 2013 et un budget qui a doublé entre 2004 et 2013 de 4,5 à 8,7 millions d’euros. La Cour note que son coût cumulé sur dix ans s’élève à 61,4 millions d’euros.
L’autre piste d’évolution du périmètre d’action de Radio France concerne les formations musicales, au nombre de quatre (11) et dont le coût est évalué par la Cour des comptes à 39 millions d’euros, dont 28 millions d’euros de masse salariale. D’après les informations recueillies par la mission d’information, le coût réel serait même dans les faits très supérieur à celui-ci. Parallèlement, les recettes générées par ces formations s’élèvent à 2,3 millions d’euros. À titre comparatif, les cinq orchestres de la BBC représentaient en 2011 un coût de 36 millions d’euros (12), sur un budget total de plus de 6 milliards d’euros.
La Cour des comptes recommande donc de « fusionner les deux orchestres symphoniques de Radio France » afin de réduire le nombre total des effectifs, chiffré en 2013 à 389 équivalents temps plein (ETP). Le Président de Radio France souscrit à cet objectif de bon sens, qui permettrait par ailleurs de donner plus de visibilité à l’orchestre symphonique restant, mais souligne la difficulté à mettre en œuvre cette réforme.
● L’action sur la réduction des charges structurelles
Celle-ci va nécessairement impliquer des objectifs de réduction des effectifs. La masse salariale totale de Radio France a augmenté de 18,8 % entre 2006 et 2013. Les charges de personnel représentent 57,7 % des charges d’exploitation, ce qui s’explique en partie par la structure de production interne qui caractérise l’entreprise, mais également par une politique active de recrutement. On constate ainsi dans le rapport annuel de performance une augmentation de 39 ETP entre 2013 et 2014, affectés aux nouveaux médias ainsi qu’à la nouvelle station de France Bleu à Saint-Étienne. La dynamique d’extension sur le territoire et d’adaptation au tournant numérique peut se justifier, mais doit, au vu du contexte, se réaliser par redéploiement des effectifs ou renouvellement des compétences.
Au moment des auditions menées dans le cadre de la mission d’information, il était question de mettre en œuvre un plan de départs volontaires concernant 350 ETP, projet qui était à l’origine de la grève sans précédent du mois d’avril. Le plan d’économies semble désormais favoriser les départs naturels, associés à des non-remplacements massifs. Cette solution, plus longue à mettre en œuvre, va par ailleurs obliger l’entreprise à d’importantes réorganisations internes afin de gagner en productivité.
De plus, les coûts de diffusion vont diminuer de 13 millions d’euros de manière structurelle à partir de 2017, grâce à l’arrêt des ondes moyennes et grandes.
● Les mesures relatives aux charges exceptionnelles : comment faire face au dérapage financier du chantier de la Maison de la radio ?
Les besoins de trésorerie qui se posent aujourd’hui à Radio France sont principalement dus au dérapage colossal des dépenses liées au chantier de la Maison de la radio. Le coût total actualisé du chantier tel que chiffré dans le rapport de la Cour des comptes précité, s’élève à 575 millions d’euros, contre 333,9 prévus dans le COM 2006-2009, soit un dérapage de 72,2 %. Ces chiffres ne correspondent pas à ceux fournis par Radio France, qui présente un dérapage de dépenses de « seulement » 19 %.
Si ce dérapage est désormais de l’ordre du constat, il est primordial dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens de Radio France de prévoir de manière transparente le financement afférent aux restes à payer. Comme évoqué précédemment, il serait également plus légitime que cette dépense ne se reporte pas, directement ou indirectement, sur les budgets des autres opérateurs de l’audiovisuel public, et notamment ceux qui ont fait preuve de rigueur dans leur gestion.
b. Les efforts de restructuration de France Télévisions : une démarche en cours de réalisation mais qui a débuté tardivement
La baisse globale des ressources a atteint France Télévisions de manière beaucoup plus prégnante à partir de 2013, avec une baisse de 2 % de ses dotations publiques. La baisse des ressources s’est chiffrée à – 79 millions d’euros entre 2012 et 2015, en dégradation de 20 millions d’euros par rapport aux prévisions de l’avenant au COM.
Il convient de rappeler que, comme le souligne le rapport du groupe de travail coordonné par M. Marc Schwartz, cette tendance baissière est commune à l’ensemble des grands secteurs audiovisuels européens, dans des proportions supérieures à celle de France Télévisions (13). Pour cet acteur majeur de l’audiovisuel public, la résorption de l’effet de ciseau ne pourra se concrétiser que par d’importants efforts d’économie des coûts, dont la teneur a été longuement développée dans le rapport Schwartz mais également dans le Bilan quadriennal des résultats de la société France Télévisions rendu public par le CSA en décembre 2014.
L’accentuation de la baisse des ressources, couplée à la crise du marché publicitaire responsable de la fragilisation des ressources propres de France Télévisions, a fait entrer l’entreprise dans une démarche forcée de restructuration. Il s’agit désormais pour le groupe de dégager des économies structurelles, afin de redresser sa situation financière. Il présente en effet un résultat net négatif à – 38,4 millions d’euros en 2014, en légère amélioration par rapport aux prévisions budgétaires (- 40,5 millions d’euros). En 2013, le résultat net se chiffrait à – 84,6 millions d’euros, ce qui démontre l’efficacité des démarches engagées au sein de l’entreprise. La difficulté vient, comme pour Radio France, de la rigidité des charges d’exploitation et des effectifs, qui rendent difficiles les évolutions structurelles et il semble que l’objectif de retour à l’équilibre en 2015 fixé par l’avenant au contrat 2013-2015 ne pourra pas être atteint.
Les principes qui doivent guider la stratégie financière de France Télévisions sont du même ordre que ceux évoqués précédemment dans le cas de Radio France : réduction des charges structurelles, réduction du périmètre des missions en l’absence de marge de manœuvre et meilleure planification des dépenses. France Télévisions a entamé ce tournant depuis environ trois ans. Si le Rapporteur et le Président de la mission tiennent à souligner l’importance des résultats obtenus à ce jour, il est nécessaire que ceux-ci se poursuivent et se consolident dans les années à venir afin d’accélérer le passage vers un nouveau modèle économique.
i. La réduction des charges de fonctionnement et des effectifs
Selon le CSA dans son bilan quadriennal, malgré deux plans de départs volontaires prévus au contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 (pour un coût estimé à 58 millions d’euros), et qui devaient générer des économies structurelles à hauteur de 40 millions d’euros, les effectifs permanents de 2012 étaient encore supérieurs à ceux de 2007. Les charges de personnel ont cependant continué d’augmenter pour se situer à 976 millions d’euros en 2014, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2010), et une légère hausse de 1,9 % par rapport à 2013.
Par ailleurs, l’effectif moyen annuel pour 2014 s’élève à 10 131 ETP, en diminution de 359 ETP par rapport à 2012 grâce à la mise en œuvre du plan de départs volontaires, soit une baisse de 3 % des effectifs. L’avenant au COM prévoit une stabilisation des effectifs à 9 750 ETP, après une réduction de 650. L’effectif moyen annuel en 2014 s’élevait encore à 10 131 ETP, et présentait une augmentation de 21 ETP par rapport à 2013.
France Télévisions semble être entré dans une phase d’accélération en termes de maîtrise de ses effectifs, puisque les hypothèses retenues pour 2015 conduisent à un niveau d’ETP moyen de 9 836, en prenant en compte la réalisation intégrale du volume de départs prévu au plan de départs volontaires. Le surcoût temporaire que représentent ces plans devrait donc laisser place rapidement à une économie durable des charges de personnel, qui pour l’instant n’est pas encore perceptible sur les comptes.
Parallèlement, la maîtrise des dépenses de fonctionnement a été accentuée par la mise en œuvre d’une politique générale d’appels d’offres, de renforcement des procédures et de renégociation avec les fournisseurs dans l’ensemble des domaines. France Télévisions souligne que l’amélioration des procédures d’achat, avec la montée en puissance de la direction dédiée aux achats hors programmes, permet de dégager des moyens supplémentaires pour le cœur de métier du groupe. Au total, depuis la fin 2011, ce sont en moyenne 15 millions d’euros annuels qui ont été économisés sur les contrats supérieurs à 1,5 million d’euros (14).
ii. La réduction des coûts de grille
Les dépenses de programme constituent le poste prioritaire d’affectation des ressources du diffuseur, et consomme 81 % des ressources nettes de France Télévisions.
Sur ce point encore, France Télévisions a engagé tardivement, à partir de 2012-2013, les restructurations nécessaires à la pérennité de son équilibre financier. Dans des circonstances comparables, mais sans ressource garantie par la manne publique, le groupe TF1 avait entrepris depuis plus longtemps la réduction de son coût de grille, qui a diminué de 8 % depuis 2007. La baisse durable de la ressource publique et des ressources propres a enlevé toute alternative à la télévision publique.
Le rapport Schwartz précité souligne une augmentation des coûts de grille de 10 % pour France Télévisions entre 2008 et 2013, qu’il compare à la baisse de 4 % de la grille de la BBC ou encore de 12 % de celle du service public télévisuel italien. France Télévisions peine en effet à réduire ce poste, qui a enfin entamé sa réduction avec une baisse globale de 1 % entre 2012 et 2014, dont – 2 % sur les programmes nationaux. Les dépenses de programmes ont baissé au total de - 64 millions d’euros entre 2012 et 2015 grâce à l’amorce d’une politique de gains de productivité (notamment par la systématisation des audits de production afin de renégocier un certain nombre de contrats et par une meilleure utilisation des stocks de programmes existants) (15). Il convient de préciser, dans ce contexte particulièrement contraint pour France Télévisions, que le taux de marge des producteurs de programmes audiovisuels (tous genres confondus) s’établit à 42,9 % (16), ce qui constitue une marge conséquente.
Certaines grilles continuent cependant à voir leurs coûts augmenter, par exemple celle des programmes régionaux outre-mer, qui a augmenté de 8,5 % par rapport à 2013. L’exercice 2015 confirmera s’il s’agit d’une hausse conjoncturelle ou si une marge d’économie peut être trouvée dans ce volet de la programmation qui représente près de 40 millions d’euros.
iii. L’ajustement des missions de France Télévisions à son enveloppe budgétaire et développer les synergies avec les autres acteurs de l’audiovisuel public
France Télévisions a fait valoir qu’au total, les charges opérationnelles ont d’ores et déjà baissé de 73 millions d’euros depuis 2012, dont une économie de 64 millions d’euros sur les programmes. Le groupe précise que, pour les années à venir « les économies à attendre sont désormais moins significatives, compte tenu du travail déjà accompli de renégociation des contrats en cours. Par ailleurs, le potentiel restant d’économies sur les émissions sans remise en cause de leur qualité éditoriale est faible ». Si la rigidité des dépenses se confirment réellement, et ce malgré de nouveaux efforts de productivité et de maîtrise des moyens et des effectifs, la seule marge de manœuvre restante demeure la réduction du portefeuille de missions France Télévisions. La tutelle doit alors inscrire dans les contrats des objectifs réalisables dans l’enveloppe attribuée, et nécessairement contrainte, aux opérateurs de l’audiovisuel public.
Quelques pistes peuvent être évoquées, comme par exemple la numérisation de la chaîne France 4, puisque celle-ci s’adresse à un public majoritairement plus jeune et de ce fait enclin à adopter de nouvelles pratiques de consommation audiovisuelle. L’exemple de la BBC est à ce titre instructif : la chaîne BBC Three, devrait devenir une chaîne numérique à compter de janvier 2016 (17), s’accompagnant d’une économie correspondant à une division par deux des coûts de programme de la chaîne. Dans le cas de France 4, cela représenterait dans cette configuration une économie de 20 à 25 millions d’euros, les recettes publicitaires numériques pouvant être conservées.
La chaîne France 3 a été également identifiée de longue date comme un important potentiel de source d’économies structurelles. Les perspectives de mutualisation et de réduction des coûts ont été pointées dans le rapport de Marc Schwartz précité.
Par ailleurs, tout nouveau projet éditorial inscrit dans le nouveau COM, sauf à se réaliser à moyens constants, doit être transparent sur les moyens de financement. Le Rapporteur et le Président de la mission d’information s’interrogent ainsi sur les capacités financières actuelles de France Télévisions à lancer une chaîne d’information en continu, même sous forme numérique.
L’information est au cœur des missions du service public télévisuel, qui représente en 2013 plus de 20 % de l’offre globale d’information. Le site « Francetv info » connaît par ailleurs une montée en puissance croissante. Il est donc nécessaire de s’interroger sur l’opportunité d’un tel projet, et sur son positionnement face une offre gratuite déjà existante sur la TNT.
Si toutefois ce projet se confirme, il serait opportun de tirer profit des synergies possibles avec les autres acteurs de l’audiovisuel public, Radio France d’une part, mais également la chaîne d’information continue France 24 gérée par France Médias Monde. Elle pourrait, grâce à la mise en place de décrochages nationaux, constituer la matrice idéale à une chaîne d’information continue, à condition bien sûr de pouvoir faire son entrée sur la TNT nationale et non plus seulement en Île-de-France. Le coût de la diffusion est estimé à 2 millions d’euros en SD ou 7 millions d’euros en HD.
Par souci de cohérence, un financement de cette chaîne d’information par des recettes publicitaires n’est pas envisageable, dans l’état actuel du marché et dans la droite ligne du raisonnement qui avait été invoqué au moment de la demande de TF1 visant à intégrer LCI dans l’offre gratuite de la TNT.
Le Rapporteur et le Président de la mission d’information se réjouissent d’avoir eu la confirmation que cette collaboration entre les acteurs de l’audiovisuel public est en cours de concrétisation, pour la construction d’un média global d’information.
Le constat partagé par le groupe de travail
coordonné par M. Marc Schwartz sur l’offre d’information
« Dans le domaine de l’information, les stratégies des sociétés publiques ne sont pas coordonnées et les moyens s’additionnent au sein des trois entités concernées : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde. Les rédactions de ces sociétés totalisent environ 4 500 journalistes, au sein des rédactions nationales, des rédactions régionales et des réseaux internationaux. Cela représente une force de frappe considérable et un atout déterminant pour l’audiovisuel public français. Mais les coopérations restent limitées, sauf au sein d’une même société : France Bleu/France Inter ou France 24/RFI par exemple.
« Le manque de coordination a trouvé une expression récente lors de l’annonce, à quelques jours d’intervalle, du souhait de Radio France de disposer d’un « service global d’infos en continu qui mélangerait la radio, la vidéo et le numérique », puis de celui de France Télévisions de lancer une chaîne d’information en continu en numérique, courant 2015. À cela s’ajoute le fait que la seule chaîne d’information en continu existant au sein du secteur public, France 24, n’est pas accessible à tous les téléspectateurs français, car créée initialement pour s’adresser aux publics à l’étranger.
« Le groupe de travail partage le diagnostic porté par plusieurs interlocuteurs d’une dispersion des moyens publics en matière d’information, et d’une lacune existant dans le dispositif public, qui ne dispose pas, en dépit de moyens conséquents, d’une chaîne d’information en continu destinée au public français. Il considère que tout projet dans ce domaine ne devrait se concevoir qu’en associant toutes les forces du secteur public, autour d’un projet commun. »
Source : France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition, février 2015.
II. UNE RÉVISION NÉCESSAIRE DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC AFIN D’ASSURER DES RECETTES DURABLES POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC
La contribution à l’audiovisuel public (CAP) est considérée comme un « impôt sur les téléviseurs » : concernant les particuliers, une seule contribution est due par foyer détenteur d’un téléviseur, peu importe le lieu de réception (résidence principale et/ou secondaire), et un paiement commun est effectué avec la taxe d’habitation. Sont également assimilés à des téléviseurs, quand ils sont associés à un écran, les magnétoscopes, lecteurs ou lecteurs-enregistreurs de DVD, vidéoprojecteurs équipés d’un tuner.
Concernant les professionnels, la CAP est due au titre de chaque point de réception, son montant est fonction du type d’établissement et du nombre d’appareils détenus et elle est déclarée sur le bordereau de TVA (18). Le fait générateur est, à l’instar de la contribution due par les particuliers, la détention d’un appareil récepteur de télévision, même si les modalités de recouvrement et le calcul procèdent d’une logique différente.
Cette contribution se révèle particulièrement impopulaire parmi les contribuables puisque selon un sondage réalisé par Médiamétrie en février 2013, elle est considérée comme trop élevée pour 70 % des Français. L’augmentation constante de son montant unitaire – 15 % entre 2009 et 2015 alors que la hausse aurait été de 8 % si seule l’indexation sur l’inflation avait été appliquée – explique notamment ce rejet. En 2015, la CAP s’élève à 136 euros en France métropolitaine et à 86 euros en Outre-mer. Toutefois, et malgré une revalorisation régulière, son rendement est véritablement menacé à terme.
Dès lors, deux constats s’imposent.
Premièrement, cette contribution est mal acceptée par le contribuable français. D’une nature équivoque, ainsi que le souligne dans son rapport Mme Irène Grenet (19), la CAP est qualifiée d’impôt par la réforme de 2004 (20), alors même qu’elle demeure affectée aux organismes bénéficiaires via un compte spécial et constitue une contrepartie pour service rendu, à savoir l’accès au service public de l’audiovisuel. Or, c’est le principe même du consentement à cet « impôt » par le citoyen qui semble menacé : ce dernier finance-t-il un service d’intérêt général qui n’a nullement sa place sur le marché ou un service public en contrepartie de l’usage qu’il peut en faire ?
Deuxièmement, ce système de financement, victime de l’avancée technologique qui voit tablettes et smartphones se substituer lentement mais sûrement au poste de télévision « classique » tend à devenir obsolète. Sa légitimité se voit également ébranlée, du fait de la profusion d’offres gratuites et payantes de télévision, semant la confusion sur l’utilité de contribuer à un service public de l’audiovisuel probablement insuffisamment ouvert sur le numérique et donc déconnecté des besoins du contribuable-usager.
Il est donc nécessaire de rappeler que sans ressource publique, il n’est de service public audiovisuel ni indépendant, ni efficient. Ainsi, il a pu être constaté à l’échelle européenne que plus un pays consacre une part importante de ressources publiques au service public audiovisuel, plus des procédures garantissant l’indépendance des médias sont prévues (21). Par ailleurs, il n’est pas possible d’envisager l’avènement d’un service public numérique audiovisuel, proposant des programmes innovants et audacieux dans le respect des objectifs définis dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) sans le financement idoine.
L’urgence d’une révision de cette contribution devient, par conséquent, patente et doit passer par une refonte de son assiette sans augmenter le montant de la taxe. Le Président de la République a évoqué la nécessité de cette réforme, le 2 octobre 2014 lors d’une intervention devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), en précisant que « l’objectif est qu’à rendement constant, (…) il puisse y avoir une assiette plus large et plus juste » de la contribution.
Le Président de la mission d’information ne souhaite pas s’associer à la proposition de révision de la CAP qui va suivre, en raison des hausses successives des prélèvements obligatoires intervenues depuis 2012 qui accablent suffisamment le contribuable.
Le Rapporteur estime, pour sa part, que cette réforme est nécessaire et doit permettre de remédier au décalage croissant entre l’assiette de la contribution et l’évolution des pratiques de consommation audiovisuelle à l’ère du numérique.
Les maux affectant l’actuelle contribution sont très largement partagés parmi nos voisins européens qui sont en train ou ont déjà réformé leur redevance audiovisuelle pour faire face aux évolutions technologiques. Des pistes de réflexion peuvent être exploitées à partir des réformes conduites chez nos voisins britannique et allemand.
La réforme de l’assiette apparaît ainsi pour le Rapporteur de la mission comme une mesure économiquement satisfaisante mais également plus juste fiscalement.
A. LA MENACE D’UN RENDEMENT DÉCROISSANT DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC À JUGULER
Depuis le 1er janvier 2009, le montant de la CAP est indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac (22), ce qui a mis un terme à la diminution de sa valeur entre 2002 et 2008, en euros constants.
Ainsi, tant l’inflation que la hausse des montants et l’évolution positive du nombre de foyers assujettis (augmentation mécanique de 0,85 % depuis 2013) ont permis de garantir une progression relativement dynamique de la CAP, ainsi que l’atteste le tableau ci-après :
ÉVOLUTION DES REDEVABLES ET DU MONTANT DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC
2013 |
2014 |
2015 (prévisions) |
2016 (prévisions) | |
Nombre de redevables total |
26,86 |
27,07 |
27,30 |
27,52 |
Dont ceux résidant en métropole (23) |
26,23 |
26,44 |
26,66 |
26,88 |
Dont ceux résidant dans les DOM (24) |
0,626 |
0,63 |
0,64 |
0,64 |
Encaissements bruts de redevance (en millions d’euros) |
2 986,2 |
3 072,2 |
3 173,4 |
3 243,7 |
Frais d’assiette et de recouvrement |
28,2 |
28,4 |
28,2 |
28,2 |
Coûts de trésorerie |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
1 |
Encaissements nets |
2 957,5 |
3 043,3 |
3 144,7 |
3 214,5 |
Compensation pour dégrèvement |
490,2 |
507,8 |
522,1 |
513,8 |
Dotations aux organismes publics (TTC) |
3 447,7 |
3 551,1 |
3 666,8 |
3 728,3 |
Dotations aux organismes publics (HT) |
3 376,8 |
3 478 |
3 591 |
3 652 |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles.
Toutefois, deux éléments sont susceptibles, à terme, d’infléchir cette tendance et de conduire à une véritable diminution du rendement de la contribution.
En effet, le taux retenu en 2013 par le Gouvernement de 0,85 % correspondant à l’évolution du nombre de foyers assujettis ne saurait être pertinent à moyen terme : si la démographie progresse effectivement, en revanche, depuis le premier semestre 2013, le taux d’équipement en téléviseurs de la population française connaît une baisse tendancielle qui s’est poursuivie en 2014, passant de 98,1 % au troisième trimestre 2013 à 96,2 % au troisième trimestre 2014 (25).
Par ailleurs, les écrans alternatifs (tablettes, smartphones, ordinateurs) ne font plus que seulement s’adjoindre à l’écran principal mais le concurrencent fortement puisqu’on constate l’émergence d’un effet de substitution, particulièrement avéré pour les jeunes de 15-25 ans. Ces derniers privilégient ainsi le second écran et délaissent de façon croissante le téléviseur classique, selon les données de Médiamétrie pour 2014. Ce phénomène va donc amplifier le retournement du taux de pénétration des téléviseurs observé en 2013 pour, à moyen terme, menacer clairement son rang d’ « écran principal » (cf. infra). Mme Irène Grenet approfondit l’analyse en comparant le désamour de cette génération ainsi que de leurs cadets pour le téléviseur au phénomène qui s’est produit pour la radio, lorsque le transistor, plébiscité par les plus jeunes pour sa mobilité, a fini par supplanter les postes à lampe. Ainsi, à terme, un phénomène de substitution similaire pourrait se vérifier, smartphones et tablettes, supports nomades et multifonctions, prenant la place du téléviseur sédentaire et à usage unique (26).
Toutefois, cette génération qui privilégie les supports non taxés actuellement est, à court terme, amenée à être elle-même redevable de la CAP, ce qui conduira à un manque à gagner inéluctable de son produit attendu si les règles d’assiette actuellement en vigueur demeurent inchangées.
Enfin, les nombreux dégrèvements dont le plafonnement est actualisé chaque année, s’ils sont justifiés socialement, vont croissants ces dernières années (+ 4,6 % entre 2013 et 2016 (27)). Trois catégories de redevables sont ainsi exonérées : les personnes exonérées de la taxe d’habitation, les personnes bénéficiaires d’un droit acquis (28) et les personnes dont le montant du revenu fiscal de référence est nul. Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive puisque d’autres allégements existent : ainsi, le seuil du revenu fiscal de référence en-dessous duquel les contribuables sont exonérés de redevance a été régulièrement relevé afin de préserver le pouvoir d’achat des plus modestes (revalorisation de 4 % en 2014) (29). Il s’agit d’un manque à gagner « occulte » se soustrayant au produit final de la contribution qui n’est pas retracé dans le montant des dégrèvements remboursés alors que cette perte de recettes pourrait être significative (30).
Toute nouvelle hausse de la CAP, hors inflation, n’est nullement envisageable pour remédier à cette perte de rendement. En effet, le Gouvernement a déjà procédé, hors inflation, à trois augmentations supplémentaires en 2010 (2 euros), 2013 (4 euros) et 2015 (2 euros) sur la CAP en métropole. Une augmentation supplémentaire ne peut constituer une solution durable au financement de l’audiovisuel, de surcroît dans un contexte où l’effort fiscal demandé aux contribuables est déjà substantiel. Néanmoins, les recettes de l’audiovisuel public doivent être suffisantes pour que ses opérateurs puissent assurer leurs missions en toute indépendance et poursuivre leur adaptation aux nouvelles technologies.
Dans ce contexte et alors même que les usages technologiques ont fortement évolué ces dernières années, cette érosion de l’assiette conduit nécessairement à une réflexion sur sa modernisation qui permettrait de pérenniser le financement autonome des organismes de l’audiovisuel public.
B. L’ÉVOLUTION DES PRATIQUES REND NÉCESSAIRE UNE REDÉFINITION DE L’ASSIETTE EN ADÉQUATION AVEC LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
L’évolution des pratiques audiovisuelles liées tant au support qu’à l’offre appelle une modernisation de l’assiette de la contribution pour tenir compte des nouveaux enjeux technologiques.
1. La révolution technologique
a. La multiplicité des supports et des pratiques de visionnage
En premier lieu, l’écran de télévision classique n’est déjà plus le seul support utilisé pour accéder au service public audiovisuel. Aux États-Unis, depuis 2010, on constate une diminution après des années de croissance du nombre de foyers détenant un téléviseur (31). Cette tendance s’est vérifiée en 2013 tant au Royaume-Uni qu’en France. L’année 2014 confirme cette dynamique puisqu’au troisième trimestre, seuls 96,2 % des foyers français sont dotés d’au moins un téléviseur, soit une baisse de 1,9 point en un an. Le téléviseur demeure néanmoins l’« écran principal », soit le plus répandu devant l’ordinateur (80,3 % des foyers), les smartphones (59,3 % des personnes âgées de 15 ans et plus) et les tablettes tactiles (32 % des foyers) (32).
Force est de constater que l’inflexion en matière de taux de pénétration des téléviseurs est historique et devrait se confirmer dans les prochaines années.
Par ailleurs, le taux de pénétration des smartphones ne fait que croître. Ainsi, en 2014, il est désormais plus fréquent de détenir un smartphone (46 % de la population) qu’un téléphone mobile fixe (43 %) (33). On constate que la proportion des 15 ans et plus à détenir un smartphone connaît une croissance continue et fulgurante passant de 55,9 % au quatrième semestre 2013 à 59,3 % au deuxième semestre 2014. Parmi cette frange de la population, les 18-24 ans sont les mieux équipés avec un taux de pénétration de 81 % en 2014 contre 67 % des 25-39 ans (34). Si la télévision reste l’écran principal de visionnage, l’explosion du « second écran » que constituent la tablette et le smartphone vient bouleverser les comportements vis-à-vis même de la façon de visionner les programmes audiovisuels. Ces pratiques se sont elles-mêmes étoffées au gré des évolutions technologiques (visionnage des programmes en direct mais aussi via la télévision de rattrapage (ou replay), voire téléchargement ou visionnage en streaming de vidéos ou films). À l’heure actuelle, il est vrai que les usages n’évoluent que très lentement puisqu’en 2014, le visionnage « classique », à savoir de programmes en direct sur un poste de télévision, reste très majoritairement plébiscité (93 % des Français) par rapport au visionnage en replay de programmes télévisés sur un téléphone mobile (7 % des Français) (35).
Si le visionnage des programmes télévisuels sur téléphone mobile ou tablette tactile restent encore peu développé (de 7 % à 10 %), les moins de 25 ans sont davantage concernés puisqu’ils utilisent cet outil deux à trois fois plus souvent, en moyenne, en raison du développement du phénomène de mobilité. Parmi les personnes équipées en smartphone, 20 % regardent des émissions de télévision en direct sur un téléphone mobile tandis que 28 % des personnes équipées en tablette regardent la télévision en direct. Par ailleurs, l’écran de télévision reste l’écran de visionnage principal en soirée, tandis que la tablette et le smartphone sont plus largement utilisés en journée. Au paradigme générationnel, s’ajoute ainsi un critère de mobilité (smartphone, tablette) et de confort (écran de télévision).
b. L’avènement de la télévision et de la radio « sociale »
La montée en puissance de la « télévision sociale », à savoir, selon la définition donnée par le CSA, « les technologies apportant un enrichissement des contenus et une interaction entre le téléspectateur et le contenu qu’il regarde/souhaite regarder et les téléspectateurs eux-mêmes autour de ce contenu » (36) via les réseaux sociaux notamment, participe pleinement à cette dynamique d’utilisation simultanée et de confusion des différents supports au service du visionnage du programme. En effet, s’il est possible de regarder en direct un programme sur l’écran principal, on peut tout à fait le commenter en direct sur son smartphone ou sur sa tablette. Les supports se complètent et s’utilisent simultanément, l’accès au service public audiovisuel s’élargissant (on regarde et on commente), induisant un phénomène de démultiplication des écrans suivant divers usages attachés au visionnage du même programme.
La « radio sociale » a également fait son apparition et a pris part à ce phénomène de substitution d’écran : en effet, depuis fin 2012, l’essor de la radio filmée ou « visuelle » a constitué un accélérateur du phénomène de visionnage de « radio sur second écran ». Ainsi, depuis septembre 2014, France Inter diffuse dix heures de direct par jour en vidéo sur Internet (37).
Si l’évolution des pratiques est lente, elle apparaît pour autant inéluctable. Ainsi, la proportion des Français regardant la télévision sur leur smartphone est passée de 1 % en 2006 à 10 % en 2014. Cette dynamique est encore plus marquée concernant le visionnage de la télévision sur l’ordinateur portable : si seulement 5 % de la population regardait la télévision sur un écran d’ordinateur en 2006, en 2014, cette pratique concerne 22 % des Français (38).
La conjugaison de cette tendance globale de la population française avec les usages de visionnage développés par les jeunes induisent que les smartphones et tablettes tendront invariablement à se substituer à terme à l’écran de télévision, se traduisant par un net ralentissement de la dynamique des recettes de la redevance. Dans ce contexte, l’extension de l’assiette de celle-ci à tout support permettant la réception du service public audiovisuel paraît juste et en adéquation avec l’évolution technologique mais également avec la lettre de la loi.
Si la loi peut difficilement se prévaloir, à une époque où les avancées technologiques précèdent même la pensée du législateur, d’être en parfaite concordance avec son temps, elle peut s’enorgueillir d’être le fruit de débats et de l’aboutissement d’une mûre réflexion contrebalançant cette fulgurance technique. Aujourd’hui, il n’est plus que temps d’assurer l’indépendance et le progrès technique d’un service public qui se trouve lui-même confronté aux limites de cette avancée et qui n’a plus les moyens de s’y adapter.
Il convient de rappeler que si les dispositions législatives actuellement en vigueur prévoient clairement la taxation d’un « appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision » (39), qui pourrait recouvrir ainsi tout ordinateur doté d’une carte télévision, tablette tactile ou smartphone, l’instruction fiscale prise en application de cette disposition a exclu tout aussi clairement du champ de l’assiette « les micro-ordinateurs munis d’une carte de télévision permettant la réception de la télévision » (40) et, par voie de conséquence, les tablettes et smartphones (41). Or, l’évolution des usages ne permet plus d’exclure du champ de l’assiette la catégorie florissante des « seconds écrans ».
2. La profusion des offres gratuites et payantes et son influence sur les comportements de visionnage
La télévision numérique terrestre (TNT) propose un large éventail de chaînes : le téléspectateur a, en effet, le choix entre vingt-cinq chaînes nationales et une quarantaine de chaînes locales gratuites ainsi que onze chaînes nationales payantes. La part d’audience des chaînes de la TNT gratuite est estimée à 22 % en 2012 contre 37,6 % pour TF1 et France 2 (42), confirmant la tendance à la baisse du poids des chaînes historiques.
Devant cette profusion de l’offre gratuite, il ne paraît pas étonnant que le contribuable s’interroge sur la nécessité de payer pour un service qu’il ne consomme pas ou ne souhaite pas consommer.
De même, la multiplication des offres payantes, soit par l’abonnement soit par le paiement à l’acte pour une offre clairement choisie, constitue un modèle s’opposant au paiement obligatoire d’une redevance pour un service public audiovisuel imposé, sans être forcément voulu.
A contrario, il peut paraître inéquitable que des personnes ne disposant pas de poste de télévision et donc non assujettis à la CAP, bénéficient du service public radiophonique (via Radio France) ou de l’accès à des archives du patrimoine audiovisuel (via l’Institut national de l’audiovisuel – INA) puisque la CAP finance substantiellement ces deux entreprises publiques. Par ailleurs, la montée en puissance de la radio « visuelle » et l’accès aux archives de l’INA à partir de son site Internet rejoint également la question de la taxation des supports permettant l’accès à ces programmes, au-delà des seuls programmes télévisuels.
En sus de l’effort pédagogique devant accompagner la révision de l’assiette de la CAP, il s’agit également de renforcer la légitimité du service public audiovisuel qui doit s’adapter aux nouveaux modes de consommation audiovisuelle en développant l’offre numérique, plébiscitée par les plus jeunes dans le respect des objectifs stratégiques définis dans les contrats d’objectifs et de moyens. Il s’agit, pour France Télévisions, d’augmenter l’offre délinéarisée ou, pour Radio France, d’enrichir son offre multimédia accessible au public, grâce notamment au développement de la vidéo.
Ce défi devient d’autant plus urgent à relever que le Gouvernement a annoncé en décembre 2014 la généralisation de la norme de compression MPEG-4 (43) et le passage de toutes les chaînes de la TNT en haute définition (HD) en avril 2016. Par conséquent, la TNT devrait être amenée à enrichir son offre de chaînes et les téléspectateurs auront accès à la totalité des chaînes gratuites en haute définition. Dans ce contexte, une deuxième vague de nouvelles chaînes devrait venir submerger l’offre TNT et cette évolution technologique renforce la nécessité pour les entreprises du service public audiovisuel de développer une véritable offre numérique.
C. LES EXEMPLES BRITANNIQUE ET ALLEMAND DE RÉFORME DE LA REDEVANCE
L’exemple de nos voisins européens qui ont su réagir rapidement à la révolution numérique paraît particulièrement instructif. Si l’Allemagne a opté pour une réforme qui a transformé la redevance en prélèvement universel en partant du postulat selon lequel tous les foyers étaient dotés d’un outil de réception, le Royaume-Uni a opté pour une conception technologiquement neutre de la redevance, se rapprochant du modèle proposé par le Rapporteur de la présente mission d’information.
1. La réforme de la redevance audiovisuelle en Allemagne
a. Le service public audiovisuel allemand
La télévision publique allemande est composée des trois groupes suivants :
– la ZDF (44) qui couvre l’ensemble du territoire fédéral et dont la tutelle est exercée par les seize Länder ;
– l’ARD (45), fédération d’organismes dont la couverture s’étend sur un ou plusieurs Länder ;
– la Deutsche Welle, organisme international de diffusion de l’audiovisuel allemand.
La réforme de la redevance audiovisuelle allemande est entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Depuis lors, la Rundfunkbeitrag a remplacé la Rundfunkgebühr, dont bénéficient les chaînes de télévision ZDF et ARD, ainsi que Deutschlandradio. Le financement d’Arte est réparti sur les budgets d’ARD et de ZDF.
Cette refonte avait vocation à simplifier le régime de prélèvement et entendait tirer les conséquences de la convergence des médias et des supports, en faisant reposer la taxe sur les foyers et non plus sur les appareils de réception. En effet, jusqu’au 31 décembre 2012, la redevance était due au tarif plein pour chaque téléviseur possédé ainsi que pour chaque poste de radio (au tarif d’un tiers). Cette réforme devait également permettre de diminuer les frais de gestion et mettre un terme à la fraude.
Le but n’était ainsi pas de générer des ressources supplémentaires mais de maintenir le niveau de revenus générés dans le système actuel, en anticipant l’évolution des usages et des modes d’accès au service public audiovisuel.
Les principes de la réforme étaient les suivants :
– le maintien, pour les particuliers, du principe d’une contribution par habitation sans changer les dégrèvements en vigueur jusqu’alors ;
– la neutralité technologique : suppression de toute différenciation selon la nature des appareils de diffusion (téléviseurs, postes de radio, ordinateurs) ;
– due même par les personnes qui ne possèdent aucun de ces appareils, la contribution est conçue comme une contrepartie au droit à une information publique indépendante – le secteur audiovisuel public étant considéré comme un pilier de la démocratie, mis en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale – et au financement de programmes pour les minorités. La « redevance TV » peut de ce fait être assimilée à une taxe affectée ;
– les entreprises doivent payer leur redevance en fonction du nombre de leurs filiales, de leurs employés et de leurs automobiles, les dégrèvements en vigueur jusqu’alors sont supprimés étant donné que le nouveau système de progressivité conduit de fait à un allègement de la redevance.
Il apparaît que cette réforme, adoptée avec le soutien de la CDU, du SPD et des Verts n’a fait l’objet d’aucune difficulté particulière quant à son acceptation par la population allemande.
Le montant unitaire de la redevance est fixé depuis 2009 à 17,98 euros par mois, soit 215,76 euros par an (il se décompose ainsi : 12,20 euros pour la télévision et 5,70 euros pour la radio).
La réforme applicable depuis janvier 2013 n’a entraîné aucun changement pour 90 % de la population. Elle permet des économies pour les familles avec enfants majeurs, les couples non mariés et les personnes en colocation et implique un coût supplémentaire pour les personnes qui ne possèdent qu’un poste de radio ou un ordinateur, mais pas de téléviseur. Elle doit en principe s’appliquer à recettes globales constantes. Tout surplus de recettes entraînerait une baisse du montant de la redevance pour la période suivante. Le montant unitaire est révisé tous les quatre ans. Une commission indépendante (KEF (46)), en charge du contrôle financier de l’audiovisuel public, vérifie le besoin de financement avancé par ARD et ZDF et publie une recommandation sur le niveau de la redevance. Celui-ci est ensuite fixé par un contrat avec l’État qui doit être ratifié par les parlements des seize Länder. Le montant a été reconduit exceptionnellement pour 2013, compte tenu de la réforme et, depuis le 1er avril 2015, il a été revu à la baisse (17,50 euros par mois), après une première évaluation de son impact.
Le montant annuel de la redevance allemande se situe dans la moyenne européenne. Il est supérieur aux montants en vigueur en France ou en Italie, mais inférieur aux montants applicables en Suisse, en Suède et en Norvège, au Danemark ou en Autriche, où il atteint 270 euros par an.
La KEF évalue le gain consécutif à la réforme à 280 millions d’euros par an. Entre 2013 et 2014, les encaissements ont déjà augmenté de 188 millions d’euros. Les recettes globales entre 2013 et 2016 sont estimées à 29,6 milliards d’euros, soit 7,4 milliards d’euros par an.
2. La réforme de la redevance audiovisuelle au Royaume-Uni
a. Le service public audiovisuel britannique
Le service audiovisuel public britannique est unique et recouvre trois types d’acteurs :
– la BBC (47), société d’État essentiellement financée sur fonds publics, notamment par la redevance (70 % des recettes), dont le montant est fixé pour plusieurs années par le Gouvernement après négociation avec la BBC et consultation publique ; la BBC n’a aucune recette issue de la publicité ;
– l’opérateur Channel 4 possède le statut de société constituée par la loi, sans actionnaire et dont le capital est détenu par l’État. Éditeur-diffuseur qui ne réalise pas lui-même ses programmes, il se finance intégralement par les revenus de la publicité et doit réinjecter ses profits dans la commande de programmes ;
– Channel 3 (ITV) et Channel 5 sont des opérateurs commerciaux se voyant imposer certaines obligations de service public (en termes de couverture et de diffusion de contenus) en vertu du Communications Act de 2003.
La redevance audiovisuelle britannique (« TV license ») adoptée en 2004, constitue le premier système européen de redevance pouvant être considéré comme technologiquement neutre.
En effet, doivent s’acquitter de cette redevance, les foyers qui utilisent un équipement pour regarder ou enregistrer des programmes télévisuels tels que ceux diffusés par les chaînes de télévision (y compris les émissions transmises par satellite depuis l’étranger). Ainsi, actuellement 26,8 millions de foyers, soient près de 97 % des foyers sont soumis à cette redevance.
Parmi ces appareils figurent notamment les récepteurs de télévision, les ordinateurs, les téléphones mobiles, les consoles de jeu, les décodeurs numériques, les enregistreurs de DVD/magnétoscopes. En revanche, les postes de radio ne sont pas inclus dans l’assiette de la redevance. De même, le visionnage de la télévision de rattrapage n’entraîne pas l’obligation de s’acquitter de la redevance. Il s’agit donc d’une redevance due en contrepartie de l’accès aux programmes télévisuels (au sens classique du terme, en « direct ») qu’au profit d’un accès global à l’audiovisuel public.
Une seule redevance est due par foyer, indépendamment du nombre d’appareils détenus mais les résidences secondaires sont assujetties à la redevance, à l’exception des appareils alimentés par une batterie interne propre.
Les personnes de plus de 75 ans sont exonérées de redevance, tandis que les personnes demeurant dans des centres de soins résidentiels paient une redevance de 7,50 livres par chambre ou appartement et que les personnes aveugles ou malvoyantes bénéficient d’une réduction de moitié du montant de la redevance.
Depuis 2010, le montant de la redevance est gelé à 145,50 livres (soit 179,15 euros) pour un téléviseur couleur et à 49 livres (soit 60,33 euros) pour un téléviseur en noir et blanc, pendant six ans, dans le cadre du plan de réduction des dépenses publiques passé entre la BBC et le Gouvernement britannique.
Au 31 mars 2013, les recettes de la redevance s’élevaient à 4,25 milliards de livres, ce qui représente 71,6 % du budget total de la BBC (5,93 milliards d’euros) qui est complété par des subventions de l’État et des ressources propres.
L’organisme responsable de la collecte de cette taxe est une instance de la BBC nommée TV Licensing. Le coût de collecte s’établissait en 2010-2011 à 3,4 % du produit total de la redevance (soit 124,4 millions de livres). La fraude représenterait un montant global de 200 millions de livres.
Ainsi, le modèle britannique qui repose sur une assiette technologiquement neutre pourrait alimenter la réflexion autour de la réforme française à ceci près qu’il ne serait pas souhaitable de reprendre l’exonération liée au visionnage de la télévision de rattrapage – même si cette exonération fait l’objet actuellement de débats et pourrait être remise en question prochainement – étant donné qu’elle est contradictoire avec l’esprit d’une réforme visant à moderniser l’assiette en adéquation avec l’évolution des pratiques.
D. UNE ASSIETTE DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC ÉLARGIE À TOUT SUPPORT PERMETTANT LA RÉCEPTION DU SERVICE PUBLIC AUDIOVISUEL
L’évolution des pratiques audiovisuelles appelle une réforme de la CAP pour en faire une véritable redevance taxant l’accès à l’audiovisuel public et non seulement un impôt sur les téléviseurs, devenu comme obsolète et « déconnecté » des us présents et à venir.
Le Rapporteur, son Président ne souhaitant pas s’associer à cette proposition, plaide en faveur d’une réforme qui s’inscrirait dans une approche neutre du point de vue des supports utilisés pour accéder au service public audiovisuel. Chaque foyer fiscal paierait une fois la contribution quel que soit ce support et quand bien même il en détiendrait plusieurs. Le seul fait générateur de la contribution serait l’accès au service public audiovisuel. Cette proposition, inspirée du modèle britannique (48), rejoint ainsi le premier scénario de réforme préconisé par Mme Irène Grenet dans son rapport de décembre 2014 (49).
Il ne s’agit donc pas de proposer ici une refonte complète du dispositif existant, mais seulement la modification de son assiette, la contribution conservant son nom, son paiement commun avec la taxe d’habitation et ses modalités de recouvrement. Il n’est nullement question d’en augmenter le montant, le but de cette réforme n’étant pas d’augmenter les recettes de la CAP mais de rendre celle-ci plus juste, équitable et soutenable à terme compte tenu de l’évolution des modes de consommation.
1. Une réforme conforme au droit communautaire
La réforme envisagée ne bouleversant pas les principales caractéristiques actuelles de la CAP, tout risque de non-conformité avec le droit communautaire serait écarté (50). En effet, l’actuel dispositif avait été validé par la Commission européenne (51) suite à ses recommandations car d’une part, le Gouvernement s’était engagé à ce que la loi de finances, en fixant le montant de la contribution, induirait des recettes ne couvrant strictement que le coût d’exécution des obligations de service public des sociétés bénéficiaires et que, d’autre part, ces dernières respecteraient les obligations communautaires de marché pour leurs activités concurrentielles (52). Par ailleurs, il semblerait que l’extension de l’assiette, apportant un supplément de recettes, ne saurait être considérée comme une « aide nouvelle » étant donné que la révision ne porterait pas atteinte à ses caractéristiques « fondamentales » (bénéficiaires, objectif poursuivi, base juridique…) (53), à l’instar de la réforme qui est entrée en vigueur en Allemagne le 1er janvier 2013 considérée par la Commission européenne comme une modification d’un dispositif déjà en place et qu’elle avait approuvé.
2. Les principes de la réforme
Même si le lien avec le service public audiovisuel en tant que contrepartie devrait rapprocher la contribution de la définition d’une taxe, la nouvelle CAP demeurerait un impôt car votée chaque année par le Parlement et acquittée obligatoirement par le contribuable (54).
Proposition de réforme de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public
– l’assiette réformée englobera le redevable de la taxe d’habitation dont le foyer est équipé d’au moins un support (poste de télévision, smartphone, tablette) permettant la réception, en illimité, du service public audiovisuel (entendu comme les services offerts par les bénéficiaires de la contribution : France Télévisions, Arte-France, Radio France, l’audiovisuel extérieur de la France, INA), à l’exclusion des postes de radio qu’il en soit ou non propriétaire ;
– peu importe le nombre de supports et de résidences, le redevable ne paierait qu’une seule contribution ;
– le paiement de la contribution à l’audiovisuel public figurerait toujours sur l’avis d’impôt relatif à la taxe d’habitation et serait liquidé en même temps que cette dernière.
a. L’exclusion des postes de radio
Plus précisément et concernant les supports taxables, la question du poste de radio doit être tranchée. En effet, les postes de radio permettent de recevoir les émissions du service public audiovisuel alors même qu’ils sont aujourd’hui exclus de l’assiette. Toutefois, cette mesure conduirait à soumettre tous les foyers – 99,4 % des foyers au premier semestre 2014 disposait d’au moins un équipement pour recevoir la radio (55) – à la contribution à l’audiovisuel public, ce qui n’est pas l’objectif de la présente mission d’information. Si l’assiette doit être modernisée, la contribution revue et corrigée ne saurait être perçue comme une nouvelle imposition, venant s’ajouter à l’effort fiscal conséquent déjà consenti par nos concitoyens. Par ailleurs, outre un contrôle délicat à opérer dans la mesure où les agents fiscaux ne peuvent accéder à un fichier équivalent à celui fourni par les fournisseurs d’accès à internet, le gain attendu d’une telle extension de l’assiette serait minime.
Selon les estimations issues du rapport de Mme Irène Grenet, dans le cas d’une extension de l’assiette aux supports excluant les postes de radio, 720 000 foyers supplémentaires paieraient la contribution, induisant un produit supplémentaire de 98 millions d’euros. Dans le cas d’une extension à tous les supports, le nombre de foyers supplémentaires est estimé à 747 000 générant une recette supplémentaire de l’ordre de 100 millions d’euros. Le différentiel de recettes – 2 millions d’euros seulement – ne permet ainsi pas de considérer l’inclusion des postes de radio dans le champ de l’assiette comme pertinent.
b. Un tarif réduit pour les jeunes
Il est également important de ne pas fragiliser les redevables les plus jeunes qui sont particulièrement vulnérables, même s’ils sont les principaux usagers des nouvelles technologies. Le Rapporteur souhaite ainsi instaurer un demi-tarif (68 euros) pour les jeunes redevables jusqu’à 24 ans, non rattachés au foyer fiscal de leurs parents (jusqu’à 21 ans ou 25 ans lorsqu’ils sont étudiants) étant donné que les principaux dispositifs d’allégement de l’actuelle CAP sont destinés aux seniors. Ils contribueraient ainsi, mais de manière modérée, au financement des services dont ils bénéficient et qu’ils plébiscitent, donnant au service public en retour une obligation de développer son offre numérique en adéquation avec les pratiques de ces jeunes redevables.
À l’heure actuelle, on considère qu’un million de jeunes sont assujettis à la CAP. Cette mesure représenterait, dès lors, un manque à gagner de 68 millions d’euros qui viendrait nettement réduire le produit de 98 millions d’euros attendu de l’extension de l’assiette. Toutefois, si le produit s’avère moindre, la modernisation de l’assiette permettrait d’engranger des recettes supplémentaires à l’avenir, les jeunes générations ne bénéficiant de ce demi-tarif que pour une durée limitée.
c. Les conséquences pour les entreprises
Concernant les entreprises qui mettraient à disposition de leurs salariés ordinateurs, smartphones ou tablettes, il conviendrait de considérer que l’usage de ces appareils pour obtenir des prestations relevant du service public audiovisuel relève de la sphère privée et que la responsabilité de la déclaration incombe à l’usager quand bien même il n’est pas propriétaire de ces appareils, s’il n’est pas assujetti, par ailleurs, à la CAP. Cette mesure serait donc neutre pour les entreprises.
d. L’occasion de simplifier le régime des dégrèvements
Cette réforme pourrait être également l’occasion de simplifier le régime particulièrement complexe des dégrèvements liés à l’âge et au revenu en reconsidérant notamment certaines situations liées aux « droits acquis » qui peuvent apparaître socialement injustes. Ainsi, les personnes de plus de 65 ans en 2004, non imposables à l’impôt sur le revenu, sont exonérées de la CAP si elles l’étaient avant 2005 tandis que ne le sont pas ni les personnes du même âge et de même niveau de revenu non exonérées avant 2005 ou les personnes plus jeunes et disposant des mêmes ressources.
e. L’absence de surcoût lié au contrôle par l’administration fiscale
Le contrôle par l’administration fiscale ne présenterait pas de coût supplémentaire lié à l’acquisition d’un nouveau logiciel et à la formation de personnel, puisque le dispositif de contrôle à partir du fichier Ancrages (56) serait exploitable. Grâce aux informations que les fournisseurs d’accès à internet (FAI) sont tenus de fournir à l’administration à sa demande, il serait possible de savoir si le contribuable a souscrit un contrat triple play (ordinateurs) ou quadruple play (smartphones).
f. Une réforme devant être soumise au Parlement
Enfin, concernant le véhicule normatif qui pourrait être utilisé pour mener à bien cette réforme, le recours au vote du Parlement sur un texte de valeur législatif est évidemment le plus pertinent. D’un strict point de vue juridique, on pourrait estimer que cette réforme pourrait être mise en œuvre par une simple abrogation de l’instruction fiscale du 22 décembre 2005, qui a exclu les ordinateurs, tablettes et smartphones de l’assiette de la CAP. Toutefois, cette voie n’est pas privilégiée par le Rapporteur de la mission d’information qui considère que les débats parlementaires constituent une source substantielle d’enrichissement du contenu de la réforme. Par ailleurs, le montant de cet impôt étant voté annuellement par le Parlement, il semble plus que légitime et adapté que la représentation nationale soit à l’origine de cette réforme.
CHAPITRE 2 : QUEL AVENIR POUR LES RECETTES PUBLICITAIRES DANS LE MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC ?
La ressource publique ne constitue pas l’unique source de financement de l’audiovisuel public, notamment pour France Télévisions. Les ambitions du service public, qui plus est dans un contexte de finances publiques sous contrainte, ne peuvent actuellement faire l’économie des recettes publicitaires. Cette ressource n’est bien sûr pas propre au service public de l’audiovisuel puisqu’elle constitue la majeure partie du financement de l’audiovisuel privé, radios comme chaînes de télévision.
Cette source de recettes exploite le caractère de media de masse que peuvent représenter en premier lieu la télévision, mais également la radio. En 2014, selon Médiamétrie, la télévision regroupait près de 50 millions de téléspectateurs, tout écran confondu, tandis que la radio touchait plus de 40 millions d’auditeurs. Les medias constituent ainsi un canal naturel et privilégié pour les campagnes publicitaires des annonceurs, l’émergence d’internet et le développement du numérique concurrençant cependant de plus en plus l’efficacité commerciale des médias traditionnels.
Bien que la proportion de recettes publicitaires ne soit pas comparable entre le secteur public et le secteur privé, il apparaît néanmoins que dans le cas de France Télévisions, la pression de l’audience demeure une composante essentielle de la stratégie de programmation du groupe. On peut donc s’interroger sur la pertinence de cette logique dans le cadre du service public télévisuel, ancré dans un modèle économique qui n’est plus en mesure d’assurer une stabilité des ressources propres et qui nuit à la spécificité de la programmation des chaînes publiques.
I. LE MODÈLE DU MARCHÉ « BI-FACE » : LA LOGIQUE ÉCONOMIQUE DU FINANCEMENT PAR LES RECETTES PUBLICITAIRES
A. LA LOGIQUE ÉCONOMIQUE DU FINANCEMENT PAR RESSOURCES PUBLICITAIRES
1. Une logique fondée sur l’audience
a. La nature du bien audiovisuel est au cœur du modèle économique
La théorie de l’économiste Paul Samuelson établit une distinction économique entre les biens rivaux et non rivaux, c’est-à-dire ayant une quantité limitée ou pas, et les biens excluables ou non excluables, équivalent à la distinction entre gratuit et payant. En raisonnant à partir de cette terminologie, il distingue :
– les biens privatifs (limités et payants). Ce type de biens ne s’applique pas à la diffusion audiovisuelle qui par nature est un media qui n’a pas une quantité limitée d’écoute ou de visionnage, contrairement par exemple aux exemplaires de journaux papiers ;
– les biens en commun : également limités en quantité, ils sont cependant gratuits. Les journaux gratuits distribués comme Metro entre par exemple dans cette catégorie (bien rival mais non excluant) ;
– les biens de club : ce sont des services payants, comme par exemple la TNT payante, la télévision cryptée, ou encore les plateformes de téléchargement légal (services payant donc excluant mais dans le même temps, la contrainte de rivalité disparaît) ;
– les biens collectifs : il s’agit d’un service non rival et non excluant dans lequel on peut donc inclure toute forme de télévision ou de radio gratuite, publique ou privée.
b. Le service audiovisuel gratuit obéit à une logique de marché « bi-face »
Tous les biens excluables font donc par nature l’objet d’un paiement, qu’il soit sous forme d’abonnement ou à l’acte/à l’unité. Se pose plus amplement la question du financement dans le cas des biens non excluables et donc gratuit. C’est dans ce cadre qu’apparaît un montage économique plus complexe appelé le marché « bi-face » de l’offre, et dans le cas du secteur public, une part plus ou moins substantielle de financement par ces pouvoirs publics.
Le marché « bi-face » est également décrit comme un marché multi-versant, sur lequel les offreurs s’adressent en fait à deux clientèles différentes en leurs proposants des biens ou des services spécifiques, mais complémentaires. Le mécanisme fonctionne grâce à une logique d’interconnexion : l’utilité de chaque type de client dépend du nombre de participants présents sur l’autre versant du marché.
Dans le cas des services audiovisuels gratuits, la programmation s’adresse simultanément à deux clientèles à savoir les auditeurs, qui cherchent à maximiser leur satisfaction, et les annonceurs, qui recherchent les émissions ayant un grand nombre de téléspectateurs et/ou un public correspondant à leur cible commerciale. Ce modèle s’applique également à la radio et de plus en plus aux réseaux sociaux qui sont gratuits pour les utilisateurs. Le prix facturé aux annonceurs est fonction des performances d’audience à la fois qualitatives et quantitatives : il s’appuie sur le calcul du « Gross rating Point » (GRP) ou « point de couverture brute ». Le calcul de cet indicateur s’appuie sur la multiplication de deux déterminants :
– la couverture que peut espérer la plage publicitaire, c’est-à-dire le nombre ou la proportion de personnes d’une cible donnée regardant le programme, sur une période donnée. Il s’agit de ce qu’on nomme communément l’audience ;
– la répétition, c’est-à-dire le nombre de fois où un message publicitaire est vu, en moyenne, par la cible.
Les annonceurs vont avoir comme objectif économique de diminuer le coût GRP de leur campagne publicitaire, c’est-à-dire obtenir une pression publicitaire maximale pour le prix le plus bas possible. Le choix du programme et de la période horaire de la diffusion demeure donc fondamental dans la stratégie publicitaire et la logique d’optimisation des coûts. Le graphique suivant récapitule la classification temporelle de valeurs des audiences des programmes télévisuels :
CLASSIFICATION TEMPORELLE DES VALEURS DES AUDIENCES
DES PROGRAMMES TÉLÉVISUELS
Source : CSA.
Sans surprise, le prime-time (20h00-22h00) apparaît comme l’espace de diffusion le plus prisé par les annonceurs, et donc celui à même d’être plus lucratif pour les diffuseurs. Désormais, l’espace qui précède le prime-time (l’access, de 18h00 à 20h00) tend également à gagner en valeur. En 2013, TF1 et M6 ont enregistré plus de 60 % de recettes publicitaires sur la plage horaire 19h00-22h00.
Au-delà du choix de l’horaire, l’annonceur reste également très attentif à toucher la cible la plus large et la plus adaptée au produit : la « qualification » de celle-ci, afin de définir le public cible, s’ajoute à la quantification. Cette logique strictement commerciale ne peut donc intégrer la notion d’œuvre, de téléspectateurs ou de qualité des programmes.
La plus valorisée en matière de GRP demeure la fameuse « ménagère de moins de 50 ans », c’est-à-dire le public jeune et féminin. S’il semble que cette audience soit de plus en plus remise en cause en tant que concept, elle demeure cependant l’étalon-or du marché publicitaire. MM. Rémy le Champion et Benoît Danard, dans leur ouvrage Les programmes audiovisuels, soulignent le décrochage entre la cible commerciale la plus valorisée et la société réelle des téléspectateurs (57). Ce prisme déformant place en effet au cœur de la stratégie publicitaire une fraction représentant seulement 16,5 % de la population. À l’inverse, « les plus de cinquante ans, qui constituent plus de 40 % de la population et près de la moitié du volume d’écoute global de la télévision, sont moins recherchés et cette audience est commercialisée à un tarif moins élevé ».
La différence entre le coût brut et le coût net
des « points de couverture bruts » (GRP)
Les tarifs des espaces publicitaires sont très foisonnants et varient selon les régies. La régie de France Télévisions avait innové en créant, la première, un système d’achat aux enchères désormais repris par les autres régies. Il n’y a dans le domaine des tarifs publicitaires aucune règle codifiée, la négociation étant le seul déterminant du prix. Les chaînes mettent chaque année en place un système de remise visant à attirer les annonceurs.
Il existe donc une différence importante entre les prix « bruts » initiaux des GRP tels qu’indiqués dans les conditions générales de vente et le prix « net » réellement acquitté par les annonceurs pour leurs campagnes publicitaires. En effet, les négociations entre les annonceurs, leurs agences et les diffuseurs peuvent aboutir à une variation substantielle des tarifs à la baisse selon le cabinet Kantar Media. Ces remises peuvent être sectorielles ou particulières à un annonceur ou lié aux volumes d’achat etc.… Les prix nets sont confidentiels et n’ont donc pas été transmis à la mission d’information par le cabinet Kantar Media.
Les leviers de négociation sont multiples et étroitement conditionnés à la relation commerciale qui existe entre le diffuseur et les annonceurs ou leurs agences. Le CSA identifie un certain nombre de motifs de rabais :
– l’encombrement des espaces publicitaires, plus faible en début d’année et durant l’été notamment ;
– la date de réservation des espaces publicitaires (le premier arrivé est le premier servi) ;
– le montant de la campagne et de la dépense annuelle de l’annonceur ;
– la famille de produit à laquelle appartient le produit faisant l’objet de la campagne.
Un rabais a posteriori est également obtenu par les annonceurs si un programme n’a pas fait l’objet de l’audience escomptée.
Ce type de marché peut cependant générer un cercle vertueux. Un public nombreux entraînera des recettes publicitaires en augmentation permettant le développement des services et des programmes, qui lui-même entraînera une hausse de l’audience. Au contraire, il peut conduire à un cercle vicieux car la baisse des audiences entraîne nécessairement, dans ce schéma, une baisse des recettes. Comme le constatent les auteurs de l’ouvrage sur Les programmes audiovisuels : « Ce système place l’audience au cœur du système et marque le début des médias de masse et de la starisation à outrance visant à rendre économiquement rentable les productions et rediffusions télévisuelles. »
En effet, comme toute logique économique, l’économie des médias fait preuve d’une aversion au risque qui peut entrer en contradiction directe avec la construction d’un service public télévisuel audacieux et destiné à un public qui ne recoupe pas en tout point le groupe des meilleurs consommateurs.
c. Les audiences et la prise de risque : deux logiques que tout oppose
La logique économique du marché des media n’est pas univoque. La nature même des œuvres audiovisuelles est multiple : à la fois biens publics, biens économiques, mais également biens artistiques qui se présentent sous forme de prototypes uniques. Le modèle économique des sociétés de l’audiovisuel va donc devoir composer avec l’ensemble de ces déterminants parfois difficilement conciliables.
Comme le soulignent MM. Rémy Le Champion et Benoît Danard (58), la programmation audiovisuelle est par nature une activité risquée. En effet, les œuvres audiovisuelles se définissent également comme des biens d’expérience dont la valeur se révèle a posteriori : la valeur du bien, mesurée par l’audience, n’est en effet évaluable qu’après la diffusion du programme. Cette caractéristique explique la renégociation des tarifs a posteriori évoquée précédemment et la détermination à la baisse des recettes publicitaires des diffuseurs en cas d’audience moins élevées que prévues.
Dans ce contexte, la stratégie de programmation va inclure des mécanismes destinés à stabiliser cette audience au maximum afin d’assurer une valorisation maximale des espaces publicitaires vendus : la rediffusion de programmes ayant déjà eu un succès d’audience (59), le reprise de formats de programmes ayant fonctionné à l’étranger (notamment pour les programmes de flux comme les divertissements), ou enfin la diffusion de programmes étrangers comme l’illustre la sur-programmation des séries américaines. Le rapport thématique de la Cour des comptes sur le soutien à la production audiovisuelle (60) note que 94 % des fictions diffusées en première partie de soirée sur M6 en 2012, 61 % sur TF1 et 47 % sur Canal + sont américaines. Cette part est inférieure sur les chaînes du service public mais s’élève tout de même à 32 % sur France 2. Depuis 2010, l’offre de fiction étrangère est plus importante que l’offre de fiction française en première partie sur les chaînes nationales historiques.
Le lien avec le risque en matière d’audience est évident. À l’origine de ces choix de programmation, il faut considérer que la France est le seul pays de l’Union européenne où la fiction américaine bat, en termes d’audience, la fiction nationale, les séries françaises étant présentes dans les vingt meilleures audiences jusqu’en 2005 avant de disparaître du palmarès. La fiction américaine représentait 7 % des meilleures audiences de l’année en 2005 et 90 % en 2010.
Bien que plus indépendant par rapport au marché publicitaire, il est incontestable que le service public ne peut s’affranchir de ses obligations d’audience puisque 10 % de ses ressources en dépendent.
2. L’impact de la transition numérique dans ce système fondé sur l’audience
a. Le calcul de l’audience intègre désormais l’ensemble des supports
Le calcul de l’audience a évolué en même temps que les pratiques de consommation audiovisuelle se sont transformées au contact de la transition numérique. Depuis 2010, l’institut Médiamétrie mesure l’audience en intégrant les nouveaux supports numériques. L’audience « mobile » a été intégrée en 2010, l’audience « tablette » en 2012. L’audience « ordinateur », qui est mesurée depuis le début des années 2000, a été fusionnée avec l’audience « mobile » pour former « l’audience internet globale ». En 2015, les tablettes ont été, à leur tour, intégrées à cette mesure internet globale.
Parallèlement, la nature de la mesure et son objectif ont évolué : il ne s’agit plus de mesurer l’audience d’un media mais bien l’audience d’une marque, tout support confondu. Cette logique est cohérente avec la logique actuelle de consommation des contenus audiovisuels.
Les diffuseurs audiovisuels sont les destinataires privilégiés de cette vision nouvelle de l’audience qui ne se limite plus au support media traditionnel et qui permet une appréhension globale des résultats d’audience et du succès remporté par la programmation. L’une des étapes importantes a également été l’intégration de la télévision de rattrapage (sur un poste de télévision uniquement) dans le calcul de l’audience consolidée d’un programme.
Mais cette évolution de la mesure de l’audience revêt également toute son importance pour les annonceurs, qui souhaitent maximiser l’exposition de leur publicité et optimiser les espaces publicitaires au plus près de la cible.
b. La prise en compte des évolutions technologiques par les annonceurs
Les stratégies publicitaires ont bien entendu été également transformées du fait de l’évolution de la consommation. On a donc assisté à un transfert d’une partie des investissements des annonceurs sur internet, l’internet display (61) étant en forte croissance. Les investissements devraient, en effet, augmenter dans ce domaine de 8 % entre 2013 et 2017, l’ensemble de la publicité digitale ayant augmenté de 4 % en 2014, pour atteindre 2,9 milliards d’euros d’investissement en janvier 2015 (62).
L’agence ZenithOptimedia, qui étudie le marché publicitaire, prévoit que la presse devrait poursuivre son déclin, avec une baisse prévue de 4,2 % en 2014, après un recul de 8,2 % en 2013. La télévision devrait à nouveau baisser en 2014 (0,7 %) mais de façon moins forte qu’en 2013 (– 3,5 %). La radio (– 0,4 % en 2013 et + 0,5 % prévu en 2014) resterait stable, tout comme la publicité extérieure (– 1,7 % en 2013 et stabilité prévue en 2014).
En revanche, la publicité mobile, en augmentation rapide, devrait continuer à croître dans les années à venir (+ 8 % par an en moyenne) pour représenter dès 2016, 7,6 % des investissements publicitaires totaux, devenant ainsi le quatrième media totalisant le plus de recettes publicitaires nettes. S’agissant d’Internet, qui a continué de progresser, mais de façon plus ralentie en 2013 (+ 3,6 %), il est prévu une reprise en 2014 (+ 5 %), notamment grâce à la vidéo (+ 35 %), qui pourrait bénéficier de transferts en provenance de la télévision.
Les réseaux sociaux tendent également à être attractifs pour les annonceurs. La qualification de la cible y est en effet beaucoup plus facile, notamment sur Facebook, puisque le profil du destinataire est beaucoup plus affiné que sur les autres supports. Médiamétrie a également lancé en janvier 2015 l’instrument « Twitter TV ratings » permettant de mesurer l’engagement et l’audience générée par les programmes télévisuels sur Twitter, basculant vers une mesure de l’audience dite sociale.
L’audience tend donc à se disperser à l’ensemble des médias, faisant de ce fait perdre aux media traditionnels le monopole de la publicité de masse.
B. LES RESSOURCES PUBLICITAIRES : UNE PROBLÈMATIQUE QUI CONCERNE EN PREMIER LIEU FRANCE TÉLÉVISIONS
Au sein des acteurs de l’audiovisuel public, la part des ressources propres est variable comme cela a été évoqué en première partie. Au sein de ces ressources propres, les recettes publicitaires ne revêtent pas la même importance en fonction des secteurs concernés. Le seul déterminant commun reste la trajectoire à la baisse de ces recettes qui souffre de la dégradation générale du marché publicitaire qui sera décrite dans un second temps.
Le tableau suivant récapitule pour l’année 2014 la part de ressources publicitaires rapportées à l’ensemble des ressources des groupes audiovisuels :
PART DES RESSOURCES PUBLICITAIRES DANS L’ENSEMBLE DES RESSOURCES
DES GROUPES AUDIOVISUELS
(en millions d’euros)
Budget 2014 |
Ressources publicité et parrainage 2014 |
Proportion recettes publicitaires | |
France Télévisions |
2 806,5 |
317,8 |
11 % |
Arte France |
267,6 |
0 |
0 % |
Radio France |
670 |
42 |
6 % |
France Médias Monde |
249,3 |
3,8 |
2 % |
Institut national de l’audiovisuel |
107,6 |
0 |
0 % |
TV5 Monde |
109,32 |
2,9 |
3 % |
TOTAL |
4 210,32 |
366,5 |
9 % |
Source : Direction générale des Médias et des industries culturelles (DGMIC), Commission des finances.
Deux acteurs de l’audiovisuel public sont donc totalement indépendants du marché publicitaire, à savoir le groupe Arte et l’INA. Cependant, les modèles économique de l’INA et d’Arte sont différents, puisque le premier enregistre 36 % de ressources propres via ses recettes commerciales en 2014, tandis qu’Arte voit s’élever ses ressources propres à moins de 3 % dans leur ensemble, prélèvement sur fond de roulement compris. Ainsi, l’indépendance vis à vis du marché publicitaire n’implique pas pour autant une unicité dans le choix du modèle économique. Parallèlement, TV5 Monde présente des recettes commerciales plus de deux fois supérieures à ses recettes publicitaires.
Le modèle économique de France Télévisions est particulier. Bien que les recettes publicitaires ne représentent que 11 % environ des ressources globales, elles constituent également près de 99 % des ressources propres du groupe en 2014, ce pourcentage étant très stable depuis 2010 comme l’illustre le tableau suivant :
PART DES RESSOURCES PUBLICITAIRES RAPPORTÉE AUX RESSOURCES PROPRES DANS L’ENSEMBLE DES RESSOURCES DES GROUPES AUDIOVISUELS
(en millions d’euros)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 (prévisions) | |
Ressources publicitaires |
441,3 |
423,7 |
372,2 |
333,1 |
317,8 |
340,1 |
Total des ressources propres |
448,9 |
428,3 |
376,1 |
336,8 |
320,6 |
344 |
Part des ressources publicitaires rapportées aux ressources propres |
98,3 % |
98,9 % |
99,0 % |
98,9 % |
99,1 % |
98,9 % |
Source : Direction générale des Médias et des industries culturelles (DGMIC) et Commission des finances.
France Télévisions est donc dépendant à hauteur de plus de 10 % de ses recettes et pour l’intégralité de ses ressources propres du marché publicitaire. Il est le seul opérateur de l’audiovisuel public à adopter ce modèle économique qui, au vu de l’évolution du marché publicitaire, n’est pas un modèle à même d’assurer une stabilité et une pérennité de ses ressources. En tant que société disposant du budget le plus important de l’audiovisuel public, il peut être également un facteur déstabilisant pour l’ensemble du secteur.
Le risque publicitaire est d’autant plus accru que, comme nous allons le voir, France Télévisions subit de manière beaucoup plus accentuée les variations conjoncturelles et structurelles du marché publicitaire.
Il est à noter que cette dépendance au marché publicitaire a fortement diminué suite à l’interdiction de la publicité après 20 heures instaurée par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. En effet, en 2007, les recettes publicitaires représentaient près de 30 % des ressources totales de France Télévisions et s’élevaient à plus de 700 millions d’euros.
II. LA MISE À MAL DU MARCHÉ PUBLICITAIRE : QUELLES CONSÉQUENCES POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC ?
A. L’ÉTAT DES LIEUX DE LA BAISSE DES RECETTES PUBLICITAIRES DANS LE SECTEUR AUDIOVISUEL
Les investissements publicitaires media et hors media des annonceurs se sont élevés en 2014 à 29,6 milliards d’euros, et se situent à ce jour au niveau de 2003. Selon l’Union des annonceurs (UDA) rencontrée dans le cadre de la mission d’information, il ne devrait pas y avoir de redressement avant 2017 ou 2018. Le contexte économique morose constitue l’explication principale de cette stagnation.
Au sein de ces investissements, les medias représentent 10,5 milliards d’euros. La télévision demeure le premier support, pour un marché publicitaire s’élevant à 3,8 milliards d’euros en 2014 (36,6 % des parts de marché). Le marché de la radio s’élève quant à lui à 859 millions d’euros. Entre le premier trimestre 2014 et le premier trimestre 2015, les investissements média des annonceurs ont diminué de 2,2 %, touchant fortement la radio (– 4,6 %), le cinéma (– 9 %) et bien entendu la presse (– 8,5 %). Avec une hausse de 3 % sur cette même période, la télévision semble demeurer une cible privilégiée pour les annonceurs même dans un contexte de restrictions financières.
Le graphique suivant illustre les évolutions des recettes publicitaires par media depuis 2004 :
Source : Institut de recherche et d’études publicitaires (IREP) et audition de la mission d’information.
La corrélation entre la montée en puissance des recettes publicitaires de l’internet et la baisse continue des médias traditionnels illustre le mouvement inéluctable constaté dans le fonctionnement du marché publicitaire et les choix stratégiques des annonceurs. De manière significative, le média le plus dynamique est le mobile, qui enregistre une augmentation des investissements de 35 % entre 2013 et 2014.
L’Internet search, qui est pour la quatrième année pris en compte dans le calcul des recettes publicitaires, capte des investissements en hausse de 4 % (après une hausse de 4,7 % enregistrée en 2013). De même, l’Internet display (63) connaît une hausse de 1,8 % contre une baisse de 1 % en 2013.
1. L’évolution des recettes publicitaires à la radio : quelle situation pour Radio France ?
a. Les ressources publicitaires de Radio France à l’abri des aléas du marché
Le graphique précédent illustre la baisse des recettes publicitaires pour l’ensemble du secteur de la radio, qui ont diminuées de 12,1 % en dix ans (soit une baisse de 100 millions d’euros), c’est-à-dire une baisse proportionnelle à celle des médias historiques sur la même période (– 13 %). Contrairement à la télévision qui bénéficie d’une légère croissance en 2014 de l’ordre de 0,1 %, la première depuis 2011, les recettes de la radio continuent leur tendance baissière, qui s’accentue en 2014 avec une évolution de – 1,4 % en 2014, contre – 0,4 % en 2013.
Dans ce contexte, les ressources de Radio France sont relativement stables puisque les chiffres constatés depuis 2010 ne font pas apparaître de variations marquées. Ces ressources représentent 6,5 % du chiffre d’affaires de la société et s’établissent à 42 millions d’euros en 2014, en hausse de 1,6 million d’euros (+ 3,8 %) notamment tirées par les recettes de France Inter. Ces résultats sont donc décorrélés de la baisse de l’ensemble des ressources publicitaires de la radio de 1,4 %. En 2010, les ressources publicitaires de Radio France s’élevaient à 41,78 millions d’euros, ce qui fait donc apparaître une très légère progression.
RECETTES PUBLICITAIRES DE RADIO FRANCE
(en millions d’euros)
Recettes publicitaires | |||||||
Année |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 (prévisions) |
Total recettes publicitaires |
39,4 |
41,8 |
41,3 |
40,4 |
40,4 |
40,4 |
40,5 |
Source : documents budgétaires.
Sur les 40 millions d’euros de recettes publicitaires, un peu plus de 9 millions d’euros sont issues du parrainage. Ainsi, la réglementation qui encadre la diffusion de la publicité sur les antennes de Radio France et l’application qui en est faite, qui n’est pas sans faire débat, assure à la radio publique une stabilité de la ressource publicitaire, insensible aux aléas du marché.
b. Le débat autour de la modification de la réglementation de la publicité sur les antennes de Radio France
La réglementation régissant la publicité sur les radios publiques
Radio France et Radio France International (RFI) sont autorisées à programmer et à faire diffuser uniquement des messages de publicité collective et d’intérêt général.
La publicité collective et d’intérêt général comprend la publicité effectuée en application d’une loi de 1951 (1) pour certains produits ou services présentés sous leur appellation générique, la publicité en faveur de certaines causes d’intérêt général (lutte contre le tabagisme, action sanitaire) dont les campagnes peuvent être diffusées en dehors des écrans publicitaires, la publicité effectuée par des organismes publics ou parapublics, ainsi que les campagnes d’information des administrations présentées sous forme de messages de type publicitaire, telles qu’elles sont définies par circulaires du Premier ministre (article 33 du cahier des missions et des charges de Radio France).
Toute publicité collective qui présente directement ou indirectement le caractère de publicité de marques déguisée est interdite (article 34 du cahier des missions et des charges de Radio France).
Il existe également des secteurs interdits. Le cahier des missions et des charges de Radio France interdit tout message publicitaire concernant les produits faisant l’objet d’une interdiction législative ainsi que les messages pour les produits et secteurs économiques telles que les boissons alcoolisées comprenant plus d’un degré d’alcool et le secteur de la distribution. À noter que Radio France n’a jamais atteint le volume maximal de publicité autorisé sur ses antennes.
Sur les antennes de Radio France La publicité est limitée à trente minutes par jour en moyenne sur l’année pour les programmes nationaux (article 44 du cahier des missions et des charges).
(1) Loi n° 51-601 du 24 mai 1951 relative au développement des crédits affectés aux dépenses de fonctionnement des services civils pour l’exercice 1951 (Radiodiffusion française).
Source : CSA.
Depuis le début de l’année 2015, les radios privées (Bureau de la radio) et associatives (Syndicat national des radios libres) ont attaqué en justice Radio France pour non-respect de son cahier des missions et des charges. Le premier sujet de conflit est le parrainage, qui représente un quart des recettes publicitaires. Il est réglementé par une décision du CSA de 1988, qui interdit de parrainer « les journaux, les émissions d’information, et les rubriques qui leur sont intégrées, ainsi que les chroniques d’opinion ». Cependant, un certain nombre de messages de parrainages ne paraissent pas en conformité avec ces règles selon le Bureau de la radio, qui évoque notamment le parrainage sur France Inter de la météo et du point route, ou encore sur France Info, le parrainage du Tour de France ou de la Coupe du monde de football.
Le second sujet de conflit concerne la publicité classique. Elle aussi est encadrée par les textes – en l’occurrence le cahier des missions et des charges
– qui liste les annonceurs possibles, et donne mission au CSA de faire respecter ces règles. Régulièrement, l’interprétation jugée trop libre des textes est sanctionnée par le Conseil. Ainsi, en 2004, le CSA avait averti Radio France contre la diffusion de spots en faveur des assurances. En 2012, France Bleu a été mise en garde (64) suite à une publicité pour Carrefour, puis pour Leclerc. Parallèlement, France Inter a été mis en garde deux fois de suite pour des annonces en faveur de Vinci Autoroutes, La Poste Mobile et Pacifica.
Dans son bilan pour l’année 2012, le CSA indique regretter « avoir dû intervenir à trois reprises en matière de publicité pour non-respect des articles 34, 40 et 43 de son cahier des missions et des charges. ». De surcroît, par une lettre du 27 mai 2013, adressée à Radio France, le CSA a fait évoluer dans un sens restrictif son interprétation de la notion « d’organisme public ou parapublic », revenant ainsi en partie sur la tolérance dont faisait l’objet le secteur mutualiste.
En revanche, Radio France diffuse sans rappel à l’ordre des publicités pour les sociétés mutualistes ou des coopératives, permise par la lecture extensive de son cahier des missions et des charges. En effet, son texte autorise les « publicités collectives et d’intérêt général », toutefois tant qu’elles ne sont pas des « publicités de marques déguisées ». Ces définitions posent la question de l’interprétation qui peut en être faite, et de la possibilité pour le CSA de contrôler de manière exhaustive la gestion publicitaire de Radio France.
c. Les perspectives d’évolution
Dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2015, le Rapporteur de la mission d’information avait écrit à propos des conséquences éventuelles pour le financement de Radio France d’une lecture trop restrictive de son cahier des missions et des charges : « La définition des produits publicitaires autorisés sur les antennes de Radio France ne permet pas de circonscrire précisément le périmètre autorisé dans le cadre du cahier des missions et des charges. Une clarification est donc nécessaire. Aujourd’hui, une interprétation stricte des obligations de Radio France se traduirait par une baisse très préjudiciable de 50 % de ses recettes publicitaires actuelles, qui passeraient d’environ 40 à 20 millions d’euros. C’est pourquoi le Rapporteur spécial se prononce en faveur d’un assouplissement de la réglementation afin de les mettre en conformité avec les pratiques, de manière à permettre, comme pour France Télévisions, une consolidation des ressources propres. Les recettes publicitaires revêtent pour Radio France une importance particulière du fait de sa dépendance accrue au financement public. » (65)
Lors des auditions menées dans le cadre de la mission d’information, il a été confirmé que le ministère de la Culture menait une réflexion sur les évolutions à apporter aux cahiers des missions et des charges. Le CSA, quant à lui, reconnaît qu’il est nécessaire de réfléchir à une typologie actualisée et clarifiée des annonceurs, et de ne pas procéder à une augmentation en volume dangereuse pour les audiences au vu de la sociologie des auditeurs. Une telle augmentation serait également préjudiciable à la juste concurrence avec les acteurs radiophoniques privés qui subissent de surcroît de manière plus marquée les pressions sur le marché publicitaire.
Le Rapporteur a cependant eu à s’interroger sur les modalités de cet assouplissement dans un cadre plafonné, et notamment sur les modalités de ce plafonnement. Deux modalités d’application ont en effet été évoquées voir envisagées de manière cumulative :
– un plafonnement en volume de publicité ;
– un plafonnement en volume financier, comme cela été évoqué lors des auditions, visant à stabiliser la ressource à 40 millions d’euros.
Cependant, la mise en œuvre d’un tel plafonnement paraît difficile en pratique. Limiter les recettes à 40 millions d’euros par an semble impossible puisque cela impliquerait un arrêt de la publicité en cours d’année une fois le plafond atteint, Radio France étant alors contraint de ne pas honorer ses contrats.
Par ailleurs, une limitation en volume ouverte à l’ensemble des annonceurs ne permet pas de garantir que les recettes publicitaires de Radio France ne dépasseraient pas les 40 millions d’euros : l’ouverture d’espaces sur les antennes du service public pourrait au contraire pousser à la hausse le montant des investissements des annonceurs antérieurement exclus. Il s’agirait alors, malgré la limitation du volume, d’une menace directe pour les radios privées financées par la publicité (radios de catégorie B) qui craignent légitimement un transfert des investissements publicitaires vers les antennes de Radio France.
Cette crainte est d’autant plus justifiée que Radio France bénéficie d’une audience très largement supérieure aux autres radios et jouit d’un avantage concurrentiel incontestable auprès des publicitaires, ce qui distingue une fois de plus Radio France de France Télévisions. Les antennes publiques représentent en effet 25 % de l’audience totale de la radio, sur sept antennes seulement.
Le Rapporteur souhaite donc que cette question soit envisagée avec la plus grande prudence, afin que l’environnement concurrentiel soit préservé sur le marché de la radio. L’une des solutions pourrait être un encadrement des prix des espaces publicitaires proposés sur les antennes de Radio France couplé à un plafonnement en volume, inférieur à celui autorisé à ce jour, de manière à neutraliser toute forme d’inflation des prix et de limiter les impacts de la position dominante du groupe public.
Les radios privées
Les radios privées sont autorisées par le CSA, qui les classe en différentes catégories pour assurer la diversité du paysage radiophonique. Il existe à ce jour près de 900 radios qui émettent en France.
Les radios de catégorie A
Ce sont des radios associatives : elles fournissent un service de proximité, et leurs ressources commerciales provenant de la publicité de marque ou du parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. Elles sont financées via le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) chargé de la gestion des aides publiques aux radios locales associatives. Son budget est de 29 millions d’euros en 2015.
Au nombre de 586 stations, elles constituent la catégorie la plus nombreuse (près de 67 % du total des radios privées)
Ces radios contribuent à l’expression, au niveau local, des différents courants socio-culturels. Elles soutiennent le développement local, la protection de l’environnement et la lutte contre l’exclusion.
Les radios de catégorie B
Cette catégorie est constituée de radios diffusées par des opérateurs locaux ou régionaux indépendants. Leur zone de desserte ne peut pas couvrir plus de six millions d’habitants. Les programmes qu’elles diffusent ont une vocation locale ou régionale affirmée. Elles sont également nombreuses (175 stations) et contribuent à la richesse de l’offre par leur ligne éditoriale alliant proximité et divertissement. Leurs recettes proviennent quasi-intégralement de la publicité.
Les radios de catégorie C
Comme les radios de catégorie B, celles de cette catégorie sont les radios diffusées par des opérateurs locaux ou régionaux, dont la zone de desserte ne couvre pas une population de plus de six millions d’habitants et qui diffusent un programme local ou régional. Mais à la différence de la catégorie précédente, ces stations complètent leurs programmes en reprenant celui d’une radio thématique (radio de catégorie D).
Les radios de catégories D
La catégorie D inclut les radios thématiques à vocation nationale (notamment des radios musicales). Elles ne diffusent pas d’émissions locales spécifiques : autrement dit, elles ne proposent pas de « décrochage » régional ou local.
Les radios de catégorie E
Les radios de catégorie E sont les radios à vocation nationale et à programmation généraliste. Leurs programmes, d’une grande diversité de genres et de contenus, font une large part à l’information.
Source : CSA-chiffres 2014.
2. L’évolution des recettes publicitaires de la télévision : France Télévisions n’est pas représentative de la situation du marché publicitaire
a. Les recettes publicitaires de la télévision
Les ressources publicitaires de la télévision ont été affectées par changement des pratiques publicitaires intervenu au cours des années 1990, qui a marqué le début de la tendance baissière pour les médias historiques et la montée en puissance du marché digital. La stagnation des investissements liée à la conjoncture économique ou leur redirection vers des supports permettant une meilleure optimisation du coût GRP produit un effet volume à la baisse qui n’est pas compensé par un effet prix favorable aux médias historiques.
Cependant, comme vu précédemment, la télévision est un média qui apparaît comme relativement épargné par la baisse globale des médias historiques. Le graphique suivant illustre avec netteté la variation des recettes publicitaires télévisées, nuancées à la hausse comme à la baisse :
Source : Institut de recherches et d’études publicitaires (IREP).
Est-ce un facteur d’optimisme pour le financement de l’audiovisuel public ?
b. Les recettes publicitaires de France Télévisions
Comme évoqué précédemment, France Télévisions, du fait de son modèle économique mixte, est plus exposé que les autres acteurs de l’audiovisuel public aux risques qui pèsent sur les recettes publicitaires.
Les recettes de France Télévisions ont subi une baisse continue depuis 2010, proportionnellement bien supérieure à la baisse sur la période des recettes publicitaires de l’ensemble des media, des médias historiques et de la télévision. Ce décrochage particulièrement marqué du groupe public est bien illustré par le tableau suivant :
RECETTES PUBLICITAIRES DES MÉDIA
(en millions d’euros)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Variation | |
Medias (avec internet) |
10 599 |
11 204 |
10 846 |
10 516 |
10 375 |
– 2 % |
Medias historiques |
9 075 |
9 035 |
8 561 |
8 137 |
7 886 |
– 13 % |
Télévision |
3 441 |
3 496 |
3 337 |
3 219 |
3 222 |
– 6,4 % |
France Télévisions |
441,3 |
423,7 |
372,2 |
331,1 |
317,8 |
– 28 % |
Source : IREP et DGMIC. |
Ce constat amène à penser que France Télévisions, du fait des obligations particulières qui lui incombe, subit de manière démultipliée les variations du marché publicitaire : public correspondant moins aux cibles commerciales, programmation en partie déconnectée de l’audience, interdiction de la publicité entre 20h00 et 6h00 du matin. L’amplitude de la baisse est en effet plus de quatre fois supérieure à celle de l’ensemble des chaînes de télévision.
Il est nécessaire de s’interroger sur les possibilités d’évolution de ces recettes publicitaires en partant des causes qui expliquent cette tendance baissière.
B. LES CAUSES DE LA TENDANCE À LA BAISSE DU MARCHÉ PUBLICITAIRE DES MEDIAS TRADITIONNELS SONT IRRÉVERSIBLES
L’une des raisons très largement évoquées, et à raison, est bien sûr l’état de la conjoncture économique. Les dépenses que les annonceurs sont prêts à effectuer dans leur stratégie de communication sont en effet partiellement corrélées à l’évolution du PIB. De manière conjointe, la situation économique du pays renforce l’aversion au risque et peut amener à influencer les choix d’investissements des annonceurs.
1. La concurrence accrue du fait des chaînes de la télévision numérique terrestre : un équilibre en faveur des annonceurs
a. La reconfiguration du paysage audiovisuel
La reconfiguration du paysage audiovisuel a été progressive mais particulièrement bouleversante pour les équilibres économiques, des chaînes historiques en général et plus particulièrement du groupe public. Ces évolutions se sont faites en plusieurs étapes. En 1990, il existait six chaînes gratuites et seize chaînes payantes. Aujourd’hui, on compte 237 chaînes au total dont 154 chaînes locales (66).
Le développement des nouvelles chaînes de la TNT gratuite a également été un élément majeur de la reconfiguration du paysage audiovisuel et publicitaire. Jusqu’à la fin 2012, la TNT gratuite était composée d’une offre de 19 chaînes télévisées diffusées en clair sans abonnement. Depuis décembre 2012, six nouvelles chaînes ont été autorisées par le CSA (HD1, l’Équipe 21, 6ter, Numéro 23, RMC Découverte, Chérie 25). Le nombre de chaînes gratuites de la TNT s’élève donc désormais à vingt-cinq, dont sept sont publiques (les cinq chaînes du groupe France Télévisions, Arte et LCP-Public Sénat).
En 2012, 62 % des foyers sont équipés en TNT, 46 % ont accès à la télévision par l’ADSL. En sept ans, les chaînes de la TNT gratuite ont atteint 22 % de la part d’audience annuelle et les chaînes historiques sont passées de 61,1 % en 1995 à 37,6 % en 2012 selon les données du CSA d’après Médiamétrie.
Le graphique suivant met en avant le phénomène de redistribution des parts d’audience au profit de la TNT :
Source : Médiamétrie-Médiamat.
Les six nouvelles chaînes de la TNT continuent leur progression remarquable selon les chiffres de Médiamétrie d’avril 2015, avec une part d’audience s’établissant à 5,7 %, en hausse de 1,8 point par rapport à avril 2014.
b. L’impact sur le marché publicitaire
L’impact de cette redistribution des audiences due notamment à la progression du nombre de chaînes gratuites particulièrement prisées par les annonceurs en quête d’un public le plus large possible, n’a pas tardé à se faire sentir sur le marché publicitaire.
Les chaînes de la TNT représentaient 6 % du marché publicitaire brut des chaînes de télévision en 2007, cette part atteignant 34 % en février 2013. Les recettes publicitaires brutes de la TNT ont doublé en cinq ans sur la période 2010-2015, pour s’élever à 3,7 milliards d’euros. Les chaînes de la TNT ont principalement mis en place une stratégie de conquête par le volume et non par la valeur.
Cette fragmentation a ainsi été un facteur important de la baisse des prix, l’ouverture du marché ayant également favorisé le pouvoir de négociation des annonceurs. La TNT a également modifié le profil des annonceurs en attirant de plus petits annonceurs, grâce à des prix plus bas et une négociation plus offensive. Le nombre d’annonceurs a en effet augmenté de 25 % en sept ans (2008-2014).
2. L’élasticité entre part d’audience et part de marché publicitaire : France Télévisions est plus exposé au risque en matière d’audience.
La question est en effet primordiale, puisque l’audience apparaît comme le fondement du modèle économique tirant tout ou partie de ses recettes de la publicité. L’Union des annonceurs a constaté le parallélisme entre l’évolution des parts d’audience et celle des parts de marché publicitaire, résumé dans le tableau suivant :
ÉVOLUTION DES PARTS D’AUDIENCE ET DES PARTS DE MARCHÉ PUBLICITAIRE
ENTRE 2010 ET 2014
Évolution 2010/2014 |
Chaînes historiques |
Chaînes de la TNT |
Chaînes thématiques |
Parts de marché publicitaire |
– 5,5 % |
+ 55,7 % |
– 48,3 % |
Parts d’audience |
– 5,6 % |
+ 28,2 % |
– 13,4 % |
Source : Union des annonceurs (UDA) – Commission des finances.
Ces données font apparaître, en tout état de cause, une trajectoire commune des courbes d’audience et de parts de marché publicitaire. Une hausse des audiences entraînera donc une hausse des parts de marché publicitaire et une hausse des recettes publicitaires, et inversement en cas de baisse. En revanche, l’amplitude des variations ne semble pas répondre à une logique proportionnelle, hormis pour les chaînes historiques.
Ce constat ne se vérifie par ailleurs pas à l’échelle des chaînes, si l’on compare évolution de l’audience et évolution des parts de marché publicitaire entre TF1, France Télévisions (France 2 et France 3) et M6 sur la période 2009-2013 :
ÉVOLUTION DES PARTS D’AUDIENCE ET DES PARTS DE MARCHÉ PUBLICITAIRE
ENTRE 2009 ET 2013
Évolution 2009/2013 |
TF1 |
France Télévisions (France 2 et 3) |
M6 |
Part de marché publicitaire |
– 18,6 % |
– 33,7 % |
– 5,3 % |
Part d’audience |
– 12,3 % |
– 17,5 % |
– 1,9 % |
Source : CSA-Médiamétrie – Commission des finances.
Il apparaît ainsi que le groupe France Télévisions a subi plus fortement la dégradation du marché publicitaire et la concurrence accrue des chaînes de la TNT que les deux autres chaînes historiques gratuites. Surtout, l’impact sur la baisse des audiences est démultiplié de manière beaucoup plus élevée pour France Télévisions que pour les deux autres groupes audiovisuels. Le modèle économique de France Télévisions, l’interdiction de la publicité entre 20h00 et 6h00 et sa place particulière au sein du paysage audiovisuel en termes de téléspectateurs, explique qu’il y ait sur-réaction du marché publicitaire à la baisse d’audience.
Nous avions vu précédemment que le groupe public a perdu 28 % de recettes publicitaires entre 2010 et 2014. Sur cette période, les audiences ont baissé de « seulement » 19 % (de 27,8 % à 22,5 %, pour France 2 et France 3) : France Télévisions subit donc le risque publicitaire lié à la perte d’audience de manière plus aiguë que les autres groupes audiovisuels, situation paradoxale quand on analyse les objectifs de la réforme de 2009, et plus largement les objectifs confiés au service public.
Il faut également prendre en compte le fait que les groupes TF1 et M6, dont la majorité de la ressource est publicitaire, ont davantage de programmes correspondant à la cible très prisée des annonceurs de la « ménagère de moins de 50 ans ». La moindre attractivité des écrans publicitaires de France Télévisions est un facteur aggravant dans un contexte de baisse d’audience et de concurrence accrue, pouvant expliquer en partie la sur-réaction des recettes publicitaires. Le groupe TF1 avait d’ailleurs fait valoir que, sur France Télévisions, la baisse de l’audience sur la cible des « ménagères de moins de 50 ans » serait de 25 % entre 2010 et 2014. La baisse globale des recettes publicitaires sur la même période est de 28 %, ce qui peut laisser penser qu’une corrélation plus directe existe entre cette audience étalon pour les annonceurs et les recettes publicitaires-corrélation qui pose nécessairement la question des objectifs du service public en cas de maintien de la ressource publicitaire.
De plus, pour les groupes audiovisuels privés, une part des recettes publicitaires émane des chaînes TNT qui en font partie, ce qui atténue les pertes de la chaîne originelle et nuance d’autant plus l’impact de la perte d’audience.
Ce constat confirme les remarques formulées par le CSA dans son Bilan quadriennal des résultats de la société France Télévisions (décembre 2014), cité dans le rapport de l’institut Montaigne Rallumer la télévision, qui affirme que la suppression n’a pas eu comme effet de libérer la programmation des chaînes publiques de l’audience contrairement à l’objectif visé en 2009. Ce constat est partagé par les représentants du secteur de la production, qui soulignent l’insuffisante prise de risque de France Télévisions, corollaire naturel de la dépendance du groupe vis-à-vis des audiences.
Les choix qui guideront les évolutions du modèle économique de France Télévisions devront donc prendre en compte cet élément essentiel : malgré des ressources publicitaires représentant seulement 10 % du budget global du groupe, la dépendance à l’audience demeure et est même proportionnellement plus forte que pour les autres chaînes du fait de la sur-réaction du marché publicitaire. Nous verrons que ce phénomène de sur-réaction peut également s’expliquer par un manque d’attractivité globale des écrans publicitaires de France Télévisions du fait de l’arrêt de la publicité après 20h00, ce qui pose de manière accrue la question de la place de la publicité dans le modèle économique.
3. Le tournant du numérique rend les médias traditionnels moins attractifs pour les annonceurs, sans que la publicité digitale soit une alternative suffisante pour compenser les pertes de recettes
a. La montée en puissance de la publicité digitale
L’internet représente 16,7 % des parts du marché publicitaire des media (67). Cette montée en puissance de l’internet est constante depuis 2004, avec des investissements nets qui devraient s’élever à plus de 2 milliards d’euros en projection 2017, contre 275 millions d’euros en 2004.
L’ensemble des media traditionnels a été touché par la transition numérique qui a modifié les choix d’investissement des annonceurs. Au sein d’un marché publicitaire fonctionnant au ralenti, la publicité digitale a connu quant à elle une hausse de 4 % en 2014. C’est l’internet display qui a le plus fortement augmenté, avec une hausse de 8 % entre 2013 et 2014, bien que le search représente encore près de 60 % du marché publicitaire digital. Au sein du display, la plus forte croissance concerne la vidéo (+ 65 % entre 2013 et 2014), qui inclut également les vidéos portées par les offres de télévision dites pré-roll et in-roll68 ainsi que par les sites proposés par les media traditionnels.
Prenant en compte les évolutions des comportements publicitaires, Médiamétrie a lancé en juin 2015, avec Integral Ad Science, le service permettant de calculer un nouvel indicateur de performance publicitaire bi-média télévisions et Internet : le « GRP Vidéo ». Il va donc être possible désormais de comparer la puissance d’un écran de télévision avec celle d’une campagne publicitaire en ligne.
Selon l’Union des annonceurs (UDA), le digital représente désormais en moyenne 25 % des dépenses médias des annonceurs. Dans les pays où les méthodes de diffusion laissent une place plus large qu’en France à la télévision en ligne, comme la télévision de rattrapage, la publicité en ligne représente 37 % des dépenses media en 2014 au Royaume Uni et 32 % en Allemagne.
b. Le développement de la télévision de rattrapage et de la présence des chaînes de télévision sur Internet
Comme évoqué lors des réflexions concernant les évolutions de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public, les pratiques télévisuelles évoluent. L’un des phénomènes les plus marquants demeurent la consommation croissante de programme en rattrapage. Fin 2014, 4,2 millions de personnes de 15 ans et plus avait regardé un programme via la télévision de rattrapage au cours de la journée en prenant en compte l’ensemble des écrans (télévision, ordinateur, tablette et mobile). Ce chiffre a doublé sur une période très courte, puisque leur nombre n’était que de 2,2 millions au cours du deuxième trimestre. En mai 2015, 71 % des internautes de plus de 15 ans déclarent avoir consommé un programme en télévision de rattrapage au cours des douze derniers mois.
La montée en puissance de la télévision de rattrapage : résultats du Baromètre de la télévision de rattrapage du CNC-mai 2015.
« 17 600 heures de programmes disponibles en mai 2015 en hausse de 14,1 % sur un an
« En mai 2015, l’offre des chaînes nationales gratuites disponible en télévision de rattrapage sur Internet est constituée de 17 600 heures de programmes. Elle est en hausse de 7,8 % par rapport à avril 2015 et de 14,1 % sur un an (+ 15,8 % pour les chaînes historiques et +12,5 % pour les chaînes TNT/TNT HD). Sur un mois, l’offre augmente de 8,6 % à 14 800 heures pour les programmes de flux et de 4,1 % à 2 800 heures pour les programmes de stock. L’animation, le documentaire, la fiction et le cinéma constituent ainsi 16,1 % de l’offre de télévision de rattrapage en mai. Les principales offres sont proposées par M6, TF1 et France Ô pour la fiction, par France 4, Gulli et France 3 pour l’animation et par Arte, France 5 et France 3 pour le documentaire. En mai, la fiction française compose 46,6 % de l’offre de fiction proposée en rattrapage, contre 34,2 % pour la fiction américaine, 10,9 % pour la fiction européenne non française et 8,2 % pour la fiction d’autres nationalités. 33,0 % de l’offre totale de télévision de rattrapage est disponible entre zéro et sept jours (5 800 heures). 63,6 % des programmes sont consultables plus de trente jours (11 200 heures).
« 438,8 millions de vidéos visionnées, en hausse de 41,5 % sur un an.
« En mai 2015, la consommation de télévision de rattrapage atteint un record : 438,8 millions de vidéos sont visionnées sur les services de rattrapage du panel (composé de vingt et une chaînes dont 17 chaînes nationales), soit 14,2 millions de vidéos vues chaque jour. La consommation augmente de 8,5 % par rapport à avril 2015 et de 41,5 % sur un an. 2,1 milliards de vidéos ont été vues sur les cinq premiers mois de l’année. La consommation de télévision en ligne, qui inclut la télévision de rattrapage ainsi que les bonus et la consommation des chaînes en direct sur les autres supports que la télévision, totalise 480,3 millions de vidéos vues en mai 2015 (+8,4 % sur un mois et +36,1 % sur un an) et 2,3 milliards de vidéos visionnées depuis le début de l’année. La progression de la consommation est notamment portée par l’usage des tablettes, sur lesquelles le nombre de vidéos vues a doublé en un an (à 70,2 millions). En mai 2015, les programmes jeunesse, le documentaire, la fiction et le cinéma totalisent 50,1 % des vidéos visionnées. Les meilleures audiences de télévision en ligne sont réalisées par Koh Lanta pour TF1, Disparue pour France 2, Plus belle la vie pour France 3, Le Petit Journal pour Canal+, Peppa Pig pour France 5, Les Reines du shopping pour M6, Touche pas à mon poste ! Pour D8, Les Marseillais en Thaïlande pour W9, Les Mystères de l’amour pour TMC, Les Enquêtes impossibles pour NT1, Les Lapins crétins pour France 4 et Sonic Boom pour Gulli. »
Source : Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
c. Des perspectives de recettes publicitaires digitales qui demeurent marginales mais qui peuvent être amenées à monter en puissance
À court terme, cette montée en charge de la télévision de rattrapage ne constitue pas une source de recettes à même de compenser la tension qui existe sur les recettes publicitaires de la télévision linéaire. Malgré une offre accrue en volume et des niveaux de remplissage élevés à près de 80 %, l’Internet est un media pour lequel la négociation des tarifs est forte et qui bénéficie donc d’une faible valorisation. Ainsi, l’effet volume ne suffit pas, pour les media traditionnels, à compenser un effet prix trop peu élevé (environ 10 % du prix des espaces publicitaires classiques sur les écrans de France Télévisions).
La loi du 5 mars 2009 précitée avait prévu, parallèlement à la suppression partielle de la publicité télévisuelle, le maintien de la publicité sur Internet afin d’encourager France Télévisions à développer son offre de services de médias audiovisuels à la demande.
Comme l’a souligné le Rapporteur de la mission d’information dans son rapport spécial pour l’année 2015 sur la mission Medias, livre et industries culturelles, France Télévisions affiche aujourd’hui des résultats satisfaisants dans le cadre de son développement numérique, avec en 2014, 8 millions de visiteurs uniques sur le web pour la marque France Télévisions, en augmentation de 9 % par rapport à 2013, 117,1 millions de vidéos vues multi-écrans (+ 119 % en un an) et une offre transversale d’information en ligne en progression de 84 % (69) . Selon l’UDA, France Télévisions représente la deuxième « Brand tv online » (70) devant Canal + et M6. Cependant, en dépit de ces résultats positifs, le numérique ne pèse en 2014 que 4 % du chiffre d’affaires net global de France Télévisions Publicité. Les recettes publicitaires liées au numérique s’élèvent en effet en 2014 à 13,2 millions d’euros sur un total de 317, 8 millions d’euros.
Le groupe TF1 est la première « Brand tv online ». Il affiche un montant de 1 476,7 millions d’euros de revenus publicitaires pour les quatre chaînes en clair du groupe au cours de l’année 2014. À cela s’ajoutent 83,6 millions d’euros de recettes publicitaires liées aux autres supports – dont Métro France dont les recettes publicitaires sont en chute libre. E-TF1, qui constitue une part non précisée dans les comptes du groupe de ces revenus, voit au contraire ses recettes publicitaires augmenter. Malgré cette hausse, il apparaît que les recettes publicitaires digitales ne peuvent que difficilement dépasser les 4 % des recettes totales d’un groupe audiovisuel, même bien développé dans ses applications numériques.
Bien que ce pourcentage sera sûrement amené à progresser dans les années à venir pour l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel, il n’est pas réaliste de considérer qu’il est une alternative suffisante pour compenser la baisse des recettes publicitaires télévisuelles. De surcroît, les activités numériques constituent également une charge pour les groupes concernés, qui s’élève pour France Télévisions à 77,8 millions d’euros en 2014. Avec un coût net de 54,8 millions d’euros, le numérique ne représentera donc une ressource nette que dans une perspective lointaine.
Cependant, une fenêtre d’opportunité demeure pour valoriser la télévision de rattrapage sur les antennes de France Télévisions. Il s’agirait de la possibilité d’intégrer à la diffusion délinéarisée les programmes sportifs et les œuvres cinématographiques, qui constituent tous deux des carrefours d’audience majeurs.
Lors de auditions menées par la mission d’information, il a été signalé que l’interprétation actuelle de l’article 22 du décret du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions est restrictive par rapport à l’esprit du texte. Cet article dispose que « France Télévisions propose en particulier une offre de télévision de rattrapage permettant une nouvelle mise à disposition auprès du public des programmes diffusés sur ses services de télévision. À compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur l'ensemble du territoire métropolitain, l'ensemble des programmes diffusés sur les services de télévision de France Télévisions sont disponibles gratuitement pendant une période minimale de sept jours à compter de leur première diffusion à l'antenne, à l'exception des œuvres cinématographiques et, le cas échéant, des programmes sportifs ».
L’exclusion finale des œuvres cinématographiques et des programmes sportifs peut porter au choix sur le principe même de la diffusion gratuite, ou sur l’obligation explicite de diffusion sur sept jours minimum en télévision de rattrapage. Selon la seconde interprétation, il serait donc possible – mais pas obligatoire – de diffuser ce type de programmes en replay. Une clarification de cet article apparaît nécessaire car l’extension numérique des programmes diffusés sur France Télévisions apparaît non seulement comme un enjeu financier, mais également comme un facteur de renforcement de la présence du service public télévisuel. Le cinéma est par ailleurs autorisé en rattrapage dans l’offre numérique d’Arte, ce qui pose la question de la cohérence des pratiques au sein même de l’audiovisuel public.
La publicité numérique sur Arte
Si l’interdiction de la publicité à l’antenne est inscrite dans le Traité interétatique, Arte G.E.I.E ( groupement économique d’intérêt européen) a mis en place à titre exploratoire des pré-roll sur le site d’ARTE+7 en France (autopromotion et publicité) et en Allemagne (autopromotion uniquement). Ces pré-rolls représentent en effet un nouveau moyen de promotion de l’offre d’Arte sur le numérique, en particulier pour les cases moins exposées à l’antenne comme la science, la société ou les documentaires culturels. Le groupe envisage également par la suite de diffuser ces pré-rolls sur les mobiles, les plateformes tierces et les téléviseurs connectés, créant de nouvelles opportunités de recettes liées au numérique. Il est à noter que la direction allemande du groupe se montre particulièrement hostile aux recettes publicitaires, et avance prudemment vers le développement de la publicité numérique.
Les recettes publicitaires liées au numérique, assimilées à des recettes commerciales, représentent donc une perspective de développement d’avenir pour le groupe, sans que la ressouce escomptée soit à ce jour chiffrable.
Souce : Réponses au questionnaire de la mission d’information.
III. LA NÉCESSITÉ DE TROUVER UN MODÈLE ÉCONOMIQUE PROPRE AU SERVICE PUBLIC
Le modèle économique des acteurs de l’audiovisuel public semble, à l’exception de France Télévisions, en cohérence avec les objectifs de la programmation et des activités menées par chacun d’eux. Si les débats autour de la bonne gestion des groupes de l’audiovisuel ou l’insuffisance des dotations sont encore très présents, le mode de financement quasi-intégralement assuré par la CAP pour France Médias Monde, Arte ou Radio France, ou encore la part importante de ressources propres de l’INA, ne font pas débat quant à leur légitimité. Ces acteurs sont davantage concernés par l’évolution de l’assiette de la CAP, et plus largement par les questions sur la stabilisation et la prévisibilité de la ressource publique.
La situation est tout autre pour France Télévisions, qui peine, depuis la fin de l’ORTF, à trouver un modèle économique à la fois durable financièrement parlant et cohérent avec ses objectifs de programmation. Le cœur du débat demeure la place que doit recouvrir la publicité dans ce schéma. Au-delà du débat « éthique » qui pose ou pas l’absence de publicité comme un principe inhérent au service public, l’incidence sur le fonctionnement de France Télévisions est majeure.
La présence de la publicité, qui assure à court terme des recettes, certes en baisse mais garanties, permet au groupe de fonctionner mais le rapproche, en termes de stratégie, des contraintes qui pèsent sur les groupes privés, et ce malgré l’absence de publicité au moment du prime time. Comme le souligne M. Rémy Le Champion, il existe un lien indéfectible entre modèle économique et choix de programmation (71). Au contraire, le renoncement à la publicité permettrait au service public de construire une télévision publique indépendante mais ne peut se faire que si les pouvoirs publics permettent d’assurer au groupe des ressources stables et proportionnées aux objectifs qui lui seront assignés, ce que n’a pas fait la loi du 5 mars 2009.
Les implications économiques de ce débat doivent demeurer au centre des interrogations, car c’est bien le modèle économique et la viabilité sur le long terme de France Télévisions qui est en jeu ici. Or, le groupe se voyant alloué près de 70 % des crédits destinés à l’audiovisuel public, il est un élément majeur de stabilisation – ou au contraire de déstabilisation – pour l’ensemble de ce secteur. Il est, par ailleurs, avéré qu’au vu de son positionnement en termes de chiffre d’affaires et d’audience, il est également une pièce essentielle à l’équilibre de l’ensemble de l’audiovisuel public français face à ses partenaires du secteur privé.
1. La question de l’« après 20h00 » et le débat récurrent sur la légitimité de la publicité sur France Télévisions
a. L’échec du modèle de financement prévu par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
i. Les dispositions prévues par la loi du 5 mars 2009
Pour rappel, la loi du 5 mars 2009 avait prévu un circuit de financement public dédoublé :
– d’une part la redevance audiovisuelle, qui est appréhendée comme une ressource dynamique dans le temps ;
– d’autre part, celles issues de l’institution de deux taxes :
o une taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE), codifiée à l’article 302 bis KH du code général des impôts. Il s’agit d’une taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications. Le projet est actuellement d’augmenter cette taxe à un taux de 1,2 %,
o une taxe sur la publicité diffusée par les éditeurs de service de télévision, codifiée à l’article 302 bis KG du code général des impôts. Elle représente une imposition de 3 % sur les sommes versées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires sur les services de télévision, justifiée par l’effet d’aubaine que devait constituer l’arrêt de la publicité sur France Télévisions pour les groupes de l’audiovisuel privé. Un abattement permet d’exempter de ces taxes les plus petits opérateurs.
Le produit de ces taxes devait revenir à France Télévisions via la dotation budgétaire allouée dans le cadre de la mission Medias, livre et industries culturelles.
Il est à noter que la compensation financière par l’État de l’arrêt de la publicité a été inscrite comme une obligation légale à l’article 53 de la loi de du 30 septembre 1986 précitée, modifié par la loi du 5 mars 2009.
Initialement, l’ensemble de la publicité devait être supprimée des antennes de France Télévisions. Avant le vote définitif de la loi, la publicité est supprimée entre 20h00 et 6h00 sur toutes les chaînes de France Télévisions (sauf RFO) à partir du 5 janvier 2009. Son arrêt complet devait initialement intervenir à compter de l’extinction de la télévision analogique en faveur du numérique, prévue fin 2011. Mais le 17 septembre 2010, le ministre en charge de la culture annonce un probable moratoire de deux ans, à partir de novembre 2011, avant la suppression totale de la publicité sur France Télévisions. Délai contesté, quelques jours plus tard, par le groupe de travail relatif à la publicité sur France Télévisions, co-présidé par les députés UMP Mme Michèle Tabarot et M. Jean-François Copé, qui propose un moratoire de cinq ans renouvelables. Le 16 novembre 2010, la décision initiale est totalement remise en cause par le vote à l’Assemblée nationale d’un amendement qui autorise le maintien définitif de la publicité en journée sur France Télévisions. Cependant, le 5 décembre 2010, le Sénat adopte un simple moratoire prévoyant que la publicité sera entièrement supprimée sur les antennes de France Télévisions le 1er janvier 2016. Finalement, le maintien de la publicité diurne est devenu une situation durable et non une première étape vers la suppression totale des recettes publicitaires.
ii. L’échec constaté de la mise en œuvre de cette loi
Plusieurs éléments démontrent que ce modèle de financement était dès l’origine instable et se révèle, sur le long terme, fragilisant à la fois pour les finances publiques et pour la stabilité financière du groupe France Télévisions.
Tout d’abord, la CAP se positionnant comme le pivot du financement de l’audiovisuel public, les besoins en financement de France Télévisions qui constitue de loin l’opérateur le plus coûteux de l’audiovisuel public, peuvent entraîner une baisse du financement des autres opérateurs, particulièrement préjudiciable pour ceux dont le financement provient à 90 % de la contribution. Ainsi, indirectement, l’ensemble de l’audiovisuel public se trouve en partie dépendant du marché publicitaire, permettant ou non à France Télévisions de libérer une partie de la ressource publique.
Ce phénomène se trouve accentué par la volonté de tendre vers un financement intégral par la CAP, bénéfique dans l’absolu mais nécessitant, par ailleurs, une stabilisation globale des ressources propres au risque sinon de peser sur les autres sociétés de l’audiovisuel public. En outre, face à des besoins de financement croissants de France Télévisions, la solution de facilité visant à majorer la CAP afin de faire face à la baisse des ressources, comme cela a été le cas ces dernières années, ne peut constituer une solution de long terme au regard de la pression fiscale que cela implique pour le contribuable.
De plus, comme cela a été souligné à maintes reprises et, notamment, dans le rapport de M. Marcel Rogemont (72) et celui de la commission pour le contrôle de l’application des lois sur l’application de la loi du 5 mars 2009 (73), le principe de compensation à l’euro près des pertes de recettes publicitaires liées à la réforme rencontre un obstacle méthodologique de taille. En effet, cette évaluation de la perte potentielle est impossible du fait de la nature même des négociations qui déterminent les prix ainsi que des fluctuations du marché, d’autant plus instable depuis la multiplication des chaînes gratuites de la TNT. Le calcul qui avait été fait se fondait sur la somme de 800 millions d’euros de recettes publicitaires constatée en 2007. À partir des prévisions initialement envisagées, la compensation s’élevait à 450 millions d’euros en 2009 et 458 en 2010, en raison d’une indexation fixée à 1,75 %. Cependant, les recettes publicitaires ayant été supérieures aux projections, les dotations furent donc de 415 et 423 millions d’euros.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2012 marque une inflexion dans le rôle attribuée à cette dotation de compensation : l’article 133 modifie en effet l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 en prévoyant que la compensation ne sera pas représentative de la perte de recettes dans l’absolu, mais de l’écart entre la prévision de recettes publicitaires indiquée dans le COM et les recettes effectivement perçues. Après 2012, la démarche de disparition de la dotation budgétaire en faveur d’un financement intégral par la CAP a été initiée, sans remise en question du modèle économique qui avait justifié cette même dotation.
Loin de mettre France Télévisions à l’abri des fluctuations de ressources que pouvait représenter le marché publicitaire, le groupe public s’est donc trouvé à la merci d’une évaluation complexe et aléatoire de ses pertes de recettes publicitaires, les contrats d’objectifs et de moyens faisant preuve, comme vu précédemment, d’un décalage constant entre prévisions et réalisation. La dotation budgétaire et son effet de « vase communiquant » avec le produit issu de la CAP (74) a engendré, en renforçant partiellement l’indépendance de France Télévisions vis-à-vis du marché publicitaire, une bien plus grande dépendance de la société vis-à-vis de la régulation budgétaire, annuelle et infra-annuelle.
Comme l’illustre le tableau ci-dessous, les différentes composantes du financement de France Télévisions n’obéissent qu’à une logique de court terme, visant à parer aux besoins immédiats, sans perspectives de long terme ni prévisibilité de la ressource publique :
RESSOURCES DE FRANCE TÉLÉVISIONS
(en millions d’euros)
France Télévisions |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
PLF 2015 | |
Ressources publiques |
CAP |
1 945,3 |
1 997,4 |
2 049,5 |
2 102,6 |
2 091,9 |
2 256,3 |
2 382 |
2 320,6 |
Subvention budget général |
- |
415 |
423,2 |
361,9 |
435,9 |
248,8 |
103,6 |
160,4 | |
TOTAL |
1 945,3 |
2 412,4 |
2 472,7 |
2 464,5 |
2 527,8 |
2 502,1 |
2 485,6 |
2 481,0 | |
Total recettes publicitaires |
619 |
409 |
441,3 |
423,7 |
372,2 |
333,1 |
320,1 |
Nc |
Source : France Télévisions, réponse aux questionnaires budgétaires (PLF 2015) et note d’exécution budgétaire pour l’année 2013 de la Cour des comptes.
Le Rapporteur réitère son souhait d’une réflexion globale, désormais indispensable, intégrant à la fois une réforme de l’assiette de la CAP afin de sécuriser la ressource mais également sur l’ensemble des composantes du financement de France Télévisions, dans la perspective d’une extinction de la dotation budgétaire à l’échéance 2017.
Les pouvoirs publics doivent désormais clarifier et actualiser les principes qui guident le mode de financement de France Télévisions. La baisse progressive puis la disparition d’une compensation identifiée et à due concurrence des pertes publicitaires est une évolution qui amène à réfléchir plus largement sur le modèle de financement public de France Télévisions. L’avenir des deux taxes créées par la loi du 5 mars 2009 afin de financer cette dotation doit également être intégré à ce raisonnement, puisqu’elles constituent la solution à l’obligation légale de compensation de la baisse des ressources publicitaires de France Télévisions.
b. Le manque de compétitivité générale des écrans publicitaires de France Télévisions du fait de l’absence de publicité au moment des fortes audiences
La loi du 5 mars 2009 avait envisagé une suppression totale de la publicité sur les antennes de France Télévisions, l’interdiction de 20h00 à 6h00 n’étant été envisagée que comme une solution provisoire afin de sécuriser les ressources et le marché dans un contexte de crise économique. Elle devait déboucher à l’horizon 2016 sur une disparition totale de la publicité sur les chaînes publiques.
La régie de France Télévisions est aujourd’hui quatrième en part d’offre sur la cible commerciale majoritaire des « ménagères de moins de 50 ans » permettant de proposer des écrans puissants : elle représente une part de 9,5 % (dont 25,4 % pour France Télévisions). Elle se place en dernière position des chaînes historiques, après le groupe TF1 loin devant (32 %), le groupe M6 (26,8 %) et le groupe Canal (11,3 %). Par ailleurs, comme largement démontré dans les développements précédents, les recettes publicitaires du groupe public n’ont cessé de diminuer.
Les arguments de France Télévisions en faveur du retour partiel de la publicité, notamment de 20h00 à 21h00, se fondent sur la baisse progressive de l’attractivité des écrans de la télévision publique du fait de l’absence de publicité lors du prime-time. France Télévisions serait pénalisé du fait de quatre facteurs concomitants et cumulatifs :
– la concentration des investissements des annonceurs sur les tranches du prime-time et de la nuit : de 49, 3 % à 55, 3 % entre 2011 et 2014 ;
– l’augmentation du nombre d’annonceurs dont le budget se concentre sur une seule régie : de 31,6 % à 43, 6 % entre 2011 et 2014. Du fait de la concentration sur le prime-time, les annonceurs vont donc préférer se diriger vers une régie proposant des écrans en prime time dans son catalogue. La régie de France Télévision perd ainsi en attractivité globale ;
– la baisse du prix des écrans en journée et en access prime-time favorisée par les chaînes privées, et notamment celles de la TNT, parallèlement à la valorisation du prime-time. Le coût GRP des « ménagères de moins de 50 ans » a perdu entre 2013 et 2014, entre 8 et 16 % de son prix sur les chaînes historiques en journée (– 8 % pour France 2 et – 16 % pour France 5) ; entre 5 % pour France 3 et 27 % pour M6 de son prix en access prime-time, hormis une hausse de 2 % sur France 2.
L’ensemble des données fournies par France Télévisions s’entendent comme une comparaison dont le champ est limité aux six chaînes historiques uniquement. En prenant en compte l’ensemble des chaînes de télévision, TF1 fait valoir des constats très nuancés par rapport à ceux de France Télévisions :
– pas de concentration sur les écrans publicitaires après 20h00 : de 51 % en 2010 à 50 % en 2014 à l’échelle de l’ensemble des chaînes de télévision. Il n’est pas étonnant que la prise en compte des chaînes de la TNT, qui investissent sur leurs écrans en journée, modifie la trajectoire de l’évolution ;
– pas d’accroissement de la part des annonceurs investissant dans une régie unique : de 44 % en 2010 à 45 % en 2014. Du fait de la différence de périmètre considéré, le groupe d’annonceurs considérés se situe entre 626 et 718 dans les données de France Télévisions et entre 1 480 et 1 654 dans les données de TF1 ;
– la baisse des prix en journée et en access prime-time n’est par contre par remise en cause par les chaînes privées.
Ces données contradictoires peuvent surprendre, mais révèlent une tendance spécifique aux chaînes historiques qui mérite d’être mise en exergue car elle touche plus directement France Télévisions. Ces données démontrent la difficulté de positionnement de France Télévisions, peu attractif sur le marché publicitaire par rapport aux autres chaînes de sa catégorie et davantage pénalisé par les évolutions du marché publicitaire, ce que confirmait la forte élasticité entre part d’audience et part de marché publicitaire.
Malgré cela, les experts de la mesure audiovisuelle auditionnés dans le cadre de la mission d’information ont confirmé que le panel le plus représentatif était celui englobant l’ensemble des chaînes, les stratégies des groupes – et des annonceurs – étant en effet appréhendée à ce jour à l’échelle de toute l’offre télévisuelle.
Les évolutions du marché publicitaire pouvant être à ce jour considérées comme irréversibles, il est à prévoir que les recettes publicitaires de France Télévisions seront amenées à se maintenir dans le meilleur des cas, mais plus probablement à diminuer du fait du manque de compétitivité.
c. La vision économique : le risque de dévalorisation accrue du marché et un profit moindre pour France Télévisions
Au regard de ces évolutions, si le choix est fait de maintenir une part importante de recettes publicitaires dans le modèle de financement de France Télévisions, il apparaît cohérent de sécuriser ces ressources en permettant au groupe public d’ouvrir, au moins partiellement, des écrans publicitaires sur la plage privilégiée entre 20h00 à 21h00. Cependant, les impacts sur un marché publicitaire déjà fragilisé doivent être pris en compte, ainsi que les gains réels à attendre pour France Télévisions.
Entre 2007 et 2012, les recettes nettes publicitaires toutes télévisions confondues ont diminué de 11 % (soit – 400 millions d’euros) du fait de la crise économique. Il est à noter que l’arrêt de la publicité après 20h00 sur les chaînes de France Télévisions n’a pas eu l’effet attendu de basculement des revenus publicitaires sur les chaînes privées, du moins dans les proportions qui avaient été envisagées. Le chiffrage de ces transferts de parts de marché n’a pas fait l’objet de consensus, le constat relevé lors des auditions étant que les bénéfices des chaînes privées n’ont pas été à la hauteur de leurs attentes.
Plusieurs facteurs précédemment évoqués expliquent ce phénomène : la crise économique tout d’abord, qui a réduit l’ensemble des investissements publicitaires, une redirection des recettes vers les chaînes de la TNT proposant des espaces publicitaires à moindre coût et enfin une captation de la demande par Internet, media qui combine des coûts négociés et une meilleure qualification de la cible. Ainsi, la forte pression à la baisse des prix des écrans publicitaires n’a été compensée que partiellement par un effet volume, la durée de la publicité vendue ayant pourtant doublé entre 2007 et 2013 (75).
Selon les experts du marché publicitaire tel que l’Institut de recherche des études publicitaires (IREP) auditionné par la mission d’information, il est à prévoir qu’inversement, en cas de retour de la publicité de 20h00 à 21h00, il n’y aurait pas de fuite massive des investissements vers les chaînes publiques. Le marché ne reviendra pas à son état d’avant l’arrêt de la publicité. Cependant, de manière inévitable, une partie des investissements en faveur de la régie de France Télévisions se ferait au détriment des régies des groupes privés.
Afin d’apaiser les craintes des chaînes privées, un argument a été avancé par France Télévisions et l’UDA : les chaînes publiques bénéficieraient d’une cible commerciale différente de celle recherchée sur les chaînes privées du fait de la structure d’audience sur les antennes de France Télévisions. Il s’agit de la population des plus de 50 ans (50 +) et des classes socio-professionnels supérieures (CSP +), qui attirerait de nouveaux annonceurs sans basculement au détriment des autres chaînes.
Plusieurs constats limitent la pertinence de cet argument, tant sur le caractère spécifique que sur la rentabilité attendue :
– les annonceurs ciblent d’ores et déjà les plus de 50 ans et CSP + sur les antennes de France Télévisions en journée et en access prime-time, et donc à des prix moindres. La réouverture du créneau 20h00-21h00 pourrait donc se solder par une rentabilité inférieure à celle espérée ;
– ces deux cibles réunies ne représentent que 8,5 % du marché publicitaire. Les plus de 50 ans progressent en part d’audience après 20h00 mais ne représentent que 2,5 % du marché ;
– les CSP + demeurent une cible étroite (6,5 % du marché publicitaire), particulièrement ciblée sur Internet et la vidéo publicitaire, avec des conditions tarifaires intéressantes. De surcroît, elle concerne d’autres chaînes comme BFM TV, Paris Première, ou encore LCI, qui risqueraient d’être affaiblies par une captation des investissements par France Télévisions ;
– si l’argument d’une cible commerciale différenciée peut s’avérer pertinent pour les chaînes de la TNT, il l’est moins concernant les chaînes historiques, dont le profil des téléspectateurs demeure plus homogène.
Par ailleurs, la direction de France Télévisions ne cache pas sa volonté de rajeunir l’audience des chaînes publiques. Cet objectif, justifié au demeurant au regard des exigences que l’on peut attendre du service public et qui va guider les choix de programmation, peut donc en cas de succès remettre partiellement en cause cette spécificité des cibles commerciales.
Enfin, il est ressorti des auditions de la mission d’information que l’ouverture d’écrans publicitaires après 20h00 sur France Télévisions constituerait un levier de négociation supplémentaire aux mains des annonceurs. Cet élément est particulièrement inquiétant puisque France Télévisions servirait alors de « lièvre », entraînant une potentielle pression à la baisse des prix sur le créneau concerné qui affaiblirait l’ensemble du secteur de l’audiovisuel privé et minimiserait le gain pour France Télévisions.
Le Rapporteur se veut donc prudent concernant l’impact d’une réouverture partielle des écrans publicitaires après 20h00, aussi bien sur le marché publicitaire que pour le financement de France Télévisions. Pour le marché publicitaire, l’hypothèse selon laquelle l’impact serait quasi nul pour les chaînes privées ne semble pas se confirmer, le « panier » d’annonceurs n’étant plus à ce jour extensible. Selon le modèle actuel, une baisse du chiffre d’affaires des grands groupes privés pourrait ainsi entraîner une baisse des obligations d’investissement en faveur de la production audiovisuelle. Parallèlement, si France Télévisions s’inscrit majoritairement sur un marché publicitaire de niche, le gain attendu restera minime voire décroissant, et ne sera donc pas suffisant pour résoudre à moyen terme le modèle économique de France Télévisions. Plus grave, il pourrait encourager le groupe à renoncer à ses évolutions de programmation en faveur d’un public plus jeune ou au contraire à rechercher une audience plus rentable en concurrence directe avec les chaînes privées, renforçant le nivellement entre télévision publique et privée.
2. La nécessité pour les pouvoirs publics de faire un choix assumé sur le financement de l’audiovisuel public
a. Le choix assumé de la publicité : des recettes à court terme mais une programmation nivelée par rapport aux groupes privés de l’audiovisuel
Les objectifs affichés de la réforme de 2009 étaient d’une part, rendre plus indépendant le groupe France Télévisions de la logique de l’audience qui prévaut dans la démarche publicitaire, et, d’autre part, d’avancer l’heure des programmes du prime-time qui devaient alors commencer vers 20h35. Force est de constater que ces objectifs n’ont pas été atteints.
L’audience demeure au cœur des préoccupations du groupe public: cet objectif, s’il est déconnecté du marché publicitaire, est légitime voire nécessaire, la télévision publique devant conserver l’exigence de toucher une large part de la population. Mais cette mesure de l’audience demeure celle qui prévaut dans la logique commerciale, sans que la dimension sociale ou qualitative ait véritablement pu s’intégrer dans les schémas d’évaluation.
Concernant l’heure de programmation du prime-time, celle-ci est relativement similaire à celle des groupes privés, le maintien du parrainage dans les espaces disponibles entre 20h00 et 21h00 ayant par ailleurs brouillé la perception des téléspectateurs qui n’ont pas forcément perçu toute l’ampleur de l’arrêt de la publicité. La généralisation de la télévision de rattrapage a de surcroît affaibli l’importance de l’horaire de programmation.
Si le modèle économique de France Télévisions est maintenu en l’état, France Télévisions restera dans une situation « d’entre-deux », dépendant de la logique commerciale sans avoir les moyens d’assurer sa compétitivité. Si la ressource publicitaire demeure une composante du financement du principal opérateur de l’audiovisuel public, il serait donc cohérent de lui fournir les leviers nécessaires à la sécurisation de cette ressource et donc de lui permettre d’ouvrir les écrans publicitaires sur la tranche horaire rentable entre 20h00 et 21h00 ou lors d’événements à forte audience.
Sans que ces projections soit vérifiables à ce jour, les estimations de gain de chiffre d’affaires telles que fournies par France Télévisions sont les suivantes :
– pour une ouverture d’écrans sur les chaînes nationales entre 20h00 et 21h00 :
• huit minutes (soit deux écrans de quatre minutes), du lundi au dimanche : 100 millions d’euros (dont 50 millions d’euros sur France 2 et 40 sur France 3) ;
• huit minutes (soit deux écrans de quatre minutes), du lundi au vendredi : 70 millions d’euros.
– pour une ouverture d’écrans dans les événements sportifs en soirée : sur une base 2014 de quinze événements par an, avec écrans avant, pendant (mi-temps ou intervalle naturel) et après l’événement, le bénéfice attendu est d’environ 6 millions d’euros.
Le Rapporteur suggérait par ailleurs dans son rapport spécial pour le budget 2015 de conjuguer le retour de la publicité après 20h00 sur France 2 avec l’arrêt complet de la publicité en journée sur France 4 désormais dédiée aux enfants en journée (5 millions d’euros de pertes selon le chiffrage 2014). L’objectif serait de tenir compte de la spécificité du public de cette chaîne et de renforcer ainsi l’esprit de service public et la visée déontologique qui avaient animé la loi de 2009.
Le Rapporteur considère cette possibilité comme une solution de court terme, génératrice de recettes mais risquée aussi bien pour le marché publicitaire que pour l’identité du service public. Le Président ne souhaite pas s’associer à cette proposition et considère que les dispositions issues de la loi du 5 mars 2009 relatives à la suppression de la publicité sur France Télévisions après 20h00, doivent être maintenues en l’état.
Cependant, le Rapporteur estime que cette éventualité doit demeurer, si elle est privilégiée par les pouvoirs publics, une solution transitoire avant la mise en œuvre d’un modèle économique plus adapté sur le long terme. Elle doit être également être considérée à l’échelle de l’ensemble du modèle économique de France Télévisions, impliquant ainsi :
– de ne pas constituer une alternative aux objectifs essentiels visant à dégager des économies structurelles dans la gestion de France Télévisions. Cette recette supplémentaire devrait donc se voir attribuée sous réserve de la mise en œuvre d’un certain nombre de réformes organisationnelles de fond, au risque sinon d’apparaître comme un palliatif à une gestion qui pourrait se révéler parfois peu rigoureuse ;
– de permettre une réduction de la ressource publique. Cette réforme permettrait en effet de compenser la disparition de la dotation budgétaire en faveur de France Télévisions (103 millions d’euros en 2013 et 160 en 2014) sans remettre en cause la ventilation de l’enveloppe de la CAP, au détriment des autres bénéficiaires. En effet, cette augmentation des ressources propres doit demeurer une source d’économies pour les finances publiques.
Cette solution devrait de plus se doubler d’un dédommagement au profit des groupes privés, en premier lieu en supprimant la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire mis en place en 2009 qui n’aurait alors plus lieu d’être. Elle représente un montant de 15,3 millions d’euros selon le chiffrage 2014.
Lors de l’audition des services du ministère du Budget par la mission d’information, l’idée d’un abaissement du taux de la taxe sur les services de télévision « éditeurs » a également été évoquée comme une forme possible de compensation en faveur des diffuseurs privés. Cette solution paraît cependant difficile à mettre en œuvre selon le Rapporteur, puisque cela engendrerait une baisse de ressources pour le CNC (de l’ordre de 50 millions d’euros pour une baisse de 1 % de la taxe), difficile à compenser par une ressource alternative.
b. Les choix assumés du service public : mettre fin progressivement à la publicité et trouver un modèle économique permettant de diversifier les ressources propres
L’autre alternative serait de pousser à son terme la logique qui prévalait lors du vote de la loi du 5 mars 2009 en supprimant progressivement toute publicité sur les chaînes de France Télévisions. Le manque à gagner pour le groupe s’élèverait, sur la base des résultats de 2014, à 300 millions d’euros soit un peu plus de 10 % de ses ressources totales. Ce modèle pourrait cependant prévoir un maintien à la marge des ressources publicitaires en maintenant :
– les ressources de parrainage, qui constituent 56,9 millions d’euros sur le total des recettes perçues en 2014 ;
– les ressources publicitaires issues du numériques, encore fiables (4 millions d’euros en 2014), mais qui peuvent monter en charge au cours des années futures ;
– la question pourrait également se poser du maintien des décrochages publicitaires régionaux, qui constituent également une recette publicitaire marginale.
À l’automne 2014, la décision prise en 2014 par France Télévisions d’ouvrir un écran publicitaire d’une durée de 50 secondes à la suite d’un décrochage régional effectué juste après 20h10 et constitué de la diffusion d’un bulletin météo régional, tout en apportant plusieurs limitations à l’accès à cet écran.
Sa régie publicitaire a enregistré 400 000 euros de recettes entre fin octobre et fin décembre 2014, et 590 000 euros sur la période janvier – mi-avril 2015.
Ces résultats ne sont pas de nature à bouleverser les équilibres des marchés publicitaires locaux selon les premiers retours de la direction générale des Medias et des industries culturelles. Néanmoins, l’État veille à ce que cette activité ne fragilise pas la situation financière des médias régionaux et locaux.
Sur la base des données de 2014, et sans anticiper une baisse des ressources publicitaires, le manque à gagner s’élève donc environ à 250 millions d’euros, devant progressivement laisser place à un autre type de ressources propres. La part de ressources propres de France Télévisions est à ce jour, toutes recettes confondues, de 11,4 %. L’objectif est de tendre à terme vers un maintien voire une augmentation de ce ratio, mais en diversifiant les recettes commerciales et en marginalisant la part de celles issues de la publicité, de l’ordre de 2 à 4 %.
Mais ce changement de modèle ne peut s’effectuer que de manière progressive et implique un changement global du financement de l’audiovisuel public et de la production audiovisuelle.
i. Les taxes affectées : un moyen d’assurer la transition financière vers un nouveau modèle économique sans externalités négatives sur les autres sociétés de l’audiovisuel public
Les deux taxes créées par la loi du 5 mars 2009 – sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communication électronique et sur la publicité diffusée par les éditeurs de service de télévision – afin de compenser l’arrêt de la publicité n’ont pas été directement affectées à l’audiovisuel public, mais reversées à France Télévisions via la dotation budgétaire abondées dans le cadre du programme 313 de la mission Medias, livre et industries culturelles.
En volume, ces taxes n’ont pas permis de compenser intégralement les transferts budgétaires en faveur de France Télévisions. Le rapport de M. Marcel Rogemont fait au nom de la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public (76) fait état d’un manque à gagner pour l’État de 745,7 millions d’euros sur la période 2009-2013. En effet, le rendement des taxes a été inférieur aux prévisions et s’est élevé sur la période à 1 146,3 millions d’euros, pour des dotations budgétaires représentant un total de 1 892 millions d’euros. Le manque à gagner s’élève encore à plus de 481,7 millions d’euros en prenant en compte les recettes 2014 et les prévisions 2015, en diminution du fait de la baisse du montant de la dotation budgétaire. Le tableau suivant résume le manque à gagner cumulé depuis 2009, étant à noter que depuis 2013 le produit de la taxe est excédentaire par rapport à la dotation versée :
RESSOURCES DE FRANCE TÉLÉVISIONS ET MANQUE À GAGNER
(en millions d’euros)
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 (prévisions) |
Total sur la période | ||
Ressources |
Taxe sur la publicité |
27,7 |
17,8 |
13,2 |
13 |
14 |
15,3 |
15,3 |
116,3 |
Taxe « télécoms » |
185,9 |
255 |
251 |
179,7 |
253,9 |
212,7 |
212,7 |
1550,9 | |
Total |
213,6 |
272,8 |
264,2 |
192,7 |
267,9 |
228 |
228 |
1 667,2 | |
Dotation budgétaire à France Télévisions |
415 |
423,3 |
361,9 |
435,9 |
248,8 |
103,6 |
160,4 |
2 148,9 | |
Manque à gagner pour l’État |
201,4 |
150,5 |
97,7 |
243,2 |
– 19,1 |
– 124,4 |
– 67,6 |
481,7 |
Source : Rapport annuel de performances pour 2014- Commission des finances.
La période nécessaire à la résorption de cet écart entre financement et dotation versée va dépendre des modalités choisies concernant à la fois le maintien ou non de la dotation budgétaire du programme 313, le montant de celle-ci et enfin le taux de la taxe sur les opérateurs de télécommunication qui, selon les dernières déclarations gouvernementales, devrait s’élever à 1,2 % contre 0,9 % à ce jour. En projetant un maintien de la dotation en faveur de France Télévisions à 160 millions d’euros et une « taxe télécom » majorée à 1,2 % pour un produit total de 310 millions d’euros (77), la résorption du manque à gagner se fera au cours de l’exercice 2019. En l’absence de majoration, cette échéance serait en 2023, toujours sur les mêmes bases de projection.
Au regard de ces éléments, le Rapporteur propose de transformer la taxe sur les opérateurs de communication électronique en taxes affectées directement à France Télévisions, en les plafonnant à 160 millions d’euros, montant de la dotation budgétaire allouée en 2015. L’écrêtement se ferait au profit du budget de l’État. Du moment où le manque à gagner pour l’État sera résorbé, il appartiendra aux pouvoirs publics de décider de conserver cette ressource excédentaire ou d’en réduire le taux ou l’assiette afin de la corréler au plus proche du plafonnement.
Le Président de la mission d’information est favorable à un fléchage de la taxe conforme à l’esprit de la loi du 5 mars 2009, mais considère que le raisonnement fondé sur un manque à gagner de l’État n’a pas lieu d’être, le produit d’un impôt devant être appréhendé annuellement. Le produit actuel de la taxe télécom s’élève en moyenne à 220 millions d’euros par an, ce qui permet d’ores et déjà de financer une affectation plafonnée à 160 millions d’euros. La hausse de 0,3 % annoncée par le Gouvernement ne se justifie donc pas puisqu’en conservant le taux actuel, une partie du produit de la taxe sera déjà reversée au budget de l’État.
Par ailleurs, le choix de l’affectation et du plafonnement se justifie à plusieurs égards :
– une cohérence dans le financement de l’audiovisuel public, qui relèvera alors de trois taxes affectées, dont la CAP. Il permet par ailleurs de respecter l’objectif visant à éteindre la dotation budgétaire à l’horizon 2017 ;
– une meilleure visibilité des recettes de France Télévisions et une affectation identifiée de ces taxes créées en 2009 afin de compenser l’arrêt de la publicité. La légitimité de ces taxes s’en trouvera renforcée ;
– une sécurisation en volume de la ressource puisqu’en l’absence de dotation budgétaire, la régulation budgétaire touchant la mission Medias n’aura plus d’impact sur France Télévisions, et de là sur les autres opérateurs de l’audiovisuel public qui subissaient le système des « vases communicants ». Plus largement, en sécurisant la ressource de France Télévisions par le biais de taxe affectée, la ressource issue de la CAP pourrait être ventilée de manière plus favorable vers les autres opérateurs ;
– par le mécanisme du plafonnement, le maintien d’un pilotage de la dépense puisque le plafond peut être modulé en fonction des évolutions.
Dans le cadre d’un basculement progressif vers un nouveau modèle économique, celui-ci pourrait ainsi être modulé par étapes en fonction de la montée en charge des recettes de diversification. La disparition de la publicité pourrait par exemple être mise en œuvre chaîne par chaîne, ou successivement sur différentes plages horaires.
Cette disparition de l’aléa publicitaire et de la pression de l’audience, partiellement compensée par une ressource publique stabilisée, serait un moyen d’inciter le diffuseur à une plus grande prise de risque et une plus grande audace dans les choix de programmation.
L’encadrement des taxes affectées
La loi de programmation des finances publiques pour 2014-2019 a fortement encadré la pratique des taxes affectées. Elle prévoit en effet le plafonnement de l’ensemble des taxes affectées et la transformation en 2017 des taxes non plafonnées en dotation budgétaire, sauf exception.
Prévus par la loi de 2009 pour un objet précis et plafonnées, les deux taxes concernées seraient donc conformes à ces exigences. Le Rapporteur propose donc leur inscription à l’article 42 de la loi de finances pour 2012 récapitulant l’ensemble des taxes affectées, avec un plafonnement fixé à 160 millions d’euros, montant de la dotation budgétaire en faveur de France Télévisions au sein du programme 313, qui serait alors amenée à disparaître.
ii. Une affectation limitée de la hausse du produit de la CAP en faveur de France Télévisions
Le projet de basculer dans le cadre d’un financement intégral par la CAP sans prévoir de ressources complémentaires, en intégrant l’ensemble des crédits budgétaires destinés à France Télévisions au sein de la répartition du produit de la CAP, paraît difficilement réalisable au regard de l’enveloppe globale sans pénaliser les autres bénéficiaires. Rappelons que le passage en financement intégral par la CAP de l’audiovisuel extérieur en 2015 a été possible grâce à l’augmentation du produit de la contribution, mais également grâce à une baisse de 60 millions d’euros de l’allocation en faveur de France Télévisions, compensée par une hausse à due concurrence de la dotation budgétaire du programme 313 (78).
Dans le modèle de financement proposé par le Rapporteur, le maintien des deux taxes dont l’une serait affectée permet de ne pas faire peser excessivement sur le contribuable – et sur les autres sociétés du secteur – les choix de gestion de l’audiovisuel public et la suppression progressive de la publicité sur France Télévisions.
La réforme de l’assiette proposée dans la première partie du rapport représente une recette supplémentaire d’environ 30 millions d’euros par an, qui s’ajouterait aux 30 millions d’euros supplémentaires du fait de l’évolution engendrée par l’indexation. Sur ces 60 millions d’euros de gains annuels qui ne prennent pas en compte l’évolution naturelle de l’assiette, 30 millions pourraient être affectés plus spécifiquement à France Télévisions, le surplus pouvant alors constituer des marges de manœuvres dégagées annuellement pour l’ensemble des bénéficiaires conformément aux perspectives fixées par les COM. Rappelons à titre d’exemple que France Medias Monde considère que pour remplir l’ensemble de ses objectifs éditoriaux, dans le cadre d’un scenario maximal, son besoin cumulé de financement s’élève à 25,3 millions d’euros sur la période 2016-2020, soit une hausse moyenne d’un peu plus de 5 millions d’euros par an.
iii. Une attention renforcée sur les économies possibles en contrepartie de la sécurisation des ressources
La taxe affectée étant soumise à la norme de dépenses, elle n’est pas un moyen de contourner les efforts nécessaires à la maîtrise des dépenses publiques, essentielle dans le contexte économique que l’on connaît. Précédemment dans le rapport, plusieurs pistes ont été évoquées pour réduire les coûts, notamment chez les deux principaux opérateurs que sont France Télévisions et Radio France.
Dans le cas de France Télévisions, la sécurisation des recettes doit s’accompagner de solides garanties quant aux efforts de gestion réalisés par les sociétés. Bien que les sources d’économies soient difficilement chiffrables, les évaluations a minima proposées dans la première partie du rapport à travers la maîtrise des coûts de grille et la numérisation d’une des chaînes du groupe rendent possible une économie durable de 40 millions d’euros par an. De plus, le respect des objectifs fixés dans le contrat d’objectifs et de moyens en matière de réduction de la masse salariale en dessous du plafond de 10 000 ETP, après résorption des surcoûts liés aux plans de départs volontaires, entraîneront de nouvelles sources d’économies durables.
iv. La diversification des ressources : le pivot de la réforme
Enfin, l’évolution du modèle économique de France Télévisions implique une évolution plus radicale, à travers la montée en puissance des ressources propres autres que la publicité. Cette volonté de diversification est, selon le Rapporteur, la clé pour assurer une stratégie financière de long terme au groupe. La principale piste est la recherche de nouvelles ressources propres à travers la valorisation des investissements du groupe en faveur de la production audiovisuelle, les autres ressources commerciales pouvant être également amenées à progresser.
Cette évolution nécessite cependant une réforme de fond du fonctionnement et du financement actuel de la production audiovisuelle française, qui révèle désormais ses insuffisances et entame une phase de remise en question. La réforme du système en faveur de la production audiovisuelle est en marche depuis 2013 mais peine à se mettre en place.
Elle intéresse la mission d’information à double titre :
– d’une part, il s’agit d’une potentielle ressource supplémentaire durable et croissante pour France Télévisions et les autres opérateurs de l’audiovisuel public via une disponibilité plus grande du produit issu de la CAP et/ou une diversification de leurs ressources propres ;
– d’autre part, le financement de la production audiovisuelle relève très largement de la ressource publique, que ce soit par les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée ou encore les obligations d’investissement qui concernent en premier chef les groupes télévisuels publics.
Le Rapporteur considère cette perspective comme la seule capable d’assurer à l’audiovisuel public un financement pérenne, dynamique et stratégique. L’intéressement des diffuseurs publics et privés à la seconde vie des œuvres qu’ils financent substantiellement permettrait par ailleurs de stimuler la production audiovisuelle française, composante de premier plan de la culture française. Comme dans le cas de la problématique de la publicité, il est difficile de réfléchir à l’évolution du financement de l’audiovisuel public sans intégrer les interactions qui existent au sein du secteur audiovisuel, entre les acteurs publics et privés, mais également entre les processus de production et de diffusion.
C’est ce point déterminant qui sera développé dans la troisième partie de ce rapport, apportant la dernière pierre à l’édifice du modèle économique renouvelé de l’audiovisuel français.
CHAPITRE 3 : LE RENOUVEAU DU MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L’AUDIOVISUEL FRANÇAIS : LA DIVERSIFICATION DES RECETTES PAR LA VALORISATION PATRIMONIALE DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE PAR LES DIFFUSEURS
La libéralisation de l’audiovisuel public en 1982 (79) via la fin du monopole de l’État sur la programmation s’est accompagnée de l’instauration de garanties dans le domaine de la production des contenus et de la création. Ainsi, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication poursuivait une double ambition en matière de production audiovisuelle :
– culturelle, en vue de développer la création et la diffusion de programmes français et européens ;
– économique, afin de permettre l’émergence d’un secteur structuré de la production audiovisuelle.
Alors même qu’à cette époque les fréquences hertziennes étaient peu nombreuses, les obligations suivantes, imposées aux diffuseurs, constituaient la contrepartie de la gratuité d’utilisation du domaine public et des instruments de soutien à la production audiovisuelle :
– les quotas de contribution à la production audiovisuelle ;
– les quotas de diffusion ;
– les quotas de production indépendante.
Le principe des quotas de diffusion et de la contribution des éditeurs de service à la production a, en vertu de la loi de 1986, une quadruple vocation (80) :
– garantir une diffusion forte des œuvres françaises, notamment inédites, sur les antennes ;
– renforcer le financement des œuvres ;
– développer un tissu diversifié de sociétés de production indépendantes et compétitives ;
– promouvoir la circulation des œuvres d’expression originale française et européennes tout en évitant la généralisation de programmes « standards » et l’appauvrissement culturel.
Le décret n° 90-67 du 17 janvier 1990, dit « décret Tasca » (81) concrétise cet objectif en encadrant les obligations de production des éditeurs.
La réglementation en vigueur prévoit des obligations d’investissement de la part des diffuseurs auxquelles s’ajoutent les aides du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et des collectivités locales. Toutefois, malgré leur montant conséquent, ce dispositif n’a pas permis de construire un modèle de production cohérent : celui-ci est atomisé et dispendieux pour les finances publiques.
Les obligations relatives à la production indépendante sont variables suivant les diffuseurs et la nature des œuvres et, surtout, se révèlent particulièrement importantes pour France Télévisions (95 % de l’obligation d’investissement de 400 millions d’euros). Un allègement de cette obligation pourrait se doubler, à l’instar du modèle britannique, d’une mise en concurrence entre production indépendante et dépendante sur un pourcentage fixé.
Par ailleurs, ces dispositions ne permettaient pas, jusqu’à très récemment, aux diffuseurs de détenir des parts de coproduction, engendrant un déséquilibre et une tension certaine dans les relations producteurs/diffuseurs. La loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, précisée par le décret du 27 avril 2015, autorise la détention de parts de coproduction par les diffuseurs, dès lors qu’ils participent substantiellement au financement d’une œuvre. Une telle disposition restant manifestement insuffisante, un abaissement du seuil de coproduction, tout comme un assouplissement de la réglementation, permettant à l’éditeur de détenir ces droits de commercialisation pourraient être envisagés.
Enfin, pour France Télévisions, la diversification des ressources constituerait, d’une part, une source de financement pérenne pour le groupe public et serait, d’autre part, extrêmement bénéfique pour l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel.
I. LE FINANCEMENT ET LA VALORISATION DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE DOIVENT NÉCESSAIREMENT ÉVOLUER POUR RENOUVELER LE MODÈLE ÉCONOMIQUE
A. LE DISPOSITIF ACTUEL : UN SYSTÈME DÉSÉQUILIBRÉ ET COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES
Le financement de la production audiovisuelle par les diffuseurs représentait, en 2013, 828,9 millions d’euros, dont plus de la moitié provenant de France Télévisions.
Il existe trois autres sources de financement pour les producteurs :
– le compte de soutien CNC comprenant 240,1 millions d’euros d’aides en 2013 ;
– le financement des collectivités locales, soit 24,3 millions d’euros en 2014 ;
– le crédit d’impôt audiovisuel, dont le montant total accordé s’élève à 417,7 millions d’euros par an (82).
Avec près de 1,5 milliard d’euros d’aides injectés chaque année dans le circuit de la production, ce système de financement constitue le plus important programme de soutien à la production audiovisuelle en Europe (83). Toutefois, ce mécanisme piloté par l’État et particulièrement favorable aux producteurs n’a pas permis de structurer la filière de production française, éclatée et dépendante.
La réglementation complexe qui oblige notamment les chaînes de télévision à orienter une part substantielle de leurs investissements vers la production patrimoniale indépendante (84) constitue un frein supplémentaire à la structuration du secteur et envenime les relations entre producteurs et distributeurs. Elle doit donc être revue et assouplie.
1. Un système piloté par l’État et favorable aux producteurs
a. Le modèle économique d’un groupe de production
Le modèle de production français est celui de la production déléguée : l’entreprise de production est indépendante des diffuseurs et prend l’initiative et la responsabilité du projet. Le producteur détient in fine la propriété et les droits sur les œuvres produites.
Le modèle économique de la télévision
1.– Période de recherche et développement : recrutement d’un producteur, bureau, travail des auteurs.
Entre le recrutement et le premier euro de chiffre d’affaires, il faut d’après les producteurs compter quatre ans pour la fiction, cinq ans pour l’animation. Cette période comprend la période de dialogue avec la chaîne. Sur cinquante projets lancés, un seul fonctionne. Un projet validé nécessite un an de scénario et six mois de préparation.
2.– Entrée en production : couvrir les frais généraux de la structure
Plus le producteur investit d’argent dans le produit lors de la première saison, plus il a une chance que le diffuseur garde le produit. Pour une première saison, il y a un phénomène de surinvestissement (surinvestissement pendant la première et la deuxième saison, baisse des aides du CNC pendant la troisième saison, baisse des aides régionales pendant la quatrième saison).
Les deux premières années les équipes voient leur salaire bloqué. La troisième année les auteurs et les acteurs demandent une hausse de salaire si le programme fonctionne. En général, le producteur doit faire cinq saisons pour équilibrer les charges et les profits.
3.– Distribution
Il faut une quantité suffisante (trente à cinquante épisodes) pour distribuer l’œuvre. Au bout de la cinquième année, le producteur peut revendre les droits en France
Source : CNC, Évaluation des dispositifs de crédit d’impôt, octobre 2014.
Selon M. Christophe Nobileau, le directeur général délégué de Newen (85) auditionné par la mission d’information, la phase de développement est entièrement financée par le producteur. Par ailleurs, sur cent projets réalisés avec des auteurs, cinquante seraient abandonnés par le producteur (trop cher, etc.…), et cinquante seraient envoyés aux chaînes. Au final, seuls trois projets seraient retenus par les diffuseurs.
Selon la Cour des comptes, le diffuseur reste le principal financeur de l’œuvre, le producteur ne contribuant qu’à hauteur de 9 % sur le coût total de production d’une fiction (86), contrairement à l’Allemagne, au Royaume-Uni, à l’Espagne ou l’Italie où les éditeurs de service financent généralement l’intégralité du coût de production de l’œuvre. En contrepartie, les diffuseurs disposent d’une période d’exclusivité (variable suivant la part de financement de l’œuvre et la nature de la chaîne) pendant laquelle la chaîne peut organiser plusieurs diffusions de l’œuvre (87).
À l’issue de cette période d’exclusivité, les diffuseurs sont dans l’obligation de dépenser des sommes importantes en vue de récupérer les droits de diffusion de l’œuvre afin d’éviter qu’ils n’échoient à une autre chaîne. Ce système a été construit pour protéger les producteurs qui considèrent qu’il s’agit là du seul moyen d’équilibrer leurs coûts.
RÉPARTITION DU FINANCEMENT DES PROGRAMMES AUDIOVISUELS DE FICTION,
DE DOCUMENTAIRE ET D’ANIMATION EN 2012
(en pourcentages)
Fiction |
Documentaire |
Animation | |
Producteurs français |
9,0 |
15,8 |
20,7 |
Préventes en France |
0,8 |
0,1 |
3,0 |
Diffuseurs |
70,1 |
51,5 |
27,3 |
SOFICA |
0,1 |
0,1 |
1,6 |
CNC |
10,7 |
20,1 |
20,2 |
Coproductions étrangères |
4,9 |
3,5 |
12,8 |
Ventes et préventes à l’étranger |
9,2 |
5,5 |
33,4 |
Autres |
2,3 |
8,0 |
4,0 |
Source : Cour des comptes d’après données CNC. Les totaux dépassent 100 % car sont incluses les ventes à l’étranger, qui ne contribuent pas directement au financement de la production. Les œuvres de captation et recréation de spectacle vivant (14 % des heures aidées par le CNC) sont financées en moyenne à 35 % par le diffuseur, à 29 % par le CNC et à 26 % par le producteur.
b. Le modèle de financement de la production audiovisuelle
● Les obligations des diffuseurs : France Télévisions comme principal contributeur
Le système d’obligations imposées aux éditeurs de services, malgré une révision en 2010 (88), est marqué par son extrême complexité, qui varie en fonction de la nature du diffuseur et selon des cas spécifiques.
Les quotas de contribution à la production s’imposent aux chaînes qui consacrent plus de 20 % du temps annuel de diffusion à la diffusion d’œuvres audiovisuelles et à toutes celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 350 millions d’euros.
L’obligation d’investissement est assise sur le chiffre d’affaires net de l’exercice précédent pour les chaînes gratuites, auquel on applique des déductions réglementaires (frais de régie publicitaire, « taxe COSIP »89 etc…)
Deux types d’obligations, modulées en fonction des spécificités des diffuseurs existent :
– une obligation dite « globale » : contribution au développement de la production d’œuvres audiovisuelles, à laquelle on applique un sous-quota d’œuvres indépendantes (90) ;
– une obligation dite « patrimoniale » : contribution au développement de la production d’œuvres audiovisuelles patrimoniales, à laquelle on applique également un sous-quota d’œuvres indépendantes (91).
Les obligations d’investissement sont plus spécifiquement orientées vers les programmes audiovisuels présentant une dimension patrimoniale. Ainsi, les diffuseurs hertziens ont le choix entre deux régimes : soit une obligation globale d’investissement de 12,5 % du chiffre d’affaires dans la production audiovisuelle d’œuvres patrimoniales, soit un apport de 15 % du chiffre d’affaires dans la production audiovisuelle, avec un sous-quota en faveur des œuvres patrimoniales de 10,5 % (92).
Concernant les quotas de diffusion, les diffuseurs dont le chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent est égal ou supérieur à 350 millions d’euros doivent ainsi diffuser annuellement, en première partie de soirée, un minimum de 120 heures d’œuvres européennes ou d’expression originale française, avec un maximum de 25 % de rediffusion (93).
Le régime de contribution à la production, ainsi que le souligne la Cour des comptes, « loin d’être monolithique, (…) se traduit au contraire par une grande variété de situations, conduisant à une modulation du niveau des investissements en fonction des spécificités des diffuseurs » (94).
Si les chaînes de la TNT ont bénéficié de l’échelonnement de l’augmentation de leur niveau d’obligations jusqu’en 2015, tel n’est pas le cas de France Télévisions qui est soumise, en application de son cahier des charges, à un régime très contraignant. En effet, le groupe a l’obligation, depuis 2012, de contribuer à hauteur de 20 % minimum du chiffre d’affaires net de l’exercice précédent à des dépenses participant au développement de la production d’œuvres audiovisuelles européennes ou d’expression originale française. Par ailleurs, le contrat d’objectifs et de moyens (COM) fixe un minimum d’investissement en valeur absolue de 400 millions d’euros par an. Cette contribution doit être intégralement affectée à des œuvres patrimoniales et bénéficier à hauteur de 95 % à la production indépendante (95).
France Télévisions se révèle ainsi le principal financeur du secteur, fournissant plus de la moitié des investissements avec des apports ayant crû de 35 % en euros constants sur la période 2001-2012 (96).
ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS DES CHAÎNES DE TÉLÉVISION DANS LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE PATRIMONIALE ENTRE 2001 ET 2012
(millions d’euros courants)
2001 |
2006 |
2012 |
2001-2012 | |
Chaînes hertziennes gratuites (hors nouvelles chaînes TNT) |
516,2 |
674,2 |
650,0 |
26 % |
Chaînes payantes |
41,3 |
70,1 |
95,1 |
130 % |
Dont chaînes thématiques du câble et du satellite |
27,1 |
26,3 |
40,8 |
50 % |
Dont Canal + |
14,2 |
43,8 |
54,3 |
283 % |
Chaînes de la TNT créées après 2000 |
- |
4,3 |
31,6 |
- |
Services audiovisuels en lignes |
- |
- |
4,4 |
- |
Chaînes locales |
- |
8,0 |
16,4 |
- |
Total |
557,5 |
756,6 |
797,5 |
43 % |
Source : Cour des comptes d’après données CNC. la contribution des chaînes LCP et Public Sénat (930 000 euros en 2012) n’est pas prise en compte.
Afin de prendre en compte les évolutions générées par la montée en charge du numérique, le décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision permet désormais aux chaînes de comptabiliser les investissements réalisés dans des web-oeuvres au titre de leur contribution à la production audiovisuelle.
Le décret élargit ainsi les dépenses éligibles à celles portant sur des œuvres exploitées sur des services de communication au public en ligne sous réserve que ces œuvres soient éligibles aux aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée.
Enfin, afin de préserver et développer un tissu structuré de sociétés de production indépendantes des diffuseurs, ces derniers doivent investir en respectant des sous-quotas dits de « production indépendante » (97). Si en moyenne les chaînes hertziennes doivent consacrer 75 % de leurs commandes à des sociétés de production indépendantes, le taux, fixé par décret (98), varie (entre 60 % et 85 %) en fonction de la nature des œuvres (audiovisuelles ou patrimoniales), du type de service de télévision (terrestre/câble-satellite, cinéma/non cinéma) et du chiffre d’affaires de l’éditeur de services.
France Télévisions doit, pour sa part, consacrer 95 % de son obligation à la production indépendante et ne peut pas détenir de parts de coproduction sur les 5 % restant de production dépendante (99). Au final, France Télévisions n’utilise que 4 % environ de son quota pour la production dépendante.
La production indépendante est définie par les deux critères suivants (100) :
– l’éditeur ne détient pas, directement ou indirectement, de parts de producteur et ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l’œuvre et n’en garantit pas la bonne fin (lorsqu’il a financé une part substantielle du coût total de l’œuvre, il peut cependant dans certains cas détenir un droit sur les recettes d’exploitation dans des conditions précisées dans les conventions) ;
– l’éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 15 % du capital social ou des droits de vote de l’entreprise de production.
Ainsi, la production indépendante représente 86 % des œuvres audiovisuelles financées par les diffuseurs, soit 713 millions d’euros en 2013 (828,9 millions d’euros de dépenses de production déclarées au total en 2013). France Télévisions finance la production indépendante à hauteur de 386 millions d’euros, soit 54 % du volume total financé (101).
Arte n’est pas soumise à la réglementation française concernant les obligations d’investissement en matière de production audiovisuelle mais à la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007, dite « Services de médias audiovisuels ». Elle s’est engagée, dans son contrat d’objectifs et de moyens 2012-2016, à un certain niveau d’investissement qui peut être ajusté chaque année avec l’adoption du budget.
L’engagement d’Arte en faveur de la production cinématographique est formulé en valeur relative : conformément à l’indicateur 4 du contrat d’objectifs et de moyens, Arte doit investir 3,5 % de ses ressources budgétaires, engagement que la chaîne a respecté. Son soutien à la production audiovisuelle (coproductions et pré-achats) représente 108,11 millions d’euros.
Le niveau d’investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique a connu une progression importante en 2014 (+ 20 % depuis 2011), malgré la diminution de la ressource publique.
Quant à France Médias Monde, l’article 14 de son cahier des charges indique clairement que les services de télévisions « consacrent moins de 20 % de leur temps de diffusion à des œuvres audiovisuelles et ne sont par conséquent pas soumis aux obligations de production d’œuvres audiovisuelles ».
On note ainsi que les obligations diffèrent fondamentalement suivant les différents acteurs de l’audiovisuel public.
La fiction constitue toujours le genre le plus financé par les éditeurs de services : en 2013, elle représente près des deux tiers de la contribution globale à la production d’œuvres audiovisuelles avec 520,1 millions d’euros. Le documentaire représente 21 % des dépenses déclarées de production (171 millions d’euros), et l’animation arrive en troisième position avec une part de 7 %, soit 55,4 millions d’euros.
Or, sur ces trois genres, France Télévisions apparaît comme le premier financeur, avec un financement à chaque fois majoritaire : 260,6 millions d’euros pour la fiction (50 %), 91,6 millions d’euros pour le documentaire (54 %) et 28,8 millions d’euros pour l’animation (52 %). France Télévisions, principal contributeur au financement de la production audiovisuelle française est ainsi investi d’une mission toute particulière en vue de promouvoir la création française, ce qui ne semble pas toujours produire les effets escomptés.
In fine, les producteurs se voient fortement avantagés puisqu’ils bénéficient d’un soutien déterminant et quasiment automatique, en raison des obligations réglementaires notamment.
2. Les aides du Centre national du cinéma et de l’image animée
Créé par la loi du 25 octobre 1946, et réformé par l’ordonnance n° 2009-901 du 24 juillet 2009 relative à la partie législative du code du cinéma et de l’image animée, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture. Il dispose de la personnalité morale et est doté de l’autonomie financière. Il assure, sous l’autorité du ministre chargé de la culture, l’unité de conception et de mise en œuvre de la politique de l’État dans les domaines du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée, notamment ceux de l’audiovisuel, de la vidéo et du multimédia, dont le jeu vidéo.
a. Le financement du Centre national du cinéma et de l’image animée : un financement public auquel participent les diffuseurs
i. Trois taxes affectées pour un total de ressources publiques d’environ 700 millions d’euros en faveur de la production audiovisuelle
Le CNC gère les aides qui financent les aides au cinéma, à l’audiovisuel et au multimédia, pour l’essentiel grâce au produit de trois taxes qui lui sont directement affectées :
– la taxe spéciale additionnelle (TSA) sur les entrées en salles de cinéma correspond à 10,72 % du prix de chaque entrée. Une majoration de 50 % est appliquée pour les œuvres à caractère pornographique ou d’incitation à la violence ;
– la taxe sur les ventes et locations de vidéo (physique ou dématérialisée) correspond à 2 % du prix de vente (10 % sur les œuvres à caractère pornographique ou d’incitation à la violence) ;
– la taxe sur les services de télévision (TST) qui concerne le périmètre de la mission d’information puisqu’elle finance, entre autre, le COSIP (Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels). Elles se divisent en deux volets :
o pour les éditeurs de services de télévision (TST-E), la taxe est calculée en appliquant un taux de 5,5 % sur le chiffre d’affaires hors TVA (recettes de publicité et de parrainage, recettes liées aux appels surtaxés et SMS, contribution à l’audiovisuel public et dotations budgétaires) au-delà de 11 millions d’euros (16 millions d’euros pour les éditeurs ne bénéficiant pas de ressources publicitaires). Ce taux est majoré de 0,2 point pour les chaînes diffusant leurs programmes en HD,
o pour les distributeurs de services de télévision (TST-D), incluant les chaînes auto-distribuées, câblo-opérateurs, opérateurs satellitaires et opérateurs de télécommunication, la taxe est calculée au-delà de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires de l’activité audiovisuelle, selon un barème progressif comportant neuf tranches de 0,5 % à 3,5 %.
Le graphique ci-après illustre l’évolution du produit des taxes affectées au CNC depuis 2009 :
Source : données du CNC- Commission des finances.
Depuis 2011, on constate une baisse de rendement des taxes qui concerne en premier chef la TST. La TST-éditeurs pâtit du repli du marché publicitaire à la télévision depuis 2013 et la reprise qui se profile en 2014 ne permet pas, pour l’instant, d’augurer un retour aux niveaux de rendement constatés avant 2012. Le produit de la taxe vidéo et vidéo à la demande est en baisse constante depuis 2010, phénomène qui s’est accéléré depuis 2013, résultat de la décrue substantielle du chiffre d’affaires du secteur et en l’absence de relais de croissance. Entre 2010 et 2014, le produit de cette taxe a reculé de 15,3 %.
Les prélèvements du budget général sur les taxes affectées au CNC
Le montant total du produit versé au CNC n’a pas correspondu à deux reprises au produit effectivement recouvré. En effet, l’article 35 de la loi de finances pour 2011 a autorisé un prélèvement exceptionnel au profit du budget de l’État à hauteur de 20 millions d’euros du fait d’un rendement particulièrement important cette année-là (805 millions d’euros), tandis que l’article 46 de la loi de finances pour 2012 a mis en place un plafonnement ayant entraîné un écrêtement de la TST à hauteur de 49,96 millions d’euros.
Le produit de la TST due par les distributeurs connaît au contraire une nette reprise entre 2013 et 2014. Cette tendance à la hausse s’explique en partie par la réforme de l’assiette votée en loi en finances pour 2012. L’assiette a en effet été entendue puisque désormais « est également regardée comme distributeur de services de télévision toute personne proposant un accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision ». Cette disposition s’applique depuis le 1er janvier 2014.
Le CNC évalue le produit de la TST éditeurs pour 2015 à 274,27 millions d’euros, contre 266,7 millions d’euros l’an passé. La prévision est cependant fondée sur une hypothèse de recul global de l’assiette imposable des éditeurs historiques entre 2013 et 2014 (– 1,7 %) ainsi que des chaînes de la TNT gratuite (– 0,6 %), principalement en raison de la dégradation attendue du marché publicitaire en 2014. Dans ses prévisions 2015, le CNC évalue le produit total de la taxe à 475 millions d’euros, en recul de 100 millions d’euros par rapport à l’exécution 2012.
Le montant payé par le groupe France Télévisions au titre au titre du COSIP s’élève à 142,1 millions d’euros en 2012, 140,2 millions d’euros en 2013, 138,9 millions d’euros en 2014 et le montant provisionné à la dernière prévision 2015 est de 139,4 millions d’euros. La contribution du groupe audiovisuel public contribue donc de manière tendancielle à plus de 45 % du produit de la taxe et finance ainsi près de 50 % des aides destinées à la création et à la production de programmes audiovisuels, dont le montant total s’élève en 2014 à 240,1 millions d’euros.
La nature publique du financement des aides à la production audiovisuelle distribuée par le CNC, renforcée par la substantielle participation de l’audiovisuel public au paiement des taxes affectées, implique un contrôle étroit de l’efficacité de ces aides et de leur effet bénéfique sur la structuration du paysage audiovisuel français.
ii. La TST, une taxe dont l’assiette fait débat
Les groupes audiovisuels privés émettent des réserves quant au bien-fondé de leur assujettissement à la TST acquittée par les éditeurs. À titre d’exemple, le groupe TF1 demande la baisse de son taux au regard du faible retour dont il bénéficie. Le groupe a versé près de 80 millions d’euros par an au titre de la taxe, les aides du CNC perçues en 2013 pour les œuvres cinématographiques et audiovisuelles produites, via les filiales de TF1 ou des producteurs indépendants en préachat ou coproduction, s’étant élevées à 35,4 millions d’euros (44 % de la taxe acquittée). Cependant, il apparaît que l’objectif d’une taxe n’est pas de rémunérer un service, mais de permettre de financer des aides ventilées ensuite en fonction des besoins et des priorités. Il reste cependant que le CNC doit justifier de la bonne utilisation de ces fonds et de leur efficacité pour le secteur audiovisuel.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 novembre 2013 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société TF1 SA, relative à l’assiette de la TST appliquée aux diffuseurs. L’objet du contentieux est l’assiette de la TST telle que définie à l’article 302 bis KB du code général des impôts, recodifié à l’article L. 115-7 du code du cinéma et de l’image animée à compter du 1er janvier 2010.
Afin d’éviter les phénomènes d’optimisation fiscale par les groupes privés, le législateur avait prévu en 2004 d’élargir l’assiette de la taxe aux « sommes versées directement ou indirectement par les opérateurs de communications électroniques aux redevables concernés, ou à des personnes auxquelles ces redevables en ont confié l’encaissement, à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages qui sont liés à la diffusion de leurs programmes, à l’exception des programmes servant une grande cause nationale ou d’intérêt général ». En 2008, cette formulation a été encore élargie « aux personnes en assurant l’encaissement » car la constitution par les groupes de filiales spécifiquement en charge des produits et services interactifs liés au programme (notamment l’envoi de SMS dans le cadre des émissions de téléréalité) permettait aux revenus tirés de ces activités de ne pas entrer dans l’assiette de la taxe.
Le Conseil Constitutionnel a donné raison à TF1par sa décision en date du 6 septembre 2014, jugeant que cette rédaction revenait à taxer une tierce personne, méconnaissant le principe selon lequel « c’est à celui qui dispose d’un revenu de payer l’impôt assis sur ce revenu ».
Cette décision doit amener les pouvoirs publics à demeurer particulièrement attentifs à l’évolution des pratiques commerciales susceptibles de grever le rendement des taxes audiovisuelles, tout en s’assurant de la constitutionnalité des dispositions modifiées.
L’évolution de la taxe vidéo : quelle fiscalité pour les géants du web ?
L’une des principales évolutions envisagées est l’extension de l’assiette des taxes affectées au CNC aux acteurs internationaux qui tirent des recettes de l’audiovisuel français sans pour autant participer, par le biais d’une contribution fiscale, à la production audiovisuelle et cinématographique.
En effet, l’article 30 de la loi de finances rectificative pour 2013 avait étendu cette taxe aux entreprises qui ne sont pas établies sur le territoire français mais qui proposent, depuis l’étranger, des ventes ou locations d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques sous forme dématérialisée à destination des consommateurs français. Le même principe vaut pour la vidéo physique. Parmi ces entreprises figurent principalement Apple via son service iTunes et Google via son service Google Play. Amazon serait également concerné s’il lançait à destination de la France un service de vidéo à la demande (VàD).
La mise en application effective de ce dispositif est suspendue à son autorisation par la Commission européenne avec laquelle le Gouvernement est actuellement en discussion.
En second lieu, le Gouvernement a mis à l’étude l’extension la taxe précitée à la VàD gratuite, que les opérateurs soient établis en France ou à l’étranger afin d’appréhender l’ensemble des recettes tirées des services de VàD, gratuits ou payants. Ce projet part du constat que de nouveaux services disponibles sur le Web, tels que You Tube ou Dailymotion, reposent sur un financement par la publicité et le parrainage et se développent en offrant gratuitement l’accès à des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. De même, les services payants commercialisent leurs espaces publicitaires à travers les différents formats de publicité en ligne (bannières publicitaires, liens, vidéos, etc.). Or, contrairement aux services de télévision qu’ils viennent concurrencer, ces nouveaux services soit ne contribuent pas, soit ne contribuent que sur une part de leurs ressources, au financement de la création et de la diffusion des œuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Il est donc envisagé d’étendre le dispositif actuel de taxe sur la vidéo à la demande à l’ensemble des recettes de publicité et de parrainage générées par la diffusion gratuite et payante sous cette forme. Cette taxe s’appliquera quel que soit le modèle économique de vidéo à la demande – payant pour l’usager ou financé par la publicité et quel que soit le lieu d’établissement de l’opérateur. Rentreraient ainsi dans le champ des redevables tant les services de médias audiovisuels à la demande (comme iTunes) que les plateformes communautaires du type You Tube ou Dailymotion, dès lors qu’elles permettent d’accéder à des œuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Une contribution financière évaluée à 1 million d’euros en 2016 et 2017 pourraient être apportée aux dispositifs d’aides à la création et à la diffusion des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. D’abord modeste, elle devrait connaître une dynamique importante compte tenu des perspectives de développement des opérateurs concernés. Cependant, la taxation des géants du web relèvera principalement d’une évolution du cadre européen. La Commission européenne va ainsi ré-ouvrir la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) afin d’assurer une véritable équité de traitement entre tous les opérateurs et une contribution au financement de la création dans un contexte de transition numérique.
Dans le secteur de l’audiovisuel, l’action du CNC a pour objet de favoriser la production et la création d’œuvres audiovisuelles françaises et européennes destinées à être diffusées sur les chaînes de télévision et les nouveaux supports et d’aider au renouvellement des genres et des talents.
Ainsi, alors qu’en 1986 on imposait aux chaînes d’investir dans la production indépendante, a été créé le compte de soutien aux industries de programmes (COSIP), fonds qui regroupe les aides allouées par le CNC. Ces aides sont versées au producteur délégué – dont l’entreprise de production est établie en France – qui prend en charge ou partage l’initiative du projet, qui assure la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation d’une œuvre audiovisuelle originale et en garantit la bonne fin.
Ces aides visent :
– le soutien économique à l’industrie de programmes, essentiellement grâce aux aides dites « automatiques » (69,6 % du total des aides en 2014) attribuées aux entreprises ayant produit des œuvres agréées par le CNC comme œuvres de référence diffusées au cours de l’année précédente et bénéficiant d’un apport important d’un diffuseur français (102) ;
– la diversification de la production et de la création audiovisuelles via des aides dites « sélectives » (12,8 % du total des aides en 2014) allouées aux sociétés de production ne disposant pas de compte automatique, versé sur avis d’une commission composée de professionnels.
À ces aides, s’ajoutent des avances (17,7 % du total des aides en 2014)
– dites « subvention de réinvestissement complémentaire » – pour les sociétés disposant d’un compte automatique, mais dont le montant est insuffisant pour financer le réinvestissement dans une nouvelle production (103).
Il convient de noter que toutes les productions audiovisuelles ne sont pas éligibles au COSIP. Ainsi, les programmes de flux et les sketchs ne bénéficient d’aucune aide du CNC (104). Le magazine peut prétendre uniquement à une aide sélective et seulement s’il présente un intérêt culturel. La vidéomusique peut se voir attribuer une prime à la qualité. Pour être éligibles, ces œuvres doivent être réalisées essentiellement avec le concours d’auteurs, d’acteurs principaux, de techniciens collaborateurs de création français, ou ressortissants de pays européens, et d’industries techniques établies dans ces mêmes pays.
Pour bénéficier des aides du COSIP, une œuvre doit faire l’objet d’une participation financière sous forme de pré-achat et, le cas échéant, de coproduction d’un ou plusieurs diffuseurs français à hauteur d’au moins 25 % de la part française.
En 2014, le montant des aides allouées par le CNC à la production de programmes audiovisuels s’élève à 221,6 millions d’euros (– 10,5 % par rapport à 2013), l’ensemble des aides en faveur des programmes audiovisuels - aides à la création comprises – s’élevant à 240 millions d’euros cette même année. Le documentaire demeure le genre le plus subventionné.
AIDES À LA PRODUCTION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE (*)
(en millions d’euros)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 | |
Fiction |
69,6 |
77,0 |
73,1 |
80,6 |
68,4 |
Documentaire |
74,4 |
80,2 |
87,9 |
95,6 |
80,1 |
Animation |
38,5 |
43,4 |
38,1 |
38,2 |
35,2 |
Spectacle vivant |
22,6 |
24,3 |
26,5 |
29,3 |
35,2 |
Magazine d’intérêt culturel |
3,8 |
4,3 |
4,0 |
3,9 |
2,7 |
Total |
209,0 |
229,1 |
229,7 |
247,7 |
221,6 |
(*) Y compris les compléments de subvention et les aides au titre du « web COSIP » hors aides à la production de fonds d’aide à la création pour les nouveaux médias.
Source : CNC, la production audiovisuelle aidée en 2014.
Les aides automatiques reculent de 8,8 % pour atteindre 149,8 millions d’euros. Le documentaire demeure le genre le plus subventionné (40 % des aides automatiques totales) même si les aides diminuent de 6,9 % à 59,8 millions d’euros. Les aides allouées à la fiction, d’un montant de 45,7 millions d’euros, sont en baisse de 16,5 % par rapport à 2013. Le poids du genre dans le total des aides automatiques décroît à 30,5 % contre 33,3 % en 2013. En 2014, l’animation mobilise 11,8 % des aides automatiques.
Les aides sélectives progressent de 20,6 % par rapport à 2013 et atteignent 27,5 millions d’euros. Le documentaire reste le premier genre bénéficiaire de ces aides, captant 30,5 % du total en 2014 (8,4 millions d’euros, soit un niveau équivalent à 2013). La part de la fiction dans le total des aides sélectives progresse de 12,2 points pour atteindre 29,5 %. L’animation mobilise 27,8 % du soutien sélectif accordé en 2014 soit 7,6 millions d’euros, en hausse de 31,0 % par rapport à 2013.
Les avances diminuent de 17,9 % en 2014 à 38,1 millions d’euros. Avec 38,4 % des avances totales de 2014, la fiction redevient le premier genre bénéficiaire de ces avances (105).
La Cour des comptes critique le système des aides automatiques qui n’a pas réussi, selon elle, à structurer le secteur de production puisqu’il perpétue le mode de relation diffuseur/producteur : ces aides « accentuent, la structure de commande des diffuseurs, et bénéficient indifféremment à tout producteur obtenant un nombre suffisant de commandes » (106).
c. Les réformes du soutien à la production audiovisuelle
De récentes réformes du soutien automatique audiovisuel sont intervenues, afin d’adapter ce dernier aux évolutions du secteur.
Ainsi, le soutien automatique audiovisuel a été étendu aux productions financées exclusivement par un site web ou un diffuseur Internet sans diffuseur télévisuel (107). Le « web COSIP » étend le soutien automatique aux productions financées par une plateforme Internet sans diffuseur télévisé. Il vise à accompagner le développement et la production d’œuvres patrimoniales audiovisuelles sur Internet. Les producteurs disposant d’un compte automatique audiovisuel peuvent le réinvestir dans des œuvres audiovisuelles préachetées par une ou plusieurs plates-formes Internet seules, selon des modalités proches de celles des projets déjà aidés, à partir du même compte de soutien du producteur et pour les mêmes genres audiovisuels éligibles.
D’autre part, un arrêté du 20 avril 2012 a modifié les conditions du soutien du CNC à la fiction, de manière à apporter davantage de soutien aux premières saisons de tous les formats de série, quels que soient le diffuseur et la case de diffusion.
Par ailleurs, de 2011 à 2013, dans le cadre du plan exceptionnel d’investissement en faveur du numérique, la dotation du soutien automatique à la production audiovisuelle a été renforcée afin d’accompagner le développement des programmes sur les réseaux numériques, notamment du fait de la montée en puissance des chaînes de la TNT qui multiplient la diffusion d’œuvres audiovisuelles et commencent à investir de manière conséquente dans des programmes de stock originaux conformément à leurs nouvelles obligations.
Ces évolutions vont dans le sens des nouvelles pratiques héritées du tournant numérique et démontrent une bonne capacité d’adaptation des mécanismes de soutiens publics.
Une aide supplémentaire à la production audiovisuelle : le crédit d’impôt audiovisuel
Le crédit d’impôt audiovisuel (CIA) a été créé en 2005. Il permet à une société de production de déduire de son imposition une partie de ses dépenses de production. Entre 2005 et 2013, seulement 25,5 % des œuvres audiovisuelles aidées par le CNC ont bénéficié du crédit d’impôt qui constitue une source de financement complémentaire pour les producteurs. Peuvent bénéficier du crédit d’impôt audiovisuel, les œuvres remplissant les conditions d’accès au soutien financier à la production audiovisuelle du CNC et contribuant au développement de la création audiovisuelle française et européenne ainsi qu’à sa diversité.
Pour être éligible, une œuvre doit représenter une durée minimale et un coût horaire minimal qui varie selon les genres : une durée minimale de 45 minutes et un coût minimal de 5 000 euros par minute produite pour la fiction, une durée minimale de 24 minutes et un coût minimal de 3 000 euros par minute produite pour la fiction jeunesse ou l’animation, une durée minimale de 24 minutes et un montant minimal de dépenses éligibles de 2 000 euros par minute produite pour le documentaire.
Le crédit d’impôt audiovisuel s’élève à 20 % du montant total des dépenses éligibles. Le montant total des aides publiques accordées au titre de la production d’une œuvre audiovisuelle, crédit d’impôt inclus, ne peut excéder 50 % du coût définitif de production de cette œuvre. Son plafond varie en fonction des genres : 1 250 euros par minute pour la fiction, 1 300 millions d’euros pour l’animation, 1 150 millions d’euros pour le documentaire. Ces plafonds ont été relevés depuis le 1er janvier 2013 et le périmètre des dépenses éligibles a également été élargi aux rémunérations des artistes de complément, dépenses d’effets spéciaux, dépenses de transport, etc.
Enfin, face à l’essor de plusieurs séries majeures à ambition internationale tournées à l’étranger, en langue étrangère, dans le cadre de co-productions internationales comme Les Borgia, XIII ou Crossing Lines, le dispositif a été aménagé pour en faire bénéficier ce type d’œuvres sous certaines conditions et inciter leurs producteurs à les tourner en France.
Le montant total de crédit d’impôt attribué en 2013 s’établit à 61 millions d’euros. Cette moyenne cache toutefois des disparités importantes selon les genres. En 2013, la part des œuvres ayant bénéficié du crédit d’impôt audiovisuel s’élève ainsi à 78 % pour la fiction, à 68 % pour l’animation et à 10 % pour le documentaire.
Le crédit d’impôt audiovisuel a eu un effet relocalisant marqué sur les tournages de fiction télévisuelle. Le cas de la série Versailles illustre bien l’impact de ces mesures sur la localisation des tournages de fictions. Compte tenu de l’ampleur du budget, ses producteurs avaient initialement prévu de réaliser le tournage en République tchèque pour bénéficier des coûts réduits (salaires, studios, décors naturels) et du crédit d’impôt en vigueur dans ce pays. L’ouverture du crédit d’impôt aux œuvres tournées en langue anglaise leur a permis de réviser leur choix et de tourner finalement la série sur le territoire français. Le tournage réalisé à l’été 2014 a employé une centaine de personnes pendant six semaines.
Enfin, le CNC note que le crédit d’impôt a un effet bénéfique sur les finances de l’État puisque les recettes de l’État associées à ces dépenses sont estimées à 219 millions d’euros en 2013. Par ailleurs, le crédit d’impôt audiovisuel constitue une solution alternative à ces coproductions et a pour effet de réduire la nécessité de financements étrangers.
Source : CNC, Évaluation des dispositifs de crédit d’impôt, octobre 2014.
3. Les aides des collectivités locales
En 2014, quarante-cinq collectivités territoriales (108) ont mené des politiques de soutien au cinéma et à l’audiovisuel. Trente-quatre collectivités gèrent et attribuent administrativement les aides dans le cadre d’une mission ou d’un secteur au sein de leur direction de la culture. Pour quatre collectivités, le fonds d’aide est géré au sein d’une structure extérieure (associations, sociétés anonymes, établissement public de coopération culturelle). Six collectivités gèrent le fonds d’aide en interne, tout en s’appuyant sur des structures extérieures spécialisées dans le secteur (109).
La répartition des investissements des collectivités territoriales entre production cinématographique et audiovisuelle est en passe d’être modifiée. Avec une baisse de près de 5,4 % des montants alloués au cinéma et une hausse de 2,4 % pour l’audiovisuel, le ratio des investissements entre ces deux grandes catégories évolue : 58 % pour le cinéma et 42 % pour l’audiovisuel (60 % pour le cinéma en 2013 et 40 % en faveur de l’audiovisuel).
Au total, 24,3 millions d’euros sont alloués par les collectivités territoriales à la production audiovisuelle. Après avoir enregistré une baisse en 2013 (– 5,8 %), ces crédits connaissent une progression de 2,4 % (110).
Le soutien à la production audiovisuelle est principalement orienté vers la fiction qui progresse de 7 % pour atteindre un montant d’aides de 9,3 millions d’euros.
Parmi les crédits de l’audiovisuel, le documentaire et, dans une moindre mesure, l’animation ont vu leurs crédits baisser en 2014 (respectivement de 9 % et de 1,8 % par rapport à 2013). En effet, concernant le documentaire, trente-quatre collectivités locales (contre trente-six en 2013) ont financé ce genre et seules 617 aides ont été distribuées, contre 673 en 2013. Toutefois, la moyenne des aides accordées est stable (15 191 euros au lieu de 15 319 euros).
Le nombre d’aides distribuées à l’animation augmente de près de 20 % alors que les crédits sont en baisse de 1,8 %, pour un total de 3,75 millions d’euros, impliquant une forte baisse cette année du montant des aides (– 18 %) passant de 53 730 à 44 087 euros.
4. L’échec du système de financement de la production
a. La fragmentation de la production audiovisuelle affaiblit le secteur audiovisuel
Le financement de la production audiovisuelle est principalement le fait des chaînes de télévision, dont les investissements sont orientés conformément aux obligations réglementaires, et du CNC, à l’exception de l’animation. Le plan de financement des programmes audiovisuels de fiction et de documentaire repose ainsi, à plus de 50 %, sur les investissements des chaînes de télévision. Ajoutées aux aides du CNC, ces sommes représentent entre 70 % et 80 % des plans de financement (111).
Les investissements des chaînes de télévision couplées aux aides publiques du CNC (260 millions d’euros) et des collectivités locales (22 millions d’euros) constituent le plus important dispositif d’aide à la production audiovisuelle en Europe (112).
Or, ce dispositif de soutien n’a pas conduit à une structuration économique de la production audiovisuelle française, qui apparaît atomisée contrairement à nos voisins européens (on en dénombre 300 en Allemagne) (113). Aux États-Unis, selon le CSA, « les six principaux studios de production de séries, filiales des majors du cinéma, concentrent près de 90 % du marché » (114).
En effet, d’après les données récentes publiées par l’Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Île-de-France (115), le nombre d’entreprises de production de films et de programmes pour la télévision continue d’augmenter (+ 37 % depuis 2007). C’est dans le secteur documentaire que ce phénomène d’atomisation semble le plus développé : le nombre d’entreprises de production actives y était de 610 en 2012 d’après le CNC (contre 491 en 2005), dont 596 producteurs indépendants totalisant près de 90 % du volume de documentaires aidés (116).
NOMBRE D’ENTREPRISES DE PRODUCTION* EN FRANCE
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Évolution 2007-2014 | |
Sociétés de production de films et de programmes pour la télévision en Île-de-France |
1 259 |
1 376 |
1 497 |
1 577 |
1 676 |
1 739 |
1 800 |
1 755 |
+ 39,4 % |
Sociétés de production de films et de programmes pour la télévision dans les autres régions |
446 |
473 |
523 |
541 |
563 |
574 |
570 |
584 |
+ 30,9 % |
Total |
1 705 |
1 819 |
2 020 |
2 118 |
2 239 |
2 313 |
2 370 |
2 339 |
+ 37,2 % |
(*) cotisantes auprès d’Audiens en retraite ARRCO et/ou AGIRC.
Source : Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Île-de-France, avril 2015.
Il convient de souligner que selon l’institut qui procède au recensement, ce chiffre est variable. Ainsi, l’INSEE recensait en 2014 près de 5 000 sociétés de production (117).
Le rapport de l’Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Île-de-France note que les entreprises de production audiovisuelle et cinématographique se rapprochent du modèle dit des « entreprises intermittentes » c’est-à-dire d’entreprises qui, au lieu de connaître une croissance régulière, ont un « développement erratique et sont donc dans l’impossibilité de se structurer dans la durée » (118). Le marché international paraît donc fermé, ces entreprises étant incapables de capitaliser leur expérience de production via la constitution de catalogues, ou de projets permettant d’accéder aux préfinancements et aux coproductions.
Toutefois, on note en 2014 qu’en Île-de-France, le nombre d’entreprises dans le secteur audiovisuel a baissé de 2,5 %. Cette consolidation serait liée à la réorganisation du secteur avec le développement de groupes plus concentrés ayant accès au marché international. Tel est le cas des deux entreprises « leaders » de la production de fiction, les groupes Lagardère et Newen qui affichent leurs ambitions dans le domaine des séries en langue anglaise avec respectivement Les Borgia et Versailles. Ces projets, qui constituent des paris risqués, représentent également des leviers pour accéder au marché international et favorisent l’agrégation de nouveaux talents en intégrant des entreprises porteuses de projets spécifiques mais trop petites pour les développer à l’international.
Ainsi, le monde de la production tend progressivement à se scinder entre des entreprises qui disposent d’une activité régulière et en croissance s’inscrivant dans une logique industrielle et des entreprises « intermittentes » qui ne peuvent capitaliser leur expérience au niveau international. Les vingt plus grosses entreprises dans le secteur de la production audiovisuelle cumulent ainsi le quart de l’activité.
Le système de financement de la production française, « entièrement fondé sur les œuvres et peu impliqué dans le devenir des entreprises » (119), favorise cette atomisation. La Cour des comptes considère que les aides du CNC ont un « effet ambivalent sur la structuration économique du secteur » (120). Le dispositif de soutien automatique ne semble pas renforcer la consolidation du tissu productif, tandis que le système d’allocation d’aides sélectives semble favoriser l’émergence de nouvelles sociétés. Ainsi, entre 2007 et 2012, la croissance du volume de soutien automatique versé aux sociétés de production (+ 26 %) a été plus forte que l’augmentation du nombre de sociétés bénéficiaires (+ 17 %). Néanmoins, entre 2001 et 2012, la part de soutien automatique notifiée aux dix premières sociétés a diminué.
Par ailleurs, il apparaît que France Télévisions contribue fortement à cette dispersion. En effet, en 2013, le groupe a déclaré avoir passé commande auprès de 343 entreprises de production. Près de la moitié de ces entreprises ont produit exclusivement pour le groupe et, parmi elles, 87 % sont des entreprises qui n’appartiennent pas à un groupe (121). Cette situation participe donc clairement à la multiplication des entreprises de production. Cependant, le groupe ne disposant que d’un seul droit de diffusion - et ce, pour une durée limitée – il souhaite légitimement se procurer des programmes à des coûts moins élevés. À titre de comparaison, pour la période 2013/2014, la BBC a travaillé avec 230 entreprises de production (122).
Enfin, la réglementation actuellement en vigueur a contribué fortement à cette atomisation. La fixation d’un quota de production indépendante a contribué à faire émerger les petits acteurs et à retarder la constitution de groupes solides. De même, l’absence de partage des droits entre les producteurs et les diffuseurs n’incite pas ces derniers à prendre des risques et multiplie les entreprises de production. Ainsi, il convient très clairement de sortir de l’antagonisme diffuseurs/producteurs, particulièrement contre-productif, qui assure aux producteurs une « rente » tout en les enfermant dans une dépendance marquée par rapport aux diffuseurs. Ces derniers, qui devraient être amenés à prendre davantage de risques pour valoriser la production audiovisuelle et favoriser son exportation doivent être intéressés à l’œuvre audiovisuelle – notamment sa seconde vie après diffusion – et se détacher de la volonté de générer de l’audience à tout prix en privilégiant des formats « classiques » mais peu attractifs à l’étranger. Les producteurs doivent, de leur côté, être à même d’enrichir leur catalogue et de le rendre le plus attrayant possible. Le décret du 27 avril 2015 (123) constitue une première étape vers un rééquilibrage de la situation au profit des diffuseurs, en prévoyant notamment la détention pour le diffuseur de(s) part(s) de producteur, s’il a financé au moins 70 % du devis de production de l’œuvre ainsi que l’encadrement de la détention des droits secondaires et des mandats de commercialisation que peuvent détenir les diffuseurs en conséquence. Toutefois, ce décret ne va pas assez loin dans ce mouvement de répartition et doit être amélioré.
b. Le documentaire : le premier genre en volume
Les entreprises de production de documentaires sont les plus nombreuses dans le tissu productif français, représentant 72,3 % des entreprises de production de programmes audiovisuels de stock. Le CNC en dénombrait ainsi 610 actives en 2012, leur nombre ayant augmenté de 12,9 % en dix ans.
Selon M. Benoît Danard, directeur des études, des statistiques et de la prospective du CNC, cette profusion s’explique tout d’abord par le volume particulièrement important de commandes des chaînes puisque, en 2014, 23 101 heures de documentaires ont été diffusés sur les chaînes nationales gratuites (124) selon Médiamétrie. Ainsi, près d’un tiers des producteurs de documentaires, ont un contrat avec France Télévisions. La part du documentaire dans l’offre de programmes de l’ensemble des chaînes nationales gratuites atteint 14,7 % en 2014, contre 11,5 % en 2013, notamment en raison de l’intégration de RMC Découverte. Le documentaire est ainsi le premier genre de programmes de stock en volume.
Quasiment toutes les chaînes (125) financent massivement ce genre car grâce à sa diversité de formats et de sujets, le documentaire s’adapte à leurs besoins. Ainsi, plus le nombre de chaînes croît – ce qui est le cas avec l’étoffement de chaînes gratuites via la TNT – plus le genre est financé.
Les frais de production étant peu onéreux, il présente aussi un intérêt économique : en 2012, une heure de documentaire coûte 150 000 euros, en moyenne. La forte croissance des volumes produits dans le documentaire résulte ainsi de l’arbitrage réalisé par les chaînes de télévision privées en vue d’optimiser la contrainte d’investissement qui pèse sur elles.
De même, le documentaire est le genre qui reçoit le plus de financements de la part du CNC et dont la part de subventions n’a fait que croître ces dernières années (+ 7,7 % entre 2010 et 2014). Cette évolution est à mettre en corrélation avec une acception du genre étendue, en raison des interprétations larges des œuvres éligibles au COSIP (126), qui prend dorénavant en compte des programmes qui comportent une dimension de divertissement. C’est le cas d’émissions telles que Tellement vrai – Les excès de la chirurgie esthétique en 2011 sur la chaîne NRJ12 ou encore Parent solo cherche l’amour, en 2011 sur M6 (127). En 2014, le documentaire de société représente 44 % de la consommation de documentaires sur les chaînes nationales gratuites (128) et 58 % du volume total des documentaires aidés en 2012 par le CNC (129).
Toutefois, ce genre paraît soutenu de manière trop importante au regard de l’audience qui lui est associée. En effet, en 2014, les téléspectateurs âgés de 4 ans et plus consacrent 7,5 % de leur temps d’écoute au genre documentaire sur les chaînes nationales gratuites (130).
Selon Médiamétrie, en 2013, les téléspectateurs consacrent en moyenne chacun plus de 33 heures au genre documentaire. Le documentaire se place après la fiction (24,7 %), les magazines (19 %), les journaux télévisés (11,3 %) et les jeux (10,4 %), et devant le cinéma à la télévision. Rares sont les chaînes qui diffusent un documentaire en prime time (première partie de soirée) : seulement 3 % des 6 600 heures de documentaires programmées sont proposées à une heure de grande écoute et l’offre documentaire, pour ce carrefour, représente 7,7 % de l’ensemble des genres proposés.
Même si la qualité de la production française est indéniable puisqu’en 2014, les cinq meilleures audiences sont toutes réalisées par des programmes français (131), le documentaire ne doit pas incarner la facilité dans la contrainte d’investissement, d’autant que l’acception – trop large – du genre ne permet plus de garantir et promouvoir sa plus-value culturelle.
À ce titre, la réforme mise en œuvre en septembre 2014 par le CNC se révèle intéressante et devrait contribuer à remédier à cette situation. Ainsi, à la suite d’une concertation de plus de dix-huit mois menée avec auteurs, producteurs et diffuseurs, le CNC a mis en œuvre une réforme du documentaire audiovisuel dès septembre 2014. Les bases de calcul du soutien seront modifiées afin de le recentrer sur les programmes les plus ambitieux et créatifs. Les documentaires scientifiques et historiques font ainsi l’objet d’une majoration de leur soutien.
c. Un modèle qui devient plus compétitif à l’export
Contrairement au constat négatif dressé par certains interlocuteurs lors des auditions de la mission d’information qui dénonçaient un système peu performant à l’export, l’année 2014 vient démentir cette tendance. Elle constitue même un record historique des ventes de programmes audiovisuels français à l’étranger qui augmentent de 12,1 % pour atteindre 153,8 millions d’euros, soit le plus haut niveau jamais observé. Au total, les exportations (ventes et préventes) sont en progression de 17,1 % représentant ainsi 210,3 millions d’euros ce qui constitue un record (132). À titre de comparaison, au Royaume-Uni, les exportations (ventes et préventes) représentent 778 millions d’euros.
L’intérêt pour les programmes audiovisuels français se confirme Outre-Atlantique et en Europe de l’Ouest. Au-delà de l’animation, la fiction et le documentaire se sont taillés une place de choix dans les exportations.
La Cour des comptes dénonçait l’an passé l’évolution à la baisse des ventes internationales de programmes audiovisuels depuis 2000, malgré une légère reprise depuis 2009, les ventes passant de 129 à 105 millions d’euros au cours de la décennie, les préventes de 48 à 31 millions d’euros et les coproductions de 122 à 63 millions d’euros. La Cour regrettait notamment que la fiction présente des résultats à l’export décevants, alors même que le genre concentre les investissements les plus importants. L’animation et le documentaire représentent, en revanche, chaque année au moins la moitié du chiffre d’affaires de l’exportation (133).
L’année 2014 marque un tournant même s’il semble délicat de considérer, à ce stade, qu’il s’agit d’une inflexion durable du marché. La croissance des ventes de programmes français à l’étranger est soutenue par la fiction qui s’impose devant le documentaire comme deuxième genre le plus vendu avec un record de 38,9 millions d’euros. L’Europe de l’Ouest est à l’origine de plus de la moitié des recettes d’exportation, confirmant une tendance amorcée en 2013. Dorénavant, l’Amérique du Nord manifeste également un vif intérêt pour l’audiovisuel français puisque les ventes atteignent leur plus haut niveau historique grâce à une hausse de 34,2 %. Les investissements massifs des chaînes historiques et la hausse des tarifs proposée par les chaînes de la TNT, soumises à une concurrence accrue ont contribué à cette croissance globale. Les chaînes payantes contribuent également à la performance constatée à laquelle s’ajoutent les plateformes de vidéo à la demande, qui s’imposent progressivement comme un relais de croissance pour les exportateurs français.
Alors même que la fiction française est souvent critiquée pour son manque de créativité et d’attractivité, les ventes de fiction française à l’international enregistrent une forte progression (+ 49,3 %) pour la quatrième année consécutive. Après une année 2013 particulièrement favorable, 2014 confirme l’intérêt des pays étrangers pour la fiction française. Un phénomène particulièrement intéressant est que dorénavant, les pays anglo-saxons (Royaume-Uni et États-Unis) ou la Scandinavie, traditionnellement hermétiques et disposant d’une production de fiction locale très importante, s’intéressent désormais à la France, ainsi que l’illustre la vente de la série Les Témoins aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Norvège. L’Europe de l’Ouest confirme son statut de première zone d’exportation de fiction française avec une part de 60,5 % en 2014 (134). Succès également pour la série Versailles, commandée par Canal+ qui a apporté un tiers du financement et coproduit par Zodiak Fiction, Capa Drama, et le canadien Incendo, dont les droits ont été acquis par BBC Two fin août.
Le CNC note une évolution très positive dans la production de fiction française, considérant que « les programmes français ont su monter en gamme dans leur conception et leur réalisation et proposer des séries ancrées dans la réalité française tout en restant universelles » (135). Cette appréciation laisse ainsi présager que la fiction répond dorénavant davantage à la demande internationale et que producteurs et diffuseurs commencent à réagir aux critiques répétées concernant le manque de risque et de créativité de la fiction française. La difficulté tenant au format (de 90 minutes, trop long) qui constituait un obstacle à l’exportation semble être en passe d’être levée : dorénavant, le 52 minutes est le premier format de fiction (33,4 % des heures aidées), devant le 26 minutes (23,8 %), le 90 minutes (23,3 %) et le format court (19,5 %) (136). La barrière de la langue semble aussi être levée, étant donné que, d’une part les États-Unis, réputés pour être réticents au sous-titrage, augmentent leur consommation de séries française et que, d’autre part, des séries françaises commencent à être réalisées en anglais (à l’instar de Versailles).
Toutefois, si cette progression est louable, il convient de souligner que la France se situe loin derrière les principaux exportateurs de fiction que sont la Turquie (36 % des séries importées et 150 millions de dollars de recettes), les États-Unis (32 %) et la Corée du Sud (13 %) (137).
À l’instar de la tendance positive touchant la fiction, les ventes de documentaires français à l’international augmentent de 13,2 % pour atteindre 34,9 millions d’euros en 2014. Le genre capte ainsi 22,7 % des recettes. Les documentaires d’investigation et scientifiques sont ainsi les plus vendus.
En revanche, après cinq années de hausse consécutive, les ventes de programmes français d’animation à l’étranger diminuent (– 3,9 % par rapport à 2013). La part du genre atteint 29,3 % des ventes totales. Bien qu’en baisse, le niveau de chiffre d’affaires de l’animation française reste à son deuxième meilleur niveau depuis dix ans baisse le record de l’année 2013. La diminution des ventes est due à la baisse du volume de production en 2014 ainsi qu’à la multiplication des canaux de diffusion, notamment avec le lancement de chaînes thématiques en Amérique latine et en Asie du Sud Est.
De même, les apports étrangers en coproduction dans la production française sont en diminution pour la troisième année consécutive à 56,3 millions d’euros (– 18,9 %), en raison de la baisse des apports en coproduction de l’Europe de l’Ouest.
5. La BBC : un système de soutien à la production efficace
La British Broadcast Company (BBC) constitue une entreprise unique tant par la taille du groupe audiovisuel – le plus important au monde – qui compte en 2015, 21 000 salariés (138) (activités commerciales et internationales incluses) (139), que par l’intégration de l’ensemble des activités de l’audiovisuel public (télévisions (140) et radios (141) de service public, audiovisuel extérieur, télévision de rattrapage et sites Internet).
Une autre particularité du système britannique est son système de financement. Les chaînes de télévision ne diffusent aucune publicité. Seules la redevance audiovisuelle et les recettes commerciales financent le groupe.
La redevance constitue un peu plus de la moitié des ressources du groupe. Elle s’élève à 145,50 livres (soit 200 euros) et a rapporté en 2013-2014, 3,7 milliards de livres (142).
a. Un système de production unique
L’une des originalités de l’audiovisuel public britannique réside dans la mise en œuvre d’un système de production interne qui assure des recettes importantes au groupe.
La production audiovisuelle de la BBC est soumise à un certain nombre de quotas et d’objectifs réglementaires, fixés à la fois dans le Communications Act 2003 et l’accord-cadre de la BBC.
Le Communications Act 2003 oblige la BBC à commander 25 % de ses programmes à des producteurs indépendants tandis que 50 % des contenus doivent être produits en interne (« in-house »). Quant à BBC Online, la plateforme Internet regroupant les différents sites web du groupe et proposant des programmes de radio et de télévision à la demande, elle est soumise à l’obligation de se procurer 25 % de ses programmes auprès de fournisseurs externes. La part de 30 % a été atteinte en 2013/2014. Le but de la politique de quotas de productions indépendantes était triple : promouvoir la diversité culturelle, stimuler la croissance des petites et moyennes entreprises et lutter contre l’intégration verticale au sein du marché de fournisseur de programmes au Royaume-Uni (143).
Le reliquat – appelé Window of Creative Competition (WoCC) – de 25 %, fait l’objet d’une compétition entre la BBC et les producteurs indépendants. Introduit en 2007, le WoCC a été créé pour stimuler la concurrence entre la production interne de la BBC et les producteurs indépendants en leur permettant de concourir dans un contexte où le meilleur concept serait retenu, peu importe son origine. Ce processus de compétition a été évalué comme juste et indépendant (144).
BBC Trust est l’instance chargée d’évaluer que la BBC respecte bien ses quotas et objectifs. Cet organisme a constaté qu’en 2011/2012, seulement 39 % des commandes de la BBC ont été faites aux producteurs indépendants alors que le groupe audiovisuel produisait, en interne, 54 % des programmes diffusés. Concernant le WoCC, en revanche, durant cette même période, 87 % de la mise en concurrence a profité aux producteurs indépendants (redescendant à 74 % en 2013/2014).
Au cours des dernières décennies, la croissance du secteur de la production télévisuelle indépendante du Royaume-Uni a été impressionnante : en 2013, plus de 4 milliards d’euros ont été reversés à l’économie britannique. La mise en place des quotas et l’accord commercial entre le service public audiovisuel et les producteurs indépendants ont contribué à ce succès (145). Les producteurs indépendants ont construit une solide feuille de route en gagnant les commandes de la BBC et en lui proposant des contenus de haute qualité. La BBC demeure ainsi le plus gros acheteur de ces programmes, commandant près d’un quart de la production indépendante au Royaume-Uni.
Ce succès s’est accompagné de profonds changements : ces dernières années, des fusions et acquisitions de haut rang ont conduit à la consolidation du marché. Ainsi, les revenus annuels générés par les plus importants groupes de production varient actuellement de 68,5 à 411,3 millions d’euros, soit, collectivement, un montant de 1,9 milliard d’euros représentant 60 % du total du secteur. D’ici dix ans, selon les études menées par la BBC, ces groupes pourraient représenter environ 80 % des revenus de commandes passés par l’audiovisuel public (146).
BBC Trust a récemment conclu que ce modèle, tel qu’il existe actuellement n’est plus viable à terme. D’une part, l’évolution du marché au cours des dernières années, marquée par la croissance importante du secteur de la production indépendante et le succès des indépendants qui remportent une grande majorité des commandes plombent ce système. D’autre part, ce mode de fonctionnement ne stimulerait plus suffisamment une concurrence large et créative, comme c’était le cas il y a peu (147).
Quant à la production interne, elle est assez sévèrement critiquée même si elle procure de nombreux avantages au groupe audiovisuel public, constituant (148) :
– une source de revenus à travers les dividendes versés par la filiale de commercialisation et de distribution ;
– un moyen de protection des valeurs éditoriales de la BBC, et en termes de stratégie commerciale, de la marque BBC ;
– une source d’innovation et d’ambition grâce à la taille de cet outil interne qui produit des séries longues et ambitieuses (Tudors) ;
– la constitution d’un catalogue de droits sur les programmes.
Par ailleurs, la BBC détient la totalité des droits sur les programmes produits en interne, mais dispose aussi de parts de coproduction sur ceux produits par les indépendants.
M. Tony Hall, le directeur de la BBC depuis avril 2013, a lancé en juillet 2014, un plan « Compete or compare » (concurrencer ou comparer) qui vise à améliorer la production interne qui souffrirait d’un manque de créativité et ne serait pas à la hauteur des contenus proposés par les producteurs indépendants.
Sa vision de la concurrence implique un changement systémique dans le modèle de l’offre de télévision de la BBC via l’abandon des quotas. Il souhaite faire de la production interne une véritable force de frappe favorisant la créativité et la prise de risque. Dans ce contexte, il a annoncé récemment la création de BBC Studios qui regroupera la production en interne de séries à succès (Dr Who, par exemple) et de divertissements. Créée au sein de BBC, cette structure pesant près de 550 millions d’euros, deviendra in fine, une filiale commerciale.
Malgré ces volontés de réforme, le Arts Council England (l’Agence nationale de développement des arts) décrit la BBC comme un atout culturel inestimable au Royaume-Uni et comme un exemple internationalement reconnu de la créativité britannique. De même, le rapport de la Chambre des communes souligne que grâce à son financement, la BBC fournit un flux important de capital apportant un soutien significatif aux industries créatives du Royaume-Uni. Le service public audiovisuel a dépensé, en 2013, 3,3 milliards d’euros pour la diffusion de programmes tant sur la télévision, la radio et Internet. La BBC est ainsi la plus importante source de financement de contenus originaux (à l’exclusion des sports) au Royaume-Uni.
Le modèle de production britannique, tant les performances de sa production in-house que le système innovant de WoCC, a contribué à structurer le secteur de la production audiovisuelle britannique. Il pourrait ainsi constituer, une source d’inspiration, transposable dans une certaine mesure, à la production dépendante française. En effet, il conviendrait de mener une réflexion sur la mise en œuvre d’une « fenêtre » de mise en concurrence entre production indépendante et production dépendante dans laquelle investirait France Télévisions suite à l’arbitrage d’un comité indépendant, induisant de facto la diminution des quotas de production indépendante pour le groupe public. Cette réforme pourrait contribuer de façon significative à l’amélioration de la qualité et de la créativité des œuvres audiovisuelles et à la prise de risques du diffuseur en matière de programmation.
b. Des recettes commerciales diversifiées et conséquentes
De façon plus spécifique encore, la BBC tire environ 25 % de son chiffre d’affaires de ses activités de ventes à l’international via sa filiale BBC Worldwide Limited, branche commerciale et filiale en propriété exclusive de la BBC, autofinancée et dont les profits retournent à la maison-mère. Elle vise à soutenir la mission de service public de la BBC et à maximiser les profits en son nom par l’investissement, la commercialisation et la diffusion de programmes de la maison-mère dans le monde. En 2014/2015, BBC Worldwide a généré des profits de l’ordre de 190 millions d’euros et des ventes de programmes s’élevant à près de 1,4 milliard d’euros dont 311 millions d’euros ont été reversés à la BBC (149). Ces retours ont ainsi augmenté cette année de 30,3 %.
En 2011, les profits de BBC Worldwide se répartissaient comme suit :
– 25 % dû à la gestion de portefeuille de chaînes satellitaires de la BBC ;
– plus de 40 % provenant de la distribution de programmes audiovisuels (365 millions d’euros de chiffre d’affaires) ;
– plus de 30 % dû à la vente de DVD et de produits dérivés ;
– 5 % de vente de formats (Dance with stars).
Cette activité, s’approchant de celle de France Télévisions Distribution, filiale du groupe France Télévisions, est autrement plus lucrative que chez son homologue française. En effet, le chiffre d’affaires de cette société a été de 42,4 millions d’euros en 2014, soit une baisse de 32 % par rapport à 2009. Cette situation a été vertement pointée par la Cour des comptes dans un rapport non publié de décembre 2014 qui considère que la quasi-totalité des activités sont déficitaires, notamment les ventes de DVD et de licences. Concernant les retours à la maison-mère, en 2012, France Télévisions Distributions aurait reversé 5 millions d’euros auxquels s’ajoutent 1,7 million d’euros de recettes publicitaires, soit 2,1 % du montant reversé par son homologue britannique.
Comble de l’ironie, la BBC souligne dans son rapport annuel que la vente de programmes à l’étranger a notamment été portée par les ventes de contenu en France (Le Maillon faible, Danse avec les stars, etc.) qui auraient augmenté le chiffre d’affaires de 50 % en Europe de l’Ouest.
Cette diversification des ressources via une valorisation du catalogue doit être aujourd’hui recherchée chez France Télévisions. De même, le développement du numérique passant notamment par une augmentation des activités de vidéo à la demande – particulièrement mis en valeur par la BBC à travers son service de mise en ligne des contenus BBC Online – apparaît comme un axe de croissance important des recettes.
II. QUELLES ÉVOLUTIONS DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE POUR VALORISER LES INVESTISSEMENTS DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC ?
A. LE DÉCRET DU 27 AVRIL 2015 NE VA PAS ASSEZ LOIN DANS LE RÉÉQUILIBRAGE AU PROFIT DES DIFFUSEURS
En modifiant l’article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, l’article 29 de la loi du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a autorisé la détention de parts de coproduction par les diffuseurs dès lors qu’ils participent substantiellement au financement d’une œuvre indépendante, ce qui constitue le point départ d’un changement de paradigme et la fin de l’interdiction absolue qui pesait sur les diffuseurs dans l’ancien système.
Cet article renvoie au décret le soin d’encadrer l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus par les diffuseurs lorsqu’ils prennent des parts de coproduction sur une œuvre comptabilisée au titre de la part indépendante de leur obligation. La publication de ce décret a été relativement longue, trop longue selon certains, les équilibres ayant évolué durant l’intervalle. C’est le décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision qui a donc finalement mis en œuvre ces dispositions. Elles concernent à la fois les diffuseurs privés et publics, tous étant soumis à des obligations d’investissement sous quota dans la production indépendante. Ces modifications auront donc un effet étendu à l’ensemble du secteur audiovisuel, bien que l’impact pour l’audiovisuel public concerne plus spécifiquement la mission d’information.
La principale réforme porte sur l’article 15 du décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 (150) et sur l’article 15 du décret n° 2010-747 (151). Ces articles fixent les obligations d’investissement des diffuseurs dans la production indépendante, se définissant à la fois par un critère d’œuvre indépendante (excluant la coproduction) et de société de production indépendante (selon un critère de participation au capital).
Avant la loi de 2013, le seul « retour sur investissement » au profit des diffuseurs était majoritairement constitué d’un droit à recette correspondant à un revenu très marginal au regard de l’investissement. Les autres droits attachés au financement de la production audiovisuelle demeurent des droits de diffusion, pouvant être comparés à une location, par principe, pour une durée limitée. Ces droits ne rentrent pas à l’actif du bilan de la société, seuls les investissements apparaissant en charge dans les comptes. Ce système contrevient totalement au principe même de l’investissement, qui obéit normalement à une logique de capitalisation et de valorisation, mais s’apparente clairement à un financement par subvention.
Par ailleurs, avec le développement du numérique et la mondialisation du marché audiovisuel, la seconde vie des œuvres devient un atout stratégique de taille.
Ce modèle économique doit être d’autant plus questionné que l’audiovisuel public est le premier soutien à la création audiovisuelle comme évoqué précédemment dans le rapport. France Télévisions a participé à la production audiovisuelle à hauteur de 1,7 milliard d’euros sur la totalité de son dernier contrat d’objectifs et de moyen : il s’agit donc d’une donnée fondamentale pour l’équilibre économique de l’audiovisuel public, et plus largement pour une valorisation des investissements financés par les deniers publics. Arte se trouve en dehors du champ de ces obligations puisque le groupe franco-allemand est soumis à la directive « Services de médias audiovisuels sans frontière » du 11 décembre 2007.
L’article 15 du décret n° 2010-747 du 27 avril 2010 dans sa rédaction initiale
« Au moins trois quarts des dépenses mentionnées au I de l’article 11 ou au 5° et au 6° de l’article 14 sont consacrés au développement de la production indépendante selon les deux critères suivants :
« 1° L’éditeur de services ne détient pas, directement ou indirectement, de parts de producteur et ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l’œuvre et n’en garantit pas la bonne fin. Lorsqu’il a financé une part substantielle du coût total de l’œuvre, il peut détenir un droit sur les recettes d’exploitation dans des conditions précisées par les conventions ;
« 2° L’éditeur de services ou la ou les personnes le contrôlant au sens du 2° de l’article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée ne détiennent pas, directement ou indirectement, plus de 15 % du capital social ou des droits de vote de l’entreprise de production. Cette part des dépenses porte sur l’obligation globale et sur l’obligation relative aux œuvres patrimoniales. »
1. Les modifications issues du décret du 27 avril 2015
La transition amorcée vers un nouvel équilibre économique entre producteurs et diffuseurs doit permettre la conciliation entre un renforcement des groupes audiovisuels et un intéressement de ceux-ci à la seconde vie des œuvres, ainsi qu’une préservation du dynamisme inhérent à la production indépendante. Par ce décret, le pouvoir réglementaire a encadré fortement cette dérogation à ce qui reste la règle, à savoir l’indépendance de l’œuvre et l’absence de valorisation des œuvres pour les diffuseurs.
Un éditeur de services peut désormais détenir, directement ou indirectement, des parts de producteur s’il a financé au moins 70 % du devis de production de l’œuvre annexé au contrat de coproduction dans le respect des conditions suivantes :
– l’investissement de l’éditeur de services en parts de producteur n’excède pas la moitié des dépenses de l’éditeur de services dans l’œuvre et l’investissement n’est pris en compte au titre des dépenses que dans la mesure où les sommes ont été intégralement versées avant la fin de la période de prise de vues ;
– dans le respect des droits d’exploitation de l’œuvre reconnus à l’entreprise de production, les mandats de commercialisation et les droits secondaires font l’objet d’un contrat distinct et doivent être négociés dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires, précisées par les conventions et les cahiers des charges prenant en compte les accords conclus entre les éditeurs de services et les organisations professionnelles de l’industrie audiovisuelle. Les droits d’exploitation de l’œuvre sur un service de télévision de rattrapage ne sont pas regardés comme des droits secondaires ;
– en l’absence de mentions particulières dans la convention ou le cahier des charges prenant en compte des accords conclus postérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 27 avril 2015 avec une ou plusieurs organisations professionnelles représentatives de l’industrie audiovisuelle, l’éditeur de services ne peut détenir, directement ou indirectement, des mandats de commercialisation que lorsque le producteur ne dispose pour l’œuvre en cause ni d’une capacité de distribution, interne ou par l’intermédiaire d’une filiale, ni d’un accord-cadre conclu avec une entreprise de distribution ;
– l’éditeur de services s’engage à exploiter dans un délai de dix-huit mois à compter de leur acquisition, les droits de diffusion de l’œuvre en France sur un service de télévision qu’il édite ou qui est édité par l’une de ses filiales ou les filiales de la société qu’il contrôle au sens de l’article 41-3 de la loi du 30 septembre 1986, s’il acquiert ces droits à l’issue de la période initiale des droits de diffusion qui lui ont été cédés ;
– s’il détient le mandat de commercialisation en France de l’œuvre, l’éditeur de services s’engage à l’exploiter, sur un service de télévision, à l’issue de la période initiale des droits de diffusion qui lui ont été cédés.
Sur plusieurs points, cette concrétisation a donné l’image d’une réforme en demi-teinte, insuffisante pour rééquilibrer le rapport de force existant entre producteurs et diffuseurs. Les limites sont inhérentes au choix du seuil de déclenchement de la coproduction qui demeure très élevé (70 %), au maintien d’une logique où le diffuseur ne détient pas par principe les mandats de commercialisation et à l’absence d’assouplissement de l’indépendance capitalistique des sociétés de production (plus de 15 % du capital).
Comme l’a annoncé la ministre de la Culture et de la communication lors de son allocution au Festival international de programmes audiovisuels (FIPA) en janvier dernier, ce décret ne constitue toutefois que la première étape d’une réflexion plus globale visant à moderniser les relations entre les diffuseurs et les producteurs et laisse la porte ouverte à de nouvelles évolutions.
1. Les propositions d’évolutions de la mission d’information : assouplir les conditions d’investissement dans la production indépendante et redonner la main aux diffuseurs sur l’exploitation de l’œuvre
Dans un contexte de baisse des ressources des diffuseurs, qu’elles soient publiques ou publicitaires, l’assiette des obligations dans la production amorce une baisse qui a atteint 2,3 % entre 2012 et 2013. Tout en prenant garde à ne pas nuire à la qualité des œuvres, à la créativité encouragée par la production indépendante et à la circulation des œuvres, il devient désormais nécessaire d’envisager une valorisation des œuvres financées massivement par les diffuseurs. C’est également dans cette perspective de rééquilibrage entre diffuseurs et producteurs que les rapports spécifiquement dédiés à la production audiovisuelle de M. Laurent Vallet (152) et du sénateur Jean-Pierre Plancade (153) ont émis les propositions qui guident aujourd’hui les perspectives de réformes.
Dans son avis du 2 décembre 2014 relatif au projet de décret portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision, le CSA définit clairement ce nouvel objectif : « la réforme des décrets doit conduire à la maximisation des revenus tirés des exploitations secondaires en France et à l’international, afin, d’une part, de permettre aux producteurs de rémunérer leur structure et de soutenir leurs efforts de développement de projets et, d’autre part, d’inciter les diffuseurs à préfinancer des programmes exportables et à valoriser à l’international les œuvres qu’ils financent fortement ».
a. Un seuil de 70 % du devis de production trop élevé
Le Rapporteur ainsi que son Président considèrent que le seuil de 70 % demeure trop restrictif. Du fait de ce seuil, la coproduction ne pourra concerner que les œuvres de fiction (série et unitaire) financées par les groupes audiovisuels historiques.
Il est donc proposé d’abaisser ce seuil à au moins 50 % du financement, ce qui constitue la définition de droit commun du financement majoritaire. Cette modification permettra d’inclure le documentaire dans la faculté à détenir des parts de producteurs, ce genre ayant une importance non négligeable. Tout d’abord, l’assouplissement de la contrainte sur le documentaire se justifie à l’échelle de la filière, puisque ce genre est celui qui souffre le plus de la fragmentation des producteurs (537 producteurs spécialisés dans le documentaire en 2013, selon le CNC). La mise en œuvre de la coproduction permettra donc de structurer et de consolider davantage le tissu des entreprises de production de documentaires. De plus, comme démontré précédemment, le documentaire est l’une des réussites de la production française, et bénéficie de bonnes performances à l’export. Il est donc une source potentielle de revenus commerciaux pour les diffuseurs.
Ce seuil fait débat, puisque le rapport du sénateur Jean-Pierre Plancadeévoque un taux possible de 30 % tandis que celui de M. Laurent Vallet préconise celui de 70 %. Le taux de 50 % semble donc un juste compromis. Il correspond par ailleurs à ce qui s’applique en matière de production cinématographique, alors que paradoxalement ce secteur est financé dans une moindre de mesure par les groupes audiovisuels. Il contribue donc sur ce point à la cohérence du système.
Le CSA a également relevé dans son avis que ce taux minimum de 70 % « ne permettra pas de faire bénéficier les coproductions européennes ou internationales de l’introduction des parts de producteurs dans les obligations de production indépendante, à moins de l’apprécier sur la part française du financement comme certains éditeurs de services le préconisent. Ainsi l’objectif de développement des préfinancements internationaux d’œuvres de fiction ne pourra sans doute guère être poursuivi dans le cadre d’un tel taux. Il conviendra que le pouvoir réglementaire se réserve pour l’avenir de l’ajuster à la lumière des pratiques observées ». Dans un contexte de mondialisation croissante, il est préjudiciable que la disposition en vigueur ne favorise pas l’internationalisation des productions audiovisuelles.
Par ailleurs, comme le soulignait le rapport du sénateur Jean-Pierre Plancade précité, la montée en puissance de la coproduction ne nuit pas à la circulation des œuvres : « En effet, la faiblesse de cette circulation était critiquée depuis 2001 : les chaînes n’étant pas intéressées financièrement à la revente de l’œuvre, leur seul objectif était de bloquer les droits des œuvres qu’elles avaient financées. L’ouverture des parts de coproduction est donc un préalable à l’amélioration de la fluidité du marché. Celle-ci passera cependant également par des dispositions réglementaires : la tentation de négocier des droits de diffusion extrêmement longs sera en effet très importante pour les diffuseurs. »
Enfin, une problématique sous-jacente mais non moins essentielle est celle de la transparence des devis en matière de production audiovisuelle, permettant une confiance renforcée entre diffuseurs et producteurs et une visibilité accrue à la fois en matière de dépenses que de remontée de recettes. La Cour des comptes, dans son rapport sur la production audiovisuelle précité (154), avait recommandé une normalisation des devis, permettant notamment d’évaluer la marge du producteur, comme cela a été fait en matière cinématographique. En 2013, chaque chaîne négociait son propre contrat-type avec les syndicats de producteurs. Une réflexion est actuellement en cours de négociation pour faire évoluer ces pratiques qui nuisent à l’équilibre entre diffuseurs et producteurs, ce dont se félicite la mission d’information.
b. Des mandats de commercialisation qui demeurent aux mains de producteurs
Les révisions des « décrets Tasca » intervenues en 2001 et en 2010 ont étendu les droits des producteurs indépendants, en modifiant la durée de détention par les chaînes de télévision des droits d’exploitation et en imposant que les mandats de commercialisation d’une œuvre financée par une chaîne de télévision fassent l’objet de contrats distincts.
La loi du 15 novembre 2013 précitée a modifié l’article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 en disposant que « les décrets mentionnés au premier alinéa précisent (…) l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus directement ou indirectement par l’éditeur de services lorsqu’il détient des parts de producteur » (155). Le pouvoir réglementaire possédait donc une large marge de manœuvre quant à la détermination de l’étendue de ces droits secondaires.
La question des mandats est centrale, car elle détermine la véritable maîtrise de la vie de l’œuvre par les diffuseurs, et constitue également le cœur du modèle économique des producteurs indépendants qui est fondé sur la valorisation de leur catalogue à long terme. La Cour des comptes a relevé l’enjeu désormais prépondérant de la maîtrise de l’exploitation de l’œuvre : « L’explosion des modes de diffusion confère aux droits attachés à l’exploitation des œuvres le caractère d’une ressource rare dont le contrôle et la valorisation deviennent un enjeu central pour les acteurs du système. Les chaînes ont donc pour objectif la constitution de catalogues et la maîtrise des droits, via l’acquisition et l’exploitation dans la durée de programmes identifiants. » (156)
C’est donc un équilibre entre ces deux exigences qui doit être trouvé, favorable également à la bonne circulation des œuvres et au rayonnement de l’audiovisuel français.
Tout au long de la procédure de consultation sur la révision du décret « production », France Télévisions a fait valoir la position suivante :
– le dispositif retenu devrait créer les conditions d’attribution des mandats au distributeur le plus à même de maximiser les revenus commerciaux, dans l’intérêt des œuvres, de leur exposition et de leur financement ;
– tous les candidats à la détention du mandat, qu’ils soient distributeurs indépendants, filiales d’éditeurs, ou filiales de producteurs, devraient être mis en situation de faire la preuve que leur offre est la meilleure.
Force est de constater que le dispositif finalement retenu n’est pas satisfaisant à ces égards : le mandat étant attribué « de droit » au producteur dès lors qu’il dispose d’une capacité de distribution, celui-ci n’est nullement tenu de faire la démonstration que son offre de distribution est de nature à optimiser l’exploitation du programme, ce qui apparaît contradictoire avec l’objectif affiché de renforcer la transparence dont le secteur de la production audiovisuelle a besoin.
L’exigence de transparence a cependant fait son entrée dans le décret du 27 avril 2015, dans le contenu même des contrats entre l’éditeur et le producteur fixant les modalités afférentes des mandats de commercialisation et droit secondaire, qui doivent être distincts « et négociés dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires précisées par les conventions prenant en compte les accords conclus entre les éditeurs de services et les organisations professionnelles de l’industrie audiovisuelle » (157). Si cet objectif de transparence est primordial, comme dans le cas de l’établissement des devis, la mission d’information s’interroge sur les modalités pratiques de contrôle qui pourraient être mises en œuvre afin de voir appliquer de manière effective ces dispositions. Cette transparence est en effet essentielle, notamment quand les remontées de recettes correspondent à un investissement effectué sur des deniers publics.
Enfin, le dispositif retenu par le décret du 27 avril 2015 va à l’encontre du dynamisme commercial et d’un meilleur financement des œuvres : privées de mandats dans les cas où le producteur a une capacité de distribution, peu importe la qualité et la force de rayonnement, les filiales des chaînes de télévision ne seront en mesure de contribuer à leur financement ni à travers des minima garantis, ni à travers leur expertise spécifique sur une catégorie d’œuvres ou un marché spécifique, expertise qui est le gage d’une optimisation du potentiel de recettes.
Le Rapporteur et le Président de la mission d’information se prononcent en faveur d’un assouplissement de la réglementation, permettant à l’éditeur de détenir les droits de commercialisation à partir du moment où est démontré que sa capacité de distribution est la plus performante au regard de l’œuvre concernée, et non par défaut « lorsque le producteur ne dispose pour l’œuvre en cause ni d’une capacité de distribution, interne ou par l’intermédiaire d’une filiale, ni d’un accord-cadre conclu avec une entreprise de distribution ». Ce principe de mise en concurrence est en effet celui le plus à même de favoriser le rayonnement de la production française et d’insuffler une vision de long terme et tournée vers l’international aux diffuseurs.
c. L’alignement sur le droit commun de la définition de l’indépendance capitalistique
Une autre forme d’assouplissement possible dans la définition de la production indépendante serait de mettre fin à cette anomalie économique spécifique au secteur de la production audiovisuelle, qui fixe le seuil de la dépendance capitalistique à « plus de 15 % du capital social ou des droits de vote de l’entreprise de production ».
Aucune étude d’impact concernant les conséquences sur le secteur industriel de la production audiovisuelle d’un relèvement du seuil à plus de 50 % ne semble avoir, à ce jour, été réalisée. Si celui-ci se révélait favorable à une consolidation de ce secteur encore très fragmenté et qui souffre, selon le rapport de la Cour des comptes précité, de sous-capitalisation, il pourrait être un second volet d’assouplissement des obligations en matière de production audiovisuelle indépendante.
Par ailleurs, tout comme l’abaissement du seuil de financement du devis dans le cas des parts de co-production de 70 % à 50 %, l’alignement des normes sur des critères de droit commun participerait à la simplification générale du modèle.
Les trois pistes proposées afin de valoriser les investissements dans la production audiovisuelle indépendante ne sont pas nécessairement cumulatives et peuvent constituer des alternatives les unes par rapport aux autres. En l’état, il apparaît difficile d’évaluer les impacts concrets de ces trois volets de propositions pour le secteur de la production audiovisuelle. Sa restructuration nécessite donc une étude approfondie des conséquences, mais également des bénéfices pour les diffuseurs et la production audiovisuelle en général. La décision de leurs éventuelles mises en œuvre doit donc s’accompagner d’études d’impact et de négociations entre diffuseurs et producteurs indépendants.
B. LA RÉVISION DES QUOTAS D’OBLIGATION D’INVESTISSEMENT DANS LA PRODUCTION INDÉPENDANTE POUR LE SERVICE PUBLIC
a. L’assouplissement du quota d’indépendance : instaurer une part de mise en concurrence
Concernant les quotas d’obligation dans la production indépendante de France Télévisions, ils s’élèvent à 95 % et sont plus élevés que pour l’ensemble des acteurs privés. Le Rapporteur et le Président de la mission d’information proposent une uniformisation de ce quota à 70 % pour l’ensemble des chaînes, y compris le service public (158). À noter que le quota de production indépendante à respecter, pour se conformer au cadre européen, s’élève à 10 % des sommes consacrées aux œuvres audiovisuelles ce qui laisse une grande marge de manœuvre aux pays européens dans l’appréhension de l’équilibre diffuseur- producteur (159).
Pour les 30 % restant, une subtilité pourrait être mise en place à l’instar du modèle anglais précédemment évoqué :
– une part de 15 % pourrait être obligatoirement consacrée à la production dépendante ou interne. Cela obligerait les diffuseurs à utiliser au moins partiellement cette possibilité qui lui est offerte, puisque l’on constate aujourd’hui qu’ils n’utilisent pas à plein le volume d’investissements qui leur est autorisé hors production indépendante. Le développement de la production interne n’est pas privilégié : elle nécessite en effet d’importants moyens humains et financiers qui impliqueraient une refonte globale de France Télévisions ;
– une part de 15 % ferait l’objet d’une mise en concurrence entre production indépendante et production dépendante, de façon à améliorer la compétitivité et la qualité des offres audiovisuelles. Cette « fenêtre de compétitivité », inspirée des pratiques de la BBC, impliquerait, par ailleurs, la présence d’un « arbitre » que pourrait incarner le CNC ou une commission indépendante au sein de France Télévisions. Comme pour les mandats de commercialisation, c’est la détermination du meilleur qui prime.
Ce nouveau cadre d’investissements de l’audiovisuel public se ferait à niveau égal, c’est-à-dire avec une obligation globale d’environ 400 millions d’euros telle que définit par le contrat d’objectifs et de moyens.
Les groupes audiovisuels sont, comme on l’a vu, soumis à des obligations de production et de diffusion sous forme de quotas, dont la complexité n’a cessé d’être signalée et condamnée. La simplification générale du cadre juridique des obligations, qui varie en fonction de la nature du diffuseur (en clair, payant, etc.) et selon des cas spécifiques, fait partie intégrante des recommandations de la Cour des comptes dans le rapport précité. Au-delà de la réforme du cadre général dont la dernière date de 2010, la complexité s’accroît en effet du fait des négociations de chaque chaîne au regard de sa programmation et de l’arrivée de nouvelles chaînes au modèle de fonctionnement inédit.
Le Rapporteur et le Président de la mission d’information ne peuvent donc que souscrire à cette recommandation qui implique une étude approfondie des pistes possibles pour uniformiser les quotas. Les modifications proposées ci-dessus relatives aux quotas de production indépendante doivent donc se doubler d’une simplification générale du cadre au risque sinon de complexifier davantage la réglementation.
b. La détermination des investissements éligibles pour France Télévisions : un assouplissement et une actualisation nécessaires
La problématique des quotas rejoint celle des investissements éligibles pris en compte dans la comptabilisation de ces obligations. Or, depuis 2009, sont annexés au cahier des missions et des charges de France Télévisions des tableaux décrivant précisément, pour chaque genre de programme, le type de droits acquis par le groupe, les durées d’exclusivité, le nombre de diffusions auxquelles il a droit, les modes d’exploitation et le droit à recettes correspondant à des taux/ niveaux de financement donnés.
Ce document précise en outre que « la société respecte l’étendue des droits définie en annexe » (160), impliquant qu’un investissement de France Télévisions ne s’inscrivant pas dans cette cartographie des droits extrêmement précise est susceptible de ne pas être considéré comme un investissement recevable au titre de ses quotas de production.
Figée par un accord interprofessionnel de 2008 puis par un décret, cette cartographie n’est aujourd’hui plus adaptée à l’évolution très rapide des usages à laquelle sont confrontées les chaînes de télévision. À titre d’illustration, le cahier des missions et des charges ne répertorie que trois modes d’exploitation numérique : le pré-visionnage, la télévision de rattrapage pendant sept jours, et la vidéo à la demande (VàD). La plateforme Culturebox, qui expose gratuitement des captations de spectacle sur des durées plus longues que sept jours, est ainsi littéralement hors du champ alors même qu’un accord avec les producteurs a été trouvé.
Cette impossibilité est, par ailleurs, contraire aux évolutions du décret du 27 avril 2015 qui, comme évoqué précédemment, permet désormais aux chaînes de comptabiliser les investissements réalisés dans des « web-œuvres » au titre de leur contribution à la production audiovisuelle, la plateforme Culturebox entrant clairement dans ce champ.
Plus largement, c’est le principe même d’un répertoire de droits figé qui pose problème, alors que les usages évoluent très vite. Les modalités contractuelles d’investissement devraient pouvoir s’adapter à la diversité des situations de production, tout en conservant l’encadrement nécessaire au contrôle régulier de l’utilisation des fonds publics.
La mission d’information recommande qu’une réflexion sur l’évolution du cahier des missions et des charges soit cependant engagée afin de ne pas pénaliser France Télévisions et de s’adapter aux nouvelles pratiques.
C. LA DIVERSIFICATION DES RESSOURCES PROPRES : UNE STRATÉGIE D’AVENIR POUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC
1. Le potentiel de recettes pour France Télévisions liées à la valorisation des investissements dans la production audiovisuelle
a. Le régime particulier de France Télévisions en matière de coproduction depuis 2009
À l’issue de la concertation conduite en 2008-2009, le cahier des missions et des charges de France Télévisions institue pour le service public l’obligation de réaliser la totalité de sa contribution à la production audiovisuelle dans le régime juridique du pré-achat. Depuis lors, et jusqu’à la modification en avril dernier du décret de 2010, France Télévisions a donc cessé d’investir en coproduction, au contraire des chaînes privées qui ont conservé cette possibilité au sein de leur part dite « dépendante ». France Télévisions réalise en effet par ailleurs la totalité de son investissement en production indépendante, nonobstant 5 % de son obligation qu’elle est autorisée à réaliser avec sa filiale de production interne, Multimedia France productions (MFP).
Aujourd’hui, le droit à recettes résultant des investissements de France Télévisions, regroupant les coproductions antérieures à 2009 et les préachats réalisés depuis lors, s’élève au total à environ 1,5 million d’euros par an, ce total étant par ailleurs pour une très large part constitué du produit des anciennes coproductions. Les droits à recettes issus des pré-achats ne représentent en effet en 2014 que 80 000 euros. Ces montants sont sans commune mesure avec les 400 millions d’euros de fonds publics investis dans la production audiovisuelle.
Extrait du rapport de Laurent Vallet sur le droit à recettes des diffuseurs
Le rapport de M. Laurent Vallet précité préconisait en 2013 « une meilleure association des éditeurs de service aux œuvres qu’ils financent justifierait également aux yeux de la mission un aménagement du droit à recettes pour les œuvres non coproduites.
« Ce droit, introduit lors de la dernière réforme, pourrait être proportionnel à l’apport du diffuseur mesuré au regard du coût définitif du programme. Il pourrait également, afin d’éviter tout arbitrage avec le dispositif de coproduction, être assuré dès le premier euro tout en restant tributaire d’un niveau minimum de financement significatif. Le droit à recettes constituerait ainsi une contrepartie tangible à l’effort d’investissement consacré par la chaîne lorsqu’elle n’est pas coproductrice. »
Source : Laurent Vallet, Adapter les obligations de financement de la production audiovisuelle pour garantir leur avenir, rapport à la ministre de la Culture et de la Communication, 17 décembre 2013.
b. Des recettes liées à la coproduction qui vont demeurer modestes en l’absence d’évolution de la réglementation
Avant 2009, le régime de la coproduction permettait à France Télévisions de dégager 2 à 3 millions d’euros de recettes chaque année. Entre 2010 et 2013, les revenus issus des parts de coproduction et des droits à recettes ont baissé de 12 %. Ainsi, 9 % seulement des 7 982 programmes référencés génèrent du chiffre d’affaires.
Il est difficile d’estimer avec certitude le potentiel de recettes qui pourrait être induit par la restauration des coproductions, compte tenu du nombre de paramètres en jeu (éditoriaux, de marché, de succès). Il est néanmoins possible de produire une projection réaliste sur la base des données de vente internationale, le marché étranger étant en tout état de cause appelé à devenir central dans le nouvel environnement économique de la filière française de production et de diffusion.
Il apparaîtrait cohérent que le produit soit proportionnel au poids que représente France Télévisions dans la production de fiction, seul genre financé à hauteur de 70 % et plus par les chaînes, et donc en pratique seul susceptible de faire l’objet de coproductions au sens du décret modifié en avril. Ainsi, en se basant sur les données publiées par le CNC dans L’exportation des programmes audiovisuels français en 2014 et La production audiovisuelle aidée en 2014, sur près de 40 millions d’euros de ventes internationales d’œuvres de fiction réalisées au total en 2014, le potentiel de recettes issu de la commercialisation des fictions que le groupe finance devrait en théorie s’établir, selon les évaluations de France Télévisions, à près de 5 millions d’euros (161).
Si l’on tient un raisonnement identique à celui proposé par France Télévisions afin de l’appliquer au documentaire, dans la perspective d’un abaissement du seuil de coproduction, les revenus supplémentaires espérés pourraient s’élever, selon les chiffres 2014, à 2 millions d’euros supplémentaires (162).
Ce constat appelle plusieurs remarques :
– ne sont considérées ici que les recettes liées à l’exportation et non les droits pour la France. Or, on peut imaginer que la valorisation se fera également sur le territoire national, même à la marge ;
– les chiffres des ventes à l’exportation sont encourageants et laissent espérer une croissance importante de ces recettes, qui bénéficieront également de la volonté des diffuseurs de valoriser leur programme en vue de l’exportation ;
– le décret du 27 avril 2015 a imposé que l’investissement de l’éditeur de services en parts de producteur n’excède pas la moitié des dépenses de l’éditeur de services dans l’œuvre, ce qui implique donc une division par deux des recettes. Il est à noter qu’en l’absence de cette limitation, qui aboutirait à une répartition des recettes au prorata de la mise de chacun, c’est-à-dire « au premier euro », le retour sur investissement en serait augmenté.
Il est donc possible, en assouplissant le régime de la coproduction, d’envisager une diversification croissante des ressources de France Télévisions, grâce à la valorisation de l’investissement dans la production audiovisuelle. France Télévisions souhaite développer le droit de propriété et créer de la valeur à l’intérieur du groupe, en accroissant ses investissements à travers sa filiale Multimédia France Productions (36,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014), notamment avec des séries longues.
Si le taux actuel autorisé de 5 % (soit environ 20 millions d’euros) n’est pas atteint, la filiale ayant longtemps concentré son activité de production sur des émissions de flux ou des fictions unitaires, le développement de séries de fiction impliquera nécessairement le franchissement rapide de ce seuil. À titre d’exemple, une série quotidienne de journée représente en moyenne 25 millions d’euros.
Il serait également bénéfique pour France Télévisions de rendre possible, au sein de cette « part dépendante » revue à la hausse, l’investissement en coproduction déléguée avec des sociétés de production indépendante, permettant de cumuler la créativité des producteurs indépendants et un intéressement du groupe public à la vie de l’œuvre.
Concernant Arte, la situation est différente puisqu’ayant le statut d’éditeur de programmes, le groupe bénéficie déjà de la possibilité d’investir en co-production, avec un retour au premier euro.
c. Une ressource de moyen terme qui peut monter en charge
En l’état actuel du droit tel que modifié par le décret du 27 avril 2015, France Télévisions évalue le potentiel commercial de ces différentes évolutions (163) à 15 millions d’euros à l’horizon 2018, avec un possible dynamisme de cette ressource à compter de cette date. Pour France Télévisions, il ne s’agit en aucun cas d’une ressource de court terme.
Au regard des propositions de ce rapport, il apparaît par ailleurs qu’un assouplissement beaucoup plus net des obligations dans la production indépendante et des conditions dans lesquels se réalisent les coproductions ainsi que la négociation des mandats de commercialisation, pourrait amener a minima à doubler ces ressources en faveur du diffuseur.
2. La diversification des ressources propres : une solution d’avenir pour l’ensemble de l’audiovisuel public
La réflexion sur l’évolution des équilibres qui prédominent dans le secteur de la production audiovisuelle ainsi que sur la valorisation possible des fonds publics qui sont investis, amène plus largement à s’interroger sur la capacité de l’audiovisuel public à produire des ressources propres autres que celles issues de la publicité. À titre comparatif, l’audiovisuel public anglais se finance à hauteur de 26 % par des recettes commerciales et l’audiovisuel public italien à hauteur de 8 % (164).
Dans ce domaine, il s’agit aussi pour l’audiovisuel public de saisir la formidable opportunité que représente la transition numérique.
Les recettes commerciales demeurent en effet marginales pour la plupart des opérateurs de l’audiovisuel public. Le poste « autres recettes » des ressources propres de France Télévisions présente un montant de 2,8 millions d’euros seulement en 2014, contre 7,6 millions d’euros en 2010. Les filiales commerciales de France Télévisions, principalement Multimédia France Productions et France Télévisions Distribution (FTD), connaissent pourtant un développement croissant de leur activité et maintiennent un chiffre d’affaires permettant d’afficher un résultat bénéficiaire. France Télévisions Distribution a même augmenté sa marge brute sur son activité d’édition (62 % de son chiffre d’affaires) grâce au développement de la vidéo numérique. En revanche, du fait d’une certaine érosion de son catalogue de droits, les reversements provenant de France Télévisions Distribution à la maison mère demeurent modestes en 2014 (5,8 millions d’euros), en légère hausse cependant par rapport à 2013.
La montée en puissance de la valorisation des œuvres audiovisuelles financées substantiellement par les diffuseurs ainsi que les développements liés au numérique vont faire croître la rentabilité des recettes commerciales.
Le rapport de Marc Schwartz sur l’avenir de France Télévisions préconise le développement des activités numériques et de leur monétisation
« Le développement de l’offre numérique est une priorité pour France Télévisions, qui a vocation à amplifier la déclinaison de ses programmes sur Internet, le développement des services sur les différentes plateformes et à préparer l’essor des télévisions connectées. Les recettes numériques pourraient atteindre 30 à 35 millions d’euros d’ici 2020 selon le groupe. Le maintien à l’horizon de 2020 d’investissements et de charges élevés appelle à des efforts de transparence sur le coût des développements numériques, mais aussi à s’interroger sur la manière de mieux monétiser l’offre. »
Au cours des auditions menées par la mission d’information, il a été évoqué à plusieurs reprises la possibilité de construire une plateforme de service de vidéo à la demande (SVàD) commune à l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public, permettant de mutualiser et de monétiser le catalogue des diffuseurs publics via des recettes d’abonnement et des recettes publicitaires. L’INA lance quant à lui sa propre plateforme numérique payante, pour un montant de 2 euros par mois, plus spécifiquement orientée vers une mise à disposition des archives dont il dispose. Ce projet de plateforme numérique commune, dont France Télévisions serait le pivot, permettrait par ailleurs de constituer une offre alternative à celle des grandes entreprises telles que Netflix ou Amazon plus récemment, tout en mutualisant les dépenses de développement.
Radio France présente un ratio de ressources commerciales supérieur à celui de France Télévisions, puisque celles-ci se sont élevées à 26,3 millions d’euros en 2014 (ventes de biens et de marchandises, recettes de partenariat, recettes liées à l’événementiel, etc.). Cette ressource a augmenté de 11,3 % entre 2013 et 2014, et malgré une tendance à la baisse dans les prévisions pour 2015, ce poste demeure significatif. Dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens en cours de finalisation, la hausse des ressources propres est évaluée à 9 millions d’euros sur l’ensemble de la période, notamment grâce à la possibilité de louer de nouveau sur long terme les locaux de la Maison de la radio après achèvement des travaux.
France Médias Monde développe également d’autres sources de revenus au sein de ses ressources propres. Elles ne représentent cependant que 4,1 millions d’euros en 2014 contre 5 millions d’euros en 2013 (éditions musicales, accords de partenariats, prestations de formation, etc.…).
Arte ne bénéficie pas de ressources publicitaires télévisuelles mais développe l’activité commerciale de ses filières Arte France et Arte France Développement, qui totalisent un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros. En 2014, les activités commerciales d’Arte France ont permis de remonter 3,5 millions d’euros aux producteurs et ayant-droits (sous forme de minimums garantis et de remontées de recettes), soit près de 35 % du chiffre d’affaires, hors activités de prestations de production audiovisuelle. Le groupe développe également ses activités de vidéo à la demande qui s’inscrivent dans une stratégie de développement commercial affirmé dans le secteur institutionnel. Le numérique représente un relais de croissance important pour la chaîne notamment grâce à la télévision de rattrapage et aux contenus web, domaine dans lequel le groupe s’est particulièrement investi et qui peut donner lieu à terme à une monétisation, la direction allemande du groupe étant par ailleurs réticente à mettre en place un service de vidéos à la demande payante, risquant de concurrencer le secteur privé.
Nous avons vu que l’Institut national de l’audiovisuel (INA) était un modèle dans ce domaine, affichant 30 % de recettes commerciales hors publicité, rendues possibles grâce au champ étendu des missions couvert par l’Institut. Ses recettes commerciales s’élèvent à 38,1 millions d’euros en 2014, avec une prévision à la hausse pour 2015 à plus de 39 millions d’euros (activité d’édition physique et en ligne, de vente des contenus, d’enseignement et de formation, d’archivage, etc.).
Ainsi, c’est l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public qui, sans pour autant changer de modèle économique, peuvent trouver des financements alternatifs tournés vers l’avenir. Ces projets de développement servent par ailleurs le rayonnement de l’audiovisuel public français, sur le territoire national mais également à l’étranger.
3. Tableau récapitulatif du financement de France Télévisions selon le nouveau modèle économique
Ce tableau résume le financement de France Télévisions selon les différentes modalités prévues par l’évolution du modèle économique telles que décrites dans l’ensemble du rapport, sur la base d’une perte de ressources de 260 millions d’euros liées à l’arrêt de la publicité sur les antennes de France Télévisions (mais le maintien des recettes de parrainage et de la publicité numérique) :
MODÈLE DE FINANCEMENT DE FRANCE TÉLÉVISIONS
Justifications |
Besoins de financement |
Projections de la ressource |
Nature de la ressource |
Fin des recettes publicitaires sur la base du chiffrage 2014 |
– 310 millions d’euros |
+ 50 millions d’euros |
Maintien des recettes de parrainage et de publicité numérique |
+ 40 millions d’euros |
Diversification des ressources propres, par la valorisation de l’investissement dans la production audiovisuelle (10 % des investissements dans la production audiovisuelle) et le développement des recettes commerciales | ||
Économies de structure |
+ 40 millions d’euros |
+ 160 millions d’euros |
Taxes affectée et plafonnée (taxe sur les opérateurs de communication électronique). |
+ 30 millions d’euros |
CAP : surplus lié à la réforme de l’assiette | ||
TOTAL |
– 270 millions d’euros |
+ 280 millions d’euros |
Source : mission d’information.
Il serait prématuré de projeter à court terme un financement par la diversification des ressources propres à hauteur du montant des recettes publicitaires actuelles, mais la montée en puissance de ces recettes est la trajectoire espérée.
Le basculement des ressources publicitaires vers d’autres ressources propres se ferait progressivement, la disparition de la publicité pouvant accompagner la montée en charge des recettes commerciales, notamment celles liées à la valorisation de la production audiovisuelle. La publicité pourrait en effet disparaître chaîne par chaîne, ou par plages horaires successives.
Ce basculement de modèle engendre par ailleurs une forte sécurisation des ressources, puisque la publicité classique demeure une perspective de recettes amenées inévitablement à décroître. En contrepartie, la nouvelle structure prévoit :
– le maintien de recettes publicitaires moins sensibles aux variations du marché : le parrainage, et la publicité numérique qui va tendre à se développer, pour un total de 50 millions d’euros. La numérisation d’une chaîne du groupe pourrait par ailleurs entraîner à la hausse ces recettes ;
– des économies structurelles à hauteur de 40 millions d’euros (1,5 % du budget de France Télévisions), traduction des importantes actions en gestion qui sont en cours de réalisation, notamment en matière de réduction de la charge salariale. La meilleure priorisation et les possibles adaptations du périmètre des missions consolident l’idée que des économies pérennes peuvent être réalisées à cette hauteur. Ces efforts seraient en tout état de cause nécessaires, même en l’absence de changement de modèle économique ;
– des ressources propres autres que les recettes publicitaires à hauteur de 40 millions d’euros. Ces recettes comprennent le produit des activités commerciales du groupe (165), dont le numérique constitue une possibilité de développement important, mais également les remontées de recettes liées à la valorisation des investissements dans la production audiovisuelle ;
– la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE) créée à cet effet par la loi du 5 mars 2009, sous forme de taxe affectée et plafonnée à 160 millions d’euros conformément au montant de la dernière dotation budgétaire de France Télévisions en 2015. Cette ressource connaît une assiette stable et dynamique, le principe de l’affectation mettant par ailleurs France Télévisions à l’abri de la régulation budgétaire infra-annuelle. La possibilité de modification du plafond représente par ailleurs une marge de souplesse dans le pilotage de la ressource ;
– une part de CAP structurellement acquise par France Télévisions à hauteur de 30 millions d’euros, représentant le gain prévisionnel en cas de réforme de l’assiette dans le sens proposé par le rapport. Demeurera, par ailleurs, l’évolution naturelle de la CAP – liée à l’évolution de l’assiette et l’indexation sur l’inflation – s’élevant à environ 30 millions d’euros par euro supplémentaire de redevance. Cette évolution naturelle n’est pas prise en compte dans le modèle et à vocation à être répartie entre l’ensemble des bénéficiaires de l’audiovisuel public en fonction des trajectoires prévues par les contrats d’objectifs et de moyens.
Au total, ce mode de financement présente un gain de 10 millions d’euros par rapport au manque à gagner réévalué.
Au cours de sa séance du mercredi 30 septembre 2015, la Commission examine le rapport de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel en France.
M. Éric Woerth, président de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel en France. Le financement et la gestion des groupes publics de l’audiovisuel posent un certain nombre de problèmes comme le montre l’actualité – je pense, par exemple, à la nomination de la nouvelle présidente de France Télévisions.
Notre mission d’information a donc entrepris un travail utile sous la houlette de son rapporteur qui est également rapporteur spécial de la mission Médias, livre et industries culturelles. Il a notamment effectué un intéressant déplacement à Londres où il a rencontré des représentants de la BBC et le ministre britannique de la culture. Tout n’est évidemment pas transposable d’un pays à l’autre, mais certains modèles qui fonctionnent peuvent toutefois nous inspirer.
Les finances de l’audiovisuel public sont pour le moins « tendues ». Nous constatons un inquiétant effet de ciseau : les ressources publiques et commerciales progressent de moins en moins rapidement, alors que les charges augmentent de plus en plus vite. Cette situation est d’autant plus dangereuse que l’avenir est incertain pour les groupes privés ou publics.
Un très grand écart existe par ailleurs entre les engagements de la puissance publique à l’égard de l’audiovisuel public et leur traduction dans les faits. La plupart de ces engagements ne sont, en effet, pas respectés.
Lors de nos travaux, nous avons rencontré une large gamme d’interlocuteurs représentant aussi bien le secteur public que le secteur privé. Ce contact avec les acteurs nous amène à penser qu’il faut évidemment poursuivre la restructuration de l’audiovisuel public. Des « économies structurelles » ont déjà été entreprises, mais nous devons aller plus loin. Il n’y a pas d’avenir pour l’audiovisuel public sans une restructuration, une réorganisation
– qu’importe les termes, prenons les moins violents –, et des économies de gestion qui ne peuvent passer que par une refonte du modèle en termes d’organisation et probablement de fonctions, de moyens et de missions. C’est vrai tant pour Radio France que pour France Télévisions. Nous rendons hommage aux efforts déjà accomplis ces dernières années ; ils portent leurs fruits aujourd’hui. Les choses ne vont cependant pas encore assez loin.
Je l’indique dans l’avant-propos, je ne partage pas la position du Rapporteur concernant deux des préconisations du rapport d’information.
Je ne pense pas qu’il soit possible à court terme d’élargir l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), plus connue sous le nom de redevance, car j’estime que nous nous trouvons dans un contexte fiscal que j’ai qualifié d’« oppressant ». Les contribuables ne sont pas prêts à payer davantage ni d’ailleurs à voir de nouveaux supports soumis à la CAP. Évidemment, le Rapporteur ne demande pas une taxation généralisée de tous les ordinateurs ou de toutes les tablettes, sa proposition est plus fine, mais elle reste à mon sens très difficile à mettre en œuvre aujourd’hui.
Je ne pense pas non plus qu’il soit possible de réintroduire la publicité entre 20h00 et 21h00 sur les chaînes publiques. Les recettes publicitaires sont extrêmement variables et le « gâteau » ne peut pas s’agrandir quand les opérateurs se multiplient – la question s’est posée récemment concernant l’avenir de LCI. Pour ma part, j’estime que nous devons camper sur nos positions et conserver le modèle actuel sans publicité à partir de 20h00. Le Rapporteur et moi-même nous rejoignons cependant sur notre proposition extrême : la meilleure des situations pour un groupe comme France Télévisions serait qu’il n’ait pas besoin du tout d’avoir recours à la publicité, et que son financement repose sur un autre modèle économique, car la publicité fait évidemment peser une contrainte très forte sur la nature des programmes.
Pour aller dans ce sens, il faudrait diversifier les ressources. La dernière partie du rapport d’information est consacrée à ce sujet. Les mécanismes de financement actuels sont peut-être compréhensibles vus de la planète Mars ; pour nous, ils restent obscurs ! Des rapports étonnants sont noués entre diffuseurs et producteurs, et des critères surprenants conduisent à une atomisation de la production. Les diffuseurs ne sont pas propriétaires de grand-chose et ils n’ont pas la propriété des mandats de commercialisation. Ce système fonctionne avec de l’argent public sans beaucoup de contrôle, c’est le moins que l’on puisse dire. Sans tout remettre en cause, nous proposons une réforme assez complète qui s’inspire du modèle britannique, afin que nous puissions conserver un audiovisuel public fort et préserver la création culturelle. Cet objectif était sans doute à l’origine de l’organisation actuelle du modèle de production. Je ne sais pas s’il a été atteint. En tout cas, la dispersion des producteurs est totale et nous n’avons pas fait naître de véritable puissance à l’exportation.
J’ajoute que toutes les taxes affectées doivent être correctement fléchées : il ne faut pas qu’elles profitent au budget général, mais bien à l’audiovisuel public.
M. Jean-Marie Beffara, Rapporteur. Je remercie le Président de la mission d’information : même si nous divergeons sur certaines propositions, nous avons saisi ensemble les enjeux principaux de ce dossier.
Le financement de l’audiovisuel public représente 3,8 milliards d’euros en 2015, et plus de 22 milliards d’euros ont été alloués à ce secteur depuis 2010. Nous sommes donc en présence d’enjeux financiers extrêmement forts, auxquels s’ajoutent bien entendu des enjeux culturels tout aussi importants.
La mission d’information a souhaité raisonner à l’échelle d’un modèle économique. Cela implique de considérer l’articulation entre les différentes recettes selon leur nature, d’envisager les évolutions et les diversifications possibles, mais également de s’interroger sur les améliorations à apporter en matière de gouvernance au sein de chaque entreprise ainsi qu’à l’échelle globale du secteur.
Concernant par exemple la problématique des recettes publicitaires, il a été indispensable de comprendre les mécanismes de marché et les interactions qui se nouent de manière inéluctable entre les acteurs privés et publics. De même, les évolutions en matière d’investissement dans la production audiovisuelle indépendante concernent à la fois les diffuseurs privés et publics, ainsi que, bien sûr, les entreprises de l’industrie de production audiovisuelle. Il était donc nécessaire d’aborder les enjeux de l’audiovisuel public en prenant en compte tous leurs impacts sur son environnement économique.
Trois constats ont guidé la réflexion de la mission d’information et ont constitué un fil conducteur qui a orienté l’ensemble de nos propositions.
Premièrement, l’économie française est encore fragile, et l’effort de redressement des finances publiques constitue une exigence qui doit s’imposer à tous les opérateurs de l’État. Dans ce contexte, l’augmentation de la pression fiscale, notamment pour les moins favorisés, ne peut être une solution pérenne.
Deuxièmement, l’ensemble du secteur audiovisuel est en train de se métamorphoser depuis quelques années sous l’impulsion de ce qu’on a appelé la révolution numérique. Cette dernière a un impact sur les pratiques de consommation audiovisuelle, mais également sur les structures même du marché.
Troisièmement, dans le secteur de la télévision, le « choc d’offres » qu’a constitué l’émergence des chaînes gratuites de la TNT – nous sommes passés de cinq à quasiment vingt-six chaînes – a modifié les paramètres économiques qui prédominaient jusqu’ici chez les diffuseurs historiques.
Par ailleurs, une attention toute particulière a été accordée au cas de France Télévisions, car il s’agit du plus grand groupe public audiovisuel français mobilisant près de 65 % des dotations publiques et réalisant plus de 50 % des investissements dans la production audiovisuelle de l’ensemble des diffuseurs. France Télévisions constitue donc un élément majeur de l’équilibre, ou au contraire du déséquilibre, de l’ensemble du secteur. Il est également le groupe le plus concerné par la problématique des recettes publicitaires au sein d’un marché télévisuel déstructuré en concurrence directe avec l’audiovisuel privé.
La mission a également souhaité souligner les différences entre les multiples opérateurs de l’audiovisuel public. Cette étude plus « personnalisée » est indispensable, car elle nous permet de nous prémunir contre toute généralisation et de saisir les contraintes particulières de chacune des sociétés : entre l’Institut national de l’audiovisuel (INA), dont les ressources propres financent 30 % du budget, et Arte qui dépend à plus de 95 % du produit de la CAP, on comprend bien que les contraintes et le modèle économique ne sont pas les mêmes.
Le rapport d’information formule plusieurs propositions qui doivent amener à refonder le ou les modèles économiques de l’audiovisuel public.
La première partie du rapport aborde la question de la gouvernance et du financement de l’audiovisuel public.
Dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens (COM) qui régissent la stratégie des opérateurs de l’audiovisuel public, nous avons pu constater que les engagements financiers n’étaient pas toujours respectés. Les objectifs imposés aux sociétés sont imparfaitement corrélés aux moyens attribués. Autrement dit, l’audiovisuel public n’a pas toujours les moyens de ses ambitions. Par ailleurs, les efforts de restructuration nécessaires dans un contexte de finances publiques contraintes ont tardé à se mettre en place et se confrontent aujourd’hui à d’importantes rigidités de gestion.
Nous proposons en conséquence une gouvernance renforcée à l’échelle de l’ensemble de l’audiovisuel public, par la mise en place rapide d’un comité regroupant l’ensemble des présidents de l’audiovisuel public et d’un document contractuel commun à l’ensemble des sociétés. Cette gouvernance transversale devrait prendre une forme relativement souple : il ne s’agit pas de modifier les structures existantes, comme un récent rapport d’information du Sénat propose de le faire, mais de renforcer la coopération. La mission se prononce également en faveur d’une disparition rapide des crédits budgétaires, incompatibles avec une ressource sécurisée, car trop soumis à la régulation infra-annuelle.
L’évolution de la CAP doit faire l’objet quant à elle d’une clé de répartition prévisible sur la totalité de la période des différents contrats objectifs et de moyens. Il s’agit d’une condition préalable pour que chaque opérateur puisse adopter une stratégie de long terme, a minima à l’échelle d’une présidence. Le recours à la CAP, qui constitue une ressource publique, doit être étroitement conditionné à la poursuite d’objectifs d’économies structurelles et de maîtrise des dépenses. Cette discipline est indispensable quand il s’agit de deniers publics. Elle doit faire l’objet d’un contrôle renforcé de l’ensemble des opérateurs.
Le rapport d’information formule aussi des propositions sur la réforme de la CAP. L’évolution même du produit de cette taxe est aujourd’hui remise en cause du fait de la révolution numérique et de la modification des usages en matière audiovisuelle : de manière irréversible, le téléviseur n’a plus le monopole de la télévision. La réforme de l’assiette apparaît donc comme une nécessité pour sécuriser et pérenniser la ressource première de l’audiovisuel public.
Depuis le premier semestre 2013, le taux d’équipement en téléviseurs de la population française connaît une baisse tendancielle qui s’est poursuivie en 2014, passant de 98,1 % au troisième trimestre 2013 à 96,2 % au troisième trimestre 2014. Ce mouvement semble irréversible. S’il n’est pas pris en compte par les pouvoirs publics, il entraînera immanquablement la sortie d’un certain nombre de contribuables de l’assiette de la CAP, dont l’érosion provoquera inéluctablement une hausse de son montant afin de garantir son rendement, ce qui ne serait pas compatible avec l’objectif de stabilité fiscale.
Je propose donc d’étendre l’assiette à tous les supports permettant la réception de la télévision en illimité. Chaque foyer ne serait évidemment assujetti qu’au paiement d’une seule contribution quel que soit son niveau d’équipement. Cette mesure aurait pour conséquence d’assujettir 720 000 foyers supplémentaires à la CAP. Dans le même temps, je propose d’instaurer un demi-tarif pour les jeunes de moins de 25 ans. Aujourd’hui, un million de jeunes, non rattachés au foyer fiscal de leurs parents, payent la CAP à taux plein. Cette mesure représenterait une économie de 68 euros par an pour ce million de jeunes. L’effet combiné de ces deux mesures générerait un produit supplémentaire de CAP d’environ 30 millions d’euros, soit un rendement quasi constant mais durable. Cette pérennisation constitue l’intérêt de la réforme proposée.
La seconde partie du rapport traite de la principale ressource propre de l’audiovisuel public que constitue la recette publicitaire.
Cette problématique concerne en premier lieu France Télévisions, car la publicité représente actuellement 11 % de ses ressources. Outre le débat, justifié par ailleurs, sur les conséquences en termes de programmation, il s’agit également d’une question économique forte : au vu de la dégradation du marché publicitaire de la télévision, pour des raisons conjoncturelles certes, mais également du fait de modifications structurelles, comme par exemple la montée en charge d’internet ou la multiplication des chaînes gratuites, la recette publicitaire ne constitue plus une recette pérenne, prévisible et dynamique. Pour France Télévisions, le problème est accentué par l’interdiction de vendre des espaces publicitaires sur la tranche la plus rémunératrice du prime time.
Cette instabilité a des conséquences pour l’ensemble des opérateurs, puisqu’un choc de recettes sur France Télévisions amènera nécessairement une régulation pour les autres acteurs.
Je ne propose pas aujourd’hui une solution, mais une alternative qui doit pousser les pouvoirs publics à assumer le modèle économique qu’ils choisissent.
Il est possible de faire le choix d’une solution de court terme risquée pour le marché publicitaire : le retour partiel de la publicité de 20h00 à 21h00 pour un gain d’environ 100 millions d’euros. Cette première option permettait à France Télévisions de redevenir concurrentiel en assumant la recette publicitaire comme composante à part entière du financement de l’audiovisuel public.
Mais nous pouvons adopter une autre solution plus durable impliquant un changement de modèle économique : la suppression progressive de la publicité. Elle se traduirait par un manque à gagner d’environ 250 millions d’euros, qui pourrait être comblé par la poursuite de la réduction des coûts, par l’affectation d’une partie de la taxe sur les opérateurs de communication électronique plafonnée à hauteur de 160 millions d’euros, montant équivalent à la dotation budgétaire de France Télévisions dans le budget pour 2015, et par la diversification des autres ressources propres.
Dans les deux cas, il s’agit d’affirmer un choix clair du modèle économique souhaité pour l’audiovisuel public, avec les impacts que cela suppose sur la programmation qui demeure étroitement dépendante des exigences de son financement. La situation actuelle est un entre-deux qui fragilise l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.
La dernière partie du rapport porte sur la diversification des ressources propres et plus particulièrement sur la valorisation possible des investissements des diffuseurs en faveur de la production audiovisuelle indépendante.
Les textes législatifs et réglementaires qui encadrent les interactions entre les acteurs de l’audiovisuel ne sont plus adaptés aux évolutions technologiques, économiques et aux modes de consommation de l’audiovisuel.
La relation entre les producteurs et les diffuseurs, la valorisation économique de la production audiovisuelle, mais aussi son rayonnement à l’international doivent être repensés avec un logiciel du XXIe siècle. Par exemple, dans le système hérité des « décrets Tasca », une anomalie économique perdure puisque les investissements en faveur de la production audiovisuelle, soit 400 millions d’euros par an pour France Télévisions, ne font l’objet d’aucun « retour sur investissement » ni d’aucun actif, et s’apparente en fait à une subvention
La valorisation de la production audiovisuelle est un sujet très complexe dans un secteur qui de surcroît est encore débutant dans l’exercice de la transparence, ce qui rend tout chiffrage difficile. Cette adaptation ne pourra se faire que dans la plus grande concertation et dans le dialogue entre tutelle, distributeurs, diffuseurs, auteurs et producteurs des secteurs public et privé.
La mission d’information présente plusieurs axes d’évolutions qui ne sont pas nécessairement cumulatifs et qui nécessitent des études d’impact plus approfondies. Ils représentent néanmoins des opportunités de valorisation économique de l’ensemble de la filière et donc de ressources complémentaires pour l’audiovisuel public.
Nous proposons de réformer le décret du 27 avril 2015 afin de permettre aux diffuseurs de détenir des parts de coproduction à partir d’un financement à hauteur de 50 %. Nous souhaitons aussi que se développe la maîtrise des mandats de commercialisation par les diffuseurs, en favorisant la mise en concurrence entre diffuseurs et producteurs. Aujourd’hui, de nombreuses œuvres ne sont jamais commercialisées après leur première diffusion parce que personne n’a d’intérêt économique à le faire. Nous proposons enfin d’assouplir les obligations en faveur de la production indépendante, notamment en abaissant le taux d’investissement obligatoire en sa faveur de 95 % à 70 % pour France Télévisions. Pour les 30 % restants, la mission propose une obligation de 15 % dans la production dépendante et une « fenêtre de mise en concurrence » entre production dépendante et indépendante de 15 %, sur le modèle qui fonctionne aujourd’hui assez bien à la BBC.
Il s’agit pour nous d’une réforme ambitieuse et globale visant à remplacer un financement incertain, imprévisible et peu pérenne par des ressources sécurisées à la trajectoire dynamique et pilotées de manière efficace, le tout en faveur d’un service public audiovisuel rénové, capable de s’imposer sur la scène internationale.
L’audiovisuel public est à la croisée des chemins. Les évolutions sont naissantes mais inéluctables. Plus l’érosion de l’assiette de la CAP sera forte, plus la réforme sera difficile. Le choix concernant la publicité sur France Télévisions doit s’inscrire dans une perspective d’avenir pour le service public, compatible avec son éthique et ses obligations. Enfin la valorisation et la répartition des recettes issues de l’évolution du modèle économique de l’audiovisuel sont d’autant plus faciles à réaliser aujourd’hui que nous ne sommes qu’au début d’une nouvelle ère.
Sans urgence absolue, mais avec la volonté d’être au rendez-vous des transformations en cours, nous devons, avec détermination et responsabilité, assurer stabilité et perspectives à l’audiovisuel public français. C’est un enjeu économique et culturel majeur.
M. Lionel Tardy. Dans l’hémicycle, dans quelques instants, lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, certains députés demanderont une taxation supplémentaire du cloud pour alimenter la redevance pour copie privée. Les situations ne sont pas les mêmes, mais les problèmes sont proches et s’expliquent par le changement de modes de consommation lié à de nouvelles donnes économiques. En matière de télévision, le poids des chaînes historiques leaders est en baisse en raison de la multiplication des acteurs : vingt-cinq chaînes nationales et quarante chaînes locales sont accessibles gratuitement, et l’on compte onze chaînes nationales payantes. Face à la profusion de l’offre gratuite, les gens se demandent pourquoi ils paieraient un service qu’ils ne consomment pas ou qu’ils ne souhaitent pas consommer.
L’augmentation des taxes ou l’élargissement des assiettes constituent des solutions qui auront leurs limites car nous n’en sommes aujourd’hui qu’au début de l’« uberisation » de l’économie. Nous n’avons encore rien vu ! Le législateur ne propose systématiquement qu’une solution : augmenter les taxes, augmenter la base… Ce n’est que reculer pour mieux sauter ! Il faudra des réformes de fond de l’audiovisuel public, du numérique, de l’économie car, quoi qu’il arrive, les évolutions futures ne seront pas favorables aux acteurs historiques. Toutes les augmentations de taxe du monde n’y changeront rien.
M. Éric Woerth, président de la mission d’information. Cette analyse des propositions du Rapporteur est un peu réductrice. La mission d’information a souhaité éviter l’augmentation brutale de la CAP en posant la question légitime des supports : à partir du moment où vous recevez du contenu de l’audiovisuel public, il n’est pas absurde de vous demander de le financer. Il me semble que cette question peut se poser, même si j’estime que la période est inappropriée pour cela.
Nos travaux vont aussi plus loin. Notre analyse des ressources commerciales de l’audiovisuel public nous amène à proposer de réorganiser les rapports qu’il entretient avec le monde de la production indépendante. Nous abordons la question des restructurations et des réformes de fond. Nous demandons que l’État respecte ses engagements et assure une visibilité au gestionnaire notamment en clarifiant et en hiérarchisant les contrats d’objectifs et de moyens. Dans ce contexte, la BBC offre un intéressant modèle d’autonomie et d’intégration. Ces sujets sont abordés sans détour par la mission d’information.
La Commission autorise la publication du rapport d’information de la mission d’information sur le financement public de l’audiovisuel en France.
*
* *
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Mardi 10 mars 2015
– France Télévisions : M. Rémy Pflimlin, président directeur-général
– France Médias Monde : Mme Marie-Christine Saragosse, présidente
Mardi 14 avril
– Institut de recherche et d’études publicitaires (IREP) : Mme Zysla Belliat, présidente et M. Philippe Legendre, directeur délégué
– Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) : M. Vincent Leclercq, directeur de l’audiovisuel et de la création numérique et M. Benoît Danard, directeur des études, des statistiques et de la prospective
Mardi 19 mai
– Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) : M. Olivier Schrameck, président
Mercredi 20 mai
– Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie : M. Philippe Lonné, sous-directeur de la 8ème sous-division de la direction du Budget et Mme Amélie Lummaux, cheffe du bureau Justice et média
Mardi 26 mai
– M. Rémy Le Champion, docteur ès sciences économiques, maître de conférences au Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les medias (CARISM) de l’Université Panthéon-Assas
Mercredi 27 mai
– Groupe Newen : M. Christophe Nobileau, directeur général délégué et Mme Laetitia Recayte, managing director Newen Distribution
Mardi 2 juin
– Institut Montaigne : M. Xavier Couture, conseiller du président d’Orange, M. Thierry Jadot, président de Dentsu Aegis Network, M. Michel Rasle, avocat associé, Carbonnier Lamaze Rasle et associés, et Mme Angèle-Malâtre-Lansac, directrice des études de l’Institut Montaigne
Mercredi 3 juin
– TF1 : M. Nonce Paolini, président-directeur général, accompagné de M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général
– M6 : M. Nicolas de Tavernost, président du directoire, accompagné de Mme Karine Blouët, secrétaire générale
– Canal+ : M. Bertrand Meheut, président, accompagné de Mme Delphine d’Amarzit, secrétaire générale
– Radio France (*): M. Mathieu Gallet, président-directeur général
Mardi 9 juin
– Union des annonceurs (UDA) : M. Pierre-Jean Bozo, accompagné de M. Didier Beauclair, directeur Médias et relations agences, et Laureline Frossard, responsable juridique
– France Télévisions : Mme Irène Grenet, chargée de mission auprès du directeur général délégué aux ressources
Mercredi 10 juin
Déplacement à Londres dans le cadre d’une visite de la BBC :
– Entretien avec M. Ian Haythornwaite, directeur financier de la BBC
– Entretien avec Mme Catherine Smadja, head of special projects, finance and operations, et M. David Lain, finance business partner, BBC
– Entretien avec M. John Whittingdale, ministre de la culture, des médias et des sports ; en présence de Mme Sylvie Bermann, ambassadeur de France au Royaume Uni
Mardi 23 juin
– Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) : M. Pascal Rogard directeur général, accompagné de M. Guillaume Prieur, directeur des relations institutionnelles et européennes
Mercredi 24 juin
– Syndicat national des radios libres (SNRL) : M. Pierre Montel, délégué général
Mardi 30 juin
– Conseil régional d’Île-de-France : M. Étienne Achille, directeur général adjoint
Mercredi 1er juillet
– Institut national de l’audiovisuel (INA) : M. Laurent Vallet, président-directeur général, accompagné de M. Jean-Marc Auvray, secrétaire général
– Kantar group : M. Denis Gaucher, directeur général de Kantar Media Ad Intelligence Europe, accompagné par Mme Sophie Le Barazer, directrice générale adjointe de Kantar Media Ad Intelligence France
Jeudi 2 juillet
– Arte : Mme Véronique Cayla, présidente, accompagnée de Mme Anne Durupty, directrice générale d'Arte France et de Mme Clémence Weber, responsable des affaires publiques et du développement des nouvelles activités commerciales à Arte France
Mardi 7 juillet
– Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) : M. Philippe Gault, président, accompagné de M. Tarek Mami, secrétaire national et de M. Kevin Moignoux, chargé de mission pour les relations institutionnelles
Mercredi 8 juillet
– Syndicat des producteurs indépendants (SPI) : M. Emmanuel Priou, président audiovisuel (Bonne Pioche), Mme Nelly Kafsky, membre du bureau audiovisuel (Nelka Films) et Mme Juliette Prissard-Eltejaye, déléguée générale
– M. Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles (DGMIC) et Mme Aude Accary-Bonnery, conseillère en charge du cinéma au cabinet de la ministre de la Culture et de la communication
Mercredi 15 juillet
– Michel Gomez, délégué général de la mission cinéma de la ville de Paris
– Grégory Faes, directeur général de Rhône Alpes Cinéma
Mercredi 2 septembre
– France Télévisions : Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente directrice générale, Fabrice Lacroix, directeur général délégué à la gestion et aux moyens, Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics et M. Stéphane Sitbon-Gomez, directeur de cabinet
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
1 () Audition du mercredi 3 juin de M. Nonce Paolini, président-directeur général de TF1, accompagné de M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général ; de M. Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6, accompagné de Mme Karine Blouët, secrétaire générale et de M. Bertrand Meheut, président de Canal +, accompagné de Mme Delphine d’Amarzit, secrétaire générale.
2 () France télévision : 6 millions d’euros d’annulation pour une contribution publique totale de 2,57 milliards d’euros, soit 0,23 % de la dotation initiale en LFI (CAP + crédits du programme 313).
Radio France : 1,53 million d’annulation pour une contribution publique totale (uniquement CAP) de 614,5 millions d’euros soit 0,23 % également.
Arte : 612 600 euros d’annulation de crédits pour une dotation publique totale de 265,9 millions d’euros (uniquement CAP), soit 0,23 % également.
3 () En 2012, annulation de 16 millions d’euros de crédits budgétaires compensé par une part de CAP de 4 millions d’euros. En 2013, annulation de 7,1 millions de crédits budgétaire sur le programme 313 compensés intégralement par une hausse de part de CAP.
4 () Groupe de travail coordonné par Marc Schwartz, France Télévision 2020 : le chemin de l’ambition – février 2015.
5 () Kommission zur Emmittlung des Finanzdarfs des Rundfundkansalten.
6 () Cour des comptes, « Radio France : les raisons d’une crise, les pistes d’une réforme », avril 2015.
7 () Ce chiffre correspondant au scenario « maximaliste » proposé par le groupe à la tutelle dans le cadre des négociations du COM. Le premier scenario propose une hausse annuelle de 0,7 % permettant uniquement le maintien des activités existantes et le second une hausse annuelle de 1,5 %, hypothèse intermédiaire.
8 () Les documents comptables fournis n’ont pas permis de constater le montant du prélèvement sur fonds de roulement qui avait été effectué.
9 () Cour des comptes, op. cit.
10 () La grève des personnels de Radio France a duré 28 jours et s’est terminée le 15 avril 2015.
11 () L’Orchestre national de France, l’Orchestre philarmonique de Radio France, le Chœur de Radio France et la Maîtrise de Radio France.
12 () Par Mme Marie-Christine Blandin, MM. David Assouline, Jacques Legendre, Mmes Catherine Morin-Desailly, Marie-Annick Duchêne, M. Jean-Jacques Lozach et Mme Danielle Michel, Rapport de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat : « Rapport sur la BBC. Réinventons l’audiovisuel public »- 5 mars 2012.
13 () La baisse entre 2009 et 2013 a été de –10 % au Royaume-Uni et au Canada, et – 7 % en Allemagne.
14 () France Télévisions, réponse aux questionnaires de la mission d’information.
15 () France Télévisions, réponses au questionnaire de la mission d’information.
16 () INSEE, Chiffres clés pour l’année 2010 sur la production audiovisuelle en France.
17 () À condition que BBC Trust confirme au 30 septembre prochain son approbation déjà donnée en juin.
18 () Articles 1605 et 1605 ter du code général des impôts.
19 () Irène Grenet, La réforme de la redevance audiovisuelle.
20 () Loi n° 2004-1985 du 30 décembre 2004 portant loi de finances initiale pour 2005.
21 () Irène Grenet, op.cit.
22 () Article 97 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.
23 () Estimation.
24 () Ces compensations pour dégrèvement n’incluent pas les dégrèvements « contentieux » qui représentent un montant de 74 millions d’euros en 2013, 76 en 2014, 77 en 2015 (estimation) et 78 en 2016 (estimation). Ces dégrèvements viennent en déduction du montant de la CAP, mais ne sont pas compensés par le budget général.
25 () Irène Grenet, op.cit.
26 () Irène Grenet, op.cit.
27 () Cf. tableau « Évolution des redevables et du montant de la contribution à l’audiovisuel public ».
28 () Ce régime des droits acquis correspond au maintien de l’exonération de la redevance audiovisuelle pour les contribuables qui n’y étaient pas assujettis avant la réforme de 2005 et qui le seraient devenus en raison de leur assujettissement à la taxe d’habitation.
29 () Pour 2014, sont ainsi exonérés les contribuables dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 10 633 euros.
30 () La revalorisation de 4 % en 2014 du seuil du revenu fiscal de référence en-dessous duquel le contribuable bénéficie de certaines exonérations a conduit à ce que 450 millions d’euros soit redistribué aux plus modestes via la CAP, la taxe d’habitation, la taxe foncière, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
31 () Selon l’Institut Nielsen, le taux d’équipement de télévision par foyer aux États-Unis est passé à 96,7 % début 2011, contre 98,9 % lors du dernier sondage réalisé en 1992.
32 () Troisième vague d’études de l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers, décembre 2014.
33 () Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), La diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française, juin 2014.
34 () Ibidem, CREDOC.
35 () CREDOC, op.cit.
36 () CSA, Commission de réflexion prospective sur l’audiovisuel, Première approche de la télévision sociale, février 2013.
37 () CSA, Commission de réflexion prospective sur l’audiovisuel, La télévision participative (ou télévision sociale) en 2014, janvier 2015.
38 () CSA, op. cit.
39 () Article 1605 II 1° du code général des impôts.
40 () Bulletin Officiel des Finances Publiques- Impôts- BOI-PAT-CAP-10-20140226, « Contribution à l’audiovisuel public due par les particuliers – champ d’application » et BOI-TFP-CAP-20140827, « Contribution à l’audiovisuel public due par les professionnels ».
41 () Rappelons que sont considérés comme « dispositif[s] assimilé[s] », quand ils sont associés à un écran, les magnétoscopes, lecteurs ou lecteurs-enregistreurs de DVD, vidéoprojecteurs équipés d’un tuner.
42 () Données du CSA d’après Médiamétrie.
43 () Il s’agit d’une norme de codage d’objets audiovisuels spécifiée par le Moving Picture Experts Group (MPEG).
44 () Zweites Deutsches Fernsehen.
45 () Arbeitsgemeinschaft der öffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalter der Bundersrepublik Deutschland.
46 () Kommission zur Emmittlung des Finanzdarfs des Rundfundkansalten.
47 () British Broadcasting Corporation.
48 () cf. supra.
49 () Irène Grenet, op. cit.
50 () En vertu de l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les aides étatiques accordées à des entreprises et qui menacent de fausser la concurrence sont interdites.
51 () Décision C(2005)1166 de la Commission européenne du 20 avril 2005.
52 () Décret n° 2007-958 du 15 mai 2007.
53 () Irène Grenet, op. cit.
54 () En effet, lorsque la redevance audiovisuelle a été qualifiée d’impôt en 2004, le Conseil constitutionnel, n’a pas requalifié juridiquement cette redevance en taxe (décision n° 2003-488 du 29 décembre 2003 relative à la loi de finances initiale pour 2004.
55 () Troisième vague d’études de l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers, décembre 2014.
56 () Application nationale des contrôles de la redevance audiovisuelle et de gestion des sanctions.
57 () Rémy Le Champion et Benoît Danard, Les programmes audiovisuels, La Découverte, novembre 2014.
58 () Rémy Le Champion et Benoît Danard, op. cit.
59 () Rémy le Champion et Benoît Danard citent l’exemple parlant du film Un indien dans la ville qui a regroupé 12,2 millions de téléspectateurs lors de sa première diffusion en 1999, et encore 9,9 millions de téléspectateurs sa troisième diffusion cinq ans plus tard.
60 () Cour des comptes, Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle : des changements nécessaires, avril 2014.
61 () Cette publicité consiste à afficher sur des sites choisis, des bandeaux publicitaires appelés annonces qui sont disponibles sous différents formats.
62 () Chiffres de l’Union des annonceurs (UDA) en réponse au questionnaire de la mission d’information.
63 () L’Internet search et l’Internet display sont deux modalités de la publicité digitale. Le display regroupe la publicité dite classique sur les sites Internet, sous forme d’achat d’espaces (bannières, éléments graphiques, etc.). L’Internet display se présente sous forme de liens commerciaux, sélectionnés en fonction des recherches effectuées par l’internaute. Il s’agit d’une publicité plus personnalisée.
64 () La mise en garde est la dernière pratique d’avertissement du CSA avant les procédures légales de mise en demeure et de sanction.
65 () M. Jean-Marie Beffara, Rapport fait au nom de la Commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2015, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2234 annexe n° 32, octobre 2014.
66 () Rapport de la Cour des comptes, Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle : des changements nécessaires, avril 2014.
67 () Données de l’Union des annonceurs (UDA) fournies dans le cadre de la mission d’information
68 () Il s’agit de formats d’affichage publicitaire spécifique aux vidéos sur internet consistant à diffuser le message publicitaire pendant quelques secondes avant la visualisation de la vidéos (pré-roll) ou au milieu de la vidéo (in-roll).
69 () M. Jean-Marie Beffara, Rapport fait au nom de la Commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2015, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 2234 annexe n° 32, octobre 2014.
70 () Il s’agit du positionnement de la « marque » télévisuelle sur internet, c’est-à-dire de sa visibilité et de sa puissance marketing. Ce classement conditionne en partie le prix des espaces publicitaires associés à cette marque.
71 () Rémy Le Champion et Benoît Danard, op. cit.
72 () Marcel Rogemont, rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, n° 1275 (17 juillet 2013) ;
73 () MM. David Assouline et Jacques Legendre, Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision : la loi du 5 mars 2009 à l’heure du bilan, rapport d’information de la Commission pour le contrôle de l’application des lois, Sénat, n° 572 (2011-2012), mai 2012.
74 () Voir partie I du présent rapport.
75 () Données fournies par TF1, réponses aux questionnaires budgétaires (PLF pour 2015).
76 () Rapport n° 1275 du 17 juillet 2013.
77 () Projection de la taxe télécom : montant moyen du produit de la taxe de 2009 à 2014 (220 millions d’euros), majoré du montant attendu de la hausse de la taxe de 75 millions d’euros, soit un total de 295 millions d’euros, auquel s’ajouter 15 millions d’euros de taxe sur la publicité.
78 () La dotation budgétaire de France Télévisions est passée de 103 millions d’euros à 160 millions d’euros entre 2014 et 2015, tandis que sa part de CAP passait simultanément de 2429,8 millions d’euros à 2 369,3 millions d’euros.
79 () Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.
80 () Ces objectifs ont été confortés par l’adoption, en 1989, de la directive européenne « Télévisions sans frontières », qui prévoit des obligations minimales de diffusion d’œuvres européennes au bénéfice notamment de producteurs indépendants, pour l’ensemble des chaînes, quel que soit leur support de diffusion.
81 () Décret n° 90-67 du 17 janvier 1990 pris pour l’application du 3° de l’article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication et fixant les principes généraux concernant la contribution au développement de la production cinématographique et audiovisuelle ainsi que l’indépendance des producteurs à l’égard des diffuseurs.
82 () CNC, Évaluation des dispositifs de crédit d’impôt, octobre 2014.
83 () Cour des comptes, Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, avril 2014.
84 () Cette indépendance porte sur deux critères : d’une part, il est interdit aux diffuseurs de détenir plus de 15 % des parts de capital ou des droits de vote d’une entreprise de production et, d’autre part, l’œuvre produite doit être indépendante.
85 () Fédération regroupant trente sociétés de production dont Telfrance, CAPA et Be aware.
86 () Cour des comptes, op. cit.
87 () cf. annexe.
88 () Décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution des éditeurs de services non hertziens et décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 qui s’applique à l’ensemble des services de télévisions diffusés par voie hertzienne terrestre.
89 () Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels.
90 () Telles qu’elles sont définies à l’article 4 du décret n° 90-66 du 17 janvier 199, à savoir les émissions ne relevant pas d’un des genres suivants : œuvres cinématographiques de longue durée ; journaux et émissions d’information ; variétés ; jeux ; émissions autres que de fiction majoritairement réalisées en plateau ; retransmissions sportives ; messages publicitaires ; télé-achat ; autopromotion ; services de télétexte.
91 () Telles qu’elles sont énumérées à l’article 27-3° de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à savoir les œuvres d’expression originale française et européennes de fiction, de documentaire, d’animation, de captation de spectacles vivants, et de vidéomusiques.
92 () Les chaînes non hertziennes (émises par le câble, le satellite et internet) sont soumises, quant à elles, à un régime d’obligations légèrement différent : les sommes investies dans la production audiovisuelle doivent s’élever à 14 % du chiffre d’affaires net de l’exercice précédent, dont 8,5 % consacrés aux œuvres patrimoniales.
93 () Article 13 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 prévoit une obligation de diffusion des œuvres audiovisuelles.
94 () Cour des comptes, op. cit.
95 () Décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.
96 () Cour des comptes, op. cit.
97 () Article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée.
98 () Article 15 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 pour les chaînes hertziennes.
99 () Décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.
100 () Articles 15 des décrets n° 2010-416 du 27 avril 2010 et n° 2010-747 du 2 juillet 2010.
101 () Institut Montaigne, op. cit.
102 () Au moins égal à 25 % de la part française du financement, et composée d’une part de numéraire supérieure à 9 000 euros de l’heure.
103 () L’octroi de cette aide, après évaluation de la situation financière de l’entreprise, est subordonné aux mêmes conditions que le soutien automatique, son montant est plafonné en fonction du soutien préalablement accordé, et les avances sont remboursables à hauteur de 50 % de leur montant.
104 () Information, sports, jeux, talk-shows, télé-réalité, divertissements.
105 () CNC, La production audiovisuelle aidée en 2014.
106 () Cour des comptes, op cit.
107 () Décret n° 2011-364 du 1er avril 2011 modifiant la réglementation relative au soutien financier de l’industrie audiovisuelle.
108 () Vingt-six régions, seize départements, une Euro-métropole (Strasbourg) et une commune.
109 () Ecla Aquitaine, Maison de l’Image Basse-Normandie, Agence Film Réunion, Citia en Haute-Savoie, Magelis en Charente, Cinémas 93 et Périphérie en Seine-Saint-Denis
110 () Site Internet de l’Agence régionale du Centre pour le livre, l’image et la culture numérique, www.ciclic.fr.
111 () Cour des comptes, op cit.
112 () Observatoire européen de l’audiovisuel, Aides publiques aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles en Europe, 2004.
113 () Observatoire européen de l’audiovisuel – Annuaire 2011 tome 2.
114 () Jean-Pierre Plancade, Production audiovisuelle : pour une politique industrielle au service de l’exception culturelle, rapport d’information fait au nom de la Commission de la culture, Sénat, n° 616 (2012-2013), 30 mai 2013.
115 () Avril 2015.
116 () Cour des comptes, op cit.
117 () Rémy Le Champion et Benoît Danard, Les programmes audiovisuels, La Découverte, novembre 2014.
118 () Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Île-de-France, op. cit.
119 () Cour des comptes, op. cit.
120 () Cour des comptes, op. cit.
121 () Institut Montaigne, Rallumer la télévisions 10 propositions pour faire rayonner l’audiovisuel français, février 2015.
122 () BBC Worldwide, Annual review, 2013/14.
123 () Décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d'œuvres audiovisuelles des services de télévision.
124 () TF1, France 2, France 3, France 5, M6, Arte, D8, W9, TMC, NT1, NRJ12, France 4, D17, Gulli, HD1, 6ter, Numéro 23, RMC Découverte.
125 () En 2012, 118 chaînes françaises ont commandé des documentaires, contre seulement 55 chaînes pour la fiction.
126 () « Œuvres présentant un intérêt particulier d’ordre culturel, social, technique, scientifique ou économique, appartenant aux genres de la fiction, de l’animation, du documentaire de création, de la recréation ou captation de spectacles vivants, du magazine présentant un intérêt culturel et des vidéomusiques ».
127 () Cour des comptes, op. cit.
128 () CNC, Le marché du documentaire en 2014, 2015.
129 () Cour des comptes, op. cit.
130 () CNC, op. cit.
131 () Rendez-vous en terre inconnue, diffusé sur France 2, se situe en première position (6,8 millions de téléspectateurs et 24,1 % de part d’audience) devant Apocalypse, la Première Guerre mondiale sur France 2 (6,6 millions et 22,9 %) et Sacrifice sur TF1 (5,8 millions et 24,3 %).
132 () CNC, op. cit.
133 () Cour des comptes, op. cit.
134 () CNC, L’exportation des programmes audiovisuels français en 2014, septembre 2015.
135 () Op. cit.
136 () CNC, La production aidée en 2014, avril 2015.
137 () Médiamétrie Eurodata Worldwide.
138 () Rapport Schwartz, op. cit.
139 () Dont 16 500 dédié au service public (contre 19 000 en 2006, soit une réduction des effectifs de13 % ). Par ailleurs, le directeur de la BBC, Tony Hall, a annoncé en juillet dernier la suppression d’un millier de postes.
140 () Huit chaînes : BBC One, BBC Two, BBC Three, BBC Four, les chaînes jeunesse (CBBC et Cbeebies), BBC Parliament et BBC Alba.
141 () Six chaînes nationales (parmi lesquelles BBC Radio 1, BBC Radio 2, BBC Radio 3 et BBC Radio 4) et des chaînes locales.
142 () cf. supra.
143 () House of the Parliament, Culture, Media and sport committee, The Future of the BBC, 10 février 2015.
144 () Window of Creative Competition Television – BBC Trust review, Mars 2013.
145 () House of the Parliament, Culture, Media and sport committee.
146 () BBC Trust, The supply arrangements for the production of the BBC’s television content, radio content and online content and service, juin 2015.
147 () BBC Trust, op. cit.
148 () Rapport d’information fait au nom de la Commission de la culture, Télévision publique et sport : les atouts du modèle britannique, Sénat, n° 34 (2012-2013), octobre 2012.
149 () BBC Worldwide, Annual review, 2013/14.
150 () Décret relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
151 () Décret relatif à la contribution à la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.
152 () Laurent Vallet, Adapter les obligations de financement de la production audiovisuelle pour garantir leur avenir, rapport à la ministre de la Culture et de la Communication, 17 décembre 2013.
153 () Jean-Pierre Plancade, op. cit.
154 () Rapport de la Cour des comptes, Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle : des changements nécessaires, avril 2014.
155 () Les deux derniers alinéas de l’article 71-1 ont été ajouté par l’article 29 de la loi du 15 novembre 2013 : « Les décrets mentionnés au premier alinéa précisent le niveau de la part substantielle mentionnée au deuxième alinéa ainsi que l’étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus directement ou indirectement par l’éditeur de services lorsqu’il détient des parts de producteurs.
Ils peuvent également prendre en compte la durée de détention des droits de diffusion par l’éditeur de services ainsi que la nature et l’étendue de la responsabilité de l’éditeur de services dans la production de l’œuvre. »
156 () Cour des comptes, op. cit.
157 () Article 15 du décret de 10 juillet 2010, dans sa rédaction modifiée par le décret du 27 avril 2015.
158 () Jean-Pierre Plancade propose dans son rapport une uniformisation du quota à 50 %, M. David Assouline émettant quant à lui un avis différencié dans ce même rapport en proposant un quota uniformisé de 70 %.
159 () Article 17 de la directive « Service de medias audiovisuels sans frontière » de 2007.
160 () Cahier des missions et des charges- IV, article 9
161 () Calcul de France Télévisions: 40 millions d’euros x 70 % (déduction de 30 % de commissionnement distributeurs) x 60 % (part de France Télévisions dans le financement total de la fiction française) x 70 % (part moyenne de France Télévisions dans les plans de financement des fictions) x 40 % (droit à recettes proportionnel à l’apport en part producteur).
162 () 35 millions d’euros x 70 % (déduction de 30 % de commissionnement distributeurs) x 36% (part de France Télévisions dans le financement total du documentaire français) x 54 % (part moyenne de France Télévisions dans les plans de financement des documentaires) x 40 % (droit à recettes proportionnel à l’apport en part producteur).
163 () Droit à recettes plus équitable, droit de propriété à travers Multimédia France Productions, zone de souplesse permettant de mieux exposer les œuvres sur tous les supports, ou encore de mieux valoriser un apport particulièrement important de France Télévisions sur un projet donné.
164 () Groupe de travail coordonné par M. Marc Schwartz, France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition, février 2015.
165 () La Commission pour la nouvelle télévision publique présidée par Jean-François Copé avait inscrit dans son rapport une prévision de recettes commerciales de 40 millions d’euros, sans valorisation possible de la production audiovisuelle.
© Assemblée nationale