N° 3104 - Rapport de Mme Annick Le Loch et M. Philippe Armand Martin (Marne) déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation




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3104

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur la mise en application de la loi n° 2014-344

du 17 mars 2014 relative à la consommation

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Annick LE LOCH et M. Philippe Armand MARTIN

Députés.

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SYNTHÈSE

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation n’a pas fondamentalement remis en cause les grands équilibres des rapports entre fournisseurs et distributeurs issus de la loi de modernisation de l’économie. Le principe de négociabilité des prix a ainsi été réaffirmé mais il a été jugé nécessaire de renforcer le formalisme encadrant cette négociation, condition nécessaire pour une relation commerciale équilibrée.

Partant du constat que le dispositif législatif était, pour l’essentiel, satisfaisant mais qu’il était insuffisamment respecté, la loi Consommation a, par contre, significativement renforcé les pouvoirs de sanction de l’administration (injonctions, sanctions administratives). S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan, vos rapporteurs considèrent que ce renforcement était indispensable et que l’administration doit désormais disposer des moyens de mettre en pratique ces nouveaux pouvoirs.

Depuis l’adoption de la loi Consommation est intervenu un profond bouleversement du secteur de la distribution avec le rapprochement des centrales d’achat des principaux acteurs du secteur. De l’avis unanime des personnes entendues, c’est ce nouvel environnement qui, bien plus que les nouvelles dispositions législatives, a marqué le dernier cycle de négociation qui s’est achevé le 28 février dernier puisque les quatre centrales représentent maintenant plus de 90 % du marché.

Malgré la vigilance de l’État, ces négociations semblent avoir été encore une fois extrêmement conflictuelles, cette conflictualité étant alimentée par le contexte de guerre des prix qui prévaut en ce moment dans le secteur de la grande distribution. La crise que traverse actuellement le monde agricole est aussi une nouvelle illustration de cette excessive conflictualité. Pourtant, comme l’ont souligné de très nombreuses personnes auditionnées par vos rapporteurs, cette guerre des prix ne profite aujourd’hui à personne : les fournisseurs comme les distributeurs voient leurs marges se réduire progressivement ce qui obère d’autant leurs capacités d’investissement, d’innovation et d’embauche ; et les consommateurs ne gagnent au final que très peu en termes de pouvoir d’achat.

Il est donc temps de mettre fin à cette guerre des prix et de développer de réels partenariats entre les acteurs afin de créer de la valeur sur l’ensemble de la chaîne. Cette indispensable évolution ne passera pas par de nouveaux changements législatifs, dont on mesure bien aujourd’hui les limites, mais par un changement des pratiques et des mentalités : à la conflictualité exacerbée qui caractérise aujourd’hui les relations commerciales doivent être préférées la médiation, la labellisation des bonnes pratiques et la conciliation.

SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE 3

INTRODUCTION 7

I. SI LA LOI CONSOMMATION A RENFORCÉ L’EFFECTIVITÉ DE LA LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE, L’ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE A PROFONDÉMENT ÉVOLUÉ DEPUIS SON ADOPTION 9

A. LA LOI CONSOMMATION A RENFORCÉ L’EFFECTIVITÉ DE LA LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE 9

1. Le renforcement du formalisme, nécessaire contrepoids à la négociabilité des prix 10

a. En amont, mieux encadrer les négociations 10

b. En aval, enrichir le contenu de la convention unique 11

c. L’enrichissement de la liste des pratiques commerciales interdites 11

2. La clause de variation tarifaire 12

a. Un problème ancien 12

b. Le dispositif législatif 12

c. Une mise en œuvre difficile 13

3. Des sanctions plus efficaces 13

a. Le nouveau pouvoir d’injonction 14

b. Les sanctions administratives 14

4. L’ajustement des délais de paiement 15

B. UN REGROUPEMENT DES CENTRALES D’ACHAT QUI INTERROGE LE DROIT DE LA CONCURRENCE 16

1. Le regroupement des centrales d’achat, un préalable à une restructuration du secteur ? 16

a. Un rapprochement qui concerne quasiment toutes les enseignes 17

b. Des rapprochements ciblés, aux modalités variables 18

c. Un mouvement de concentration qui se poursuit 19

2. La vigilance de l’Autorité de la concurrence 21

a. Les risques sur les marchés aval 22

b. Les risques sur les marchés amont 23

II. DES RELATIONS ENCORE EXTRÊMEMENT CONFLICTUELLES QU’IL EST INDISPENSABLE DE PACIFIER 27

A. DES RELATIONS COMMERCIALES ENCORE TRÈS DIFFICILES ALIMENTÉES PAR LA GUERRE DES PRIX 27

1. Des négociations commerciales extrêmement tendues 27

a. Des récits irréconciliables 27

b. Un État vigilant 28

c. Les difficultés de la période post-négociation 29

2. Des prix qui continuent de baisser 30

a. La « guerre des prix » continue 30

b. Les conséquences de la guerre des prix 31

B. L’INDISPENSABLE PACIFICATION DES RELATIONS COMMERCIALES 32

1. Mettre fin à la guerre des prix 32

2. Créer de réels partenariats 34

a. Développer la médiation et la labellisation des bonnes pratiques 34

b. Renforcer le rôle de la CEPC, entre le juridique et l’économique 34

EXAMEN EN COMMISSION 37

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 53

INTRODUCTION

Moins d’un an après l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dite loi Consommation, la Commission des affaires économiques a souhaité faire le point sur son application et en particulier sur le volet relations fournisseurs/distributeurs. Il est intéressant de constater à quel point ce thème est toujours autant d’actualité à l’approche des négociations de 2016.

En effet, nous avons observé que la dernière campagne de négociation commerciale avait été tout aussi conflictuelle que les précédentes, voire pire encore selon certains fournisseurs du fait du récent rapprochement des centrales d’achat. Il est bien entendu prématuré de tirer des conclusions définitives mais les crises agricoles que nous vivons exacerbent aussi les tensions entre industriels, distributeurs et producteurs, même si le Gouvernement a mis en place un comité de suivi des relations commerciales, a initié des tables rondes et a activé la médiation.

Ces derniers mois, nous sommes arrivés à un tournant marqué par les crises conjuguées des secteurs du porc, de la viande bovine et du lait, qui est l’illustration d’un problème plus global. Aujourd’hui, les éleveurs expriment un profond malaise et craignent pour l’avenir de leurs exploitations. Ces crises nous questionnent sur quelle France, quelle Europe agricole souhaitons-nous demain ?

Il est légitime de permettre aux éleveurs et aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail, de toucher les fruits de leurs efforts grâce à un prix rémunérateur. Leurs difficultés sont intrinsèquement liées à des problématiques plus globales qui ne sont pas examinées dans ce rapport comme : la concurrence internationale toujours plus forte, les prix d’achat qui ne cessent de baisser, le déséquilibre des rapports de force, la qualité des produits, la demande des consommateurs, etc.

Au-delà de son thème principal, ce rapport d’application de la loi Consommation permet d’élargir le questionnement : faut-il toujours plus de concurrence ? Plus de m2 commerciaux ? Ne peut-on pas repenser notre modèle de distribution ? Quelle offre commerciale souhaite-t-on développer ? Le petit commerce indépendant a-t-il un avenir ? Au-delà des profits générés par des grands groupes et qui font du bien à notre économie, il faut aussi miser sur la richesse et la diversité des territoires. Le maillage de TPE et PME sur tout le territoire est tout aussi vital à notre économie et propose une offre, non uniformisée, qui fait la caractéristique de la France.

Au cours des auditions effectuées pour la rédaction de ce rapport, de nombreux témoignages nous ont confirmé que ce modèle de développement à l’œuvre épuise l’ensemble des acteurs de la chaîne et favorise la disparition progressive des plus petits. Du niveau européen au niveau local, l’ensemble des acteurs des filières doivent s’interroger.

La première partie de ce rapport met en évidence que nous avons légiféré, encadré, renforcé la loi LME. Face aux mauvaises pratiques qui perdurent, le formalisme a été renforcé et l’État s’est mieux armé pour sanctionner le non-respect des dispositions législatives. Mais la loi ne peut pas tout, et dans un environnement économique qui évolue, la volonté et la responsabilité des acheteurs sont primordiales.

La seconde partie du rapport s’attache à démontrer que la guerre des prix ne peut plus continuer et que l’avenir réside là encore dans la responsabilisation des acteurs, l’organisation des filières, et dans des méthodes de médiation et de labellisation plutôt que d’affrontements et de pressions. Notre impératif commun est que les prochaines négociations commerciales se déroulent dans un climat partenarial plus équilibré, juste et apaisé, profitable à tous.

I. SI LA LOI CONSOMMATION A RENFORCÉ L’EFFECTIVITÉ DE LA LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE, L’ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE A PROFONDÉMENT ÉVOLUÉ DEPUIS SON ADOPTION

Lors de l’élaboration de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dite loi Consommation, il avait été décidé de ne pas remettre en cause les grands principes de la loi de modernisation de l’économie mais d’y apporter quelques ajustements afin de renforcer le formalisme, gage de transparence et, partant, d’un plus grand équilibre dans les relations commerciales. Vos rapporteurs ont néanmoins souhaité se pencher sur la portée de ces ajustements et sur leurs conséquences dans les négociations commerciales qui ont pris fin en février 2015.

L’analyse est néanmoins difficile car est intervenu à l’automne 2014 un bouleversement pour ce secteur d’activité avec le rapprochement des centrales d’achat des principaux distributeurs. De l’avis unanime des personnes auditionnées, c’est cette réalité économique nouvelle qui a, bien plus que les dispositions de la loi Consommation, profondément marqué les dernières négociations.

A. LA LOI CONSOMMATION A RENFORCÉ L’EFFECTIVITÉ DE LA LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation n’a pas remis en cause les principes qui sous-tendent les dispositions actuelles du code de commerce, issues notamment de la loi de modernisation de l’économie (LME), mais vise avant tout à favoriser leur pleine application.

La loi Consommation n’a en particulier pas remis en cause le principe de négociabilité qui est au cœur du dispositif LME. Mais la contrepartie de la plus grande liberté de négociation laissée aux parties par la LME est une exigence de loyauté et de transparence des relations commerciales. Ainsi, la loi contient plusieurs dispositions destinées à rééquilibrer les éventuels effets néfastes des rapports de forces économiques par la réaffirmation des modalités d’encadrement de la négociation et un formalisme plus strict de la relation commerciale. Ensuite, dans le déroulement de la relation contractuelle, la loi interdit expressément deux nouveaux comportements abusifs, qui étaient dénoncés de manière récurrente lors des contrôles menés par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : la garantie de marge et le non-respect du prix convenu.

Le législateur a également souhaité renforcer les moyens d’action des agents chargés de veiller au respect des dispositions du code de commerce en matière de pratiques commerciales, tant au stade de l’enquête qu’à celui de la mise en œuvre de la sanction le cas échéant.

Enfin, face à la persistance de certaines pratiques de contournement de la loi s’agissant des délais de paiement inter-entreprises, est apparue la nécessité d’apporter des ajustements sur la réduction des délais de paiement.

1. Le renforcement du formalisme, nécessaire contrepoids à la négociabilité des prix

Depuis la suppression de l’interdiction de discrimination tarifaire, les prix sont libres et négociables. Toutefois, les différentes étapes de la négociation commerciale doivent apparaître clairement dans la convention et les conditions négociées ne doivent pas soumettre l’un des partenaires commerciaux à des clauses ou pratiques abusives. Or, depuis l’entrée en vigueur de la LME, des interprétations divergentes de ces dispositions selon les différentes catégories d’opérateurs économiques ont conduit à la persistance de pratiques illicites.

C’est ce qui a justifié l’intervention du législateur pour renforcer le formalisme à la fois en amont et en aval, avec la conviction que ce formalisme est un facteur de transparence des négociations.

a. En amont, mieux encadrer les négociations

En amont de la négociation, le formalisme est renforcé de deux manières. D’abord par l’exigence d’une communication des conditions générales de vente (CGV) au plus tard trois mois avant le 1er mars de l’année de conclusion de la convention récapitulative (art L. 441-7, I, al. 5). Cette disposition n’a semble-t-il pas posé de problèmes insurmontables pour les fournisseurs.

Certains distributeurs entendus par vos rapporteurs ont néanmoins regretté que cette nouvelle date ait conduit certains fournisseurs qui, autrefois, communiquaient leurs CGV bien avant le 1er décembre, à retarder cet envoi.

Plus fondamentale a été la volonté du législateur de faire des CGV le socle unique de la négociation commerciale (art L. 441-6). Si cette référence au « socle » était déjà faite pour exprimer que ces conditions étaient le « point de départ » de la négociation, l’ajout du qualificatif « unique » conduit à exclure que le demandeur de produits ou services puisse engager la négociation sur la base de ses conditions générales d’achat (CGA) en écartant a priori les CGV. Les CGA doivent donc désormais apparaître comme une contre-proposition dans un processus de négociation et non comme un nouveau point de départ pour la négociation.

Ce faisant, le législateur avait souhaité répondre aux récriminations récurrentes des fournisseurs qui se plaignaient que l’esprit de la loi LME était totalement détourné par certains distributeurs qui faisaient des CGA la base de la négociation. L’impact concret de ce changement de terminologie est aujourd’hui difficile à évaluer : certains fournisseurs entendus par vos rapporteurs considèrent que cela n’a que peu changé la réalité des négociations commerciales. En adoptant cette disposition, le législateur était conscient de ce risque mais il avait souhaité rappeler clairement sa volonté afin de renforcer la position des fournisseurs et aider l’administration à mettre fin à certaines pratiques clairement contraires à l’esprit de la loi.

b. En aval, enrichir le contenu de la convention unique

En aval de la négociation, la formalisation a également été renforcée dans l’établissement de la convention récapitulative afin d’aller vers toujours plus de transparence.

L’article L. 441-7 du code de commerce précise ainsi que la convention doit désormais mentionner « le barème de prix tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur » ou tout au moins « les modalités de (sa) consultation ». Seront alors plus faciles à apprécier « les réductions de prix » négociées qui doivent également figurer dans la convention récapitulative. Devra également figurer dans la convention unique « la rémunération ou la réduction de prix globale afférente » aux obligations destinées à favoriser la relation commerciale.

Par ailleurs, la date de prise d’effet des résultats de la négociation se trouve désormais spécifiquement encadrée : le prix convenu à l’issue de la négociation commerciale s’applique au plus tard le 1er mars et la date retenue vaut pour l’ensemble des clauses relatives aux obligations ayant concouru à la détermination du prix convenu.

La transparence est également renforcée par la mention expresse, dans le code de commerce, de l’existence des nouveaux instruments promotionnels (NIP). L’article L. 441-7 précise désormais qu’ils doivent faire l’objet de contrats de mandat confié au distributeur par le fournisseur.

Est enfin prévue une obligation de courtoisie qui impose au distributeur de répondre « de manière circonstanciée » et « dans un délai maximum de deux mois » aux demandes écrites des fournisseurs concernant l’exécution du contrat.

c. L’enrichissement de la liste des pratiques commerciales interdites

Prenant en compte l’émergence de certaines pratiques commerciales non-conformes à l’esprit de la loi LME, le législateur a souhaité enrichir le catalogue des pratiques abusives de négociations commerciales pouvant engager la responsabilité civile de leur auteur.

Ainsi, les pratiques habituellement dénommées « garanties » ou « compensations » de marge, font-elles généralement l’objet d’un habillage leur donnant une apparence de licéité. Le législateur a souhaité compléter l’article L. 442-6 I 1° du code de commerce afin d’afficher clairement sa volonté de sanctionner la pratique consistant pour un distributeur à formuler des demandes pécuniaires destinées à préserver ou accroître sa rentabilité de manière abusive, c’est-à-dire sans contrepartie et en remettant en cause l’équilibre du contrat, en cours d’exécution de ce dernier.

Concernant le non-respect du prix convenu, le nouvel article L. 442-6 I 12° du code de commerce n’est que la traduction, dans les relations commerciales, des règles du droit commun des contrats selon lesquelles les parties doivent exécuter de bonne foi les conventions qu’elles ont conclues. Ainsi, la responsabilité civile d’un professionnel pourra être engagée s’il ne respecte pas le prix convenu au contrat. Le texte précise que n’importe quelle partie peut être à l’origine de la faute, que ce soit le fournisseur ou le distributeur, le sous-traitant ou le donneur d’ordres et prévoit expressément toutes les hypothèses possibles du « prix convenu » (convention, avenant ou renégociation) afin de prévenir d’éventuelles pratiques de contournement.

2. La clause de variation tarifaire

Le législateur a également souhaité traiter dans la loi consommation un problème ancien, celui des variations de prix liées à la volatilité des prix des matières premières.

a. Un problème ancien

Dans leur rapport d’application de la loi de modernisation de l’économie, nos collègues Catherine Vautrin et Jean Gaubert avaient identifié cette difficulté et soulignaient que certains « distributeurs imposent aux fournisseurs de prendre en charge l’ensemble des hausses de prix de matières premières, de manière à ne pas augmenter le prix de vente des produits proposés dans leurs linéaires, les établissements de la grande distribution cherchant en premier lieu à vendre des biens au meilleur prix afin d’attirer le plus grand nombre de consommateurs possible (principe de la compétitivité-prix). Ainsi, lorsque les prix des matières premières augmentent et que les fournisseurs désirent que cette hausse soit reportée sur le prix auquel ils vendent au distributeur, la renégociation n’est jamais acquise et les obstacles mis à son déroulement sont nombreux. »

Et de poursuivre : « En revanche, lorsque les prix des matières premières diminuent, les distributeurs sont, semble-t-il, les premiers à exiger (et non demander) une réouverture des contrats précédemment conclus, quitte à les résilier pour imposer par la suite une obligation de renégocier. La baisse du prix profite donc immédiatement au distributeur ». (1)

b. Le dispositif législatif

C’est pour régler cette difficulté qu’a été introduit dans le code de commerce un nouvel article L. 441-8 imposant une renégociation entre les contractants du prix de vente d’un produit en cas de fluctuation à la hausse ou à la baisse du cours des matières premières entrant dans la fabrication des produits alimentaires.

Cette renégociation a pour finalité une répartition équitable, entre les parties, de l’accroissement ou de la réduction des coûts de production résultant de ces fluctuations de prix. Elle tient compte notamment de l’impact de ces fluctuations sur l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

Il s’agit de faire en sorte qu’un acteur de la chaîne de valeur en position économiquement dominante (donneur d’ordres dans une relation de sous-traitance, grande surface dans une relation fournisseur/distributeur) ne tire pas un profit exclusif d’une évolution favorable des prix ou transfère toute la charge sur ses partenaires en cas d’évolution défavorable.

c. Une mise en œuvre difficile

La mise en œuvre de cette disposition importante a été compliquée. Un décret était d’abord nécessaire pour préciser la liste des produits concernés par cette obligation de renégociation et les règles de forme à respecter pour celle-ci (en particulier, l’obligation de rédiger un compte rendu).

Or, la rédaction de ce décret a pris plus de temps qu’initialement prévu et le texte réglementaire n’a été publié que le 17 octobre 2014 soit six mois après la promulgation de la loi. Est également apparue une incertitude juridique sur le périmètre des contrats concernés par cette obligation de renégociation : la question se posait de savoir si les marques distributeurs (MDD) étaient ou non concernées. L’incertitude a été levée par l’article 33 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui fait clairement rentrer les MDD dans le champ d’application de l’article L. 441-8.

Des difficultés pratiques sont également apparues pour tenir compte de la très grande diversité des produits concernés : la part de la matière première volatile peut en effet être extrêmement variable d’un produit à l’autre et il est parfois difficile de dégager des critères généraux. Au final, les clauses de renégociation retenues ne semblent guère correspondre à l’objectif initial du législateur qui était de s’assurer qu’un juste prix, adapté à la réalité du cours de la matière première, soit appliqué tout au long d’une filière donnée.

Compte tenu de la récente baisse du coût de certaines matières premières, cette application imparfaite n’est pas dramatique pour les fournisseurs. Il faudra néanmoins qu’un bilan de la première année d’application soit dressé dès que possible pour envisager une modification du dispositif, éventuellement en renforçant l’encadrement réglementaire.

3. Des sanctions plus efficaces

La grande majorité des personnes auditionnées par vos rapporteurs ont souligné que le principal apport de la loi Consommation était le renforcement du pouvoir de contrôle de l’administration par la transformation de la sanction pénale en sanction administrative et la possibilité d’adresser des injonctions.

Pour ces personnes en effet, le corpus de règles encadrant la négociation commerciale est désormais suffisant et l’enjeu est aujourd’hui de les faire respecter, ce qui suppose une administration disposant des outils adéquats pour mener à bien cette mission. Deux nouveaux outils ont ainsi été créés par la loi consommation : l’injonction et la sanction administrative.

a. Le nouveau pouvoir d’injonction

L’injonction administrative a pour but d’inciter les professionnels à respecter les dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce et vise ainsi à garantir la préservation des droits et à maintenir des relations commerciales saines, autant qu’à sanctionner les manquements.

L’agent qui aura constaté le manquement ou l’infraction pourra, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel de se conformer à ses obligations, de supprimer toute clause illicite ou de cesser tout agissement illicite.

Enfin, uniquement pour les cas où la pratique commerciale restrictive de concurrence ayant justifié l’injonction est sanctionnée par une amende pénale ou administrative, le non-respect de cette injonction pourra lui-même être sanctionné d’une amende administrative d’un montant maximum de 3 000 euros pour les personnes physiques et de 15 000 euros pour les personnes morales. En revanche, le non-respect d’une injonction de mettre un terme à un manquement sanctionné civilement, et par conséquent la persistance de ce manquement, ne pourront faire l’objet que d’une action en responsabilité civile.

Entre le 20 mars 2014 et le 25 septembre 2015, 170 injonctions ont été prononcées par les services de la DGCCRF en matière de relations commerciales, essentiellement pour faire corriger des atteintes aux règles de facturation (82) et aux délais de paiement réglementés (65).

b. Les sanctions administratives

La création de l’amende administrative doit par ailleurs donner une plus grande efficacité à l’action de la DGCCRF qui disposera d’une meilleure maîtrise de la procédure de sanction, renforçant ainsi l’effectivité de la règle de droit.

En effet, les sanctions civiles et pénales prévues par le code de commerce en matière de délais de paiement et de formalisme contractuel ne permettaient pas toujours d’aboutir à une sanction rapide et efficace des infractions et manquements constatés en la matière. Il convenait donc de faire évoluer le dispositif en permettant à l’autorité administrative compétente en matière de concurrence de disposer des moyens nécessaires à un traitement rapide des manquements et infractions relevés.

Outre les amendes, une peine accessoire peut être prononcée par l’administration : la publicité de la décision administrative, dont les modalités ont été précisées par le décret n° 2014-1109 du 30 septembre 2014. Il est ainsi prévu que cette publicité peut être effectuée par voie de presse, par voie électronique ou par voie d’affichage, la diffusion ou l’affichage pouvant porter sur tout ou partie de la mesure d’injonction, ou prendre la forme d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de cette mesure.

Vos rapporteurs souhaitent insister sur la nécessité de préserver les moyens de la DGCCRF et, en particulier, ceux de la brigade LME qui joue un rôle absolument essentiel. Les actions de contrôle ont significativement augmenté ces dernières années puisque l’on est passé de 4 642 en 2009 à 12 542 actions en 2014, portant sur respectivement 1 230 et 4 365 établissements. Cet effort administratif doit être poursuivi sans quoi les nouvelles dispositions législatives resteront sans effet.

L’alourdissement de la sanction civile

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques par l’Assemblée nationale a été adopté un amendement de notre collègue Razzy Hammadi, devenu l’article 34 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, tendant à modifier l’article L. 442-6 du code de commerce, afin d’augmenter le plafond de l’amende civile infligée en cas de pratiques abusives entre partenaires commerciaux.

Après un examen approfondi du sujet, l’Assemblée nationale a retenu un dispositif fixant un double plafond pour l’amende civile : 2 millions d’euros ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, 5 % du chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques concernées ont été mises en œuvre.

L’objectif de ce double plafond est de permettre de disposer d’une amende d’un montant dissuasif, tout en permettant de sanctionner les manquements des entreprises recourant à des structures juridiques dont le chiffre d’affaires est relativement faible.

Si cet alourdissement des sanctions civiles a été salué par les fournisseurs qui y voient un outil supplémentaire pour faire respecter les « règles du jeu », il a été critiqué par les distributeurs qui y ont vu une nouvelle stigmatisation de leur activité.

4. L’ajustement des délais de paiement

L’objectif général de réduction des délais de paiement, auquel s’est engagé le Gouvernement dans le « Pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi » de novembre 2012, et qui a été réaffirmé dans le « Plan pour le renforcement de la trésorerie des entreprises » de février 2013, s’est notamment traduit dans la loi relative à la consommation par le renforcement du dispositif de sanction, par la clarification de certaines procédures ainsi que par la création d’un nouveau plafond légal.

Pour répondre à un besoin de clarification tout d’abord, l’article L. 441-6 a été modifié notamment pour :

– intégrer le délai de vérification ou d’acceptation des marchandises dans le délai maximum de paiement (sauf clause contractuelle contraire dès lors que celle-ci n’est pas manifestement abusive) ;

– préciser le caractère illicite de la pratique consistant, pour le débiteur, à modifier le mode de computation des délais convenu par les parties, en retenant, selon la date de la facture, le mode de computation qui lui est le plus favorable et de diverses pratiques consistant à retarder le point de départ du délai de paiement (« délais cachés »).

En outre, pour éviter l’allongement des délais de règlement des fournisseurs ou prestataires de services dans les secteurs recourant à l’émission de factures récapitulatives, un nouveau plafond légal de quarante-cinq jours nets à compter de la date d’émission d’une facture périodique (dite aussi récapitulative) a été créé à l’article L. 441-6.

Enfin, des amendes administratives (d’un plafond maximum de 375 000 euros pour les personnes morales) ont été prévues pour sanctionner le non-respect des délais de paiement.

B. UN REGROUPEMENT DES CENTRALES D’ACHAT QUI INTERROGE LE DROIT DE LA CONCURRENCE

Quelques mois à peine après la promulgation de la loi Consommation est intervenue une série d’événements dans le domaine de la grande distribution, événements qui ont eu un impact très fort sur les négociations commerciales qui se sont déroulées entre décembre 2014 et février 2015.

On a en effet assisté à un rapprochement des centrales d’achat et de référencement des principaux distributeurs qui a profondément modifié les conditions des négociations commerciales et qui annonce des évolutions plus structurelles.

Saisie par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et par la Commission des affaires économiques du Sénat, l’Autorité de la concurrence s’est penchée sur cette question et a publié en avril dernier un avis proposant une grille d’analyse des risques engendrés par ces accords de coopération.

1. Le regroupement des centrales d’achat, un préalable à une restructuration du secteur ?

Initié en septembre 2014, le mouvement de regroupement des centrales d’achat s’est très vite étendu à l’ensemble des acteurs, seul Leclerc restant à l’écart. Ce mouvement qui, de l’avis de toutes les personnes auditionnées par vos rapporteurs, a eu un très fort impact sur les dernières négociations commerciales, ne concernait néanmoins qu’un périmètre restreint de fournisseurs, les PME et les produits agricoles n’étant par exemple pas concernés. Par ailleurs, les modalités pratiques de ce rapprochement ont varié selon les enseignes concernées. Comme cela était prévisible, ce mouvement de rapprochement des enseignes s’est poursuivi au cours du premier semestre 2015 avec l’annonce de l’alliance Auchan-Système U.

a. Un rapprochement qui concerne quasiment toutes les enseignes

Le mouvement de regroupement des centrales d’achat s’est enclenché à la fin de l’été 2014. Système U et Auchan ont pris l’initiative en annonçant le 10 septembre 2014 un rapprochement ainsi justifié : « dans un contexte économique difficile de déflation destructrice de valeur, sans perspective à moyen terme de rebond, et une recomposition en cours du paysage du grand commerce français, Système U, union coopérative de commerçants indépendants, et le Groupe Auchan, entreprise familiale, respectivement 6ème et 5ème distributeurs français, ont décidé de conclure un accord de coopération à l’achat. » (2)

Le 8 octobre, Intermarché et Casino annoncent qu’ils ont également « décidé de coopérer dans le domaine des achats dès les négociations 2015. » L’objectif de cette coopération est de « permettre aux deux partenaires d’optimiser les achats et, au niveau national, d’améliorer l’offre de services aux fournisseurs, sur des produits de grandes marques auprès de groupes multinationaux, dans l’alimentaire et le non alimentaire. » (3)

Enfin, le 22 décembre 2014, Carrefour et Provera annoncent la signature d’un accord de coopération à l’achat. Pour les signataires, cet accord « concrétise un partenariat de long terme, sans lien capitalistique entre les deux entreprises, chacune conservant son indépendance, et les engage dans des relations durables avec leurs fournisseurs. Il permettra ainsi de soutenir la compétitivité de leurs enseignes au bénéfice des consommateurs. »

Au terme de ces opérations, on aboutit donc aux regroupements suivants :

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Tous les distributeurs que vos rapporteurs ont rencontrés ont souligné le caractère absolument inévitable de ces rapprochements : comme cela a été maintes fois rappelé, et souvent regretté, le secteur de la grande distribution connaît depuis 2013 un contexte de baisse des prix susceptible de faire pression sur les marges des opérateurs, ce mouvement s’étant accentué au cours de l’année 2014.

Ceci a eu pour conséquence d’obliger certains distributeurs à réduire leurs marges pour rester attractifs : ainsi les groupes Auchan, Casino, Cora, Intermarché et Système U ont enregistré globalement une diminution de leurs marges sur l’année 2014, tandis que celles du groupe Carrefour sont restées relativement stables.

Ces distributeurs expliquent que, dans ce contexte, un accord de coopération était nécessaire pour améliorer leurs conditions d’achat et restaurer leur compétitivité, sous peine de perdre des parts de marchés ou, pour les groupements coopératifs, la perte de magasins choisissant de s’affilier à des réseaux plus attractifs.

b. Des rapprochements ciblés, aux modalités variables

Les rapprochements des centrales d’achat sont, par certains aspects, similaires et, par d’autres différents. Ils sont similaires par leur objectif bien sûr, créer une puissance d’achat susceptible de conduire à une baisse des prix, mais aussi par le périmètre, au final relativement limité, des fournisseurs concernés. Ils diffèrent en revanche grandement par leurs modalités de mise en œuvre.

L’ensemble des rapprochements porte sur un périmètre limité de fournisseurs (les PME ne sont pas concernées) et de produits (les produits issus des filières agricoles sont par exemple exclus).

Ainsi, l’accord de coopération entre Auchan et Système U porte uniquement sur les fournisseurs de produits commercialisés sous marque nationale, à l’exception des PME et des entreprises fournissant des produits frais traditionnels, ce qui représente au total environ 300 fournisseurs. Sont donc exclus les produits frais traditionnels, issus notamment des filières agricoles (fruits et légumes, fromages à la coupe, boulangerie, pâtisserie, viande, poisson), les produits vendus sous marque de distributeurs, les produits premier prix, ainsi que les produits non marchands.

De même, le contrat de coopération entre Intermarché et Casino porte sur 64 fournisseurs de produits de grande consommation à marque nationale communs à leurs enseignes. Sont expressément exclus les produits sous marques de distributeurs, les produits frais traditionnels, les carburants, les produits destinés aux activités de restauration, ainsi que les piles et ampoules.

Enfin, l’accord de coopération entre Carrefour et Cora porte sur une liste déterminée de fournisseurs de produits de grande consommation, 103 en alimentaire et 37 en non-alimentaire, ce qui correspond aux plus gros fournisseurs de produits de grande consommation travaillant déjà avec les deux groupes de distribution. L’accord exclut les produits de la filière agricole de même que les produits frais traditionnels et les produits à marque de distributeur.

Les modalités de coopération diffèrent par contre de manière significative. Ainsi, Système U a donné mandat à Auchan, pour une durée initiale d’un an, pour négocier les conditions d’achat des produits des fournisseurs concernés, lesquelles seront ainsi communes aux deux groupes. Les fournisseurs ont l’obligation de négocier ces conditions en exclusivité avec la centrale d’achat d’Auchan, qui agit pour le compte des deux distributeurs. Chaque distributeur garde ensuite la responsabilité de ventiler ce prix avec des contreparties au sein du contrat-cadre annuel.

Intermarché et Casino ont au contraire choisi de mettre en place une entreprise commune dénommée « Intermarché Casino Achats » (« INCAA »), disposant d’une personnalité juridique distincte, laquelle est chargée de négocier la totalité des conditions commerciales de référencement, c’est-à-dire le contrat-cadre annuel, pour le compte des deux groupes de distribution.

Enfin, l’accord entre Carrefour et Cora prévoit que la société Provera, agissant pour le compte de Cora et Supermarché Match, adhère, en s’acquittant d’une rémunération significative, aux centrales de référencement alimentaire et non-alimentaire de Carrefour, pour une durée minimum de quatre ans, ce qui lui permet in fine de bénéficier des conditions d’achat de Carrefour qui négociera le contrat-cadre annuel pour le compte des deux groupes de distribution.

c. Un mouvement de concentration qui se poursuit

À la suite de ces accords, le marché est donc réparti principalement entre quatre grands acheteurs qui représentent ensemble plus de 90 % du marché, comme le présente le tableau ci-après.

PARTS DE MARCHÉ DES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA DISTRIBUTION
À DOMINANTE ALIMENTAIRE SUR LE MARCHÉ AVAL

AVANT

Parts de marché 2014

selon Kantar

 

APRÈS

Parts de marché suite aux accords (estimation)

Carrefour

21,8 %

 

ITM Entreprises/Groupe Casino

25,9 %

E. Leclerc

19,9 %

 

Carrefour/Cora

25,1 %

ITM Entreprises

14,4 %

 

Auchan/Système U

21,6 %

Groupe Casino

11,5 %

 

Leclerc

19,9 %

Groupe Auchan

11,3 %

 

Lidl

4,7 %

Système U

10,3 %

 

Aldi

2,2 %

Lidl

4,7 %

     

Cora

3,3 %

     

Aldi

2,2 %

     

Source : Étude Kantar Worldpanel données 2014.

Et, comme cela était prévisible, le rapprochement des centrales d’achat a été le préalable à de nouveaux rapprochements plus structurels. Ainsi, en février dernier, Auchan et Système U ont-ils annoncé être entrés « en négociations exclusives en vue d’approfondir leur partenariat ». Et à la mi-mai était rendu public un projet d’alliance, complexe mais complet, entre les deux enseignes permettant aux numéros 5 et 6 actuels du secteur d’en devenir le numéro 2.

Compte tenu de la structure particulière des entités (Auchan est un distributeur intégré détenu à 100 % par la famille Mulliez, Système U est un groupement de 900 commerçants indépendants, propriétaires de leurs magasins), aucun rapprochement capitalistique n’est possible mais cela n’empêche pas un accord extrêmement large.

Selon les informations recueillies par vos rapporteurs, les principales caractéristiques de cette alliance seraient les suivantes :

– Auchan France se recentrerait sur les hypermarchés (les 247 Simply Market détenus par Auchan passant sous enseigne Super U en franchise) ;

– Système U se recentrerait sur les supermarchés (les 70 Hyper U détenus par des adhérents Système U devenant des franchisés Auchan) ;

– une gouvernance paritaire serait créée pour gérer les deux réseaux ;

– Auchan et Système U seraient copropriétaires d’une nouvelle centrale d’achat commune, qui aurait vocation à négocier avec tous les fournisseurs, pour un montant d’achat global de 50 milliards d’euros par an.

Ce projet d’alliance a été notifié à la Commission européenne qui a transféré le dossier à l’Autorité de la concurrence ; une décision devrait être rendue au plus tard début 2016.

Un nouvel encadrement des réseaux de distribution commerciale

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques par l’Assemblée nationale a été adopté un amendement du président de la Commission des affaires économiques François Brottes prévoyant que les contrats entre un réseau de distribution commerciale et un commerçant de détail doivent comporter une échéance commune lorsqu’ils visent à permettre l’exploitation d’un magasin et que la durée maximale de ces contrats est de neuf ans.

L’objectif était de préserver la capacité des commerçants de détail de quitter un réseau s’ils le souhaitent afin, conformément aux préconisations de l’Autorité de la concurrence, de fluidifier le marché de la grande distribution.

Cette disposition ayant suscité l’inquiétude d’un certain nombre de réseaux de distribution qui y ont vu un danger mortel pour leur modèle coopératif, l’Assemblée nationale, attentive à ces craintes, a adopté en nouvelle lecture un nouveau dispositif, qui figure à l’article 31 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, et qui reprend l’idée de l’échéance commune des contrats mais sans fixer de durée maximale.

Il est par ailleurs prévu que, d’ici fin 2015, le Gouvernement remette au Parlement un rapport dans lequel il présente des mesures concrètes visant à renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution en facilitant les changements d’enseignes afin d’augmenter le pouvoir d’achat des Français, de diversifier l’offre pour le consommateur dans les zones de chalandise tout en permettant au commerçant de faire jouer la concurrence entre enseignes, notamment au niveau des services que celles-ci proposent.

2. La vigilance de l’Autorité de la concurrence

Le rapprochement des centrales d’achat des distributeurs a évidemment suscité l’inquiétude des fournisseurs, et en particulier des industriels qui étaient dans le périmètre de ce rapprochement.

Pour répondre à cette inquiétude, le Gouvernement a, dès le 29 octobre 2014, saisi l’Autorité de la concurrence sur le fondement de l’article L. 462-1 du code de commerce invitant l’Autorité à se prononcer sur les risques concurrentiels associés à ces accords ; le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique a en effet considéré que « ces partenariats pourraient présenter des risques du point de vue de la concurrence et notamment celui d’obtenir des avantages financiers des fournisseurs sans réelles contreparties et un alignement systématique des conditions commerciales. Par ailleurs, les échanges d’informations générés par ce partenariat, pourraient permettre aux deux enseignes concurrentes de coordonner leur politique commerciale ». Il demandait en outre d’examiner « si la multiplication des accords de ce type dans un secteur très concentré n’est pas de nature à renforcer les risques identifiés » (4).

L’extension des compétences de l’Autorité de la concurrence

Si le Gouvernement a fait usage de l’article L. 462-1 du code de commerce, c’est que la législation de l’époque ne comportait aucune obligation de saisine préalable de l’autorité de régulation en cas de rapprochement à l’achat entre distributeurs alors même que les conséquences en termes de concurrence pouvaient être au moins aussi importantes qu’en cas de concentration pure et simple.

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques par l’Assemblée nationale a donc été adopté un amendement du président François Brottes devenu l’article 37 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015.

Est ainsi créé dans le code de commerce un nouvel article L. 462-10 prévoyant la communication à l’Autorité de la concurrence, au moins deux mois avant sa mise en œuvre, de tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes exploitant des magasins de commerce de détail ou intervenant comme centrale de référencement ou d’achat, lorsque cet accord vise à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs.

L’Autorité de la concurrence a rendu son avis le 31 mars dernier (5) dans lequel elle souligne qu’un certain nombre de risques concurrentiels existent, en aval et en amont.

a. Les risques sur les marchés aval

● Les échanges d’informations

L’Autorité de la concurrence souligne d’abord que les négociations annuelles entre enseignes et fournisseurs portent non seulement sur le prix d’achat des produits, les remises et rémunérations au titre de la coopération commerciale, mais peuvent aussi être plus précises et détailler, selon les cas, l’assortiment, le lancement des nouveautés ou les opérations promotionnelles.

Or, souligne l’Autorité, plusieurs de ces informations pourraient présenter un caractère sensible si elles venaient à être échangées entre deux distributeurs concurrents.

En effet, « ces échanges peuvent permettre aux distributeurs de comparer non seulement les contreparties qu’ils proposent aux fournisseurs mais aussi les rémunérations qui leur sont associées. Les échanges pourraient ainsi avoir pour effet de lisser vers le bas les contreparties octroyées, qu’il s’agisse des assortiments, des lancements d’innovations ou des opérations commerciales. »

● La symétrie des conditions d’achat

Pour l’Autorité, « les accords de coopération peuvent aussi entraîner une homogénéité des prix d’achat des principaux produits de grande consommation, voire des autres postes de coûts comme la logistique. Un tel accroissement de la symétrie des coûts peut favoriser une collusion sur le marché de la distribution de détail, et ce d’autant plus que les coûts en question sont des coûts variables et qu’ils représentent une part importante des achats des distributeurs ».

● Réduction de la mobilité inter-enseignes

Enfin, les accords de coopération pourraient réduire l’incitation des partenaires à se faire concurrence sur l’affiliation de nouveaux magasins. Cette situation pourrait figer une partie significative du parc de magasins par un effet cumulatif de ces accords.

b. Les risques sur les marchés amont

● Les risques de limitation de l’offre, de réduction de la qualité ou de l’incitation de certains fournisseurs à innover ou investir

Un nombre important de fournisseurs interrogés par l’Autorité de la concurrence a d’abord indiqué que « le renforcement du pouvoir d’achat des distributeurs conduisait à une pression sur leurs marges telle qu’ils jugeaient probable d’avoir à réduire ou limiter leur investissement, le lancement d’innovations sur le marché, ou encore à rationaliser leur offre. »

● Les risques d’éviction des fournisseurs

En outre, les accords de coopération à l’achat sont susceptibles d’entraîner une diminution des prix d’achat pour les distributeurs vis-à-vis non seulement des fournisseurs concernés par ces accords mais aussi de leurs concurrents. En effet, les baisses de prix consenties par les fournisseurs concernés par les accords peuvent conduire à une baisse du chiffre d’affaires des seconds.

Suivant leur ampleur et la capacité du fournisseur à supporter une baisse de ses marges, il ne peut donc être exclu que les accords de coopération en cause puissent aggraver les difficultés de certains fournisseurs, concernés ou non par les accords. Il en est de même pour les contreparties supplémentaires pouvant être demandées par les distributeurs et dont seuls les plus importants fournisseurs pourraient bénéficier.

Le tableau ci-dessous récapitule les risques identifiés par l’Autorité de la concurrence (6) :

SYNTHÈSE DU NIVEAU DES RISQUES IDENTIFIÉS CONCERNANT LES ACCORDS EN CAUSE

 

Auchan/Système U

Intermarché/Casino

Carrefour/Provera

Risques sur les marchés (aval) de la distribution

Échanges d’informations sensibles

Risques significatifs concernant l’ensemble des informations faisant l’objet des négociations (risques accrus du fait de l’absence de garantie structurelle et des difficultés liés à la distinction des négociations du triple net et des contreparties).

Risques significatifs concernant notamment les contreparties.

Collusion liée à la symétrie accrue des coûts

Risques significatifs dans la mesure où les accords portent sur des coûts variables, et où ils représentent une part significative des coûts des distributeurs.

Limitation de la mobilité inter-enseignes

Risques qui ne peuvent être exclus (et dont le niveau est lié à des considérations comportementales).

Risques sur les marchés (amont) d’approvisionnement

Limitations de l’offre, de réduction de la qualité ou de l’incitation de certains fournisseurs à innover ou investir et risques d’éviction

Risques qui ne peuvent être exclus, en particulier concernant les catégories de produits suivantes, pour lesquelles la grande distribution représente le principal débouché :

Droguerie

Épicerie sèche

Parfumerie/hygiène

Droguerie

Épicerie sèche

Liquides

Parfumerie/hygiène

Produits périssables en libre-service

Source : Autorité de la concurrence.

Après avoir identifié ces risques, l’Autorité de la concurrence souligne toutefois qu’en pratique, « la portée de cette analyse des effets est toutefois limitée dans la mesure où le caractère très récent et la variété de ces accords ne permettent pas, à ce stade, de se prononcer sur le niveau précis des risques concurrentiels identifiés, sur l’effet cumulatif des accords, ou sur les gains d’ordre qualitatif qui pourraient en résulter ».

L’Autorité invite en outre les opérateurs à porter une attention particulière à la manière dont ils choisissent les fournisseurs concernés par les accords en se fondant sur des critères définis le plus précisément possible. Elle souligne enfin, de façon générale, l’importance de renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution, par exemple en facilitant l’implantation des magasins et en favorisant la mobilité inter-enseignes.

La question de la réforme de l’abus de dépendance économique

Afin de rendre plus effectif le dispositif de lutte contre les abus de dépendance économique, l’Autorité de la concurrence préconisait dans son avis de réformer l’article 420-2 du code de commerce. A ainsi été adopté lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la croissance, à l’activité et à l’égalité des chances économiques, un amendement complétant la définition de l’abus de dépendance économique.

Il était précisé que celle-ci serait caractérisée si le fonctionnement ou la structure de la concurrence est susceptible d’être affecté « à court ou à moyen terme », et dès lors, d’une part, que la rupture des relations commerciales entre le fournisseur et le distributeur risquerait de compromettre le maintien de son activité, et, d’autre part, que le fournisseur ne dispose pas d’une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d’être mise en œuvre dans un délai raisonnable.

En nouvelle lecture, puis en lecture définitive, l’Assemblée nationale a, à l’initiative du Gouvernement, écarté cette mesure en considérant que la réforme proposée risquait d’empiéter sur le dispositif existant de l’article L. 442-6 du code de commerce qui permet déjà de sanctionner le déséquilibre significatif dans les relations commerciales, et donc l’abus de puissance d’achat, par une action du ministre de l’économie devant le juge commercial. Il n’est pas apparu souhaitable de favoriser des procédures contentieuses concurrentes contre une même entreprise et de susciter une certaine complexité des procédures utilisables.

II. DES RELATIONS ENCORE EXTRÊMEMENT CONFLICTUELLES QU’IL EST INDISPENSABLE DE PACIFIER

À l’issue des auditions menées par vos rapporteurs, c’est un fort sentiment d’inquiétude qui prédomine : l’ensemble des personnes entendues décrivent des relations commerciales extrêmement conflictuelles et des accusations lourdes sont formulées par les uns comme par les autres. Certes, le contexte économique morose joue certainement un rôle : les difficultés économiques générales exacerbent les tensions entre les différents acteurs et la désinflation alimente une guerre des prix destructrice.

Pour autant, indépendamment de ces éléments conjoncturels, il semble bien que l’extrême conflictualité des relations commerciales soit une spécificité française, ces relations étant souvent plus apaisées chez nos partenaires européens.

Il semble donc indispensable pour vos rapporteurs de pacifier les relations commerciales afin de développer de réels partenariats profitables à tous les acteurs de la chaîne.

A. DES RELATIONS COMMERCIALES ENCORE TRÈS DIFFICILES ALIMENTÉES PAR LA GUERRE DES PRIX

Depuis plus de deux ans maintenant s’est enclenchée une guerre des prix au sein de la grande distribution qui a abouti à une forte baisse des tarifs pratiqués par les distributeurs. De nombreux producteurs ou industriels, en particulier les plus petits, se retrouvent ainsi aujourd’hui dans une situation économique extrêmement difficile, leurs marges ayant été réduites à très peu afin de compenser les baisses de tarifs. Cette situation explique en grande partie l’extrême tension qui prévaut dans les négociations commerciales.

1. Des négociations commerciales extrêmement tendues

Réagissant au rapprochement entre centrales d’achat ayant précédé la dernière phase de négociations et pressentant que celles-ci seraient particulièrement difficiles, le Gouvernement a mis en place un comité de suivi afin de veiller au bon déroulement des discussions. Malheureusement, cela n’a pas suffi à apaiser des relations beaucoup trop conflictuelles.

a. Des récits irréconciliables

En entendant les différents acteurs expliquer comment s’étaient déroulées les récentes négociations, les rapporteurs se sont parfois demandés si leurs interlocuteurs décrivaient bien une même réalité tant leurs discours semblaient en tous points irréconciliables.

D’un côté, la grande distribution considère que « les négociations commerciales se sont bien passées cette année, l’ensemble des accords ayant été signés au plus tard le 28 février ». Elle souligne et dénonce les demandes exorbitantes de certains fournisseurs qui n’hésitent pas à proposer « des hausses de tarif totalement injustifiées alors même que le coût de la matière première entrant dans la composition de ces produits est en baisse ».

Elle rappelle également que cette année, les négociations se sont déroulées dans un contexte général de forte baisse des cours de matières premières, ce contexte déflationniste étant renforcé par les difficultés persistantes de pouvoir d’achat en France qui conduisent les consommateurs à comparer de plus en plus les prix et à privilégier les prix bas.

Du côté des fournisseurs, ou, du moins, d’une partie d’entre eux, le constat est beaucoup plus critique, voire dramatique. Dans une tribune publiée le 27 mars dernier, trente organisations représentatives de l’industrie agro-alimentaire dénonçaient le « bilan édifiant » des dernières négociations commerciales : « demandes de baisse de tarifs disproportionnées, demandes de compensation de marges rétroactives jusqu’à 2013, non-prise en compte des évolutions des coûts, non-respect de la loi malgré les contrôles plus nombreux de la DGCCRF, et non-respect de nos salariés ».

Et certains fournisseurs ont dénoncé devant les rapporteurs des déréférencements en cours de négociation dans plusieurs enseignes, pratique illégale mais qui semble perdurer.

Face à ces accusations, les distributeurs ne manquent bien sûr jamais de souligner que si des pratiques illégales existent, elles sont surtout le fait des fournisseurs comme le démontrent, selon eux, les récentes condamnations par l’Autorité de la concurrence d’ententes intervenues dans les secteurs de la volaille ou encore des produits laitiers.

b. Un État vigilant

Face à cette situation extrêmement tendue, l’État s’est efforcé d’adapter son action, dans la limite de ses pouvoirs, son rôle n’étant évidemment pas de s’immiscer dans des négociations entre entreprises privées, mais simplement de s’assurer que les règles encadrant cette négociation sont bien respectées.

Dès octobre 2014, le Gouvernement avait réuni autour d’une même table les représentants des leaders de la distribution, des filières agroalimentaires et des syndicats agricoles pour faire un nouveau point sur les négociations commerciales.

Il avait alors été décidé que les négociations commerciales 2015 feraient l’objet d’un comité de suivi et que le calendrier des contrôles de la DGCCRF serait modifié afin de les faire débuter dès le 1er janvier afin de surveiller le déroulement des négociations : jusqu’à présent, les contrôles ne débutaient qu’avec la signature des conventions au 1er mars.

Il est ainsi apparu que certaines négociations se décomposaient en deux temps : le temps de la négociation sur les prix et le temps de la négociation du plan d’affaires et des politiques commerciales, l’acceptation du prix étant un préalable à la poursuite des négociations. Lors d’une nouvelle table ronde qui s’est réunie le 11 février, soit 15 jours avant la fin des négociations, le Gouvernement a rappelé à l’ensemble des acteurs qu’une telle pratique était contraire à la loi et que la négociation devait être globale.

Malgré cette forte implication du Gouvernement, force est de constater que les négociations 2015 n’ont pas échappé aux traditionnelles prises de positions antinomiques des différents acteurs. Certains interlocuteurs des rapporteurs n’ont d’ailleurs pas caché une certaine lassitude face à ce qui est parfois perçu comme un jeu de rôles éternellement répété et qui obscurcit la perception de la réalité.

c. Les difficultés de la période post-négociation

Outre les difficultés rencontrées lors du cycle de négociations se concluant fin février, les fournisseurs se plaignent également de l’attitude des distributeurs une fois les négociations achevées.

De nombreuses personnes auditionnées ont fait état devant les rapporteurs de demandes de renégociation dès fin avril, début mai 2015 avec remise en cause des plans d’affaires ou incapacité matérielle à les honorer, opérations promotionnelles non prévues dans le cadre de la convention unique, taux promotionnels additionnels…

Or, comme l’expliquait Nathalie Homobono, directrice générale de la DGCCRF, en décembre dernier (7), « la réouverture de négociations au lendemain de la signature du contrat, alors que l’encre est à peine sèche, n’est pas du tout conforme à l’esprit de la loi, qui prévoit un cadre contractuel stabilisé sur une période au moins annuelle ».

D’autant que de telles renégociations ont pu prendre la forme de demandes de compensation de marge, ce que la loi a voulu interdire expressément. Une enquête spécifique sur cette question a donc été diligentée au mois de juin 2014 par la DGCCRF. En effet, les principaux organismes représentant les producteurs et industriels avaient alerté l’administration sur les demandes, faites aux fournisseurs, de compensations de marges, excessives, injustifiées et hors contrat, ainsi que sur les menaces de déréférencement associées. Les résultats des investigations complémentaires menées, à la fois auprès des différentes enseignes de la grande distribution et de leurs fournisseurs, ont confirmé les pratiques dénoncées.

Les investigations ont permis de recueillir des éléments justifiant la délivrance d’une assignation à l’encontre d’Intermarché (ITM) et de Système U. Ces entreprises sont donc poursuivies sur le fondement du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Par ailleurs, outre cette assignation « compensation de marge », une seconde assignation a été signifiée à Intermarché, cette enseigne reportant parfois la date d’application du tarif fournisseur négocié entre les mois d’octobre et novembre, puis refusant de l’appliquer pendant plusieurs mois. Les tarifs négociés étaient donc effectifs cinq à sept mois après la date légale de clôture des négociations à savoir le 1er mars de chaque année. Les investigations menées par la DGCCRF ayant permis de confirmer et d’approfondir cette pratique, elle fait donc l’objet d’une assignation sur le fondement du déséquilibre significatif.

De nombreux représentants des fournisseurs se sont plaint de l’insuffisante publicité faite à ces assignations, qui pourraient pourtant avoir un rôle dissuasif fort. Néanmoins, la DGCCRF a, depuis quelques années, renforcé sa politique de communication notamment en matière de suites contentieuses données aux actions de contrôles (exemple de la mise en ligne sur internet des bilans et décisions de jurisprudence), dans le respect néanmoins de la présomption d’innocence.

Si la communication sur ces actions contentieuses peut présenter un avantage pédagogique et contribuer à l’apaisement des tensions par l’intervention des pouvoirs publics, le ministre veille à ne pas stigmatiser une enseigne par rapport à ses concurrents et en l’espèce, il préfère communiquer de manière générale sur des actions diligentées contre plusieurs enseignes. Les rapporteurs approuvent cette position équilibrée.

2. Des prix qui continuent de baisser

Ce que l’on appelle communément la « guerre des prix » entre distributeurs a commencé au début de l’année 2013 et se poursuit encore aujourd’hui même si l’on entrevoit des signes de ralentissement. Si elle se traduit par une redistribution de pouvoir d’achat pour les consommateurs, elle a surtout des conséquences désastreuses pour les fournisseurs.

a. La « guerre des prix » continue

Comme l’explique parfaitement la société d’études IRI dans un récent travail (8), la guerre des prix « a été déclarée par l’enseigne d’hypermarchés du groupe Casino, Géant. Cette enseigne était depuis plusieurs années complètement dépositionnée en termes de prix par rapport aux autres hypermarchés (HM). Par ailleurs, l’enseigne allait assez mal, accusant des reculs de parts de marché importants. La direction du groupe a eu la volonté, non pas seulement de la repositionner à un niveau acceptable mais bien d’en faire une enseigne très agressive sur les prix au point de venir rivaliser avec l’enseigne historique à la fois en matière d’indice-prix et d’image-prix, à savoir Leclerc ».

Toutes les enseignes de la grande distribution ayant toujours porté une attention particulière aux prix, elles ont très vite été amenées à réagir pour ne pas être décrochées. Ainsi, un an après l’offensive (février 2014), les prix à un an avaient baissé de près de 1 %.

INFLATION À 1 AN SUR LES PRODUITS PGC EN FRANCE (EN %)

Source : IRI, GPS.

Au final, on peut estimer que depuis le début de la guerre des prix, la déflation a été de l’ordre de 2,6 % tous magasins confondus, cette baisse étant plus forte (– 3 %) dans les hypermarchés. Elle n’a quasiment porté que sur les marques nationales alors que les prix des marques de distributeurs étaient pratiquement stables.

Cette baisse des prix a touché tous les produits de grande consommation mais avec une intensité inégale : cette baisse a été particulièrement marquée sur l’entretien et l’hygiène beauté mais aussi sur l’épicerie et les boissons sans alcool. Elle a été plus mesurée sur les produits frais non laitiers mais aussi sur les alcools (touchés par un relèvement des taxes).

Selon les derniers chiffres disponibles de l’IRI, les prix ont continué de baisser sur le premier semestre 2015. En juin, les étiquettes des produits de grande consommation en grandes surfaces ont baissé de 0,26 % après une baisse de 0,14 % en mai. De janvier à mai, les prix affichent un retrait de 1,33 % sur un an.

b. Les conséquences de la guerre des prix

Toujours selon l’IRI, la baisse des prix de 1,3 % sur l’ensemble de l’année 2014 correspond à une rétrocession aux ménages français de l’ordre de 1 milliard d’euros. Ce milliard a été immédiatement réinjecté par les ménages dans leurs achats quotidiens non pas pour consommer plus mais bien pour acheter plus cher. Il est vrai que cette manne, a priori gigantesque aussi bien pour les industriels que pour les distributeurs, ne représente qu’un montant de moins de 3 euros par mois pour un ménage.

Le gagnant à court terme est donc de toute évidence le consommateur final. La guerre des prix lui a permis de dégager quelques marges de manœuvre et donc de se faire plaisir, malgré les difficultés économiques.

Mais cette satisfaction a également un coût non négligeable pour les fournisseurs. Comme le soulignait l’industrie agro-alimentaire dans sa tribune dénonçant la guerre des prix, les conséquences concrètes de cette guerre chez les agriculteurs et les industriels sont dramatiques : « Dans les entreprises, ce sont des budgets de recherche et de développement qui s’amenuisent, des innovations qui se font plus rares, des investissements qui se réduisent, des engagements sociaux et environnementaux plus difficiles à financer. C’est notre capacité à exporter qui est freinée. Au bout du compte, lorsque ce n’est pas l’emploi d’aujourd’hui qui est directement menacé, ce sont les emplois de demain qui ne verront pas le jour. »

B. L’INDISPENSABLE PACIFICATION DES RELATIONS COMMERCIALES

Malgré les efforts du législateur et du Gouvernement, les relations entre fournisseurs et distributeurs restent donc extrêmement conflictuelles et totalement contre-productives. Dans cette guerre des prix à laquelle se livrent les distributeurs, il n’y a au final que peu de gagnants, les consommateurs marginalement, sans que cela ait un impact réellement significatif sur leur pouvoir d’achat et beaucoup de perdants : les distributeurs eux-mêmes qui voient leurs marges s’éroder de façon significative et surtout les fournisseurs qui voient leurs marges fondre, leur capacité d’investissement se réduire et les perspectives d’embauche s’éloigner.

La situation des agriculteurs est à cet égard symptomatique. Même si de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer la crise qu’ils traversent en ce moment (fin de la PAC, situation sur le marché mondial, relations avec les industriels…), il est certain que la volonté des distributeurs de s’assurer les prix les plus bas s’ajoute aux graves difficultés déjà rencontrées.

Pour vos rapporteurs, il est donc impératif de mettre fin à la guerre des prix et de repenser la relation fournisseurs/distributeurs afin de créer de réels partenariats avec un objectif commun : créer de la valeur ajoutée sur toute la filière, de la production à la distribution.

1. Mettre fin à la guerre des prix

Les effets négatifs de la guerre des prix sont désormais bien connus et la plupart des personnes auditionnées par les rapporteurs semblent avoir pris conscience de ses conséquences extrêmement négatives pour l’ensemble des acteurs de la filière. Pour autant, comme l’ont prouvé les récentes négociations commerciales, les pratiques perdurent.

La fin de cette guerre des prix est d’autant plus indispensable que de nouveaux défis attendent la filière, en particulier l’arrivée de nouveaux acteurs, par exemple américains (l’arrivée sur le marché français de Wall Mart ou d’Amazon Fresh est ainsi régulièrement annoncée). Face à ces acteurs dont les méthodes de travail et la tradition commerciale sont relativement différentes de celles de la grande distribution française, les entreprises françaises de distribution devront faire front commun et auront besoin d’une relation apaisée avec leurs fournisseurs.

Par ailleurs, le métier même de la distribution est en train d’évoluer : après le récent développement du drive qui a fortement tiré le chiffre d’affaires ces dernières années, ce sont les magasins de proximité qui semblent répondre le mieux aux attentes actuelles des consommateurs.

Comme le soulignait Serge Papin, P.-D.G. de Système U, lors de l’entretien avec les rapporteurs, il est essentiel que la distribution retrouve son vrai métier, c’est-à-dire la relation-client, le développement de la vente et la fidélisation.

Le contexte général pourrait être favorable à ce retournement. Au-delà de la volonté commerciale affichée par certains acteurs de mener une politique tarifaire offensive, la baisse des prix généralisée est aussi la conséquence d’un environnement macro-économique particulièrement moribond et déflationniste avec un chômage malheureusement très élevé et un pouvoir d’achat des Français en berne. Le retour de la croissance qui semble se profiler devrait permettre de sortir de cette spirale déflationniste.

Par ailleurs, une lecture alternative, peut-être exagérément optimiste, peut être faite des événements récents. Comme cela a été expliqué auparavant, le rapprochement des centrales d’achat a permis d’installer une répartition des parts de marché assez équilibrée, chaque ensemble se partageant plus ou moins 25 % du total.

C’est certainement cette nouvelle répartition qui a permis à certains distributeurs d’obtenir des fournisseurs des tarifs qui leur étaient jusque-là inaccessibles et ainsi de tirer les prix vers le bas. Selon certains acteurs de la grande distribution entendus par vos rapporteurs, un tel rééquilibrage n’a pas vocation à durer indéfiniment et, soulignent-ils, si le contexte économique général est moins morose, la prochaine campagne de négociations pourrait être moins difficile pour les fournisseurs.

2. Créer de réels partenariats

Comme l’expliquait Philippe Mangin, président de Coop de France dans une récente interview au journal Les Échos, « il faut sortir de la seule approche par les prix et réinventer la relation entre industriels et fournisseurs (9)».

Mais cette réinvention suppose d’abord une certaine stabilité législative : après les modifications apportées à la loi LME par les lois Consommation l’an dernier puis Macron cet été, il convient de ne plus toucher au dispositif législatif. C’est le souhait exprimé par la quasi-totalité des personnes auditionnées par vos rapporteurs et cela semble effectivement indispensable.

Il sera très certainement nécessaire d’ici quelques années de faire un bilan du titre IV du code de commerce, en particulier sous l’angle spécifique des PME, mais d’ici là, il faut appliquer les dispositifs existant sans chercher en permanence à régler par la loi ce qui relève des pratiques ou des mentalités.

Deux pistes de travail peuvent néanmoins être explorées : le développement de la médiation et le renforcement du rôle de la CEPC.

a. Développer la médiation et la labellisation des bonnes pratiques

Comme le soulignait Pierre Pelouzet, médiateur national des relations inter-entreprises, lors de son audition, l’essentiel aujourd’hui est de remettre de la confiance dans le système. La médiation peut dans cette optique jouer un rôle très positif, comme on l’a vu lors de la crise laitière de 2013.

Des avancées significatives ont pu être observées ces dernières années en ce domaine. La dernière en date a été la déclinaison l’an dernier du Label relations fournisseurs responsables dans le domaine agro-alimentaire devant attester de relations équilibrées entre distributeurs, industriels, coopératives et fournisseurs. Auchan et Système U devraient ainsi être prochainement labellisés.

L’on ne peut d’ailleurs que se féliciter du récent accord intervenu entre Auchan et la FEEF (Fédération des entreprises et entrepreneurs de France) afin d’instaurer un cadre de négociations privilégié et durable pour les PME fournisseurs des 120 magasins français de l’enseigne.

b. Renforcer le rôle de la CEPC, entre le juridique et l’économique

La commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) est également un outil pouvant pacifier les relations entre fournisseurs et distributeurs et ainsi faciliter la création de réels partenariats.

Rappelons que cette commission a été créée par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et qu’elle a pour mission de donner des avis ou de formuler des recommandations sur les questions, les documents commerciaux ou publicitaires et les pratiques concernant les relations commerciales entre producteurs, fournisseurs, revendeurs, qui lui sont soumis.

Sa saisine est particulièrement large : ministres, président de l’Autorité de la concurrence, organisations professionnelles ou syndicales, associations de consommateurs, chambres consulaires ou d’agriculture, médiateur des relations commerciales agricoles ainsi que tout producteur, fournisseur ou revendeur s’estimant lésé par une pratique commerciale. Malgré ce large éventail, la CEPC reste malheureusement insuffisamment saisie.

Par ailleurs, si elle a acquis une réelle légitimité en tant qu’instrument de droit souple, certaines personnes auditionnées ont regretté qu’elle se cantonne à des questions extrêmement pointues techniquement au détriment d’un rôle plus fondamental de pacification des relations.

Vos rapporteurs partagent cette analyse et souhaitent que la CEPC devienne le lieu de rencontre et de discussion entre fournisseurs et distributeurs, afin d’identifier et de déminer les problèmes le plus en amont possible.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 7 octobre 2015, la commission a examiné le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation dont Mme Annick Le Loch et M. Philippe Armand Martin sont les rapporteurs.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, l’ordre jour appelle la présentation d’un rapport sur la mise en application de la loi 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Je vous rappelle que, le 26 mai dernier, en application de l’article L. 145-7 du Règlement, la Commission des affaires économiques a désigné Mme Annick Le Loch et M. Philippe Armand Martin rapporteurs.

M. Philippe Armand Martin, rapporteur. Nous sommes aujourd’hui devant vous pour présenter le travail que la Commission nous a confié, pour lequel nous avons auditionné de nombreux représentants de la production comme de la distribution.

J’apporterai deux précisions liminaires avant d’entrer dans le vif du sujet. En ce qui concerne le champ du rapport, d’abord : en accord avec le président François Brottes, nous avions choisi de nous concentrer, dans un premier temps, sur les relations entre distributeurs et fournisseurs, toujours extrêmement conflictuelles et que la loi Consommation avait souhaité pacifier en aménageant le régime issu de la loi de modernisation de l’économie, dite LME. Le rapport qui vous est présenté aujourd’hui ne couvre donc qu’un aspect de la loi consommation ; le reste de l’application de cette loi sera traité dans un rapport ultérieur.

Sur le contexte général, ensuite : il est évidemment tentant de lire ce rapport sous le prisme particulier de la grave crise que traverse aujourd’hui le monde agricole. Une telle lecture serait néanmoins biaisée. En effet, ses causes sont multiples et ne sauraient se réduire aux relations entre fournisseurs et distributeurs : notre commission a d’ailleurs mis en place une mission d’information sur la crise de l’élevage, sous la présidence de notre collègue Damien Abad. Par ailleurs, notre rapport a un périmètre beaucoup plus large puisqu’il concerne l’ensemble des fournisseurs, en particulier industriels, pour lesquels les problématiques sont fort différentes.

Venons-en au cœur du sujet.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation n’a pas fondamentalement remis en cause les grands équilibres des rapports entre fournisseurs et distributeurs issus de la LME, en particulier le principe de négociabilité des prix qui est au cœur du dispositif LME. Mais la contrepartie à la plus grande liberté de négociation laissée aux parties est une exigence de loyauté et de transparence des relations commerciales. Ainsi, la loi contient plusieurs dispositions destinées à rééquilibrer les éventuels effets néfastes des rapports de forces économiques par la réaffirmation des modalités d’encadrement de la négociation et un formalisme plus strict de la relation commerciale.

Le législateur a, en particulier, souhaité faire des conditions générales de vente (CGV) le socle unique de la négociation commerciale. L’objectif était de répondre aux récriminations récurrentes des fournisseurs qui se plaignaient que l’esprit de la LME était détourné par certains distributeurs qui faisaient des conditions générales d’achat (CGA) la base de la négociation. Cette référence au « socle unique » conduit à interdire de telles pratiques, les CGA devant désormais apparaître comme une contre-proposition dans un processus de négociation et non comme un nouveau point de départ pour la négociation.

Ensuite, dans le déroulement de la relation contractuelle, la loi interdit expressément deux nouveaux comportements abusifs, qui étaient dénoncés de manière récurrente lors des contrôles menés par les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : la garantie de marge et le non-respect du prix convenu.

Le législateur a également souhaité renforcer les moyens d’action des agents chargés de veiller au respect des dispositions du code de commerce en matière de pratiques commerciales, tant au stade de l’enquête qu’à celui de la mise en œuvre de la sanction, le cas échéant. C’est là un point essentiel de la loi. S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ces nouvelles modalités de contrôle, nous considérons que ce renforcement était indispensable et que l’administration doit désormais disposer des moyens budgétaires suffisants afin de mettre en pratique ces nouveaux pouvoirs.

Voici donc, succinctement présenté, l’essentiel de l’apport de la loi Consommation aux relations commerciales. La question que nous nous posions en commençant nos travaux était la suivante : ces changements législatifs avaient-ils eu des effets positifs sur les négociations qui se sont achevées le 28 février dernier ?

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Il est malheureusement très difficile d’apporter une réponse tranchée à cette question, car, depuis l’adoption de la loi, un profond bouleversement du secteur de la distribution est intervenu, à savoir le rapprochement des centrales d’achat des principaux acteurs du secteur : un accord entre Système U et Auchan a fait des numéros 5 et 6 qu’ils étaient jusqu’à présent, le nouveau numéro 2 du secteur, se rapprochant lui-même de Metro Group, cependant qu’Intermarché s’est rapproché de Casino, et Carrefour de Provera. À ce jour, il reste donc dans ce pays quatre centrales d’achat se partageant plus de 90 % du marché. C’est ce nouvel environnement qui, bien plus que les nouvelles dispositions législatives, a marqué le dernier cycle de négociation du fait de la puissance de ces quatre centrales.

La vigilance de l’État n’a pas fait défaut : dès la fin de l’année 2014, il a organisé des tables rondes et installé un comité de suivi des relations commerciales à Bercy ; il a activé la médiation et pris ses responsabilités. Les ministres Carole Delga, Emmanuel Macron et Stéphane Le Foll, ayant pris la mesure de la tension existant encore entre les distributeurs et les fournisseurs, ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour pacifier les relations. Pourtant, une fois encore, ces négociations semblent avoir été extrêmement conflictuelles, sur fond de guerre des prix engagée en 2013 dans le secteur de la grande distribution par Casino, décidé à ne pas laisser à Leclerc seul le bénéfice de l’argument des prix. Cette guerre des prix dure depuis deux ans et continue de produire ses effets.

On a ainsi vu certains dirigeants de grands groupes alimentaires dénoncer les conditions de négociation en des termes extrêmement violents. Pour qui suit ce secteur depuis quelques années, il y a incontestablement une part de posture dans ces déclarations. Mais ce qui est indiscutable, c’est que les prix n’en finissent pas de baisser, ce qui met de nombreux fournisseurs dans une situation économique très périlleuse. Le rapport indique que les prix alimentaires ont diminué de 2,6 % depuis deux ans ; il s’agit donc d’une déflation permanente.

Pourtant, de très nombreuses personnes auditionnées l’ont souligné, cette guerre des prix ne profite aujourd’hui à personne : les fournisseurs comme les distributeurs voient leurs marges se réduire progressivement, ce qui obère d’autant leurs capacités d’investissement, d’innovation et d’embauche ; les consommateurs, au final, ne gagnent que très peu en termes de pouvoir d’achat. Il est donc temps d’y mettre fin et de développer de réels partenariats entre les acteurs afin de créer de la valeur sur l’ensemble de la chaîne.

Selon nous, cette indispensable évolution ne passera pas par de nouveaux changements législatifs. Il nous a été rapporté qu’aujourd’hui le corpus législatif était suffisant, et que les acteurs en souhaitent la stabilité. À travers ce bilan de l’application de la loi, on mesure bien aujourd’hui les limites de ces évolutions législatives. L’évolution passera, nous l’espérons, par un changement des pratiques et des mentalités. À la conflictualité exacerbée qui caractérise aujourd’hui les relations commerciales doit être préférée la construction de relations partenariales, à travers la médiation, la labellisation des bonnes pratiques et la conciliation. Dans ce monde du commerce que l’on sait dur, nous espérons que la négociation va se poursuivre et contribuer à faire évoluer les mentalités vers un échange gagnant-gagnant.

La voie est étroite mais elle existe. On ne peut ainsi que se féliciter du récent accord intervenu entre Auchan et la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), afin d’instaurer un cadre de négociation privilégié et durable pour les PME fournisseurs des 120 magasins français de l’enseigne. Nous avons le sentiment que les choses évoluent doucement mais sûrement. De même, Coop de France et la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) ont signé un accord-cadre pour favoriser le modèle coopératif alimentaire. Quatre chantiers ont été lancés : renouveler la relation commerciale, rechercher les synergies permettant d’améliorer la compétitivité des filières, déployer le développement durable et mobiliser les réseaux locaux. Déjà, dans le contrat de filière signé il y a deux ans entre les principaux acteurs de la filière agroalimentaire, singulièrement touchée par ces tensions, des actions étaient prévues concernant les relations commerciales. De telles initiatives vont indiscutablement dans le bon sens et doivent se multiplier.

Les prochaines négociations, qui se dérouleront entre décembre et février prochains, seront cruciales et permettront de juger de la volonté des uns et des autres de sortir d’une spirale déflationniste mortifère. Aujourd’hui même, le magazine LSA organise à Paris un grand rendez-vous entre tous les acteurs économiques – distributeurs et grandes fédérations agroalimentaires, juristes, ministre –, afin de réussir les négociations commerciales 2016. Seront également sollicités le Comité de suivi des relations commerciales, reconduit l’an dernier par le ministère de l’économie, ainsi que la Commission d’examen des pratiques commerciales, que nous évoquons dans le rapport et qui a le mérite de rassembler régulièrement tous ces acteurs. Elle devrait pouvoir jouer un rôle important de pacification.

En conclusion, nous souhaiterions souligner que ce rapport nous a également permis d’élargir le questionnement : faut-il toujours plus de concurrence ? Plus de mètres carrés commerciaux ? Ne peut-on pas repenser notre modèle de distribution ? Quelle offre commerciale souhaite-t-on développer ? Le petit commerce indépendant a-t-il un avenir ? Le commerce évolue beaucoup et très vite, les grands distributeurs ont indiqué redouter l’arrivée d’opérateurs très puissants et agressifs tels Amazon fresh ou Costco qui risquent de débarquer en France.

Au-delà des profits générés par des grands groupes et qui font du bien à notre économie, il faut aussi miser sur la richesse et la diversité des territoires. Le maillage de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) sur tout le territoire est tout aussi vital à notre économie et propose une offre non uniformisée qui fait la caractéristique de la France. J’ajoute que les PME ont été épargnées par les négociations qui se sont déroulées entre la fin de l’année 2014 et le début de l’année 2015. Les distributeurs semblent avoir pris la mesure de ce que ces tensions ont de néfaste pour nos territoires et nos emplois.

Au cours des auditions effectuées pour la rédaction de ce rapport, de nombreux témoignages nous ont confirmé que le modèle de développement à l’œuvre épuise l’ensemble des acteurs de la chaîne et favorise la disparition progressive des plus petits. Du niveau européen au niveau local, l’ensemble des acteurs des filières doit aujourd’hui s’interroger.

Mme Catherine Vautrin. Au nom de notre groupe, je remercie les deux rapporteurs pour le travail d’analyse accompli. Il permet de constater que la loi du 17 mars 2014 n’a pas été le Grand Soir des relations commerciales, mais qu’elle a néanmoins permis d’identifier les conditions générales de vente comme socle de la négociation. Ce qui se disait devait être affirmé dans la loi. Mais votre rapport montre aussi que, malheureusement, la loi n’a pas permis de résoudre les difficultés. C’est, pour les législateurs que nous sommes, une leçon d’humilité : tout ne relève pas simplement de la loi, il nous faut le reconnaître.

Les relations commerciales demeurent très déséquilibrées, et les producteurs nous ont expliqué que les négociations pour 2014-2015 ont été particulièrement tendues et difficiles, dans une période de forte évolution. Le rapport apporte un éclairage très intéressant sur les nouvelles concentrations et le regroupement en quatre centrales d’achat, que le principe de la liberté d’entreprendre a rendu possible. Voyons le verre à moitié plein en considérant que les tentatives de rapprochement entre la FEEF et Auchan, d’un côté, et le travail entre Coop de France et la FCD, d’un autre côté, vont permettre d’améliorer les choses.

J’observe qu’il s’agit du second rapport soulignant la volatilité des prix ainsi que notre incapacité collective à apporter des réponses. Aussi, cette volatilité reste un sujet majeur, et votre rapport montre bien qu’elle constitue un jeu perdant pour la totalité de la chaîne : depuis le producteur jusqu’au distributeur, en passant par l’entreprise transformatrice, tous perdent. On pourrait imaginer que le gagnant est le consommateur. Or le gain, qui, à l’échelle nationale, est de plus de 1 milliard – ce qui peut sembler une somme importante –, représente moins de 3 euros mensuels par ménage. Est-ce bien la peine de détruire autant de valeur dans notre économie pour aboutir à un gain somme toute très limité pour nos concitoyens ? D’autant que le rapport montre que cette économie permet surtout d’acheter plus cher et que les consommateurs sont moins sensibles à la baisse des prix qu’à la qualité. Or la qualité, c’est ce qui se fait dans nos entreprises, c’est l’emploi local et ce que nous devons défendre.

Par ailleurs, vous avez souligné la volonté des acteurs de se repositionner. Le modèle de l’hypermarché comme lieu de promenade du week-end est aujourd’hui dépassé. Les modes d’achat de nos concitoyens ont changé, et les acteurs ont probablement la volonté de fidéliser leur relation avec le client, ce qui annonce peut-être le retour à des structures de petite taille, plus respectueuses de leur environnement. Le fait que le client choisit et l’approche d’activités telles Amazon fresh méritent toute notre vigilance, et donc une attention particulière à notre vigie, la DGCCRF. En cette période d’examen budgétaire, il faut insister sur la nécessité de maintenir à cette direction les moyens d’accomplir ses missions. Selon le rapport, entre 2009 et 2014, les contrôles ont été multipliés par trois ; je rappelle que pour faire des contrôles sur pièces, il faut disposer d’effectifs suffisants.

Il ressort de votre travail qu’il faut toujours plus recourir à la concertation, dont le lieu est la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) que vous présidez, madame la rapporteure. Il faudrait qu’elle devienne un organisme plus ancré dans la vraie vie et non plus seulement un cercle de débat réservé à des juristes aussi compétents soient-ils, qu’elle adopte une approche plus organisationnelle pour notre pays à l’aube de l’évolution des modes de distribution.

M. André Chassaigne. Je salue l’intérêt et la qualité du travail présenté. Je m’interroge sur les solutions esquissées à la fin du rapport, qui reposent sur la bonne volonté. Vous parlez d’exigence de loyauté et de transparence, de conciliation, de pacifier, de renouveler les négociations commerciales, de politique gagnant-gagnant. Franchement, je n’y crois pas. Si des résultats momentanés peuvent être obtenus en période de crise, à travers des pseudo-accords garantissant les prix d’achat, je suis persuadé que sans mécanismes contraignants établissant une articulation entre les prix à la production et les prix à la consommation, aucune solution durable ne sera trouvée. C’est le système qui veut cela : la grande distribution a des obligations vis-à-vis de ses actionnaires, qui la poussent à rechercher le profit maximal. Ce système-là l’emportera toujours sur ce que j’appellerais une approche morale.

Nous devons avoir une réflexion sur les mécanismes. Je pense ainsi qu’il faudrait actualiser celui du coefficient multiplicateur, qui peut sembler désuet. Tant que nous n’aurons pas une lecture sur les marges réelles au sein des filières, nous ne trouverons pas de solution pour poser des limites. Je pourrais citer des chiffres montrant combien, en quelques années, les marges de la grande distribution ont augmenté, comparées à celles de l’agroalimentaire qui ont stagné et celles des producteurs qui ont régressé.

Disposer d’un bilan précis des mesures mises en œuvre est maintenant une exigence. Le rapport évoque la Commission d’examen des pratiques commerciales ; existe-t-il un compte rendu annuel de ses travaux ? Il serait aussi intéressant de savoir quel est le rôle réel du médiateur des relations commerciales, si les producteurs font appel à lui sachant qu’ils peuvent faire l’objet de mesures de rétorsion, et quels sont ses résultats.

Mme Jeanine Dubié. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur rapport qui apporte des éléments de compréhension, de l’évolution du paysage jusqu’aux effets néfastes du regroupement des centrales. Tout au long de la discussion de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, nous avons tous cherché à rendre plus équitables et cohérentes les relations entre producteurs et distributeurs. Ce ne fut pas chose facile, car nous avons pu constater à quel point le moindre terme peut provoquer des déséquilibres ou des ambiguïtés, sources de contentieux, voire de conditions de négociation faussées.

Si la loi du 17 mars 2014 n’a pas remis en cause le principe de négociabilité des prix, nous avons tout de même tenté de renforcer l’encadrement juridique. Cela n’a pas empêché les fortes tensions observées ces dernières années, et la récente crise du monde agricole montre que nous n’avons pas trouvé de solution durable au déséquilibre des relations commerciales.

Le rapport prend le parti de ne pas multiplier les dispositions législatives, s’en remettant à la capacité des acteurs de trouver eux-mêmes une régulation au sein du cadre existant. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cette démarche, qui suppose toutefois qu’une véritable confiance soit restaurée entre les protagonistes. Or c’est tout le problème aujourd’hui. C’est pourquoi nous pensons que si les conflits et les déséquilibres persistent, l’arme législative devra à nouveau être employée.

Les récentes auditions du monde agricole auxquelles notre groupe a procédé dans la perspective du débat sur l’agriculture en France nous incitent à la vigilance. Nous ne nous sommes d’ailleurs pas privés d’intervenir au cours de la discussion de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron. S’agissant du contenu de la convention unique, celle-ci a introduit dans le code de commerce un article L. 441-7-1 concernant spécifiquement les grossistes dans le cadre des conventions allégées. L’opportunité de maintenir le dispositif général en dehors des relations avec la grande distribution a fait l’objet d’un débat qui demeure ouvert : pouvez-vous nous donner votre opinion à la lumière de votre travail de fond ?

En ce qui concerne les délais de paiement, la même loi a modifié l’article L. 441-6 du code de commerce qui regarde les délais conventionnels, notamment la possibilité de prévoir des dérogations dans les secteurs de production saisonnière. Un décret devant énumérer les secteurs concernés est attendu : la liste des bénéficiaires actuels d’un accord dérogatoire sera-t-elle modifiée ? Êtes-vous favorables à cette mesure ?

Mme Brigitte Allain. Je remercie, à mon tour, les rapporteurs que je sais très investis dans ces problématiques à la fois complexes et passionnantes. Le rapport présenté aujourd’hui établit un constat décourageant : la campagne des négociations commerciales de 2015 n’a pas été plus sereine que les précédentes ; elle a même été pire, se déroulant dans un contexte de guerre ouverte des prix et de crise de l’élevage. Avec la fin des quotas laitiers et les accords de libre-échange, les agriculteurs ne sont pas en position de force, bien au contraire. Je déplore que le récent plan d’aide à l’élevage ne comporte aucune mesure structurelle qui permettrait de mettre un terme à l’infernale spirale productiviste. Aussi, les forces demeureront-elles durablement déséquilibrées. Le système de négociation commerciale et la multiplication du nombre des intermédiaires ont montré leurs limites ; sans réels changements, la loi rencontre également les siennes.

Le groupe Écologiste, fortement mobilisé, avait fait de nombreuses propositions en rapport avec la révision de la LME, relatives à la transparence et l’équilibre des rémunérations dans la chaîne des valeurs. Il faut toujours conserver à l’esprit que les agriculteurs sont la partie faible de la négociation commerciale : sur un produit vendu 100 euros au consommateur, le producteur n’en gagne que 7. Certaines de nos propositions avaient été acceptées, mais pas celle consistant à faire fournir par l’Observatoire des prix et des marges une assistance technique aux agriculteurs dans la formation de leurs prix. Avec le médiateur des négociations commerciales agricole, nous proposions l’institution d’un observatoire aux missions renforcées, garant de relations commerciales plus équilibrées. Quel est, en fait, le rôle de cette instance ? Et que savez-vous de son efficacité ?

Nous faisons le même constat que vous : il est temps de changer les pratiques et les mentalités afin d’arrêter les faillites organisées. Je suis favorable au déploiement des labels, de la médiation et du champ de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, mais, contrairement à vous, je ne pense pas que l’on puisse attendre une véritable amélioration du comportement à modèle constant. Nos aménagements urbains favorisant la concentration commerciale, faisant de la consommation et de la croissance une finalité, induisent de fait une soumission des producteurs et transformateurs aux distributeurs. L’incitation à l’ouverture le dimanche de la loi Macron, par exemple, accentue cette concurrence toujours plus forte et ne contribuera en rien à apaiser les relations commerciales. Nous pouvons réellement soutenir nos productions de qualité, l’emploi et le revenu des agriculteurs dans les territoires par des schémas alimentaires équilibrant l’offre et la demande, de façon à placer le commerce à égalité avec la transformation et la production. Dans un modèle d’offre alimentaire territorialisée, les distributeurs et les supermarchés ont aussi leur place, à condition d’abandonner leurs pratiques de concurrence déloyale au profit d’une politique de commerce équitable. Pour cela, seule une législation permettant de définir des politiques de régulation régionale des productions peut infléchir l’orientation libérale dans laquelle l’Europe s’est engouffrée. Le chantier est vaste, j’en conviens, mais il s’agit de choix politiques, mes chers collègues. Et les accords transatlantiques actuellement en débat nous trouverons encore mobilisés pour nous y opposer : ils ne sont pas inéluctables !

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je remercie les rapporteurs pour leur analyse qui, un an après l’adoption de la loi consommation, dresse un état des lieux de son application dans un paysage difficile : secteur de la distribution profondément bouleversé par le rapprochement des centrales d’achat des principaux acteurs ; négociations toujours conflictuelles, dans un contexte de guerre des prix et de crise agricole illustrant la persistance des déséquilibres et des conflits. Les enseignes ne jouent pas toujours le jeu dans le secteur agroalimentaire, malgré le renforcement par la loi précitée des contrôles et sanctions de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence en matière de relations entre les fournisseurs et les distributeurs. Pensez-vous qu’il soit possible de progresser dans ce domaine ?

Si la loi du 17 mars 2014 a contribué à la modernisation de l’économie, l’environnement dans ce domaine a considérablement évolué depuis son adoption. Vous relevez qu’il est indispensable de pacifier les relations commerciales afin de développer de réels partenariats entre tous les acteurs de la chaîne. Comment accompagner concrètement cette action ?

Savez-vous combien d’actions de groupe ont été engagées depuis l’adoption de la loi et dans quels domaines celles-ci se sont-elles exercées ?

La loi a rendu les contrats d’assurance automobile et habitation résiliables à tout moment ; avez-vous constaté des évolutions en ce domaine ?

Les mesures relatives au respect des délais de paiement et les amendes administratives ont-elles été suivies d’effet ?

M. Kléber Mesquida. Je m’associe aux compliments adressés aux rapporteurs. De la guerre des prix naissent un certain nombre de déséquilibres. Les accords ne sont bien souvent que de façade : derrière les baisses de marge constatées, des pressions sont exercées sur les producteurs ou pour les achats de façon orale. Les accords de filières devraient prévoir des prix plancher tenant compte, particulièrement dans le domaine agricole, de la variation des prix des matières premières, à l’origine d’importantes dérives entre les prix d’achat et de vente. Dans une tribune publiée le 27 mars dernier, des producteurs dénoncent des demandes de baisse de tarifs disproportionnées, des demandes de compensation de marges rétroactives jusqu’en 2013, la non-prise en compte des coûts, le non-respect de la loi malgré les contrôles plus nombreux de la DGCCRF et le non-respect des salariés.

Alors, on légifère, on constate. Mais comment rationaliser les pratiques pour faire en sorte que le travail et les coûts de production reçoivent leur juste rétribution au regard de ce que paie le consommateur et des marges induites ?

M. Jean-Claude Bouchet. Le rapport évoque les pouvoirs de sanction dont l’administration est censée disposer désormais. Ces moyens ont-ils été mis en place et ont-ils été évalués ?

La grande distribution est en position de force, et pourtant ses marges en France sont deux fois inférieures à ce qu’elles sont en moyenne en Europe. Je ne comprends pas où se trouve l’origine du problème.

On le sait, la réussite passe par un rapport de force équilibré entre la grande distribution et les fournisseurs. Or la grande distribution ne cesse de renforcer sa position à travers des accords de rapprochement entre centrales d’achat, accroissant le déséquilibre. Le pouvoir législatif ne suffit plus, la simple bonne volonté non plus – l’angélisme n’est plus de mise. Seuls les regroupements de fournisseurs, en consolidant la position de ces derniers, fourniraient une solution pérenne pour tout le monde. Que suggérez-vous pour y inciter ?

Mme Michèle Bonneton. Merci pour ce rapport. Responsabiliser les acteurs est une intention louable, mais comment procéder autrement que par une certaine contrainte ? De fait, je ne vois pas comment on peut demander plus de libéralisation lorsque tout va bien et plus de régulation quand il y a des problèmes. Faut-il, d’ailleurs, aller vers plus de régulation ? Faut-il envisager des interventions portant sur les prix ou le stockage de la part de la puissance publique, que ce soit à l’échelon français ou européen ?

Par ailleurs, l’ouverture des magasins le dimanche, autorisée par la loi Macron, est préjudiciable aux petits commerces qui vendent souvent des produits locaux. Elle désavantage ainsi les petits producteurs participant aux circuits courts. De surcroît, nous sommes pris dans une logique de partenariats commerciaux – pratiquement acquis avec le Canada, en cours de négociation avec les États-Unis – qui ne pourra qu’aggraver la guerre des prix. Il est urgent de trouver des parades pour en limiter les effets, faute de quoi nos agriculteurs iront au désastre.

M. Philippe Kemel. Je m’associe à mes collègues pour féliciter les rapporteurs de la qualité de leur travail et de leur diagnostic. Dès lors que les prix ne sont plus régulés, particulièrement par la politique européenne, on entre dans le modèle du libre-échange dans lequel le rapport de force est favorable à la grande distribution. L’agriculture risque d’ailleurs de subir ce qu’a connu l’industrie : à chaque fois que la grande distribution a la capacité de choisir son fournisseur, s’il est éloigné du lieu du marché, cela se traduit localement par une perte de valeur et d’exploitation.

Dès lors, soit on revient à une politique de prix régulés et administrés, soit on prend ce modèle en compte et l’on crée des rapports de force entre producteurs et consommateurs, ce que les économistes appellent le monopole bilatéral. Dans notre région, nous avons une structure adaptée à ce modèle : la ferme des mille vaches, ô combien critiquée. Son promoteur, un industriel, considère pourtant qu’elle répond à la problématique et que, sans cela, la France finirait par ne plus produire de lait. Sans aller jusqu’à prétendre qu’il s’agit là du modèle vertueux vers lequel il faut tendre, je dis qu’il faut inventer des structures coopératives permettant que le rapport de force entre producteurs et distributeurs existe. C’est là une piste de réflexion que je souhaitais vous soumettre.

M. Daniel Fasquelle. Le mouvement de déflation dont vous faites état est peut-être la conséquence des négociations entre producteurs et distributeurs, mais il participe aussi d’un climat économique général, des problèmes de compétitivité de nos industriels. L’écrasement des marges n’est pas que la conséquence des négociations dans la grande distribution, et les problèmes de pouvoir d’achat de nos concitoyens ont tout de même à voir avec le matraquage fiscal qu’ils subissent depuis trois ans et demi. Les experts et les économistes le disent, j’ai donc bien le droit de le dire à l’Assemblée nationale.

Vous parlez beaucoup des négociations sur les prix. Nous avons connu, il y a quelques années, des abus en matière de coopération commerciale dénoncés par plusieurs rapports, en particulier celui de M. Le Déaut. On se souvient des facturations pour des têtes de gondole qui n’existaient pas ou pour des distributions de documents jamais effectuées, de l’obligation faite aux producteurs de donner des produits gratuits pour la fête anniversaire du magasin, de garnir eux-mêmes les rayons ou de payer les personnels chargés de le faire. Ces abus ont-ils disparu ? Peut-on dire aujourd’hui que la pression ne porte que sur les prix ?

Il y a certes l’Autorité de la concurrence et la CEPC, mais c’est surtout le juge qui a vocation à appliquer les dispositions du code de commerce qui regardent les relations entre la grande distribution et les producteurs. Or très peu de décisions de justice sont rendues, car les victimes n’osent pas saisir les tribunaux. Le nombre des saisines et des décisions de justice a-t-il augmenté ?

Mme Jacqueline Maquet. Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour leur travail de qualité qui nous éclaire sur la situation et sur ses impacts non négligeables.

La loi existe ; les négociations, le partenariat sont en place. Nous espérons toujours le « gagnant-gagnant » et surtout le changement des comportements. Pourtant, en pratique, c’est plutôt « perdant-gagnant ». Pensez-vous vraiment que le seul renforcement des moyens d’action suffira à mettre fin à ces pratiques ?

M. Damien Abad. À mon tour, je remercie nos deux rapporteurs. Il convient de s’interroger sur l’effectivité de cette loi sur un certain nombre de points.

On nous avait, par exemple, présenté les actions de groupe comme révolutionnaires. Or peu ont été engagées, dont deux contre des compagnies d’assurances. Force est de constater que hormis un effet médiatique, elles n’ont eu aucune répercussion sur le quotidien du consommateur. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions en la matière ?

S’agissant de la mention « fait maison », seuls 10 % des établissements l’ont apposée. Là encore, on fait des lois, mais les décrets d’application, soit sont l’exact contraire de ce que dit la loi, soit n’ont aucune portée pratique.

En matière d’obsolescence programmée, le décret relatif à la disponibilité des pièces détachées des produits mis sur le marché ne fait pas la distinction entre les différents biens de consommation et n’impose aucune durée minimale de disponibilité des pièces. Il n’impose qu’un délai au fabricant. Quelle est l’effectivité concrète pour le consommateur de cette disposition relative à l’obsolescence programmée ?

Je ne reviendrai pas sur le fichier qui a été censuré par le Conseil constitutionnel en matière d’étiquetage, ni sur la réforme des assurances dont on peut se demander si elle a conduit à une baisse des prix, donc à un gain de pouvoir d’achat pour le consommateur.

À voir tous ces exemples, cette loi est malheureusement un coup d’épée dans l’eau. De surcroît, les mesures importantes ont été détricotées par les décrets ultérieurs. Au final, la loi consommation n’a aucun impact, ni sur le pouvoir d’achat, ni sur l’amélioration des relations pour les consommateurs.

Avez-vous des données plus actualisées et concrètes que les miennes en ce qui concerne les actions de groupe, l’étiquetage, le label « fait maison » et la question de l’obsolescence programmée ?

Mme la présidente Frédérique Massat. Les rapporteurs ont précisé en amont de leur présentation qu’il s’agit aujourd’hui d’un rapport d’étape et qu’une autre partie de rapport est à venir. Ils seront donc amenés à différer certaines réponses à vos questions.

Mme Marie-Lou Marcel. Je félicite les rapporteurs pour leur travail. Leur rapport d’étape nous permet de mesurer l’impact de la loi consommation dix-huit mois après son adoption. C’est là un outil qui devrait nous permettre de corriger certains de ses effets.

Nous examinons ce rapport alors que le monde agricole vient de vivre une crise sans précédent. Vous faites état de l’extrême inquiétude des producteurs et de la grande tension des relations commerciales entre industriels et distributeurs. Tout au long du cycle des négociations, fournisseurs et grande distribution se sont livrés à un véritable dialogue de sourds. Et, une fois les négociations achevées, les fournisseurs se plaignent de l’attitude des distributeurs ! La guerre des prix ne profite à personne, ne fait aucun gagnant.

Vous retirez des auditions auxquelles vous avez procédé qu’il est impératif de repenser les relations entre les fournisseurs et les distributeurs. Vous avancez deux pistes : le développement de la médiation et la labellisation des bonnes pratiques, d’une part, le renforcement du rôle de la Commission d’examen des pratiques commerciales, d’autre part. Pouvez-vous développer ces pistes ? Peut-on aller plus loin ?

M. Philippe Le Ray. La réalité est extrêmement violente, on l’a vu cet été lors des manifestations devant les grandes surfaces. Dire que l’on a suffisamment légiféré, c’est faire aveu d’impuissance. Et ce n’est pas parce que les services de la DGCCRF ont moins de moyens que l’on doit laisser les choses continuer à fonctionner au petit bonheur la chance.

Comment peut-on bloquer la concentration des centrales d’achat ? On ne peut pas laisser quatre structures mener la danse dans notre pays.

Beaucoup de choses ont déjà été faites en matière de traçabilité des produits. Mais on peut aller encore beaucoup plus loin, notamment en ce qui concerne l’origine des produits transformés et l’indication de la répartition de la marge. Certaines grandes surfaces ont déjà cette démarche et mentionnent ce que perçoit le producteur sur le prix d’achat du produit.

N’y aurait-il pas lieu de lancer une seconde génération de la contractualisation ? À mon avis, la première n’a absolument pas abouti parce que l’on a raisonné uniquement en volumes alors qu’il faudrait viser et les volumes et les prix. Sinon, on ne s’en sortira jamais.

M. Hervé Pellois. Ce rapport nous montre l’efficacité de la grande distribution à modifier ses stratégies sitôt une loi votée. Quand on voit les difficultés qu’il y a à restructurer les industries en aval, cela a de quoi interpeller.

Le Gouvernement a engagé un processus de médiation. J’aurais souhaité en connaître le rôle exact et savoir s’il a d’ores et déjà été activé dans le cadre des négociations pour 2016.

Dans votre rapport, vous constatez que la CEPC n’est malheureusement pas suffisamment saisie par les fournisseurs et les distributeurs, alors qu’elle pourrait être un lieu de discussion privilégié susceptible de désamorcer les conflits potentiels. Quelles évolutions faudrait-il apporter pour inciter les fournisseurs et les distributeurs à recourir à cette commission le plus en amont possible ?

Aujourd’hui, les interprofessions ne réunissent pas tous les partenaires de l’amont et de l’aval, du producteur au consommateur. La grande distribution en est souvent absente. N’est-ce pas là une difficulté supplémentaire dans la recherche de l’amélioration des relations commerciales ?

M. Éric Straumann. En zone frontalière, les consommateurs achètent les produits agroalimentaires en France parce qu’ils y sont moins chers qu’en Allemagne. Cela prouve bien qu’il existe une très forte pression dans ce secteur d’activité. Ils traversent la frontière dans l’autre sens pour acheter des couches de grandes marques mondiales, qui coûtent entre 20 % et 30 % moins cher, ainsi que des produits d’hygiène. On voit donc que notre pays est mal organisé pour faire pression sur les grands groupes mondiaux, qui parviennent à appliquer des tarifs plus élevés en France qu’en Allemagne.

M. Yves Daniel. À mon tour, je salue le travail de nos rapporteurs. Lorsque l’on parle de la définition des marges et des prix, on fait très souvent référence à l’agriculture et à l’agroalimentaire – crise agricole oblige –, alors que la loi concerne l’ensemble des produits de consommation. Je ne vous apprends rien, la définition des marges dépend du prix de vente d’un produit rapporté à son prix de revient. Plutôt que de raisonner en aval, regardons un peu ce qui se passe en amont, c’est-à-dire quels sont les produits nécessaires à l’élaboration du produit. Par exemple, les prix d’achat du matériel agricole et des pièces détachées nécessaires pour faire tourner une exploitation ne correspondent pas aux coûts réels. Souvent, les marges sont excessives, voire abusives. La loi prévoit pourtant que les vendeurs doivent rester dans une fourchette de marges, mais elle n’est pas appliquée. J’ai l’impression que c’est l’économie libérale qui fait la loi. Ne faudrait-il pas commencer par faire appliquer la loi ?

M. Lionel Tardy. Compte tenu de l’ampleur des sujets traités dans la loi consommation, vous avez fait le choix de vous concentrer sur les relations commerciales. Votre présentation démontre qu’il aurait peut-être fallu se consacrer pleinement à la réactualisation de la LME dans un texte à part.

Quelle est votre analyse sur l’amendement Brottes concernant les contrats de réseaux de distribution adopté dans le cadre de la loi Macron ? Constitue-t-il un réel apport sur la question des réseaux de distribution commerciale ? Cette rectification était-elle vraiment nécessaire ?

On a beaucoup parlé des pouvoirs de sanction accrus avec les amendes administratives correspondantes, dont la répression des fraudes a été dotée avec cette loi. Considérez-vous que la DGCCRF a aujourd’hui les moyens humains pour exercer les missions que nous lui avons assignées ?

M. Frédéric Roig. On le voit, le marché s’organise par rapport à des échelles qui nous échappent un peu. Au-delà de la réglementation nationale, l’Europe influe beaucoup sur la manière dont les marchés fonctionnent. Comme M. Straumann, je vois quelle complexité peut créer la proximité avec une frontière, ibérique dans mon cas. Mais il y a aussi l’organisation mondiale, avec l’OCDE et les négociations actuelles sur l’accord commercial transatlantique, dit TAFTA. Tous ces éléments font qu’on a bien des difficultés localement à organiser les prix par rapport à la production, aussi bien dans le secteur agroalimentaire que dans celui des produits manufacturés.

Dans le cadre de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel, nous avons travaillé, Pierre Verdier et moi-même, sur le sujet de l’urbanisme. Nous avons constaté que le développement de grands équipements aboutit à des phénomènes de concentration qui attirent le consommateur. Si l’on veut parvenir à réguler le marché, il faut travailler en particulier sur la manière dont on affiche l’offre. De même, on doit se pencher sur la question des circuits de distribution. On voit, en effet, que les gens modifient leurs habitudes de consommation lorsqu’un marché est organisé localement.

Il faut donc travailler sur tous ces niveaux pour changer les automatismes : ceux des centrales de production à s’agglomérer, ceux des grandes surfaces à se développer sur le territoire, et ceux qui font les habitudes de consommation des consommateurs.

Mme la présidente Frédérique Massat. Voilà des questions fort intéressantes, chers collègues, mais nos deux rapporteurs ne pourront pas répondre à toutes ; ils ont été missionnés plus particulièrement sur les relations entre fournisseurs et distributeurs. L’application des autres dispositions de cette loi consommation si dense fera l’objet d’un rapport ultérieur.

M. Philippe Armand Martin, rapporteur. Comme vous venez de le dire, madame la présidente, notre rapport portait plus spécifiquement sur les relations commerciales. Aussi ne pourrons-nous pas répondre à toutes les questions qui nous ont été posées.

S’agissant de la DGCCRF, nous disons dans notre rapport que la mobilisation de moyens budgétaires est indispensable. Les moyens d’action ont été renforcés par des agents chargés de veiller au respect des dispositions du code de commerce.

M. Fasquelle, les abus commerciaux existent toujours et certains donnent lieu à des assignations. Le parcours est toujours très long avant d’obtenir une décision judiciaire. C’est l’une des raisons du passage aux sanctions administratives aujourd’hui.

À ce stade, nous ne disposons pas d’information sur les délais de paiement. La conférence des présidents a approuvé la création d’une mission de suivi de l’application de la loi Macron, qui répondra certainement à toutes ces questions.

Nous avons abordé le sujet en disant qu’il n’était plus nécessaire de légiférer. Évidemment si, mais il faut aussi que les acteurs assument leurs responsabilités. Après toutes ces lois, nous préférons la médiation et une labellisation des bonnes pratiques et la conciliation.

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Merci pour toutes vos questions extrêmement riches et intéressantes, mais auxquelles nous ne sommes pas capables de répondre, ayant travaillé uniquement sur les articles de la loi consommation relatifs aux relations entre les distributeurs et les fournisseurs.

L’intérêt majeur de ce rapport est de voir ce qui s’est passé quelques mois seulement après l’entrée en application de la loi. S’il n’est pas question de tirer des conclusions définitives, il permet en tout cas de savoir si la loi que nous avons votée a contribué à l’amélioration des relations entre les distributeurs et les fournisseurs. Eh bien, les choses n’ont pas fondamentalement changé. On espère que cela arrivera avec le temps, mais la loi ne fera pas tout. Nous disons que c’est une question de mentalité, de volonté, et je comprends que M. Chassaigne n’en soit pas satisfait. En tout cas, nous voulons y croire, et espérons bien que les choses vont changer avant que notre système ne s’écroule, car nous sommes parvenus à un point de non-retour.

L’apport essentiel de cette loi est le passage des sanctions pénales à des sanctions administratives, beaucoup plus faciles à mettre en place. Les contrôles et les injonctions administratifs ont été renforcés. Depuis le printemps 2014, la DGCCRF a prononcé 170 injonctions à l’encontre d’entreprises industrielles et de distribution. On peut toujours critiquer les contrôles pas assez nombreux, ils ont néanmoins été renforcés. À l’époque, nous avions insisté pour que les moyens de la DGCCRF soient maintenus à cette fin. Entre 2010 et 2014, les actions de contrôle dans les entreprises ont été multipliées par trois. C’est bien qu’il se passe quelque chose.

Les investigations des agents et des brigades LME dans les régions ont confirmé que des pratiques totalement abusives existent malgré la loi. Des assignations ont été prononcées à l’encontre d’Intermarché et Système U sur le fondement de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des différentes parties. D’aucuns nous ont dit qu’Intermarché et Système U étaient des distributeurs corrects, dans la mesure où les contrats qu’ils signent comportent des clauses écrites. Ceux qui n’écrivent rien, ne peuvent pas être assignés puisqu’on ne peut rien contrôler. Peut-être, mais c’est aux partenaires commerciaux de divulguer ces pratiques totalement abusives qui ne doivent pas exister.

Bien sûr, on pourrait aller plus loin. Mais, dans un pays libre et en Europe, où le credo est la concurrence, la libre négociation entre les entreprises privées et le secret des affaires constituent des limites auxquelles se heurtera tout Gouvernement animé de la meilleure volonté.

S’agissant des productions agricoles, une mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage a été créée. M. Damien Abad en est le président, et M. Thierry Benoit et moi-même en sommes les co-rapporteurs. Elle fera le tour de la question des filières, de leur organisation et de leur fonctionnement, des marges et de la valeur ajoutée.

Quelques semaines après le rapprochement de certaines centrales d’achat, le ministre a saisi l’Autorité de la concurrence. Dans l’avis que celle-ci a rendu, elle a pointé du doigt les risques concurrentiels que ce phénomène de concentration pouvait susciter en amont comme en aval. Pour l’instant, ce n’est qu’un simple avis. Mais Système U et Auchan ayant annoncé leur intention d’aller plus loin dans leur rapprochement, l’Autorité de la concurrence a de nouveau été saisie. Elle rendra un avis, cette fois formel, au début de l’année prochaine. Nous y serons attentifs.

Je signale toutefois que ces rapprochements n’ont concerné qu’un nombre de fournisseurs relativement modeste. Seules les marques nationales sont concernées. Les PME et les produits agricoles ont été sortis de ces négociations.

Oui, la CEPC peut être davantage saisie ; elle peut l’être par le ministre et l’Autorité de la concurrence. Cela n’a pas été le cas jusqu’à présent, mais pourquoi pas si cela peut rendre un peu plus transparent ce type de négociation et en faire une certaine publicité ? D’ailleurs, les sanctions aussi peuvent être publiées ; la loi l’a prévu. Cela aurait, je crois, un effet plus dissuasif sur les distributeurs qu’un contrôle en interne de leurs pratiques ou de leurs contrats. Les sanctions ont été accrues par la loi Macron : en cas de faute grave, la pénalité peut aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires en France ou 2 millions d’euros, ce qui assez dissuasif.

Enfin, M. Fasquelle, La LME a supprimé les marges arrière, qui étaient abusives et étranglaient les fournisseurs. Aujourd’hui, les contrats comportent une clause consacrée aux nouveaux instruments promotionnels (NIP), qui font l’objet d’un contrat de mandat clairement identifié et connu de tous. En la matière, les choses ont été clarifiées.

Mme la présidente Frédérique Massat. Merci à nos deux co-rapporteurs. Nous attendons maintenant la deuxième partie du rapport.

La Commission autorise la publication du rapport d’information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Association nationale des industries alimentaires (ANIA)*

Mme Frédérique Lehoux, responsable juridique

M. Alexis Degouy, directeur des affaires publiques

Confédération française du commerce interentreprises (CGI)

M. Hugues Pouzin, directeur général de la CGI

M. Jacques-Olivier Boudin, président de la Commission juridique de la CGI

M. Hugues Bellina, représentant la CGI à la CEPC

Mme Delphine Kosser-Glories, conseillère affaires juridiques

M. Cyril Galy-Dejean, chargé des relations institutionnelles

Institut de liaisons et d’études des industries de consommation (ILEC)

M. Richard Panquiault, directeur général

M. Daniel Diot, directeur juridique

Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)*

M. Jacques Creyssel, délégué général

Mme Fabienne Prouvost, directrice de la communication et des affaires publiques

M. Franck Derniame, directeur des affaires juridiques et fiscales

M. Franck Geretzhuber, secrétaire général du Groupe Auchan

M. Pierre-René Tchoukriel, directeur des achats alimentaires du Groupe Auchan

M. Tony Vedie, directeur juridique commercial du Groupe Carrefour

Ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique - Cabinet du ministre

M. Étienne Chantrel, conseiller en charge des réformes structurelles et de la concurrence

Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Mme Cécile Pendariès, sous-directrice

Mme Karine Houel, adjointe au bureau commerce et relations commerciales

Alliance 7

M. Marc Auclair, directeur général United Biscuits France-Belgique-Luxembourg

Mme Elodie Sebag, directrice des affaires juridiques et économiques

Mme Laure de Beauregard, responsable des relations extérieures

Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)

M. André Bonnard, secrétaire général

M. Florence Loyer, directrice adjointe

Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

M. Philippe Chalmin, président

UFC Que choisir

M. Olivier Andrault, chargé de mission alimentation

Mme Amal Taleb, juriste concurrence

Carrefour

M. Jérôme Bédier, secrétaire général

Mme Nathalie Namade, directrice des affaires publiques

M. Yohann Marcon, stagiaire

Coop de France*

Mme Rachel Blumel, directrice du département chaîne alimentaire durable

Mme Irène de Bretteville, responsable des relations parlementaires

Médiateur inter-entreprises

M. Pierre Pelouzet, médiateur

M. Nicolas Mohr, directeur général de la médiation inter-entreprises

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)

M. Henri Brichart, vice-président

M. Antoine Suau, directeur Département économie et développement durable

Mme Nadine Normand, attachée parlementaire

Leclerc

M. Denis Moreau, adhérent, directeur alimentaire GALEC

Mme Sophie Boudon-Le Goff, directrice juridique GALEC

Coordination Rurale

M. François Lucas, vice-président

Médiation des relations commerciales agricoles

M. Francis Amand, médiateur, inspecteur général de l’INSEE

M. Pierre Debrock, médiateur délégué

M. Robert Deville, médiateur délégué

Groupement des mousquetaires

M. Emmanuel Fouilland, secrétaire général d’ITM Alimentaire

M. Jacques Woci, directeur général du Groupement des Mousquetaires

Système U

M. Serge Papin, président du groupe Système U

Mme Anne Byzery, directrice juridique du groupement Système U

Fédération française des Industriels Charcutiers Traiteurs (FICT)

M. Robert Volut, président

Mme Catherine Goavec, déléguée générale

Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France (FEEF)

M. Dominique Amirault, président

Mme Christine Barthe, déléguée générale

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

1 () Rapport d’information n° 3322 du 6 avril 2011 sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie présenté par Mme Catherine Vautrin et M. Jean Gaubert, p. 41 et 42.

2 () Communiqué de presse du 11 septembre 2014.

3 () Communiqué de presse du 8 octobre 2014.

4 () Concomitamment, l’Autorité de la concurrence était saisie, sur le fondement de l’article 461-5 du code de commerce, d’une demande analogue de la Commission des affaires économiques du Sénat, demande à laquelle l’Autorité a répondu par le même avis.

5 () Autorité de la concurrence, Avis n° 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution.

6 () Avis n° 15-A-06 p. 67.

7 () Entretien avec le magazine LSA du 11 décembre 2014.

8 () Guerre des prix en France, Bilan et enseignements pour les autres pays européens, IRI, juillet 2015

9 () Les Échos du 6 mai 2015.


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